Du dessin et de la couleur, 1883

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MM

Ê



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DU DESSIN ET

DE LA COULEUR


PARIS Il

1

M EIU E DE 7,

RUE

G.

BALITOUT ET

RAILL.1F,

7

C«


DU DESSIN ET DE LA COULEUR TAR

BRACQUEMOND PEINTRE ET GRAVEUR

PARIS G.

CHARPENTIER ET 13,

Ce

,

RUE DE GRENELLE,

ÉDITEURS 13



JE

A LA

DÉDIE CET ESSAI

MÉMOIRE DE JOSEPH GUICHARD MOX MAITRE


i


PRÉAMBULE

L'essai présenté littéraire.

ici

n'a

Deux mobiles

mais provenant de

la

aucune prétention d'ordres différents,

même idée,

de la définition

des termes du langage des arts, nous ont entraîné

à cette

simple

mouvement de

tentative

:

un

tout d'abord,

curiosité; puis, par

un

sentiment plus grave, l'intérêt de l'instruction primaire du dessin.

Notre curiosité n'avait-elle pas en effet raison d'être éveillée,

quand, à notre grand étonne-

ment, nous voyions tout entretien sur les entre un peintre, littérateur,

un

arts,

un physicien, un sculpteur, un

architecte,

un ingénieur, un


— homme du monde,

VIII

trouver incessamment

se

retardé et entravé par les diverses attributions

de sens données par chacun des interlocuteurs

aux principaux termes employés dans

les arts ?

Et lorsque, pour nous éclairer, nous eûmes recours

aux dictionnaires,

trouvé?

qu'avons

-

nous

absence d'indication significative;

erreur de définition, l'attribution de sens

étant appliquée à

auquel

elle

un autre terme qu'à

appartient

;

celui

confusion des idées,

par l'admission de deux sens, l'un bon, l'autre

mauvais, pour

le

même

terme.

Ainsi, les dictionnaires de l'Académie et de Littré, puis les autres, disent bien à le

dessin

:

butent de

«

quoi sert

Représentation... », tous deux dé-

même

;

mais

ils

ne disent pas d'où

provient cette représentation, quelle est l'essence

même

Ainsi, au

première

du dessin, ce qui

mot fois,

le constitue.

valeur, l'Académie, qui,

pour la

en enregistre l'emploi par les arts

dans sa septième édition (1878), en confond

le


IX

sens dans la première partie de sa définition,

elle lui

que en

le

lui

donne une acception qui ne touche

contraste des couleurs entre elles, tout

rendant, dans sa seconde partie,

Chez Littré, l'erreur

acception régulière.

son est

complète, et sa définition doit être intégrale-

ment reportée au contraste simultané des couleurs.

Dans aucun dictionnaire, la

nulle indication de

simultanéité des qualités chaude et froide

que

la

couleur possède en outre de la qualité

colorante. Tous, cependant, par de citations,

nombreuses

en constatent l'existence. Quant au

dictionnaire

que l'Académie des Beaux-Arts

consacre au langage des arts, nulle mention

de ces qualités

;

et pourtant,

dans

les fasci-

cules déjà parus, l'indication de cette façon d'agir de la lumière

sur la couleur, devrait

s'y trouver représentée

au moins par un des

deux termes chaleur ou chaud.

A propos

du mot

coloriste,

absence, confu-


incomplète, parmi tous les

indication

sion,

Ceux

dictionnaires.

eux qui l'admet-

l'Académie française en

celui de

tent,

d'entre

veulent bien nous apprendre que

applique bien

le

c0/om,mais

le

tête,

coloriste

c'est tout.

Le Dic-

tionnaire de l'Académie des Beaux- Arts, lui,

ne l'insère pas dans sa nomenclature, tout en

pour

l'utilisant,

le

dans son article sur

besoin de sa dissertation, le coloris.

Viollet-le-Duc, qui, lui aussi, se sert le

répudie nettement

un peuple de

soit).

.

.

Ce qu'on entend par

coloristes (pour

consacrée

expression

«

:

,

du mot,

si

me

servir d'une

mauvaise

qu'elle

dans son Dictionnaire raisonné de

» dit-il

1 architecture française du onzième au seizième siècle, (t.

t.

VII, p. 60. Ce qui ne l'empêche pas

IX, p. 396) d'être entraîné à cet élan d'ad-

miration est-il

:

«

obtenu

Avec quel !

art de coloriste cet effet

»

Que de choses étranges provoque incertitude générale

!

cette

On entend dire que Ingres


— dessine mal,

Xi

que Delacroix ne dessine pas

!

Affirmations magistrales, axiomes irréfutables

devant lesquels la majeure partie du public s'incline

comme

devant

lumière du

la

soleil,

tandis que les artistes se contentent d'un haus-

sement d'épaules. Et

cette lettre si curieuse,

où Decamps confesse que,

mencer sa

vie

d'artiste,

s'il

il

avait à

irait

recom-

prendre des

leçons de dessin chez Ingres, que pouvait-elle signifier,

venant d'un

tel

homme?

Et ces expressions art industriel, arts décoratifs, l'une délaissée

un certain temps,

après avoir été glorifiée

l'autre aujourd'hui

triom-

phante, que veulent-elles dire?

En qui,

dehors des divisions naturelles des arts,

on peut

le

reconnaître,

sont les métiers

particuliers de ceux-ci, y a-t-il des arts parallèles à l'art? Cette

question nous intéressait

Vivement, nous qui avions vécu jusqu'alors avec cette croyance qu'il n'y a cations d'un

même

principe.

que des appli-


— Nous pensons que pour constater la

XII

ces exemples suffiront

le

vague

technique des

arts.

flotte

Nous pensons

aussi

et l'indéfini

qu'il serait nécessaire de fixer cette

afin

technique,

de pouvoir au moins se comprendre, s'en-

tendre sur une

glorieuse

spéculation de

humain.

l'esprit

Dépourvus de

même

si

définitions nettes,

souvent

de principes un peu solides, la plupart

des artistes,

nous ne l'ignorons certes pas,

pratiquent les arts avec un entraînement senti-

mental

fortifié

par quelques recettes et par l'ha-

bitude professionnelle qui paraissent

suffire.

Reconnaissons tout de suite que de ce vague, de cette incertitude, émergent de loin en loin,

comme

par création spontanée, des choses qui

méritent la qualification d'œuvre ceci fait partie de la lingerie

n'est pas,

yeux du

Un

pour

d'art.

Mais

de famille,

qu'il

l'instant, utile d'étaler sous les

public.

intérêt plus grave,

avons-nous

dit,

que


— la

XIII

marche plus ou moins heureuse de

la

con-

versation, est celui qu'excitent ces questions

:

N'est-ce pas de l'arbitraire inconsistance des

mots

et de la confusion qui

en résulte qu'est

née l'uniformité de l'enseignement des

imposé à tous, enfant, ouvrier, artisan physicien,

homme

élève

de

arts,

d'art,

l'Ecole polytechnique,

du monde, artiste? Uniformité

réelle

malgré l'apparente diversité des méthodes

et

des modèles adoptés pour chacune de ces divisions,. qui toutes fatalement aboutissent soit à

débaucher des

ébaucher des

artistes,

artisans. Et

cela est incontestable,

le

si

soit à

quel est

dessin utile? Peut-on distinguer, établir la

quantité et la qualité de dessin nécessaire aux diverses situations où la vie jette chacun- de

nous? Enfin, quelle

est la délimitation entre le

dessin d'usage général et

le

ou

les

dessins qui

constituent la base professionnelle, la pratique

incessante,

de l'architecte,

du peintre, du

sculpteur? 2


XIV

Pour répondre h ces questions nous avons pensé

qu'il fallait

commencer par

fixer le sens

des termes et leurs rapports professionnels

avec

le

mot

les définir

dessin, et,

pour

uniquement par

cela, s'astreindre à le

langage, sans

le

secours des choses qu'ils représentent, c'est-àdire sans le concours de figures explicatives.

Un

terme bien défini ne peut-il être considéré

comme un

outil professionnel,

comme un

in-

strument de précision?

La

critique aurait

pu nous

fournir, par des

exemples contradictoires, de vives clartés; nous avons préféré nous confiner dans un vague qui, sans être obscur, exigera

une attention

persévérante.

Nous avons

tenté

cette

série d'ardues

indispensables définitions, certain que,

si

nous

n'avons pas réussi, nous aurons du moins gnalé un point faible et la nécessité de tifier,

et

si-

le for-


DU DESSIN ET

DE LA COULEUR

L'ART LA FORME - LES FORMULES

L'art

émanant du dessin

est la nature for-

mulée.

Par chacune de ses divisions formule spéciale de

Les

arts

donne une

ne pouvant percevoir la forme sans

étendue, sans volume, sorte de

il

la nature.

ils lui

ont attribué une

membrure composée du contour, du


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

16

modelé, de

membres

la couleur.

ils

ont isolé ces

théoriques, afin de les appliquer à

leurs usages les

Puis

;

ils les

ont réduits en formules,

rassemblant ouïes divisant selon

qu'ils

A

service

le

en attendent.

ce titre, la

est carrée,

forme n'a rien d'abstrait

:

elle

ronde, triangulaire, ou composée

de ces diverses figures

comparable, fluette, etc.,

étant etc.

De

;

elle

grande, plus,

est

mesurable

petite,

et

épaisse,

nous en tenant aux

apparences d'expression, nous pouvons dire qu'elle est majestueuse, triste, joyeuse, noble,

ridicule, etc., etc.

Quand Brid'oison

parle de la forme,

il

em-

prunte aux arts plastiques leur manière de la considérer par des

images applicables aux

abstractions que ce terme évoque.

Pour nous, une forme

polie est comparable

à une surface qui a passé par le polissage

du

brunissoir; pour Brid'oison, c'est de la politesse.

Mais nous n'avons pas à tenir compte de complexité d'idées où entraîne

Nous ne devons envisager signification qui

le

ce

le

mot forme.

mot que dans

rapproche

technique du dessin. Pour cela,

la

le il

la

plus de la

nous faut


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

examiner ce qui distingue l'un

deux termes

dessin et

Tout d'abord,

le

17

de' l'autre les

forme.

mot forme

com-

suscite la

paraison entre la manière d'être de la nature et celle sin.

une,

de l'art, ce que ne

Dans

la nature,

la

pas

fait

le

mot

des-

forme est immuable,

toujours semblable à elle-même; dans

l'art, elle est

d'apparence mobile, variable et

présente autant d'aspects qu'il y a d'arts, de

systèmes. Et cependant la préoccupation constante de l'art est la représentation de la forme naturelle, car, alors

même

qu'il invente,

il

sait

que son œuvre ne sera reconnue pour valeur acquise que

si

l'on peut dire de l'un

semble de ses éléments «

C'est juste.

»

— On

:

«

dit aussi

ou de

l'en-

C'est vrai, » :

ou

«C'est beau;

mais cette expression échappant à

la

»

techni-

que, nous n'avons pas à nous en préoccuper. Il

faut

donc reconnaître

la

valeur d'expres-

sion propre à chacun des éléments naturels réduits par l'art en formule,

pour apprécier

la

part apportée par chacun d'eux à l'unité de la

forme, unité qui est absolue dans la

la

nature par

confusion intime de ces éléments, qu'on

peut bien distinguer, mais

qu'il est

impossible

de disjoindre, 2.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

18

Le premier de presque

le

ces éléments, celui qui est

représentant en

titre

de la forme,

contour, n'est cependant applicable qu'à ses localités.

un

vue,

Il

le

une de

note la limite où, pour noire

corps,

un

semblent se ter-

espace,

miner.

Les termes tion,

ligne, contour, trait, plan, éléva-

coupe, gabarit, calibre, profil, silhouette,

schéma, servent à signifier forme lorsque

forme

est effectivement limitée

la

par un tracé

quelconque. Ingres disait à ses élèves

aune

même

forme,

la

:

«

Messieurs, tout

fumée!»

Cette chute

dans une démonstration solennelle est peut-

un peu naïve, mais

être

elle a,

pour nous,

l'avantage de placer la question de la forme,

envisagée au point de vue des

arts, sur

son vé-

ritable terrain.

faut bien se garder de prendre le contour

Il

pour par

la

forme.

le trait,

Il

n'en est qu'un élément, figuré

qui lui-même n'est qu'une for-

mule essentiellement conventionnelle

et

condaire, donnant aux arts la plus grande

seli-

berté et qui leur appartient en propre. C'est

par lui que la forme humaine, ainsi que toutes les autres

formes, est modifiée à chaque Que-


DU DESSIN ET DM LA COULEUR

10

taation des arts; c'est par lui que le principe

ornemental joint

et

accouple des êtres,

dissemblables

choses,

et

des

incompatibles.

Il

construit les combinaisons de la fantaisie la

plus

absolue,

comme que

vérité,

qui

deviennent indiscutables

comme justesse

contour respecte, par

le

le

de forme, lors-

modelé,

la

formité indispensable entre la nature et

Un est la

conl'art.

autre élément de la forme, la couleur,

également conventionnel. Dans

couleur est impondérable, c'est

elle-même.

Comment

du modelé? Dans

nos yeux,

l'aspect coloré de fait-il

la

lumière

dès lors la disjoindre

l'art, elle est

matérielle,

prête à tous les artifices.

elle se

la nature,

le

mais

Pour simuler sculpteur ne

pas des trous là où sont des surfaces

lisses?

Le

peintre ne supplée-t-il pas la cou-

leur par des valeurs

même,

le

tirées

blanc, le noir?

Lesformulesdu liberté entière

trait et

de la couleur, laissant

aux conjectures, aux formes

supposées par l'imagination,

comme

de sa négation

sont acceptées

vraies et justes, et doivent l'être, lors-

que, par le modelé, les lois de la lumière naturelle sont

rigoureusement observées.

C'est de la clarté

que dérive

la stabilité d'ef-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR fet,

parce qu'elle ne varie jamais dans la logi-

que de son expansion, qui permet

la

compa-

raison entre la nature et Fart. Et cela, avec

ou malgré les formes conventionnelles du et

trait

de la couleur. Il

par

nous le

est facile

de démontrer cette vérité

simple énoncé des époques d'art ou des

noms de

maîtres indiscutables, qui de

la

même

forme, celle de l'humanité, ont tiré des expressions tellement différentes qu'elles semblent

ne pas exprimer

le

même

sujet

:

ce sont les

Égyptiens, les Grecs, les Gothiques, la Renaissance, dont l'évolution se

Révolution

termine à la

française; ce sont Michel-Ange,

Jean Goujon, Roulongne, Puget, Houdon,, Da-

Léonard de Vinci,

vid d'Angers, Mantegna,

Corrège, Albert Durer, Ilolbein, Raphaël, Véronèse, Rembrandt, Rubens, Yelasquez, Watteau, Ingres, Delacroix.

Toutes

les différences des

sentent ces dates et ces

doute des formules du

mais chez toutes à-dire

que

la

le

noms viennent

trait et

modelé

est

de

la

sans

couleur

conforme,

;

c'est-

lumière, l'ombre et leurs in-

termédiaires affectent la

mée par

formes que pré-

môme

action, confir-

leur identité avec la nature,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR C'est «

donc du modelé seul qu'on peut dire

C'est vrai, c'est juste

appeler lificatif.

2\

« la

;

»

c'est lui

:

qu'on doit

forme» lorsque ce terme est un qua-

En un mot,

est le dessin, c'est

être vérifiée.

si la

par

le

science des formes

modelé

qu'elle peut



DU DESSÏN ET DE LA COULUUK

23

LE DESSIN

Le

dessin est le

et d'imiter la

moyen

artificiel d'inscrire

lumière naturelle.

Dans la nature, tout se montre par la lumière, le reflet, Fombre. et par ses compléments ,

C'est ce

que

le

dessin constate.

mière factice des

Le mot

dessin

est la lu-

arts.

résume tous

langue des arts plastiques.

les Il

termes de la est

toujours

mot technique emploie. Les expressions trait, mo-

sous-entendu, quel que soit

que l'on

Il

le

:


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

24

delé, couleur, effet, etc.,

ornement, forme, ligne, valeur,

ne servent que pour aider par l'ana-

lyse à la signification spécifier

du mot

dessin, et

pour en

un des éléments.

Ces éléments divers sont tour à tour pris

pour

le dessin

lui-même, selon que

la pratique

désignée par chacun d'eux prédomine dans l'application particulière qu'en fait l'une des trois

grandes divisions des

arts, l'Architecture,

la Sculpture, la Peinture.

Le

dessin sert à représenter les choses que

nous voyons

et à figurer celles

gination conçoit et nous

que notre ima-

fait voir.

met son nom à ces représentations tions. Ainsi,

la

Et

il

trans-

et figura-

chose peinte ou tracée sur

un dessin une un dessin; un monument est un dessin; une locomotive, une carte de géogra-

la toile,

statue

sur le papier, est

;

est

phie, les linéaments d'une idée, sont des dessins.

Le mot

dessin

désigne aussi les moyens

employés à son exécution

:

dessin au pinceau,

à la craie, au crayon, à la plume, au pastel, au lavis,

du

à l'aquarelle

;

dessin linéraire ou dessin

trait.

De

plus,

il

s'applique à la science qui sert à


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

son émission:

le dessin

de Ingres,

dessin

le

de Delacroix. Il

désigne encore

l'œuvre bleau,

:

mauvais

En

est d'un

on doit classer

,

>

ce ta-

bon ou d'un

est

ainsi

diverses

ses

dessin est à la fois une écriture,

le

:

une science, un

art.

une écriture comme moyen d'expres-

sion, l'écriture des formes.

une convention de l'ornement ainsi

statue

dessin.

propriétés

Il

cette

tenant compte des différentes valeurs de

mot

ce

gravure,

cette

du dessin de

la qualité

monument,

ce

Il

exprime, suivant

qu'il a créée, les

et toutes les

que toutes

combinaisons

formes de la nature,

les figures dérivant

de la géo-

métrie, de l'architecture, de la géographie. est

Il

une science comme étude,

des formes.

moteur,

le

dont

il

guide les industries dont

Il il

il

est

donne un corps aux professions

moyen

est le

la science

et le but,

comme

la pein-

ture, la sculpture. Il est

un

art

tion, l'art des

comme

formes.

Il

conception et applicamodifie les formes se-

lon sa convenance, en suivant uniquement les

conventions qui lui sont propres.

Le dessin

est particulièrement le

but et 3

le


DU DESSIN ET DE LA COULEUll

26

moyen

de trois professions

:

l'architecture, la

sculpture, la peinture. Ces trois divisions des

beaux-arts ayant chacune une voie différente

de

celle des

but,

il

deux autres pour parvenir à son de mettre

est utile

en lumière

moyens employés par chacune

Si

Je

nature,

il

n'emploie

dessin l'imitation de la

n'en est nullement de affranchi

qui,

chitecte,

le

d'elles.

sculpteur recherchent

peintre et le

exclusivement par

le

les

de

même

cette

de

l'ar-

imitation,

dessin que pour préparer et pré-

senter ses plans.

Pûur

lui,

ce n'est là qu'un

expédient, qui ne crée nul rapprochement avec le

dessin du peintre ou du sculpteur

dessin est une

;

son

simple indication destinée à

servir de guide à la construction d'un édifice.

On peut

l'imaginer

ti'acé

sur le sable avec

un

bâton, sans que l'édifice à construire doive y perdre quoi que ce soit en beauté et en soli dité.

Mais cet

édifice, qui n'a rien

emprunté à

l'imitation de la nature, n'en ajoute pas

moins

une nouvelle production aux choses naturelles


DU DESSIN ET DE LA COULEUR et,

à son tour,

il

devient pour

le

11

peintre et le

un élément de recherche, à

sculpteur

l'égal

des objets de la nature.

Plus que

compas,

le

que l'équerre

crayon,

les corps

de métiers sont

ments de l'architecte. Aussi

est-il

et

le

les instru-

dénommé

le

maître des œuvres. N'est-ce pas lui qui, dans

son œuvre, distribue le

lieu, le sujet et l'action,

à chacun des corps de métiers, depuis rassier creusant la terre tions,

pour

jusqu'au sculpteur

et

établir les

le

ter-

fonda-

au peintre chargés

de terminer l'édifice en l'ornant et en

le

déco-

rant? Tous les métiers et tous les arts sont donc ses vrais instruments.

que

accessoire,

le

L'épure

n'est

qu'un

signe matériel de son apti-

tude à diriger les artisans et les artistes dont s'est

il

entouré.

Le dessin de l'architecte est, à proprement un mémoire, un guide. Son art est un art isolé, n'ayant d'autre rapport avec les arts du dessin que l'emploi qu'il fait d'eux, parler,

soit

par lui-même, de sa propre main, soit par

les peintres et les sculpteurs

impulsion, lui

apportent

le

qui,

sous son

complément de

leur savoir, de leur talent.

Le mérite

qu'il

manifeste personnellement


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

28

dans

de ses plans n'est donc pas indis-

le tracé

pensable

ce n'est qu'un

;

conception de son œuvre. jet peut être

agrément ajouté à

A

la

ce titre, son pro-

examiné en dehors de

ses qualités

d'architecture.

Le goût

et le

talent de l'architecte,

nous qui ne voulons considérer que produit par un édifice

,

pour l'effet

s'exercent dans le

choix et la distribution des matériaux, dans le

choix

et

l'emploi

met en œuvre.

du personnel qui

les

L'édifice terminé est le véritable

dessin de l'architecte,

dessin qui doit décou-

vrir son but à tous les yeux.

Le dessin

fait

à l'aide d'un trait rendant le

contour des formes est la pratique de l'architecte n'est

i

non de déterminé par un Il

la tire

la nature, trait,

en qui rien

mais des conven-

tions imaginées par la géométrie, dont

obligé

il

est

de faire une étude spéciale.

Sa formule

est bien

une

écriture,

qui dit

clairement ce qu'elle veut exprimer. Elle se

retrouve dans la pratique de tous les arts;

au fur

et à

mesure que notre

sujet

et.

nous y amè-

nera, nous en examinerons la valeur dans ses

diverses applications.

L'étude archéologique des styles, dont

la


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

29

connaissance doit être familière à l'architecte,

aucune

n'offre ici

utilité.

Elle n'entre pas dans

notre sujet et ne pourrait rien changer à ce

que nous venons de dire sur Mais

tecture.

un

novateur,

si

cet architecte

nouveau.

style

Pour préciser

dessin d'archi-

peut faire d'un architecte un

elle

même un

savant, et sait créer

le

la

dans l'architecture

du terme

qualité

et caractériser la différence

avec d'autres applications d'art, saire

de

il

est néces-

une dernière remarque. Nous

faire

préviendrons

dessin

ainsi,

en

même

temps, toute oh-

jection tirée de la personnalité de quelques architectes.

Le dessin ornemental

est

une sorte de mo-

delé effectif que l'architecte ajoute au

ment ne

qu'il édifie.

un

choses artiste

dessin, la

est

monu-

encore, l'architecte

un plan;

et

ce

quoique scrupuleusement suivi dans

ses contours,

des

ici

qu'un projet,

fournit

projet,

Mais,

le

peinture

n'offrira l'intérêt

d'art

que

s'il

qui provient

exécuté par

est

possédant la science spéciale du

modelé. et

étranger à

chitecte ne peut

à

C'est que, la

particulier à

sculpture,

l'architecture,

et

le

modelé

que

l'ar-

y marquer son savoir, 3.

s'il


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

30

n'est peintre

ou sculpteur, que par

le

choix du

sculpteur ou du peintre qu'il s'adjoindra.

dessin de l'architecte est à une

Si le

grande distance de celui du peintre

de

par

du peintre, mais

celui

la différence

si

du sculp-

du sculpteur

teur, à son tour le dessin

fère

et

-dif-

simplement

du moyen employé pour

ana-

lyser et fixer la lumière et l'ombre.

On

dit

Lien du sculpteur qu'il modèle, et du

comme, dans

peintre qu'il dessine; mais

leur

acception la plus haute, ces deux termes sont

synonymes,

nous

les

emploierons

indiffé-

remment.

Pour une

le peintre,

il

s'agit

de faire voir sur

surface plane (papier, toile, muraille) les

reliefs des objets naturels,

en posant sur cette

surface des matières claires ou sombres, c'està-dire plus ou

moins blanches, plus ou moins

noires, imitant les lumières et les

dans

qui,

la nature, font apparaître tous ces objets

par leurs

En

ombres

saillies et leurs

agissant ainsi,

le

dépressions.

peintre distingue les


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

31

qualités diverses do la clarté contenues sur l'objet naturel;

cet objet; ou,

les inscrit

il

pour dire plus

dans

forme de

la

juste, ce sont elles

qui déterminent cette forme.

Le Je

relief ainsi

obtenu par

le

peintre ou par

dessinateur à J'aide du dessinestillusoire.il

n'en est pas de sculpteur.

même

de celui que cherche

Le sculpteur obtient une

le

identité

absolue de relief et de volume avec la nature, grâce à la matière qu'il emploie

:

terre, cire,

marbre, bronze, bois. Dans son imitation, reproduit une

une

sente

saillie réelle là

saillie,

le

il

modèle pré-

une dépression

se

la

lu-

creuse une dépression. S'il

ne semble pas se préoccuper de

mière qui doit éclairer son œuvre, sait

que

mières

cette

et des

modèle.

Il

se

œuvre

se

c'est qu'il

montrera dans des

ombres identiques à

lu-

celles

du

borne donc à prendre toutes

les

mesures de volume du modèle

et à les repro-

duire. Il

n'est pas inutile

entre le peintre et

le

d'insister

l'analogie

sculpteur est bien l'imi-

tation de la lumière éclairant le le

:

modèle mais ;

premier montre sa préoccupation incessante

de la qualité de la lumière, en constatant sur une


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

32

surface plane les reliefs et les dépressions

modèle, pendant que l'autre laisse à

elle-même les

le

creux de son œuvre, sans chercher à

moigner que son attention que

de

ait été dirigée

la

a

éclaire le

sur

même

fa-

modèle. les

valeurs produites par

les objets

de la nature et repro-

Cependant ce sont lumière sur

té-

lumière, certain

celle-ci éclairera la copie de la

çon qu'elle

cl

lumière

soin de faire voir les saillies et

la qualité et la quantité

la

la

duites parle peintre ou le sculpteur, qui constituent la recherche que tous les

suivent.

Le peintre

deux pour-

et le scuplteur ont

en ce

sens tant de points de contact que, grâce au

modelé que chacun d'eux pratique dans sa profession, un sculpteur peut devenir peintre, un peintre se faire sculpteur, par la simple acquisition de quelques procédés matériels.

Nous n'avons pas à entrer dans moyens d'exécution qui font de

des

arts

deux métiers entièrement

l'analyse

ces deux

différents.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Le dessin

33

étant la source unique qui alimente

tous les métiers spéciaux rattachés à l'architecture,

à la sculpture, à

la

peinture,

son

étude est pour eux tous l'étude de la langue qu'ils

doivent parler et écrire. C'est une rhé-

torique dont la gradation est infinie, et que

ne supplée aucune aspiration, aucune organisation individuelle.

Le

dessin, sous quelque forme qu'on l'en-

visage, ne peut exprimer que des réalités. est tout extérieur.

Alors

émeut, excite chez

le

même

Il

que son œuvre

spectateur des sensations

intimes que l'auteur a pu lui-même ressentir, cet effet n'est obtenu

que par

la

représenta-

tion de l'extérieur des êtres et des choses.

Mais comment cette apparence visible été fixée

dans une œuvre, la lumière étant

fugitive, tant sur les 'corps la

a-t-elle

inanimés que sur

physionomie des êtres vivants, où son inces-

sante variabilité est encore accrue par les

mou-

vements invisibles des sentiments?

Nous n'avons pas à

faire

un

traité d'exprès-


,

DU DESSIN ET DE LA COULEUR sion, qui,

du

serait

reste,

contenu pour nous

dans la science du dessin. C'est cette science seule qui celle

donne à

l'artiste

une seconde vue,

du discernement, par laquelle

passage

expressions naturelles

les

il

qu'il a

si

si

,

taines quelles soient dans le temps,

dans l'espace,

saisit

si

au

loin-

rapides

voilées dans la lumière,

mais

fatalement vues de ses yeux avant de

les cristalliser

dans une œuvre.

Delacroix a vu l'entrée des Croisés à Cons-

vu Tliétys et Jupiter, ont fait deux chefs-d'œuvre.

tantinople, Ingres a

de ces vues

ils

et

Qu'on ne s'étonne pas de l'absolu où nous nous plaçons

Nous

!

luttons

contre un courant

d'idées

contre une routine de pratiques, qui placent l'expression des arts soit dans une conception

préalable

toute sentimentale, soit dans

une

constatation immédiate de ce que les artistes

appellent la nature. ces

Nous croyons, nous, que

deux points opposés

sont

confondus dans une science qui

contenus

et

est le dessin,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

35

hors de laquelle aucune expression d'art ne

peut être acceptée, sinon

comme Dans

comme

tendance,

aspiration. cette situation, toutes les distinctions

qu'il faudrait faire,

nous

les écartons.



DU DESSIN ET DE LA COULEUR

37

LA COULEUR (DANS LE SENS GÉNÉRAL)

Dans un sens

général, le

mot

couleur dé-

signe une apparence physionomique superficielle qui

distingue les unes des autres toutes

les choses

que nous percevons. Ainsi, un objet

est rond, de plus clair

est

est rose

;

mobile

,

que

la

est

encore ou

couleur de toute chose

changeante

,

suivant les

mille

impose en

la ren-

variations que la lumière lui

dant

il

ou sombre. faut noter

Il

il

visible.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

38

Couleur désigne aussi

par

la peinture,

les matières employées

l'aquarelle, la détrempe, le

pastel, etc., etc.

Dans ces deux

sens, le blanc, le noir, le gris,

qui, selon les diverses

couleur par

la

manières d'envisager

physique

et

parles

négation ou plutôt l'absence de

la

arts, sont ]a

la couleur, sont

des couleurs.

Le terme nuance a

le

même

sens que

le

mot

couleur, lorsque celui-ci désigne la qualité co-

lorante

;

mais

il

couleur affecte

spécialise la délicatesse

que la

dans ses variations innombra-

bles et insaisissables. Ainsi, les parcelles d'or

appliquées, soit en mixture, sur une plate-

bande de

bois, soit par le feu,

laine, conservent la

même

sur la porce-

couleur que

got dont elles sont extraites

;

le lin-

cependant cette

couleur présente, sous ces trois aspects, des différences presque indéfinissables.

nuance. Le blanc des

C'est

la

chrysanthèmes, leur

jaune, leur orangé, leur rose, leur rouge, leur

pourpre, leur violet, leur

lilas,

ont la

même


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

39

intensité de valeur et

de coloration, que

blanc des narcisses,

le

jaune des

rangé des soucis,

rose des roses,

des œillets,

le

le

soleils, l'ole

pourpre des pivoines,

des violettes, le

des glycines

lilas

le

;

rouge

le violet

mais

ils

sont doués d'un charme, d'un caractère personnel, intraduisible par les mots. C'est la

nuance.

Ce terme

ment qui

sert

encore à distinguer

incline toute couleur vers

couleur. Ainsi, en parlant du violet clair,

on doit dire

rouge ou vers le

la

lilas,

le vire-

une autre qui est

un

vire vers la nuance

s'il

nuance bleue

;

de

même

pour

pourpre, qui vire vers les nuances, soit

rouge, Il

soit bleue, soit

diverses

désigne aussi les

reflets

métalliques

bleues, vertes,

flammes

:

la

:

orangée. couleurs des

ce reflet a des

violettes.

nuances

De même pour

les

couleur de cette flamme est com-

posée de plusieurs nuances.

Comme

à la couleur, le terme nuance s'ap-

plique au modelé, aux valeurs, aux lignes s'étend jusqu'au langage,

Mais alors

il

est

jusqu'aux

;

il

lettres.

détourné de son acception

propre, qui est de caractériser une des appa-

rences de la couleur,

si

bien que,

même quand


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

40 il

sert à analyser les formes,

même

de la

manière

qu'il le

désigne un élément coloré. cret

il

ne

spécifie pas

fait

En un mot,

devient abstrait. Dans ce sens

il

à la technique des arts,

quand

et

il

il

de con-

échappe

par conséquent à

notre étude.

Le terme

ton s'emploie dans tous les cas où

l'on peut employer le mot un sens qui indique que

couleur, mais dans l'intensité colorée

est rabattue, c'est- à-dire diminuée.

De

plus,

il

continue à désigner l'élément de

même que celle-ci n'est plus déterminée, comme ton de chair,

la couleur, alors

nettement

:

ton neutre.

Les expressions ton

juste,

ton faux, sous-

entendent le contraste de plusieurs tons, de plusieurs valeurs,

un ton

isolé

ne pouvant être

ni juste, ni faux.

Dire

:

Ce ton

est

juste

,

c'est

impliquer

l'accord entre ce ton et les colorations qui l'avoisinent. Dire

:

«

Cette étude est d'un ton

juste, » c'est reconnaître l'accord

contrastes de cette étude.

de tous les


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Dans certains

cas, ton juste

seule expression l'idée la couleur, le

mot

résume en une

du modelé

de

et celle

ton ayant le double rôle de

valeur et de coloration.

D'après ce qui précède, un ton est faux lorsqu'il est

en désaccord de contraste avec

les

colorations qui Favoisinent. Mais ton faux signifie quelquefois et

peut ainsi être

un ton louche, déplaisant, appliqué à une œuvre com-

posée de tons justes mais désagréables ture en

donne des exemples. Ceci

;

la na-

est affaire

d'appréciation.

Le ton dominant ou la dominante, désigne la couleur qui domine par son intensité, ou par son nombre, lorsque par expansion

pour

ainsi dire tout

Ton

local

ou

un ensemble

localité

'.,

c'est,

elle teint

coloré.

à proprement

parler, le ton posé à plat, la couleur, qui, dans

une peinture, occupe telle place, telle localité. On dit alors tout simplement localité : localité verte, localité neutre.

Horace Vernet expri-

mait comiquement l'idée du ton local ; sait:

«

Tous

il

di-

les ciels sont bleus, tous les ar-

bres sont verts, tous les pantalons sont rouges. »

Ton

local a de plus

une acception abstraite 4.

:


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

42 il

exprime

un

colorent

unique,

la

réunion des divers éléments qui objet,

comme

pour en composer un ton

aussi la réunion des diverses

valeurs qui éclairent cet objet, pour les réunir

en une valeur unique. Dans cette donnée,

lément éclairant

l'é-

et l'élément colorant sont con-

fondus en une seule expression.

Les œuvres de Velasquez

comme exemples C'est ce

rait

peuvent servir

cette vision d'art.

que Courbet appelait

la peinture.

village

de

Son tableau Les

la synthèse de

Demoiselles de

en est un exemple frappant.

On pour-

supposer peinte d'un seul coup de pinceau

chacune des

trois

posent ce tableau, terrains

,

les gris

grandes divisions qui comles

bleus du

ciel, les

verts des

des roches, tellement les élé-

ments divers que comportent leurs valeurs

et

leur coloration ont d'unité, d'effet et de puis-

sance d'expression dans leur simplicité. C'est encore par cette manière d'envisager la couleur et les valeurs

primé par tache; d'où tachiste

que ton local

est

venue

est

ex-

l'épithète de

donnée aux peintres qui usent de ce

procédé. Mais plus la tac/éprend d'importance

en elle-même, plus citer des

le

modelé

disparaît.

Pour

œuvres importantes conçues d'après


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

43

donnée, ce n'est plus aux arts du modelé

cette

qu'il faut s'adresser,

mais à ceux de

l'Orient,

des Persans, des Chinois, des Japonais, arts qui demanderaient

Le

un examen

spécial.

ton géométral, ce terme emprunté à l'ar-

chitecture

par

que

signification

décorateurs

les

localité ;

mais

il

a

la

même

faut remar-

quer que, pour un architecte, géométral a un sens exact, qu'il s'agit pour lui de géométrie,

exactement

qu'il délimite

que

les localités, tandis

décorateur désigne ainsi

le

occupe

Dans

la

couleur qui

telle localité.

les arts, le

du mot ton ;

il

terme

en continue

accentuant encore

le

teinte est le

féminin

la signification,

rabattement de

la

en

cou-

leur.

