Histoire des peintres impressionnistes, 1922

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(3)

HISTOIRE DES

Peintres Impressionnistes



HISTOIRE DES

Peintres Impressionnistes PISSARRO, CLAUDE MONET SISLEY, RENOIR, BERTHE MORISOT,

CÉZANNE, GUILLAUMIN

PAR

THEODORE DURET

TROISIÈME EDITION

PARIS H. 4.

FLOURY, EDITEUR

RUE DE CONDK ET

2,

RUE SAINT-SULPICE

1933



HISTOIRE DES

Peintres Impressionnistes

I

Les peintres qui devaient s'appeler plus tard

les

dans leur jeunesse, lorsqu'ils se

Impressionnistes,

trouvaient encore inconnus, à Tétat d'élèves, étaient déjà

d'instinct

entraînés à s'étaient

des

indépendants,

rompre avec

en conséquence donné pour guides

et

Corot.

Ce sont

peinture

la

dans l'observation directe de ces

d'abord suivis, chacun à part

le

les

hom-

plus avant

nature et de la vie,

la

deux maîtres soi,

connus ou rencontrés. Pissarro et fité

sentaient

se

les règles traditionnelles. Ils

mes, qui avaient alors porté

-Courbet

ils

qu'ils ont

sans s'être encore

M^^® Morisot ont pro-

des conseils de Corot, Renoir a peint un

moment

sous l'influence de Courbet, Cézanne a emprunté à

Courbet, au début, sa tonalité

et sa palette. Si l'on

pouvait rassembler les toutes premières œuvres des

hommes verrait,

déjà,

qui sont devenus les

Impressionnistes, on

avec des différences individuelles pointant

un fond commun d'une même gamme,

allant

des procédés de Courbet à ceux de Corot. C'est alors

que Manet survint. 1


Rien

quand des formes

n'est plus difficile,

des modes de penser ont obtenu

ou

que de

succès,

le

d'art

se

représenter la répulsion qu'ils ont d'abord pu causer.

Maintenant que Manet

on ne saurait s'imaginer

ment causées par expliquer

le fait,

horreur

1

maître,

et la colère réelle-

Pour

faut dire qu'elles tranchaient abso-

il

produisaient alors com-

les autres

ainsi elles venaient heurter les notions

reçues et les règles acceptées.

moment où Manet

qu'au

comme un

ses œuvres, à leur apparition.

lument sur ce que

munément et qu

accepté

est

faut se rendre

Il

compte

survenait, Courbet et Corot,

qui représentaient la marche faite en avant, déplai-

que leur

saient toujours au public,

de procédés n

comprise

était

minorité de jeunes artistes

et

que Delacroix

;

membres de dans tres

en général,

art, la

Rome,

école de

1

mes venues de

formant les

versellement

le

la

nu compris

hommes

les

de

let-

le

grand

et traité d'après les for-

Renaissance italienne.

une manière uni-

enseignée

et

suivie

dans

pour distribuer en peinture lombre couleurs.

On

les

et la

ateliers,

lumière et

ne concevait point que

lumière pût être introduite sans accompagnement

obligé et corrélatif de l'ombre.

que 2

les élèves

représentation des Grecs

la

\/ll existait surtout, à cette époque,

la

couleur. Les

Tous honoraient ce qu'on appelait

peinture d'histoire,

appliquer

la

artiste

public restaient alors soumis à la

le

des Romains,

n'était

comme un

un outrancier de

Institut, les peintres

les ateliers,

tradition.

et

1

et

imitée que par une

encore généralement considéré que déréglé et incorrect,

d allures

liberté

les

On

n'admettait point

couleurs vives pussent être appliquées sans


demi-tons intermédiaires. Mais avec cette pratique de

ne mettre de

la

lumière qu'accompagnée d'ombre,

et

de n'employer de tons variés qu'avec des atténuations,

on en

était arrivé à

ne peindre que des tableaux tenus

dans Tombre, où tout riantes avait disparu,

l'éclat

La

accoutumés à ce mode

des couleurs vives

critique et le public s'étaient éteint

de

peinture,

la

apparaissait, par l'habitude, naturel.

même

et

On ne

il

leur

s'imaginait

pas qu'il pût y en avoir d'autre et on trouvait

excellente la production de

peintres, tenus

pour des

maîtres, se succédant depuis longtemps dans une même voie.

Tout à coup Manet, en 1863, au Salon des refusés avec son Déjeuner sur Vherbe et en 1865 au Salon avec

son Olympia^ présenta des œuvres venant, par leur dissemblance d'avec

Le fond

générale.

les

et la

Ton considérait comme

On avait la vie,

vivant,

autres,

causer une horreur

forme rompaient avec ce que les règles essentielles

de

l'art.

sous les yeux des nus pris directement dans

qui donnaient les formes

mais qui

mêmes du modèle

ainsi semblaient grossières et

d'un

du épuré. L'ombre

affreux réalisme, en comparaison avec les formes

nu

ti'aditionnel, soi-disant idéalisé et

appelée à

faire

opposition perpétuelle à

n'apparaissait plus. parties

que

les

Manet

autres

lumière

peignait clair sur clair. Les

eussent mises

étaient peintes par lui en tons

jours en valeur.

la

moins

Tout l'ensemble

différents plans se succédaient,

dans l'ombre vifs,

mais tou-

était coloré.

Les

en se profilant dans

la

lumière. Aussi ses œuvres faisaient-elles disparate, au milieu des autres, sombres et décolorées. Elles heur-

3


Les

Elles offusquaient les regards.

taient la vision.

couleurs claires juxtaposées, qui s'y voyaient, n'étaient

tenues que pour du

«

côte à côte, faisaient

l'effet

Manet souleva une

bariolage

telle

mis

les tons vifs,

»,

de simples taches.

animadversion,

les railleries,

les insultes, les caricatures qu'il suscita furent telles,

une immense

qu'il acquit bientôt

yeux se fixèrent sur

lui.

Il

notoriété.

insurgé,

un corrupteur

les

comme un

fut considéré

barbare, son exemple fut déclaré pernicieux,

un

Tous il

devint

à exclure des Salons. Mais

alors les jeunes gens d'esprit indépendant, tourmentés

du besoin de

se soustraire

virent

vieillie,

aux règles d'une tradition

en ce révolté contre

temps, un initiateur

et

un guide

portés vers Courbet et Corot, et se portent vers lui.

et

ils

la

banalité

du

après s'être surtout

font

un nouveau pas

Manet va donc grouper des gens

jeunes, jusqu'ici séparés et inconnus les uns des autres. se lieront par son intermédiaire.

Ils

A l'époque où

il

allait travailler

au Louvre, vers 1861,

y avait rencontré deux jeunes filles, deux sœurs, qui y poursuivaient leurs études de peinture. Lorsqu'après le Salon des refusés de 1863 et le Salon de 1865 il fut il

devenu célèbre,

souvenir des rencontres faites au

le

Louvre amena l'une des jeunes se marier

— à nouer avec

suivies. Cette lors sa

jeune

sarro, né à

4

l'autre allait

des relations artistiques

clair,

dans

la

lumière.

l'adoptaient également. Pis-

Saint-Thomas aux

faire ses études s'était

Monet

Berthe Morisot, adoptait dès

manière de peindre en

Pissarro et Claude

Il

fille,

lui

filles

en France,

Antilles, après être

était

venu

retourné dans son

île.

trouvé ainsi loin de tout milieu artistique,


Ci \-

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o CQ

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Revenu en France

retardé dans son développement.

pour

se livrer tout entier à Tart,

de paysage.

vers la peinture

gamme s'est

avancée pour

adonné

le

s'était senti

peignait

Il

porté

dans une

temps, mais qui, depuis qu'il

à la peinture claire, paraît quelque

sombre. Le Déjeuner sur Vherbe l'avaient séduit. la

il

Il

peu

l'Olympia de Manet

et

avait tout de suite su

comprendre

valeur de ces œuvres, exécutées selon une formule

nouvelle

aussi

;

entourage.

mis à

s était-il

Il fit la

vanter dans son

connaissance personnelle de Manet

en 1866, pour se tenir avec

En

les

en relations

lui

1862, quatre jeunes gens

:

suivies.

Claude Monet,

Sisley,

Renoir, Razille, élèves chez Gleyre, se liaient d'amitié. Ils allaient se

développer, animés d'un

même

Claude Monet, qui devait être parmi eux avait visité au

quatorze le

toiles,

que Manet Italiens. Il

commotion.

Il

faisait

chez Martinet, sur

en avait ressenti une véri-

avait trouvé

Damas. Cependant de il

l'initiateur,

printemps de 1863 une exposition de

boulevard des

table

esprit.

son chemin de

huit ans plus jeune que Manet,

resta plusieurs années à l'écart, sans entrer en rela-

tions personnelles avec lui. alla le voir à

son

atelier,

Ce ne

fut

qu'en 1866 qu'il

conduit par Zacharie Astruc,

mais dès lors des liens d'amitié, qui devaient jusqu'au dernier jour se resserrer, se nouèrent entre eux.

voyant comment

le

gi'oupe des Impressionnistes s'est

formé, on a l'intéressant spectacle de à

En

un moment donné, lorsque

comme flottantes dans l'air, elles hommes différents, s'influençant, autres au point de départ.

Manet

la

manière dont,

certaines idées sont

peuvent pénétrer des se guidant les

avait agi sur

uns

les

Monet 5


et

Monet

œuvres

agissait

claires produites

lui aussi à

Monet

maintenant sur

Sisley.

vue des

et

en tons

clairs.

des paysagistes, qui marche-

et Sisley étaient

une

même

Renoir au

ses tendances.

la

par Monet, Sisley se mettait

peindre en pleine lumière

raient côte à côte dans

A

voie,

chacun selon

contraire, qui venait lui

aussi à la nouvelle peinture, devait s'y faire surtout

place

comme

peintre de figures. Bazille, le quatrième

du petit groupe d'amis formé chez Gleyre, après avoir montré les plus belles dispositions, allait être enlevé prématurément. bataille

En

Il

devait

être tué,

en 1871,

à

la

de Beaune-la-Rolande.

Manet voyait Emile Zola

1866,

éclat le défenseur

parition

de son

art.

artistes, les

le

faire

L'Evénement, avant

du Figaro quotidien,

en faveur sur

se

était le

avec l'ap-

journal littéraire

Boulevard, lu de préférence par

gens de lettres

et

les

de théâtre. Le directeur,

M. de Villemessant, avait confié le compte rendu du Salon de 1866 à Emile Zola, qui débutait dans la littérature. Zola avait tout de suite présenté un éloge enthousiaste de Manet et de ses œuvres. Manet était alors honni et méprisé et Zola, par son éloge, dans un journal littéraire en faveur, avait causé une gnation,

qu

il

avait

telle indi-

dû interrompre son compte rendu

et quitter le journal. Il avait entrepris cette

campagne

en communauté d'idées avec un peintre, Cézanne, natif d'Aix,

en Provence. Zola qui avait passé sa jeu-

nesse à Aix, canal,

où son père ingénieur construisait un

y avait noué avec

lui

une

étroite

vivaient maintenant unis à Paris et leur

d'indépendance d'idées

6

les portait

amitié. Ils

communauté

ensemble vers

l'art


vigoureux

Manet.

de

Guillaumin

s'était

lié

avec

rAcadémie Suisse et, comme lui, après avoir d'abord peint dans une tonalité voisine de Cézanne en 1864

celle

à

de Courbet, venait à

gamme

nouvelle

la

des tons

clairs.

Manet

avait

différents,

rallié

des

hommes

partis

de points

qui ne demandaient qu'à entretenir avec

La question se rencontrer régulièrement. Manet avait

eux des relations

lui et entre

posa

donc

de se

suivies.

alors son atelier derrière le parc

Guyot, une rue déserte

et

son

Monceau, dans

se prêtait

Il

habitait avec sa

Pétersbourg

et

femme

auprès,

à

rue

presque délabré,

atelier,

nullement à devenir un

ne

la

lieu

de réunion.

mère rue de Saint-

et sa

de l'Avenue de

l'entrée

Clichy, existait le café Guerbois, suffisamment vaste et

luxueux. Ce café devint

ses

le lieu

où, le soir,

Manet

et

amis prirent l'habitude de se rencontrer. Les réu-

nions,

commencées au

café Guerbois

dentelles devinrent régulières. avait été le premier lien,

en 1866, d'acci-

Le groupe dont Manet

formé des peintres adoptant

son esthétique, s'accrut bientôt d'artistes d'un autre ordre

et

d'hommes de

lettres.

