http://www.osezlefeminisme.fr - n°14 - juin 2011
Edito
Le ras-le-bol qui s’est exprimé ces dernières semaines, notamment à travers le succès de l’appel contre le sexisme, signé par plus de 30 000 personnes en quelques jours, est un signal fort. Osez le féminisme ! entend poursuivre son combat contre toutes les formes d’inégalités femmes-hommes en lançant un blog antisexiste, et en interpellant les partis politiques.
Le 25 juin, la marche des fiertés !
Le féminisme s’attache à montrer comment notre société patriarcale assigne les femmes et les hommes à des rôles bien définis et complémentaires. C’est au nom de cette prétendue complémentarité des sexes que le schéma
Agenda
En juin, les Marches des fiertés défilent dans toute la France (le 25 juin à Paris). Le succès de ces journées militantes mais aussi la proposition de loi pour l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, débattue les 9 et 14 juin derniers, sont autant de signaux qui montrent que la société attend des avancées en matière d’égalité des droits : droit à la PMA, droit au mariage, etc. Et rappellent l’importance de questionner l’hétéronormativité.
Féministes en mouvement
aFéministes en mouvement
Les 2 et 3 juillet 2011 à Evry Plus de 30 associations féministes ont décidé d’organiser ces rencontres d’été. Pour connaître le programme et vous inscrire : www.rencontresfeministes.fr
hétérosexuel est érigé comme norme de référence du couple : le patriarcat et l’hétéronormativité sont les deux faces d’une même pièce. Ainsi, notre combat passe également par la lutte contre les discriminations dont les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transexuelles (LGBT) sont encore victimes.
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Les 2 et 3 juillet à Evry ///
Plus d’informations :
rencontresfeministes.fr
aMarche des fiertés
Samedi 25 juin à Paris à 14h Marche des fiertés pour l’égalité des sexes et des sexualités. Départ de la place Montparnasse.
aColloque universitaire sur le genre Les 22 et 23 juin à Paris Ce colloque aura pour thème : « Mon corps a-t-il un sexe ? Détermination du sexe et contraintes du genre »
Retrouvez sur le site internet d’Osez le féminisme l’agenda féministe complet (rencontres, manifestations, débat, réunions d’OLF)
Qui Sommes nous ? Parce que nous considérons que l’émancipation de toutes et tous passe par l’égalité, nous nous rassemblons, femmes et hommes, militantes et militants aux expériences diverses, pour prendre part au combat féministe. Violences, discriminations, dominations, oppressions, nous en avons assez. Nous affirmons les valeurs universelles portées par le féminisme, combat progressiste pour l’égalité et la laïcité.
ISSN 2107-0202 - contact@osezlefeminisme.fr - www.osezlefeminisme.fr
brèves Sexisme
partout, féminisme partout !