Demi -teinte y mière

c'est

la valeur entre

la lu-

et l'ombre.

Les termes

ton, teinte, tout aussi bien

celui de nuance,

que

supposent nécessairement

l'élément de la couleur.

Les termes couleur, nuance,

ton, teinte, évo-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

quent

l'idée

du contraste des couleurs

contraste n'eût-il

comme

éléments que

la

,

ce

cha-

leur et la froideur.

(EXTENSION QUE LES ARTS DONNENT

AU MOT COULEUR) La

théorie physique énonçant que la couleur

n'existe pas par elle-même

pour ainsi dire de et la

mais

qu'elle naît

provoque

la lumière, qui la

rend perceptible,

est applicable

par la raison que, pour eux aussi, lumière analysée de

ou

telle

telle

aux

c'est

arts,

de la

façon que

provient ce qui est appelé la couleur.

Faisant abstraction des qualités diverses delà couleur, etenvisageantl'expression des formes

par

les seules intensités

doit être considérée

de clarté, la sculpture

comme

du dessin. Cependant on sculptée a de la couleur

;

conception pure

la

dit

:

« Telle

œuvre

» et cette qualification,

remarquons-le, s'applique aux sculptures ré-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

45

putées les plus parfaites. Sans nous étendre à ce propos jusqu'à des considérations générales

sur la sculpture, nous retiendrons néanmoins

deux conséquences

:

la première,

sin contient la couleur

couleur

peut

;

la seconde,

s'appliquer là

que

que

le desle

mot

couleur

la

n'existe pas au propre.

Le mot s'applique

couleur, dans sa signification propre,

à

une apparence des choses in-

dépendante de leur forme. Pour

les

arts,

il

spécifie de plus la faculté de figurer la lumière,

avec ou sans

le

concours des individualités

jaune, rouge, bleue, violette, verte, orangée.

Considérant cette reproduction de toutes les

phases lumineuses comprises entre et l'obscurité

comme

la

la clarté

couleur elle-même,

ils

font de la couleur une des formes du dessin,

comme

elle est

dans

la

nature une des formes

de la lumière.

Dérivant essentiellement du modelé,

ils la

réalisent par des contrastes clairs et obscurs

qui supposent les intensités jaune

,

rouge

,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

46

bleue, etc., etc., celles-ci ne pouvant concourir à la valeur d'une

œuvre

si

elles n'ont été or-

données par eux.

D'où provient

cette

impuissance de

leur à rien exprimer par elle-même

cou-

que ses apparences sont instables

sulte de ce et toujours

la

Elle ré-

?

dépendantes de

la

lumière qui les

frappe et du milieu où elles sont entrevues.

Et

si

grande

est cette instabilité

rions volontiers cette impersonnalité

nous di-

— qu'une

couleur, quelle qu'elle soit, est complètement

transfigurée

en virant instantanément à sa

complémentaire, sans laisser trace de sa coloration primitive, quitte à la reprendre, elle telle autre,

lorsque se modifiera, dans

telle nuance, l'influence

lumineuse qui

telle

ou ou

lui fait

opérer son premier virement. C'est cette instabilité qui la couleur n'est

que

permet de

dire

que

relative.

Pour s'emparer de

cet

élément fuyant,

si

rare par suite de son inconstance , l'art isole la couleur, et s'en fait une image à l'aide des in-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

47

tensités de clarté, relativement stables et tou-

jours vérifiables dans leurs proportions. alors en pratiquant une sorte de

dont

tique

les

se

calculs

Il

agit

mathéma-

prouvent par des

valeurs tirées du blanc et du noir, les phases

de la lumière considérées rant la lumière considérée

les

impressions que

la nature,

Tune des moins

Cependant, de toutes

nous recevons de

comme clarté figucomme couleur.

contestables paraît être celle de la couleur; et

Ton ne peut cipal,

nier qu'elle ne soit l'attrait prin-

sinon unique, d'œuvres considérables.

Qui ne n'est pas

Toutes

s'écrierait

:

«

Comment

rouge? Ce citronne

les

nuances dont

!

serait

cette fraise

pas jaune?

la perception est

une

caresse pour notre vue ne seraient pas réunies

sur la chair de cet enfant ? Ce n'est pas de la couleur, ces arbres rouillés par l'automne, ce ciel livide, ces

eaux sombres où traînent pares-

seusement des

éclairs ?

t-elle

La couleur n'en

existe-

pas moins parce que son impression est

de nature instantanée, fugitive? L'art

doit-il


DU DESSIN ET DE LÀ COULEUR

48

regarder à travers les lunettes qui servent à la

physique

nier la réalité de la cou-

? Doit-il

leur, lui dont la mission est

en quelque sorte

d'en fournir la notion précise et matérielle,

parce que des spéculations scientifiques

meront

qu'elle est à la fois illusion et réalité?

Et que nous importe tion

!

mode de

cristalliser

captation la

sensa-

»

A ces dont

le

emploie pour en

qu'il

affir-

la

toutes sentimentales,

protestations

plupart oublient

le

modelé

et le

rem-

placent par l'échantillonnage des tons, à ces objections où

l'effet est pris

pour

la cause, et

qui nous paraissent résumer l'espèce de plai-

doyer incessamment soutenu en faveur de couleur en elle-même, «

La négation de

que, c'est vrai

;

la

elle

il

la

n'y a qu'une réponse

:

couleur est toute théori-

n'en doit pas moins être

émise et soutenue, afin d'établir clairement la distinction

l'élément secondaire de la

entre

couleur proprement dite et

mental des

arts,

le

principe fonda-

qui est la distribution de

lumière par des formes,

ou,

si

l'on

la

aime

mieux, par des valeurs dépourvues de toute teinture colorante.

La couleur

»

n'est en effet qu'un

complément,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

complément dont

l'intérêt s'accroît

49

déplus en

plus jusqu'à prévaloir, mais seulement au fur et à

mesure

qu'il est plus assujetti à

son prin-

cipe.

Par

aux

cette extension

différents

cations,

de sens du mot couleur

modes du

dessin,

tinctes, lui sont attribuées. «

deux

signifi-

sinon contraires du moins bien disAinsi, la phrase

Ces deux tableaux sont d'une belle couleur,

peut exprimer deux idées différentes.

En

:

»

effet,

émane d'un pur dessinapar conséquent il est conçu dans une

l'un de ces tableaux teur,

ordonnance de lumière conventionnelle dont le reflet est

est l'œuvre

systématiquement écarté d'un

coloriste,

;

l'autre

c'est-à-dire

que

toutes les phases lumineuses dont le reflet est le trait

diées.

d'union ont été particulièrement étu-

Dans

le

premier cas,

plique à la couleur

couleur s'ap-

même, comme pour un

tapis d'Orient, exécuté sans le dessin

belle

modelé

;

et

même

de ce tableau peut n'être pas sous-

entendu, la phrase signifiant simplement, par 5


50

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

exemple cond

:

«

Voici un beau rouge.

cas, l'approbation

»

donnée à

Dans

le se-

la couleur

vise nécessairement le modelé, puisque la cou-

leur proprement dite peut être absente si

elle

jaune,

par

est effectivement le

rouge,

les catégories

le

par

le

bleu et leurs dérivés, ou

chaude ou froide,

ne prenant de valeur

mais

;

représentée

comme

la

couleur

expression d'art

que grâce au concours du dessin,

c'est, indi-

rectement à celui-ci que revient l'approbation.

Colorer, dans le sens général, c'est modifier

une

faible intensité colorée,

une nuance indéterminée,

une

teinte neutre,

par une couleur

nettement définie. C'est apposer sur des surfaces

une ou des matières colorantes

lore en vert les volets

on

:

d'une maison.

co-

C'est

mettre un principe colorant dans une matière

de nuance vague

et indécise

la porcelaine soit

:

le

cuivre colore

en bleu turquoise,

soit

en

rouge. Nos sensations vivement ressenties colorent nos visages en rouge*

— Colorer

c'est


DU DESSIN ET DE LA COULEUR affirmer de

plus en

81

plus les individualités

jaune, rouge, bleue, violette, verte, orangée.

Mais pour

le coloriste, colorer, c'est

évoquer

des contrastes lumineux et sombres c'est met,

tre de la

lumière en mouvement. Le dessin, en

colorant, tient lieu de la lumière elle-même,

dont

il

analyse les intensités de clarté et d'obs-

curité, sins leurs aspects jaune, rouge, violet,

bleu,

vert, orangé.

Colorer, s'entend aussi

comme augmentation

de la valeur d'un ton sans modification apparente de sa coloration. Ainsi

:

colorer

un ton

qui n'est pas assez foncé. Cette acception des

mots couleur

et colorer,

qui comprend dans une seule expression le

modelé

et la couleur,

est technique, et n'est

guère employée que par les

Le mot le

artistes.

coloris distingue entre

la couleur et

modelé. Pour cette raison il est peu employé

par les peintres, qui ne séparent que rarement les

deux éléments

d'art,

quel que soit celui qui

domine dans leur œuvre.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

52

Un monument, une

statue,

un

tableau,

une

gravure, sont colorés sans couleur proprement dite. S'ils sont coloriés, c'est

jaune, rouge, bleue, leur essence

même,

qu'il est

;

à leur forme.

commun. On

traiter à

1

le

dans bien des cas,

discute

louant ou

enluminure

bleau, c'est la mépriser.

On

ajoutée à

dire

grave et distingué, du second qu'il

d'une œuvre, en

du mot

couleur

mais du premier on peut

est trivial et

mais

la

etc., etc., a été

Coloris, enluminure, sont,

synonymes

que de

le

du

la couleur Il

coloris

blâmant

;

d'un ta-

en est de

même

coloriage.

appelle

coloristes,

enlumineurs, les arti-

sans qui posent delà couleur sur des objets sculptés, sur des estampes, des images, des cartes géographiques, etc.,

imprimées en

noir.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

53

LES COULEURS (LEURS DÉNOMINATIONS)

Malgré toute notre bonne volonté

nous

,

n'avons pu comprendre l'individualité que la

physique attribue à

la

septième couleur,

l'in-

digo.

Quelle est l'action particulière de cette sep-

tième couleur? Quelle en est

la

complémen-

taire, l'inverse?

Pour nous,

l'indigo

breuses nuances du

n'est

bleu,

qu'une des nom-

comme

l'azur,

le

cobalt, l'outremer, le bleu minéral, etc., etc. 5.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

54 S'il est

l'expression la plus

solaire,

ne

sombre du spectre

pas utile d'établir une hui-

serait-il

tième couleur qui en serait l'expression la plus éclatante?

En nous ture,

plaçant au point de vue de la pein-

y a matériellement huit couleurs

il

tiales: le

jaune,

le

rouge,

ini-

le bleu, le violet, le

vert, l'orangé, plus le blanc et le noir. Ces huit

nuances expriment toutes

les

phases de

la

que pour

la

lumière et de la clarté.

Bien moins pour théorie des arts,

il

la pratique

d'établir

serait utile

une

convention qui détermine l'étalon de chacune des couleurs, une sorte de rose des couleurs

analogue à la rose des vents; car

que

noms

les

il

nous semble

des couleurs du prisme repré-

sentent seuls une valeur positive clans

démonstration

une

d'art.

Ainsi, à quel principe de couleur appartient

chacune

nuances gage

et

des et

par

dénominations

données

aux matières adoptées par la

le

aux lan-

pratique des arts? Le brun rouge


DU DESSTN ET DE LA COULEUR

55

est-il

un rouge ou un orangé? Le pourpre, com-

ment

sera-t-il classé?

la

Et

le bistre ?

Quelle est

nuance vermillon, cochenille, ou garance,

qui sera prise

comme

type du rouge?

La cou-

leur vraiment jaune, est-ce celle de For, celle

du chrome, ou

celle de la jonquille? Quelle est

celle qui représente

l'azur,

ou

choisir?

bleu? est-ce faut-il

vert-de-gris oxide de cuivre, ou

l'émeraude? Quel violet celui des

le

bleu minéral? Quel vert

le

le

mieux

le

évêqnes,ou

est le violet?

celui des

est-ce

prunes recou-

vertes de leur fleur? Et l'orangé, sera-t-il celui

des oranges?

La nomenclature des couleurs rable

est considé-

et d'autant plus difficile à fixer qu'elle

est toujours incomplète taisie et l'allure

augmente sans

variée par la fan-

et

d'esprit d'une époque.

cesse. Elle

diminue de

Elle

même

par l'abandon des noms de nuances qui dési-

gnent pendant un définie

pour tout

moment une le

orangé, quel jaune, cuisse de

quel

bien

rose,

quel

lilas, était-ce

que

nymphe émue? Nous pouvons encore

nous souvenir de

cette

nuance orangée rabat-

tue que l'on avait baptisée c'est la

teinte

monde. Quel

du nom de Bismarck:

nuance habituelle de

la

peau de veau


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

56

dont on

relie les livres.

L'indication cjorge de

même

que

pif/eon a la reflets

métalliques

signification :

toutes deux

plusieurs nuances perçues en

comme

mobiles

dire, n'offrent,

Mais

,

de

dénomment

même

temps

et

et flottantes.

Ces dénominations colorantes,

riosité.

celle

du de

reste,

si

Ton peut

qu'un intérêt de cu-

tout cet indéterminé

,

ne

pouvons-nous déduire une preuve du vague

où nous jette

et

maintient le mot couleur, dont la

signification relative n'exprime

qu'à l'aide du contraste.

un

effet défini


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

CHALEUR - FROIDEUR APPARENCES RELATIVES ÉMANANT D'UNE LUMIÈRE, D'UNE COULEUR, D'UNE CLARTÉ

Les désignations chaleur, froideur, sont attribuées,

dans une acception vulgaire

rale, à certaines

apparences colorées qui

tent et modifient passagèrement la

propre de tout ce que nous voyons. ciel,

est

géné-

et

couleur

On

dit

en entendant parler de sa coloration,

chaud ou

qu'il

une couleur, on

est

froid

la qualifie

;

sans

affec-

du

qu'il

nommer

de chaude ou de

froide.

Ces idées de chaleur

et de froideur sont évo-


58

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

quées

la

:

première, par le virement de la cou-

leur propre des choses vers le jaune, le rouge

leur combinaison

et

par

l'orangé

virement vers

le

le

;

la

bleu,

le

seconde, vert,

le

violet.

Dans

les arts, les

termes chaud

des formules techniques

en

le

et froid sont

on réchauffe un ton

rendant plus jaune, plus rouge, plus

orangé

;

on

le refroidit

rabattant vers

le

:

en

le

bleuissant ou en

le gris.

Cette manière de faire n'est pas arbitraire elle

:

imite les aspects colorés que la lumière

naturelle impose à tout, imitation qui a pour

but de réaliser la lumière colorée et factice

de

la peinture.

Pour y parvenir,

celle-ci

ob-

serve l'ordre suivant lequel les lumières naturelles distribuent leurs divers

rés et c'est par la division en

Tune chaude,

éléments colo-

deux catégories,

l'autre froide, qu'elle classe les

aspects lumineux, procédé qu'elle a constam-

ment

pratiqué.

Ainsi,

d'aussi loin

exemples nous viennent, ce contraste

que

les

est facile

à constater au Louvre, par exemple, dans les

oeuvres provenant de Pompeï, puis dans celles

de tous les maîtres.

De

là,

tout l'intérêt du sujet, qui nous avait


DU DESSIN ET DE LA COULEUR été signalé ainsi «

dès le début de nos études

Les lumières sont froides,

chauds.

59 :

les reflets sont

»

Cette formule est en elle-même peu exacte,

— parce

nous rétablirons ci-après,

ne tient qu'un compte turels et qu'elle

qu'elle

insuffisant des effets na-

ne présente qu'une valeur de

recette applicable à des cas particuliers. Mais elle

nous

lacroix

était

donnée comme venant de De-

et paraissait

résumer toutes

ditions en reconnaissant et

les tra-

proclamant pour

règle le classement des colorations d'un tableau.

Néanmoins, tout en l'énonçant, De-

lacroix en a souvent interverti l'ordre dans ses

œuvres, pour suivre les indications de la nature.

D'un autre

côté, notre observation per-

sonnelle avait été vivement sollicitée lors de

notre passage dans là

un

atelier

l'application de ces

de décoration,

deux éléments de

la

couleur est incessamment recommandée, sans autre indication,

sentimentale

il

plus

l'étude de la nature.

est vrai,

que l'impulsion

ou moins contenue par


60

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Avant d'aborder l'examen des termes chaleur, froideur,

ou chaud,

froid,

nous devons for-

muler quelques observations théoriques sur lumière à l'usage des

arts,

la

formules que la

physique a négligées. Nous voulions prendre cette science

pour appui, alors

même

que ses

indications ne nous auraient pas semblé pratiques, mais toutes

vaines.

nos recherches ont été

Nous lui avons cependant emprunté

la

méthodeprudente qui consiste à ne rien avancer qui ne soit vérifié par une expérience.

A

la suite

une

de chacune de nos allégations,

lettre .indiquera l'expérience

à laquelle

cette allégation se rapporte plus particulière-

ment

(I)

(1).

Dans nos expériences nous avons opposé l'une à lumière du soleil et du jour, directe, réflexe

l'autre la

ou transparente, à celle des foyers lumineux, bougie, lampe Carcel, flamme produite par la combinaison du sel et de l'alcool. Nous avons même considéré une couleur comm un foyer lumineux, en concentrant sur un point, coloré ou non, les diverses couleurs de papiers diversement colorés et pliés de manière à former des cloisons en angles. la

Nous avons choisi pour unité de lumière et de clarté flamme dîme bougie, celte flamme nous semblant

indiquer la plus constante intensité dans les apparences chaude ou froide qu'elle affecte par comparaison avec les autres lumières.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

61

Nous ferons observer que, pour désigner chaud, le froid, les arts se servent moins des

le

noms

précis des couleurs (orangé, bleu, etc.)

que d'images vagues, mais plus généralement applicables. Ainsi

Ton

dit: «

ou bien

ture est gris, doré, »

blond, argenté.

»

Tout dans

Mais,

:

«

la

na-

Ceci

est

obligé d'être le plus

nous n'emploierons que

clair

possible

noms

des couleurs réelles, bien que'ces

,

mations colorées soient

les

affir-

plus souvent outrées

le

dans leur exactitude. 2°

Nous ne transformerons pas

ombre en au mot

celui de reflet,

coloriste,

La première et

au

l'égal

la

une cause lumineuse à

lumière dont

il

provient, la lumière

communiquant l'une ou

deux catégories colorées, selon

l'autre de ces

qualité

:

que, relativement au chaud

c'est

réfléchie conservant et

la

terme

comme nous le faisons

pour deux raisons

froid, Je rellet est

de

le

de

émane La seconde,

la

lumière directe dont

elle

;

c'est

que

l'ombre proprement dite, est

justement

la caractéristique si

légère soit-elle,

le contraste coloré

de chaleur et

de froideur que présentent cette ombre

mière qui

la

provoque

;

de

et la lu-

ce que le reflet ne fait (i


62

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

pas, puisqu'il continue l'impression initiale de la

lumière (Exp. A)

(1).

Le mot couleur résume tous les foyers lumineux et colorés. Qu'ils soient le soleil ou 3°

la

flamme d'une bougie, qu'ils viennent de du ciel, du feu, de la couleur matérielle

l'azur

des choses et des incidents de réflexion qu'elle

provoque, qu'ils soient désignés sous de lumière ou de clarté,

c'est leur

les

noms

couleur seule

qui nous préoccupe. C'est elle qui, pour nous, fait la

différence fondamentale de toutes les

sources initiales de lumière, leurs énergies

d'expansion très inégales n'apportant que des inégalités d'intensité et

(1)

non d'effet (Exp. B)

(2).

dun cloisonned'X sont dirigés, pen-

Exp. A.—- Sur les parois verticales

ment de carton blanc en forme

dant la clarté du jour, les rayons d'une bougie allumée. Nous pouvons constater que tout rayon réfléchi conserve dans le compartiment où il circule la qualité de coloration de la lumière qui le provoque, alors même que cette lumière ne pénètre plus dans la cloison que

par réflexion.

Exp. B. En interceptant la lumière, sur une de papier blanc, par des corps opaques, des cloisons de carlon en forme d'angle droit, chacune d'elles colorée en jaune, rouge, bleu, violet, vert, orangé, la couleur se répand par rayonnement sur le papier aussi bien du côté de la lumière que du côté de (2)

feuille

l'ombre. En interceptant ce rayonnement coloré du côté lu-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Pour

63

clore ces préliminaires, que néces-

sitent les significations des termes,

nous de-

vons nettement distinguer les faits que désignent

mots

les

lumière,

clarté;

lumière

diffuse.

La lumière en un bloc,

réunit toutes les couleurs

comme

même.

Elle se

elle est la

couleur

caractérise par le double effet d'éclairer tous

et du côté sombre par de petites cloisons de forme et complètement noires, la couleur inverse apparaît dans l'étendue que ce second obstacle présente au rayonnement de la couleur qui revêt chacune des plus grandes cloisons. Si au lieu d'obstacles noirs on en met des blancs, l'effet coloré est le même la va-

mineux

même

;

leur seule est différente.

Quand on plonge un corps coloré dans de l'eau remun bol en porcelaine, cette eau

plissant aux deux tiers

se teint très sensiblement de la couleur

du corps.

Cet effet est du au rayonnement, qui agit comme une teinture effective. Il est surtout apparent si l'on place en rond plusieurs bols de porcelaine de même nuance de blanc, contenant chacun de l'eau et un corps de couleur différente, et si au milieu de ces bols on en met un ne contenant que de l'eau. Les couleurs doivent nécessairement être insolubles. On les obtient avec toutes espèces de corps cire à cacheter, corail, malachite, lapis-lazuli, soufre, émaux :

en cailloux, Si,

libre,

etc.

comme

dans l'expérience précédente faite à l'air on interrompt dans l'eau le rayonnement, on

voit apparaître sur le blanc de la porcelaine la couleur

inverse ou complémentaire.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

64

de son rayonnement,

les objets qu'elle atteint et

de les colorer de sa propre couleur.

La

clarté

ne

fait

que continuer

l'action éclai-

rante de la lumière sans transporter aucune couleur. Elle est donc caractérisée par l'éiier-

vement,

la cessation

de l'activité colorante qui

éclaire, sansla modifier, la couleur particulière

des choses. cier et à

— Ce terme

sert encore à appré-

mesurer le degré

éclairants. [Voyez le

La physique

mot

d'intensité des foyers

Valeur.)

qualifie la clarté avec raison

lumière diffuse, mais en ce sens seulement qu'elle équivaut à couleur

incertaine,

atté-

nuée, rabattue, émanant d'une source de lu-

mière inaperçue translucides.

et

tamisée par des obstacles

Dans notre

sujet, lumière diffuse,

c'est couleur confuse.

L'ordre régulier que la lumière apporte dans la distribution

de ses éléments colorés

fait la

base de la théorie de la lumière applicable aux arts.

Cet ordre constant (décrit dans les expé-

riences

C

et D),

partageant

deux catégories colorées

les

et distinguant

apparences

en

rela-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

65

tives soit à la lumière, soit à la clarté, est le fait

qui nous a engagé à émettre les propositions

suivantes

(1)

Exp.

(1).

C.

Au

centre de la plate-forme

supé-

rieure d'une boîte carrée deO m ,10 de haut sur 0 m ,05 de large, on pratique une ouverture qui permet de voir l'intérieur.

A la base de deux côtés opposés, deux ouvertures d'environ 0 m ,0i laissent pénétrer la lumière, qui vient éclairer horizontalement chacune des deux parties vers lesquelles elles sont directement ouvertes. L'intérieur est peint en noir, à l'exception des deux parties du fond destinées à recevoir la lumière qui pénètre par les ouvertures latérales. Ces deux parties répètent en blanc et horizontalement la forme des ouvertures latérales. Une

cloison intérieure sépare cette

chambre obscure

en deux compartiments, de façon que la lumière qui entre par une des ouvertures ne puisse influencer la lumière opposée qui pénètre de l'autre côté. En regardant, par l'orifice du haut, les deux touches blanches du fond éclairées par un foyer lumineux, lumière du soleil, clarté du jour, bougie, etc., on reconnaît la qualité chaude ou froide de la lumière par le contraste du côté opposé; c'est-à-dire que si la lumière est froide, la touche blanche qui lui est présentée paraît bleuâtre, et l'autre touche jaunâtre ou orangée; et si au contraire la lumière est chaude, la touche blanche qui lui est offerte est jaunâtre, et l'autre bleuâtre. Tout déplacement de position qui présente une des ouvertures à une lumière caractérisée par le chaud ou par le froid, se manifeste en sens inverse sur l'autre côté de la boîte. Exp. D. Une feuille de papier blanc est posée à plat sur une table éclairée d'un côté par une fenêtre et

6.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

66

La lumière lumineux avec

les

porte en elle-même les principes

et le principe obscur. Elle est active

premiers avec le second, ;

elle estpassive

de l'autre par une bougie. En fermant plus ou moins on égalise autant que possible Faction des deux lumières. Un crayon placé verticalement sur le papier, entre les deux foyers, fait apparaître deux ombres portées l'une, du côté de la fenêtre et provenant de la bougie, est franchement bleue l'autre, du côté de la bougie et venant de la fenêtre., franchement

les volets,

:

;

orangée.

Sans changer

la place de la bougie, intervertissons de la coloration de ces deux ombres porl'ombre portée illuminée en orangé par la bougie tées devient bleue, et l'ombre portée bleue devient orangée. Pour cela, il faut supprimer absolument les rayons du jour et les remplacer par une flamme provenant de la combinaison du sel et de l'alcool cette flamme très très chaude refroidit par contraste l'aporangée parence de chaleur de la bougie et fait virer au bleu ce que la bougie illuminait d'abord en orangé. Cette seconde expérience peut être faite pendant la clarté du jour dans une pièce dont on fermera simplement les volets, sans en calfeutrer les intervalles, aux travers desquels filtre une quantité de clarté appréciable qui intervient par sa propre couleur en modifiant les nuances des deux ombres portées. Alors l'ombre la position :

;

portée du feu alcoolique salé sera très bleue, légèrement une sorte de turquoise terne. influencée de vert Mais l'ombre de la bougie, qui devrait être et qui, dans l'obscurité absolue, était orangée, sera violacée, parla raison que le bleu caractérisant la clarté du jour, et que nous laissons en ce moment pénétrer, s'ajoute à

l'orangé qui devient violet,

le

rouge dominant dans cet


DU DESSIN ET DE LA COULEUR et subit toutes les variations

que

lui

67

imposent

les principes actifs.

Active,

La

orangé.

chaude

elle

colore tout ce qu'elle atteint deux catégories subi aucune modification.

situation respective des

et froide n'a

Les évolutions de

la

lumière

et

de la

couleur se

résument en deux catégories lumineuses: Tune chaude, l'autre froide. Si nous venons de dire classent et se

évolutions de la lumière et de la couleur c'est que, l'apparence de ces catégories lumineuses étant provoquée par la couleur aussi bien que par la lumière, couleur et lumière sont même chose pour les arts, au point de vue

où nous nous plaçons. La flamme bleue de l'alcool n'éclaire pas, son rayonnement est très faible, c'est à peine si une de nos petites cloisons, placée sur du papier blanc, à 0 m ,05 de ce foyer bleu, provoque une très légère ombre portée, mais cette apparence est orangée. Dans cette expérience, faite nécessairement dans l'obscurité, la bougie servant à établir le contraste doit être éloignée au moins de 3 mètres de la flamme alcoolique, sinon l'apparence de l'ombre provoquée par cette flamme est spécial

,

.

inappréciable.

que pour obtenir le bleu complètement flamme alcoolique, toute mèche doit être supprimée, celle-ci ajoutant du rouge, du jaune, à la flamme de l'alcool, ce qui provoque une ombre portée bleue au lieu de l'orangé que la flamme bleue fait apIl

faut noter

pur de

la

paraître.

Tout le relatif de la couleur est démontré dans cette expérience, où l'un des termes lumineux remplit tour à tour le rôle de lumière colorante et de clarté éclairante. Si on regarde attentivement dans le petit godet formé par la flamme de la bougie, deux faibles appa-


68

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

directement (Exp. E)

(1).

Elle utilise dans cette

action, et cela en les distinguant, ses principes

lumineux

et

sombres.

Passive, elle ne colore plus, elle éclaire, elle

devient clarté. rences d'ombres portées, provenant de la mèche, reproduisent l'effet indiqué dans la première partie de l'expérience.

En remplaçant la lumière venant de la fenêtre par une lampe Garccl, tout en conservant la bougie allumée comme second terme lumineux, les expériences cidessus sont répétées et redisent les mômes effets relativement au chaud ou au froid, mais avec des nuances très rabattues.

Dans ce cas, la boîte de l'expérience C indique le plus ou le moins de chaleur relative des foyers éclaimais, dans l'obscurité absolue, à la seule lurants ;

mière du

feu,

il

faut remplacer le blanc des touches

latérales par le noir complet. (1) Exp.E. Même situation que dans l'expérience D; mais au lieu d'une feuille de papier blanc, prendre une feuille rayée de bandes de couleur. On voit toutes ces colorations subir l'influence du chaud et du froid relativement à la lumière et à la clarté, et chacune des bandes virer à la coloration qui, logiquement, doit résulter de sa combinaison soit avec le bleu, soit avec l'orangé, tout en restant classées dans l'une ou dans l'autre des deux catégories lumineuses, selon la lumière

qui les éclaire. Notons, sans nous y arrêter, les virements de coloration des couleurs, lorsqu'elles sont exclusivement soumises à la flamme plus ou moins orangée de nos gaz, bougie, lampe Cardivers systèmes d'éclairage :

cel, etc.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

comme

Considérée

composée de le

rouge,

;

:

le

jaune,

le bleu.

Le jaune lumière

couleur, la lumière est

éléments distincts

trois

69

rouge sont

et le

les principes

de

leurs combinaisons sont toujours lu-

mineuses, jusque dans leurs qualités les plus

sombres.

Le bleu

est

le

principe d'obscurité

;

c'est

toujours son intervention qui modifie les principes raître

lumineux quand Il

principe

ils

tendent à dispa-

qualifie aussi la clarté,

qui tire de ce

son élément caractéris-

d'obscurité

tique.

Notre vue, arts,

mesure

le seul

instrument d'optique des

la lumière sur l'échelle des

valeurs

par le contraste du clair et de l'obscur.

même

temps,

elle

en perçoit

la

En

décomposition

en deux catégories colorées qu'on peut dire inverses et

comme

les pôles de la couleur, et

qui scientifiquement

nous

n'avons pas

moment (Exp. B).

,

sont

à

,

par des raisons dont

nous occuper

en

ce

dénommées complémentaires


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

70

Ces deux catégories colorées émanent d'un

deux actions

seul foyer lumineux cloué de

:

l'une colorante (lumière active), qui reproduit

même

la couleur

du foyer

(lumière passive), qui

;

l'autre éclairante

pour

utilise,

ainsi dire,

les principes colorants et inverses laissés

emploi par

la

première action, dans tout objet

où nous voyons lumineuse

et

sans

lumière divisée en partie

la

en partie sombre.

Ainsi, la lumière est-elle jaune, rouge ou

orangée? son contraste, l'ombre, apparaîtra bleu, vert lette,

ou

violet; est-elle inversement vio-

verte ou bleue? son contraste sera orangé,

rouge ou jaune (Exp. invariable

,

est

ce

apparence chaude

D).

Cette double action,

qui

constitue la double

et froide

que provoquent

la

lumière et la clarté.

La

situation respective de ces

deux appa-

rences est relative à l'élément de couleur ou

de clarté qui domine momentanément. Elles alternent régulièrement sans considération de

valeur et se remplacent l'une l'autre.

La régularité de cette alternance est résumée par cette double formule Une lumière chaude provoque une ombre :

froide;


>

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Une lumière

froide

71

provoque une ombre

chaude (Exp. B, C, D).

Nous

ferons observer que, dans les expé-

riences

C

même

clarté

:

gie, etc.

;

D, nous agissons avec la lumière

et

du jour

flamme d'une boutandis que, dans l'expérience B, nous ,

n'employons que des papiers matériellement colorés.

Les deux

mule

résultats étant identiques, la for-

est exacte.

Lorsque l'on considère

même, on

la

couleur en elle-

constate deux phases lumineuses

bien distinctes, que désignent les mots lumière et clarté,

la clarté n'étant plus

que de

la lu-

mière dépouillée de ses éléments colorés colorants.

à

la

due

soit

colorante

des

Cette transformation

cessation

de

l'énergie

et

est

rayons déviés, brisés, confondus par tous les obstacles atmosphériques, nuage, brouillard, pluie, qu'ils rencontrent

dans leur parcours

soit à l'interruption des

rayons par

terrestres,

arbre,

les

muraille, draperie,

corps

monti-


,

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

7:2

cule, etc., qui

semblent retenir toute

de ces rayons du côté où

Dans

deux

les

ou aériens

cas,

la

couleur

obstacles terrestres

les

emparés de

s'étant

la

lumière les frappe.

la partie colo-

rante que la lumière portait avec elle dans sa projection directe, la lumière est transformée

au delà

et

autour d'eux;

mine plus

éclaire

,

elle

et alors elle ,

elle

est

n'illu-

devenue

clarté.

Cette action seconde d'une

source de lu-

mière voilée, continue néanmoins, on peut dire avec la

même

perceptible.

Elle

intensité,

montre

choses qu'elle éclaire

;

la

mais

de rendre tout coloration des elle n'est

que

l'énervement, la dissolution de l'activité colorante des foyers lumineux.

La

différence entre la lumière et la çlarté,

d'où provient l'illusion de la couleur des choses

nous

est

démontrée dans

un jour de grand

soleil.

l'intérieur d'un bois

Tous

les arbres sont

de la même essence, par conséquent d'un lage de couleur uniforme

mière des rayons

;

feuil-

cependant, la lu-

solaires, directe et réflexe,

illumine ce feuillage particulièrement en jaune,

— sa

localité serait traduite

intense

;

— mais,

par un vert jaune

par places, cette coloration


DU DESSIN ET DE LA COULEUR est

interrompue par des ligaes, par des masses

bleues,

bleuâtres,

froides

qui,

par des taches

violacées,

en s'interposant au milieu d'un

ensemble chaud, témoignent de

du rayonnement de

continuité

la solution la

de

lumière ini-

Ces variations de nuances parmi ces

tiale.

feuilles de

droits

même

la clarté

couleur distinguent les enpénètre seule;

toutes les

autres parties sont colorées par la qualité de la

lumière en ce

Dans

cet

moment

active.

exemple où nous n'avons voulu

considérer que la couleur, nous ne tenons au-

cun compte des valeurs, préoccupe étant blir entre la

le

point qui nous

la distinction nécessaire à éta-

lumière et la clarté.

Toutefois, observons que, dans

nombre de

cas, l'intensité vert-jaune résulte plus

de

la

leur lumineuse.

que

encore

transparence des feuilles que de la cha-

la

De

plus,

cette particularité,

plupart des feuillages ont deux couleurs,

une pour

la face, l'autre

pour

le revers,

com-

plique la perception des catégories chaude et froide, sans

changer leur

effet.

7


74

M

DU DESSIN

Par translucidité,

DE LA COULEUR

comme

par réflexion, la

lumière conserve son individualité chaude ou froide, et la transmet à la sorte

provoque à travers la tamisent, tels

les

que

d'ombre

qu'elle

corps demi-opaques qui le

verre dépoli,

le

pa-

pier.

Si le corps translucide est blanc, son

portée sera de la froide,

que

la

même

lumière

catégorie,

ombre

chaude ou

initiale. C'est la

lumière

elle-même, ou du moins ce qu'elle comporte d'apparence chaude ou froide, qui passe et qui

va influencer de sa propre qualité qu'elle atteint à travers le

les

choses

demi-obstacle du

corps translucide.

