huitième numero (Page 06)

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DOSSIER la police ou la gendarmerie, fait une enquête pour savoir si les faits pour lesquels vous avez formulé votre plainte sont exacts. Elle procèdera à des auditions, à des actes de vérification. Quand les investigations vont finir, elle va dresser un procès verbal de l’ensemble de ses constatations et va transmettre le procède verbal au procureur de la République. Si le procureur de la République estime que les faits sont constitutifs d’une infraction à la loi pénale, il décide de poursuivre. C’est cette période qui précède la poursuite qui est appelée Enquête préliminaire. Dans cette période, le procureur de la République peut poser tous actes nécessaires à la manifestation de la vérité sur les faits dénoncés. Quels sont les actes qu’il peut poser ou que les enquêteurs peuvent poser ? D’abord «ils entendent toutes personnes susceptibles de fournir des renseignements » (Article 74 al1). Ils peuvent faire des perquisitions, des visites domiciliaires et saisies de pièces. (Article 75). La perquisition consiste en la fouille d’un magasin, d’un bureau ou d’un entrepôt, et même d’un domicile à la recherche d’éléments pouvant permettre d’établir la constitution d’une infraction. Il ne s’agit ici que de la recherche de pièces ou tous éléments justifiant la plainte. Mais à quel moment intervient la réquisition ? Les textes qui ont été cités ne disent pas de façon expresse que le procureur de la République réquisitionne telle ou telle personne. Dans notre droit positif, c’est l’interprétation de l’article 41, par le terme «tous actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale », qui autorise l’usage de la contrainte par des réquisitions. Donc par ce texte, le procureur peut procéder à tous les actes qu’il faut pour la recherche et la poursuite de l’infraction à la loi pénale. Et l’article 75 précise que c’est pour la recherche des pièces. A ce titre, il peut «requérir un médecin» tenu par un secret professionnel de lui fournir certaines informations. Et le médecin a l’obligation de s’exécuter. Il peut également «requérir un banquier » tenu par le secret bancaire de lui fournir des informations sur le compte d’une personne dans le cadre d’une enquête. Le banquier est tenu de donner les informations. Il ne s’agit ici que d’information, parce qu’il s’agit d’une enquête préliminaire. La définition qui est donnée de la réquisition ne s’applique pas ici. La réquisition n’a pas le même sens ici. A ce stade de l’enquête, aucune poursuite n’est encore engagée contre l’individu. On ne recherche que des éléments pouvant justifier la poursuite. Pour mémoire «la réquisition est l’opération de puissance publique par laquelle, dans les conditions strictement déterminées par les lois et les règlements, une autorité administrative ou militaire im-