On

voyait là fréquentant

assidûment Fantin-Latour, qui devait garder sa manière

donnée Belot, Duranty

de peindre distincte. Guillemet paysagiste de naturaliste, les graveurs

Desboutin

et

romancier

de l'école

réaliste,

et

critique

la

Zacharie

Astruc, à la fois sculpteur et poète. Emile Zola, Degas,

Stevens et Cladel

le

romancier,

souvent. Vignaud, Babou, Burty

s'y

montraient assez

hommes

de

lettres

étaient des plus assidus. Ceux-là formaient, avec les

peintres rattachés directement à Manet, le fond

du 7


groupement; mais lorsque amis

les

un monde

d'artistes

parmi eux

esprit

de

Guerbois se remplissait de tout

lité d'artiste

tenants de

l'esprit

il

donnait

le

ton aux discussions. Sa qua-

persécuté, repoussé des Salons, honni des

l'art officiel,

de révolte les

intellectuelle,

à soutenir le

là,

en

comme

faisait

dont en

art et

années 1868, 1869

et

en

chef des

littérature

1870, jusqu'à

un centre de

la

vie

où des hommes jeunes s'encourageaient bon combat et à braver les dures conséCar

il

ne

s'agissait

moins que d'un soulèvement contre systèmes généralement reçus

de rien

les règles et les

et respectés.

On

était

second Empire, alors que le principe d'autorité,

vigoureusement implanté dans nait

le

commun.

était le trait

quences à en prévoir.

le

Manet

dominante; avec sa verve, son

guerre, le café Guerbois fut ainsi

sous

lettres.

valeur de son jugement sur les

la

assemblés

Pendant

d'hommes de

et

la figure

saillie,

choses d'art,

hommes

réunions furent connues,

connaissances des habitués y vinrent aussi

et

et certains soirs le café

était

les

les institutions,

don-

aux corps constitués de tout ordre, aux acadé-

un immense pouvoir,

mies, aux jurys des Salons,

permettant

d'exercer

choses dart. Mais au

modes nouveaux adopte

une

vraie

moment où

dictature sur

leur les

certaines formes et

arrivent à l'éclosion, la jeunesse les

et est alors

possédée d'une sorte de feu sacré,

tellement que les obstacles ne sont plus vus et que la résistance à vaincre ne fait qu'exciter à

avant.

En

efiet

Manet

bien dans leurs vues, les

8

uns

les autres,

et ses ils

marcher en

amis se confirmaient

si

s'encourageaient à ce point

que l'opposition,

les railleries, les


insultes, la misère à certaines heures,

ne devaient nul-

amener

à jamais dévier

lement de

la

Au

les faire fléchir et les

voie où

ils

entreraient.

milieu des discussions d'ordre général poursui-

Manet

vies au café Guerbois,

et les peintres ses

amis

se tenaient particulièrement à leur art. Ils dévelop-

paient du

même

coup

la

théorie et la pratique de la

peinture par tons clairs, en plein et le plein air

ont

dans ces années,

fait,

leurs recherches persistantes.

jour

Les tons

air.

clairs

de

l'objet

Manet qui jusqu'à ce

n'avait peint ses scènes d'extérieur,

Déjeuner sur Vherhe, que dans son

comme

atelier, d'après

le

des

études faites au dehors, se mettait alors à exécuter

des tableaux importants directement en plein

de

une vue de l'Exposition

universelle, placée

d'assez

Il

la

au Ghamp-

peignait dans les étés de 1868 et de 1869,

nombreux tableaux de

logne. Mais

Il

hauteur du Trocadéro,

peignait ainsi en 1867,

de-Mars.

air.

il

plages et de

ne devait jamais consacrer à

mer la

à

Bou-

peinture

qu'une part de sa production, tandis que

de plein

air

Pissarro,

GlaudeMonet,

raient entièrement et

parmi eux, Renoir,

Sisley,

que

Guillaumin s'y adonne-

même

le

peintre de figures

y appliquerait, dans ces années, d'une façon dominante.

Manet

et ses

s

amis allaient donc adopter des manières

de vivre dissemblables, en rapport avec leurs manières

de travailler différentes. Alors que Manet, essentielle-

ment un Parisien peindre des figures

attaché au Boulevard, resterait à et

des sujets dans

l'atelier,

n'en sortir qu'aux occasions spéciales où

peindre des scènes en plein

air, les

il

pour

voudrait

autres délaisse-

9


raient Paris et s'établiraient à la

nant

le travail

de

l'atelier,

directement devant

campagne, abandon-

pour se

tenir

en plein

air,

la nature.

Les années de réunion au café Guerbois ont été fécondes. Manet donne aux hommes venus se grouper autour de et,

lui la

technique des tons

en échange d'idées,

comme

lumineux

s'avancent alors diverse-

ils

ment, mais tous ensemble, dans air. Il est resté,

clairs et

la

peinture du plein

témoignage de

cette

heureuse

entente, le tableau peint par Fantin-Latour, sous le titre

d'Un

atelier

de 1870'.

On

autour de

lui,

Batigiiolles,

exposé au Salon

y voit Manet peignant à un chevalet

apport, Monet, lettres,

aux

qui avaient profité de son

les peintres

Renoir, Bazille

qui s'étaient

et,

et

les

hommes

de

défenseurs, Zola, Zacharie

faits ses

Astruc. C'est d'ailleurs par une licence d'artiste que

Fantin-Latour a groupé ses personnages dans un atelier, car en réalité ils ne s'j^ sont jamais réunis de la sorte.

Seul

le café

Guerbois

La guerre de 1870 Manet et ses amis.

et

les recevait

ensemble.

l'invasion vinrent disperser

II

Pissarro pendant la guerre devait se trouver à Lon-

Monet à Amsterdam, Zola à Bordeaux, Manet demeuré à Paris devenait officier dans l'état-major de dres,

la

garde nationale. Lorsque

(1)

10

la

paix fut revenue,

Maintenant au Musée du Luxembourg.

le café

4


Guerbois, délaissé pendant

guerre, resta définitive-

la

ment abandonné. Les réunions qui

s'y étaient tenues

ne furent pas reprises. Pissarro, Monet, Sisley déjà établis hors

de Paris avant 1870, s'y fixèrent

définiti-

vement, Pissarro à Pontoise, Monet à Argenteuil, Sisley à Voisins et bientôt après à Anvers. Les peintres

donc plus

Cézanne

alla

lui-même résider

amis de Manet ne se trouvaient

pour continuer avec

placés,

lui et

entre eux

des relations aussi suivies qu'auparavant.

Les rapports ne cessèrent point, mais

moins fréquents

Manet

et

travaillait.

Peu après

la guerre,

pour venir occuper,

4,

Cependant et

en plein

les

le

il

avait en effet

Guyot aux Bati-

rue de Saint-Péters-

bourg en plein Paris, un entresol, où facilement ceux qui

furent

eurent lieu dans l'appartement où

quitté son atelier à l'écart, dans la rue gnolles,

ils

il

put recevoir

recherchaient.

jeunes peintres peignant en tons clairs

air avaient

peu à peu

attiré l'attention.

Les

réunions du café Guerbois n'étaient point restées ignorées, des

plus ou

journaux en avaient parlé.

moins su que des

autour de Manet

On

artistes se

et subissaient

avait alors

réunissaient

son influence. Ce grou-

pement avait d'ailleurs paru tout à fait bizarre, formé d'hommes sûrement dévoyés. Le tableau de Fantin, Un atelier aux Batignolles, exposé au Salon de 1870, avait été regardé.

désignés

comme

Après cela Manet formant

et ses

amis furent

l'école des Batignolles.

Ils

avaient rallié des défenseurs encore rares, mais qui

cependant achetaient de leurs tableaux

et les

vantaient

autour d'eux. Quelques marchands étaient venus, qui

en montraient à leur

clientèle.

11


Les peintres développant une nouvelle formule com-

mençaient donc à être connus dans s'occupe des choses d'art, et

question de savoir

Salons ou ailleurs. assez

qui

pensèrent maintenant

ils

systématiquement leurs œuvres. la

monde

du grand public, en exposant

à conquérir Tattention

soudre

le

Ils

eurent alors à ré-

s'ils

exposeraient aux

avaient pu, malgré des refus

Ils

aux Salons

fréquents, pénétrer suffisamment

avant 1870. Pissarro, l'aîné de tous, avait

commencé

à

exposer des paj^sages aux Salons, dès 1859. Refusé en 1863,

il

année-là.

avait exposé au Salon des refusés de cette avait ensuite été reçu

Il

aux Salons de 1865,

1866, 1868, 1869 et 1870.

Il

loppé sa manière claire, sa

gamme

donnée de Courbet

n'avait pas encore déve-

de Corot

et

de couleur dans

s'était fait accepter.

NP^ Berthe Morisot avait de

même

breux Salons sans rencontrer

d'hostilité.

futurs

les

la

exposé à de

nom-

1868 avait vu

Impressionnistes Pissarro, Monet, Sisley,

Renoir exposer à un

même

Salon. Renoir envoyait

œuvre importante. Lise, peinte en plein air, et déjà claire pour l'époque, mais qui, dépendant encore de la technique de Courbet, n avait pas suscité d'opposition décidée. Pendant ces années de début,

surtout une

les toiles les

plus osées étaient venues de Claude Monet,

qui s'était mis tout de suite, avec le plus de hardiesse, à peindre en plein air, en tons clairs et tranchés.

En

pu avant 1870,

définitive s'ils avaient

se faire

recevoir aux Salons, d'une manière fréquente,

devaient à ce que

la notoriété

restreinte, à la circonstance

n'apparaissait

12

toujours

ils le

acquise n'était encore que

que l'emploi des tons

chez

eux qu'atténué

clairs et

en


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RENOIR.

Femme

au Jardin.

.,*%^



outre à ce

fait

qu'épars dans les

salles, leurs

pratiques

communes

n'avaient

n'avaient-ils

obtenu aucun avantage commun de groupe.

Ils

point pu

frapper,

mais aussi

avaient donc pu pénétrer aux Salons avant la guerre,

mais lorsqu'après

ils

se furent enhardis à développer

tout à fait leur manière, lorsqu'ils vinrent à être connus,

que

l'attention fut fixée sur eux, qu'ils furent tenus

pour des révoltés, que leurs œuvres eurent acquis un tel

caractère de nouveauté

qu'elles

ne purent plus

passer sans soulever l'animadversion,

que les Salons se fermeraient pour eux refusés systématiquement.

il

était certain

y seraient D'ailleurs, en supposant et qu'ils

qu on les y eût encore admis, ils n'y figureraient jamais que dispersés, loin les uns des autres. Ils continueraient à n'y obtenir qu'une attention distraite, les principes qu'ils représentaient, à l'état

manifester avec assez d'évidence, pour

arriver à se

être reconnus. Ils vont

Salons.

Ils

donc renoncer à envoyer aux

exposeront ailleurs tous ensemble.

L'année 1871, par suite de la

guerre

1872

et

que de

dégroupe, ne pourraient

civile,

en 1873,

n'avait pas les

la

guerre étrangère et de

vu de Salon. Repris en

Salons ne reçurent alors d'œuvres

Berthe Morisot. Renoir, qui

la seule

s'était

pré-

senté isolément à ces Salons, avait été refusé. Trois ans s'étaient ainsi écoulés, sans

nistes eussent

pu

se

que

les futurs

Impression-

montrer au public. Pour des gens

jeunes, ardents, désireux de se produire, c'était

long temps.