Louise Michel,
laïque et féministe
« À la crèche, la puéricultrice tend à ma fille un mini fer à repasser : tiens, pour faire comme maman ! » « Vie de meuf », c’est d’abord un site internet qui permet de raconter sa vie de merde au féminin. Après plus d’1,5 million de visites en moins d’un an, Osez le féminisme ! en fait paraître le « meilleur » (ou le pire…) dans un livre, sorti le 19 mai dernier. Il permet de découvrir, classés par thèmes, les plus édifiants de ces fragments de misogynie, mais aussi des infos pratiques et juridiques agrémentées de quizzs, de dates et d’arguments pour contrer ce sexisme ordinaire. Perrine Benchehida
Vie de meuf, le sexisme illustré, JBZ et Cie, 12,50 €
Lara Logan :
elle a osé parler Vendredi 11 février, le jour même de la démission du président Egyptien Osni Moubarak, la correspondante de CBS Lara Logan a été violée sur la place Tahrir, centre de la contestation au régime. De retour aux Etats-Unis, elle confie au New-York Times : « Pendant un temps très long, ils m’ont violée avec leurs mains ». L’agression a duré une quarantaine de minutes et a été menée par deux cent hommes. Le témoignage de Logan a mis en avant la chape de plomb qui pèse sur les femmes journalistes en reportage victimes de violences sexuelles. « Nous n’avons que notre parole », souligne-t-elle. Anne-Cécile Mailfert
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Figure de la Commune, elle s’engage à la fin du XIXème siècle pour l’émancipation des femmes et contre l’injustice sociale. Fille d’un châtelain et d’une servante, elle reçoit une éducation libérale. Elle devient institutrice, ouvre des écoles laïques et se bat pour que filles et garçons aient la même éducation : « Si l’égalité entre les deux sexes était reconnue, ce serait une fameuse brèche dans la bêtise humaine ». Militante inlassable, elle fut déportée en Nouvelle-Calédonie pendant 9 ans lors de la Commune de Paris. Elle meurt en 1905. À Paris, seules deux femmes ont une station de métro à leur nom : Marie Curie et Louise Michel. Léa MF
Parité
en
Tunisie
Le 23 octobre prochain, la Tunisie élira l’assemblée chargée de rédiger la nouvelle constitution. Pour la première fois, les listes doivent faire figurer en alternance des candidates et des candidats, sous peine d’invalidité. Cette disposition, défendue par les féministes tunisiennes, permettra aux femmes d’être en
position éligible. Cette mesure permet, entre autres, de reconnaitre l’importance du rôle joué par les femmes dans la révolution. Les Tunisiennes, qui ont accédé à la contraception et au droit de vote dès 1956, viennent donc de faire un pas de géant dans leur longue marche vers l’égalité. Marine Creuzet
féministes européennes unies contre la prostitution Les 7 et le 8 mai derniers, Osez le féminisme a participé au colloque « Une grande liberté ? » à Copenhague (Danemark). Environ 150 personnes de 16 nationalités différentes étaient présentes. Parmi elles, des journalistes, des chercheures, des députées, des politiques et des responsables d’associations. Toutes revendiquaient l’adoption de lois pour abolir le système prostitueur sur le modèle de la Suède, de la Norvège et de l’Islande. Iris Naud
« Le
clitoris, c’est pour les preliminaires… »
L
e clitoris est discret, caché dans les replis de nos petites lèvres. Peu étudié voire dénigré par les scientifiques, le clitoris serait un petit apéritif, quand la pénétration serait le plat principal. Et pourtant… c’est un organe érectile qui s’étend sur douze centimètres, composé de deux tiges qui enserrent le vagin. Ses 8 000 terminaisons nerveuses sont entièrement dédiées au plaisir et ce, jusqu’à la fin de la vie ! Alors, le clitoris, non seulement se laisse goûter, mais il constitue à lui seul tout un festin. Bénédicte Brocard Retrouvez toutes les infos et vidéos sur le site de la campagne : osezleclito.fr
actus
Débat
national sur la dépendance : les femmes invisibles Le gouvernement a lancé un débat national sur la dépendance des personnes âgées. Une réforme est attendue fin 2011. Les inégalités entre les femmes et les hommes, pourtant criantes sur cette question, sont largement occultées dans les débats.