Mais lorsque est coloré,

la

le

corps traversé par la lumière

lumière perd son individualité

colorante à partir de la surface qu'elle touche

directement

;

là, elle

revêt la couleur qu'elle

traverse et la répand dans l'ombre portée de ce corps. Ainsi, une bouteille de verre vert, flacon de verre blanc contenant

un

un

du vin rouge

>

autre contenant de l'huile, provoqueront

des ombres portées illuminées en vert, rouge,

jaune. Dans ce cas de transparence, la couleur devient une sorte de foyer lumineux qui agit sans tenir compte de la lumière dont elle a pris


DU DESSIN ET DE LA COULEUR l'activité. Si

ces

75

on place un obstacle opaque dans

ombres portées lumineuses,

cet obstacle

provoque à son tour une ombre portée, fois bien réelle, qui apparaît sans

différente,

cette

valeur très

mais avec l'inversion de la cou-

leur transparente et

non pas de

la

lumière

initiale.

Chacune

deux catégories chaleur

des

et

froideur est caractérisée par les couleurs initiales

de la lumière,

ainsi

que par

le

jaune,

le

rouge,

le bleu,

les couleurs secondaires résul-

tant de leurs combinaisons, l'orangé, le vert, le violet.

La chaleur incandescents

émane des foyers

est active et ;

par

elle est figurée

rouge, l'orangé.

La froideur

résulte de la couleur bleue

;

le

jaune,

est passive

elle est figurée

le

et

par

le bleu, le vert, le violet.

La lumière du

soleil et celle

du feu sont suc-

cessivement blanche, jaune, orangée, rouge.


76

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Blanche,

elle est froide

;

elle

provoque

la

décoloration en blanc et le bleuissement de tout ce qui la réfléchit.

Jaune, orangée, rouge,

De tiales

la

elle est

chaude.

combinaison des deux couleurs

jaune

et

rouge résulte l'orangé, qui

ini-

est

l'expression de la chaleur.

Le jaune,

l'orangé, le rouge, sont en

temps principes Notre vue ne

de lumière

les perçoit

que

et

de

même

chaleur.

clans la lumière

et la clarté.

Le bleu

faisant corps avec la lumière est,

sous une clarté moyenne, perceptible dans la

flamme d'une bougie, d'un papier flambant, d'un jet de gaz,

etc. Il disparaît

complètement

lorsque ces flammes sont observées dans les

rayons lumineux du

Le

soleil.

bleu, absorbant et dissolvant toutes les

colorations, est à la fois principe de froideur et d'obscurité. Il est

perçu dans l'obscurité re-

lative alors qu'il n'est plus possible de discer-

ner ni

le

jaune ni

le

rouge.

Un

proverbe po~


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

pulaire constate cet effet

chats sont gris.

La

nuit, tous les

»

En graduant

les principes

leur intensité de clarté,

sont jaunes

«

:

77

lorsqu'ils

lumineux selon

les foyers

commencent

colorants

à être per-

ceptibles

pour notre vue, puis orangés

rouges.

Sous ce dernier aspect,

et enfin

lumière

la

s'assombrit de plus en plus, tout en demeurant active et colorante.

Théoriquement,

le

rouge

que du jaune assombri? Mais alors

ne

serait-il

le

jaune ne serait lui-même que

la

décrois-

sance d'intensité du blanc.

Rappelons deux observations que tous nous avons pu

faire

simplement à

,

l'aide

de nos

yeux.

La lumière qui est sité

le

dite blanche

degré

le

lumineuse du

ou incandescente,

plus énergique de l'inten-

soleil et

du

feu, est incolore. 7.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

78

décompose

Elle

en les blanchissant

,

bleuissant, toutes les couleurs.

les

et

En nous voilant

ainsi leur qualité colorante, n'est-elle pas

une

sorte d'obscurité?

Intense et de quelque source qu'elle jaillisse, elle

envahit nos yeux par des sensations bleues,

violettes

noires

,

,

entremêlées de rouge et

même que la violence d'un choc voir, comme on dit, trente-six chan-

d'orangé, de

nous

fait

nous aveugle en nous éblouissant

delles. Elle

(pourquoi pas ébleuissant?).

Comment

le

bleu décolore-t-il, et par suite

produit-il l'obscurité?

posant

et

absorbant

En

modifiant, décom-

les principes

jaune, rouge,

orangé, soit dans la lumière elle-même, soit

dans les matières employées par Ainsi, la

les arts.

physique démontre, par

la

recom-

position de la lumière soumise à l'analyse

prisme

,

que l'amalgame absolu des rayons

rouge, jaune, bleu, produit

du

et

de leurs combinaisons,

l'expression blanche

de l'incandes-

cence, pôle opposé du noir, de l'obscurité.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Les phénomènes atmosphériques nant en suspension

en vibration

et

79 qui, les

rete-

rayon-

nements de la lumière, font un mélange complet de tous ses principes colorés, ne nous pré-

comme

sentent-ils pas,

les

instruments des

laboratoires de physique, l'expérience de la

décoloration de la lumière par le blanchisse-

ment

et,

par suite,

bleuissement de toutes

le

les autres colorations?

Le

inverse théoriquement, est le

résultat,

même

pour

la peinture, qui agit,

rayons impalpables

,

non avec des

mais avec des matières

qui en représentent les diverses colorations. Il

varie selon la proportion des mélanges

la

réunion des trois couleurs

initiales,

par

:

la

combinaison de deux complémentaires, produit d'abord cette

manière

d'être

qualifiée rabattement ; puis

1

tinctes, initiales

,

de

les

ou secondaires,

la

couleur

nuances

dis-

se perdent de

plus en plus dans l'incolore, dans le gris et

jusque dans

Dans pour

les

le noir.

deux

ainsi dire, le

cas, le

premier immatériel

second matériel,

le principe décolorant.

le

bleu est


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

80

Aux moments

lumière

d'éclatante

l'atmosphère

que dans

,

alors

complètement pure

étincellent avec le plus d'énergie les rayons

du

le

soleil,

bleu du

ciel

est

d'autant plus

bleu, tout en s'assombrissant à mesure que

la

lumière augmente.

Il

cipe d'obscurité

décolore malgré la lumière

elle-même

et

;

blanchit tout ce qu'il atteint.

il

Pendant que et le

il

affirme par là son prin-

les

rayons fournissent

le

rouge, l'atmosphère semble produire la

comme

clarté bleue, pénétrante et envahissante

un

fluide.

Tous les encombrements de nuage, pluie, neige,

grésil,

l'air,

brouillard,

dont quelquefois

chaque grain semblable à un prisme de

démontre

du

jaune

l'éclat et la diversité des

cristal

couleurs

spectre, tous ces incidents atmosphériques,

brouillant les trois couleurs initiales par leurs

mélanges

et leurs réflexions, finissent par blan-

chir et bleuir, proportionnellement à leur quantité,

l'atmosphère illuminée par la lumière

;

et

ces voiles bleuâtres grisonnent et s'obscurcissent, c'est-à-dire se décolorent de plus

en plus

lorsque seule c'est la clarté qui agit. Ce qui

théoriquement est

un sens

inverse.

le

même

effet,

mais dans


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

81

Perpendiculairement, la lumière n'ayant à

moins épaisse de

traverser que la couche la

vapeur, de brume, de fumée, dépoussière, et

son poids, pour ainsi dire, tombant d'aplomb, refoulant et chassant

menus

les

obstacles

aériens, l'équilibre des couleurs est parfait, la

lumière est blanche, les horizons sont bleus.

Obliquement,

et

surtout horizontalement, la

lumière traversant des couches de matières de plus en plus nombreuses, ayant ainsi perdu l'action

en quelque sorte mécanique qu'elle

possédait perpendiculairement pour les franchir, et

ne nous arrivant qu'influencée

par

difiée

d'innombrables

nature

la

corps, l'équilibre des couleurs

moins rouge par

,

puis

la quantité

elle

petits

verdit

plus ou

,

ou

se

qu'elle.

vio-

de clarté bleue que les

matières en suspension réfléchissent en

temps

mo-

est détruit, la

lumière est plus ou moins jaune

lette

et

même

Nous ne percevons plus

rien

qu'à travers des transparents colorés chauds

ou froids, mais leur nuance, quelle plus ou moins bleuie contraste

de

lumineuse.

l'une

,

suit

ou de

qu'elle soit,

ou provoque l'autre

le

catégorie


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

82

Newton démontre

composition de la lumière, il fait voir aussi que le bleuissement des espaces est dû à la couleur Si le disque de

contenue dans

du

lore

rayons lumineux, à l'inco-

vide et au blanc, ce blanc provenant de

l'infinité

des matières maintenues en suspen-

sion dans

Dans dans

les

la

l'air

(Exp. F)

l'analyse

flamme,

la

de le

la

(1).

lumière du spectre,

bleu est l'ombre, c'est-à-

dire qu'il occupe toujours, et relativement

jaune celle

et

au

au rouge, une situation comparable à

de l'ombre d'un objet rond, cette ombre

tendant incessamment à s'éloigner de la plus éclairée,

celle qui reçoit

la partie

directement

Pour obtenir, sur un disque où rayoncouleurs du spectre, du bleu en même temps que du blanc, il faut faire des ouvertures à peu près au milieu de ce disque, puis ajouter une touche de blanc sur le rouge et l'orangé de l'un des éventails que forment les couleurs. En tournant, la bande du disque composée des couleurs, des ouvertures et du blanc, montrera une lueur bleue, tandis qu'au-dessus et au-dessous d'elle, là où les ouvertures et le blanc n'ont point été ajoutés, le disque apparaît blanc. (1)

nent

Exp.

les

F.

six


DU DESSIN ET DE LA COULEUR les

83

rayons lumineux. Si bien que, théorique-

ment, on peut affirmer qu'aux deux extrémités

du diamètre d'une colonne

se trouvent situés

les points clair et obscur.

C'est

jaune et le

du côté d'où vient

la

lumière que

le

rouge de l'arc-en-ciel sont placés,

et le

bleu toujours à l'inverse.

De même pour

l'image spectrale projetée sur le sol et prove-

nant d'un prisme de lumière du

cristal

mis dans

La flamme d'une bougie, d'un d'une allumette,

etc., etc.,

effet: la partie la

est

la pleine

soleil.

au centre

;

jet de gaz,

présente le

même

plus intense, la plus jaune,

la partie la plus

orangée

est à

l'extrémité supérieure; le bleu est à la base et entre le

;

bleu et la couleur active une sépa-

ration sombre,

combinaison du bleu

avec

l'orangé de la flamme, fait la nuit entre les principes de lumière et de clarté.

Le bleu

affirme dans la lumière

même

son

principe d'obscurité et n'apparaît qu'à l'inverse et séparé des principes

lumineux.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

84

Certaines incandescences paraissent dépour-

vues de couleur. La flamme du magnésium, qui

provoque une lumière blanche

ombre sorbe

et

une

noire, est dans ce cas: la nuit, elle ab-

la

coloration

et laisse les

émanant des foyers orangés

couleurs dans l'intégrité de leur

nuance propre.

On

pourrait la considérer

comme

type de la

clarté.

Tout en s'évanouissant dans

le

bleu par une

évaporation spéciale, les couleurs et les lu-

mières conservent font

le

pouvoir éclairant

émaner du bleu une

forme

:

elles

clarté qui le trans-

en foyer.

lui aussi

Cette clarté provoque par contraste l'appa-

rence de chaleur initiales jaune,

;

de

même

que

les

couleurs

rouge, provoquent l'apparence

froide.

Les mots lumière avoir pour nous

et

même

couleur peuvent donc signification, puisqu'ils

sont dans notre sujet une

même

chose, ayant,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

85

l'un et l'autre, l'action et le sens colorants caractérisés par révocation des et

nuances inverses

complémentaires.

En

présence de la couleur active, aucune

matière colorée ne peut prétendre à une individualité propre soit l'intensité

;

c'est-à-dire que, quelle

que

colorée immobilisée dans une

matière, cette couleur ne présente aucun obstacle

aux variations que

rayons lumineux (Exp. E). les tons

sont-ils

lui

font subir les

A plus forte raison

sans résistance

contre ces

variations.

Ainsi, selon leur situation par rapport à ce

rayonnement,

la

neige paraît rouge, le violet

envahit les verdures les plus vives, les chairs les plus fraîches, les

plus éclatantes, douées

des délicatesses colorées que donnent la vie, la jeunesse, la santé,

affectent des tons

com-

parables à ceux des vieux cuirs, aux nuances louches, livides, sans

nom, des choses en

composition. Z

dé-


86

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Delacroix faisait de ces jeux de lumière un

thème, une gymnastique de composition colorée.

Prenant un ton quelconque,

il

l'appli-

quait indifféremment à la lumière ou à l'ombre

d'une chose en appareuce étrangère à cette coloration. lacée, de

Ainsi,

d'une teinte bistrée, vio-

nuance innommable,

rose et clair d'un enfant;

il

il

tirait le teint

faisait

concourir

une coloration verte à l'expression de

la

pro-

babilité d'aspect d'une chevelure blonde.

Mais

si

en présence de

active, les couleurs

la lumière,

n'ont qu'une apparence

précaire, elles ne subissent pas la

ration dans la clarté

couleur

quand

sa manière d'agir. Alors,

la

en

même

alté-

lumière modifie effet,

nuances, teintes, retenues par

couleurs,

les matières,

prennent l'importance lumineuse, représentent la

lumière

même,

une étendue

agissent

restreinte

il

comme

elle,

dans

est vrai (Exp. B).

Maintenant, changeons en quelque sorte de position en empruntant

un exemple aux ma-

tières de la peinture. Jusqu'ici

nous n'avons


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

considéré la lumière qu'en elle-même;

chargée de colorer les objets

seule s'est

87 elle

clairs

(du papier blanc) que nous lui avons présentés.

Nous

allons maintenant envisager particuliè-

rement

l'objet éclairé.

Nous croyons devoir d'abord résumer, sous forme de définition, ce que nous avons avancé concernant

La

l'effet

du chaud

et

du

froid.

chaleur et la froideur de la couleur sont

des apparences dues à la coloration du foyer éclairant, ce

éclaire

en

foyer divisant tout relief qu'il

deux

catégories colorées,

l'une

chaude, l'autre froide. Elles ne sont perçues

que simultanément

La

par contraste.

chaleur est l'apparence due à l'orangé.

L'orangé jaune

et

et

est fourni

du rouge.

par

la

Il est la

complémentaire du bleu.

combinaison du

couleur inverse et


88

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

La froideur

est l'apparence

due au bleu. Par

ses combinaisons simples avec le jaune et le

rouge,

le

bleu constitue les couleurs verte et

complémentaires du rouge

violette, inverses et et

du jaune.

Le

bleu,

couleur

initiale, est

le

principe

d'obscurité. C'est par son intervention que les

couleurs définies disparaissent dans la combi-

naison de deux complémentaires.

Toute couleur qui provoque par elle-même l'apparition de sa complémentaire, autrement dit l'apparence inverse

deur qui

de chaleur ou de froi-

lui est propre, est

un foyer lumineux,

à l'égal des foyers effectifs tels que le soleil, le feu, la clarté

ambiante, dont

que par l'énergie

et l'étendue

L'effet théorique de

gories est le

ment

le

même

:

elle

ne

diffère

de son action.

chacune des deux caté-

l'une provoque régulière-

contraste de l'autre.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

89

mouvement de

L'activité rayonnante, le

la

couleur, est manifeste lorsque deux couleurs d'égale intensité, et contenant à elles trois couleurs initiales, sont placées

immédiat, c'est-à-dire dans jaune et du

et

les

en contact

la juxtaposition

du rouge

violet,

deux

du

vert,

du du

bleu et de l'orangé.

Chacun de

ces trois groupes constitue les

couleurs dites complémentaires

démontre par sa vibration

le

;

chacun d'eux

mouvement

de la

couleur, et révèle ainsi la tendance de ces

couleurs à se réunir, à se combiner par une

absorption mutuelle.

Cette combinaison va

jusqu'à la disparition complète des deux individualités colorées, les complémentaires dis-

paraissant soit dans la lumière blanche, qu'elles agissent

pour

ainsi dire immatérielle-

ment dans

la nature

sicien, soit

dans le noir, lorsque

est effectuée par le

ployées par L'effet

lors-

ou sous

la

main du phy-

la

combinaison

mélange des matières em-

le peintre.

de ce

mouvement

est

apparent

et of-

fensant pour notre vue, qui en éprouve une sorte

d'éblouissement

sourdissement que

comparable

produit sur

à

l'as-

notre

ouïe

l'audition de sons très aigus. 8.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

90

Mais notre préoccupation présente n'est pas de rechercher

ou

ou

si tel

tel effet plaît

les offusque. C'est l'activité, le

de

réel

la

yeux

couleur que nous tenons à constater;

résultat qui

nous

a

permis de dire que

un foyer lumineux

leur est

à nos

mouvement la cou-

et colorant, à l'égal

des foyers incandescents. C'est cette activité, dont Fart s'empare et

ordonne dans ses œuvres.

qu'il

modelé,

il

Maître du

règle les intensités de clarté suffi-

santes à représenter la lumière, en use à sa

convenance, exalte

les individualités

jaune,

rouge, bleue, violette, verte, orangée, ou les

annule presque en ne retenant d'elles que apparences chaude

Tous

les

et froide.

les maîtres, dessinateurs et coloristes,

fourniraient des exemples de l'observation de cette loi physique.

Contentons-nous de

citer

la

preuve est

péremptoire —

l'œuvre de Rembrandt. Cette

œuvre

ainsi dire pleine d'un

ton

;

est

pour

les couleurs n'y apparaissent

une proportion extrêmement tout

si

on

la

même

que dans

restreinte

;

sur-

compare aux œuvres de certains

maîtres, tels que Titien, Véronèse, Rubens,

Watteau, Delacroix, qui, tout en distinguant


DU DESSIN ET DE LA COULEUR et

91

pratiquant les deux catégories lumineuses,

y ajoutent la qualité colorante.

Fréquemment, dans tacles

créés par la

présentent une

la diversité

des spec-

lumière, les colorations

apparence d'égalité de

telle

valeurs que leur classement paraît ne plus appartenir qu'au discernement, à l'appréciation

sentimentale. Ainsi

:

des colorations claires

entrevues dans une clarté ambiante et amortie

;

des chairs d'enfant, de jeunes corps, où la lu-

mière pénètre

et

semble se

sidérée en elle-même,

une masse de en massif,

fleurs de

comme

fixer

un

;

une

fleur con-

lis,

une rose thé;

même

espèce réunies

les jardiniers les disposent

dans leurs expositions; ou bien encore, dans certaines conditions atmosphériques, le ciel et l'eau se

réfléchissant l'un l'autre, paraissant

confondus en une seule

localité

de valeur

dans un cadre plus restreint, sur d'un cahier de papier à

lettre,

gale valeur.

et

;

ou,

blanc

un bâton de

cire à cacheter, rouge, lilas, placé de

que son ombre

le

manière

sa lumière semblent d'é-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

92

Nous pourrions continuer

ces exemples en

modifiant les aspects lumineux par des aspects

sombres, mais nous n'ajouterions pas de différences d'effet. Toutes ces choses, nous les avons considérées dans une situation où ce qui doit être classé est

pour

comme

lumière et

comme ombre

ainsi dire inappréciable par la

presque

identité des valeurs et des colorations. C'est

alors par la distinction des catégories chaude et froide

que

se fait la perception des

nuances

qui semblent insaisissables.

Les apparences de chaleur

et de froideur

ne

sont perçues que par contraste et simultané-

ment. Si on ne considère qu'une seule de ces

deux catégories colorées,

elle n'est ni

ni froide, mais de telle

telle

Cependant,

chacune

nuances, des tons, figurant plus ou

ou

des

chaude,

couleur. couleurs,

des

des teintes, spécifiant et

moins de chaleur ou de

froi-

deur, les six couleurs de la physique, ainsi que toutes les matières colorées des arts, se di-

visent en deux catégories, l'une relativement

chaude, l'autre relativement froide.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

93

théoriquement, une coloration est d'au-

Si,

tant plus chaude qu'elle tend à l'orangé, elle

complètement quand

l'est

du principe bleu;

elle est

dépourvue

par contre, une colo-

et si,

ration est d'autant plus froide qu'elle incline

au bleu,

elle l'est

complètement lorsqu'elle

est

dépourvue des principes jaune ou rouge. Pratiquement,

même et

toutes

les

nuances de

la

couleur offrent des exemples de chaleur

de froideur. Ainsi, des deux jaunes,

le

jaune

de chrome et l'ocre jaune, celui-ci est plus

chaud que

le

premier, parce que sa matière,

contenant des parcelles de rouille (nous ne disons pas

même

de rouge), peut dans bien

des cas être considérée contraire, le jaune de

comme un

orangé.

Au

chrome, plus pur dans

sa couleur, est plus froid, quoique complète-

ment dépourvu de bleu mais dans l'ordre des couleurs il est, par le vert, un passage au ;

bleu

:

JAUNÉ

ORANGÉ

VERT

ROUGE

BLEU VIOLET


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

94

Le bleu d'outremer

est plus froid

que

le

bleu

minéral, celui-ci ayant une tendance au vert et révélant

par

une proportion quelconque

du jaune, c'est-à-dire d'élément de chaleur. Entre

les

deux vermillons

les

plus rouges,

celui de Chine et le vermillon français, le pre-

mier est moins chaud que

second. Placés

le

côte à côte, celui de Chine vire par une nuance

presque inappréciable vers vers l'orangé.

Dans

bleu peut donc être

l'un, la faite

;

violet, l'autre

le

supposition du

tandis que dans le

second, les deux éléments de lumière et de

chaleur sont manifestes

:

celui-ci est

donc plus

chaud.

En clarté

l'absence

du

soleil,

dans l'incolore

vague des journées

signent les diffuse, la

grises,

noms de lumière du

que

et la

dé-

jour, lumière

couleur prend une importance d'as-

pect considérable. Chacune de ses nuances re-

présentant une des individualités colorées des

rayons solaires, tous ses

efforts

tendent à rem-

placer ceux-ci, et elle y parvient dans lapro-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

portion d'énergie qu'elle

tire

95

de la clarté qui

l'éclairé.

De chaque nement,

la

couleur

émane

alors,

par rayon-

double apparence de chaleur

et

de

froideur, selon qu'elle-même peut être classée

dans l'une ou dans l'autre de ces catégories. (Exp. B).

Conformément

à cet ordre d'idées, la théorie

de la lumière applicable aux arts ne se baset-elle

pas sur l'observation du chaud et du

froid, bien plus

que sur l'étude du rapport des

nuances complémentaires,

émaner que de

sant

la

celles-ci

ne parais-

constance des appa-

rences chaude et froide. Le rapport des colorations entre ellesn'a

du

reste qu'une influence

secondaire au point de vue du dessin,

nous croyons

l'avoir établi

dans

comme

l'article

sur la

couleur. Il

faut en outre considérer que, par la seule

reproduction du classement des catégories lu-

mineuses,

la

peinture

supplée la

couleur

propre. Elle y parvient en éliminant plus ou moins le jaune, le rouge, le bleu et leurs composés, en les remplaçant par des tons indéfinis

de coloration mais doués de chaleur deur.

et

de froi-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

96

Elle établit ainsi l'unité de sa lumière artificielle,

et

en imitant

catégorique

chaude

et froide

en elle-même.

des

que

la distribution

éléments la

régulière

d'apparences

lumière naturelle porte


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

97

DESSINATEUR. COLORISTE

Dans

la

pratique,

tout ce qui se

le

dessin,

enveloppant

rapporte à la peinture et à la

sculpture, se divise en dessin des dessinateurs et

en dessin des coloristes. Cette division, qui nous est donnée toute

faite

sans

éclaircissement, est très juste,

et

découle des deux façons, volontairement choisies,

de regarder

la nature

pour parvenir à

miter.

9

l'i-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

98

Le

dessin,

ne constituent pas

couleur,

la

deux professions différentes, dessinateur et coloriste; mais ils mettent en présence deux principes, deux conventions, deux méthodes particulières à la peinture, tout en n'étant pas

étrangères à la sculpture.

Le

dessinateur analyse particulièrement de

Pour discerner

la clarté.

caractérisent la forme,

les particularités qui

pour s'en emparer

et

plus sûrement en les soulignant dans

œuvre,

il

isole

conventionnellement

et effecti-

vement son modèle de tout rayonnement considère dans

clarté

la

son

et le

la plus stable qu'il

puisse combiner.

La suppression du rayonnement, dire

du

ment,

reflet, lui

et

choisit,

se

dans l'objet

c'est-à-

permet de percevoir uniquesituation

la

qu'il

de lumière

qu'il

veut représenter, sans

préoccuper du milieu où cet

objet

est

placé.

Mais cette élimination d'un de

la

trer

constant

nature rend son œuvre conventionnelle

par la couleur qui en résulte.

que

reflet,

effet

il

la

forme;

et,

par

la

Il

ne veut mon-

suppression du

ne reproduit que des lumières

et

des

ombres, ou, plus exactement, les colorations


DU DESSIN ET DE LA COULEUR des clartés et des obscu-

étant arbitraires, rités.

Le

lumière.

Il

les aspects Il

analyse particulièrement de la

coloriste

laisse

trevoit

en recherche

et

généraux

les

et

son modèle dans

ou

veut en constater

le

moindres milieu où

effets. il

l'en-

conçoit, sous la lumière active

le

qui, par le reflet, circule et influence tout ce est environné. Aussi, est-ce l'imitation

dont

il

de

lumière, par réflexion et sans solution de

la

continuité, qui, plutôt que la copie de la forme,

convention d'art

fait le coloriste;

chez

est l'élimination

de détails intimes au profit

de l'ensemble

;

lui, la

sa forme est conventionnelle.

Exclusivement préoccupé d'imiter sités

lumineuses,

il

les inten-

cherche avant tout à dis-

tinguer toutes les qualités des valeurs influencées par le reflet. Si le dessinateur,

volontairement lumières

et

le

supprimant ou atténuant

reflet,

n'emploie que des

des ombres, le coloriste, sacrifiant

presque involontairement des particularités de

formes

qu'il

perd dans

que des lumières

la

lumière, n'emploie

et des reflets,

ou plutôt des

colorations lumineuses et sombres, le sombre n'étant qu'une forme delà lumière.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

100

le

Le dessinateur dessine l'objet éclairé. C'est caractère permanent de cet objet qu'il veut

constater

;

concentre sans intermédiaire les

il

contrastes clairs et obscurs dans l'expression

son action s'exerce du contour

d'une forme

;

au centre de

l'objet.

Le Il

coloriste dessine la lumière elle-même.

ne retient que l'apparence momentanée des

choses;

étend

il

dans toutes

le

rayonnement lumineux

les parties

tion rayonne

de son œuvre

;

son ac-

du centre aux contours, ceux-ci

étant alors plus

ou moins

constatés, plus ou

moins éliminés.

Ingres, usant parfois d'un langage pitto-

resque, disait à ses élèves

digne de la majesté de encore

:

«

Messieurs,

:

«

Le

reflet est in-

l'histoire

le reflet, le

;

»

ou bien

chapeau à

la

main, doit toujours être prêt à sortir d'un tableau au moindre signe. Il

»

peut sembler bizarre que ce soit une ap-

plication différente

du

dessin, et

non l'emploi

des couleurs elles-mêmes, qui établisse la divi-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

101

Nous

sion entre le dessinateur et le coloriste. allons essayer de parler

exemples

tirés

aux yeux par des

du Louvre,

le

musée

le

plus

voisin de nous.

Dans

œuvres de Léonard,

les

d'flolbein, de

Raphaël, d'Ingres, nous observons que cha-

cune des parties du tableau séries

de valeurs

:

Tune

Nous observons

cure.

est divisée

en deux

claire, l'autre obs-

aussi que les valeurs

obscures ne paraissent avoir d'autre rôle que de sertir les valeurs claires, l'ombre

celui étant,

qu'on nous permette cette image for-

cée, dissimulée par

tique,

une atténuation systéma-

une unification

de coloration et de

valeur, qui a pour but de diriger la

vue du

spectateur là où elle doit s'arrêter. Il

n'en est pas de

même

dans

œuvres de

les

Véronèse, de Rembrandt, de Watteau, de Delacroix, elle

la

vue pénètre partout; partout

circule et peut vérifier

chacun des

dents que la lumière provoque.

Ici

pas, que l'on nous permette encore

gération d'image,

a le

même

de

intérêt; c'est

sujet

une exa-

principal

que tout a

jour par la lumière d'abord, par

inci-

n'y a

il

été

tout

:

mis au

le reflet

suite. 9.

en-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Dans ces deux catégories d'oeuvres, la couleur proprement dite, c'est-à-dire le rouge, le bleu, le jaune, est souvent aussi franche, aussi

aussi éclatante dans l'une que dans

claire,

l'autre;

mais

la distribution des valeurs

bres est tout à

fait différente.

On

som-

pourrait dire

que chez les dessinateurs les ombres sont assombries, tandis que chez les coloristes elles sont illuminées.

Ces deux méthodes de vue et d'interprétation de la nature sont manifestes aussi bien

dans un dessin blanc

et noir

que dans un

ta-

bleau enrichi de toutes les couleurs du prisme. Elles ont chez tous les maîtres

part

commun, par

un point de

la rigueur

apportée à classer la lumière et l'ombre. titre,

tous

sont dessinateurs;

dé-

que tous ont mais

les

A

ce

uns

ont négligé la qualité active et colorante du reflet

au bénéfice de

la

forme, tandis que les

autres en ont tenu compte au bénéfice de la

lumière.

Placé uniquement au point de vue de la définition des termes,

nous n'avons pas à nous


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

préoccuper de

l'infinité

103

des compromis qui

interviennent dans les mélanges de ces deux

manières de voir, divergences ou accords qui distinguent entre elles les écoles d'art. Mais

on peut dire que plus

la

formule du dessi-

nateur est scrupuleusement suivie, plus la réflexion de la lumière est

méconnue

;

et

que

plus celle des coloristes est pratiquée, plus l'action

lumineuse

est affirmée.



DU DESSIN ET DE LA COULEUR

105

REFLET. CLAIR-OBSCUR

C'est l'étude

ou l'abandon du

qui dis-

reflet

tingue, avons-nous dit, le coloriste

du

dessi-

nateur. Il

importe donc de préciser ce qu'on doit

entendre par

reflet,

La nature étant moyens de l'imiter fallu

toujours colorée,

et

étant fort restreints,

les il

a

ordonner ces moyens pour donner à

l'action de l'art plus de certitude.

Suivant

la

formule du dessinateur,

tout


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

106

objet frappé par la lumière présente

pects

:

l'un clair, l'autre obscur.

Mais

lumière naturelle ne s'arrête pas sur

la

surfaces qu'elle éclaire

les

deux as-

même où

elles lui

échappent par

dents de leurs formes, réflexion

;

C'est ce

:

les mille inci-

par

elles les atteint

bien

qu'on peut dire qu'elle

elle les

enveloppe, tous les objets.

si

baigne, tant

directement

que veut constater

le coloriste.

Cette action lumineuse est représentée par

mot

le

que

un

reflet.

les

Mot qui

fait

voir et comprendre

rayons lumineux, après avoir touché

corps, sont en partie renvoyés, reflétés sur

les objets qui

jusqu'à

environnent ce corps,

et cela

l'exlinction complète de la lumière

portée par la réflexion aux endroits

mêmes

plus profonds. C'est ce renvoi, ce

reflet,

pénétrant là

même où

lumière directe ne

la

peut pénétrer, modifie à

les

qui,

l'infini

tous les as-

pects des choses.

L'action du reflet n'est pas toujours assez

énergique pour avoir l'apparence d'une d'une lumière

;

mais toute ombre

par conséquent lumineuse, lorée par reflet.

clarté,

visible,

et

est éclairée et co-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

La

107

vibration spéciale à la lumière, à la cou-

leur, les lueurs sans

vent, le reflet,

nom

coloré qui en déri-

rayonnement lumineux, constituent

le

qui est l'essence de la couleur dans les

œuvres

d'art,

qui en est

le

véhicule.

Les coloristes tenant uniquement compte du reflet,

c'est-à-dire

ne modelant qu'avec des

valeurs toujours influencées par les qualités

lumineuses, n'ont ni d'isoler leur

le

pouvoir, ni la volonté

modèle de son milieu, car ce mo-

dèle doit et rend à ce milieu les qualités de

modelé qui font son existence. Ce phénomène est

indépendant des colorations qui emprun-

tent leurs

bien que

noms aux

l'effet

de

la

couleurs du prisme,

si

couleur s'obtient aussi

complètement avec des teintes sans couleur

noms

de

est l'essence

de

déterminée qu'avec des tons dont les couleurs sont simples à exprimer.

Si le la

rayonnement lumineux

couleur pour la peinture,

moins pour

la sculpture;

mais

il

le

ne

l'est

pas

premier de

ces arts, en retenant l'aspect coloré de la lu-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

108

mière, peut seul nous servir de démonstration.

En

effet,

l'œuvre du sculpteur, subissant

toutes les modifications physiques de la lumière naturelle, ne

donne d'indication à ce

par sa forme, son modelé

;

sujet

mais ce modelé

que est

plus accusé, plus localisé en lui-même par le sculpteur-dessinateur,

si

on peut

dire, et

il

est

plus rayonnant, plus fugitif par le sculpteurcoloriste-.

Dans toute arts,

une

dissertation sur la technique des

est indispensable de saisir et de tenir

il

réalité, d'user

des termes qui, en quelque

sorte, servent à la formation des

mot

reflet

œuvres. Le

remplit ce but. Celui de clair-obscur

quelle que soit sa valeur d'image, ne présente

qu'une abstraction sentimentale,

ment à

utile

seule-

l'analyse des impressions, des sensa-

tions provoquées par ces œuvres.

Ces deux mots

quand

ils

clair et obscur, si explicites

sont employés séparément, ne pos-

sèdent aucun sens de valeur pratique lorsqu'on les réunit

dans une seule expression.


109

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

VALEUR

Le mol valew* idée de couleur. couleur,

pour

spécifie,

de clarté,

tensité

Il

la lumière, l'in-

abstraction faite de toute

indique ce que valent une

une nuance, un

ton,

une

teinte,

me-

surées sur l'échelle graduée entre le blanc et le noir, limites l'idée

extrêmes de

la

lumière.

Il

évoque

de contraste, provenant de la clarté et

de l'obscurité, du blanc

et

du

noir, et de tous

leurs composés.

10


DU DESSIN ET DE LA COULEUR.

110

C'est Corot

mot possède

quia étendu l'importance que ce aujourd'hui.

C'est lui

en

qui,

appliquant dans ses œuvres, rigoureusement (nous pourrions ajouter uniquement,

si

cela

ne devait nous entraîner à de longs développe-

ments en dehors de notre sente, par rapport et

sujet) ce

au modelé,

que repré-

mot

le

valeur,

en se servant particulièrement de ce terme

dans

la

démonstration de son application,

a donné l'extension et

nous

lui

lui

d'usage que

l'utilité

connaissons.

Toutefois, nous devons observer qu'en res-

treignant la pratique aux applications simples

que comporte

le

terme valeur, on est insensi-

blement conduit à

la

confusion

et

même

suppression du modelé. Et cependant, le dire très

il

à la

faut

haut, le principe que représente le

terme modelé contient tout ce que peut expri-

mer

le

mot

valeur, dont le sens très net est

aussi très limité.

Ayant

cité

Corot pour son influence dans

la

grande adoption du mot valeur, ajoutons, afin d'éviter toute méprise entre la restriction d'ap-

plication

du sens de ce terme

et

parence de critique sur l'œuvre

toute ap-

de

Corot,

que ce maître, tout en parlant sans cesse des


DU DESSIN ET DE LA COULEUR valeurs, modelait,

au sens

le

111

plus large du

mot.

Mentionnons enfin c'est-à-dire valeur qui

une seule d'ombre.

les

le

terme valeur

résume

et

locale,

concentre en

diverses valeurs de lumière et



DU DESSIN ET DE LA COULEUR

113

TRAIT. MODELÉ

Pour déterminer que ce mot.spécifîe

pour les

ainsi dire

le

sens du

mot

dessin, lors-

la science des arts,

en désarticuler

les

il

faut

éléments et

examiner un à un, sans tenir compte des

cas où chacun d'eux forme

un dessin

parti-

culier.

Ces éléments sont:

le trait,

élément de cons-

truction; le modelé, élément de lumière.


,

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

114

Trait.

