Édition du 8 février 2023

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Édition spéciale Eau

Mercredi 8 février 2023 | Volume 113 Numéro 4 Éco-féministes, marxistes, intersectionel·le·s depuis 1977
Le Délit est situé en territoire Kanien’kehá:ka non cédé. Publié par la Société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

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L’eau, ressource commune ou commerciale?

Le Québec jouit sans doute d’une situation hydrographique enviable par sa possession de 3% des réserves en eau douce renouvelables de la planète. Si ce chiffre représente une capacité exceptionnelle de production et d’exportation hydroélectrique, les tenants et les aboutissants de la gestion de l’eau québécoise sont imprécis, et les implications de la privatisation d’une ressource qui relève en principe du bien commun demeurent inexplorées. On doit rappeler que l’eau du Québec représente à l’heure actuelle un marché d’investissement plus qu’intéressant pour les entreprises, les taxes perçues sur l’eau étant minimes par rapport aux quantités d’eau prélevées.

À ce titre, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques Benoit

Charette a annoncé l’an dernier vouloir imposer des redevances plus importantes aux embouteilleurs, comme Amaro, Pepsi et Coca-Cola, qui s’abreuvent dans les sources d’eau du Québec sans payer leur juste part. Bien que cette initative ait été critiquée, elle permettrait d’établir un suivi plus rigoureux et transparent quant aux quantités d’eau puisées au Québec.

La divulgation des chiffres plus précis de l’attribution de l’eau au secteur privé doit mettre en lumière les enjeux trop peu discutés de l’appropriation et de la commercialisation de l’« or bleu ». L’adoption de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau en juin 2009 reconnaît que l’eau fait partie du « patrimoine commun ». La Loi admet également « la nécessité de satisfaire en priorité les besoins de la population et de concilier ensuite les besoins des écosystèmes et des activités à caractère économique ». Or, l’eau appartient-elle vraiment à tout le monde comme on le prétend? Son utilisation est-elle trop contrôlée ou trop peu réglementée par la sphère publique? L’article « Eau Québec, quel avenir pour l’or bleu? » écrit à l’Univer-

sité de Sherbrooke révèle que l’exploitation lucrative des réserves d’eau aurait souvent été privilégiée au détriment de la préservation des milieux humides.

En dépit du flou qui persiste quant au respect des quotas d’eau prélevée par les embouteilleurs, on peut – et avec raison – se demander quel serait l’impact si des sociétés d’actionnaires avaient une mainmise sur la gestion des ressources d’eau disponibles. Le professeur au Département de géographie de l’Université Laval Frédéric Lasserre souligne par exemple que le pompage par les embouteilleurs, dans certaines régions, peut avoir un impact significatif sur les populations locales, qui doivent composer avec des réserves d’eau grandement réduites. L’eau est une ressource renouvelable mais limitée, et octroyer des permis privés pour son exploitation peut se faire aux dépens des communautés qui sont directement touchées par cette problématique.

Maintenant, que pouvons-nous faire pour garantir une répartition plus équitable de cette ressource naturelle sur tout le territoire du Québec, notamment pour les communautés autochtones qui ont toujours un accès réduit à l’eau potable? Une plus grande transparence quant aux quantités d’eau pompées par des compagnies privées doit être saisie comme une opportunité de raviver le débat public autour du partage de cette ressource collective. Nous réalisons peu le privilège que représente le fait de posséder un réservoir abondant d’eau potable situé dans le bassin du fleuve SaintLaurent. Si notre consommation individuelle d’eau au Québec est certainement à revoir, l’enjeu de sa privatisation ne se limite pas à l’embouteillage. Les partenariats publics-privés (PPP) pourraient jouer un rôle grandissant dans la gestion des services d’eau au Québec, et il nous revient d’en surveiller l’expansion. x

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Volume 113 Numéro 04
2 Éditorial le délit · mercredi 8 février 2023 · delitfrancais.com
Léonard smith Rédacteur en chef

Découverte d’amiante sur le campus Macdonald

Le mardi 31 janvier dernier, l’administration mcgilloise a annoncé la fermeture immédiate de trois pavillons mitoyens situés sur le campus Macdonald après la découverte d’amiante au cours de travaux de rénovations. L’Université a annoncé que les pavillons MacdonaldStewart et Barton demeureront fermés jusqu’au 9 février, alors qu’aucune date d’ouverture n’avait encore été avancée pour le pavillon Raymond au momen de l’écriture de cet article.

La fermeture

Dans un courriel envoyé à toute la communauté mcgilloise le 31 janvier dernier, Pierre Barbarie, directeur de la sécurité publique sur le campus, annonçait que des tests réalisés dans le cadre de travaux de rénovation du pavillon Raymond avaient révélé la présence d’amiante sur certaines surfaces du bâtiment. Ce dernier ainsi que deux autres pavillons mitoyens, Macdonald-Stewart et Barton, ont été fermés sur le campus excentré de l’Université, hébergeant la Faculté d’agriculture et d’environnement de McGill.

Dans son courriel aux étudiants, Pierre Barbarie qualifiait la situation de « préoccupante » et

assurait que l’Université prenait « ce problème très au sérieux ». De nouveaux tests ont été conduits suivant la découverte d’amiante afin d’isoler la source du problème et de publier un calendrier pour la réouverture des bâtiments.

L’Université a ainsi affirmé dans un communiqué du 3 février derni-

alexandre gontier| Le Délit

ses efforts sur le pavillon Raymond. L’accès aux bâtiments concernés a été restreint aux activités essentielles ayant trait au soin des animaux ou à la préservation des cultures cellulaires et des plantes. Les cours donnés dans ces pavillons ont été déplacés en zoom ou annulés pour ceux impliquant une activité en présentiel, et le personnel administratif a été prié de travailler en distanciel.

Des étudiants inquiets pour leur santé

er que les tests effectués dans les pavillons Macdonald-Stewart et Barton n’avaient rien révélé de préoccupant, mais que ces bâtiments resteraient fermés jusqu’au 9 février pour une investigation exhaustive de la présence d’amiante. Une fois ces tests réalisés, l’Université a annoncé qu’elle concentrerait

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Contactée par Le Délit, Jeanne*, étudiante en Environnement à McGill, a vu trois de ses cours déplacés en ligne à cause de la fermeture des pavillons du campus Macdonald. Elle nous a confié : « Après deux ans en ligne à cause de la pandémie, avoir à nouveau des cours sur Zoom pour une durée indéterminée, ça n’enchante personne. » Cette étudiante s’est aussi montrée préoccupée : « L’amiante est bien connu pour ses effets cancérigènes, alors bien sûr cette nouvelle soulève des inquiétudes pour la santé (des étudiants, ndlr). Le problème est que l’amiante

s’accumule longtemps dans les poumons et que les effets peuvent mettre très longtemps à apparaître, mais sont bien réels. » Ces inquiétudes font écho au « Dossier de l’amiante » de 2020 et 2021 créé après le décès de deux professeurs de l’Université de Montréal (UdeM) en 2019 et 2021 des suites d’un mésothéliome, un cancer lié à une exposition à l’amiante pouvant se développer des dizaines d’années plus tard. La Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) avait établi qu’une exposition à l’amiante dans le cadre professionnel avait été la cause des décès de ces deux enseignants.

Interrogée sur la réponse de l’Université face à la situation, Jeanne* nous a déclaré : « J’espère que la santé des individus sera au centre des discussions, plutôt que la volonté de garder les salles de classe ouvertes malgré un environnement dangereux. »

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actualités le délit · mercredi 8 février 2023 · delitfrancais.com Campus
Trois pavillons ont été fermés jusqu’au 9 février.
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« J ‘espère que la santé des individus sera au centre des discussions »
Jeanne
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Loi 21, choisir entre profession, province et religion

Le mercredi 1 er février dernier s’est tenue l’assemblée « Naviguer dans le marché du travail en vue de la Loi 21 », réunissant des représentants de communautés religieuses (en particulier musulmane et juive), des cadres de l’Université McGill et des élèves des Facultés de droit, des arts et d’éducation. Cette assemblée portait sur les différentes préoccupations des élèves visà-vis des conséquences de la Loi 21 sur leurs futures carrières, ainsi que sur les mesures que l’Université devrait prendre pour soutenir ses élèves dans leur adaptation à cette loi.

Après un peu moins de 20 ans de débat public sur la place de la religion dans la société québécoise, qui s’étaient notamment intensifiés à partir de la crise des accommodements raisonnables en 2006, l’adoption de la Loi 21 en 2019 symbolise le passage à une nouvelle étape dans les débats socio-religieux, marquant notamment l’institutionnalisation de la laïcité au Québec.

Officiellement, l’adoption de la Loi 21 a fait du Québec un État laïc et a mis en place un devoir de neutralité religieuse pour le gouvernement et ses représentants en position d’autorité coercitive, incluant les professeurs de primaire et de secondaire.

