Osez le féminisme n°10

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Signez l’appel des féministes contre la réforme des retraites sur notre site !

http://www.osezlefeminisme.fr - n°10 - octobre 2010

UN

ENFANT SI JE VEUX

Et pourtant, en 2010, ce droit obtenu de haute lutte par les femmes est encore attaqué. L’accès à l’avortement est de plus en plus difficile : centres d’interruption volontaire de grossesse regroupés ou fermés, délais d’attente pour un premier rendez-vous qui s’allongent, les médecins qui pratiquent des avortements moins nombreux, loi de 2001

non appliquée… Et surtout, aucune volonté politique de remédier à ces difficultés. Le dossier de ce mois-ci revient donc sur ces remises en causes, ainsi que sur les différentes idées reçues qui pèsent encore sur les femmes, entravant l’exercice libre et serein de ce droit. Au vu de cette réalité, les associations féministes se mobilisent : parce que l’avortement est au cœur de l’émancipation des femmes, de leur droit à choisir d’avoir ou non un enfant, parce que nous refusons que la logique économique prenne le pas sur les droits des femmes, pour défendre le droit à l’avortement « où je veux, quand je veux, comme je veux », nous serons dans la rue le 6 novembre prochain à Paris, et espérons vous y retrouver nombreuses et nombreux.

Qui sommes nous ?

Agenda >> Journées de mobilisations pour défendre nos retraites Jeudi 28 octobre et samedi 6 novembre Participez aux points fixes féministes dans les manifestations et signez l’appel des féministes contre la réforme des retraites sur notre site.

>> Mobilisation nationale pour la défense du droit à l’avortement Samedi 6 novembre à Paris Rendez-vous à 14h, Place d’Italie à l’initiative de l’A.N.C.I.C., de la C.A.D.A.C., et du Planning Familial

>> Journée Internationale pour l’élimination de la violence envers les femmes Jeudi 25 novembre Osez le féminisme prépare des actions en vue de cette journée. Pour en savoir plus, contactez-nous !

Les militantes d’Osez le féminisme ! Nancy en action lors d’une manifestation contre la réforme des retraites. Osez le féminisme ! existe désormais dans plusieurs villes (Toulouse, Lyon, Grenoble, Nantes, Versailles). De nouvelles antennes se sont lancées récemment à Nancy et Metz et d’autres sont prévues à Rennes, Lille, Bordeaux, en Essonne ou dans les Hauts-de-Seine. Si vous souhaitez participer à la création du réseau près de chez vous, contactez-nous !

ISSN 2107-0202 - contact@osezlefeminisme.fr - www.osezlefeminisme.fr

Parce que nous considérons que l'émancipation de toutes et tous passe par l'égalité, nous nous rassemblons, femmes et hommes, militantes et militants aux expériences diverses, pour prendre part au combat féministe. Violences, discriminations, dominations, oppressions, nous en avons assez. Nous affirmons les valeurs universelles portées par le féminisme, combat progressiste pour l’égalité et la laïcité.

Edito

35 ans après l’adoption de la loi Veil légalisant l’avortement, 9 ans après la loi de 2001 qui a allongé les délais légaux et permis aux mineures d’avorter sans l’accord parental, on pourrait penser que le droit à l’avortement, liberté fondamentale des femmes à disposer de leur corps, est définitivement acquis.


Brèves Maison close, débat ouvert ! La nouvelle série de Canal+ a été lancée en octobre à grand renfort d’affiches. Si le slogan « Les hommes rêvent d'y entrer, elles se battent pour en sortir » semble dénoncer la prostitution comme un système carcéral hyperviolent, la représentation des prostituées confortablement assises sur des sofas, offertes, légèrement vêtues de soie et de dentelle, est ambigüe. De plus, affirmer que tous les hommes rêvent d’y entrer révèle une vision caricaturale de la sexualité masculine. A l’heure où l’on parle de réouverture des maisons closes en France, on peut légitimement se demander quel impact aura la série sur l’opinion. Julie Muret

