les cahiers du patrimoine de
BOLIVIE n°4 automne
2013
les missions jésuites de
chiquitos
un patrimoine toujours vivant Monter et descendre à La Paz ● Les empreintes de Cal Orck'o ● Dansons le Taquirari ● Wiñay Marka, le peuple eternel ● Faut-il nationaliser les salteñas ? • Un rally d'altitude ● Le Salar d'Uyuni
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taqUirari
4 la Pa
monter et desendre à
z
sommaire brèves
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monter et descendre à La Paz
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taquirari l’hommage à la flèche
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caL orck’o
la traversée des dinosaures
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al
OrCk’O
La piste de danse des dinausores
dOSSier : Missions
jésuites de ChiqUitOS
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Wiñay marka ou le peuple éternel... 14 brèves
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dossier : missions jésuites de chiquitos
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entretien avec Piotr nawrot
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nationaLisons La saLteña
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Le dakar en boLivie
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saLar d’uyuni l’or blanc bolivien
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Les cahiers du patrimoine de Bolivie numéro 4 - automne 2013 Direction : Sergio Caceres G. Coordinatrice de rédaction : Jennifer Sauvage Mise en page : Anne Leïla Ollivier - Atelier ALO Imprimé par : Le Ravin Bleu Ont participé à ce numéro : Sergio Caceres G., Isabel Collazos, Piotr Nawrot, Ramon Rocha Monroy, Amado Bautista. Photo de couverture : Isabel Collazos G. Les cahiers du patrimoine de BoLivie sont une publication de la déLégation permanente de L'etat pLurinationaL de BoLivie auprès de L'unesco Ambassadeur Délégué Permanent : Sergio Caceres G. 1 rue Miollis – 75015 • tél : 01 45 68 30 39 courriel : delegation@bolivia-unesco.org web : boliviaenlaunesco.com 2
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nationalisons la
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Salar d’UyUni,
Salteña
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l’or blanc bolivien
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breves Grand SuCCèS Pour Le feStivaL « identité d'oruro »
timbreS autour du monde
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n total de 80 000 timbres représentant quatre danses folkloriques boliviennes déclarées patrimoine culturel immatériel de l'Etat bolivien circuleront bientôt dans le monde entier, selon l'accord passé entre le Ministère des Cultures et l'entreprise de courrier de Bolivie (ECOBOL). La Diablada, le Tinku, le Pujllay et le Waca Tokh'oris sont donc à l'honneur cette fois après le succès de la précédente collection mise en circulation en 2012. -
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a troisième version du festival culturel « Identité d'Oruro Diable-Diablada identité nationale » organisée par le Centre Culturel Supay et le Club Oruro s'est terminée en ayant atteint son but : renforcer l'intérêt culturel des habitants de la région. Les activités couvraient six domaines : folklore, art, artisanat, théâtre, photographie et littérature, qui furent l’objet d'expositions, de débats et de représentations durant toute une semaine. Les différentes troupes de danse ont également montré leurs costumes, masques et ornements portés lors de la celebre diablada, danse phare du carnaval d'Oruro. Selon le directeur du centre culturel, Jorge Enrique Vargas Luza, ce festival est un moyen de consolider les figures du Diable et de la Diablada afin que ces références culturelles d'Oruro deviennent les icônes nationaux de la Bolivie. -
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La Loi du Centre CuLtureL PLurinationaL de Santa Cruz
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Patrimoine for export Le samedi 19 octobre 2013, environ 15 mille résidents boliviens en Argentine, vêtus en costumes de Morenos, Caporales, et Kullawas parmi d’autres, ont pris les axes principales de la ville de Buenos Aires, dans une entrée folklorique qui a montré la culture bolivienne au monde. 3
e président Evo Morales a passé, septembre dernier, une loi qui proclame le Centre Culturel de Santa Cruz en Centre de la Fondation Culturelle de la Banque Centrale de Bolivie, en réponse à l’appel pour davantage d’opportunités et d’espaces communs pour les manifestations culturelles. Le Centre Culturel travaille pour la culture depuis quatre ans, contribuant au processus actif socioculturel de la région. Le budget de 14 millions de boliviens pour l’année qui suit devra permettre la poursuite du renforcement du Centre. -
La Paz
monter et descendre
à La Paz par
sergio cáceres g.
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n dit que La Paz est un cratère, une énorme cavité. La ville est connue familièrement comme la cavité, la hoyada paceña. La Paz, tout d’abord, est une ville de deux millions d’habitants. Elle est le siège du gouvernement de la Bolivie, un pays d’un peu plus de 10 millions d’habitants, et si elle en était la capitale, elle serait la capitale la plus haute du monde. Mais ce n’est pas la capitale, c’est le siège du gouvernement et celui qui voudra avoir plus de détails peut aller consulter les livres d’histoire. Nous disions donc que la Paz est une cavité. Une cavité dans les hauteurs, vaste et profonde, et vaste encore une fois. Plus qu’un VIVRE à LA PAz, cratère, c’est un système de C’ESt FAIRE DE LA cratères formant un immense hAUtE MONtAGNE EN canyon urbanisé qui va en desFAISANt SIMPLEMENt cendant et se perd vers le sud LES COURSES DU JOUR. pour ne jamais se terminer. Le centre de la ville se situe à 3600 mètres d’altitude et le reste est une constante fluctuation, une éternelle montée et descente. Ses flancs, dont le haut marque la frontière avec la ville d’El Alto, viennent toucher les 4000 mètres et il est possible de descendre, sans sortir de la ville, à 3000 mètres, ou plus. C’est-à-dire que la montée et descente quotidienne de ses habitants peut tranquillement atteindre les mille mètres. Vivre à La Paz, c’est faire de la haute montagne en faisant simplement les courses du jour.
Ce dont je parle ici comme d’une particularité est la normalité de tous les habitants de La Paz. Monter et descendre toute la journée est une condition de vie ici. Le plan incliné est pour l’habitant de La Paz ce qu’est l’horizontalité pour l’habitant d’autres villes. Mais alors que presque toutes les villes du monde sont horizontales, La Paz est une des seules, sinon l’unique, construite dans une immense et profonde gorge, dans un système de cratères et montagnes qui descendent et se perdent vers le sud. à la Paz, on entend tout le temps dire qu’on monte à... ou qu’on descend à... « On descend au centre ? », par exemple, est une expression très commune et il faut comprendre qu’il ne s’agit pas d’une figure littéraire, mais qu’afin de gagner le centre physiquement et géographiquement, il faut se déplacer vers le bas, s’engager dans la pente d’une rue, et désescalader quelques dizaines ou centaines de mètres avant d’y arriver enfin. Il m’est déjà arrivé de participer à un épuisant débat pour déterminer si, lorsqu’on va de la place Murillo – centre névralgique de la ville où se situe le palais du gouvernement– jusqu’à la place d’Espagne –dans le quartier bohème de Sopocachi– on doit monter ou descendre. Evidemment, quitter la place Murillo signifie descendre la Socabaya, qui sans être la plus raide, est une rue qui est déjà très en pente. Après il faut continuer à descendre par le Prado, certes de manière plus douce, pour arriver à l’Université Majeure de San An4
photos : cesar angeL cataLan
La paz est le siège du gouvernement de l’état plurinational de Bolivie. sa fondation a eu lieu le 20 octobre de 1548 sous le nom de «ville de notre dame de La paix». voici un hommage littéraire à cette ville qui a ses hauts et ses bas.