Cette loi est aujourd’hui fortement critiquée, autant au niveau provincial que fédéral, puisque pour beaucoup, comme le décrit le documentaire Bataille pour l’âme du Québec réalisé par Francine Pelletier, elle restreint les libertés individuelles et cible certaines minorités religieuses.

De plus, la Loi 21 a été adoptée avec l’utilisation de la clause dérogatoire permise par l’article 33 de la Charte canadienne des droits et de libertés. Cette clause autorise les provinces à passer par la force une loi et à contourner certains articles de cette même charte pendant cinq ans, de manière renouvelable.

Un entretien avec une étudiante préoccupée

À la suite de cette assemblée, Le Délit a rencontré Zainab Khan, étudiante de la Faculté d’éducation de McGill, terminant son baccalauréat en mai prochain. Zainab est musulmane

et porte le hijab depuis ses 7 ans. Elle a commencé ses études pour devenir enseignante à l’école primaire avant que la loi 21 ne soit adoptée. Cette dernière a bousculé ses plans de carrière.

Selon elle, la Loi 21 oblige les étudiants portant des signes religieux et souhaitant travailler dans les secteurs publics impactés à faire un choix entre trois alternatives : renoncer au port de signes religieux pendant qu’ils travaillent, renoncer au métier qu’ils souhaitent exercer, ou quitter le territoire québécois pour pouvoir exercer leur fonction et garder leurs pratiques religieuses.

Cette loi place donc les étudiants comme Zainab dans une impasse. Ils souhaitent exercer le métier pour lequel ils étudient depuis plusieurs années,

emploi. Zainab nous rapporte : « Je me sens forcée de prendre la décision de partir (de la province, ndlr ). » En effet, selon un sondage conduit en 2022 par Kimberley Manning et Elizabeth Elbourne, deux professeures de Concordia et de McGill, en raison des restrictions imposées par la Loi 21, 51% des étudiants de droit et d’éducation (ayant participé au sondage, ndlr ) affirment chercher du travail à l’extérieur de la province pour pouvoir continuer, ou commencer, à exercer leur métier.

Des étudiants découragés d’étudier dans les domaines concernés par la Loi

Alors que les écoles secondaires publiques du Québec font déjà face à une pénurie de professeurs, la Loi 21 est venue aggraver la situation. Non seulement de nombreuses

trois personnes voilées dans les bâtiments de la faculté ».

« La décision d’arrêter de porter le voile prend des années, du temps, ce n’est pas quelque chose de facile à faire », nous a confié Zainab.

ressources pour les conseiller et les accompagner dès leur entrée sur le marché du travail, par exemple. Les étudiants ont souligné la nécessité d’augmenter la sensibilisation des étudiants de McGill aux conséquences de cette loi sur leurs plans de carrière. Au cours de notre entrevue, Zainab nous a notamment confié : « Au cours de ces 4 ans, je n’ai pas reçu de support, c’est la vérité [...] », ajoutant que c’était la première fois en 4 ans que McGill prenait vraiment des initiatives pour développer des outils de conseils et d’orientation pour les élèves concernés.

Des actions limitées malgré tout Jusqu’à présent, les actions de sensibilisation ont été essentiellement menées par les étudiants. La formation de la Coalition des Étudiants de McGill contre la Loi 21 (Mcgill Student Coalition Against Bill 21) a notamment organisé des moments de discussion, des distributions de dépliants et enfin, des manifestations.

Au cours de la réunion, Fabrice Labeau, premier vice-principal exécutif adjoint de McGill, a souligné que « l’Université

mais ne veulent ni quitter leur province, ni leurs vies, leurs familles, et encore moins renoncer à leurs pratiques religieuses. Pourtant, ils ont besoin de se construire un futur stable, ils ne peuvent pas compromettre leur bien-être en renonçant à leur passion et restant sans

personnes qualifiées ne peuvent plus travailler, mais désormais, les étudiants portant des signes religieux sont moins incités à devenir professeurs. Selon Zainab « à cause de la Loi, beaucoup moins de personnes rentrent dans le programme d’éducation [...]. Je ne vois plus que deux ou

Dans son cas, Zainab écarte directement l’option de retirer son hijab lorsqu’elle travaille et de le porter lorsqu’elle ne travaille pas. Elle nous témoigne notamment que les signes religieux font partie de son « identité ». C’est « une fierté » depuis toujours. Retirer son voile revient, selon elle, à être « hypocrite » (vis-à-vis de ses croyances et de sa pratique). En tant que professeur, « on ne peut pas dire aux enfants de croire en eux, tout en ne respectant pas ses propres valeurs ».

Quels enseignements tirer de l’assemblée?

Au cours de la réunion, les étudiants ont mis en avant la nécessité d’accroître le soutien de l’Université envers les étudiants impactés par les mesures de cette loi, en récoltant des

veut faire tout son possible pour aider les étudiants, mais ce n’est pas son rôle de se prononcer sur la loi elle-même».

La détresse des étudiants ne peut qu’être difficilement apaisée, ils ne peuvent pas réellement influencer l’avènement de la Loi 21, adoptée il y a maintenant 4 ans. Les élèves n’ont pour le moment pas d’autre choix que de patienter jusqu’à l’expiration de la clause dérogatoire en juin 2024, ce qui permettra notamment de relancer un débat parlementaire au sujet de cette loi controversée.

Pour plus d’informations, Le Délit a déjà publié des articles au sujet de la Loi 21 que nous vous invitons à retrouver ici : Panel sur la loi 21, La foi face à la loi 21. x

actualités le délit · mercredi 8 février 2023 · delitfrancais.com Campus Le 1er
février, une assemblée s’est tenue à McGill pour tenter d’apporter des solutions aux étudiants mcgillois impactés.
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Vincent Maraval Éditeur Actualités
« Prendre la décision d’arrêter de porter le voile demande du temps, ce n’est pas quelque chose de facile »
« L’Université veut faire tout son possible pour aider les étudiants, mais ce n’est pas son rôle de se prononcer sur la loi elle-même »
Fabrice Labeau
Margaux Thomas | Le dÉlit Zainab Khan n’a pas voulu révéler son visage

McGill célèbre le Mois de l’histoire des Noir·e·s

Chaque année, le Mois de l’histoire des Noir·e·s de McGill rassemble des élèves, employé·e·s, anciens élèves et membres de la communauté noire mcgilloise à travers des événements à but éducatif. Le Délit a assisté à la cérémonie d’ouverture et a relevé les propos des participants.

Coup d’envoi pour 28 jours de célébrations

Le 1 er février dernier, McGill organisait la septième cérémonie annuelle d’ouverture du Mois de l’histoire des Noir·e·s en vidéoconférence et en personne, en partenariat avec la Faculté d’éducation de McGill. Après une brève réception en présence de l’artiste et musicienne Fatima Wilson, la cérémonie a lancé son coup d’envoi avec Shanice Yarde, la Conseillère principale de l’éducation contre le racisme et pour l’équité. Le public était constitué d’élèves, d’alumni, de professeur·e·s, d’employé·e·s et de membres des facultés. Cette cérémonie a bénéficié de la présence du professeur, écrivain et directeur du Département d’Études Africaines et Américaines ( Department of Africana and American Studies ) de l’Université de Toronto, Dr. Rinaldo Walcott. En plus d’un moment pour réaffirmer l’engagement de McGill contre le racisme, ce mois de février est décrit par le Principal, Christopher Manfredi, comme « un temps pour célébrer les diverses expériences et le travail de la communauté noire de McGill ( tdlr ) ». Pour Osman Omer, président de l’Association des étudiants en éducation permanente de l’Université McGill (MACES), ce mois permet de « mettre en lumière non seulement les réalisations extraordinaires et les précieuses contributions que les Canadiens noirs ont apportées à l’histoire du Canada, mais c’est aussi un moment pour reconnaître ce que d’autres Noirs accomplissent présentement ». Osman Omer, d’origine nubienne, dit profiter de cette occasion pour partager avec d’autres étudiant·e·s les nombreuses histoires de réussite, avec par exemple Adrian Harewood, un ancien de McGill qui est maintenant un journaliste et universitaire canadien primé, ou encore les obstacles rencontrés que

les Noir·e·s ont faits dans une variété de domaines tels que la politique, les sciences, la musique, le sport et l’éducation.

Ashley Jonasainte, présidente du Réseau d’Étudiants noirs à McGill, ayant pour but de promouvoir et de soutenir les élèves noir·e·s sur le campus, a ensuite pris la parole. Elle a raconté son arrivée difficile à l’Université et un sentiment de

sur ce campus ». Elle soutient également que ce mois est une période difficile émotionnellement, « mais (qu’elle, ndlr) ne veut pas oublier qu’il s’agit aussi d’une période de célébration, de reconnaissance et qui permet d’avancer. Nous méritons d’être heureux ».