Our Body, notre corps L’exposition nord-américaine de corps humains « Bodies » propose de découvrir le corps humain dans ses moindres recoins : squelette, système respiratoire, système nerveux, organes de reproduction, muscles, etc. Les salles sont organisées thématiquement et les corps de femmes sont étrangement absents, sauf… dans une pièce intitulée « la chambre de reproduction ». Une fois de plus, le corps des femmes est caché et la femme réduite à sa seule fonction reproductrice. Ce que l’on retient : le genre humain est masculin. Les femmes seraient donc une sous-catégorie servant uniquement à la reproduction ? Iris Naud

Une femme à la tête d’une fédération syndicale La fédération CGT des mines et de l’énergie a élu pour la première fois une femme à sa tête. Virginie Gensel est devenue en mars dernier leur nouvelle Secrétaire Générale. La présence des femmes à un haut niveau de responsabilité est un signe de l’évolution de notre société et un point d’appui pour que la parité se réalise dans tous les domaines. Néanmoins, force est de constater que si ce type d’élection fait parler d’elle, c’est qu’elle reste encore trop rare. En politique, dans la vie associative ou syndicale, le partage des responsabilités reste encore à construire !

« Il y a trop d’avortements en France » Depuis 35 ans, le nombre d’interruptions volontaires de grossesse est stable, autour de 200 000 par an, et pourtant on nous dit qu’il y a trop d’avortements en France. Mais trop par rapport à quoi ? Effectuons un calcul rapide : une femme connaît en moyenne 400 cycles dans sa vie (4 jours de fécondité), qu’on multiplie par les 15 millions de femmes en âge fécond, ce qui fait 23 milliards de probabilités de conception au cours d’une génération. Trouvez une population de 15 millions d’individus capables de répéter 1 600 fois la même action (le contrôle de sa fécondité) sans se tromper. Ca n’existe pas. Si on s'en tient aux chiffres, de 1976 à 1990, la proportion de femmes ayant eu recours à l’avortement au moins une fois au cours de leur vie est passée de 59 % à 38 %. Dans la même période, le nombre de naissances a progressé et le nombre de grossesses non désirées, en particulier chez les adolescentes, a diminué. Alors, y a-t-il a trop d’avortements ? N’y a-t-il pas plutôt encore trop de tentatives de culpabiliser les femmes lorsqu’elles font usage d’un droit inaliénable à disposer de leur corps ? Noémie Oswalt

Caroline De Haas

Sports de filles, sports de garçons ? La marque Décathlon a lancé en septembre une campagne de publicité pour des articles de sport à destination des enfants. Sur son site internet, un « jeu » interactif proposait d’aider les parents à trouver le sport le plus adapté à leur enfant, en fonction de ses traits de caractère. Or, surprise, les sports étaient proposés selon des stéréotypes sexistes : danse pour les filles, football pour les garçons… Suite à l’interpellation des internautes quant au sexisme de cette présentation, la marque a rectifié le tir quelques heures plus tard, proposant l’ensemble des sports aux enfants des deux sexes.

Sources : INED pour l'IVG et INSEE pour la population

Carole Chotil-Rosa 2 - Osez le féminisme - Octobre 2010 - www.osezlefeminisme.fr


Actus

Bienvenue à l’ONU Femmes L'Entité de l'ONU pour l'égalité de genre et l'autonomisation des femmes est une agence créée dans le but de « promouvoir la parité et l'autonomisation des femmes partout dans le monde ». Elle est placée sous l’autorité directe du Secrétaire Général des Nations Unies. Pendant de nombreuses d’éducation, 87% des hommes décennies, l'ONU a réalisé des dans le monde sont alphabétisés progrès significatifs dans la contre seulement 77% des promotion de l'égalité des sexes, femmes. notamment par le biais des La création de l’ONU Femmes est accords historiques tels que la prévue dans le cadre du Conférence de Pékin sur la programme de réforme des population (1995) et la Nations Unies, qui réunit Convention sur « L'ONU a été les ressources et les l'élimination de toutes pour un impact confrontée à de mandats les formes de plus fort. ONU Femmes, discrimination à l'égard sérieux défis dans qui doit commencer à des femmes (CEDAW). fonctionner le 1er