photos : cesar angeL cataLan
La Paz
La Paz
dres. Puis, après avoir passé l’université, je me rappelle d’un camarade qui me disait quelque peu inquiet, « juste au cas où, on ne va pas remonter ? ». Et effectivement, à partir de là on commence l’ascension de la place d’Espagne. Monte-t-on ou on descend-t-on quand on va d’une place à l’autre? Et bien, à vrai dire, je ne sais pas, il faudrait déterminer la hauteur des deux places que je viens de mentionner. Je soutiens que la place Murillo est plus élevée que la place d’Espagne et pour autant il est possible de dire que, pour ce trajet, on descend d’une place à une autre. Et si à LA PAz, ON A LA en chemin on doit remonter, SENSAtION qU’IL N’y A ceci est déjà un autre proPAS D’hORIzON Où blème. On descend à la place PEUt SE PERDRE LE RE- d’Espagne, on monte à la GARD. L’hORIzON ESt place Murillo... Sauf si l’on se trouve sur la place RioEN hAUt Et EN BAS. sinho, et que de là, oui il faut descendre à la Murillo, pour ensuite descendre au Prado. Et ainsi on peut être en train de monter et de descendre jusqu’à l’infini. « Tout ce qui monte doit descendre » d’après ce qu’on dit des dires d’Isaac Newton, lequel n’a pas vécu à La Paz, où son principe s’applique à l’endroit et à l’envers. Ceux qui vivent en haut parfois descendent, mais toujours finissent par remonter. toute description est insuffisante. toute tentative de compréhension peut être trompeuse. Il faudrait visiter la ville, prendre le temps de vivre là-bas, se livrer à l’incessante montée-descente, se sentir enfermé entre ses montagnes pour comprendre ce que j’essaie d’expliquer. à La Paz, on a la sensation qu’il n’y a pas d’horizon où peut se perdre le regard. L’horizon est en haut et en bas. Le grand poête argentin Roberto Juarroz – lequel je
ne peux dire s’il a déjà visité la Paz – a écrit quelques vers pour tenter de définir la verticalité: « Aller vers le haut n’est rien de plus qu’un peu plus court ou plus long qu’aller vers le bas ». Pardonnez-moi l’audace, mais il me semble que cette définition s’applique très bien au quotidien de qui vit à La Paz. -
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photos : cesar angeL cataLan
La Paz
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Taquirari
le taquirari,
un hommage à la flèche
Le taquirari est un rythme musical dansé dans les départements de santa cruz, Béni et pando qui constituent à eux trois « l'orient bolivien ». reconnu comme étant l'une des manifestations culturelles majeures de cette région de la Bolivie, le taquirari a été nommé patrimoine culturel par l'etat bolivien en 2011.
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e taquirari, dont le nom vient du mot « takirikire » signifiant « la flèche » en langue Moxos, avait pour but d'invoquer les dieux de la chasse avant de partir à la traque d'animaux. Dans sa forme originale, le taquirari synthétise l'éternel message de la jungle et de ses rivières, d'un paysage naturel qui reflète la vie émotionnelle complexe de ses créateurs. Au cours de cette danse, les indigènes réalisaient un hommage à la flèche, instrument leur servant tant pour leur défense que pour leur survie alimentaire. Le rythme et la danse originaux subirent ensuite des influences étrangères avec l'arrivée des missionnaires jésuites au XVI et XVIIème siècles. quelques variantes furent adoptées : le pas sauté, la danse en couple et en ronde et pour l'accompagnement, le fifre et le tambourin qui vinrent s’ajouter aux autres instruments pour interpréter les rythmes autochtones.
La danse du taquirari s'effectue en couple sur un rythme simple et très joyeux. Sa musique est souvent considérée comme la chanson romantique de l'orient bolivien, les paroles contant souvent des histoires d'amour et de courtoisie. Les LA DANSE ESt UN figures de la chorégraphie sont hOMMAGE DES INDI- relativement simples, le pas GèNES à LA FLèChE, basique consistant à sauter en INStRUMENt LEUR intercalant les pieds. SERVANt tANt POUR Le costume de la femme est LEUR DéFENSE qUE basé sur le traditionnel tipoy POUR LEUR SURVIE (robe longue et sans manches utilisée par les indigènes de la ALIMENtAIRE. partie orientale de la Bolivie), orné de volants autour de la poitrine et dans sa partie inférieure ainsi que de plusieurs rubans de couleurs. Les femmes piquent également une fleur dans leurs cheveux pour être courtisées. Coquettes dans le but de mettre en valeur leur beauté de femmes orientales, elles portent des boucles d'oreilles et parfois des colliers en graines. photo
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Taquirari
L'homme, appelé couramment camba – du nom donné aux habitants et à la culture de l'orient bolivien – porte une tenue adaptée à la chaleur des tropiques. Il est généralement de blanc vêtu, sa chemise nouée au niveau de la ceinture et le pantalon arrivant aux genoux. Les danseurs portent un foulard, souvent rouge, autour du cou et de la ceinture ainsi qu’un chapeau tressé à base de feuilles de palmier de motacu, le sao. -
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page de gauche : Le tipoy, roBe Longue et sans manches typique de L'orient BoLivien, et Le sao, chapeau tressé à Base de feuiLLes de paLmier de motacu, typiquement camBa.
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CaL OrCk’O
Cal Orck’o,
la traversée
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CaL OrCk’O
ée des dinosaures
: tristan caveLier
découvert en 1994 par le cinéaste Klaus schütt, le site de cal orck'o est actuellement considéré comme un trésor paléontologique unique au monde. paroi rocheuse verticale de plus d'un kilomètre de long et perchée à 2800 mètres d'altitude dans les environs de la ville de sucre, la « montagne de chaux » (Cal Urqu en langue quechua) recèle plus de 5000 empreintes de dinosaures qui vivaient là il y a 68 millions d'années. peu considéré au début de sa découverte, le site a finalement été déclaré patrimoine naturel de l'etat bolivien et fait actuellement partie de la liste - dite « indicative » - des biens que la Bolivie souhaite proposer pour une inscription au patrimoine mondial de l'unesco.
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CaL OrCk’O
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lors qu'il se promène sur une carrière de ciment au cours de l'année 1994, le cinéaste Klaus Schütt, amateur en paléontologie, fait une incroyable découverte. Face à lui s'étend une paroi rocheuse d'une taille équivalente à six terrains de football couverte de plusieurs centaines, de traces qui lui semble être des empreintes de dinosaures. De retour de sa balade, il téléphone immédiatement au Musée d'histoire Naturelle de La Paz pour qu'un paléontologue vienne certifier sa trouvaille. Mais lorsque Klaus Schütt annonce avoir vu plus de 500 empreintes sur la paroi, personne ne le croit, et aucun intérêt n'est porté à sa découverte. Ce n'est que quelques années plus tard, par
une suite de hasards, qu'une vidéo du site produite par le cinéaste tomba entre les mains du paléontologue suisse Christian Meyer et que Cal Orck'o sortit de l'indifférence générale. un mur d'histoire Ces empreintes trouvent leur origine il y a 68 millions d'années, durant la période du Crétacé supérieur. à cette époque, l'actuel territoire de la Bolivie était recouvert d'un immense lac d'eau douce riche en plantes aquatiques où les dinosaures herbivores venaient s'alimenter alors que les carnivores s'en approchaient pour les chasser. Les empreintes laissées au bord du lac et dans ses eaux peu profondes furent recouvertes par une épaisse couche de cendre provenant d'une énorme éruption volcanique. Ce phénomène permit de les protéger de l'érosion du vent et de la pluie. D'autres couches de cendres KLAUS et de sédiments vin- ...LORSqUE S Chütt ANNONCE rent ensuite s'ajouter et se transformèrent AVOIR VU PLUS DE 500 finalement en roche. EMPREINtES SUR LA Des millions d'an- PAROI, PERSONNE NE nées plus tard, les LE CROIt Et AUCUN INforces géologiques téRêt N'ESt PORté à entraînant la forma- SA DéCOUVERtE tion de la cordillère des Andes soulevèrent le site en lui donnant son altitude et son inclinaison actuelle (72°). Cette strate géologique fut finalement mise à nu par la fabrique de ciment puis laissée de côté car peu propice à la fabrication de celui-ci. Elle révélera avoir une immense quantité d'empreintes de dinosaures et sera déclarée, quelques années plus tard, patrimoine naturel de l'Etat bolivien. Le plus grand gisement de pas de l'histoire de la paléontologie « C'était une vision à couper le souffle » racontera plus tard le paléontologue et directeur du Muséum d'histoire naturelle de Bâle, Christian Meyer. 80 mètres de hauteur, 1200 mètres de large pour plus de 5000 empreintes, cette paroi fut surnommée « la piste de danse des dinosaures». « Il s'agit sans aucun doute du plus grand gisement d'empreintes de dinosaures au monde, du fait du nombre de traces, de la superficie totale du gisement, et de la richesse de l'enregistrement fossile » ajoutera-t-il. Les photo
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chercheurs découvrirent même l'empreinte de marche continue la plus longue du monde : 347 mètres effectués par un petit tyrannosaurus Rex auquel les scientifiques ont donné le surnom de « Johnny Walker ». En plus de son immensité et de la qualité des empreintes, la datation et la géographie de Cal Orck'o présentent des intérêts scientifiques majeurs. Il date tout d'abord d'une période où s'est formé un pont naturel entre l'Amérique du Nord et celle du Sud, permettant ainsi d'étudier les échanges de faune entre ces deux régions. C'est également un des rares sites rendant possible l'étude des dinosaures peu avant leur extinction totale il y a 65 millions d'années.
