Hoikuen Mono no aware. École de l'entomologie à Tokyo.

Page 1

Mémoire de diplôme . ENSA PARIS MALAQUAIS . 2017

Delphine Lewandowski

ほいくえん もののあはれ

Hoikuen Mono no aware *

École de l’entomologie à Tokyo


Remerciements

Je remercie mes encadrants de diplôme, Mathieu Mercuriali et Nicolas Gilsoul, pour leur précieux suivi, ainsi que tout le corps enseignant du département THP de l’ENSA Paris Malaquais qui, dans une atmosphère toujours stimulante, m’a permis de penser ce projet.

Notes

Le terme « insecte » est ici employé dans sa définition « familière » ; elle fait référence à l’ensemble des arthropodes*, comprenant ainsi les araignées et les lombrics.

Les mots marqués d’un astérisque « * » sont définis dans le glossaire, à la fin du mémoire.



Sommaire


6

I - Insectes et changement de paradigme

18

1.1 - La « sous-architecture »

23

1.2 - Philosophie de l’insecte et contre-culture

28

1.3 - Culture « biocentrique »

31

1.4 – Écocentrisme comme éthique de projet

II - L’école « Mono no aware »

34

2.1 - Potentiel spatial de l’ « entomo-empathie »

39

2.2 - L’école de l’entomologie

44

2.3 - Insectes et Japon : « Mono no aware »

46

2.4 - Éloge de l’incontrôlé

Introduction

III - L’espace souterrain à Tokyo

48

3.1 - L’espace phobique et Tokyo infra-ordinaire

51

3.2 – Shinjuku : ville dense, biome riche

54

3.3 - Désir de sol(s) et fenêtre géologique

3.4 - Architecture-lombric

58

60

Bibliographie

64

Glossaire


Introduction

* « Hoikuen » (rōmaji) désigne le jardin d’enfants en japonais. « Mono no aware » est un concept spirituel japonais qui peut se traduire par « Empathie envers les choses » ou « Sentiment pour le caractère éphémère ». L’entomologie est la science de l’étude des insectes.

Pour une philosophie de la « nature indésirable » Le projet Hoikuen Mono no aware, école de l’entomologie à Tokyo aspire à interroger une philosophie de nature prégnante au sein de l’architecture qui, dans le contexte actuel de prise de conscience écologique, trouve ses limites dans l’intégration du vivant. Quel vivant souhaite-t-on intégrer ? L’image qu’il convoque est celle de l’insecte qu’on trouve « comme une miette tombée au sol1 » au sein des bâtiments, qui se voudraient totalement aseptisés de cette partie de nature dite « indésirable ». L’insecte s’ « infiltre » dans l’espace anthropisé* de manière non anticipée et incontrôlable. Cet insecte n’est pas pris en compte dans notre réflexion architecturale puisqu’il y est généralement considéré comme « nuisible ». Il est pourtant là sous nos yeux. Sa présence dérange car elle interroge les limites de notre conception de « nature » et de notre tolérance vis-à-vis de celle-ci. Plus encore, elle révèle une faille en l’essence même de l’architecture, définie comme un abri pour le corps humain de cette nature « indésirable » et dangereuse incarnée par l’insecte (Fig.1). Il existe une contradiction entre la conception de nature au sein du projet architectural, excluant l’insecte, et son expérience qui vérifie la présence de celui-ci dans l’espace construit. La vision naturaliste2 (dichotomie nature/culture) de l’architecture, en tant qu’outil de contrôle sur la « nature », trouve ses limites lorsqu’on constate que des insectes vivent dans tous les bâtiments3. Certaines formes « désirables » de nature sont aujourd’hui encore idéalisées en architecture - le soleil, le vent, le végétal – au détriment d’aspects sous-théorisés car « répulsifs4 » dont les insectes font partie. Par ailleurs, l’architecture « écologique » semble aujourd’hui s’épuiser dans la monopolisation de ces formes désirables (Fig.2), spécifiquement dans une rhétorique du « vert ». Elle est soit d’initiative timide, soit superficielle, lorsqu’elle ne reconnaît dans sa conception qu’une partie de la nature, idéalisée à travers le « végétal ». Celui-ci semble pourtant indissociable de l’« animal », particulièrement de l’ entomofaune (faune des insectes) qui pollinise une grande partie de la flore5. Parallèlement à cette hégémonie du « vert », on peut identifier une hégémonie 1

BLANC Nathalie, « Des blattes dans un quartier d’habitat social de Rennes », dans M.C. THOMAS Jacqueline, MOTTE-FLORAC Elisabeth (dir.), Les insectes dans la tradition orale, Louvain, Peeters, 2004.

2

« Naturalisme » qui, selon l’anthropologue Philippe Descola, repose sur une dichotomie nature/culture à laquelle les sciences naturelles et sociales des modernes ont accordé un universalisme infondé dans leur pratique et leur considération ethnocentrique du monde. C’est la vision de l’humain séparé d’une seule et même « nature » sur laquelle il a tous les droits. Cf. : DESCOLA Philippe, Par delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.

3

BERTONE et al., « Arthropods of the great indoors: characterizing diversity inside urban and suburban homes », PeerJ, 2016. Consulté le : 23.05.2016. Disponible à l’adresse : https://peerj.com/articles/1582. pdf.

4

On peut retrouver cette nature « répulsive », plutôt absente de la pratique architecturale, dans les réflexions de l’historien d’architecture David Gissen qu’il nomme « Subnature » (« Sous-nature ») et dont les insectes font partie. Source : GISSEN David, Subnature. Architecture’s other environments, Princeton, Princeton Architectural Press, 2009.

5

80% des plantes cultivées forment avec les insectes un couple interdépendant.

6


Figure 1. Illustration personnelle, Essence de l’architecture, abri pour le corps humain, 2016.


de la technologie, qui prétendrait pouvoir sortir de la crise écologique par l’innovation. La plupart des solutions technologiques, toujours florissantes, ayant été trouvées, leur mise en place semble néanmoins freinée à la fois par un manque de moyens, mais aussi par un manque de volonté et d’investissement dû à une barrière économique, socio-politique et culturelle. Il semble donc utopique de donner une réponse à l’urgence écologique exclusivement technologique et scientifique. Il s’agit d’accompagner ces innovations avec d’autres évolutions transdisciplinaires, et plus philosophiques. Comme le suggère Bruno Latour : « c’est toute une nouvelle culture, une nouvelle esthétique — au sens ancien de capacité à “percevoir“ et à être “concerné“ — à inventer6. ». Les architectes peuvent y contribuer, dans leur capacité à « produire de la culture » et de l’imaginaire, constituant une approche alternative aux utopies technocratiques7. Aujourd’hui, les architectes ont un rôle majeur au sein de cette « renaissance » ontologique. Toujours dans ce souci écologique et dans l’évolution transdisciplinaire qui l’accompagne, on peut repérer que la limite des compétences des architectes au niveau de l’intégration et du respect du vivant, dont font partie les insectes, se situe aussi dans une méconnaissance générale de la biologie. Gilles Clément, lors d’une conférence en décembre 2013 à l’École d’Architecture de Paris La Villette, avait mentionné ce problème pour introduire son discours. Les enfants ont un « réflexe idiot » : ils sont souvent interpelés par les insectes et apprennent à « tuer avant de connaître ». Le paysagiste suggère qu’il serait intéressant de comprendre plutôt que d’être effrayé. Il s’agirait d’évoquer une nouvelle dimension dans la compétence des architectes. Bien sûr, beaucoup d’architectes ont pu tirer des leçons dans l’observation des insectes. Or, la fascination que leurs formes et systèmes suggèrent se limite souvent à une source d’inspiration ponctuelle, métaphore ou analogie parfois florissante comme dans le biomimétisme. Enfin, la présence physique de l’insecte dans l’architecture n’a jamais été théorisée. Elle est seulement évoquée pour la première fois en 2009 par le théoricien d’architecture David Gissen8. Les insectes sont « anathèmes9 » à l’architecture. Le sujet des insectes vivants dans l’architecture, pauvre théoriquement et historiquement, est donc fondamentalement transdisciplinaire. En investissant d’autres disciplines - ici l’entomologie, l’ethnoentomologie (étude des relations humains/insectes), et les sciences environnementales - il permet de replacer les limites d’intervention et les compétences de l’architecte au sein de l’urgence écologique, qui est indéniablement l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle. Ainsi, dans la continuité de mon mémoire de master intitulé « L’insecte, habitant de l’architecture » qui explore les interactions possibles entre architecture et insectes vivants, la première question que pose ce projet est la suivante : que produit l’architecture lorsqu’elle investit un champ de la nature – ici les insectes en tant qu’êtres vivants qu’elle a jusqu’alors ignoré ? La cohabitation humain/insecte peut-elle être réinventée par le projet d’architecture ? Aussi, la première intention est d’imaginer une interaction positive entre architecture et nature « indésirable ».

6

LATOUR Bruno, « INSIDE », Conférence/Spectacle au Théâtre Nanterre - Les Amandiers, le 20.11.2016.

7

GAUDILLÈRE Jean-Paul, FLIPO Fabrice, « Inégalités écologiques, croissance « verte » et utopies technocratiques » dans Mouvements, n°60, Ed. La Découverte, 2009, pp. 77 – 91.

8

GISSEN David, « Insects », op. cit., pp. 168-179.

9 Ibid.

8


Figure 2.

Illustration personnelle, Rhétorique du « vert » : formes désirables de nature, 2016.


Figure 3. A Wasps Face, Photographie issue de NORTHROP, Henry Davenport, Earth sea and Sky; Marvels of the Universe, 1887.


L’insecte « sujet » On peut identifier une perception binaire de l’insecte au sein de l’espace anthropisé. Il existe des insectes dits « nuisibles » tels que la blatte, et des insectes dits « bienfaiteurs » tels que l’abeille. Depuis quelques années, des sociétés de lutte anti-nuisibles et des organismes de santé publique appellent les architectes à prendre leur responsabilité dans le contrôle de l’infestation des « nuisibles » dès la conception des bâtiments10, à l’heure où le réchauffement climatique renforce les risques d’infestation par les espèces invasives. On passe alors d’une lutte d’extermination chimique à une lutte de prévention « par » l’architecture. Parallèlement, le Ministère en charge de l’Écologie a lancé un plan national d’actions « France terre des pollinisateurs » (2016-2020), pour la préservation des abeilles et des insectes pollinisateurs sauvages11, dont l’activité pollinisatrice a une valeur économique estimée à 153 milliards d’euros (programme Alarm, 2006-200912), soit 9,5 % de l’ensemble de la production alimentaire mondiale. Avec lui, de plus en plus de ruches et d’hôtels à insectes trouvent leur place dans l’espace urbain. Ils apparaissent dans les jardins et autres espaces verts et, petit à petit, sur les toits13 et les façades du bâti. Cette tendance de revalorisation des insectes dits « bienfaiteurs » révèle néanmoins l’attente utilitariste d’un retour positif. Il y a une monopolisation de la protection de certaines espèces emblématiques qui rendent des services écosystémiques à l’humain. Les sociétés occidentales, par l’urbanisation et la modernisation qui ont éloigné l’humain de la « nature », ont renforcé une ontologie naturaliste qui rend difficile de considérer l’insecte autrement que dans une vision utilitariste et/ou phobique. Mon projet s’articule comme une plateforme pour repenser une cohabitation humain/ insecte dans une considération de l’insecte la moins instrumentaliste possible. Aussi, la seconde intention est de confronter l’humain, urbain et contemporain, à son entomophobie, et ce par le projet architectural. La figure paradoxale de l’insecte « nuisible/utile » trouve une alternative dans une troisième considération : l’insecte « sujet ». L’insecte est sujet dans la portée métaphysique du terme, par laquelle il acquiert une valeur intrinsèque d’existence défaite de tout utilitarisme. Seul ce troisième statut accordé à l’insecte permet de questionner l’anthropocentrisme de la pratique architecturale et la philosophie de nature « indésirable ».

10

À titre d’exemple, le « London Chartered Institute of Environmental Health » publie en 2012 un guide de lute anti-nuisibles adressé aux concepteurs. « Il est nécessaire que les urbanistes, les architectes et les constructeurs reconnaissent et minimisent les risques d’infestation de nuisibles et de transmission de maladie dans leurs nouveaux projets et qu’ils s’assurent qu’ils ne créent pas de conditions qui encouragent l’infestation de nuisibles. ». Source : London Chartered Institute of Environmental Health, Pest Minimisation. Best practices for the construction industry, 2012. Consulté le : 05.04.2016. Disponible à l’adresse : http://www.urbanpestsbook.com/downloads/Best_practice_for_the_construction_industry.pdf.

11

GADOUM S. & ROUX-FOUILLET J.-M., Plan national d’actions « France Terre de pollinisateurs » pour la préservation des abeilles et des insectes pollinisateurs sauvages, Office Pour les Insectes et leur Environnement – Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, 2016.

