huitième numero (Page 04)

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DOSSIER

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le honteux Complot

M.

Serge-Stéphane Silué est juriste-consultant dans une grosse entreprise de la place. Comme bien des Ivoiriens, il est outré et ne sent plus bien dans sa peau quand il observe les rapports qu’entretient le nouveau pouvoir avec la justice. La Constitution est constamment violée comme le sont de nombreuses femmes dans les villes, villages et campement de notre pays, les Codes de procédure pénale et civile sont piétinés, bref ! la justice est instrumentalisée pour servir une cause hautement politique. Prenant comme élément de base d’un travail scientifique qu’il nous propose sur le gel des avoirs des fonctionnaires ivoiriens ayant travaillé avec le régime renversé de Laurent Gbagbo, le juriste-consultant démonte cet affreux montage et demande que justice soit faite le plus tôt possible. Depuis la prise de pouvoir de M. Dramane Ouattara, la Côte d’Ivoire vit une nouvelle ère démocratique. L’exigence démocratique fondée sur le respect du droit, connaît une forte perturbation, pour ne pas dire qu’elle est pratiquement inexistante. Le recours à la justice normative a fait place à une justice extra judiciaire où l’exécution sommaire et toute sorte de voie de fait sont devenues l’apanage des hommes en arme. C’est à cette gouvernance de non droit que le procureur de la République tente d’apporter un vernis juridique. Malheureusement, le constat qui se dégage c’est que celui-ci n’ayant pas appris quelque cour d’esthétique, applique mal le vernis qui n’arrive pas à cacher la dictature des armes. Depuis sa nomination, le procureur de la République pose différents actes dans le but, semble-t-il, de poursuivre les auteurs des infractions commises par le régime Gbagbo depuis les élections du 28 novembre 2010. Parmi ces actes, on retrouve les deux réquisitions faites aux banques portant «empêchement de tous mouvements financiers sur

les comptes » et «interdiction jusqu’à nouvel ordre de toutes transactions sur les actions et obligations et autres titres détenus » par certaines personnes. Au regard de la persistance de l’utilisation de cette procédure, il y a lieu de s’interroger sur la légalité de cette procédure, et sur les raisons qui la sous-tendent à savoir «avoir pactisé avec le gouvernement de Gbagbo alors que cela était interdit».

i-le droit de réquisition La réquisition est une pratique vieille de plusieurs siècles, c’est pourquoi il convient d’en donner la définition et voir dans quel contexte elle était utilisée(A) et son évolution (B).

A-définition et contexte historique de la réquisition 1-définition Selon le «dictionnaire de la Culture Juridique », c’est «en 1180 qu’apparaît le mot ‘requête’ emprunté du latin requisitio. On note deux sens : 1_ requête à un Tribunal ou à une Administration. 2_à partir de 1793 : opération unilatérale par laquelle l’autorité administrative (autorité civile ou militaire) contraint une personne physique ou morale, qui sera ultérieurement indemnisée, à fournir, soit à elle-même, soit à des tiers, des prestations de service, l’usage de biens immobiliers ou la propriété ou l’usage de biens mobiliers, en vue de la satisfaction de besoins exceptionnels et temporaires reconnus d’intérêt général dans les conditions définies par la loi » ( Denis Alland et Stéphane Rials « Dictionnaire de la Culture Juridique » p.1339). Comme on peut le constater, des deux définitions celle qui recueillera une attention particulière sera la deuxième. Elle cadre bien avec les actes que nous essayons de soumettre à la censure du droit. De la définition de la réquisition nous pouvons relever quelques caractéristiques: ● c’est une opération unilatérale de l’administration ● une opération par laquelle l’autorité

administrative contraint une personne physique ou morale ; ● l’indemnisation ultérieure de la personne ● il s’agit de la satisfaction de besoins exceptionnels et temporaires reconnus d’intérêt général dans des conditions définies par la loi. Ce sont ces caractéristiques qui ont accompagné l’évolution de la notion jusqu’à nos jours de sorte que la réquisition est réglementée dans son usage. 2-Contexte historique

Traditionnellement, la réquisition est liée aux missions régaliennes de l’Etat, notamment la garantie de la sécurité de la nation. C’est pourquoi, dans l’ancien temps, la réquisition était l’apanage de l’armée. L’on réquisitionnait les récoltes pour l’approvisionnement des troupes où des logements pour accueillir les soldats lorsqu’ils étaient de passage dans une localité. Il faut signaler qu’à cette époque, la réquisition ne donnait pas lieu à indemnisation. Mais elle va connaître un coup d’accélération avec les guerres en Europe, marquant ainsi son évolution.

B- l’évolution de la notion à partir du Décret du 23 août 1793 en France La pratique de l’utilisation de la réquisition par l’armée avec les guerres, était devenue courante. Aussi des voix s’élevaient pour dénoncer certaines dérives. Les plus critiques de celles-ci étaient les philosophes de la Lumière qui condamnaient cette pratique, parce qu’ils y voyaient la violation des droits et des libertés individuelles. Cette situation verra apparaître en France de nombreux textes, dont les plus significatifs sont : le Décret du 23 août 1793 ; la loi du 03 juillet 1877 ; la loi du 11 juillet 1938 modifiée par l’ordonnance du 06 janvier 1959. A partir de ces lois, la Réquisition pouvait intervenir désormais dans un cadre réglementé. La satisfaction des besoins militaires va s’accroître avec les deux guerres mondiales. Cependant, la Réquisition n’acquière pas encore un caractère permanant, mais était utilisée «lorsque les circonstances l’exigent». Avec la loi du 11 juillet 1938, apparaît les réquisitions civiles. Cette loi sera plusieurs fois modifiée, notamment par l’ordonnance du 06 janvier 1959, selon laquelle les réquisitions peuvent être décidées «pour assurer les besoins du pays ».


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