Passé, présent et futur

Invité de marque à la cérémonie, le professeur Walcott

Lors de la cérémonie, Shanice Yarde a quant à elle souligné le lien entre les combats des populations autochtones et ceux de la communauté noire au Canada. L’organisatrice a questionné notre responsabilité collective par rapport au territoire canadien et aux personnes natives de ce territoire. La présidente du Réseau des Étudiants noirs mentionne également que « les systèmes d’oppression qui nous ont rendu esclaves sur l’Île de la Tortue sont les mêmes que ceux qui ont volé et renommé ces territoires “Canada’’ ». Après un passé majoritairement déterminé par une vision « euro-américaine  », et par conséquent partielle du monde, avance Walcott, « notre tâche est de prendre ce récit de condamnation (dans lequel, ndlr) l’eurocentrisme dit que les Noirs n’ont rien apporté au monde, et d’y mettre fin ».

sion. Ce plan se structurait en trois sections : un examen du passé, une réévaluation du présent et une révision du futur, notamment afin d’augmenter le nombre de professeur·e·s noir·e·s au sein de l’Université. Malgré la reconnaissance du nombre croissant de ces derniers à McGill, la directrice des Affaires Noires de l’AÉUM affirme qu’il y a un besoin indispensable d’avoir plus de professeurs noir·e·s, « des professeurs qui nous (les étudiant·e·s noir·e·s, ndlr ) ressemblent, car ce sont des personnes qui participent intégralement à notre développement personnel ».

Une série d’évènements aura lieu durant ce mois de février : une conférence « Africa Speaks  » le 10 février ; une discussion avec le professeur Kyle T. Mays le 16 février ; ou encore un rassemblement communautaire et une exposition d’art le 23 février. Osman Omer espère que «  ces événements encourageront la population mcgilloise à explorer davantage,

manque d’appartenance. C’est en rejoignant le groupe dont elle est désormais présidente qu’elle dit avoir trouvé sa place. Avec les 24 autres membres de son organisation, Ashley dit être fière de créer des évènements et des ateliers pour sa communauté permettant de « préserver un sentiment d’appartenance, car nous méritons notre place

- né sur l’Île de la Barbade dans les Caraïbes - a critiqué le retard accusé par les universités canadiennes comparées aux universités américaines :

« Le long retard des études sur les Noirs au Canada est symptomatique du déni et du malaise plus profond envers les Noirs et la noirceur en tant que constituants du Canada ».

Comme l’a souligné Ashley Jonasainte lors de la cérémonie, les célébrations, la reconnaissance et le combat contre le racisme anti-noir ne peuvent se limiter à un mois dans l’année. Toutefois, cette mise en valeur à travers différents événements a pour but de former un campus plus fort et de « tisser de nouvelles relations entre l’Université et les étudiants pour créer des liens avec leurs pairs », dit Osman Omer. Le tout contribuerait selon lui à la construction d’un environnement inclusif et diversifié.

En 2020, le plan d’action contre le racisme anti-noir avait été mis en place par McGill afin d’approfondir les engagements de l’Université vis-à-vis de l’équité, la diversité et l’inclu -

à découvrir et à faire connaître les Noirs et les autres communautés racisées ». Pour le président de MACES, le mois de février est une excellente occasion pour chacun d’étudier notre passé afin de façonner notre avenir, lequel doit se baser sur l’« équité sociale pour tous ».

Pour plus d’informations, référez-vous aux organismes comme le Black Students’ Network, le Black Youth Outreach Program, le Group d’Action contre le Racisme AntiNoir, McGill Black Alumni, la Société des Étudiant.e.s Africain.e.s, la Société des Étudiants des Caraïbes ou l’Équipe d’Équité à McGill. x

margaux thomas

Éditrice Actualités

actualités le délit · mercredi 8 février 2022 · delitfrancais.com campus
Retour sur la cérémonie d’ouverture du Mois de l’histoire des Noir·e·s à McGill.
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« Nous méritons notre place sur ce campus [...] Nous méritons d’être heureux »
Ashley Jonasainte
margaux thomas | Le dÉlit
« Les célébrations, la reconnaissance et le combat contre le racisme anti-noir ne peuvent se limiter a un mois de l’année »
margaux thomas | Le
dÉlit Osman Omer

Mieux protéger l’« or bleu » du Québec

Le 23 août dernier, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait annoncé son intention de lancer un fonds de 650 millions de dollars pour la protection de l’eau si elle était élue pour un second mandat. François Legault, premier ministre du Québec, avait renouvelé sa promesse de créer le « Fonds Bleu » le 15 décembre dernier lors de la COP15. Le projet de loi devrait être déposé début février 2023.

« Au cours des ans, on a peutêtre un peu trop tenu cette richesse-là pour acquise »

Alors en campagne pour un nouveau mandat, François Legault, chef de la CAQ, avait promis de créer un fonds de 650 millions de dollars sur quatre ans s’il était réélu. Ce « Fonds Bleu » devrait servir à accroître le financement de mesures existantes et à lancer de nouvelles initiatives pour la protection de l’« or bleu » du Québec, selon les mots du premier ministre. Ce projet serait financé en partie par une augmentation des redevances des industries utilisant l’eau du Québec. Ces dernières, inchangées depuis 2011, sont fixées à 0,0025$ par mètre cube d’eau, sauf pour certaines activités comme l’embouteillage, chargée 0,07$ par mètre cube d’eau. Lors de sa déclaration, François Legault avait avancé : « Au cours des ans, on a peut-être un peu trop tenu cette richesse-là pour acquise (l’eau douce, ndlr) », identifiant sa protection comme une « priorité ».

Réélu en octobre dernier pour un nouveau mandat de quatre ans, François Legault avait renouvelé sa promesse de campagne lors de la COP15 qui s’est tenue à Montréal du 8 au 19 décembre dernier. Au cours de la COP15, le 15 décembre, le premier ministre québécois s’était engagé à protéger l’« or bleu » du Québec en déposant son projet de loi sur la protection de l’eau début février, afin de « faire payer [...] la vraie valeur de l’eau ». Suivant les déclarations de François Legault, le cabinet du premier ministre avait qualifié le statu quo des redevances pour les

prélèvements d’eau d’inacceptable, rappelant qu’en 2021, le Québec avait reçu moins de 3 millions d’euros pour 811 milliards de litres d’eau douce prélevés. L’an dernier, Benoit Charette, ministre québécois de l’Environnement et de la Lutte contre le réchauffement climatique, avait présenté le projet de loi 42

« visant principalement à s’assurer de la révision des redevances exigibles pour l’utilisation de l’eau », qui n’a pas été adopté par manque de temps. Dans un entretien avec Le Devoir, ce dernier avait déclaré au sujet du nouveau projet de loi : « À rebours, je dirais que c’est une bonne chose qu’on n’ait pas adopté le premier projet de loi, parce qu’on arrive avec quelque chose de passablement plus costaud et étoffé. »

Face à l’abondance, le manque de protection

En 2008, un rapport d’Environnement Canada révélait qu’« un plan de prévision nationale sur la disponibilité en eau au pays n’a jamais été élaboré parce que, traditionnellement, nous considérions que notre utilisation de la ressources était illimitée ». Face à l’abondance de leurs réserves d’eau douce, le Canada et ses provinces n’ont été que récemment confrontés au problème de leur épuisement.

Ce retard accusé par le Canada dans la protection de l’eau se retrouve aussi au niveau provincial, comme le note Benoit Charette dans un entretien donné au journal Métro sur le « Fonds Bleu » le 15 décembre dernier : « C’est

d’abord et avant tout un objectif de rattraper un retard qui s’est malheureusement creusé depuis des années. Au Québec, dans bien des cas, elles (les régulations sur la protection de l’eau, ndlr) sont nettement plus basses que ce qu’on peut retrouver du côté de nos États voisins. » En effet, les

loi reconnaissait l’Etat comme « gardien » de cette ressource commune, responsable d’« investir des pouvoirs nécessaires pour en assurer la protection et la gestion ».

Avec la Loi 92, la nation québécoise est ainsi propriétaire et gardienne de 3% des réserves d’eau douce mondiale, une ressource précieuse, mais menacée. En effet, alors qu’à l’instar de l’Europe, le Québec est à son tour frappé par des sécheresses estivales récurrentes, un rapport du groupe Oranos publié en 2022 prévient que l’inaction face à la question de l’eau met à risque la santé des Québécois et les ressources naturelles du Québec en général.

« Le Québec répond présent »

Devant les délégations du monde entier réunies à Montréal à l’occasion de la COP15, François Legault avait déclaré que « le Québec répond présent » aux appels à agir pour la biodiversité. Le premier ministre québécois s’était alors engagé pour la protection de l’« or bleu » : « On a le devoir de préserver ce que nos prédécesseurs nous ont laissé. Moralement, on ne peut pas laisser aux prochaines générations la responsabilité de corriger nos erreurs. »

redevances pour les prélèvements d’eau au Québec sont bien en deçà des niveaux de pays européens ou même de provinces voisines comme l’Ontario, où ces dernières sont fixées à 0,503$ par mètre cube.

