LE PROCESSUS DE CONCEPTION ARCHITECTURALE EN MAQUETTE DELERUE Victor
Université catholique de Louvain Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale, d’urbanisme LOCI Saint Luc Tournai
LE PROCESSUS DE CONCEPTION ARCHITECTURALE EN MAQUETTE
DELERUE Victor Année académique 2014 / 2015
Promoteur : M. Veauvy Lydéric Lecteur : M. Accarain Pierre
Mémoire présenté par Victor Delerue en vue de l’obtention du diplôme d’architecte.
Remerciements Tout d’abord, je remercie Messieurs Veauvy Lydéric et Accarain Pierre d’avoir acceptés d’être respectivement promoteur et lecteur de mon mémoire. Je remercie tout particulièrement mes deux parents pour m’avoir accompagné durant l’intégralité de mes études, malgré les embûches. Un grand merci également à Valérie et à Sophie pour la pertinence de leurs remarques et la précision de leur relecture.
sommaire - INTRODUCTION -
11
- PARTIE I - L’usage de la maquette dans le temps
15
1_ La valeur symbolique à l’Antiquité
15
2_ La valeur d’exécution au Moyen Âge
27
3_ La valeur de mémoire chez les Incas
35
4_ La valeur de résolution à la Renaissance
38
5_ La valeur de vérification au Baroque
46
6_ La maquette aux Temps Modernes
51
- PARTIE II - La place de la maquette dans le projet
53
1_ Différentes typologies de maquettes
54
2_ L’expression de la structure
69
3_ La réflexion de la façade
82
4_ La répétition de la forme
86
5_ L’assemblage du programme
91
6_ L’aboutissement de la technique
99
7_ L’atmosphère de la matière
103
- CONCLUSION -
117
- ANNEXES -
121
1_ Table des matières
123
2_ Table des illustrations
127
3_ Bibliographie
139
- INTRODUCTION Tout au long de la concep-
ci permet à son observateur de
tion architecturale d’un projet,
choisir son angle de vision afin
un Architecte dispose de diffé-
d’avoir une lecture spatiale im-
rents outils nécessaires à sa
médiate
représentation.
ces
C’est aussi un outil de travail
modes de représentations possède
pour l’Architecte en recherche
des
propres.
de proportions et de formes pour
Les dessins en deux dimensions,
son projet. Par l’expérimenta-
tel que le plan ou la coupe,
tion en maquette, il peut ainsi
possèdent
limites
projeter son idée directement en
contraignantes dans le processus
volume, et développer ainsi ses
de conception. La dimension spa-
qualités spatiales, formelles et
tiale est éludée, le regard fran-
matérielles.
chit les murs et cloisons sans
manipulation fait de cet instru-
obstacles. Les perspectives et
ment l’un des atout majeur dans
autres dessins en trois dimen-
le processus de conception ar-
sions permettent quant à eux de
chitecturale.
Chacun
caractéristiques
de
certaines
en
trois
Cette
dimensions.
liberté
de
rendre compte de la profondeur
11
spatiale présente dans un pro-
J’ai choisi de développer ce su-
jet, mais elles offrent néanmoins
jet dans le cadre du travail de
un point de vue défini et figé.
mémoire de Master car c’est un
C’est à partir de ce postulat
domaine
que les Architectes se mirent à
chitectural
utiliser la maquette, seul outil
dés la première année. Ce mode
de conception capable de conser-
de représentation apporte à mon
ver la dimension spatiale dans
sens
sa globalité tout au long du dé-
sur l’architecture que l’on es-
veloppement
saye de mettre en place en tant
du
projet.
Celle-
un
de
l’enseignement qui
regard
m’a
très
ar-
intéressé
prononcé
qu’étudiant. Comme on peut le
conception de leur projet archi-
voir durant nos études, il suf-
tectural. En premier lieu, nous
fit parfois de «deux ou trois
commencerons
bouts de carton» pour créer de
présenter le thème ici abordé en
la sensibilité et exprimer les
replaçant l’usage de la maquette
idées fondatrices d’un projet.
dans
Cet état de fait m’a été claire-
Nous verrons que l’évolution de
ment révélé lors d’un projet ré-
son usage dans le temps a per-
alisé en atelier de 2ème année.
mis
Les
de
bien distinctes. De l’Antiqui-
passer durant tout le développe-
té à nos jours, les maquettes
ment du
projet, ainsi que pour
n’ont pas traversé les époques
la soutenance finale, uniquement
en ayant une fonction unique.
au moyen de maquettes. Aucune
D’autres champs d’application se
représentation
n’était
sont offerts à elle que celui de
souhaitée. Ce projet a attisé ma
la simple représentation archi-
curiosité par le fait de nous de-
tecturale. Mais quelles étaient
mander d’expliquer nos idées et
ces fonctions? Au départ, elle
nos résolutions architecturales
était utilisée principalement au
sans autre mode de représenta-
service d’un but empreint d’une
tion. J’ai tenté de répondre à
profonde symbolique funéraire et
ces exigences lors de ce projet
religieuse. A partir du Moyen-
et c’est tout naturellement que
âge, la maquette prend sa place
je me suis orienté vers ce sujet
en tant qu’outil d’exécution ar-
au moment de faire un choix de
chitectural,
sujet.
dialogue entre l’Architecte et
objectifs
impliquaient
papier
son
tout
d’abord
contexte
d’identifier
historique.
des
comme
par
périodes
support
de
ses interlocuteurs afin d’en faTout au long de ce mémoire, nous
ciliter
la
compréhension.
Par
chercherons à définir les diffé-
la suite elle devint un outil
rentes motivations qui amenèrent
de vérification architecturale,
au fil du temps les architectes
mais aussi de représentation fi-
à utiliser la maquette dans la
nale d’un projet, à l’image de
12
la «Grande maquette» de l’époque
architecture. Le travail d’Anto-
Renaissance, en Italie. A par-
ni Gaudi à Barcelone en est le
tir de là, l’utilisation de la
parfait exemple. Nous analyse-
maquette architecturale affirme
rons une sélection de quelques
son
les
architectes qui considèrent ce
idées et les espaces imaginés
mode opératoire par la maquette
par les Architectes.
comme primordial dans leur ré-
potentiel
à
traduire
flexion architecturale. Dans les En second lieu, nous verrons pour
cas que nous évoquerons, cet ou-
quelles raisons et de quelles
til était nécessaire à l’appré-
façons l’usage de la maquette a
hension d’une forme, d’un pro-
évolué pour ne plus être seule-
gramme ou encore d’une façon de
ment qu’un outil de rendu final,
faire résonner la dimension ma-
mais pour réellement conduire le
térielle d’un projet. Nous ten-
processus de recherche d’un pro-
terons ici de mieux comprendre ce
jet quel qu’il soit. L’utilisa-
que l’utilisation de la maquette
tion de cet outil pris tout son
leur apporte lors du processus
sens dans le cas de structures
de conception, et pour quelles
complexes par sa capacité à pou-
raisons
voir retranscrire à échelle ré-
pour eux de passer par celle-ci
duite le système statique d’une
pour résoudre leur Architecture.
il
est
indispensable
Quelles sont les valeurs ajoutées par l’utilisation de la maquette dans la conception architecturale du projet?
13
14
- PARTIE I L’usage de la maquette dans le temps « A différentes étapes du projet sont développées différentes maquettes. Tout est signifiant dans ces objets : leur échelle, leurs matériaux, leur mode de représentation […] Leur pouvoir de séduction, enfin, est sans doute une caractéristique essentielle à prendre en compte dans toute étude historique »1 1- Colloque international La maquette, un outil au service du projet architectural, p4
1_ La valeur symbolique à l’Antiquité Le modèle social bulgare
Les
plus
anciennes
ma-
quettes recensées à notre époque proviennent de la culture Gumelnita1. En effet, des modèles en [1-2] En haut: modèle de sanctuaire en argile , Gumelnita ; En bas: modèle d’habitation, argile , Gumelnitaa.
céramique ou en argile ont été retrouvés sur le site de la nécropole de Varna, en Bulgarie. Ces modèles représentaient généralement des maisons ou des sanctuaires de façon abstraite [1,2].
1- La culture gumelnita date de la seconde moitié du Veme siècle av. JC.
15
ries de rituels. Le type de rituel funéraire choisi révèle la catégorie sociale de l’individu enterré. Les tombes présentant de nombreuses richesses, telles que des modèles en argile, du mobilier en or ou en cuivre [4,5] ou encore des os indiquent la présence d’individus puissants de
leur
vivant.
A
l’inverse,
les tombes ne présentant pas ou peu de richesses indiquent que le défunt n’était pas considéré comme quelqu’un de puissant. A cette période de l’histoire être enterré avec de nombreux objets rituels, dont le modèle architectural
fait
partie,
atteste
d’une position hiérarchique im[3] Tombe à inhumation contenant des objets funéraires , Gumelnita.
portante dans la ville.
Les fouilles effectuées dans les tombes [3] font état de la présence de ces modèles. Ceux-ci sont utilisés
à cette époque
comme outils de symbolique funéraire en rapport direct avec la structure sociale de cette civi-
[4-5] A gauche: idole en or destinée aux rites funéraires , Gumelnita ; A droite: idole en bois gumelnita.
lisation. L’étude de la nécropole de Varna a permis d’identifier l’usage de ces offrandes funéraires selon trois catégo-
16
Le modèle funéraire égyptien Les éléments retrouvés de
tains
modèles
réduits
simpli-
cette époque nous indiquent que
fiés
symbolisent
les architectes de l’Égypte An-
des maisons, des temples ou par-
tique concevaient leurs bâtiments
fois des tombeaux. Ces modèles
sur base de dessins. Ceux-ci font
s’inspirent de l’architecture de
la mention de côtes afin d’indi-
l’habitat ou de l’architecture
quer les principales dimensions.
sacrée, dans l’idée de donner au
Malgré cela, il est établi que le
défunt une demeure adéquate pour
modèle en trois dimensions pos-
son passage de la vie à la mort.
généralement
sède une place très importante dans la culture religieuse et funéraire de cette civilisation. Pour les Égyptiens, le culte funéraire est le moyen d’assurer la continuité de la vie du défunt dans l’au delà. Cette survie dépend des offrandes qui lui seront faites et qui permettront de nourrir son ka1. La croyance
[6] Modèle funéraire de silos à grains en terre cuite, 15cm.
égyptienne veut que le ka ait besoin d’un support afin de re-
On a retrouvé des modèles en terre
cueillir
spirituels.
cuite dans des tombes royales da-
Ces offrandes funéraires symbo-
tant de l’époque thinite2. Ceux
lisent l’énergie vitale accordée
-là ont l’apparence de silos à
au ka du défunt par les dieux.
grains [6]. Leur signification
Ces modèles révèlent divers ni-
est spirituelle: approvisionner
veaux d’abstraction. Dans un but
de façon constante le ka du dé-
essentiellement religieux, cer-
funt. Même si ces objets gardent
ces
dons
1- Le ka est la force vitale de tout être humain. 2- L’époque thinite s’étend de -3100 à -2700 av. JC.
17
leur valeur de figuration d’une
aux modèles en bois et aux mai-
architecture, on remarque néan-
sons d’âmes utilisées dans le
moins une certaine capacité à
cadre de cérémonies rituelles.
évoquer
En ce sens, on retrouve aussi
une
volumétrie.
Ici,
quatre silos cylindriques à dôme sont disposés sur une base commune carrée. Une cour à ciel ouvert se dégage en négatif des volumes pleins. Les ouvertures sommitales,
dont
la
fonction
première est l’approvisionnement en grain sont creusées dans la matière. Dans d’autres tombes royales à
[7] Figurine en calcaire représentant une boulangère au travail, 40cm.
Gizeh et à Saqqarah datant de
des objets à forte valeur symbo-
l’Ancien Empire1, des chercheurs
lique, généralement sacrés (vo-
retrouvèrent
en
tifs) ou sépulcraux (urnes, sar-
calcaire présentant des personnes
cophages).La seconde catégorie
en train d’effectuer des actions
se rapproche plus des véritables
du quotidien. Ces figurines ont
maquettes architecturales. Ces
pour fonction d’améliorer le sé-
dernières sont souvent en cal-
jour du défunt dans l’au-delà.
caire et servent à représenter
Tandis que certains lui donnent
des détails tels que des co-
du confort à celui-ci, d’autres
lonnes, des chapiteaux, des gar-
sont en lien avec son alimenta-
gouilles, des marches, etc…
des
figurines
tion ou son divertissement [7]. D’une façon générale, deux caté-
Selon la façon d’interpréter la
gories d’artefacts apparaissent.
taille d’un
La première catégorie correspond
tural», une troisième catégorie
«modèle architec-
1- L’Ancien empire s’étend de -2700 à -2200 av. JC.
18
C’est
mur simulant la façade du palais
celle du modèle réduit à échelle
royal et ses portes ouvertes.
humaine, animée d’une forte sym-
Par ailleurs, sur le coté de la
bolique. On peut en voir l’exemple
pyramide de Djoser, on peut re-
au sein du complexe funéraire de
marquer un champ de ruines com-
Djoser à Saqqarah, en Egypte.
posé d’une multitude de morceaux
Cette
l’œuvre
de pierres taillées [8,9]. A la
du premier architecte connu de
manière d’un laboratoire expéri-
tout les temps: Imhotep. Ce com-
mental, on a cherché ici à ex-
plexe donne la sensation d’être
périmenter de nouvelles formes.
la réplique d’une cité réelle à
On peut y voir les premières ébauches de la recherche par l’objet.
mérite
d’être
souligné.
réalisation
est
échelle réduite, pétrifiée par le temps. On se retrouve avec une espèce de décor de théâtre grandeur nature et surtout, à échelle humaine. Le premier tombeau du pharaon se trouve dans la pyramide, mais il existe un second tombeau dans le complexe. On trouve dans celui-ci des magasins contenant de nombreux objets destinés au séjour du pharaon dans l’au delà, tels que des vivres, vaisselles et vêtements. On y trouve aussi une grande quantité de représentation ornementale réalisée pour que le pharaon se sente comme chez lui après la mort: des façades de chapelle symbolisant la stabilité de l’univers, des bas reliefs à l’image de fenêtre ainsi qu’un
19
[8-9] Champ de pierres taillées, pyramide de Saqqarah, Egypte.
Les modèles de maisons d’âmes égyptiennes Ces modèles sont fortement présents de la fin de l’Ancien
[11] Modèle détaillé de maison d’âme égyptienne, terre cuite.
Empire à la fin du Moyen Empire1. Ce sont des plateaux d’offrandes funéraires en terre cuite. Il s’agit d’ersatz2 des modèles en bois ou en pierre utilisés pour les rites funéraires des couches sociales plus aisées. Les versions les plus rudimentaires représentent assez grossièrement la table d’offrande [10]. Certains modèles en revanche sont plus détaillés [11], et laissent apparaître des espaces à portiques, des étages structurés, des escaliers et parfois même des répétitions de toits terrasse.
Les
donateurs
déposent
sur le plateau leurs offrandes. On peut observer un canal à la fin du plateau. Celui-ci servant à faire couler les liquides offerts en libation par le biais du [10] Modèle rudimentaire de maison d’âme égyptienne, terre cuite.
conduit
et
leur
permettre
d’atterrir à l’intérieur de la chambre funéraire. Pour Petrie3,
1- Le moyen empire s’étend de -2040 à -1710 av. JC. 2- Un ersatz est un substitut de moindre valeur. 3- Flinders Petrie est un professeur d’égyptologie anglais né en 1853 et mort en 1942.
20
ces modèles sont à considérer
que le complexe funéraire. Mal-
comme des équivalents de maison
gré le fait qu’elles s’en inspirent par certains aspects, ce ne sont donc pas des reproductions à échelle réduite des maisons terrestres, car elles incarnent de façon absolue ces dernières.
terrestre destinée à accueillir l’âme du défunt, à défaut d’avoir un véritable complexe funéraire. Les égyptiens ont la conviction que le modèle funéraire a les mêmes
propriétés
spirituelles
Les modèles égyptiens en bois peint C’est durant les périodes
en est l’exemple le plus par-
de la Première Période Intermé-
lant. Vingt quatre de ces mo-
diaire1 et du Moyen Empire que
dèles y étaient présent, mettant
l’on trouve la majeure partie de
en scène de multiples activités
ce type de modèles. Ceux-ci sont
telles qu’entre autres une bras-
également
serie, une boucherie ou encore
destinés
à
accompa-
gner les personnes défuntes dans
une étable.
leur autre vie. Mais à l’inverse des maisons d’âmes que l’on retrouvent dans les tombes d’individus plus modestes, les modèles en bois sont généralement dans les tombes d’individus plus aisés. Ici, on cherche généralement à symboliser une scène montrant des personnages en train de faire une activité commune, souvent alimentaire ou artisanale [1]. La tombe de Meketrê
2
[12] Modèle en bois, comptage de grains sous l’œil d’un contremaître, tombe de Gemniemhat, Saqqarah.
1- La Première Période Intermédiaire (PPI) s’étend de -2200 à -2040 av. JC. 2- Meketrê est chancelier sous le règne de Mentouhotep II durant la PPI.