L
a perte d’autonomie se caractérise par l’incapacité progressive à effectuer, seule ou seul, les gestes de la vie quotidienne. Elle a pour conséquence une nécessité de se faire accompagner pour se préparer à manger, se laver, s’habiller, etc. Au cours de ce débat, les conditions de vie des femmes ont fait l’objet de très peu d’attention, alors même qu’elles sont les premières concernées. Les femmes forment la majorité des personnes dépendantes En France, les femmes ont une espérance de vie supérieure de 7 ans à celle des hommes. Les retraites des femmes étant inférieures à celles des hommes, c’est le plus souvent dans des situations de précarité et d’isolement qu’elles affrontent cette perte d’autonomie. Le débat s’oriente vers la proposition d’une assurance obligatoire complémentaire à la solidarité nationale. Avec 27% de salaire et 38% de retraite de moins que les hommes, les femmes se verront encore davantage précarisées. La solidarité familiale repose essentiellement sur les femmes Les femmes assument, pour une très large part, la solidarité familiale envers les personnes âgées. 75% des aidants familiaux sont des aidantes. Une aidante familiale consacre en moyenne cinq heures par jour à son parent ou sa parente dépendante, et ce, gratuitement. Cette charge pèse sur sa vie profession nelle (temps partiels subis), sa vie sociale, et sur sa propre
autonomie. Quand la solidarité nationale ne prend pas en charge les politiques sociales, ce sont les femmes Le Réseau « entre-aidants » québecois a lancé une campagne intitulée qui les assument « Pas des superhéros » pour alerter sur le besoin de soutien des aidantes. gratuitement. C’est aussi vrai pour la garde des des repas, aides soignantes... enfants que pour l’accompagnement Comme pour la quasi-totalité des des personnes âgées. secteurs très féminisés, ces emplois Ainsi, les politques favorisant le sont souvent pénibles, précaires, maintien à domicile des personpeu rémunérés, souvent à temps nes âgées dépenpartiel, avec des Une aidante familiale dantes, au lieu horaires décalés. consacre en moyenne de construire des A l’automne, Osez 5 heures par jour à son le féminisme ! s’est maisons de retraiparent dépendant, tes financièrement mobilisé contre la et ce, gratuitement. accessibles, se réforme des retraites font invariablement du gouvernement. au détriment des femmes. Cette réforme s’inscrivait dans la suite de celles de 1993 et 2003, qui L’aide à la personne : un secteur ont eu comme conséquences une professionnel féminisé, dévalorisé baisse du niveau des pensions et un accroissement des inégalités entre Les femmes représentent 90% des les femmes et les hommes. Ce débat employés et employées du secteur sur la dépendance doit être l’occades services à la personne : aides sion de rediscuter ces questions. à domiciles, chargées de portage Alice Loffredo
Les babayagas aux commandes de leur « maison de vie » Thérèse Clerc, 83 ans, a imaginé il y a plus de 10 ans la Maison des Babayagas, une sorte de « maison de retraite sans soignants ». Le projet verra le jour en septembre 2012 et repose sur quatre piliers : l’autogestion « on veut vivre libre jusqu’à la fin de nos jours, et puis ça coûte moins cher ! », la solidarité « pour enfiler notre manteau comme pour compléter le minimum vieillesse de quatre d’entre-nous », la citoyenneté « toutes engagées, nous voulons mener une réflexion sur la vieillesse avec des chercheures et des chercheurs », et enfin l’écologie. Pose de la première pierre le 15 juin à Montreuil. Plus d’informations sur http://lamaisondesbabayagas.fr Judith Blanes www.osezlefeminisme.fr - Juin 2011
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dossier
Depuis les années 1970, la bataille pour la libération sexuelle a profondément changé la société française, faisant éclater les normes et stéréotypes, bouleversant l’organisation sociale figée de l’époque. Pourtant, 40 ans plus tard, la question récurrente reste la même, à la machine à café ou en soirée : « Et sinon, tu as un chéri ? »
C
ette question d’apparence anodine montre que l’on considère encore comme une évidence le fait de vivre en couple avec quelqu’un de l’autre sexe. C’est cela qu’on appelle l’hétéronormativité. Lorsque l’on sort de ce schéma, on fait face à des interrogations, à des jugements, plus ou moins tolérants ou indiscrets, et à des sanctions allant de la simple plaisanterie à l’ignorance, de la discrimination à l’agression. Petit tour d’horizon de l’hétéronormativité dans laquelle nous baignons.
