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Jouer toujours et encore plus
Comprendre les dynamiques d’addictions aux jeux vidéo.
Clément Veysset | Le dÉlit
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L’avènement de l’ère numérique a bouleversé les dynamiques sociales, économiques et culturelles qui régissaient précédemment la civilisation humaine. La percée du monde virtuel dans les sphères publique et privée a provoqué une restructuration de nos relations interpersonnelles, de notre façon de travailler, de consommer, mais aussi de se divertir. C’est sur ce dernier point que nous aimerions nous pencher. En effet, le monde du numérique, depuis son invention, nous offre différentes formes de divertissement, mais ces dernières années, le succès d’un d’entre eux a été particulièrement retentissant : le jeu vidéo.
Bien que disponibles depuis une cinquantaine d’années déjà, les jeux vidéo sont devenus au fil du temps un phénomène gagnant une popularité impressionnante auprès des jeunes. Au Canada, les jeux vidéo se sont imposés comme un moyen de divertissement majeur : selon une étude de l’Association canadienne du logiciel de divertissement (ALD) réalisée en 2022, 53% des Canadien·ne·s jouent régulièrement, et ce, pendant presque huit heures par semaine en moyenne. Ceci étant dit, certain·e·s y jouent de façon plus importante, à un niveau qui peut devenir inquiétant. Le Délit a tenté de démystifier ce que cela signifie d’être addict aux jeux vidéo.
Mais qu’est-ce qu’une addiction?
Le Délit s’est entretenu avec Valérie Van Mourik, travailleuse sociale et clinicienne-chercheuse à l’Institut universitaire sur les dépendances du Centre-Sud-del’Île-de-Montréal (CIUSSS) où elle travaille sur le développement de programmes de réadaptation pour les gens souffrant de dépendance aux jeux en ligne ou à Internet. Van Mourik nous cite Aviel Goodman, un psychiatre américain, et sa définition proposée en 1990 de l’addiction : « C’est un processus dans lequel est réalisé un comportement qui peut avoir pour fonction de procurer du plaisir et de soulager un malaise intérieur et qui se caractérise par l’échec répété de son contrôle et sa persistance en dépit des conséquences négatives. » Il y a donc une dimension de jeu pathologique, mais aussi un manque de contrôle sur la relation entre jeu et joueur. Elle ajoute que « l’obsession est l’une des dimensions de la dépendance. À cela, il faut ajouter la notion de perte de contrôle. La personne touchée doit donc avoir tenté de contrôler son comportement sans succès, et il faut que ça ait des conséquences négatives dans les différentes sphères de vie de la personne ».
Selon elle, la dépendance n’apparaît pas du jour au lendemain : c’est un phénomène graduel. « On passe d’un usage à faible risque à un usage à risques, puis à un usage problématique. La majorité des gens ont un usage à faible risque, mais une minorité de personnes qui développent un usage problématique nécessitent de consulter dans un centre de réadaptation. »
Van Mourik nous indique que « la première étude sur le phénomène de la dépendance à Internet a été faite en 1996 par la docteure Kimberly Young, qui a présenté des critères diagnostiques [pour l’addiction aux jeux vidéos, ndlr] calqués sur ceux du trouble de jeu de hasard et d’argent. Dès l’essor de l’utilisation d’Internet, certaines personnes ont commencé à demander de l’aide pour des difficultés associées à leur usage des jeux, et ainsi la communauté scientifique s’est intéressée à ce phénomène. La première reconnaissance officielle du trouble du jeu vidéo a eu lieu en 2013 avec le DSM 5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), qui a inscrit ce diagnostic en annexe afin que les recherches puissent se poursuivre avec des critères diagnostiques communs. Ensuite en 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a inscrit le trouble du jeu vidéo dans le CIM-11 (la classification internationale des maladies) ». La reconnaissance par la communauté scientifique du trouble de dépendance aux jeux vidéo est donc récente et « il n’y a pas encore de critères diagnostiques ou de consensus en ce sens », explique Van Mourik.