ses efforts pour

L'ONU a été confrontée janvier 2011, rassemble promouvoir à de sérieux défis dans sous sa coupe les l'égalité des ses efforts pour activités de plusieurs promouvoir l'égalité des organes déjà existants sexes » sexes au niveau concernant les droits des mondial, notamment le femmes. Ainsi la division manque de financement et pour l'avancement des femmes l’absence de pilote unique et (DAW), fondée en 1946, l'Institut reconnu pour diriger les activités international de recherche et de des Nations Unies sur ces formation pour l'avancement des questions. femmes (Instraw, 1976), le Fonds de développement des Les inégalités entre les sexes Nations unies pour les femmes restent profondément ancrées (Unifem, 1976) et le Bureau du dans toutes les sociétés. conseiller spécial pour la parité Les femmes sont confinées à des des sexes et la promotion des postes subalternes et à des femmes (Osagi, 1997) emplois moins rémunérateurs. La fusionneront dans la nouvelle plupart du temps, elles sont entité. privées de l'accès à l'éducation et aux soins. Une femme sur trois dans le monde souffre de la violence et des discriminations. Elles sont sousreprésentées dans les domaines politique et économique des processus décisionnels, alors que dans le monde on compte 1,01 homme pour 1 femme soit une quasi-égalité. En terme

Le secrétaire général Ban Kimoon, a annoncé le 14 Septembre 2010 la nomination de Michelle Bachelet, l'exprésidente chilienne, en tant que directrice exécutive et soussecrétaire générale à la tête de l’ONU Femmes. Elle sera membre de tous les organes supérieurs de l'ONU prenant des

décisions et remettra des rapports au Secrétaire général. Cette organisation aura son siège social à New York. Mme Bachelet a défini la lutte contre les violences contre les femmes comme la priorité des objectifs de l’ONU Femmes, lors de la réception du « prix du courage au féminin », décerné par RadioCanada et Reporters sans frontières, le 6 octobre dernier. « A cinq ans de la date butoir des objectifs du millénaire pour le développement, programme phare fixé en 2000 par l'ONU, les plus en retard sont ceux en liens avec l'égalité des sexes. Mais en créant cette nouvelle agence onusienne, la communauté internationale a décidé de donner une importance politique à cette question », estime Mme Bachelet. Soudeh Rad > http://www.unwomen.org

Les missions de l’ONU Femmes •

Soutenir les organismes inter-gouvernementaux, tels que la commission de la condition de la femme, dans leurs choix politiques et des normes mondiales

Aider les Etats membres à mettre en œuvre ces normes, se tenant prête à fournir un appui approprié technique et financier aux pays qui le demandent et à nouer des partenariats efficaces avec la société civile.

Maintenir le système des Nations Unies responsable de ses propres engagements en matière d'égalité entre les sexes.

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Dossier

L’ AVORTEMENT UN DROIT !

EST

Le 6 novembre prochain aura lieu une manifestation nationale pour la défense du droit à l’avortement. Quelques rappels sur ce droit fondamental pour les femmes, obtenu de haute lutte en 1975. « Pouvoir avoir les enfants que nous voulons », chantaient les féministes dans les manifestations. Un droit qui leur a permis de ne plus subir de grossesses non désirées, de disposer de leur corps et de s’émanciper. Pourtant, si le d ro it d ' in t e r ro m p re une grossesse non désirée est entériné dans la loi, ce droit est régulièrement remis en cause, faute de structures, de médecins et surtout, faute de volonté politique. Sans compter que de nombreuses idées reçues persistent et culpabilisent les femmes. L’ordre moral et religieux fait par notamment encore souvent entendre sa petite musique anti-choix. Le Vatican a toujours bataillé - et continue de le faire - contre la légalisation de l’avortement : au nom du droit à la vie dès la conception, l’avortement est assimilé à un infanticide. L’Islam et le Judaïsme le considèrent également comme un crime. Les religions refusent aux femmes ce choix personnel et individuel. C’est sous leurs

pressions que la Cour de cassation a autorisé en 2008 à déclarer un fœtus né sans vie à l’état civil même s’il n’a pas atteint le seuil de viabilité défini par l’OMS, 22 semaines de grossesse ou un poids de 500 grammes.

