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Entre minimisation et diabolisation de la dépendance

Cette semaine, Le Délit vous propose une édition spéciale sur les dépendances, les addictions et les obsessions. Le concept d’addiction entretient un sens très proche avec celui de dépendance, « le premier étant généralement défini par le second » selon la Banque de dépannage linguistique. Le phénomène d’obsession doit cependant en être distinct, même s’il peut être corrélé avec certaines formes de dépendance. Comment rendre compte des spécificités de chacune de ces conditions, sans pour autant les réduire à des catégories médicales ou sous-estimer la souffrance des personnes qui les vivent? Voici un petit guide non exhaustif pour mieux s’y retrouver à travers les notions de troubles addictifs ou obsessionnels.

L’obsession n’est pas une addiction

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L’obsession consiste en des idées ou des images, notamment sous forme d’angoisses et de peurs irrationnelles, qui se manifestent à l’esprit de manière persistante. Il faut encore la distinguer du trouble obsessionnel compulsif (TOC), qui amène les personnes atteintes à concrétiser leurs obsessions à travers des actes (lavage des mains excessif par peur de contamination, par exemple).

Les comportements compulsifs peuvent s’apparenter à des addictions par leur difficulté à être contrôlés ou à leur mettre fin. Or, ces deux notions sont foncièrement différentes, et il peut très bien avoir présence de l’une en l’absence de l’autre. Les compulsions peuvent être neutres ou déplaisantes, alors que « la dépendance implique des substances ou des comportements qui offrent une récompense. Ils peuvent procurer du plaisir, de l’excitation ou de l’évasion. Bien qu’ils puissent être nocifs dans l’ensemble, l’activité elle-même reste agréable, même si ce n’est que temporairement », comme nous l’explique un article scientifique paru dans MedicalNewsToday

La dépendance se manifeste donc le plus souvent à travers le besoin irrépressible de consommer une substance (alcool, tabac, drogue). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) la décrit comme « un état psychique et parfois physique, résultant de l’interaction entre un organisme vivant et un produit, caractérisé par des réponses comportementales ou autres qui comportent toujours une compulsion à prendre le produit de façon régulière ou périodique pour ressentir ses effets psychiques et parfois éviter l’inconfort de son absence ».

Et si la dépendance pouvait être positive?

La définition de l’OMS a peut-être pour seul défaut d’omettre que la dépendance peut se manifester aussi à travers l’accomplissement d’une activité.

Il est donc possible d’envisager cette notion non plus seulement en fonction du degré de nocivité des substances ingérées. Le phénomène des « addictions positives », rendu populaire par le psychiatre américain William Glasser en 1976, s’intéresse à la course à pied et à la méditation comme des pratiques dont le potentiel « addictogène » contribue à créer une dépendance bénéfique pour le corps et l’esprit.

Or, même les activités physiques peuvent se révéler mauvaises lorsqu’elles sont pratiquées à l’excès. Le sport pratiqué outre mesure ne cache-t-il pas lui aussi son lot de comportements et d’habitudes malsaines qui méritent d’être élucidés?

On pourrait penser à l’apparition de troubles alimentaires liés à la poursuite obsessive du corps parfait, ou même à la tentation de consommer des stéroïdes anabolisants à usage récréatif chez les jeunes adeptes de salle de musculation.

Sur la question des activités, certaines pourraient être plus insidieuses que la dépendance aux substances. L’addiction aux jeux vidéo, dans la mesure où ses effets néfastes ne sont pas directement observables sur la santé physique du joueur, impactent plutôt sa santé mentale, sa vie sociale ou académique, et l’empêchent d’accomplir d’autres activités. C’est lorsqu’il y a un empiètement disproportionné de la sphère virtuelle sur la sphère réelle que l’usage des jeux vidéo devient problématique, selon le psychiatre et docteur en neurosciences Olivier Phan.

Demander de l’aide nécessite du courage

Il n’y a nulle prétention ici de porter un regard clinique sur les dépendances et les obsessions, qui sont des phénomènes complexes en interaction avec une foule de facteurs sociaux, mentaux, environnementaux et génétiques. Leur consacrer une édition spéciale peut toutefois sensibiliser à ces troubles qui sont parfois mal compris et mènent à l’isolement des personnes touchées.

L’identification d’une addiction et la progression à travers les étapes du sevrage sont des processus qui demandent du courage. L’accompagnement d’une personne touchée par l’un de ses troubles, du diagnostic jusqu’à son traitement, peut s’avérer crucial. Voici quelques ressources en libre accès qui peuvent être utiles :

Tel-jeunes (Région de Montréal) : 514 288-2266

Le site gouvernemental Alcochoix+ propose différentes formules d’accompagnement pour les gens touchés par une dépendance à l’alcool.

