Le Délit - Édition du 20 septembre 2023

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Publié par la Société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Le Délit est situé en territoire Kanien’kehá:ka non cédé.

Mercredi 20 septembre 2023 | Volume 114 Numéro 03 20L pour 10 personnes depuis 1977.

Le point sur les initiatives autochtones de McGill

Àl’approche de la semaine de sensibilisation aux causes autochtones, Le Délit a rencontré la vice-principale adjointe du Bureau des initiatives autochtone, Celeste Pedri-Spade, entrée en poste afin de rassembler les causes autochtones à McGill. Érudite et artiste ojibwé, Pedri-Spade est originaire de la Première Nation du Lac des Mille Lacs, dans le nordouest de l’Ontario. Pedri-Spade a complété son doctorat en anthropologie visuelle à l’Université de Victoria et sa maîtrise en culture et communication à l’Université Royal Roads. Ses intérêts de recherche comprennent l’art autochtone et la décolonisation ; le colonialisme de peuplement et l’indigénéité ; la culture visuelle et matérielle autochtone ; la régénération des Anishinabemowin ; et des méthodologies de recherche autochtones créatives. Artiste de textile formée en suivant les pas de sa mère, elle dit avoir obtenu ce nouveau poste académique grâce à l’art. Elle occupe aujourd’hui cette nouvelle position, étant donné que c’est la première fois que McGill instaure un Bureau d’initiatives autochtones.

Quel est l’objectif de son mandat ?

Son mandat vise à répondre aux demandes d’un groupe de travail sur les études et l’éducation autochtone à McGill. En 2017, ce groupe de travail a lancé une série d’appels à l’action, qu’ils jugeaient essentiels au projet de reconnaissance et de réconciliation de McGill avec les peuples autochtones. Le bureau de Pre Pedri-Spade a rassemblé ces 52 objectifs d’action séparés en cinq catégories : recrutement des étudiants, représentation physique, programmes académiques, recherche et universitaires, et renforcement des capacités. Pour Pedri-Spade, ce plan ambitieux exige que tout le monde travaille dans la même direction. La première année de son mandat a pour but de développer une structure d’équipe appropriée pour rassembler et rencontrer les mcgillois en consultant auprès de la communauté universitaire et des partenaires autochtones de l’Université. Étant donné que McGill est une institution « très décentralisée (tdlr) » d’après Pre Petri Spade, une partie du travail consiste à apprendre à connaître et à regrouper les différents interlocuteurs autochtones sur le campus. Cette institutionnalisation va permettre aux plus petites organisations de faire entendre leur voix de manière systématique, et pas seulement sur demande. Ce comité siégera et a pour ambition d’être la référence pour toutes consultations en lien avec les initiatives autochtones. Pour la Pre Pedri-Spade, il est important de constituer une équipe d’autochtones pour accomplir ce travail. Elle dit s’inspirer en faisant une « analyse comparative avec d’autres universités » puisque cette initiative n’est pas nouvelle au Canada, elle existe déjà à l’Université de Queen’s en Ontario par exemple. C’est également à travers la National Indigenous University Senior Leaders’ Association que Cleste

Petri-Spade dit pouvoir échanger - avec des personnes ayant les mêmes responsabilités, mais dans d’autres universités - sur les problèmes similaires et les solutions à apporter. Son but est donc de former une équipe solide avec une structure et une croissance appropriées.

Engagement auprès des étudiants et personnel autochtones

Pre Pedri-Spade note l’importance de l’inclusion et de la représentation des populations autochtones au sein de son institution. Avec ces 52 appels à l’action en tête, l’Université poursuit activement ses efforts pour attirer davantage d’étudiants et de personnel autochtones.

besoins des étudiants autochtones. De plus, dans le but de favoriser la santé mentale de ces étudiants, un poste de conseiller dédié à les accompagner lors de leur parcours universitaire sera instauré.

L’Université McGill travaille en collaboration avec les communautés locales pour répondre aux 52 appels à l’action, y compris l’engagement envers la dispense des frais de scolarité. Ce processus implique des partenariats avec les autorités éducatives et leurs alumnis pour développer une véritable association avec d’anciens élèves autochtones - initiative qui n’existait pas auparavant. Cette démarche s’appuie sur la reconnaissance du rôle essentiel du mentorat et de l’écoute des expériences des diplômés autochtones, afin de mieux guider et soutenir les étudiants actuels.

Semaine de sensibilisation autochtone

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Au cœur de cette initiative se retrouve l’une des cinq catégories d’appel à l’action, « le recrutement et la rétention des étudiants autochtones ». La création de postes dotés d’un mandat spécifique comme celui de Pedri-Spade représente déjà une étape significative pour le bureau dédié à cette cause. Lorsque Celeste Pedri-Spade est entrée en poste, il lui était crucial de clarifier les rôles de chacun en se détachant de la direction associée des Initiatives autochtones, pour créer une « véritable première gestion des personnes ». Néanmoins, elle considère que puisque l’initiative du Succès Autochtone existe depuis 1997, celle-ci demeure un point de ralliement essentiel à l’engagement de l’Université envers ses étudiants autochtones.

Les efforts n’ont pas uniquement été menés au sein de la faculté des études autochtones, ils se sont étendus au-delà, avec la mise en place d’un soutien dédié aux étudiants autochtones dans chaque faculté et département d’études. Ces initiatives ont également ouvert la voie à des discussions essentielles concernant le soutien financier, notamment pour les étudiants provenant des territoires Haudenosaunee et Anishinaabeg – les terres où se situe l’université McGill. Cependant, l’engagement ne se limite pas à des incitations financières ; il englobe également d’autres formes de soutien continu, telles que l’accès et l’opportunité, ainsi qu’une évaluation des

À quelques jours de la semaine de sensibilisation aux autochtones, qui aura lieu du 18 au 30 septembre, Petri-Sade nous a rappelé l’importance des prochains jours, et les défis que son organisation a surmontés. Elle souligne le rôle essentiel de cette semaine en ce qui a trait à la visibilité accordée au Bureau des affaires autochtones, ainsi que l’importance de la collaboration inter-faculté, pouvant donner accès à des partenariats potentiellement pérennes. La semaine autochtone a un programme ambitieux, mais est, selon elle, un bon moyen d’entrée pour en savoir plus sur l’érudition autochtone et leur enseignements : « C’est vraiment un hommage à la souveraineté des connaissances autochtones. » Favorisant la collaboration entre les facultés, un panel de trois femmes autochtones est prévu – organisé par la Faculté de Droit –sur l’éducation et la responsabilité dans le contexte de la violence systémique dans les soins de santé.

Après avoir parlé de sujets comme le racisme et la discrimination vécus par les communautés autochtones dans le domaine des soins de santé, il y aura le 22e Pow Wow annuel de McGill – une manifestation festive célébrant l’héritage culturel des danses et chants autochtones. Il y aura également des ateliers sur la chasse de lapins et la fabrication de bijoux en peau de poisson, une projection de film, et même un spectacle humoristique. Pre Pedri-Spade a souligné l’organisation de scènes d’humour autochtone, et de leur importance au cœur du processus de guérison des peuples et de la connaissance : il est bien plus agréable selon elle de se réunir autour d’autres formes d’expressions et de savoirs autochtones, moins ciblés et moins sérieux.

Un calendrier des activités est disponible pour en savoir plus sur les dates, les lieux et l’inscription à un événement qui vous intéresse lors de la semaine de sensibilisation aux autochtones. x

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Volume 114 Numéro 03 Actualités actualites@delitfrancais.com 2 Actualités le délit · mercredi 20 septembre 2023
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Une table ronde avec la vice-principale adjointe Celeste Pedri-Spade.
rose chedid | Le dÉlit Margaux thomas Éditrice Actualités

L’enseignement à l’épreuve de l’intelligence artificielle

Alors que l’intelligence artificielle (IA) s’immisce de plus en plus dans les salles de classes et dans les universités de manière générale, l’enseignement doit s’adapter face à l’apparition de nouveaux enjeux et défis. Comment valoriser la pensée créative au cœur de l’apprentissage universitaire alors que les réponses à nos questions sont à la portée d’un clic?

Comment stimuler la pensée originale alors que le plagiat est de plus en plus dur à détecter? Si l’IA pose autant de questions sur l’avenir de l’enseignement, elle offre aussi l’occasion de s’interroger sur son utilisation : comment l’intégrer au sein des universités? Pour répondre à ce questionnement, Le Délit s’est entretenu avec Norman Cornett, ancien professeur à McGill en études religieuses qui a développé il y a 36 ans une approche éducative novatrice : l’approche dialogique qu’il a mis en place dans ses salles de classes à l’Université et ailleurs. Ce paradigme éducatif, axé sur le dialogue et la pensée créative, offrirait selon lui des réponses aux défis posés par l’IA.

Le Délit (LD) : Pourriez-vous me parler de l’approche pédagogique que vous avez développé, l’approche dialogique ?

Norman Cornett (NC) : Mon approche dialogique pose la question de la place de l’intelligence artificielle dans les salles de classe universitaires. Je me suis rendu compte, au fil des ans, avec les changements technologiques, que la donne change en quelque mesure dans la salle de classe. Je vous donne un exemple. À cause de mon âge, j’enseignais 20 ans avant la popularisation des téléphones cellulaires. Or, à l’instant où les téléphones cellulaires sont entrés dans la salle de classe, il y eu un changement drastique. C’était évident, parce qu’on connait très bien maintenant, grâce à des études qui ont été faites, les risques d’addiction et de dépendance liés aux téléphones portables.