désastreuses et à des prix prohibitifs, sans médecin. Se retrouvant parfois à l'hôpital avec l'angoisse d'être dénoncées et accusées pénalement. L'IVG, un droit des femmes

Grâce aux luttes féministes des années 70, au procès de Bobigny, au manifeste des 343 Les livres d'histoire n'en parlent femmes, la loi de 1975 sous jamais, mais avant la loi de l'impulsion de Simone Veil, 1975, les femmes vivaient ministre de la santé, fut perpétuellement dans la hantise adoptée, après des débats d'une grossesse non désirée. Ne houleux. Une loi provisoire, disposant pas de modes de adoptée à l'essai pour 5 ans : contraception efficaces et sûrs, du jamais vu en matière elles avaient recours juridique. Les femmes aux moyens les plus ont alors pu divers : potions interrompre une douteuses, objets de « L’IVG n’est pas grossesse non voulue toutes sortes placés un échec, c’est le à l'hôpital, dans des dans l'utérus, aiguilles conditions décentes et droit pour les à tricoter... Les femmes à disposer sûres. inégalités sociales de leur corps » Le droit à l’avorteétaient criantes : les ment a constitué une femmes issues de avancée majeure pour milieux f avo r is é s les femmes, car il a renforcé pouvaient aller avorter à leur liberté de disposer de leur l’étranger tandis que les autres corps, après des siècles de « se débrouillaient » et fécondité subie. Cette libération avortaient dans des conditions Les femmes avorté

ont

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toujours


Dossier a des répercussions importantes en terme d’autonomie des femmes dans de nombreux domaines de la vie. Et pourtant, plus de 30 ans après la loi, l'avortement est toujours vu au mieux comme un échec, au pire comme une faute. Or, dans les faits, quand une femme veut utiliser un moyen contraceptif, si elle est jeune, on lui recommandera le préservatif, si elle est en couple, la pilule, si elle a des enfants, le dispositif intra utérin (stérilet). Pourtant, ce que la sociologue Nathalie Bajos appelle « la norme contraceptive française » ne convient pas à toutes. On continue de culpabiliser les femmes et de les traiter de têtes en l'air oubliant leur pilule, voire d'écervelées, plutôt que de remettre en question un schéma contraceptif bien établi ! Le remboursement de tous les contraceptifs par la Sécurité sociale permettrait à chaque femme de choisir celui qui lui semble le plus adapté, hors des contraintes financières actuelles. Il est également nécessaire d'améliorer la formation des médecins sur la contraception et l'IVG. L'avortement n'est pas un problème de santé publique, c'est un droit des femmes L'IVG n'est pas dangereux : les deux méthodes, par aspiration ou par voie médicamenteuse, ne présentent pas d'autre risque que ceux liés à l'anesthésie locale ou générale. Il s’agit d’un acte chirurgical assez simple, sans conséquence sur la fécondité ultérieure. En 1975, lorsque Simone Veil soumit cette loi à l’Assemblée nationale, dans un climat hostile, elle plaidât une question de « santé publique »

et d'égalité sociale. Enfin, l'IVG est encore souvent vue comme un évènement obligatoirement traumatisant. Certes, il est important de pouvoir être accompagnée et écoutée, si on en ressent le besoin. Mais aujourd'hui encore, le sujet est tabou, les femmes n'en parlent pas entre elles et il est quasiment impossible d'avouer « bien le vivre ». L'IVG est toujours vue comme une simple tolérance,

accordée aux femmes, mais qui pourrait être évitée. Finalement, derrière l'avortement, c'est sans doute la sexualité des femmes, rendue libre et dissociée de la reproduction, qui fait toujours peur. Pourtant, le droit à la contraception et à l'avortement a changé la vie des femmes et c'est bien en cela la plus grande révolution du XXème siècle. Julie Muret

