C\J
co co
J^-.^"^ •:
f
SÊmSm
HR-
»-^.
;
'
LES GRANDS ARTISTES
COROT
LES GRANDS ARTISTES COLLECTION d'ENSEIGNEMENT ET DE VULGARISATION Placée sous
haut patronage de
le
V Administration des Beaux-Arts,
Volumes parus Architectes des Cathédrales gothiques (Les), par Henri Stein. Belllni (Les), par Emile Cauuaerts. Benvenuto Celllnl, par Henri Foc llon.
Kené Schm oer. Kahn.
BottlcelU, par
BoDcber,
par Gustave
XV*
l'architecture
et
Marcel Reymond. Ed. Bruwaert. deux), par Octave Uzanne.
Callot (Jacques), par
(Les
Canaletto
Rosenthal.
Carpacclo, par G. et L.
par
Daumier. David,
par
Delairolx, Dalla
Robbla
Henry Marcel. Maurice iLes),
par
Fourseux. Jean de Foville.
Dlphlios et les modeleurs de grecques, par Ed. Poitier.
terres
Donatello, par
Arsène Alexandre.
Dourls
peintres
es
et
Edmond Albert
de
vases
c iltes
grecs,
par
PoniER,
DUrer,
Auguste Marquill
pair
er.
Fragonard, par Camille Mauclair. Fromentin, par Prosper Dorbec.
Gabriel Mourky, Jean GoLJjn, par Paul Vitry. Goya, par Henri Guerlin. GalQsborou;:D,
Cros, par
par
Henry Lemonmer.
Frani Hais, par André Po.stainas. Hogarth, par François Benoit. Uolbein. par I'ierre-Gauthiez. Hubert Robert et les paysagistes irançais du XVIIl* siècle, par Tristan Leclère. Ingres, par Jules Mommeja. Jordaens, par Fierens-Gevaert.
La
Tour, par
Maurice Tourneux.
Léonard Llmosln par
P.
et
les
émalileurs français,
Lavidan.
Léonard de
Vinci,
par
Gabriel Séailles.
5875-27.
Dir
Millet.
Marcel Reymond.
Henry Marcel.
par Paul Lafond. André Le Nostre, par J. Guifprey. chinois
Peintres
(Les),
par
Raphaël
Pe-
TRUCCl.
manuscrits (Les) et la miniapar Henry Martin. Percier et Fontaine, par Maurice Fouché. Pérugin, par Jean Alazard. Peintres
de
en
Pisanello
CriARLES Saunier.
par
J.-F.
France,
par
Pinturicchio,
Alphonse Germain. Moreau-Nélaton
Ciouet (Les), par
Et.
Raymond Bouybr.
Pierre-Gauthiez. L\sippe, par Ma.xime Ccllignon. Mantegna, par André Blum. Melssonler, par Léonce BéNéoirr.
ture
Carpeaux, par Léon Riotor. Carracbes (Les), par Roger Peyre. Chardin, par Gaston Schéfer. Corot, par
par
Lorrain,
car
Lulnl
Murillo.
au
italienne
par
siècle,
Claude
Mlchel-Aoge, par au
Italienne l'architecture et Bramante XVI' siècle, par Marcel Keymond.
Brunelleschl
:
et
Arnold Goppin.
les
mèdallieurs
italiens,
par
Jean de Foville. Potter, par Emile Michel. Poussin, par Paul Desjardins. Praxitèle, par Georges Perrot. allemands (Les), par Louis Réa'J. français (Les), par Louis Dimier. Prud'hon, par Etienne Bricon. Primitifs
Primitifs
par Philippe Auquier. Raphaël, par Eugène Muntz. Rembrandt, par Emile Verhabren
Puget,
.
Rlbera et Zurbaran, par Paul Lapond. RossettI et les Préraphaélites anglais,
par
Moukey.
Gabriel
rnéodore Rouiieau, par P. Oorbbc. Hubens, par Gustave Gepfrjy, admmistraleur des Gobelins. Ruysdail par Georges Riat. par Henri Hauvette. Roger Peyre. par M. Hamel, agrégé de l'Université.
SoJoma
(Le),
Ténlers,
par
ritlen,
rintoret par G. Soulier. Vaa Dyck, par Fierens-Gevaert. Van Eyc* (Les), par Henri Hymans Velasquez, par Élie Faurb. Ver Meer de Delft, par J. Chantavoine. Vlgée-Lebrun, par Louis Hautecceub. Watteau, par Gabriel Séailles.
COHBEIL. Lmp. CrÉTÉ.
—
I-I928.
^LES
GRANDS ARTISTES LEUR VIE
—
LEUR ŒUVRE
COROT PAR
ETIENNE
MOREAU-NELATON Di:
l'institut
BIOGRAPHIE CRITIQUE ILLUSTRÉE DE VINGT QUATRE
REPRODUCTIONS
HORS TEXTE
•l^.
V
PARIS LIBRAIRIE
RENOUARÛ
HENRI LAURENS, ÉDITEUR 6,
Tous
droits
RUK DE T0URN0N(VI*)
de traduction
et
de reptodjction réservés pour tous
paj-s.
CopyyigJt, hy Hf.nri Lauren«;, 1913.
COROT INTRODUCTION
Les dévots du dieu dont pages ne trouveront pas
nom rayonne
le
ici
un temple
en tête de ces
à sa
mesure; mais
seulement une modeste chapelle, s'ouvrant, faute de mieux,
aux pèlerins pressés. La plume qui voici en
composa naguère un
exposer Y Histoire de Corot le
autre,
et
écrit le petit livre
moins sommaire, pour
de ses œuvres
développement que comporte un
quence des images y supplée à est question
pareil
d'aucun tableau, grand ou
petit,
si
avec tout
sujet.
mots.
L'élo11
n'y
d'aucun dessin,
d'aucun croquis, sans que l'objet passe sous
donnerons pas un
(i)
la froideur des
lecteur. L'artiste se fait connaître
que
les
yeux du
lui-même. Nous n'aban-
précieux collaborateur. La voix de ses
ouvrages ne sera pas étouffée par
le
verbiage d'un vain
commentaire. Le cicérone tâchera de se
faire oublier.
La
galerie qui s'ouvre devant lui et devant son public apparaît fort restreinte.
Vingt-quatre morceaux seulement parlent
pour l'œuvre entier. Mais, (1) Histoirp.
le
choix en a été
fait
de façon
de Corot et de ses œuvres, Paris. Floury, éditeur, 1905.
COKOT.
e qu'ils roprt'sonreiil, neiit
tous
on résumé, tout Corot.
aux collcclions publiques de
la
Ils
appai'lion-
France, nos
musées conlenanl aujourd'hui assez de pièces significatives pour révéler dignement la grande figure qui domine l'art (lu \i\^ siècle.
Nul peintre ne
fui plus
Les dilTérentes étapes de sa carrière,
varié que celui-ci.
les différentes
phases
de son talent et ses manifestations diverses se présenteront tour à tour.
des débuts de
Chaque
l'artiste à
halte conduira progressivement
l'apogée de son génie. Ces deux dou-
zaines de chefs-d'œuvre vont nous raconter sa vie de labeur et de fe'conditë
:
Tàme
de Corot s'épanche
et
vient à nous.
COROT.
LOROT PAR LUI-MÊME
En trait
têle de cette anthologie, :
celui de
nous avons placé un por-
Corot par lui-même (PL
1).
Le peintre a
déjà vingt-neuf ans, et ce n'est encore guère qu'un débutant.
Son existence, depuis la
du collège,
sortie
s'est
passée
longtemps derrière un comptoir. Son père appartient à
La première
bourgeoisie positive.
de faire de
la peinture,
il
fois
que son
fils
la
a parlé
a levé les bras au ciel, et Camille
a vendu du drap pendant cinq ou six ans, tout en dessinant
moments perdus.
furtivement à ses
paternelle a
l'autorité
homme,
faibli.
Mais, un beau jour,
C'était
en 1822. Le jeune
né en 1796, entrait dans sa vingt-septième année.
Pressé par son père de
«
s'établir »,
pour auner de
qu'il n'était
pas
être peintre
pour tout de bon.
fait
«
déclara tout
l'étoffe, et (ju'il
Eh
me demande
à ta guise; mais ne
il
net
voulait
bien, dit le père, agis
pas plus de quinze cents
francs par an pour payer tes couleurs et tes toiles. C'est tout ce
monde. elle
que tu tiendras de moi tant que Quinze cents francs! Mais,
»
bonheur pour
le
grand garçon
comme un
enfant avec
qu'était la
maman
bord de
Seine,
sous
la
l'œil
Corot,
le
amusé de
les
c'était
je serai
de ce
l'indépendance
naïf, qui jouait
encore
ouvrières delà modiste en
renom
et
qui passait ses journées au
regard perdu dans l'azur, à crayonner ces
nymphes amies, sans se laisser dis-
traire par leurs agaceries.
COROT.
8
Los
du dessin sont soumis à uno c^rammaire
arts
qu'il
commença par prendre unmaîlie
faut ap|U(.'ndio. L'rcolier
en vogue qu'on nommait Michallon. Mais, Micliallon mourait
dans
la fleur
de
l'àiie.
celui de Victor Bertin,
contemporains.
11
Corot passait de son
y travaillait Ihiver avec application et
plus entre quatre murs.
nirs d'enfance en
du temps où
il
H
lui fallait
même
le (ils.
doucement les
du
ciel.
«
correspondant
»
Une autre
fois,
son le
tous, depuis le jour oii son père y
un pied-à-terre au bord de
Chaque année,
et
ombrages de Fontainebleau. Mais,
lieu qui l'attirait entre
se miraient
ne tenait
au collège, un certain Senne-
gon, dont sa sœur devait épouser
avait acquis
il
de l'espace
temps que son
était là-bas
été se passait sous les
venue,
pour Rouen, retrouver des souve-
partait
il
dans
un autre paysagiste estimé de ses
docilité. Mais, aussitôt la belle saison
Une année,
atelier
les
saules,
l'étang dans lequel
c'était
Ville-d'Avray.
verdures printanières l'enlevaient à
la
capitale, et son chevalet habitait les feuillées toulï'ues jus-
qu'aux premières bises. L'hiver venu, adieu
En
cette saison
maussade, Corot rêvait de
le plein air.
rilalie, paradis
des paysagistes, grâce à son ciel serein et à son atmosphère
clémente.
11
en parlait avec tant de feu que
laissa toucher.
Enl82o,
fut à la condition
il
lui
paya
le
père se
voyage. Toutefois, ce
que Camille lui laisserait son portrait, peint
de sa main. Le jeune artiste s'exécuta. C'est
nous avons sous
le
les
yeux
(Pi. i).
la pièce
que
Pl
1.
Cliché Yvon.
COROT PAR LUI-MÊME (1825). (Musée du Louvre.)
COROT.
11
II
Le CoLisÉE Le voyageur route.
arriva
Il
novembre, par tement. Mais,
deux mois en
partit par la Suisse et fut
à
Rome
la pluie
le soleil
:
dans
les
derniers
ce qui fut pour lui
jours
de
un désenchan-
ayant bientôt reparu,
il
se mit tout
de suite à la besogne. Ses premières études d'Italie sont des merveilles de limpidité atmosphérique.
Témoin
ce Cotisée
pris de la terrasse du Palais Farnèse^ dont l'image se présente
(PI.
ici
C'est l'œuvre à laquelle
2).
la chérissait à
Il
qu'elle évoquait à sa
cause des douces heures
mémoire. Jamais
s'enséparer, et ill'aléguéelui-môme dit
de
peintre
du mois de mars de
avait passé la plupart des matinées
Tannée 1826.
le
il
n'avait consenti à
«au Muséum
»,
comme
l'archaïque dédicace inscrite par le donateur au revers la toile. Cette petite
peinture marquait un
de sa carrière. Lorsqu'il y travaillait,
moment décisif
elle avait attiré les re-
gard s d'un passant. Ce passant, qui se nommait Aligny, jouissait
d'un talent qui en faisait une autorité. Entendre cette
bouche proférer
:
« C'est
très-bien », quel encouragement
pour un jeune peintre dont l'application consciencieuse n'avait encore
provoqué que la raillerie,
les
camarades
qu'il
rencontrait étant habitués à traiter la nature avec moins
de respect
et
de
fidélité.
La reconnaissance de Corot pour
Aligny, qu'il proclamait son véritable maître, dura toute sa vie.
Aligny
lui
ayant conseillé de dessiner beaucoup au
COHOT.
12
cravon lioii
à
et
exacte des i'onnes
couleur,
pour extM'ccr son œil
la pluiiic
des valeurs, ahslraction
et
le disciple obéit
à l'approcia-
;
faite
de la
cartons s'emplirent d'études
et ses
sévères, où les branches d'arbres elles quartiers de rochers étaient disséqués avec des soins d'analoniisle.
main,
il
respondance avec un ami
me
un jour à
paraît bien
disent que
donner reux.
:
fais
cet intime
avait laissé
(ju'il :
«
Ma peinture,
à Paris.
Il
par moments,
mauvaise, malgré que quelques-uns
j'ai fait
ne
pas exempt de soucis. Ceux
fut
eut à supporter sont révélés par sa cor-
le travailleur
écrivait
à la
ne se montra pas moins exigeant pour lui-même. Ce
rigoureux apprentissage ne
que
La palette
me
des progrès. Je n'ai qu'un conseil à te
jamais de peinture
si
veux vivre heu-
tu
»
comme
Mais, après un découragement
celui-là,
il
n'était
pas long à reprendre 1e dessus, et l'enthousiasme succédait bientôt à la démoralisation. Les deux ans qu'il passa en Italie
furent employés à
Rome pour la
un labeur acharné.
L'été,
il
quittait
séjourner soit dans quelque gorge sauvage de
Sabine, soit sous les ombrages plus riants de Tivoli ou
d'Albano. Ariccia, avec son église à large coupole, plaisait particulièrement. qu'il
lu'i
Une bande de joyeux camarades,
animait lui-môme de sa gaîté native, l'accompagnait
dans ces campagnes, Tivoli, gardèrent
et les
murs de l'auberge de la Sibylle, à
longtemps le souvenir de leurs innocentes
gamineries, dans une fresque
oii
Corot figurait au milieu d'un
cortège caricatural, brossé avec
compagnons de folies. Mais,
ni le
humour par un
charme de
de ses
cette existence
COROT.
15
sans conlrainle, ni l'application au travail ne prévalaient contre l'image chérie du foyer familial, emportée dans son
cœur par
le
vrements de
de
lils
la
modiste parisienne. Malgré les eni-
la terre classique, sa
pensée habitait rue du
Bac. L'idée du retour épanouissait son confessait dans
une
lettre
de quitter
disait-il,
prochain...
l'Italie
la
France,
amis^ livré à l'étude de
et
N'étant plus distrait par
le
beau
a J'ai le
au mois de septembre
Vous concevrez mon bonheur
de mes parents
tendre, qui se
adressée à un familier des siens
peu de temps avant son départ pour projet,
àme
ciel et les
alors,
au milieu
mes tableaux. beaux
sites, j'y
mon travail, j'aurai en perspecpour me délasser et me rafraîchir
serai tout entier et, après
une soirée agréable
tive
pour
le
lendemain.
J'y touche.
quitta
Que
la
Il
y a douze ans, je rêvais ce bonheur.
fortune ne vienne pas
Rome, comme
il
me
l'enlever.
» 11
l'annonçait à son correspondant, en
septembre 1828. Le désir de connaître Venise l'engagea à faire
un détour, au
séjourna guère
et,
lieu de rentrer tout droit;
mais
n'y
après quelques jours seulement passés
au bord de l'Adriatique, s'empressa de regagner oià
il
la
maison
l'attendaient ces parents qu'il aimait d'une tendresse de
petit enfant. L'Italie le suivait.
11
la rapportait tout entière
dans son bagage. Elle rayonna toute sa vie sur les murs de
son
atelier, ainsi
que dans
le trésor
de sa mémoire.
COROT.
IG
III
La
C.VTIlKDnALE DE ClIARTRES
Le père Corot paya à son
(ils
un
atelier,
où
celui-ci
com-
posa des tableaux pourle Salon d'après ses études italiennes. 11
V
les
fit
poser pour leur portrait tous les enfants de sa sœur,
uns après
les autres, ainsi
que
la vieille
bonne qui
les
avait élevés; et puis, aussi, les plus gentilles ouvrières de la liianian,
apportant à
lières tout le soin
la
reproduction de ces figures fami-
qu'il avait
mis à se peindre lui-même
avant son voyage au delà des monts.
soupçonnait pas encore que
l'on ne
se fixer toutes seules sur
un jour
être ensuite transportées sur traitiste jouissait
au
profit
les
ce temps-là,
images pourraient
une plaque de verre pour
une
feuille
de papier,
le
por-
l'a
presque complètement dépouillé
de cette rivale. Les œuvres du paysagiste, quand
elles reproduisaient
un
site
ou un monument marquant, pos-
sédaient également une valeur documentaire que
gation pbotograpbique des
du
abolie,
oCi
d'an rôle iconograpliique dont l'inven-
pbotograpbie
tion de la
En
mêmes
divul-
la
représentations a, sinon
moins considérablement diminuée. Corot se
mit à peindre en chambre, pour les répandre, des vues
du Château Saint-Ange ou de
la
place Saint-Marc, d'après
celles qu'il avait prises sur nature. Mais, dès les
bourgeons, laissant
même,
il
là ces froides interprétations
courait vers des motifs tout neufs.
avait mis à la
mode
premiers
l'architecture du
de
lui-
Le romantisme
moyen
âge.