21
modèle de bateau symbolisera le pèlerinage posthume du défunt à Abydos1, un modèle de troupe de soldats lui permettra de se défendre dans l’au delà contre le chaos régnant à une époque imprégnée de nombreux combats civils. «Les
représentations
figurées
des éléments qui composent le monde [...] sont chargées d’un pouvoir divin qui les rendent magiquement vivantes, actives, efficaces»2 [1] Modèle en bois de jardin, tombe de Meketrê.
Peu de ces modèles sont parve-
Dans la culture égyptienne le
nus jusqu’à nous. L’un d’entre
temple n’est pas qu’un lieu de
eux représente un jardin à cour
prière, il incarne la demeure
fermée ponctué d’arbres, avec un
terrestre du dieu. Il est lo-
bassin rectangulaire au centre
gique de constater la présence
[13]. Un espace couvert à double
de modèles en bois de temples
colonnades est présent. Tout est
égyptiens dans certaines tombes
réfléchi
soit
[14,15]. On y dénombre généra-
installé le mieux possible après
lement plusieurs encoches avec
sa mort. Les combinaisons sont
le bord arrondi à l’arrière, ré-
multiples, et chaque modèle a un
parties de part et d’autre d’un
rôle et une signification symbo-
escalier sur le devant de la
lique bien précise. Alors qu’un
façade du temple. Ces encoches
pour
le
défunt
1- Abydos est une ancienne ville sainte d’Égypte vouée au culte du dieu Osiris. 2- Lengrand (Juliette), Modèles réduits ou maquettes des tombes de l’Égypte ancienne, Essai, 2010, p. 1.
22
[14-15] En bas: socle d’un modèle de parvis de temple égyptien au 1/21, bois Tell el-Yahudiya; A droite: le même socle, avec les éléments replacés.
divers
projet, mais plus probablement
éléments comme les sphinx sur le
en tant qu’objet de culte funé-
devant, les obélisques ou encore
raire. Les modèles de ce genre
le temple en lui-même. On ne
étaient destinés à établir pour
peut pas vraiment s’établir sur
l’éternité un culte aux dieux
le fait que ces modèles aient
afin d’assurer la survie du pha-
été réalisés en tant qu’avant
raon défunt dans l’au delà.
permettent
d’y
insérer
Le test de la pyramide de Khéops
23
A notre connaissance, il
être une maquette souterraine à
existe un exemple de maquette
échelle réelle plongeant jusqu’à
ayant aidé à l’exécution d’une
dix mètres au-dessous du niveau
architecture égyptienne. Cette
du sol. Petrie parle de cette
excavation
taillée
roche
désert
même
la
maquette comme d’un test ayant
Gizeh
se
servi à confirmer le dimension-
trouve non loin de la pyramide de
nement des galeries de la pyra-
Khéops. Ce que les archéologues
mide de Khéops construite ulté-
ont pris au départ pour une tombe
rieurement. Cette maquette fait
ou un ancien passage rejoignant
preuve d’une très grande préci-
la pyramide se révèle en réalité
sion d’exécution. Il était né-
du
de
à
cessaire que cette maquette test
hauteurs, les angles sont exac-
soit la plus fidèle possible de
tement retranscrits et reflètent
la construction finale, pour en
parfaitement le système de pas-
vérifier tous les aspects. La
sages retrouvés dans la grande
comparaison des coupes respec-
pyramide. On peut noter toute-
tives de la pyramide et de cette
fois quelques différences entre
maquette rend compte d’un grand
les deux ensembles. En effet,
nombre de similitudes [16,17].
les galeries de la maquette sont
Les
moins longues que celles de la
largeurs
de
passage,
les
[16-17] En haut: coupe des galeries de la pyramide de Khéops, 1903; En bas: coupe schématique de la maquette, Flinders Petrie, 1909.
24
pyramide. Ce n’était pas néces-
Pour finir, une différence mar-
saire car l’intérêt principal de
quante apparaît dans le procé-
cette maquette était de donner
dé constructif, dans le sens ou
les mesures exactes aux appa-
la maquette a été construite par
reilleurs de pierre pour la ré-
soustraction de matière dans la
alisation finale. D’autre part,
masse du sol. Alors que la py-
on retrouve dans la maquette un
ramide pour sa majeure partie a
conduit vertical qui n’a pas été
été construite par addition de
réalisé par la suite. Ce conduit
pierres
servait vraisemblablement à éva-
proportion de ses galeries se
cuer les déblais à fur et à me-
trouve au dessus du niveau du
sure du creusement dans la roche.
sol.
taillées.
Une
grande
Constat
25
En définitive, mis à part
dans leurs codes culturels. Pour
quelques légères exceptions, on
eux, lorsqu’ils confectionnent
ne peut pas vraiment considé-
un modèle de maison d’âme, ce
rer que l’architecture antique
modèle ne représente une mai-
se soit servit de la maquette
son, elle est réellement l’in-
comme un outil au service de son
carnation de l’habitat où va sé-
processus de conception. Une des
journer l’âme d’un défunt pour
raisons principales vient de la
l’éternité.
façon dont les civilisations de
des égyptiens n’étant pas al-
l’époque appréhendent ce qui sé-
phabétisée, on comprend la né-
pare le réel de l’irréel. Les
cessité d’une communication fi-
mots
dé-
gurative au moyen de symboles
cor,..., n’ont pas de signifi-
forts, tels que l’expriment par
cation pour les égyptiens, de la
exemple les Hiéroglyphe1 ou les
même façon que la frontière entre
modèles funéraires. Dans le cas
ce qui est de l’ordre du réel
des modèles en bois, il n’y a
et de sa représentation n’existe
aucune volonté de frontalité ou
factices,
simulacre,
La
quasi
totalité
de symétrie. Les proportions de
tue l’une de ces valeurs fortes.
l’échelle humaine ne sont pas
C’est d’ailleurs, encore actuel-
respectées. Le rapport à l’es-
lement, une des motivation pous-
pace ne prend sa valeur que dans
sant l’Architecte à utiliser la
l’expression
symbolique
maquette. Le caractère sacré de
spirituelle. C’est l’évocation
ces modèles indiquent une si-
du mouvement qui prime ici, et
gnification profonde, comme le
c’est pour cela que ces modèles
souligne
sont fait pour être opérant à
tion élevé des proportions. Nous
partir de multiples points de
sommes ici plus proche de l’ar-
vue. Cette
chétype architectural que de la
d’une
dynamique exprimée
dans l’usage du modèle consti-
le
degré
d’abstrac-
forme réaliste.
1- Les hiéroglyphes sont un mode d’écriture figurative en relief par idéogramme.
26
3_ La valeur d’exécution au Moyen Âge Les modèles à caractère commémoratifs Ces modèles sont la repré-
donateur présentant l’objet de
sentation miniature et conven-
sa donation. La statue de Tis-
tionnelle de certains édifices.
sandier1 est très illustrative
On cherche ici à offrir l’image
à ce niveau [18]. Celle-ci il-
générique
lustre l’œuvre d’un bâtiment non
et
symbolique
d’un
bâtiment. Cette image prend sa
réalisé
mais
source des attributs iconogra-
très précise dans ce qu’elle dé-
phiques de l’église catholique.
voile. Elle présente un niveau
Mais on y retrouve aussi des
de détails avancé tel que les
images plus ajustées à la réa-
contreforts
lité constructive, souvent assi-
tants constituant la structure
milée à la représentation d’un
en façade. Des éléments que l’on
[18-19] En bas: statue de Jean Tissandier présentant une maquette de la chapelle de Rieux, 1324-1348; A droite: Peinture de Fernàndez de Santaella en donateur, Séville, Chapelle de Santa marie de Jesus, Alejo Fernàndez, 1520.
1- Jean Tissandier était un prélat français du XIVéme siècle.
27
et
reste
les
néanmoins
arcs
bou-
peut retrouver dans d’autres ré-
Celles
alisations par la suite, comme
précises, comme la peinture de
l’église Jacobins de Toulouse.
Fernàndez présentant la maquette
D’autres sont la représentation
de la chapelle de Santa Maria
d’une
[19].
architecture
existante.
là
sont
concrètes
et
Les modèles de présentation et d’exécution Ce sont des modèles à caractère instrumentaux dont l’intention consiste à exposer ou à démontrer un projet de construction. Le modèle n’a pas la même fonction selon l’interlocuteur auquel il est destiné. Il sera perçu comme maquette de présentation si l’architecte s’en sert pour prouver sa réalisation au commanditaire, qu’il soit de nature
privé,
institutionnel
ou
encore ecclésiastique. Dans ce cas
de
figure,
les
maquettes
ont d’ailleurs tendance à être conservées. C’est ce qu’il s’est passé pour le modèle de flèche au
couronnement
de
la
cathé-
drale de Valence [20], réalisé à l’origine afin d’obtenir les fonds pour sa restauration, et conservé [20] Modèle de flèche pour la cathédrale de musée Valence, bois doré, musée municipal.
encore
maintenant
au
de Valence. Cependant, si
28
le modèle est réalisé pour des artisans désignés à matérialiser le projet, il prend un caractère plus opératif. Il sert surtout durant le processus de construction du bâtiment, et perd son utilité principale une fois celui-ci construit. A ce titre, ces
[21-22] En haut: Modèle de traceries d’une fenêtre gothique, argile; En bas: Fenêtre gothique en Aragon, XVéme siècle.
modèles n’étaient généralement pas conservés par la suite, ce qui explique le peu de documents visuels parvenus jusqu’à nous. Malgré cela, nous pouvons quand même
évoquer
l’existence
d’un
modèle réduit en argile [21]. Celui
là
permettait
d’envisa-
ger une proposition de traceries percées d’une fenêtre gothique à la manière de celles réalisées par la technique du plâtre structurel en Aragon1 entre XIVéme et XVéme siècle [22]. 1- La communauté autonome d’Aragon est localisée dans le nord de l’Espagne.
29
Les moles Ces modèles grandeur na-
encombrants. Par exemple, dans
ture étaient réalisés dans le
le cas de la cathédrale Notre-
but de servir de base de réfé-
Dame de Chartres1, six gabarits
rence pour la réalisation d’un
de moles ont suffit à réaliser
édifice. Représentant générale-
les soixante-douze pierres tail-
ment de petits éléments d’une
lées constituant la rosace pla-
construction, ils permettaient
cée sur le portail royal [23].
à
communiquer
Par ailleurs, les moles d’élé-
ouvriers
ments
l’architecte
visuellement qu’ils
de
aux
devaient
ce
de
représentation
plus
retranscrire.
sculpturales, comme des statues
C’était un moyen efficace d’évi-
ou des gargouilles, montraient
ter de possibles erreurs d’exé-
plutôt un aspect général. Ceci
cution. En fonction de ce qu’ils
pour laisser au sculpteur un mi-
devaient représenter, ces moles
nimum de liberté d’expression.
étaient réalisés en bois ou en pierre, et parfois en métal. Leur utilisation est le plus souvent visée pour des éléments revenant de façon récurrente dans un édifice, à la manière
d’un assem-
blage en pierre taillée pour un mur ou une voûte. Quand un Architecte était amené à produire un
mole
pour
un
édifice,
il
s’arrangeait pour que sa forme soit reproduite un maximum de fois dans le projet car ceuxci étaient généralement chers et
[23] Rosace du portail royal de la cathédrale Notre-Dame de Chartres, 1224-1227.
1- La Cathédrale de Chartres a été construite vers la fin du XIIème siècle.
30
Les modèles à caractère de permanence modèles
cer, la proposition architectu-
concernent surtout ce que Fernàn-
rale fut présentée à l’évêque au
dez appelle tabernacles, autre-
moyen du tabernacle qui décida
ment nommés dais architecturaux.
par la suite de faire exécuter
Ce sont des ouvrages d’architec-
réellement cette voûte.
Ce
type
de
1
ture réalisés en pierre, en bois sculpté ou parfois même en métal. Ils sont le plus souvent utilisés pour couvrir une statue, un autel, une chaire ou une tombe. L’intérêt de ces modèles est de traduire en trois dimensions le projet au commanditaire, ainsi que de démontrer aux entrepreneurs sa viabilité. Il est fréquent de conserver ces modèles en relation dans les construc-
[24-25] En haut: tabernacle protégeant la vierge à l’enfant, cathédrale de Pampelune; En bas: voûte à treize clés, salle capitulaire, cathédrale de Pampelune.
tions menées à terme. C’est le cas du tabernacle protégeant la vierge à l’enfant à l’épiphanie dans la cathédrale de Pampelune [24]. On envisagea grâce à ce modèle la voûte à treize clés que l’on retrouve au sein de la salle
capitulaire
cathédrale
[25].
de
la
même
Pour
commen-
1- Dans le colloque «Microarchitecture et figures du bâti : l’échelle à l’épreuve de la matière» 1/5».
31
Les modèles à caractère iconographique Cette
catégorie
concerne
que d’autre part des arcs-bou-
à
tants doublés rappelant notam-
religieuses,
ment ceux employés dans la ca-
ceci incluant des bâtiments ec-
thédrale de Bordeaux. Ces deux
clésiastiques construits. C’est
cathédrales, à Wells et à Bor-
le cas du tabernacle coiffant la
deaux, ont été visitées par le
statue de la vierge qui préside
maître Inglés durant son voyage
le tympan du portail de la ca-
vers la péninsule ibérique. La
thédrale de Huesca2 [26], datant
solution du tabernacle est com-
du XII . Ce projet architecto-
plètement différente que celle
nique est lié à Guillermo In-
de la résolution du plan de la
glés . Ce tabernacle semble di-
cathédrale elle-même [28]. On ne
rectement inspiré du chevet de la
peut qu’en déduire que cette so-
cathédrale anglicane Saint-André
lution a été réalisée en aval
de Wells4 [27]. On y retrouve des
de la construction de la cathé-
caractéristiques communes telles
drale, en étroite relation avec
que des chapelles à base car-
la symbolique de l’image mariale
rée culminant en chapelle hexa-
qu’elle a pour fonction de pro-
gonales en partie haute, ainsi
téger.
des
modèles
d’autres
se
images
rapportant
1
éme
3
[26-27-28] A gauche: tabernacle de la cathédrale, Huesca; Au milieu: plan de la cathédrale de Wells; A droite: plan de la cathédrale de Huesca.
1- Le tympan est la surface d’un fronton de portail située entre le linteau et l’arc. 2- Huesca est la capitale de la province espagnole du même nom, en Aragon. 3- Guillermo Inglés est un architecte anglais mort en 1214. 4- Wells est une ville anglaise du district de Mendip dans le Somerset.
32
Les modèles d’étude statique Nous savons qu’à de rares
le
tout
recouvert
de
plâtre,
exceptions certains Architectes
comme pourrait l’être un véri-
eurent recours à l’utilisation
table
de la maquette pour la conception
ont même été réalisées sous la
de leurs projets, principalement
maquette pour simuler le plus
dans le cas d’étude de charges.
véritablement les répercussions
Malheureusement, ces maquettes
des charges. Dans son ouvrage2,
n’ont pas été conservées. Pour
Picard parle d’une maquette de
la basilique San Petronio, ré-
cire des cryptes de l’abbaye de
1
alisée par Antonio di Vincenzo
Saint Germain d’Auxerre évoquée
en 1390 à Bologne, une maquette
par Heric d’Auxerre3. Celle-ci
de l’entièreté de l’édifice fut
aurait été nécessaire à cause
utilisée pour étudier la sta-
des difficultés de réalisation
tique du projet. Cette maquette
des cryptes dues à la forte dé-
est l’une des premières à inclure
clivité du terrain. De plus, ce
la notion d’échelle réduite de
grand monument était très com-
façon
plexe
quantifiable.
En
effet,
édifice.
à
Des
appréhender
fondations
spatiale-
elle a été conçue à l’échelle
ment sur seule base de plans. La
1:12éme, ce qui lui donne des di-
vérification par la maquette a
mensions impressionnantes: trois
ainsi permis de juger de l’orga-
mètres cinquante de hauteur de
nisation générale des masses sur
voûtes pour une longueur de plus
le sol. Il devenait plus simple
de quinze mètres. D’autre part,
ainsi de voir de quelle façon
elle
les
est
caractéristique
par
les matériaux employés: De la
charges
se
répartiraient
entre elles.
pierre maçonnée avec du mortier, 1- Antonio di Vincenzo est un architecte italien né en 1350 et mort en 1401. 2- PICARD (Jean-charles), Évêques, saints et cités en Italie et en Gaule. Études d’archéologie et d’histoire, Publication de l’Ecole française de Rome n°242, 1998, pp 321-333. 3- Heiric d’Auxerre est un moine bénédictin né en 841 et mort vers 876, dans son ouvrage Miracula sancti germani.