Un avortement, comment ça se passe ? • En cas de raté de contraception ou après un rapport sexuel non protégé, attendre au minimum 10 jours pour faire un test de grossesse urinaire (à se procurer en pharmacie). Si le test est positif, prendre rendez-vous chez un médecin pour un test sanguin de confirmation. Poursuivre ou non une grossesse relève de votre unique choix. Vous n’avez pas à justifier votre décision, le médecin est là pour vous accompagner.

• 1ère consultation médicale : demande d’une IVG. Votre décision est prise, vous vous adressez au médecin de votre choix, gynécologue ou généraliste ou dans un centre de planification. Le médecin vous informe, sur les différentes méthodes et vous remet un dossier-guide. Pour l’échographie de datation de la grossesse (pas obligatoire mais souvent demandée), précisez que c’est pour une IVG. Un délai d’une semaine de réflexion est obligatoire mais peut être réduit à 2 jours. Un entretien psycho-social est proposé, il n’est obligatoire que pour les mineures.

• 2ème consultation médicale : diagnostic précis du terme de la grossesse et choix de la méthode d’avortement. Entre 2 et 7 semaines d’aménorrhée*, vous pouvez choisir la méthode : soit médicamenteuse, pratiquée en centre hospitalier, en centre de planification ou par un médecin conventionné ; soit chirurgicale (par aspiration) pratiquée en centre hospitalier, sous anesthésie locale ou générale. Au-delà de 7 semaines, seule la méthode chirurgicale peut être pratiquée. Au-delà de 12 semaines de grossesse, l’IVG ne peut être pratiquée que dans certains pays : consulter un centre du Planning Familial (MFPF). Attention, il peut y avoir jusqu’à trois semaines d’attente.

• Troisième consultation : pratique de l’IVG. L’IVG chirurgicale est pratiquée à l’hôpital, par aspiration et l’hospitalisation ne dure quelques heures. L’IVG médicamenteuse consiste à prendre devant le médecin deux comprimés de Mifégyne, qui interrompt la grossesse, puis 2 à 3 jours après, reprendre un autre médicament pour provoquer l’expulsion, soit des saignements, comme une fausse couche.

Pour en savoir plus, www.planning-familial.org www.ancic.asso.fr/avortement.html

et

** L’aménorrhée correspond au temps écoulé depuis le premier jour des dernières règles.

Article réalisé par Bénédicte Brocard

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Dossier semaines ?

APPEL À LA MOBILISATION

Depuis 1979, les établissements publics hospitaliers sont obligés d’avoir un Centre d’IVG en leur sein. Et le garant même de ce droit, l’hôpital public, n’a pas toujours donné l’exemple. Outre le non respect de certains aspects de la loi de 2001, la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) a rendu plus difficile l’accès à l’IVG. En effet, cette loi regroupe les établissements de santé, entrainant ainsi la fermeture de plusieurs hôpitaux de proximité, dont bien entendu des centres pratiquant des IVG. De plus, les médecins militants des années 1970, qui ont choisi de pratiquer dans les centres IVG, partent à la retraite et peinent à trouver des relais chez les jeunes praticiens.

!