12

Selon l’Institut national de la recherche agronomique, la valeur pollinisatrice des insectes est estimée à 153 milliards d’euros par an. LÉVEILLÉ Patricia, site de l’Inra, Abeille, pollinisation et biodiversité, 06.02.2013. Consulté le : 05.02.2016. Disponible à l’adresse : http://www.inra.fr/Grand-public/Ressources-et-milieux-naturels/Tous-les-dossiers/Abeilles-pollinisation-biodiversite-pesticides/Abeilles-pollinisation-et-biodiversite.

13

Voir par exemple le projet de ruche sur toit Vulkan Beehive (2014) à Oslo du studio d’architecture norvégien Snøhetta.

11


Figure 4. Shinjuku West Exit Plaza, Tokyo, Photographie du site de projet, Source et date inconnues.


Trois récits La genèse du projet Hoikuen Mono no aware, école de l’entomologie à Tokyo s’est articulée autour de trois récits théoriques qui composent le plan de ce mémoire. Le premier récit théorise la présence non anticipée des insectes vivants dans l’espace construit, point de départ du projet (Cf. Tableau, Fig. 5). Les insectes constituent à la fois un prisme pour regarder le phénomène de synanthropie* - lieu de rencontre entre milieu humain et milieu animal - au centre de la conception du projet architectural, et un outil de langage pour raconter l’architecture en tant que biotope. Cette partie de l’architecture est identifiée sous le néologisme de « sous-architecture ». Il s’agit des éléments architecturaux – souvent négligés ou cachés - servant de milieu de vie aux espèces commensales* de l’homme telles que les insectes. Avec cette qualité d’accueil non-théorisée, les insectes constituent aussi l’élément catalyseur d’un changement de paradigme dans la vision naturaliste de l’architecture. Le second récit est celui du programme et du contexte qui accordent à l’insecte son statut de « sujet » explicité précédemment. Il rend viable le passage de l’insecte « nuisible » à l’insecte « sujet ». Le programme de l’école de l’entomologie permet d’explorer une cohabitation humain/insecte nouvelle, dénuée d’entomophobie. En effet, les enfants entretiennent avec les insectes une relation exclusive. Celle-ci, à vertu pédagogique, est à mon sens la moins instrumentaliste. Le concept japonais de « Mono no aware » ou « Empathie envers les choses » se veut être central dans le programme pédagogique de l’école. Il est permis grâce à des dispositifs d’observation générant des micro-évènements mettant en scène la présence incontrôlée d’insectes dans le bâtiment de l’école. Le troisième et dernier récit met en corrélation l’objet « phobique » des insectes avec l’espace souterrain, l’insecte vivant avec le biotope du sol. Il associe l’intention première aux développements en souterrain qui répondent au problème de densité à Tokyo, à travers les biotopes des sols artificiels et naturels existants dans la gare de Shinjuku. Le projet de l’école est intégré dans la place souterraine « Shinjuku West Plaza » (Fig. 4), conçue par l’architecte Junzo Sakakura (1966), et s’accompagne d’un réaménagement de l’espace public. Le site de la gare permet aussi d’explorer à la fois le vivant des sols artificiels (exemple : blattes) ainsi que le vivant du sol naturel disparu sous le béton (exemple : insectes de l’humus), en les réunissant au sein du projet architectural.

13


Insectes*

Biotopes

1 - Insectes commensaux* de l’humain

« Sous-architecture* » ou Biome intérieur

Zones de rencontre avec l’humain

Espaces de vie et de circulation • • • • • • • •

Blatte « Gokiburi » Fourmi des trottoirs Cloporte des caves, des murs Tégénaire des maisons Termite Punaise Araignée (Arachnida) Mouche

Espaces intérieurs anthropisés correspondant aux conditions de milieu de vie de certains insectes. Espaces généralement chauds, humides et obscurs. Exemple : près des appareils électriques émettant de la chaleur, près des restaurants et habitations qui génèrent des déchets organiques servant de garde-manger pour les insectes, dans les endroits obscurs tels que les espaces techniques.

• • • • • • • • • •

Intérieur du sol Faux-plafond Intérieur du mur Canalisations Bouche d’aération Isolation thermique extérieure Câbles d’ascenseur Cage d’escalier Bouches d’égoûts Grilles d’écoulement EP

Entrées • • • • • • •

2 - Insectes endémiques* • • • • • • • • • • • • • • • • •

Lucioles Libellules Abeilles Grillons Criquets Papillons Fourmis brunes des jardins Hannetons des jardins Chrysomèles Chrysopes Cigales (Cicada) Coccinelle Bourdons Araignées Gendarme Chenille (Processionnaire du pin, de sphix, de géomètre, de piéride etc.) Mille-pattes...

3 - « Insectes » du sol a - Faune épigée (surface)

Forêt tempérée (faune associée à la flore : chênes, hêtres, érables, thuyas, pins)

Collembole, némapodes, Cloportes, Fourmis, Charençon

G In F

• • • •

G In C C

Espaces verts (parcs, jardins) Pots de fleurs Terre-pleins Toits plantés Végétation sauvage Friches/ espaces délaissés

Insect

C v

Insect

Circulation •

Sol d’origine Sol alluvial (sable argilo-graveleux)

mange la litière et crée l’humus à la surface du sol

• • •

Interface sol-bâti Discontinuités en périphérie d’assise Percements et réservations Fissurations du dallage Joints de dilatation Joints entre matériaux Seuils de porte d’entrée et porte-fenêtre

Espaces de vie • • • • • •

Insect

Sol naturel recréé

Espace anthropisé

Surface du sol • • • •

Espaces verts (parcs, jardins) Terre-pleins Végétation sauvage Friches/ espaces délaissés

M v

Insect

S

b - Faune anécique (dans la terre) crée la terre en digéreant l’humus et l’argile ensemble

Lombrics (ver de terre)

c - Faune endogée (dans la terre argileuse) mange les racines mortes en profondeur : argile est créé en reaction

Thysanoures, collemboles, acariens, myriapodes

* « Insectes » dans son sens commun : le terme comprend plus largement les arthropodes et les lombriciens.

* Commensal (n.m.) : Animal qui se nourrit des * Endémique (adj

Figure 5. Ci-dessus: Tableau de projet. Les trois types d’insectes : commensaux, endémiques et « du sol ». p 16 : Plan du sol naturel Shinjuku West Exit Plaza, avec flux d’insectes. p.17 : Plans du sol naturel au second sous-sol, Shinjuku West Exit Plaza.

*« Sous-architecture » (n.f.) : Néologisme personnel. Éléments architecturaux servant de milieu de vie aux espèces commensales de l’humain.


Dispositifs d’observation associés

Types de flux

Interventions architecturales Programme

Insectes rampants

Regards

Espace public

Circulation horizontale • • • •

Gaines techniques Intérieur du sol Faux-plafond

Circulation verticale • • • •

Gaines techniques Intérieur du mur Cage d’escalier Câbles d’ascenseur

Passages •

Avec panneaux d’information (déjà existants au Japon - ex: jardin des lucioles)

Circulation à l’intérieur et entre les espaces végétalisés

Espace public • • • •

• •

Milieu construit autour des espaces végétalisés

Circulation horizontale Surface et intérieur du sol organique

Aménagement des espaces verts existants : Meilleur accès/ mise en valeur Promenade Terrariums

École de l’entomologie

Circulation horizontale/verticale

Insectes rampants

Jeux/ parcours pour enfants et salles d’apprentissage

Galeries / tunnels dans les espaces techniques : sol artificiel et faux-plafond.

Insectes rampants

Observatoires entomologiques interactifs dans l’espace public

École de l’entomologie

Terrariums

Insectes volants

Circulation aérienne

Fenêtres d’observation type vivarium sur les espaces techniques : gaines techniques, canalisation, ventilation Objets d’extension type téléscopes/ microscopes, ajoutés à l’existant.

Jardin Équipements « science de la vie »

Espace public

Grande fenêtre géologique • •

Connection des espaces verts existants avec le sol naturel enfoui. Création d’une fenêtre géologique générant un nouvel espace public piéton (amphithéâtre)

École de l’entomologie • •

Jardin Équipements « science de la vie »

e nourrit des débris de repas ou des parasites externes d’un animal d’une autre espèce, généralement plus grand, sans faire de tort à son hôte, qui le laisse faire. démique (adj.) : Se dit d’une espèce présente naturellement exclusivement dans une région géographique délimitée.


RÊseaux insectes Rampants des espaces verts : fourmis de trottoirs etc. Volants : pollinisateurs etc. Comensaux de l’homme : blattes etc. Restaurants Espaces verts


Plan sol naturel

Plan premier faux-plafond

Accès Hôtel de ville et Chuo Parc

Eiwa building

L Tower

Subaru office building

accès parking

accès gare routière Shinjuku West plaza event corner

accès parking accès parking Odakyu Depatment Store

don du sang shopping center Keio Department Store accès Lumine center

accès métro

accès gare routière

Odakyu Department store

gare JR

accès métro gare JR

Plan premier sous-sol

Plan second faux-plafond

Plan second sous-sol


I - Insectes et changement de paradigme

1.1 - La « sous-architecture » Si l’insecte est le sujet du projet architectural, la « sous-architecture » est le biotope qui lui est associé. L’architecture influe sur l’écologie des espèces. Certaines espèces comme la blatte des meubles, Supella longipalpa, dont la biologie est adaptée au mode de vie urbain, ont vu leur développement favorisé par l’urbanisation. D’un point de vue numérique, les insectes sont déjà les premiers habitants de l’architecture. Les espaces intérieurs sont un milieu de vie idéal pour certaines espèces ; ils forment un nouveau biome* dit « biome intérieur » (Fig.7). Des chercheurs ont mis en avant l’immensité de ce « biome intérieur14 » dont la superficie des bâtiments est aujourd’hui estimée entre 1,3 et 6% de la superficie terrestre totale, supérieure à certains biomes de forêts tropicales. Celuici reste majoritairement inexploré alors qu’il s’étend avec l’urbanisation. De nouvelles espèces d’arthropodes* découvertes récemment par des entomologistes15, semblent dépendre de ce biome « des intérieurs », dont les caractéristiques écologiques (chaleur, humidité, nourriture) correspondent à l’écosystème de ces espèces commensales de l’humain (Fig.8). Les experts de l’insecte (désinfecteur, entomologiste, ethnoentomologiste) ont depuis peu investi l’architecture pour l’étudier en tant que biotope. Ils ont en commun de faire apparaître, par le biais d’un vocabulaire architectural, des caractéristiques communes aux éléments d’architecture faisant office de milieu de vie pour les insectes. Il s’agit d’une partie d’architecture imprévisible, non conçue, et généralement invisible aux yeux des usagers. On peut établir une liste d’éléments architecturaux à partir des termes utilisés par les guides de lutte antiparasitaire : - Les fondations et l’interface « sol-bâti » - L’extérieur du bâtiment : le revêtement et la lumière - La toiture et les « trous » dans la toiture - L’intérieur des murs - L’intérieur du sol et sa surface - Les interstices entre le sol et les murs - Les interstices entre le sol et les portes - Les interstices entre les murs et les fenêtres - Les trous dans les murs - Les gaines techniques - Le périmètre autour du bâtiment (égouts, mauvaises herbes, flaques d’eau) - Les accumulations d’eau à l’extérieur du bâtiment Ces éléments sont décrits comme les défauts et faiblesses d’un bâtiment. Soumis de plus en plus à une législation de lutte antiparasitaire, ils sont l’abri presque « illégal » des « nuisibles ». Ainsi, le bâtiment acquiert une « sous-fonction » d’abri de la biodiversité, architecture « sous » l’architecture qu’on repérera sous le terme de « sous-architecture ». Celle-ci réunit tous les éléments d’architecture servant d’abri pour une partie de la 14

NESCent Working Group on the Evolutionary Biology of the Built Environment, « Evolution of the indoor biome », Trends in Ecology and Evolution, n° 30, 2015, pp. 223-232.

15

BERTONE et al., op. cit.

18


Figure 6. Illustration personnelle. « Sous-architecture » à Shinjuku, 2017.


Figure 7. « The relative areas of 13 outdoor biomes and the indoor biome », NESCent Working Group on the Evolutionary Biology of the Built Environment, Evolution of the indoor biome, 2015. Le diagramme montre la proportion de superficies terrestres des treize biomes extérieurs en situant parmi eux le biome intérieur. On constate que le biome intérieur a une superficie supérieure à celle des biomes de forêts de conifères tropicales et subtropicales. De plus, on peut imaginer qu’il gagne du terrain avec l’urbanisation. Il reste néanmoins presque totalement inexploré.