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Une norme profondément intégrée et sexiste Aujourd’hui, notre société divise toujours la population en deux catégories : les femmes et les hommes. Ces deux genres se complèteraient et les individus, forcément hétérosexuels, auraient pour destin de devenir mères et pères, la parentalité hommes gardent la prédominance étant considérée comme la seule dans la sphère publique (travail, voie vers le bonheur. Mesdames, communication, représentation povous êtes priées de rêver du Prince litique). Ce qui sort de cette norme Charmant. Si d’aventure, vous êtes hétérocentrée et sexiste est souvent très bien célibataire, si une Prindénigré car considéré comme hors cesse Charmante vous est tombée norme : sexualités homo- ou bi-, dans les bras ou si peu vous importe identités transexuelles, hommes le sexe de votre prochaine renconau foyer, femmes PDG, etc. Pour tre, vous avez droit à des réflexions preuve de cette société hétéronordu type : « Mais quand tu auras mée, on peut effectuer le « Bechdel trouvé le bon, tu verras… » ou à des test ». Avant d’acheter une place questions déplacées. de cinéma, N’hésitez pas à retour« La sexualité des hommes posez-vous ner ces interrogations à serait conquérante et ces trois votre interlocuteur : « et celle des femmes passive » questions : toi, depuis quand es-tu « est-ce qu’il hétérosexuel ? ». y a dans ce film au moins deux femL’hétéronormativité est omniprémes », « est-ce qu’elles se parlent sente, dans les films, les romans, entre elles ? », « est-ce que ce dont les journaux, nos discussions. En elles parlent n’est pas un homme ? ». premier lieu, cette norme régit nos Les résultats sont le plus souvent pratiques amoureuses et sexuelles. édifiants. Cependant, elle dépasse largement ce qui relève de l’intimité en assiUne pluralité de désirs et de gnant à chaque sexe des rôles soplaisirs, tout au long de la vie ciaux complémentaires et bien définis. Ainsi, les femmes s’occupent Loin du schéma binaire davantage de la sphère privée (mai« homosexualité/hétérosexualité », son, famille, enfants), tandis que les les sciences sociales ont prouvé
Série « Hey hetero ! » © Tina Fiveash 2001
« Et vous, depuis quand êtes-vous hétérosexuelle ? »
dossier
La p’tite Blan©2011. Tous droits réservés. www.laptiteblan.fr.
Luttes lesbiennes et féministes
que la sexualité de chacune et chacun d’entre nous est bien plus complexe, riche et modulable. Le rapport Kinsey, paru en 1953, démontre qu’il existe tout un éventail de possibles : l’échelle de Kinsey comporte 6 grades, allant de « exclusivement hétérosexuel » à « exclusivement homosexuel ». L’hétéronormativité, c’est aussi une représentation normée de la sexualité attribuée à chaque sexe. La sexualité des hommes serait conquérante, exacerbée, tandis que celle des femmes resterait aguicheuse et passive. Le pénis est surreprésenté, il est « l’outil indispensable » de la jouissance, tandis que le clitoris est méconnu voire dénigré Ainsi, indépendamment de nos préférences sexuelles, on peut déconstruire l’hétéronormativité en clamant que oui, mille fois oui, les femmes jouissent sans pénétration, et en sortant la masturbation féminine du tabou. Rappelons que tout au long de la vie, notre sexualité, nos désirs, nos fantasmes sont pluriels, se nourrissent de rencontres et de surprises…