En
route
.
(Uiché Yvon.
LA CATHÉDRALE
DE C H A R TU E (Musée du Louvre.)
S
|^
1
83
)
COROT. pour
Normandie, Corot
la
cathédrale (PI.
que Paris dans
le
au printemps de 1830. Tandis
s'agitait et faisait
une révolution,
calme un chef-d'œuvre. Puis,
chemin jusqu'au les
s'arrêta à Chartres, devant sa
C'était
3).
19
littoral,
l'artiste créait
poursuivait son
il
moissonnant par
les plaines et
par
grèves une gerbe aussi touffue que variée de paysages
agresteset maritimes. Inlassable voyageur,
il
recommençait
tous les ans son tour de France, parcourant, après
la
Normandie
la
et la
Flandre, la Bretagne,
la
Bourgogne ou
Picardie, pour se reposer ensuite à Ville-d'Avray ou à
Fontainebleau. les
De
ces laborieuses villégiatures
mains pleines. Et
nait place
alors, sur le chevalet de Tatelier pre-
quelque grande
terminée, vers
le
toile,
mer on
le jury qui,
en 1833, décernait aux envois soumis,
cette année-là, à son appréciation
classe; mais des désirer. si
«
bien sous les futaies
Les critiques se montraient parfois bienveillants
forestières.
que
qui s'acheminait, une fois
Salon, et y transportait un souvenir des
pérégrinations au bord de la
ainsi
revenait
il
encouragements plus
Monsieur Corot,
grandes
une médaille de seconde
», disait
le
positifs se laissaient
ne faut pas
il
faire des toiles
directeur des Beaux-Arts, M. de
Cailleux, qui tenait entre ses mains les faveurs officielles.
Grandes ou pas.
Un
petites, les toiles
jour,
un
du peintre ne se vendaient
industriel lié avec sa famille lui
deman-
dait le portrait de sa fabrique. Corot n'osa pas solliciter de
rétribution, et le client ne pensa pas à lui offrir de l'argent.
Son
talent
positifs.
ingénu
n'était pas pris
Son amour-propre en
au sérieux par
souffrait
les
gens
profondément; mais
COItOT.
20 (loué d'un
grand fond do
injustice de la deslinre. lui.
jjliilosopliic,
se résignait h celte
il
conservei-ait ses ouvrages pour
11
L
puiscjue persoiuie n'en voulail.
joie
i
compensait largement ce déboire de
de les produire
la vanité, a
s'anuise ». disait avec une nuance de dédain
monlranl son gcand gars au
l'amusement
sait », et
résultai
un morceau
était
tel
que
le
travail. CiM'Ies oui,
magnifique la «
il
Camille
papa, en a
s'amu-
lors(|u'ii avait
pour
Cathédrale de Chartres
)y.
IV VOLTERRA
Un jourde l'année
1833, Corot, étant de passage à Coucy-
le-Cliàteau. avait rencontré à l'auberge d'atelier
du
nom
bouteilles, car le
un ancien camarade
do-Grandjean. Onavaiibu (juelquesbonnes
personnage
était
un joyeux
on avait causé voyage. Grandjean voulait 11
pressa Corot de se joindre à
mourait d'envie de revoir
le ciel
lui.
diille; puis,
il
Italie.
Le pcinire du Golisée
bleu d'outre-monls.
laissa facilement convaincre. Mais, se méfiant
compère,
en
aller
11
se
un peu du
posa ses conditions. Le voyage serait séjieux,
sans folies, sans bombances: un voyagede travailleurs. Le pacte conclu, Corotfrappaàlaboursedesonpère, qui s'ouvrit
brave liomme
généreusement; mais,
le
sommes
mère
plus jeunes, ta
pas trop longtemps. rait
» Il
fut
et
dit:
«
Nous ne
moi; ne nous abandonne
entendu que l'absence ne dure-
pas ulus de six mois. Les deux camarades quittèrent
w:
COROT. Paris dans
23
Un
courant de mars 1834.
le
album, que
petit
Corot portail dans sa poche, conlient leur itinéraire presque jour par jour. Nous la
Bourgogne,
Lyon,
à
accompagnons d'abord à travers
les
Clamecy, à Lormes
à
Avignon, à 3Iarseille
Corniclie jusqu'à Gènes, où
passent à la Spezzia,
après quoi, Ils
ils
traversent assez
la ville
Ils
j)uis
à
suivent la
s'arrêtent quelques jours,
s'engagent dans
y rencontrent
à Beaune,
Toulon.
et à
ils
et
rapidement Pise;
campagne étrusque.
la
antique de
Volterra, fièrement
perchée sur une éminence rocheuse, que Corot salue, sur
son carnet, d'une «
Pays magnifique
pou de mots gée.
?
Un
si
note »
:
éloquente dans
comment
beau
site
dire
sa concision.
en
autant
aussi
convie à une halle prolon-
Deux grandes toiles sont attaquées simultanément, et
pittoresque cité apparaît sur chacune sous
un aspect
rent. C'est l'une de ces vues qui estici reproduite
(PL
bourg développe à l'horizon ses maisons dorées par le
la
diffé4).
Le
soleil,
que dominent plusieurs tours élancées, dont une toute rose sur l'azur du firmament. s
)mbre, occupe
tesse
le
Une
colline, tapissée de
devant de la scène
verdure
et fait valoir la délica-
lumineuse des fonds. Le peintre n'est plus
l'écolier
timide qu'il se montrait à son premier séjour en Italie;
cependant sa facture n'a rien perdu de ciencieuse qui
caractérisait
ses
la précision cons-
ouvrages de débutant.
Impossible d'être plus vrai avec des moyens plus simples. Yollerra
garda ses hôtes près d'un mois.
gagnèrent Florence, où juillet.
ils
Ensuite,
ils
restèrent jusqu'à la fin
de
La chaleur commençant
à devenir importune,
ils
COROT.
24
remontèrent alors vers
la
iiauto
consacrèrent
Ilulie,
semaines du mois d'aoùl à N'enise,
trois
et
Ah
tout septemlue sur les lacs de la Lombardie. italiens
!
Quelle (erre promise pour Corot C'est !
brume argentée épandue sur
la
les
là
passèrent ces lacs
1
que, dans
eaux limpides,
père les lointains bleutés de la monlagne,
il
({ui
tem-
rencontre
chevrières rêveuses et les paisibles bateliers, dont sa
les
baguette de magicien acclimatera la figure [)oétique sur les
berges familières de Ville-d'Avray et qui, pendant quarante ans, peupleront
la
terre
idyllique créée par sa
mémoire
hantée desvisions d'anlan. Lorsqu'il monte, au débutd'octobre, dans la diligence qui,
mène lui
parleSimplon
enfin sur la terre de France, cet
une
fois
et
Genève, le
ra-
Édeu y rentre avec
pour toutes.
Saint-Jkrome
Cependant, pendant qu(d(jues années,
Toscane grâces
fit
<le
la
la
Lombardie. Ses envois au Salon furent plutôt
exposaiten 1837
dont son auteur a
fait
(PI. oj. C'est
le
Saint Jcrônie
une grande composition,
présent à l'église de Ville-d'Avray, et
qui orne toujours la nef de cet édifice. Classée
nument
de
concurrence, dans les préférences de Corot, aux
du genre austère. Qu'on en juge par qu'il
la sévérité
historique,
la toile fait partie,
trimoine national. L'ascète v
fait
comme
comme motelle,
du pa-
pénitence au fond d'une
O
'â&#x20AC;&#x201D;i
Tl
.~
>
COROT.
27
gorgo fermée par une haute muraille de rochers moroses garnie d'une végétation revêche. Le factice de et
morceaux
et
un amalgame
site est
hétéroclites, pris à droite et à
gauche
plus ou moins adroitement réunis ensemhle. C'est ainsi
que se pratiquait dans ce genre,
le «
paysage historique
qu'il avait
».
Cependant,
adopté résolument, une chose
distinguait Corot de ses confrères. C'était son attachement
à la nature, « à la couleur vraie, sortant de l'œil,
penser à aucune autre peinture,
»
comme
il
disait
en donnant un conseil à un jeune camarade.
sans
un jour, Tout en
combinant ses tableaux
d'atelier suivant certains caprices
«ne
quittait pas sa route nature», selon
de l'im.agination,
il
une autre expression employée encore par la voie
à suivre pour un peintre.
Là
est
lui
pour
définir
son originalité.
D'autres novateurs plus hardis rompent délibérément avec les
conventions du genre classique. Tels les Rousseau
les
Dupré, enfants d'une génération plus jeune, dégagée
et
des traditions respectées par leur ancien. Corot ne pactise
pas avec ces révoltés, incapables d'aucune contrainte.
garde un pied dans C'est ((
une figure à
les sentiers battus. C'est
part, dont
un
Monsieur Corot n'appartient
son originalité.
critique dira avec raison ni
Il
à l'école
:
classique du
paysage, nia l'école anglo-française; encore moins à celle qui s'inspire des maîtres flamands.
Il
peinture du paysage des convictions à dite à
paraît avoir sur la lui.
»
Cette parole,
propos d'une certaine Diane au bain, produite au
Salon de 1836,
Jérôme. Elle
était applicable, l'année d'après,
le
serait aussi à divers
au Saint
morceaux exposés
COHOT.
28
après CCS doux-là. pendant notables s'appellfiil
voir placer
\///'/r'
à côlé de leur aînée,
ici,
nommer, en
leur élait
même
((
Fuite en
ces
œuvres diverses
technique, contentons-nous de
coi^stalanl l'accueil
généralement froid qui
par les journalistes,
lait
renommée.
(Salon de J838). Ui
V>?;yer(Salon de 1842). Faute de pou-
et /e
qui (It'coulent d'une les
années suivantes, dontles plus
de 1840), Démocrite et /es Abdéritains
Égf/pte (Salon (Salon de 1841)
les
dispensateurs
de
la
Talent sévère, plein de conscience, mais qui
ne sera jamais po[)ulaire
».
vovance, à propos de l'une
proférait avec assez d'elles,
peu de
clair-
un des arbitres du goût
fameux Jules Janin. Toutefois, Corot
les plus écoutés, le
rencontrait quelques défenseurs ardents.
dans la Presse, sous tous les paysagistes,
la signature
On lisait, en
d'Eugène Pelletan
n'en est peut-être pas qui
il
1841, :
«
De
ait lutté
plus longtemps que Corot contre l'inattention publique, et
mieux réussi à
Le
se faire oublier à force de chefs-d'œuvre.
critique félicitait le peintre
tendresse
bornes
immense
». Il saluait
et
en
de lui
reçu un autre hommage.
lui
«
d'aimer
la
»
nature d'une
accorder une obéissance sans
un maître. Le talent de Corot avait
Un
prince dont l'àme enthousiaste
s'éprenait de la beauté, le duc d'Orléans, avait acquis
deux
de ses toiles pour sa galerie du Palais-Royal. Noble initiative
que, malheureusement, nul amateur de ce temps-là
n'avait l'idée de suivre.
La peinture de Corot ne
dait toujours pas, et l'artiste, réduit à la
que
lui servait
se ven-
modeste pension
son père, entassait dans son atelier des
tableaux dont personne ne voulait. Trop heureux quand
1
> 3
I
_
COROT. une faveur
31
débarrassait,
oflicielle le
moyennant un
prix
modeste, d'une de ces e'paves des Salons annuels, qui font aujourd'hui la
reux
même
g'ioire
d'un musée de province. Trop heu-
lorsqu'une modeste église de campagne dai-
gnait en accueillir une à son tour.
VI Satnt-André-du-Morvan
Dédaigné du public, Corot continuait à peindre pour
même. Nous ne qu'il
à
fit
qui avait
à
Rome
l'Italie
nom et
suivrons pas dans la troisième visite
le
en
lui-
1
un peintre
843, avec, pour compagnon,
Brizard.
Nous ne retournerons pas avec
nous nous abstiendrons d'examiner
le
lui
butin
amassé, dans cette campagne, à Tivoli ou à Grenzano. Mais,
nous nous dédommagerons en excursion dans connait le décrit
pas, à
le
le
faisant à
ses côtés
Morvan. Nul guide ne vaut
une
celui-là.
pays par cœur, pour l'avoir étudié en
Il
détail. Il
avec une tendresse émue. Arrêtons-nous, sur ses
Saint-André (PL
au sommet d'une
colline.
6).
C'est
Un
un coquet
village posé
clocher pointu domine ses
maisons, etdesculturescloses dehaiesdescendentdoucement la
pente à leur pied. Plus bas, sous
campé un Morvandiau en blouse,
l'œil
du peintre,
s'est
qui cause sur le chemin,
à l'ombre d'un grand arbre, avec une jeune paysanne coiffée d'un bonnet rouge, tandis qu'un cochon, qu'elle surveille, fouille l'herbe
de son museau. Ce petit
poème
rustique,
COllOT.
32
Corot
l'a
mis sur
Goûtons-en
avec une
loih»
suavilé calme
la
(jue s|)('cimt'ii
la
du
pouvoir s»'journer avec
i\o
inc^enue.
contentons-nous de cet uni-
et
intime où
l:(mu'c
siinplicilé
lui
maître excelle, faute
le
en d'autres campagnes
et
nous asseoir plus loniilemps derrière sonclievalet. Celui
tjui
le privil(\i:('
NOUS iin'scnte ce morceau eut quelque temps d'en jouir à
lui
tout seul,
tager désormais avec autrui laquelle
il
ne
lui est
11
charme de
le
s'est pas départi
dune
<louxde par-
cette pièce,
pour
singulière prédilec-
tion.
VII
Homère
et les
Bergers
C'est en 1842 que le Parisien de la rue
chercher,
du Bac
était
venu
au fond de ce Morvan pittoresque, avec des
motifs de paysage, le souvenir d'une lointaine origine qui rattachait la famille de son père à ce coin de terre-là.
La
même
année, des amis l'entraînèrent en Suisse, sur les
hords
du Léman. Puis, ce
Saint-Lô d'ahord,
que
des
et
fut
en Normandie, près de
ensuite dans les environs d'Alençon,
camarades
l'attirèrent.
Il
poussa
jusqu'en
Bretagne, toujours appelé par l'amitié. De chaque expédition
il
rentrait avec
agreste
un houquet de paysages, dont le parfum
emhaumait l'atelier;
ces fleurs variées le peuplaient
de leur éternelle fraîcheur. L'œil du peintre contemplait les
campagnes
lointaines acclimatées sous le ciel parisien,
COROT. et
son inspiralion, em[)ortéc sur
de la
«
pipette
les spirales
familière, enfantait,
»
pour
bleues sorties
animer, un
les
créatures qui n'habitent point les plateaux de
monde de
TArmorique ou
les vallons
Homère accordait
appel,
•»•»
du Nivernais. Une
fois,
sa lyre et s'asseyait au milieu d'un
cirque d'arbres plus auvergnats qu'helléniques (PI.
autre
à son
7).
Une
Daphnis pressait Ghloé entre ses bras amoureux
fois,
dans une fraîche remplaçaient
clairière, oii des
les oliviers
brillant écolier.
Mais
le
chênes de Seine-et-Oise
de Mit ylène Corot n'avait pas été un .
collège, en
donnant pour société
à l'enfant les grandes figures de la Fable antique, l'avait
pourvu de précieuses connaissances. Qu'un livre, oublié sur une table à Ville-d'Avray par un neveu en vacances et
main
feuilleté d'une
siques,
un monde de
distraite,
évoquât ces souvenirs
clas-
(Hvins amis entrait dans l'atelier après
avoirrevêtutransitoirement l'humble humanité d'un modèle de la place Maubert, à
la
façon des immortels, que
la
mythologie nous montre toujours friands des travestisse-
ments
Où
et
de l'incognito.
la
destinée a-t-elle bien pu
conduire Daphnis
et
Chloél Mystère. Quant h Homère, nous n'avons pas eu à aller bien loin pour le chercher. Il n'a pas quitté le pays oii Corot imagina C'était
la
charmante
idylle
dont
il
pendant un séjour en iNormandie, dans
Osmond, ses rêves
ses amis de toujours, qu'il avait le
est le sujet. la famille des
vu passer dans
chantre divin et son jeune auditoire.
Un
croquis, tracé dès lors dans un de ses albums, contient la
composition en germe.
En souvenir
de cette origine, un de
COROT.
36
un jour
ses liôVos de ce lemps-là lui réclama
embarrassait latclirr, jiour
(]ui
là (juil est
le
tableau,
le
musée de Saint-Lô.
C'est
toujours, et que nous avons été le prendre.
Mil Jésus au jardin des Oliviers
A
cinquante ans, Corot reste
grand enfant
cin(i.
vieille
maman, dont
il
fait la
partie de cartes avec
duité touchante. L'invite-t-on à quitter lui faut la
qu'il était a
dîne en tête à tête avec son vieux papa et sa
vingt
Il
le
une
assi-
foyer familial,
le
il
permission de ces parents bien-aimés, à qui cette
humble soumission
fait
méconnaître
la
valeur d'un lilstrop
modeste. Son mérite ayant été consacré malgré sa délicatesse à le faire valoir, et la
boutonnière de sa rose
fleurir sa let
Légion dhonneur étant venue
1846, l'ancien
oflîcielle
commerçant de
au mois de
juil-
rue du Bac se refusa
la
à croire que cette haute distinction, attribuée à un
homme
qui ne gagnait pas avec son métier de quoi s'entretenir,
ne se et
fût
pas trompée d'adresse. Bien sûr, c'était lui-même,
non pas son garçon, que Louis-Philippe
corer!