Un premier pas majeur vers la protection de l’eau avait été réalisé en 2009 avec l’adoption de la Loi 92, reconnaissant l’eau comme une « ressource collective », faisant partie du « patrimoine commun de la nation québécoise ». Cette

Cette responsabilité endossée par le gouvernement se traduit aussi par un engagement en faveur de la transparence, élément clé de la loi sur la protection de l’eau qui devrait bientôt être déposée. Le projet de loi reviendrait sur une décision de la Cour du Québec rendue en mai dernier allant dans le sens du secret commercial face à une requête du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et d’Eau Secours, engagés dans une bataille juridique depuis 2018 pour rendre publiques les données sur les prélèvements d’eau des embouteilleurs. Dans un entretien à Radio-Canada , Marc Bishai, avocat du CQDE, s’est montré optimiste vis-à-vis du « Fonds Bleu » : « Je doute que cette fois le lobby des eaux en bouteille puisse faire reculer le gouvernement. » Le projet de loi du gouvernement viendrait mettre un terme à un statu quo de 10 ans sur les redevances d’eau des entreprises. x

6 le délit · mercredi 8 février 2023 · delitfrancais.com Québec
La CAQ va déposer un projet de loi pour la protection de l’eau.
« À rebours, je dirais que c’est une bonne chose qu’on n’ait pas adopté le premier projet de loi, parce qu’on arrive avec quelque chose de passablement plus costaud et étoffé »
Benoit Charette
«  On a le devoir de préserver ce que nos prédécesseurs nous ont laissé »
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ChatGPT : une nouvelle façon d’apprendre?

L’intelligence artificielle ChatGPT de OpenAI a révolutionné la manière dont nous interagissons avec les ordinateurs. Formé sur des milliards de lignes de textes, ce modèle de traitement du langage peut générer du texte en réponse à des questions, fournir des informations précises et même effectuer des tâches complexes. Les élèves de l’Université McGill sont de plus en plus conscients des avantages que peut leur apporter l’utilisation de ChatGPT dans leur apprentissage. Grâce à sa capacité à comprendre le langage naturel, ChatGPT peut aider les élèves à clarifier leurs doutes, à approfondir leurs connaissances et à résoudre des problèmes de manière autonome. Cet article se concentre non seulement sur les bénéfices concrets que les élèves de McGill tirent de l’utilisation de ChatGPT dans leur apprentissage, mais également sur leur vision de l’avenir de l’utilisation de l’IA dans l’éducation et sur la place que cela prend dans leur vie quotidienne.

Le ton peut sembler un peu rigide, mais qui, en lisant cette introduction, devine que l’auteur n’est autre que l’intelligence artificielle ChatGPT elle-même?

Sortie le 30 novembre 2022, elle compte aujourd’hui plus de 100 millions d’utilisateurs actifs. Sa capacité à rédiger des textes quasi-instantanément et à accéder aisément à une vaste étendue de connaissances en fait un outil incroyablement performant et capable de répondre à la plupart de nos questions. L’IA peut produire en quelques secondes ce qui prend à un humain des heures.

C’est pour cette raison qu’elle est de plus en plus utilisée chez les étudiants. Cette popularité soulève de nombreux questionnements dans le milieu académique. On entend en effet de plus en plus de professeurs manifester leur crainte de ne plus pouvoir vérifier l’authenticité des devoirs de leurs élèves. Chat GPT Detector, une entreprise montréalaise permettant de vérifier si l’IA est l’autrice d’un texte, a même été développée dans l’objectif de répondre à ces inquiétudes. Cependant, certains tiennent un discours opposé : pourquoi se priver d’un outil aussi puissant quand on pourrait apprendre à bien s’en servir pour développer l’enseignement supérieur?

Plusieurs étudiants de différentes facultés de McGill ont accepté de témoigner de leur utilisation de ChatGPT, et ont été sondés sur les conséquences qu’ils entrevoient pour le système éducatif futur.

Eglantine, étudiante de la Faculté des arts, a récemment découvert ChatGPT en jouant avec son frère. Elle estime que l’IA fournit des réponses trop simples qui ne correspondent pas aux standards des essais

devoir qui doit prendre à l’équipe un semestre à compléter. L’utilisation de l’IA fait l’objet de débats au sein du groupe.

« Certaines personnes dans l’équipe veulent faire le travail elles-mêmes, mais je ne suis pas d’accord. Pourquoi écrire du code quand il peut être généré pour vous? Les ingénieurs logiciels utilisent des outils qui leur facilitent la vie depuis des décennies. C’est les mêmes concepts de base, mais sous stéroïdes. »

jusqu’à devenir un outil académique incontournable.

Eglantine, étudiante à la Faculté des arts

demandés par les professeurs de la Faculté des arts, et ne pourrait donc pas se substituer à ses rendus. Elle regrette cependant que les professeurs n’utilisent pas cette ressource comme outil dans l’apprentissage des étudiants. « ChatGPT pourrait nous offrir une nouvelle expérience d’apprentissage et de vulgarisation interactive. »

Murad, étudiant à la Faculté de génie, a appris l’existence de ChatGPT peu après sa sortie en décembre dernier. C’est un événement qui a provoqué beaucoup d’enthousiasme dans les cercles de codeurs dont il fait partie. Il l’utilise très fréquemment dans son quotidien, pour ses travaux académiques comme pour ses activités extrascolaires.

« Je l’utilise pour m’aider à répondre à des questions sur des sujets que je ne comprends pas bien à l’école, pour répondre à des mails. Je l’utilise même pour générer la description des évènements de l’ Engineering Socials Committee . Cependant mon utilisation préférée – et la plus prometteuse – c’est sa capacité à générer du code. C’est absolument remarquable, les choses que cela peut créer en quelques secondes. L’IA peut faire un projet en quelques minutes qui aurait pris à une équipe des mois à finir. »

Il prend l’exemple d’un projet de groupe qu’il devait faire avec une équipe de 10 personnes. Son équipe a entré les consignes dans ChatGPT qui a commencé à générer le code qui était demandé. Il s’agit d’un

ChatGPT est un outil extrêmement puissant, qui va probablement provoquer de nombreux changements dans notre façon de vivre, d’enseigner et d’apprendre. S’il y a définitivement un décalage dans la façon dont certains craignent cette innovation et l’aide immense qu’elle pourrait pourtant nous apporter, ce n’est, selon Murad, qu’une question de temps avant que l’outil soit intégré à l’apprentissage scolaire.

« Il faut juste que ça rentre dans les mœurs. Avant, les calculatrices n’étaient pas toujours bien acceptées en cours, mais elles le sont de plus en plus parce qu’on accepte qu’on vit dans un monde où les calculatrices sont accessibles à tout moment. L’IA va s’intégrer doucement dans la façon dont on enseigne et on apprend, et ça reflétera la façon dont ça va s’intégrer dans la société. »

En effet, comme le dit Murad, à mesure que l’IA s’intégrera à la société, elle risque de provoquer des changements importants dans la forme de l’enseignement et ses objectifs. Le doyen des étudiants Robin Beech, a envoyé un courriel aux McGillois pour leur interdire l’utilisation de ChatGPT dans leurs rendus. Comme il l’a souligné, l’IA est encore en processus d’amélioration et n’est pour l’instant pas en mesure de fournir des réponses fiables. Cependant, au vu de ses progrès rapides, on peut imaginer le potentiel d’évolution de ChatGPT,

Les écoles devront alors s’adapter et intégrer l’IA dans leurs programmes d’apprentissages pour que leurs enseignements continuent de correspondre au monde qui les entoure. Mais seront-elles en mesure de le faire? Bien qu’enrichi de nouveaux formats, le système scolaire n’a pas tant évolué depuis sa création. La capacité de ChatGPT à synthétiser une grande quantité d’informations renverse le rapport au savoir entre l’enseignant et l’élève. Face à des bouleversements aussi importants, on peut se demander si le système éducatif va réussir à s’adapter ou s’il s’agit d’une innovation de rupture qui va le forcer à se réinventer. Les inquiétudes qu’a soulevées la popularisation de l’IA est peut-être le symptôme d’un mal plus grand : le décalage qui existe entre la vitesse d’évolution des technologies et la difficulté des institutions qui se sont pérennisées aut -

«Pourquoi écrire du code quand il peut être généré pour vous? Les ingénieurs logiciels utilisent des outils qui leur facilitent la vie depuis des décennies. C’est les mêmes concepts de base, mais sous stéroïdes »

Murad, étudiant à la Faculté de génie

our de principes obsolètes à absorber ces changements. x

7 SOCIÉTÉ le délit · mercredi 8 fév rier 2023 · delitfrancais.com
« ChatGPT pourrait nous offrir une nouvelle expérience d’apprentissage et de vulgarisation interactive »
Alexandre gontier | Le Délit
L’intelligence artificielle prend de plus en plus de place dans le milieu éducatif.
societe@delitfrancais.com
Jade jasmin Contributrice
Société

Les Premières Nations : assoiffées de changement

Les communautés autochtones au Canada demeurent sans eau potable.