Ils se

concertèrent donc afin de tenir, en

1874, une exposition particulière. Mais alors eut à décider s

il

un

allait

première divergence

Manet

ou non exposer avec eux. Une

s'était

produite entre lui et eux,

13


lorsqu'ils étaient allés s'établir à la

peindre surtout en plein Paris, vailler

campagne, pour y

tandis qu'il restait

air,

à

pour y peindre dans son atelier et n'aller traqu'accessoirement en plein air. Maintenant une

nouvelle divergence survenait, qui accentuait la première.

continuer d'exposer aux Salons,

allait

Il

laissant exposer ailleurs.

Il

en

avait

les

effet forcé l'enti'ée

des Salons par une bataille éclatante, qui lui avait

obtenu

la

renommée,

et

il

ne voulait pas perdre l'avan-

tage acquis d'y paraître, en excitant l'attention univer-

pour

selle,

montrer ses œuvres à

aller

manière moins retentissante.

Il

l'écart,

d'une

continuera ainsi d'ex-

poser aux Salons, pendant que ses amis, encore rela-

tivement à

un autre

des débutants, livreront leur bataille sur

lui

terrain.

Pissarro, Claude Monet, Sisley, Renoir, Berthe

Cézanne

risot,

et

Mo-

Guillaumin se produisaient donc

tous ensemble, à une première exposition en 1874.

Cependant

ils

de groupe

trié,

n'allaient pas se présenter seuls, à l'état

au public.

d'autres artistes. C'était

Ils

s'étaient associés avec

une tentative hardie que

de tenir une exposition particulière,

celle

elle entraînait à

des frais relativement considérables, qu'ils désiraient faire

partager.

Pour

attirer

visiteurs et avoir plus de

de

un nombre

de

chances d obtenir l'attention

la presse, ils sentaient aussi qu'il fallait élargir le

cercle et s'unir à des artistes déjà plus

ayant,

comme

pendance s'étaient

qui prit

14

suffisant

ou moins connus,

point de ressemblance avec eux, l'indé-

d'esprit

et

la

liberté

de l'esthétique.

Ils

donc combinés, pour former un assemblage,

le titre

de Société anonyme des

artistes peintres,


Bracquemont, de Brandon, des paysagistes Boudin, Cals, Gustave

sculpteurs et graveurs, avec Degas, Nittis,

Collin, Latouche, Lépine,

Rouart

et

quelques autres,

en tout trente exposants.

Une grande de Paris,

salle d'exposition

Société

la

avait

loué,

manquant au centre 35,

boulevard des

Capucines, une suite de pièces occupées par

le

photo-

graphe Nadar. Ce local se trouvait sur un boulevard,

où passe tout

Les affiches mises à

Paris.

la

porte

atti-

reraient suffisamment les regards pour qu'un assez

grand nombre de visiteurs se décidât à monter Tescalier et

à payer le franc d'entrée, sur lequel les expo-

sants comptaient pour couvrir leurs frais. L'exposition s'ouvrit le 15 avril.

Le nombre des

vement considérable

visiteurs fut relati-

et la notoriété fort

quirent en particulier les peintres de

Mais

ture, dut les satisfaire.

la

accrue qu'ac-

nouvelle pein-

d'ailleurs ce furent

notoriété et

un renom désastreux. Le public ne

eux que des

artistes

une

vit

en

dévoyés, ignorants, présomptueux,

ne peignant que des choses informes.

Cependant

ils

allaient voir sortir

pour eux de

cette

exposition une conséquence qu'ils n'avaient pas prévue. Ils allaient

manqué

en obtenir un nom, chose qui leur avait

jusqu'alors.

En

effet

on a vu qu'en parlant

d eux, nous n'avons trop su comment nous y prendre pour les dénommer, disant les amis de Manet, ou les peintres de la nouvelle peinture, ou les futurs Impressionnistes.

De même jusqu'en 1874 ceux

s'occuper d'eux, à

comment

les

uns disaient

un

titre

désigner. les peintres

quelconque, ne savaient

Un nom de

qui pouvaient

la

leur manquait. Les

nouvelle peinture. C'est

15


ce titre de la Nouvelle peinture, que Duranty, dans

une brochure qui leur nellement

était

consacrée, prenait person-

d'autres les appelaient les Indépendants

;

ou encore

Cependant quand une

les Intransigeants.

chose existe, une appellation survient sûrement pour la désigner.

Au le

milieu des trente peintres qui se produisaient sur

boulevard des Capucines,

hardiment adopté

c est

1

une

amis de Manet, ayant

du plein Claude Monet avait

pratique des tons clairs

surtout les regai'ds.

air, attiraient

envoyé des

la

les

et

toiles particulièrement caractéristiques et

d'elles,

qui

exposait cinq, dont soleil levant,

allait faire surgir le

Tune

avait

pour

une vue prise dans un

titre

:

port.

nom.

Il

en

Impression,

Des bateaux

sur l'eau, légèrement indiqués, apparaissaient au travers d'une buée transparente,

rouge.

Au

titre

qu'éclairait le

soleil

Impression correspondait une touche

rapide et légère et des contours fondus, dans une

enveloppe générale. Cette œuvre donnait bien

mule de fît-elle

l'art

nouveau, aussi par son

titre et sa

naître l'expression qui paraissait le

tériser les artistes qui le représentaient,

la for-

facture

mieux caraccelle

d Im-

pressionnistes.

Le mot, venu en quelque les lèvres

tête

des

spontanément sur

des visiteurs, fut pris et appliqué par

le

Un

de ses rédacteurs, Louis

mettait Exposition

des Impressionnistes, en

Charivari, le 25

Leroy,

sorte

d'un

article

avi'il.

consacré aux exposants du boulevard

Capucines. Le

nom nouveau

n'était

du

reste

employé que dans le sens le plus défavorable, approprié à des

16

hommes

considérés

comme

ignorants et pré-


fit

a.

3 ci

c

3

h

o 5

o r

mr'WHL. LiLi!,_i"i. 'ï^vsrvatfn

ri^^fa

ÉiiMÉrti

M



somptueux. L'article et

n'était

qu'une suite de

de sarcasmes. Le Charivari

Pierre Véron,

un

homme

était alors

sans jugement artistique.

comme

repousser Forain la

qu'on

montrait de

lui

dessinateur,

moindre apparence de

découvrir

Il

il

ne

incapable de

talent

dans ce les

laissait apparaître

nom dans son journal qu'à titre de Le nom d'Impressionnistes, employé

leur

mit du temps à se répandre

Il

devait

Et maintenant que

lui.

Impressionnistes survenaient,

vari^

dirigé par

systématiquement bafouer Manet.

faisait

railleries

il

;

dénigrement. par

le

Chari-

ne devint d un

usage général qu'après quelques années. Les artistes

auxquels on l'appliquait ne point

remarquèrent d'abord

puis lorsqu'il fut assez répandu pour qu'ils ne

;

pussent l'ignorer, ne part,

le

ils le

le voyant

employé qu'en mauvaise

repoussèrent. Ce ne fut qu'ensuite, lorsqu'il

fut tout à fait usité,

mêmes un

autre

que faute d'avoir pu trouver eux-

nom

à se donner,

ils

finirent par

l'accepter et se l'appliquer. L'exposition d'avril 1874,

sur le boulevard des Capucines, quoiqu'elle n'ait attiré

que

curiosité

la

comme

signalée que le voit

de

chose méprisable, a marqué, on

maintenant, une date importante dans Ihistoire

l'art

français au xix^ siècle.

ensemble, pour la

banale des passants, ou n'ait été

technique,

le

la

première

système,

un apport nouveau

et là

les

fois,

se sont produits

des peintres dont

procédés constituaient

encore se créaient

les

mots

Impressionnistes et Impressionnisme, dont on peut dire qu'ils ont fait le tour

En

attendant,

maintenant

les

les

du monde.

peintres que nous appellerons

Impressionnistes ne

retiraient

que 17

2


mépris de leur exposition. Leurs œuvres devenaient invendables. Les soi-disant connaisseurs, les collecse refusaient

tionneurs

en

particulièrement à

tout

acheter. Les Impressionnistes devaient le reconnaître, à l'occasion d'une vente qu'ils tentaient, en

entreprise tant pour continuer à se montrer

Ils l'avaient

au public, à défaut d'une exposition à

même

mars 1875.

de

qu'ils n'étaient pas

année, que pour se procurer

faire cette

quelque argent. Claude Monet, Sisley, Renoir, Berthe Morisot faisaient donc passer aux enchères, à Drouot, 70 tableaux. Ceux qu

en élevant quelque peu

les prix,

à des prix très bas, que dans

Le

de

total

tant

pour

la

Hôtel

essayaient de pousser,

ils

devaient être retirés.

ne trouvaient d'acquéreurs pour

Ils

1

les autres, laissés

un tout petit cercle d'amis.

vente ne dépassait pas 10.349 francs,

tableaux retirés que vendus.

les

Cependant

ils

n'étaient pas

hommes à

fuir le

combat.

Ils

renouvelleraient leurs expositions avec persistance.

Ils

n'avaient pas été en mesure d en tenir une en 1875,

et leur

seconde exposition ne put avoir lieu qu'en

1876, deux ans après galeries de

la

M. Durand Ruel, rue Le

Claude Monet,

Sisley, Renoir,

présentaient ensemble. raissait

première. Elle se

avec eux pour

Une la

fit

Berthe Morisot s'y re-

recrue Caillebotte appafois;

Cézanne

Le nombre des

n'appartenant pas à leur système avait décru.

de 30 exposants en 1874

que 19 en 1876. Le

il

nom

les

Peletier; Pissarro,

première

Guillaumin manquaient.

dans

et

peintres

Au

lieu

ne s'en trouvait en tout d'Impressionniste devint

d un usage courant, à l'occasion de cette seconde exposition.

18

Les

visiteurs,

les

journalistes, les criti-


comme

ques s'en servirent,

d'un terme approprié

et

expressif.

Les Impressionnistes retiraient donc de leur seconde exposition

un

surcroît de notoriété, mais sans progres-

Au

ser dans la faveur publique.

devenaient plus connus,

qu'ils

contraire, à ils

mesure

se voyaient plus

méprisés. Voici par exemple de quelle manière Albert

WolS, le

alors réputé

comme

Figaro du 3 avril 1876

critique, parlait d'eux

:

«

La rue Le

dans

Peletier a

du

malheur. Après l'incendie de TOpéra, voici un nouveau désastre qui s'abat sur le quartier.

^

On

vient d'ouvrir

chez Durand-Ruel une exposition qu'on dit être de

Le passant inoffensif entre et à ses yeux épouvantés s'offre un spectacle cruel. Cinq ou six aliénés, dont une femme, s'y sont donné rendez-vous pour peinture.

exposer leurs œuvres.

y a des gens qui pouffent de rire devant ces choses-là, moi, j'en ai le cœur serré. Ces soi-disant « Il

Impression-

artistes s'intitulent les Intransigeants, les

nistes. Ils

prennent des

de

toiles,

la

couleur et des

brosses, jettent au hasard quelques tons et signent le tout.

C'est ainsi qu'à Ville-Évrard des esprits égarés

ramassent

les cailloux sur leur

trouvé des diamants.

chemin

et croient

avoir

»

Plus que jamais décidés à poursuivre

le

combat,

ils

organisaient une troisième exposition, en avril 1877. Elle se tenait au n° 6 de la rue

Le

Peletier,

au premier

étage d'une maison en réparation, loué pour la circonstance. Ils disposaient ainsi des pièces d'un vaste appar-

tement, qui leur donnait l'espace suffisant pour trer les

241

toiles réunies.

Ils

étaient

sur

mon-

une rue 19


du Boulevard, ce qui

passante, en vue

leur assurerait

des visiteurs. Cette fois-ci le groupe des Impressionnistes purs remplissait

presque entièrement l'exposition.

nonçant au

En effet,

re-

primitif de Société anonyme^ qui ne

titre

un

constituait point

nom

vrai

nom,

ils

se décidaient à s'ap-

d'Impressionnistes, qu'on leur avait

proprier

le

donné à Pendant

leur insu et qu'ils avaient jusqu'ici repoussé. l'exposition

ils

allaient publier, sous le titre

de l'Impressionniste, Journal

d'art,

une

feuille

de pro-

pagande, ornée de dessins. Cette prise de possession du

mot Impressionniste tistes

moins

avait

amené

osés, peignant

à se retirer ces ar-

dans une

gamme moins

colorée, qui s'étaient à la première exposition tenus

avec eux.