Cependant,
hommage au comme un maître.
tardif
Lorsqu'en 1848
eux-mêmes clamé par
le
le
le
gouvernement n'avait rendu qu'un
talent d'un peintre
les artistes
Peu
reconnu par ses pairs
furent
jury de leur Salon,
suffrage.
avait voulu dé-
le
appelés à
nom
nommer
de Corot fut pro-
à peu, sa manière s'était élargie.
Cliché Bulioz.
ÉSUS AU JARDIN
DES OLIVIERS. (Musée de Langres.)
SALON
DE
1849.
COHOT. Dans
ses compositions,
il
39
sacrifiait les détails à
l'ensemble.
Ses tableaux devenaient des synthèses longuement mûries.
Quelques mots de sa main,
écrits sur
sa façon nouvelle de proce'der. d'arriver au détail,
Les masses
de forme
et
d'un tableau m'intéressent avant
c'est bien établi, alors je clierche les finesses
et
de couleur. Je reviens sans cesse, sans être
arrêté par rien et sans système. se présentait avec
»
Au Salon
de 1849, Corot
un Christ au jardin des Oliviers, qui
un spécimen de
est
Je ne suis jamais pressé
dans cette confidence sans apprêt.
et le caractère
Quand
tout...
dit-il
«
un carnet, expliquent
cette technique réfléchie
savante
et
(PI. 8).
Quelques années avant, un ami bien placé curé
la
commande
Baptême du
duquel Corot à
dans
s'était
mis sur
Mais Corot, emporté sur
lequel
il
avait représenté
Son pendant, pour l'exécution
Christ.
un peintre moins ému,
même
pro-
d'un s^rand panneau pour Téglise Saint-
Nicolas-du-Chardonnet, le
lui avait
les rangs, avait été
et,
l'aile
l'œuvre rêvée par
lui
partant,
demandé
moins émouvant.
de Tinspiration, créa quand
comme
suite à son
poème évangélique. Le pathétique nocturne, où
premier le
fils
de
Dieu abîme sa douleur dans un prosternement muet au fond d'un vallon tragique, dominé par la masse sombre d'un énorme bouquet d'arbres, partit
dans
le
par l'État et
pour Langres. Cette page grandiose a pris place
musée de cette sous-préfecture. A son arrivée,
avait été saluée par des quolibets. tait
fut acheté
La presse
elle
locale ne s'é-
pas montrée tendre pour ce qu'elle appelait
«
une grande
COROT.
40 taclio (r«^ncro le
monde. Son
Corot
)^.
encore loin de plaire à tout
était
art n'avait contjuis
demeurait hostile
La
les délicats.
Corot ne
fallait lui tenir tète.
il
:
que
foule
faiblit
pas.
Le carnet auquel ont
été déjà
empruntées quelques lignes
écrites par lui contient encore d'autres notes pleines d'aban-
don, qui
d'une profession de
ont l'accenl
morceau, éloquent dans sa simplicité doit
embrasser la profession
«
:
Voici
ce
Un homme
ne
foi.
d'artiste qu'après avoir
une vive passion pour
nature
reconnu
une disposition à
en
lui
la
poursuivre avec une persévérance que rien ne saurait
abattre.
Ne pas
(V argent.
faire
Ne pas
avoir soif se
la
et
à' approbation
ni
de
bénéfice
décourager du blâme que l'on pourrait
tomber sur ses ouvrages;
conviction forte, qui
illui faut être
cuirassé d'une
marcher droit devant
le fasse
Un
ne redoutant aucun obstacle.
lui,
travail incessant,
soit
exécutant, soit observant. Rempli de cette conscience, ferait des il
ouvrages
faut poursuivre;
persévère; cieux,
nera
il
la
la
un défaut
oii
le
artiste
sauvera.
mettra tout en rapport
il
saillant se ferait apercevoir,
on n'est pas
conscience
en
et,
en un jour. Qu'il
Il i;o«V
avec
le
no«V? Conscien-
temps,
il
avoisi-
nature de jour en jour. L'important, c'est de ne
rien faire que
comme
il
voit.
Le
seul
bâton
qu'il
puisse
prendre de temps en temps pour raffermir sa marche,
c'est
de jeter des coups d'œil sur les œuvres des maîtres, elles meilleurs: Michel-Ange, Raphaël, Léonard de Vinci, bein, Corrège, Titien,
HoH
Le Poussin, Lesueur, ClaudeLorrain,
Hobbenia, Terburg, Metzu, Canaletto. Ces inspirations ne
COROT.
41
sont que pour faciliter le développement de ses moyens.
»
Corot meltait en pratique ces judicieux préceptes. Nourri de la nature et se bornant à « quelques coups d'oeil » sur les maîtres,
Dieu
se développail suivant a ses propres
il
sait si la
méthode
était
moyens
».
bonne.
IX
Une matinée Corot adorait journée
le théâtre.
comme un
«
lui), le soir,
troupeau de nègres
son bonheur
était
des vers ou de la musique. rait alors le
Après avoir travaillé toute
de son esprit.
est de
de se délasser en écoutant
Le monde des
Son imagination
mensonge des décors et
mot
» (le
la
fictions
s'empa-
dotait de la réalité
se donnait carrière à travers des
contrées absentes de toutes les géographies.
Une bande de
ballerines occupait-elle la scène et peuplait-elle de ses ébats
rythmés
le
paysage
fictif
lusion opérait
encore.
nymphes, dont
la
dont
le
théâtre était planté,
Les danseuses
devenaient
ronde se déroulait dans
la
solitaire, à l'orée d'un bois,
des
brume mati-
nale ou sous les derniers rayons du jour, au
quelque prairie
l'il-
miheu de
ou bien sur
le
bord d'une claire fontaine. Cette humanité de rêve suivait peintre chez
honneurs de ses
sites pré-
férés et, décrochant quelque étude rapportée de ses
vagabon-
le
lui. Il lui faisait les
dages, l'acchmatait soitenltalie, soit ailleurs. c'était
en dSoO,
—
il
invita les petites
—
Une fois, nymphes de l'Opéra
COROT.
'•5
un
à (lansor lian*^
cir(|ut'
boisé qui ressemblait,
cause, à un coin du jardin Fariièsc. lait
à travers les
feuilléi^s, et la
pela tout simplement
La
ot
pour
briso matinale circu-
scène, une fois peinte, s'ap-
Unematinée
(PI. 9).
L œuvre
fut en-
voyée au Salon, qui s'ouvrit, cette année-là, par exception, lo
30 décembre. Klle plut par son cbarmc naturel,
en
fit
presse
l'éloge et l'administration des Beaux-Arts, oiî Corot
comptait uu ami dévoué en déric Mercey, bureaucrate
pour
l'acbeta
lurent
bourg
l^a
le
payées et
personne d'un certain Fré-
la (jui
àme Les nympbes
cacbait une
compte de TEtat. 1
d'artiste,
matinales
500 Irancs. Elles entrèrent au Luxem-
y devinrent populaires. Leur popularité les a sui-
vies au Louvre. Mais, bêlas
!
cette toile a
Non seulement
vieillissant.
mais sa coloration a
ciiangc'
beaucoup perdu en
des craquelures la déparent;
par suite de l'altération de
certaines matières employées dans son exécution. Corot usait
beaucoup de laque jaune.
«
Je suis passionné pour
cette couleur », écrivait-il en ce temps-là à il
ajoutait
aux
:
«
glacis. »
Seulement, je pense qu'elle
un confrère,
est plus favorable
L'expérience a prouvé que cette opinion était
mal fondée. Les glacis de laque jaune, superposés par peintre à ses
fr
ottis
le
le
d'outremer ou de bleu de Prusse, n'ont
pas résisté à l'action de paru, et
et
la
lumière
et
de
l'air. Ils
ont
dis-
tableau a poussé au bleu. Corot ne reconnaîtrait
pas sa Matinée d'antan.
COROT.
43
Soleil corcuANT
L'annéo 18ol débuta par un son père en 1847,
vit la
immense chagrin pour parents.
M^^e
mort ce
deuil. Corot, qui avait
mère
lui ravir sa
tendre et
fils si
si
:
perdu
ce fut un
attaché à ses
Corot avait succombé Tavant-dernior jour
de février. Le printemps gonflait déjà les bourgeons. Dès qu'ils éclatèrent, le fidèle confident de la nature courut de guérir
lui confier le soin
la
peine dont son
cœur
avait
Corot parlait de
souffert et demeurait encore blessé.
la
nature avec une émotion touchante. Annonçant un jour sa visite à
un ami,
lui
il
disait
:
«
Nous pourrons ensemble
admirer quelques instants cette nature se présente belle la
cherche.
jours
»
et
conscience
jamais.
Cela
»
était
ne
face
règle
sa
faisait
lui, se
homme
traduisait
qui
tou-
amoureusement caressée du
étude
bout de son pinceau. En a
bonne, puisqu'elle
pour tout
ravissante
Son admiration, à
par quelque
si
pas
de ce :
il
modèle adoré,
la
ne s'en départissait
l'aifaire
des marchands de
tableaux, habitués à débiter des œuvres moins véridiques. ((
Ces marchands de tableaux, écrivait
mouvement d'humeur,
ils
sont stupides.
l'artiste Ils
dans un
achètent des
paysages, mais y mettent cette condition qu'ils s'éloignent le
plus possible de la nature; or,je ne saurai jamais faire du
paysage qui n'en
soit pas.
Je ne peux pas arriver à
me
représenter les arbres autrement qu'ils ne poussent, pas plus
COROT.
44
homme
qu'un
sans tèlo.sans tronc et sans jambes. Après
du Iraindont vonl
ça.
Nous
le
les
choses, peut-être est-ce l'avenir?
verrons bien. Mais qu'alors Slrottin
çant en question) attende
ormes k sa
se'ment des
attendit sous l'orme.
ma
nouvelle manière
disposition.
commer-
(le ;
Cet ennemi de
»
preci-
j'ai
la vérité
Mais d'autres marchands se
laissè-
rent séduire peu à peu par la douceur des matins argen-
par la chaude dorure des crépuscules du soir, en bas
tés et
nom
desquels cinq grosses majuscules proclamaient le
On en
l'auteur.
vit
chez
de
Beucniet. chez Thomas, chez
Bourges ou chez Martin. Une bouiiée de fraîcheur campagnarde entra dans cette
« vallée
devenue
avec
la rue Laffitte,
embaumées, frissonnantes
mes d'un des rues tion
.
«
dilettante à qui »
la tentation », qu'était
les petites toiles a
d'air vif».
une
promeneur au goût
J'emprunte
les ter-
flânerie à travers le «
les
fin,
parages de
Musée
le
la
rue LafTilte,
ne connaît pas Corot. Aux
expositions dites annuelles, on ne voit que
génieux,
humides,
suggérait alors quelques pages vibrantes d'émo-
Qui ne fréquente un peu
disait ce
de
le styliste in-
Corot du Pausilippe ou de Tivoli. Mais, c'est
rue Lafïitte seulement que l'on peut goûter
le
côté intime,
familier de son talent, et que l'on apprend à aimer le naïf et
bon Corot de Ville-d'Avray, de Bougival
Meudon.
»
Les acheteurs commencèrent à
recommandée tiste.
Qu'il
s'appelait
me
ainsi soit
et
du Bas-
faire l'excursion
par M. Frédéric Henriet dans V Ar-
permis de
me
Adolphe Moreau. En
rappeler que l'un d'eux
l'an
de grâce 1852,
mon
grand-père rapportait de chez Beugnie* certain Soleil cou-
eu
o GO
~ 3 â&#x20AC;&#x201D; O
C 3
COROT. chant qui, accroclié dès lors dans la
mienne, n'en est
47 la
maison qui devait être
que pour entrer au Musée
sorti
(PI. 10).
XI Souvenir de Marcoussis
Dès leur création,
les
clieniins de fer n'eurent pas de
meilleur client que Corot. Grâce au nouvel engin de loco-
motion,
si
expéditif en comparaison des pataclies du temps
jadis, le peintre, la société
s'arrang-ea
dont tant de maisons amies se disputaient
pendant quelques journées de
pour
faire à
chacune sa part
peu de son temps à une dizaine
Au début
son.
homme Avec
pour donner un
et
d"liôtes quelquefois
de chaque été,
ponctuel, arrivait à jour
lui,
la belle saison,
il
faisait
son plan
dit là oij
il
par
sai-
et,
en
était attendu.
au logis de ses amis. Humeur
la joie entrait
voilà le convive dont le royal
ég'ale, gaieté
sans malice
appétit faisait
honneur avec bonhomie à
:
cuisine de l'am-
la
phitryon, et dont la verve s'allumait au dessert pour éclater
en chansons. Dans son commerce avec
bois,
Corot avait pris leurs manières
rossiîrnol sa voix.
née
finie, l'astre
camaraderie
Comme
il
le rossignol,
avait il
oiseaux des
emprunté au
saluait, sa jour-
béni qui avait réjoui son àme. Sa franche
le faisait
d'un briguait sa
:
les
rechercher par ses confrères, et plus
visite.
Il
s'ingéniait
tour à chacun, évoquant avec
pour se donner tour à
Léon Fleury, à Magny
Versailles, les souvenirs de leur apprentissage
près
commun
COROT.
48
dans
la
campagne roinaino, ou bien rajeunissant son génie
au conlact
de
ce
enthousiaste
radet
Dutilleux, son hùte aniuud d'Arras.
camarades
qu'était
y avait
11
Constant
un de
ces
se noniniail Duniax, et qui villég^ialurait en
(jui
Seino-et-Oise, à Marcoussis, près de Montlhéry. Corot se laissait volontiers attirer
par
La
là.
table était bonne, la
causerie familière, et les jolis motifs abondaient. D'une de ces haltes en ce plaisant séjour,
un sujet
ij;randiose,
gne dorée par
les
dominé pas un
ment vers
quoique
il
rapporta dans sa mémoire
fort simple.
Dans une campa-
chauds rayons de juillet, un chemin creux
talus garni de verdure fuyait mystérieuse-
l'horizon, en
emportant l'apparition, à moitié
cachée déjà, d'un chariot rustique. L'œuvre fut prête pour
la
solennité qu'apportait l'année 1855. Elle figura à l'Expo-
Souvenir de Marcoussis
sition Universelle sous le titre de (PI. 11).
Le succès qui
attira les
regards de Napoléon
rendit acquéreur.
l'y attendait n'est point banal. Elle 111,
Le souverain
qui,
spontanément, s'en
avait agi
en dehors du
surintendant des Beaux-Arts, qui détestait Corot. Nieu-
werkerke, réfractaire à une poésie inaccessible pour son goût terre à terre, ne voyait dans cet art sublime qu'une «
couleur boueuse
»
accueillit la décision
et
une
«
facture cotonneuse
».
11
du maître d'un sourire dédaigneux,
qui ne passa pas inaperçu de son subordonné, le marquis de
Chennevières, présent à
la
scène
qu'il a
Souvenirs. Chennevières aimait Corot pas.
même
devant
le
rapportée dans ses et
ne s'en cachait
grand seigneur hautain auquel ses
fonctions administratives l'attachaient. Nieuwerkerke, piqué
o
^
3'
COROT. par
le
dëmenti donne par l'Empereur à son esthétique bour-
geoise, se tourna, paraît-il, vers riait
dans sa barbe,
le
III avait
acheté
L'Empire tombé,
est avec
s'est
la
enrichi
Eh\ bien,
vous!
Par bonheur,
Napo-
»
sorti
les
des
entra dans une collection dont le Louvre
récemment. La Charrette
est à nous.
Nous
devons un peu, en somme, à son acquéreur de 1855.
Sachons gré à ce rêveur couronné de le
«
Souvenir de Marcoiissis quitta
le
il
:
tableau sur sa cassette personnelle.
le
Tuileries après le 4 septembre.
mains impériales,
jeune fonctionnaire, qui
rageusement
et lui jeta
vous êtes content? L'Empereur léon
51
cœur par une poésie en
mode autour de
s'être laissé
prendre
blouse, qui n'était guère à la
lui.
XII
Ln
MATIN
:
Diane au bain
L'Exposition de 1855, c'est pour Corot une étape décisive.
L'homme
bientôt écrire à
est sur le seuil
de
un de
.
je fais des efforts
arrière-saison.
printanière.
»
ses élèves
pour
«
la vieillesse. Il
Je suis
pourra
un vieux papa;
lutter contre les glaces
de
mon
Mais cette arrière-saison fléborde de sève
Le peintre, qui a perdu beaucoup des cama-
rades de sa jeunesse,
vit
désormais dans
la société d'artistes
qui appartiennent à une génération nouvelle. Pendant une
campagne dans
l'Isère,
vingt ans de moins que
il
a
lui. Ils
rencontré Daubigny, qui a ont mêlé leur enthousiasme
COROT.
52
pour
la
nature;
ils
sont devenus
talents intlueiil l'un sur l'autre. le
Leurs deux
intimes.
Au
conlact de son cadet,
pinceau de CoroL devient plus moelleux
;
sa couleur,
plus vaporeuse. La douce alujosphère de ses paysages invite
cupidons, qui s'y trouvent dans leur
et relient nvm[)lu's cl
élément. Le bataillon léger des idéales créatures envahit l'Exposition Universelle avecles Soi?'s, les
Matmées ou
les
une
Pî'intenips (juils p('Uj)lent et personnifient. Ici, c'est
bande déjeunes amours s'ébattant solilairement dans une prairie à l'orée du jour; ailleurs, c'est Vénus mollement étendue au bord d'une rive dorée par
les derniers
rayons
de la lumière. Ailleurs encore, voici Diane avec ses compagnes, rentrant de
dans l'onde
leurs
cices (PI. 12).