En portant atteinte aux services médicaux de proximité, c’est la liberté même d’avorter que l’on remet en cause, et pl us particulièrement celle des femmes l es pl us d é mu ni es. M oi ns d’hôpitaux implique plus de liste d’attente, et un accompagnement de moins bonne qualité. Par ailleurs, la tarification à l’activité, nouvelle méthode de financement des hôpitaux, incite les établissements à limiter les actes chirurgicaux estimés non rentables, et notamment la l’IVG. Aujourd’hui, on pousse les femmes à recourir à l’IVG médicamenteuse (possible jusqu’à 7 semaines). L’objectif : sortir l’IVG des hôpitaux. Mais que faiton des femmes souhaitant pratiquer l’IVG au-delà de 7

Plusieurs centres d’IVG ont disparu depuis 2009, comme celui de l’hôpital Tenon à Paris qui a fermé ses portes en catimini, sans qu’aucune information ne soit donnée aux habitants du quartier. Cette fermeture a d’ailleurs donné naissance au collectif unitaire de Tenon qui lutte contre ce démantèlement. A Paris, les centres St Antoine et Broussais sont aussi menacés de fermeture. La loi de 2001 n’est pas toujours respectée : certains établissements refusent d’accueillir les femmes jusqu’à 12 semaines de grossesse et il arrive trop souvent que les délais d’attente dépassent 3 semaines, ce qui peut conduire les femmes à dépasser le délai officiel de 12 semaines pour avorter. Elles sont alors contraintes d’aller avorter dans des pays frontaliers comme la Suisse, le tout à leurs frais. L’avortement ne doit pas devenir un droit réservé uniquement à celles qui peuvent se le permettre financièrement et qui ont la chance de pouvoir avorter à proximité de chez elles.

Le droit des femmes à disposer de leur corps est en danger. Toutes et tous dans la rue le 6 novembre ! Fatima-Ezzahra Benomar

Sources / Bibliographie

L’IVG dans le monde

• Le droit de choisir : l'IVG

Environ 25 % de la population mondiale vit dans des pays où la législation sur l'avortement est très stricte, principalement en Amérique Latine, en Afrique et en Asie. Des lois promulguées au XIXème siècle ont interdit l’IVG, notamment sous l’influence de la religion catholique. Ces lois sont à l'origine de la législation restrictive qui perdure dans certains pays en développement. Chaque année, 48% des avortements sont pratiqués dans de très mauvaises conditions sanitaires et 200 000 femmes meurent des suites d’avortement clandestin. Sur le continent Africain, seuls le Cap Vert, la Tunisie et l’Afrique du Sud autorisent l’avortement à la demande de la femme et 99% des actes continuent de s’y dérouler dans l’illégalité. Dans les pays dits industrialisés, seules 76 % des femmes ont le droit de décider elles-mêmes d'interrompre une grossesse non désirée. Dans l’Union Européenne, l’IVG demeure illégale dans quatre pays : à Chypre, à Malte, en Pologne et en Irlande où depuis 1983, a été adopté un article constitutionnel qui protège la vie de l’embryon et qui fait de l’IVG un acte passible d’emprisonnement. Enfin, l’IVG n’est légale au Portugal que depuis 2007 et que depuis quelques mois « officiellement » en Espagne. Amal Jahidi

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• • •

en France et dans le monde / Catherine Gentile, Syros, Collection Femmes 2008 Paroles d'avortées : quand l'avortement était clandestin / Xavière Gautier Rapport IGAS 2010 Prévention des grossesses non désirées Histoire d'un choix ; témoignages autour de la contraception et de l'IVG / Pour mémoire ; Le Planning Familial, Région Ile de France, 2009 Les noces rebelles / film américain de Sam Mendes, 2009 avec Kate Winslet et Leonardo Di caprio Vera Drake, film de Mike Leigh


Interview DOMINIQUE MÉDA

Quelles sont vos propositions pour en finir avec ces inégalités ?

Sociologue, Dominique Méda a beaucoup écrit sur le travail des femmes. Elle est membre fondatrice du Laboratoire de l’Egalité. Vous êtes l'une des fondatrices du Laboratoire de l'égalité. Quels sont les objectifs de ce laboratoire ?

Selon le gouvernement, les inégalités de pensions sont dues aux écarts de salaires pendant la carrière. Qu’en est-il ?