Au

lieu

dix-neuf en 1876,

que

dix-huit. Et

revenaient cette

Monet,

de trente exposants en 1874 il

comme tous les fois-ci

vrais Impressionnistes

ensemble,

Pissarro, Claude

Berthe Morisot, Cézanne, Guil-

laumin, avec Caillebotte

et

quelques autres recrues,

De

leurs tableaux tenaient presque toute la place.

plus tranché et

de

ne s'en trouvait plus maintenant

Sisley, Renoir,

fait l'exposition,

et

ce

moins mélangée, avait un caractère une apparence d'intransigeance plus

marquée que la première de 1874. En outre, comme ils étaient animés d'un même esprit et d'une égale ardeur, que se soutenant, se stimulant les uns les autres, ils

avaient depuis trois ans développé et accentué les

particularités qui les distinguaient, leur troisième exposition était

autrement audacieuse que

la

première. Les

Impressionnistes s'étalaient donc, cette fois-ci pour

pubHc, dans

20

la

plénitude de leur monstruosité

;

le

aussi


o T3

C O E a

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U > 3 O -J

3

O -M 1/1

OS

o

a

c o

C o c:

00



produisirent-ils sur lui

un

extraordinaire d'hila-

effet

de mépris, d'indignation, d'horreur.

rité,

L'exposition devint parlait

comme

du Boulevard, très visitée.

On

était

quelconque.

productions considérées

On

n'y allait que pour se

par

extravagantes. Aussi

On

voyait des gens qui,

la gaîté attendue,

rue et en montant

rire

dans

la

trés

dans

les salles, se tordaient

Le courant était tellement

spectacle de

le

haussements d'épaules cons-

tants de la part des visiteurs.

en perspective de

donc

point attiré par un inté-

comme

étaient-ce des rires et des

en

les cafés

les cercles et les salons. Elle fut

plaisir d'excentricité,

tisans ralliés

parisien.

d'une chose surprenante, dans

Mais on n'y

rêt artistique

donner un

un événement

commençaient à

les escaliers et qui,

en-

au premier coup dœil.

violent que les quelques par-

par les Impressionnistes se trouvaient

absolument impuissants à agir sur l'opinion d'aucun visiteur, même de ceux qu'ils connaissaient. Toute apologie ou défense qu'ils voulaient présenter était

immédiatement

moquer du

arrêtée,

comme une

prétention à se

public.

L'apport des novateurs en peinture ne

s'est

jamais

produit, au xix* siècle, sans souleverune opposition plus

ou moins violente.

Si les Impressionnistes étaient aussi

maltraités à leur exposition de 1877, c'est qu'ils avaient atteint leur plein

développement

et qu'ils

montraient

réellement des œuvres d'un caractère différent de ce

que Ton

avait encore vu.

Cézanne

était

qui excitait et devait exciter longtemps reur.

On

de tous celui le

plus d'hor-

peut dire, pour caractériser l'opinion qu'on

s'en formait, qu'il faisait

l'effet

d'un monstre, d'un

21


ogre.

avait

Il

mis du temps à pleinement se développer.

A la première

exposition de 1874,

il

envoyait

La Mai-

son du pendu à Auvers, une œuvre déjà puissante, mais qu'il devait

tensité

de coloris

portrait de

Le

dépasser et

et qu'il dépassait

et les

Monet,

Claude

le

Renoir, Guil-

Sisley,

rimpressionnisme de plein

exposait des potagers, des

in-

paysages exposés rue

laumin montraient, portées à Textrême point, cularités de

en

effet,

en originalité de facture, avec

M. Choquet

Peletier.

en

les parti-

Pissarro

air.

champs de choux,

sujets

jugés absolument bas et anti-artistiques.

Les exposants, dans leur hardiesse, faisaient donc Teffet

de barbares, d ignorants, de malotrus

traités

tiques.

comme

tels

par

Le Charivari, qui ne leur

un nom que pour les

On

le public, la

et ils étaient

presse et les cri-

avait d'abord trouvé

dénigrer, les poursuivait d'injures.

peut résumer l'opinion

commune

à leur égai'd par

ce jugement, porté dans la Chronique des Arts Curiosité. «

MM.

Claude Monet

de se produire, ont exposé second 14.

Il

le

et

qu'elles sont. Elles

provoquent

de la

Cézanne, heureux

premier 30

faut les avoir vues

et

toiles, le

pour s'imaginer ce

le rire et

sont cepen-

dant lamentables. Elles dénotent la plus profonde ignorance du dessin, de les enfants ils

etc.,

devant eux.

composition, du coloris.

s'amusent avec du papier

font mieux.

Cordey,

la

MM.

Levert,

et

Quand

des couleurs,

Guillaumin, Pissarro,

ne méritent pas en vérité qu'on

s'arrête

»

Lorsque l'exposition se ferma,

les

Impressionnistes

donc parvenus à une grande renommée, mais à une renommée qui en faisait des condamnés. Ils étaient

22


voulurent se procurer quelque argent, par une nouvelle vente aux enchères. Elle n'eut pas meilleur succès que

première, tentée en 1875. Quarante-cinq toiles de

la

Caillebotte ne produisaient

Pissarro, Sisley, Renoir,

que 7.610 francs

encore un assez grand nombre

et

La vente eut 28 mai, devant un public qui

d'entre elles avaient-elles dû être retirées.

Hôtel Drouot,

lieu à

1

s'était

rendu

dont

là,

le

pour continuer

mépris

les rires et les

avait gratifié les peintres à leur exposition,

il

rue Le Peletier. Les toiles soulevaient des huées,

mesure qu'on

les présentait.

On

à

s'amusa à en passer

plusieurs de mains en mains, tournées de haut en bas.

C

était

une plaisanterie que

le

Charivari avait inau-

gurée, en prétendant que dans les paysages des Impres-

on ne distinguait point de

sionnistes,

que

la terre, les

haut

le ciel

restant informes,

indifféremment du bas de

vait faire dii

eaux,

le

ligne d'horizon,

la toile le

on pouhaut, et

bas. Cette plaisanterie devint à la

mode.

Elle s'établit au théâtre, où dans les revues on introduit

un rapin impressionniste, incapable lui-même de

découvrir

le

haut

bas des

et le

sur la scène, devant

le

Ce soulèvement de

toiles, qu'il barbouillait

public. l'opinion,

ces

manifestations

d'universel mépris eurent pour résultat d enlever aux

malheureux œuvres,

artistes

même

trouva

possibilité

de vendre leurs

au plus bas prix. Les quelques amis

qu'ils s'étaient faits,

limitées,

la

dont

les

ressources étaient très

n'ayant pu se grossir de recrues, bientôt

plus

M. Durand-Ruel, lement soutenu

personne

le seul

les

pour

en

il

ne se

acheter.

grand marchand qui eut réel-

Impressionnistes

et

qui avait com-

23


mencéàleur trouver des acheteurs,

lorsqu'ils n'étaient

pas encore trop signalés au mépris public, maintenant

que

du

réprobation

la

était

devenue générale, ne put plus

tout vendre de leurs œuvres. Après avoir longtemps

persisté à fices,

il

en empiler chez

lui,

aux prix de gros

sacri-

se trouva à la fin épuisé et dut s'arrêter. Alors

ce furent, pendant des années, la gêne complète, la

misère noire, pour ceux d'entre

demander au produit de

eux qui devaient

moyens

leur pinceau leurs

entiers d'existence.

faut dire, à la louange de ces

Il

mépris,

les

hommes, que

opprobres, la pauvreté ne les ont à aucun

moment amenés

à dévier de leur voie. Ils se sont tenus

à leur manière tant honnie, sans chercher tant à la modifier

en quoi que ce

accepter du public.

Ils

années, tout

eux

et

le

soit,

seul ins-

pour se

faire

ont attendu, pendant de longues

temps nécessaire, que

le

un

le

public vînt à

qu'un changement d'opinion se produisît, sou-

tenus par la conviction qu'ils avaient de la justesse de leurs principes et de la valeur de leur art.

En

1877, à l'issue de leur exposition, les Impres-

sionnistes ne pouvaient donc

Leurs rares

amis demeuraient impuissants

devaient subir l'insuccès et allait travailler

trer,

et à

la

et

ils

misère. C'est le temps qui

pour eux C'est leurpersistance à se mon.

qui amènerait le public à se familiariser avec eux

trouver à la fin bonnes des formes qui, à leur appa-

rition, lui auraient

sionnistes vont

n'auront plus, le bruit

24

compter sur aucun appui.

semblé monstrueuses. Les Impres-

donc continuer leurs expositions. Elles

il

est vrai, l'importance et

de celle de 1877, qui marque

ne feront plus

comme un

point


culminant

des sept se trouvera relâché.

et le faisceau

Cézanne, possesseur d'une aisance personnelle, que n'inquiétait point le souci de vente, ne prendra plus

part à aucune exposition.

Les autres continueront,

mais parmi eux Pissarro

Berthe Morisot seront

et

les

plus assidus, tandis que Monet, Sisley, Renoir, Guil-

laumin, s'abstiendront à plusieurs reprises, tantôt Tun, tantôt l'autre.

Des expositions successives avaient

ainsi lieu,

en

1879, avenue de l'Opéra en 1880, rue des Pyramides ;

;

en 1881, 35, boulevard des Capucines; en 1882, rue Saint-Honoré; en 1886, 1, rue Laffitte. En 1880 une exposition exclusive d'œuvres de Claude tenait sur le boulevard des Italiens,

En

journal, la Vie moderne.

ayant loué temporairement

son n° 9 du boulevard de

se

aux bureaux du

1883, M. Durand-Ruel,

le

la

Monet

la

mai-

faisait

pen-

premier étage de

Madeleine, y

dant quatre mois, de mars à juin, des expositions consacrées chaque fois à un peintre, d'abord à Claude

Monet, puisa Renoir, Pissarro

que

les

chaque

et Sisley.

On voit ainsi

expositions des Impressionnistes changeaient fois

de

lieu. Elles

ont eu une sorte de caractère

ambulant. La plupart ont encore présenté cette singularité

de se tenir dans des appartements inoccupés

de maisons neuves ou en réparation, loués momenta-

nément pour la circonstance. La principale condition que l'on demandait aux locaux était de se trouver sur une voie fréquentée, où l'on pût attirer l'attention de nombreux passants. Ces expositions faisaient de plus en plus connaître les Impressionnistes,

mais sans

qu'ils vissent

d'abord

25


changer l'opinion à leur égard

et qu'ils

en retirassent

de réels avantages. La lutte ingrate se prolongea donc

pendant des années. Vers 1886-1888

le

milieu devenait

plus favorable. Les amis de la première heure avaient fait

De nouveaux venus

des recrues.

peindre dans

la

gamme

de l'Impressionnisme

claire. Ils

arrivaient dans la presse.

du

changement coup

Ils

et

années 1894-1895 un

en France

amenait tout à

et à l'étranger,

à

mêmes œuvres impressionnistes d abord

méprisées.

L'époque delà misère était passée, sition et le

cercle

allèrent alors gagnant sans

partir des

les collectionneurs,

honnies

le

Des défenseurs leur

décisif se produisait, qui

rechercher ces si

A

terrain.

étendaient

donnaient une certaine consé-

et

cration aux premiers apparus.

cesse

se mettaient à

et

quoique l'oppo-

dénigrement persistassent dans de nombreux

quartiers et que la lutte dût être poursuivie, la victoire éclatante et définitive

ne

fut plus

douteuse.

III

>

Comment

inattendus

traits

excitait

A

l'art

d abord

des Impressionnistes présentait-il des ?