: tristan caveLier
CaL OrCk’O
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Longtemps menacé de disparition par les assauts des dynamiteurs de la cimenterie et par les pluies qui causèrent la perte de milliers d'empreintes, le site fut finalement protégé en 2006 grâce à la création du « Parc touristique crétacique de Cal Orck'o » par les autorités boliviennes. Ayant saisi l'importance scientifique et touristique de ce site, notamment grâce aux efforts de Klaus Schütt et de Christian Meyer, l'Etat bolivien a créé un plan de conservation des empreintes et effectué « IL S'AGIt SANS AUCUN DOUtE des ouvrages imporDU PLUS GRAND GISEMENt tants de renforceD'EMPREINtES DE DINOSAURES ment et de colmatage AU MONDE, DU FAIt DU NOM- de la paroi rocheuse. BRE DE tRACES, DE LA SUPER- « Une décision poliFICIE tOtALE DU GISEMENt, Et tique à saluer », souDE LA RIChESSE DE L'ENREGIS- ligne Meyer, pour qui l'ouverture de ce tREMENt FOSSILE. » parc constitue désormais une garantie de protection. Le grand public peut donc apprécier la fascinante paroi rocheuse ainsi que 24 répliques grandeur nature de la faune locale du crétacé (dont un titanosaure de 36 mètres de long et 18 mètres de haut, la plus grande réplique du monde). Monument naturel national de l'Etat bolivien, le gisement paléontologique fait actuellement partie de la liste – dite « indicative » – des biens que la Bolivie souhaite proposer pour une inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO. -
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Le parc touristique crétacique de cal orck'o
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ci-contre : tête de tyrannosaure-rex
: tristan caveLier
Pour en savoir plus sur la visite du parc: parquecretacicosucre.com
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Wiñay Marka
Wiñay Marka ou le peuple éternel
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: Jose Lirauze/aBi
plus de deux mille objets et fragments ont été retrouvés au fond du lac titicaca lors d'un grand projet archéologique subaquatique débuté il y a deux mois. du nom de Wiñay Marka, qui signifie « peuple éternel » en langue aymara, le projet est mené par une équipe d'experts belges de l'université Libre de Bruxelles en codirection avec des archéologues boliviens. ce projet prévu sur trois ans a déjà permis de faire des découvertes d'une valeur historique inestimable et de trouver une mine d'informations sur les cultures préincaïques. plus de 2000 ans d'histoire y refont surface .
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Wiñay Marka
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ames d'or, figurines en argent, restes de pierres précieuses, pièces en céramique, un gouvernail, une ancre... Autant d'objets reposant sous l'eau depuis des siècles et tirés des entrailles du lac sacré. « Il s'agit d'une découverte d'une valeur historique incroyable » affirme Christophe Delaere, directeur du projet. Deux mille pièces (objets et fragments) appartenant à la culture tihuanacota ont été découvertes lors du grand projet de recherche subaquatique réalisé dans le lac titicaca depuis deux mois. Du nom de Wiñay Marka, ce projet archéologique est mené par une équipe d'experts belges de l'Université Libre de Bruxelles en co-direction avec des archéologues boliviens. Les premières recherches, dans la localité de Wallukani, ont permis de retrouver des fragments de céramique alors que les investigations du côté du récif de Khoa (près de la Isla del Sol) ont abouti à l’identification de figurines en argent de la période inca, de pièces de céramique et de frag-
ments d'or laminé de l'ère tihuanacota (voir encadré). Découvertes lors de plongées à huit mètres de profondeur, ces pièces d'une valeur historique inestimable sont actuellement en cours d'analyse et de restauration. Les pierres précieuses découvertes, comme la Ø et des gemmes d'Equateur, du Pérou et du Chili, prouvent qu'il existait d'intenses échanges commerciaux et culturels entre les différentes civilisations de l'ère préhispanique. L'ancre retrouvée dans les profondeurs du lac atteste qu'il existait des embarcations préhispaniques pour naviguer sur le lac. L'analyse des sédiments où ont été retrouvés les objets ont permis de les dater : les plus anciens ont 1500 ans et les plus récents datent du XIXème et XXème siècle. « Nous avons ici de 2000 à 2500 ans d'histoire » précise le directeur de projet. tous ces objets contiennent des informations sur les cultures préincaïques et sur les offrandes réalisées par la culture tihuanacota. Pablo Groux, ministre des cultures, a assuré que le ministère participera au financement de l'opération conjointement à l'université belge et fournira des experts à l'équipe de recherche pour ce projet prévu sur plus de trois ans. -
mardi 8 octoBre 2013. présentation des trouvaiLLes et Wiñay Marka en présence du président BoLivien, evo moraLes, du vice-président, aLvaro garcia Linera et du ministre des cuLtures, paBLo groux.
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: Jose Lirauze/aBi
: Jose Lirauze/aBi
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avancements du proJet
La culture tihuanacota La culture tihuanacota est une culture préincaïque qui s'est développée autour de 200 av. J-C jusqu'à 1200 ap. J-C dans les régions andines de Bolivie, du Pérou et du Chili. Sa capitale et son principal centre religieux sont la ville de tihuanaco (tiwanaku), classée au patrimoine de l'humanité et située à 3825 mètres d'altitude sur les rives de la rivière homonyme, dans l'actuel département de La Paz. La culture tihuanacota a exercé une domination régionale importante grâce à son organisation sociale et politique. Fondée sur l'élevage, l'agriculture, l'artisanat et le commerce ainsi que sur les échanges de produits avec les peuples amazoniens, la culture tihuanacota est également connue pour ses céramiques aux dessins d'animaux et son architecture utilisant de grands blocs de pierre pour la construction de ses monuments, temples et monolithes. La vie sociale, profondément religieuse, était dictée par des cérémonies et des rites dédiés au dieu Wiracocha. 15
brèves n°1 en Quinoa
L'arChe de WaLf
e quinoa bolivien est actuellement le meilleur au monde en termes de pureté, de quantité produite et de qualité » a affirmé Sergio Nuñez, représentant de l'entreprise états-unienne Andean Naturals. La Bolivie occupe 65% du marché aux Etats-Unis devant le Pérou, la Chine et d'autres pays producteurs. Le quinoa bolivien, grâce à ses conditions de production, est extrêmement nutritif, en particulier le quinoa royal cultivé dans les alentours du Salar d'Uyuni à 4000 mètres d'altitude. Sergio Nuñez a également lancé une étude sur l'importance de commercialiser le quinoa bolivien sous une marque nationale plutôt que de l'exporter brut pour qu'il soit ensuite commercialisé sous le label d'une marque étrangère. -
a WALF (World Animal Life Foundation) a mis en place un projet d'éducation et parrainage pour éviter l'extinction de dix espèces animales boliviennes. L'idée est de faire changer les comportements pour que les gens eux-mêmes respectent et sauvent les animaux plutôt que la fondation. Les animaux se voient donc assignés parrains et marraines qui participent à une campagne d'information en essayant de trouver et proposer des alternatives aux comportements qui mettent en danger leurs « filleuls ». Un exemple : le parrain d'un tatou a confectionné une crécelle en bois pour montrer qu'il est possible de le faire sans utiliser de carapaces de tatou. -
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: amado Bautista
Le SnoWboard de L'extrême
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aire du snowboard en Bolivie, ça se mérite ! Les sommets blancs du Charkini, situés dans la communauté de Milluni à une heure et demie en voiture de La Paz, attirent de plus en plus de snowboarders débutants et confirmés souhaitant s'évader dans les cimes le temps d'une journée. Le principe est simple mais l'effort l'est moins : il faut une heure de marche à 5000 mètres d'altitude pour atteindre la neige, et les sportifs remontent à pied en haut de la piste après chaque descente. L'association bolivienne « Ski et snowboard Bolivia » organise tous les week-ends des excursions au Charkini incluant le prêt de la planche et le transport aller-retour. -
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L'oeuvre de JorGe ruiz à La mémoire du monde «Le legs cinématographique latino-américaine de Jorge Ruiz» a été enregistré sur la liste de la Mémoire Régionale du Monde de l'Unesco (MOWLAC). C'est Mela Marquez, directrice de la Fondation de la Cinémathèque Bolivienne qui a annoncé la nouvelle. Cette institution est celle qui avait présenté le dossier de candidature. Originaire de la ville de Sucre, Jorge Ruiz Calvimontes est né le 6 mars 1924. Il débuta avec le court-métrage Viaje al Beni et a laissé une œuvre prolifique de plus de 100 titres documentaires et de fiction. En 1980, il fonda sa propre compagnie de production, Cine Video. Le film Vuelve Sebastiana (1953), œuvre notable de son parcours, a gagné plusieurs concours. Pionnier du cinéma documentaire bolivien, Ruiz est actuellement classé par le Musée Smithsonian des Etats Unis comme le sixième plus important réalisateur de documentaires au monde. -
eN iMaGes La tradition de La touSSaint
à La paz, des milliers de familles se sont présentés dans les cimetières pour accomplir la cérémonie de la remémoration, du partage de la mémoire et pour faire ses adieux avec les âmes de leurs proches, pendant la célébration du jour des Morts, le 2 novembre 2013. -
photos: Jorge mamani, aBi
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DOssier
Missions jésuites de
Chiquitos
: cesar angeL cataLan
Un PatriMOine v
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e de La mission Jésuite de
carte : Bamse
e vivant de l'UneSCO
LocaLisation des missions de chiquitos dans L’est BoLivien.