Dynamiques d’âge et de genre dans le jeu vidéo
Selon l’étude de l’ALD, le phénomène vidéoludique serait régi par une dynamique d’âge et de genre : alors que chez les hommes, la tranche d’âge qui joue le plus sont les adolescents âgés de 13 à 17 ans, à raison de 11,5 heures par semaine, chez les femmes, ce sont les 55-64 ans qui sont les plus actives et jouent en moyenne 8,4 heures par semaine.
Pourtant, Van Mourik soutient que « tout le monde peut être à risque de développer un usage problématique des jeux vidéo. Toutefois, si on regarde en clinique, on observe que les garçons sont surreprésentés parmi les gens qui demandent de l’aide en centre de réadaptation en dépendance ». Elle maintient qu’on doit se avoir eu recours au jeu pour s’évader, afin de mieux supporter cette période difficile.
Ceci étant dit, Van Mourik nous explique que les jeux vidéo ont une tendance addictive, non seulement parce qu’ils ont la capacité de soulager ou de divertir, mais aussi parce que le cerveau enregistre l’association entre le jeu et ses qualités. « En effet, les jeux stimulent le circuit de la récompense qui libère de la dopamine dans le cerveau, un neurotransmetteur associé au plaisir. On joue de plus en plus souvent, et ça devient une habitude, qui, graduellement, peut devenir une dépendance. Notre cerveau devient très sensible à la stimulation du système de la récompense et il n’arrive plus à freiner ou à changer les comportements qui sont devenus conditionnés. Donc, l’envie d’aller jouer est de plus en plus forte et fréquente, et la personne touchée a de plus en plus de difficultés à contrôler ce comportement. » pencher sur les multiples facteurs qui peuvent influencer cette tendance : « Les caractéristiques de certains jeux favorisent leur utilisation accrue : renforcements constants et/ou irréguliers et imprévisibles ; socialisation et collaboration entre joueurs ; personnalisation des offres et des récompenses dans le jeu qui favorisent l’habitude de se connecter, évolution dans un milieu peu encadré, de vivre dans un contexte marqué par l’instabilité, le manque de communication ou les conflits et avoir de la difficulté à gérer ses émotions, son anxiété, ou à aller chercher de l’aide. Ça peut venir d’une recherche d’intensité et/ou d’une faible tolérance à l’ennui, ou même d’être fragilisé par de l’isolement social, par une rupture amoureuse, un décès, des difficultés vécues dans le passé, des traumatismes, abus, etc. »
COVID-19 : incubateur de l’addiction aux jeux vidéo
Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 a propulsé les bénéfices de l’industrie du jeu vidéo, avec une augmentation drastique du nombre de joueurs qui se trouvaient soudainement avec plus temps à tuer. Une étude publiée en 2022 en France démontre que durant la pandémie, « une très grande majorité, pour ne pas dire la quasi-totalité des participants, rapporte une augmentation moyenne ou forte de leur fréquence d’usage des jeux vidéo ». La majorité des personnes concernées disaient
Elle rappelle aussi que « parmi les profils de joueurs problématiques, plusieurs recherchent l’évasion face aux émotions perçues comme étant négatives, aux événements de vie difficile ou aux traumatismes. Il est donc important en clinique de travailler sur le fait de tolérer ses émotions au lieu de chercher à les fuir, puisque cette acceptation permettra plus facilement d’agir, si cela est possible, sur les déclencheurs de cette émotion ». On peut donc s’imaginer que durant la pandémie, plusieurs ont vécu le confinement, l’isolement et le deuil comme des formes de traumatisme, qui ont pu mener des jeunes à se tourner vers les jeux vidéo comme une échappatoire.
Il semble donc important de maintenir une perspective nuancée sur les jeux : bien qu’ils puissent être la source de plaisir pour plusieurs, ils peuvent aussi être au cœur de problèmes bien plus profonds et devenir le déclencheur de comportements obsessionnels, ou même d’une dépendance.
Un concepteur de jeux vidéo mitigé
Le Délit a aussi rencontré Ewen*, un concepteur de jeux vidéo pour un grand éditeur de jeux au succès international. Son rôle est « de mettre en place ce qu’on appelle des features , des systèmes dans le jeu pour travailler sur la rétention et la monétisation ».