La
la
chasse et se préparant à délasser
beaux corps
toile
qu'anime
la
las
Ronde des Nyînphes ^{q
le
Matin^
comme
1850. Cet idyllique
est la seule de ces variations diverses sur
mun,
exer-
troupe des chasseresses
héroïques s'appelait tout bonnement aînée, la
des violents
son
Matin
un thème com-
fourni par les jeux du soleil et de l'atmosphère, que
garde aujourd'hui un de nos musées. Les envois de Corot avaient plu aux visiteurs de la grande solennité internationale.
«
vait-il,
On m'a paru assez content de mon après
la
clôture, à son
exposition
ami Dutilleux.
»
écri-
11 s'était
décerner une médaille de première classe. Cependant,
vu la
plupart de ses tableaux rentrèrent à l'atelier et furent appelés à courir les expositions
de province. Le peintre Dauzats,
qui, en sa qualité de Bordelais, en organisait de
temps à
autre dans sa ville natale, en faisant appel au concours de
u
COROT.
55
pour y prenrlrepart, obtint, envoyât sa Diane. Le tableau,
ses confrères les plus qualifiés
en 1838, que Corot
dénommé
cette fois
vendre poui-
îi
lui
au catalogue
les
Baigneuses,
était a
000 francs. Grâce sans doute à l'amicale
intervention de Dauzats, très écouté d'babitude par
compatriotes, lui
il
fut acquis
pour
musée, qui compte en
le
un de ses joyaux. C'est une des œuvres
téristiques
dans
le «
(le
servir de
de
cité
»,
dans
il
se montrait par
et falot
conserve grâce à
auquel
Ce genre suranné
demeure
les plus carac-
nouvelle manière inaugurée par Corot
paysage historique
tradition fidèle. lui droit
la
ses
domaine des
le
à des êtres d'une
quelque chose au rêve
et
pour
C'est que,
arts.
humanité qui emprunte
au mystère, ses
« sites »,
baignés
d'eau clapotante et plantés d'une végétation où se joue la brise,
ne restent pas moins des morceaux de nature vraie,
doués d'une atmosphère pareille à respire et où notre vie se complaît.
gue grandiose parce que
la vérité
celle
on notre espèce
Le poète
parle
une
lan-
s'exprime par sa bouche.
XIll
Le concert Corot n'était rien moins qu'écrivassier. Cependant, est arrivé de confier ses
«
lui
pensées intimes à l'un de ses carnets
de poche. C'est une véritable profession de l'un d'eux.
il
Suivez vos convictions,
foi
qu'on lit sur
écrit-il. Il
vaut mieux
n être rien que d'être l'écho d'autres peintures.
Comme
dit
COROT.
56 le
sage, quand on suit quelqu'un, on est toujours derrière.
Le beau dans
l'art, c'est la
que nous avons rorue
à
vérité haignée dans l'impression
raspecl de la nature. Je suis frappé
en voyant un lieu (juelconque. Tout en cherchant l'imitation
consciencieuse,
l'émotion
(jui
ma
saisi.
sentiment complète. la sincérité
.
ne
je
Si
.
Le
perds pas un
une partie de
réel est
nous avons
instant
seul
l'art
:
le
été réellement touchés,
de notre émotion passera chez les autres.
»
Quel
meilleur commentaire rêver des tableaux de Corot que ces lignes de Corot
lui-même? Elles nous font pénétrer au fond
de son àme, où domine un sentimentalisme aigu. Maître
d'une technique dont nature,
il
le
fondement
est l'étude fidèle de la
prétend s'en servir pour communiquer à autrui
ce qu'il ressent au fond de
lui-même en présence de certains
spectacles grandioses- et suggestifs. Ses sion, en se simplihant, tendent à la
concentration de
atteindre
œuvres
le
qu'il
place,
l'effet. il
Du
moyens
d'expres-
émouvoir davantage par
point de vue où le but à
envisage avec
certaines
sévérité
a déjà montrées au public autrefois, et qui ne
répondent plus à son esthétique perfectionnée.
du Salon de 1857,
il
A
la veille
avise une toile vieille d'une quinzaine
d'années, et qui a figuré déjà à celui de 1844 (PI. 13). C'est
un tableau dont
l'idée
première
lui était
venue,
paraît-il,
pendant un séjour en Suisse, chez des amis, en voyant
un groupe de gracieuses jeunes
filles,
réunies dans un bos-
quet verdoyant et mêlant leurs fraîches carnations aux frondaisons d'alentour.
A Paris,
étaient devenues
nymphes musiciennes, dont
des
dans
l'atelier, les
Suissesses l'une
Oh
z
COROT. accompagnait sur rade, tandis
que
50
violoncelle la
le
romance d'une cama-
les autres écoulaient,
ou bien moisson-
naient les fruits des arbres et les fleurs de la prairie. L'auteur, encore
un peu gauche
lorsqu'il s'agissait d'ordonner
une composition, avait chargé qui nuisaient à
l'elfet
celle-ci
de détails inutiles,
de l'ensemble. Le paysage manquait
de parti pris, et les figures de simplicité. Le savant orchestrateur que Corot est devenu remanie son
comble. Le thème reste
le
même;
la
œuvre de fond en
carcasse du tableau
ne change point, mais un vigoureux émondage nettoie
le
décor qui se trouve replanté plus élégamment, dans une lumière plus franche et moins diffuse, tandis
({ue les
nym-
phes sont repeintes en pleine pâte et délibérément enveloppées d'une
atmosphère qui noie toutes
les
inutilités
oiseuses. Les premiers plans baignent désormais dans
ombre soleil
une
épaisse, que traversent à peine quelques rayons de
posés sur un bras ou sur une gorge de musicienne.
Tout l'éclairage appartient à
l'arrière
de la scène, vaste
trouée de jour sur laquelle se silhouettent les figures du fond. Ainsi
«
revu
et
corrigé
»,
le
Concert se présenta
avantageusement au public de 1857, pour qui Corot avait refait aussi,
dans sa manière nouvelle, plus synthétique
et plus expressive,
certain Incendie de
aussi du temps passé, qui trahissait de
riences de jeunesse. Les deux la Cf'S
Sodome
même
datant
des inexpé-
morceaux avaient dépouillé
froideur d'antan et brillaient d'une flamme intense.
deux chefs-d'œuvre,
l'Amérique; mais
le
le
De
dernier nous a été ravi par
premier, après avoir longtemps charmé
COROT.
60
un grand
son possesseur,
artiste,
Jules Dupré par
duc d'Aumale
le
de ce prince, accroché sur fait
les
fut
et,
acheté à la vente de
grâce à
munificence
la
murs du Musée Condé,
aujourd'hui partie de notre patrimoine
il
commun.
XIV Nymphe jouant avec l'amour
Le Salon de 1857 rement
vit aussi
plusieurs compositions entiè-
L'une, intitulée tout bonnement Soleil
inédites.
couchant, présentait un chevrier soufflant dans sa
llùte
sur la lisière d'un bois. Une autre avait pour sujet
Une
Nymphe jouant entrées
avec un amour. Ces deux peintures sont
récemment
l'une et l'autre dans notre Louvre.
y prendre la dernière pour l'introduire dans notre anthologie. Car c'est une perle rare (PI. 14). Lors-
Nons avons
été
que ce tableau parut, About trouvait
la
plus charmante
des formules pour caractériser l'œuvre et son attrait ingénu. ((
On
dirait, écrivait-il,
La Fontaine
traduisant Anacréon.
»
coutumier,
il
Et, avec la délicatesse de touche dont
ajoutait
:
«
Cet excellent
d'aucune école Ibèque;
il
;
il
homme,
il
était
ce charmant artiste n'est
n'a pas fouillé les cartons de la Biblio-
n'a pas séjourné longtemps dans les
qu'il sait, ni les vivants, ni les
mais
il
s'est levé
malin; ...
il
morts ne
est allé
faire à l'aurore sa
Parmi
le
thym
cour
et la rosée.
le lui
Musées
:
ce
ont appris;
-
o
COROT. La nature lui
(li(
le
connaît et l'aime, et
des secrets (}ue ni
le
rt
lui parlr
à l'oreille, et
sublime Poussin, ni
Claude n'ont jamais entendus. Corot
03
»
La Fontaine s'impose
le
Lorrain
Le rapprochement
entre
tout particulièrement en
présence de cette idylle mêlée d'une pointe de philosophie.
Comme La Fontaine, Corot
est
un
esprit réfléchi, qui cache
une grande profondeur de pensée sous une apparence
d'in-
souciante bonhomie. J'imagine que ce c«'libataire endurci savait à quoi s'en tenir sur le danger des traits que décoche,
suivant son impitoyable fantaisie, s'est
amusé
si
souvent à peupler
la
le
jeune archer dont
il
séduction enchanteresse
de ses matins bleutés ou de ses soirs aux chaudes dorures.
Ce
n'est pas sans
bout du pinceau
le
un malicieux sourire
qui se
el
démène pour
taquin jouera au pauvret. faire
couper les
ailes par
est-ce que les ailes de
Le
vieillard à
cet égard;
Il
ira
il
perdu
voici qui a
le
dernier tour que
un beau jour jusqu'à
le
lui
une autre nymphe mutine. Mais,
l'Amour ne repoussent pas toujours?
cheveux blancs ne se
mais
Le
il
l'arracher des mains qui le
ont dérobé. Encore n'est-ce point
lui
du
bambin redoutable. Et voyez comme
se complaît à lui faire des misères.
son arc
qu'il caressait
rit
de ce qui
sa philosophie, qui, après tout,
Le Salon de 1857, où
fait
fait
pas d'illusions à
pleurer autrui
:
c'est
en vaut bien une autre.
avait figuré sa Vénus, avait con-
firmé, pour Corot, le succès de l'Exposition Universelle.
Cependant, on
le
il
ne savait pas
prix d'une toile,
tant était
grande pour
il
se faire valoir. Lui
l'eût volontiers offerte
lui la
demandait-
pour
rien;
salisfaction de se sentir enfin
COROT.
G4
goûte. C'est ainsi
acquérir
le
tableau qui nous occupe,
céda avec joie
le
il
pour 800 francs. En demander davantage, le
garder pour
lui.
Au début de
seur Boussaton, qui avait ver et
lui
1858,
en son
foi
le
c'était
lui
du dtrnior Salon, dont
donna
étoile, venait le trou-
nombre
trois des tableaux rentrés
Concert
le
vouloir
commissaire-pri-
proposait de faire une vente d'un certain
do SCS œuvres. Corot
pour
aiiialeur s'élant présenté
(lu'un
et le
Chevuner
Il
y ajouta trente-cinq études rapportées de ses campagnes récentes.
fut
soumis aux enchères
les
fallut
racheter.
Le
200 francs pièce. Eh bien, vint
le
mercredi
Aucune des trois toiles du Salon ne trouva preneur:
14 avril. il
Le tout
,
annoncer
reste
fut
payé en
le croirait-on?
le résultat à
moyenne
lorsque Boussaton
Corot, sa modestie était telle
qu'il fut ravi.
XV Souvenir de Mortefontaine
Nous
voici à l'époque
où chaque saison
moisson de grandes œuvres. Ce nous renonçons à le
Dante
et le
faire figurer
fait
éclore une
n'est pas sans regret
que
dans notre galerie restreinte
Macbeth exposés en 1859. Nous voudrions
y voir aussi la Toilette^ qui parut au
môme
Salon. Les
deux premiers de ces tableaux sont chacun dans un musée, mais en dehors de nos frontières. Le dernier, encore en France, compte parmi les œuvres les plus dési-
Pl
Cliché Neurdein.
NYMPHE JOUANT AVEC
L
AMOUR. SALON DE 18 5 7.
(Musée du Louvre.)
COROT.
67
râbles pour notre grande collection nationale ra-t-elle
;
mais y entre-
jamais? Ne courons pas jusqu'en Amérique pour
rechercher Y Orphée inspiré, en 1861, au mélomane enthousiaste qu'élait Corot par l'opéra de
interprèlo,
M^^^ Viardot.
Gluck
et
son admirable
Contentons-nous de ce Souve-
nir de MorlefonCaine qu'un heureux sort nous a conservé arrêtons-nous devant ce morceau de modestes dimen-
et
sions,
mais d'une poésie
profonde, qui rayonne à
si
cimaise du Louvre (PL 15).
La
Salon de 1864. C'est l'heure où sans conteste. capituler.
La
critique, si
L'homme
qu'elle a
toile le
fut produite
pour
le
génie de Corot s'impose
longue à apprivoiser,
finit
longtemps malmené
si
la
présent partie du groupe restreint d'artistes que
le
par
fait à
suffrage
de leurs pairs envoie siéger aujury à côté des représentants
de l'Administration. n'a
fait
En
achetant un de ces tableaux, l'État
que s'associer à l'hommage qui
lui
a été rendu par
Ce tranquille paysage qu'anime un groupe d'humbles fillettes des champs, c'est la nature même saisie ses confrères.
dans un de ses aspects les
les plus
au moment où
vapeurs nocturnes répandues sur les eaux se dissipent
sous les premiers rayons du tracé cette la
fugitifs,
mémoire
image a obéi
si
soleil matinal.
La main
qui a
docilement aux suggestions de
qu'elle a créé l'illusion de la réalité. Et cepen-
dant, ce n'est qu'un peu de couleur sur
un mince canevas
!
Le
secret de Corot réside dans sa méthode. Certain jour,
un
publiciste s'est permis de l'interroger et de lui
der une manière de confession. fession de foi succincte
:
«
Dans
Il
la
répond par
deman-
cette pro-
carrière d'artiste,
il
faut
COROT.
G8
conscionoo, conlimco on soi
deux choses,
les
sont l't'tude
de
porsrviTance. Ainsi armo,
mes yeux, de
la
première importance
dessin et des valeurs.
(lu
la l'orme et
à
el
»
Celte importance
des valeurs, l'artiste ne perd aucune occa-
sion de la proclamer.
Un
de ses carnets contient quelques
notes qui complètent sa doctrine dans les termes que voici
:
«...
frappés.
Toujoui's
masse, l'ensemble
:
ce qui nous a
Ne jamais perdre la première impression qui nous
rmus. Le dessin
a
la
est
première cliose à chercher.
la
Ensuite, les valeurs. Voilà les points d'appui. Après, la
couleur; enfin, l'exécution.
traits essentiels
Ses albums sont couverts de
pour
indéchiffrables
croquis
»
indiquent
le
le
vulgaire,
où quelques
contour d'une forme
et
où
les
valeurs sont notées, dans leur gradation, par divers signes
conventionnels. Tel griffonnage de cette espèce a servi point de départ à ce
(le
le
poème
d'air et
de lumière qu'est
Souvenir de Morêe fontaine. Quant aux
tifjue, la
détails de la pra-
manière de procéder du maître a été décrite par
un de ses élèves dans des lignes que tout professionnel lira
avec intérêt. Évoquant des souvenirs qui remontaient
à l'époque féconde où Corot, en pleine possession de son talent, produisait à l'atelier ces
ses écrit
œuvres
longues années d'apprentissage,
réfléchies, fruit de
Gustave
Colin
a
:
« ...
Sa
clievalet,
toile
Corot
un crayon
blanche, légèrement teintée, posée sur un la palpait
blanc,
il
de sa forte main; puis, saisissant
traçait,
ment, avec une ampleur
et
après un instant de recueille-
une souplesse
particulières, les
-
m
COROT.
71
principaux traits d'une composition qui devenait à l'instant
compréhensible,
et
pour l'enrichir de
dont
il
détails...
le
Ces premiers tracés n'étaient
une période d'incubation.
repris qu'après avoir subi
naient alors sur
ne s'écartait presque plus que
chevalet pour recevoir
l'ébauche.
Muni d'une
ordonnée,
et
palette assez
composée de tons
du noir
reve-
travail de
le
sobre et assez mal
entiers,
armé de brosses
fortes et souples, le maître établissait avec de la terre et
Ils
d'Ombre
du blanc, réchauffés par des terres de Sienne
et
et
des ocres, l'ordonnance de son tableau au point de vue des
de l'effet, en fixant tout d'abord les deux extrêmes
valeurs
et
la plus
grande lumière
et la plus g-rande
vigueur.
:
11 affir-
mait ainsi les principales formes intimes avec une fermeté
presque violente, légers.
Un
qu'il atténuait ensuite à l'aide de frottis
nouvel abandon succédait à ce principal
effort.
Puis, lorsque l'ébauche était bien solide, le maître cherchait
rharmonie de son œuvre à colorées.
Son exécution,
était parfois
préférait,
a
l'aide de pâtes et de
demi-pâtes
pleine de verve, rapide et variée,
soutenue d'appels aux maîtres anciens
qu'il
Gorrège ou Giorgone (par exemple), prête-moi
tes pinceaux, disait-il; et
son œil s'animait;
et les
naissaient sur la toile plus rapides et plus vifs...
Pour qui a lu ces
accents
»
lignes, la technique de Gorot n'est plus
un mystère. Seul, le génie quilordonnademeuremystérieux et
confondant.
COUOT.