Figure 8. « Proportional diversity of arthropod orders across all rooms. Average morphospecies composition calculated across all room types. All photos by MAB » diagramme illustrant l’article BERTONE et al., Arthropods of the great indoors: characterizing diversity inside urban and suburban homes, 2016. Le diagramme présente la diversité proportionnelle des ordres d’arthropodes trouvés dans les pièces des maisons étudiées. On constatera que les plus « gros » insectes sont aussi les plus nombreux, les plus visibles et donc, les plus familiers tels que la mouche (Diptera).


biodiversité de manière incontrôlable. Elle a pour caractéristique d’être sous-théorisée, et représente néanmoins un milieu de vie idéal pour les insectes avec qui les humains cohabitent de manière non-anticipée (Fig.6, p.17). Le choix du préfixe « sous » fait référence au terme de « subnature16 » (sous-nature) utilisé par le théoricien David Gissen pour désigner tous les aspects négligés et sous-théorisés de la nature dans la théorie de l’architecture, dont font partie les insectes. Le préfixe « sous » du terme « sousarchitecture » a donc une double signification : il réfère au caractère invisible de ces espaces qu’on ne voit pas et qu’on ne pense pas (« sous le seuil »; « à l’intérieur du mur »), ainsi qu’à leur « sous-fonction » (fonction non anticipée) d’abri pour une partie de la nature « indésirable ». Le concept de « sous-architecture » amène à redéfinir les éléments et les dispositifs d’architecture selon le niveau d’attirance aux « nuisibles ». La blatte notamment, est liée à un modèle de construction architecturale (Blanc, 2000) en tant que témoin d’une architecture dégradée propice à son invasion. Ainsi, le niveau d’attirance se présente comme un nouvel indicateur de la qualité d’une construction, et on jugera ces éléments d’architecture selon leur taux d’attirance de « nuisibles ». De plus, cette « sous-architecture » commence théoriquement à exister avant l’architecture, puisqu’elle est habitée par les « nuisibles » avant et pendant le chantier, et même lors de la démolition d’une construction. En effet, les guides de lutte antiparasitaire mettent en avant l’importance de la gestion des « nuisibles » dès le commencement du chantier. La question que cette « sous-architecture » pose est celle relative au contrôle qu’on peut en faire : la « sous-architecture » peut-elle être contrôlée et planifiée ? Il reste à affiner la définition de cette partie de l’architecture, ainsi qu’à établir une nouvelle vision de bâtiment, en plaçant leurs « défauts » au sein du débat sur les « nuisibles ». On notera également que les principes, les codes et les standards qu’établissent les contrôleurs de « nuisibles » ne tiennent pas encore compte de la présence d’autres insectes « bénins », voire « bénéfiques » au sein de l’architecture. Les guides étudiés considèrent toutes les présences comme indésirables, et n’ont pas encore remis en question le terme de « nuisibles ». En changeant la perception de certains « nuisibles » vers une considération d’un insecte « sujet » dans les intérieurs, on peut imaginer que la « sous-architecture » puisse trouver une nouvelle place dans la conception architecturale, et ainsi se débarrasser du préfixe négatif « sous » qu’on lui a attribué.

16

GISSEN David, op.cit.

22


1.2 - Philosophie de l’insecte et contre-culture Pour prétendre répondre à l’entomophobie, il est essentiel de mesurer ce que cette phobie implique dans les structures de l’imaginaire collectif occidental17. Aussi, il s’agit de trouver un langage architectural qui puisse répondre à l’imaginaire et à la philosophie de l’insecte. Menace inconnue, invisible et incontrôlable La phobie est la crainte angoissante et injustifiée d’une situation, d’un objet ou de l’accomplissement d’une action. Elle est avant tout nourrie par des croyances et une ignorance générale des insectes. L’utilisation familière du mot « insecte », incluant les Arachnides et les Scorpions – erreur de classification, témoigne d’une méconnaissance générale de la biologie de ces petits animaux. L’« inconnu » laisse plus de place au fantasme et à la peur que suggère leur rencontre. La littérature et le cinéma occidentaux témoignent de la représentation des insectes comme un élément incontrôlable et dangereux, menace parfois justifiée. Le moustique, par exemple, est l’animal qui cause le plus de morts chez l’humain. On peut lui attribuer le déclin des marais, son milieu naturel, jugé jusqu’alors « insalubre »18, et donc l’origine de la ville « stérilisée ». Dans les textes bibliques, le huitième fléau des dix plaies d’Egypte est l’invasion des sauterelles : « Elles couvriront la surface du sol et on ne pourra plus voir le sol. Elles dévoreront ce qui a échappé, ce que vous a laissé la grêle ; elles dévoreront tous vos arbres qui croissent dans les champs. Elles rempliront ta maison, les maisons de tous tes serviteurs et les maisons de tous les Egyptiens19. ». Les insectes « ravageurs » ou « envahissants » affectent annuellement l’économie mondiale d’un coût estimé à 69 milliards d’euros (projet « Invacost »)20. L’image du fléau est centrale dans l’entomophobie. Il témoigne d’une représentation de l’insecte en tant qu’élément d’une force collective invisible qui envahit l’espace de manière incontrôlable, imprévisible et dangereuse. Son invasion est systématiquement associée à la prolifération de maladie. Dégoût Si la menace d’invasion est tantôt justifiée, le dégoût ne l’est pas directement. L’insecte suscite le dégoût car il est « moche »21. Il est, par sa physionomie et son échelle spatiotemporelle, l’animal le plus éloigné de l’homme. Plus encore, au sein des bâtiments, 17

Les insectes occupent une place différente selon les cultures. L’un des points de rupture, décrit par André Siganos dans le livre Les Mythologies de l’insecte (Paris, Librairie des Méridiens, 1985), est celui de l’usage alimentaire.

18

CLAEYS Cécilia, SERANDOUR Julien, « Ce que le moustique nous apprend sur le dualisme anthropocentrisme/biocentrisme : perspective interdisciplinaire sociologie/biologie », Natures Sciences Sociétés, n°17, 2ème quadrimestre 2009, pp. 136-144.

19

Louis Segond (LSG), « Huitième fléau : les sauterelles », Exode 10, La Bible, Alliance Biblique universelle, 1910.

20

- Communiqués de presse du CNRS, Invasion des insectes : l’économie mondiale affectée, 04.10.2016. Consulté le : 10.10.2016. Disponible à l’adresse : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/4721.htm ; - Étude : Bradshaw, C. J. A. et al. Massive yet grossly underestimated global costs of invasive insects. Nature Communications 7, 12986 doi: 10.1038/ncomms12986, 04.10.2016. Consulté le : 10.10.2016. Disponible à l’adresse : http://www.nature.com/articles/ncomms12986.

21

23

On notera cependant l’exception de quelques espèces emblématiques qui fascinent car jugées « belles » : le papillon, l’abeille, la coccinelle etc.


il représente la saleté et l’insalubrité de l’architecture. Ces représentations témoignent aussi d’un enclin de la pureté et la mise en place d’une stérilisation de l’espace. Elles mettent en garde du danger de la « pureté », de notre espace comme celui de notre espèce. Le rapport à l’insecte « indésirable », symbole de l’altérité non-souhaitée, témoigne aussi d’une dichotomie humain/non-humain, qui a servi de prétexte à la déshumanisation et à la maltraitance de groupes d’humains jugés « indésirables » : « Un facteur commun des génocides est une doctrine selon laquelle les autres personnes ne sont pas des humains mais des rats, des cafards, des nuisibles ou des bactéries, menaçant la pureté de l’humain. La rhétorique laisse place à l’action : le meurtre peut commencer lorsque les mots ont fait leur travail.22 » Contre-culture « On serait tenté de croire que la phobie atteint son paroxysme lorsque l’humanité est aux prises avec une invasion d’Insectes, mais il y a pire que l’invasion des campagnes et des villes : l’invasion du moi23 ». Comme le suggère Jean-Marc Drouin, il existe une métaphore de la subjectivité de l’insecte. Le théoricien d’architecture cité précédemment, David Gissen, explore la subjectivité de l’insecte et son rapport à l’architecture. Elle apparaît en littérature avec La Métamorphose (1915) de Franz Kafka, nouvelle dans laquelle le protagoniste Gregor Samsa se réveille transformé en insecte géant dépossédé de lui-même. Cet événement fantastique permet de mettre en avant et de questionner les limites sociales réalistes de l’existence du protagoniste. La métaphore, que l’historien Cristopher Hollingsworth appelle « The Self as Insect24 » (Le Soi comme Insecte), est interprétée en philosophie par Félix Guattari et Gilles Deleuze25 au cours des années 70 et 80, à partir de laquelle ils développeront leur concept de « devenir-animal ». Elle sera ensuite convoquée dans le « Manifeste Cyborg26 » (1991) de Donna Haraway, qui ajoute à la subjectivité de l’insecte celle de la machine à travers le « Cyborg ». Dans les deux cas, la métaphore du « Soi comme Insecte » est employée comme une stratégie politique permettant au sujet – devenu insecte ou cyborg - de se défaire d’entités telles que la famille, le travail ou l’état, et d’ainsi remettre en question certaines catégories sociétales. Les architectes s’approprient cette subjectivité dans les années 60 notamment, dans un courant d’architecture expérimentale. L’exemple le plus pertinent est le projet de 1967 des architectes de CoopHimmelb(l)au : Heart City : The White-Suit (Fig.9). Il s’agit d’une combinaison interactive composée d’un casque qui transmet des images et des odeurs au sujet qui le porte, et d’une veste pneumatique qui applique des pressions sur le corps de celui-ci. Ce projet explore une architecture conduite par la technologie, les médias et les sensations. Elle emprunte à l’insecte son caractère visuel et la métaphore de sa subjectivité. De la même 22

Traduction personnelle : « A common factor in genocides is a doctrine that other people are not humans, but rats, cockroaches, brutes, pests or bacteria, threatening the purity of the human. Rhetoric paves the way for action: the murdering can begin once the words have done their job. ». The History of Others, « Disgust » in Museum of non-humanity exhibition, Helsinki, 2016.

23

DROUIN Jean Marc, Philosophie de l’Insecte, Paris, Ed. du Seuil, 2014.

24

HOLLINGSWORTH Cristopher, Poetics of the Hive. Insect Metaphor in Literature, Iowa City, University of Iowa Press, 2001, pp. 187-227.

25

DELEUZE Gilles, GUATTARI Félix, Kafka : Toward a Minor Literature, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1986.

26

HARAWAY Donna, « A Cyborg Manifesto » in Simians, Cyborgs and Women : The Reinvention of Nature, New York, Routledge, 1991.

24


Figure 9. Coop. Himmelb(l)au, Heart-City : The White Suit, Viennes, 1967, photographie.


manière que les architectes s’approprient la métaphore de l’insecte dans une forme d’avant-garde et d’expérimentation, La mante religieuse de Roger Caillois, métonymie générale du monde des insectes, témoigne de la propension de l’insecte à nous inviter à de nouvelles considérations philosophiques27 et paradigmatiques : « La mante est une sorte d’idée fixe naturelle, postée dans l’univers, un parasite patient, en attente d’une conscience qu’elle pourrait habiter et hanter 28 ». Shinjuku Le site du projet, la « West Plaza Exit » de la gare Shinjuku à Tokyo, est également empreint de contre-culture. En 1969, peu de temps après l’ouverture de la place souterraine conçue par l’architecte Junzo Sakakura, celle-ci a été l’épicentre des concerts et des mouvements anti-guerre « Folk Guerilla »29. La place, à moitié ouverte et à moitié fermée, était plus un lieu de passages comme aujourd’hui plutôt qu’une réelle « place » à investir par le peuple. L’image des deux grandes rampes de la place, destinées à la descente des automobiles pour accéder à la gare, investies par les groupes de « Folk Guerrillas » (Fig.10) renvoie à la volonté du projet de rendre à la place son statut d’espace piéton et son statut de lieu de contre-culture.

27

LIBIS Jean, « Le monde des insectes et la contre-culture » in Littératures, Dossier : Quadrillages labyrinthiques : l’échiquier Caillois, Presses du Midi, 2013, pp. 95-102.

28

Danielle Chaperon, « Sémantique de la mante », Roger Caillois, la pensée aventurée, sous la direction de Laurent Jenny, Paris, Belin, 1992, pp. 33-50.

29

Voir le film documentaire de Keiya Ouchida’s ’69 Spring-Autumn Underground Plaza, 1969.

26


Figure 10. Shinjuku West Plaza, July, 1969, photographie. Source : EIJI Oguma, « Japan’s 1968, A Collective Reaction to Rapid Economic Growth in an Age of Turmoil » in The Asia-Pacific Journal, Vol.13, Issue 2, Mars 2013.