Le 28 juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte la résolution 64/292, réitérant la reconnaissance du droit à l’eau comme un facteur « essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Malgré tout, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme estime qu’encore aujourd’hui, 2,1 milliards de personnes à travers le monde souffrent d’un accès limité à l’eau potable.

À ce jour, les pays en développement demeurent la cible principale des critiques en matière de politiques hydrauliques. Une fois disséquées, les critiques sur la gestion des eaux révèlent deux tendances qui sont, en majeure partie, hors du contrôle des pays en développement : des infrastructures inadéquates ou permettant un accès limité à de l’eau propre, ainsi que des réserves en eau qui se drainent à un rythme insoutenable pour les pays en développement, autant en raison des populations grandissantes que du réchauffement climatique.

La situation au Canada

Le Canada, où l’eau est une ressource abondante et facile d’accès, reste trop souvent épargné par les condamnations politiques et médiatiques auxquelles les pays en développement sont confrontés, alors que le problème y est aussi réel. Au Sud, l’instabilité des gouvernements est souvent citée pour expliquer la gestion inefficace de la crise de l’eau, tandis qu’ici, cette corrélation est loin d’être aussi claire. Le décalage entre les moyens déployés par le gouvernement du Canada pour assurer un apport adéquat en eau potable à ses communautés autochtones et le rendement de ses investissements, qui s’accroissent de façon constante depuis déjà plusieurs années, est flagrant. Comment le Canada, qui compte parmi les pays les plus nantis en termes de ressources naturelles, peut tolérer que ses Premières Nations soient privées d’une ressource qui leur était exclusive à l’époque précoloniale?

Au Canada, 29 communautés des Premières Nations sont actuellement contraintes par un avis à long terme – un avertissement de plus d’un an – concernant la qualité de l’eau courante. Le gouvernement libéral de Justin Trudeau se rassure en se rappelant les 137 avis qui étaient

« Dorothy, une membre de la Première Nation Neskantaga, déplorait avoir vu des membres de sa communauté perdre la vie au fil des ans en raison d’un assainissement inadéquat des eaux »

en place lors de son élection en 2015, auxquels il avait d’ailleurs promis de mettre fin avant mars 2021 dans le cadre de son projet de réconciliation. Malgré les fonds injectés par le gouvernement fédéral, l’échec est clair. En somme, 63 nouveaux avis ont été mis en place depuis le début du mandat libéral, un progrès minime comparé aux promesses qui avaient été faites.

Or, la différence est que, contrairement aux pays en développement, le Canada est loin de manquer d’eau. En effet, près de 20% des réserves mondiales d’eau douce se situent en territoire canadien. Bref, le Canada ne se trouve ni dans une situation précaire quant aux ressources à sa disposition, ni soumis à la fragilité d’un État illégitime ou dictatorial. Le blâme doit donc être attribué au gouvernement et à sa négligence perpétuelle envers les communautés autochtones. Le désintérêt du gouvernement fédéral envers les Premières Nations est flagrant lorsque l’on considère le statut limitant et discriminatoire imposé à ces communautés. Ce statut particulier est prôné par l’État en raison des bienfaits qu’il engendre, notamment des exemptions fiscales et des tarifs

avantageux, mais il perpétue la subordination des communautés autochtones.

Passer à l’action

Le 1 er février dernier, Christopher Moonias, exchef de la Première Nation de Neskantaga, soulignait sur Twitter le 28 ème anniversaire de l’avis à long terme quant à la qualité de l’eau imposée à sa communauté. Deux ans plus tôt, sa communauté et lui avaient publié une vidéo de sensibilisation, où plusieurs membres de la nation Neskantaga faisaient état de la situation concernant leur accès à l’eau, un droit dont ils sont privés depuis 1995. Dorothy, une membre de la Première Nation Neskantaga, déplorait avoir vu des membres de sa communauté perdre la vie au fil des ans en raison de l’insalubrité des eaux. En plus de devoir bouillir leur eau, la nation est affectée au quotidien par des problèmes de santé accrus, notamment des plaques cutanées documentées sur la page Twitter de Christopher Moonias. Maggie, pour sa part, indiquait que « l’eau, c’est la vie à Neskantaga ».

À Neskantaga, le gouvernement a lamentablement échoué, et la

Le recours collectif concernait tous les membres des Premières Nations du Canada qui vivent sur une réserve et qui ont souffert, pendant au moins un an, d’un avis à long terme concernant la qualité de l’eau. En 2020, M. Moonias, représentant la nation Neskantaga, s’est joint au recours pour finalement obtenir réparation pour les années de négligence de l’État à leur égard. À ses côtés, la Nation crie de Tataskweyak, représentée par Doreen Spence, ainsi que la Première Nation Curve Lake, représentée par Emily Whetung.

communauté en a assez. En juin 2020, les installations d’assainissement des eaux semblaient presque prêtes à entrer en fonction. La communauté avait mentionné vouloir s’assurer que les infrastructures soient fiables à long terme avant d’accepter que l’avis soit levé. Selon un rapport du vérificateur général du Canada datant de février 2021, il semblerait que le gouvernement fédéral ait eu recours à des mesures temporaires dans plusieurs réserves afin de retirer les avis concernant la qualité de l’eau, mais sans avoir la réelle conviction que ses mesures assureraient une eau propre aux communautés ciblées de façon permanente. Après presque 30 ans à vivre sans eau potable, il est évident que la Première Nation Neskantaga hésite à offrir sa confiance au gouvernement.

C’est en décembre 2021 que le recours collectif se conclut par un règlement s’élevant à 8 milliards de dollars. Sur une période de neuf ans, le gouvernement fédéral investira 6 milliards pour améliorer différentes infrastructures d’assainissement des eaux, versera 1,5 milliards en prestations individuelles aux membres touchés par les avis sur la qualité de l’eau, et 400 millions seront alloués à un fonds assurant la préservation de la culture.

Encore une fois, le gouvernement utilise l’argent comme un remède miracle à un mal qui mérite une attention sincère, considérant que demeurer aussi longtemps sans eau propre ne peut être pris à la légère. Dans quelle mesure est-ce que recevoir une compensation financière s’avère une indemnisation juste pour pallier les 28 années passées par la communauté de Christopher Moonias sans eau potable? Peut-on réellement parler de justice? Il semblerait que verser de l’argent soit une solution simple pour l’État, mais surtout un moyen de limiter les critiques à son égard. Il va de soi qu’un goût amer reste aux Premières Nations, puisque quelques centaines de dollars offerts à chacun

« Selon un rapport du vérificateur général du Canada datant de février

2021, il semblerait que le gouvernement fédéral ait eu recours à des mesures temporaires dans plusieurs réserves afin de retirer les avis concernant la qualité de l’eau »

En novembre 2019, un recours collectif contre le Canada est intenté afin d’obtenir un dédommagement pour les communautés autochtones ayant passé maintes années sans eau propre.

ne rattraperont pas les années privées du droit fondamental à l’eau. C’est trop peu, trop tard. Au moins, l’essentiel serait d’assurer à toutes les communautés autochtones de l’eau propre, et ce, continuellement.  x

opinion SOCIÉTÉ le délit · mercredi 8 février 2023 · delitfrancais.com 8
Alexandre Gontier | le délit

Vie Nocturne

Vie Nocturne cède sa place

Un nouveau tournant pour cette section

l’heure d’aller se coucher, mais Alex a retrouvé ses draps préférés, ceux aux traits colorés et aux formes provocatrices de ces dessins qui ont

Belle nuit

La nuit, angoissante et magnifique, lieu parallèle ou monde à l’envers où les pas de travers semblent apaisés par la pénombre, et où les rêves et le travail acharné vivent à leur paroxysme. Sous les lumières des lampadaires, on oublie à peu près que le soleil recouvre une toute autre ville. La Vie Nocturne n’existe que pour certain·e·s, elle garde des secrets qui s’effacent au renoncement de la pénombre. Alors, du lit à la piste en passant par les saunas gais, cette section nous a fait voyager dans des espaces mal connus et invisibles et nous a fait réfléchir sur les mystères de l’obscurité. La boîte de nuit est devenue un espace de réflexion philosophique, Laura a fait danser sa plume, pompier·e·s et artistes graphistes ont parlé de leurs expériences d’acteur·rice·s de la nuit : Vie Nocturne éclaira nos déambulations tardives à travers des sentiers qui restent habituellement silencieux. Il n’est pas encore

longtemps tenu Le Délit éveillé. Nos paupières sont lourdes, et bien qu’il y ait encore beaucoup à dire, la journée de demain ne nous laissera pas de répit. Alors suivons Alex, et laissons à la nuit ses secrets inavoués.

Insomnie

Avec moi, il n’y a rien à faire. Je suis une éternelle réveillée, l’insomniaque impossible qui ne dort jamais. Une lève-tôt et une couche-tard, une hyperactive qui ne sait pas assez s’arrêter pour accepter, parfois, de s’abandonner dans les bras de Morphée. Ne me posez pas trop de questions, je ne saurai y répondre. Mon corps vit presque trop contre mon gré.