72
XVI L'kTOILE du
En mémo temps cette
montrait au Salon
qu'il
matinée fraîche
Toulouse un de ces
dorés et mélancoliques, dont
d'une simplicité extrême.
neuse d'un cupant
le
l'horizon,
un
salut à
ciel
Un
sans nuages
premier plan
s'était fait
et,
:
un
astre du
chemine dans
la
La scène
était
oc-
nappe
l'antique, qui adressait
(PI. 16). C'est
du
est que, sur
claire des eaux,
un troupeau
du pasteur pour qui ce
suivi
même
à l'Etoile
La preuve en
flambeau s'allume au zénith. Bien que l'œuvre
lite
spécialité et
adossée à cet arbre, regardant
pénombre,
1864, ou plutôt à cause
soir,
un unique tronc d'arbre
firmament
la
du
lac reflétant la pureté lumi-
ce salut s'adresse.
chemin qui côtoie
eii'ets
une
profond.
si
une jeune femme drapée à
Berger que le
il
avec un sentiment
qu'il rendait
souvenir do
le
argentée rapportée de Mortefoii-
et
taine^ Corot expédiait à
BF.Rr.ER
soit datée
de
de cette date, addition inso-
à la signature du maître, je
me
figure
que Toulouse
ne jouissait pas absolument d'une primeur. Un
tel
mor-
ceau est de ceux qu'un peintre réserve tout d'abord au Salon, avant de lui faire courir la province.
trompe
Ou
ou r Etoile du Berger de 1864 cache un
fort,
antérieur, exposé auparavant avec et enregistré
au livret parisien sous
un le
titre
a
«
me
état »
moins suggestif
vocable un peu vague
de Soiî'ée, familier à un artiste qui laissait à autrui de baptiser
je
le soin
littérairement » ses ouvrages. Quoi qu'il en
eu
-*
COROT.
75
tableau et conçut riiourouse pensée
soit,
Toulouse reçut
de
garder. Paye 3000 francs, paraît-il,
le
au musée.
Il
était
le
il
entra dès lors
temps. L'Amérique, où déjà certains ama-
teurs avisés avaient l'œil sur Corot, guettait cette pièce de choix.
Un
l'atelier
pour
le
s'était
vue dans
certain Walters, de Baltimore, l'ayant
de la rue Paradis-Poissonnière avant son départ
Languedoc,
s'en était
pas décidé sur l'heure
lousains l'avaient devancé.
Il
;
montré il
friand.
Le
revint trop tard
client les
:
Tou-
dut se contenter d'une répli-
que de dimensions restreintes. L'original, Dieu merci, tait
ne
res-
chez nous.
XVII Marissel
L'âge n'avait pas changé les habitudes de Corot pendant la belle saison. il
faisait
On sait
qu'aussitôt les arbres en bourgeons,
tous les ans son paquet et s'en
les petits oiseaux.
pour ne point
Il
faire
retrouver
allait
mieux
partageait son temps de son
de jaloux parmi ses hôtes habituels,
impossibles à contenter tous chaque année. Chacun prenait
rang à son tour sur
la liste
de ses villégiatures, on
le
voyait arriver, avec armes et bagages, au jour exact fixé
plusieurs mois à l'avance, avec une ponctualité étonnante
chez un artiste aussi libre d'allures en apparence.
En
1866,
sa saison printanière débuta par un séjour dans le voi-
sinage immédiat de Beauvais,
à Voisinlieu.
Il
y rece-
COIIOT.
7G vait Ihospilalilé d'iin
camarade dont
la
résidence, ontoun^e
d'un parc planlé de beaux arbres, donnait sur
campagne
mettait
et
paysagiste à
le
agrestes propres à inspirer sa verve. sait,
la
la
grande
portée des sites
Un petit sentier
condui-
à travers cbamps, au village de Marissel, dont la vieille lléche aiguë,
église, à la
domine un monticule au pied
duquel serpente un aimable ruisseau, à l'onde claire
et
chantante. Certain matin, Corot, ayant planté son chevalet
du
auprt'S
voyait
le
cours d'eau, esquissait une étude où l'on
petit
Clocher de Mar^issel encadré des frondaisons d'un
petit bois et reilété
devant (PI.
17).
Le temps
constant et taquine
ou huit
avec celles-ci dans
le
se
le
miroir qui coulait
montra capricieux
paysagiste.
Il
fallut s'y
pour mener l'entreprise à bien.
fois
sans cesse;
le soleil
;
avril est in-
reprendre àsept
L'eli'et
changeait
ne se montrait que pour se cacher tout
aussitôt. Cette mobilité de l'atmosphère aiguillonna le vieux
jouteur qui,
déjouant
la
ruse des éléments, fixa d'une
brosse nerveuse l'arabesque des nuages et arrêta dans les
branchagesdespeupliers, aux verdures hésitantes, un souffle
de l'aigre Lrise encore chargée de frimas.
entre deux « pipettes », le
Ce la
fut le
morceau
fut
A
la
maison,
reconnu «fameux».
meilleur de cette campagne. Cette année-là, pou
première
Un coquin
fois,
Corot paya sa dette aux misères humaines.
de rhumatisme eut l'impertinence de lui rappeler
pendant quelques semaines que sa soixante-dixième année venait de sonner.
borer pour
le
Le
travail s'en ressentit. Impossible d'éla-
Salon un de ces poèmes de rêve qui, chaque
saison, transportaient le public sur
une rive idéale aux
Pi.
Cliché YvoD.
MARISSEL. SALON DE 1867 (Musée du Louvre.}
COROT.
79
frondaisons myslërieuscs. La simplicité ingénue de la belle
étude rapportée de Marissd
tint la
place d'un ouvrage de
plus grande envergure. C'était l'année où l'Europe s'était
donné rendez-vous à Mars, où
Dans
Paris.
l'artiste avait
les galeries
envoyé plusieurs
l'étranger put admirer le Corot
du Gliamp-de-
toiles
anciennes,
aux grandes allures drama-
tiques ou élégiaques. Mais, au Salon desCliamps-Elysées,on n'entendit que
sa petite
«
musique
»
:
le
limpide ruisselet
du Beauvaisis murmura sa romance au pied du que couronnait
le
clocher rustique. C'en fut assex pour
tenter une souveraine.
dont
toria,
temps pour
L'humble page arrêta
mandataire,
le
la disputer
au
4000 francs. Grâces
lui
tailleur
Laurent-Richard, un
il
a
la petite toile
était
marquée,
par s'acheminer tout doucement
fini
fin
soient rendues. Aurions-nous sans
Marisset en notre Louvre, où sa place
et vers lequel
reine Vic-
la
par bonheur, n'arriva pas à
connaisseur, qui n'avait pas hésité à payer
cela
petit bois
?
XVIII
Un L'année 1867 nients
que
la
matin a Ville-d'Avray
fut
précédente.
quelques mécomptes,
pour
les
traversée par les
a
La
Le temps
mêmes
inconvé-
santé de Corot lui causa n'a pas été bien favorable
douleurs; je ne suis pas encore bien allant
vait-il à l'un
de ses amis.
A un
», écri-
autre, qui l'avait invité à
villégiaturer auprès de lui au bord de la
mer,
il
répondait:
COROT.
*^0
«
Quoique
cer à
en
je ne sois pas mal, je suis encore forcé de renon-
r;iir«'(l('s
vovaq'esun peu lonp:s
Ce
retraite et en silence. »
:
il
me
faul vivre
rt^fusait les invilalions et s'interdisait
avec
les
amis pendant
tude à laquelle là.
montré jusque-là
s'était
ne quitta pas Ville-d'Avray.
il
dehors,
et
davantage à
mandée par l'un
il
sa santé
l'intérieur.
est de
11
A
si
douce habiCet été-
fidèle.
travaillait
y
un peu com-
cette réclusion
passagèrement ébranlée, nous devons
des tableaux envoyés par
Un Matin
avait intitulé
de ((folâtrer»
belle saison, suivant la
la
amertume
n'était pas sans
qui!
encore
lui
au Salon de 1868,
à Ville-d! Avrny
(PI.
18).
qu'il
Le
site
ceux qu'un rhumatisant n'aborde pas sans quelque
témérité. C'est une prairie marécageuse au bord de Tétang,
dans laquelle une paysanne a conduit ses vaches,
animaux paissent à l'ombre d'un grand bouquet
et
où
les
d'arbres-
Par une échappée entre les troncs des baliveaux, on aperde la rive opposée. Le soleil
villas
çoit les
commence
à
peine sa course lumineuse, et ses rayons n'ont pas encore dissipé
dans
la
les
vapeurs répandues sur
brume
:
tout est bleu
contrée. Tout est
d'autant plus bleu que certains
;
glacis, qui atténuaient jadis la
cette coloration, ont fui,
la
prédominance exclusive de
comme
le brouillard,
sous
la ca-
resse de la lumière.
Corot n'avait pas eu sa part équitable dans les récompenses de l'Exposition Universelle
:
ses confrères avaient eu le
front de ne lui décerner qu'une médaille de
souverain répara l'iniquité en ficier de
laLégion d'honneur,
lui
conférant
qu'il méritait
2*^
classe.
Le
la rosette d'of-
depuis longtemps
GO
< o
COROT. sans qu'on pensât à
ans
la lui offrir
qu'il portait la croix
qui ne savait rien
de chevalier? Mais,
demander pour
La Matinée
achats du Salon,
pour Rouen. Rouen
rente pour
Une
lui.
n'y avait-il pas vingt-deux
lui, et
L'État pensa encore à
laisser oublier.
et partit
:
83
partie
C'était là que, collégien,
qu'il s'était risqué plus tard à
qui excellait à se à l'heure des
lui
n'e'tait
point une
ville indiffé-
écoulée
là.
avait fait ses humanités;
là
s'était
peindre son premier paysage
sur nature. Donner son œuvre au Musée d'une
cœur,
chérissait son
jugué plus d'une
et
dont
homme
à Ville-d'Avray fut acquise
desajeunesse il
un
c'était
la
ville
que
beauté avait en outre sub-
pinceaux, c'était ajouter à l'hom-
fois ses
mage dont son
talent était l'objet
à laquelle
montra particulièrement sensible. Autre-
il
se
au temps de sa jeunesse, une
fois,
ment de Louis-Philippe on lui avait demandé où
lui avait il
une délicate attention,
fois
que
gouverne-
le
acheté une de ses
désirait qu'elle allât. «
A Rouen,
avait-il
répondu. Mais un député avait réclamé
pour
musée de
elle
le
toiles,
le
»
tableau
sa circonscription. Cette circonscription,
n'appartient plus à la France.
Le Corot
est
devenu
allemand avec Metz et son musée. Grâce à Dieu, la Matinée
à Ville-d'Av ray ']omi d'un meilleur destin
:
nulle conces-
sion à la politique ne l'adétournée de la destination conforme
aux vœux de son créateur.
COROT
ai
XIX La femmk
perle
a la
Corol appartenait par sa naissance à une époque où, dans le «loinaine
niitrs.
de
la
peinture, lesgenres étaient nettementdéli-
ctoùlepaysac^iste n'abordaillafigurequ'en maraude.
Cela ne
T avait
son jeune âge,
pas empêché, on le portraitiste
pour
lui
sait,
de s'instituer, dès
de sa famille
Cependant, en dehors de ces qu'il dissimulait
le
au public, ses
«
et
de ses amis.
mouvements du cœur
fij^ures
»,
ne furent longtemps
que des exercices préparatoires en vue de ses pay-
sages animés
«
dans
la
manière historique». Sur
s'affranchit de ses scrupules et transgressa
canons de
l'École.
En
1869, en
Souvenii' de Ville-d'Avray.,
même il
le tard,
hardiment
il
les
temps qu'un nouveau
exposait
Une Liseuse,
Cette Liseuse, d'une humanité très moderne, s'écartait de ses contemporaines par
une certaine bizarrerie d'accoutre-
ment. Le peintre, qui s'improvisait
le
couturier de ses
modèles, inventait à leur usage les agencements
les plus
imprévus. Le fond de sa garde-robe féminine venait
d'Italie
;
maisil n'avait nul souci de faire des Italiennes pur sang avec les
faubouriennes de Montmartre ou de Montparnasse qui
hantaient son atelier, prêtant à ses pinceaux pour quelques
heures leurs formes et leurs carnations juvéniles,
comme
un exemplaire plus ou moins impersonnel des grâces accordées à
la
femme parle
Créateur. Tel de ces corps ins-
pirateurs, dépouillant toute parure, se montrait dans sa
COROT.
85
nudité et s'appelait Naïade ou Bacchante. Tel autre, drapé
de quelque étotie niolle
Eurydice ou
La
laurier.
Ja
Muse
et
transparente, figurait la
nymphe
Calliope, au front ceint de l'épique
plupart, afï'uhlés d'oripeaux sans signification,
appartenaient par leur costume au royaume de la Fantaisie.
héroïne au regard
C'est le cas de cette
depuis peu
le
qu'on appelle
Louvre,
clair,
qui hahite
et (ju'une tradition inexpliquée veut
La Femme à
la perle (PI. 19).
En peignant ce
visage suggeslil", on dirait que Corot pensa simultanément à la Belle
Ferronnière et àlaJoconde. La grâce du légendaire
sourire,mystérieusement envolé de chez nous, revit en partie surces lèvres plus jeunes. Cependant cette nouvelle Joconde n'a d'italien que quelques pièces d'un costume dans l'ensemble assez
artificiel.
La personne
vu
n'avait pas
le
jour
au delà des monts. Le pavé de Paris avait produit cette
Heur dont la beauté s'épanouissait dans
les ateliers d'alors et
stimulait l'inspiration des peintres. Bertbe (c'était son fut traduite par
n'anima ses
chacun à sa manière; mais nul, que je sache
traits
une perle qui
brille
d'un charme aussi pénétrant. Ce n'est pas sur son front c'estune maigre feuille qui :
s'échappe de sa couronne rustique.
même,
grâce à l'orient dont
Corot supplée Léonard, tache.
nom)
le
La
Perle
^
c'est elle-
divin artiste a doté sa prunelle.
et sa
candeur
le
rend égal à cetto
86
COROT.
XX Le pont de Mantes
Telles étaient les distractions de l'arrière-saison ou de l'hiver,
lorsque
ou
la bise
frimas commandaient de
les
dame Nature. cœur de son amou-
remettre à plus lard les rendez-vous avec
Mais
la
maîtresse bien-aimée gardait
le
reux, qui s'envolait vers elle au premier sourire du zéphir.
Vilie-d'Avray avait une rivale qui s'appelait Mantes. Elle disputait souvent ses faveurs, grâce rive de Seine où se mire, avec
aux prestiges de cette
une végétation
caprice des architectures pittoresques.
complu
lui
Que de
d'idylle, le fois
il
s'était
à deviner, à .travers les peupliers et les saules, les
tours jumelles de l'aérienne cathédrale; que de fois
il
les
avait lixées sur la toile et traitées, suivant l'heure et le temps,
dans une
gamme
joyeuse ou mélancolique!
Ct;lte
cathé-
drale de Mantes, Corot la faite sienne par droit de con-
quèle.
Il
s'estapproprié de
même Le Vieux pont, aux arches
trapues qui enjambent lourdement le lleuve, chargées du poids d'antiques masures qui furent des moulins. Ce motif, bien
fait
pour capter l'enthousiasme du paysagiste,
dant trente ans un de ses thèmes favoris, jamais. tion
A
soixante-dix ans passés,
communicalive
!»•
(P1.20).Cettepetitetoile, Irais.
portrait
il
il
ti'açait
définitif
fut
pen-
ne s'en lassa avec une émoqui
figure
ici
loulhumidede rosée, embaumel'air
Quelles bonnes matinées celui qui
l'a
peinte apassées
COROT.
87
sur cette berge printanière! Qu'il y fut heureux, et il
a bien su nous
En dehors du le
charme de
comprendre
le faire
plaisir de peindre,
comme
!
Corot trouvait à Mantes
la plus cordiale hospitalité.
Une
famille de
bourgeoisie, liée avec la sienne depuis de longues
vieille
lui réservait le plus
années,
son intimité paisible.
Toujours
la
même
garde
ses habitudes et ses goûts. la fenêtre,
un vaste horizon
chambre, visite
la
la
un observa-
et offrait
de ses
et
celui qui écrit ces lignes se rappelle qu'il
admis à en
fut
mémoire d'un trumeau
la
ouverte sur
contemplateur passionné du ciel
toire idéal à ce
avec émotion
ilattait
chambre, dont
vallée, embrassait
féeries. Celte
On
prévenant des accueils dans
qui,
faire,
et
il
orné, paraît-il, un
beau soir d'un magistral fusain par l'hôte de ces lieux, s'en
trouva malencontreusement dépouillé
matin par de
l'art.
le zèle
dune servante
le
lendemain
insensible aux séductions
L'aimable cicérone, témoin jadis du coup de plu-
meau
intempestif, sur les lèvres duquel j'en recueillis le
récit,
m'avait
« salle
fait
de bain
»
précédemment
les
honneurs de certaine
entièrement décorée par Corot, au temps
de sa jeunesse enfiévrée de souvenirs italiens,
et garnie,
sur
toutes ses faces, de peintures rappelant les sites les plus
célèbres du noble pays de ses rêves. tiste,
Le souvenir de
choyé en cette demeure pendant toute sa
fécond producteur, l'emplissait encore.
la
mémoire de
ce passant
même
culte,
vie
de
Une impression
inoubliable de piété tendre s'en dégageait pour teur disposé à partager le
l'ar-
et
un
a laissé
une trace à jamais durable.
visi-
dans
COROT.
88
XXI L'atelier
T/àme sereine de Corot devait maudire Notre
horreurs.