La raison d’être de l’enseignement, pour moi, c’est d’inculquer le pouvoir de la concentration, de pouvoir fixer un objectif, et de le garder comme un questionnement

qui nous guide tout au long de notre réflexion. La raison d’être de l’enseignement, c’est de favoriser une pensée originale et donc l’expression créative, originale.

dialogique. Dans mes cours, je demande à tout ceux qui entrent dans la classe de laisser au seuil tout appareil qui pourrait devenir une distraction, de sorte

« Quand on quitte le campus universitaire avec son diplôme, on est prêt pour la vie parce qu’on a appris à réfléchir, à penser par soi-même »

Le téléphone, c’est un moyen valable, mais ce n’est pas un but en soi. De même, les notes, voire les diplômes, ce sont des buts valables, mais ils ne servent qu’à constater des résultats. Ce qui importe, c’est le processus d’ap -

qu’on se fixe sur le sujet en question et qu’on ait le temps de réfléchir là-dessus. Or, le défi dans la salle de classe universitaire, c’est de créer un espace de questionnement, d’interrogation, d’analyse, et de curiosité.

LD : Est-ce que l’IA n’est pas justement l’occasion de réinventer la façon dont les cours sont enseignés et évalués?

NC : Je me souviens très bien, que pendant mes années d’enseignement, j’ai demandé à une de mes étudiantes ce qu’elle avait appris après quatre ans d’études. Vous savez ce qu’elle m’a répondu? « J’ai appris comment couper les coins ronds pour avoir une note A ». Or, la note « A », la meilleure note, ce n’est pas le but de l’enseignement. Ce n’est pas la raison d’être. Ce n’est qu’un résultat.

Ce qui compte, c’est tout le processus. Quand on quitte le campus universitaire avec son diplôme, on est prêt pour la vie parce qu’on a appris à réfléchir, à penser par soi-même. Et vous savez combien c’est valorisant pour les étudiants et étudiantes de savoir que leur pensée, leur expression, comptent, qu’ils n’ont pas besoin de miroiter

NC : L’enseignement supérieur doit relever le défi de canaliser l’intelligence artificielle de sorte qu’elle serve à humaniser, personnaliser et individualiser l’éducation plutôt que le contraire. Pour moi, l’intelligence artificielle est un outil formidable. On doit s’en réjouir. Dans mon cas, lors d’un atelier dialogique sur un sujet bien spécifique, ce que je propose, c’est de présenter un texte rédigé par l’intelligence artificielle. Et quand je dis « rédigé », vous savez très bien que ça se rédige en quelques secondes. Je propose de prendre ce texte-là, de le présenter en salle de classe, et d’inviter les étudiants et étudiantes à y réfléchir de façon originale et de créer un dialogue avec l’intelligence artificielle.

Il ne faut pas minimiser le défi. L’intelligence artificielle n’est pas foncièrement une menace. La question, c’est : « Comment est-ce qu’on va s’en servir dans la salle de classe? » Moi, je propose de nous approprier l’intelligence

« L’enseignement supérieur doit relever le défi de canaliser l’intelligence artificielle de sorte qu’elle serve à humaniser, personnaliser et individualiser l’éducation plutôt que le contraire »

prentissage. Dans l’enseignement, on parle de l’acquisition cognitive, c’est-à-dire la définition scientifique du processus d’apprentissage. Alors, dans quelle mesure peut-on favoriser, nourrir l’acquisition cognitive?

Le simple fait de faire des copiés-collés [lors de travaux pour un cours, ndlr ], ce qui est l’équivalent fonctionnel du plagiat, ça nous mine dans tout ce processus de réflexion qui fonde la base de l’apprentissage. On n’apprend pas simplement pour un examen, on n’apprend pas simplement pour une note, mais on apprend pour la vie.

C’est la raison pour laquelle j’ai créé il y a 36 ans l’approche

Et donc, quand on saute directement à la réponse via internet, on « court-circuite » tout le processus cognitif.

Quel est le principe opérateur de mon approche dialogique? C’est celui-ci : « Il n’y a qu’une mauvaise question, celle qu’on ne pose pas. » Or, le défi maintenant avec l’intelligence artificielle dans la salle de classe, c’est qu’on saute toutes les étapes du processus cognitif et qu’on va directement à la réponse : « Voilà la fin de l’essai, de l’examen ou du quiz. » Donc, en sautant toutes ces étapes, on a le droit de se demander : « Estce que l’étudiant ou l’étudiante a bel et bien appris la matière? » Apprend-t-on vraiment de la même manière sans réflexion?

l’autre et d’être en totale adéquation avec lui. Parce que ce qui importe, ce n’est pas la réponse de l’autre, c’est une réponse honnête vis-à-vis de soi-même et le processus de rencontre avec la pensée de l’autre.

C’est pour cela que je favorise le questionnement dans la salle de classe. La curiosité est un engin formidable. On doit se demander dans quelle mesure, avec l’intelligence artificielle, on nourrit la curiosité qui est à la base même de l’acquisition cognitive et de ce qu’on appelle « apprendre ». Puisque le respect de la propriété intellectuelle est de rigueur dans les universités, il importe de l’encadrer à la lumière de l’intelligence artificielle afin de valoriser la pensée originale et l’expression créative.

LD : Comment peut-on intégrer l’IA dans ce processus d’approche dialogique à l’enseignement?

artificielle pour mieux réfléchir sur les enjeux, sur les questions relatives à notre discipline. Mais on ne peut pas faire l’autruche. L’intelligence artificielle, c’est un changement de paradigme pédagogique, et il faut s’y adapter. Le grand danger, c’est la paresse, aussi bien chez les pédagogues que chez les étudiants et étudiantes. C’est chercher une réponse facile, chercher une solution facile. Vous savez ce qu’on dit? Il est interdit d’interdire. Donc, on peut très bien dire : « On va interdire l’intelligence artificielle dans la salle de classe. » C’est facile à dire, c’est une autre chose de le faire. À nous le défi de canaliser l’intelligence artificielle pour faire avancer l’éducation universitaire. Et ça se fait en la critiquant, en la questionnant pour susciter la curiosité chez les étudiants et étudiantes, au lieu de la dompter, de l’étouffer. x

CAMPUS
ACTUALITés le délit · mercredi 20 septembre 2023 · delitfrancais.com 3
Le Délit s’est entretenu avec le Professeur Norman Cornett.
hugo vitrac Éditeur Actualités CLé MENT VEYSSET | Le Délit

Séisme au Maroc : La communauté marocaine de Montréal se mobilise

Une récolte de matériel a eu lieu au Collège Lasalle du 11 au 19 septembre.

Dans la soirée du vendredi 8 septembre dernier, vers 22h11, un séisme de magnitude 6,8 a frappé le Maroc. Selon l’Observatoire Européen Copernicus, le séisme a principalement frappé la région de Marrakech-Safi, l’épicentre se trouvant à approximativement 72 km au sud-ouest de Marrakech, une des principales villes marocaines, qui compte plus d’un million d’habitants. Les provinces les plus touchées sont des zones rurales du massif du Haut Atlas qui n’en restent pas moins peuplées : selon l’Observatoire, 172 000 personnes ont été exposées aux secousses, notamment à Talat-Nyaaqoub, Tamarirt, Amizmiz et Imzilene. Les habitants de Marrakech ont eux aussi ressenti les secousses, subi des dommages matériels et déclaré plusieurs pertes humaines. Le 14 septembre, le bilan humain s’élevait à 2 946 morts et 5 674 blessés. Le nombre de personnes dont le logement a été détruit n’est pas encore connu, mais le Maroc a compté environ 50 000 bâtiments endommagés.

L’action de la communauté marocaine de Montréal

À Montréal, une action de solidarité s’est mise en place dès le lendemain, le samedi 9 septembre. Adib Lahlou, actuellement directeur de l’expérience étudiante du Collège Lasalle de Montréal, et Nadia El Hamiri, directrice adjointe aux soutiens administratifs, ont co-organisé une récolte de dons financiers et de matériel en collaboration avec le Collège Lasalle. Dans une entrevue avec Le Délit , Adib Lahlou nous a expliqué le fonctionnement de la collecte : « Avec la direction du Collège Lasalle, nous étions initialement partis sur l’idée de faire une collecte de dons en argent via la Croix-Rouge [canadienne, ndlr], et par la suite on a pensé faire une collecte de vêtements et de matériel. »

Lors de notre entrevue, Adib, lui-même d’origine marocaine, nous a fait part de l’engouement collectif à aider existant au sein de la diaspora marocaine « on a fait un fichier Excel dans lequel on a 260 bénévoles inscrits et 96 actifs qui participent au triage. » Adib nous a notamment expliqué qu’ils ont rapidement été débordé et ont même dû changer

de local : « on a été victime de notre succès [...], dès le premier jour, lorsqu’on était à l’intérieur du Collège, on a reçu beaucoup [de matériel] et on ne savait pas où le stocker. » L’administration du Collège a donc ouvert un espace bien plus grand à quelques pas du local initial, au 2110 rue Sainte Catherine. Adib nous a confié que : « étant Marocain et ayant vécu là bas, je n’en attendais pas moins de la solidarité marocaine, mais là, ça dépasse mes attentes [...] tu n’as qu’à voir derrière toi : wow! »