Interrogé sur le potentiel de dépendance associé aux jeux vidéo, il explique premièrement l’importance de l’évolution des modèles commerciaux au sein de l’industrie : « Il y a l’approche plus traditionnelle, et l’approche moderne des jeux free-to-play , sur lesquels je travaille. Là, le but, ça va être de faire de l’argent et de retenir le joueur. Or, au début, le marché ne s’est pas structuré comme ça. À l’origine, sur les premières consoles, c’était des jeux qui étaient finis. L’idée, c’était de vendre une expérience sur un temps donné. Là, on n’est plus dans ces modèles-là. »
Aujourd’hui, le modèle dominant est celui des free-to-play , dont l’objectif est de ratisser toute la masse en offrant un jeu gratuit, comportant des mécanismes d’engagement pour que les joueurs restent connectés le plus longtemps possible.
« PC, console ou mobile, ce n’est pas la même chose. Le PC, il faut avoir du temps disponible pour y jouer. Ça, c’est un facteur. Le mobile, on l’a directement dans la poche. On peut ouvrir des sessions n’importe quand »
Ewen considère que les mécanismes d’addiction dépendent de deux facteurs. Le premier est, comme expliqué ci-dessus, le type de jeu. Il explique : « Les jeux premium [ou payants, ndlr ] auront moins de mécaniques de dépendance, puisqu’on sait qu’on achète une histoire qui va d’un point A à un point B, et puis c’est tout. Après, il y aura toujours des extensions, mais l’idée fondatrice reste la même. Cependant, avec du freeto-play , le but, c’est de garder le joueur actif le plus longtemps possible. Effectivement, ça peut rapidement devenir une drogue. Les free-to-pla y, selon moi, favorisent vraiment le développement d’addictions. »
De plus, il explique que la plateforme de jeu a également son rôle à jouer : « PC, console ou mobile, ce n’est pas la même chose. Le PC, il faut avoir du temps disponible pour y jouer. Ça, c’est un facteur. Le mobile, on l’a directement dans la poche. On peut ouvrir des sessions
Ewen, concepteur de jeux pour un grand éditeur vidéludique n’importe quand. C’est ce qui est dramatique. » Ce facteur est, pour lui, déterminant, car les contraintes organisationnelles et géographiques disparaissent. Le jeu est accessible partout, tout le temps, et pour tout le monde.
Ewen connait les mécanismes d’addiction, puisqu’il les manipule lui-même au quotidien dans son travail. Il explique que les studios sont directement impliqués dans le développement d’addictions : « On va exploiter les ressorts psychologiques de la boucle d’apprentissage et de récompense. Sur mobile, on a deux ou trois minutes pour accrocher le joueur. Dans ce laps de temps, il faut qu’il comprenne les règles du jeu grâce à un tutoriel, et dans ce tutoriel-là, on va envoyer énormément de récompenses pour qu’il revienne. Une fois qu’il a compris le jeu, on peut aussi créer volontairement des mécanismes de friction. Typiquement, on peut choisir à un certain moment de stopper l’avancement du joueur, et lui proposer une offre
– parfois payante – pour faire en sorte que sa progression dans le jeu accélère. »
La dépendance : impacts et conséquences
Ewen nous confie que le jeu s’est révélé pour lui être un échappatoire. « Pendant mon adolescence, j’ai développé une addiction aux jeux compétitifs. Mon addiction était aussi liée à un contexte familial, qui a fait des jeux un refuge pour moi. Le moment où ça devient problématique est facilement reconnaissable. C’est à partir du moment où tu passes beaucoup trop de temps [sur les jeux vidéo, ndlr], que ça empiète sur tes performances professionnelles, que ça empiète sur ton entourage. C’est là que ça devient un problème. À ce moment-là, il faut chercher de l’aide. »