Tandis que il
avec
sa
sœur
invitations de ses amis.
d'eux,
Ce
«
s'éloigner
mal des en
de
même
où
de
les portes
monter
mieux à
faire.
la
de
la
causées par
le
elle,
se
n'osait [)as
il
Lorsque
Paris
se
fermaient. Mal-
ville se
parlait
il
gaillarde-
garde aux remparts. Mais
Sa peinture
était
devenue une mine
monnaie avec acharnement au
battit
Tun
rue Paradis-Poissonnière,
la
gré ses soixante-quatorze ans sonnés, d'aller
qui,
les
vieux Parisien rentra dans ses
le
et réintégra l'atelier
à l'heure
Mais
»
conjonctures.
telles
trouva bientôt menacé,
ment
refusant
serait bon, répondait-il à
des hommes.
folies
ses
la frontière,
Ville-d'Avray,
à
et
confondit.
le
d'étudier ensemble cette belle nature
fiche pas
murs
par l'Allemagne
agression
canon se mettait à gronder sur
le
s'enferma
g-uerre
la
profit
il
avait
d'or.
Il
des infortunes
malheur des temps. Son ingénuité
lui
dicta
un jour une démarche touchante. Le maire de son arrondissement recevait ce jour-là de billets
de banque avec ces mots
consacre l'argent ci-joint à
la
lui :
«
une
Monsieur
confection
manière plus dans
le lieu
directe,
dont
il
il
se
a peint
de servir
cloîtra
le
maire, je
de canons pour
chasser les Prussiens des bois de Ville-d'Avray.
Faute de se trouver en âge
bourrée de
lettre
la
»
pairie
d'une
de> journées entières
lui-même plusieurs
fois
l'image,
Pi.
LA FEMME
A
I.A
PERLE. VERS
(Musée du Louvre.)
1870,
19.
COKOT. avec une
toile
sur un chevalet
et,
91
devant ce chevalet, une
de ces gracieuses musiciennes qu'il excellait à faire d'un vulgaire modèle paré d'une défroque d'occasion. Atelier,
U
dont et
Louvre
le
a hërilë
récemment,
que nous reproduisons
ici
qu'il
(PL 21),
exhibera bientôt,
est peut-être la toile
qui évoque delà façon la plus typique cet intérieur de labeur
où
paisible,
le vieillard
consolait son patriotisme ulcéré par
des visions réconfortantes puisées dans ses souvenirs de la
douce nature. Dans une
lettre qu'il écrivait à l'issue
l'épreuve douloureuse qu'avait été le siège,
candeur vailler » il
qu'il .
ne
« J'ai
s'était
jamais trouvé
« si
il
avouait avec
en train de tra-
produit cet hiver plus que d'habitude,
à son correspondant.
«
de
» disait-
Je pense, ajoutait-il avec une naïve
grâce, que l'infortune m'a obligé de
voûte du
me réfugier sous la ombrages épais et de me placer le mieux
ciel et les
possible pour assister au concert des oiseaux. cluait tites
:
«
Auprès de
tempêtes
Vivent
cela, de ces quiétudes,
»
que sont
indurables que fabriquent les
les pluies d'étoiles
du mois de
Et
juillet
il
con-
les pe-
hommes?
et les jolies
fleurettes
dans
dirait-on
pas que cet artiste-là a déjà quitté les contm-
les
gences terrestres
que
le
nôtre?
prés!
»
Quelle admirable sérénité
et qu'il s'élève
!
Ne
dans un monde meilleur
COEIOT.
02
XXII Le Beffroi de Douai Corot
était
encore à Paris lorsqu'ëclata
pour n'entendre point
se bouchait les oreilles la
guerre civile; mais
rage d'aller tandis
que
il
canon grondait encore;
lut l'intervention
les
dans
et (juel
d'un ami pour l'arracher à
Il
échos de
ne se sentait pas
restait. 11
a cueillir les jolies fleurettes
le
Commune.
Ja
le
cou-
les prés »,
canon!
11 fal-
la capitale.
Le
gendre de Dutilleux, Alfred Robaut, à qui cette parenté valait toujours le plus
non sans
aimable accueil rue Paradis, réussit,
peine, à l'enlever.
ensemble, pour Arras d'abord, passa toute
la
durée de
la
Le
l^r avril,
vieillard, toujours allègre tait
Commune. Loin malgré
le
la>
partaient
Corot
oii
de Paris et du
gaieté naturelle du
poids des années, écla-
de plus belle au miheu de la chaude sympathie
la déférente affection
que
pour Douai,
et puis
spectacle des déchirantes discordes,
ils
rire et
travail
dont ses hôtes l'entouraient.
chansons. Et puis
il
11
et
de
nétait
se mettait tout de suite
au
avec une ardeur juvénile, à peine traversée de temps
à autre par le
ressouvenir des rhumatismes d'antan.
tremblait autour de
lui
tout obligée à quelques
On
pour cette précieuse santé, malgré
ménagements;
et l'on s'ingéniait à lui
fournir un motif qui ne l'exposât pas aux intempéries. Ce souci nous a valu
devenu tout de
le
Beffroi, qui n'est sorti de chez Robaut,
suite propriétaire de ce
que pour entrer tout droit au Louvre
morceau inestimable, (Pi. 22).
L'œuvre
fut
COROT.
93
pointe d'une fenêtre où, pendant doux semaines conséculives, les
du
vieil artiste,
nature.
y
Douaisiens purent apercevoir l'attitude appliquée
Le
8
absorbé dans l'étude consciencieuse de
mai 1871,
content de son labour,
le travailleur,
dans sa correspondance, en disant, sur un
faisait allusion
ton d'hyperbole qui cachait l'expression de
mets
la
dernière main au Beffroi de
L'homme
dide! »
même
temps qu'à
:
œuvre
la peinture, s'adonnait à la il
«
Je
splen-
photogra-
occupait l'ancien atelier de
son beau-père, autrefois souvent
visité
par Corot. C'est à
que nous devons mainte imago précieuse du maître bien-
aimé, surpris dans nature. ses
Douai
:
peintre Charles Desavary, qui,
le
phie dans la ville d'Arras, où
lui
la vérité
à qui s'adressait cette confession était un
autre gendre de Dutilleux,
en
la
Son
le
négligé de ses rendez-vous avec la
objectif eut aussi le privilège de se braquer sur
œuvres après avoir
Robaut pensait
sa personne.
saisi
dès lors à élever au grand ami, qui l'honorait d'une tendre confiance, génie.
11
un monument capable de
glorifier
dignement son
rêvait de réunir pour la postérité l'œuvre de Corot,
que chaque jour
éparpillait,
mais dont un
homme doué
de
patience et de persévérance était encore capable de retenir au passage quelque souvenir, soit par le crayon, soit
par la dieu.
Il
lentille.
demanda
L'apôtre et obtint
opérât par ses soins
paya d'audace auprès de son
que tout
un exode
l'atelier
de la rue Paradis
à Arras, et que Desavary prît
une image photographique du butin de tout âge accumulé par Ja prodigieuse abeille dans sa ruche féconde. Le reste, déjà abandonné à autrui et courant le
monde,
le
regarderait,
COUOT.
04 lui,
le
Robaul,
et sofi
nayon
fureteur. C'est seuiomenl après
sdjour à Douai, suivi en
juillet
d'une autre apparition
du cUvv visiteur auprès de ses hôtes, dans une résidence par eux pour
clioisie
dans leurs environs, au village
l'été
d'Arleux. tjue l'entreprise, consentie par
le
principal inté-
ressé, s'exécuta grâce à la collaboration des frères.
Appelée à mettre en œuvre
les
deux beaux-
matériaux préparés
par ces pieux ouvriers de la première heure, la main écrit
ici
ne pouvait manquer de rappeler les circonstances
auxquelles est dû
le livre
auquel
elle
eut l'honneur de don-
ner sa forme définitive, en y ajoutant pour préface toire
(jui
de Corot et de ses œuvres
« l'his-
».
XXIII SiN-LE-NoBLE
Depuis
le
La
route d'arras.
séjour de Corot à Douai, Robaut, hanté par
grande figure et la suit
:
qu'il a pris à tâche
de glorifier, s'attache à
la
elle
de près ou de loin, couvant de l'œil ses œuvres à
peine écloses, et épiant le moindre de ses déplacements. Le vieillard,
remis des infirmités passagères qui l'ont entravé
quelque temps, ne
s'est
jamais montré plus voyageur. De
tous côtés, on se le dispute. Pendant l'été de 1872,
il
se
rend successivement à Arras, à Rouen, à Yport; puis, à Port-Marly,
chez son élève, l'ancien
agent de change
à Luzancy, chez la veuve de
Remy, son cama-
Rodrigues
;
rade de
prime jeunesse;
la
et encore,
pendant
l'arrière-sai-
COROT.
95
Stumpf
son, à Étretat (ral)oril, où la famille puis, à Fonlainehloau,
où
il
le
réclame;
a pris rendez-vous avec son
confrère Comairas. Ce n'est pas tout. Après une courte halte à Ville-d'Avray,
il
repart pour Mantes; après quoi,
met en route vers Mont-de-Marsan,
se
comme
Jean-de-Luz. Enfin,
la fin
invite à prolong-er la villégiature,
novembre
zaine de
Biarritz
et Saint-
de l'automne est belle il
passe
la
il
et
première quin-
Coubron, près Montfermeil, où ses
à
amis Gratiot sont en train de
lui faire
aménager un
atelier,
attenantà la maison de campagne dans laquelleils l'hébergent. S'il
écourte de propos délibéré
rement à Paris, plus.
Sa porte
bonté
c'est (|ue
est assaillie
temps consacré ordinai-
désormais
il
ne s'y appartient
par les importuns, auxquels sa
mal se soustraire,
sait
le
et
par les quémandeurs qui
abusent de sa charité, toujours prête à se prodiguer. obligé de se cacher pour travailler en repos, et
il
a
Il
fini
est
par
accepter un atelier d'emprunt, pour y préparer ses tableaux
du Salon à payer
la
l'abri
des indiscrets. Mais, là encore,
rançon de
ressées d'un
renommée
la
monde
il
lui faut
et subir les visites inté-
de spéculateurs alléchés par l'appât
doré de ses productions.
En Douai
1873,
Alfred Robaut obLieni, encore une fois, que
soit inscrit
giatures.
11
par
le
voyageur sur
la liste
de ses villé-
y arrive pour la kermesse locale dite
Gayant», disposé
à prendre sa
« fête
de
bonne part des réjouissances
qui se préparent; mais, à condition que la peinture ne soit
pas trop sacrifiée aux amusements.
cœur qu'après une journée de
On ne
rit
de tout son
travail fécond. C'est pour-
COROT
90
quoi
le voici inslallt'
\ï\\e, h
do bon matin dans un fauhour"^ de
Si/i-/e-\oô/(\ su-
liouie d'Avra.^, en toits rouires
copie
Il
bord de
grand'route dile
la
chaumières aux
face d'un g:rouj)e de
mêlées à
23\
nulle (PI.
\o
la
verdure des saules
le sujet
la
et
de
la cliar
avec une naïveté touclianle,
laissant parler la nature, et se contentant
du rôle d'inter-
prète véridique. Adieu
sincérité suffit.
la
virtuosité
:
la
Et c'est ainsi que naît un clicf-d'œuvre de plus sous le
pinceau de ce vieillard aussi consciencieux, aussi d'art
féru
probe à soixante-seize ans qu'à ses débuts.
Robaut, qui
l'avait
vu éclore jour par jour, contait que
l'application de son illustre
ami ne l'absorbait pas au point
d'arrêter le sourire sur ses lèvres et la plaisanterie au bout
Un matin que son compagnon
de son pinceau.
on
travailler,
se rnet à causer de la kermesse.
le Il
regardait
apprend
t
que, sur
on y lâchera un aérostat. Vite, d'une
le tantôt,
brosse mutine,
il
lance lui-même un ballon dans
le ciel
de
son étude. Des paysans qui passaientjeltent, à ce momentlà.
un œil sur sa
toile. «
est dt'jà parti ? » Et
ils
Comment,
dit l'un
d'eux, le ballon
s'en furent tout mystifiés.
a emporté depuis l'aérostat
fantaisiste,
qui n'a
La fait
brise
que
traverser la toile de Corot. Les visiteurs du Louvre, où elle
a trouvé un asile digne de son mérite, en chercheraient
vainement
la trace
:
à moins qu'un des nuages légers, qui
circulent dans l'azur du ciel flamand, ne cache
voyageur jeté par
le
peintre à travers les airs.
le
facétieux
o 00
es
-r
> >
il H
^
COUOT.
y9
XXIV La Damk
La
toile
en blku.
qui fig-ure la dernière dans noire anlliologic
mort
de
Elle est datée de 1874. C'est aussi la dernière
de
provient
de
l'année
qui
qui soit entrée dans notre
précéda
la
Corot. l'artiste
Musée National. La Dame en bleu
appartient à la famille des belles rêveuses créées avec joie,
dans un jour de délassement, pour parle vieillard passionné de son
art,
le
de peindre,
plaisir
entre les quatre
de son atelier parisien. Cet atelier, Corot ne nait plus.
Il
s'y apparte-
peignait dorénavant sous le regard d'une
pagnie sans cesse renouvelée et composée de plus liétéroclite.
Amis
et
élèves, bigarrés
la
ou déguisés,
il
avec indulgence
poursuivant devant
le
elle
moi;
et pas
faisait-il
la fin
tolé-
fardeau de cette cour importune,
son labeur,
et
ne l'inlcrrompsnt à sa façon.
par exemple, vous voilà dix autour de
un ne songerait à rallumer
Cependant, à
assiduités,
homme
que pour lancer do temps à autre une boutade
«Comment,
façon la
y avaitde tout cela dans
bande attachée à son chevalet. L'excellent
rait
la
com
d'intrigants,
marcbands avides, trop pressants dans leurs solliciteurs ouverts
nmrs
ma
pipe?»
de cette année 1874 qui donnale jour
à la Dfime en ôleu^isi gaîté du robuste tâcheron se voilait tout à coup de mélancolie; son énergie faiblissait: brutal terrassait sa
Le jour
oii
ses
constitution jusque-là
amis se réunissaient, sur
si
la fin de
un mal
résistante.
décembre.
COROT.
iOO
pour
lui
ollrirriioininap(Mruiio MH'tlaillo.
(jui lui liail
aux yeux. La
luonlaicnl
semaines plus
(juel(jues
(Vhappait brus-
pour cacher
leur ('IrcinUM't s'enfuyait
(jiuMiH'iil à
il
uiort le tenait, et
laid.
Le 22
les il
larmes
succom-
février 1875, tout
rtailliiii.
Corol enterré
Les
et
ralelier(lispersé,rapotlieose commençait.
posthumes
expositions
consacraient sa
gloire
et
propageaient sa renommée. Bienlôt, ses productions devenaii'ul
insufTisantespourcontenterlaclientèle avide de se les
approprier.
La pénurie d'œuvres
confection
lucrative
de
monnaie courante sur
h*
^
authenti([ues engendrait la
fausses,
devenues aujourd'hui
marché de
la peinture.
Ce ne sont
pas toujours les vrais Corots qu'on paie le plus cher.
même
Cependant,
parmi
les pièces
naguère décriées
et
rangées sous l'appejlation commerciale légèrement dédai-
gneuse de plus
en
société
morceaux
«
dai-tiste », les occasions se font de
plus rares dans les
que
dans notre
le
contact avec le
jours
oii
nous vivons. La
Nouveau Monde a
fait
éclore
France est tellement dominée par l'esprit
vieille
de lucre qu'il n'est plus une parcelle du domaine artistique quel'agiot n'ait pénétrée etne se soitappropriée. Hier encore, les «
Corots
d'Italie »
ouïes
les
figures de Corot», laissés de
comme
des valeurs sans avenir,
hommages
désintéressés d'un cercle
côté par les spéculateurs
ne recevaient que
«
restreint d'amateurs, parmi lesquels les
comptaient pour
la
plus grande part. Les ventes récentes
ont changé tout cela, et «
marchandise
»
gens du métier
il
est « vieux
jeu» de médire d'une
désormais haut cotée. Les
«
amusements
»
COROT. du
vieil artislo,
dont on
riail
101
autour de Jui,et qui faisaient
récemment encore hocherla tête aux prétendus connaisseurs, on
les
couvre d'or à présent,
et les
Musées ne
les
conquiè-
rent qu'au prix de sacrifices invraisemblables.
CONCLUSION ET VUE d'ensemble
La
d'œuvres qui vient d'être passée en revue
se'rie
commentée
se répartit sur cinquante années, de 1825 à 1875.
Ces cinquante années occupent exactement xix® siècle, à égale dislance et
du
xx^,
et
du xvni^, qui
le
milieu du
vit naîtrele peintre,
où sa gloire rayonne parmi nous. La figure de
Corot, unique dans son genre, appartient à la fois à deux
mondes
dillérents et personnifie
deux tendances
d'art
en
apparence contradictoires, partant inconciliables. Formé à l'école du paysage liistori(jue,
il
demeuré, pendant
est
une longue période, un des représentants de ses pratiques conventionnelles. Jamais début dans
ment
011
il
les sentiers
se mit à y
de la tradition.
Un
marcher avec plus de
les plus avérés il
ne renia ce
jour vint seuleliberté
confrères. Grâce à cette indépendance d'allures,
moyen de rester fidèle à moder peu à peu autour
un;j esthétique
de
lui.
On
le
il
que ses trouvait
en train de se dé-
voyait emprunter
tour à tour à l'académisme ou au romantisme leurs sujets
COROT.