On m’a passé le flambeau, je suis la nouvelle éditrice de cette section. J’ai mille idées, mille envies, et hâte de lire les textes de nouveaux·lles contributeur·rice·s qui auraient envie de me faire découvrir leurs mots, de m’apprendre, et d’apprendre à tous·tes ceux·lles qui nous lisent. Je servirai Le Délit à mon nouveau poste, sans délit de fuite, je passe des illustrations à la section tournante, comme Alex. Je retrouve ma meilleure amie de toujours, l’écriture, celle qui fait danser les mots et éclaire les cellules du cerveau. Je profite de cette nouvelle position, j’en ferai bon usage, c’est promis.

Et maintenant?

J’ai beaucoup à vous dire, dès la semaine prochaine, alors tâchez de vous reposer. Tandis que les

examens de mi-semestre arrivent à grands pas, il est encore temps de se préparer pour un nouveau départ, un nouveau thème pour la section tournante, un nouveau voyage à travers mon cerveau et celui des contributeurs·rices. Pour l’instant, le secret reste gardé, mais vous découvrirez dès la semaine prochaine la nouvelle section du Délit. Au menu, il y aura des

gratuit

Abondance

débats, de l’entrepreneuriat, un peu de santé et pas mal de philosophie. Dès la semaine prochaine, le repas sera servi. En attendant, on dit merci à Vie Nocturne, dont la flamme et la patte ne seront pas oubliées, car les nouvelles illustrations du Délit en porteront le reflet. Les routes se croisent et se complètent, pour le meilleur. x

L’importance de l’eau gratuite dans les restaurants et bars

À Montréal, lorsque vous vous installez à table au restaurant ou dans un bar, on vous apporte automatiquement un verre d’eau fraîche. Cette eau, particulièrement précieuse en été, est gratuite. Bien que cela puisse nous sembler complètement naturel, cette coutume n’est en rien universelle. Tandis que la province du Québec considère l’eau comme un bien commun, de nombreux pays font payer l’eau servie, et il n’existe pas d’obligation d’offrir aux client·e·s la possibilité de se désaltérer. En Belgique par exemple, commander une bouteille d’eau minérale peut coûter jusqu’à 8€ environ (11,57 CAD). En revanche, ces différences de coutumes impliquent une subtilité non négligeable. Il serait inadmissible de faire payer à des client·e·s de l’eau tiède du robinet à peine rafraîchie par des glaçons. Alors qu’au Québec, on part du principe que les client·e·s préfèrent l’eau du robinet, les incitant ainsi souvent à ne pas prendre l’eau embouteillée, d’autres pays n’offrent pas d’eau gratuite et la seule eau servie est donc minérale. Or, l’eau minérale n’a pas les mêmes émis-

sions de carbone que l’eau du robinet, elle nécessite un traitement, un emballage et un transport, et génère des déchets pour l’environnement. Pourquoi les Canadien·ne·s et les Québécois·e·s doivent-il·elle·s alors profiter avec sagesse de ce cadeau? La crise écologique que nous vivons implique des pénuries de ressources, et tandis que l’eau est l’un des biens les plus précieux des êtres humains, nous allons parler dans cet article de consommation d’eau, gratuite et payante.

Le cheval bon marché est cher

« Tout ce qui est rare est cher. Un cheval bon marché est rare, donc un cheval bon marché est cher ».

Il me semble que cette phrase ironique résume bien la fixation du prix de l’eau au Québec. En effet, la

province compte 3% des ressources d’eau douce mondiales, des dizaines de milliers de rivières et plus de trois millions de plans d’eau. L’eau est abondante, elle est ainsi peu chère, mais cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas précieuse. La coutume d’apporter automatiquement un verre d’eau aux clients est à l’image de cette abondance d’eau douce, dont tout le monde devrait pouvoir bénéficier sans en abuser. Les différences entre eau embouteillée et eau du robinet n’existent parfois même pas. Conformément au Règlement sur les eaux embouteillées du Québec, il est autorisé de vendre des bouteilles avec de l’eau directement extraite des ressources du Québec, et les marques qui le font ne paient que de faibles redevances à la municipalité. Au contraire, les différences de coûts énergétiques sont significatives : en 2005, selon les données de RecycQuébec, seules 57% des bouteilles en plastique ont été recyclées. La consommation d’eau du robinet gratuite au Québec dans les restaurants et bars est ainsi une pratique précieuse, à l’image de l’abondance de la ressource dans la province. La gratuité de l’eau facilite également sa distribution lors des événements impliquant de la distribution d’alcool comme ceux

organisés par l’Université McGill.

L’eau permet de limiter l’effet « déshydratant » de l’alcool et cela peut également remplir l’estomac et inciter à boire moins d’alcool. La consommation d’eau est également primordiale pour la santé pendant les canicules, bien connues de Montréal. 56

canicules ont été enregistrées à Montréal depuis 1970, dont 26 depuis 2000. Pour ses bienfaits écologiques et parce que se désaltérer ne relève pas du désir arbitraire, la gratuité de l’eau potable dans les bars et restaurants semble difficile à remettre en question. x

9 vie nocturne le délit · mercredi 8 février 2023 · delitfrancais.com
marie prince Éditrice
« Je retrouve ma meilleure amie de toujours, l’écriture, celle qui fait danser les mots et éclaire les cellules du cerveau »
L’(eau)r
MARIE PRINCE Éditrice alexandre gontier | le délit
« L’eau est abondante, elle est ainsi peu chère, mais cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas précieuse »
délit au lit
alexandre gontier | le délit
soifaim

Avant de vieillir, mon père était un enfant de la plage. Il est né au bord du fleuve de l’Hérault à moins d’un kilomètre de la Méditerranée. Il allait à l’école à vélo depuis le centre ville et à la plage en courant depuis l’école. Après la dernière sonnerie, il fuyait avec ses amis dans les rues ensoleillées du Grau d’Agde pour rejoindre le sable, la mer et le sel. « Mais papa, tu

Le père et la mer

jusqu’au phare. Au bout de la digue, j’écoutais les vibrations des rires de mon père et de ma grand-mère, fouettées dans le vent et interrompues par les postillons d’écume.

Le jour du deuil, la main de mon père m’accompagnait sur les quais de l’Hérault jusqu’au phare de la plage. Nous nous tenions debout, au bord du monde, et je regardais l’écume, je goûtais les vagues, j’entendais les mouettes. Le visage parsemé de gouttes de

y allais même en hiver? » Il me confirmait que cet itinéraire était journalier. « Mais papa, en hiver il fait froid, tu ne peux pas te baigner. » Chaque saison offrait des synesthésies changeantes. L’été, il y avait la cacophonie touristique, les brûlures aux pieds, puis le rafraîchissement de l’eau. L’automne apportait le patois des enfants agathois, le frisson de la tramontane qui fouette les corps humides, les ombres du vol des oiseaux migrateurs. L’hiver de la plage offrait le goût salé des tempêtes de pluie et de la mer, le massage réfrigérant du sable gris, les percussions des vagues contre les rochers du phare.

« Et, le printemps papa? »

Au printemps, mon père et sa famille partaient en vacances en Alsace. Pour moi, une enfant de la ville, il était impensable de partir en vacances ailleurs qu’à la plage. Qui échangerait le paradis balnéaire pour une destination urbaine quelconque? Depuis notre tendre enfance, mes sœurs et moi passions toutes nos vacances sur la plage du Grau d’Agde. J’y allais pour rendre visite à ma grand-mère et à la modeste piscine qu’elle avait faite construire pour ses petits-enfants. J’alternais entre les baignades iodées matinales et les jeux chlorés dans l’après-midi. Le soir, nous regardions la levée des étoiles en mangeant des soles desséchées par le sel. Plusieurs fois par jour, les membres volontaires de la famille formaient une cohorte pour se promener le long des quais

brouillard ou de mer, il cherchait du regard la fin de l’étendue de l’eau. Il cherchait longtemps et moi je m’ennuyais. « Papa, tu peux raconter l’histoire du coq que tu promenais sur le sable quand tu étais petit, s’il te plaît? » Il me répondait doucement, en fixant l’infini de la mer : « Pas aujourd’hui, Agathe. »

Après la mort de ma grand-mère, ma famille et moi venions quatre

fois par an. Mon père avait hérité de la maison au bord de la plage et de la piscine de sa mère. Je passais des journées avec ma tante qui me racontait ses histoires d’enfant de la plage. Pendant les journées scolaires, elle suivait rigoureusement les principes de modestie chrétienne et revêtait l’uniforme d’écolière. Les après-midi de fin de semaine, elle faisait concurrence à ses amies dans la chasse aux hommes. J’imitais son goût pour la bêtise et j’invitais mes amis parisiens pour leur faire découvrir la mer de mon père. Nous passions des nuits chaleureuses sur le sable noir à se rafraîchir de bière. Parfois, nous nous mettions nus et nous allions danser dans les vagues. Protégée par la nuit et l’alcool, notre adolescence s’épanouissait dans l’insouciance. Quand nous rentrions chez moi, mon père nous attendait. « Vous avez les cheveux mouillés! Vous êtes fous de vous baigner la nuit! C’est dangereux! » Une tirade de complainte parentale s’en suivait et il ne fallait pas rire. L’humour de la situation devenait irrésistible, quand le lendemain, mon père me racontait qu’adolescent, il s’était fait poursuivre par des

pêcheurs de nuit pour avoir jeté une bouteille de vin dans l’Hérault.