1.3 - Culture « biocentrique » Édifice dualiste nature/culture L’anthropologue Philippe Descola, dans son livre manifeste « Par delà nature et culture30 » (2005) propose une autre manière d’aborder les rapports entre nature et société dans la discipline de l’anthropologie31. Il remet en cause l’universalisme qu’on accorde à la vision naturaliste et qui se base sur une dichotomie nature/culture, vision prégnante dans les sciences naturelles et sociales des sociétés occidentales. Il dénonce notamment l’ « ethnocentrisme des modernes32 » et la vision d’une nature muette et impersonnelle, génératrice de dispositifs de séparation entre humains et non-humains. Il prône ainsi une vision qui dépasse l’opposition entre nature et culture, afin de s’intéresser aux relations hybrides de ces deux concepts fabriqués par l’ontologie naturaliste, en mettant en avant d’autres approches ontologiques33 dites « cosmologies », chez différents groupes humains. En partant de l’exemple de l’architecture primitive comme manifeste des alternatives de la « cosmologie moderne », Descola dresse le portrait, par le biais de la métaphore de l’architecture, pour envisager un endroit, une pensée, où nature et culture cohabitent : « Quant aux enquêteurs que l’on avait mandés aux quatre coins de la planète pour y décrire des maisons à l’architecture plus primitive et qui s’étaient longtemps efforcés à en dresser l’inventaire à partir du plan type qui leur était familier, voilà qu’ils rapportent toutes sortes d’informations insolites : certaines maisons sont dépourvues d’étage, la nature et la culture y cohabitant sans difficulté dans une seule pièce (…) le macrocosme et le microcosme sont en conversation intime 34 ». Il fait une analogie édifiante entre architecture et cette vision ethnocentrique, pilier du dualisme nature/culture : « Bâti pour durer par les grands architectes de l’âge classique, l’édifice dualiste est certes encore solide, d’autant qu’on le restaure sans relâche avec un savoir-faire éprouvé. Pourtant, ses défauts de structure apparaissent de plus en plus manifestes à ceux qui l’occupent de façon non machinale 35 ». Anthropologie/architecture On peut effectuer un rapprochement entre anthropologie et architecture comme deux disciplines sociales, sciences des systèmes et des relations de l’humain à son milieu. La première étudie la transformation physique de l’environnement par l’humain, tandis que la seconde se l’approprie et l’effectue. Les sciences telles que l’anthropologie ont pour rôle de restituer de manière intelligible la façon dont les organismes s’insèrent dans 30

DESCOLA Philippe, Par delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.

31

Dans le livre L’écologie des autres (Versailles, Ed. Quae, 2011), basé sur des conférences-débats organisées par le groupe Sciences en questions, en 2008, il identifie deux courants d’alternative à l’anthropocentrisme en anthropologie : celle de la l'approche phénoménologique ou « ethnocentrisme inversé » qu’on trouve dans les travaux de Tim Ingold et développée par Maurice Merleau-Ponty, et l’anthropologie symétrique, de Bruno Latour notamment. Descola propose aussi une méthodologie d’« universalisme relatif » pouvant échapper à l’opposition entre nature universelle et cultures relatives.

32

DESCOLA Philippe, op. cit., « Avant propos », p. 14.

33

Il identifie quatre ontologies possibles, en fonction des rapports de l’humain aux non-humains, basés sur un dualisme de leurs « physicalité »/ « intériorité » : « naturalisme », « animisme », « totémisme », et « analogisme ». Ibid., pp. 519-520.

34

DESCOLA Philippe, op. cit,, p. 14.

35 Ibid.

28


le monde, tandis que l’architecture participe à cette insertion. Ainsi, Descola participe à « montrer que l’opposition entre la nature et la culture ne possède pas l’universalité qu’on lui prête ». L’architecture peut-elle s’approprier un tel changement de regard ? La construction de cet espace – au sens physique et figuré – où nature et culture cohabitent, est-elle entre les mains des architectes ? Il s’agit d’un bouleversement dans la vision de l’architecture en tant qu’expression de la culture. Ce changement de paradigme est capable de pénétrer l’architecture telle que nous la concevons, c’est-àdire en tant que discipline intrinsèquement anthropocentrique. Comme Descola parvient à défaire l’anthropologie, intrinsèquement anthropocentrique, de son « dualisme constitutif » nature/culture, on peut imaginer que les architectes peuvent devenir les acteurs de l’« épure d’une nouvelle maison commune plus hospitalière aux cosmologies non modernes ». « Biocentrer » l’architecture En révélant un tel constat, l’anthropologie de Descola constitue l’amorce d’un changement de regard sur le « naturel » et l’ « artificiel ». Cette vision prend son sens dans le contexte de la crise écologique où l’on constate que les changements climatiques provoqués par les activités humaines n’ont pas une origine « naturelle » au sens où l’on entendait ce mot36. Aussi, par le biais de l’écologie, la vision actuelle de la nature est plus dynamique : les actions humaines ne sont pas inévitablement perturbatrices et il ne s’agit plus d’opposer l’humain à la nature mais d’inventer des façons pour l’humain d’« habiter » la nature. L’architecture, sur laquelle repose l’hybridation des milieux naturel et artificiel, participe à ce projet. On notera que de nombreux architectes se sont confrontés à l’intégration de la nature dans leur production. Le biologiste Patrick Blanc est l’inventeur du concept de mur végétal dont le premier est réalisé en 1986 à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris. Dans cette continuité, l’agence d’architecture Lewis et François s’approprie les courants artistiques du « Land art » et de l’ « Arte povera » dans les années 90. Elle prône une disparition de l’architecture qui dépasse sa limite avec le paysage, et tente de construire une relation intime entre la nature et le construit, par l’emploi de matériaux « low tech », et en considérant le végétal comme un élément d’architecture. Aussi, Dominique Rouillard37 note que Yona Friedman est certainement le premier à intégrer l’animal dans la théorie de l’architecture, qu’on retrouve représenté dans les illustrations de « La ville mobile » (1958-60). Il s’agit d’une « grille neutre », surélevée, qui constitue une infrastructure s’adaptant à l’instabilité humaine, comme à la mobilité animale sur le terrain laissé libre en dessous d’elle. Le projet de Friedman est repéré dans l’amorce d’un changement qui s’opère avec la sensibilisation à l’espace partagé. Les écoducs, qui permettent aux animaux de franchir les infrastructures de l’humain, en sont le résultat construit le plus récent. On trouve néanmoins dans cette sensibilisation à l’espace partagé les limites ontologiques de l’architecture intrinsèquement anthropocentrique. Mis en corrélation avec la bio-empathie qui permet d’établir un pied d’égalité entre les sujets vivants, le concept d’espace partagé pourrait établir un changement de paradigme qui permettrait 36

Est « culturel » ce qui est produit par l’action humaine ; est « naturel » ce qui se produit indépendamment de l’action humaine.

37

ROUILLARD Dominique, « L’autre animal de l’architecture », Cahiers thématiques: architecture, histoire, conception, n°11, Décembre 2011, pp. 105-117.

29


de se défaire d’une dichotomie nature/culture et ainsi de « biocentrer » l’architecture. Architecture et biocentrisme Le biocentrisme s’oppose à l’anthropocentrisme comme une conception et une attitude de respect de tout être vivant, humain et non-humain. On peut distinguer le biocentrisme égalitaire, suivant lequel toutes les espèces sont égales, et le biocentrisme sélectif, qui établit des distinctions hiérarchiques entre les espèces38. Ainsi, si on croise cette approche à la conception architecturale, en résulte une architecture qui serait pensée, conçue et construite pour l’humain aussi bien que pour d’autres espèces vivantes, et dépourvue de tout utilitarisme. La culture « biocentrique » naît donc d’une conception et d’une construction de l’espace qui respecte la valeur intrinsèque d’existence des autres espèces vivantes autant que celle de l’humain. Elle permet de se défaire d’une conception ontologique propre aux sociétés « naturalistes » qui séparent l’humain des non-humains. Elle apparaît peut-être dans la continuité de l’intégration du vivant au monde construit. Or, elle exclut notamment le mur végétal, qui satisfait l’effet esthétique d’une « nature idéale » recherchée dans l’architecture. Cette pensée « biocentrique » se veut centrale dans le projet d’architecture. Elle est à la fois l’incubateur d’un changement de paradigme et la contre-culture à l’ontologie naturaliste.

38

GUNNEL Yanni, Écologie et société : Repères pour comprendre les questions d’environnement, Malakoff, Ed. Armand Colin, 2009.

30


1.4 – Écocentrisme comme éthique de projet L’architecture « biocentrique » ne semble pas viable d’un point de vue de la biodiversité et de l’environnement. En effet, le biocentrisme, comme l’anthropocentrisme, reste une approche individualiste des existants. Or, la biodiversité est viable dans des entités supraindividuelles telles que les écosystèmes. Il s’agit d’un système de pensée propre à la classification naturaliste qui identifie les existants en « termes » plutôt qu’en « relations ». Aussi, l’architecture est sujette à cette limite de compréhension du monde. Comme le démontre Pierre Cloquette, « la compréhension des relations entre les artefacts constitue une tache partiellement aveugle pour les discours qui se développent à l’égard de l’architecture, car recouvert par l’explication sociale 39». Il cite Henri Lefebvre pour démontrer ses propos : « Au lieu de déceler les rapports sociaux impliqués dans les espaces, au lieu de se tourner vers la production de l’espace et vers les rapports sociaux inhérents à cette production, on tombe dans le piège de l’espace « en soi » et comme tel : de la spatialité40. ». Ainsi, la question des relations entre artefacts est pauvre en vocabulaire et sous-développée. En passant par le domaine social, ce sont finalement les rapports sociaux qui sont décrits, et non ceux entre artefacts. Aussi, dans les deux cas, l’écocentrisme pourrait constituer un nouveau prisme par lequel on peut évaluer les relations des artefacts, entre eux, et en rapport à l’environnement. Premièrement, l’écocentrisme, comme le biocentrisme, permet d’échapper à la différence ontologique entre l’humain et le non-humain, en considérant la biosphère comme une unité biotique de valeur indifférenciée. Catherine Larrère identifie sa définition dans un texte d’Aldo Leopold : « Une formule la résume : “Une chose est juste lorsqu’elle tend à préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est injuste lorsqu’elle tend à l’inverse.“ (Leopold, 1995, p. 283) 41 ». Appliquer cette éthique environnementale à l’architecture permettrait de considérer l’environnement, naturel et construit, comme un tout. Il s’agirait d’une stratégie écologique et « bio-empathique » permettant de considérer l’ensemble du milieu comme un écosystème42, au sens propre (système naturel) comme au sens métaphorique (système à part entière). Ainsi, il ne s’agirait pas exactement de juger si l’artefact architectural est « juste » ou non vis à vis de la stabilité de la communauté biotique comme vis-à-vis de la stabilité de la ville, mais plutôt d’évaluer les rapports entre artefacts en fonction de la stabilité de la ville-écosystème, à la fois naturel et artificiel. Aussi, l’écocentrisme permettrait d’échapper à la classification naturaliste des existants en « termes » et à l’approche individualiste, par un système de pensée en « relations » qui intégrerait à la fois le naturel et le culturel dans son langage, ses conceptions et ses réalisations.

39

CLOQUETTE Pierre, « Double Trouble. Le pendule et la tache aveugle » in CHANVILLARD Cécile, CLOQUETTE Pierre, PLEITINX Renaud, STILLEMANS Jean (dir.), Pourquoi est-il si difficile de parler d'architecture ?, Louvain-la-Neuve, Éd. Presses universitaires de Louvain, 2014, p.77.

40

LEFEBVRE Henri, La production de l’espace, Paris, Éd. Economica, 1974, p. 108.

41

LARRÈRE Catherine, « Les éthiques environnementales », in Natures Sciences Sociétés, vol.18, 4/2010, pp. 405-413.

42

Cf. RESNICK Mitchel « Thinking Like a Tree (And Other Forms of Ecological Thinking) » in International Journal of Computers for Mathematical Learning, n°8, Septembre 2003, pp. 43-62.

31


Dans le cas du projet Hoikuen Mono no aware, école de l’entomologie à Tokyo, on peut établir une liste de « relations » qui constituent l’amorce de l’approche écocentrique du projet (Fig.11) : 1. Humain-insecte- artefact/ville. 2. Insecte/insecte (commensaux, endémiques). 3. Insecte/architecture. 4. Artefact/artefact. 5. Humain/insecte. 6. Humain/ architecture. 7. Humain/Humain. Ces différentes relations impliquent des flux et des interactions nouvelles qui n’entrent pas dans le vocabulaire architectural conventionnel, d’où l’emploi de néologisme pour décrire certains d’entre eux.

32


1. Homme, insecte, artefact/ville Point de départ du projet : Quels flux ? Quels insectes, quel biotope, quelle architecture ?