PAR ISABEL COLLAzOS
à moins de 300 kilomètres de la capitale du département de santa cruz se trouve le premier de six villages, anciennes missions jésuites, nommés patrimoine mondial de l’unesco en 1990. grâce à un long et admirable travail, ces villages ont retrouvé leur image historique, et les habitants se sont réappropriés l'essence du baroque missionnaire au sein de leur société. aujourd’hui, ces villages sont devenus non seulement des sites incontournables du tourisme en Bolivie, mais aussi des lieux de promotion de l’art et de la culture. voici le parcours de la patrimonialisation des missions jésuites de chiquitos. concepcion
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• en haut : san migueL est un viLLage connu pour ses maisons originaLes en terre cuite et aux toits en feuiLLes de paLmiers. son égLise fut construite en 1748 et inaugurée en 1761. eLLe est considérée comme L'une des pLus BeLLes égLises de La région et donne une impression de grandeur car eLLe est rehaussée d'un mètre cinquante par rapport à La chaussée. ses ateLiers de scuLpture sur Bois sont Les pLus reconnus de toute Les missions. • ci-dessus : ateLier de restauration de L'égLise de concepcion. La mission de concepcion fut construite entre 1708 et 1709 par Le père espagnoL Jésuite Lucas caBaLLero. restaurée dans Les années 1980, concepcion est considérée comme Le « Joyau » des
appelés aujourd’hui Chiquitanos, étaient nomades et refusaient tout assujettissement. Néanmoins, les disciples de Saint Ignace de Loyola ont peu à peu gagné leur confiance, en faisant des alliances avec leurs caciques (chefs) et, surtout, en offrant une protection contre les bandeirantes, ces hommes qui tournaient dans la région pour asservir des indiens et les vendre au Brésil.
Dans ces petites « réductions1 » vivaient environ mille indiens pour deux Jésuites. Mais ceux-ci n'avaient pas la seule intention d'évangéliser les indiens, ils avaient un projet de société : bâtir un homme nouveau. tous les membres de la mission travaillaient pour la communauté : ils gardaient le bétail, cultivaient des denrées alimentaires, produisaient de la cire pour faire des bougies et récoltaient du miel. toutefois, ils continuaient de s’adonner aux activités de chasse et de pêche traditionnelles ainsi qu'à l'agriculture sur brûlis. Dans toutes les missions, des écoles accueillaient les enfants doués pour des leçons de latin, d’arithmétique, d’écriture et de musique. Pour évangéliser les indiens, les Jésuites utilisèrent une pédagogie centrée sur l'art. Ils apprenaient tout d'abord la langue locale, pour créer un discours adapté aux valeurs et aux besoins des indiens. La musique et les tableaux, de style baroque, ont été adaptés non seulement par les Jésuites mais aussi par les Chiquitanos, donnant lieu à un syncrétisme entre les deux cultures : le style baroque missionnaire.
: JacoBo zaneLLa
La création d’une société missionnaire différente des sociétés coloniales
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: JacoBo zaneLLa
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: JacoBo zaneLLa
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Le départ des Jésuites, la fin du baroque ? En 1777, les Jésuites furent expulsés de l’empire colonial espagnol. Les missions de la Chiquitania, fondées moins d’un siècle auparavant, se trouvaient alors à leur apogée. La suite de l’histoire est vague, conséquence du manque de sources, mais surtout du manque d’intérêt de l’administration bolivienne, tant coloniale que républicaine, envers cette région lointaine et dangereuse. La vie dans les anciennes missions s’est poursuivie dans la continuité du système de travail communautaire. L’identité chrétienne et baroque missionnaire fut intériorisée par les indiens qui chantaient des psaumes tous les dimanches, copiaient et recopiaient les partitions, y introduisant des versions nouvelles et des arrangements. Les Chiquitanos ont donc vécu dans une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir central jusqu’à la ruée vers
égLises missionnaires pour La maJestuosité de son architecture Baroque et en feuiLLes d'or, et notamment pour son cLocher et sa paroisse en Bois scuLpté.
La mission des Jésuites : une quête vers l’inconnu à partir du XVIe siècle, la couronne espagnole confie l’évangélisation de ses nouveaux sujets en Amérique aux Jésuites, qui partent ainsi vers des terres qui leur sont aussi méconnues qu'aux colonisateurs. Ils s’installèrent dans une zone en particulier, la Chiquitania, éloignée des missions du MUSIqUE Et tABLEAUX Paraguay et de l’Audience ONt été ADAPtéS tANt PAR de Charcas. Ils fondèrent là LES JéSUItES qUE PAR LES plusieurs missions, à comChIqUItANOS, DONNANt mencer par celle de San LIEU à UN SyNCRétISME Xavier qui date de 1692. ENtRE LES DEUX CUL- L’installation de Jésuites y tURES : LE StyLE BAROqUE fut longue et difficile car les indiens de cette région, MISSIONNAIRE.
1. Ce mot fait référence à la tentative de regrouper (reducere en latin) dans un même lieu une population indigène afin de les évangéliser, les réduire à la vie civile et les protéger des chasseurs d'esclaves. Le système des réductions se concentrait principalement dans les régions amazoniennes d'Amérique latine entre les XVII et XVIIIème siècles. 20
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: JacoBo zaneLLa
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La mission de san ignacio de véLasco fut fondée en 1748 au pied d'une région montagneuse où naît La rivière paragua. L'égLise, construite par une main-d'oeuvre chiquitana (indiens de chiquitos), fut achevée en 1761. fameuse pour ses imposantes coLonnes de Bois et son retaBLe en mica et feuiLLe d'or, eLLe fut reconstruite entre 1998 et 2001.