33
Constat époque,
le processus de conception ar-
l’usage du modèle garde la va-
chitectural, mais plutôt dans le
leur de symbolique qu’il avait
processus de construction d’une
acquise à l’Antiquité, comme no-
architecture. Et ceci dans le
tamment le phénomène de sacra-
sens ou, pour les moles et les
lisation par l’image du modèle
tabernacles , le processus de ré-
égyptien.
cette
flexion architecturale est déjà
époque du modèle comme une mi-
terminée quand ils sont réali-
cro Architecture: des objets ou
sés. Ce sont des objets finis.
images
représentant
à
échelle
Néanmoins, quelques exceptions
réduite
des
complètes
commencent à faire apparaître la
d’une construction. L’abstrac-
maquette en tant qu’élément de
tion diminue vers une représen-
conception du projet architec-
tation toujours plus précise des
tural. Avec les maquettes res-
monuments. Les architectes com-
pectives de la basilique de San
mencent à percevoir la capaci-
Petronio et des cryptes de l’ab-
té communicative qu’apporte le
baye Saint Germain, on assiste
modèle. Le modèle prend prin-
au début du principe de réduc-
cipalement
tion
Durant
On
cette
parlera
parties
à
échelle
concrète.
Les
d’exécution, à la manière des
questionnements
statiques
que
moles et de leur première ten-
posaient ces deux projets furent
tative de systématisation d’un
résolus par l’utilisation de la
principe constructif. Le modèle
maquette dans leur processus de
ici ne rentre pas vraiment dans
réflexion.
une
valeur
d’outil
à
34
3_ La valeur de mémoire chez les Incas La pierre de Saywite Le culte des divinités na-
logique de retrouver l’image de
turelles a une place prépondé-
cette pratique dans les lieux de
rante dans la civilisation inca.
culte. Ces derniers étaient ha-
Il était fréquent
de leur faire
bités par des prêtres et ves-
des offrandes et sacrifices afin
tales dont la fonction était de
de
procéder aux rituels d’offrandes
s’attribuer
leurs
faveurs. des
pour les dieux. Il apparaît que
lieux de cultes en signe de vé-
les incas se servaient réguliè-
nération à ces divinités. L’une
rement de dessins ainsi que de
d’elles, Viracocha, est associée
modèles divers avant de commen-
à l’aménagement du sol. Quand on
cer
connaît l’importance de l’agri-
villes et de leurs temples. Par-
culture et des techniques d’ir-
mi les vestiges archéologiques
rigation pour les incas, il est
incas remarquables retrouvés à
Les
incas
construisaient
la
construction
de
leurs
[29] Pierre sculptée représentant le complexe cérémonial de Saywite, complexe archéologique de Curuhuasi, Pérou.
35
ce jour, on peut noter l’existence de la pierre de Saywite [29],
actuellement
observable
dans le complexe archéologique de Curahuasi, au Pérou. Cette pierre
sculptée
représente
un
territoire, l’ensemble des trois régions1 bordant le centre cérémonial de Saywite. Cette pierre est un autel ayant un rôle à
[31] Dispositif d’écoulement des eaux, centre cérémonial de Saywite, Pérou.
assurer dans les cérémonies et
tems sacrés d’espèces animales
rites incas liés au culte de
présentes
l’eau. Aux dimensions exception-
telles que le puma, le singe ou
nelles, ce gros bloc de granit
le serpent. Les figures anthro-
est ornementé en partie supé-
pomorphes
rieure par une série de formes
morphologie les fameuses idoles
mystérieuses et complexes. Plus
représentant des divinités pour
de deux cent figures zoomorphes,
leur culte. Les figures géomé-
anthropomorphes et géométriques
triques évoquent l’architecture
y sont représentées. Les figures
globale du complexe, dont le ni-
zoomorphes ont l’aspect de to-
veau de détails va jusqu’à la
[30] Détails d’escaliers et de terrasses successives, pierre de Saywite, Pérou.
dans
ces
rappellent
régions,
par
leur
représentation des routes, des pistes et des formes d’escaliers [30]. Par ailleurs, cette pierre serait aussi une sorte de plan en trois dimensions du centre mémorial réalisé par les architectes incas afin de garder une trace des travaux hydrauliques qu’ils réalisaient. De nombreux canaux,
1- Région côtière, région montagneuse et région forestière. 2- Onze mètres de circonférence, quatre mètres de diamètre, deux mètres cinquante de haut.
36
étangs ainsi que la présence de
peut d’ailleurs encore observer
petits trous tout autour du bloc
de nos jours dans le site actuel
semble mettre en place un sys-
cette disposition en terrasses
tème d’évacuation des eaux et
successives pour faire descendre
donc confirmer cette théorie. On
l’eau [31].
Constat
37
On retrouve dans l’utili-
culiers du site dans le but de
sation de cette pierre inca une
vérifier le bon fonctionnement
forte connotation symbolique re-
d’un
ligieuse. Ceci dans le but de
le cas présent, le contrôle d’un
rendre hommage aux divinités et
ouvrage hydraulique. Ce modèle
d’attirer leurs faveurs, à la
n’a pas aidé à la conception ar-
manière des modèles funéraires
chitecturale du complexe cérémo-
de l’Égypte Antique. On repré-
nial dans le sens ou il a surtout
sente sur ce modèle les arché-
été employé à pouvoir garder une
types spirituelles du culte par
trace des travaux effectués à
la représentation des divinités
cet endroit.
et figures animales importantes.
ici son rôle en tant qu’objet
Elle sert aussi à représenter les
de sauvegarde architecturale et
paramètres topographiques parti-
culturelle.
système
utilitaire.
Dans
Le modèle amorce
4_ La valeur de résolution à la Renaissance Les maquettes en liège Dans certains cas, la ma-
ture et ses couleurs sont
très
quette se veut être à vocation
adaptés à la représentation de
touristique, car elle permet à
ruines. Le liège est donc uti-
des clients européens fortunés
lisé pour représenter l’état ac-
d’avoir un souvenir du voyage
tuel d’un édifice, mais c’est le
qu’ils ont effectués en Italie.
bois ou le plâtre dont on se sert
L’origine de la maquette en liège
pour restituer l’aspect origi-
est napolitaine. Ce matériau a
nal du bâtiment. Parfois même,
un intérêt quant à leur trans-
la combinaison des ces trois ma-
port, celui-ci étant moins lourd
tériaux s’avère très efficace.
que le bois et moins fragile que
Certaines maquettes réalisées en
le plâtre. De plus, le liège,
liège auront une structure bois
par son aspect poreux, a cette
et des décorations (frises, cha-
capacité à rappeler la surface
piteaux, reliefs) en plâtre ou
du travertin et du tuf. Sa tex-
en terre cuite.
Brunelleschi Peu de maquettes du XVIe
del Fiore à Florence à l’époque
siècle nous sont parvenues en
fin XV – début XVI. On pouvait
bon
aujourd’hui.
observer dans le travail de Bru-
Certaines permettent néanmoins
nelleschi tout le processus de
de retracer l’histoire d’un pro-
finalisation du tambour par deux
jet comme dans le cas de Filippo
éléments de réponse : une ma-
Brunelleschi, et ses maquettes
quette en bois de la coupole avec
réalisées lors de l’élaboration
les éléments de l’abside [32]
du dôme de la cathédrale Santa
ainsi que neuf autres maquettes
état
jusqu’à
38
[32-33] En haut: maquettes en bois de la coupole de la cathédrale Santa del Fiore; A droite: maquette de la structure de la coupole.
de la coupole surmontée de la lanterne. Puis afin de tester la structure du dôme, il réalise une maquette [33] dont il pousse le soin du détail jusqu’à restituer avec
exactitude
les
ornements
de chapiteaux et de balustres. La maquette devient un outil au service de la résolution architecturale. Le profil géométrique de la coupole du dôme indique les relations entre les angles et la partie centrale du sommet de la structure. La création d’un modèle physique est primordiale pour
Brunelleschi
facilement
les
pour
guider
artisans
dans
la réalisation de l’édifice. Le
39
problème de la hauteur du chantier oblige Brunelleschi à imaginer un échafaudage en bois reposant seulement sur le tambour de la coupole [34]. Il en dessine également tous les détails, jusqu’au calcul de l’inclinaison des chevrons. [34] Dessin de l’échafaudage dessiné par Brunelleschi pour la coupole de la cathédrale Santa del Fiore.
Michel-ange La rale,
maquette
par
physique
du
sa
architectu-
matérialisation
projet,
permet
à
l’observateur néophyte de saisir au premier coup d’oeil les qualités du projet, quand bien même il ne sache pas lire les projections
orthogonales
d’un
plan. De nos jours, ce type de maquette
s’apparenterait
à
la
maquette de présentation de rendu final. Le terme « modèle » est employé jusqu’à XVIIIeme siècle. Dans certains cas, l’utilisation du modèle architectural devient un fort moyen de communication
[36] Modèle de façade, Michel-Ange bois, église San-Lorenzo, Florence.
blic dit profane. Pour exemple, la restructuration de l’église San-Lorenzo, à Florence. Le pape Léon X décide de faire embellir la façade en marbre de cette
clair et accessible pour un pu-
église. Pour cela, il oppose Ja-
[35] Esquisse préparatoire de la restructuration de l’église San-Lorenzo, Florence, Michel-Ange.
Les deux architectes firent ré-
copo
Sasovino1
à
Michel-Ange2.
aliser chacun un modèle en bois de
leurs
tives
de
propositions façades.
respec-
Michel-Ange
fait plusieurs esquisses préparatoires sur papier [35], dans le but de pouvoir réaliser un premier modèle en argile. Celui-ci a disparu par la suite. Après ses premiers tests, il ré1- Jacopo Sasovino est un architecte sculpteur, italien né en 1486, mort en 1570. 2- Michel-ange est un architecte, sculpteur, peintre de la Haute renaissance, né en 1475 et mort en 1564.
40
alise un modèle en bois [36] en vue de le présenter au pape Leon X. Cela permit à celui-ci de se faire une idée par comparaison des intentions architecturales des deux artistes. Dans ce cas de figure, l’utilisation de la maquette aida le commanditaire à percevoir la qualité de l’ordre établi en façade, ainsi que l’articulation des différents principes structurels et décoratifs (soubassement,
colonnade,
ar-
chitrave, frise, fronton,etc…). D’autres architectes en firent également
usage.
Nous
pouvons
évoquer Antonio da Sangallo et la maquette de sa proposition pour l’agrandissement l’église Saint Pierre de Rome [37]. Ce projet ne fut pas concrétisé et [37] Projet de Sangallo pour Saint Pierre de Rome, gravure.
[38] Esquisse préparatoire pour la coupole de Saint Pierre de Rome, Michel-Ange.
c’est encore à Michel-Ange que revient la tâche. Ce dernier ne tient pas compte du projet de Sangallo, qu’il considère
trop
sombre, trop grand et non fonctionnel. C’est principalement la coupole de la cathédrale qui retient la majeure partie de son attention. Il s’inspire d’ailleurs de la coupole faite par Brunelleschi à Florence. Après être passé par des esquisses [38] pour la recherche de ses formes, il réalise un modèle en bois [39] afin d’en percevoir toute la complexité, tant au niveau des détails structurels que décoratifs. Une gravure d’Étienne
41
[39-40] En haut: maquette du dôme de Saint Pierre de Rome, Michel-Ange, gravure; En bas: Projet de Michel-Ange pour Saint Pierre de Rome, gravure d’Étienne Dupérac. [41-42] En haut: maquette du Redentore, bois, Andrea Palladio; En bas: Maquette de l’hotel de ville de Vicence, bois, Andrea Palladio.
« Bel objet, effet irrésistible et de sa puissance formelle, de son intelligibilité pour un public non spécialisé et de son efficacité cognitive comme porteur de multiples données »2 1- Andrea Palladio est architecte de la Renaissance, né en 1508 et mort en 1580. 2- CITE DE L’ARCHITECTURE & DU PATRIMOINE, La maquette, un outil au service du projet architectural Colloque international, Paris, Mai 2011, p 2.
42
Dupérac, réalisée à partir d’un
chitectural dans sa conception
modèle en bois de Michel-Ange
se pose. Son travail évoque une
non parvenu jusqu’à nous, nous
variété de maquettes. L’impor-
donne l’aspect général de la ca-
tance du modèle chez celui-ci
thédrale telle que le maître l’a
se démarque des maquettes plus
imaginé [40]. Nous pouvons aus-
conventionnelles
si évoquer Andrea Palladio1. En
[41], ou de la maquette en bois
effet, même s’il n’en fit pas
[42] qu’il a réalisé de l’hôtel
un usage véritable pour ses nom-
de ville de Vicence afin d’ap-
breux palais et villas, la ques-
puyer les arbitrages financiers
tion de l’utilité du modèle ar-
sur le projet en est la preuve.
du
Redentore
La maquette dans les écrits anglais Les
traités
d’architec-
conception, mais aussi d’endi-
ture de cette époque expriment
guer les éventuelles difficultés
eux aussi l’importance de l’uti-
pouvant survenir à la construc-
lisation de la maquette dans le
tion du bâtiment. En cela, il
processus constructif d’une ar-
rejoint la position d’Alberti2.
chitecture.
Un
Dans
son
ouvrage,
autre
texte
mérite
d’être
Wotton indique que l’Architecte
mentionné. Ce sont les écrits de
ne doit pas élaborer une in-
Roger Pratt3 ou ce dernier nous
tention architecturale au seul
apporte
moyen d’un dessin sur papier ou
ristique de la valeur de la ma-
d’un tracé en perspective, aussi
quette dans le projet. Il nous
exactes que puissent être leurs
la désigne comme faisant partie
mesures. Pour lui, la maquette
intégrante du contrat engageant
a l’intérêt de pouvoir résoudre
l’Architecte, le client et les
les erreurs de proportions et de
différents artisans.
1
une
nouvelle
caracté-
1- Henry wotton est un diplomate anglais né en 1568 et mort en 1639, dans son traité The elements of architecture, collected by Henry Wotton Knight, from the best author and examples, Londres, imprimé par Iohn Bill, 1624. 2- Leon Battista Alberti est un architecte, peintre italien né en 1404 et mort en 1472. 3- Sir Roger Pratt est architecte anglais né en 1620 et mort en 1684.
43
«...elle ne préviendra pas seulement toute future altération dans le chantier... mais évitera aussi toute réclamation du maître et abus de l’entrepreneur, puisqu’elle restera toujours une justification de l’invention de l’un et une preuve patente du consentement de l’autre»1
Constat C’est en Italie que l’uti-
les architectes attendent géné-
lisation de la maquette dans le
ralement le dernier moment avant
projet
connait
de dévoiler leur maquette, ceci
son essor le plus significatif.
pour ne pas déflorer leur projet
En effet, sans se substituer aux
et en conserver tout le mystère
plans des maîtres d’œuvres, elle
et la substance. Mais la valeur
sert véritablement la représen-
de
tation architecturale quand il
qu’apporte
s’agit de faire apparaître les
une importance considérable dans
idées et détails d’un projet.
le processus de conception d’un
Sur ce point, on peut d’ailleurs
projet à partir de cette époque.
noter un approfondissement des
Pour Brunelleschi par exemple,
valeurs du modèle au Moyen-Age
la maquette a d’abord une fi-
évoquées
par-
nalité interne au chantier, car
tir de la Renaissance, la ma-
elle permet la visualisation gé-
quette devient un outil au ser-
nérale du volume à construire.
vice du projet, autant dans son
Mais elle lui a permis par ail-
processus de conception que de
leurs de résoudre un question-
communication. L’objet facilite
nement structurel en la maté-
l’explication de l’intention ar-
rialisant en trois dimensions.
chitecturale de l’architecte à
Brunelleschi, pourtant
son commanditaire. A ce titre,
seur de la perspective, voyait
d’Architecture
précédemment.
A
résolution la
architecturale maquette
prend
précur-
1- R.T. Gunther, The Architecture of Sir Roger Pratt, Oxford, 1928, p.22.
44
dans la maquette la représenta-
d’un projet. Par sa qualité à
tion tridimensionnelle adéquate
restituer parfaitement les di-
pour résoudre son projet. En-
mensions, les notaires pouvaient
fin, la maquette devient aussi
s’en servir comme base de calcul
un outil permettant de calculer
d’échelles et établir des devis
avec précision le coût global
estimatifs.
… Elle est utilisée par les architectes pour déterminer les longueurs, largeurs, hauteurs et épaisseurs, ainsi que le nombre, les dimensions, la nature et la qualité de tous les éléments[...]. Elle sert également à prodiguer conseils et directives aux différents corps de métiers impliqués dans les travaux de construction. Elle permet enfin d’évaluer les coûts à prévoir. »1 1- ECOLE DE CHAILLOT, Les Maquettes d’architecture, Paris, Novembre 2009.