2. Insecte/insecte

Quel(s) biotope(s) ? Insectes commensaux/endémiques/du sol

3. Insecte/architecture Flux et vie dans la « sous-architecture »

4. Artefact/artefact

Le rapport du programme de l’école à celui de la gare

5. Humain/insecte

Quelles zones de rencontre ? Comment générer l’entomo-empathie ? Quels dispositifs d’observations

6. Humain/architecture Architecture interactive

7. Humain/humain

Quelles rencontres et quels rapports sociaux ? Enfant/passager Enfant/enfant; Prof/enfant Quel programme pédagogique ?

Figure 11. Stratégie d’écocentrisme et système de relations.


II - L’école « Mono no aware »

2.1 - Potentiel spatial de l’ « entomo-empathie* » L’insecte « sujet », dénué d’anthropocentrisme, implique une notion d’empathie, au sens non affectif du terme. L’ « entomo-empathie » (empathie envers l’insecte), permet à l’homme de « se mettre à la place de » l’insecte. Elle peut s’opérer de trois manières : - Observer et comprendre l’insecte - Penser et construire comme un insecte - Ressentir et percevoir comme un insecte L’insecte « collabore » avec l’homme en tant qu’outil d’apprentissage pour la science et sa pédagogie. Ainsi, des dispositifs d’observation, outils d’entomologistes ou scénographies de musées de l’insecte, sont conçus afin de comprendre l’insecte. Cette compréhension, incitée par l’observation et la mise en scène du génie de l’insecte, constitue l’amorce de l’ « entomo-empathie ». L’insecte « sujet » est aussi de source d’inspiration, notamment dans le biomimétisme* employé en architecture. Ainsi, l’ « entomo-empathie » est utilisée pour « penser comme » un insecte afin de s’inspirer de sa biologie et de son fonctionnement pour construire l’espace. Il s’agit d’une empathie cognitive. Celle-ci permet également d’accorder une existence à l’insecte « sujet » en tant qu’acteur de la construction de l’espace à une échelle plus réduite. Enfin, l’insecte collabore en tant qu’« artiste », en donnant accès à l’homme à la perception de son milieu, échelle inexplorée de l’espace (Fig.12) (Perceptions visuelles, sonores et tactiles). Il s’agit d’une empathie sensorielle, alimentée par un nouveau type d’expériences spatiales qu’on pourra rapprocher du projet « Heart City : The White Suit » de Coop-Himmelb(l)au (Fig.9, p.23), en tant qu’architecture de « sensations ». Ces espaces d’expérimentation sensorielle permettent de « ressentir » voir, entendre, toucher, circuler - comme un insecte. Les différentes approches d’ « entomo-empathie » déployées pour comprendre, penser et construire, et/ou percevoir comme un insecte, sont génératrices d’interactions et d’expériences spatiales nouvelles : mises en scène rhétorique pour observer l’insecte comme dans le parc Micropolis La Cité des insectes dans l’Aveyron (qui scénoraphie une plongée dans l’herbe), étude du comportement de l’insecte « constructeur » pour générer un espace tel que celui du Silk Pavilion du MIT Media Lab (Fig.13, p.34), et expériences spatio-sensorielles donnant accès au monde et à l’échelle de l’insecte devenu « créateur » de l’œuvre tel que dans le pavillon Wunderbugs de l’agence d’architecture OFL. L’ « entomo-empathie » se définit donc à travers des espaces qui mettent en scène et donnent accès au monde perceptif et sensoriel de l’insecte. L’empathie envers l’insecte lui confère une existence valorisée pour servir et enrichir des vocations propres à l’homme : découverte biologique, pédagogie, biomimétisme, création artistique, bio-perception etc. L’insecte y devient « sujet » et acquiert une valeur intrinsèque d’existence.

34


Figure 12. UEXKÜLL Jakob von, Espace visuel d’un insecte volant, 1956, illustration. Uexküll utilise cette illustration pour décrire ce qu’est l’espace visuel qui se dissocie de l’espace tactile pour les animaux porteurs d’yeux : « en raison de la structure sphérique de l’oeil, l’aire du monde extérieur qui rencontre un élément visuel s’élargit au fur et à mesure que s’accroit l’éloignement et que des parties toujours plus étandues du monde extérieur coïncident en un endroit unique. (...) C’est que l’endroit représente le plus petit contenant spatial au sein duquel il n’y aucune différence.» (Source : UEXKÜLL Jakob von, Milieu animal et milieu humain (1956), tr. fr. Charles Martin-Freville, Paris, Ed. Payot & Rivages, 2010, pp.59-60).


Figure 13. Images du film : Mediated Matter Research Group (MIT Media Lab), Silk Pavilion, 2013.

Sur la première image, on peut voir les tests du MIT Media Lab sur des Bombyx Mori tissant leur cocons. Il s’agissait d’identifier si l’environnement de l’insecte pouvait influencer le chemin de son tissage. Dans la seconde image, les vers ont été placés sur la structure du pavillon en fils de soie artificiels. Les vers y ajoutent une deuxième peau de soie en fonction du motif de la toile préexistante.


Figure 14.

« Second appareil d’observation », photographie illustrant : FABRE JeanHenri, « Le Minotaure Typhée. – Second appareil d’observation » in Souvenirs Entomologiques, 1924.

J.H. Fabre se tient devant son second appareil d’observation dont il est l’inventeur, le premier ayant échoué. Il lui permet d’observer la fabrication du nid du couple de Minotaure Typhée, creusant un trou dans le sol jusqu’à atteindre une terre sableuse. Fabre recrée ce milieu souterrain dans un pot de fleur.


Figure 15. Illustration personnelle, Insectes et enfants, 2016.


2.2 - L’école de l’entomologie Comme cité précédemment, Gilles Clément souligne le « réflexe idiot » des enfants qui apprennent à « tuer avant de connaître ». Enfants et insectes entretiennent pourtant des relations exclusives qui « allient amusement et apprentissage de la nature43 » (Fig. 15). Les insectes sont sources de jeux et de découvertes très riches, et ce dans toutes les cultures. Par leur courte durée de vie, elle même découpée en plusieurs stades et métamorphoses, leur observation permet de mesurer l’immense richesse du monde portée dans la « nature ». Il s’agit d’apprendre à comprendre, donner le goût de comprendre, plutôt que d’être effrayé. Le programme de l’école de l’entomologie permet de rendre viable le passage de l’insecte « nuisible » à l’insecte « sujet », en convoquant de dispositifs d’ « entomoempathie » à vertu pédagogique. Il permet d’explorer une cohabitation humain/insecte nouvelle qui apprivoise la nature « indésirable » par l’observation et l’apprentissage. Ce programme permet de traiter l’entomophobie à sa source, et de lui apporter une réponse par l’empathie. L’entomologiste Jean-Henri Fabre (1823-1915) introduit son livre Mœurs des insectes (Ed. Delagrave, 1946) par un retour sur les fables de La Fontaine. Il écrit « L’enfant est le conservateur par excellence. L’usage, les traditions, deviennent indestructibles une fois confiés aux archives de sa mémoire ». Dispositifs d’observation Les instruments optiques sont des outils d’observation des insectes utilisés par les entomologistes professionnels ou amateurs, mais aussi par les enfants comme des jeux. Il s’agit de petits appareils ou de pièges qui permettent de recréer le milieu d’un insecte et de l’observer de plus près. Ils ont pour caractéristique d’être souvent rustiques, bricolés avec des matériaux « pauvres », et possèdent généralement un élément qui permet leur observation tel qu’une façade en verre ou un orifice transparent. La ruche d’observation avec sa paroi de verre, permet d’observer les abeilles en train de travailler. On peut ainsi émettre une corrélation entre ces outils d’observation des insectes et l’architecture en tant qu’instruments optiques ou objets « architecturés ». En effet, les appareils et les pièges à insectes possèdent des qualités spatiales, en termes de formes, matériaux et structures, transcriptibles en architecture. Les appareils d’observation sont conçus et utilisés par les entomologistes afin d’observer les insectes et comprendre leur comportement et leurs processus vitaux. Jean-Henri Fabre, considéré comme l’un des précurseurs de l’éthologie et qualifié d’« inimitable observateur » par Charles Darwin44, a conçu de nombreux appareils d’observation à insectes, le plus souvent rustiques, en particulier lorsqu’il se trouvait face à une difficulté d’observation, dans le cas par exemple d’insectes lucifuges* ou souterrains. Ainsi, il met au point un appareil d’observation45 (Fig.14, p.35) afin de comprendre le processus de construction à la verticale du terrier du couple (femelle et mâle) du coléoptère Minotaure

43

MOTTE-FLORAC Elisabeth, « Introduction », in M.C. THOMAS Jacqueline, MOTTE-FLORAC Elisabeth (dir.), Les insectes dans la tradition orale, Louvain, Peeters, 2004.

44

Fabre, jugeant plus par l’expérience que par la théorie, s’est néanmoins opposé au transformisme et à la théorie de l’évolution de Darwin, avec qui il entretenait une correspondance respectueuse.

45

FABRE Jean-Henri, « Le Minotaure Typhée. – Premier appareil d’observation » in Souvenirs Entomologiques. Étude sur l’instinct et les mœurs et des insectes, vol. 10, Paris, Ed. Delagrave, 1924.

39


Typhée. Il s’agit d’un insecte souterrain qui creuse à la verticale son terrier pour la ponte de ses œufs dans une terre sablonneuse profonde. Afin de ne pas perturber la construction par l’observation, Fabre crée un milieu artificiel à l’aide d’un tube en verre d’un mètre de long environ. Le tube forme un puit planté dans un pot de terre. L’embouchure accueille une terrine percée et le tube est rempli d’un mélange de sable et de terre correspondant au milieu de l’insecte. Il le décrit en empruntant un vocabulaire propre à l’architecture : « La cavité du prisme mesure un décimètre de côté. Le bout inférieur est fermé ; le bout supérieur est libre et porte une corniche sur laquelle repose le large plateau. La colonne creuse remplit de terre sablonneuse fraîche, convenablement tassée. Le plateau lui-même en reçoit une couche d’un travers de doigt46. ». Pièges à insectes Des pièges à insectes, souvent destinés aux enfants, tirent leur inspiration des appareils d’observation d’entomologistes cités précédemment. De même que les outils d’entomologistes, ils peuvent être construits avec des matériaux accessibles et ont pour but de recréer le biotope de l’insecte afin d’observer l’insecte vivant. Des manuels d’enfance sous forme de carnets de terrain47 décrivent la construction de ces pièges ludiques. Leur description emploie une représentation d’architecture en coupe ou en plan, tel qu’on peut le voir dans la description de l’appareil de Berlese48 (Fig.16) permettant l’observation de la faune de la couche d’humus, constitué d’une lampe, d’un entonnoir et d’un bocal. La lampe permet de chauffer les débris récupérés dans l’entonnoir. Les insectes vivants dans la couche d’humus récupérée s’enfoncent dans la terre pour fuir la chaleur et la lumière de la lampe, et tombent dans le bocal dans lequel l’enfant va pouvoir les observer. De même, l’éclosoir pour bois mort49 (Fig.16, 17) permet d’observer les insectes adultes dont les larves vivent au cœur du bois mort. Une fois adulte, l’insecte attiré par la lumière naturelle sort par le bocal de verre encastré dans une boîte obscure dans laquelle sa larve a éclos. Ces dispositifs ludiques témoignent d’un rapport exclusif entre l’enfant et l’insecte. De même que les hôtels à insectes, ces instruments optiques ont une vertu pédagogique. Ils incitent l’enfant à construire, à observer et à comprendre et stimulent sa curiosité. L’insecte devient « pédagogue » en donnant accès à son observateur au monde vivant et dynamique de la nature. En l’observant « vivre » dans son milieu, l’enfant peut développer une certaine « empathie » pour l’insecte, en s’identifiant au petit animal. Malgré tout, le terme de « piège » trouve aussi ses limites en tant qu’instrument de « torture ». Il place l’enfant en observateur mais aussi en manipulateur. Architecture et insectes comme outils pédagogiques Les instruments optiques, qu’il s’agisse d’appareils d’observation scientifique ou de pièges à insectes ludiques, attribuent une vertu pédagogique à l’insecte. L’insecte se fait comprendre par lui même, dans son observation scénographiée par l’humain. Il « collabore » avec l’humain en tant qu’outil pédagogique, pour la connaissance de sa

46 Ibid. 47

ALBOUY Vincent, Insectes, Toulouse, Editions Milan, 2012.