Le Délit a aussi pu rencontrer Jean*, qui a été témoin de l’addiction de son colocataire lors de sa première année en résidence. « Au début du semestre, c’était à peu près normal. Il essayait d’aller en cours, mais au bout de deux semaines, c’était fini. Je pense qu’il n’allait qu’aux cours qui n’étaient pas enregistrés, et il restait dans la chambre tout le reste du temps. Soit il était sur son ordi en train de jouer aux jeux vidéo, soit sur son téléphone dans le lit, et faisait des allers-retours entre les deux. » Jean spécule que son colocataire s’est isolé volontairement, et utilisait lui aussi possiblement les jeux comme refuge. « Au début de l’année, à la résidence, tout le monde à l’étage sortait ensemble, mangeait ensemble. Les deux premiers jours, il sortait, et à partir d’un moment, il a juste commencé à dire non. Il ne voulait plus se forcer, il n’aimait pas ça. Et au bout d’un moment, lorsqu’on t’a dit non dix fois, t’arrêtes de demander. Ça lui a forcément porté préjudice dans ses relations sociales. Et même en dehors de ça, il préférait manger et regarder une vidéo ou jouer plutôt que de manger à la cafétéria. »
« Quand une personne souffre de dépendance, elle ne va pas bien, elle a honte de ses difficultés et de sa perte de contrôle, ce qui peut la mener à s’isoler. Ne pas aller chercher de soutien, ne pas parler de ce qu’on vit, empire le problème »
Valérie Van Mourik, travailleuse sociale et clinicienne-chercheuse à l’Institut universitaire sur les dépendances
AGA & Appel de candidatures
Les membres de la Société des publications du Daily (SPD), éditrice du McGill Daily et du Délit, sont cordialement invités à son Assemblée générale annuelle :
Le mercredi 4 octobre à 18h
Centre Universitaire de McGill 3480 Rue McTavish, Salle 107
Jean confie aussi que la relation particulière de son coloc avec les jeux vidéo l’a poussé à s’éloigner physiquement. « Les jeux vidéo avec clavier mécanique, ça fait du bruit. Je tentais de réviser un truc, et je devais aller dans la chambre d’une pote qui m’avait laissé sa clé. J’étudiais pendant des heures là-bas et je retournais dans la chambre à la fin, juste pour dormir. »
Van Mourik explique : « Quand une personne souffre de dépendance, elle ne va pas bien, elle a honte de ses difficultés et de sa perte de contrôle, ce qui peut la mener à s’isoler. Ne pas aller chercher de soutien, ne pas parler de ce qu’on vit empire le problème. La personne rumine ses pensées noires et n’arrive plus à trouver de solutions. Les conflits et les difficultés relationnelles se multiplient. La personne se réfugie dans les jeux pour ne pas penser à tout ça et la situation empire encore plus. Elle néglige ses obligations et perd de l’intérêt pour les activités qu’elle pratiquait avant. Le sommeil et l’alimentation se détériorent, ce qui a également un impact sur l’état mental. En bref, il s’agit d’un cercle vicieux. »
Savoir trouver la nuance Néanmoins, comme Ewen et Van Mourik le rappellent, il est inutile de diaboliser les jeux vidéo. La plupart d’entre eux sont conçus pour faire vivre un moment plaisant au joueur, le plonger dans un univers immersif, ou encore de lui permettre d’entrevoir la vision artistique des développeurs.
Le problème principal est donc l’évolution de l’industrie du jeu, qui a opéré un changement de mentalité, se tournant vers des modèles commerciaux centrés sur le profit et la sur-stimulation du cerveau. Selon Ewen, les jeux vidéo ne représentent pas la pire menace sur le plan des addictions : « Les réseaux sociaux sont plus problématiques, ils sont basés sur des mécanismes de boucle de récompense, qui sont beaucoup plus courts. [...] Pour moi, c’est une catastrophe. Il faut que ce soit beaucoup plus contrôlé. » Les jeux vidéo sont une grande richesse, et ne sont pas à condamner ; simplement, il faut savoir trouver un équilibre, et ce pour toutes les formes de médias. x
*Noms fictifs
L’assemblée générale élira le conseil d’administration du SPD pour l’année 2023-2024.