Des complications pour transporter le matériel accumulé

Une fois le matériel récupéré et organisé, il faut désormais trouver un moyen de transport rapide vers le Maroc. Néanmoins, plusieurs des organisateurs ont dû faire face à de nombreuses complications : ils n’ont toujours pas trouvé de compagnie aérienne pour transporter le matériel gratuitement vers le Maroc. « Envoyer du matériel par avion représente un coût en milliers de dollars. C’est bête de payer dans ce genre de situation où

rement l’aide internationale. En effet, le Maroc n’a, en date du 17 septembre, accepté l’aide que de quatre pays : le Royaume Uni, l’Espagne, le Qatar et les Emirats Arabes Unis. Adib comprend ces mesures : « Pour le moment les routes ne sont pas praticables, il faut s’organiser et déblayer ». « On attend toujours les autorisations pour envoyer tout cela [...] le Maroc est actuellement en train de s’organiser sur le terrain pour certainement ouvrir dans quelques jours les dons internationaux de matériel », explique-t-il.

suite d’une catastrophe sismique. Précédemment, le Maroc avait déjà marqué sa sensibilité envers son voisin lors de catastrophes naturelles. Le Royaume avait par exemple proposé une aide à l’Algérie lorsque le pays faisait face à des feux de forêts en août 2021. Cette fois-ci, c’est l’Algérie qui a fait un pas de solidarité envers le Maroc : le pays a ré-ouvert son espace aérien - fermé depuis 2 ans - et a proposé d’envoyer des équipes de secouristes et du matériel destiné au sinistrés. Néanmoins, comme le pays l’a fait pour les ÉtatsUnis ou la France, le Maroc a refusé

Lorsque l’aide internationale sera possible, le Collège Lasalle compte utiliser son réseau d’établissements pour affréter le matériel accumulé vers le Maroc. En effet, l’institution d’enseignement supérieur est québécoise, mais comporte 23 campus présents sur cinq continents. Adib raconte que c’est aussi pour cela que le Collège s’est rapidement impliqué. « Comme on a des campus au Maroc, notamment à Casablanca, à Marrakech, Tanger et Rabat, on va tout affréter vers le Collège Lasalle de Marrakech, et de là bas il y a un relais qui va se faire vers les zones plus lointaines. »

Une « diplomatie des séismes »?

cette aide. Pour Adib Lahlou, cette proposition est « ridicule ». Il souligne le contraste entre cette proposition et les tensions existantes au Sahara occidental. Il mentionne notamment que peu après le séisme, « les milices du Polisario, basées en Algérie, ont commencé à frapper le sud du Maroc [territoire reconnu par l’ONU comme Sahara occidental, ndlr]… en plein séisme et catastrophe naturelle [...] alors que les Forces armées royales [marocaines, ndlr] sont mobilisées pour porter aide aux victimes ». Adib termine son propos en ajoutant : « tendez-nous la main, mais une bonne main. »

Au cours de notre passage dans le local de la récolte, nous avons croisé Mohammed Essaïdi, un étudiant à l’Université de Montréal (UdeM) venu donner du matériel. Il nous a raconté vouloir faire ça « par cœur ». « Je suis d’origine marocaine et j’en suis fier, je veux aider les gens qui sont affectés ». En le questionnant s’il s’attendait à une telle entraide, il nous a répondu « oui bien sûr, nous les Marocains, que ce soit au Maroc, au Canada, en Europe ou ailleurs, on est unis. »

il y a déjà un sinistre. » Les organisateurs de l’action semblent donc se tourner vers l’option du cargo : « cela prendrait entre 3 à 5 semaines, donc c’est long, mais c’est l’option la moins chère et ce n’est pas demain que les plus démunis seront relogés, il y aura encore besoin de ce matériel. » Si cette option est choisie, les organisateurs de l’action lancerons une récolte de fonds pour financer le transport.

Un autre facteur limitant pour le moment est la décision marocaine de restreindre temporai-

Un événement surprenant a eu lieu en marge de cette catastrophe naturelle : l’Algérie a annoncé rapidement son soutien et a même proposé son aide. Les deux voisins ont des relations crispées depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, qui avait notamment été suivie d’un conflit ouvert avec le Maroc : la guerre des Sables de 1963. Depuis, le sujet du Sahara occidental catalyse ces tensions. D’un côté, le Maroc revendique sa souveraineté sur le territoire, et de l’autre, le groupe séparatiste du Front Polisario, appuyé et hébergé par l’Algérie, prône l’autodétermination des populations sur ce territoire. En raison de ces divergences, les relations entre le Maroc et l’Algérie ont récemment été au point mort. En 2021 par exemple, l’Algérie avait notamment fermé son espace aérien au Maroc et rompu les liens diplomatiques avec ce dernier.

La catastrophe du vendredi 8 septembre a donc laissé penser à un retour de la diplomatie des séismes : un réchauffement des relations diplomatiques entre deux pays à la

Alors que la récolte devait initialement durer jusqu’au vendredi 22 septembre, celle-ci s’arrêtera prématurément le mardi 19 septembre. Adib explique cette décision : « on a récolté le double de ce que nous avions prévu. Il nous faut maintenant du temps pour s’organiser en interne pour trier et proposer une aide la plus efficace possible. » Par exemple, certains éléments récupérés ne sont pas adaptés au besoin des victimes du séisme (des vestes « trop » chaudes par exemple).

Néanmoins ce matériel « inadapté  » va garder son utilité : les organisateurs cherchent actuellement une action similaire à la leur, récoltant du matériel pour la Libye, qui fait actuellement face à des inondations dévastatrices. « Entre un séisme et des inondations, ce n’est pas le même besoin. Nous pouvons leur donner du matériel inadapté à nos besoins, mais adapté aux leurs : il est question de solidarité marocaine, mais aussi de solidarité arabe et musulmane. » x

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Vincent maraval | Le dÉlit
« Nous les marocains, que ce soit au Maroc, au Canada, en Europe ou ailleurs, on est unis »
Mohammed Essa ïdi
« On se prépare déjà, on commence déjà à trier »
Adib Lahlou

McGill et les terres non cédées : promesses et (in)action

Les reconnaissances territoriales peuvent-elles mener vers la réconciliation?

Les reconnaissances territoriales sont aujourd’hui mises de l’avant comme une manière de souligner l’appartenance des territoires sur lesquels nous vivons aux peuples autochtones, mais aussi de rappeler qu’il est important d’honorer leurs droits ancestraux et la préservation de leur culture sur les terres qui leur ont été enlevées durant la période coloniale. Cette forme de réappropriation symbolique du territoire, loin d’être une finalité en soi, doit servir de rappel constant du passé des terres sur lesquelles nous nous retrouvons pour étudier.

L’Université McGill, dont le campus du centre-ville est situé sur les terres autochtones de la communauté Kanien’kehá:ka, a non seulement un devoir de reconnaissance, mais doit également être l’instigatrice d’un mouvement de sensibilisation à l’égard de la cause autochtone sur le campus car elle demeure parfois mal comprise. Alors que les reconnaissances de territoire se retrouvent dans la plupart des plans de cours et dans la majorité des événements académiques de l’Université, leur lecture conserve-t-elle leur pertinence si elles ne sont pas suffisamment mises en contexte et n’entraînent pas d’actions concrètes de la part de McGill?

Que fait McGill pour la cause autochtone?

En 2017, le Groupe de travail du vice-principal exécutif sur les études et l’éducation autochtones publie un rapport final, au sein duquel sont émis 52 appels à l’action « jugés essentiels au succès du projet de réconciliation et de reconnaissance des peuples autochtones de McGill », comme l’indique le site web du Bureau des initiatives autochtones (BIA). Ce Bureau, qui a été créé en réponse à l’appel à l’action 48, incite McGill à se mobiliser davantage pour encadrer les étudiant·e·s autochtones à travers leur parcours universitaire et accroître le financement accordé à la cause autochtone.

Interrogée par Le Délit, Frédérique Mazerolle, agente des relations avec les médias de l’Université McGill, a développé sur la mission du Bureau : « En tant

sur le campus nous paraissent floues et difficilement accessibles. Frédérique Mazerolle soutient que « l’Université s’engage à travailler en collaboration avec les membres

« Je crois que les reconnaissances de territoire sont une pratique importante. Aux temps pré-coloniaux, lorsque les peuples autochtones se déplaçaient sur les territoires

« Les colonisateurs ne comprennent pas le sens [des reconaissances territoriales], n’ont pas fait de recherches sur ce qu’ils disent, et [ leur emploi] est générique et trop souvent répété »

que responsable institutionnel de la vision de McGill en matière d’enjeux autochtones, le BIA, dirigé par la vice-principale exécutive adjointe (Initiatives autochtones), joue un rôle à plusieurs niveaux en s’efforçant d’intégrer l’identité autochtone dans toutes les facettes de la vie universitaire. Il s’emploie également à renforcer la sensibilisation et l’harmonisation des diverses initiatives autochtones dans l’ensemble de l’Université, à favoriser la réussite des étudiants et des professeurs autochtones, et à soutenir la mise en œuvre des 52 appels à l’action de McGill en matière d’études autochtones et d’éducation autochtone. »

Or, la manière dont s’orchestrent les consultations entre l’Université et les communautés autochtones

de la communauté mcgilloise pour faire avancer les appels lancés par la Commission de vérité et de réconciliation du Canada et les engagements en faveur de la décolonisation et de l’autochtonisation dans les domaines de l’enseignement autochtone, de la réussite des étudiants autochtones, des communications, des événements et de l’établissement de relations, en renforçant la présence autochtone et la représentation physique des autochtones sur nos campus ».