Ouvrir ses possibles pour changer la société Remettre en cause cette norme n’est pas chose facile car cela questionne notre vie personnelle, nos choix intimes. Néanmoins, ne pas jouer le jeu de l’hétéronormativité est passionnant car notre lecture de la société s’en trouve enrichie. Dans une étude canadienne datée de 2009, la majorité des lesbiennes interrogées affirme que leur lesbianisme leur a permis d’acquérir « une vision critique du monde par rapport à celle qui est habituellement présentée par la famille, les médias, les institutions, etc. » Être « en-dehors de la norme » confère de fait une distance qui permet de la déconstruire et de questionner les concepts de famille, de couple, de sexualité, de genre. Ainsi, dans une société qui aura aboli cette norme, les familles ne seront plus nécessairement hétéroou homoparentales. Alors, on pourra imaginer mille et une histoires qui finissent bien, et pas forcément par « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ». Bénédicte Brocard
Au début des années 70, on observe une ouverture vers les pratiques lesbiennes chez de nombreuses militantes féministes. Dans un contexte de mobilisation forte autour des droits des femmes, être indépendante des hommes y compris pour jouir devient un acte politique, illustré par des slogans tels que « Une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette ». Dans les années 80, des groupes militants se revendiquant du lesbianisme se créent. Les lesbiennes, qui s’étaient particulièrement engagées pour le droit à l’avortement, ont regretté que le féminisme qui interroge beaucoup la place des femmes dans la société ne se penche pas suffisamment sur la critique de l’hétéronormativité. Aujourd’hui, l’insulte sexiste des « féministes lesbiennes mal baisées » perdure, tant au sein des mouvements lesbiens que féministes. Au-delà des incompréhensions passées, lesbianisme et féminisme se rejoignent sur bien des points : remise en cause de la société patriarcale, des rôles stéréotypés des hommes et des femmes, des représentations d’une sexualité normative, autonomie des femmes. Julie Muret
En Hongrie, la calotte se rebiffe La nouvelle Constitution hongroise entrera en vigueur le 1er janvier 2012. Via des omissions volontaires et des remises en cause, les droits des femmes et des personnes LGBT y sont menacés. Elle « protège l’institution du mariage, qui résulte de l’union volontaire entre un homme et une femme, et la famille qui constitue la clé de voûte de la survie de la nation », excluant ainsi les unions entre personnes du même sexe. Elle exclut également l’orientation sexuelle des motifs de discrimination, ignorant la protection légale des minorités sexuelles inscrite dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Depuis 2009, cette Charte a la même valeur que les Traités fondateurs. Cette Constitution sera un point d’appui pour faire reculer l’égalité des droits en Europe. Alors, qu’attendent les dirigeants européens pour rappeler la Hongrie à l’ordre ? Jeanne Menjoulet www.osezlefeminisme.fr - Juin 2011
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dossier Lesbophobie : Série « Stories for girls »© Tina Fiveash 1994
double discrimination
S
ur le blog Vie d’Homo (viedhomo.wordpress.com) inspiré de viedemeuf.fr, une bloggeuse raconte le dialogue suivant : - T’as un copain ? - Non, j’ai une copine. - Oui, mais… t’as un copain ? - Non, j’ai une COPINE, je suis LESBIENNE. - Ah.. et elle a les cheveux courts ? Le commentaire qui laisse bouche bée, l’avis que l’on n’a pas demandé, autant d’expériences bien connues des femmes, hétérosexuelles ou lesbiennes. Elles font partie
du quotidien des lesbiennes, déroutéesface face à des questions que l’on ne pose jamais aux personnes hétérosexuelles. L’interrogatoire intrusif que raconte cette bloggeuse ne révèle pas seulement du sexisme. Il est aussi une démonstration de la lesbophobie. Pour savoir de quoi précisement il s’agit, commençons par une définition : « Aversion à l’égard des lesbiennes qui les discrimine à la fois en tant qu’individus appartenant au groupe social femmes et en raison de leur homosexualité ». Cette définition est celle proposée en 1999 par la Coordination Lesbienne en France (CLF). Elle rend compte de la spécificité de la discrimination envers les lesbiennes qui sont particularisées en tant qu’homosexuelles dans une société hétérocentrée, et en tant que femmes dans un monde régenté par la domination masculine. Par leur dérogation aux rôles traditionnellement assignés aux femmes, par leur affirmation d’une indépendance sexuelle vis-à-vis des hommes, elles sont confrontées à une attitude réprobatrice, parfois