le caoutchouc de l’orient bolivien des années 1850. Les bouleversements du XIXe siècle dans la région furent très importants. De maîtres, les indiens devinrent serfs des grandes propriétés. Les anciennes missions se sont transformées en villages habités par les propriétaires terriens. La culture baroque n’était pas une priorité pour les nouveaux habitants et, tout comme les Chiquitanos, elle a été reléguée et oubliée par les créoles venus de la capitale. Mais pas pour toujours…
La restauration : petit guide de la renaissance de la chiquitania à l’initiative des Jésuites, à partir des années 1970, un long travail d’entretien et de réhabilitation du patrimoine fut orchestré par l’architecte suisse hans Roth. La restauration fut possible grâce à l’emploi d’une majorité d’habitants locaux qui ont appris et excellé dans le style baroque. Ils se sont ainsi réappropriés des tech-
Le catalogue musical de chiquitos, une richesse conservée à concepcion La découverte des archives de Chiquitos est d’une grande importance pour l’histoire bolivienne, à un niveau régional mais aussi mondial. à l’époque coloniale, la musique était transmise par des copistes qui transcrivaient les partitions puis les envoyaient vers d’autres missions. Ce sont principalement des compositions de musique sacrée (messes et opéras à la gloire de Dieu) en langues indiennes : le bésiro-chiquitano toujours parlé dans la région, le guarani, parlé dans des missions plus éloignées. Une grande partie de la musique originaire des missions, que l’on croyait disparue, a été retrouvée dans ce recueil de musique baroque – comme celle du compositeur italien devenu jésuite, Domenico zipoli. Mais le travail de restauration de ces partitions est long et difficile, les documents aujourd’hui presque illisibles. toutefois, des experts, comme le musicologue polonais P. Piotr Nawrot, se dédient à un travail de restauration et de diffusion de la musique baroque missionnaire. 21 photo
: eL pedaLero
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niques que leurs ancêtres maîtrisaient. Les places des villages ont ainsi retrouvé leur grandeur passée. Elles-mêmes d’une architecture assez simple, ce sont leurs détails qui font le charme des églises : gravures des colonnes en bois massif, autels décorés de sculptures et tableaux restaurés avec grande précision. On peut voir une forte inspiration chiquitana dans le thème religieux omniprésent. Mais ce ne sont pas uniquement les églises qui ont été restaurées, les autres bâtiments des villages se sont également embellis, recréant l'harmonie d’antan.
(voir encadré). Les adeptes de musique baroque se sont immédiatement dirigés vers ces petits villages qui retrouvaient ainsi leur place dans l’histoire bolivienne. Le fruit de la réhabilitation de la culture des missions, entreprise par des experts et soutenue par des gestionnaires culturels en incluant les communautés de la Chiquitania, fut en 1990 l’introduction collective à la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO de six Missions de Chiquitos : San Xavier, Concepcion, San Miguel, San Rafael, Santa Ana et San José, six villages ayant conservé leurs coutumes et leurs traditions musicales avec fierté, quand les autres ne sont plus aujourd’hui que des ruines archéologiques.
CE SONt LES DétAILS DES éGLISES qUI EN FONt LE ChARME : GRAVURES DES COLONNES EN BOIS MASSIF, AUtELS DéCORéS DE SCULPtURES Et DE tABLEAUX REStAURéS AVEC GRANDE PRéCISION.
des lieux de dynamisme : le patrimoine est l’affaire de tous, pour soi et pour la communauté
un patrimoine oublié au fond d’un bac
Ces villages vivent aujourd’hui un véritable dynamisme grâce à la revalorisation de la culture baroque américaine. Un des événements phares de la région est le Festival International de Musique Renaissanciste et Baroque Américaine « Misiones de Chiquitos », qui a
Au cours de ce remarquable travail, une incroyable découverte fut faite dans les villages de Santa Ana et San Rafael. Des milliers de partitions, oubliées dans un bac et en proie aux intempéries, ont revu la lumière du jour 22
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lieu tous les deux ans depuis 1996 (voir encadré). L’entretien d’un patrimoine mondial présente de nouveaux enjeux pour des communautés vivant pour la plupart, de l’agriculture et du commerce. L’implication des acteurs locaux et régionaux est essentielle. Pour accueillir les touristes curieux de découvrir les anciennes missions, hôtels et restaurants ont vu le jour. Les gouvernements municipaux ont organisé des cours pour former des guides touristiques. Il s’agit là un développement économique fortifié par l’investissement local et personnel. Les populations locales se sont montrées à la hauteur du renouveau de la culture baroque missionnaire. L’apprentissage de l’orfèvrerie a permis de restaurer nombre d’autels, de tableaux et autres objets décoratifs. Des luthiers fabriquent violons et violoncelles, chœurs et orchestres locaux forment de nombreux jeunes à la musique classique, notamment celle des archives de Chiquitos jouée à la messe du dimanche. Ainsi, l’éventail des choix de vie augmente, les jeunes n’étant plus forcés de migrer vers les grandes villes pour trouver des alternatives aux métiers agricoles. Grâce à cela, ils promeuvent leur culture malgré un contexte de mondialisation vorace. En impliquant le plus possible la population, la patrimonialisation des villages de la Chiquitania a permis l’appropriation d’un bien d’un grand potentiel, économique certainement, mais surtout culturel et identitaire. Santa Cruz et la Bolivie s’épanouissent par la culture des villages vivants de Chiquitos. -
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page de gauche : détaiLs du toit de L'égLise de san Javier. La mission de san Javier est La première mission Jésuite de La région de chiquitos : eLLe fut fondée en 1691. son égLise de styLe Baroque, construite entre 1749 et 1752, est reconnue pour ses coLonnes et dessins en Bois dans Les tons Jaunes et café. c'est égaLement dans cette mission que fut fondée La première écoLe de musique de La région en 1730. ci-dessus : détaiL de L'égLise de san rafaeL. cette maJestueuse égLise fut construite entre 1743 et 1747 par Le père martin schmid et avec L'aide de La popuLation LocaLe. reconnue pour ses peintures sur toiLe, ses meuBLes scuLptés dans Le Bois et incrustés aux murs et son magnifique auteL pLaqué en mica rose, L'égLise L'est égaLement pour ses ateLiers de charpenterie et de tournage où furent faBriquées Les portes, fenêtres et BaLustres des égLises de san rafaeL, san Javier et concepcion. • santa ana de veLasco fut L'une des dernières missions de La chiquitania (région à L'est du département de santa cruz) à être construite. fondée par Le missionnaire JuLian nogLer en 1755, c'est-à-dire seuLement douze ans avant L'expuLsion des Jésuites, L'égLise fut terminée par La popuLation après Leur départ. de dimension réduite, L’égLise est entourée d'un petit viLLage aux maisons en toit de paiLLe.
Le festival international de musique renaissanciste et baroque américaine « Misiones de Chiquitos » Plus d’une quarantaine de groupes nationaux et internationaux et environ 800 musiciens sont au rendez-vous pour proposer des concerts tout au long du trajet missionnaire. Des spectateurs du monde entier s’y rendent par milliers pour vivre cette expérience : écouter de la musique baroque composée il y a des siècles, dans ces lieux bâtis avec une acoustique extraordinaire. C’est un moment de rencontre avec les populations locales, qui reçoivent les visiteurs avec des danses traditionnelles et les accueillent avec beaucoup d’hospitalité. Mais c’est aussi une rencontre musicale entre des musiciens étrangers et locaux, qui partagent la scène ensemble dans le cadre de coproductions. De même, les spécialistes de musique baroque missionnaire ont l’opportunité de partager leurs savoirs et les dernières études dans un colloque organisé au début du festival. Ce sont onze journées rythmées par les mélodies des violons et des clavecins. 23
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entretien avec Piotr nawrot
« La culture de chiquitos, objet d’admiration en bolivie et dans le monde » missionnaire, musicologue et professeur de musique sacrée et de musicologie d'origine polonaise, piotr nawrot est le directeur artistique du festival international de musique renaissanciste et baroque américaine «Misiones de Chiquitos». dévoué depuis son arrivée dans les missions de chiquitos et de moxos au début des années 90 à la restauration des partitions et à la diffusion de la musique baroque missionnaire, il nous éclaire ici sur les origines, l'importance et les enjeux de l'organisation d'un tel événement culturel.
− d'où est venu votre intérêt pour les partitions des missions jésuites de l'orient bolivien?
− comment est née l'idée d'un festival international de musique renaissanciste et baroque américaine et quelle était la première intention de ce projet ?
− Mon premier contact avec les manuscrits de Chiquitos, Moxos et Sucre date de 1991, lorsque je vins en Bolivie dans le but de les utiliser comme base pour ma thèse doctorale. Je savais que la musique avait joué un rôle très important dans l'évangélisation des indiens, particulièrement dans le contexte des anciennes réductions jésuites. Etant moi-même missionnaire et musicien professionnel, j'ai immédiatement choisi d'étudier ces partitions lorsque j’ai eu vent de la documentation gardée par les indiens chiquitos.