L’objectif est de promouvoir de toutes les manières possibles l’égalité entre hommes et femmes, et notamment l’égalité professionnelle. Nous cherchons à attirer l’attention des pouvoirs publics, des responsables syndicaux et de la société civile sur l’ampleur des inégali tés exi stantes, à formuler des explications et des propositions pour y remédier. Nous publions des positions qui ont été mises en discussion au sein du Laboratoire, et nous tentons de peser dans le débat public.

Les inégalités au moment de la retraite (la pension moyenne de droit direct des femmes représente 58 % de celles des hommes) sont le résultat de plusieurs causes : les femmes retraitées ont été et continuent de rester moins souvent actives que les hommes; les femmes ac ti v es o n t eu et continuent à avoir des carrières plus courtes (la durée moyenne d’interruption due aux enfants est de plus de 4 ans et après une année d’interruption la perte de salaire est de 11%) ; elles travaillent plus souvent à temps partiel (30% d’entre elles, ce qui conduit des salaires et à des responsabilités moins élevées) ; enfin, leurs salaires horaires sont en moyenne moins élevés.

Le débat sur la réforme des retraites a fait ressurgir la question des inégalités professionnelles entre femmes et hommes notamment sur les retraites des femmes.

Nous pensons qu’un problème dont les causes sont multiples doit susciter une réponse globale et plurielle. Si l’on veut faire en sorte que les femmes aient accès à l’emploi dans les mêmes conditions que les hommes, il faut faire en sorte que la société accepte de transformer radicalement le modèle du travailleur : le travailleur ce n’est plus un homme libre de toute responsabilité familiale parce que comptant sur sa conjointe, c’est un homme ou une femme, possiblement chargé d’enfants, de vieux parents, et qui doit pouvoir mener de front, seul ou non, vie professionnelle, vie familiale, vie personnelle et engagement citoyen. Nous proposons un programme de développement de 500 000 places d’accueil des jeunes enfants sur 5 ans ; un congé parental de 42 semaines, rémunéré et partagé entièrement entre père et mère, susceptible d’être pris de manière fractionné jusqu’aux 8 ans de l’enfant ; la mise en œuvre de l’ensemble des mesures proposées par le rapport Gresy (pénalisation du temps partiel subi et des entreprises qui n’ont pas engagé de négociation sur la réduction des écarts de salaire). Propos recueillis par Linda Ramoul

Initiative VIEDEMEUF CONTRE LES INÉGALITÉS FEMMES- HOMMES AU TRAVAIL Le site Viedemeuf.fr a été lancé par notre réseau le 13 juillet 2010, à l’occasion du 27ème anniversaire de la loi Roudy sur l’égalité femmes-hommes au travail. Viedemeuf.fr recueille et publie les témoignages des femmes confrontées au sexisme ordinaire au travail. Le site a un double objectif : mettre en lumière les inégalités professionnelles et interpeller l’opinion sur le sexisme ambiant. Ces récits mettent en lumière la remise en cause fréquente de la légitimité des femmes dans le monde du travail, à compétences égales. Le site a rencontré un franc succès dès le

début, preuve que les femmes se sont emparées de son côté ludique et décalé. Quelques exemples : « Il y a 5 ans, j'ai passé un concours pour devenir cadre administratif. Lors de l'oral, un élu croulant sous le poids de l'âge me lance : "Mademoiselle, vous êtes jeune et vous êtes une femme. Ce sont deux handicaps pour votre futur emploi. Comment comptez-vous faire ?" #viedemeuf », ou encore « Célibataire, je suis actuellement en projet de création d'entreprise. Lors du rendez-vous avec un conseiller, on me demande ce que pense mon compagnon ou mari du

projet. "Il n'en pense rien puisqu'il n'y a pas de Monsieur". Réponse : "Vous devriez réfléchir avant d'aller plus loin, c'est dur de réussir pour une femme seule sans homme à ses côtés". #viedemeuf ». Vous aussi, racontez votre viedemeuf en quelques lignes ! Laure Jouteau http://www.viedemeuf.fr