<02
on
l'avoris et
l'aire
I;i
siibslaïu'c de la
improvisée par sa sensibilité avec une nelle
neuve. Lulh ou
et
tien sciN aient, l'un
.Maolictli.
nouvelle
[)oéliquo
person-
teclnii(jue
Orphée ou
sainl Sébas-
après l'autre, de ibènie à sa fantaisie.
A
l'heure où Courbet proférait, au nofu du réalisme, de puérils
anathèmes contre
les
bannissait
créatures sorties de l'imagination
anges
des poètes
et
amours
du domaine pictural, ces douces
»
ii
la fois «
petits
el« petits
»
fictions trou-
vaient asile dans les paysages de ce classique impénitent,
Le monde où
habile à concilier le rêve et la réalité. tait
nymphes
à évoluer les enfants des
bon Dieu n'empruntait à
la
et les
résultait
du
nature que ses grandes lignes
les
traits.
sacrifice volontaire
des détails.
le
tant
la res-
de
L'intensité
l'eflet
Mais, dans
contenu étroitement
cette opération, le libre arbitre était
par
invi-
messagers du
d'ensemble; mais cette synthèse, loin d'atténuer
semblance, en accusait
il
respect des formes naturelles et des valeurs résul-
des lois immuables de
valeurs, ce double
la
lumière.
fondement de son
La forme
art,
dont
il
et les
prêchait
l'importance à ses élèves, l'artiste en continuait sans cesse l'étude, durant toute la belle saison, avec
qui ne faiblissait jamais. stvle
:
la
vérité toute
une conscience
Sur nature, point
d'artifices
nue s'imposait à son pinceau
nellement ingénu. Cependant, avec
le
de
éter-
temps, sa manière
changeait progressivement. L'analyse un peu timide du
début
faisait place
à une traduction
à
une vue plus ample des choses
conséquemment
plus libre.
et
Quelques
touches, posées avec justesse et décision sur des frottis
COROT.
103
légers et vaporeux, résumaient avec autorité un motif.
main faisait preuve d'une souplesse long exercice. Et puis,
fruits (lu
La
et
d'une dextérité rares,
la
peinture du paysage
avait subi, dans ses fins, depuis l'invention delà photographie,
une évolulion dont il importe de
tenir compte.
comme
giste se trouvait désormais supplanté,
de son cùté, dans
tiste l'était
taire de
son
rôle.
11
ne
la partie
Le paysa-
le
portrai-
purement documen-
appartenait plus sans réserve
lui
de fixer l'aspect d'un lieu ou
souvenir d'un
le
site (juelcon-
que. Pour échapper à la concurrence de Tobjectif rival, fallait la
donc
aller plus loin
que
lui
dans l'interprétation de
création inanimée, et s'attaquer à
prices
atmosphériques.
il
L'image ne
cette chose plus intime qui s'appelle
«
subtilité des ca-
la
suffisait
l'impression
une transformation des moyens d'expression
sans
plus,
D'oii
».
et la substitu-
tion d'une synthèse rapide à la lente analyse des objets à
reproduire. Corot s'était peut-être cette voie par
Daubigny
devancer dans
un plus jeune émule. Sa rencontre avec
et sa liaison
ture, h l'heure
laissé
où
sens, orienta son
avec ce fougueux amant de
celui-ci élargissait sa technique talent, déjà
en pleine
la na-
dans ce
maturité, vers
des horizons nouveaux. Les deux amis, emportés par un
commun et,
élan,
voguaient vers leurs destinées suprêmes
chacun à sa façon, s'acharnaient à décrire
cates sensations lumineuses. et
Le vieux
les plus déli-
disciple de Bertin
d'Aligny ouvrait, de concert avec son cadet moins in-
féode aux traditions classiques,
la
voie
oià
une phalange
appartenant aux générations nouvelles s'apprêtait à
s'en-
COROT.
104
gas^er résolunioni sur loiirs traces. Ils fondaiont en réalité
i'imprcssio/inisme^ dont
eux
faut saluer en
il
les vrais et
féconds pionniers. C'est avec raison (jue les chefs de l'école qui a poussé
si
loin depuis l'étude des jeux
se sont réclamés de Corot
comme
atmosphériques
de leur initiateur et de
leur maître.
Cependant, à l'enconlre de Daubigny, qui s'enllamma d'enthousiasme pour
les
productions de ces
novateurs,
cet aîné, plus réservé, se refusait à reconnaître sa lignée
en ces enfants terribles, dont de
le
troubler.
S'il
les
audaces ne laissaient pas
somme
collabora en
à
une révolution
artistique, ce fut sans le savoir et à son corps défendant.
A
l'apogée de sa carrière,
fidèle
au
même
il
restait
l'homme de
ses débuts,
rompre avec son
idéal et incapable de
passé. Aligny demeurait pour lui le dieu, à qui
voué un culte reconnaissant du jour lui avait appris à serrer
En
une forme
oià,
le
à
Rome,
crayon à
général, les grands créateurs ne brillent
Tesprit critique
avait
il
celui-ci la
main.
guère par
celui-là n'échappait pas à la règle.
:
Sa
peinture seule l'intéressait; non celle d'autrui. Nulle considération professionnelle ne
médiocre
fût-il,
un bon enfant
et
un aimable camarade. Pendant ses
conquis autant d'amis
même
Italie,
si
besogne que
sa
bonhomie
lui
trois
avait
rencontré de jeunes gens
qu'il avait
lui.
resta fidèle aux liens contractés
On
d'un confrère,
du moment qui! rencontraiten ce confrère
années d'apprentissage en
attelés à la
l'écartait
Rentré en France,
sur la terre
il
étrangère.
se réunissait le soir, chez l'un ou chez l'autre.
On
eau-
Pl. 21.
Co^or l'atelier, vers
1870
(MusĂŠe du Louvre.)
COROT. sait
en
des folies d'anlan; on
bourse n'était pas trop garnie
107
de nouvelles. La
faisait
que vécut
et, tant
de ce grand enfant, incapable, hélas
le
papa
de subvenir à ses
!
besoins en dépit d'un labeur acharné, faute d'avoir trouvé le secret
de plaire au public, ce fut
mépris au fond pour
les
négociant, plein de
le
amusements de son grand'gars,
qui en garda jalousement les cordons. Cette tutelle
humiliante dura environ vingt-cinq ans,
la
un peu
moitié tout
juste de sa carrière. L'orgueil de l'artiste subissait parfois
de dures épreuves. Les commerçants intéressés qui avaient donné
domaine des le
le
jour n'admettaient point que, dans
lui
le
souvent en désacord avec
arts, le mérite fût
résultat matériel des efforts accomplis. Ils le lui faisaient
comprendre, en prônant parfois à son détrirnent un plus
goûté,
Son amour-
bien que de moindre valeur.
piopre souffrait de ces piqûres; mais
il
rival
y répondait sur un
ton de plaisanterie, qui dissimulait son dépit. Sa mère, qui manifestait pour la toilette une considération assez
excusable delà part d'une modiste en vogue,
avec amertume 11
le
peu de soin
arrivait, paraît-il, à cette
(ju'unc
faut-il
ourson
pareil
qu'il prenait
dame de
femme comme moi !
»
L'ourson
ainsi
:
«
:
? » Et,
de
cette
l'étreindre
comme un
qu'il
aimait
petit enfant.
avec une
Est-il possible de traiter
à cinquante ans passés,
maman,
«
alors,
un des plus grands personnages que
portés
bras
Mon Dieu, mis au monde un
répliquait
malice ingénument prophétique
reprochait
de sa personne.
s'écrier ait
lui
Ne
il
la
terre ait
se jetait dans les
tendrement,
pour
s'étant pas décidé à
COROT.
i08 ronijnc avoc
le
célibat,
conservait
il
familial et s'asseyait plusieurs fois par
de ses parents, pour faire p:ràce. le « piquet » la
modiste de
la
place au fover
sa
semaine à
avec une parfaite l)onne
tMisuili'.
cbcr au \ieux ménage. Lorsqu'en I80I.
rue du Hac. que son
avec une nuance d'orgueil,
((
belle
la
nommait toujours,
lils
feiume», eut rejoint
au cimetière son époux décédé quatre ans avant profond cbagrin accabla ce fds conduisait
qui
la table
sur
ces
affectueux.
si
entrefaites
elle,
un
Le succès,
premiers acbe-
les
A l'un de ces Quel dommage que
teurs vers son atelier, arrivait trop tard. clients tant désirés, je
il
disait
un jour
ne vous aie pas connu plus
mon père et à ma mère. » A ce tournant de sa carrière,
tùtî
:
«
Vous m'auriez révélé à
privé de la compagnie long-
temps prolongée de sçn père et de sa mère,
il
avait perdu pas
mal de ses vieux amis. Mais, dans Torbite de son astre gravitait désormais
une pléiade de jeunes
satellites.
Ces
adeptes de son art, appartenant à une génération postérieure
société nouvelle.
d'autres, qui, taine
d'àme
à leur suite dans une
à la sienne, l'attiraient
Les Français,
les
comme Daubigny,
Leleux, les Lavieille
et
avaient tous une ving-
d'années de moins que cet aîné dont la fraîcheur faisait oublier
Tàge
réel, tous ces élèves
d'un maître bénévole rencontraient on
lui
spontanés
un camarade
prêt à sacriller ses droits à leur déférence. Cette adoption
par
la
jeunesse reculait pour
lui
l'heure de la vieillesse.
Lorsqu'elle vint, ni son âme, ni son talent n'en accusèrent le poids.
En
1873, quand son heure fut arrivée de payer
Pl. 22.
LE BEFFROI DE DOUAI (187 (Musée du Louvre.)
1
m
COHOT.
SI dette à la Parque, qui fauchait quelques semaines seuletard le grand Millet, et qui n'épargnait Daubi-
ment plus
gny
et
Daumier, enl erres tous deux à côtés de ou quatre ans encore,
Lachaise,
que
permanent
et la force toujours égale de
trois
au Père-
lui le
charme
son talent mas-
quaient la grâce de longévité dont cet élu du destin avait bénéficié.
de
le
La
postérité,
trompée par ce privilège, continue
mémoire
rajeunir en associant sa
illustres
à celle
de ses
émules, que je viens de nommer. Cependant,
tandis que Corot appartenait par sa naissance au xvm^siècle,
son confrère de Barbizon, dont
nom
le
est
souvent de
si
nos jours rapproché du sien, venu au monde en 1814 seulement, quoique décédé la
même
année que
à peine dans la vie vers 1830, lorsque, la lutte artistique, après
seau, dont on ferait
lui,
il
son apprentissage
non moins
à tort
un de
lui, entrait
abordait déjà
d'Italie.
ses
Rous-
contempo-
rains et de ses amis, se rattache au contraire à Millet par l'âge
même
et
par les affinités.
temps,
existât entre
ni
du
même
Corot
et
bord.
lui
Je
n'étaient
doute
même
eux des liens de sympathie. L'un
se formèrent à Fontainebleau, mais
chacun à sa façon, sans rien de
ni
qu'il
et l'autre
chacun à son heure
commun
du
et
dans les habitu-
des ni dans les tendances. Jules Dupré, né en 1811, un an
avant Rousseau,
et qui devait lui
survivre une quinzaine
d'années, n'étant mort qu'en 1889, n'est pas davantage
un
artiste allant de pair
avec Corot. Son admiration pour
son devancier, déjà parvenu à propres débuts, se traduisit, on
la maîtrise le sait,
à l'heure de.ses
par l'acquisition du
COROT.
11^2
fameux
Coiiccit rusli(|iio
«
en vente après
mage
cliai'ini'.
cl
jour où co morceau
mort de son auteur.
riiomme dont
à
séduit
la
», le
Tail autant
que
fut
mis
hom-
II
rendait ainsi
la
personne l'avaient
Cependant leurs rapports personnels
restés dans les limites d'une confraternité banale,
c'iaient
sans intimité véritable.
en
Il
de
allait
même
pour Diaz,
ardemment passionné pour l'œuvre de Corot, mais rarement Daubigny, seul parmi
appelé à se rencontrer avec
lui.
grands paysagistes du wx"
siècle,
que
ni
naissance,
la
marcher sur
ni
même
la
fut l'intime
les
du maître
Iculucation ne prédestinaient à
route que
Le hasard
lui.
ayant
les
conduits un beau jour à travailler l'un auprès de l'autre
dans une campagne de liés
en dépit de
la
l'Isère, ils s'étaient plu et s'étaient
grande différence d'âge qui
les séparait.
Daubigny, enfant dç l'année 1817, est l'un des plus jeunes de
la
bande glorieuse souvent décorée du
de 1830
ceux qui raient
impropre en ce qui concerne
»,
la constituent.
de notre cher
titre
«
d'école
la plupart
Deux années seulement
le
de
sépa-
Ilarpignies, dont la robuste figure
demeure encore debout parmi
nous,
comme un
vivant
témoin de l'époque héroïque du paysage.
A
ces
((
petits
amis
»,
dont celui-là
était aussi,
Corot ne
marchandait pas
les conseils de
à l'heure où
abordaient la carrière. «Conscience, con-
ils
fiance en soi et persévérance » dit, les trois
les la
son expérience, déjà longue
:
telles étaient, je l'ai
déjà
vertusprimordiales qu'il exigeait des débutants,
ayant mises en pratique lui-même.
Il
ne leur cachait pas
dureté de la lutte et la difficulté de la réussite, sachant
^, K"^
GO
J-'V
H5
COROT.
par cxporionco qu'à moins de posséder des rentes, on risque de rester en route.
compter sur autrui? une vocation
Avez-vous de quoi vous amuser sans
«
» disait-il
à quiconque le consultait sur était nég-ative, «
Eh
ami, ne faites point de peinture.
En
arlislique. Si la
bien, répondait-il,
mon
réponse
courtisant cette dame-là, vous risquez de mourir de faim
Pour ceux que gués
et à qui la
qu'il
fortune refusait
faisait à
leur tendait, à l'occa-
il
ternelle et
la
un ami dans une de ses
pendant son séjour à Rome,
il
son cœur
ses sourires,
une main secourable. Nous savons, par en
»
dangereuse maîtresse avait subju-
cette
s'ouvrait d'ailleurs tout grand, et sion,
.
s'exposa à
provoqua sur son compte
les
confidence
que,
lettres,
colère
pa-
soupçons
les
la
pour rendre service à son camarade
plus défavorables
Léon Fleury, incapable, sans son concours pécuniaire, de l'accompagner dans les montagnes de exposé le
le fait,
jeune
le
homme
la
Sabine. Après avoir
candide bienfaiteur ajoutait
qui en aurait
fait
montre pas généreux avec plus de
autrement? simplicité.
«
:
»
Quel est
On ne
Déjà
si
se
em-
pressé à partager son bien avec autrui lorsque ce bien de-
meurait fortmodique, ter ie
jour où
l'état
il
prodigua ses
libéralités sans
de son patrimoine
le lui
comp-
permit.
Poyr
dissimuler ses aumônes, sa bonté inventait de touchants
stratagèmes. Parfois
il
simulait
un enthousiasme spontané
pour quelque méc!ianttableautindénuéd'intérêt, afîndepouvoirlaisser sur le chevalet d'un
confrère dans la gêne
le
commençant ou d'un vieux
sourire de quelques billets bleus.
L'amitié lui imposait encore d'autres sacrifices.
On
le vit
COROT.
lir.
faire anlicliainlirc
dans un
iiiiiiislrre
coniniandc. ikhi point poni-
rade que celle
en vue do solliciter une
mais pour
certes,
lui
liht'ralih' adiniFiistrative
tel
cama-
devait aider à vivre
quehjue temps. Daubiiiny, qui connaissait
fond inépui-
le
sable de cette bienfaisance impatiente de se manifester, lui contait
un jour
(jue
Daumier,
Valmondois dans une
retiré à
masure de paysans, y végétait dans un dénùmentlamentable. Malade et incapable de subvenir à ses besoins, il se voyait en outre à les loyers
la veille
d^Mre cbassé par un propriétaire dont
ne rentraient plus. Corot, dont
yeux
les
s'étaient
mouillés d'émotion, ne laissait pas son ami achever son
Le lendemain,
récit.
gny en
la
maisonnette
portait de sa part la clef à
était à lui, et
Daumier
Daubi-
qui, faute de
trouver, pour exprimer sa reconnaissance, des termes assez
éloquents, chargeaft un de ses
«
avocats
auprès de son amical bienfaiteur. L' au chevet de Corot,
et j'ai
ques mois plus tard, l'emporter,
le
complaisance
brave
et
de
le
avocat
représenter »
prit place
ouï dire qu'alité à son tour quel-
en proie à
homme de
le petit
«
»
la
grand
maladie qui devait
artiste regardaitavec
orateur délégué par son confrère, et
disaitàplusieursreprises: «Cette peinture-là me faitdu bien. C'était la voix de la
conscience satisfaite qui parlait de
»
la
sorte.
Daumier
comme on delà
ville
n'était pas
pour Corot un camarade de jeunesse,
pourrait le croire en apercevant, dans
musée
nom du paysagiste et la date 1833 portrait catalogué comme celui du fameux cari-
de Paris,
au bas d'un
le
le
caturiste. Cette toile, qui n'est sans doute pas plus l'image
Pl.
Cliché
LA DAME E >
BLEU (1874)
(Musée du Louvre.)
Braun
2i
et Cie.