− Divers évènements, personnes et institutions ont contribué de forme consciente ou spontanée à la naissance du festival. La reconstruction des églises et des villages missionnaires, la localisation des manuscrits musicaux à San Rafael puis à Santa Ana par l'architecte hans Roth et la déclaration des missions comme patrimoine de l'humanité ont établi les bases à la création du festival. Puis l'étude et la publication des manuscrits que j'ai effectuées moi-même et le groupe de personnes à qui Marcelo Arauz (un des fondateurs de l’APAC) a proposé l'organisation du premier festival, font également partie des contributions les plus importantes pour la création de cet événement.
− comment a commencé le travail de restauration des partitions ? comment participent les habitants des villages missionnaires à la réhabilitation de leur patrimoine?
L'association pro arte y cultura (apac), organisation de gestion culturelle qui permet, depuis 1996, de donner accès à des formations artistiques aux habitants du département de Santa Cruz, vise également à préserver et diffuser le patrimoine culturel à travers la promotion et le tourisme culturel. C'est dans cet esprit que sont nés le Festival international de musique renaissanciste et baroque américaine « Missions de Chiquitos », les années paires, et le Festival international du théâtre Santa Cruz de la Sierra, les années impaires, entre autres manifestations culturelles. Convaincue de la capacité des personnes sensibles et respectueuses à construire de meilleures sociétés et que l'art, dans toutes ses manifestations, est le moyen d'y arriver, l'APAC contribue à ce projet de société grâce à ses programmes de formation et l'organisation d'événements culturels. C'est également à travers ses activités que l'association participe à l'appropriation du patrimoine culturel de l'Orient bolivien par sa population avec la conviction ferme que cela stimulera l'auto-estime, le dépassement de soi et l'inclusion sociale et que ces générations puissent affronter avec la tête haute les défis du monde globalisé. 24
DOssier − Le mérite revient en grande partie à l'architecte hans Roth et à l'évèque Eduardo Bosl qui ont protégé le manuscrit en le mettant en lieu sûr. Ils ont cherché des moyens et des experts en Bolivie pour faire un inventaire et restaurer les partitions abimées mais n'en trouvant pas, se sont tournés vers l'Europe. Les visites des experts étrangers étant courtes, la majeure partie du nettoyage et de la restauration a finalement été effectuée par Juan Vaca, un habitant de Chiquitos qui apprit à travailler avec eux. D'autres experts des Archives nationales de Bolivie à Sucre y participèrent aussi mais la touche finale fut donnée par l'appui financier de l'AECID (agence espagnole pour la coopération internationale au développement) et l'arrivée de professionnels d'Espagne qui, conjointement aux Boliviens de Concepcion et de Sucre, ont pu terminer la restauration.
zipoli et divers autres compositeurs ont été retrouvées à Chiquitos dans des versions caractérisées par des apports indigènes. D'autres œuvres écrites dans les missions le furent en langues locales et sont accompagnées par des instruments indigènes construits avec des matériaux locaux. tout ceci fait que cette musique est difpiotr nawrot, missionnaire et musicoLogue passionné, est égaLement directeur artistique du festivaL internationaL de musique renaissanciste et Baroque américaine. 5 : Le fameux choeur BoLivien araKaendar, ici en train de chanter au concert de cLôture du festivaL 2012 à san ignacio de veLasco, interprétera au cours du festivaL 2014 La musique guarani retrouvée dans des couvertures de Livre à concepcion.
− qu'est-ce qui distingue la musique baroque des missions de chiquitos de la musique baroque européenne? que représente cette musique pour les descendants des indiens missionnaires de nos jours?
photo : isaBeL coLLazos
photo : tomasz szyszKa
− La musique de Chiquitos appartient à un pan de la musique baroque appelé musique missionnaire. Le répertoire est constitué de musiques ramenées d'Europe et d'Amérique, composées par les missionnaires et les indiens eux-mêmes qui l'adapataient à leurs goûts et préférences sonores. Les œuvres de G.B Bassani, Domenico
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DOssier férente, propre au lieu. La musique européenne du début du XVIIIème siècle est très influencée par l'opéra alors que la musique missionnaire est bien plus spirituelle. Son objectif n'est pas tant de démontrer l'habileté des musiciens et les possibilités des instruments, que d'effectuer des louanges à Dieu et d'orienter son être vers lui.
des gens venant aux concerts, l'hospitalité, la magie de ces villages sont autant de facteurs qui font du festival une expérience unique à vivre, pleine de paix, joie et fraternité. Concernant les programmes, nous acceptons seulement les ensembles musicaux qui transmettent de l'émotion et peuvent être présentés avec conviction. Enfin, le fait de donner à entendre en majeure partie des partitions d’archives américaines et de faire se rencontrer musiciens locaux et internationaux sur la scène est très apprécié. − en 1990, six villages de chiquitos ont été déclarés patrimoine de l'humanité par l'unesco. cela a-til été un élément déclencheur pour la création du festival? − Cette déclaration fut une étape très importante pour la naissance d'une conscience de la valeur de la culture missionnaire, de ses villages et de ses habitants. Elle a ouvert un boulevard pour aller jusqu'à la création de ce festival, même si la musique ne jouait pas encore un rôle aussi important qu'aujourd'hui. L'UNESCO a cependant très généreusement appuyé l'organisation du premier festival et c'est en cela que la déclaration fut une étape indispensable : le réveil des consciences sur la valeur des missions et l'appui économique et financier pour la création d'un tel événement. − dans quelle mesure ce festival permet-il la réaffirmation de l'identité des peuples de l'orient bolivien au niveau local et international?
photo : apac
− Depuis le début, les habitants des villages missionnaires se sont appropriés le festival et tous participent à son organisation. Durant plusieurs siècles les villageois ont préservé la culture missionnaire, à laquelle ils s'identifient, et l'arrivée des musiciens et touristes internationaux leur ont confirmé l'importance et la valeur de ce qu'ils sont et font. Le festival n'offre pas seulement une rencontre avec la musique baroque mais donne aussi à voir des représentations de danses folkloriques, de musique et rythmes autochtones. Il permet aux descendants chiquitos de partager leur artisanat et leur nourriture, tout en générant une activité économique. La culture de Chiquitos, peu connue hors de sa région il y a seulement deux décennies, est aujourd'hui l'objet d'intérêt et d'admiration dans toute la Bolivie et dans de nombreuses autres parties du monde.
L'ensemBLe moxos, ici au festivaL 2012 à santa cruz de La sierra, est Le groupe de L'ecoLe de musique de san ignacio de moxos dans Le département de Béni. cet ensemBLe a été invité à Jouer Le 23 octoBre au siège de L'unesco à paris.
− quels sont les facteurs qui ont donné une dimension internationale au festival et qui le démarque d'autres événements similaires?
− La prochaine édition du festival commencera à la fin du mois d'avril 2014. y a-t-il des innovations et nouveautés prévues pour cette édition?
− Les missions et leurs habitants sont ce qui surprend le plus le musicien et le touriste qui viennent au festival. En plus d'une logistique irréprochable, l'incroyable acoustique des églises, la chaleur humaine, la courtoisie
− Chaque festival apporte son lot de nouveautés. La plus grande cette année sera l'interprétation − par le fameux chœur bolivien Arakaendar accompagné de musiciens internationaux − de la musique guarani retrouvée 26 photo : dr
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photo : isaBeL coLLazos
dans des livres à Concepcion. Une autre nouveauté sera la musique de Sucre et de Potosi de la fin du XVIIIème siècle. En l'écoutant lors des répétitions, on se surprenait à penser que ces partitions des archives auraient tout aussi bien pu être composées par haydn ou Mozart. Deux programmes seront également présentés pour le Corpus Christi : l’un basé sur la documentation gardée aux Archives nationales et dans la Bibliothèque nationale de Bolivie et l'autre sur les documents musicaux des Archives musicales de Moxos. Les deux programmes sont très joyeux et originaux et montrent clairement la différence entre les deux styles de ces deux sociétés pourtant contemporaines : cathédralistique (colonial) et missionnaire. Plus de 140 concerts seront réalisés dans une vingtaine de villages missionnaires jésuites et franciscains d'origine chiquitos, moxos, guarayos et guarani. Cinq nouvelles études seront également présentées sur la musique missionnaire et cathédralistique de Bolivie lors du colloque de spécialistes organisé au début du festival.