48 Ibid. 49 Ibid.

40


Figure 16. « 4. L’écloisoir pour bois mort » et « 5. L’appareil de Berlese ». Schémas personnels repris du livre : ALBOUY Vincent, Insectes, 2012.


propre biologie et de son comportement, mais aussi en tant qu’objet de curiosité. Il incarne un tremplin vers un monde inconnu, comme le décrit Jean-Henri Fabre à propos du Minotaure Typhée : « Lui (le Minotaure Typhée), d’une richesse inouïe un instinct, mœurs et structures, nous révèle un monde nouveau, comme si nous avions colloque avec les naturels d’une autre planète50. ». Enfin, l’insecte « pédagogue » est le symbole d’une nature qu’on souhaite faire connaître et protéger. Cette vertu pédagogique est aussi centrale dans les espaces intérieurs d’observation décrits précédemment. Les lieux d’exposition du génie de l’insecte, agrémentés de vivariums et d’autres instruments optiques, ont en commun de créer un lien entre savoirs entomologiques et le grand public, entre monde humain et monde des insectes. Ce lien se construit notamment par l’espace, soit dans une mise en scène interactive telle que celle du parc Micropolis, soit de manière plus « silencieuse » et symbolique dans un lieu stratégique tel que la Maison des insectes à Carrières-sous-Poissy (2017).

50

FABRE Jean-Henri, « Le Minotaure Typhée » in Souvenirs Entomologiques. Étude sur l’instinct et les mœurs et des insectes, vol. 10, Paris, Ed. Delagrave, 1924.

42


Figure 17. Illustration personnelle, L’Êcloisoir pour bois mort, 2016.


2.3 - Insectes et Japon : « Mono no aware » Dans le poème Haiku traditionnel, les insectes symbolisent le changement de saison. Le poète Kobayashi Issa écrit : Cicada d’automne Plat sur son dos, Pépie son dernier chant. Le concept spirituel et esthétique japonais « Mono no aware », qu’on peut traduire par « Empathie envers les choses » ou « Sensibilité pour le caractère éphémère » est intrinsèquement lié au monde des insectes. Il témoigne de l’appréciation japonaise pour le caractère fragile, imprévisible et éphémère de la nature, et pour leur appréciation méticuleuse du « petit » et du détail, en opposition à l’appréciation occidentale pour l’ « éternel » et pour le grand et monumental « paysage ». Aussi, le Japon entretient un rapport plus « empathique » avec la nature, particulièrement avec les insectes. Ce rapport vient à la fois de l’héritage d’une tradition animiste issue du Taoïsme, qui conçoit l’intériorité de l’insecte, mais avant tout de la situation géographique du pays, où le risque de catastrophe naturelle imprègne la culture. On peut trouver l’empreinte de ce risque à tous les niveaux de la culture traditionnelle, dont l’architecture faite de matériaux et d’éléments « fragiles » tels les portes Shoji en papier. Au printemps, la floraison des cerisiers « Sakura », courte d’une semaine, n’est pas tant appréciée pour la beauté des fleurs que pour la beauté du caractère éphémère de l’événement et de ce qu’il transmet : le changement de saison. Toutes les fêtes traditionnelles sont tournées vers la nature et la contemplation du changement des saisons, à laquelle les insectes sont associés, comme la célèbre fête des lucioles. Le chant des cigales, symbole de l’été, qu’on peut toujours entendre dans le centre de Tokyo, y est perçu comme un langage (selon une étude de neuroscience japonaise51). Aujourd’hui, les tokyoites témoignent d’une réelle nostalgie des lucioles (Fig. 18), symboles du pays, et d’une nostalgie du « Satoyama », forme paysagère ultime de l’harmonie totale entre nature et humains52. Les Souvenirs entomologistes de Jean-Henri Fabre, traduits en japonais, sont étudiés à l’école primaire, où on sollicite les enfants à capturer des insectes dans la cour de récréation ; et il est courant de trouver des insectes d’agrément dans les magasins de jeux pour enfant. De ce fait, il paraît viable d’effectuer un travail pour apprivoiser l’entomophobie et générer l’empathie, déjà présente dans la tradition, mais peut-être délaissée par l’urbanisation massive. Il paraît intéressant de mettre en avant cette conception esthétique à travers l’espace, spécifiquement un espace urbain dense et aseptisé tel que la ville de Tokyo. Dans une école, il s’agirait de donner à voir un évènement exceptionnel dans la nature, de capturer des micro-évènements de « Mono no aware » et d’en faire l’éloge au sein d’un programme pédagogique spécialisé. Il s’agit d’adapter le concept de « Mono no aware » à la nature « indésirable » pré-existante dans l’espace construit de la ville.

51

Étude réalisée par le neurobiologiste Tadanobu Tsunoda au cours des années 1970.

52

GUERRINI Bernard, Naturopolis : Tokyo, Arte, 2013, 49 min.

44


Figure 18. Utagawa Kuniyoshi, En attrapant les lucioles, 1840.


2.4 - Éloge de l’incontrôlé Le rapport empathique avec la nature « indésirable » se place en opposition avec la vision de l’architecture en tant qu’outil de contrôle sur la « nature ». Les notions de « biocentrisme » et d’ « entomo-empathie » permettent à l’architecture de s’affranchir de sa volonté de contrôle sur la nature et de remettre en question cette définition. Aussi, l’association avec la culture traditionnelle japonaise se voit répondre à cette acceptation de l’ « incontrôlé », en opposition à certaines formes dominantes de modernisme issues du XXe siècle, incarnées dans le site du projet : Shinjuku West Exit Plaza. La place souterraine de Shinjuku incarne un urbanisme de dalle propre au modernisme. Elle est, à l’échelle de l’automobile plutôt qu’à celle de l’humain, ultrafonctionnelle. Dessinée comme un objet « liant » plusieurs entités urbaines préexistantes (notamment la gare avec le centre d’affaire Nishi Shinjuku), la place s’implante dans le souterrain de la ville afin de maîtriser les flux immenses des quelques 4 millions de passagers journaliers de la gare. Malgré cet indispensable et abouti contrôle des flux humains, la forme plus libre des rampes et des cheminées de ventilation de la place (Fig.19) témoigne d’une volonté d’organicisme propre à la tradition japonaise, au cœur de cette architecture fonctionnaliste. L’approche du projet de l’école de l’entomologie s’oppose à la domestication et au contrôle de la nature. Dans la continuité du concept de « Mono no aware », l’empreint du concept esthétique japonais de « Wabi-Sabi » prolonge cette intention dans la construction de l’espace de l’école : « Wabi-Sabi est une beauté des choses imparfaites, impermanentes et incomplètes. C’est une beauté des choses modestes et humbles. C’est une beauté des choses inconventionnelles53. » Le concept de « Wabi-Sabi » apporte une réponse à l’urbanisme fonctionnaliste de la place, en désaccord avec les intentions du projet. Il met en avant les limites du modernisme face à l’imprévisibilité du monde dans lequel il opère. Tandis que le modernisme exprime un « idéal rationnel » de contrôle absolu et universel sur la nature, le « Wabi-Sabi » accepte le caractère incontrôlable fondamental de la nature, et magnifie son imprévisibilité. Aussi, alors que le modernisme est associé à la froideur de l’ordre incarné par l’emploi massif de béton, le « Wabi-Sabi » est associé à la chaleur du bois et à l’appréciation du désordre. Malgré tout, l’idéal moderniste comme celui de « WabiSabi » ne sont pas incompatibles. Ils se croisent dans leur volonté de s’affranchir de toute forme « superflue », pensée minimaliste propre à la tradition japonaise. Or, le modernisme souhaite s’affranchir des formes immatérielles superflues par le biais du fonctionnalisme, tandis que le « Wabi-Sabi » souhaite s’affranchir des formes matérielles superflues en acceptant le non-fonctionnalisme. Cette architecture où la nature est « incontrôlée » et « imprévisible » fait écho aux caractéristiques de la « sous-architecture » définie précédemment. L’ « incontrôlé », recherché à travers le biocentrisme, existe finalement déjà par la « sous-architecture », lieu de vie imprévisible d’une partie de la nature au sein de l’architecture. La question que pose cette architecture est la suivante : Comment anticiper l’ « incontrôlé » ? Où se situe l’équilibre entre contrôle et biocentrisme ? 53

Traduction personnelle « Wabi-Sabi is a beauty of things imperfect, impermanent, and incomplete. It is a beauty of things modest and humble. It is a beauty of things unconventional ». Source : Koren Leonard, Wabi-Sabi for Artists, Designers, Poets & Philosophers, Imperfect Publishing, Point Reyes (USA), 1994, 2008.

46


Figure 19. Gare centrale des autobus et rampes d’accès des voitures au parking (deuxième sous-sol) relié à la voie souterraine (premier sous-sol) conduisant au centre d’affaire, photographie, 1968. Source: « Nouveau centre de Shinjuku à Tokyo : J. Sakakura, associés architectes » in L’Architecture d’aujourd’hui, n°136, fév.-mar. 1968.


III - L’espace souterrain à Tokyo

3.1 - L’espace phobique et Tokyo infra-ordinaire Le monde des insectes et le monde souterrain se croisent dans l’imaginaire collectif. Il s’agit de deux objets « phobiques », cachés et obscurs. Dans les cercles de l’Enfer (Fig.20) décrits par Dante dans La Divine Comédie (1321,1555), les insectes, qui piquent à sang, sont associés à la descente aux enfers en sous-sol. Comme le monde des insectes, le monde souterrain appelle à de très fortes considérations philosophiques dans notre conception de l’espace et de la ville, et le rapport au sol nous amène à une nouvelle considération ontologique de l’espace voire à un changement de paradigme. Depuis les années 1980, Dominique Perrault s’est consacré à l’étude de ce qu’il nomme le « Groundscape », paysage du sous-sol dépourvue de toute connotation négative. Au delà de l’urbanisme souterrain visionnaire d’Édouard Utudjian et des recherches du Groupe d’études et de coordination de l’urbanisme souterrain (GECUS), le « Groundscape » place l’intelligence de l’architecture au centre de la pensée de l’espace souterrain. Comme les insectes, le monde souterrain suscite une phobie et révèle un paradoxe ontologique : « Il y a là un paradoxe, car le souterrain est habituellement plutôt le domaine de l’obscur, le lieu de désenchantement qui suscite l’inquiétude, la part de l’ombre, celle du rejet des rebuts, un domaine caché de la ville (…) le sol reste quelque chose d’étanche, quelque chose de lourd, de dense, d’impénétrable54. » ; « Il faut parvenir à accepter un véritable changement de paradigme, un déplacement qui non seulement touche une dimension identitaire et ontologique de l’architecture, mais impose aussi une recomposition de toute la logique du projet55. » Espaces cachés L’espace souterrain et la « sous-architecture » - deux espaces « sous » qui échappent à notre perception -se croisent dans leur définition d’espaces de service, techniques, cachés car « moches », négligés car jugées peu « nobles ». La volonté de donner à voir la « sous-architecture » épouse la volonté de penser l’espace souterrain : « En créant pour ce sol un nouveau type de paysage, un paysage verticalisé, on va révéler des lieux qui existent : des infrastructures, des ensembles complexes, des circulations, des conduites d’eau, des systèmes de transport, des parkings, des fondations, des sites archéologiques, auxquels on va donner une nouvelle présence afin qu’ils apparaissent dans l’horizon de nos perceptions urbaines ». Il s’agit là d’associer une perception de l’espace caché avec une perception de la vie cachée de cet espace. Tokyo infra-ordinaire Le troisième et dernier récit met en corrélation l’objet « phobique » des insectes avec l’espace souterrain, l’insecte vivant avec le biotope du sol. Il associe l’intention première aux développements en souterrain qui répondent au problème de densité à Tokyo, à travers

54

PERRAULT Dominique, Groundscapes : autres topographies, Orléans, Éditions Hyx, 2016.

55

PERRAULT Dominique, op. cit., p. 152.

48


Figure 20. BOTICELLI Sandro, La carte de l’Enfer, (d’après le royaume souterrain dépeint par Dante Alighieri), XVe siècle.


Tertiaire (bureaux, hôtels)

Centre commercial + gare

Souterrain : métro + galeries commerciales

Parking souterrain

EKI-BIRU

(Bâtiment-gare)

Figure 21. Programmes de l’Eki-Biru (bâtiment-gare). Diagramme personnel.

50


les biotopes des sols artificiels et naturels existants dans la gare de Shinjuku. Jacques Roubaud explore la ligne Yamanote dans «Tokyo infra-ordinaire» (2003) avec une méthodologie de « poème de métro » qui emploie une métrique indistincte du trajet de la ligne. L’unité poétique se répète autant de fois que le métro ne s’arrête; à chaque arrêt on note un vers composé entre deux stations. Par le texte, se superposent le parcours subjectif de l’auteur (la prose) et le parcours normé et robotisé imposé par la rame de métro en marche (la syntaxe). À travers cet exercice auquel il se prête avec plaisir, l’auteur tente de saisir ce « sentiment des choses » ou « Mono no aware » qu’il avait aussi tenté de retranscrire trente ans plus tôt56. Cette fois-ci on veut capturer l’essence des choses dans un environnement tout à fait aseptisé. Lors de son trajet dans le métro tokyoïte, une coccinelle vient se poser sur son épaule à l’intérieur de la rame. Cet événement « infra-ordinaire », qui cherche à saisir le fantastique de l’« ordinaire », fait écho aux évènements de « Mono no aware » capturés dans l’école de l’entomologie. Il montre que le sous-sol de Tokyo est doté d’une forte potentialité d’imaginaire et d’histoires à raconter, qui sera mise au service de la pédagogie de l’école. Le projet d’architecture de l’école répond à la fois à l’entomophobie et à la phobie du souterrain, en convoquant l’imaginaire et la sensibilité propres à la culture traditionnelle japonaise.