D'où

lui venait cet aspect à part,

le rire, le

mépris

qui

et l'horreur.

leur point de départ les Impressionnistes avaient

Manet la technique des tons clairs, débarrassés des ombres traditionnelles et ils s'étaient mis à peindre pris à

directement en plein air devant

la

nature.

Ils

avaient

trouvé déjà en usage la pratique de peindre en plein air, ils

26

n'en étaient pas

les inventeurs.

Gonstable en


Angleterre, Courbet et Corot en France Tavaient appli-

quée auparavant, mais ceux-ci ne s'en étaient

servi

qu'accessoirement, pour obtenir des esquisses et des études, leurs vrais tableaux étant toujours peints à Tatelier.

La grande innovation des Impressionnistes de généraliser l'exception.

avait été

systématiquement

à la peinture

Ils

du plein

s'adonnèrent

air.

Tous

leurs

paysages, pour les peintres de figures tous les tableaux

fonds de paysage, furent exécutés au dehors, dans

a^^ec

l'éclat vif

de

la

lumière, devant la scène à représenter.

L'emploi exclusif des tons dans

clairs et l'usage persistant

de peindre en plein

air,

combinaison neuve

et hardie,

aux

nouveaux.

traits

tout le

temps devant

En la

la

lumière, formaient une

d'où devait sortir un art

effet le

nature

peintre qui se tenait

conduit à en

était

saisir

les colorations variées et fugitives, négligées jusqu'alors.

Un

paysage n'était plus pour

ou

le

temps

gris,

même, par

lui le

le soleil

par Ihumidité ou la sécheresse,

le

Le peintre enfermé dans l'atelier avait donné à la nature une sorte d'aspect uniforme, de caractère constant, que le peintre en plein air ne pouvait connaître. Pour le peintre dans matin, à midi ou

le soir.

l'atelier, le feuillage avait été

avait eu

une

a

d'un vert déterminé, Teau

couleur d'eau

»

permanente,

le

ciel

avait été d'un certain bleu et les nuages d'un certain gris.

Mais à llmpressionniste

lesquelles

il

tenait tout le

les

temps

scènes naturelles, sur

les

yeux, ne purent se

présenter que sous les aspects divers, que les variations de la lumière et les

leur faisaient prendre.

changements de l'atmosphère Et

comme

Tlmpressionniste

disposait des ressources procurées par l'emploi des

27


tons clairs, débarrassés d'ofnbres,

put appliquer sur

il

ses toiles ces couleurs éclatantes, qui correspondaient

aux

On

effets variés

que

les scènes naturelles lui offraient.

vit ainsi apparaître,

dans

les tableaux des

sionnistes, les plaques de lumière

que

à travers le feuillage, étend sur le sol les verts

temps,

;

le soleil,

on

vit

Imprespassant

reproduire

tendres et aigus qui couvrent la terre au prin-

les

champs brûlés en

été par le soleil prirent

des tons roussis, l'eau n'eut plus de couleur propre,

mais

les reçut toutes

en succession. Puis

sionnistes ayant découvert effets

que

les

les

Impres-

ombres, selon

les

de lumière, sont en plein air diversement colo-

rées, peignirent sans hésiter des

ombres bleues,

vio-

lettes, lilas.

Les œu\Tes ainsi exécutées présentèrent tout à coup

au public une coloration,

qu'il n'avait

encore jamais

vu apparaître en peinture. Elles pouvaient bien correspondre au véritable aspect de taine façon, mais

comme

la nature,

vue d'une cer-

personne n'a l'habitude de

regarder la nature, pour décider de sa correspondance

avec

les

tableaux peints, qu'on ne juge que par com-

paraison avec

le

genre de peinture alors accepté

a façonné les yeux, les

et

qui

œuvres des Impressionnistes

devaient à leur coloris nouveau et imprévu, une

mé-

connaissance absolue.

En

outre les Impressionnistes, parce qu'ils peignaient

directement devant la nature, étaient amenés à présenter des formes générales autres que celles des devanciers. Ils n'ont plus eu le

temps

et la faculté d'exé-

cuter le travail de reconstruction, de métamorphose,

d'embellissement, auquel s'étaient livrés les peintres

28


3 O

K T5

C

a

o <

^/

r:J:

O

-léa



demeurés

à Tatelier.

Non

seulement leurs œuvres ont

un aspect plus simple, mais Tordre des

pris de ce fait

motifs s'est étendu. Les devanciers, arrangeant dans Tatelier, avaient

ces préférées.

rendu

nature sous certaines apparen-

la

avaient recherché des sites jugés

Ils

particulièrement nobles, pittoresques

et,

comme

tels,

tenus seuls pour dignes d'être reproduits. L'Impressionniste parti pour peindre en plein air, frappé par ,jin eSet tion, se

momentané de Tatmosphère ou de mettant directement à

l'état

d'œuvre

le

il

définitive,

découvrait.

ne

s'est

était

Il

le fixer

bordent, et ce motif

tout autre.

Il

végéta-

sur la toile, à

plus inquiété

du

site

sur la grande route et

l'introduisait sur sa toile avec les arbres la

la

il

ébranchés qui

lui paraissait aussi

noble que

un village et il le peijardins potagers ou les champs de

se trouvait devant

gnait avec les

légumes, qui pouvaient l'entourer. Lorsqu'il rencontrait fait

de

l'eau,

il

ne se demandait point,

tant d'autres,

les objets,

mais

il

si elle était

la saisissait

limpide

par

le soleil

qui en

la

fait

et

apte à refléter

sous tous ses aspects, la

trouvant aussi intéressante par

grandes pluies, qui

comme l'avaient

les

temps

rendent jaune

et

gris et

les

opaque, que

un miroir transparent.

Les œuvres des Impressionnistes, en ne mettant plus sous les yeux du public des tableaux arrangés, des sites choisis,

des motifs embellis, rompaient avec les

formes admises la facture large,

de nouveaux

et,

par surcroît,

pu

touches fondues,

employées à leur exécution, ajoutaient

traits

imprévus à leur physionomie anor-

male. Les contours dans n'avaient

les

les

œuvres impressionnistes

rester aussi arrêtés

que dans l'ancienne 29


peinture, les lignes aussi rigides, les formes aussi précises.

Quand Tlmpressionniste

ou

buées qui enveloppent

les

peignait le brouillard

quand

les objets,

il

pei-

gnait les plaques de lumière vacillantes, qui, à travers les arbres agités

du

parties

sol,

par

le vent,

quand

viennent éclairer certaines

peignait Teau houleuse de la

il

mer, se brisant en embrun sur rapide d une inondation, à rendre son

efiet,

les

ou

le

courant

ne pouvait espérer réussir

il

supprimant

qu'en

rigides* et arrêtés. C'était

les rochers,

les

contours

réellement Timpression que

choses faisaient sur son œil qu'il voulait rendre, des

sensations de

mouvement

et

de lumière

qu'il voulait

ne pouvait y parvenir, qu en laissant souvent sur sa toile les lignes indéfinies et les contours

donner

et

il

flottants.

Le public

se trouvait

manières devant lui offraient

un

éclat

les

donc déconcerté de toutes

les

œuvres des Impressionnistes. Elles

un système de

une variété de tons,

coloris,

de lumière tout nouveaux,

elles

ne

lui

présen-

taient plus ces sites choisis, ces motifs arrangés, aux-

quels

il

était

accoutumé,

elles substituaient

large, des contours flottants

tionnelles.

Ne

d'art,

elles

grossières,

traits

comme essentiels

monstrueuses,

tradi-

que Thabitude

dans toute œuvre

faisaient naturellement l'effet de

ébauches sans formes.

30

aux lignes arrêtées

possédant plus ces

avait fait considérer

une touche

choses

de simples esquisses

ou


IV

Nous avons

de comprendre Degas parmi

évité

les

temps

Impressionnistes, bien qu'il se soit tenu tout

le

avec eux aux expositions et qu'aujourd'hui on

le classe

aussi

communément

d'hui la portée du

ment étendue et rester exact, on sionnistes

;

qu'on en

nom

;

mais

c'est

qu'aujour-

d'Impressionniste s'est énormé-

a perdu toute précision. Si l'on veut

Degas à part des Impres-

doit tenir

ses origines, la nature

On

tinguent.

avec eux

de son

art

1

en

dis-

va du reste à l'encontre de ses désirs lors-

un des

fait

toujours repoussé

le

leurs.

titre

Il

a personnellement

d'Impressionniste. Quand,

à l'exposition de 1877, ceux qui laissaient réellement voir ces traits qui l'avaient s'y

opposa

avec

les

la

part.

Autrement

peinture en plein

la

Il

a son point de départ

il

est

avant tout un dessi-

nateur. Ses ancêtres sont Poussin et Ingres. à ses débuts une copie magistrale de

Sabines

et

comme

qui leur reste propre, sa

air,

tradition classique,

leur doit

n'a pas pratiqué

il

il

commun

le coloris, qu'il

technique est d'un autre ordre.

dans

l'adoptèrent,

plus qu'il put. Degas n'a de

Impressionnistes que

pour une eux

le

fait naître,

l

On trouve

Enlèvement des

des dessins exécutés selon les procédés

d Ingres. Sa première œuvre personnelle a été une Sémiramis, conçue dans

la

pure donnée delà peinture

d'histoire, à laquelle les Impressionnistes sont toujours

restés étrangers

ou

hostiles.

de son temps, a délaissé

Degas, pénétré de

la

l'esprit

peinture d histoire, qui

31


Tavait d'abord séduit, pour prendre des sujets modernes,

mais

n'a jamais dévié de la technique primitivement

il

adoptée.

Il

est resté le dessinateur

savant de

donnée

la

classique.

On

ne saurait non plus ranger parmi

les

Impres-

et

Lépine,

comme Boudin

sionnistes des paysagistes

qui ont pai'ticipé à la première exposition de 1874, et sont

se

ensuite

sur

tenir

un

abstenus.

terrain neutre,

d Impressionniste prévalut sitions, se retirèrent-ils,

appliqué.

il

étaient

avaient

se

aussi lorsque le titre

et servit à

pour

entendu

désigner les expo-

ne leur

qu'il

fût

pas

demeurés attachés à une coloration

moins audacieuse que

celle des Impressionnistes

était tout naturel qu'ils

voulussent rester distincts

grise, et

Ils

Ils

de ceux dont

ils

différaient.

Nous avons maintenant

à mentionner les adhérents,

qui se sont joints aux premiers Impressionnistes et

Nous

sont venus successivement exposer avec eux.

rencontrons

des artistes originaux, qui se sont, dans

une mesure quelconque, appropriés

gamme

les

procédés

et la

un emploi personnel. Ils nous donnent le spectacle du développement graduel, que peut prendre une donnée d'art.

En où

les ils

de l'impressionnisme pour en

faire

rangeant chronologiquement, d'après

les

années

ont pris part aux expositions, nous avons d'abord

Gaillebotte, qui expose dès 1876. là ses

Il

montre cette année-

Raboteurs de parquets^ peints,

il

est vrai,

une gamme de couleur un peu assoupie, mais cira sa

palette,

surtout sous l'influence de

il

dans

éclair-

Claude

Monet. Puis M"^ Marie Cassatt qui prend part aux expositions de 1879, 1880, 1881, 1886. Elle ne peut

32


00

3

CQ

o c

w -a

O oi

< t/3



être appelée Impressionniste

que par son

coloris, qui

devient de plus en plus éclatant et lumineux. Autre-

ment

a subi au début l'influence de Degas.

elle

Son

dessin est expressif, son art plein de sentiment. Elle a

particulièrement montré ses qualités de dessinateur

dans une œuvre gravée, vient,

1882

les expositions

avec et

très originale.

1886.

Gauguin

sur-

des années 1880, 1881,

se rapproche d'abord de Pissarro et

Il

de Cézanne. Ce n'est que plus tard, à

Taïti, qu'il pro-

duira des œuvres d'une palette très originale. Seurat et Signac, à l'exposition de 1886, entrent dans une voie

propre, où nistes. Ils

ils

se

donnent

inaugurent

la

le

nom

division

de Néo-Impression-

du

coloris,

poussée à

son extrême limite, jusqu'à l'emploi des couleurs primaires, appliquées à

l'état

touches, ce qui leur a

pur, par points et minuscules

fait

donner aussi

le

nom

de

« Pointillistes ».