45
5_ La valeur de vérification au Baroque Le Bernin Dans le cas du projet du
stuc lui permettait de véhiculer
XIV,
plus efficacement la force de
Le Bernin1 fabriqua 2 maquettes
ses idées, jugées parfois diffi-
non conservées, d’échelles dif-
ciles par rapport aux typologies
férentes. L’une d’elle fut fa-
architecturales traditionnelles
briquée en stuc et l’autre en
de l’époque. Les informations à
bois, comme le montre la seule
notre disposition au travers des
trace visible à ce jour à sa-
ces dessins nous indiquent que
voir les dessins réalisés par
Le Bernin ne se contente pas de
Francart en 1695 [43]. On peut
représenter en maquette l’exacte
y voir les efforts du Bernin à
organisation de sa recherche en
définir
architec-
dessin. On remarque que les ma-
turale en adéquation avec son
quettes laissent apparaître des
époque, celle du palais pour «
modifications
un roi d’aujourd’hui » (l’ex-
projet par rapport aux gravures.
pression de l’idée nouvelle du
Malgré l’échec provoqué par le
pouvoir absolu). Le Bernin fit
refus du roi et les critiques
face à des nombreuses critiques
soulevées, ce projet est à sou-
dans les détails de son projet,
ligner comme le point de réfé-
tant au niveau des formes et di-
rence de nombreux projets fran-
mensions qu’à l’utilisation des
çais réalisés par la suite. Ces
ordres mis en place. Le recours
derniers suivirent la tendance
du Bernin à des maquettes d’ar-
exprimée par ces deux maquettes
chitecture
refusées.
nouveau
Louvre
une
de
Louis
volonté
en
toile,
bois
et
judicieuses
du
1- Gian Lorenzo Bernini, dit Le Bernin, est un architecte, sculpteur, et peintre né en 1598 et mort en 1680.
46
[43] Évolution des maquettes du Bernin pour le projet du Louvre, gravures de Francar, 1695.
47
Christopher Wren Dans le cas de la cathédrale Saint-Paul de Londres, réalisée par Christopher Wren1, on retrouve l’idée de la fameuse « grande maquette » [44] destinée à attirer les donations de riches investisseurs pour la construction du projet. Le but est de valoriser la générosité des donateurs et leur aide financière à la construction d’un édifice aux yeux du grand public. Mais son utilisation de la maquette dans l’élaboration de son édifice ne se limite pas à ceci. Après une phase préparatoire en croquis [45], Wren ré[44] Maquette de la cathédrale Saint-Paul de Londres, Christopher Wren.
[45] Croquis préparatoire de la coupole de la cathédrale, Christopher Wren.
alise des maquettes de travail de différentes échelles en lambris, bois, plâtre ou encore en petites pierres. Ces maquettes étaient réalisées pour résoudre des éléments complexes à appréhender d’une autre façon tels que les tours, les escaliers, la coupole ou encore des détails particuliers. Selon ce qu’elles représentaient,
elles
réalisées
des
par
étaient
maçons
ou
des menuiseries. Certaines ont des similitudes avec les croquis de Nicholas Hawksmoor2, et nous indiquent que ces dessins 1- Christopher Wren est architecte anglais né en 1632 et mort en 1723. 2- Nicholas Hawksmoor est un architecte britannique, élève de Christopher Wren. Il est né en 1661 et mort en 1736.
48
parallèle-
transept de l’abbaye de West-
ment aux tests effectués sur ma-
minster. La maquette offre une
quettes durant le chantier. Par-
solution consistant à restaurer
fois, elles sont réalisées après
les piliers endommagés [47].
étaient
réfléchis
la construction d’une partie de l’édifice, comme c’est le cas de deux maquettes de la toiture de l’aile ouest. Après observation de l’ensemble de la charpente, il s’avère que d’autres parties plus récentes du toit sont similaires à l’aile ouest. On peut donc penser que ces maquettes ont été fabriquées à partir de la toiture déjà construite afin de servir de modèle à suivre pour les artisans quand ils construiraient les toitures suivantes. On trouve dans son utilisation de la maquette un certain nombre de cas ou celle-ci se concentre sur la résolution de problèmes structurels.
C’est le cas pour
deux projets élaborés par l’Architecte. La première est la maquette de la chapelle du Collège de Pembroke, à Cambridge [46]. Ici,
ce
sont
les
détails
de
structure de la toiture qui sont étudiés. La deuxième concerne la proposition pour régler la mauvaise stabilité de la croisée du
49
[46-47] En haut: maquette de la chapelle du College de Pembrooke; En bas: maquette de la croisée du transept de l’abbaye de Westminster.
«Wren considérait les maquettes comme des instruments beaucoup plus polyvalents: maquettes de présentation, maquettes de conception pour l’étude de problèmes formels, maquettes technique pour trouver des solutions à des problèmes de construction, maquettes de référence future [...] maquettes-documents contractuels»1
Constat On retrouve à cette époque
D’une part, elle servait de base
une utilisation de la maquette
contractuelle pour les artisans,
explorée
précé-
qui pouvaient l’utiliser comme
dentes, c’est celle qui carac-
le moyen de connaitre précisé-
térise
le
ment le travail faisant l’objet
Cette
valeur
aux
périodes
mole
du
Moyen-âge. d’exécu-
de leur contrat. D’autre part,
tion perpétuée à la Renaissance
elle était utilisée comme modèle
s’est transmise aux architectes
d’étude en vue de résoudre des
de l’époque Baroque. Le proces-
problèmes structurels complexes,
sus de conception met en paral-
ou encore l’exécution d’éléments
lèle l’utilisation du dessin et
compliqués à appréhender spatia-
de la maquette. L’intention ar-
lement. A cette époque donnée,
chitecturale est réfléchie grâce
l’utilisation de la maquette de
au dessin en deux dimensions,
façon itérative se fait de plus
et la maquette permet de véri-
en plus fréquente. Elle est tou-
fier l’idée couchée sur le pa-
jours plus grande et plus variée.
pier. Elle a valeur d’outil de
A partir de ce moment de l’his-
vérification. Au-delà de l’as-
toire, la maquette marque sa va-
pect financier qu’impliquait la
leur en tant qu’objet d’exemple
«grande maquette», son intérêt
pour l’avenir et de sauvegarde
avait de multiples applications.
architecturale.
d’outil
1- CITE DE L’ARCHITECTURE & DU PATRIMOINE, La maquette, un outil au service du projet architectural Colloque international.
50
6_ La maquette aux Temps modernes
Comme nous l’avons vu dans cette partie, La maquette au fil de son histoire a acquis un ensemble de valeurs la différenciant des autres modes de représentation. Toutes ces valeurs font désormais partie intégrante du langage architectural. De nos jours, l’outil marque son importance dans le processus d’expérimentation architectural. Par ce biais, de multiples formes nouvelles d’architecture apparaissent, en relation avec l’essor industriel. Depuis la période avant-gardiste du XXe siècle, les architectes et artistes s’orientent vers la maquette pour en faire un outil de recherche artistique en
soi. Malevitch1 s’en sert pour en faire des objets spatiaux autonomes, sans échelle, sans mesure. De la même façon, à partir de cette époque, la maquette devient la meilleure manière de développer l’utopie architecturale ou urbaine. L’utilisation de la maquette par les avant-gardistes marque un tournant dans son évolution dans les années 1930. La relation entre architecture et sculpture a parfois porté à confusion, comme on peut le voir dans les premières expositions visant à mettre en avant l’architecture moderne. Ce tournant marque le passage de l’instrument artistique à un outil professionnel.
1- Malevitch : dessinateur, peintre, sculpteur russe né en 1878 et mort en 1935.
51
PENSEE
ACTE
MAQUETTE
RAISON REPRESENTATION INTUITION
52
- PARTIE II La place de la maquette dans le projet de
né. Cela l’amène donc à repen-
tout projet d’architecture est
ser cette idée en résolvant son
le concept architectural. Cela
projet au fur et à mesure qu’il
passe par l’intuition de l’ar-
concrétise ses pensées succes-
chitecte, ce qui l’amène par la
sives. Ce phénomène cyclique se
suite à devoir développer de fa-
déroule d’autant mieux que la
çon concrète cette pensée, en
maquette, à contrario des repré-
la matérialisant de quelque fa-
sentations en deux dimensions,
çon que ce soit. Le processus
permet la vision globale spatia-
de conception en maquette met en
lisée de l’idée architecturale.
relation deux phases : la pen-
C’est la théorie de l’accident
sée architecturale et l’acte de
évoquée par le principe de la
la matérialiser. Ces deux phases
sérendipité. Cela consiste en la
s’alimentent
l’autre.
découverte d’un principe à la
L’architecte, en concrétisant sa
suite d’une succession de hasard
pensée, se rend compte de pro-
fortuit. La manipulation par la
blèmes auxquels il n’avait pas
maquette permet de trouver une
réfléchi parce qu’il était foca-
chose différente de ce que l’on
lisé sur le concept pur imagi-
cherchait à l’origine.
La
première
l’une
étape
« Fabriquer une maquette est un acte conscient: Je fais ce que je dis et je dis ce que je fais »1
1- LARRERE (Vanessa), La maquette comme outil de conception architecturale, Mémoire de quatrième année, Ecole d’architecture de Toulouse, 2006. [1] Ci contre: Schémas du processus de conception en maquette, Ibid.
53
1_ Différentes typologies de maquettes
Depuis très longtemps, les
arbitraire et laissée à la libre
architectes sont conscients du
appréciation personnelle de ce
pouvoir de séduction que repré-
dernier. En ce sens, les choix
sente la maquette dans la pré-
de l’échelle, du cadrage ainsi
sentation d’un projet. L’étude
que des matériaux ou de l’esthé-
du projet par la maquette permet
tique générale sont très révé-
à l’architecte de visualiser de
lateurs de la volonté de commu-
façon concrète l’idée première
nication d’un projet. Certains
qu’il a pu avoir, afin d’en ju-
chercheront à atteindre un cer-
ger les qualités et défauts. Il
tain degré de réalisme, tandis
en
pour
que d’autres feront abstraction
manipulation,
en mettant l’accent sur l’idée
la modifier et l’améliorer. Les
forte du concept. Les typologies
champs d’investigation de cet ou-
exposées par la suite n’ont pas
til sont multiples : recherches
la prétention d’en fournir une
de
détails
liste exhaustive. Nous cherche-
constructifs, essais d’implanta-
rons à voir de quelles façons
tion in situ, résolutions tech-
les valeurs acquises par la ma-
niques, principes fonctionnels ou
quette au fil des siècles se sont
matériels. L’architecte
montre
transmises aux Architectes pour
ce qu’il veut sur sa maquette.
servir leur processus de concep-
Sa représentation est totalement
tion architectural.
évalue
pouvoir,
la
par
formes,
pertinence la
études
de
54
/La maquette d’urbanisme et paysage Son but est essentielle-
L’exposition à Lisbonne1 dédiée à
ment de montrer de quelle façon
Peter Zumthor nous donne un aper-
le projet vient se placer dans
çu très intéressant du travail
son site. Elle montre la rela-
de l’architecte par la maquette.
tion au contexte à l’échelle du
L’une d’elles représente un vil-
quartier, de la ville ou même
lage implanté dans une topogra-
du
maquette
phie très prononcée. L’ensemble
n’a pas pour volonté d’expri-
de cette maquette [2] est trai-
mer
intérieure
té au moyen du béton cellulaire.
du projet, qu’elle soit fonc-
Les maisons, la végétation, ain-
tionnelle ou spatiale. Elle in-
si que les routes sont représen-
dique comment l’implantation du
tées par ce seul matériau. Ce
projet modifie, ou alimente, la
dernier est traité d’une façon
situation du site existant. Se-
particulière selon ce qu’il re-
lon l’échelle choisie, le degré
présente. Alors que les maisons
d’abstraction des volumes sera
sont sculptées précisément, les
plus ou moins important.
végétations le sont grossière-
territoire.
Cette
l’organisation
[2] Maquette paysage, béton cellulaire, Peter Zumthor, Buildings and Projects 1986-2007.
1- Peter Zumthor - Buildings and Projects 1986-2007, Experimentadesign Lisbon, 2009.
55
ment [3]. Les routes [4] quant
naturelle du site, et c’est ce
à elles sont mentionnées par des
que l’on ressent par cette ma-
rainures dans la matière. Mal-
quette. Celle-ci nous évoque un
gré tout, une véritable unité
paysage brut, naturel et massif.
visuelle est ainsi mise en place
Ce travail de creusement dans
par le matériau utilisé. Zumthor
la matière nous rappelle celui
a cherché à indiquer la dominante
de la pierre inca représentant
[3-4] En haut: les maisons sont taillées avec précision (avant-plan), la végétation est taillée grossièrement (arrière plan); En bas: rainures dans le sol et les routes.
56
le centre cérémonial de Saywite
té. Pour la pierre de Saywite, le
[5]. Ces deux modèles ont été
niveau de détails est plus élevé
réalisés avec l’intention de re-
pour les formes architecturales,
présenter une portion de ter-
les routes et les escaliers [6].
ritoire. Pour l’un comme pour
En revanche les régions natu-
l’autre, le degré d’abstraction
relles sont taillées plus gros-
varie selon l’élément représen-
sièrement dans la pierre.
[5-6] En haut: pierre représentant le complexe mémorial de Saywite; En bas: on observe la précision du détail des formes géométriques, des routes et escaliers.
57
/La maquette structure Son but est d’exprimer le
quette structure pour exprimer
principe structurel du projet.
son concept statique construc-
Par
peut
tif. L’architecte théâtralise la
comment
structure. Celle-ci consiste en
la
manipulation,
facilement
comprendre
fonctionne
une
on
pour
une structure métallique de 5
intégrer ces données lors de la
étages reposant sur 6 trépieds.
conception du projet. Cet outil
Des poutres treillis se posi-
n’exprime en aucun cas l’implan-
tionnent de façon transversale,
tation, la fonctionnalité. Sui-
longitudinale
vant le concept du projet, elle
selon les étages. La maquette
peut intégrer l’idée de spatia-
[7] réalisée par Kerez exprime
lité et de matérialité. A l’ins-
le rapport entre structure et
tar de Gaudi, de nombreux archi-
espace. En faisant celle-ci à
tectes tel que Pier Luigi Nervi
grande échelle, il peut ainsi
(maquette en résine, étude du
percevoir
comportement statique du bâti-
comment les articulations entre
ment) , Laurent Ney (maquette
ses différentes poutres treillis
intuitive
pour la statique de
doivent se mettre en rapport afin
sa passerelle à Courtrai) ou en-
d’obtenir la sensation d’équi-
core
Kenzo Tange (maquette en
libre instable imaginée dans le
béton pour le Yoyogi National
bâtiment final [8]. Comme nous
Gymnasium à Tokyo) se servirent
l’avons vu dans la première par-
de la maquette structure. Dans
tie, les architectes se servent
le cas de son projet de l’école
depuis des siècles de l’apport
Leutschenbach à Zurich, Chris-
de la maquette afin de résoudre
tian
une réflexion structurelle.
Kerez
structure
partit
de
la
ma-
en
ou
périphérique
trois
dimensions
1- Pier Luigi Nervi est un ingénieur italien né en 1891 et mort en 1979. 2- Laurent Ney est un ingénieur luxembourgeois né en 1964. 3- Kenzo Tange est un architecte, urbaniste japonais né en 1913 et mort en 2005. 4- Christian Kerez est un architecte suisse né en 1962.
58
[7-8] En haut: maquette de la structure de l’école Leutschenbach, Christian Kerez; En bas: projet réalisé, Zurich.
59
Otto Frei1 a concentré une grande
[9] est constitué d’un fin cadre
partie de sa vie à faire coïnci-
métallique rectangulaire ainsi
der former et structure. L’éla-
que
boration de ses structures mi-
placés
nimales s’inspirent des formes
Un film de savon est posé sur
organiques présentes dans la na-
ces éléments et vient former une
ture. L’un de ces modèles d’étude
pellicule courbée.
de deux cercles métallique à
différentes
hauteur.
[9] Modèle de surface minimale réalisée avec un film de savon , Otto Frei.
1- Frei Otto est un architecte allemand né en 1925 et mort en 2015.
60
La maquette programme Son but est de mettre en place les articulations fonctionnelles du programme mis à disposition. Les différentes
jet. A l’échelle du bâtiment, cette maquette permet de montrer la logique fonctionnelle mise en place. Rem Koolhaas1,
fonctions sont symbolisées par une volumétrie simple et un code couleur, permettant ainsi d’appréhender rapidement les interactions entre les différents éléments à faire dialoguer ensemble au sein d’un même programme. L’important ici n’est pas d’exprimer la forme, mais de trouver le jeu de composition adéquat selon le concept du pro-
dans le projet qu’il propose pour les halles de Paris, réalise une maquette programme [10]. Elle lui permet de comprendre comment viennent se superposer les nombreuses couches programmatiques. Son projet se développant sur de nombreux niveaux, il obtient une compréhension spatiale générale, allant des soussol aux sommets de ses tours.
[10] maquette programme du projet des Halles, Paris, Rem Koolhaas.
1- Rem Koolhaas est un architecte , théoricien, et urbaniste néerlandais né en 1944.