3.2 – Shinjuku : ville dense, biome riche L’entomophobie est un phénomène qui s’est accentué par l’urbanisation. En effet, la ville n’est pas considérée comme un milieu de vie pour d’autres animaux que ceux, désirés (Blanc, 2000). Aussi, il est plus intéressant de questionner cette phobie dans un contexte à forte densité urbaine. Premièrement, l’entomophobie est susceptible d’y être plus marquée qu’à la campagne. De plus, les villes, avec le réchauffement climatique, vont être de plus en plus exposées aux risques d’invasions d’insectes. Le milieu urbain, plus chaud que le rural, et moins soumis aux produits chimiques, est, de plus en plus, un milieu de vie idéal pour certaines espèces synanthropiques. Tokyo, qui comptent aujourd’hui 42 794 714 habitants, est l’une des plus grandes aires urbaines du monde, et aussi une des moins « vertes ». On peut imaginer que le biome des intérieurs y est particulièrement riche. Tokyo s’est depuis longtemps développée en souterrain. Les développements dans le sol permettent de répondre à la fois au problème de densité et au problème de risques sismiques. La ville s’est étalée horizontalement en quartiers résidentiels avec la demande croissante de maisons individuelles, espacées par des « dents creuses » à cause des risques sismiques. Puis, pour répondre à l’expansion démographique et au problème de densité, elle s’est grandie verticalement. Des gratte-ciels ont été construits autour des grandes gares, comme dans le quartier d’affaire de Nishi Shinjuku ; et la typologie de l’Eki-biru (bâtiment-gare) est apparue. Tokyo est une ville « modelée par le rail57 » qui s’est densifiée poly-centriquement autour des grandes gares. Depuis l’explosion de la valeur du foncier dans les années 1970, l’état japonais n’intervient que très peu dans

56

ROUBAUD Jacques, Mono no aware : Le sentiment des choses, Paris, Gallimard, 1970.

57

Géo confluences, AVELINE Natacha, Des villes en métropoles : Tôkyô, métropole japonaise en mouvement perpétuel, publié le 20.09.2006. Consulté le : 15.01.2017. Disponible à l’adresse : http:// geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/urb1/MetropScient3.htm.

51


Nishi-Shinjuku Station

Shinjuku Ward Office

Seiji Togo Memorial Sompo Japan Nipponkoa Museum of Art

Grand magasin Isetan

Odakyu Department Store

Shopping mall Lumine Shinjuku East

Cinema Grand magasin

Shinjuku-sanchome Station

Bank Mitsubishi

Tochomae Station

Post office

Keio Department Store

Hyakujushi Bank Theater Lumine the Yoshimoto

Tokyo Metropolitan Government Building Shinjuku Chuo Park Shopping mall Lumine Shinjuku 1

Shinjukugyoen-Mae Station

Shinjuku NS Building

Post office

Bank of Tokyo-Mitsubishi UFJ Shopping Mall

Shinjuku Gyoen Park

JR Tōkyō General Hospital

Plan quartier Shinjuku Station

Figure 22. Quartier de Shinjuku, étendue du rhizome souterrain, Situation du projet


Figure 23. Tokyo Plateform, Exhibition model of subterranean circulations of Shinjuku Station, Shinjuku Station West-Exit Underground Plaza, 2016.


les aménagements urbains. Ce sont les compagnies ferroviaires privées, parfois dans le cadre de partenariats public/privé, qui investissent dans les grands projets urbains de la ville. Aussi, plusieurs architectes ont émis l’hypothèse d’une troisième figure de développement vertical : « vers le bas », notamment à travers le concept de « Geo-space58 », ville souterraine de services et de réseaux qui libère l’espace de la ville « aérienne ». La typologie de l’Eki-biru est la zone de rencontre entre la ville souterraine et la ville de surface. Elle peut se diviser en trois strates programmatiques : la gare souterraine liée aux réseaux de métro, le bâtiment supérieur, centre commercial dont le rez-de-chaussée est lié à l’espace public de la ville, et, au dessus, le « gratte-ciel », composé de programme tertiaire (bureaux et hôtels) (Fig.21). La gare de Shinjuku est aujourd’hui la gare la plus fréquentée au monde, avec presque 4 millions de passagers journaliers. Elle est constituée d’un immense « rhizome » souterrain (Fig.22, 23), liant le bâtiment principal de la gare à près de 200 sorties en surface. Le projet de la « Shinjuku West Exit Plaza », conçu par Junzo Sakakura en 1964, permet de lier à la fois verticalement et horizontalement la gare au quartier de Shinjuku. La place « West », grâce à une série de circulations verticales - automobiles et piétonnes, est l’objet qui lie verticalement l’espace souterrain à la surface. Le sol naturel est réservé à l’automobile tandis que la place souterraine est destinée au piéton. Elle se prolonge en galeries souterraines qui lient la gare au centre d’affaire Nishi Shinjuku, dont le bâtiment emblématique du siège du gouvernement métropolitain de Tokyo de Kenzo Tange. On peut imaginer, dans ce contexte, que les souterrains destinés à l’automobile dans la Shinjuku West Exit Plaza – le parking et les rampes - sont enclins à devenir obsolètes avec l’avènement des nouvelles mobilités et le déclin de la voiture individuelle.

3.3 - Désir de sol(s) et fenêtre géologique Désir de sol Les umetatechi sont les remblais côtiers sur lesquels la ville de Tokyo a construit au moins 10% de son territoire59. Originellement destiné à l’activité industrialo-portuaire, le rivage qui avait disparu de la ville car « inaccessible ou interdit (...) refoulé aux marges de la ville et de l’urbanité60 » regagne de l’intérêt auprès des tokyoïtes. On prolonge la ville sur l’eau, inspiré par le projet de Kenzo Tange (1960). Aujourd’hui, Tadao Ando mène le projet, financé par les habitants, d’une île artificielle sur laquelle une forêt va se développer au dessus d’une décharge publique. Les sols artificiels gagnés sur l’eau de la Baie de Tokyo, accompagnés d’une végétalisation des toits imposée par une nouvelle loi, témoignent d’un réel « désir de sol » des tokyoïtes, et plus encore, d’un désir de sol « naturel », aussi témoin d’une nostalgie du « Satoyama » de l’époque d’Edo (paysage traditionnel dans lequel ville et nature s’harmonisent). Pour la première fois en 2015, l’ONU célèbre l’année internationale du « Global Soil », sol naturel en voie de disparition. L’événement souligne toute l’importance de préserver ce sol, sans lequel l’humain ne peut survivre, et qui, au même titre que l’insecte et l’espace souterrain, avait été 58

GOLANY Gideon S., OJINA Toshio, Geo-space urban design, New York, Ed. John Wiley & Sons, 1996.

59

SCOCCIMARRO Rémi, « Faire, défaire, refaire la ville : les avancées sur la mer », Japon pluriel 6. Actes du sixième colloque de la Société française des études japonaises, Arles, Éditions Philippe Picquier, 2006.

60 Ibid.

54


jusqu’alors négligé car méconnu, notamment au sein du projet d’architecture : « Ainsi répondait Bernardo Secchi aux avatars d’une pratique professionnelle trop encline à traiter les questions d’articulation et de qualification des villes par des objets autonomes d’une part, et par une approche codifiée, normalisée et universelle des fonctions urbaines d’autre part. Théorisée et appliquée par le modernisme, puis paradoxalement reprise par le courant post-moderne, cette approche aurait contribué selon le grand urbaniste Italien à la perte des qualités fondamentales de continuité, de connectivité et d’identité du sol au sein d’un projet urbain. Celui-ci aurait ainsi renoncé à s’occuper de la définition pour ainsi dire grammaticale, compositionnelle ou sérielle des superficies destinées à accueillir le projet architectural61.» On peut imaginer que ce désir de sol tokyoïte peut trouver une réponse « dans » le sol même de la ville. La profondeur du programme en souterrain prend alors son sens. Il s’agit de « réactiver » la vie du sol urbain, par la métonymie de l’insecte « sujet » : connecter la vie du sol naturel (espèces d’insectes endémiques) et la vie du sol artificiel (espèces d’insectes synanthropiques). Le sol est le biotope par lequel le projet architectural se développe. Il permet de s’affranchir d’une conception individualisante des artefacts, puisqu’il oblige à penser l’espace comme un système vivant. Les regards portés sur ces sols en tant que biotopes, constituent les éléments du programme : école de l’entomologie et parcours dans la « sous-architecture » (sols artificiels), et grande fenêtre géologique au sein de la place publique (sol naturel) qui donnerait à voir l’étendue des couches géologiques disparues sous le béton (Fig.24, 25). Approche écocentrique du sol L’inscription dans le sol nous oblige à nous confronter à la réalité géographique. L’architectonique décrite par Perrault, prône une vision holistique de l’architecture comme un système de réseaux en mutation, une matière vivante : « L’architectonique est la prise en compte d’une infrastructure dans son ensemble comme organisation active62 » ; « L’architecture résout des tensions, elle intervient in vivo dans les tissus de la ville pour réactiver en permanence toutes les strates qui ont sédimenté la complexité de la substance urbaine, comme une matière vivante63 ». Il décrit en lien avec ce discours la méthodologie employée pour construire le projet enterré du vélodrome et de la piscine olympique de Berlin (1992-1999) : « La technique employée des pieux sécants, par injection d’un béton épousant les couches géologiques, permettrait de contingenter la terre et, par la même, de l’utiliser comme une composante dynamique du projet64 ».

61

« LE SOL DES VILLES – RESSOURCE ET PROJET, Journée d’étude à l’occasion de l’année internationale des sols », Genève, 2015, suite à la publication : MANTZIARAS Panos, VIGANÒ Paola (dir.), Le sol des villes. Ressource et projet, Collection: vuesDensemble Essais, Genève, Éditions MétisPresses, 2016.

62

Ibid., p.42.

63

Ibid., p.49.

64

PERRAULT Dominique, op. cit., p. 153.

55


Figure 24. Coupe géologique de Tokyo Bay, GSF MAP, 1987.


20 15

0 (m) Sea level

0 (m)

3000

Shinjuku sta.

Figure 25. Diagramme personnel. Situation gĂŠologique de la gare de Shinjuku.


3.4 - Architecture-lombric

La métaphore de l’ « architecture-lombric » permet de faire une synthèse du discours que le projet aspire à transmettre. Elle réunit l’image de l’insecte « sujet » à travers le « lombric », l’importance de la considération du sol, et la capacité de l’architecture à produire de l’environnement et de nouveaux biotopes. Les lombriciens, communément appelés « vers de terre », représentent la majeure partie de la faune anécique. Ces animaux aveugles sont les seuls êtres vivants capables d’ingérer, de digérer, de mélanger et de modeler la matière minérale (argile) avec la matière organique (humus) des sols, responsables de la création de la terre. Ils possèdent la tâche quasi exclusive de la fertilisation du sol qui permet à l’écosystème aérien de continuer à vivre (Fig.) : « Leur travail du sol a structuré de façon colossale, constante et subtile la partie invisible à l’œil humain des écosystèmes émergés : le sol65. ». Leur service rendu à l’humain est aujourd’hui reconnu par l’installation de « lombriducs », petites architectures destinées à créer des passages dits « écologiques » à travers des infrastructures humaines faisant barrage à la circulation des lombrics. Encore au stade expérimental, deux lombriducs ont été installés en 2008 dans le parc de la Citadelle de Lille. L’image d’une « architecture-lombric » est ici convoquée pour identifier une architecture qui opère, à la manière du tube digestif du lombric, en mélangeant des matières vivantes et des matières « mortes », des matières minérales et des matières organiques, des matières artificielles et des matières naturelles. Celle-ci, en s’affranchissant du fantasme moderne de la stérilisation de l’espace urbain, reconnaît en elle cette transformation de l’environnement et accepte sa non-séparation de la « nature » indifférenciée. Elle assume de briser la frontière entre « naturel » et « artificiel ». Cette considération pour un environnement urbain vivant et continu, système de relations riche en interactions humain/non-humain et dénué de la dichotomie naturel/artificiel, est pour moi un premier pas dans la « renaissance » ontologique. L’architecture, produit de « culture », s’affranchit ontologiquement de sa séparation de « nature », pour reconnaître sa capacité à produire de l’environnement et la rendre qualitative.