Témoignage d’étudiant·e·s mcgillois·e·s

Le Délit s’est entretenu avec Aaron*, un étudiant de première année à McGill et membre des communautés Anishinaabe et Haudenosaunee. Il nous confie :

d’autres nations, ils remerciaient la nation hôte pour son hospitalité et reconnaissaient la terre sur laquelle ils étaient invités. Bien que les reconnaissances de territoire soient importantes, il existe tout de même une tendance chez les colonisateurs à les instrumentaliser pour signifier leur solidarité. Souvent, les colonisateurs n’en comprennent pas le sens, n’ont pas fait de recherches sur ce qu’ils disent, et utilisent une reconnaissance de territoire générique et trop répétée. Ceci amoindrit la nécessité et la valeur de ces reconnaissances et propage une fausse solidarité qui est préjudiciable et blessante pour les personnes autochtones qui partagent leur espace avec des colonisateurs.

( tdlr ) » À une question sur les actions entreprises par l’Université

McGill, Aaron précise qu’il n’est qu’en première année et juge ne pas être pleinement renseigné sur les initiatives de McGill. Ceci dit, il juge que « les reconnaissances de territoire ne cachent pas nécessairement un manque d’actions concrètes. Effectivement, dans plusieurs cas, les colonisateurs croient qu’une reconnaissance de territoire représente la majeure partie du travail qu’ils doivent accomplir, alors que la plupart des personnes autochtones préféreraient éviter les reconnaissances de territoire vides de sens et superficielles. Malgré tout, McGill a lentement entrepris des actions concrètes pour améliorer ses relations avec les peuples autochtones. Cela inclut la mise en place de mécanismes de consultation, des cours d’études autochtones, ainsi que le financement de la First Peoples’ House Cependant, McGill devrait également éduquer sur la compréhension des reconnaissances territoriales, ainsi qu’améliorer les ressources disponibles sur l’importance de la terre sur laquelle les colons résident ».

Le sens que revêtent ces reconnaissances de territoire et le contexte dans lequel elles interviennent est-il en revanche bien compris par tous·tes? Selon Clara*, ayant été coordonnatrice à l’édition 2023 de Frosh et ayant suivi des formations afin de bien réciter les reconnaissances territoriales, « il y a un manque de communication de la part de McGill sur la raison derrière ces reconnaissances de territoire. Il a fallu que je reçoive un entraînement pour comprendre pourquoi on en faisait ».

Elle a reçu de la part des personnes responsables de son entraînement des directives qui pourraient paraître « contradictoires », selon ses propres mots. La première de ces directives, « c’est surtout ne pas écorcher les noms, et que si on pense ne pas être en mesure de les prononcer, il faut mettre l’audio, pour une question de respect. Mais la deuxième directive demande aussi de faire un effort individuel [pour respecter la prononciation, [ndlr] », nous explique-t-elle. Elle dit avoir tenté de comprendre comment bien les dire, car il s’agit d’« une manière de respecter l’histoire, de respecter ce qui

Société OPINION
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ROSE CHEDID | Le dÉlit 5
Aaron, membre des communatés Anishinaabe et Haudenosaunee

s’est passé, et surtout de faire un travail de non-oubli sur l’histoire et ces territoires non cédés ».

Que des paroles en l’air?

Les témoignages d’Aaron et Clara nous éclairent sur le manque d’exhaustivité quant aux raisons pour lesquelles on s’adonne aux reconnaissances territoriales, et leur absence de corrélation avec des gestes significatifs posés par McGill. Bien que les reconnaissances de territoire partent d’une intention noble, elles semblent presque surfaites dans le contexte mcgillois, et on doute que leur impact soit conséquent pour initier un véritable désir de s’informer sur ses enjeux adjacents de la part de la communauté étudiante. La préservation des langues, la défense des droits, la promotion des cultures autochtones sont tout autant des dossiers de taille, qui semblent délaissés, mais qui devraient faire l’objet d’une attention continue. Alors que les reconnaissances de territoire sont en soi un pas dans la bonne direction, il reste du devoir de McGill d’accorder la même importance à ces enjeux que celle donnée à l’histoire du territoire mcgillois.

Au-delà du fait que les reconnaissances territoriales manquent parfois de contextualisation, on juge que l’élocution expéditive qui les caractérise dénote souvent une certaine indifférence. Initialement, la mise en place d’une telle mesure a dû sembler novatrice, et a certainement mené un certain nombre d’étudiant·e·s à se renseigner sur les questions autochtones, mais on craint qu’à l’usure, les recon-

OPINION

naissances territoriales ne soient devenues dans l’oreille de plusieurs que des mots dénués de sens qu’on nous répète au début de chaque trimestre. Bien qu’on juge important de continuer à en faire, leur portée nous semble actuellement limitée.

est aussi défaillante, et laisse transparaître une forme de laxisme pour tenir informée la population étudiante quant aux initiatives relatives aux causes autochtones. Parmi les 52 appels à l’action rédigés en 2017, le cinquantième nous semble assez représentatif de l’état

développer des modes systématiques visant à améliorer la prise de conscience générale et la compréhension quant aux questions autochtones et à stimuler la participation ayant trait aux initiatives d’éducation par tous les membres de la communauté mcgilloise ».

Pour Aaron, « La réconciliation signifie la prise de mesures significatives par les institutions coloniales afin de résoudre les problèmes qu’elles ont créés, causant des préjudices et des traumatismes aux peuples autochtones, et un engagement à marcher main dans la main tel que prévu dans les traités de ceintures wampum et autres accords. Cela inclut notamment comme première étape cruciale la reconnaissance des méfaits et des rôles joués par les colonisateurs dans la création d’une structure de racisme institutionnalisé et systémique. La réconciliation ne consiste donc pas simplement à cocher une case permettant d’affirmer que tel ou tel problème est résolu. Au contraire, c’est plutôt un continuum d’actions visant à aborder les préoccupations, les problèmes existants et à créer des relations positives entre colonisateurs et colonisés. » Bien que les reconnaissances territoriales soient essentielles à la sensibilisation aux causes autochtones, elles devraient s’inscrire au sein d’un effort constant pour la réconciliation.

« La réconciliation ne consiste donc pas simplement à cocher une case permettant d’affirmer que tel ou tel problème est résolu. Au contraire, c’est plutôt un continuum d’actions visant à aborder les préoccupations, les problèmes existants et à créer des relations positives entre colonisateurs et colonisés »

L’Université devrait en ce sens faire un travail beaucoup plus conséquent pour rendre publiques et facilement accessible les informations qui ont trait aux initiatives dont l’accomplissement est en cours. La communication de la part de McGill quant aux avancées des appels à l’action

Aaron, membre des communaut és Anishinaabe et Haudenosaunee

des affaires autochtones à McGill. Ce dernier invitait l’Université à « créer une stratégie de communication coordonnée concernant les initiatives, les programmes et les peuples autochtones. [...] le Groupe de travail invite en outre notre Université à explorer et à

Six ans après le rapport du Groupe de travail, il nous semble difficile d’affirmer avec confiance que McGill a réussi dans ce domaine. Nous aurions aimé pouvoir témoigner de la réussite de l’appel à l’action 50, mais cela nous semble loin d’être accompli.

Comme Aaron le souligne, McGill se doit d’entreprendre des actions concrètes de façon continue afin d’amoindrir les effets de l’institutionnalisation de la discrimination à l’égard des personnes autochtones.

*Noms fictifs x

Résidences étudiantes : rêves et déceptions Récit d’une année en résidence à McGill.

En ce début de session d’automne, en observant défiler sur le campus plusieurs groupes d’élèves de première année fraîchement arrivés à Montréal, j’ai fait un travail introspectif sur ma propre première année. Au cœur de cette réflexion sur mes expériences et mes apprentissages depuis mon arrivée, je ne pus m’empêcher de penser à la place cruciale qu’occupait dans ma vie

la résidence que j’avais choisie, et qui m’avait été assignée en premier choix : La Citadelle. Ces pensées m’ont poussé à écrire cet article, qui cherche à peser le pour et le contre du système de résidences à McGill.

Dans toute université nord-américaine, les résidences sont considérées comme des points de passages fatidiques, presque obligatoires. Au sein du narra -

« Dans toute université nord-américaine, les résidences sont considérées comme des points de passages fatidiques, presque obligatoires »

tif partagé par beaucoup sur l’idéale trajectoire académique, pour nombre d’élèves, la résidence apparaît comme un lieu de sociabilisation et d’échange majeur, au sein duquel les élèves peuvent se forger, faire des expériences, et pleinement profiter de leur vie étudiante. Forcé de reconnaître le charme des résidences, qui semblent avoir toutes les qualités, je suis moi-même tombé dans leur piège : la promesse d’une année formidable où les rencontres ne manqueraient pas, et où l’émancipation serait complète. En somme, une promesse de liberté. Après tout, on ne cesse de nous le répéter : « ce sont les plus belles années

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MARIE PRINCE | Le dÉlit Jade LÊ | Le dÉlit

de ta vie. » Cependant, j’estime que cette promesse de liberté n’est qu’une illusion. Mon année en résidence était loin d’être ce à quoi je m’attendais, et très loin d’être « la plus belle année de ma vie ».

Pénurie de social

Après quelques semaines de vie à La Citadelle, j’ai progressivement commencé à regarder les choses en face. Je devais affronter une immense désillusion, qui éradiqua toutes mes attentes : la mentalité de la résidence ne correspondait pas à ce que j’imaginais. Je pense que ce phénomène fait partie d’un ensemble plus global :

lacunes à l’oral en anglais, et je pense que cela a été le principal élément qui m’a empêché de complètement sociabiliser. Cependant, la langue n’est pas le problème des résidences : c’est une chance que d’être dans une université tournée vers l’international, je suis le premier à le penser. Mais au fond, la base de cette affaire réside dans une problématique comportementale.