COROT. de Daumier
(jue
119
l'œuvre de Corol, tend à accréditer non
seulement une fausse conception du talent de ce dernier
comme
avec cette page d'un
portraitiste, qui n'a rien à voir
académisme impersonnel, mais encore une erreur dans
la
chronologie de ses amitiés. Ce n'est qu'après 1832 que
le
Daubigny dans la so-
peintre de Ville-d'Avray, introduit par ciété artistique de
l'île
Saint-Louis où celui-ci était chez
Daumier en môme temps qu'avec
se lia avec
le
lui,
sculpteur
Geofl'roy-Dochaume, son intime. Geoffroy- Dechaume avait di'jà
lièrement
« le
père Corot
que ce dernier leurs
Daubigny
appris à connaître celui que
lui
communs
appelait fami-
par certains passages des lettres
»
avait adressées de Grémieu, théâtre de
exploits.
Il
avait reçu de son correspon-
dant quelques lignes illustrées d'un croquis humoristique représentant
« le
patron
»
— pour me servir de son expresfamilière, — en de fumer
sion à la fois déférente et pipette dans son
lit,
train
fmtastique. Ces lignes disaient:
somme, un
excellent
sur
et projetant
homme,
«
le
Le père Corot
Nous avons fait des
de rire à nous en tenir les boyaux.
»
en
parties
Le boute-en-train,
dont les cheveux étaient déjà blancs,
une
est,
qui entremêle de très bons
conseils toutes ses plaisanteries.
n'avait pas pris
mur une ombre
?iiais
dont l'àmc
ride, cessait de plaisanter lorsque la
peinture était en jeu. C'est ce qui faisait dire, en ce tempslà,
à un critique, après
joie d'un
protestant. lui
une
visite à
son atelier
:
«
lia la grosse
barbier de village et la candeur d'un ministre »
Le
caricaturiste
du Jouivial pour
rire, qui
donnait sa place dans une revue facétieuse des
celé-
COROT.
l'JO
de
brili'S
tueuse
et
la pâlotte,
mettait
s'abstenait de toute
comme
léc^ende, en bas de son dessin,
liomuuige plein de déierence.
noms
parole irrespec-
a
un
Corot, ('crivait Nadar: un
les
plus justement vénérés de lécole moderne.
Quand même
l'admiration (jue nous professons pour ce ta-
des
lent
élevé ne nous interdirait pas
si
plaisanterie, la dignité
«
toute tentative de
nous serions encore rappelé au respect par
de ce caractère et l'estime fervente qu'il inspire
à toute la jeune génération. pect de
ici
barbier de village
emprunter
la
Le
»
fait est
ou de
»
« roi
comparaison tombée de
la
que, sous son as-
d'Yvetot
»,
pour
plume de Théophile
Silvestre après celle inventée par Ghamplleury, cet artiste '<
à la cordialité joyeuse
lement
coitfé
d'un
«
», «
à la face enluminée », habituel-
bonnet de coton à mèche tricolore
et « vêtu d'une blouse bleue » de
paysan, cachait, sous des
dehors plutôt vulgaires, un grand fond de sérieux la
plus
ardemment
Henriet, l'excellent
historiographe
auquel celui-ci appartenait tie,
comparait
et
éprise de sa profession M.
gny, dépeignant naguère les
la gravité
dont
il
faisait
Daubi-
de peintres
lui-même par-
des vocations artistiques
temps-là à celle des vocations religieuses.
l'àme
Frédéric
de son ami
mœurs du groupe
et
»
A
de ce
l'entendre,
l'homme qui se donnait alors à la peinture lui appartenait sans partage
Corot
:
fut
c'était
une sorte d'entrée en
figure, semblable
ment
Eh
bien,
par excellence un de ces illuminés chez lesqutds
brûle l'ardente flamme que la
Sa
religion.
foi
en cela à
celle d'un pontife
de
allume au fond des cœurs.
celle d'Ingres, est véritable-
l'art.
Son
pontificat à lui, s'exer-
121
COROT. çait
dans un rayonnement d'aimable enjouement, voire de
folàtrerie
«
saison
»
enfantine, prolongée jusque dans l'arrière-
de la vie. Mais ces dehors frivoles masquaient
plus fervent des apostolats.
Son
esprit,
hanté par
le
la pein-
ture, se refusait à concevoir la vie privée de cette divine
enchanteresse. Lui parlait-on des destinées possibles de l'humanité après l'achèvement de sa carrière terrestre, au-
cune
félicité
ne
le tentait
fictions qui berçaient la il
sans
prolongement des douces
le
son rêve.
Un
jour, chez des amis où
conversation avait pris un tour philosophique, était
question de
la vie future
et
que
comme
causeurs émet-
les
taient leurs hypothèses sur ce grave problème, lui,
fron-
çant le sourcil, entre deux bouffées de sa pipette, proférait
avec une
moue comique:
«
çà, j'espère bien
Ah!
votre Paradis on fera encore de la peinture
î
que dans
»
La peinture fut pour Corot l'amie bien-aimée à laquelle son cœur sacrifia tout, et pour laquelle, comme un prêtre, il
garda
le
célibat.
Ce
fut aussi la fidèle et bienfaisante
consolatrice des jours sombres.
Au lendemain
les plus cruels, elle le conduisait
pêtre, où le souffle
dans
du zéphir séchait
yeux, et où sa rêverie, bercée par
le
des deuils
la sérénité les
cham-
larmes de ses
cantique des oiseaux
après avoir erré parmi la radieuse nature, trouvait sans effort le
chemin des cieux.
L'atelier, à
son tour,
peuplé de douces visions agrestes et fon
enfermé à Paris pendant
le
sait
s'était
comment,
siège, le sensible vieillard
parvint à oublier, parmi les buissons enfantés par sa
moire,
les
mé-
douloureuses transes de son patriotisme meurtri.
COROT
122
moins
(Icpcntlant. oo rovour n'olait rien
trancher
l'air et. [)Our
esprit en
(|u'iin
mot, un bohème. L'hérédité avait,
le
au contraire, fortement manjué
de conniicrçant,
hls
h'
destiné par k's siens à l'atmosphère resserrée d'une boutique, qui. bii'n iju"échap[)é de cet horizon étroit, n'oublia
pas ailleurs
les
habitudes d'onhc
où
tractées au sein de la ruche
il
faute d'application et de
méthode
couronner ses
si le
efforts, et
ans, lui tourna le dos.
et (h'
labeur patient con-
Ce
était éclos. si le
succès
était
il
Son apprentissage
d'Italie avait été
cher pendant trois grandes années. de bonheur à
plaisir et
là-bas,
pour balancer
»
cl
11
désir
comme un
d'amour-propre. Malgré
il
la
«
de
se sentir la
quand
il
Alphonse
lui
montait à
soupe
dédaignait cette satisfaction
conscience intime de sa valeur,
attestée d'ailleurs par l'approbation de ses pairs, son
de bourgeois
de
honnête ouvrier qui a
du besoin, pour avoir reçu des siens »,
était
de beaux écus sonnants les
Ne croyez pas que, pour
de bonne besogne.
des souliers-bottes
faudra beau-
retour, écrivait-il de
Son plus grand
plaire et d'échanger contre
produits de son travail,
mon
«
lui
peines et les fatigues d'une
les
absence aussi longue.
à l'abri
celte nature
en coûtait de se séparer de tout ce qui
coup de
fait
lon^ à
fut
public, pendant vin^^t-cinq
une école sévère, acceptée avec courage par sensible, à qui
n'est pas
la face et la rougissait
sang
de honte
comptait les toiles rebutées par les amateurs. Karr,
dans ses Guêpes,
giner un dialogue entre
le
s'est
amusé
grand incompris
et
à
ima-
un de ses
amis, qui s'entête à prendre pour une mystification l'annonce
COROT. do
vente d'une étude qu'il re'clame. L'ami, convaincu
la
à la
123
par
fin
la
production des billets de banque et des louis
d'or, s'en va publiant partout
«
:
Dites donc, une drôle de
chose! Corota vendu un tableau.» Et partout on «
Allons donc?
sible. »
»,
ou
L'humoriste
Ah! bah?
«
riait
de
ou encore
»,
«
répond:
Pas pos-
du public, qui
la sottise
lais-
Corot ses paysages. Mais Corot en souffrait profon-
sait à
dément en secret que
risible
cela.
et,
au fond, ne trouvait point
Ecoulez sur quel ton
répondre aux ouvertures qui
lui
un échantillon de ses productions.
chose
le «
si
s'empresse de
il
un des
désir de posséder
Monsieur,
amateur, qui se trouve être un confrère,
très gracieuse lettre, par laquelle
la
sont faites par
premiers amateurs ayant manifesté
cet
lui
vous
j'ai
écrit-il à
reçu votre
me communiquez
votre intention d'avoir quelque chose de moi. Je suis très
de cette distinction de votre part,
Ilatté
et je
m'empresse
de vous remettre, selon vos indications, une petite Je désirerais savoir
toile.
vous conviendrait d'avoir une
s'il
étude d'après nature ou une composition. Les objets que je
vous destinerais seraient duprix de 200 francs. Les études
sont de 12 à 15 pouces.
»
Cette lettre d'affaires, par laquelle
débutèrent les relations, par
la suite si
affectueuses, de
Corot avec Constant Dutilleux, montre, par
ment
naïf qu'elle reflète,
tenait
au cœur de cet
Ne qu'il
fut-ce
en
combien
homme
la
le
contente-
vente de ses œuvres
cependant
si
désintéressé
que pour donner plus de prix aux cadeaux
faisait à
profusion, son amour-propre s'impatienta
longtemps de ne point
«
placer
»
sa peinture avec la
môme
COROT.
1-^
faciliU'que. rostodans leconimcrce,
il
oui ocoult' dos
aunes
de drap. Aussi, lorsque ses radieux paysages furent devenus, après trop (ranni'os dattenle, une marchandise colée el disputée, ce ne fut pas sans ore:ueil qu'il encaissa par surcroît le fruit matériel les
lauriers
de
la
de son labour, tout on moissonnant
souvenait de ses origines 1
or aflluor
Le commerçant manqué
gloire. et
se
regardait d'un œil complaisant
dans son escarcelle.
Il
jouissait
naïvement
de ce pouvoir de battre monnaie dont son pinceau disposait
désormais
peu parade. le
plus
et se plaisait, à l'occasion, à
en
faire
quoique
Mais un mouvement généreux déterminait
souvent ces manifestations innocentes.
Ainsi,
certain jour, en présence d'une mauvaise peinture qu'un
pauvre hère soumettait à son approbation,
il
saisissait
ses pinceaux, les premenait sur la petite toile et en faisait
un Corot, authentiqué par une magistrale signature. Après quoi: «Tenez,
faisait-il,
à présent je crois que vous ven-
drez cela plus facilement
Que
î
»
d'infortunes bénéficiaiont, sous une forme ou sous
une autre, de sa charité toujouis prête à se multiplier
!
Son cœur contenait d'inépuisables réserves de tendresse que, faute d'avoir fondé une
famille,
il
ne trouvait pas
l'occasion de déployer à son foyer. Ses amis et leurs enfants
en bénéficiaient
:
le «
vieux papa
«
leur partageait son iné-
puisable bonne grâce et ses douces prévenances. Les neveux et nièces,
que
lui avait
donnés sa sœur, recueillaient aussi
leur large part de son affection avide de se répandre. Et puis, l'humanité
anonyme
et ses souffrances,
que repré-
COROT. sente ledévouemcntfrune
125
sœur de charité,
son
éveillaient à
tour son active sympathie. Cluique fois qu'une cornette apparaissait au seuil de son atelier, des hénédiclions l'ac-
L'émissaire des pauvres s'en
cueillaient.
allait les
mains
pleines etCorot coupait court à ses remerciements en disant ((
Toutes
faire
Est-ce à dire que le
»
convenu dappeler un dévot?
rade
ma
sœur,
c'est
un bon tableau. Vous m'apportez
faire
d'en haut. est
que vous venez,
les fois
d'Italie,
pour
:
me
l'inspiration
bonhomme fût ce qu'on Mon Dieu, non. Un cama-
dont la vocation avaitavorté, et qui sedédom-
ma^eait de ses déboires artistiques par une piété militante, lui
adressa
même un
jour une pièce de vers de sa façon
pour déplorer sa tiédeur religieuse. Le versificateur, parodiant Corneille, disait avec emphase, en parlant de lui «
:
a trop de talent pour n'être pas Chrétien. »
11
Évidemment, le christianisme de Corot n'était pas celui qui satisferait
un
esprit étroit.
Une fois que
des personnes pieu-
ses s'entretenaient en sa présence des châtiments éternels
de l'autre monde, ception du
u
Ah!
Bon Dieu!
moins qu'un esprit fort,
»
vous avez une drôle de con-
fit-il,
Ce doux rêveur, qui
et qui,
touten conservant une grande
indépendance d'idées, sursautait à fondu
avec
« libres
penseurs», cet
fais
ces
dogmatistes
son petitange
».
la
pensée de se voir con-
à rebours qui s'intitulent
artiste qui disait
quelque chose de bon,
n'était rien
c'est
que
le
ingénument:
«
Si je
Seigneur aura envoyé
Le Divin Maître —n'en déplaise au censeur
revèche dont j'ai rappelé les doléances
—
l'eût
revendiqué
COROT.
12G
comme dans
le
meilleur de ses disciples. Mais, en cela
le resle, le
Sur sa
table
honhomme
de nuit,
voyait, tour à tour, s'appelle le
Manuel
(jui
comme
gardait ses coudées franches. lui servait
de bibliothèque, on
ce bréviaire de la sagesse antique qui (T Epictète et le
i'vangéli(jue qu'est l Imitation
code du renoncement
de Jésus-Christ. Les pages
de ce poème d'amour mystique, qu'il déclarait
fameuses
«
entre toutes, transportaient d'enthousiasme son
septuagénaire candide,
et lui
»
âme de
suggéraient des idées d'ardent
dévouement humanitaire. Sous
cette influence,
il
s'était pris
d'une admiration jalouse pour saint Vincent de Paul. C'est ainsi
qu'un jour oij quelqu'un vantait devant
bonheur
lui le
d'un artiste de sa trempe, capable de faire vibrer autrui à l'unisson de ses propres émotions, «
Oui, sans doute, je n'ai pas à
il
repartait sur-le-champ
me
plaindre de
même saint Vincent est sublime et le vœu d'une noblesse
mon
:
lot;
mais j'envie tout de
de Paul
»
La
parole
sans égale.
Me
trompé-je en déclarant que Dieu
musées,
oià
l'a
exaucé
?
Du
son art resplendit, Corot répand sur
rations affamées d'idéal la
manne
sein des
les
géné-
substantielle dérobée au
Ciel par son génie. C'est le saint Vincent de Paul des
épris de beauté sublime.
!
cœurs
TABLE DES MATIÈRES
6
Introduction. i.
Corot par lui-même. 1823. (Musée du Louvre;....
\II. Le Colisée. 1826. (Musée du Louvre)
7 et 9 1 1
et
13
III.
Lacathédrale de Chartres. 1830. (Musée du Louvre)
10 et 17
IV.
Volterra. 1834. (Musée du Louvre)
20 et 21
V. Saint Jérôme.
Salon
de 1837.
(Eglise de Ville-
2i et 25
d'Avray) VI.
Saint-André-du-Morvan. 1842. (Musée du Louvre).
VIL Homère
et les Bergers.
Salon de 1843. (Musée de 32 et 33
Saint-Lô) Vlll. Jésus
au jardindes Oliviers. Salon de 1849. (Musée 36 et 37
de Langres) IX.
Une matinée danse des Nymphes. Salon de :
1830-31.
(Musée du Louvre)
41 et 43
X. Soleil couchant. Vers 1830. (Musée XI.
du Louvre)...
43 et 49
Souvenir de Marcoussis. Exposition Universelle de 1833. (Musée du Louvre)
XII.
31 et 29
Le matin
:
47 et
r>3
Diane au hain. Exposition Universelle
de 1833 (Musée de Bordeaux)
51 et 57
XIII.
Leconcertchampêtre.Salon de 1837. (Musée Condé)
XIV.
Nymphe
jouant avec l'Amour.
Salon
de
55 et 61
1837.
(Musée du Louvre)
60 et 63
XV. Souvenir de Mortefonlaine. Salon de 1864. (Musée du Louvre)
64 et 69
1. La division de l'élude étant établie d'après les illustrations qu'elle comporte, la table des gravures se confond avec celle des chapitres. Les chiffres de la colonne de droite concernent les premiers, le texte; les seconds, :
les gravures.
TABLE DES MATIERES.
128
WI. X\
11.
XViii.
L'Étoiie
du Berger. 1861. (Musée de Toulouse)...
Marissel. Salon de 18(37. (Musée du Louvre). .....
Un malin
à Villo-dAvray. Salon
de 1868. (Musée
de Rouen)
\
XIX. La
79 et 81
à la perle.
leninie
Vers 1870.
(Musée
du 84 et 89
Louvre)
^
XX. Le pont de Mantes. Vers 1870. (Musée du Louvre)
XXL
L'atelier.
^XXII. Le
Vers 1870. (Musée du Louvre)
beiïroi de Douai.
XXIII. Siu-le-Noble
72 et 73 75 et 77
:
1871. (Musée
du Louvre)...
la route d Arras. 1873.
86
et
97
88
et
105
92 et 109
(Musée du 94 et
Louvre)
XXIV. La dame en bleu 1874. (Musée du Louvre)
5875-27. CoRktiL. Imprimerie QntJt.
[-28.
13
99 et 117 101
CONCLLSION ET VUE d'kNSEMLLE
1
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University of Toronto
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