photo : apac
− quelle est votre plus grande satisfaction en tant que directeur artistique et quels sont vos projets et espérances pour le futur?
photo : apac
− Apprendre du savoir et de la sagesse des indigènes, m'emplir de leur foi, être considéré comme un membre de leur communauté et de leur culture, me sentir comme un fils adoptif de la Bolivie est une grande récompense pour moi. Voir la musique missionnaire de Bolivie revêtir une valeur universelle pouvant être interprétée avec succès par des musiciens locaux et internationaux dans les églises missionnaires et les scènes connues du monde entier me donne une immense satisfaction. Voir apparaître des chœurs et des orchestres missionnaires dans les villages (travail inspiré par l'organisation SICOR) adhérant à l'APAC me donne l'envie de vivre, des forces pour travailler et la joie dans chaque moment de ma vie. Le plan pour les années à venir est donc simple : que ce festival devienne le plus beau, le plus apprécié et le plus prestigieux du monde. Et je pense que c'est possible. Pour en savoir plus sur l'association et ses événements: http://www.festivalesapac.com/
photo : isaBeL coLLazos
• La camerata cruceña Lors du festivaL 2012, égLise de san ignacio de veLasco. • opéra san ignacio dans L'égLise san ignacio de veLasco • choeur et orchestre de uruBicha au festivaL 2012 à santa cruz de La sierra • egLise de santa ana, orgue restauré qui a été construit par p.martin schmidt au xviiième siècLe
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ChrONique De L’héDONisMe
nationalisons la
salteña ! PAR
RAMON ROChA MONROy
L'art d'envelopper les aliments est si vieux comme universel. toutes les cultures ont saisi les moyens d’envelopper, dans de divers types de pâtes, leurs délices gastronomiques. en amérique latine, les empanadas sont célèbres: ces petits chaussons fourrés existent dans tous les pays sous des différentes formes et farces. celle de la Bolivie se distingue non seulement par son nom, la salteña, mais aussi parce que son intérieur contient une surprise...
S
ans exagérer les termes ni chercher à collaborer gratuitement avec les services de renseignements, on a pu vérifier une connexion entre la salteña et la guérilla cubaine. Il est de notoriété publique que Che Guevara apprit à ses camarades de la Sierra Maestra à faire des empanadas (petit chausson farci), et qu'il les baptisa du nom de « empanadas de la sierra ». Il ne se référait pas tant à ce lieu de prédilection de la guérilla cubaine qu’à la sierra (montagne) de Cordoba et aux mains habiles de sa maman. Abel Gonzalez, chercheur pointu et fin orateur, a réussi à retrouver la recette du Che : il s'agirait de notre salteña − mise à part l'hérésie consistant à les manger froides, ce qui nous semble, à nous autres Boliviens, complètement dingue. En effet, ces empanadas ont été emportées dans les sacs à dos afin de les manger en route, comme autant de munitions pour les longues marches. Nous autres Boliviens avons innové l'empanada universelle d'une façon extraordinaire. Nous avons la salteña de fricassée et mon ami Armando Antezana – décédé car Dieu eut envie de goûter ses salteñas – les faisait avec du ragoût pimenté de pomme de terre ou de fèves, à la morue, aux fruits de mer, sans oublier les salteñas de chairo (soupe épaisse à base de viande et de pommes de terre) et de pâtes pimentées. Une fois, alors qu'un vieux grincheux se plaignait à Armando d'avoir trouvé un mégot dans ses salteñas, celui-ci lui répondit « Félicitations Monsieur. Vous avez trouvé la fève ». Puis il l'indemnisa avec une douzaine de ses « spéciales ». Ce n'est pas pour rien que nous l'appelions le Gros haha : pour le Corpus Christi il nous régalait
de salteñas fourrées de beignets, de cacahuètes et de mandarine, trois mets typiques de cette célébration. Le monde est rempli d'empanadas qui sont cuites au four ou frites dans une poêle. L’une des plus ingénieuses que j'ai mangées, au restaurant du siège de l'Unesco à Paris, était servie dans une assiette creuse en porcelaine pleine d'un délicieux potage de fruits de mer. Elle était hermétiquement fermée avec une pâte feuilletée dorée, qui se rompait comme la peau de notre salteña pour pouvoir en savourer le bouillon. Il existe toutes les farces possibles pour les empanadas, mais notre salteña est unique car elle renferme un piège, comme si elle avait été inventée par Circé, la sorcière des breuvages secrets et interdits qui séduisit Ulysse. La salteña est en effet une mauvaise blague pour les étrangers : il n'est pas de gringo qui ne se tache pas la chemise en la mangeant. Il m'est arrivé de laisser des amis mexicains dans le magasin de salteñas le plus connu de Potosi et, les retrouvant, de ne pouvoir contenir mon rire devant le massacre perpétré. Pour commencer, chacun en avait commandé dix comme s'il s'agissait de tacos – tout Mexicain qui se respecte n’en est jamais rassasié, même avec une douzaine. quand a éclaté l'hémorragie, ils durent demander des petites cuillères pour terminer, comme s'il s'agissait d'une succulente soupe chupe-llokhalla ou d'un chairo. Pourquoi notre salteña est-elle si juteuse comparée aux empanadas argentines ? C'est ici qu'entre en jeu l'hypothèse de Ricardo Perez Alcala, un si incroyable gourmet qu'il suffirait d'écouter la chronique de ses repas pour écrire un best-seller. tout d'abord, précisons 28
ChrONique De L’héDONisMe
photo : Limonchif
photo : maguiLaz
que les salteñas qui se mangent à Potosi, à quelques pas de la mairie, sont les meilleures du monde, tout comme celles de Sucre et les empanadas de Santa Clara. En fait, Ricardo raconte qu'en 1812, lorsque les troupes de l'Argentin Juan José Castelli abandonnèrent Potosi, une cantinière de la ville de Salta (Argentine) décida de rester s'installer dans la Ville Impériale en vivant de la vente d'empanadas. Depuis, les habitants de Potosi ont l’habitude de dire : « Allons manger les empanadas de la salteña » (nom donné aux habitants de Salta). Pour résister à la fraîcheur du climat, il fallut augmenter l’apport en calories et c'est pourquoi la recette originale s'est-elle enrichie de petits cubes de gélatine naturelle qui, fondant à la chaleur du four, se mêle aux condiments et se transforme en bouillon. Nos compatriotes vivant à l'étranger utilisent parfois de la gélatine synthétique, mais parviennent seulement à faire des empanadas nostalgiques et tristes. La question est « pourquoi n'adoptons-nous pas une bonne fois pour toute l'hypothèse de Perez Alcala – particulièrement plausible – et ne nationalisons-nous pas notre salteña ? ». Si la touche délicate apportée par le jus a été notre contribution à l'empanada universelle, pourquoi ne l’appelerions-nous pas la boliviana (« bolivienne ») au lieu de salteña ? -
photo : tamorLan
La « saLteña » ou empanada réadaptée aux goûts et cLimats BoLiviens !
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Dakar
Le dakar dans les hauteurs Les 12 et 13 janvier 2014, le dakar passera pour la première fois de son histoire en Bolivie. en deux jours, motos et quads traverseront les départements de potosi et oruro avec pour clou du spectacle les paysages fantastiques du salar d'uyuni. Les 70 000 visiteurs attendus en Bolivie pour le passage de la course ont incité le gouvernement bolivien à investir dans l'amélioration de nombreux secteurs.