Une fois qu’ils ont une routine, ou une habitude, les êtres humains s’y cramponnent si fort que les faire changer se révèle souvent être une tâche ardue. Ainsi, une fois que des groupes sont créés (souvent sur la base de la langue ou du pays d’origine,

« Les chambres classiques de La Citadelle [...] coûtent, en 2023-2024, 1 541$ par mois par personne. Un tarif exorbitant qui ne reflète en rien la qualité de vie offerte »

l’existence dans l’imaginaire collectif d’un fantasme partagé, forgé par les films, les séries, et autres contenus culturels traitant du milieu étudiant. Au cœur de ces œuvres, les résidences jouent un rôle de ville dans la ville, de microsociété à part entière, où tout le monde se connaît et profite de cette inestimable expérience. Bien que j’aie eu l’occasion de me faire de très bons amis - bien moins que ce à quoi je m’attendais, cependant - la grande majorité des habitants de La Citadelle m’étaient inconnus. Je voyais en permanence les mêmes visages et entendais les mêmes voix, mais toujours dans un contexte très trivial : dans l’ascenseur, au café de la résidence ou dans la salle de lavage. S’enchaînaient alors regards gênés et sourires crispés, à travers lesquels toutes ces personnes m’apparaissaient comme peu chaleureuses, voire socialement hostiles. Je veux dire par là que je ressentais comme un sentiment d’indifférence frappant de la part des résidents, qui ne se montraient que très rarement aimables, ou qui seraient atteints d’une curieuse maladie de fainéantise qui les empêchait systématiquement d’aller chercher plus loin qu’un simple « salut ». C’était l’affaire de la résidence, l’ambiance était morne, quasi sans vie. Établir un contact était presque impossible.

Je ne pense pas être introverti, et encore moins avoir une quelconque phobie sociale. Je pense que le principal obstacle fut celui de la langue. J’avais des légères

moi, avait du mal à faire la conversation.

Cependant, je pense qu’il est important de faire des distinctions entre les résidences. En effet, je pense que les résidences hôtelières (La Citadelle, New Residence Hall, et Carrefour Sherbrooke) sont les plus impersonnelles et socialement compliquées. Les résidences plus traditionnelles, d’après des discussions que j’ai eues avec mon entourage, sont plus accueillantes et facilitent un peu plus l’intégration sociale. Par ailleurs, moins il y a de personnes dans la résidence, mieux c’est. Ainsi, Douglas Hall, qui accueille un nombre relativement limité d’élèves, est probablement la meilleure option pour l’interaction sociale.

Tout ça pour ça?

Ainsi, au fil des mois, je me suis senti de plus en plus prisonnier de La Citadelle. Les cours me permettaient de penser à autre chose, mais j’en revenais toujours

au même point. Je n’étais jamais heureux de rentrer. On pourrait me qualifier de capricieux : La Citadelle est probablement la résidence la mieux équipée, la plus moderne, avec des chambres agréables et assez spacieuses. En soi, cette première année m’a offert un cadeau, malgré ses imperfections : elle m’a permis de philosopher à mes heures perdues. Loin de moi l’idée de vouloir me déclarer sage penseur, mais vivre à La Citadelle m’a fait réfléchir sur les notions de bonheur et de matérialisme. Il m’est maintenant clair qu’on ne peut pas être heureux en connaissant ce que je qualifierais de « pénurie de social ». Les avantages de La Citadelle, cités ci-dessus, ont été déterminants dans mon choix. Ils m’évoquaient un grand confort, quasi luxueux dans un contexte étudiant.

Cependant, sans contact social, tous ces avantages me paraissaient superflus. La Citadelle, en elle-même, n’était pas chaleureuse.

Beaucoup diront que mes plaintes sont injustifiées, et que quand on a la chance de vivre dans une ré-

sidence en plein centre-ville de Montréal, avec une superbe vue et des chambres d’hôtel modernes, on ne fait pas la fine bouche. Arrive alors, selon moi, le problème majeur : le prix. J’ai récemment discuté avec une des rares amies que je me suis faite à résidence. Elle m’a avoué qu’elle était très contente d’avoir pu trouver un appartement où elle se sent vraiment chez elle, et que l’année passée, elle en avait eu assez de La Citadelle au bout d’un semestre. Mais elle a ajouté que le pire, c’était le tarif. Selon elle, et je suis en tout point d’accord, le prix des résidences à McGill est totalement en décalage avec la réalité. Les chambres classiques de La Citadelle, avec deux lits côte à côte dans une pièce unique, une petite salle de bain et deux bureaux, coûtent, en 2023-2024, 1 541$ par mois par personne. Un tarif exorbitant qui ne reflète en rien la qualité de vie offerte. S’ajoute à cela un Meal Plan (plan alimentaire) obligatoire pour l’année (d’un coût de 5 700$), qui restreint encore un peu plus notre liberté en nous incitant fortement à aller manger à la cantine. Résultat : les élèves se retrouvent en quelque sorte piégés dans la bulle du campus, où les jours passent et se ressemblent, et où les trajets quotidiens se limitent au strict minimum, à savoir entre résidence, campus et cantine. Tout imprévu, toute exploration, toute audace est réduite à néant.

puisque ce sont d’importants facteurs de rapprochement social dans des contextes muticulturels), ils ne vont que très rarement chercher à accueillir de nouveaux « membres ». D’un autre côté, si le groupe est entièrement anglophone, l’intégrer est extrêmement difficile, surtout pour un francophone qui, comme

AGA

Les membres de la Société des publications du Daily (SPD), éditrice du McGill Daily et du Délit, sont cordialement invités à son Assemblée générale annuelle :

& Appel de candidatures

Le mercredi 4 octobre à 18h

Centre Universitaire de McGill 3480 Rue McTavish, Salle 107

se limitent au strict minimum »

Je vis maintenant dans un appartement bien situé avec mon colocataire près de la station de métro Saint-Laurent : pour deux, il nous revient à 2000$ par mois alors que la Citadelle nous coûtait plus de 3100$. Pourtant, ma qualité de vie a grandement augmenté, et je vis maintenant dans un lieu où je me sens vraiment chez moi. Peut-être que certains trouvent que les résidences sont une bonne manière de faire la transition vers la vie adulte, notamment en évitant aux étudiants de devoir chercher un appartement ou de se faire à manger. Je ne fais pas partie de cette catégorie. Je ne fais que parler des défauts des résidences, mais ces remarques découlent d’une expérience personnelle qui n’implique que moi. Même si mon argument peut paraître égocentrique, car de nombreux éléments de mon histoire me sont propres, me lamenter n’est pas l’objectif. Mais peser le pour et le contre est crucial, afin d’éviter tout regret et de se dire, à la fin de l’année : « tout ça pour ça? » x

titouan paux Éditeur Enquête

L’assemblée générale élira le conseil d’administration du SPD pour l’année 2023-2024.

Les membres du conseil de la SPD se rencontrent au moins une fois par mois pour discuter de l’administration du McGill Daily et du Délit, et ont l’occasion de se prononcer sur des décisions liées aux activités de la SPD.

Le rapport financier annuel et le rapport de l’experte-comptable sont disponibles au bureau de la SPD et tout membre peut, sur demande, obtenir une copie sans frais.

Questions? chair@dailypublications.org

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« Les élèves se retrouvent en quelque sorte piégés dans la bulle du campus, où les jours passent et se ressemblent, et où les trajets quotidiens
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ROSE CHEDID | Le dÉlit
OPINION

Au féminin militante

Retour sur l’histoire littéraire des femmes.

Comme le rappelle la plateforme Gallica de la Bibliothèque nationale de France (BnF), lorsqu’« elles [les écrivaines, ndlr] n’ont pas été complètement invisibilisées par les institutions littéraires, elles sont souvent décrites dans les dictionnaires et les manuels comme la muse, le prête-nom, la femme, la fille ou l’héritière intellectuelle d’un écrivain ». Les autrices sontelles alors réellement absentes de notre histoire et culture littéraire? Pourquoi les livres édités et lus, ayant été rédigés par des femmes sont-ils si rares? Comment ontelles été évincées de l’histoire?

Les écrivaines disparues

Contrairement à ce que notre éducation et l’histoire tendent à nous apprendre, les femmes ont rédigé une grande quantité d’œuvres au cours de l’histoire. Et si on se souvient en général d’écrivaines d’époques récentes comme Jane Austen, elles écrivent en réalité depuis bien plus longtemps. Parmi elles, on compte Sappho, poétesse majeure de l’Antiquité, connue pour ses textes sur son attirance envers les femmes ; Marie de France au Moyen Âge, qui est la première femme en Occident à avoir écrit en langue vernaculaire plutôt qu’en latin ; ou encore Germaine de Staël au 17e siècle, auteure d’essais philosophiques et de romans tels que Delphine et Corinne ou l’Italie Néanmoins, aussi novatrices et qualitatives que soient leurs œuvres, elles sont nettement moins lues que celles des hommes et, en général, oubliées par la plupart d’entre nous. Pour ce qui est des siècles antèrieurs il est difficile d’évaluer le pourcentage d’œuvres d’écrivaines qui étaient lues par tous, en particulier avant l’invention de l’imprimerie en 1453. Toutefois, les exemples de discrimination lourde auxquelles elles faisaient face nous laissent imaginer les difficultés auxquelles les femmes étaient confrontées.