Le

formule qui repré-

trait est la

conventionnellement

sente et fixe

contour

le

des formes. Rien dans la nature n'indique cette

formule,

le

est double.,

contour n'étant, pour notre vue qui

que

la limite

apparente des corps.

Et ceci nous est démontré par

les

images

sté-

réoscopiques, où nous constatons l'intervention nécessaire de

deux

traits

pour exprimer un

contour.

Le

un instrument,

trait est

est l'échafau-

il

dage, l'armature, qui sert à construire toutes les

choses où

dessin intervient;

le

il

délimite et

localise la forme. est

Il

table

une abstraction du modelé. Véri-

moyen

de travail,

déré en lui-même que

comme les

ne peut être consi-

il

est

employé

agent de démonstration. Ainsi

figures

d'architecture

géographiques les

il

,

figures que

dessins

les les

dans

,

de

les

:

dans

cartes

machines

sciences ajoutent à leurs

dissertations pour les résumer et en rendre la

perception immédiate,

etc.

Mais lorsqu'un dessin au imitation de

ornemental,

la il

trait

tend à une

nature ou concourt à un but

relève essentiellement

delé, vers lequel

il

est

du mo-

un acheminement.

Il


DU DESSIN ET DE LA COULEUR doit être alors

examiné à

115

l'aide des

connais-

sances qui découlent du modelé.

Suivant cette direction d'idée, trait

lui-même que

le

qui doit être discerné

modelé dans

moins

c'est

qu'il

remplace

les croquis

notes, les projets, les études sur nature

des œuvres

comme ;

dans

;

,

les

dans

l'estampe gravée sur bois

du portrait d'Érasme, de frontispice

le

faite

par Holbeinenforme

les figures et les

ornements

gravés aux treizième et quatorzième siècles sur des plaques de cuivre ou des pierres tombales

;

ou encore dans les diverses manifestations des arts orientaux,

base,

dont la formule du

notamment dans

en ne dépassant pas atteint à l'effet

l'art

trait fait la

japonais, qui, tout

la limite

de cette formule,

du modelé sans que

celui-ci pa-

raisse intervenir.

Le

trait

a une telle importance d'application

qu'il peut,

dans nombre de cas, être considéré

comme

le

dessin lui-même. Cependant

il

n'est

que son auxiliaire plus ou moins apparent, mais inévitable, puisqu'il représente

le

con-

tour des formes.

La

confection d'un calque démontrera dans

toute son évidence

modelé.

le

rapport du

Sur une œuvre modelée,

trait le

au

dessi-


,

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

116

nateur place un papier transparent,

comme on

disait

au

voile,

siècle

à l'aide d'un instrument quel-

et sur ce voile,

conque, crayon, plume ou pinceau, par un

un

dix-huitième

trait les

il

indique

contours du dessin

modelé

placé en dessous. Ce trait ne peut être qu'une partie de l'œuvre; quelle

que

soit sa perfection,

résultant du choix fait dans l'étendue du delé, c'est de sa source, c'est-à-dire

mo-

du modelé,

qu'il tire sa qualité.

Nous permettra-t-on de rappeler la

légende à laquelle se rattache

du dessin amant,

la

à ce propos

la

naissance

Pour conserver l'image de son fille de Dibutade fixa par un trait le ?

contour de l'ombre portée de son visage. Cette fiction naïve

exprime sous une forme

saisis-

santé tout ce que nous avons avancé.

Modelé. dans

les

Le modelé

œuvres

d'art,

est la distribution,

des valeurs claires

et

des

valeurs obscures, à l'imitation des lumières,

des reflets et des ombres dans la nature.

modelé contenant

que

définit le

mot

la plus

dessin,

il

Le

grande partie de ce doit,

dans ses appli-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

147

cations propres, être pris pour le dessin lui-

même. Celte formule trait,

en

semble

faire

dans

l'absorbant

disparaître le

une

infinité

de

valeurs. Cependant, le trait, sous la forme du

contour, n'est jamais absent d'une si

dissimulé qu'il y

œuvre d'art,

soit.

L'expression pour ainsi dire palpable du

modelé réside dans

représentation de la

la

figure

humaine,

que

peinture et la sculpture se proposent de

la

l'objet le plus considérable

formuler, et dont la complète imitation ne peut être atteinte

que par

La même

loi

le

modelé.

qui régit la distribution des

valeurs dans une

figure

humaine préside à

l'ordonnance de toutes les valeurs qui concourent à

l'effet

d'un monument, d'une statue,

d'un tableau, d'une décoration. L'extension du sujet

,

la transposition

changent pas

de son action

,

n'en

le principe.

Un maître prouve tout aussi bien sa science du modelé dans l'œuvre la plus rapidement


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

118

exécutée par des valeurs pour ainsi dire entre-

choquées

unes contre

les

le travail le

que dans

les autres,

plus achevé. Tel paysage de Claude

Lorrain est comparable

par

figures des maîtres dont le

le

modelé aux

modelé

est le plus

accompli.

Est-il

nécessaire

d'ajouter

que toutes

les

pratiques employées pour fondre les valeurs

du modelé

pour

,

en adoucir

le

contraste

dans leur contact immédiat, n'ont avec

le

mo-

delé qu'un rapport d'exécution et ne doivent

nullement être confondues avec

la distribution

méthodique des valeurs?

Ombrer

ce

,

Crayonner avec

pas

n'est

soin

,

faire

du modelé.

avec habileté

,

blai-

reauter, fondre des nuances, ce n'est ni peindre ni dessiner

;

ce n'est que se servir de l'outillage

professionnel. Si

modeler

c'est

ordonner

la

lumière par

ses intensités de clarté et d'obscurité,

l'acception de métier

çonner de

l'argile,

,

c'est

manier,

dans

c'est fa-

de la cire ou toute autre


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

matière molle, pour établir les dépressions qui forment

de

la

119

reliefs et les

pratique du dessin

sculpture; modeler, c'est donc aussi

la

dessiner.

Pour obtenir

le

dessin de la sculpture sur

des matières dures, on coule le plâtre dans

moule

on fond

;

par

et

on coule de même

tous les

le fer, For,

la fonte

;

on

métaux rendus malléables

ces

on lime, on râpe

taille,

pierre, le marbre, le bois

on

le

un

bronze^

;

on martèle

le

la

cuivre

;

métaux d'abord fondus. Toutes opérations, chacune d'elles constituant un

cisèle les

métier différent, ont pour but de mettre en

lumière

le dessin

du sculpteur,

le

Le modelé donne au terme de

l'étendue

signification

qu'il

modelé.

dessin toute

comporte

lorsque ce terme s'applique à la science

du dessin.

Il

est la

forme substantielle,

corps, la chair, pour ainsi dire, des d'art:

il

,

même le

œuvres

constitue la vibration qui est leur

mouvement

optique, en s'appuyant, pour

équilibre parfait, sur son squelette, le

trait.

un


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

120

Cependant, à chacun de ces deux termes, dessin, modelé,

ticulières

des arts

;

:

on adapte des applications par-

dessin désigne toutes les productions

modelé n'est applicable qu'aux œuvres

qui, ayant

pour but l'imitation de

nature,

la

reproduisent la gradation des ombres et des lumières. Mais, suivant nous, l'énoncé de l'un de ces

termes sous-entend toujours l'autre raison que, dans la pratique,

la

valeurs claires

valeurs obscures.

Nous

allons chercher à établir par des

ples ce que Si,

par

le résultat final

est toujours la distribution des et des

,

pour

exem-

nous avançons. le

peintre et le sculpteur, modeler et

dessiner est tout un, l'architecte ne paraît pas

modeler. Dans les épures qu'il écrit pour Fédification d'un

monument,

Des lignes géométriques

le

modelé

est absent.

lui suffisent

nifester clairement son projet

;

pour ma-

toutes les addi-

tions de valeurs, coloriées ou non, dontill'embellit,

ne sont ajoutées que pour sa satisfaction

personnelle. Mais dans

son véritable dessin,

le

monument, qui

est

les surfaces pleines et les

baies ne sont-elles pas des valeurs opposées entre elles, les surfaces pleines étant, à la lu-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

mière du jour, les valeurs claires et ,

121 les

ouver-

tures les valeurs sombres, et ces effets étant

inverses la nuit,

lorsque

le

monument

éclairé à l'intérieur? Ces valeurs

est

ne sont-elles

point reliées par les saillies des moulures, par le relief

des ornements sculptés, par tous les

façonnages de

la pierre,

qui établissent des

Ne dit-on pas qu'il est coloré monument ? L'architecte d'un auteur de ce monument n'a cependant point songé un instant au contraste des couleurs entre elles, puisqu'il n'a employé que des maséries de valeurs différentes ?

tières de teinte

uniforme

;

mais, par les oppo-

sitions de valeurs qu'il a conçues,

il

provoque

une sorte de vibration de valeurs qui l'idée

sens

de la couleur.

le

Il

a

fait

éveille

du modelé dans

le

plus large qu'indique ce terme.

Nous nous servirons encore d'un exemple pris

dans

la

pratique d'une profession qui n'a

pas de rapport direct avec

Chacun titre

sait

le dessin.

avec quel soin, avec quel art

le

d'un livre doit être composé, combien

sont importantes les dispositions de l'énoncé

du

titre

de l'ouvrage, du sous-titre, des

qualités de l'auteur, de la

ou de l'imprimeur, du

marque de

nom

et

l'éditeur

lieu de la publication, ii


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

[22

du nom de

l'éditeur, enfin

fabrication

du

que vues en

livre.

même

du millésime de

la

Toutes ces choses, quoi-

temps, ne doivent produire

aucune confusion, chacune n'ayant à paraître qu'à son tour dans une sorte d'ordre hiérarchique. C'est bien là le

de la décoration.

programme,

Eh

môme

l'essence

nous retrouvons

bien,

toujours dans les règles qui servent aux typo-

graphes cette

même

distribution des valeurs

claires et des valeurs sombres, rendue sensi-

ble par la grosseur,

par

le contraste

l'œil des caractères,

que leur proportion calculée

provoque entre eux

Dans

par

et les blancs

du papier.

mo-

cette disposition typographique, le

delé est bien lointain, bien

pendant

le

dessin de

peu apparent

mobile qui donne titre

;

ce-

la direction à ce

provient de la

même

série

d'idées qui, dans les arts, préside à la mise en

ordre des valeurs claires et des valeurs sombres.

Est-ce que

Le Nôtre,

«

dessinateur du jardin

français, » ne modelait pas la nature, dans le

sens rigoureux du terme, en taillant les arbres,

en leur imposant la symétrie des formes géométriques

si

contraires à leur physionomie natu-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR relie ?

123

Et lorsque, lassée de l'uniformité, de

monotonie d'aspect

de ces jardins,

la

de ces

mode en changea l'ordonnance par

parcs, la

un arrangement contraire qui voulait imiter le désordre et l'imprévu des bois abandonnés à eux-mêmes,

n'était-ce pas

un modelé

qui en

remplaçait un autre?

Côte à côte, les deux Trianons nous

mon-

exemples de ces deux données

d'art.

trent les

Ces deux parcs magnifiques ont servi de toile de fond aux idées, aux gestes, aux costumes de générations qui, certaines de leur importance et soucieuses de

l'effet

à produire lors-

qu'elles se voyaient passer, ont

voulu mettre

entre leurs personnages et la nature

un accord

que, pour le besoin de notre démonstration,

nous sommes en droit d'appeler un modelé. Si,

servir

par extension, nous voulions encore nous

du terme modelé

la

chose qu'il

indique ne peut plus être supposée, ne pourrions-nous l'appliquer à ce qui semble ne relever que du goût toilette,

ne

Dans l'agencement d'une

?

dans la disposition d un ameublement,

faut-il

pas faire concourir entre elles les

valeurs claires et les valeurs sombres de tout ce qui est

employé

?


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

124

Mais nous n'irons pas plus loin dans voie.

ment

Il

nous

de montrer que non seule-

suffit

terme modelé appelle

le

cette

l'attention sur

une physionomie particulière du dessin, mais que son application directe ou indirecte peut être faite à tout ce

que comprend

cette particularité

montrée

même

mot

le

pouvant être suivie où

il

semble que

la

dessin, et

dé-

combi-

naison des valeurs est complètement absente.

La

lumière, avec cette rigueur inflexible que

la nature

impose à tout ce

mine vivement les

saillies, et

qu'elle fait, illu-

va en décroissant

d'intensité sur les surfaces et les dépressions,

qui ne reçoivent qu'indirectement ses rayons,

jusqu'à ce qu'elle s'éteigne dans la nuit complète

— l'ombre —

il

lui est

impossible

de pénétrer.

Dans

les

mière, c'est

arts, le

le distributeur

de cette lu-

modelé. C'est lui qui en règle la

situation, l'étendue, la diminution, la suppression. C'est lui qui, par le dessin, imite la loi

physique qui nous

fait

percevoir les formes de


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

par

la nature. C'est

science, fidélité

que Fart devient une

lui

puisqu'il peut être vérifié

selon sa

à émettre les formes rendues percep-

par la lumière, à suivre la distribution

tibles

des clartés et des obscurités, qu'il doit discerner et régler, quelque apparence de confusion que la nature offre parfois. Cette science est

comparable au savoir d'une langue

elle,

comme dans

le

fautes d'orthographe,

langage

écrit,

il

:

chez

y a des

des libertés d'expres-

sion, des hardiesses, des fantaisies, des négli-

gences de style, des platitudes savantes,

même

et

l'ignorance absolue. C'est par la science

du modelé que œuvres de

l'art

l'on ;

doit classer toutes

qu'elles

les

émanent de ceux qui

pratiquent les conventions du dessinateur ou

de ceux qui suivent les errements du coloriste, la constatation

dire,

de sa présence doit, pour ainsi

précéder tout examen d'impression sen-

timentale. L'effort constant des maîtres a été de discer-

ner et de rendre saisissable la distribution de la

lumière.

Tous, dans

la surprise lente

ou

rapide qu'ils ont tentée sur la nature, tous ont

scrupuleusement observé

la

loi

naturelle de

cette distribution. C'est le lien qui les

rappro-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

126

unit malgré leurs dissemblances.

clie et les

A la

manière des expériences de laboratoire,

l'image photographique nous

le

démontre de

image, sorte de miroir empreint de

visu. Cette

tout ce qu'il réfléchit, constate rigoureusement la loi

du classement des valeurs, malgré des

irrégularités de détail provenant des différentes

propriétés photogéniques de chacune des trois

couleurs initiales, qui, dans gliger,

rouge,

dont

de clarté, sans cependant le

En nous

modelé

le bleu,

faillir

aux

est la formule.

plaçant au point de vue technique,

nous pouvons

dire

que hors du modelé tout

est accessoire, à côté, le

le

intervertissent et transposent les in-

tensités lois

jaune,

le

une mesure que nous pouvons né-

modelé étant

le

sinon en dehors, de Fart,

point culminant des con-

naissances nécessaires à la pratique de

Peu importe

le

sujet.

Telle chose,

l'art. il

est

vrai, présente des difficultés plus considérables

y a des degrés de grandeur de mérite dans les entreprises mais tout,

que et

telle autre

;

il

;


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

depuis

l'être

humain jusqu'à

l'écuelle

de

comme

pré-

ne peut être considéré que

terre,

127

texte à la prise de possession d'une parcelle de

lumière. Les conventions de beauté, la fécondité

de l'imagination,

la

conception des com-

binaisons les plus vastes, la fidélité la plus

scrupuleuse dans l'imitation de la nature, la fantaisie la plus inventive, la plus inattendue,

l'exécution la plus brillante, la plus certaine,

tous les appoints que l'intelligence humaine

peut ajouter aux œuvres d'art

et qui

en accrois-

sent la valeur dans des proportions considérables,

ne doivent être examinés

complément qu'autant que

le

et reçus

en

modelé témoigne

de la qualité et de la quantité de l'expression car seul

il

les façons

;

parvient à la reproduction de toutes d'être de la nature, seul

il

fait l'art

créateur en fixant et en immobilisant la lu-

mière.

Le

trait et le

modelé servent, l'un

et l'autre,

de base à deux méthodes différentes dans l'en-

seignement du dessin proprement

dit.

C'est


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

128

par

la

façon de rechercher

méthodes Dans

contour que ces

le

se distinguent entre elles.

la

méthode du

le

trait,

contour est

d'abord exclusivement recherché en lui-même et fixé

par un

Ce signe ayant

trait.

pour

ici

fonction de localiser les lignes, les masses claires et obscures,

il

est considéré

limite absolue de la forme, et

pendant du modelé

,

figure. Il imite

seul

il

est essentiellement

quelle

que

moins

qu'il

compose

le

paraît indé-

qu'il précède.

Sa représentation ventionnelle

il

comme

soit la

con-

chose qu'il

ne construit

dessin architectural.

;

à lui Il

va

jusqu'à permettre l'expression des combinai-

sons les plus abstraites, c'est-à-dire de choses

non

visibles

:

par exemple

,

les spéculations

de la géométrie descriptive, dont l'épure est le dessin

qui s'éloigne peut-être le plus de ce

qui doit être considéré

Dans

la

comme

méthode du modelé,

corps avec les lignes,

les

étant le dessin. le

contour

masses

claires

fait

et

obscures, sans être au préalable particularisé

par un signe. Sa ligne définitive résulte de l'ex-

tension ou des restrictions successives de surface que l'étude fait subir

modelé,

la

lumière

aux deux éléments du

et l'ombre.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Étant l'imitation des phases de naturelle, le réalités

129

la

lumière

modelé ne peut exprimer que des

visibles.

Il

envisage

la

pratique du

dessin d'une façon analogue à celle de la sculpture, dont les contours, les profils,

ne résultent

que des modifications successives apportées h la

masse.

Les noms École du

trait,

École des masses

deux méthodes. Néanmoins,

désignent ces

leur opposition n'a pas dans les œuvres ache-

vées de signes distinctifs. C'est que le trait

peut être affirmé

comme

signe d'expression

dans une œuvre conçue par est le produit d'un choix qui

tue raît

une forme voulue

;

les

masses,

dégage

c'est qu'aussi

il

fréquemment d'une œuvre dont

le début, les

s'il

et accen-

il

dispa-

a été

valeurs du modelé l'absorbant

peu à peu. Dans ce second instrument devenu inutile

cas, ,

il

ivest

lorsque

qu'un

sa pré-

sence a cessé d'être immédiatement utile.

En exposant

ces

méthodes d'enseignement,

nous n'entendons pas nous

livrer à

un examen

critique de leur doctrine respective

moins que, pratiquées par toutes deux tendent au

;

d'autant

les arts d'imitation,

même

but

forme par l'analyse des phases de

:

figurer la

la lumière.


1

30

LU DESSIN ET DE LA COULEUR

Ce que nous poursuivons,

c'est la distinc-

tion théorique des rapports et des différences

que

le trait

modelé ont entre eux, ces

et le

rapports leur permettant de se remplacer l'un l'autre, et ces différences paraissant

laisser

ne leur

aucune conformité.

Cette distinction doit,

en

effet,

établir

la

raison de rapprochement ou de séparation,

d'arrangement, en un mot, des éléments du dessin dans des données d'apparences inverses, soit

pour

la distribution factice sur

plane des intensités de la clarté leur, soit

pour

la création et

mêmes

Autrement

réalité

provo-

intensités lumineuses.

En

localisant et graduant la

traits,

par des valeurs blanches,

dit

lumière par des

de la cou-

l'ordonnance des

volumes, des surfaces, qui en

quent ces

et

une surface

:

noires ou colorées, on dessine dans le sens

propre du mot. Dans

la

construction ou le

façonnage d'un objet quelconque, on dessine

également

,

mais d'une

manière

sans paraître se préoccuper du delé, bien que,

lisent et

ici

ordonnent

indirecte,

trait ni

du mo-

encore, ces éléments locala lumière.


131

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

MASSE.

LIGNE.

Ligne.

— Le mot

SILHOUETTE

ligne s'applique

aux évolu-

tions effectuées par la lumière, considérées

dans la direction et l'étendue.

Il

distingue dans

l'œuvre d'art ce que les termes attitude,

vement, geste, etc., etc.,

En ligne

trait,

situation,

mou-

disposition,

désignent dans la nature.

disant la ligne, on doit spécifier de quelle il

est question, clarté,

tour. Faisons

ombre, ou con-

remarquer qu'en parlant d'une

œuvre modelée

il

faut dire

les lignes.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

loi

qu'un

n'est

Il

puissent

ligne

trait soit

ce

mots

les

et

quoiqu'un

confondus,

être

trait

l'image graphique d'une ligne, c'est

lorsqu'un

Dans

cas

forme

trait

la

ligne de

contour.

sens, la ligne attire l'attention vers

l'extérieur des choses

l'expression

les

lignes

;

tout au contraire,

et,

sous-entend

la

lumière

l'ombre enfermées entre des contours.

et

Les

styles sont caractérisés par

dont la ligne de contour forme

les lignes

la sertissure.

Dans un nielle, un ornement arabesque, écrits par un trait, ce trait est la ligne de l'ornement ;

mais

si

l'ornement est inscrit par deux

la ligne suivra le

traits,

développement décrit par ses

contours.

Le

geste, le

mouvement,

la situation

d'un

corps dans l'espace, toutes les manifestations

de la lumière sur les êtres vivants ou sur les choses inertes sont matériellement exprimées

par la direction, l'étendue lignes claires et obscures.

ture est geste,

des

êtres

lignes

,

dans l'œuvre

d'art.

forme des

la

Ce qui dans

mouvement,

disposition

et

trait,

la

na-

expression

des choses, devient

La lumière

sont inséparables dans la nature

bien que dans son imitation par

et l'ombre

même

l'art.

aussi


133

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Le

membres pour

geste des

mouvement des

traits

pour

ractérisés par des lignes c'est

par elles que

exprime ce que et

le visage,

lumineuses

il

Source, d'une statue équestre,

on

leurs modèles,

de la Joconde,

sant la Source,

que figure

sombres

;

d'art

dirait

l'entrevoit.

;

le

s'il

terme lignes s'agissait de

les traits

mouvement de

le

sont ca-

de la Joconde, de la

les lignes

spécifie bien l'œuvre

le

représente ressent

l'être qu'il

nous disons

et

,

sculpteur ou le peintre

le

accomplit dans l'instant où Si

corps

le

du personnage

du visage

la

femme po-

et

du cheval

la statue équestre.

Lebrun a donné une constate,

comme

prennent

les traits

série

de dessins où

il

sur un plan, la direction que

du visage humain mus par

des sentiments divers. Les linéaments de ces dessins circonscrivent, sans les représenter et

simplement en modelé. Pour

les

le

supposant, les lignes du

modelé

ni vieillesse, ni beauté

;

il

n'y a ni jeunesse,

il

n'y a ni colère ni

ne peut y avoir que des déplacements, des modifications, dans les lignes

joie, ni

douleur;

il

de lumière et d'ombre.

Dans un paysage, bres,

continuent

et

les lignes, claires et

som-

traversent les ciels* les 12


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

134

montagnes,

forêts, les

les plaines, les fleuves,

sans tenir compte d'aucun contour.

Les

En voici

Un

indépendantes du contour.

lignes sont la

preuve.

spectateur regarde une statue éclairée

par une lumière venant de droite

toutes les

;

surfaces faisant face à cette lumière forment les lignes claires

de la figure

et toutes les sur-

faces opposées les lignes sombres.

ger la position du statue,

il

pour que

suffit

Sans chan-

spectateur ni celle de la

de porter la lumière à gauche

les surfaces

deviennent sombres

primitivement éclairées et

pour que

les surfaces

sombres d'abord soient maintenant

éclairées.

Ainsi, toutes les lignes, claires et obscures, se

sont modifiées en changeant de direction selon les

déplacements de la lumière

;

et

pourtant

le

contour, et par conséquent le trait qui en résulte, est

Masse.

identiquement

— Le mot

ligne,

arts, a la singularité

objet

que

le

mot

le

même. dans

le

langage des

de représenter

le

même

masse, mais à propos d'une

forme différente: une masse de lumière, une masse d'ombre;

une

ligne

de

ligne d'ombre. Ligne veut dire

masse,

lumière, une

forme allongée

forme ramassée. Ainsi

:

;

toutes ces


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

135

masses forment les lignes lumineuses de celte

composition

;

toutes ces lignes en forment les

masses sombres. Certes,

il

compte des lignes

faut tenir

masses que Ton a étudiées dans mais

l'effet

et

des

nature;

la

d'une œuvre résulte bien plus de la

composition des lignes

et

des masses propres

à cette œuvre que de l'exactitude des contours

indiqués par la nature.

Silhouette.

— L'adoption parles sculpteurs

du mot, relativement tifie

tion d'ensemble

œuvre Il

récent, silhouette, se jus-

par la précision qu'il donne à la désignade

l'un

des

aspects d'une

sculptée.

prend sa valeur à

la

complète abstraction

de tout détail intérieur. Abstraction qu'il

fait,

en fixant l'attention sur l'ensemble du contour d'un profil quelconque. Il

n'a pas de valeur instrumentale

mot trait. De même que emploi général, formes de

De

la

terme contour,

comme

le

est

d'un

également applicable

aux

le

nature

et à celles

de

il

l'art.

plus, en isolant et fixant l'ensemble de

l'une des physionomies de l'œuvre sculptée, il

devient un précieux agent de démonstration

théorique,



DU DESSIN ET DE LA COULEUR

137

PERSPECTIVE

Le mot

perspective désigne, au propre, l'ef-

fet d'optique qui

donne

nution, de

des choses, selon la situation

la fuite

l'illusion

de la dimi-

plus ou moins éloignée qu'elles occupent sur les

plans embrassés par la vue du spectateur.

Dans

la pratique, ce

terme

est appliqué à

l'opération géométrique qui consiste à établir

par

formule du

la

tives

trait,

que réloignement

,

les

proportions rela-

fait

subir à tous les

objets. 12,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

138

Mettre en perspective lois

c'est,

en suivant

les

de l'optique, soumettre une œuvre à une

opération qui dirige la vue du spectateur vers

un point appelé point de

vue.

Ce point

est ar-

bitrairement déterminé par l'auteur de l'œuvre.

Au

on désigne sous

figuré,

pective aérienne le

le

nom

de pers-

modelé des espaces,

la re-

présentation de l'atmosphère, des vastes éten-

dues de paysages, de l'intérieur des grandes enceintes. C'est en effet

modelé qu'est obtenu

uniquement par

le

l'aspect fuyant des im-

mensités, l'opération géométrique de la perspective ayant

ment

A

été

au préalable rigoureuse-

établie.

travers la multiplicité des contrastes qui

concourent à la formation d'une œuvre, perspective,

ou tout au moins

l'idée

c'est la

de propor-

tion,

qui règle la construction ornementale,

alors

que

la

conception imaginative est substi-

tuée à l'imitation rigoureuse de la nature. perspective est ainsi

un élément

La

d'art qui, tout

en conservant son caractère d'exactitude, per-

met

et régularise les transpositions, les

fications, les

proportions.

ampli-

amoindrissements de toutes

les


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

139

EFFET

L'effet est le

Ce mot

but unique de Fart.

signifie d'abord sensation,

sion perçue. Ainsi,

il

y a

impres-

:

L'effet simple,

L'effet

compliqué,

L'effet navrant, L'effet pittoresque, L'effet théâtral, L'effet

magnifique,

L'effet troublant, produit par le contraste exa-


1

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

iO

comme

géré de certaines couleurs,

aussi par

la distribution de certains dessins d'indiennes

ou d'exemplaires d'estampes qu'en terme du métier on appelle épreuves doublées ; L'effet claire

décevant, produit par une surface

dont

la

dimension paraît grandir ou

di-

minuer selon que cette surface est observée dans un milieu clair ou dans un milieu obscur

;

L'effet

Les

du mirage,

arts sont les interprètes qui

reproduire

et

à retenir les

mière. Pour eux, est

indifférente

sence réelle ou soleil,

etc., etc.

:

la

effets

servent à

de la lu-

source de cette lumière

qu'elle provienne de la pré-

de

l'apparente absence du

ou bien d'un foyer incandescent, d'une

bougie,

c'est l'effet seul qu'ils

envisagent et

qu'ils veulent fixer.

Pour y parvenir, pour s'emparer d'une portion de lumière, qu'ils

ils

ont créé des conventions,

mettent en pratique

parles matières

et

par

le

dessin et

qu'ils emploient, Ainsi,

une


DU DESSIN ET DE LA COULEUR feuille

de papier représente toute la

lumière imaginable,

son côté,

le

elle est le soleil

crayon est l'obscurité

;

nant une forme sur cette lumière,

141

somme même;

de

de

en crayondessina-

le

teur

combine ces deux: matières pour X effet

qu'il

veut retenir.

Le contraste plus ou moins violent des matières colorées

employées par

le

peintre sera

Y effet plus ou moins intense de son tableau.

Le sculpteur un effet, par

crée

une lumière

l'accentuation

donne aux formes dans bronze,

mot

effet

la terre, le

a bien ainsi

dessin; mais

ticulier

il

le

spécifie

qu'il

marbre,

même un

le

de brouillard,

effet

de

:

sens que

résultat par-

en appelant F attention sur

principale de Yeffet. Exemples effet

spéciale

etc.

Le terme le

particulière,

effet

cause

la

de pluie,

soleil, effet

d'en-

semble, d'un tableau, d'une statue, d'un

nument, de

mo-

la décoration.

L'effet de la

photographie ne peut être juste.

Ses images, tout en étant les plus rigoureuse-

ment exactes qu'on puisse produire,

n'indi-

quent que des valeurs de colorations fausses de plus, leur

forme de

effet

;

perspectif est modifié par la

la lentille.

Cependant

c'est à l'aide


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

142

de la photographie, servant d'expérience de laboratoire, qu'on obtient la preuve des effets

de la lumière considérée

U effet

comme

clarté.

de la gravure, qui consiste à faire

paraître plusieurs qualités de blancs, c'est-àdire plusieurs qualités de lumières, sans appo-

ser

aucun

sujet, est

travail sur les parties

lumineuses du

à la qualité des valeurs qui en-

tourent ces lumières, là où

le

papier est resté

intact, quoiqu'il paraisse être de plusieurs va-

leurs de blancs.

Pour produire rée

comme

cet effet, l'eau-forte, considé-

instrument, a plus de puissance

que

le

burin, par la raison qu'elle possède

dans

la

gamme

obtenu par pier, tandis

la

de ses valeurs

le gris réel, gris

transparence du noir sur

que

le

le

pa-

burin part nécessairement

du noir absolu, quelle que

soit la finesse

de la

taille.

Chacun des éléments du

dessin, trait, orne-

ment, modelé, couleur, a un Trait. néaire, a

Le

deux

trait,

effets

:

effet spécial.

formule du dessin

li-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR 1°

uniforme, d'une seule grosseur,

S'il est

son

tire

il

du contraste, de

effet

de chacune des surfaces qu'il Ainsi

ment

,

le

fait

143

la proportion,

inscrit.

dessin de F élévation d'un

d'un

monu-

uniforme prend son

trait

effet

du rapport des proportions entre

les pleins et

les vides des baies, des colonnes,

des pilastres,

des moulures, du couronnement.

Ingres a

graver son œuvre par un

fait

uniforme; on peut voir dans ce recueil

trait

la puis-

sance d'effet des proportions.

Le

trait

d'effet

uniforme est une abstraction,

que pour

et n'a

mise en lumière des pro-

la

portions de toutes les lignes d'une composi-

formule

tion. C'est la

la plus

haute du dessin

linéaire. 2° S'il est varié, tre

de plusieurs grosseurs,

il

ren-

dan s une formule où intervient la supposition

du modelé,

la

Ornement. effet

principal

recherche d'augmenter X effet.

— U ornement

emprunte son

aux diverses proportions

et di-

rections des lignes entre elles. Cette analogie

de l'ornement avec le trait,

ou,

si

le trait lui

on aime mieux,

son élément propre,

le

vient de ce que le

contour, est

modelé ne

tant qu'un effet d'exécution

;

lui

appor-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

144

— Le modelé doit son

Modelé.

au con-

effet

traste des valeurs claires et des valeurs obs-

ou sans

cures, avec

concours des couleurs.

le

Le sculpteur exerce

le

modelé dans toute sa

rigueur, dans toute sa pureté. Il n'est,

à

aucun degré, soumis à l'observa-

tion des qualités colorées et colorantes de la

lumière

;

et

cependant,

comme

effet,

son œuvre

est toujours à l'unisson coloré de la lumière.

Couleur.

— Quant à

la couleur,

nous avons

déjà distingué la couleur proprement dite, que spécifie le

terme

coloris, et la

tionnelle, qui réunit le

modelé 1°

couleur conven-

dans une seule expression

et le coloris.

La couleur proprement

dite tire

de sa vibration spéciale mise en le

son

effet

mouvement par

contraste des complémentaires.

Autrement

dit

:

Y effet de la couleur résulte

du contraste des principes chaud lumière et de

la

et froid

couleur considérées

de la

comme

foyers lumineux. Ainsi, tel blanc posé sur tel vert intense paraît rose

ou violacé,

la

couleur

intense tendant par son rayonnement à faire virer le ton neutre à sa complémentaire, à son

contraste chaud ou froid; mais

recherche

ici

est

un blanc

si

pur,

il

Y effet qu'on

faudra pré-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR venir

le

nement

rayonnement du vert par

145

rayon-

le

de sa complémentaire en ajoutant

rouge dans

le blanc,

du

qui alors paraîtra blanc

intense, bien qu'il soit devenu, par l'addition

du ronge, un rose ou un

un

lilas,

violet pâle,

selon que sa propre nuance était plus ou

dégagée de illusion,

gris.

moins

11 effet obtenu est donc

une

une erreur d'optique.

L'action de la couleur,

son rayonnement,

vient de la tendance que les deux catégories de la

lumière ont à se combiner, h se compléter.

Leur rapprochement

les exalte

semble leur

il

;

communiquer un mouvement qu'on peut comparer à un désir d'absorption mutuelle, et dont X effet se traduit à nos yeux, au point de leur jonction, par l'augmentation d'obscurité de la

catégorie la plus sombre. Ainsi, la juxtaposition de

deux complémentaires

— comme deux

couches des couleurs bleue et orangée posées à plat à côté

Tune de

l'autre

— donne, à

l'en-

droit de leur contact, l'illusion de la modifica-

tion de valeurs signalée plus haut.

Cette illusion

A" effet,

qui est la nature

même

de la couleur et la cause fondamentale de son action,

est

aussi la source de

nombreuses

erreurs de modelé. 13


146 2°

DU DESSIN ET DE LA COULEUH

La couleur conventionnelle des

arts

lire

son effet du contraste des valeurs observées dans la

lumière naturelle, sans retrancher à celle-ci

les incidents

œuvres des artifices

que provoque

coloristes).

d'exécution

,

On

le reflet (voir les

obtient, grâce à des

l'illusion

par l'emploi d'un seul ton (voir

de cet

effet

les dessins

au

crayon, les lavis des maîtres coloristes, parti-

culièrement ceux de Watteau qui sont au

Louvre

;

les eaux-fortes

naletti; les

de Rembrandt, de Ca-

gravures d'Audran, deBolswert,

les lithographies

de Delacroix,

de

Mouille-

ron, etc., etc.)

La

décoration, qui se sert de toutes les pro-

fessions spéciales, produit tous les lui est

effets.

Tout

motif à effet: composition, transforma-

tion des formes par le principe ornemental,

appropriation du modelé, clarté d'expression

des formes, ampleur de l'exécution,

emploi

des figures de l'ornement, unité entre l'œuvre peinte ou sculptée et Je lieu décoré, etc.

Les exemples que nous pourrions en fournir

ne sauraient appartenir en propre à aucune


DU DESSIN ET DE LA GOULEUll

147

des spécialités de la division des arts. lification

La qua-

de décorateur, prise en dehors de

l'acception de métier, n'appartient qu'à l'homme qui, par son organisation intellectuelle

ou par

ses connaissances spéciales, est apte à régler

volontairement les

chapitre sur le

Le mot

effet

de ses œu\res. Ces

effets

exemples, du reste,

mot

appartiennent à notre

dessin.

entre encore dans deux expres-

sions que nous tenons à mentionner

Mettre à

:

c'est disposer les lignes, les

l'effet,

valeurs, les colorations, pour obtenir lV^etf;

Donner plus tuation sur

d'effet, c'est insister

telle

ligne

de

par accen-

contour, sur

tel

mouvement des

lignes,

proportion,

valeur de clarté ou d'obscu-

rité, telle

telle

sur tel contraste de

coloration de ton, pour augmenter

teffet.