61
/La maquette d’étude technique Son but est généralement d’établir
un
support
privilé-
à l’air, à l’eau,… ou même de tests
physiques
de
résistance
gié pour le dialogue entre in-
structurelle. Pour son projet de
génieurs et architectes. Cette
l’opéra de Sydney, Jøhn Utzon1
maquette est destinée au calcul
passe par la maquette technique
(thermique, acoustique,…) ou au
[11] pour en confirmer la forme.
contrôle des structures. Il y
De par la morphologie en coque
a une réelle nécessité de ré-
de cette réalisation, la pous-
alisme, autant au niveau for-
sée des forces latérales sera
mel que matériel. L’idée est de
très importante. Il réalise une
reproduire dans cette maquette
maquette de test en soufflerie,
le plus fidèlement possible les
afin de voir comment son bâti-
conditions du bâtiment qui sera
ment va réagir à l’impact de la
construit, afin d’arriver à des
distribution des vents sur sa
résultats les plus proches de la
structure et sur ses toits. Si
réalité projetée. Ce type de ma-
on compare la maquette technique
quette peut être amené à subir
réalisée avec le projet construit
des tests de résistance au vent
[12], on remarque qu’il y a eu
(effectué en soufflerie, simu-
des modifications effectuées au
lant toutes directions et types
niveau de la courbure et des di-
de vent), d’isolation au son,
mensions des coques.
1- Jørn Utzon est un architecte danois né en 1918 et mort en 2008.
62
[11-12] En haut: maquette technique de l’opéra de Sydney, Jørn Utzon; En bas: projet réalisé, Sydney.
63
/La maquette prototype Son but est de juger l’ef-
prendre la façon dont le matériau
fet général et les proportions
est ressenti par l’oeil humain,
à taille réelle. On cherche à
et de quelles manières sa tex-
mettre en place un extrait du
ture vient réagir à la lumière.
projet avec le degré de réalisme
C’est une maquette qui peut in-
le plus poussé, à la taille défi-
tervenir vers la fin du processus
nitive prochainement construite.
de conception architectural pour
Cette maquette peut-être utili-
valider
sée en vue de tester un prin-
triques et plastiques. Pour son
cipe
condition
bâtiment du Johnson Wax Building
réelle. Elle introduit la notion
en 1939, Wright1 fut contraint de
de l’échelle du corps humain et
fabriquer l’une de ses colonne
permet d’appréhender un rapport
en grandeur nature pour montrer
direct aux proportions. Cela peut
aux commissions de contrôle la
permettre aussi des tests de ma-
viabilité de son principe struc-
térialité du projet, pour com-
turel. En effet, ses colonnes
structurel
en
certains
choix
géomé-
[13] Colonnes structurelles, Johnson Wax Building, Frank Lloyd Wright.
1- Frank Lloyd Wright est un architecte, concepteur américain né en 1867 et mort en 1959.
64
[13] en forme très effilées de
continuer à charger la colonne.
champignon ont des proportions
La corolle de la colonne portera
particulières. Wright fait donc
jusqu’à soixante Tonnes avant de
fabriquer
s’écrouler. Cet exemple rappelle
une
maquette
proto-
type [14] à taille réelle, dans
la
l’idée de la charger et de pou-
représentée
voir montrer à tous qu’elle peut
Moyen-age. Ces modèles grandeur
parfaitement supporter la charge
nature étaient réalisés dans le
minimale requise. Cette charge
but de servir de base de réfé-
est de six Tonnes, mais par sé-
rence pour la réalisation d’un
curité
douze
édifice. Dans le cas de Wright,
Tonnes. Le test de charge est ef-
cette maquette prototype est un
fectué et on constate que cette
moyen de confirmer la viabili-
colonne porte sans problèmes la
té de son principe structurel.
charge
maximale
requise.
Mais
En réalisant une de ces colonne
Wright,
irrité
par
manque
comme référence, il montre que
de confiance des techniciens et
toutes les autres peuvent être
chargés de contrôle, ordonne de
construites.
on
teste
jusque
le
valeur
d’outil
d’exécution
par
moles
les
[14] Test de charge effectué sur la maquette prototype d’une colonne, Racine, 1939.
1- Six mètres cinquante de haut pour un diamètres au sol de vingt deux centimètres.
65
au
/La maquette concept trans-
: elle ne montre pas la forme
mettre une intention. Elle n’a
exacte du projet. Cet outil sert
pas d’échelle proprement dite et
de fil conducteur à l’évolution
peut avoir de multiples aspects,
du projet et au développement
textures, tailles, formes. L’ar-
des volumes dans leur globalité.
chitecte exprime dans cette ma-
Elle représente la forme du pro-
quette l’idée génératrice de son
jet sans en pousser le détail,
projet.
et s’apparente parfois à l’idée
Son
but
est
Cette
généralement
de
dernière
à
la
réfère
composition
d’objet-sculpture.
Elle
rend
formelle du projet, mais en per-
compte d’un niveau d’abstraction
met aussi l’expression sensible.
poussé par rapport à la réali-
Dans cette optique de véhiculer
té. Cet outil véhicule l’idée
une idée, la maquette concept
principale du projet, mais avec
symbolise
l’avantage
le
projet,
sans
le
représenter au « sens propre »
de
pouvoir
prendre
des libertés.
[15] maquette du concept structurel de l’opéra de Sydney, Jørn Utzon.
66
La construction de l’opéra
Calatrava1 a la conviction
de Sydney aurait pu ne pas être
que art et Architecture ne font
réalisée, ceci dû à la complexi-
qu’un.
té de son concept structurel,
quettes concept évoquent d’ail-
jugé défectueux et très compli-
leurs autant l’idée de sculpture
qué à réaliser. Dans le but de
que de concept architecturale.
prouver que sa structure était
On peut mettre en parallèle ici
réalisable, Utzon confectionne
une sculpture [16] réalisée par
un modèle en bois [15] des co-
l’architecte
quilles formant la toiture de son
Turning Torse de Malmö. Calatra-
projet. Cette maquette montre le
va prend son inspiration dans la
processus de réflexion d’Utzon.
morphologie du corps humain [17]
On part d’une demi sphère (donc
pour imaginer sa tour d’apparte-
structurellement opérante) que
ments [18] comme une sculpture
l’on
progressi-
isolée. Sa maquette concept ex-
vement pour arriver aux formes
prime cette volonté de torsion
constituant le projet.
et d’élancement.
vient
évider
Nombreuses
en
de
2005
ces
pour
ma-
la
[16-17] A gauche: croquis d’inspiration pour la Turning Torse, Malmö, Calatrava; En bas: maquette concept du projet, Calatrava.
1- Santiago Calatrava Valls est un architecte, artiste et ingénieur espagnol, né en 1928.
67
On peut observer la capacité de la maquette à symboliser l’essence d’un projet architectural. Le concept est suggéré par le fort degré d’abstraction. Il est possible de mettre en relation la maquette concept et les modèles
égyptiens [19] par
la notion de symbolique qu’elle implique.
Dans
les
deux
cas,
l’objet a un fort degré d’abstraction. On exprime l’essence d’une réalité parallèle. Cette dernière évoque une pensée; la pensée
architecturale
pour
la
maquette concept, la pensée funéraire pour les modèles de maisons d’âmes. [18-19] A gauche: Turning Torse, Malmö, Suède, Santiago Calatrava. En bas: Modèle funéraire de silos à grains en terre cuite, 15cm.
68
2_ L’expression de la structure /Antoni Gaudi Au fur et à mesure de son évolution
dans
le
temps,
les
crypte de la colonie Guell comme «grotesque,
,
sauvage».
architectes se servirent de la
Mais nous sommes maintenant à
maquette comme outil d’explora-
même de comprendre
tion de nouvelles techniques de
ratoire mis en place par ce der-
construction. En cette matière,
nier tout au long de sa vie. Gau-
le travail d’Antonio Gaudi consti-
di n’était pas un improvisateur,
tue l’une des figure majeure au
toute conception architecturale
développement de l’architecture
juste et subtile provenant géné-
et de l’approfondissement de ses
ralement d’un processus de ré-
techniques constructives par la
flexion profond. C’est de cette
manipulation de la maquette. Les
manière qu’il arriva rapidement
principes
en
à l’utilisation de la maquette,
place par Gaudi restèrent pen-
et non par caprice d’architecte.
dant longtemps mystérieux. Per-
Pour lui les maquettes étaient
sonne n’arrivait à comprendre à
avant tout un moyen d’étudier
partir de quel raisonnement pro-
l’architecture
venaient ces formes architectu-
nait, pour la bonne raison que
rales peu utilisées jusqu’à son
les problèmes s’appliquant à ces
époque.
modèles
constructifs
C’est
mis
d’ailleurs
pour
sont
le mode opé-
qu’il
imagi-
sensiblement
les
cela que les critiques d’Archi-
mêmes que ceux rencontrés pour
tecture de l’époque voyaient la
l’édifice construit.
1- Gaudi est un architecte catalan né en 1852, mort en 1926.
69
folle
L’arc caténaire - principes généraux La Sagrada Familla représente sans nul doute la synthèse de l’ensemble des préoccupations de Gaudi, la question structurelle
restant
la
prin-
cipale. Pour cela, il eut recourt à l’idée de l’arc caténaire, jusqu’alors peu employé dans l’architecture occidentale traditionnelle, mis à part en ingénierie dans les ponts sus-
[21] Résultantes des forces exercées sur la chaînette sans poids appliqué.
pendus. Cette forme géométrique
laissant
courbe permet la redistribution
fixée à ses deux extrémités, on
uniforme du poids qu’elle sup-
obtient une forme bien spéciale
porte, le matériau ne subissant
[20] qui se crée naturellement
par ce moyen qu’une descente de
dans l’espace sous son propre
charges en Compression. C’est le
poids: un arc soumis uniquement
procédé de la ligne de chaine
à des forces en Traction [21]. Si
inversée, occasionnellement uti-
l’on retourne le système, on se
lisée depuis le 17éme siècle. En
retrouve avec un arc soumis uni-
[20] Forme naturelle de l’arc caténaire soumis à son propre poids.
pendre
une
chaînette
quement à des forces en Compression, sans cisaillement. C’est la «voûte parfaite». Ce schéma fonctionne dans l’hypothèse ou le poids propre de la chaînette est la seule charge appliquée à celle-ci. L’application se complexifie dans le cas pratique ou l’on rajoute l’impact d’une charge structurelle par-dessus,
70
ou dans le cas d’un ouvrage de surface porteuse plus complexe (ex: voûte d’arêtes). On se retrouve assez vite avec un immense enchevêtrement de forces s’influençant mutuellement [22]. [22] Maquettes de structure funiculaire, Gaudi.
L’arc caténaire - exemples de réalisations Dans l’histoire de l’Ar-
l’utilisation de
demi-cercles,
chitecture, il est possible de
faciles à tracer afin de les
recenser de nombreuses construc-
combiner en voûtes et intersec-
tions ayant eu recourt aux pro-
tions, néanmoins plutôt éloignés
priétés structurelles de l’arc
de la forme de chaînette opti-
caténaire. Pour exemple, les ar-
male. Par la suite, avec l’Ar-
chitectes
gothiques
chitecture Gothique apparurent
s’approchaient de la forme en
les voûtes en arc brisé, consti-
chaînette dans les édifices re-
tuées de deux arcs de cercle.
ligieux,
dans
Cette époque, comme on peut le
le cas des voûtes. L’Architec-
constater, est plus proche de
ture Romane, déjà, se basait sur
l’arc caténaire original que la
romans
et
et
précisément
précédente [23].
Arc Roman Arc Gothique Arc Parabolique Arc Caténaire
[23] Schémas des différents types d’arcs.
71
Quelques autres exemples de réalisations architecturales au fil du temps utilisant le principe de la chaînette: -L’arc de Ctésiphon, Palais Taqe-Kisra, Irak, 540 [24].
[24]
-Le dôme de la cathédrale Santa Maria del Fiore, Florence, Filippo Brunelleshi, 1420 [25]. -La Gateway Arch du Jefferson National Expansion Memorial, Saint Louis, Eero Saarinen, 1963 [26]. -La coupole du dôme du Panthéon de Paris, Jacques-Germain Soufflot, 1758 [27].
[25]
[27]
[26]
72
Élaboration d’une structure par la maquette applique
les
pro-
de dix ans. Pour son époque,
mathématiques
et
phy-
c’est une maquette unique en son
siques de l’arc caténaire (dé-
genre. Grâce à un montage de fi-
couvertes empiriquement pour sa
celles lestées par des poids cor-
part) par des tests en maquette
respondant, suivant le rapport
afin de déterminer le calcul de
d’échelle, à ceux que devront
structures. Pour l’élaboration
supporter
de l’église de la Colonie Güell,
structurels. Gaudi comprend que
il construisit une maquette [28]
ces ficelles, attachées à leurs
à grande échelle de l’édifice
deux
(au 1:10 ) de six mètres par
chargées
quatre mètres de haut, sur la-
donneront une forme de d’arc ca-
quelle il travaille pendant plus
ténaire, le fil se modelant de
Gaudi priétés
éme
les
divers
extrémités de
et
poids
éléments
en
étant
réguliers,
[28] Reconstitution du modèle de Gaudi pour la colonie Güell, musée de la Sagrada Familia.
73
façon à résister le plus efficacement possible en traction à la charge imposée. Par conséquent, il est essentiel d’observer une rigueur extrême dans le contrôle de la masse des différents poids [29], leur position spatiale ainsi que leurs rapports de force respectifs. Ceci est le pré-requis nécessaire afin de refléter le plus adéquatement possible la réalité dans laquelle va se comporter l’édifice construit. Afin de faciliter la lecture des espaces et des surfaces générées [30] Maquette funiculaire recouverte de papier de la Colonie Güell, Photo d’époque.
[29] Poids de lestage pour la maquette funiculaire de la Colonie Güell.
par son projet, Gaudi choisit de fixer des papiers ou des tissus à ses ficelles [30]. Une fois la spatialité appréhendée dans sa globalité, le stade suivant consiste à retourner la structure mise en place. En inversant la forme par l’astuce du miroir, Gaudi obtient ainsi la morphologie que devait adopter ses voûtes structurelles. Par extension, on perçoit l’apparence finale, le dynamisme de la structure, la traduction des charges imposées par la construction. Les lignes constitutives
principales
de
l’édifice apparaissent.
74
Maquettes en filets et en plâtre Gaudi fait des photographies
de
ces
modèles
funicu-
laires, pour garder une trace et parfois pour re-dessiner par dessus [31]. Une fois ces formes réalisées et abouties, elles deviennent une base de travail à la réalisation de maquettes en plâtre utilisées pour de premiers tests ou calculs. Le processus de conception était assez long, Gaudi travaillant sa réflexion [31] Dessin de la Sagrada Familia sur base d’une photo de la maquette funiculaire, Gaudi, musée de la Sagrada Familia.
[32] Maquette représentant la façade de la gloire de la basilique, plâtre Photo, Gaudi, Musée de la Sagrada Familia.
par itérations successives. Dans cette idée, il confectionne des maquettes
en
plâtre
[32]
lui
permettant de représenter un niveau de détails allant du global (structure, forme) à celui de l’échelle de l’ornement (calepinage, raccord, modénature, détails esthétiques). Sa recherche en maquette trouve son sens également
75
dans
le
développement
de
ses
colonnes
hélicoïdales.
Celles-ci sont la synthèse de toutes les colonnes déjà conçues par le passé. Leur morphologie s’inspire des colonnes à base carrée ainsi que des colonnes baroques salomoniques hélicoïdales. Le mélange des deux amène à une colonne à base carré se développant
en
double
spirale
[33] Colonnes de soutien inclinées, parc Güell, Gaudi.
inversée qui évolue progressi-
liques de l’histoire de l’archi-
vement en octogone, puis poly-
tecture. Le travail de Gaudi se
gone à 16, 32, 64,..., côtés.
caractérise par l’union de la
Gaudi invente par ce procédé les
gravité et de la lumière. Pour
premières paraboloïdes hyperbo-
lui, l’art gothique est un art
[34] Reconstitution de la maquette de la nef de la basilique avec les colonnes arborescentes, plâtre, Musée.
industriel, caractérisé par la répétition successive d’éléments sans aucun respect des proportions. Selon lui, l’ornement n’y est, présent que dans l’unique but
de
dissimuler
l’erreur
structurelle, à la manière d’un bossu mettant de beaux habits pour cacher sa bosse. Il compare ainsi les contreforts gothiques à des béquilles réalisées sans imagination. Un des principe majeur de l’architecture Gaudienne apparait alors. Il fait l’analogie du promeneur aidé d’une canne. Cette dernière est toujours penchée afin d’assurer un
76
meilleur appui. Cette idée va le
voies inclinées, à l’image des
pousser à incliner ses colonnes,
rayons du soleil. La Sagrada Fa-
comme on peut le voir dans le
milia est une architecture plu-
parc Güell [33]. Le principe est
tôt paradoxale car elle forme un
similaire dans le cas de la Sa-
ensemble harmonieux, néanmoins
grada Familia. Les colonnes de
constitué
soutien se développent en forme
ments tous différents les uns
de minces troncs en partie haute
des autres, ainsi que de struc-
[34], permettant ainsi une équi-
tures
librage parfait car la charge
l’église de la Colonia Güell est
se trouve concentrée en partie
le point de départ permettant à
haute
des colonnes. Afin d’al-
Gaudi de développer l’ensemble
léger les voûtes, les espaces
de sa conception architecturale
entre
sont
à la Sagrada Familia. Elle est
pas remplis. Cette particularité
le laboratoire d’expérimentation
a également pour effet de per-
d’une majeure partie des prin-
mettre à la lumière de filtrer,
cipes révolutionnaires
au moyen de lucarnes et claire-
dans la basilique.
chaque
branche
ne
d’une
uniques.
série
En
d’élé-
définitive,
présent
/Le Modellstatik Ce type de maquette funi-
pose un problème par la suite
culaire imaginé par Gaudi, com-
à tous ceux qui tentèrent de
posé d’éléments linéaires, pré-
reproduire
sente un inconvénient. Elle ne
,tel que Frei Otto , ou encore
fait ressortir que les lignes
Heinz Isler2. Gaudi résolut cela
directrices structurelles. Dés
en partant de la structure même
lors, les surfaces n’étaient en
de sa maquette, par le biais de
aucune façon représentées. Cela
surfaces incurvées.
ce
opératoire
1
1- Frei Otto est un architecte allemand né en 1925 et mort en 2015. 2- Heinz Isler est un ingénieur suisse né en 1926 et mort en 2009.