E
n janvier prochain, le Dakar franchira pour la première fois la frontière bolivienne pour marquer de ses traces deux départements du pays : Potosi et Oruro. Le premier jour, l'itinéraire prévoit de passer par les municipalités de Villazon, tupiza, Atocha et Uyuni et le lendemain celles de San Pablo de Ipes, Colchaca, tawa, Ika, San Pedro de quemes et San Agustin. Sur les 500 pilotes au départ le 5 janvier à Rosario en Argentine, environ DE NOMBREUX tRAVAUX 250 conducteurs de motos et ONt DU êtRE RéALISéS quads auront l'occasion de déPOUR AMéLIORER LES SER- couvrir les paysages merveilVICES BASIqUES DANS LES leux de la Bolivie. Les LOCALItéS PARCOURUES. contraintes géographiques et climatiques ne permettant pas la planification d'une étape classique, les conducteurs de voitures et de camions rejoindront directement le Chili depuis l'Argentine. Les deux étapes qui se disputeront en Bolivie seront des étapes marathon car les pilotes ne pourront pas recevoir d'assistance mécanique. « Ils devront s'aider mutuellement s'ils le désirent » explique Etienne Lavigne, le directeur du Dakar. Les organisateurs de cet événe-
ment, conquis par la découverte de ces nouveaux paysages qu'ils classent parmi les plus surprenants du continent, annoncent être ravis de pouvoir offrir ce spectacle aux participants. Le passage le plus attendu du tronçon bolivien est sans conteste le salar d'Uyuni situé à 3700 mètres d'altitude dans le département de Potosi. Cinq visites et deux ans de négociation auront été nécessaires pour que le Dakar en Bolivie devienne une réalité. La Bolivie, 28ème pays à accueillir la compétition, intègre ainsi les 30 ans d'histoire du Dakar. Il s'agit d'un défi aux enjeux importants, et d’un grand effort réalisé par le pays ainsi que le souligne Pablo Groux, ministre des cultures : « nous savons que nous allons être vus par le monde entier ». Chargé de remettre la fiche environnementale certifiant que la compétition n'affectera pas l'environnement, les zones de culture et le patrimoine culturel de la Bolivie, le ministre voit les retombées positives pour le pays qui se fera connaître grâce aux « images de la course qui seront suivies en direct à la télévision dans 200 pays ». Les efforts économiques consacrés à l’événement sont conséquents : outre les deux millions de dollars pour acquérir la franchise du Dakar, 70 millions de bolivianos (environ 7 millions 30
Dakar
photo : aLicia niJdam
itinéraire du daKar 2014.
L'hôteL de seL du saLar d'uyuni
d'euros) ont été investis par l'Etat, les départements et les municipalités pour être prêts à accueillir près de 70 000 visiteurs prévus pour l'occasion. De nombreux travaux ont été réalisés pour améliorer les services basiques tels que l'eau potable, la santé et l'électricité dans les localités parcourues. Des crédits préférentiels ont été accordés aux entrepreneurs souhaitant investir dans l'hôtellerie, secteur clé pour accueillir les milliers de visiteurs qui afflueront pendant le déroulement de la compétition. Le système d'illumination et de contrôle de l'aéroport international d'Uyuni aura également été mis au point. Ces investissements ne seront cependant pas sans retour. Le gouvernement a calculé que, pendant le passage du Dakar, le pays récupérera 500% de son investissement consacré à l'achat de la franchise, soit 10 millions de dollars. Selon le président Evo Morales, « Les ressources investies pour le Dakar 2014 sont déjà garanties. De plus, pendant l'épreuve, la Bolivie pourra montrer au monde la diversité culturelle et la beauté de ses paysages ». 31 José Lirauze
photo : Linda de voLver
photo : Linda de voLver
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photo : Luca gaLuzzi
photo : amado Bautista
La bOLivie T’aTTeND...
Uyuni, Le salar d’Uyuni un coin de lune sur
La bOLivie T’aTTeND...
r terre PAR AMADO
BAUtIStA
dans le sud-ouest de la Bolivie, perdu à 3700 mètres d'altitude parmi les sommets les plus hauts des andes boliviennes, se cache le salar d'uyuni. formé il y a 40 000 ans après la disparition du lac minchin, il a une superficie proche des 11 000 km² et une profondeur de 10 à 120 mètres. quasiment inconnu jusqu'au milieu du siècle dernier, le salar n’était jusqu’alors traversé que par les caravanes de lamas transportant des blocs de sel destinés à être vendus sur les marchés. de nos jours, sa réputation et ses réserves naturelles en sel et lithium en ont fait l'une des régions les plus dynamiques de Bolivie. 33
La bOLivie T’aTTeND...
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Le salar, emblème du tourisme bolivien
La légende du Salar raconte que l'on vola par jalousie la fille d'une magnifique indigène, tunupa, qui avait hérité de la beauté de sa mère. Le Salar, issu des pleurs et du lait versés par tunupa, fut transformé par les dieux désireux de punir les voleurs en un vaste désert de sel recouvrant les terres fertiles cultivables. La sublime indigène fut érigée en un volcan majestueux: tunupa, une montagne de plus de 5000 mètres d'altitude située au pied du Salar.
Le Salar est en effet l’une des principales destinations touristiques de Bolivie. Selon les époques de l'année, il se transforme en miroir de sel ou en un désert blanc infini offrant un spectacle exceptionnel. Alentours peuvent être admirés des volcans EN 2007, LE SALAR enneigés, des îles perdues au milieu du désert, des cactus, le FUt NOMMé PREMIèRE désert de Siloli, le fameux MERVEILLE DU MONDE arbre de pierre, les lagunes coMODERNE PAR LA lorées, les flamands roses... Le REVUE BRItANNIqUE Playa Blanca, considéré ROUgh RIDeS. comme l'un des 10 hôtels les plus insolites du monde, fut bâti entièrement en sel, et est aujourd'hui converti en musée. Chaque année, les visiteurs partant à la découverte de ce paysage naturel unique sont de plus en plus nombreux et, en 2007, le Salar était déclaré première merveille du monde moderne par la revue britannique Rough Rides. En 2004, le gouvernement bolivien le désignait comme embléme du tourisme de Bolivie.
Les Lipez, habitants du salar depuis des millénaires... Les alentours du Salar sont peuplés par la culture Lipez depuis 1200 av J-C. Avant la conquête, la région était l’une des plus organisées tant socio-économiquement que politiquement. Elle est actuellement structurée en huit municipalités pour une population d'à peine 25 000 habitants qui parlent l'aymara, le quechua et l'espagnol et qui s’emploient à la culture du quinoa royal, à l'élevage, à l'extraction de sel et à la prestation de services touristiques.
photo : amado Bautista
quelques anecdotes autour du salar...
Le voLcan tunupa vu depuis Le saLar
Neil Armstrong, premier homme à avoir marché sur la lune, raconte que regardant la terre depuis l'espace la brillance du Salar d'Uyuni fut la première chose qui lui sautait aux yeux. Lors de l'exploration d'Apollo XI, il était son point de référence, non seulement grâce à sa netteté depuis l'espace mais aussi parce qu’il s'agit du dernier point visible de notre géographie planétaire. Grâce à sa grande superficie et sa haute réflection lumineuse lorsque l'eau le recouvre durant la période des pluies, le Salar d'Uyuni permet une meilleure calibration des satellites que la superficie des océans (il est d'ailleurs clairement visible sur les sites internet de visionnage satellite). -
photo :martin saint-amant
Alors qu'Uyuni est resté pendant longtemps un important centre ferroviaire et minier, il s'agit actuellement d'un lieu tranquille qui vit essentiellement du tourisme. Des tours du Salar, des volcans et des lagunes sont proposés sur place par des guides locaux. Il est également possible de visiter le musée archéologique et anthropologique des Andes méridionales dans le centre ville et le cimetière des trains à trois kilomètres au sud d'Uyuni. 34
photo : dr
La bOLivie T’aTTeND...
L'extraction du sel en forme d'adobes est millénaire. Ces dernières années, l'entreprise Produits Naturels Déserts Blancs a mis en valeur cette ressource naturelle à travers un commerce inclusif avec l'Association des Producteurs de Sel (APROSAL) qui regroupe 150 familles des communautés de Caquena, Chltaico, Chiquini, Cacoma, situées dans la zone nord du Salar pour obtenir des sels de différentes saveurs. Le processus est totalement naturel et manuel et les produits, ne contenant ni additifs ni conservateurs, sont dirigés vers le marché local demandeur de produits sains. Ce produit unique est protégé par la marque Del Salar, nom qui fait référence à son origine et valorise la culture locale ayant conservée une pratique traditionnelle d'exploitation du sel. -
photo : amado Bautista
L'exploitation du sel naturel
ci-dessus : • extraction du seL sous forme d'adoBes • ramassage du seL
Pour en savoir plus : www.delsalar.com
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salar d’uyuni, le plus grande mirroir du monde. PhOtO: A. BAUtIStA
Délégation Permanente De l’état Plurinational De Bolivie auPrès De l’unesCo