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Du côté du Planning L’IVG MÉDICAMENTEUSE AU P LANNING F AMILIAL L’Interruption Volontaire de Grossesse médicamenteuse, qui consiste en la prise de deux comprimés provoquant l’avortement, peut être pratiquée jusqu’à 5 semaines de grossesse (7 semaines d’aménorrhée). Dans un premier temps, cette méthode était pratiquée uniquement à l’hôpital ou par certains médecins de ville habilités. Depuis 2009, les centres du Planning Familial sont autorisés à délivrer ces comprimés et suivre les femmes pendant leur avortement. Ce qui constitue un progrès pour les femmes, puisqu’elles disposent ainsi de nouveaux lieux d’accueil de proximité et se voient proposer un véritable accompagnement par les

conseillères planification.

des

centres

de

L’Association départementale de Seine-Saint-Denis, soutenue par le Conseil général, pionnière, a mis en place des accueils collectifs et pratique la méthode médicamenteuse depuis 2005. Lors de cet accueil, on explique aux femmes la façon dont vont se dérouler la prise des comprimés, l’expulsion… et une conseillère répond à leurs questions ; elles peuvent également partager leur ressenti sur ce sujet encore trop tabou. Elles rentrent ensuite chez elles pour prendre les comprimés, avec la possibilité de joindre un médecin à tout moment.

Le Planning Familial reste cependant vigilant car les pouvoirs publics pourraient être tentés d’encourager la pratique de cette méthode médicamenteuse pour réduire les coûts à l’hôpital, au détriment de la méthode par aspiration. Les femmes doivent absolument rester libres de choisir la méthode qui leur convient le mieux ! Valentine Lavanture

Chroniques du sexisme ordinaire « E T SI ON RENTRAIT , J ’ AI MAL AUX PIEDS … » Ah, les talons hauts ! Accessoires incontournables de la féminité de magazine, et qui nous obligent pourtant à contourner les irrégularités de la chaussée... Chaque saison, invariablement, qu’il s’agisse de bottines, d’espadrilles ou même de tongs, la mode imagine des femmes sur pilotis. Le «fin du fin» restant les fameux talons aiguilles, euxmêmes s’accordant de préférence avec des jambes effilées. En fait, si l’on réfléchit un peu et que l’on regarde la réalité en face - la vraie, pas celle de notre placard à chaussure - les talons hauts sont un moyen comme un

autre d’entraver la marche des femmes. Après les mini-jupes serrées qui empêchent de faire des grands pas, voici les talons ! Grâce à leur bruit, ils vous rendront repérable à 500 mètres dans les couloirs d’un métro. Grâce à leur hauteur, vous bénéficierez à coup sûr de souffrances plantaires immédiates pouvant s’accompagner ensuite de troubles médicaux plus sérieux. Grâce à l’incomparable stabilité du talon aiguille, vous descendrez les escaliers à la même vitesse que l’individu arthritique de 90 ans qui vous distance et vous ne tomberez jamais sans manquer

Editrice : Osez le féminisme ! Directrice de publication : Julie Muret Imprimé par Imprimerie Grenier - 115 av. Raspail 94250 Gentilly Dépôt légal : Bibliothèque Nationale de France—ISSN 2107-0202 Abonnement sur internet, 30€ par an Logo : Mila Jeudy

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de vous tordre une bonne fois la cheville. Enfin, si vous êtes pressée, si vous avez l’intention de courir (peut-être même pour semer le type douteux qui vous a repérée aux claquements sonores de vos enjambées ridicules), soyez sûre que votre incapacité à vous mouvoir rapidement n’aura d’égale que l’inélégance de votre démarche d’oiseau échassier. Précisons que le talon aiguille, s’il est pratique pour percer le pied de votre voisine de bus, ne vous permettra pas de percer le plafond de verre qui empêche votre progression dans l’entreprise. Et si, nous aussi, nous options pour le confort et l’utile en matière de chaussures ? Et si nous brisions le talon qui nous entrave ? Typhaine Duch

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