La lesbophobie au travail punie par la loi A priori, l’employée laisse sa vie privée à la porte de son lieu de travail. Pourtant, autour de la machine à café, la vie conjugale s’invite souvent dans la discussion. Selon une étude de 2007, 60% des lesbiennes interrogées taisent leur homosexualité au travail dont 67% par crainte de conséquences négatives sur leur carrière. Parce qu’elles passent pour des célibataires et par souci d’exemplarité, elles travaillent souvent plus que leurs collègues hétérosexuels. Depuis 2001, les atteintes aux personnes portées sur la base de leur orientation sexuelle sont reconnues par le Code du travail et le Code pénal comme une discrimination au même titre que le handicap ou l’origine. L’homophobie et la lesbophobie au travail sont donc punies par la loi. En 2001, les prud’hommes de Sète ont condamné deux pharmaciennes à verser 80 000 F de dommages et intérêts à une de leurs préparatrices : elle était systématiquement appelée à servir les personnes malades du sida et son homosexualité était régulièrement évoquée devant la clientèle. Des associations comme L’Autre Cercle ou les syndicats de travailleurs luttent contre ces discriminations. Rejoignons leur combat en portant haut et fort la lutte contre toutes les formes de lesbophobie ! Klervi Le Berre
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craintive voire haineuse, explicite ou implicite, de celles et ceux pour qui tout écart à l’hétéronormativité doit être « corrigé », voire puni. Cette violence touche toutes les femmes qui pour différentes raisons ne sont pas considérées comme de « vraies femmes », et ce quel que soit leur orientation sexuelle. Elle apparaît sous forme de remarques blessantes, d’attitudes de rejet ou de rappels à l’ordre. Ce rejet peut aller jusqu’à l’extrême violence, notamment des « viols correctifs », qui ont pour but de punir celles qui ne se plient pas au modèle dominant. Une étude de la CLF dénonce l’autocensure et l’isolement des lesbiennes. Le rapport Adolescence, homosexualité, violences révèle notamment un taux de pulsions suicidaires alarmant L’évolution des mentalités vers une plus grande acceptation de l’homosexualité permettra à beaucoup de vivre leur sexualité en toute liberté de choix et sera un premier pas vers l’égalité des droits. Il est donc primordial que nos lois prônent enfin une égalité réelle de toutes, quelle que soit leur orientation sexuelle, notamment en ouvrant le mariage à tous les couples et en reconnaissant les familles homoparentales. Beatriz Santos
Bibliographie
aAlison
Bechdel, Fun Home : une tragicomédie familiale, 2006.
aNatacha Chetcuti et Claire Michard
(dir.), Lesbianisme et féminisme, histoires politiques, 2003.
aCoordination Lesbienne de France,
actes du colloque : Mouvement des lesbiennes, lesbiennes en mouvement, Editions Prospero, 2011.
aGenre,
sexualité & société, n°1 : « Lesbiennes », printemps 2009.
aCathy
Berheim, L’amour presque parfait, Editions Le Félin, 2003.
aOcéanerosemarie,
la lesbienne invisible, One Woman Show.
interview Henriette Zoughebi
Auparavant, la langue française usait d’une grande liberté. Le travail des grammairiens consistait à enregistrer le langage commun utilisé par la majorité des gens dans leur vie quotidienne. Un adjectif qui se rapportait à plusieurs noms pouvait s’accorder avec le nom le plus proche. Cette règle de proximité remonte à l’Antiquité : en latin et en grec ancien, elle s’employait couramment.