Au 19e siècle, en Irlande, l’écrivaine Frances Hoey publie secrètement ses romans en utilisant, avec son accord, le nom de Edmund Yates, un écrivain et journaliste populaire de l’époque, afin d’avoir plus de chance d’être lue. Quelques années plus tard, alors que des interrogations concernant l’auctorialité des œuvres

apparaissent, l’un des éditeurs publie une accusation contre les deux auteurs pour avoir menti à la maison d’édition. Il leur reprochait avoir permis à Frances Hoey de signer un contrat d’un montant supérieur à ce qu’elle aurait pu recevoir en signant avec son propre nom, celui d’une femme. Plus récemment, une étude sur la place des femmes en littérature, réalisée en 2016, révèle que dans les manuels scolaires, sur 13 192 occurrences de noms nonfictifs, seuls 6,1% sont ceux de femmes, et 3,7% ceux d’autrices. Durant les siècles précédents, les écrivaines n’ignorent pas cette invisibilisation, et les choix qu’elles font pour y remédier ne font que renforcer

tamment en raison des mécanismes de consération qui les empêchent d’accéder à une éducation équivalente à celle des hommes. Pendant de nombreux siècles, l’instruction est différenciée entre les hommes et les femmes, alors ces dernières doivent apprendre à lire et écrire de manière autodidacte. Malgré les moqueries autour de leur calligraphie, les écrivaines s’entraident et finissent même, à partir du 17e siècle, par dominer le genre épistolaire. Parmi les plus grandes épistolières, on retrouve Madame de La Fayette et Madame de Sévigné, toutes deux à l’origine d’un immense réseau de lettres. Plus tôt dans l’histoire littéraire, on trouve les pionnières

une avancée dans le combat pour le droit des femmes.

Et aujourd’hui?

l’essence même du problème. En effet, certaines écrivaines font alors le choix de signer leurs œuvres avec un nom masculin, afin d’augmenter leurs chances d’être publiées et lues. Parmi les plus connues, Mary Ann, romancière anglaise du 19 e siècle, a utilisé le surnom George Eliot ; l’écrivaine française Amantine Aurore Lucile Dupin était publiée sous le pseudonyme de George Sand ; et Elsa Triolet, femme de lettres française, sous le nom de Laurent Daniel. Bien que les deux dernières soient régulièrement citées comme amante ou muse d’Alfred de Musset et de Louis Aragon, elles étaient avant tout les autrices talentueuses d’un nombre très importants de romans, nouvelles, pièces de théâtre, ainsi que de nombreuses traductions.

Si ces femmes tentent de contourner les pratiques discriminantes établies afin d’être lues, c’est parfois plus compliqué pour d’autres, no-

Christine de Pizan et Hélisenne de Crenne, dont l’œuvre épistolière est moins importante que leur œuvre romanesque, mais demeure tout de même notable.

Petit à petit, les femmes prennent de l’importance en littérature et se servent dès lors de leur visibilité grandissante, notamment pour combattre les inégalités entre les sexes. Au cours des siècles, on retiendra par exemple Mary Wollstonecraft, philosophe féministe du 18e siècle, Virginia Woolf, écrivaine militante pour l’éducation des femmes et leur place par rapport aux hommes dans la société victorienne du 19e siècle, ou encore Simone de Beauvoir, considérée comme une figure majeure du féminisme à partir du 20e siècle, grâce à son œuvre Le Deuxième Sexe, qui revient sur les origines culturelles, historiques et biologiques des inégalités entre les hommes et les femmes. Ces femmes, parmi tant d’autres, se battent pour la cause féminine à travers leurs œuvres et, à leur échelle, ont permis

Même si depuis les premières écrivaines et les premiers récits féministes, les droits des femmes ont beaucoup évolué, permettant une diffusion plus importante des écrits et de la parole des femmes en littérature, on peut difficilement affirmer avoir atteint l’égalité. Dans une enquête réalisée en 2017, Le Monde revient sur les chiffres des prix littéraires français et révèle les inégalités dans la quantité de lauréates féminines dans une très grande majorité de prix, mais aussi dans la formation des jurys. Le prix Goncourt, le plus ancien et l’un des plus prestigieux prix littéraires français, n’a récompensé que 12 femmes sur les 119 prix décernés depuis 1903. Le prix est d’ailleurs à l’origine discriminatoire car il a été fondé par Edmond de Goncourt, en vue de récompenser un auteur masculin uniquement. La première femme primée sera Elsa Triolet, et cela n’arrivera qu’en 1944. Quant à la composition des jurys de prix, celle du Goncourt, mais aussi du Renaudot et du Médicis, pour ne citer que ceux-là, est majoritairement masculine, à l’exception des prix Fémina et Elle, dont le jury est constitué uniquement de femmes. En 1904, des collaboratrices du

prix littéraires ont été décernés de manière presque égale au cours de la période d’enquête, mais que les inégalités demeurent dans les montants des récompenses monétaires associés aux prix. En effet, les hommes sont récompensés par des sommes moyennant 10 966,67$, tandis que les femmes reçoivent en moyenne 4 691,37$, c’est-à-dire moins de la moitié de ce que remportent les hommes. Selon les statistiques que présente l’UNEQ dans son étude, les neufs éditeurs sondés ont reçu autant, voire plus de manuscrits écrits par des femmes, mais la disparité persiste dans la quantité publiée. Dans sa conclusion, l’UNEQ explique que les préjugés dévalorisant les femmes se révèlent notamment à l’étape de sélection et de publication des œuvres.

Qu’en retenir?

Le monde littéraire est encore très marqué par les inégalités entre les femmes et les hommes sur de nombreux points. Les femmes doivent toujours vivre le même combat que leurs consoeurs des siècles précédents, mais il est désormais clair qu’il n’est pas vain. Auparavant totalement absentes des cercles de lettrés, elles sont désormais un pourcentage bien plus important du domaine litté-

magazine La Vie heureuse jugeant le Goncourt misogyne créent le prix Fémina qui sera, et demeure à ce jour, composé d’un jury exclusivement féminin.

D’un point de vue international, le prix Nobel de littérature ne fait pas exception en termes d’inégalités. Même si depuis les années 90, de plus en plus de femmes deviennent lauréates du prix, le pourcentage d’autrices récompensées ne dépasse pas les 30% par décennie. Au Québec, une étude de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) nous dévoile que les

raire, représentant plus de 70% de la part étudiante en études littéraires en France en 2021. Même si, comme nous l’avons vu, elles sont moins primées que leurs homologues masculins, la tendance est à l’égalité. Par exemple, au cours des dix dernières années, le prix Nobel de littérature a récompensé autant d’hommes que de femmes. Ce retour sur l’histoire littéraire féminine nous permet de porter un regard sur l’évolution qu’a observée la condition des femmes de lettres, tout en s’en inspirant pour poursuivre le combat entamé il y a déjà bien longtemps.x

AU FÉMININ le délit · mercredi 20 septembre 2023 · delitfrancais.com
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Les femmes écrivent, qu’on le veuille ou non
Camille Matuszyk
Coordonatrice de la Production
« Même si depuis les premières écrivaines et les premiers récits féministes les droits des femmes ont beaucoup évolué, [...] on peut difficilement affirmer avoir atteint l’égalité »
aufeminin@delitfrancais.com
clément veysset | Le dÉlit

Saisir les opportunités pour atteindre ses rêves

Entrevue avec l’humoriste Radi qui présente son premier spectacle au Québec.

Le Délit s’est entretenu avec l’humoriste Radi autour d’un verre, au café Olimpico dans le Mile End. Ce fut l’occasion de rencontrer cet artiste aux multiples nationalités, épanoui dans sa carrière et dans sa nouvelle terre d’accueil : le Québec. Cet été, il lançait la tournée de son premier spectacle Radi 99 à travers toute la province. Il est l’incarnation des immigrés français qui décident de s’installer au Canada et qui ne peuvent plus partir après avoir goûté à la culture et à l’art de vivre québécois.

Suivre ses désirs

Ce qui frappe lorsque l’on rencontre Radi, c’est sa bonne humeur et son côté très chaleureux. Dès le début de notre conversation, le tutoiement est de mise. Si son nom complet et administratif est Mohamed Abdelmoumen, « dans la vie de tous les jours et sur scène, c’est Radi », nous explique-t-il. Ce diminutif que portait son grand-père n’a pas été accepté par la mairie à sa naissance, ce qui n’empêche pas ses amis et sa famille de l’appeler par celui-ci. Radi est né au nord de la France, à Armentières, près de la frontière avec la Belgique. Interrogé sur l’origine de son intérêt pour une carrière dans l’humour, Radi indique que cela commence de la même façon pour beaucoup dans le milieu comique : « depuis tout petit, dès qu’il y avait la possibilité de faire une blague, on la faisait », explique-t-il, avant d’ajouter que « c’est en voyant des humoristes faire des sketchs à la télé que l’on se dit que cela peut être un métier ».

Radi ne se pose pas mille questions avant de se lancer dans un projet. Le risque d’une vie d’artiste incertaine ne lui a jamais fait peur. Pour lui, si on se pose trop de questions, on ne fait rien dans la vie. C’est plus tard que l’on se rend compte, une fois lancé, de la difficulté de faire sa place. Il raconte avoir connu au début « beaucoup de bas et pas

beaucoup de hauts » et témoigne avoir vécu des difficultés car « même quand on a beaucoup de talent, il y a des règles à respecter, des techniques que tu n’as pas nécessairement quand tu commences » ; « cela te prend une dose de folie et de naïveté pour te lancer dans un projet de vie comme ça ».

Certes, de la folie il n’en manque pas, car après cinq années de début de carrière à l’insu de ses parents à Paris, où il prétendait

vue son rêve. Il nous confie qu’il se disait alors qu’il « [reviendrait] un jour à l’humour, mais [qu’il ne savait] pas que cela allait prendre quinze ans ».