Toute indécision, toute fusion

& effet,

diffusion, toute con-

tout trouble dans la clarté de


148

Dr DESSIN ET DE LA COULEUR

perception de X effet d'une œuvre, est une faute

de modelé.

Nous disons une œuvre et non pas un monument, une statue, un tableau, un dessin, une gravure, une décoration, parce que cette observation est applicable à toutes les choses de Fart.

Ainsi 1°

:

Quoique

la

clure le modelé,

formule du

trait

semble ex-

nous retrouvons l'expression

de l'intensité des valeurs dans proportions inscrites parle

rapport des

le

trait.

Toute confu-

sion de proportions est donc une faute de

mo-

delé. 2°

Lorsque

le

modelé

est effectif, la confu-

sion de ses valeurs ou de ses tons détruit la clarté de perception. C'est encore

une faute de

modelé.

Une

faute à'effet indépendante

est la confusion des catégories

du modelé

chaude

et froide.

Le modelé rigoureusement observé atténue cette faute

dans une mesure considérable.


DU DESSIN ET DE LA COELEUR

140

EXÉCUTION

Ingres a

disai't

à ses élèves

:

Quand même vous posséderiez pour cent

mille francs de métier,

si

vous trouvez

sion d'en acheter encore pour

un

l'occa-

sou, ne la

laissez pas échapper. »

Les plus grands maîtres ont été habiles ouvriers. pas.

La main y

Les

Une œuvre

d'art

les plus

ne se dicte

est nécessaire.

arts sont à la fois science et métier; ils

ont des principes, des conventions, des for-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

150

mules, des recettes,

et

aussi des outils.

Ils

exigent une allure intellectuelle et des tours de

main, non seulement dans cette chose qualifiée

œuvre

mais encore dans toutes

d'art,

tions dont cette

œuvre

les créa-

est à la fois la source et

l'expression.

La facture ou exécution est chose toute deprocédé manuel. Elle est l'agent qui sert à

cristal-

liser les sensations les plusfugitives; les

impres-

sions les plus fugaces, elle les fait et

comme

dant,

rejaillissant d'elles-mêmes.

elle

n'est

justement que

d'écriture propre à tère

permanentes

chaque

artiste

personnel est aussi hien

celui qui dit des sottises

le

Cepen-

caractère

et ce carac-

;

partage de

le

que de celui qui

dit

des merveilles.

La nature mais en le

fournit à l'art tous les éléments,

les livrant tous à la fois

;

et l'art n'a

pouvoir que d'en dégager une partie, qui

devient d'autant plus apparente qu'elle est plus isolée des autres.

L'art crée une physionomie par l'accentuation qu'il

donne à ce

qu'il

veut constater. Mais


DU DESSIN ET DE LA COULEUR faut-il

151

confondre cette faculté de caractériser

avec les pratiques, les habitudes, nous pouvons

dont l'individualisme se pare en

dire les tics, les

appelant

le

caractère ? C'est souvent malgré

toutes ces choses, qui cependant sont bien des individualités, qu'une

œuvre mérite de prendre

rang parmi celles qui sont la gloire des arts.

que

C'est dans la facture

manifeste avec

le

l'individualité se

plus de liberté

couvre ce qui lui est

le

pensée, son geste; qu'elle qualité maîtresse, volonté

fait

ou

C'est aussi par l'exécution

une écriture; qui,

qu'elle dé-

;

plus personnel,

sa

preuve de sa

sensibilité.

que

le

dessin est

une science

et sa possession est

parvenue à un degré supérieur à toute

démonstration, devient Fart. Il

est

communément admis que

doit être appropriée

au

l'exécution

sujet. Cette proposition

théorique n'a pas de sens, et elle ne résiste à

aucune des questions préalables l'étalon d'exécution des

ture fournit-elle

tement d'un

le

sujet

Quel

est

une formule qui indique net-

moyen de son

même

:

œuvres d'art? La naimitation

?

Pourquoi

chaque maître donne-t-il une

formule particulière

à

lui-même

,

non à

ce

sujet? Considérés au point de vue de l'exécu-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

152

ne deviennent-ils pas

tion, Fart et la nature

des instruments destinés à mettre en lumière

de celui qui les a choisis comme

la personnalité

thème de spéculation?

La

comme

facture rassemhle

en un faisceau

tous les éléments servant à l'analyse de la lu-

mière. Cette union de principes théoriques et

d'éléments matériels donne à l'exécution une telle l'art

importance qu'on a pu

la

confondre avec

lui-même. La conception qui lui

même

ferait

d'elle

cette expression

,

un

est propre

art parallèle à l'art, si

pour

être

complète

,

n'exi-

geait la liaison absolue de tous les termes

problème dont

le

dessin est à la fois

le

du

moyen

et la solution.

Néanmoins,

elle n'a

qu'un rôle secondaire,

par les raisons que, directement,

prunte rien à

geant

la nature,

elle laisse distinct

et qu'elle

qu'elle

même.

que tout en

elle

les

n'em-

mélan-

chacun des éléments,

ne possède de valeurréelle qu'autant

exprime

et

accentue autre chose qu'elle-


DU DESSIN ET DE LA COULEUlî

Au

!§3

point de vue de l'exécution, Chardin est

un maître qui marche de pair avec miers à

;

telles

autres qui

des

nissent

Chardin ne

Non

:

son,

les pre-

mais, par la comparaison de son œuvre outre la

,

d'un

qualités serait-il

facture

ordre

,

réu-

différent,

pas un pauvre

homme?

l'ustensile de cuisine, le gibier, le poisla tasse

de

porcelaine,

le

bouquet de

fleurs

d'oranger fiché dans une brioche, ré-

vèlent

un modelé qui

fait

souvent défaut à

la

peinture d'une déesse ou d'un héros. C'est là qu'est la puissance

de

Et

Chardin.

si

son

modelé

est

dans

représentation d'un merlan ou d'un

la

en quelque sorte peu apparent

chaudron, allez au Louvre voir son portrait, celui de sa

femme,

et

vous comprendrez pour-

quoi les choses secondaires où

ont une valeur d'art

si

il

s'est

appliqué

considérable.

Dans l'œuvre d'un maître étudiée chronologiquement on

reconnaît que

la

formule

appliquée par lui va, s'affirmant de plus en plus, vers une liberté de facture telle que le métier


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

154

semble quelquefois négligé

et

môme

abandon-

né, relativement à ses premières productions.

Cette facilité ne s'acquiert cependant que

par une pratique infatigable,

apparent est

la

et le laisser-aller

preuve d'une pleine possession

de formule.

En

généralisant cette observation, et en la

portant sur l'une des grandes époques de Fart,

pendant laquelle

les

œuvres

les plus

dissem-

blables sont reliées entre elles par une pensée

commune,

que représente

latente,

ornemental appelé h former un

pouvons avancer qu'un

moigne de

la

même

le

principe

style,

nous

style, h ses débuts, té-

préoccupation de recher-

ches minutieuses chez chacun des maîtres, qui sera considéré plus tard

comme un

des créa-

teurs de ce style.

Mais

si,

pour

les individus, la libre allure

d'exécution est une preuve de l'absolue possession du métier,

commence par

le

la

décadence des styles

métier acquis, pour ainsi

dire spontanément, par tous. C'est qu'alors des esprits

prompts à saisir

les

causes et les

s'cmparant des formules courantes

effets,

et s'appro-

priant des aspects matériels d'exécution, sans se fortifier

par des préparations suffisantes,


hi:

vuiil

DESSIN ET DE LA COULEUK

loo

échouer contre recueil du métier trop

vite

appris.

Certaines productions de

l'art

ont été com-

parées à la croissance du fruit de l'arbre. Cette

comparaison, fort perfection,

et

exprime

jolie,

aussi

une

sorte de spontanéité

d'exécution de ces œuvres trait, si elle était juste,

sans

art,

la pureté, la

;

mais

elle

permet-

de supposer des artistes

des producteurs inconscients, dans

une des spéculations

les

plus élevées où l'es-

humain puisse s'exercer. Pour prendre rang d' œuvre

prit

d'art,

une forme

doit être la réalisation d'un plan, bien qu'elle

ne semble être que

la copie

de la nature. Et

son exécution exige une série d'opérations qui, tout en offrant l'apparence de la spontanéité,

ne sont réellement que fléchis

le résultat d'efforts ré*

ou de combinaisons acquises par une

longue pratique. Si quelque adolescent fait une

œuvre de

maître, sa précocité et son éclat ne prouvent

que

la qualité

de son esprit et l'excellence de


DU DESSIN ET DE LA COULECU

156

Nul exemple ne démon-

ses premiers guides. tre Fart

spontané.

L'art est chose toute de culture, et la vigueur

des sauvageons n'infirme aucune règle. a

qu'il soit nécessaire

la

S'il

dans cette remarque une bizarrerie, de l'exprimer. Et

si

y

c'est

nous

formulons, c'est pour répondre à une idée

assez répandue

de nos jours, dans laquelle

se complaisent des sensibilité

artistes

exagérée

indolents d'une

pour eux,

:

uniquement Fart dont

la

,

y a Fart, pratique est en quelil

que sorte immatérielle.

Ce dernier point de vue

est choisi par des

rêveurs qui s'illusionnent d'un art spécial, par des êtres d'essence supérieure qui subissent un

douloureux supplice

si

l'on exige

travaux aient une raison

dans

le

champ

si

vaste et

arts, cette raison d'être

que

la

d'être. si

que leurs

Et pourtant,

indéterminé des

peut n'avoir pour base

recherche de l'imitation de la nature,

l'analyse de la lumière, qualités que l'exécution seule révèle avec

une mesure exacte.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

157

Les formules particulières des métiers ont puissance qu'il n'est pas rare

une

telle

voir

un homme savant

et habile

tique d'une profession d'art,

dans cette pratique sans

de

dans la pra-

demeurer enfermé

pouvoir donner

l'é-

quivalent de ses productions habituelles lorsqu'il se

trouve en face de la nature.

dent que cet

non par

et

Il

homme a commencé par

métier

le

le dessin.

Tout en constatant l'importance de pratique d'un métier, l'ordre d'éducation, sition

est évi-

si

la

bonne

nous intervertissons

en supposant que l'acqui-

de la science du dessin a précédé l'ap-

nous pouvons affirmer qu'on

plication spéciale,

peut aborder toute profession d'art sans avoir,

pour

ainsi dire, à

Jamais

la

en

faire l'apprentissage.

puissance d'originalité d'un artiste

n'a été entravée ni

diminuée par

la discipline

de l'instruction et de l'apprentissage.

Ces deux termes

:

instruction, apprentissage,

ne sont pas indifférents

un

;

car

il

y a dans

les arts

travail d'intelligence qui des apprentis fait 14


io8

DU DESSIN ET DE LÀ COULEUR

des élèves/ et une partie de métier qui des élèves fait des apprentis.

Lorsque

la

facture réunit étroitement dans

une œuvre, quelle qu'elle

ments de

l'art, le

lité

étant

tous les élé-

métier disparaît, l'œuvre est

essentiellement une

nouvelle; et

soit,

œuvre

elle restera

d'art,

une création

permanente, son

un rayonnement qui

satisfait

uti-

des

appétits intellectuels et qui éclaire et alimente les industries les plus diverses.

ture domine,

ou

même

si les

Mais

si

la fac-

éléments d'art sont absents

secondaires, ce n'est plus qu'un pro-

duit d'industrie d'une utilité passagère,

continue

par sa nouveauté un

donné, mais que

mode

il

le

mouvement

moindre changement de

anéantit.

semble parfois que

faite,

qui

la facture,

même

par-

peut être séparée de l'œuvre, sans que

celle-ci

perde rien en valeur

;

autrement

dit, le


DU DESSIN ET DE LA COULEUR carton,

le

159

dessin qui a précédé l'exécution, ou

bien la gravure qui reproduit cette œuvre, en

contiennent tous les éléments, toute

la

sub-

stance.

La tre

virtuosité d'exécution n'aurait-elle d'au-

expression qu'elle-même, ce qui n'est pas

possible, l'intérêt de sa valeur n'en rait

demeure-

pas moins de premier ordre, car

elle

as-

sure la continuité des arts.

L'art qui ne vit qu'à l'aide de formules traditionnelles est

déployée par ditions

;

il

monotone, malgré

la facture

n'est plus

l'habileté

pour renouveler les

tra-

qu'un sport coûteux, une

distraction de désœuvrés,

où les préoccupa-

tions déformes, de couleurs, n'ont

pour impul-

sion que des raffinements de modes, des subtilités

sentimentales dont la compréhension ne

peut dépasser adeptes.

Il

le

cercle des spécialistes,

des

va mourant peu h peu de sa mono-

tonie, et enfin disparaît.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

160

D'autre part, Fart qui n'accepte que de la

nature les éléments de sa production

sons

le

est,

di-

mot, inutile dans les rapports de trans-

mission des arts entre eux. Vide du principe ornemental, tion

;

et,

il

n'est précieux

dans ce

cas,

que par l'exécu-

on doit exiger

la

réunion

de tous les éléments qu'il prétend mettre en lumière. Si la nature lui fournit tous les ren-

seignements,

il

a,

lui,

le

devoir de trouver la

formule qui ajoute au document, au procèsverbal, l'expression à donner

aux

idées, Tordre

à établir dans ce qu'il compose. C'est dans cette mission

que réside sa fonc-

tion sociale, en mettant à profit l'infinité des

formes

et des

adaptations dont use l'humanité

à tous les degrés de la civilisation.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

1G1

ORNEMENT

L'art est le plus vieux

race humaine.

Il

est

compagnon de

la

né de ses besoins, de ses

goûts d'ordre et de parure.

Aussi loin que l'observation puisse entrevoir les habitants

mêmes,

ainsi

de

sur eux-

la terre, elle constate

que sur tout ce qui leur a appar-

tenu, des superflu i tés de couleurs et de lignes

dont

le seul

but est la parure, l'ornement.

l'origine des arts, avant les arts,

industries qui devaient

y conduire,

eu imitation de la nature,

A

au début des il

n'y a pas

comme on

l'entend

M.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

162

moyen Les hommes

aujourd'hui, en copiant à l'aide d'un artificiel

modèles naturels.

les

vu

primitifs, qui ont

les

animaux,

les plantes,

tachetés, rayés, higarrés, variés de formes, de saillies,

d'accessoires paraissant inutiles à leur

existence, se sont trouvés d'un aspect tone, d'une nudité sans agrément;

cherché, par les

reproduire

et ils

ont

plus simples,

les

à

apparences diverses que tout

les

autour d'eux

moyens

mono-

la

nature semblait leur

offrir

en

exemples.

Le même mobile qui pousse le sauvage à se tatouer, à se mettre un anneau dans le nez, nous dirige dans notre toilette.

choix de nos vêtements, de

le

Ce mobile

la nécessité

de se

garantir contre l'intempérie des climats pou-

vant être négligée

mentation Tordre

et

;

c'est l'instinct

d'où est venue

la

de l'appropriation

de l'orne-

connaissance de

de

toutes

les

choses naturelles selon des besoins, des goûts divers. Si cette explication de l'origine de l'art blait trop élémentaire, les sciences les plus

nous ajouterions que

compliquées n'ont pas eu

de commencements plus

que

les

premiers

sem-

extraordinaires et

hommes

ont dû, pour se


DU DESSIN ET DE LA COULEU! vêtir et ensuite

pour

se parer, utiliser les dé-

animaux,

pouilles des

qu'ils tuaient

pour

se

nourrir.

Entreprendre

de l'ornement serait

l'histoire

donc tenter une histoire des

depuis leur

arts

origine, vaste travail qui excède les limites de

notre sujet

qui ne nous conduirait pas à

et

notre but.

Ce que nous cherchons

plus simple.

est

Nous voulons établir une sorte d'inventaire des applications du dessin là où le mot ornement gagne en valeur S'il

nous a

critique, ni à crétablir

en signification.

aucune formule d'enseignement,

théoriquement

dessin dans l'art,

et

été possible, sans recourir à la

avec

le

les

trois

les

sens divers du

mot

grandes divisions de

terme ornement nous devrons

entrer dans la pratique.

Nos exemples seront

directs,

personnels,

puisqu'ils seront tirés des faits acquis.

maintiendrons néanmoins

nous sommes

fait

une

loi

;

la

Nous

réserve dont nous

et si,

malgré nous,

notre opinion se produit dans la série de nos assertions,, elle résultera et

non d'une

logiquement des

velléité de

critique à

nous voulons rester étranger.

faits

laquelle


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

164 L'art,

dont toutes les manifestations sont

aujourd'hui

si

complexes, est

nous de dire, du goût inné de

issu,

venons-

la

parure, de

lui

une nature

l'ornement.

De

cette origine résulte

pour

où l'essence de l'ornement persiste toujours, alors même que ses œuvres semblent fort éloignées de cet objet particulier qui s'appelle

un ornement. Le terme ornement

paraît plus spécialement

désigner l'ensemble des figures qui ont indivi-

duellement un nom,

telles

que

:

rinceau, ove,

fleuron, cartouche, moulure, etc., etc.

Ces figures, qui par leur construction première sont pour ainsi dire immuables, sont très simples. Elles se retrouvent chez tous les

peuples, sauvages ou civilisés, tout en se cou-

vrant de végétations qui diffèrent selon les pays, selon les époques. Elles sont

comme

des

armatures destinées à soutenir ces diverses végétations, qui donnent une

si

grande variété

d'aspect à la réunion de toutes les ornementations connues, et qui ont constitué les styles.

Ainsi, les tiges et les attaches des feuillages

sur ces tiges, la construction des feuilles, ont fourni les premières lignes de la composition


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

des ornements.

La

165

volute, le rinceau et ses

ont trouvé leur première armature

dérivés,

clans les mille frondaisons des spires

de la na-

ture.

Les graines,

les coquilles,

joux

et les vases,

puis les modèles des bijoux

et

ont été les bi-

des vases. Le lambrequin, cette découpure

tellement civilisée, ne tient-il pas, au feston,

au crénelé, au denté des feuilles? La colonne

surmontée de son chapiteau, tiple

sur laquelle se

cette

forme mul-

sont exercés tous les

son début,

simple image

peuples, est,

à

d'un arbre,

tronc et la cime d'un palmier.

le

Ces exemples

suffiront

la

pour affirmer ce que

nous avons annoncé, à savoir pour

la construction

ainsi dire impersonnelle de l'ornement,

directement fournie par la nature,

et la trans-

formation successive de toutes ses formes aboutissant

aux

styles, qui tour à

tour n'ont été que

des modes, des habitudes.

Mais le

nom

il

est

un moment où l'ornement mérite

de décoration. C'est lorsqu'il s'agit de


166 la

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

mise en jeu, du groupement d'une partie de

ou d'œuvres devenues des orne-

ses pièces,

ments par destination. Ainsi on statue placée dans

murale «

:

dit

un jardin ou d'une peinture

Ce sont des ornements.

«

peu d'une

C'est de la décoration.

»

Dans bien des cas où

le

»

lui sont toutefois substitués.

l'ornementation

illustration

d'un

livre,

objets de parure,

:

d'autres

On appelle

typographique

broderie celle des étoffes

agrafes, etc.,

dit

mot ornement pos-

sède encore toute sa signification,

termes

On

;

tous les

boucles d'oreilles, bagues,

sont

des

ornements.

Garnir,

meubler, c'est souvent orner. Le terme habillé n'est-il pas,,

au sens d'ornement, l'opposé de

'négligé ?

Mais

le

terme ornement a pour nous une

portée plus haute que la désignation de ses figures propres.

Dans une démonstration,

il

peut, sans extension forcée, être appliqué à la

composition de toute œuvre

d'art, aussi

bien

pour un portrait que pour une façade de

mo-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

107

îiument. Et cela, par suite de l'impossibilité

de séparer aucune forme du principe de dessin qui a été le point de départ de sa composition,

du principe ornemental

c'est-à-dire

ment incorporé que

l'art

intime-

à toutes les transformations

impose à

la nature.

La valeur du mot ornement

même

si

et l'application

exagérée qu'on en peut faire

offrent

donc un intérêt capital que n'a pas dans démonstration

le

terme décoration.

la

a sur ce

Il

dernier l'avantage de caractériser des formes visibles, matérielles, et de

choses.

Il

dit

donner un

qu'un visage a

telle

ligne

comme la

forme ovale,

la

comme une ove, comme un œuf

il

;

nom aux

indique que

au lieu d'être brisée en angles

,

la foudre, devrait être

souple

comme

courbe d'un rinceau.

Le terme

décoration,

embrasse

qui

l'en-

semble des oeuvres d'ornement, est une abstraction. Il

treindre

sous-entend qu'au lieu de se res-

aux figures propres à l'ornement,

s'empare, pour l'extension de ses vues,

choses particulières à

l'art

tout entier de la nature,

végétaux

,

des animaux

et

il

des

de l'ensemble

des paysages, des divisés

transfigurés par l'ornement, des

,

classés

et

monuments.


168

du dessin

de la couleub

j:t

de la figure humaine. Et en cela rien,

il

ne précise

ne définit rien.

il

L'imitation de la nature tient la première place dans le petit

nombre

d'idées que la tech-

nique des arts met en mouvement, bien que l'infinité

de

leurs

croire à leur infinité cette imitation n'est

copie.

puisse

faire

correspondante.

Mais

applications

pas nécessairement une

L'art crée des formes sans reproduire

rigoureusement

celles de

son modèle.

N'est-ce pas à cette recherche d'imitation qu'est due l'analogie des renflements ajoutés h la base d'une colonne avec les boursouflures

des racines saillantes qui attachent au sol les

grands arbres? Ces pieds ne rassurent-ils pas l'esprit sur la

dont

ils

stabilité

des masses de pierre

affirment l'assiette? Et, tout en rem-

plissant ce rôle d'utilité, l'ornement se trans-

forme en parure. Qu'était-ce que

du quatorzième

dont

les artistes

de

beaux ornements, sinon

si

les peintures

siècle ont fait

la raison

de la

solidité des choses sur lesquelles elles étaient

appliquées?


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

L'ornement fournit une

solidité d'aspect in-

dépendante des attaches réelles. Ainsi, la

garde

et la

160

la lame,

poignée d'une épée semblent, soudées par

pour ainsi

dire, plutôt retenues et

le dessin,

qui de ces diverses pièces

fait

un

que par les rivets métalliques qui les

tout,

fixent réellement entre elles.

Dans

le

domaine de

la couleur, c'est

encore

à l'ornement, c'est-à-dire au principe dont

il

provient, que doit être rapportée cette liberté d'allure

dans

la

qui permet à un artiste de prendre

nature son bien où

transporter les éléments

Un exemple

autre.

il

trouve, et de

le

d'une chose à une

bien curieux nous en est

Dans Y Art du dix-huitième siècle (notice sur Boucher), E. et J. de Concourt racontent

fourni.

qu'il

((

entassait dans son atelier ces pétrifica-

tions d'éclairs, les pierres fines, les quartz et les cristaux

de roche, les améthystes de Thu-

ringe, les cristaux d'étain, de

plomb, de

les pyrites et les marcassites.

L'or natif, les

buissons d'argent vierge en végétations

fer,

les

,

cuivres gorge de pigeon et queue de paon, les

morceaux d'azur, les jaspes

,

les

les

malachites de Sibérie,

poudingues

,

les

cailloux, les

agates, les sardoines, les coraux, tout récrin lo


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

170

de

la

nature était vidé çà et là sur

les étagères.

musée des couleurs

Puis, dans ce merveilleux

étalées de la terre, venaient les coquilles avec

leurs mille nuances délicates, leurs prismes,

leurs reflets changeants

leurs chatoiements

,

comme une doux comme l'ombre

d'arc-en-ciel, leur rose tendre pâle

rose noyée, leur vert

d'une vague, leur blanc caressé d'un rayon de lune.

»

Ce passage

a été

pour nous une révélation

de la couleur de Boucher,

cieusement étrange

dans

neuses de ses tableaux.

ment dans prendre il

En

si

si

auda-

parties

lumi-

variée,

les

effet,

c'est assuré-

ces objets qu'il a dû chercher et

le secret

de toutes les irisations dont

colore sa peinture, son intuition du contraste

des couleurs

ne rencontrant pas nettement

dans

la nature* qu'il avait

sous

les

yeux*

les lueurs

cependant toujours

que par moments

il

y avait entrevues et qu'il retrouvait en exemples constants et immobilisés dans ces pierreries et ces coquilles. Mais

on peut supposer que

c'est

aussi de là que proviennent l'atténuation, l'uni-

formité, lion,

ces

on pourrait dire l'absence de colora-

des valeurs fortes de sa peinture, étincelants

modèles

n'ayant

et

ne

tous lui


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

171

fournissant de nuances bien définies que dans les

valeurs claires.

Cet exemple

inattendu et persuasif nous

prouve que l'indication de toutes

les

actions

des arts, lors

même

retrouver

modèle, doit toujours être recher-

le

chée dans

qu'il n'est

nature,

la

pas possible d'en

qui toujours nous

Ja

donne.

Une des premières la

applications des arts a été

recherche des formes à donner aux sym-

boles, grands caractères d'une écriture

généralité

des

contemporains

que

la

comprenait.

Aujourd'hui, la signification de la plupart des

symboles reste des

est

devenue

inutile,

mais

il

nous

ornements. Nous sommes tellement

éloignés de leurs époques d'éclosion et d'évolution, qu'en les rappelant

uniquement d'un éternité

dans de

fait

nous témoignons

qui constate la quasi-

du principe ornemental mêlé à tout

l'art,

malgré

les modifications

moyens personnelles

de but et

à chaque siècle.


172

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Lorsque

l'art

regarde plus loin

,

lorsque,

quelle que soit l'importance de son écriture,

ne veut plus végéter en scribe, en

il

graphe, lorsqu'il se ce qu'il imagine c'est d'imiter

nature dont

créateur à son tour,

pour s'élever à

scrupuleusement

le

cette hauteur,

la nature, cette

dessin primitif, l'ornement, ne

que

s'était servi

fait

calli-

comme

d'un thème à varia-

tions de caractères.

Du

passé

il

avait conservé des formules ori-

ginelles, des conventions

grande netteté d'écriture.

clarté d'effet, d'une

Ce

qu'il

douées d'une entière

prétend maintenant, tout en restant

scrupuleux copiste,

c'est plier la

nature à son

imitation, h ses exigences ornementales, à son but. Puis,

peu à peu, ces exigences paraissant

à des esprits novateurs entraver l'imitation de la

nature dans

intimes,

l'art

ses

manifestations les plus

ne semble plus avoir un but

nécessairement ornemental

;

et

des œuvres

isolées, sans autre motif de

création que la

volonté de leurs auteurs ou

besoin d'expres-

le

sions sentimentales, sont mises au jour.

Ce

fut l'aube d'une manifestation nouvelle.

Rembrandt en

est peut-être la plus puissante

personnification.

De

lui date l'art

moderne.


L

PI'

Si

DESSIN ET DE LA COULEUK

173

on imagine un pays hermétiquement

fermé aux idées du dehors, où jamais n'aurai pénétré une seule des formules qui font

hase de nos

arts,

on peut

se

demander

dans ce pays, seraient l'ornement,

la

la

ce que,

décora-

tion.

Eh

hien, les arts y seraient représentés par

Rembrandt, Velasquez, Brauwer, Téniers, Terburg, Chardin, Corot, Millet, Courbet, Rousseau, Raffet, et par les écoles rattachées à ces peintres.

Notre hypothèse est évidemment absurde

puisque ces maîtres, par fait

la fatalité qui

;

nous

naître de quelqu'un, sont tributaires de ces

formules, de ces conventions, que la seule

puissance de leur personnalité leur a permis de négliger, sans les méconnaître, pour ne suivre que leur inspiration; et puisque tout ce qui

émane d'eux

est à

son tour un sujet d'ob-

servation, dont bénéficient l'ornement et la

décoration.

En émettant cette hypothèse, nous avons voulu faire mieux sentir ce que nous entendons par une œuvre isolée, sans destination déterminée, où domine, dans la copie de la nature,

une apparente volonté de délaisser 15.

les


DU dessin

471

formules reçues

;

i:t

DE LA GOULÊUH

œuvre opposée

à celle qui se

distingue par une intention ornementale et par

une direction dues aux formules, sans son but ne saurait être

quelles

les-

atteint, puis-

qu'elles constituent Fart de la décoration.

Entre rentes,

deux visées simplement

ces

il

semble cependant

qu'il

diffé-

ait l'écart

y

de deux professions, de deux spéculations spéciales.

L'ornement proprement nécessairement

emprunte tous pose. ses

Il la

la

les

nature,

dit

ne copie pas

même quand

éléments dont

il

il

lui

com-

se

modifie, la transforme, la soumet à

conventions,

il

y puise

comme

à

source de variations. Son infidélité envers

une elle,

ses écarts dans l'emprunt de ses motifs, ont

pour raison

qu'il est

uniquement embellisseur

de surfaces et qu'il dépend des matières doit orner,

les altérer. Il

ment

ne peut donc pas imiter

la nature, puisqu'il est

comme

dans

stricte-

contenu par un

alignement déterminé. Son modelé, effectif

qu'il

des formes qu'il doit suivre sans

la sculpture

qu'il soit

ou simulé


DU DESSIN ET DE

comme dans

LA.

COULEEU

la peinture, doit,

valoir par lui-même,

175

avant de se faire

avant de

c'est-à-dire

montrer sa

fidélité

forme

matière de la surface qu'il a pour

et à la

d'imitation,

obéir

à

la

devoir d'embellir.

Les modes,

les

conventions, successivement

créées, modifiées, abandonnées, puis reprises

en se transformant, dominent dans

les évolu-

tions de l'ornement. Ici la nature ne

même

aucune indication,

lorsque

fournit

l'idée

de

construction lui a été empruntée. Les reliefs et les

profondeurs destinés à ornementer des

surfaces, n'ont d'autres lois à suivre

que celles

des valeurs et des colorations, à l'aide desquelles on se propose de modifier ces surfaces,

en tenant compte des conditions d'appréciation et

de

Un

la distance d'aspect.

art tout entier

cette possibilité de

nous fournit l'exemple de

l'ornement sans modelé

conséquemment, sans copie de l'art

la

et,

nature: c'est

arabe, produit d'une civilisation

dominée

par une foi religieuse qui proscrit toute repré-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

176

sentation des êtres vivants. Cette prohibition

semble s'étendre jusqu'aux végétaux; car

s'il

apparaît dans ses productions quelques images

de fleurs, de plantes, ces objets y sont par exet, le plus souvent, de forme ornemen-

ception tale Il

conventionnelle. Cet art ignore la nature.

est

né des combinaisons de

la

géométrie

;

toutes ses conceptions sont dues à des recher-

ches savantes ou à une patience infatigable et inépuisable.

Il est

tout linéaire, sans modèle,

ne provoque aucun sentiment, aucun souvenir. Il

possède cependant un charme qui vous

pénètre lorsque vous vous absorbez à l'étudier il

;

vous donne une sorte d'éblouissement voisin

du vertige.

Il

est trouble,

qu'une page de

chiffres,

monotone, autant

et

en

même

enrichi d'une variété sans limite. les surfaces et crée des

Il

temps

embellit

fonds superbes,

sai s

appeler ou retenir l'attention sur un point plus

que sur un autre, sans rien présenter de particulier hors de l'ensemble. Aussi, dans les

mer-

veilles de ses combinaisons, de ses complica-

tions, qui font de lui

somptueuses de

une des formes

la décoration,

ne

entrevoir jamais la personnalité de

En un mot,

c'est

un

les plus

laisse-t-il l'artiste.

art isolé, qui toujours est


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

demeuré étranger à notre art dont est de mettre en vue un objet pour

177

la

tendance

le

montrer

davantage.

De simple agent de parure,

et

en prenant

la

valeur d'un caractère propre à transmettre des idées, l'ornement s'est transformé et s'est élevé

par

son principe jusqu'à

complète de

devenir l'essence

l'art.

Tout en accomplissant

cette évolution, cette

ascension, l'ornement, qui par son origine et

par son essence était indépendant de toute règle, en est arrivé à chercher et à copier des

modèles dans le

la nature.

Et

c'est

en approchant

plus près du modèle qu'il s'est transformé

en Fart dont nous

sommes

les

témoins depuis

l'antiquité jusqu'aux temps modernes.

Cette origine ornementale

a

marqué son

influence sur les grands maîtres, qui tiennent d'elle

des habitudes de clarté que l'on peut dire

soulignées. D'où ressort la parenté étroite de leurs

œuvres avec Poïnement.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

178

Tout, dans la nature, est ornement, sujet d'art

et seul le

;

tière expression

modelé peut renfermer

l'en-

de chaque objet. Tout, dans

l'œuvre des grandes époques, est ornement; et l'art plie à cette

depuis

le

exigence la nature entière

brin d'herbe jusqu'à la figure hu-

maine.

Les les

arts primitifs, les arts à leur naissance,

arts sauvages, c'est-à-dire l'art

en travail

de conception, s'arrêtent à la représentation des objets par une formule linéaire.

En examinant

des choses où l'art est qualifié

âelége?% les vignettes des chansons de Laborde, les eaux-fortes

de Fragonard, les gouaches de

Moreau, les argenteries de Germain,

les

bronzes

de Gouttière, ces productions du dix-huitième

siècle

travail

la

grâce de l'exécution dissimule

le

de recherche qu'elles ont coûté, on

constate toujours que la nature et

confondus, mêlés, sans qu'il

déterminer

le

l'art

sont

soit possible

de

point où l'un s'arrête où l'autre

commence. Et

si

nous considérons ces hautes ligures,

qui dominent les merveilles de la Renaissance, ces figures du Jour et de la Nuit,

Ange semble

où Michel-

avoir rehaussé l'étiage de rima-


DU DESSIN ET DE LA COULE LUI

179

gination humaine, là encore nous voyons des

ornements, non pas seulement parce que ces figures font

partie

d'une

décoration,

mais

parce que la nature religieusement consultée, imitée, est en

même

temps, par la volonté du

génie créateur, assouplie, assujettie,

comme

un simple rinceau dont un ornemaniste

fait

une torchère. Et dans cette œuvre, où la délicatesse la plus raffinée est unie à l'affirmation

ornementale

la plus nette et la plus puissante,

le lecteur

de cette grande écriture,

peut

comme

lire,

l'humanité.

dans une vision,

le

le

dessin,

poème de



DU DESSIN ET DE LA COULEUR

181

LA TRAKSFORMATIOM INÉVITABLE

LE LÀ NATURE PAR LES ARTS A

POUR AGENT LE PRINCIPE ORNEMENTAL

Le principe ornemental nique des

arts.

est le

sens orga-

Ses fonctions sont rendues vi-

sibles, palpables,

dans

la

transformation des

choses de la nature en formes d'art, ce que les styles constatent. Il

règle les éléments de

conception, de composition et d'exécution. Il

n'a pas de figures spéciales

la raison

;

mais

il

donne

déterminante qui, jusqu'aux moin-

dres détails, dirige l'auteur dans la formation

de son œuvre. C'est lui qui, sans exprimer une 16


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

182

forme d'imitation,

monument

que

la facture

d'un

telle partie

est lisse et telle autre

qui, dans l'œuvre

moins

fait

sculptée,

rugueuse

;

montre plus ou

du modelé; qui fournit au

peintre les proportions de toutes les parties

de son tableau, l'intensité de sa coloration; qui donne au graveur la direction des

ou

l'emploi de

tel

ou

qui,

tel effet;

moyen pour

tel

tailles,

obtenir

tel

tout en condensant l'unité

d'une œuvre, la rend variée et abondante. Il

choisit ce qu'il veut montrer,

qui n'est pas eopiable.

en ont

le sens,

Il

devine ce

il

permet, à ceux qui

d'entrevoir et de fixer les formes

qui fuyent dans une incessante mobilité, une

plume, un ruban, un drapeau

flottant, les ciels

aux changements perpétuels

et instantanés h

travers les nuages

mus

vents, éclairés par les leurs colorations.

et

bouleversés par les

mouvantes variations de

Croit-on que

copie du

la

geste donne seule l'illusion d'un cheval au

galop?