L’été de mes 17 ans, j’étais partie nager avec mon père dans la mer polluée de centaines de touristes bruyants. Il s’était allongé sur le dos et je le tirais vers des eaux plus calmes. Érodé par le temps, il parlait peu. Pour être honnête, je ne me souviens pas de ce qu’il me disait. J’aime croire qu’il m’a raconté une histoire de son enfance : la fois où son meilleur

ami avait marché sur sept oursins d’un coup, ou peut-être le jour où il fut enterré sous le sable humide pendant plusieurs heures alors qu’il dormait. Quelques mois après cette baignade, un matin de février, je reprenais la route vers le Midi.

Je fixe le point de l’horizon où le ciel et la mer se rejoignent. Je cherche plus loin encore. Je comprends enfin que ni le brouillard ni la mer apaisent les brûlures des larmes du deuil. x

La voiture noire glisse dans les premiers rayons de lumière de la journée. Le chauffeur fixe insensiblement le reflet de mon père dans le rétroviseur. Moi aussi.

Le pont des maréchaux nous mène de l’autre côté de l’Hérault, Que nous longeons jusqu’à la rue Jean Jaurès, En passant par la rue Pasteur. Il est né là.

Sur la Grand’Place, la statue d’Amphitrite indique le chemin De ses yeux apeurés et arrosés par le déchaînement marin. Ces gouttes décorent les vitres de la voiture et les cernes de mon visage. Mon père profite du paysage familier depuis son modeste sarcophage.

Nous allons nous faufiler dans les allées abandonnées du Grau d’Agde, Avant de rejoindre la plage où j’attendrai le jour, mon père sous la main. Je marche jusqu’au phare pendant que l’urne se couvre de brume. Puis mon père s’envole et se dissout.

Sa neige grise s’égare dans les souffles matinaux et se dépose sur l’écume. La mer le pardonne et l’absout.

Et enfin, je ne vois plus que le silence des v a g u es

confession agathe nolla Éditrice Culture 10 culture le délit · mercredi 8 février 2023 · delitfrancais.com culture artsculture@delitfrancais.com
La mémoire de l’eau.
marie prince | le délit
« Nous nous tenions debout, au bord du monde, et je regardais l’écume, je goûtais les vagues, j’entendais les mouettes »

La désobéissance en perfusion

Quelles leçons retenir de L’Art de la joie de Goliarda Sapienza?

louis

Éditeur Culture

Le début est un peu rude. En essayant de résumer à ma colocataire les 40 premières pages de cet énorme livre – qui en fait un peu moins de 700 au total – parce qu’elle se demandait bien ce qu’un roman aussi immodestement intitulé L’Art de la joie pouvait contenir, je me suis rendu compte qu’il ne s’adressait peut-être pas à tout le monde. D’abord, parce qu’il est long, très long, et que Sapienza ne se soucie pas d’aider le lecteur à garder le fil du récit, ni de la flopée d’intrigues secondaires qui fleurissent autour de la quête existentielle de la protagoniste principale, un peu à la manière d’un roman de García Márquez. Ensuite, parce qu’il entretient une préoccupation quasi-obsessionnelle avec des thèmes tels que l’inceste (peu de rapports sexuels y échappent), la masturbation, l’extrémisme politique, le suicide, la maladie et la mort.

Vous venez sûrement de lire la pire introduction qu’il est possible d’écrire quand on veut donner aux gens l’envie de lire Goliarda Sapienza, mais comme le livre se vend lui-même très mal – il s’ouvre sur la masturbation accidentelle d’une fillette de quatre ans au côté de sa sœur handicapée, suivie d’un cunnilingus, puis d’un viol par son père quelques années plus tard – , je m’y suis résolu. On n’entre pas dans L’Art de la joie dans l’espoir de conforter sa morale bourgeoise ou pour savourer une histoire d’amour expurgée, mais on vient pour y prendre une grande bouffée de liberté, exalter son esprit frondeur et découvrir le magnifique dessin d’une émancipation féminine, qui est en fait une émancipation tout court. Le titre du roman est à la fois intriguant et limpide, il suggère un enseignement qu’il ne contient pas, une série

de leçons pour apprendre à vivre heureux (c’est-à-dire libre) qui ne sont jamais clairement édictées mais que rien ne m’empêche de vous donner.

Sa quête ne s’apparente pas à celle des héros d’apprentissage du 19e siècle parce qu’elle est à la fois plus pure et plus abstraite; elle ne part pas à la conquête de la gloire, ni de

Leçon 1 : Transgresser

La désobéissance, c’est la ligne de conduite que s’applique Modesta, le personnage principal. Née le premier jour du premier mois de l’année 1900 dans une famille pauvre d’une région pauvre d’Italie, elle est d’abord envoyée vivre dans un couvent à la suite de la mort de sa mère, puis au sein d’une famille noble, les Brandiforti, à la mort de la mère supérieure du couvent. Dans cette maison prospère, où elle entre comme bonne d’enfant et finit par devenir grande propriétaire terrienne, Modesta se construit intellectuellement, socialement et, parce qu’il semble que cela soit un pendant indispensable, sexuellement.

En dépit de sa phénoménale (r)évolution, Modesta demeure le personnage le plus constant du roman car elle est férocement attachée à ses principes d’indépendance. Elle a quelque chose de l’enfant sauvage, qui s’étonne toujours et ne se dompte jamais. Elle n’a pas de morale, elle est capable de tuer si quelqu’un fait obstacle à son destin. Modesta mène sa barque avec un seul objectif en vue : celui de s’émanciper de toutes les aliénations, toutes les sujétions, et de s’affirmer comme un être libre, indépendant et fort.

l’argent, ni d’un savoir absolu, elle veut seulement découvrir le sens de sa propre vie, arriver au bout de son destin. Elle est habitée par l’urgence de vivre et cherche par tous les moyens à accélérer ce fastidieux processus d’édification de soi qui commence à la naissance et qu’on appelle la vie.

Leçon 2 : Lire, lire énormément et rejeter le fascisme

La longueur du roman s’explique en partie par le fait que Sapienza veut rendre la totalité du développement intellectuel de Modesta : depuis l’athéisme qu’elle nourrit au couvent, en passant par la philosophie des Lumières et la pensée socialo-anarchiste qu’elle découvre dans la bibliothèque des Brandiforti, puis le communisme qu’elle embrasse avec son amant Carlo, la psychologie freudienne avec son amante Joyce, etc. Elle est perpétuellement attirée par les idées nouvelles qui l’aspirent tour à tour, à l’exception du fascisme mussolinien qu’elle rejette radicalement. D’un côté, elle ressemble singulièrement au siècle qui naît avec elle; ce vingtième siècle polymorphe qui passe d’un extrême politique à un autre, d’un idéal de société à un autre, traverse les catastrophes (la Grande Guerre, la grippe espagnole, la guerre civile, etc.), les

recycle et continue d’avancer. Mais, d’autre part, la modernité optimiste de Modesta contraste avec la bêtise des personnages qui l’entourent et la tendance réactionnaire de l’époque dans laquelle elle vit. Elle semble anachronique parce qu’éperdument éprise de liberté. Très ouverte dans ses mœurs et dans sa manière de concevoir le genre, elle est souvent rapprochée au personnage masculin-féminin d’Orlando de Virginia Woolf.

Leçon 3 : Aimer (au sens de faire l’amour, bien sûr)

L’Art de la joie repose en partie sur les rapports sexuels dont il est parsemé comme une constellation de saynètes qui provoquent parfois le rire, parfois l’indignation, mais participent toujours de l’intrigue. Modesta s’affirme et se construit par le sexe. Après des premières expériences qui sont soit accidentelles, soit subies (sans pour autant que l’autrice ne suggère de traumatisme), Modesta s’éduque, et éduque ses amants et amantes au plaisir volontaire et consenti. L’un des passages les plus amusants se situe vers le milieu du roman, quand la jeune femme d’environ 20 ans apprend à un homme sensiblement plus âgé qu’elle comment il doit s’y prendre pour faire jouir une femme.

Pour être libertaire, Modesta n’est cependant pas libertine. Elle étanche sa soif d’aimer à plusieurs sources et cherche le plaisir dans l’amour, mais ce

n’est jamais un plaisir orphelin de sentiments. Elle déclare ainsi que « l’amour et le sexe sont enfants l’un de l’autre ».