Les membres du conseil de la SPD se rencontrent au moins une fois par mois pour discuter de l’administration du McGill Daily et du Délit, et ont l’occasion de se prononcer sur des décisions liées aux activités de la SPD.
Le rapport financier annuel et le rapport de l’experte-comptable sont disponibles au bureau de la SPD et tout membre peut, sur demande, obtenir une copie sans frais.
Questions? chair@dailypublications.org
ELLIOTT GEORGE GRONDIN Contributeur
Le Parti conservateur du Canada (PCC) est un parti avec une histoire riche. Après tout, c’est le parti derrière la Déclaration canadienne des droits (Bill of Rights) et de l’ALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain). Pourtant, il se cherche une nouvelle identité, il courtise une partie de l’électorat qui se sent négligée à grand coup de slogans populistes et de mesquines attaques contre les minorités sexuelles et de genre. Ce changement populiste s’est incarné sous nos yeux tout récemment lors de la dernière convention du parti à Québec.
Un parti en mutation
Dernièrement, les membres conservateurs des quatre coins du pays se sont rassemblés à Québec dans le cadre de leur convention politique, qui se tient tous les deux ans. L’exercice démocratique avait pour but de laisser la parole à la base conservatrice afin de voter des politiques qui pourraient éventuellement se retrouver dans le programme du Parti conservateur du Canada lors du prochain scrutin général prévu pour 2025. Cependant, cette convention ne ressemblait en rien à ce à quoi les conservateurs nous avaient habitués dans les dernières années, témoin indéniable du changement s’opérant au cœur même du Parti conservateur.
Cette année, les membres se sont exprimés sur certaines politiques tout droit sorties des bas-fonds du Parti républicain américain : interdire aux personnes trans de participer aux compétitions sportives, empêcher les chirurgies de changement de sexe chez les mineurs, abolir les ateliers obligatoires de sensibilisation à la diversité et à l’inclusion en milieu de travail et abolir les obligations vaccinales en temps de crise. Voici certaines des politiques débattues et adoptées par les membres à Québec. Après des années de radicalisation, ces politiques se sont finalement frayées un chemin au centre de convention de Québec, allant jusqu’à se tailler une place sur les bulletins de vote. En gros, casser du sucre sur le dos des minorités de genres et sexuelles et répandre impunément de la désinformation à grand tour de bras sur les avancées médicales, c’est ça être conservateur en 2023. Être conservateur, c’est vouloir l’adoption de politiques d’extrême droite qui pourraient donner des sueurs froides à quiconque ayant une affection à l’État de droit. qui ont voté pour Clark, Mulroney, Campbell, et même Harper? Je vais vous le dire : ils ont disparu. Maintenant, c’est une nouvelle garde qui n’a rien à voir avec le style des anciens chefs du parti. Il s’agit aussi grande importance aux questions morales qu’aux enjeux qui touchent Monsieur et Madame tout-lemonde. Comme preuve, lors de ladite convention, les membres ont à peine donné d’importance à la
Mais qu’est-ce que le chef conservateur répond à l’adoption de ces politiques par les participants au congrès, me direz-vous? Pierre Poilièvre affirme qu’il n’est tenu en rien d’incorporer ces politiques à sa future plateforme. En d’autres mots, voici une admission venant du chef conservateur qui n’est en rien anodine. Il s’agit ni plus ni moins d’une reconnaissance même de la fracture d’une nouvelle base qui a été attirée par le style populiste des conservateurs post-Harper. Je vous parle de tous ces législateurs néo-conservateurs qui vont manifester avec des groupes radicaux qui demandent la fin des mesures sanitaires devant le Parlement canadien, de ces parlementaires conservateurs tels que Leslyn Lewis, Dean Allison et Colin Carrie, qui vont souper avec des élus question qui prime actuellement à travers le pays : la crise du logement.