Les expositions des Impressionnistes s'arrêtent à l'année 1886.

A ce

moment,

le

manifestation d'art nouvelle, a ble.

fait

son

effort

d'ensem-

Ses membres, qui ont pleinement développé leur

originalité,

peuvent exister à

sionnistes désormais vont

ment

Mais en

même

temps

qu'ils finiront

l'état

séparé. Les Impres-

donc continuer individuelle-

à se pousser dans le

combat, chacun à part

et

groupe, apportant une

soi,

monde

et à

poursuivre

jusqu'au succès

le

définitif.

qu'ils réussiront à être appréciés

par se faire reconnaître pour des

maîtres, leur influence s'exercera de toutes parts et

l'impressionnisme gagnera autour d'eux et au loin.

Indépendamment des avons vu se

rallier à

artistes

originaux,

que nous

eux pour participer à leurs expo-

33


Néo-Impressionnistes développant une

sitions et des

on verra une foule d

théorie propre des couleurs, tistes

adopter, dans des mesures diverses, leur coloris

comme

clair et l'utiliser

On

ture.

ar-

partie intégrante de leur fac-

va voir aussi survenir, alors que

les

procédés

de Timpressionnisme auront atteint leur complet déve-

loppement, des

hommes

qui adopteront la formule et

du premier coup, à

se mettront à peindre d'après elle

de disciples.

l'état

Ç^-v^ "^

L'impressionnisme a

difiTuse et

de

fini

variée, qui a pénétré de toutes façons l'art

la peinture.

Mais aussi

d Impressionnisme

et

On

précis.

par devenir ainsi une chose

les

noms

d'Impressionnistes

ont -ils perdu leur

peut dire qu'on

les

caractère

étend maintenant à

tous les artistes et à toutes les œuvres, qui laissent

rendu primesautier de

voir le clair,

la

nature par un coloris

débarrassé des ombres conventionnelles.

ces circonstances sont à présent tenus

sionnistes

mot ne l'ont

des peintres, qui ont vécu

fût trouvé, d'autres

qu'on

pour Impresavant que

le

qui, lorsqu'il est apparu,

repoussé ou l'eussent repoussé,

se douter

Dans

le leur appliquerait.

s'ils

Enfin

eussent pu le

nom

est

donné à des vivants de tendances, de procédés, de physionomie fort divers, qui l'acceptent volontiers, depuis qu'il a définitivement pris une signification favorable et entraîne l'idée d'une technique rénovée et de

sensations personnelles.

Faisant

ici

de

l'histoire et

devons réserver au début aux

artistes,

Aux hommes 34

le

voulant être précis, nous

nom

d'Impressionnistes

qui l'ont d'abord suggéré et

fait naître.

qui, sous l'influence immédiate de

Manet,


ont adopté de 1865 à 18701a technique des tons

clairs,

débarrassés des ombres traditionnelles, puis qui, Tayant

appliquée à

devant pales,

la

peinture en

la nature, se sont, à

en 1874

et

plein air, directement

deux expositions princi-

en 1877, révélés avec

œuvres d'un caractère neuf

éclat,

par des

et original.

35



PISSARRO Camille Pissarro naquit

le

10

1830 à Saint-

juillet

Thomas, aux Antilles, de parents français Israélites. Envoyé jeune en France, pour faire son éducation, il fut mis chez M. Savary, qui tenait une pension à Passy, et qui lui donna ses premières leçons de dessin. Lorsqu'il fut rappelé à Saint-Thomas par son père, en

1847, ses goûts artistiques s'étaient tout à

loppés

et

il

une pratique

était arrivé à

dessin pour pouvoir la continuer,

même. Son

entre le jeune

homme,

tiques, et le père qui veut

Le jeune

suffisante

abandonné à

commença

du lui-

l'habituel con-

pénétré de penchants

artis-

Ten détourner.

Pissarro, tout en vaquant aux occupations le

temps de se

au dessin. Son maître de pension,

à Paris, lui

auxquelles son père l'astreignait, trouva livrer

déve-

père, négociant, le destinait à prendre la

suite de ses affaires. Alors flit

fait

avait dit au départ

:

«

Surtout n'oubliez pas de dessiner

des cocotiers d'après nature.

»

Il

dessinait

donc des

cocotiers d'après nature et les objets qui, autour de lui,

frappaient ses regards.

En 1852 un

peintre danois,

Fritz Melbeye, qui passait à Saint-Thomas, intéressé

par ses goûts artistiques, l'emmena à Caracas, où

il

37


put dessiner tout à son à

même

aise.

En

1853, devenu majeur,

d'adopter la carrière de son choix,

en France pour se consacrer entièrement à personnelles avec

compte des

tenir

l'art.

lui.

dates.

On Il

doit toujours

en

histoire

ne faut donc point se repré-

Corot, en 1855-1860, autrement que

senter

qui,

artiste

n'était et

revint

se sentit porté vers Corot et entra en relations

Il

un

il

peignant d'une

comme

manière originale,

encore apprécié que d'une minorité de peintres

de connaisseurs. Pissarro, en le recherchant,

voir tout d'abord sa sûreté de

d'innovation.

Il

Saint-Thomas à

s'était

jugement

son besoin

et

déjà adonné dans son

travailler

en plein

laissait

île

de

Les conseils de

air.

Corot, qui recommandait surtout de se tenir devant la

nature, ne pouvaient que le confirmer dans cette

pratique.

Il

ne devint donc jamais

de ces maîtres, qui tiennent des

l'élève régulier

ateliers

d'un

en renom.

Il

fréquenta seulement de ces académies, où l'on peut dessiner et peindre d'après le modèle vivant et

consacre à la peinture de paysage.

il

se

réside dans les

Il

environs de Paris, en 1859 à Montmorency, en 1863 à la Varenne-Saint-Hilaire, en 1867 à l'Hermitage, à

Pontoise.

Il

envoie pour la première

fois

au Salon

en 1859 un paysage, peint à Montmorency, qui reçu.

Il

est refusé

aux Salons de 1861

et

de 1863.

est Il

expose ses paysages au Salon des Refusés en 1863. Ses paysages sont ensuite reçus aux Salons de 1864, 1865, 1866. Il

dans

une gamme un peu sombre, manière qui prévalait parmi les peintres

peignait alors dans la

influencés par Courbet et Corot.

38

Ses

paysages de


PISSARRO.

Son Portrait par lui-même (1903).



cette

première époque sont particulièrement fermes,

par plans simplifiés, dans une gris

sobres.

valeurs

s'j'

Mais

gamme

de verts

de

et

sensation du plein air et des

la

trouve déjà et les oppositions tradition-

nelles de parties tenues dans l'ombre et d'autres éclai-

rées artificiellement ne s'y trouvent point.

A

ce

moment Manet

survint.

Il

repoussait la pra-

tique généralement suivie des oppositions constantes

d'ombres

et

de

et juxtaposer,

pour peindre en pleine lumière

clairs,

sans transition,

les

couleurs les plus

tranchées, ce que personne n'avait encore réellement fait.

Pissarro fut tout de suite attiré par cette technique.

connaissance personnelle de Manet en 1866

Il fit la

lorsque

le café

Guerbois

fut

devenu un centre, où

et

les

révoltés contre l'art officiel et les audacieux en quête

de renouveau prirent

Manet,

il

le

1

habitude de se rencontrer avec

fréquenta d'une manière suivie.

d'amitié avec Claude

Monet

devaient être appelés les là

un des tenants de

livrait

la

depuis des années

qui

et les autres artistes,

Impressionnistes.

peinture en plein et

Il s'}^ lia

maintenant

il

Il

air.

la

était Il

s'y

préconi-

en y appliquant la technique des tons clairs, adoptée par lui et ses amis comme une heureuse innosait,

vation.

Pissarro après s'être marié vint habiter en 1868, à

Louveciennes. une maison située sur

la

grande route

de Versailles à Saint-Germain, tout près des arcades de Taqueduc de Marly. guerre

et les trois

été profitables.

Il

Il

devait y rester jusqu'à la

années 1868, 1869

et

1870

lui

ont

peint d'une manière de plus en plus

claire. S'il était possible

de ranger chronologiquement

39


les

paysages exécutés à cette époque, on y verrait

progression vers la clarté et

on pourrait Il

dire,

en

n'avait

qu'alors.

lumière s'accomplir,

la

jour par jour. point vendu de tableaux jus-

réalité

Sa mère

lui faisait,

depuis son retour en

France, une petite pension qui vivre mais qui cesse à ce

pour

commence

lui, il

Celles

permis de

lui avait

moment

où, heureusement

à pouvoir vendre de ses toiles.

peignait à Louveciennes lui étaient en

qu'il

partie achetées par

père Martin. C'était l'état

la

un marchand qu'on appelait le un brave homme, qui avait exercé

de maçon avant de se mettre à vendre des

tableaux.

était

Il

connaisseur d instinct.

Il

un

avait,

des premiers, tenu des tableaux de Corot et de Jongkind, maintenant que ces deux peintres étaient acceptés et

que leurs œuvres atteignaient un certain

recherchant de nouveaux venus,

était entre autres

il

allé à Pissarro. Il lui payait ses petites toiles Il s'efforçait

de

les

prix,

vendre 80 francs. Quand

40 il

francs.

ne pou-

y parvenir, il se rabattait sur le prix de 60 francs, satisfait d'un bénéfice de 20 francs. Les petites toiles vait

de cette époque ont aujourd'hui pris place dans meilleures

collections.

appréciées

de Pissarro.

grande route,

Elles

sont

parmi

les

les

plus

Ce sont des vues de la près de laquelle il habitait, ou la repro-

duction des motifs

champêtres qui

s'offraient

aux

alentours.

Pissarro se livrait paisiblement à son art, lorsqu'il fut surpris

par

la guerre,

en 1870. Sa maison, dans

rayon de l'investissement de Paris,

allait être

avec toutes celles du voisinage par

40

le

occupée

les soldats alle-


mands.

Il

dut l'abandonner précipitamment, y laissant

nombreuses

les

Ce

gnait autour de Paris. toiles

accumulées depuis

toiles,

furent perdues.

brûlées, car

on n'en

pour

fut

lui

un

qu'il pei-

désastre. Ses

ont probablement

Elles

été

a point retrouvé de traces. C'est

ce qui explique que ses

œuvres de début,

peignit avant 1868, soient

celles qu'il

rares aujourd'hui.

si

Pissarro, chassé de Louveciennes par l'invasion alle-

mande,

se réfugia d'abord

puis à Londres, où

Commune.

dans la Mayenne chez Piette,

séjourna pendant

il

guerre et

la

la

y peignit des vues dans les environs, en particulier à Norwood, près du Palais de Cristal.

Lorsque

la

pris fin,

il

il

A

Il

guerre étrangère

guerre civile eurent

rentra en France pour s'établir à Pontoise,

demeura dix cette

et la

ans, de 1872 à 1882.

époque Cézanne

vint résider à Anvers,

Ponun trio

se trouvait déjà Vignon. Pissarro tout auprès, à toise,

allait les

retrouver.

travaillant ensemble, causant

de leur

se

art,

commu-

Cézanne n'avait encore guère

niquant leurs idées. peint de

formèrent ainsi

Ils

tableaux qu'à Tatelier. Ce fut à Anvers, à

côté de Pissarro et de Vignon, qui eux travaillaient

depuis longtemps en plein

qu'il se mit,

air,

avec

la

ténacité qui lui appartenait, à peindre des paysages

directement

devant

la

nature.

moment

qu'il trouva

Il s était

avancé dans une voie

Ce

fut

son coloris tout à

aussi

fait

à

ce

personnel.

qu'il n'avait pas

encore

parcourue, à l'exemple de ses deux amis, mais lors-

gamme

de tons, harmonieuse

dans ce qu'on pourrait appeler

la violence, les autres

qu'il eut

développé sa

surent en profiter.