Le Centre universitaire de santé de McGill offre également des services de traitement de la dépendance aux substances : 514-934-8311 x

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S'adapter à la vie universitaire n'est pas toujours facile. Les pressions de performance liées aux études, combinées à une nécessité de travailler pour une grande partie de la nuit, ont rendu l’utilisation de stimulants sur ordonnance tels que l'Adderall plus répandue que jamais. Le plus inquiétant est peut-être le fait que presque tous les étudiants ayant admis avoir utilisé de l’Adderall sans ordonnance ont déclaré avoir reçu ou acheté le médicament de la part d'un pair.

Connu sous d’autres noms commerciaux pharmaceutiques comme Ritalin ou Concerta, l’Adderall fait partie des psychostimulants composé d'amphétamines et de dexamphetamine. Principalement utilisé pour traiter le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et la narcolepsie, l’Adderall est la plupart du temps efficace. Toutefois, il est de plus en plus utilisé sans prescription médicale, avec une augmentation de 67% en six ans aux États-Unis. C’est chez les étudiants que cette augmentation est la plus présente. Une recherche menée par l’Université Johns Hopkins en 2016 a démontré que pour l’ensemble des utilisations non médicales d’Adderall, 60 % concernaient les 18 à 25 ans, soit l’âge moyen des étudiants du cycle supérieur.

Hugo Vitrac Éditeur Actualités

Le 31 janvier dernier, l’administration de l’Université annonçait, dans un courriel envoyé à la communauté mcgilloise, la fermeture de trois pavillons du campus MacDonald à la suite de la découverte d’amiante lors de travaux. Après un nettoyage en profondeur et des analyses de la qualité de l’air, une grande partie des pavillons ont pu rouvrir fin mars.

Les critiques du temps de réaction de l'administration (les premiers avertissements de la présence d’amiante dans des matériaux endommagés sur le campus MacDonald avaient été émis en 2020), ainsi que les inquiétudes de la communauté mcgilloise face à l’exposition à l’amiante, avaient poussé l’Université à lancer un service d’audit interne pour procéder à une analyse de l’incident et de ses causes. Le rapport final de ce groupe a été remis le 14 septembre dernier.

Afin de transmettre les conclusions du rapport et de répondre aux nombreuses questions, l’administration a organisé une assemblée générale le 22 sep - actualites@delitfrancais.com

Le cartel d’Adderall et de Ritalin

Des médicaments pour mieux réussir ses examens?

Consommation étudiante

Le Délit a rencontré des étudiants à la fois consommateurs et non consommateurs sur le campus McGill – qui ont souhaité rester anonymes – afin de comprendre pourquoi et comment ces étudiants achètent et consomment cette drogue cognitivement amélioratrice. Mina* est une ancienne étudiante de McGill de la promotion de 2022, qui n’a pas consommé de stimulant lors de sa scolarité, mais qui passait des nuits entières à étudier dans les bibliothèques de McGill. C’est ainsi qu’elle s’est rendu compte de l’ampleur de la consommation d’Adderall et d'autres substances. Mina désigne en particulier « le sous-sol de la cyberthèque à Redpath » de même que « le cinquième et le sixième étage de la librairie McLennan » comme étant des lieux propices à l’échange et à la consommation d’Adderall. Avec des gélules qui ressemblent à des médicaments lambdas, les transactions se font sans même devoir se cacher, à la vue potentielle des caméras de surveillance des bibliothèques.

Pour en savoir plus sur l'utilisation des stimulants, Le Délit a rencontré Sophie*, une étudiante en troisième année à McGill qui considère avoir une consommation d’Adderall « très occasionnelle » étant donné qu’elle ne souffre pas de TDAH (trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité). En discutant avec une de ses amies qui a le TDAH, et après s’être renseignée sur Internet sur les risques pour la santé, elle avoue avoir « un peu foncé tête baissée ».

rose chedid | Le Délit

Sophie note qu’avec le temps passé sur les écrans, soit sur un ordinateur ou sur un téléphone, elle ressent ses capacités de concentration et d’attention plus limitées. C’est pourquoi elle a décidé d’essayer afin de voir à quel point ça impacterait sa capacité de concentration et sa productivité, « mais en me disant que ce serait probablement la première et dernière fois que j’en prenais ». Mais Sophie a décidé d’en reprendre pendant les examens finaux de la session d’automne 2022. Les effets lui ont semblé être immédiats et très utiles : « J'arrivais à rester concentrée pendant quatre heures, comme si j’étais dans une bulle et que rien autour de moi ne m'atteignait. » Puis, pendant la session des examens finaux d’hiver 2023, elle prenait un comprimé par jour en moyenne.