« Enfant du monde »

Après avoir vécu une « rupture difficile », il avoue avoir « remis sa vie en question » avant de se consacrer pour de bon à sa carrière artistique. Retourner à Paris n’était pas une option. Radi dévoile avoir fait preuve d’ego,

pour travailler leur stand up », déclare-t-il. Sa décision de s’installer à Montréal était déjà prise quand l’épidémie de Covid a frappé. À la question de l’impact de la crise sanitaire sur sa carrière, il répond : « La pandémie

En rodage à travers le Québec 99 est un chiffre que Radi tient à cœur. C’est pourquoi il décide de nommer Radi 99 son premier spectacle, dans lequel il s’inspire de l’histoire de sa vie pour faire

faire ses études pour intégrer une école de commerce, il a décidé de tout quitter pour partir en Pologne, pays d’origine de son ex-compagne. Il venait alors d’avoir sa première fille, et voulait

car tous ses anciens camarades étaient devenus des stars et « recommencer au bas de l’échelle » implique de « se faire juger ». Montréal est apparu comme une évidence pour sa scène ar -

m’a aidé car cela m’a mis dans un contexte où tout le monde avait des difficultés », lui laissant le temps de préparer ses sketchs.

On ne peut s’empêcher de déceler une pointe d’accent québécois dans les mots employés par Radi. Cela fait déjà trois ans qu’il habite à Montréal et il a pleinement embrassé la culture. Le confinement qu’il a passé au Québec ne l’a pas fait regretter son choix. Au contraire, malgré les restrictions, il est « tombé amoureux ».

Quand on a des origines marocaines, qu’on est né en France, qu’on a vécu en Pologne pendant près de dix ans, et que l’on se sent maintenant chez soi au Canada, on peut penser que c’est difficile de répondre à la question « D’où viens-tu? » Pas pour Radi, qui affirme ne « jamais [avoir] été attaché à quelque pays que ce soit ».

Il dit se considérer « comme un enfant du monde », avant de compléter : « Partout où je suis, j’essaie de prendre ma place. »

Il a connu depuis toujours ce sentiment d’appartenance à plusieurs nationalités simultanées quand il passait ses vacances au Maroc dans son enfance.

rire son public. Par exemple : « J’ai commencé l’humour en 99 », lance-t-il. À ce moment-là, il se présentait dans des café-théâtres et sur des scènes ouvertes à Paris. C’est aussi durant ces années-là qu’il a pu travailler des textes avec les célèbres humoristes Eric et Ramzy. Le regard de Radi s’illumine quand il repense à cette expérience : « À l’époque, c’était des vraies big stars », nous rappelle-til. S’il trouvait encore que le stand up était « trop moderne » pour lui, cela ne l’a pas empêché de rêver un jour se prêter à cet art. Cette forme de spectacle consiste en un monologue comique dans lequel l’humoriste est seul, sans décor, ni accessoire et livre ses expériences au public qu’il doit faire rire.

se consacrer à fonder une famille en ouvrant un restaurant là-bas. Toutefois, il n’a jamais perdu de

tistique florissante. « Tous les humoristes français viennent passer des mois à Montréal

« Sentimentalement, je suis attaché à tous ces pays », continuet-il, chacun lui ayant apporté des rencontres et des expériences lui ayant permis de devenir qui il est aujourd’hui et d’avoir trouvé son bonheur. Possédant déjà la double nationalité franco-marocaine, il prévoit demander la nationalité canadienne d’ici quelques années, confirmant sa volonté de s’installer définitivement ici.

Le spectacle raconte donc ses débuts artistiques en France, son coup de foudre pour le Québec, mais il donne aussi ses opinions sur des thèmes sociétaux comme « le sens des priorités des scientifiques », « la fin du monde qui pourrait arriver n’importe quand » ou « le réchauffement climatique ». Dans un numéro, Radi compare la Terre à une location : « Une civilisation extraterrestre qui loue des planètes à pleins de gens, et c’est juste qu’on a oublié qu’on était des locataires. » Faire passer des messages par ses spectacles, c’est « sa petite manière [à lui, ndlr ] de réveiller les consciences », tout en faisant rire.

Le spectacle Radi 99 se tiendra à Montréal les 30 septembre, 28 octobre, 18 novembre, et 16 décembre au Terminal Comédie Club.x

Culture le délit · mercredi 20 septembre 2023 · delitfrancais.com 9
adÈle doat Éditrice Culture ROse chedid | Le dÉlit
« Cela te prend une dose de folie et de naïveté pour te lancer dans un projet de vie comme ça »
culture spectacle artsculture@delitfrancais.com
« Partout où je suis, j’essaie de prendre ma place »

Au malheur des dames

Critique créative d’une vendeuse pour une grande marque de Fast-Fashion.

Le temps d’un été, j’ai été vendeuse pour une grande marque de fast-fashion J’ai plongé dans un monde dont j’espérais déjà peu, mais qui m’a inspiré ce texte qui laisse transparaître avant tout ce que la vente massive de vêtements en plastique a provoqué en moi. Quand je le relis, il me donne des impressions de Au Bonheur des Dames, de Zola un peu trop moderne. Je voudrais que vous, lectrices et lecteurs, puissiez prendre le contrôle de mes yeux, quelques instants, et réalisiez comme je l’ai fait il y a un an, que ce monde de paillettes de pétrole, de couleurs aux teintes toxiques, et aux effluves microplastiques ne vous veut pas du bien. Il veut votre argent.

Ce qui compte, c’est la masse

On vend des vêtements, des vêtements qui ne trouvent leur valeur que dans la quantité. Vendre plus, tout le temps, c’est tout ce qui importe. Un vêtement seul ne vaut rien. Les bouts de tissu en plastique s’accumulent, ils coûtent quelques centimes à la production, et ruinent les clientes qui ne peuvent résister aux mille et une pièces qui se volent la vedette sur les réseaux sociaux.

« Rassurez-vous esclaves d’usines, vendeuses maltraitées et clientes manipulées, votre perte sera le gain de vos maîtres »

Nous, les vendeuses, pas tout à fait exploitées, mais sans cesse maltraitées, on nous apprend à faire briller ces objets sans valeur, cacher le moche, cacher les cadavres des étiquettes « Made in China ». On envoie un vêtement dans le carton à produits défectueux, à la moindre tache, au moindre fil qui dépasse, sans le besoin de demander l’accord de qui que ce soit. Aussitôt produit, aussitôt jeté. Le vêtement ne vaut rien. Ce qu’il faut, c’est pouvoir le vendre. Alors on laisse les clientes acheter, puis rendre des articles sans limite, l’achat doit créer chez elles une compulsion, voire une addiction.

Elles ne viennent ni pour le service, ni pour la qualité ou pour le nom. Elles reviennent machinalement à l’infini, programmées par la consommation.

Elles viennent pour l’endorphine libérée par l’abondance de produits à la pointe de la mode, pour le plaisir d’acheter des produits bradés, pour le plaisir d’acheter ce qui a l’apparence, mais en rien le caractère, du luxe.

Alors, pour la vendeuse, la cliente est sans importance. Ce qui compte, c’est la masse. Il faut pouvoir la gérer, en cabine, en caisse, en rayon. Apprendre à la dompter, à répondre à la demande au plus vite. L’amadouer est inutile, elle achètera le produit quel qu’il soit.

Il faut aller au plus vite, chaque mouvement doit être rentable. Ne pas descendre en réserve pour un produit qui ne vaut rien, préférer remettre les produits en rayon ou être disponible en caisse, pour ce qui compte le plus : l’entrée massive de l’argent.

La vie humaine vaut de l’or ici, littéralement précieuse comme des pièces de monnaie.

Rassurez-vous esclaves d’usines, vendeuses maltraitées et clientes manipulées, votre perte sera le gain de vos maîtres, qui vous exploitent pour acheter.

Elles me faisaient peur les clientes. Assoiffées de couleurs vives, de faux cuir et de fourrures.

Elles veulent consommer toujours plus, toujours plus vite. Elles arrivent frénétiquement pendant leur pause déjeuner, le soir avant de rentrer chez elles, avant un rendez-vous important ou un spectacle. Elles n’ont pas le temps pour les courtoisies, alors vous apprenez vite à les oublier.

La réponse à la demande compte, mais pas la façon dont vous y répondez. On vous chamboule, on vous maltraite. On oublie que parmi ces vêtements de basse qualité, vous êtes des humains à la valeur indiscutable. Les vêtements sont jetés, déchirés, tachés, balancés, bazardés, retournés. Votre travail est sans cesse bafoué. Vous êtes dans l’éternel recommencement du mythe de Sisyphe. Remonter des tonnes de vêtements au troisième étage, les ranger, pour qu’à peine fini, tout soit à recommencer. Tout doit être remonté, rangé, plié, une nouvelle fois. Et cela se répète. Encore et encore. Les clientes ne savent rien de ce que cachent des vêtements si jolis, si mignons, qui donnent tant de caractères à nos apparences fades.

Ou ne veulent-elles rien savoir ?

Elles sont là pour quinze minutes de leur journée, pendant lesquelles le monde ne s’arrête pourtant pas de tourner.

La planète se meurt encore pendant ces quinze minutes, des enfants travaillent et le pétrole étouffe encore ce qui n’a pas déjà été tué. Quinze minutes vite oubliées, par celles qui ignorent que le déni ne pourra pas toujours les protéger.

À la caisse, elles demandent des tonnes de sacs, des tonnes de factures, un sourire aux lèvres, comme si le papier qui en coulait le faisait singulièrement, alors qu’il tombe par kilomètre chaque journée.