A

cette

époque Pissarro peint des 41


i paysages où entre, pour une part, un coloris éclatant,

À

suggéré par celui de Cézanne.

En

faisant l'histoire des Impressionnistes,

on a sans

cesse à noter l'influence qu'ils ont exercée les uns sur

emprunts

les autres et les

lement. Unis

qu'ils se sont faits

engagés dans une

et

Quand nous

développaient côte à côte.

uns sur

l'influence exercée par les rait

donc

être question

même

mutuel-

voie,

ils

se

parlons

ici

de

les autres,

il

ne sau-

de cette sorte d'imitation à

laquelle se livrent ces gens qui, lorsqu'un procédé est

complet,

le

prennent tout d'une pièce, pour

quer servilement. Avec d'artistes,

qui apportent au jour

vention au fond

que

les Impressionnistes,

les autres

commun

et

le

l'appliil

s'agit

jour leur part d'in-

où chacun

profite de ce

ont pu trouver, mais l'adapte, en

le

modifiant selon son tempérament. Pissarro avait encore mis des paysages aux Salons

de 1868, 1869 et 1870. ÉtabU à Pontoise,

il

cesse d'ex-

poser aux Salons, pour prendre part activement aux discussions et aux démarches des artistes ses amis,

qui doivent ticulières. le

amener l'étabhssement d'expositions par-

Lorsqu'une première exposition eut

lieu sur

boulevard des Capucines, chez Nadar, en 1874,

il

y mit cinq paysages. Il participe, par l'envoi d'œuvres caractéristiques, aux expositions qui suivent en 1876, chez M. Durand-Ruel, en 1877, rue Le Peletier.

11

a

aidé ainsi de la manière la plus active à la manifestation d'art,

connue sous

Après avoir été un des

le

nom

initiateurs,

d'impressionnisme. il

devait continuer

à rester sur la brèche, en envoyant de ses œuvres à toutes les expositions, jusqu'à la dernière en 1886.

42

Il

i


PISSARRO.

— Paysanne

assise

(Muçéç du Louvre

-

Coll. de

Camondo).



a donc

grandement contribué par son

physionomie qu'elles ont présentée.

assiduité à la

Or comme

n'est pas la faveur qu'elles recueillirent d'abord,

une sorte d'horreur générale de son œuvre

ce

mais

qu'elles excitèrent, la

vue

pour une bonne part dans

est entrée

le

sentiment de répulsion éprouvé. Les Impressionnistes

saient

commun

en

avaient

monstrueux

traits, qui,

et

certains

procédés

qui parais-

en plus chacun possédait de ces

considérés isolément, ne faisaient qu'ajou-

ter à la répulsion

que

vue du groupe en son entier

la

avait d'abord fait naître. Cela était particulièrement

une physionomie mar-

vrai de Pissarro, qui gardait

quée au milieu des autres.

Pour

le

son

définir par

peut dire qu'il a été

le

caractéristique,

trait

on

peintre de la nature agreste et

aucunement recherché dans

de

la vie rustique. Il n'a

la

nature les motifs rares,

il

n'a point cru

que

le

peintre dût se mettre en quête d'horizons exception-

qui lui sont allés directement au cœur,

nels.

Les

a découvert

rait

il

sites

appeler familiers

fruitiers, les

les

du charme, ont les

:

été ceux

qu'on pour-

coteaux plantés d'arbres

champs labourés ou couverts de moissons,

pâturages dans la prairie, les villages avec leurs

vieilles

maisons

et les

jardins potagers qui les environ-

Ce côté rustique de qu'avaient pu le faire aux nent.

la

nature

lui a parlé,

autant

autres ces motifs exception-

nels qu'ils avaient recherchés, en s'appliquant encore s'en est tenu au

à les arranger et à les embellir;

il

rendu

avant

fidèle

des

aspects

communs, comme négligés. Ils

ne

lui

tels

jugés

lui

les plus

déclarés méprisables et alors

ont paru nullement méprisables

43


et

a cru qu'on pouvait en obtenir des images artis-

il

tiques.

Aussi ses œuvres, à leur apparition, se sont-elles trouvées heurter les règles de goût conventionnelles, à l'époque admises

Les formes ordi-

respectées.

et

naires de la nature, l'apparence de la terre rustique

encore jamais été aussi systématiquement

n'avaient

reproduites. Les spectateurs se croyaient mis en pré-

sence de sujets tout à

vulgaires.

fait

à leurs

L'art,

yeux, devait s'élever dans des régions plus hautes,

planer au-dessus delà vie les

yeux sur

familier,

que

le

dans

la

commune

campagne, pour

faisait Teffet

jugement

la voir

tenant

sous son aspect

d'un rustre. Mais aujourd'hui

s'est rectifié,

nature n'était bas

la

et Pissarro,

qu'on a compris que rien

vulgaire en soi,

et

on

cette rusticité, qui l'avait d'abord fait mépriser.

a loué

On

lui

a su gré de cette probité, qui s'appliquait à rendre la

nature en dehors des données conventionnelles.

a aimé la façon dont

campagne,

la

exprimait

il

paix des villages,

Les champs,

rendus par

avaient une âme,

ils

lui

la

la solitude

senteur de

On

de

la

la terre.

dans leur simplicité,

dégageaient

un charme péné-

trant. Il

vint résider en

rOise.

avait

Il

ques qui

il

Eragny-Bazincourt dans

de préférence,

et

toiles les plus sincères.

il

Il

y lui

y acheta y demeura ainsi des années, peignant

des paysages agrestes et

tenu jusqu'à

devait

Le pays

voulut s'y fixer définitivement,

une maison.

44

à

sous les yeux, ces campagnes rusti-

l'attiraient

peindre de ses plaisait,

là,

1882

la fin

il

se fût

il

probablement main-

dans cette voie, lorsqu'une légère


infirmité

amenée par Tâge

sans attaquer

l'atteignit.

Une

affection de

vue,

lui

rendit impossible de

continuer à peindre en plein

air.

L'œil ne pouvait plus

l'œil,

supporter Il

les

la

intempéries des saisons.

avait alors soixante-six ans,

perdu de son ardeur qui,

mais

il

n'avait rien

de ses facultés. Le voilà donc

et

empêché de poursuivre plus longtemps

la

pein-

ture aux champs, pratiquée toute sa vie, va s'engager

dans une voie nouvelle, a trouvé le

Il

à travailler avec

exécutera des vues urbaines, à

il

la sorte, à

chargeant

et

ville. Il

son

ne se tiendra plus maintenant en plein

fenêtres de maisons.

de

viendra peindre en

moyen de continuer

œil souffrant. air,

il

Il

Rouen,

1

intérieur, des

commence, en 1896,

à

les quais, les ponts, les

déchargeant

les

peindre navires

marchandises. Puis

il

peint à Paris, l'avenue de l'Opéra, d une fenêtre de

du Louvre et le Jardin des Tuileries, d une fenêtre d une maison de la rue de Rivoli. Il a loué un l'Hôtel

appartement dans une maison de de

la

place Dauphine, la maison

avait habité. Elle a Il

vue sur

le

la Cité,

môme

au numéro 28

Pont-Neuf

M"^**

Roland

et la Seine.

peint, des fenêtres, le pont, les quais et le palais

Louvre.

peindra en dernier

Il

les ports

de Dieppe

du et

du Havre. Ces vues urbaines constituent une part imprévue, ajoutée à sa production. Elles sont peintes

dans une gamme, qui montre tirer

le profit qu'il avait

des procédés successivement apparus, où

pensé

qu'il

il

su

avait

y avait à puiser. Son gris fondamental est

toujours de ce caractère sobre, qui est talent,

mais l'enveloppe

chaude

et

laisse

voir

le

propre de son

une coloration

une lumière intense. 45


Pissarro

en pleine puissance de

était

travail

et, ^

malgré

soixante-quatorzième année qui approchait,

la

ne pensait nullement à s'arrêter lorsque

mort Ta

la

du boulevard Morland. Il allait pouvoir y exécuter une nouvelle série de vues à Paris, lorsqu'il fut pris par un refroi-

t

Il

succomba

4

Pissarro était de caractère bienveillant et

d'humeur

surpris.

Il

venait de s'installer au n° 1

dissement, suivi de complications internes. le

12 novembre 1903.

La

paisible.

un grand fonds

vie avait développé en lui

de philosophie.

Il

années de misère

supporté avec sérénité

les

de déboires, qui suivirent

les

avait et

débuts de l'impressionnisme. Lorsque

venu, qu'il eut obtenu l'aisance,

changer à ses habitudes,

et sans

ces honneurs, décorations

yeux de

la

et

une

comme peintre,

succès fut

en jouit sans rien

rechercher aucun de

ou récompenses

qui,

aux

plupart des artistes, paraissent des choses

précieuses à recueillir. fils

il

le

fille.

Le

fils

Il

a laissé cinq enfants

signe ses

;

le

quatre

un nom

aîné, Lucien, s'est fait

peintre et graveur sur bois

:

second,

comme

œuvres du pseudonyme de Man-

zana.

Pissarro, le peintre de la

aux champs fait

hommes

qui y vivent et y peinent. Il a entrer dans ses tableaux les paysans, vaquant à les

leurs occupations. l'huile,

que

46

nature agreste, a su voir

il

Indépendamment de

a produit de

ses tableaux,

ses tableaux à

nombreuses gouaches

et tandis

consacrés surtout aux paysages et


aux vues de

la nature,

ne donnent qu'accessoirement

des êtres humains, ses gouaches présentent presque

exclusivement des figures

Pour bien connaître des campagnes,

et

des gi'oupes rustiques.

Pissarro,

comme peintre du peuple

donc Tétudier dans

faut

il

ses goua-

ches.

Lorsqu'au début

avait

il

commencé

à peindre des

paysans, on avait crié au pastiche de Millet.

époque Millet leur

A

cette

guère compris, ses œuvres, par

n'était

caractère naturaliste,

étaient

très

attaquées et

Pissarro, venant peindre après lui des paysans pris sur

de ce seul

le vif, paraissait

fait

le

suivre servilement.

Mais maintenant que de loin on peut juger

on

artistes,

demande,

se

alors

même

les

que Pissarro

débutant n avait pas encore développé sa pleine nalité,

comment on

ment on

a jamais

deux

a pu Taccuser d'imitation,

origi-

com-

pu trouver une similitude entre

ses

créations et celles de son devancier. Millet, apparu à

une époque où

les

formes classique

occupaient presque entièrement soulève une vive opposition.

de plus près qu'on ne

pour

qu'il fût

romantique

champ de

l'art,

avait serré la nature

le faisait alors et cela suffisait

méconnu. Mais Pissarro

par rapport à Millet, fait,

Il

le

et

comme

par rapport aux classiques

s'est

comporté,

celui-ci avait

lui-même

et

aux romantiques.

Il

a dévié, plus que Millet, des procédés conventionnels et ce

que Millet avait encore gardé de l'ancienne

dition,

Ce

il

l'a, lui,

n'est pas

tra-

rejeté.

pour rabaisser l'un au

que nous établissons

cette

festation d'art sincère,

profit

de l'autre,

comparaison. Toute mani-

venue à son heure, a sa raison 47


que soient

d'être et garde sa valeur, quelles

les

formes

qui peuvent lui succéder. Si nous voulons marquer les différences entre l'art de Millet et celui de Pissarro,

entre les êtres rustiques duits, c'est

pour bien

qu

ils

ont tous les deux repro-

établir le caractère

de chacun

et

constater révolution accomplie en art, au xix* siècle,

pour se rapprocher de plus en plus de

la nature. Millet,

qui a d'abord peint des nus, qui a conservé l'habitude

de son époque de peindre

la

forme humaine en

don-

lui

nant une ossature sculpturale, confère à ses paysans

une sorte de grandeur des poses choisies,

d'attitude,

tai'd

représente dans

devait ignorer. Pis-

en particulier, qui dès son début avait

ateliers parisiens, qui s'était tout

devant

ler

les

des occupations idéalisées, que

l'impressionnisme venu plus sarro,

il

la

fui les

de suite mis à travail-

nature, a rendu les êtres sous ses yeux,

avec une simplicité de procédés, une vérité d'observation dépassant tout ce qui s'était fait avant

Ses

lui.

paysans se présentent donc sans cette part de grandeur superposée que Millet, pénétré pour une part de

es-

de son temps, n'avait pu manquer de rechercher.

prit

Pissarro a très bien su définir art

1

de celui de Millet.

a Ils

me jettent tous

biblique

!