Entretien avec Henriette Zoughebi, présidente de « l’Egalité, c’est pas sorcier ! », et vice-présidente du Conseil régional d’Ile-de-France en charge des lycées et des politiques éducatives. Le vocabulaire et les règles de grammaire ne sont pas seulement le reflet des mentalités d’une société, ils structurent également les représentations. Qui n’a pas entendu dès l’école primaire : « le masculin l’emporte sur le féminin ! » C’est pourquoi, quatre associations : L’égalité, c’est pas sorcier ! , La Ligue de l’enseignement , Le Monde selon les Femmes et Femmes Solidaires ont lancé une pétition intitulée « Que les hommes et les femmes soient belles ! », pour en finir avec cette règle sexiste. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez lancé cette pétition ? uand on apprend la règle « Le Q masculin l’emporte sur le fémi-
nin », on intègre de fait la domination masculine, et ce, dès l’enfance. Nous entendons aussi des expressions comme Droits de l’Homme au lieu de
droits humains, comme si l’homme représentait l’ensemble de l’humanité. C’est l’exemple même de la symbolique d’un langage sexiste qui rend invisible la moitié du monde. D’où provient ce sexisme de la langue française ? Clara Domingues, docteur ès-lettres, a effectué des recherches sur ce sujet. La règle selon laquelle le masculin l’emporte sur le féminin, est apparue lors de la création de l’Académie française, au XVIIème siècle. En 1676, le père Bouhours, l’un des grammairiens qui a œuvré à cette règle, la justifiait ainsi : « Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte. »
Pensez-vous que la règle de proximité pourra être un jour appliquée ? On propose de revenir sur une règle qui existait avant. Cette règle donne plus de liberté aux usagers de la langue, car on peut choisir et jouer avec les mots. Nous allons demander à l’Académie française de considérer comme correcte cette règle qui supprime la hiérarchie entre masculin et féminin et permet à la langue une plus grande de liberté créatrice. Et nous appelons chacune et chacun à révolutionner les écrits, les correcteurs d’orthographe et nos habitudes en appliquant la règle de proximité ! Propos recueillis par Soudeh rad http://www.petitions24.net/regleproximite
initiative Féministes ? Toutes 2 et 3 Juillet les féministes se L esrencontrent à Evry. L’idée a été lancée l’année dernière lors d’une journée de rencontres des jeunes féministes organisée par Osez le féminisme. Plus de 35 associations féministes organisent ensemble les Rencontres d’été « Féministes en mouvements ! ». L’objectif ? Nous retrouver pour débattre et confronter nos points de vue sur le combat pour l’égalité femmes-hommes. Nous souhaitons également faire de ces rencontres un moment de découverte, de partage et de travail pour construire ensemble les combats
en mouvement !
qui restent à mener. En apprenant à nous connaître et en approfondissant les liens qui nous unissent, nous serons plus à même
n’y a pas qu’une seule méthode. Ce rassemblement se veut une occasion de travail en commun pour accélérer l’avènement de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
de travailler ensemble. Le nombre d’associations féministes montre s’il en était besoin que les causes à défendre sont encore multiples et qu’il
Deux jours, donc, ouverts aux militantes et militants mais aussi aux curieuses et curieux. Au programme : des conférences, des débats et des ateliers mais également un village associatif, une librairie féministe, une soirée festive... Le site internet dédié à cet événement (www.rencontresfeministes.fr) sera régulièrement mis à jour. Vous pouvez dès maintenant vous y inscrire ! Claire Piot
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Du côté des organisations L’association des Parents Gays
et
démarches nécessite de gros moyens, en moyenne 20 000 €. L’ouverture de la PMA à tous les couples, serait un premier pas dans la reconnaissance des familles homoparentales », souligne-t-elle. Mais il faudra encore attendre. L’Assemblée nationale s’y est opposée, lors de l’examen du projet de loi révisant les lois de bioéthiques, alors que le Sénat avait voté un amendement autorisant la PMA à tous les couples. L’association lutte aussi pour l’ouverture du mariage et de l’adoption par les couples de même sexe. Actuellement, ces candidats à l’adoption sont obligés de se présenter comme célibataires pour pouvoir adopter et le conjoint ne partage pas l’autorité parentale.