65

BOUCHÉ B. Marcel, Des vers de terre et des hommes. Découvrir nos écosystèmes fonctionnant à l’énergie solaire, Arles, Actes Sud, 2014, p.26.

58


Figure 26. Anatomie interne d’un vers de terre.

59


Bibliographie*

Imaginaire de l’insecte • • • • • • • • • • • •

CAILLOIS Roger, La mante religieuse : recherche sur la nature et la signification du mythe, Aux amis du livre, Paris, 1937. DELEUZE Gilles, GUATTARI Félix, Kafka : Toward a Minor Literature, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1986. DIDI-UBERMAN Georges, Survivance des Lucioles, Paris, Les Éditions de Minuit, 2009. DROUIN Jean Marc, Philosophie de l’Insecte, Paris, Éd. du Seuil, 2014. HEARN Lafcadio (1850-1904), Insectes (tr. française par Anne-Sylvie Homassel, Marc Logé et Joseph de Smet), les Éditions du Sonneur, Paris, 2016. HEARN Lafcadio (1850-1904), Insect Literature, The Swan River Press, Dublin, 2015. HOGUE Charles, “Cultural Entomology”, Annual Review of Entomology (Palo Alto), n°32, Janvier 1987, pp.181–199. HOLLINGWORTH Cristopher, Poetics of the Hive. Insect Metaphor in Literature, Iowa City, University of Iowa Press, 2001. KAFKA Franz, La métamorphose (tr. fr., Alexandre Vialatte), Paris, Gallimard, 1938. (Première édition : Leipzig, Kurt Wolff Verlag, 1915). RAMIREZ Juan Antonio, The beehive metaphor. From Gaudi to Le Corbusier (tr. ang., A. R. Tulloch), Londres, Reaktion, 2000. ROUBAUD Jacques, Mono no Aware : le sentiment des choses : cent quarante-trois poèmes empruntés au japonais, Gallimard, Paris, 1970. SIGANOS André, Les Mythologies de l’insecte, Paris, Librairie des Méridiens, 1985.

Essais entomologiques / biologiques • • • • • • •

ALBOUY Vincent, Guides des petites bêtes des villes et des jardins, Grenoble, Éd. Belin, 2013. ALBOUY Vincent, Plantes et insectes : des relations durables, Grenoble, Éd. Glénat, 2014. BOUCHÉ B. Marcel, Des vers de terre et des hommes. Découvrir nos écosystèmes fonctionnant à l’énergie solaire, Arles, Actes Sud, 2014. FABRE Jean-Henri, Souvenirs Entomologiques. Etude sur l’instinct et les mœurs et des insectes, vol. 11, Paris, Éd. Delagrave, 1924. FABRE Jean-Henri, Mœurs des Insectes, Paris, Éd. Delagrave, 1946. UEXKÜLL Jacob von, Mondes animaux et monde humain, Hambourg, Éd. Gonthier, 1956. SAUVION Nicolas, CALATAYUD Paul-André, THIÉRY Denis, MARION-POLL Frédéric (Éditeurs scientifiques), Interactions insectes-plantes, Versailles, Éd. Quae, 2013.

*Les différents ouvrages, revues, documents internet etc., sont classés par thèmes, eux mêmes classés par ordre d’occurrence selon la recherche, puis par ordre alphabétique au sein des différents thèmes.

60


Entomologie des intérieurs •

BERTONE Matthew A., LEONG Misha, BAYLESS Keith M., MALOW Tara L.F., TRAUTWEIN Michelle D., Arthropods of the great indoors: characterizing diversity inside urban and suburban homes, 19.01.2016. Consulté le : 23.05.2016. Disponible à l’adresse : https://peerj.com/articles/1582/ Evolution of the indoor biome, in Trends in Ecology & Evolution, April 2015, Vol. 30, No. 4 2, CellPress, pp. 223-232. Consulté le 17.10.2016. Disponible à l’adresse : http://ljanemartin.com/pdfs/Martin%20et%20al.%202015%20TREE.pdf. YONG Ed, American Homes Are Filled With Bugs, 2016. Consulté le : 25.05.2016. Disponible à l’adresse : http://www.theatlantic.com/science/archive/2016/01/thebugs-of-the-american-home/424584/.

Anthropologie / Ethnoentomologie • • •

• • •

BLANC Nathalie, Les animaux et la ville, Paris, O. Jacob, 2000. DESCOLA Philippe, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005. CESARD Nicolas Césard, MOURET Hugues et VAISSIÈRE Bernard, Des hôtels à abeilles urbains et citoyens, consulté le 24.11.15. Disponible à l’adresse : http:// www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i175-cesard-et-al.pdf. LAMY Michel, Les insectes et les hommes, Paris, Albin Michel Sciences, 1997. M.C. THOMAS Jacqueline, MOTTE-FLORAC Elisabeth (dir.), Les insectes dans la tradition orale, Louvain, Peeters, 2004. RAFFLES Hugues, Insectopédie (tr. française par Matthieu Dumont), Éditions Wildproject, Marseille, 2016.

Monde souterrain / urbanisme souterrain • • • • • •

61

PERRAULT Dominique, Groundscapes : autres topographies, Orléans, Éditions Hyx, 2016. TERRIN Jean-Jacques, Le monde souterrain, Paris, Éditions Hazan, 2008. GOLANY Gideon S., OJINA Toshio, Geo-space urban design, New York, Ed. John Wiley & Sons, 1996. UTUDJIAN Édouard, L’urbanisme souterrain, Paris, Presses universitaires de France, 1952. UTUDJIAN Édouard, Architecture et urbanisme souterrains, Collection: Construire le monde, Paris, Éd. Laffont , 1966. GIRODO Marion, MANGIN David, SEURA ARCHITECTES, Mangroves urbaines : du métro à la ville : Paris, Montréal, Singapour, Paris, Éd. Dominique Carré, 2016.


Architectures/infrastructures japonaises •

• • • •

Géo confluences, AVELINE Natacha, Des villes en métropoles : Tôkyô, métropole japonaise en mouvement perpétuel, publié le 20.09.2006. Consulté le : 15.01.2017. Disponible à l’adresse : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/urb1/ MetropScient3.htm. NUSSAUME Yann, Anthologie critique de la théorie architecturale japonaise : le regard du milieu, Bruxelles, Ed. Ousia, 2004. TIRY Corinne, « Shibuya, Shinjuku, Ikebukuro : trois gares à Tokyo » in L’Architecture d’aujourd’hui, n°338, janvier-février 2002, pp. 98-101. HESPEL Christophe, TIRY Corinne, « Les figures de la rampe » in Le Moniteur Architecture, n°158, fév. 2006, pp. 85-103. « Nouveau centre de Shinjuku à Tokyo : J. Sakakura, associés architectes » in L’Architecture d’aujourd’hui, n°136, février-mars 1968.

Tokyo • • • •

FERRIER Michaël, Le goût de Tokyo, Collection « Le petit mercure », Paris, Éditions Mercure de France, 2008. GUERRINI Bernard, Naturopolis : Tokyo, Arte, 2013, 49 min. ROUBAUD Jacques, Tokyo infra-ordinaire (2003), Paris, Éditions Inventaireinvention, 2005. SCOCCIMARRO Rémi, « Faire, défaire, refaire la ville : les avancées sur la mer », Japon pluriel 6. Actes du sixième colloque de la Société française des études japonaises, Arles, Éditions Philippe Picquier, 2006, 484 p. Vidéo Dailymotion amateure, Onisuka, Cafards dans le métro japonais, 2006, 2min Consulté le 04.03.2017. Disponible à l’adresse : http://www.dailymotion.com/ video/xvg4c_cafards-dans-le-metro-japonais_shortfilms.

Culture • • • • •

Film. CARAX Leos, « Merde » (38min) in Tokyo!, 2008, 112min. Koren Leonard, Wabi-Sabi for Artists, Designers, Poets & Philosophers, Imperfect Publishing, Point Reyes (USA), 1994, 2008. MIZUBAYASHI Akira, Petit éloge de l’errance, Paris, Gallimard, 2014. ROUBAUD Jacques, Mono no aware : Le sentiment des choses, Paris, Gallimard, 1970. TANIZAKI Jun’ichirō, Éloge de l’ombre (Tr. fr. SIEFFERT René) (1933), Lagrasse : Verdier, 2011.

62


Sols • •

63

MANTZIARAS Panos, VIGANÒ Paola (dir.), Le sol des villes. Ressource et projet, Collection: vuesDensemble Essais, Genève, Éditions MétisPresses, 2016. ORGIAZZI, A., BARDGETT, R.D., BARRIOS, E., BEHAN-PELLETIER, V., BRIONES, M.J.I., CHOTTE, J-L., DE DEYN, G.B., EGGLETON, P., FIERER, N., FRASER, T., HEDLUND, K., JEFFERY, S., JOHNSON, N.C., JONES, A., KANDELER, E., KANEKO, N., LAVELLE, P., LEMANCEAU, P., MIKO, L., MONTANARELLA, L., MOREIRA, F.M.S., RAMIREZ, K.S., SCHEU, S., SINGH, B.K., SIX, J., VAN DER PUTTEN, W.H., WALL, D.H.(Eds.), 2016, Global Soil Biodiversity Atlas. European Commission, Publications Office of the European Union, Luxembourg. 176 pp.


Glossaire

Anthropisé (adj.) : Qui est modifié par la présence humaine.

Anthropocentrisme (n.m.) : Système ou attitude qui place l’humain au centre de l’univers et qui considère que toute chose se rapporte à lui.

Arthropode (n.m.) : Terme désignant les animaux invertébrés possédant un squelette externe et des appendices articulés, comme les crustacés, les insectes ou les araignées. Les arthropodes représentent la classe la plus nombreuse avec 875. 000 espèces connues.

Biome (n.m.) : ensemble d’écosystèmes caractéristique d’une aire biogéographique et nommé à partir de la végétation et des espèces animales qui y prédominent et y sont adaptées.

Biocentrisme (n.m.) : Conception, attitude mettant l’accent sur la protection et le bien-être de tout être vivant (humain et non humain).

Bio-empathie (n.f.) : Concept éthique qui considère que les espèces non-humaines ont une valeur intrinsèque, une valeur d’existence, par et pour elles-mêmes. Autre définition (biomimétisme) : habilité à apprendre de la nature.

Commensal (n.m.) : Animal qui se nourrit des débris de repas ou des parasites externes d’un animal d’une autre espèce, généralement plus grand, sans faire de tort à son hôte, qui le laisse faire.

Désinfecteur (n.m.) : Corps de métiers spécialisés dans la désinfection, notamment des bâtiments infectés de « nuisibles ».

Écoduc (n.m.) : Passage aménagé à destination des animaux pour qu’ils puissent traverser une route ou un autre aménagement humain sans risque.

Endémique (adj.) : Se dit d’une espèce présente naturellement exclusivement dans une région géographique délimitée.

Entomologie (n.f.) : Branche de la zoologie dont l’objet est l’étude des insectes.

Entomofaune (n.f.) : Partie de la faune constituée par l’ensemble des insectes d’un pays, d’une région etc.

« Entomo-empathie » (n.f.) : Néologisme personnel. Empathie envers les insectes. Branche de la « bio-empathie », concept qui considère que les espèces nonhumaines – ici les insectes - ont une valeur intrinsèque.

Ethnoentomologie (n.f.) : Étude des relations entre les insectes et les humains.

Insecte « sujet » (n.m.) : Néologisme personnel. Se dit d’un insecte considéré dans sa subjectivité, en tant que « sujet » métaphysique, être réel doté de qualités et qui agit par lui même.

Lombric (n.m.) : Nom scientifique du ver de terre, annélide oligochète extrêmement commune dans les prairies et qui contribue à leur fertilité.

• •

Lombriduc (n.m.) : Écoduc spécialisé pour le passage de lombrics (vers de terre).

64


Lucifuge (adj.) : zool. [En parlant d’un animal, en particulier d’un insecte] Qui fuit, évite la lumière.

Lutte antiparasitaire ou « anti-nuisibles » (n.f) ;(adj.) : Lutte spécialisée contre la propagation de certains animaux ou végétaux directement ou indirectement préjudiciable aux intérêts humains.

Nuisible (adj.) : Se dit d’un organisme dont tout ou partie des activités a des effets considérés comme nuisant à la santé publique et/ou au bon déroulement de certaines activités humaines (agriculture, pisciculture, gestion cynégétique, sylviculture...).

« Sous-architecture » (n.f.) : Néologisme personnel. Éléments architecturaux servant de milieu de vie aux espèces commensales de l’humain.

Synanthropie (n.f.) : Phénomène écologique décrivant un type particulier d’interaction durable liant certains animaux non domestiques spécifiquement avec des humains à proximité desquels ils vivent.

65





Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.