Et

la

mer, pose-t-elle?

caractéristiques de ses

états

les

lignes

successifs

particulièrement un thème d'étude pour

du Japon

;

il

sont l'art

en a trouvé des formules variées

pour chacun d'eux, toutes excellentes de vérité.

Et pourtant ce n'est pas sans

difficulté


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

que Ton retrouve devant motivé

la

modèle

ce qui a

forme adoptée.

En un guant

le

183

mot,

le

principe ornemental prodi-

techniques, c'est

ses applications

l'i-

magination se jouant dans Tordre général. réunit dans sissable,

il

une œuvre

donne aux

le

Il

palpable et l'insai-

arts toute l'extension de

leur expression. <(

Des anges! Qui

Personne!

» disait

est-ce qui a

vu des anges?

Courbet. Le maître peintre

d'Ornans se trompait

:

y a des gens qui en du savoir

il

ont vu. Ce sont ceux à qui l'étendue

permet

d'allier les fictions qu'ils

la réalité

Si l'on

imaginent à

des êtres et des choses.

nous permet de quitter un instant

le

terrain des arts plastiques, ne pourrons-nous

constater encore le principe ornemental dans Fart suprême, dans l'interprète des idées, dans le

langage écrit? Que répond frère Jean h

terpellation

de Ponocrates

vous jurez, frère Jean?

moyne, que Qu'on ne

:

Comment!...

«

Ce

n'est,

pour orner mon langage. s'y

trompe pas

!

cet

l'in-

dist

le

»

exemple, pris

en dehors de notre sujet, ne nous

fait

pas con-

fondre Y imagination littéraire avec ce que je

me

permets d'appeler V imagination technique


DU DESSIN ET DE LA COULEUU

184

du

dessin.

L'une, en

réunit et accorde

effet,

tous les éléments, abstraits et concrets, tandis

que

l'autre,

uniquement, exerce son action

sur les lignes et sur les colorations des choses visibles.

Le principe ornemental

a,

en quelque sorte,

des rapports de conflit avec la nature

pour savoir qui des deux,

lui

ou

:

il

discute

elle,

l'em-

portera dans une œuvre.

Là ou

elle agit seule, la

dans une

même

contrée,

nature nous montre, ses formes les plus

considérables et les moindres

l'homme,

les

,

la

terre

et

choses et les êtres les plus dis-

semblables, réunis par un accord

physique

parfait.

De même l'art, à ses grandes époques, nous présente une affinité qui relie entre elles toutes ses productions. Si,

de notre point de vue, nous n'avons qu'à

constater cet effet dans la nature, nous devons,

pour

l'art, aller

jusqu'à la cause.

Cette cause, nous la trouvons dans le rôle

que remplit

le

principe ornemental.

Prin-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR qui

cipc

donne

l'ornement

à

son

tance et son indispensable utilité

donnant

les

185

;

impor-

qui, coor-

productions d'une époque, attache

cadre au tableau autrement que par des

le

clous

même

qui tire de la

;

son socle; qui

fait

pensée

la

statue et

que, la nature étant une,

Fart qui bat son plein prend l'unité d'allure.

Si,

nue, la forme humaine n'a aucun rap-

port avec les ornements inventés pour sa parure, revêtue,

elle

semble transformée sous

costumes de chaque époque. Ces vêtements,

les

ces

modes, paraissent

être

imaginés pour

déplacer les joints et les saillants, rait

un

architecte,

insister sur ce point,

de

la fatalité

il

di-

delà construction humaine,

de l'être qu'ils ont à vêtir, à

l'indiquer; car

comme

est

envelopper. Sans

nous ne pouvons ne pas

comme une

démonstration

de l'ornement, qui ne peut s'ad-

joindre à la nature qu'en lui imposant

forme particulière.

16.

une


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

186

Le principe de l'ornement donne

le carac-

tère, l'écriture des styles.

En l'art

effet, les

diverses tendances affectées par

aux successives époques de son déve-

loppement se révèlent aussi bien dans de simples ornements la figure

que dans

la représentation

humaine, chaque

siècle,

chaque

de

style,

ayant accentué d'une manière différente

les

images variées de son invariable modèle.

Dans par

la

l'art

transformation inévitable imposée

à la nature,

le

principe ornemental

fournit les conventions, les formules de construction, de composition, de facture.

Ces formules, lorsqu'elles affectent de se montrer, affirment leur tendance d'apparat ou

d'ornement; mais quand elles inclinent vers

la

elles se dissimulent,

une expression intime où

nature veut être rendue jusque dans ses

moindres Ainsi,

effets.

sans la

désigner particulièrement,

en prenant pour exemple une des figures des stances de Raphaël, nous voyons clairement sa


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

tendance ornementale, c'est-à-dire

187

la transfor-

mation par accentuation qui a dirigé sa composition.

Cependant la réalité,

l'intimité

même

humain, y reste observée et constatée, dans une mesure qui est tout un art et le

du

détail

propre du maître. Si,

par opposition, nous contemplons cette

œuvre, quasi unique, qui s'appelle

la

Vierge

de Saint-Sixte, où le réve le plus élevé est tériellement réalisé par libre

maune facture tellement

dans sa puissance qu'elle va jusqu'au

laisser aller, tion, qui

nous observons que

cette exécu-

k elle seule représenterait le prin-

cipe ornemental, contient encore toutes les

expressions de forme, toutes les délicatesses de modelé, tout

le

charme des sensations

res-

senties et fixées, qui sont le dessin de Raphaël. Si,

enfin,

nous considérons

le portrait

de

Baltazar de Castiglione, du Louvre, nous n'y

trouvons plus en apparence que l'impression

provoquée par l'imitation intime de

la nature.

La gradation de ces trois exemples, pris à l'œuvre du maître qui a égalé dans tout ce

qu'il

a

entrepris la

qualité

dominante

et spéciale

des autres grands maîtres, nous

montre

principe

le

ornemental

fournissant


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

188

tous les éléments divers de transformation, de

même

composition, d'exécution, et

d'imitation

scrupuleuse de la nature, puisque

même

cerveau, de la

même

c'est

main, qu'émanent

ces appropriations si différentes des tions

de

du

conven-

Va?' t.

Nous disons tant, parce

que

en y insismême, dans cette admirable

conventions de là

l'art,

explosion de génie, tout est convention, depuis la conception de l'œuvre jusqu'à son

vement.

L'effet

même

produit sur

parachè-

le

specta-

teur est convention. Si bien qu'il nous faut affirmer que la méconnaissance de cette loi inéluctable

empêche de reconnaître que

la

con-

vention poussée à sa dernière limite peut seule

conduire à l'illusion de

En

la

nature.

affirmant que l'ornement seul fournit à la

copie de la nature ce qui en fait une d'art,

œuvre

nous ne commettons aucune confusion

avec l'ornement proprement

dit,

en d'autres

termes, avec les caractères traditionnels que l'on

retrouve

en tout temps,

en tout pays,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR et qui, à

189

travers les modifications de chaque

époque, ne perdent jamais complètement leur

physionomie originelle. Nous ne confondons divers profils de

ni les

chitecte

répartit dans

l'ar-

constructions,

ses

ni

d'ornement. Nous voulons sim-

pièces

les

moulures que

plement dire que

le

qui a présidé

principe

à leurs combinaisons, à la création de leurs celui-là

types,

est

toute

œuvre

même

qui

domine dans

d'art.

Ajoutons que cette œuvre peut être

une décoration par destination

(les

soit

:

figures

de Jean Goujon à la fontaine des Innocents;

coupole de

la

la

bibliothèque du palais du

Luxembourg, de Delacroix; d'arbres

dominant

Bibliothèque

la

les

hautes cimes

de lecture de

salle

de

la

Desgoffes;

les

cariatides de Puget, à l'hôtel de ville de

Tou-

lon

;

nationale,

la Marseillaise,

Carpeaux,

de Rude;

aux Tuileries)

;

la Flore,

soit

Sang de l'Agneau, Ronde de nuit, de Rembrandt;

sans affectation spéciale

(le

de

Van

la

Locomotive, de Turner; Thétys

Dick; la

de Ingres); soit

de

une œuvre

même

et Jupiter,

une œuvre qui n'éveille

aucune idée ornementale

(la

Joconde, de Léo-

nard; l'Anne de Clèves, de Holbein; l'Homme


190

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

au gant déchiré, du Titien; l'étude d'après nature de Philippe IV, à la National Gallery,

par Velasquez;

le

buste de Diderot, par

Hou-

don).

Dans tous inspirations

si

ces ouvrages, exécutés sous des diverses, l'intensité d'accentua-

tion est obtenue parce qu'il

y a égalité de

hauteur entre l'imitation de la nature et la convention d'art qui les a réalisés.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

191

DÉCORATION. DÉCORATEUR

Chacun

des

principaux

termes des

arts

un moment, contenir en lui tout ce que comporte l'art. Nous assistons aujourd'hui

semble, à

à cet entraînement Si si

pour l'expression décoration.

nous faisons de

l'art

nous voulons reconnaître

un

être vivant,

et classer la

et

valeur

de chacun de ses organes, nous constaterons

que

le

dessin est la substance du corps, que

trait, le

modelé

et

l'ornement en sont les

bres actifs et générateurs,

que

le

le

mem-

principe


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

ornemental

que

la

est à la fois l'intellect et le verbe,

couleur donne l'apparence et la physio-

nomie, que

que dans

la

décoration ne trouve de place

fonctionnement général de cet être

le

fictif.

La

décoration, dans le sens exact, est l'ap-

chacune des

plication des spécialités de

grandes branches de qu'elle rassemble

l'art,

pour

trois

qu'elle divise

ou

satisfaire à des exigen-

ces convenues. Aussi, à ce point de vue, ne

comme un art

peut-elle être considérée

parti-

culier.

Mais, par extension, on peut dire qu'elle est

suprême expression des

la

terrain,

ils

arts;

que, sur son

jouissent de la plénitude et de la

libre manifestation

son essence,

ie

de toutes leurs qualités,

principe ornemental, les affran-

chissant de l'imitation servile de la nature, et leur les

permettant

formes

La

de

puiser

en

eux-mêmes

qu'ils ont étudiées et créées.

décoration est l'activité, la vie des arts

elle est leur

sociale.

raison d'être

;

;

elle fait leur utilité


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Le terme le

une parenté bien

étroite.

même

quent souvent au le

ligures tout.

mot ornement se définies, le mot

Il

comme

décoration n'est pas simple

terme ornement, avec lequel

que

193

a néanmoins

il

Tous deux objet

;

s'appli-

mais, tandis

restreint à certaines

décoration embrasse

désigne aussi bien

profession spéciale' qu'une

le

produit d'une

certaine

qualité

contenue dans des œuvres qui peut-être n'ont jamais eu de

destination décorative.

deux significations bien

La manière

la

De

là,

distinctes.

plus usitée d'entendre le

mot

décoration est de lui attribuer la désignation

des

œuvres ornementales, quelle qu'en

l'importance. Ainsi,

un grand nombre

tisans, auxiliaires et tributaires des arts

soit

d'ar-

par

la

décoration purement manuelle, font suivre ou

précéder l'appellation spécifique de leur métier

du

titre

décorateur

tapissier-décorateur, ébé-

:

niste-décorateur, décorateur de porcelaine.

peinture

comprend beaucoup

décorateurs,

décorateur

;

les peintres

sortes de

de

fleuriste-décorateur

La

figuriste,

d'attributs sont des

décorateurs; les peintres faisant les imitations de marbre et de bois s'intitulent plus spécia-

lement décorateurs

;

le

peintre de décoratiou 17


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

194

un

est

peintre de décoration théâtrale.

Dans

la sculpture, tous ces artisans, ces artistes, s'ap-

particulièrement

plus

pellent

ornemanistes.

Ces diverses désignations sont simples. Cha-

cune

indique nettement une profes-

d'elles

sion et le but de son travail, qui est de décorer.

Le mot

décoration peut être entendu d'une

seconde manière, abstraite

et

vraiment élevée.

Par exemple, lorsqu'en parlant d'un maître,

on

dit

de

lui

Yéronèse

est

«

:

C'est

un grand décorateur.

un grand décorateur. Tous

maîtres sont décorateurs. Ici, cette

les

»

qualification est attribuée

moins

à

la décoration effective qu'à la puissance des

qualités

que contiennent

les

œuvres. Ainsi

:

Holbein est un décorateur aussi bien dans ses

que dans

portraits la

les dessins

composés pour

décoration des volets de Forgue de la cathé-

drale de Bâle> ou bien encore, et malgré leur

dimension très restreinte, dans

cette suite d'ad-

mirables compositions gravées sur bois con-

nues sous

le

nom « Les

Watteau,

à la hauteur n'est pas

«

le

d'un

simulacres de la Mort.

»

maître qui a élevé l'esprit style, »

dit

de Goncourt,

seulement l'ornemaniste des arabes-

ques, ses tableaux sont d'un grand décorateur.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

195

Mais cette qualification, aujourd'hui

si

arbi-

trairement étendue, n'a de signification réelle

que pour

œuvres qui ont une destination

les

En dehors de

ornementale.

sion, la

cette

application

que constater, par extenprésence plus ou moins accentuée du

spéciale, elle

ne

fait

principe ornemental.

que

Et, quel est

soit le

point de vue sous lequel

accomplie une œuvre

tain qu'elle

d'art, n'est-il

pas cer-

ne peut être classée que par la

quantité d'ornement, on peut dire d'essence décorative, qu'elle renferme?

Cette vérité qui faite

se

de l'œuvre d'art par-

jaillit

découvre également dans

faire

parmi

Chez

elle,

les

le

éléments dont abonde

choix à

la nature.

chaque être, chaque chose a une de forme;

individualité

mais rien n'a une

forme essentiellement appropriée, un but déterminé. C'est à fester cette

toutes,

en

la

l'art qu'il est

forme, en

la

réservé de manichoisissant

entre

mettant en lumière par une ac-

centuation particulière. C'est à lui de préférer


196

DU DESSIN ET DE

LA.

COULEUR

ce qui est le plus dessiné, ce qui indique le

plus clairement,

plus rapidement, l'indivi-

le

dualité, le caractère des choses.

De deux roses,

celle qui dit le plus fortement

:

rose,

)>

«

Je suis une

est celle qui est le plus dessinée. Et,

pour rester dans notre cette intensité

d'effet,

tion sur leur but,

que

sujet,

c'est

aussi de

qui écarte toute hésita-

œuvres

les

d'art prennent

une tendance plus ou moins accentuée vers

la

décoration.

On ne

saurait cependant trouver, dans cette

affirmation l'un

pour

du

dessin,

l'art

en

deux dessins, deux

général,

l'autre

arts,

pour

ta

décoration, ni une différence réelle entre le

dessin du décorateur et celui da peintre ou du sculpteur,

pour

le

comme

il

a été possible de l'établir

dessin du dessinateur et pour celui du

coloriste.

Le décorateur

manières devoir il

n'}^

et

ces

la nature.

ou

deux Mais

a pas de dessin exclusivement décoratif.

mation

tredit

une de

de dessiner

Le maître qui donne au mieux

dessinateur

est

coloriste, selon qu'il pratique

et le plus

dessin

le

plus d'affir-

de clarté, celui qui montre

le

ce qu'il a en vue, celui-là est sans con-

un décorateur. Et

si,

théoriquement,

la

décoration en elle-même ne peut se démontrer,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

pratiquement, tant de

elle

197

découle de l'exercice cons-

Quant à l'homme qui embrasse

l'art.

une des professions secondaires ou parallèles à

l'art, la

seule école de décoration pour lui,

après avoir appris le dessin, est l'atelier, où lui est

enseigné l'apprentissage d'un métier tribu-

taire des arts.

Rien dans

le

terme décoration n'a d'essence

propre, à moins que Ton ne désigne une utilisation particulière s'étendant des

œuvres

les

plus élevées aux produits mercantiles d'une infinité de professions.

Tant que l'ornementation des choses a été la

préoccupation unique

arts,

il

ou principale des

a été naturel qu'elle renfermât tout ce

qui appartient à leur étude. Alors, l'ornemaniste, le décorateur, sculpteur le

ou peintre,

était

même homme. Aujourd'hui, cette situation est modifiée

l'art

comprend deux catégories

:

d'artistes. Cette

division ne s'est point formée systématique-

ment

:

elle est

née des aspirations ou des be-

soins de chacun.

Aujourd'hui

,

les

artistes 17.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

198

appartiennent en quelque sorte à deux professions différentes qui, dans le passé, traient plus habituellement

mon-

se

confondues

celle

:

de l'artiste replié sur lui-même, confiné dans l'élaboration d'œuvres isolées sans définition particulière,

tableaux,

statues,

qu'on peut

que

tout aussi bien placer dans le vestibule

dans la salle de réception; et celle du décorateur proprement

qui

dit,

fait

une œuvre vouée

à une destination d'ornementation définie par

avance.

La démarcation

ne visant qu'à reproduire des

ticuliers et plus intimes, et

des formules de

De sulté

jour où

clusivement dans

effets

les

comme

il

est ré-

autrefois, ex-

œuvres décoratives

faut chercher la plus haute expression isolée,

nation déterminée

,

par-

en dehors des règles

indépendante

que ce n'est plus,

tendue d'art que

a

décoration effective.

la

cette recherche

puisque l'œuvre

il

œuvres sans destination spé-

été entrepris des ciale,

s'est établie le

qu'il d'art,

accomplie sans desti-

peut renfermer toute

l'é-

la décoration comportait pri-

mitivement.

De

là,

recettes

des formules,

même, dont

le

des pratiques, des

décorateur de profes-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

199

sion semble plus que les autres artistes avoir

conservé la tradition.

De

l'apparence d'un art particu-

là, aussi,

lier.

Toute œuvre d'art est évidemment un comest

une de ces

c'est le

modelé, qui

posé de conventions; mais

conventions qui l'emporte, doit

dominer

comme

l'un,

exprimera

dans tous

de bases d'opé-

et servir à l'auteur

rations il

il

les

de champ de manœuvres. Chez la

forme, qui sera poursuivie

modèles, dans tous

dans toutes les conceptions;

les sujets,

chez l'autre,

s'efforcera plus particulièrement

de rendre

il

la

coloration, qui, dans ses effets naturels, a la

mobilité et la rapidité d'un nuage masquant et

démasquant le

soleil, et

accomplie autant par calcul; chez

plus hautes,

dont le

la constatation est

souvenir que par

le

un

troisième, à défaut de qualités

il

tentera d'éblouir par la sou-

plesse ou la force, par l'éclat

ou

le

vague de

l'exécution.

Ces grandes conventions sont-elles particulièrement applicables soit aux œuvres spécia-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

200

lement décoratives, d'autre

but

que

l'expression d'une pensée

d'art? Certainement non. sin, l'exécution, sont les

aucune œuvre

qui n'ont

à celles

soit

La

couleur,

le

des-

formes sans lesquelles

n'existe.

Accrocher des tableaux

aux murs d'une

y ranger des statues, des morceaux de sculpture, en les distribuant même dans un salle,

ordre étudié, c'est meubler, c'est garnir ces

murs, cette

salle; ce n'est pas, à

parler,

décorer.

les

proprement

De même, plaquer une

peinture, paysage, figure humaine, sujet his-

torique ou de fantaisie, sur un objet quel-

conque, ce n'est pas décorer cet objet, alors

même

que l'on ajoute un encadrement à

cette

peinture.

Pour que appliqué, ties

il

le

terme décoration

est nécessaire

soit

justement

que toutes

de l'ensemble décoré, depuis

le

les par-

détail le

plus infime jusqu'à l'objet formant la clé de l'œuvre, soient conçues

de pensées et régies par

dans le

la

même

série

principe ornemen-


DU DESSIN ET DE LA COULEUll tal.

C'est de cette unité

201

que naissent Tordre des

proportions, la clarté de perception du sujet, et cet air

de parenté qui relie entre elles toutes

les diversités

du

travail. Cela est si vrai

places laissées vides,

pour

même

celles

importance que

la sculpture

que

les

ainsi dire, ont la

la peinture et

apparaissent effectivement.

Ne

sont-elles pas les formes, les valeurs, les tons

neutres de l'œuvre, appelés à concourir les autres à l'effet

d'ensemble où tend

comme la

déco-

ration?

Autrefois, le maître, peintre ou sculpteur,

en faisant de temps à autre,

prouver à lui-même tion,

un morceau

particulier,

statue, avait surtout

comme pour

sa délicatesse

se

d'exécu-

un tableau, une

pour mission l'exécution

et la direction

d'œuvres décoratives définies.

La production

spéciale et unique de tableaux,

qui sont des sortes de décoration portative, constitue la séparation des deux spécialités.

Les anciens maîtres hollandais nous ont laissé dans cette donnée des exemples bien frappants.

Leurs œuvres témoignent de l'importance que


202

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

peut prendre

l'art

dans

la représentation des

scènes de la vie intime, en dehors des conventions symboliques qui

accompagnent

la déco-

ration, cette dernière ayant toujours l'intention

de dire à l'esprit quelque chose de plus que les

choses représentées, ou se servant

de ces choses naturelles

comme

même

d'une espèce

de caractères emblématiques.

Les vieux Hollandais mettent dans un cadre

une scène de

la vie privée, de leur existence

personnelle, sans aucune préoccupation orne-

mentale. Leur recherche de la perfection dans l'exécution témoigne leur volonté bien apparente, qui se

dégage de ces ouvrages, dont

place est aussi bien sur

la

un chevalet au milieu

d'une salle que sur la muraille; aussi,

le

spec-

tateur met-il ces tableaux le plus à sa conve-

nance

et recourt-il

mieux en

même

jouir. Il n'y a là

décorative, au sens exact

De même, lent

à une loupe, afin de

aucune prétention

du terme.

des œuvres considérables n'éveil-

que rarement

l'idée

de décoration. La

raison en est que la représentation d'un

effet

naturel a été le seul mobile de la création de ces ouvrages, et que les maîtres, leurs auteurs,

n'ont pas expressément dirigé leur visée vers


DU DESSIN ET DE LA COULEUU la

203

pratique et la destination de la décoration.

Dans ces conditions de désintéressement apparent de la fin de l'art, un grand nombre semblent

d'artistes

,

par

nature de leurs

la

ouvrages, abandonner tout à

fait l'idée

en ne se livrant qu'à l'étude

rative,

pratique de cette production

déco-

et à la

qu'on appelle un

tableau. D'autres, ne produisant également que

des tableaux, paraissent cependant concevoir leurs

œuvres dans un

effective

:

esprit et avec

du domaine de

ture qui sont

leur

la

,

une

fac-

décoration

œuvre emprunte un caractère

décoratif à la valeur d'expression.

L'œuvre du Poussin

est

un exemple qui

présente cette particularité d'avoir été conçue,

dans

la plupart

de ses parties, sans applica-

tion prédéterminée, tout en ayant l'apparence et la portée

des œuvres de la décoration la plus

élevée.

Une

loi

de

la décoration, plus

rigoureuse-

ment observée peut-être par le Poussin que par aucun autre maître, est la subordination


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

204

absolue de tous les détails du tableau à rémission de son ensemble, ces détails conservant toutefois leur individualité. Et

de chaque objet

ticulière

si

la

forme parne

et sa coloration

du

font pas le principal attrait de l'œuvre

Poussin, cependant cette œuvre immense ex-

prime toujours

Le Poussin N'est-ce pas

probable de

le

et conventionnel.

théâtral

est

la nature.

qui mêle familièrement des

lui

figures de naïades et de fleuves à des figures

Et dans

vivantes?

celles-ci n'est-il pas

souvent

malaisé de distinguer ce qu'elles tirent de la tradition de ce qu'elles doivent h la nature?

Car une figure,

si

parfaite qu'elle soit, n'est

jamais, dans un tableau du Poussin, que

le

fragment d'un groupe qui, lui-même, n'est

qu'un

détail

soumis à l'ensemble.

Le Poussin compose,

règle, ordonne;

lorsque, dans Y Enlèvement des Sabines,

montrer

il

et

veut

par la netteté dans

la confusion, c'est

l'émission de sa volonté qu'il parvient à expri-

mer le désordre de

cette scène.

Dans ce tableau

merveilleux, chacune des parties épisodiques, les

jeunes

les chefs

filles

enlevées, la

romains donnant

secondaires,

les

mère implorant,

le signal, les figures

draperies,

les

terrains,

les


203

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

chevaux, l'architecture,

donné

et sert

le ciel,

tout est subor-

de prétexte au dessin ornemental,

au modelé général. Aucun intérêt spécial ne détourne un instant de l'ensemble de l'œuvre, qui uniquement veut exprimer le tumulte le

;

et

Poussin n'a rassemblé tous ces éléments que

comme

des agents qui fournissent à son dessin

des contrastes, des chocs de lignes, de clartés et

d'ombres. Pour les yeux, autant que pour le

l'esprit,

tumulte du sujet provient du sujet

lui-même, et cependant l'exécution, précise nette

est

,

sans emportement

,

et

sans fougue

apparente. L'auteur ayant la domination complète de sa volonté, ainsi

tous les

moyens dont

que

la

possession de

dispose, ne laisse

l'art

échapper rien qui puisse distraire de

l'effet

général.

Cette concentration de pensée fait de cha-

que oeuvre du Poussin un

tout.

Chez ce maître,

un tableau n'est ni la suite ni le fragment d'un autre, un couplet d'un même chant, comme il arrive chez d'autres maîtres.

Ses conceptions,

ses

vastes, amples, exécutées

compositions,

comme

s'il

sont

avait à

couvrir des murailles. Cependant cette exécution

si

habile et

si

brillante

ne veut pas être 18


200

DU DESSIN ET DU LÀ COULEUR

admirée pour elle-même. Elle est égale

goureusement en

elle cette

parfaite

mais

ne porte pas

elle

démonstration d'amour du pitto-

resque qui, dans Giorgione,

;

et ri-

fait

le

Concert

champêtre

de

d'une bouteille de verre aux

mains d'une femme l'un des plus

parfaits

mor-

ceaux de nature morte que l'on puisse admirer.

Chez

le

Poussin, une épée, un casque, un

tronc d'arbre, remplissent assigné tention

mais

;

ils

et l'épée

;

le rôle

qui leur est

ne provoquent en rien

de saint Paul, cette épée qui joue là un rôle

emblématique,

une lame

Parmi

d'acier,

n'est

si

ceux qui ont

le

grand

pas tout d'abord

mais une strophe du poème.

maîtres, le Poussin est

les

l'at-

du tableau du Ravissement

un de

plus aimé les arbres. x\ussi

dans son œuvi^e ne sont-ils pas seulement des occasions, des prétextes à développements de lignes, à variations de couleurs, à oppositions

de valeurs, imaginés pour faciliter des tous,

ils

effets

;

ont l'importance de personnages par-

ticuliers, aussi individuels

que chacune des

figures qui vivent dans cette œuvre.

L'ampleur de proportion d'ensemble paysages,

que

le

Poussin

et

la

grandeur

donne

comme Rubens, comme

le

à

ses

Titien,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

comme Watteau, proviennent la

formule entre toutes

de l'accord de

les parties, végétations,

terrains, eaux, ciels, figures,

tion de réalité

207

qu'aucune perfec-

uniquement pittoresque ne sau-

rait atteindre.

Dans admiré le

le

tableau de Poli/phème, après avoir

beauté du

la

charme de

augmenté

et

cet

lieu,

après avoir ressenti

amas de verdure, encore

agrandi par tous les

lorsqu'on a pénétré

l'art,

artifices

de

ce paysage

da^is

magnifique, on peut croire qu'il y a de la rosée et

des insecles,

qu'il

comme on

y en a dans

les

sait,

sans les voir,

masses de feuillage que

Ton contemple en pleine et vive nature. Sans doute aucun oiseau n'ira becqueter grappe portée par deux

hommes dans

rable tableau de la Terre promise:

que

c'est

Corot

de la peinture. Pourtant

me

nature.

dire devant ce tableau

voit bien

j'ai

«

:

l'admi-

entendu Voilà

la

»

Poussin

est tellement maître de son

tion qu'il la modifie en et

il

la

exécu-

changeant de pensée

de sujet. Ses bacchanales ont une exécution

alerte et apparente;

dans ses sujets austères

facture se dissimule, s'élimine le peintre

pour

ne voulant montrer que

la

ainsi dire,

le sujet.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

208

Dans

ses dessins destinés à préparer et à

condenser

la

œuvre dans

matière

qu'il

d'art

ses tableaux,

il

mettra en

donne l'exemple,

plus qu'aucun autre maître, de la recherche

du contraste des lignes abstraction

faite

dune

claires et obscures,

représentation

quel-

conque. C'est-à-dire que, ne concevant une

œuvre que clarté,

il

par sa substance essentielle,

ne retient des formes

qu'il représen-

tera complètes dans l'œuvre définitive que strict nécessaire. Il

termes

clairs

et

la

le

n'envisage en elles que les

obscurs,

sans

interrompre

leur direction et leur étendue par des délimitations précises, ces

clartés et ces obscurités

constituant le principe de construction orne-

mentale dégagé de toute préoccupation secondaire.

Plus encore par ses dessins que par ses peintures, le Poussin démontre à quelle sorte

d'analyse

il

soumet

la

forme,

la

couleur, en

subordonnant d'une façon absolue l'accessoire

au principal dans

la distinction

entre la clarté qui éclaire, qui

quïl

établit

montre, qui

dessine, et la lumière qui colore. C'est par là qu'il

nous révèle

la raison

de cette incompa-

rable possession des ensembles qui caractérise


209

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

son génie,

lui qui,

dépassant toute représen-

une

tation naturelle, tend toujours à exprimer

pensée poétique,

un mot,

pour

littéraire

ainsi dire.

En

ses dessins seuls, bien qu'il n'ait pas

couvert de vastes murailles, suffiraient à

le

mettre au premier rang desmaîtres décorateurs.

Grand décorateur théorique, encore un grand peintre qui sait dire clans

le

Poussin

un

c'est aussi

;

est

poète,

un langage magnifique

les

plus sublimes spectacles et les moindres choses

nature

de

la

le

geste

;

c'est enfin

humain

sert

un philosophe, à qui

à exprimer

timents les plus profonds

Si,

et les

les

sen-

plus élevés.

après l'œuvre du Poussin, nous arrêtons

notre esprit sur l'œuvre colossale de Lebrun

pour accentuer rateur,

le

sens

le

nom

de Fépithète

déco-

maître en

étant

de ce

presque

synonyme,

aussitôt.

Pourquoi Lebrun,

une question surgit qu'il faut

comparer

avec les plus illustres, qui évoque le parallèle avec Raphaël,

Rubens, Véronèse

grands couvreurs

et

tous les

de surfaces, n'est-il pas, 18.


210

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

comme eux, cité avec admiration dans les entretiens d'art? et

Son génie

n'est certes pas contesté,

pourtant dans son pays, en France, ce n'est

pas à

lui

que

l'élève est

envoyé de préférence

pour obtenir ce conseil muet que

mande aux

Lebrun a inventé, exécuté semble

l'artiste de-

maîtres. et dirigé l'en-

détails de la décoration faite

et

les

pendant

le

règne de Louis XIV. Ce temps,

fécond

en

productions

d'art,

aussi bien être appelé le siècle de le siècle

si

pourrait tout

Lebrun que

de Louis XIV.

Lebrun peint des dieux, des

héros, des rois,

des grands seigneurs, des soldats, des peuples, et tous les

et des

chœurs

et

comparses des Olympes

cours, dans ses apothéoses, dans ses

triomphes, dans ses calvaires, dans ses assemblées,

dans ses

dans tout

le

batailles,

dans ses chasses,

matériel qui sert de fond et d'ac-

cessoires à ses innombrables conceptions.

11

prodigue à pleines mains la science et l'invention,

mais rien ne semble

pris sur le fait de la

nature. Il

a exécuté de magnifiques portraits,

portrait,

d'un

ce mètre pour

artiste,

il

le

ainsi dire de la science

y paraît encore plus préoccupé


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

du

faste des

nement

grandes

dont

salles

feront l'or-

plus précieux que de l'intime res-

le

semblance du personnage; veut imiter

tion, qui

donne

n'est pas

pour

cependant ses

et

combien

portraits prouvent qu'il

ils

211

il

est maître lors-

nature. Mais cette imita-

la

durable aux œuvres,

la vie

lui le

but principal:

il

lui

pré-

fère les conventions. Aussi veut-il fixer l'ex-

pression des sensations et des sentiments par

des formules graphiques. Jamais

forme,

la chair

lumière

la

aime

la

leur

pour sa sensualité? Aime-t-il

des

verdures? Est-ce

ciels,

profondeurs des

les

Fétincellement

l'éclat,

armures, des broderies d'or, ou

On

des étoffes, qu'il aime? voit bien

il

pour

muscles

Aime-t-il les

ne cherche

comment

à démontrer pourquoi et

nature.

il

que tout

le

des

froissement

l'ignore;

mais on

également motif à

lui est

décor.

Fondateur d'académie, que

il

pensait sans doute

la science supplée à la poursuite des inti-

mités dont la nature est

si

ne dévoile que peu à peu,

riche,

même

mais qu'elle à ceux qui lui

vouent une étude constante. C'est là la cause de cette sorte d'isolement,

isolement grandiose du reste, où l'œuvre de


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

212

Lebrun

est reléguée.

réflexion seule

grandeur

C'est ce qui fait

que

nous force à reconnaître sa

et sa puissance.

Pour apprécier

haute portée de l'œuvre de ce décorateur tif,

la

la

effec-

qui n'attire et n'émeut par aucun accent de

vérité,

il

faut être savant dans

l'art.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

LA NATURE

213

CONSIDÉRÉE AU POINT DE VUE

DE LA PRATIQUE DES ARTS

La nature

est le casier

l'art

prend

les

caractères qui lui servent à exprimer ses idées, ses combinaisons.

dans l'apparence

Il

résume ces caractères

plus probable de la réalité

la

des êtres et des choses, réalité doublement

mobile

et variable,

d'abord par la lumière

si

changeante, ensuite par l'imagination, qui la considère différemment suivant les divers instants et aspects

elle l'entrevoit.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

214

C'est la lumière qui est la nature pour les arts d'imitation,

but qu'ils veulent

elle est le

atteindre, c'est elle qu'ils condensent et

immo-

bilisent dans leurs œuvres. Mais, chose bizarre,

cherchent sans cesse à

cette cause qu'ils

saisir,

semblent, sinon la méconnaître, au moins

ils

l'oublier dans leur pratique. C'est par les

bres,

par toutes

les

atténuations d'intensité

lumineuse, forme, valeur,

ton,

amalgames

plus

par tous clairs

ces

ou obscurs,

om-

qu'ils la

reflet,

ou

mesurent,

etc.,

moins qu'ils la

graduent, qu'ils en créent l'image.

La

pratique du sculpteur en est l'exemple

frappant.

Quel souci un sculpteur

paraît-il

avoir du soleil? Lui tournant le dos, se plaçant entre la lumière et le modèle éclairé par

que

lui font les

rouges, bleus?

nuances des rayons, jaunes,

On

peut dire

même

qu'il aperçoit leurs diversités et

compte,

«

il

elle,

que

lors-

veut en tenir

n'est plus sculpteur.

L'étude de la nature

l'analyse des

»

est

pour

deux apparences de

les arts

la lumière,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

215

couleur et clarté. Us l'effectuent en localisant et délimitant

par la lumière les corps, les sur-

faces.

Qu'ils imaginent des abstractions, qu'ils tentent la résurrection

que

la

du passé ou ne figurent

modernité, c'est tout un, pourvu qu'ils

respectent la

loi

physique des actions de

la lu-

mière. Aussi est-ce de l'observation de cette loi,

de l'identité entre

la

lumière factice et la

lumière naturelle, que provient

la

valeur de

l'œuvre d'art.

De Phidias

à Clodion, de Corrège à Frago-

nard, du plus grand au moindre de ceux qui

méritent

chimère

le :

il

nom

de maître,

l'art

poursuit une

veut accoupler deux contraires,

la

plus servile fidélité à la nature et l'absolue in-

dépendance

vis-à-vis d'elle, tellement absolue

que son œuvre puisse prétendre à être une création.