Chaque relation sexuelle doit apporter quelque chose de nouveau à la jeune femme, une charge d’excitation neuve, comme un corps étranger ou une philosophie inédite.

Cette liberté de ton, notamment dans le domaine sexuel, explique que le roman de Goliarda Sapienza n’ait jamais été publié de son vivant dans une Italie acquise à la morale catholique. Il a fallu près de trois décennies, et le flair de la critique littéraire française, pour que ce roman soit lu et apprécié à sa juste valeur. Goliarda Sapienza fait donc partie de ces nombreuses artistes dont l’œuvre ne fut véritablement découverte qu’après leur mort : cela vaut bien un modeste hommage.

Il y a les auteurs que l’on aimerait bien rencontrer pour les remercier d’un bon moment qu’ils nous ont fait passer et il y a ceux que l’on a pour amis sans avoir jamais pu les connaître; ceux qui, derrière la sobre couverture d’un bouquin et la promesse d’une belle aventure, nous offrent un espace où vivre et une voix(-e) pour grandir. Ce sont nos amis, que l’on préserve de la mort glacée d’une notice Wikipédia, et qui nous arment contre la solitude et l’ennui. Goliarda compte désormais parmi les miens.  x

11 culture le délit · mercredi 8 février 2023 · delitfrancais.com Littérature
« Modesta est habitée par l’urgence de vivre : elle veut accélérer par tout les moyens ce fastidieux processus d’édification de soi qui commence à la naissance »
alexandre gontier | le délit
alexandre gontier | le délit

Dans un océan de honte

Clandestines met en scène le drame des avortements clandestins.

Avec Clandestines, les dramaturges québécoises Marie-Ève Millot et Marie-Claude Saint-Laurent s’emparent de la scène pour aborder le thème de l’avortement et livrer un message conforme aux valeurs féministes chères à la compagnie du Théâtre de l’Affamée.

Les autrices imaginent une société québécoise dans un futur dystopique où une médecin et son assistante tiennent une clinique clandestine pour aider des femmes qui décident de se faire avorter dans le secret. Dans cette société, mais aussi dans le monde politique, l’opposition à l’avortement se propage dangereusement. Difficile dans ce contexte de ne pas songer aux récentes décisions de la Cour suprême des ÉtatsUnis. En effet, la réalité rattrape la fiction lorsque l’arrêt Roe contre Wade est invalidé alors que la pièce est en pleine conception.

La pièce met en avant le drame des avortements clandestins. La voix du personnage principal

ConfÉrence

raconte des témoignages réels de femmes s’étant fait avorter quand la pratique était encore illégale au Canada. Le recours à l’avortement clandestin est présenté davantage comme une nécessité plutôt qu’un choix.

Les personnages sont plongés dans des situations complexes et voient le nombre de leurs options diminuer. Marie-Ève Millot et Marie-Claude Saint-Laurent mettent en avant deux arguments de taille pour soutenir la pro-

tection du droit à l’avortement : l’impossibilité manifeste de mettre fin aux IVG clandestines, les situations médicalement dangereuses auxquelles elles mènent, et le droit des femmes à disposer pleinement de leur corps. Le spectateur souffre facilement avec des protagonistes dotées chacune d’une forte personnalité, osant exprimer leurs pensées et en venir aux extrêmes en situation de crise. C’est par l’emploi du pathos que l’audience parvient à cerner les malheurs auxquels sont confrontées ces femmes qui songent à se faire avorter.

Si le sujet abordé est des plus sérieux, Clandestines remplit également une fonction essentielle de la scène : celle de plaire. En effet, durant une partie importante de la pièce règne un intense suspense, habilement fabriqué par les autrices à travers la mise en valeur des silences, la présence de personnages menant des existences doubles sans cesse sur le point d’être découvertes, et un jeu sur le temps, dont la rapidité de l’écoulement est soulignée à des moments stratégiques, créant un sentiment d’urgence. D’autre part, dans les

Archi-féministe!

répliques se distingue parfois un humour subtil qui tranche avec la dureté du sujet, sans pour autant que cela tombe dans un burlesque décrédibilisant.

Clandestines souligne l’hypocrisie qui entoure l’opposition à l’avortement. Sous couvert de vouloir protéger la vie du vulnérable, on s’en prend à des femmes, elles-mêmes vulnérables.

Enfin, il convient de s’arrêter sur la stratégie argumentative employée par les autrices. Au cours de la pièce, différents personnages exposent des arguments pour ou contre l’avortement. Se crée alors une tension qui ne se résoudra pas, puisque les arguments finissent par se perdre dans un débat juridique sans fin sur le statut du fœtus. Le spectateur en arrive à pencher en faveur de l’avortement, non pas convaincu par les mots, mais par la trajectoire de ces femmes qu’il a suivies tout au long de la pièce ces femmes qui ont progressivement perdu le contrôle de leur corps. Ainsi, Clandestines redonne son humanité à un sujet que l’on éloigne bien souvent de celles qui le concerne le plus. x

Retour sur la création audiovisuelle féministe en France et au Québec.

Qui voit encore les archives comme de vieux papiers poussiéreux rangés au fond des tiroirs+? Sûrement pas la Cinémathèque québécoise, qui a prouvé le contraire lors d’une rencontre le 13 janvier entre deux collectifs féministes engagés dans la conservation et la création des documents audiovisuels autour des luttes féministes et des femmes des années 1970-1980.

Les intervenantes ont retracé l’histoire des deux groupes francophones, projetant des extraits inédits d’œuvres vidéo.

Le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, en France, et Vidéo Femmes Québec, au Canada francophone, sont deux collectifs associés à la « deuxième vague » féministe et dédiés à la production et diffusion d’œuvres audiovisuelles portant sur l’histoire des femmes, leurs luttes et leurs créations. Bien qu’ancrés dans deux contextes nationaux distincts, ils ont en commun cette même volonté de s’approprier la pratique de la vidéo pour montrer à l’écran les réalités passées et présentes des luttes féministes et de la condition féminine. Ce choix est présenté

comme une voie d’émancipation et une prise de pouvoir : il veut donner la parole aux concernées, sans médiation, en opposition à la télévision où la parole était bien souvent captée par de soidisant spécialistes des femmes.

Le centre d’artistes Vidéo Femmes Québec, fondé en 1973, était représenté pendant cette rencontre par ses cofondatrices Helen Doyle et Nicole Giguère. Les deux cinéastes ont insisté sur son caractère pionnier, étant l’un des premiers centres de production et de distribution d’œuvres vidéographiques féministes au Québec. Ses activités se sont aussi organisées dans le secteur

ou la santé mentale des femmes. Avec le même regard sur les luttes autour du mouvement des femmes, les productions du groupe français relevaient cependant d’une dénonciation politique plus explicite. Comme le rappelle la déléguée générale du Centre, Nicole Fernández Ferrer, en début de conférence, le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir a été créé à Paris en 1982 par trois militantes féministes : Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig et Ioana Wieder. Au-delà du soutien à la création, le centre s’investit dans la conservation et la diffusion de ces productions pour contrer l’invisibilisation des luttes féministes et des

er et de transmettre les luttes survit aujourd’hui à travers la production de films rejoignant le fonds d’archives, en continuité avec les prises de positions et thématiques abordées.

Les intervenantes ont fait part des évolutions récentes : le groupe québécois a fusionné avec la coopérative Spirafilm en 2015, tandis que le Centre a temporairement fermé en 1993. Ouvert de nouveau en 2003, il propose dorénavant de nouvelles activités. Ce renouvellement lui a permis de questionner l’enjeu crucial de la diffusion des films militants : comment toucher au-delà d’un public déjà conscientisé ? Un levier d’action réside probablement dans l’organisation de projections auprès de publics éloignés de ces enjeux. Le centre intervient ainsi dans les écoles et certaines maisons d’arrêt avec le programme d’éducation à l’image et de lutte contre les stéréotypes de genre dans l’audiovisuel Genreimages.

de la diffusion, avec le festival international Les filles de vues

Le groupe a ainsi permis la production d’œuvres documentaires aux formats variés, du portrait au clip musical, abordant des sujets variés et tabous, comme le SIDA

créatrices. Leur fonds d’archives a notamment permis de restaurer le documentaire Sois belle et tais-toi! de Delphine Seyrig, questionnant le sexisme et la place des femmes à Hollywood. Cette ambition de document -

Par leur histoire et leur héritage, ces groupes militants nous rappellent que les archives sont une matière vivante, qui doit circuler, être transmise, et faire vivre le patrimoine audiovisuel. x

culture le délit · mercredi 8 février 2023 · delitfrancais.com thÉâtre
Malik ramjee Contributeur
« La réalité rattrape la fiction lorsque l’arrêt Roe contre Wade est invalidé alors que la pièce est en pleine conception »
Valérie remise
julie tronchon Contributrice
alexandre gontier | le délit 12
« La Cinémathèque veut donner la parole aux concernées, sans médiation, sans le biais de soi-disant spécialistes des femmes »

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