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INTERNATIONAL

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terres fertiles, petrole : le sud-soudan, pays neuf a vendre le sud-soudan devient formellement indépendant samedi. ravagé par la guerre, convoité pour son pétrole, le nouveau pays dispose d'un fort potentiel agricole. et les investisseurs étrangers l'ont bien compris.

est clairement de morceler les terres acquises et de les revendre. Car personne n'est en mesure de mettre en valeur 600 000 hectares au Soudan. Il y un évident but de spéculation. Ce genre d'accord est signé par des compagnies véreuses qui

est l'ONG Norwegian People's Aid qui s'alarme. Dans un récent rapport, elle souligne que depuis 2007, 9% de la superficie totale du nouvel Etat ont déjà été attribués à des firmes étrangères. Soit 5,74 millions d'hectares.

les Chinois reluquent le pétrole suD-souDanais

C'

« Il est très difficile de vérifier ce genre d'information, en raison du caractère secret des transactions », affirme Philippe Hugon, directeur de recherches à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), en charge de l'Afrique. Cela reflète néanmoins une tendance : de nombreuses firmes ont profité du chaos

un heCtare au suDsouDan ? 3 Centimes qui régnait ces dernières années pour acheter à bas coût. Une entreprise texane aurait ainsi acquis 600 000 hectares sud-soudanais pour la modique somme de 25 000 dollars (17 500 euros). Le prix de l'hectare revient donc à… 3 centimes d'euro ! La société Nile Trading and Development Inc., selon le think thank Oakland Institute, obtient donc le droit d'exploiter toutes les ressources naturelles de « son » territoire pendant 49 ans. Avec en outre une option pour louer 400 000 hectares supplémentaires. Marc Lavergne est géographe, directeur du Centre d'études et de documentation économiques, juridiques et sociales d'Egypte et du Soudan (Cedej). Le chiffre lui paraît « énorme » : « Cette firme a dû obtenir un bout de papier qui ne vaut pas grand-chose. Son but

ont souhaité profiter de l'état de nondroit. » Et cette entreprise américaine n'est pas la seule. Nombreuses sont les firmes ayant des vues sur ce nouveau marché. Selon l'ONG Norwegian People's Aid, des dizaines d'entreprises ont acquis des terres cultivables. Parmi elles, des investisseurs indiens, canadiens ou ougandais. Et encore, l'étude se concentre uniquement sur les transactions liées à l'agriculture, la foresterie et le tourisme. Les accords entre les compagnies minières et pétrolières n'ont pas été pris en compte. Or, du pétrole, le futur 193e Etat en regorge. Marc Lavergne (Cedej) met en avant les intérêts chinois qui « souhaitent aussi investir dans le pétrole ». Le consul chinois du Commerce pour le Sud-Soudan, Zhang Jun, l'a confirmé au journal espagnol ABC : « Le pétrole reste la colonne vertébrale de l'économie du nord et du sud. Donc attendez-vous à ce que nous poursuivons notre excellente relation avec les deux Etats. » Le premier défi du chef de l'Etat Salva Kiir sera de stabiliser les relations avec son voisin du nord, le Soudan, et d'éviter l'engrenage de la violence au sein de son pays. Depuis le début 2011, près de 2 400 Sud-Soudanais sont morts suite à des accrochages entre les différentes tribus. Réguler la vente des terres n'est donc pas la priorité du moment. Au Sud-Soudan, tout reste à construire.

Selon Marc Lavergne : « [Le président Kiir] n'a aucune politique agricole déterminée pour le moment. Depuis 1970, les terres appartiennent à l'Etat. Mais il n'y a aucune raison pour que les titres de propriété du nord tombent d'un coup. Pour le moment, le SudSoudan n'est pas en mesure de distribuer ses terres. Mais à terme, il peut choisir ou non de rendre leurs terres aux tribus. » « La population est souvent exclue des négociations », confirme Philippe Hugon (Iris), quand bien même elle « dispose d'un droit d'usage, ancestral et non écrit,

Des populations sur le Départ ? de ses terres ». Que deviendront ces contrats à partir du 9 juillet ? Quelle sera la politique de droit foncier choisie par le nouvel Etat ? Un aspect demeure cependant certain : la location de terres et la spéculation sur celles-ci ne profitent jamais aux populations locales. Or, le Sud-Soudan est un pays très hétérogène. A partir du moment où un contrat est signé, deux choix s'offrent à eux, selon Marc Lavergne : « Soit ils deviennent ouvriers agricoles, soit ils rejoignent les bidonvilles de la capitale, Juba. C'est ce qui se passe déjà au nord. Il n'y a donc aucune raison pour qu'il n'en soit pas de même au sud. » Selon le chercheur, les populations les plus menacées sont les tribus nomades, les éleveurs de vaches ou cultivateurs de maïs. Une préoccupation bien lointaine des investisseurs étrangers. ▉Aticle rue 89


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