77
mode
Procédé de base prin-
pour les ponts suspendus de Ro-
cipe fut repris et amélioré sui-
denkirchen et de Hamburg. Pour
vant
modernes,
cela, des maquettes techniques
comme par exemple le Modellsta-
furent fabriquées au 1:100éme et
tik. Cette technique consiste à
1:125éme afin de les soumettre à
l’usage de la maquette à échelle
plusieurs scénarios mécano-sta-
réduite dans le but d’étudier la
tiques. Dans les années 1960,
structure d’une construction et
l’usage des maquettes fut effec-
de pouvoir ainsi la dimension-
tué pour faire des études sta-
ner. Au début des années 1940,
tiques de structures légères, à
aucun
calcul
n’existait
pour
l’image de Frei Otto pour son pa-
évaluer
le
comportement
sta-
villon allemand de l’exposition
tique de structures difficiles
universelle [35,36,37]. Pour ce
à réaliser. L’utilisation du Mo-
projet des maquettes à échelles
dellstatik fut exploitée notam-
variables furent soumises à de
ment pour la coupole de la nou-
multiples tests structuraux par
velle gare de Munich, ou encore
photoélasticimétrie [38].
Par les
la
suite,
techniques
le
[35-36] A gauche: Maquette structure en toile tendue, pavillon allemand, Frei Otto; A droite: reproduction d’une œuvre de Frei Otto à l’Université de Stuttgart, représentant un seul des 8 mâts de son Pavillon Allemand afin d’en expliciter le fonctionnement.
78
[37-38] En haut: maquette technique pour les tests mécano-statiques du pavillon allemand, 1:75, Frei Otto , Institut für Leichte Flächentragwerke Stuttgart; En bas: Schéma du principe de La photo-élasticimétrie.
79
La photo-élasticimétrie La photoélasticimétrie est
analyser la lumière renvoyée par
méthode
d’expérimentation
ce dernier à différentes charges
d’un solide par sa photo-élasti-
appliquées. Cette ancienne tech-
cité dans le but d’en évaluer les
nique
contraintes physiques. Ce prin-
utilisée au XXéme siècle pour
cipe utilise un procédé optique
concevoir des structures méca-
se basant sur l’effet de biré-
niques complexes dans de multi-
fringence dont fait l’objet un
ples domaines. Elle connaît son
matériau soumis à une contrainte
déclin avec l’apparition des mo-
spécifique. L’idée est de di-
dèles
riger une source lumineuse sur
dans les années 1970, dont elle
le matériau étudié pour ensuite
est le point de départ.
une
photomécanique
de
calculs
est
très
informatisés
/Le Form Finding Tests physiques, systèmes de recherches Le Form Finding est l’évo-
réaction physique. La deuxième
lution technologique du principe
expérience reprend le maillage
inventé par Antoni GAUDI. Ce pro-
élastique, mais cette fois cette
cédé combine l’utilisation d’un
structure
modèle funiculaire avec une ana-
sol par trois points [40]. Les
lyse informatique du comporte-
différentes déformations de la
ment statique de ce dernier. Ici,
grille maillée et de sa surface
l’expérience consiste à utiliser
sont enregistrées à partir de
un maillage composé de multiples
plusieurs points de vue. A par-
fibres élastiques, d’en fixer un
tir de là, il est possible d’en-
point au sol pour ensuite exer-
trer les données récoltées sur
cer une traction de cette struc-
un programme informatique pour
ture [39], afin d’en observer la
créer un modèle numérique [41].
se
trouve
fixée
au
80
[39]
[40]
[41]
81
3_ La réflexion de la façade /Mies van der Rohe « Les solutions consistant à dessiner le plan en fonction de l’ombre et de la lumière se sont avérées en maquette fondamentalement inadaptées à des façades vitrées »1 en
fléchissante. Cette dernière de-
place par Mies van der Rohe2 au
vient alors pure transparence.
fil de ses constructions, a fini
Dans certains projets, il étudie
par tendre vers deux caractéris-
la relation entre une structure
tiques principales, à savoir la
et une enveloppe vitrée. Peter
transparence et la matérialité.
Carter3 écrit à ce sujet que «La
Ces
pourtant
structure et son remplissage de
hétérogènes au sein d’une seule
verre entrent en fusion, chacun
et même réalisation architectu-
perdant une part de son iden-
rale, furent mise en exergue de
tité propre en créant une nou-
la façon la plus sublime dans son
velle réalité architecturale»4.
traitement du verre. Il cherche
On se retrouve d’un coté avec la
à
vi-
formule chère à Mies, celle du
suelle du verre sous l’action de
beinahe nichts (la révélation du
la lumière, pour ne plus le voir
rien). De l’autre se retranscrit
uniquement comme une surface ré-
un évident besoin de support.
L’Architecture
deux
intentions,
modifier
la
mise
perception
1- Mies van der Rohe dans Frampton (Kenneth), L’Architecture moderne une histoire critique, Paris, ed. Thames & Hudson, 2006, p. 162. 2- Ludwig Mies van Der Rohe est un architecte allemand né en 1886, mort en 1969. 3- Peter James Carter est un architecte, étudiant et collaborateur de Ludwig Mies van der Rohe né en 1927. 4- Ibid à 1, p. 254.
82
Élaboration d’une façade par la maquette Le
processus
de
concep-
tion architectural de Mies repose principalement par un travail sur maquettes d’étude à des échelles très diverses, allant de celle d’un bâtiment dans son entièreté
jusqu’à
celle
d’un
prototype à taille réelle d’un détail particulier. Mies van der Rohe voit ses projets comme des objets construits, ce qui ex-
dans sa réflexion. Comme on peut
plique la place de la maquette
le constater dans les dessins
[42-43] En bas: perspective du projet pour le concours de la Friedrichstrasse, Mies van der Rohe, Berlin, 1921; A droite: plan du projet contextualisé.
transmis par Mies van der Rohe, ceux-ci ne lui servait qu’à
si-
tuer le projet dans son contexte [42]. Dans le cadre d’un concours à Berlin en 1921, Mies van der Rohe élabore un projet pour la Friedrichstrasse, dans
l’image
du gratte-ciel cristallin à facettes.
La
lumière
prend
dimension
nouvelle
en
au
l’aspect
d’une
verre
une
donnant sur-
face réfléchissante en mouvement constant. La forme prismatique de ce projet s’est imposée d’elle même au vu de l’aspect triangulaire [43] du terrain concerné pour le concours. Ensuite, il fragmente les façades au moyen
83
de lignes biaises afin d’éviter toute
monotonie
visuelle,
im-
pression très fréquente dans de grandes surfaces vitrées. Il se retrouve vite limité par les représentations en deux dimensions (schéma, plan, coupe,etc...) au moment d’exprimer le travail du verre qu’il imagine: La façade alterne
entre
réfléchissant,
transparent et rétractant selon l’endroit ou l’on se positionne. C’est à ce moment qu’intervient pour lui la nécessité d’effectuer une recherche en maquette, afin de pouvoir appréhender le plus correctement possible les jeux de reflets souhaités.
[44-45] En haut: maquette d’un gratte-ciel en verre sur un site non identifié, Mies van der Rohe, Berlin, 1921; En bas: Dessin de façade, maison de campagne en Béton, Mies van der Rohe.
« Mes recherches sur une maquette en verre m’ont montré le chemin et j’ai très vite compris que lorsqu’on utilise le verre, ce ne sont pas les effets d’ombre et de lumière qui comptent mais le jeu des reflets»1
1- Mies van der Rohe dans Frampton (Kenneth), L’Architecture moderne une histoire critique, Paris, ed. Thames & Hudson, 2006, p. 162w.
84
Contre la spéculation formelle Des documents d’archives,
influencées par l’exposition so-
des photographies d’époque, ali-
laire des pièces,
mentent l’idée que les illusions
du contexte sur le projet ain-
de perception des surfaces vou-
si
lues par Mies sont la raison
peuvent opérer sur la façade.
principale de la déformation des
L’utilisation
volumes dans son Architecture.
permet également à Mies d’étu-
Un autre projet de Mies van der
dier les formes et articulations
Rohe peut être mis en parallèle à
entre les différents éléments de
celui de la Friedrichstrasse par
ses projets; des notions diffi-
son traitement du verre grâce à
cilement appréhendables en deux
la maquette. Il s’agit d’un se-
dimensions [45]. La maquette de
cond projet de gratte-ciel aux
sa maison de campagne en Béton
façades vitrées dont le site ne
[46]
nous est pas connu. Au premier
d’une masse et d’une matériali-
regard, le tracé du plan peut
té. On y retrouve les caracté-
sembler arbitraire. Pourtant il
ristiques de son architecture:
provient du processus de concep-
un
tion de Mies par la maquette
lisses et uniformes, composées
[44]. Les courbes du plan sont
de larges bandes de verres.
que les
jeux de reflets qui
exprime
jeu
de
l’influence
de
la
cette
volumes
maquette
recherche
aux
faces
[46] Maquette de la maison de campagne en Béton, Mies van der Rohe.
1- Mies van der Rohe dans Frampton (Kenneth), L’Architecture moderne une histoire critique, Paris, ed. Thames & Hudson, 2006, p. 162 .
85
4_ La répétition de la forme /Herzog & de Meuron « C’est dans la complexité, la diversité et la permanente remise en question que l’on arrive à de bons projets »1 Herzog & de Meuron est une
ment constant et plus précisé-
agence d’architecture suisse si-
ment à l’idée de ville qui se
tuée à Bâle. Depuis l’ouverture
développe
de leur cabinet en 1978, Jacques
ment qu’ économiquement, socia-
Herzog et Pierre de Meuron réus-
lement ou culturellement. Malgré
sissent à faire de leur style
cela, leur méthode de conception
architectural une référence en
n’a pas toujours été celle que
termeS
spa-
nous connaissons actuellement. A
tiale, artistique et matérielle
leurs débuts, Celui-ci se résu-
par la maquette. Une de leur
mait à un mot fédérateur : In-
priorité consiste à mettre en
tuition. C’est entre autre de
place une architecture qui évo-
cette façon qu’ils réalisèrent
lue avec son temps, de façon à
la galerie Tate à Londres en
s’adapter à un mode en change-
1995 [47]. Il y avait là quelque
[47] Maquette de la galerie Tate modern, Herzog & de Meuron, 1995.
chose de très hermétique et dé-
d’expérimentation
tant
morphologique-
fensif dans ce mode de réflexion acquis durant leurs études, à savoir penser aux faits certains et non aux variations possibles. Au fur et à mesure de leurs projets, Herzog & de Meuron utilisent
de
moins
en
moins
ce
mode de conception. Ce dernier ne permettait en réalité aucune 1- Jacques Herzog, interview de H. Adam, J. Himmelreich, C. Bürkle, Bâle, 2010.
86
[48] Maquettes itératives en série de deux concepts différents, Herzog & de Meuron.
objection dans cette radicalité
voir être remis en question. Par
architecturale proposée. Par la
la manipulation, on arrive à une
suite, ils apprennent à travail-
solution pas nécessairement en-
ler par maquette itératives [48]
visagée à la base et qui pose de
dés le début de la conception de
nouveaux questionnements. Cette
leur projet, en proposant de nom-
méthode évite la standardisation
breuses idées potentielles afin
architecturale. Tous les projets
de les examiner toutes en paral-
d’Herzog & Meuron sont très dif-
lèles. L’idée est d’arriver à la
férents et sont des solutions
meilleure solution possible par
uniques. Ce cabinet ne peut pas
l’observation et la manipulation
être catalogué dans un genre ar-
de ce mélange d’idées. Même si
chitectural particulier. A l’in-
chacune de ces propositions du
verse de Frank Gehry1 par exemple,
même concept architectural ont
dont l’architecture aux formes
généralement toutes des qualités
tordues est très reconnaissable.
affichées, elles possèdent aussi
Le processus de conception de
des défauts tout aussi assumés.
Herzog & Meuron cherche le re-
Les bons projets sont ceux qui
nouvellement constant de leurs
sont assez complexes pour pou-
formes architeturales.
1- Frank Gehry est un architecte américano-canadien né en 1929.
87
Projet de la philarmonie de Hambourg Ce projet de Herzog et de
dessus [49]. Dans cette idée,
Meuron prévu pour 2017 se situe
Herzog et de Meuron font plu-
dans le port de Hambourg, au bout
sieurs expérimentations en ma-
d’un quai de chargement. Il pro-
quettes [50]. En premier lieu,
pose un mélange de programmes,
la recherche de la volumétrie
tels
de
aboutit à des solutions très di-
concert, un hôtel, des apparte-
verses: parallélépipède creusé,
ments ainsi que d’autres équipe-
affiné ou encore agglomérat de
ments publics et culturels. Un
prismes. Malgré ces formes très
ancien entrepôt en brique datant
différentes les unes des autres,
du siècle précédent est déjà pré-
on garde le principe de tension
sent sur le site. L’idée origi-
par le vide à la jonction entre
nelle de Herzog et de Meuron est
l’ancien bâtiment en briques et
de créer un contraste en venant
le nouveau volume en verre. Cet
installer un volume en verre par
espace consiste en une terrasse
qu’une
grande
salle
[49] Philarmonie de Hambourg, Herzog & de Meuron, 2015.
panoramique offrant des vues sur le port et sur Hambourg. Une fois la forme générale trouvée, Herzog et de Meuron effectuent d’autres tests en maquettes [51] pour voir comment la travailler. En faisant fondre la matière, ils définissent la façon de percer leur volume. La petite maquette d’intention structurelle montre le principe élaboré. Une forêt de poteaux vient remplir ponctuellement les espaces entre les pilastres principaux. Ceuxlà sont disposés aux extrémités
88
[50-51] En haut: différentes maquettes concept de la Philharmonie, Herzog & de Meuron; En bas: maquettes concept de la structure et des percements.
89
du coeur du projet: la salle de
tière. Le ciel, l’eau et la ville
concert. La maquette en blocs de
viennent se refléter sur cette
mousse [52] de la biennale à Ve-
façade cristalline, créant ain-
nise montre la façon dont les
si des illusions d’optique avec
architectes l’ont réfléchi. Ils
son environnement. Cette volonté
sont partis d’un bloc de mousse
s’exprime bien dans la maquette
plein dans lequel a été sculpté
urbaine [53]. On y trouve éga-
la forme par soustraction de ma-
lement des informations sur les
teintes et matérialités des bâtiments alentours. Par sa forme particulière en toiture, ce volume translucide [54] flottant par dessus la masse en brique de
l’entrepôt
se
démarque
du
contexte morphologique environnant. Néanmoins, le projet affirme sa pertinence formelle en se mettant en aboutissement du système urbain, comme un repère dans la ville. [52-53-54] En haut: maquette traitant du contraste de matière entre l’entrepôt et le volume translucide; Au milieu: maquette en mousse de la salle de concert; En bas: maquette de situation urbaine.
90
5_ L’assemblage du programme /Rem Koolhaas « Fuck context! »1
Le rapport à la ville Rem Koolhaas est un archi-
s’applique plus seulement au bâ-
tecte , théoricien, et urbaniste
timent dans sa globalité, mais
néerlandais né en 1944. Il pense
à l’idée de construire un sys-
qu’avant toute chose, il faut se
tème dans la ville dont l’aire
demander pour qui le projet doit
d’influence ne se limite pas à
être pensé. C’est la relation
l’architecture intérieure du bâ-
possible
l’architecture
timent. Koolhaas amène une ré-
et la ville qui intéresse Kool-
flexion programmatique ne se li-
haas, autant que l’architecture
mitant plus à celle du contexte
en elle même. Il porte son at-
local au projet, mais territo-
tention sur la réflexion sociale
riale. Pour Koolhaas, le terme
qu’elle peut impliquer dans son
de «grande échelle» va de pair
développement architectural. Le
avec l’incapacité typologique de
terme
la ville traditionnelle à ac-
de
entre
«grande
échelle»
ne
[55] Maquette urbaine du projet de la CCTV Headquarters, Rem Koolhaas 2004.
cueillir les programmes qu’elle sollicite. Ses projets urbains considèrent donc une recomposition urbaine de la ville, et pas seulement du vide que son architecture comble. La maquette de Koolhaas réalisée pour son projet de la CCTV Headquarters à Pékin [55] exprime cette consi-
1- Koolhaas (Rem), MAU (Bruce), S,M,L,XL: Bigness, New York, Monacelli Press, 1995,p. 495.