Bien qu’en chambre, les élus de l’opposition se lèvent avec la plus grande des indignations pour dénoncer les mesures prises par le gouvernement libéral en matière de logement, aucune mention de la crise du logement n’est venue des membres conservateurs. Pourquoi ignorer une telle situation qui pourtant est
« Les conservateurs d’aujourd’hui ont délaissé les questions économiques au détriment d’une bataille culturelle, pour une quête sans fin d’un retour aux belles vieilles valeurs traditionnelles. Ce sont des moralisateurs sans morale qui s’en prennent à ceux et celles qui sont sur la ligne de la marginalité au Canada » existant entre la base conservatrice et ses ambitions moralisatrices traditionnelles avec le reste de la population canadienne. Poilièvre, en affirmant qu’il risque de ne pas suivre la volonté de ses membres, reconnaît la nature extrémiste émanant des politiques votées par les membres conservateurs.
Renier son passé
Mais que se passe-t-il chez les conservateurs? Qu’est-il advenu des valeurs conservatrices qui prônent la rigueur économique? Qu’est-il advenu de ceux qui militent pour un État moins interventionniste?
Où sont passés les conservateurs européens connus pour leurs positions antisémites et xénophobes. Les conservateurs d’aujourd’hui ont délaissé les questions économiques au détriment d’une bataille culturelle, pour une quête sans fin d’un retour aux belles vieilles valeurs traditionnelles. Ce sont des moralisateurs sans morale qui s’en prennent à ceux et celles qui sont sur la ligne de la marginalité au Canada.
Maintenant, les conservateurs et leurs élus s’intéressent davantage à la participation de certains jeunes marginalisés dans des sports qu’à des questions sérieuses et importantes aux yeux de l’électorat canadien. Ils accordent une plus bénéfique aux conservateurs, leur permettant de se démarquer des libéraux de Justin Trudeau? Parce que, comme je l’ai mentionné plus haut, les conservateurs ne sont plus intéressés par ces enjeux.
Le problème avec cette stratégie – parce que oui, c’est une stratégie qui peut fonctionner pour ce parti – c’est le risque de se dissocier de ce qu’il reste des conservateurs du clan MacKay, dernier chef du Parti progressiste conservateur – l’ancêtre du Parti conservateur moderne qui changea au tournant des années 2000 – seul vestige du temps où les conservateurs se disaient encore progressistes. En effet, le style incendiaire de Poilièvre aura déjà eu pour conséquence de lui mettre à dos deux des anciens chefs de son parti : Kim Campbell et Brian Mulroney. La première, seule femme qui aura occupé le poste de première ministre du pays en 1993, semble avoir tourné le dos à la crèche et quitté le bateau conservateur. Il est extrêmement rare qu’un ancien chef de parti quitte tout simplement son ancienne formation politique. Pourtant, plus tôt cette semaine, l’ancienne première ministre conservatrice a désavoué Poilièvre sur la plateforme X en partageant un tweet du ministre libéral FrançoisPhilippe Champagne. Dans ce tweet , on y voit Jean Chrétien, l’ancien adversaire politique de Campbell qui l’a défait en 1993 lors des élections générales, qui dénonce la rhétorique défaitiste de Poilièvre. Campbell s’en est tenu d’un petit « Yep », qui semble tout dire. Pour sa part, Mulroney, incontestablement l’un des premiers ministres conservateurs les plus populaires de l’histoire canadienne, s’en est tenu à prendre la défense du premier ministre libéral, Justin Trudeau, affirmant que les attaques de Poilièvre étaient de simples « trash, rumours, gossip (déchets, rumeurs, ragots) ». Quand un conservateur se lance à la défense d’un libéral, c’est que quelque chose cloche. Ici, c’est le style populiste de Poilièvre qui dérange la vieille garde conservatrice. Une victoire conservatrice, une défaite canadienne
En somme, le Parti conservateur moderne est devenu une insulte au conservatisme, un affront à la riche histoire de ce parti qui a façonné le Canada, et il s’agit d’une claque à la figure de la population canadienne. Stephen Harper a un jour dit quelque chose de brillant (il fallait bien que cela arrive au moins une fois en neuf ans au pouvoir) : « Un bon chef de parti est au centre du parti, un bon chef de gouvernement est au centre du pays. » Malheureusement pour nous, partout où Pierre Poilièvre met les pieds, il n’est au centre de rien, mais bien à la droite. Très à droite, même. x