L’APGL, Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens, créée en 1986, milite pour une reconnaissance des familles homoparentales. L’association s’est mobilisée en mai dernier pour que l’Assemblée nationale adopte l’ouverture à tous les couples, y compris les couples de lesbiennes, de l’assistance médicale à la procréation. Aujourd’hui, en France, la procréation médicalement assistée (PMA) n’est ouverte qu’aux couples hétérosexuels, vivants depuis au moins 2 ans ensemble, souffrants d’infertilité ou d’une maladie génétique . Les couples de lesbiennes en sont donc exclus. « Elles sont obligées d’aller à l’étranger », explique Marion Gret, de l’APGL. « L’ensemble des
Lesbiens
L’APGL souhaite également que soient reconnus les projets de « coparentalité » : une famille composée de parents biologiques, et de leurs compagne et compagnon respectifs. Aujourd’hui, selon l’association, on dénombre 100 000 familles homoparentales, et au moins 200 000 enfants vivant au sein d’une de ces familles. Familles qui n’ont donc pour l’instant quasiment aucun droit ni aucune reconnaissance officielle. Laure Sydola
chroniques du sexisme ordinaire
« Et
toi, quand est-ce que tu t’y mets ? »
Bon nombre de femmes entre 20 et 40 ans se sont vues poser cette question lors d’un entretien d’embauche: « Sinon, vous comptez avoir des enfants ? ». Evidemment, c’est illégal. Pour autant, en France en 2011, nombre d’employeurs ne se gênent pas pour la poser et les candidates sont obligées de détourner habilement la question en esquissant un grand sourire ou en répondant à coté. Le désir d’enfant serait omniprésent dans la vie d’une femme jeune et qui n’a pas encore eu d’enfant. Il paraîtrait que chaque femme est dotée d’un gène qui lui inoculerait le désir d’enfant au plus tard vers 25-30 ans. Cette spécificité féminine serait appelée « horloge biologique ».
Rappelons que l’âge moyen du premier enfant pour une femme est de 30 ans. Autrement dit, passé la trentaine, tout n’est pas perdu ! Et pour celle qui ne se sent pas du tout l’âme d’une maman panda ? Si elle ne rêve pas d’avoir deux enfants, un chien et un monospace, elle n’en reste pas moins une femme, non ? Bref, les êtres humains femelles ont peut être d’autres envies, tout aussi légitimes que la maternité, qui n’est plus la seule identité sociale des femmes. En 1972 aux Etats-Unis naissait le mouvement childfree, littéralement « sans enfant par choix » en opposition aux childless, les « sans enfant par contrainte ». Il revendique la parentalité optionnelle et soutient les
Comité de rédaction : Bénédicte Brocard et Noémie Oswalt - Logo : Mila Jeudy - Maquette : Lucie Groussin Editrice : Osez le féminsime ! Directrice de publication : Julie Muret Dépôt légal : Bibliothèque Nationale de France—ISSN 2107-0202 Imprimé par Digital Media Process - 46 rue Notre-Dame-des-Champs 75006
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couples qui choisissent de ne pas avoir d’enfant. Il s’est développé en France dans les années 90 et reçoit aujourd’hui un écho de plus en plus favorable, en réaction à l’injonction à l’enfant à tout prix. Eh oui, vouloir un enfant c’est un choix. Et puis, est-ce qu’on demande à un homme si ses testicules ne le titillent pas un peu ? Est ce qu’on lui parle hormones et instinct paternel entre la poire et le fromage au déjeuner dominical ? Non ? C’est bizarre qu’on ne leur pose pas la question à eux… Alors laissez un peu les femmes tranquilles avec cette question. Oui, même celles qui ont plus de 35 ans. Sarah Bonnefoi Vous souhaitez recevoir le journal, participer à sa rédaction ou à sa diffusion ?
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