Sophie souligne que sa consommation se limite à la période d’examens finaux, et elle compte bien faire en sorte que ça n’aille pas plus loin : « Je ne veux pas avoir mon diplôme grâce

Pollution à l’amiante

Le Délit s’est entretenu avec Fabrice Labeau.

ment une meilleure intégration des communications entre les différents intervenants lors des projets de construction impliquant des substances dangereuses, une stricte limitation de l’accès au chantier aux participants à la construction, ainsi qu’une révision de la forme et de la fréquence du processus de communication avec la communauté touchée.

à un médoc. » Son objectif est de diminuer sa consommation pendant la session d’examens qui s’en vient. Toutefois, la consommation régulière d’Adderall ou de Ritalin donne l’impression de ne pas pouvoir performer et être productif sans ces substances, ce qui, pour Sophie, la pousse à en reprendre à chaque fois. Même si Sophie considère que les effets secondaires sont presque inexistants, la consommation de telles substances peut entraîner de la nervosité, de l’agitation et de l’anxiété, qui ont un impact sur les habitudes de sommeil. Les utilisateurs peuvent aussi se plaindre de maux de tête, ainsi que de problèmes de sécheresse de la bouche et de l'estomac. Pour Sophie, l’utilisation d’Adderall à McGill est définitivement très répandue, les résultats sont immédiats et « boostants », ce qui correspond exactement à ce que les étudiants recherchent. Parce que cette consommation est souvent associée à la triche, Sophie note avoir ressenti du jugement de certaines personnes lorsqu’ils apprennent qu’elle prend des amphétamines lors de ses examens.

Le Délit se dégage de toute incitation à consommer ces substances. *Noms fictifs x la plupart des bâtiments de McGill, le groupe de travail a annoncé la suspension de tous travaux « impliquant des matériaux susceptibles de contenir de l’amiante s’ils ne savent pas s’il y en a, ou pas ».

Les risques tembre dernier, ainsi qu’une table ronde avec les médias étudiants le mercredi 20 septembre. Lors de cette dernière, Le Délit a pu échanger avec le premier vice-principal exécutif adjoint des études et de la vie étudiante, Fabrice Labeau, en charge du dossier sur l’amiante.

Le rapport

Le Service d’audit interne, mis sur pied le 2 février dernier par l’administration mcgilloise, avait pour mandat de reconstituer la chronologie des événements, de se pencher sur le processus de gestion de l'amiante et d’y apporter les correctifs nécessaires. Dans les conclu - sions de son rapport, le service d’audit interne indique que la cause de la fermeture des pavillons, et les risques d'exposition de la communauté à l’amiante, ne peuvent pas être attribués à un élément unique, mais plutôt à une multitude de facteurs. Parmi ceux-ci, le rapport identifie notamment la cohabitation entre les étudiants, les membres de la faculté et les travailleurs du chantier, ainsi que l’« efficacité limitée des mécanismes et des protocoles de communication utilisés pour relayer et répondre aux préoccupations des occupants des espaces concernant la poussière ». Il formule ensuite 25 recommandations afin d’améliorer le processus de gestion de l’amiante de l’Université. Ces dernières prévoient notam-

Un groupe de travail spécial composé de trois membres de l'administration mcgilloise, dont Fabrice Labeau, a été formé pour veiller à la mise en œuvre rapide de ces 25 recommandations. Interrogé sur l’échéancier, Pr Labeau nous a confié : « On va commencer les 25 recommandations en parallèle, pour s'assurer qu'on a le temps de tout faire et que ça rencontre tous nos critères d'approbation, sachant que notre capacité d'agir sur chacune des recommandations sera modulée dans le temps. Nous présenterons un rapport d'avancement au bout de 3, 6 et 12 mois, ce qui constitue réellement nos étapes à court, moyen et long terme pour la mise en œuvre des recommandations.(tdlr) »

Alors que l’amiante est présente sous différentes formes dans

Selon une étude de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), « toutes les formes d’amiante peuvent provoquer le cancer et aucun seuil n’a été mis en évidence pour le risque cancérigène ». Interrogé sur les dangers pour la communauté mcgilloise quant à l’exposition à l’amiante et quant au seuil utilisé par l’Université, Mr Labeau nous a affirmé : « Ce que nous faisons, c'est que nous suivons le code provincial qui limite la présence de fibres dans l'air. [...] Les tests qu’on a fait au campus MacDonald, pendant la construction, pendant la fermeture, et depuis l'ouverture ont tous été négatifs pour l’amiante. [...] Je comprends l'idée qu'il n'y ait pas de seuil de sécurité, mais il faut aussi se rendre compte qu'il y a en fait une présence de fond de ces types de matériaux, y compris l'amiante, dans l'air que l'on respire autour de Montréal. » x

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