Une cliente à qui j’ai expliqué pourquoi il était impossible d’essayer plus de six articles en cabine m’a répondu « mais moi je m’en fous, je suis égocentrique ». Une à qui j’ai proposé de descendre au rayon hommes car la file d’attente de ma caisse était trop longue, m’a rétorqué qu’elle avait la flemme et que ce n’était pas son problème. Une à qui j’ai expliqué que les cabines étaient fermées, sans quoi nous ne finirons jamais à l’heure, a crié : « Je m’en fous, je veux acheter, je dois acheter. »

Il n’y a rien de plus humain que de désirer terriblement d’être regardé, admiré, convoité. À l’infini. Que de rêver d’être l’objet des discussions enjouées de nos conquêtes imaginaires. Et les miroirs des magasins savent nous parler, nous dire combien cette paire de chaussures saura réparer nos cœurs brisés d’avoir été mal-aimée.

Mais puis-je vraiment me trouver belle dans cette robe qui ne reflète que la laideur de ce monde? Cette robe rouge du sang versé par le travail forcé et qui une fois démodée finira probablement dans un désert, pollué à la mort. À la mort des habitants locaux. Je ne serai pas esclave des couleurs immondes qui prétendent me donner de la valeur, esclave d’un système qui exploite et détruit.

Si je dois être belle, je le serai au nom de la vérité. x

culture le délit · mercredi 20 septembre 2023 · delitfrancais.com
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CRéations littéraires
Clément veysset | le délit

Relier la terre et l’humanité

Pensées et splendeurs de la Colombie autochtone : perdre la notion du temps au Musée des beaux-arts.

« Nous avons tous besoin les uns des autres. Aucun être n’est plus important qu’un autre : tous jouent leur rôle en synchronisation avec les autres ». Les mots de Jaison Pérez Villafaña, aîné de la communauté autochtone colombienne des Arhuacos, pourraient résumer l’exposition Pensées et splendeurs de la Colombie autochtone – L’univers au creux des mains, actuellement présentée au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Présentant quelque 400 œuvres datant d’environ 1500 AEC à nos jours, cette exposition se donne pour défi de faire découvrir au public une manière d’appréhender le monde qui remet en question la dichotomie occidentale entre nature et culture.

Une approche inédite

La colonisation de la Colombie par l’Espagne à partir du 16e siècle a effacé de l’histoire les modes de pensée et les pratiques autochtones au profit de l’idéologie occidentale, qui place la modernité et l’eurocentrisme au cœur de ses réflexions. Comme il était d’usage pour les colons de voler les œuvres autochtones et de les exposer dans leur propre pays comme des « curiosités », elles ont souvent été sorties de leur contexte d’origine et privées de leur dimension spirituelle. Les commissaires de l’exposition ont travaillé en collaboration avec la

musique

communauté des Arhuacos de la Sierra Nevada de Santa Marta (au nord de la Colombie), qui est activement impliquée dans le projet.

Grâce à ce dialogue, le MBAM révèle aux visiteur·euse·s le sens des objets et réhabilite ainsi certains savoirs autochtones ancestraux. Les Arhuacos considèrent leurs œuvres comme des êtres encore vivants et porteurs de messages.

Afin que les objets exposés ne se retrouvent pas figés dans l’inertie, les commissaires ont adopté une démarche muséologique originale : les dates de création des œuvres ne sont pas indiquées sur les écriteaux.

de la Colombie accordent à l’or une valeur davantage spirituelle que monétaire. Cependant, en raison de l’exploitation des ressources naturelles par les colons, les techniques d’orfèvrerie ancestrales se sont peu à peu perdues. L’exposition permet également d’apprécier le travail des Arhuacos dans le domaine de la céramique. À partir de ce matériau, il·elle·s ciselaient un instrument de musique à vent appelé ocarina, dont la forme et le son sont similaires à ceux d’un oiseau. Le système de connaissances ancestrales arhuaco repose sur la loi des origines, une

en collaboration avec la communauté des Arhuacos de la Sierra Nevada de Santa Marta (au nord de la Colombie), qui est activement impliquée dans le projet »

Un travail d’orfèvre remarquable

Les pendentifs, masques, ornements de pectoraux et de nez, constituent autant de petits objets empreints de délicatesse qui demandent l’attention des visiteur·euse·s. La plupart de ces bijoux sont fabriqués à partir d’un alliage d’or, associé au soleil et à l’essence masculine, et de cuivre, en lien avec la lune et l’essence féminine. Contrairement à la vision occidentale, les Autochtones

philosophie qui régit les relations entre les êtres humains, la nature et l’univers. Ces principes se concrétisent à travers les rituels de baptême, de mariage, de danses traditionnelles et d’offrandes aux puissances spirituelles. Comme la plupart des œuvres exposées, l’ocarina est utilisé lors de ces cérémonies. La musique, qui imite le son de la nature, est perçue par les Arhuacos comme un élément clé dans le processus de création. Au commencement du monde,

la croyance arhuaco veut que la musique ait servi à transformer la pensée en matière. Le son particulier de l’ocarina accompagne d’ailleurs la visite de l’exposition.

lin, de la grenouille et du serpent. Conformément à la volonté de la communauté des Arhuacos, les œuvres ont été regroupées dans les salles de manière à respecter

Des œuvres qui rappellent l’interdépendance entre notre planète et tous ses hôtes.

La conceptualisation par les Européen·ne·s de l’humanité et de la nature en tant qu’entités séparées a constitué un moyen de légitimer leurs pratiques extractivistes qui conduisent à la destruction de l’environnement. À l’inverse, pour de nombreux peuples autochtones d’Amérique du Sud, l’être humain fait partie d’un ensemble harmonieux qui devrait être respecté et qui ne comprend pas de hiérarchie avec les autres êtres. Les sculptures présentées témoignent de cette fluidité. Elles représentent souvent des personnages hybrides, par exemple un pendentif qui mêle les traits du fé-

le cycle continuel de la nature que constitue la chaîne alimentaire des animaux. Ainsi, par exemple, les insectes et les chauves-souris sont disposés dans une vitrine avec des fruits. L’exposition invite à l’introspection. À la manière des chefs spirituels, les pensadores, qui passent leurs journées assis sur des banquitos (petits bancs) afin de dialoguer avec l’univers, les visiteur·euse·s sont incité·e·s à réfléchir à la relation nécessaire qu’il·elle·s entretiennent avec les arbres, l’air, le vent, le soleil et leurs proches.

L’exposition Pensées et splendeurs de la Colombie autochtone – L’univers au creux des mains est présentée au MBAM jusqu’au 1er octobre 2023. x

Recommandation musicale : Inuktitut par Elisapie

Au-delà d’être des artistes et groupes de musique qui ont marqué des générations, qu’est-ce que Metallica, Fleetwood Mac, Cindy Lauper, Queen, Pink Floyd, Led Zeppelin, Blondie, Patrick Hernandez, Leonard Cohen et The Rolling Stones ont en commun? Tous ces artistes ont accepté d’être représentés dans l’album de reprises Inuktitut de l’auteure-compositrice-interprète inuk Elisapie. Dans cet album cathartique, Elisapie reprend en inuktitut, sa langue maternelle, dix chansons qui ont marqué sa jeunesse au Nunavik.

En pleurer avant d’en rire

La chanteuse a sélectionné les morceaux en fonction des émotions fortes qu’ils réveillent en

elle, et des souvenirs associés à chacune d’entre eux : « J’ai choisi des chansons qui me font pleurer », a-t-elle dit en entrevue avec Le Journal de Montréal. Elisapie a demandé l’autorisation aux ar-

de ça ! » a dit Elisapie à La Presse dans une autre entrevue. Pour sa part, la reprise de The Unforgiven de Metallica a été partagée par le groupe sur ses réseaux sociaux et a même été mise en avant dans un

clément veysset | Le dÉlit

tistes pour reprendre et traduire leurs chansons en inuktitut. Contrairement à l’enthousiasme de certains pour le projet, d’autres ont refusé de voir leurs chansons traduites. C’est le cas du groupe de pop suédois ABBA : « C’est dommage, on avait une version complètement pétée de Chiquitita Ma fille ne les écoute plus à cause

article dans l’éminent magazine Rolling Stone. Selon ce dernier, on entend dans l’album d’Elisapie un mélange de « banjo, percussions traditionnelles, saxophone basse, chants de gorge et scie musicale, en addition à la guitare et au synthétiseur (tdlr) ». Les reprises des chansons, pour la plupart de genre rock, sont des versions plus

douces et épurées des originales. Elles véhiculent avec brio l’impact émotionnel que ces chansons ont eu sur Elisapie et sa communauté inuk dans leur jeunesse, soit, entre autres, de les accompagner dans leur tristesse et de leur apprendre que c’est valable de vivre sa peine pleinement.

L’album Inuktitut , produit par le label Bonsound, est disponible sur les plateformes Spotify, Apple Music, Bandcamp et Bonstore. Cet automne, Elisapie sera en tournée dans plusieurs villes du Québec et sera notamment en concert à Montréal à l’Usine C les 7, 8 et 9 décembre prochain. x

exposition
Un plongeon émouvant dans la jeunesse d’Elisapie.
culture le délit · mercredi 20 septembre 2023 · delitfrancais.com 11
rose chedid | Le dÉlit
« Les commissaires de l’exposition ont travaillé
« Dans cet album cathartique, Elisapie reprend en inuktitut, sa langue maternelle, dix chansons qui ont marqué sa jeunesse au Nunavik  »
Juliette elie Éditrice Culture

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12 le délit · mercredi 20 septembre 2023 · delitfrancais.com
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