C'est

ce

problème,

incessamment

posé par la mobilité du point de vue où traîne,

qui

fait le

mystère de

l'art.

Le

il

en-

sujet

naturel mis en évidence né pouvant tenir la place que l'art lui assigne en le transformant)


216

DU DESSIN ET DE LA COULE UK

une formule unique ne peut rendre l'ensemble des manifestations de la nature

un sculpteur en diront

teur,

en dira

loriste

la

:

un dessinaun co-

forme

;

l'effet.

Ainsi considérée, la nature n'est plus qu'un

même

des instruments des arts, au

titre

que

leurs principes, leurs éléments, leurs formules,

leurs conventions, leurs recettes, leurs outils.

S'il était

possible d'envisager Tart dégagé de

toute imitation de la nature,

que

la

il

faudrait dire

conception ornementale, qui dispose à

son gré de

la lumière,

même

prime

la

cons-

truction naturelle de l'objet représenté. Et cela,

parce qu'elle est elle-même

la

construction

qui donne à l'œuvre d'art toute son importance.

Mais, par les fluctuations des différents styles qui ont modifié ses formules, l'art montre et sa propre variabilité et l'immuabilité de son

modèle.

Il

montre en

ses variations,

il

temps que, dans

obéit sans cesse à deux ten-

dances bien distinctes qu'il

même :

tantôt c'est

veut surtout faire voir

;

lui-même

tantôt c'est la


DU DESSIN ET DE LA COULEUR nature, dont l'imitation lui semble

217

si

désirable

souhaite ne point paraître dans ses pro-

qu'il

pres œuvres afin de ne laisser voir qu'elle seule.

Pour

de ces ten-

effets variés

vérifier les

dances, les œuvres des maîtres devraient nous fournir des preuves

que

;

mais ces œuvres, quelle

soit la volonté de leurs auteurs,

nent à

de vérité

la fois et le plus

contien-

et le plus

d'artifice.

La l'art

copie rigoureuse de la nature n'est point elle n'est

;

qu'un moyen, qu'un élément.

doit se

qu'il fait voir la nature.

miroir

image cette

qui, ;

il

est

image à

même

montrer lui-même, en

L'art

temps

sans

apprécier,

l'homme

Il

n'est pas

réfléchit

un

toute

d'art qui doit façonner

ou bien

sa volonté,

il

ne

fait

pas

son œuvre. Qu'il laisse certains esprits pares-

seux affirmer que leur travail est nature, et s'adjuger parla

qui les

recommande

d'après

une sorte de certificat

et les

pose en témoignant

de l'honnêteté de leur effort Si, seule, l'imitation

fait

!

de la nature constituait 19


218

BU DESSIN ET DE LA COULEUR

l'art, la

photographie

et le

moulage sur nature

diraient le dernier mot, car ces

deux procédés

atteignent une exactitude pour toujours inaccessible à Fart.

Cependant un moulage, une photographie, ne sont h aucun degré des œuvres n'est pas seulement parce

d'art.

Et ce

que ces procédés

sont mécaniques, mais parce que, malgré leur

reproduction de l'identité de ils

la

nature, jamais

ne dégagent ni ne concentrent une idée

ornementale.

Ces agents ne peuvent émettre idée

;

et

telle

ou

telle

nous ne voulons pas dire idée spécumais idée de forme, d'exé-

lative, abstraite,

cution, d'ornement, toutes idées matérielles.

Néanmoins, répétons-le sans œuvres où que le

il

ya

soit leur destination,

mais

l'art

veut

voir la nature

posant

dans

le

la

les

plus d'art sont celles, quelle

plus de la nature.

moulage, que

ce

le

relâche,

Il

qui se rapprochent

semblerait donc que

le

photographie, touchent le but;

aller plus loin

comme

il

la

:

il

prétend faire

veut voir, en l'ex-

plus sensiblement dans la forme et

l'effet qu'il

a choisis, afin de transmettre

que lui-même a ressenti devant

elle.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Que Ton ne

se

méprenne point sur

219 la

portée

Quand nous disons que la naun certain moment, être considérée

de ce principe ture doit, à

!

uniquement comme un moyen, une convention, il

n'y a là ni prétention oratoire ni paradoxe,

mais

la vérité

finé n'a

simple et une. L'art

elle,

plus maître de ses

contient tout; et l'artiste le

moyens

sait seul ce qu'il a

laisser à la nature et ce qu'il

traire

plus raf-

jamais pu retenir qu'une étincelle de

la nature qui,

le

pour rendre

rayon lumineux

visible

et

en a dû abs-

permanent

qu'il a entrevu.

le

Qui pourra

jamais dire l'impression ressentie par Raphaël devant

la

Joconde de Léonard de Vinci,

et

l'émotion de Corot parlant des paysages de

Delacroix

?

Je puis témoigner de l'enthou-

siasme de Corot, sans pouvoir tenter d'en retracer l'expression

;

c'est

même

bien lointain,

déjà à l'état de souvenir de jeunesse

;

mais son

impression, l'une des plus vives, m'a appris

comment un maître

loyal et

bon apprécie

l'œuvre de celui qui atteint par des différents le but

auquel

il

moyens

prétend lui-même.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

220

Ne pouvant ne

la

tout prendre à la nature,

l'art

reproduit donc pas absolument. Fatale-

ment, entre tesses

sans

elle et lui s'interposent les délica-

nombre de

toutes les sensations

qu'elle provoque; et sa représentation, avan^ d'être fixée, traverse encore toutes les particularités

que comporte l'application des

mules. Aussi, d'un

même

objet, d'un

for-

même

rayon lumineux, résultent autant d'exemplaires différents,

quoique semblables dans

ralités d'aspect, qu'il

retracer la

géné-

les

a eu d'efforts voulant

y image. Le cboix auquel est

même

contraint l'artiste doit justement faire consi-

dérer la nature

comme un

engin de

travail.

Les plus grands maîtres n'ont eu que

le

don

de reproduire chacun un des aspects de nature, un seul, les ressources

même

de

l'art.

la

en recourant à toutes Aussi, leurs travaux

ont eu pour résultat de créer une nature spéciale à

chacun d'eux. Mais

douée d'un

tel

devant la nature

relief,

même

cette création est

d'une

telle

vie,

que

on s'oublie à dire de


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

l'œuvre

:

Ceci ressemble à çela.

«

221 C'est en

»

éliminant la partie de la nature qui lui est

moins accessible choix, que

fait

création d'une

et

le

en exaltant

dont

celle

il

la

a

maître a mis au jour cette

nature à son usage, person-

nelle.

Si l'artiste ne peut ni ne doit s'affranchir de

l'imitation de la nature, sa limite.

dépendance a une

La mesure de son obéissance

est réglée

par la possession plus ou moins étendue qu'il a conquise des formules de

il

l'art; et à l'instant

parvient à exercer sa volonté,

à la création d'une

œuvre sinon ;

il

il

parvient

reste

dans

l'accomplissement journalier d'une tâche professionnelle.

Aussi l'étude exécutée d'après nature n'estelle

qu'une indication, qui, bien qu'elle puisse

souvent atteindre à une valeur d'art considérable, ne doit pas cependant être

confondue

avec l'importance de l'œuvre méditée

et réso-

lue.

Et de sur la

la

comparaison de ce document pris

nature

avec son

accentuation <9,

dans


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

?22

l'œuvre définitive, doit ressortir la qualité d'art accessible à son auteur, dont l'œuvre peut et doit ainsi être

examinée à ce double point de

vue.

La belle

qualification des catalogues d'horticulture

plante d'ornement, est juste; elle exprime

bien ce qu'elle veut exprimer. Cependant, la plante d'ornement n'est pas

un ornement dans

sens de Fart. Si elle peut devenir le sujet

le

d'une combinaison ornementale,

il

est indis-

pensable qu'elle subisse un certain travail tout à fait indépendant de la nature. Des fleurs na-

attachées sur une draperie blanche

turelles

pour orner

le

passage d'un cortège constituent

des ornements fort gracieux; c'est la nature

même, plète

qui produit une impression aussi

que

le

com-

spectacle de la joie ou de la dou-

leur; mais de ces fleurs ne se dégage aucune

formule.

Pareillement un être humain, pli

plus accom-

le

dans sa forme, provoquerait-

colonne

,

sur un

monument

,

le

il

sur une

même

effet


DU DESSIN ET DB LA COULEUR

ornemental qu'une statue parfaite?

faite d'après lui et

Évidemment non. pour constituer une œuvre

faut donc,

Il

223

d'art, autre

chose que la reproduction exacte

de la nature. L'art a donc en lui une qualité,

une essence, qui doit modifier que

la

obtenu par son

l'effet

la nature, puis-

nature ne produit pas par elle-même interprétation

artifi-

cielle.

Dans ture,

il

le

matériel emprunté par

y a un ordre né de

l'art

l'intérêt

à la na-

que nous

portons aux objets naturels. La figure humaine est

comme

le

centre autour duquel tout gra-

vite; les actions

rang, à

tel

humaines tiennent

semble n'avoir d'existence dans

comme

premier

le

point que tout le reste de la nature

accessoire

les

arts

que

du personnage humain.

Est-il possible de

demeurer neutre

pas reconnaître une gradation entre

et

les

de ne

œuvres


224 et

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

par suite une inégalité parmi les artistes?

Les œuvres où

il

entre le plus de nature et

le

plus d'art, celles où la science du dessin atteint le

plus haut degré d'expression et manifeste

le

mieux la volonté de l'artiste, occupent le premier rang. Au-dessous se placent celles où se retrouve à la

nature.

un moindre degré C'est

l'utilisation

que l'étude exclusive de

de la

nature ne va que jusqu'à un certain point de la route vers l'art et n'accomplit

que

la

moitié

de la tâche à parfaire. C'est qu'il faut tirer de la

nature une expression, une exaltation com-

plète, faire d'un

renseignement une œuvre.

Dans son admirable Shakespeare,

Victor

Hugo a établi que les arts ne progressent pas. La nature, leur modèle, étant immuable, ne peut la

être

dépassée par eux. Us atteignent

plénitude de leur expression dans l'œuvre

d'un maître, qui forme d'autres maîtres. Sur-

viennent des évolutions, l'art renaît, revivifié

par un

des lacunes. Puis,

homme

h la lumière une formule nouvelle,

qui arrache


DU DESSIN ET DE LA COULEUK

LE

22o

MODELÉ CONSIDÉRÉ A TRAVERS LES ÉVOLUTIONS

DU PRINCIPE ORNEMENTAL

L'art grec, depuis cet

ornement élémentaire

qui s'appelle une grecque, jusqu'à ces œuvres si

parfaites qu'elles font hésiter l'admiration

entre elles et la nature, contient la formule

de tous les autres arts.

Son

influence, qui a

pu

être

méconnue, dé-

guisée, oubliée, n'a jamais été complètement

annulée en Europe, grâce à tante

du modelé,

dont on peut

la

la principale

le dire

présence consde ses formules,

l'inventeur et qui est, à sa


226

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

suite,

l'essence

des

européens.

Cette

influence est telle que l'on est

amené

à ren-

fermer entre deux termes toute

l'activité des

arts

-:

la nature, l'art grec.

Rembrandt qu'il

arts

faisait venir

ne quitta jamais,

les

dans

la

Hollande,

moulages des

sculp-

tures grecques découvertes au seizième siècle.

Quelle question cet

Œdipe moderne

pouvait-il

adresser à ce Sphinx? L'évidence

jaillit

son œuvre

le

:

il

ne comprit jamais que

de

mot de

l'énigme fut contrefaçon. Ingres disait:

« Il

faut éclairer la nature du

flambeau de Tan tique.

»

Si les Grecs se sont astreints à suivre scru-

puleusement

la nature,

il

faut reconnaître ce-

pendant que leur imitation a des degrés qu'elle comporte, dans

chique, une certaine la fidélité

que

une

et

un ordre presque hiérar-

somme

de liberté. Ainsi,

de la copie est d'autant plus grande

le sujet est

figure,

destination

plus élevé

;

et,

pour préciser,

considérée en elle-même spéciale

et

sans

de décoration, est plus


227

DU DESSIN ET DE LA ÇOULEUfl

visiblement voisine de la nature qu'une autre figure appelée à faire partie d'un et

monument

revêtant ainsi un caractère ornemental.

Mais, quel que soit

le

mode ou

la

mesure

d'accentuation qu'ils aient adopté, les Grecs

ont suivi la nature sous cette condition nécessaire à toute

œuvre

d'art,

qui est d'ajouter une

transformation sans laquelle toute copie de

nature est vague et diffuse

et

la

ne révèle aucune

volonté d'art.

Cet art grec, où la nature et Fart sont con-

fondus dans des proportions qu'on ne

sait s'il

si

bien équilibrées

y a plus d'art que de nature,

justifie l'entraînement souvent inconscient dont il

est l'objet, par cet équilibre

de la convention, auquel

il

de

la vérité et

doit d'être la plus

admirable expression d'art existant sous nos yeux. Mais, quelle que soit la valeur d'une formule traditionnelle,

un

art vivant

ter uniquement de

puiser à

la

la

ne peut s'alimen-

tradition.

Il

lui

faut

source même, dans la nature, un

renouvellement incessant, seul propre à

lui

donner une nouvelle trempe, une vie nouvelle, faute

de quoi

il

s'énerve, décroît et

de monotonie ou de bizarrerie.

meurt


228

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Celle des Grecs a subi le sort

évolutions aspects

de

sa

tradition

présentent

chacune

divers,

très

commun. Les d'elles

des

ayant

affecté des allures différentes.

Les Byzantins

et les

Romans

sont les pre-

miers intermédiaires qui nous y rattachent. Malgré la richesse des œuvres de l'école byzantine

qui

,

n'existait

sur la tradition grecque,

qu'en s'appuyant sa peinture

et

sa

sculpture ne nous ont point laissé d'œuvre

au sens

originale,

Leur

vie a été

ont usé

les

une

plus élevé de ce terme.

sorte d'hivernage.

derniers

comme

grecques,

le

vestiges des formules

la pluie

ronge un mur, sans

laisser trace des premières formes. tistes,

Elles

Leurs

ar-

enlumineurs d'images ou tailleurs de

pierre, ne renouvelant pas leur savoir

au con-

tact de la nature, poursuivaient leur

besogne

en perdant de plus en plus

le

souvenir des

formes premières. Il

s'agit

seules, et

de

la

non de

peinture et de la sculpture l'architecture, qui a suivi

un

mouvement indépendant. Quel

est le chercheur, l'esprit inquiet, qui,

dans ces temps obscurs, tout en accomplissant sa tâche, a réfléchi et compris que l'étude de


DU DESSIN ET DE LA COULEUR la

229

nature pourrait donner à son travail la va-

leur et la perfection que lui manifestaient les

vestiges

de

antique

l'art

autour

épars

de

lui?

Comme les Grecs, à l'aide

ils

— peintre,

modelaient,

de valeurs claires

et

sombres, sculpteur,

en taillant des formes toujours répétées et qui

semblent reculer jusqu'aux essais primitifs,

ne se préoccupant que de rester fidèles aux

conventions professionnelles. xVmsi, machinalement, les traditions fonda-

mentales de l'art

l'art

grec furent entretenues par

byzantin.

En prenant spécialement

à partie l'ornement

qui s'appelle la feuille d'acanthe,

nous allons

essayer de représenter l'évolution produite à l'aube de l'art gothique. Il

ne vivait ni en Grèce ni en

Italie,

l'acanthe borde les chemins, celui qui comprit

que

la

dentelure apprise dans

feuille sculptée

par

lui

dans

l'atelier,

la pierre,

cette

pouvait

bien avoir un rapport direct avec la nature.

Il

ne connaissait pas

la

canthe naturelle

type de l'ornement grec de

ce

le

nom, élevé dans

le

légende qui

fait

de

l'a-

chapiteau corinthien à la

n lus haute conception.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

230

Cherchant autour de qui lui

offrît

lui et

ce modèle,

ne découvrant rien

dut s'arrêter à des

il

ressemblances, aux frondes de toute la plante

la

fougère, dont

présente une similitude d'en-

semble avec l'armature de construction du chapiteau

;

aux dentelures des

feuilles

du char-

don, du persil, de l'érable, analogues à celles

de l'acanthe.

Déjà

empruntant aux Egyptiens

les Grecs,

l'armature du chapiteau, avaient cru, pour en avoir changé

la

faits créateurs

cet

homme,

végétation ornementale, s'être

d'un art nouveau.

A

son tour,

rêveur, inconsciemment de-

ce

venu inventeur,

établissant

ainsi

les bases

d'une nouvelle formule, put bien s'imaginer qu'il

ne devait rien à ses devanciers.

Dans

ce renouvellement de formules,

Avec

canthe s'évanouit.

elle

l'a-

disparurent les

derniers vestiges des formes traditionnelles*

Mais l'appareil qui sature

ment

lui servait

du chapiteau

le

même

;

et à

grec,

et les l'art,

demeura si

les

sensible^

affaiblie qu'elle

cependant visible chez

romans,

l'os-

F aide du modelé, dont la

tradition toujours vivace, soit, est

de support,

les byzantins

végétations nouvelles de

comme au printemps

la nature, couvri-


DU DESSIN ET DK LA COULEUR

231

ornementation inat-

rent les surfaces d'une

tendue.

La

perfection des arts gothiques atteignit

son extrême limite dans la copie raisonnée et

ordonnée de lanature. Cependant leur guide unique, se

cette nature,

montre à travers leurs

œuvres comme un peu embarrassée, on pourrait dire

nouée, par les derniers vestiges de

tradition byzantine. Mais, au

du seizième

cette

époque,

commencement

vue des statues grec-

siècle, à la

ques trouvées dans

la

les fouilles

pratiquées à

les artistes se sentirent affran-

chis.

Regardant la

la nature, libérée des

convention hiératique,

l'art

lui-même,

comme

naissant de

se mettent à chercher dans

ils

dans ses règles,

ses formes,

formules de

les principes

de

Fart antique. Celui-ci,

pensée que

tout la

en

les

confirmant dans la

nature est l'éternel modèle et

seul appui, leur enseigne

que dans Fart

la

le

na-

ture est à son tour

une convention, un moyen,

un renseignement

;

il

leur enseigne aussi que

dans toute œuvre d'art Fart seul doit dominer, et

que

cette

domination

est établie lorsque ses

propres formules, ses conventions rigoureuse-


232

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

ment appliquées, qu'il sait

s'effacent sous l'apparence

donner de

la nature.

Ainsi préparés à tous les

de et

Et

la

Renaissance abandonnent brusquement

facilement les restes des formes gothiques. le

seizième siècle,

époques de et

efforts, les artistes

l'art,

comme

toutes les grandes

copiant fidèlement la nature

mettant en œuvre certaine convention, re-

vêt sa personnalité.

Une évolution analogue

se

produisit

au

dix-septième siècle et au dix-huitième. Mais,

comme elle n'eut ni la même importance ni le même retentissement, on peut dire que l'art du seizième siècle n'eut pas d'interruption jusqu'à la fin

du dix-huitième.

Cette continuation d'art de trois siècles est

due à l'influence de

l'art grec,

manifeste dans l'ornement.

particulièrement

On

peut s'en con-

vaincre en étudiant les œuvres de Ducerceau, de

Le Pautre, de Watteau. Ce dernier, renouvelant, sous un aspect si original, les données que Ducerceau avait prises aux Grecs, acquiert

une indépendance

et

une autorité

qu'il doit à

la

possession complète de toutes les formules

et

de toutes

les

conventions, et qui font de

un maître en dehors de

toute spécialité.

lui


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Vers

la fin

du dix-huitième

un

tique des arts semble aisée. Il n'est pas le

un

siècle,

233 la pra-

jeu, tant elle paraît

depuis l'ustensile

objet,

plus humble jusqu'à l'œuvre la plus élevée,

qui ne porte les marques de cette pleine possession.

Cependant une nouvelle transforma-

tion des formes était alors en train de s'effec-

Le

tuer.

désir de la variété, l'inquiétude,

sont la vie de

l'art,

qui

entraînent alors peintres et

sculpteurs vers une formule nouvelle, vers une

imitation de plus en plus intime. Fragonardne renie pas Watteau, ni

mais

ils

moins d'apparat

rains, sin,

Houdon

Pierre Pujet;

déploient, eux et leurs contempovisible dans leur des-

sans pourtant oublier jamais qu'ils font de

l'ornement.

L'ornement imposa, par son principe, à tout l'art

que

du dix-huitième cette

époque de

siècle

une

floraison,

telle unité

incapable de

un morceau d'imitation de nature comparable aux œuvres de l'antiquité, de la Re-

fournir

naissance ou de

l'art

gothique, peut prétendre,

par son entente latente et générale, à l'égalité avec les

temps

les

cun d'eux n'a présenté semble qui n'excluait

mémorables

plus

comme

ni la

lui

:

au-

un

en-

variété ni Tindé-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

234

pendance, tant dans l'invention que dans

l'exé-

cution.

La Révolution

française, qui livre

momenta-

nément au chaos, les idées, les habitudes, les mœurs, n'a place dans notre travail que comme Les

date.

artistes âgés étaient les survivants

du dix-huitième siècle les jeunes étaient leurs disciples. Abordant de nouveaux sujets, les ;

arts,

en particulier l'ornement, qui en est

le

timbre d'émission, auraient assurément conti-

nué les anciennes formules, tout en s'accordant àla transformation en voie d'accomplissement, signes n'ayant en

les

d'expression que par

eux-mêmes de valeur

la volonté

de celui qui

les

emploie. Mais tout à coup on vit éclore une

mode

étrangère aux idées et aux formes d'art

alors pratiquées.

Dans

l'espace de

temps strictement néces-

saire à la production de cette

mode, tout devint

égyptien, et quel égyptien

Ni

les

!

les règles, ni

formules, ni les symboles de cet ancêtre ne

furent respectés. Furent-ils seulement consultés?

Quoi teurs,

rant

qu'il les

les

en

soit,

anciens

les peintres, les sculp-

comme

formules de

ce

les

élèves,

igno-

nouveau venu

et


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

dédaignant de pratiquer l'ornement qu'ils considéraient

comme un

détail inférieur vis-à-vis

de l'étude de la nature, laissèrent à la direction

velle

furent

mode nou-

des architectes, qui en

spécialistes

les

la

attitrés.

Et ceux-ci,

n'ayantpas nécessairement souci de l'imitation de la nature, du modelé, ne purent que restreindre l'ornement à des combinaisons linéaires sans lien et sans rapport avec les recher-

ches des peintres et des sculpteurs.

Sculpteurs

et peintres

gers à l'ornementation.

devinrent ainsi étranIls

perdirent l'habi-

tude de la pratique de l'ornement, dont

ils

avaient cependant la direction réelle par leurs qualités d'exécution.

sante

les isola

La nouveauté

envahis-

d'une des principales dépen-

dances de leur domaine.

Quelques sculpteurs essayèrent de

satisfaire

l'innovation, entraînés par leurs relations naturelles avec les architectes

tatives n'offrent

;

mais leurs ten-

qu'un intérêt de curiosité.

Est-il besoin de faire

remarquer que

les Pesti-

férés de Jaffa et la Distribution des Aigles n'ont

aucune relation avec faites

pour

les appliques

égyptiennes

leur servir de cadre?

Prud'hon

est peut-être le dernier

maître qui


236

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

intimement mêlé l'ornement à ses œuvres.

ait

Mais

cette particularité

du grand

artiste

est

restée sans influence autour d'elle.

L'ornement proprement

dit n'a

pas eu de

caractère particulier dans tout le bric-à-brac

que

le

dix-neuvième siècle a exhumé pour sa

consommation.

remarque nous donne encore

Cette

l'occa-

sion d'insister à la fois sur l'importance du

terme

et

sur celle de la chose ornement

;

car

si

nous affirmions que

le

pas d'art qui

propre, nous avancerions

la

même

lui soit

dix-neuvième

siècle n'a

proposition.

Aujourd'hui, Fart ne semble plus puiser en

lui-même,

comme aux temps où

des combinaisons d'une

même

idée suppléait

h la variété. Cette variété n'existe diversité

des sources

,

la quantité

l'artiste

que dans

ne

la

pouvant

dégager de l'uniformité de son écriture l'exécution sur

commande d'un morceau

grec, renais-

sance, gothique, moresque, chinois, Louis

XVI,

ou nature. Pourtant, dans l'espace écoulé de ce siècle et

sans sortir de notre pays, nous pourrions

une longue

citer

avec

dans

la science et

fierté

dans

série de maîtres

la pratique des arts.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

237

de Louis David à Courbet, de David d'Angers maîtres, qui n'ont

à Carpeaux. Et chez ces

entre eux

aucun

lien apparent,

une tendance commune

:

le

on peut

saisir

désir incessant

d'imiter de plus en plus la nature, tout en

adoptant les formules que chacun d'eux choisit arbitrairement.

Le mouvement romantique, liberté dont

l'art

noms

citer toutes les fois

du dix-neuvième

exemples de

élan de

nous bénéficions aujourd'hui,

personnifié par deux

lement

cet

la

daces qui font

qu'il

est

faudra fata-

que l'on parlera de

siècle, Ingres, Delacroix,

volonté alliée à toutes les au-

le

génie.

Déjà nous sommes assez loin d'eux pour les confondre avec

le

milieu où se développa leur

vie d'artiste. Leurs initiatives personnelles sont

opposées, et

il

est vrai

;

mais

contenues, chez l'un

elles

sont fortifiées

comme chez l'autre,

par

tout ce qui tient aux traditions. Et, bizarrerie

qu'on nous permettra de noter, l'un

et l'autre

repoussèrent, pour des causes différentes, ce

commençons à leur appliquer indifféremment, ce mot n'étant plus pour nous que la marque d'une

nom

de romantique que nous

époque.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

238

Nous n'avons pas

à examiner

viendrait d'être mis en parallèle,

s'il

leur con-

même

dans

un témoignage d'admiration; leurs œuvres nous pouvons dans l'une et étant nôtres ,

,

dans l'autre tenter l'analyse de ce qu'elles contiennent de vérité naturelle en

que d'invention

même temps

de fantaisie personnelle.

et

Après Véronèse, après Rubens, après Rembrandt, Delacroix, ce peintre de génie, trouva

dans

la

nature une coloration, c'est-à-dire un

dessin que ceux-là n'avaient pas Ingres,

si

grand

qu'il

grandit encore de tout

soit l'art

vu avant

lui.

par son œuvre, qu'autour de

lui

son enseignement a semé pour l'avenir.

En

faisant des

œuvres à destination spéciale

une décoration, ces maîtres n'ont accompli que des ouvrages isolés. Depuis le commencement du

siècle,

ceux qui devaient ce

lui

donner l'impulsion

;

et

que

les anciens prati-

comme un élément

de leur profession,

complément

quaient

l'ornement a été délaissé de

d'art,

qui les reliait tous entre eux par la force inhé-

rente à son principe, a été abandonné à des spécialistes qui n'ont

pu aboutir qu'à des con-

trefaçons.

Cependant notre époque n'a pas méconnu


le

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

239

Seulement,

le travail

principe ornemental.

d'érudition a pris la place du travail de pro-

duction originale; tout a été passé en revue, étudié, classé.

De là,

peut-être, jaillira

une source nouvelle; prévision qui par l'étude passionnée dont d'être l'objet.

la

un jour

se justifie

nature ne cesse



DU DESSIN ET DE LA COULEUR

241

L'ART ET LA PHYSIQUE

Considéré matériellement en dehors de l'expression sentimentale qui lui est propre, dessin est une dépendance de la physique

le :

il

analyse la lumière et s'en sert pour construire des formes.

Mais

le seul

point de contact établi jusqu'ici

entre l'art et la physique

,

c'est

le

contraste

simultané des couleurs. Le traité que consacré M. Chevreul, seul travail physiciens qui

ait

lui

a

émané des

un sens pratique pour 21

les


212

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

arts,

et

qui devrait être dans les mains de

tous ceux qui emploient la couleur, est de-

meuré dans une demi-obscurité. Aussi, lorsqu'un peintre et un physicien abordent le chapitre

de la couleur,

parler la

même

ne paraissent point

ils

langue

à peine, et après de

;

nombreuses concessions, chacun d'eux parvient-il à entendre

une partie de ce que

l'autre

a voulu dire, les conclusions et la fin de la

science et celles des arts étant choses différentes, sinon contraires.

Le

physicien, en isolant, par tous les

moyens

imaginables, chacun des rayons composant la

lumière qui traverse

couleur

le

prisme, étudie

en elle-même. Toute son attention

est concentrée sur la qualité intrinsèque

couleur de ce rayon pure,

il

la

la

veut typique

provenance,

il

la dissèque,

il

:

il

,

il

la

de

la

veut

en veut établir

la

cherche ce qui résultera des

rapprochements immédiats des divers rayons qu'il a d'abord isolés la qualité colorée les réunit ils

;

et,

après avoir reconnu

de chacun de ces rayons,

pour en recomposer

la

lumière dont

émanent. La couleur du physicien

matérielle

c'est

;

sans limite

;

un champ de

son étude a

il

est

im-

dissertations

la rigidité

mathéma-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR tique

elle se

;

Pour la

résume dans une formule

les arts,

particulièrement la peinture,

couleur est toute matérielle.

peintre

le

etc., etc.

Aux yeux du

n'y a pas seulement le rouge,

il

des rouges

ronge,

;

il

:

distingue

sang-dragon, il

faudrait

ici

y a brun

il

le

vermillon, le

la

laque de garance,

copier la nomencla-

ture des marchands de couleurs. lui est

écrite.

De

plus,

il

permis d'ignorer (ce qui arrive souvent)

d'où vient la couleur. Véronèse, Rubens,

Wat-

teau ne connaissaient ni la théorie de Newton, ni les travaux de

M. Chevreul, qui peut-être

ont pu renseigner Delacroix, mais dans quelle

mesure? Enfin, et c'est la démarcation précise entre la

physique

et l'art, la

couleur pour les arts ne

provient que dans une faible mesure des

ma-

tières colorantes, et résulte principalement la distribution

deux

de

de la lumière, de sa division en

qualités, l'une claire, l'autre obscure.

Entraîné par sa manière

si

différente d'étu-

dier et de juger la couleur^ le physicien ne tient

pas un compte suffisant de ces deux qualités

dans

les incursions qu'il tente vers les arts.

Aussi ne réussit-il pas à rien élucider qui puisse être utile à

l'art.


244

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Cependant

un des

états

les maîtres,

l'art est

principalement basé sur

physiques de

lumière, que tous

la

depuis Phidias jusqu'à Rembrandt,

ont observé, étudié et reproduit, celui qui établit,

de

invariablement, les situations respectives

la

lumière

et

de l'ombre, ainsi que les gra-

dations des valeurs intermédiaires, sur toutes les

formes

C'est là

et à travers toutes les colorations.

la

physique doit porter ses in-

vestigations, qui pourraient, par les preuves scientifiques et sans toucher

ni

aux sensations,

établir

dire grammaticale,

aux impressions

une raison pour ainsi

des intensités claires et

obscures, lumineuses et sombres, cette raison n'intervenant, du reste, dans les créations de

Fart qu'au

même

que

titre

langage intervient dans

Le

traité

même du

les

la

grammaire du

œuvres poétiques.

Contraste simultané des

couleurs, de M. Chevreul, n'a qu'une valeur

technique limitée, par la raison que M. Chevreul,

comme

les autres physiciens,

dérant particulièrement que

le

ne consi-

contraste pro-

venant de la juxtaposition des couleurs, n'a tenu qu'un compte insuffisant, pour ne pas dire nul, de l'élément essentiel des arts, le

modelé.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Un

24S

autre savant, M. Helmholtz, dans

des

conférences sur Y optique de la peinture, faites à Berlin,

àDusseldorf

et à

Cologne, et publiées

à Paris chez Germère-Baillière, semble bien insister sur la lumière et finitive,

il

Vombre. Mais, en dé-

incline vers le piège que lui tend la

couleur proprement dite, et s'y perd. trevoit et effleure

un

certain

très délicats se rapportant

S'il

nombre de

aux

arts,

il

en-

sujets

passe

sans y pénétrer à côté de leur technique, se contentant de lui prendre des exemples de théorie élémentaire, auxquels

il

donne des so-

lutions tour à tour scientifiques ou sentimentales

complètement en dehors de

Nous nous permettrons même la

la pratique.

d'ajouter que

conception des couleurs, qui réduit

« toutes

nos sensations de couleur aux trois sensations simples résultant des combinaisons du rouge,

du

vert et

aux

arts,

du

violet, »

nous

paraît, relativement

de la pure fantaisie.



DU DESSTN ET DE LA COULEUR

2 17

LES ARTS PLASTIQUES. L'ART MUSICAL

Nous n'avons pas opposition,

traste,

langue des le

arts, la

à définir les termes con-

harmonie

même

;

ils

ont, dans la

signification

que dans

langage général. Mais nous voulons cons-

tater l'utilité d'usage et faire

du premier de ces termes,

au dernier une sorte de procès, moins

pour sa vague généralité que parce traîne à de banales et fausses

entre

l'art

Le mot

qu'il en-

comparaisons

musical et les arts plastiques. contraste possède

une grande netteté


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

248

de signification:

conduit

il

et fixe

la

employés par les

ture

arts.

na-

Contraste de traits:

oblique,

horizontal,

vertical,

opposés

uns aux autres

les

pensée

même

sur Faction de tous les éléments de

;

droit, courbe,

mo-

contraste de

delé: lignes lumineuses et sombres, valeurs,

placées en opposition; contraste de couleurs qualités

colorées,

chaude,

qualités

:

froide,

mises en opposition; contraste d'ornements

:

volumes, oppo-

lignes, formes, proportions, sés.

ne peut être suppléé dans

Il

les arts plasti-

ques par aucun autre mot, parce qu'il affirme,

en vue d'accord, l'opposition que chacun des éléments

tire

de lui-même. C'est là son origi-

nalité.

Le terme

opposition est employé dans

un

sens analogue, mais sans application nécessaire

aux éléments de même nature, dont

respecte pas l'unité.

avec lité

la couleur,

Il fait

le trait

avec l'ornement

;

il

il

ne

contraster la forme

avec

le

modelé,

assemble

la réa-

et place vis-

à-vis l'un de l'autre des contraires

;

il

vise la

symétrie réelle ou relative, l'équilibre, la pondération indispensable dans une œuvre d'art.

Les deux termes contraste

et opposition se


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

249

complètent, tout en conservant chacun son originalité.

Lorsqu'il y a accord) unité d'effet, ensemble,

souplesse de lignes, grâce, délicatesse, force, justesse, etc., toutes perfections résolues, les

oppositions sont bonnes, les contrastes sont

bons.

S'ils

choquent,

s'ils

blessent la vue,

y a disparate, contradiction entre eux,

ils

s'il

sont

mauvais. Cependant nous devons spécifier contraste de couleurs, de lignes, c'est bien contraste et

pour

lui-même qui cause

telle

;

est

:

le

bon ou mauvais,

tandis que dans l'opposi-

tion des lignes avec la couleur, de la réalité

avec la

fiction,

c'est

l'effet

résultant qui est

bon ou mauvais. Une œuvre peut

à la fois con-

tenir la perfection la plus grande dans certains

de ses contrastes

et

une médiocrité absolue

dans l'opposition de certains éléments.

Mais dans l'œuvre où

les oppositions et les

contîntes sont tellement atténués, dissimulés,

que cette œuvre monotone

et

sans art n'est

qu'un produit sans aucune qualité, Vharmonie est négative.

C'est là

où nous voulions en venir

pouvons nous inverse, soit

servir

:

nous

du mot harmonie en sens

pour louer,

soit

pour blâmer. Si


250

DU DESSTN ÉT DE LA COULEUR

cela ne suffît pas à le faire proscrire, cela dé-

montre au moins

qu'il n'a,

dans

la

qu'une application aussi banale

arts plastiques,

que lorsqu'on dit

:

«

L'harmonie du ménage,

l'harmonie d^s pouvoirs publics. serve faite,

il

langue des

signifie

»

Cette ré-

quelque chose qui n'est

certes pas à dédaigner, mais qui n'établit rien

de pratique.