6 pose d’autorité à une personne (physique ou morale, de droit privé ou, éventuellement de droit privé) l’accomplissement de certaines prestations en vue d’un but d’intérêt général ». Or c’est ce type de réquisition que le procureur de la République près le Tribunal d’Abidjan a utilisée pour bloquer les comptes, alors qu’aucun des articles qu’il a cités ne lui donne ce pouvoir. D’ailleurs, en matière judiciaire, seul le juge d’instruction, par une ordonnance de séquestre, peut bloquer les comptes d’un prévenu, ou le tribunal par un jugement, peut ordonner une saisie de compte et non le procureur de la République. L’acte posé par le procureur de la République près la Tribunal d’Abidjan est illégal, parce qu’il n’est fondé sur aucun texte de la loi. Il est donc incompétent pour prendre un tel acte. Cet acte doit être qualifié «d’acte inexistant ». Il s’agit manifestement d’une voie de fait commise par ce haut magistrat Hors Hiérarchie, qui est censé protéger les citoyens contre l’arbitraire. Les articles 41, 74 et suivants ne permettent pas au procureur de la République de prendre une réquisition pour geler les avoirs des citoyens. C’est dommage que le procureur de la République soit soutenu dans cette illégalité, par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice qui, dans sa dernière conférence de presse, faisait cas des réquisitions du procureur de la République sans les dénoncer. Quand deux juristes s’associent pour violer la loi, il y a de quoi à s’interroger sur leur mobile. Veulent-ils couler le président de la République dont ils sont les premiers conseillers juridiques ? Cette illégalité est renforcée par le deuxième visa qui énonce des décisions du Conseil de l’Union européenne. 2- De l’inapplicabilité des décisions du Conseil de l’Union européenne Le procureur de la République fonde également sa décision sur celles prises par l’Union européenne à l’encontre de la Côte d’Ivoire. Ces décisions peuvent-elles justifier la prise de la réquisition des comptes ? Le Conseil de l’Union européenne n’est pas un organe de l’administration ivoirienne, ni une institution de la République. Par conséquent, ses décisions n’ont aucune valeur juridique en Côte d’Ivoire. Peut être que la Côte d’Ivoire a signé un traité avec l’organisation européenne qui permet que ces décisions aient une valeur juridique en Côte d’Ivoire. Si le Procureur ne cite pas un tel texte, c’est qu’il n’existe pas. Les décisions du Conseil de l’Union européenne s’appliquent sur son territoire, et non en Côte d’Ivoire. C’est ce qui explique que cette organisation ne peut pas geler les fonds des Ivoiriens dans les banques ivoiriennes, si ce n’est en Europe. Pour qu’une décision de la l’Union eu-

ropéenne s’applique ici, il faut qu’il s’agisse d’une décision d’une juridiction, notamment la Cour européenne de justice. Encore que pour que la décision d’une juridiction étrangère s’applique en Côte d’Ivoire, il faut respecter certaines conditions. Ce sont les articles 345 à 350 du Code de procédure civile, commerciale et administrative qui réglementent l’exécution des décisions étrangères. L’article 345 ordonne que «Les décisions judiciaires, contentieuses ou gracieuses rendues dans un pays étranger ne peuvent donner lieu à aucune exécution fondée ou à aucune publicité sur le territoire de la République qu’après y avoir été déclarée exécutoire sous réserve des dispositions particulières résultant des conventions internationales ». On parle alors d’exequatur de la décision. Les décisions du Conseil de l’Union européenne ne respectant pas les conditions imposées par les articles cités, ne peuvent être exécutées en Côte d’Ivoire, parce que le Conseil de l’Union européenne n’est pas une instance juridictionnelle. En se basant sur ces décisions pour procéder au blocage des comptes bancaires d’honnêtes citoyens, le procureur de la République renforce le caractère illégal de sa décision. Cette décision viole aussi la Constitution ivoirienne et la loi.

B-De la violation de la Constitution et de la loi Nous avons démontré plus haut que les textes de loi et les décisions sur lesquels le procureur de la République s’est fondé ne lui donnaient pas le pouvoir de prendre la réquisition contestée. Mais plus grave, cette décision viole la Constitution qui est la loi fondamentale. 1-De la violation de la Constitution La Constitution est la loi fondamentale, qui sert de fondement à tout texte que vote le parlement. Toutes les lois votées en Côte d’Ivoire ne doivent pas être contraires à elle, sinon elles deviennent anticonstitutionnelles. La réquisition viole l’article 15 de la Constitution en définissant la réquisition, nous avons indiqué qu’elle a un caractère contraignant, qu’elle doit être limitée dans le temps, et qu’elle donne lieu à réparation. Or, la décision du procureur de la République n’est pas contenue dans un délai précis. «Les comptes sont gelés jusqu’à nouvel ordre ». Les fonds déposés dans un compte en banque sont la propriété du déposant qui en use à sa guise. Le banquier n’est que le gardien. Le priver d’avoir accès à son argent sans raison, et de façon indéterminée, constitue une atteinte à son droit de propriété que garantie la Constitution. En effet, l’article 15 dispose que «Le droit de la propriété est garanti à tous.


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