91
dération du projet à l’échelle
ragir avec la ville dans sa glo-
de la ville entière. Alors qu’un
balité. Cette maquette mentionne
plan masse ne donnerait que des
également les axes de circula-
données en deux dimensions, cette
tion pour comprendre le posi-
maquette urbaine permet de per-
tionnement du projet par rapport
cevoir les volumes et les hau-
aux infrastructures routières.
teurs du territoire bâti de la
Pour finir Koolhaas renseigne le
ville. Il est ainsi plus simple
traitement des espaces vides. Il
de percevoir de quelle façon la
nous indique les statut publics
volumétrie du projet vient inte-
et privés et les parcs urbains.
Projet des Halles La volonté du projet des
de la réflexion de Koolhaas. Il
Halles à Paris est d’instaurer
réalise une coupe à l’échelle de
une communication entre les dif-
Paris [56] illustrant le site des
férents acteurs sociaux
présent
Halles habité par un énorme vide,
sur le site. Le RER passe en
comparé aux sites d’autres monu-
souterrain du site sans offrir
ments contemporains. L’intention
de communication avec la ville.
est de marquer la distinction en
Il cherche à créer des contacts
proposant
entre le sous-sol et la surface
hauteur. Cet ensemble de tours
extérieure. Le but est de faire
s’affirme en tant que point de
rejoindre les jardins des halles,
repère dans la ville tout en of-
les commerces, le pôle de trans-
frant des vues cadrées sur des
port et le centre de Paris dans
éléments
un même programme. La gestion
nant.
des flux est le point principal
est générée par l’occupation de
une
installation
structurant
L’appropriation
en
environdu
site
Les halles
92
Les halles
[56-57-58] Ci-contre: coupe de Paris montrant les pleins et vides des principaux monuments contemporains de la ville; En haut: coupe illustrant l’entrecroisement programmatique projetée en rapport à l’état actuel; En bas: maquette urbaine programme, Rem Koolhaas.
93
tours partageant leurs programme
réagir avec son contexte. Elle
[57]. Le sol reste espace public
permet aussi de comprendre les
tandis que les tours accueillent
relations entre les différents
des commerces ainsi que d’autres
niveaux, du sous-sol aux étages
équipements publics. La maquette
des tours. Le code couleur in-
urbaine [58] permet de voir com-
dique comment les programmes co-
ment le gabarit du projet vient
habitent ensemble sur ce site.
Le rapport plein/vide - parcours L’architecture réagit à la
context», n’exprime pas une ar-
morphologie de la ville. Cette
chitecture détachée de son envi-
dernière n’est qu’une succession
ronnement. Au contraire, il in-
de vides creusés dans les blocs
dique par là que la forme d’un
pleins que sont l’Architecture.
bâtiment ne doit pas être pensée
C’est l’idée de la ville fragmen-
par mimétisme avec son contexte,
taire. Ce sont ces ensembles de
mais selon la logique program-
fragments de pleins et de vides
matique que le contexte suggère
constituant l’aspect de la ville
au bâtiment. Les maquettes de
qui conditionne l’architecture
Koolhaas
de Koolhaas. Son intérêt pour
des
les vides va de l’échelle de la
comme des dispositifs fabriquant
ville, comme les espaces publics
des cadrages sur le territoire.
(vides de construction), à ceux
Koolhaas développe les cadrages
de son architecture. La maquette
de son projet selon l’urbanisa-
est le meilleur moyen pour lui
tion qui l’entoure. Les percées
de percevoir ce patchwork de vo-
mettent en scène le parcours vi-
lumes
multiples.
suel du proche au lointain, ceci
Elle lui permet de représenter
incluant le sol, le ciel, les
en trois dimensions le contexte
arbres,
d’un
aux
gabarits
projet.
Son
architecture
reflète un mode d’organisation
sont
objets
les
réalisées
comme
contextualisés
bâtiments
et
et
les
[59] Maquette en mousse creusée, Ambassade des Pays-bas, Berlin, Rem Koolhaas.
des relations urbaines, et non une simple résolution formelle dans l’espace. La spatialité, la forme, les parcours mis en place sont influencés par le contexte, comme si la ville entrait dans le bâtiment. L’expression bien connue de Koolhaas, «fuck the
94
des passages contenant les escaliers se trouvent connectés visuellement d’un coté à l’espace public et de l’autre à un élément du contexte [61]. Koolhaas conçoit ses bâtiments comme s’il concevait un scénario. L’importance de cette réflexion spatiale prend toute sa valeur par l’utilisation
de
la
maquette.
Cette relation au paysage, in[60] Maquette du parcours, Ambassade des Pays-Bas, Berlin, Rem Koolhaas.
qu’est son projet, s’opère dans
vides publics. La mise à dis-
la troisième dimension. En ré-
tance fait apparaître ces vues
fléchissant par la maquette, il
comme des images du paysage que
devient plus facile de visuali-
devient la ville. Il met en va-
ser la façon dont les cônes de
leur le lien espace-temps dans
vision doivent être orientés.
la
temporisation
du
parcours
par le programme. C’est l’expérience du parcours et la coexistence de vues apportées par son architecture qui priment. Dans le processus de conception de son projet pour l’ambassade des Pays-Bas à Berlin [59], Koolhaas part d’une masse dans laquelle il vient creuser un parcours en spirale [60] allant du sous-sol à la terrasse. On garde ici un lien ambigu quant à la notion des limites du bâtiment. Chacun
95
duite par cette «machine à voir»
[61] Espace dans l’Ambassade des Pays-Bas cadrant la Fernsehturm en face d’elle.
Le rapport plein/vide - programme L’historien de l’architec-
des autres. La maquette du pro-
ture John Summerson1 définit le
jet de la bibliothèque Jussieu
programme comme étant la «Des-
en est le parfait exemple [62].
cription
spa-
Le projet qu’il élabore en 1989
tiales, relations spatiales, et
à la Sorbonne, en France, com-
autres conditions physiques re-
prend deux bibliothèques ainsi
quises pour l’exécution pratique
que plusieurs installations pour
des
spécifiques»2.
le campus. Le rapport plein-vide
Koolhaas considère que les pro-
s’exprime par le programme. Dans
grammes
superpo-
ce projet le plein représente
ser et se juxtaposer plutôt que
l’espace de stockage des livres,
de s’accommoder sur le dessin.
tandis que le vide représente
C’est
les espaces public. C’est cette
des
dimensions
fonctions doivent
l’entité
se
architecturale
qui est importante, et non le
distinction
tracé
donne
régulateur.
On
retrouve
au
des
fonctions
bâtiment
sa
qui
logique
souvent dans ses projets l’idée
programmatique.
du plan fragmenté, ainsi que les
fectue par le biais de la ma-
niveaux
quette un travail de surface où
indépendants
les
uns
[62] Maquette de la bibliothéque Jussieu, Paris, 1992, Rem Koolhaas.
Koolhaas
ef-
se positionnent ces fonctions. L’image à l’origine de la forme est celle de la feuille de papier découpée
en plusieurs par-
ties et ensuite raccordées ensemble à leurs extrémités [63 à 65]. Koolhaas imagine déjà dans son développement vertical une continuité
des
surfaces.
Puis
1- Sir John Newenham Summerson est un historien britannique né en 1904 et mort en 1992. 2- Dans «le cas pour une théorie moderne de l’architecture», reproduit dans Joan Ockman, éd architecture Culture:. 1943-1968, une anthologie de documentaire (New York: Rizzoli, 1996), p. 223.
96
la recherche de la forme par le
[69]
et
connecter
spatiale-
programme est réfléchie en pe-
ment les niveaux ensemble. Cela
tites maquettes [66 à 68]. Kool-
forme une trajectoire particu-
haas ne se contente pas d’em-
lière, une sorte de boulevard
piler les plateformes les unes
intérieur serpentant à travers
au-dessus des autres. Des par-
l’ensemble des fonctions du bâ-
ties de plancher se décrochent
timent. Le visiteur en mouvement
pour former de grandes pentes
poursuit constamment la surface
[63-64-65] Maquettes concept par découpage de feuilles raccordées, Rem Koolhaas.
[66-67-68] En haut: 34 modèles conceptuels, bibliothèques Jussieu, 1: 500 Rem Koolhaas, Paris, France, 1993; Au milieu: maquette programme; En bas: maquette programme.
97
[69-70-71] En haut: les planchers se décrochent pour assurer la continuité des surfaces; Au milieu: Schéma du mouvement en hélice; En bas: maquette de la Cruise Terminal, Zeebruge, Rem Koolhaas.
de la dalle. La succession de pentes dans le parcours entretient le mouvement continu en hélice [70]. Koolhaas est d’accord avec l’idée de la lobotomie de la façade. La façade d’un gratte-ciel ne peut pas vraiment être considérée comme une représentation du programme derrière elle. L’expansion des bâtiments est telle que la façade n’a plus un impact suffisant sur le volume
des
bâtiments.
Dans
ses
premières maquettes, comme celle de la Cruise Terminal à Zeebrugge [71], le contraste entre la façade et le programme est tiré à l’extrême.
98
6_ L’aboutissement de la technique /Jean Nouvel Projet de la Philharmonie de Paris Pour son projet de bâtiment
rieures de l’espace de sa grande
de la Philharmonie de Paris, Jean
salle de concert. Deux de ses
Nouvel réalise plusieurs types
maquettes sont essentielles dans
de maquettes d’étude techniques.
sa démarche: la maquette d’étude
Ceci afin d’effectuer des tests
du
concernant
au
ment et que la maquette d’étude
vent, son potentiel acoustique,
du son à l’échelle de la grande
ou encore évaluer les vues inté-
salle principale.
sa
résistance
vent à l’échelle du bâti-
La maquette du vent
99
Cette maquette [72], sou-
fort exercé sur la maquette dans
mise à divers essais en souff-
ce cas particulier. Neuf cents
lerie est réalisée au 1/175eme.
trente points de mesures sont
Ces tests ont pour but de garan-
répartis sur la maquette pour
tir la sécurité et le confort de
renseigner la pression soumise
ses visiteurs ainsi que de son
aux différentes parties du bâti-
personnel. En ce sens, quatre
ment. Dans un souci de réalisme,
types de tests différents furent
la maquette est installée sur
établis. Le premier, dit de di-
une plaque tournante au degré
mensionnement, simule des condi-
prés,
tions extrêmes de vent, dans le
le plus précisément possible des
genre de celles enregistrées en
vents provenant de toutes les
France
de
directions. Le contexte environ-
1999. Il permet d’analyser l’ef-
nant est représenté, car sa pré-
pendant
la
tempête
pour
pouvoir
reproduire
sence peut provoquer un impact
au bâtiment. Le dernier de ces
sur l’intensité des vents subis
tests consiste en une analyse
par la structure du projet. Les
aéro-acoustique.
deux autres tests se penchent
s’engouffrant dans les « acci-
sur la simulation des vents cou-
dents » de la Philharmonie
rants, en conditions normales.
constituent les ouvertures, in-
L’un
le
terstices et passages) pourrait
confort du public dans et au-
causer des dérangements sonores
tour de la Philharmonie. L’autre
aux musiciens ainsi qu’aux visi-
permet de comprendre de quelles
teurs. On cherche à endiguer au
manières les fumées d’incendie
maximum toute pollution acous-
se propageraient sur les ter-
tique, telle que des effets de
rasses et dans les zones d’accès
sifflement ou de vibration.
analyse
l’impact
sur
Le
vent,
en (que
[72] Essais en soufflerie de la maquette du vent de la Philharmonie de Paris, au CSTB à Nantes, France, Jean Nouvel.
100
[73] Essais acoustiques (réponse impulsionnelle, écoute directe) de la maquette du son de la Philharmonie de Paris, France, Jean Nouvel.
La maquette du son Cette tièrement
maquette
l’échelle 1:10
en-
pour
les
formations
sympho-
à
niques. Elle est soumise à de
a pour fonction
nombreux tests acoustiques: re-
réalisée éme
[73]
en
bois
de valider les qualités acous-
levés
de
réponses
impulsion-
tiques de la salle de concert
nelles, écoute directe.
Les tests acoustiques Contrairement à la simula-
101
pour
une
véritable
compréhen-
tion informatique, la maquette
sion du comportement acoustique.
son permet d’obtenir des infor-
Cette phase d’analyse fait par-
mations
tie intégrante du processus de
proche
de
la
réalité
proportions
pées en polystyrène. De la même
géométriques de cette salle de
façon, les conditions atmosphé-
concert. Encore une fois, il y
riques sont restituées par la
a ici une volonté de restituer
présence d’azote en remplacement
toutes les caractéristiques de
de l’air. L’azote permet d’imi-
la salle en situation réelle de
ter une
fonctionnement. Pour cela, l’im-
celle de l’air à taille réelle.
pact acoustique du public pré-
Tout ceci a permis de détecter
sent est représenté par le biais
d’éventuels effets d’échos non
de deux milles quatre cents pou-
repérables par calculs.
confirmation
des
fréquence équivalente à
Réponse impulsionnelle Cette méthode consiste à
son écoute. On se sert d’une pe-
émettre un son très bref (équi-
tite poupée portant un micro par
valent à un claquement de main)
oreille, que l’on vient dépla-
grâce à l’utilisation d’un haut
cer à plusieurs endroits de la
parleur placé dans la maquette.
maquette. Le deuxième type, dit
Ceci permet d’évaluer l’ensemble
monauraux, sert à évaluer les
des caractéristiques acoustiques
caractéristiques
de la salle de concert en un point
la salle en captant le son dans
déterminé.
ces
toutes les directions. Au terme
sons produits, des microphones
de ces analyses acoustiques, les
sont posés dans la maquette à
éventuels effets d’écho sont re-
des endroits stratégiques pour
censés. Pour les corriger, la
être analysés par informatique
solution peut consister à adap-
ultérieurement. microphones
Afin
d’évaluer
de
types
de
ter l’angle des surfaces réflé-
utilisés.
Le
chissantes
Deux
sont
physiques
sonores.
Une
autre
premier type, dit binauraux, est
méthode est d’envisager l’emploi
disposé au niveau du point de
de traitements diffusants ou ab-
vue d’un spectateur pour simuler
sorbants appropriés.
102
7_ L’atmosphére de la matière /Peter Zumthor « Nous ne travaillons pas sur la forme, nous travaillons sur toutes les choses. Le son, les bruits, les matériaux, la construction, l’anatomie, etc. »1
de
bien concret. Il est en constante
conception architectural, Peter
recherche d’espaces engendrant
Zumthor, architecte suisse né en
une présence, une ambiance bien
1943, part toujours au départ
particulière. Ce qu’il appelle
d’une image forte. Ses concepts
« Architecture virtuelle » sur
ne sont pas uniquement liés à
papier ou écran n’est pas sé-
une idée. Cette dernière est ac-
duisante pour lui. Ces modes de
compagnée à chaque fois d’une
représentation ne permettent pas
image provenant toujours de la
de retranscrire correctement la
visualisation d’un principe cor-
présence matérielle des consti-
porel ou physique. Ce n’est pas
tuants
d’une
Architecture.
une
dessin
[74]
intervient
Dans
idée
son
processus
abstraite.
L’origine
Le
seule-
est naïve, de l’ordre du voca-
ment au début de la conception
bulaire enfantin. Durant la to-
de son projet afin d’en énoncer
talité du développement de son
les lignes directrices. Dans la
projet, Zumthor s’attache à ce
plupart de ses projets, on peut
que cette image forte devienne
noter l’intention d’exploiter au
son
der-
maximum les qualités tactiles et
nière doit exister pour elle-
sensorielles de ses espaces et
même. Pour lui, l’Architecture a
de ses matériaux, tout en affir-
un corps physique bien présent,
mant leur volonté minimaliste.
Architecture.
Cette
1- Dans ZUMTHOR (Peter), ATMOSPHÈRES Environnement architecturaux - Ce qui m’entoure, éd. Birkhaüser Basel, 2008.
103
[74] Croquis des Thermes de Vals, Peter Zumthor.
Élaboration d’une matérialité par la maquette L’apport fondamental de la
réunir des matériaux, des choses
maquette chez Zumthor est évident
du monde dans le but de créer
chez lui. Il la voit comme un
un espace. Dans sa conférence
corps existant à part entière,
Atmosphères, il fait l’analogie
une sorte d’anatomie organisée
entre la constitution de la ma-
afin de permettre la prouesse de
quette et celle du corps humain:
« De la même manière que nous possédons un corps avec une anatomie, une peau et des choses que l’on ne voit pas,etc.., c’est ainsi que l’architecture agit sur moi, et c’est ainsi que j’essaie de la penser. Corporellement, comme une masse, une membrane, une matière ou une enveloppe, un drap [...] Le corps! Pas l’idée du corps - le corps lui-même! Qui peut me toucher. »1 Les matériaux et les moyens d’in-
lui soumet. On peut la percer,
teragir
propriétés
la poncer, la fendre, la scier,
sont infinis. Par exemple, la
la polir, créant ainsi un panel
pierre aura un aspect très dif-
de textures toutes différentes.
férent selon le traitement qu’on
Dans le même ordre d’idée la
avec
leurs
1- Dans ZUMTHOR (Peter), ATMOSPHÈRES Environnement architecturaux - Ce qui m’entoure, éd. Birkhaüser Basel, 2008.