Le terme harmonie appartient en propre Fart musical; d'être.

monie

On

en détermine une manière

il

fait

à

en musique des fautes

à' har-

rectifiables par Y harmonie elle-même. Il

n'y a donc dans ce terme rien d'équivoque

pour Fart des sons.

En

est-il

même

de

de son application aux

choses de l'architecture, de la sculpture et de la

peinture? Que spécifie-t-il pour un

trait,

pour une couleur, une valeur, considérés

iso-

lément, tandis qu'un son à lui seul éveille une idée musicale ?

Lorsque Diderot prétend qu'un aveugle-né peut concevoir une idée de la couleur écarlate

en percevant

le

son éclatant de

nous croyons que lui-même, qui

la trompette,

cet aveugle-là était Diderot

était

doublement clairvoyant

et

par ses yeux et par son génie. Pour nous,


1

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

^25

nous n'avons jamais pu comprendre l'analogie dans des choses

qu'il trouvait la

dissemblables,

si

couleur écarlate ne pouvant éclater pour la

vue que par pouvant

le

contraste qui lui est opposé, et

même

devenir réellement obscure par

relation des valeurs et des couleurs dont

la

elle est

entourée

;

tandis que le son de la trom-

pette est toujours éclatant dans ses notes hautes et

dans ses notes basses.

Quand dans une

muraille, au lieu et place

de pierres et de mortier, les maçons laissent des vides,

disent qu'ils font de la musique.

ils

Cela est juste

:

leur travail sonne,

il

est creux.

Mêlé aux choses des arts plastiques, le terme

comme un

harmonie porte avec

lui

absence de sens,

de plus,

et,

réticences. Lorsque, devant qu'il est

temps

:

saillie

!

un

il

une

entraîne aux

tableau, on dit

harmonieux, on peut penser en

même

amoindrissement de

toute

Quel

«

quel

effacement de tout contraste

quelle monotonie

de couleur intact le

!

Vous

!

!

quelle platitude de valeur,

auriez

mieux

fait

de laisser

ton dont votre toile était imprimée

l'harmonie alors était complète. lité

vide,

»

La

:

possibi-

d'un pareil aparté, tout en décernant un

éloge banal, indique l'élasticité de ce terme,


2b2

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

lorsqu'il est détourné de son application musi-

compare, mais ne

cale. Il

Dans

le

même

lier d'atelier:

définit pas.

sens on dit en langage famiC'est

«

un

fricot, je vais

joli

passer un jus, ça mettra de Y harmonie. les

» Ici,

termes de comparaison passent de la musi-

que à

la cuisine.

cier celle-ci,

Sous

le

Sans vouloir en rien dépré-

nous n'insistons pas.

nom

de patine,

le

temps,

revêt les œuvres d'art d'une sorte

lui aussi,

à' harmonie

négative qui, respectable peut-être à certains points de vue, cache ou dissimule et des beautés et

des laideurs.

En

art, les

hasards sont rare-

ment heureux.

Le terme harmonie prend, dans

les

arts

plastiques, la place des termes précis accord,

conformité, assortissant, ensemble, jus-

imité,

tesse, etc., etc., et

il

ne

les

remplace pas.

Mais d'où vient cet accouplement d'idées

généralement admis

?

si

est leur rapproche-

ment, puisqu'il n'y a pas de fumée sans feu C'est

que certains

effets

des

?

arts plastiques

excitent des impressions, des sensations ana-

logues à celles qu'éveille

vue de

tel

l'art

musical

:

à la

tableau, nous éprouvons presque

la

même émotion qu'à l'audition de tel morceau de


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

253

musique. L'ordre qui règne dans un orchestre a paru

comparable

tecture.

(???)

aux ordres de F archi-

Pourquoi pas une mélodie de balus-

tres?

Ne

pas,

vus en perspective,

se suivent-ils pas,

musicales d'une romance

ne se succèdent-ils

comme

les

phrases

?

lia plu de qualifier de symphonie l'ensemble

d'une statue, d'un monument, d'un tableau!

En

quoi

donc l'équilibre du contraste des

formes, des valeurs de proportion, des valeurs d'intensité de clarté, des couleurs, qu'on perçoit

simultanément,

est-il

comparable à un

ensemble de sons qu'on perçoit successive-

ment? Le terme ensemble exprime chose qui leur soit commune.

la

seule

Faut-il donc de l'analogie sentimentale conclure à l'affinité,

mules

et

nous semble nous

fait

à

d'éléments difficile

la si

ressemblance de

for-

différents? C'est ce qu'il

d'admettre, et c'est ce qui

poursuivre avec tant d'instance

mot harmonie,

le

qui n'en peut mais, et qui de-

vient excellent lorsqu'il est précédé ou suivi de la

désignation du contraste qu'il qualifie. Et

même,

bizarrerie des mots! c'est

lorsque ce terme

uniquement

harmonie sous-entend un

contraste à qualifier qu'il prend une significa22


254

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

tion dans les arts

que l'union

et la

du

dessin. Il indique alors

concorde existent dans

versité des éléments gratifiés

la di-

harmonieux:

les

expressions harmonie de lignes, de couleurs, d'effet,

impliquent tout à

opposées d'accord

Les

la. fois

les

idées

et de contraste.

rapprochements

,

les

comparaisons

entre Fart musical et les arts plastiques portent à faux et ne

démontrent rien.

écarter de la technique

du

dessin.

Il

faut les


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

LE

Le goût c'est

n'est pas

255

GOUT

un terme technique. Mais

sous son impulsion que

les

arts

qu'on

appelle les arts du goût sont exercés et appréciés.

A

ce double

titre,

il

appartient à notre

nomenclature.

Il

est

convenu, jusqu'à

proverbe, que

«

du goût

doit pas discuter.

»

et

la consécration

du

des couleurs on ne

Ce qui peut

se traduire


2oG ainsi

DU DESSIN ET DE LA COULEUR :

«

c'est le

Le bon goût, c'est le mien le mauvais, tien. » Nous pouvons donc traiter du ;

moi goût avec une complète

liberté et émettre

à son sujet, et presque sans en donner la raison, notre propre sentiment.

Les professions particulières aux

arts plas-

tiques dérivant essentiellement du dessin, on

nous permettra de nous servir du mot dessinateur plutôt

que de

par génération,

celui A' artiste

l'architecte, le

peintre, le graveur. fiant

Le terme

pour désigner, sculpteur,

artiste,

le

ne spéci-

aucune pratique, peut indifféremment

s'appliquer et à celui qui exerce les arts

du

dessin et à celui qui exploite tout autre art ou

métier;

il

s'étend jusqu'au spectateur, qui n'a

de rapport avec

l'art et ses

métiers que l'attrac-

tion sentimentale, le goût.

L'art satisfait celui de nos appétits

nomme

le goût.

Avant de posséder

qu'on

la délica-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

257

tesse et la sûreté de sens qui font juger la

qualité de l'aliment intellectuel,

bons indifféremment

nous absor-

inconsciemment

et

cet

aliment, de quelque nature qu'il soit, de quel-

que manière

qu'il ait été

que peu à peu, sition

accommodé. Ce

une favorable dispo-

et grâce à

naturelle,

que notre appétit

se règle,

peut prétendre à apprécier, à choisir,

lement acquiert

n'est

la qualité

et fina-

qu'on appelle encore

goût.

le

Comme

est avéré

il

que

les

arts sont

source d'honneurs et de revenus dans

ils

semblent

fleurir

naturellement

le

une

pays

,

tout

citoyen, croyant avoir le droit de conseil et de direction,

aime à s'arroger, par sympathie ou mission de

par calcul,

la

conduire

par la souveraine et péremptoire

,

raison qu'il se

les

enseigner et de les

reconnaît du goût.

Qu'est-ce que le goût?

Le goût

est,

au propre, celui de nos sens qui, 22,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

258

par

langue, nous

la

fait

percevoir et apprécier

les saveurs.

Cette faculté de perception et d'appréciation s'appelle aussi le goût

par

les

lorsqu'elle est exercée

yeux. Le cas est analogue à celui du

moiharmonie ^qui transpose, encore au bénéfice des yeux, la perception spéciale de l'ouïe. C'est donc seulement par extension, et cette

extension est considérable, que

employé dans Ici,

choix

,

il

vocations,

juge il

les

œuvres

marque

les

,

il

il

qualifie le

détermine

conceptions,

tinctive,

il

il

les

tendances d'un indi-

vidu, d'une génération, d'un peuple, les

est

les arts.

accorde l'appréciation,

il

mot goût

le

il

dirige

une attraction ins-

spécifie

supplée, clans leurs rapports de cir-

culation, les termes style,

Et tous ces privilèges,

il

mode,

les

science, etc.

doit

à Tunique,

mais séduisante hypothèse d'un don naturel, d'un sens particulièrement applicable aux arts,

Souvent

même

on joue de

lui

comme

d'un instrument qui permet d'effectuer toutes variations

qu'on a

et

d'applaudir

sifflé la veille.

le

lendemain ce


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

La

259

qualité innée que suppose le goût, envi-

sagée

comme

exacte, en

attraction,

comme

perception

un mot, comme discernement spon-

tané et judicieux de la lumière, existe chez

quelques privilégiés

;

et

chacun de nous en

possède l'organe, organe doué d'une puissance

Nous le croyons, bien que nous n'ayons jamais pu d'action de plus en plus extensible.

observer tant ce

la

moindre manifestation

nom

d'art

méri-

sans qu'elle nous révélât un savoir

acquis.

Par contre, nous avouons bien volontiers que

les

œuvres purement

peut ainsi

dire,

sion aucune

scientifiques, si l'on

ne décelant dans leur expres-

trace impulsive d'un sentiment

naturel, nous paraissent presque aussi indiffé-

rentes que celles d'où la science est absente.

Mais, tout en constatant et affirmant cette

essence particulière, cette qualité de l'esprit,

nous devons, pour tout ce qui concerne

la

technique des arts, la subordonner au savoir acquis, sans lequel elle est inféconde.


260

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

La lumière, sous

ses mille formes, est

tous une nécessité absolue.

De

pour

cette nécessité

découle une irrésistible et inconsciente attraction vers tout ce qui la représente, vers tout

ce qui la contient et nous en livre la jouis-

sance.

Ce désir

instinctif,

on

le constate

même

chez

des oiseaux, les pies, les alouettes: celles-ci s'y

font prendre, celles-là s'emparent de tout

objet brillant qu'elles trouvent à leur portée.

Et cet lorsque

ne

instinct,

partageons-nous pas

le

notre préférence

est

par une

fixée

lumière plutôt que par une autre, quand notre

goût choisit ou

le

quand nous

lard,

rouge ou lui

le

vert d'un fou-

donnons pleine

satisfac-

tion aussi bien avec le clinquant de lajoaillerie

de camelote qu'avec la limpide et immaculable pureté des pierres dures et rares.

Mais à travers toutes nos conventions pas aisé de discerner

si

le

est acquis, artificiel.

nous

fait naître

n'est

goût est naturel,

déterminé par un mouvement s'il

il

C'est

instinctif,

que

le

dans des milieux variés

ou

hasard et fort

dissemblables, nous imposant une éducation fatale,

nous imprégnant à notre insu de ma-

nières diverses de sentir et de voir. Aussi,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

261

combien de formules reçues! Par exemple:

Le

«

bleu va bien aux blondes.» Oui, sans doute, bleu

le

va bien aux blondes. Mais quel bleu?

Chaque

blonde

en

essaie

plusieurs

avant

d'adopter celui qui lui va.

Admettre une formule

même temps

et la

soumettre en

à une épreuve, n'est-ce pas à la

fois l'affirmer et la nier?

Dans

le

choix de notre foulard, de nos pier-

reries, notre

goût

tané, tout à fait

bien nettement spon-

est-il

dégagé de conventions incons-

ciemment apprises?

Obéit-il à ce qui seul cons-

son allure instinctive,

tituerait

comme

la pie

voleuse de Palaiseau y obéit en s'emparant du

couvert d'argent dont

mais dont

ne peut

elle

faire

usage,

le brillant l'attire ?

Notre choix n'est pas aussi rudimen taire est

de

seconde main

(qui alors

est

,

il

;

il

dû au goût

est

une connaissance spéciale) de

celui qui a préparé le foulard, les bijoux, et

qui a su aussi nous faire croire à l'excellence

de ses produits. Si

Gros a

personne,

dit vrai, c'est

bataille d'Eylau, était vêtu

de bottes

pour

qu'il savait belle,

à

faire valoir sa

que Murât, à

la

de velours, chaussé

revers troubadour,

armé d'un


622

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

sabre oriental et coiffé d'un bonnet de fourrure

surmonté d'une très

beau du

aigrette.

reste,

mais

si

Un

pareil costume,

en dehors du costume

national, ne pouvait être le fait était

bien

le résultat

du hasard;

il

des combinaisons d'un

goût raffiné, d'une fantaisie dirigée par des

comparaisons préalables, toutes

choses qui

établissent l'idée d'éducation.

N'est-ce pas pour nous isoler et nous ren-

fermer en nous-mêmes, pour disparaître en

quelque sorte, que nous nous couvrons de

vêtements noirs lorsqu'un deuil nous

afflige ?

Le goût se soumet à l'usage, à la mode, au goût du jour, au bon ton, à la distinction, etc Comment, à travers ce réseau de conventions, .

saisir la manifestation

d'un instinct naturel

que, tout en y croyant, nous n'avons encore pu rencontrer véritablement libre que chez notre pie?

Les choses du costume,, régi par

la

mode,

dérivent des arts par certains côtés, puisque l'individu, sans autre impulsion

que sa volonté,

dispose sa forme pour la mettre en lumière et


DU DESSIN ET DE LA COULEUR la

montrer aux autres,

comme un

artiste

com-

pose son œuvre.

La convention

tacite de la

mode, qui règle

forme, la longueur, l'ampleur,

nos vêtements

et

même

la

la

couleur de

l'aplomb de nos corps

nos physionomies, serait une

et le dessin de

négation du goût

si

on ne considérait que

l'assujettissement qu'elle impose en réunissant

en un seul tous

les goûts, faisant adopter, ainsi

qu'un uniforme,

De

couleur.

tané

:

le

même

plus, la

aspect de forme et de

mode

n'a rien de spon-

les variations qu'elle fait subir

ment aux costumes calcul,

incessam-

résultent de l'étude, du

des tentatives de ceux qui, par des

mobiles très divers, en sont

les

meneurs cé-

lèbres ou inconnus. Et, bizarrerie qu'il faut

noter, c'est souvent contre leur volonté, c'est-

à-dire leur goût, que les gens qui suivent la

mode adoptent

ses

modifications arbitraires

et tyranniques.

Envisagée de

mode

ait tort

la sorte,

il

importe peu que

la

ou raison dans ses variations,

dans ses audaces d'innovations,

celles-ci étant

limitées par une éducation spéciale qui

permet

l'appréciation, le jugement, le choix raisonné. Et

si

le

goût acquis écarte systématique,


264

ment

DU DESSIN ET DE LA COULEUR l'attraction naturelle

pour se

laisser

al ler

à des conventions, cet écart volontaire nous fournit

un second

indice

du mouvement spon-

c'est

moins une tendance

tané du goût.

Dans

les

arts,

spontanée que idée, qui

persévérance à suivre une

la

nous fournit

la

preuve d'un goût na-

turel.

Ce goàt

chez

existe

l'artiste

qui poursuit

sans défaillance envers et contre tous l'expression de sa pensée. l'amateur, dont

Il

également chez

existe

la sensibilité

visuelle est

émue

par la simple perception d'une forme, et qui la préfère tout

bonnement pour

cette sensation,

sans nulle considération de valeur intrinsèque, sans influence d'aucune convention.

Ces deux façons de sentir impliquent un savoir raisonné, le

un discernement. Hors de

goût est factice

;

il

affiche

seulement

là,

la pré-

tention d'une faculté qu'on voudrait avoir.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

L'œuvre

qu'elle

d'art,

une allégation de

même

forme. Elle témoigne en

savoir et facettes

imaginée ou

soit

imitée, est une appréciation, la

265

du goût de son auteur,

et

temps du

parmi

les

que nous présente ce mot, nous voyons

des dessinateurs savants dénués de goût, et

contrairement des ignorants, dessinateurs ou non, doués de cette qualité. Science ou instinct (nous ne pouvons décider)

savoir

le

,

goût

mais

;

particulière

Aussi

il

est peut-être

de

mouvement

naturel.

revendiqué par ceux qui ne

est-il

au

a nécessairement une allure

celle

,

parallèle

fré-

quentent les arts qu'en spectateurs, plus que par ceux qui dire

On

les pratiquent.

s'avise

peu de

que Vitruve, Michel-Ange ou Rembrandt,

étaient gens de goût.

On

attache cette qualité

comme une obligation professionnelle aux métiers qui

découlent des arts

:

ils

sont les arts

du goût ; on l'accorde aux personnes qui ne traitent les arts

revendiquent de la beauté,

que platoniquement

comme un don

et qui la

naturel, à l'égal

d'une belle voix, de cheveux

blonds, d'une force exceptionnelle. C'est

une

faculté de discernement, d'essence

intellectuelle supérieure,

qui nous donne 23

le


266

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

privilège de prononcer notre

jugement dans

par passion, par raison, par vanité,

les arts,

un apa-

car elle semble être une prérogative,

nage inhérent à toute puissance

sociale.

en sommes-nous tous très friands

sons-nous parade

nous payant

garnie,

notre

si

le

et

caisse

Aussi en

fai-

est bien

luxe d'un goût haut,

grand, distingué, sûr, étendu, bon, fin, raffiné, exquis, rare... ficatifs est

La nomenclature de

longue

et variée, et

avoir la prétention

ces quali-

nous ne pou vons

de la parcourir jusqu'au

bout, ni de nous arrêter aux détails. Cependant, voici

ma

Dans

un exemple d'un goût

particulier.

jeunesse, je rencontrais chez un

marchand de gravures un grand monsieur, rasé, raide, du haut en bas boutonné dans une redingote verte, cravate montante le

mode

1830,

chapeau quelque peu Bolivar légèrement

modèle

incliné,

fané dont l'image, au

vieilli et

temps de son élégance, avait dû

être signée

Devéria.

Ce monsieur avait un goût passionné pour

une certaine catégorie d'estampes gravées au burin nier

:

Wille

et

Berwick

mot deTart, dont

même

n'était

le

lui avaient dit le der-

baron Desnoyers

qu'un écho

affaibli* Il avait

lui-

hor-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

reur de Feau-forte au ;

il

devenait morne

Ayant fus

nom

267

seul de Rembrandt,

et silencieux.

comme graveur, je conseils. Un jour, naïve-

été présenté à lui

honoré de ses

ment, j'émis en sa présence cette idée que

œuvres originales seules pouvaient

les

être

étudiées avec profit et qu'il était difficile de

décider qui de Rembrandt ou de Canaletti avait le

plus

don de

génie, le

le

en défense, mais

ment

et sortit.

la gravure.

comme un bœuf se

sieur baissa la téte

il

Le monmettant

se contenta de saluer poli-

Depuis,

il

ne m'adressa jamais

la parole.

C'était

limité.

Il

un

homme

était

de goût, d'un goût spécial,

un exemple de nombreux

mens, dont un autre échantillon

spéci-

est celui qui

regarde une aquarelle en transparence, avant d'en apprécier la valeur d'art, afin dereconnaître si la

gouache a

été

employée dans son exé-

cution. Et cet autre, n'aimant que les paysages

à la sanguine

Ces

!

subtilités

restreignent

l'appréciation

des œuvres d'art à des détails de métier bien qu'on puisse les considérer

comme

;

manifestations naturelles du goût, figées, est vrai,

et

des il

dès leur première sensation, on ne


268

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

saurait les accepter

comme discernement judi-

cieux. Oublieux de la fin de

mière

,

expression

,

ces

l'art,

forme, lu-

messieurs

en sont

moyen

matériel.

réduits à ne plus voir que le

Si l'art n'était qu'un sport fournissant des

passe-temps aux gens de goût

et

de

loisir,

l'appréciation quelconque de ses œuvres serait indifférente.

Un simple entraînement de mode,

n'ayant pour règle et raison déterminante que la fantaisie,

serait le seul guide.

monument donnerait-il indication lité,

sur sa stabi-

sa nationalité, la date de sa conception,

sa destination, sa valeur? Si le la

Pourquoi un

statuaire était

sculpture, une

programme de

de la sculpture pour de

la

même œuvre ornerait indistinc-

tement un square, une chapelle, un boudoir, un tombeau, une pendule. Si le dessin, la couleur, n'étaient pas

primer et les

soumis à

la nécessité d'ex-

la signification et la réalité des

phases de

la

formes

lumière, de simples évolu-

tions de lignes, belles, jolies, des accords et

des contrastes colorés, bizarres, délicats, puis-


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

un

tableau,

sommet,

ni base,

sants, seraient le but à atteindre

n'ayant, serait

comme un

tapis, ni

examiné dans tous

Mais

l'art

;

les sens.

possède une

générale, qui

utilité

deux façons

se traduit de

2()9

:

immobilise, en

il

retenant leur expression, les sensations fugitives,

impressions de

les

nos yeux

et

la

double vision de

de notre imagination

construit, régularise,

déplus,

;

il

embellit toutes choses à

notre usage. Expression d'idées et façonnage d'objets, ces

deux termes, réunis ou

font de l'art

un puissant agent de

de

pensée humaine,

la

et

isolés,

circulation

constituent

une

science basée sur l'observation rigoureuse de certaines lois physiques.

Cette

science

semble provenir tout

tant d'une sensibilité naturelle

de perception

que des connaissances acquises de de la lumière suffire

;

au-

la

forme

et cette sensibilité paraît

et

encore

pourapprécier la valeur des œuvresd'art.

Ce qui pourrait

être ainsi

résumé

:

voir, sentir,

comprendre, exprimer, seraient une

même

et

unique chose.

A

cette

manière d'envisager

nous ne voulons

que nous voulons,

faire

la

question,

aucune objection. Ce

c'est tout

simplement dis23.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

i>70

tinguer les éléments d'appréciation que chacun

de nous possède, selon qu'il est placé soit en dedans, soit en dehors des arts, la pratique établissant la ligne de démarcation entre ces

deux catégories, qui jugent Tune par expérience, l'autre par sentiment.

Rien ne reste à cune des

lettres

l'esprit

de la forme de cha-

composant un mot

:

une main

novice ou tremblante, des caractères d'im-

primerie déformés, brisés par l'usage, trans-

mettent une pensée dans toute son étendue, aussi bien que la plus nette écriture et que la

plus belle typographie. Il

n'en est pas de

même

de la langue re-

produite par les arts plastiques.

La

lecture ne

peut en être faite qu'en épelant signe par signe, car le fragment

serve une

même

d'un signe con-

signification de la valeur spéciale

de ce signe, de ces lettres, de ces figures;

chaque mot, puis chaque phrase prenant

une valeur propre, dont

le

raison directe de la valeur de

ici

sens s'étend en

chacun d'eux.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

La

parole,

le

poème, l'éloquence,

le

ver-

biage de cette langue universelle sont contenus dans

signe lui-même, et

le

l'action,

fait,

la réalité,

le

non dans

le

rêve qu'elle ra-

conte.

Aussi

le

écriture, d'art,

dessinateur, calligraphe de cette

en considérant

que

et appréciant l'objet

cet objet vienne

de

la

l'imagination, est-il obligé de

nature ou de vérifier

tout

d'abord, par la comparaison avec la nature, les

formules de construction, l'étendue, la puissance, l'accentuation du modelé, l'invention et la

conception ornementale de la composition,

la qualité

tion.

la coloration, l'allure

de l'exécu-

Toutes ces choses constituant

d'art qui les

de

compose

signes,

les caractères,

comme on voudra

le

métal

les chiffres,

appeler cette

image, leur pureté doit être reconnue avant d'admettre l'expression abstraite, littéraire et sentimentale de l'œuvre.

Est-ce à dire que par cet examen, qui dis-

tingue entre la matière de

l'art et l'esprit

qui

s'en dégage, la spontanéité d'impression et les

sensations qui en résultent sont supprimées

chez

le

dessinateur

causée par l'œuvre

?

Nullement

est,

;

l'impression

au contraire, accrue

et


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

272

en

fortifiée

lui

par

A l'appui

valeur intrinsèque.

qui

fait

la constatation

de toute

de cette opinion,

de l'aptitude aux arts une faculté ins-

tinctive,

nous voyons ce juge nécessairement

systématique

attiré et retenu,

contre sa vo-

lonté et contre son savoir, par la manifestation

de l'intuition instinctive renfermée dans l'œuvre, dont

il

les scories

démêle

la

présence à travers toutes

de l'ignorance, de l'inexpérience,

des non-sens d'art,

des sous-entendus

raires, des innovations de

formule

et

litté-

de goût.

Ce discernement savant ne prouve-t-il pas l'existence réelle du goiit aussi bien chez l'appréciateur que chez celui dont l'œuvre est ap-

préciée? Mais n'est-ce pas aussi

un nouvel

indice que cette faculté instinctive est et reste parallèle au savoir

Comment

?

se confond-elle

n'avons pas à

le

rechercher

avec lui? Nous

ici.

Il

nous a

suffi

de montrer la direction de vision nécessaire et

même

involontaire,

que ceux du métier

apportent dans leur examen, naturelle

et

sentimentale

telle

impulsion

fournissant à leur

jugement un élément tout aussi valable que tel élément dérivant du savoir.


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

Au

273

delà de la ligne qui sépare Facteur du

éléments

spectateur les

d'appréciation

sont

inverses, leurs sources étant différentes; de ce

coté du spectateur, les manifestations résultent

instinctivement de limpressionnabilité, de la sensibilité, et

se traduisent par

l'attraction,

l'indifférence, la répulsion, sans considération

préalable.

C'est

pour

que

la foule

les arts travaillent.

Elle les aime, elle est avide de leurs manifestations. N'expriment-ils

recte et palpable

pas d'une manière di-

qu'elle

Ne

ses croyances ?

pas ses besoins de beauté?

ils

Ne

satisfont-

voit-elle

pas

pose devant eux, qu'ils la flattent?

Enfin, n'y trouve-t-elle pas le témoignage de

l'immobilité qu'ils

Mais ple

de

la

nature

et

l'authenticité

donnent aux actes de l'humanité il

?

y a chance que ce spectateur multi-

honnisse tout d'abord ce qu'il acclamera

par la suite, avait

comblé

comme

il

mettra en oubli ce qui

ses aspirations les

plus vives.

Ces fluctuations, ces revirements,

la foule les

exécute sans autre raison que son goût. C'est


274

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

un entraînement tout sentimental qu'une image rudimentaire lui suffit pour l'exqu'elle suit

;

pression de son désir

des

moyens employés

ne reposent que sur

qu'elle est ignorante

;

que ses comparaisons

;

l'art

lui-même

les

causes de son identité avec

ses

lambeaux de

que ce qui

non sur

nature

;

que

savoir, dont elle ne retient

lui plaît, lui sont

advenus par

quentation, par frottement, thode.

la

et

et

fré-

non par mé-

Et logiquement ses préférences, ses

abandons,

ont l'allure

conventionnelle

des

évolutions de la mode.

Les

arts plastiques

ment que

la littérature

comparer l'un à

expriment aussi nette;

cependant on ne peut

l'autre leurs caractères d'ex-

pression.

La

littérature

emploie des signes tout étran-

gers aux réalités, aux

faits,

aux idées, aux

sensations qu'elle exprime, tandis que les arts

emploient

La

la

nature

même.

faculté d'exprimer est sans limite

les lettres;

pour

les arts, elle est

pour

déterminée,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

par conséquent restreinte. De droit de suzeraineté les arts

:

elles les

que les

et les

guident dans

la qualité et le

d'expressions qu'elles résument. les arts font des incursions lettres, et,

une sorte de

là,

lettres exercent sur

devancent

leurs recherches par

275

De

nombre

leur coté,

sur le terrain des

dans cette action réciproque, chacun

d'eux tente d'exprimer,

à

Taide de son carac-

tère propre, l'idée, la chose qui, sans conteste,

appartient plus particulièrement au voisin.

Par

suite de ces transpositions, les lettres,

parvenues à amplifier leur importance individuelle, se sont octroyé sur l'art tutelle, d'appréciation,

un

de jugement.

droit de

Nous ne

voulons point y contredire, l'œuvre d'art reposant sur deux termes distincts la pratique, qui :

est

nécessairement un savoir, un métier

sentiment qui a dirigé

qué

la

conception

la manifestation, et qui, à titre

ment, tombe quelque peu dans

le

et

;

le

provo-

de senti-

domaine

commun. Nous refusons

toutefois

puisse soit conclure

d'admettre qu'on

d'une sensation à une

appréciation de procédé, soit prononcer sur la

valeur de principes différents sans connaître leur

moyen

d'expression

\

et,

tout en accep-


276

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

tant des écrivains l'entier discernement de la

portée et des applications générales des arts,

nous disons simplement que leur technique

est

insuffisante et n'a d'autre effet, effet regrettable,

que d'amoindrir

la

valeur et l'autorité de

leurs travaux sur les arts.

Dans

le

colloque engagé par les arts avec la

foule, la critique, brigade détachée des lettres, est la

voix qui leur répond. Considérée

exprimant

les variétés

comme

de goût des fractions

de la foule, on peut la dire impersonnelle et

même infaillible,

puisque

le goût,

comme don

naturel, ne se discute pas, et que l'impulsion

sentimentale, dont elle reflète les divergences et les

revirements, a un caractère essentielle-

ment mobile. Mais, sous prétexte que voir c'est sentir, la critique des

arts facilite l'éclosion

d'experts

sans expérience ni apprentissage, et sert de refuge à une pléiade de censeurs, qui hardi-

ment, à l'exemple de Sganarelle prétendant parler latin à des gens ignorant cette langue,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

lambeaux de technique mal

exploitent des ajustés, débitent

un brevet de

277

du sentiment,

sensitive,

et se

décernent

en étirant et appropriant

monument

tout aussi bien à l'examen d'un

an-

tique qu'à la peinture d'un plat de crevettes, la

somme

de rhétorique qu'ils possèdent.

mouche du coche ne

C'est la

bourdonnement.

vivant que de

Installée dans la

chaire

du

goût, elle exalte l'individualisme, qui recherché

en lui-même

damne

même

est néfaste

pour les

toute nouvelle formule

temps

dant

le

rejette

et

sur laquelle elle a

celle

temps émoussé sa louange; en ignorant

arts; elle con-

les lois

si

en

long-

elle professe, tout

physiques, tout en confon-

dessin avec la couleur, l'intention avec

l'exécution

;

elle dit

:

le style,

la beauté ^ sans

indiquer ni savoir où on les trouve

;

elle parle

de sincérité, de distinction, de clair-obscur,

d'harmonie elle,

;

mots vagues qui

Ah

ça

!

faudrait-il tant de préparation

parler de cette « «

l'aident, croit-

à sortir d'une démonstration qui la gêne.

Vue

des bords de la Seine

des hanches de cette baigneuse?

mais disserter

et

»

pour »

ou

Certes non

;

démontrer un métier sans

l'avoir exercé à fond, cela

nous semble man-

quer de conscience banale, d'honnêteté cou24


278

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

ratite,

de goût, pour rester dans notre sujet,

plus encore que de clairvoyance. «

0

vanité

!

Baudelaire, ce pas-

s'écrie

sionné de la forme sous toutes ses apparences

— la

nom du

sentiment, de

plaisir. J'espère

que quelques

je préfère parler

morale

et

du

au

personnes, savantes sans pédantisme, trouveront

mon

de bon goût.

ignorance

Univ. de 1855.

actuelle qu'elle

a

:

«

il

II,

avait dit (salon de

d'autres

prétentions;

recommandera toujours

le

c'est ainsi

dessin aux

aux dessinateurs.

d'un goût très raisonnable

C'est

et très sublime. »

Personne ne songe à professer tiques, la physique, la chimie,

même,

t.

Je sais bien que la critique

coloristes et la couleur

sine

(Exp.

Curiosités esthétiques,

Michel Lévy, 1869). Déjà 18i6, id.,id.)

»

la

les

mathéma-

danse, la cui-

sans avoir acquis au moins quel-

ques notions de ces sciences. Il

en

est

autrement de

sculpture, et de

la peinture et

toutes leurs

de la

subdivisions*

(L'architecture paraît moins abordable, quoique

souvent

elle

subisse le sort de ses deux congé-

nères.) Mêlées à tout ce qui les entoure, puis-

santes par leurs œuvres

charme dont elles revêtent

,

attrayantes par le les

moindres choses,


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

279

elles entraînent les esprits les plus cultivés à

pénétrer leur technique, à en parler, à en juger,

sans autre préparation qu'une contemplation plus ou moins attentive et intelligente, suivie

d'impressions

et,

par suite, de révélations de

goût qui dévoilent tous les mystères.

Ne pourrait-on comparer

certains de ces in-

vestigateurs, à une poule rencontrant

un bocal

rempli de grains de blé

? Elle voit

elle les sent, les désire,

en vise un, donne un

coup de bec au la

poule

et

cristal, et

ces grains,

ne gobe rien. Entre

notre démonstrateur bénévole,

existe pourtant

une notable différence

:

il

la

poule, parvenue au terme de réflexion que sa cervelle comporte, et

abandonne son entreprise

va picorer ailleurs, songeant peut-être à ce

tas

de blé préservé par quelque chose qu'elle

n'a

pu pénétrer; tandis que

lui,

de son observation, se persuade convaincu

dès et

le

début

demeure

qu'il avale, digère et réduit à l'ex-

pression simple tous les grains du bocal.


,

280

DU DESSIN ET DE LA COULEUR

nous poursuivons, avec une insistance

Si

que nous voudrions aussi vive que possible, la critique

vue,

et

qui cependant, à certain point de

fait partie

des arts, et ceux qui enseignent

les arts sans les avoir jamais pratiqués, c'est

que nous croyons qu'en

se

trompant

ils

nous

trompent nous-mêmes. Les confusions ont leur logique

:

dé-

les

monstrateurs de technique, puisant leur ensei-

gnement dans leur

sensibilité,

engendrent des

praticiens formés d'impressions, d'aspirations

sentimentales. Les uns et les autres cultivent l'illusion, le

malentendu, se refusent à com-

prendre que l'œuvre d'art ne l'exercice régulier et

jaillit

que de

complet du métier, uni à

la connaissance de tous les instruments

qu'il

emploie, y compris la nature.

Du goût

et des couleurs

on doit toujours

dis-

cuter. L'innovation, l'excentricité de la veille

devient

mode,

le

lieu

commun du

les styles sont fugitifs

lendemain

;

la


DU DESSIN ET DE LA COULEUR

281

Mais de toutes ces combinaisons, fantaisies et

rencontres heureuses,

qui ne paraissent

provenir que du hasard ou de l'impulsion instinctive et qui n'ont

surnage

et

demeure

eu qu'un jour de durée, ce qui a été basé

sur

le

savoir.

Si le goût ne relève sentir,

que de

la

faculté de

nous avons tous du goût, puisque tous

nous sentons. Mais aussitôt pression d'un choix

,

qu'il se fait

l'ex-

l'émanation de l'esprit

qui compulse et compare plusieurs éléments, il

devient une science, et

degrés.

comme

telle

il

a des



TABLE

Pages.

v

Dédicace

vu

Préambule L'art, la

forme,

les

formules

15 23

Le dessin

La couleur (dans le sens général La couleur (extension que les arts donnent )

à ce mot).

Les couleurs. Leurs dénominations

53

Chaleur, froideur. Apparences relatives émanant d une lumière, d'une couleur, d'une clarté Dessinateur, coloriste Reflet, clair-obscur

Valeur Trait,

modelé

Ligne, masse, silhouette Perspective

131

Effet

Ornement La transformation inévitable de la nature par a pour agent le principe ornemental

161 les arts

Décoration, décorateur La nature considérée au point de vue de la pratique des arts Le modelé considéré à travers les évolutions du principe ornemental -et

la

Paris.

:

l'art

musical

lmp. Balitout et G e ,

181

191

213

225 241 247 255

physique

Les arts plastiques Le goût

57

97 105 109 113 137 139 149

Exécution

L'art

37 44

7,

rue

Baillif»





•







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