104
quantité
de
matière
utilisée,
matériaux
que
leurs
poids.
influera aussi sur la façon dont
apparaître une certaine tension
le matériau va réagir aux ef-
entre eux selon la distance à
fets de la lumière. Un seul et
laquelle ils sont les uns des
même matériau laisse donc imagi-
autres. Zumthor considère chaque
ner de multiples possibilités de
espace comme s’il fonctionnait
textures. La maquette est pour
à la manière d’un grand instru-
lui le parfait moyen d’obtenir
ment. Un espace a la capacité
une résonance optimale entre les
d’amplifier les sons, ainsi que
matériaux,
s’accor-
de les rassembler et les re-
der entre eux à la manière d’une
transmettre. Concevoir un espace
partition musicale pour d’abou-
par la maquette permet donc à
tir à un produit final unique.
Zumthor de vérifier de quelles
La recherche en maquette expéri-
façons un matériau aura une in-
mente un autre facteur que ne le
fluence sur le son présent dans
permettent pas les représenta-
l’espace concerné. L’importance
tions en deux dimensions: celui
de l’action de la main de l’homme
de la distance. Cette proximi-
sur la matière est ici claire-
té critique des matériaux entre
ment dominante, voire fondatrice
eux au sein d’un même ouvrage
du processus de conception ar-
dépend des caractéristiques des
chitecturale de Peter Zumthor.
faire
matériaux
de
qu’elle soit petite ou grande,
les
Les
ainsi
laissent
«il y a alors un point ou ils sont trop éloignés et ou ils ne vibrent pas ensemble, et il y a aussi un point ou ils deviennent trop proches, ce qui les tue»1 1- Dans ZUMTHOR (Peter), ATMOSPHÈRES Environnement architecturaux - Ce qui m’entoure, éd. Birkhaüser Basel, 2008.
105
Les thermes de Vals de
blocs, des fragments de toit.
Peter Zumthor s’il en est [75].
Le plan se compose de volumes
L’image dans l’esprit de l’ar-
simples en formes de parallélé-
chitecte à l’origine du dévelop-
pipèdes. Zumthor réalisa une ma-
pement de ce projet est celle
quette [80] par moulage de cire
de la carrière. La carrière de
dans du carton. L’ensemble des
Saint Paul a d’ailleurs été sa
intentions architecturales sou-
source
princi-
haitées y sont exprimées. Même
pale tout au long du projet [76
si la matérialité est uniforme
à 79]. Il avait l’idée d’ouvrir
dans ce projet, les textures ne
la
que
le sont pas. C’est pour cela que
des blocs y seraient restés à
les blocs [81] furent réalisés
la fin de l’opération. L’inten-
par strates de cire, tandis que
tion de creuser dans la masse
les dalles de plafond ont été
est aussi présente, pour ne plus
fondues sans strates. Les effets
laisser au final, en plus des
de lumière sont assurés, permet-
Bâtiment
emblématique
d’inspiration
montagne
en
imaginant
[75] Thermes de Vals, Vals, Canton des Grisons, Suisse, Peter Zumthor.
106
[80-81] En haut: maquettes en cire des Thermes de Vals, Peter Zumthor; En bas: blocs de cire coulées par strates.
tant ainsi à la matière de la pierre d’apparaître. Ces strates de pierre sont dimensionnées à l’échelle
humaine.
Les
parois
des blocs sont constituées par l’empilement
réfléchi
de
lits
de pierre parcourant l’enveloppe entière des thermes (équivalant à soixante milles pierres taillées de un mètre de long, soit soixante kilomètres de pierres). Ces dalles semblent être toutes d’épaisseur différentes et avoir été appareillées de façon aléatoire. Ce n’est qu’une illusion.
107
[76-77] Carrière de Saint Paul.
108
[78-79] Intérieur de la maquette en cire des Thermes de Vals, Peter Zumthor.
109
En réalité le système d’assem-
des blocs fermés. Dans cette op-
blage fonctionne par déclinai-
tique, les espaces interstitiels
son de trois éléments d’épais-
et
seur variable dont la somme est
plafond entre les différents mo-
toujours égale à quinze centi-
dules de toiture sont représen-
mètres. Par la permutation de
tés. L’escalier [83] n’est pas
l’ordre dans lequel ces trois
envisagé comme un bloc rajouté
éléments sont empilés [82], on
mais comme faisant partie inté-
assure une variété visuelle sur
grante du socle du bâtiment. Il
toute la peau du bâtiment. Cette
est tout simplement creusé dans
maquette reflète l’effet «sanc-
le sol. Zumthor réalise aussi
tuaire» voulu par Zumthor. Elle
des maquettes en pierre de son
nous permet de percevoir l’équi-
projet, afin
libre presque impossible généré
fets produits par les failles de
par le toit: une masse impor-
lumière sur la pierre détrempée
tante semblant flotter au dessus
par les bains.
autres
ouvertures
dans
le
d’évaluer les ef-
[82-83] En haut: les trois systèmes d’assemblage de strates de pierre; A droite: Moulage en cire coulée d’un escalier, Thermes de Vals, Peter Zumthor.
Chapelle Saint-Nicolas de Flue Ce projet est à l’origine
saint patron Saint Nicolas. La
issu de la volonté d’un fermier
particularité de cet objet perdu
de réaliser un lieu de pèleri-
dans la nature [84] est concen-
nage en hommage à Dieu et à son
trée dans sa matérialité et sa
110
[84-85] En haut: chapelle Saint-Nicolas de Flue, Mechernich, Allemagne, Peter Zumthor; A droite: maquette de la structure.
méthode constructive élaborée en
dont le sommet laisse passer la
maquette [85]. cent douze troncs
lumière et la pluie. Une fois
en pins de douze mètres de haut
le béton durci, Zumthor a fait
ont été rassemblés en faisceau
mettre le feu à cet assemblage
puis couverts de couches succes-
afin d’obtenir un aspect crénelé
sives béton, afin de créer une
par la forme des troncs et noir-
sorte de grotte verticale [86]
ci par la combustion.
[86] Etapes de constructions successives, Chapelle Saint-Nicolas, Peter Zumthor.
111
les
perceptions
visuelles
re-
cherchées: un bâtiment qui est vu dans son contexte et qui permet à l’inverse de contempler celui-ci. La maquette de paysage [88] Croquis d’intention de la chapelle, Peter Zumthor.
[89]
réalisée
par
Peter
Zum-
thor intègre de façon évidente
L’intérieur de la chapelle est
ces notions d’isolement et de
très confiné pour accentuer le
ponctuation. Le traitement ici
regard vers le ciel [87], comme
évoque un «no man’s land» ponc-
le souligne le croquis [88]. La
tué de masses végétales, dans
chapelle inclut l’ensemble des
lequel vient se poser délicate-
champs alentour dans son inter-
ment une ponctuation physique,
vention pour mettre en valeur
la chapelle [90].
[89] Maquette paysage de la chapelle Saint-Nicolas, Peter Zumthor.
112
[87-90] En haut: intérieur de la chapelle dirigé vers le ciel; En bas: maquette en strates successives de béton de la chapelle Saint Nicolas, Peter Zumthor.
113
La quintessence de la matière Dans un de ses projet, Pe-
néaire et trop sec à son goût.
ter Zumthor devait réfléchir à
Cette anecdote nous confirme une
l’essence de bois la plus appro-
chose sur Peter Zumthor: il est
priée à mettre en revêtement de
en constante recherche de l’es-
sol d’une pièce de séjour dont les
sence de la matière. C’est aussi
murs étaient en béton apparent.
de cette façon qu’il conçoit la
Zumthor avait en tête d’utili-
quasi totalité de ses maquettes.
ser un bois dur, à l’image de
L’atmosphère
l’ébène, possédant une masse et
fortement conditionnée par les
une densité à opposer à l’éclat
matériaux
incroyable du béton apparent. Le
texture, la température et la lu-
bois de cèdre tendre ne semblait
mière sont des caractéristiques
pas pour lui répondre à ces cri-
importantes de la matière. Pour
tères, car trop tendre. Afin de
Zumthor, chaque bâtiment possède
trouver la solution, il compila
une température bien déterminée.
plusieurs échantillons de bois
De ce fait, un espace conçu en
afin de les tester sur chantier.
bois ne donnera pas à l’homme
A sa grande surprise, le cèdre
la même sensation que s’il était
convenait le mieux à cet envi-
conçu en béton. A la manière
ronnement.
d’une
Néanmoins
un
année
le
d’un
espace
constituant.
partition
musicale,
est La
il
plus tard, d’autres essences de
parle de la gamme tempérée de
bois précieux, sombres, durs et
cet espace. L’utilisation de la
constituées de nombreuses veines
maquette [91] pour concevoir un
réapparurent aux côtés des bois
espace donne donc un aperçu de
tendres
mo-
l’atmosphère finale ressentie.
ment-là, par comparaison entre
Cela lui permet par ailleurs de
les différents caractéristiques
placer les matériaux et les sur-
de bois, Zumthor arriva à la
faces spatiales à la lumière, et
conclusion que le cèdre n’était
de voir de quelles manières ils
finalement pas adapté, trop li-
l’absorbent ou la réfléchissent.
et
clairs.
A
ce
114
« En général, nous avons une grande maquette ou un dessin, le plus souvent une maquette, et il arrive qu’un projet fonctionne sous de nombreux aspects, et que je le regarde et dise: oui, ça marche, certes, mais ce n’est pas beau! »1
[91] Maquette de la chapelle Saint-Nicolas, plomb coulé pour le sol, Peter Zumthor.
1- Dans ZUMTHOR (Peter), ATMOSPHÈRES Environnement architecturaux - Ce qui m’entoure, éd. Birkhaüser Basel, 2008.
115
116
- conclusion L’analyse historique nous
l’un des autres atouts majeurs
démontre que la maquette a acquis
de son utilisation dans le pro-
un ensemble de valeurs au fil
cessus de conception architec-
du temps. Celles-ci ont été in-
tural. La maquette a l’avantage
fluencées principalement par les
de pouvoir appréhender efficace-
cultures de chaque époque et par
ment les proportions ainsi que
les besoins inhérents à celles-
les espaces par la manipulation.
ci. On retrouve dans ces modèles
Elle permet de mettre la pensée
des considérations que les ar-
en trois dimensions et de déve-
chitectes d’aujourd’hui ont tou-
lopper notre capacité d’imagina-
jours, telles que le traitement
tion des interactions spatiales.
d’une matière, d’une fonction ou
C’est le principe de la Sérendi-
encore d’une volumétrie. C’est
pité: par l’accident, on trouve
l’ensemble de ces valeurs ajou-
une chose différente de ce que
tées acquises sur plusieurs mil-
l’on cherchait au début, à l’is-
lénaires qui donne à la maquette
su d’une série de circonstances
sa consistance et sa richesse si
non réfléchies.
particulière dans le processus de conception d’un projet archi-
Mais
la
maquette
n’offre
pas
tectural.
qu’une représentation visuelle du projet. Elle transmet égale-
117
L’une des valeurs importantes de
ment des attitudes physiques et
la maquette lui vient de sa capa-
sensorielles, non traduites par
cité de simplification et d’abs-
les autres modes de représen-
traction
C’est
tation. On nous apprend durant
son aptitude à synthétiser une
nos études que l’architecture se
idée conceptuelle et symbolique
met avant toute chose au service
qui importe. La vision globale
de l’homme. Une architecture se
spatialisée qu’elle permet est
vit par un ensemble de stimuli
d’une
réalité.
sensoriels. La maquette a cette
sens. La compréhension de l’ar-
capacité
chitecture par le toucher et par
d’évoquer
les
sensa-
tions que l’homme peut éprou-
l’ouïe est préservé.
ver dans un espace. Par sa profondeur narrative, elle exprime
Même s’il est évident que la
certaines
réelles
construction une fois terminée
du projet construit. Elle nous
permet de comprendre entièrement
dévoile un univers architectu-
la spatialité d’un projet, la
ral et apporte l’essence du pro-
maquette reste un moyen d’anti-
jet par son contenu. La maquette
ciper ce processus. On peut dire
temporalise le projet, à l’in-
qu’elle est une Architecture en
verse des images qui la figent.
miniature. La qualité des inten-
composantes
tions du projet est vérifiée par Un projet d’architecture reflète
l’effet de miniaturisation. Ce
souvent une intention matérielle,
dernier permet par ailleurs de
et la maquette complète la ré-
recueillir des informations non
flexion en apportant une vision
quantifiables par d’autre moyen.
plus sensible grâce à son rapport
Les
à la texture de la matière. Elle
Gaudi et les maquettes en bulles
introduit la dimension poétique
de savon d’Otto Frei nous montre
du projet par son potentiel à
que les lois de la nature s’ap-
informer les effets changeants
pliquent à toute échelle confon-
de lumière au cours d’une jour-
due. Par l’usage de la maquette,
née, les effets de température
on comprend comment un principe
par les caractéristiques du ma-
architectural, quel qu’il soit,
tériau utilisé, ou encore la ré-
réagira en définitive.
maquettes
en
ficelles
de
percussion des sons présent dans un espace. Alors que les autres
Malgré le grand potentiel pré-
modes de représentation n’engage
sent dans la maquette, de nom-
qu’un rapport visuel avec leur
breux architectes la considère
interlocuteur, la maquette a cet
comme un moyen de représenta-
avantage
tion cher et superflu, ce qui
d’exploiter
d’autres
118
119
explique entre autre l’univers
classiques » mais aux maquettes
architectural standardisé dans
numériques pour l’élaboration de
lequel nous évoluons. La renta-
son travail. On s’écarte pro-
bilité est plus importante que
gressivement
la sensibilité architecturale.
physique vers la production nu-
Avec l’apparition au plus grand
mérique. La maquette telle que
nombre
numériques
nous la connaissons a encore sa
dans les années 1990, la repré-
place dans la conception archi-
sentation architecturale prend
tecturale. Mais de quelles fa-
une nouvelle dimension. En ef-
çons doit-elle encore se déve-
fet, l’architecte se retrouve de
lopper pour la conserver face à
plus en plus amené à se servir
l’essor technologique numérique
non plus des maquettes dites «
émergeant?
des
outils
de
la
production
120
- annexes -
121
122
TABLES DES MATIÈRES
123
- INTRODUCTION -
11
- PARTIE I - L’usage de la maquette dans le temps
15
1_ La valeur symbolique à l’Antiquité Le modèle social bulgare Le modèle funéraire égyptien Les modèles de maisons d’âmes égyptiennes Les modèles égyptiens en bois peint Le test de la pyramide de Khéops Constat
15 15 17 20 21 23 25
2_ La valeur d’exécution au Moyen Âge Les modèles à caractére commémoratifs Les modèles de présentation et d’exécution Les moles Les modèles à caractère de permanence Les modèles à caractére iconographique Les modèles d’étude statique Constat
27 27 28 30 31 32 33 34
3_ La valeur de mémoire chez les Incas La pierre de Saywite Constat
35 35 37
4_ La valeur de résolution à la Renaissance Les maquettes en liège Brunelleschi Michel-ange La maquette dans les écrits anglais Constat
38 38 38 40 43 44
5_ La valeur de vérification au Baroque Le Bernin Christopher wren Constat
46 46 48 50
6_ La maquette aux Temps Modernes
51
- PARTIE II - La place de la maquette dans le projet
53
1_ Différentes typologies de maquettes La maquette d’urbanisme et de paysage La maquette programme La maquette structure La maquette d’étude technique La maquette prototype La maquette concept
54 55 58 61 62 64 66
2_ L’expression de la structure /Antoni Gaudi L’arc caténaire - principes généraux L’arc caténaire - exemples de réalisations Élaboration d’une structure par la maquette Maquettes en filets et en plâtre
69 69 70 71 73 75
/Le Modellstatik Procédé de base La photo-élasticimétrie
77 78 80
/Le form finding Tests physiques, systèmes de recherches
80 80
3_ La réflexion de la façade /Mies Van der Rohe Élaboration d’une façade par la maquette Contre la spéculation formelle
82 82 83 85
4_ La répétition de la forme /Herzog & de Meuron Projet de la philharmonie de Hambourg
86 86 88
5_ L’assemblage du programme /Rem Koolhaas Le rapport à la ville Projet des Halles Le rapport plein/vide - parcours Le rapport plein/vide - programme
91 91 91 92 94 96
124
6_ L’aboutissement de la technique /Jean Nouvel Projet de la Philharmonie de Paris La maquette du vent La maquette du son Les tests acoustiques Réponse impulsionnelle
99 99 99 99 101 101 102
7_ L’atmosphère de la matière /Peter Zumthor Élaboration d’une matérialité par la maquette Les thermes de Vals Chapelle Saint-Nicolas de Flue La quintessence de la matière
103 103 103 106 110 114
- CONCLUSION -
117
- ANNEXES -
121
1_ Table des matières 2_ Table des illustrations 3_ Bibliographie
125
123 127 139
126
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