Il

le trait

qui séparait son

m'écrivait, en

mars 1881

:

Millet à la tête. Mais Millet était

Pour un hébreu,

il

me semble l'être peu.

C'est

curieux. »

Les paysans de Pissarro sont de

vivais

ne sont venus d'aucune idée préconçue. ni élevés, ni abaissés. Ils apparaissent

tudes campagnardes, avec les les

48

paysans. Ils

Ils

n'ont été

dans leurs

mouvements de

atti-

corps,

expressions de visage, les gestes que leur vie pénible

1


leur a fait prendre. Ils sont saisis dans toute la variété

de leurs occupations.

de leurs travaux

et

avec un charme

naïf, l'image sincère

*

présentent,

Ils

de la vie rustique.

*

Les Impressionnistes, qui ont été essentiellement des peintres, ne se sont guère adonnés à

la

gravure.

Seul Pissarro a produit une œuvre gravée considérable.

Lucien Pissarro a dressé un catalogue des eaux-fortes de son père, où 104 pièces sont décrites. Pissarro essayé de bonne heure à Teau-forte.

On

s'est

a de lui

Une

rue à Montmartre en 1865, deux autres pièces en 1865, trois

paysages à Pontoise en 1873-1874,

le portrait

de

Cézanne en 1874, deux pièces en 1878. Cependant ces premières productions, survenues à de longs intervalles, n'étaient guère encore, sauf le portrait de Cézanne,

que des

tentatives, elles n'avaient rien de très caracté-

ristique.

Lorsqu'en 1879 il commence à se

manière

la

que

livrer,

de

la

plus assidue, à l'étude des procédés divers

l'eau-forte peut connaître,

désormais ses œuvres

se multiplieront et recevront, d'une technique savante,

une ampleur de formes que ses premiers

essais n'avaient

pas connue. C'està linvitation de Degas que Pissarro devait faire le

pas décisif

comme

graveur. Degas avait conçu une

publication, qui prendi'ait le titre

alimentée par

les

Le jour

et

gravures d'artistes originaux.

la nuit, Il

avait

comme collaborateurs, Pissarro, Bracquemont, M^® Cassatt, Raffaelli. On se mit à l'œuvre ensemble,

recruté,

Degas, avec son esprit de recherche, nevoulut pas qu'on

49 4


pour

se contentât,

ordinaire de

la

gravures à exécuter, du travail

les

pointe.

Il s

était

engagé personnellement

dans lessai de procédés plus subtils devant donner des

effets

collaborateurs dans

la

nouveaux,

même

contribution au Jour

tenant désignée, dans

Paysage sous

le

plus compliqués, et

il

entraîna ses

voie. Pissarro, après des

recherches soutenues, produisit

comme

et

la

et la

pièce qu'il destinait Elle est main-

nuit

catalogue de ses œuvres

bois à l'Ermitage, près Pontoise.

:

Impor-

tante par les dimensions, 25 centimètres sur 21, elle

donne un paysage vu à

travers des arbres, dont les

troncs et les branches couvrent, jusqu'en haut, le pre-

mier plan de Timage. G

est

n'entre qu'accessoirement

une sorte d'aquatinte, où de

le travail

la

pointe. Pis-

sarro avait bien répondu à l'appel de Degas, mais

ne devaitretirer aucun profit de son

numéro ou

fascicule

du Jour

il

Le premier montré à l'ex-

travail.

et la nuit^

position de 1880 des Impressionnistes, rue des Pyra-

mides, ne trouva pas d'acheteurs. Pissarro

et ses

cama-

rades, déçus dans leur espérance de succès, renoncè-

rent à leur publication, qui est

demeurée

ainsi

mort-

née.

Cependant Degas, avec son projet, avait fait entrer Pissarro dans une voie heureuse, qu'il allait maintenant suivre par goût.

Il

produira donc, à partir de 1899, de

nombreuses œuvres gravées. dilection

pour

la ville

Il

avait

de Rouen.

Il

une sorte de préy

est allé

peindre

y a trouvé ainsi de nombreux motifs à graver. Vingt-quatre de ses pièces donnent des vues de

souvent.

Il

Rouen. Les vieilles rues apparaissent dans leur vétusté, on y sent la solitude et l'abandon. Mais la partie princi-

50


1/)

o

c

O a:

< c/)



pale de son rustique.

œuvre gravée

On

montrée dans les

là,

encore consacrée à

la vie

a dans ses eaux-fortes les travailleurs des

champs, rendus avec sont

est

même

cette

sincérité qu'il a

ses tableaux à Thuile et ses gouaches. Ils

avec leurs corps déformés par

le travail,

dans

poses pénibles que nécessite Teffort prolongé, mais

donnant

la

sensation d'un honnête labeur et d une

bonne volonté. Les titres de quelques-unes des œuvres indiquent à quelle exactitâche accomplie de

tude d

effets

il

s'est astreint

Récolte de

:

Femme cueillant des choux, Femme dans un champ de haricots.

pommes

Gardeuse dotes,

terre,

Deux grandes planches sont à signaler, par leur sance et leur mouvement de foule Le marché :

volaille,

puis-

de la

Le marché aux légumes à Pontoise, exécutées

en 1891. Pissarro a êtres

de

que

est plein

les

paysans

de vie

et

su, à l'occasion, ;

le

Portrait de Cézanne, en 1874,

montre bien l'homme

replié sur lui-même. Pissarro a de

propre portrait,

il

rendre d autres

même

solitaire et

gravé son

n'a point pensé à s'embellir,

représenté, avec ses lunettes et sa grande barbe,

il

s'est

comme

un

vieillard plein de jours, plus vieux d'apparence qu'il

ne

l'était Il s'est

réellement. aussi

adonné à

la lithographie. Il a

faire

quelques essais d'assez bonne heure, vers 1874, mais ce n'est que tard, en 1896,

ment. pièces

qu

il

s'y

applique sérieuse-

moment, les quarante environ, qui forment son œuvre lithographique. Il

produit, à partir de ce

On

y trouve des sujets analogues à ceux de ses eauxfortes, des vues de Rouen, de Paris et des motifs rustiques.

51


Pissarro a montré, dans la lithographie, cette recher-

che de procédés,

moyens dont

il

qu'il

a laissé voir dans

s'est servi.

Ses images lithographiques

ont été obtenues, soit par des dessins sur

la pierre

ou plaque de

les autres

faits

directement

zinc, soit par des dessins sur

papier reportés sur pierre.

Il s'est

aussi servi

sur la pierre, pour une série de baigneuses.

Il

du

lavis

a encore

dessiné directement sur bois des sujets pris aux tra-

vaux des champs. Son

fils,

Lucien,

les a gi^avés,

dune

façon très personnelle, en sachant leur conserver leur

saveur rustique.

52


CLAUDE MONET Claude Oscar Monet

est

né à Paris,

le

14 no-

vembre 1840. Son père était négociant au Havre. Il passa donc sa jeunesse au Havre et y sentit naître sa vocation artistique. Le premier peintre qu'il connut, qui lui donna des conseils, qui lui servit de guide, fut

Boudin, son aîné de quinze ans. Boudin, natif de

Honfleur, trois

s'était

ans par

Monet

produit au Havre. Pensionné pendant

la ville,

il

avait après continué

avait, dès 1855,

d'amitié,

noué avec

lui

ày résider.

des relations

qui se continuèrent au cours des années.

Boudin

et à

une expo-

sition, à

participe,

il

Rouen, en 1856, à laquelle Boudin expose lui-même, pour la première fois de

sa vie,

Monet

a peint d'abord à côté de

paysage peint dans

la vallée

un

de Rouelles, près de Monti-

villiers.

Les goûts aiiistiques de Monet cord avec ses parents.

dans leurs

affaires et

subir la conscription,

Ils

le

mirent en désac-

désiraient l'avoir avec eux

lorsque Tâge vint, où il ils

lui fallut

se déclarèrent prêts à l'exonérer

du service militaire, en payant la somme voulue, comme la

chose se pratiquait à l'époque, mais seulement

renonçait à

la

peinture.

s'il

Le jeune homme, plutôt que 53


d'accepter cette condition, préféra faire son service militaire. Iljoignit

comme

donc un régiment en Algérie,

soldat et y resta près de

deux ans.

du climat,

souffrit

Il

sa santé altérée obligea ses parents à le faire exonérer. Ils

consentirent alors à ce qu'il s'adonnât tout entier à peinture, mais

la

ils

exigèrent, en

entrât dans l'atelier d'un peintre en

même

renom à

un apprentissage indispensable. Ce qu'il devint élève Il

affinité

fut ainsi,

en 1862,

de Gleyre.

académique,

détestait le travail

aucune

Paris pour

yeux étaient

faire ces études régulières, qui à leurs

y

temps, qu'il

avec Gleyre.

sans y rien prendre et

il

Il

traversa

ne se sentait

il

donc son

atelier

l'abandonna au bout d'un an

à peine de fréquentation. Ses préférences le portaient

vers la peinture de paysage. C'est alors qu'un événe-

ment pour

lui décisif se produisit.

En

1863,

vint à

il

connaître l'œuvre de Manet. Quatorze toiles de Manet

exposées sur

le

boulevard des

lui

mirent tout à coup sous

les

les

Italiens,

chez Martinet,

yeux une peinture

claire,

tons vifs et tranchés étaient juxtaposés, sans

l'emploi alors général d'ombres conventionnelles. fut séduit à

première vue par cette innovation hardie.

Jusqu'à ce jour

il

avait,

comme

les autres

cieux de son temps, peint dans une celle

de Courbet

comparés

Il

et

de Corot,

jeunes auda-

gamme

et ses

voisine de

premiers

essais,

à ce qu'il devait produire après la révélation

venue de l'œuvre de Manet, seraient aujourd'hui tenus pour noirs.

Monet s'approprie donc avec décision technique des tons

clairs,

de paysage. Cependant

5i

il

en l'adaptant à

la

nouvelle

la

peinture

ne peint pas d'abord

le

pay-


...^^SSÉL

Portrait de

CLAUDE MONET

par

RENOIR.

iSjS.



sage d'une manière exclusive, car

peint aussi, au

il

début, de grandes figures, en plein air ou dans l'atelier

fréquemment des figures dans ses paysages. On a ainsi de lui un grand tableau en 1866, Un déjeuner sur l herbe fort différent de celui de Manet et il introduit assez

,

exposé au Salon des Refusés en 1863, mais cependant

conçu en partie

comme une

un Déjeuner dans un

réminiscence.

On

a aussi

grandes

intérieur de 1868, de

figures près d'une table, sur laquelle des plats sont étalés. Toutefois ses

tableaux de figures

remar-

les plus

quables sont sans doute Camille, exposé au Salon de

1866*

et

La

éclatante.

Japonaise, vêtue d'une grande robe rouge

Après cela

prenant tout à

fait

ses préférences

l'ascendant,

il

pour

délaisse

paysage

le

complètement

la figure.

Maintenant que de loin on peut considérer son œuvre, on reconnaît combien

le

penchant qui

l'éloi-

gnait de la peinture de figure, pour l'entraîner vers le

paysage, devait être profond, car à

la

vue de ses

ta-

bleaux de début, où sont représentés des personnages,

on découvre que

humaine ont

les

visages

avec

leur

été véritablement négligés,

qu

expression ils

ne

l'ont

pas intéressé en eux-mêmes et qu'il pourra par consé-

quent renoncer à en peindre, sans que son rien d'essentiel.

Ce sont en

attirent et qui sont introduits

art y

perde

effet

les

vêtements qui

dans

les

tableaux, pour

y amener des combinaisons de coloris et des effets de lumière. Avec Camille et La Japonaise, de magnifi-

ques morceaux de peinture, (1)

une

le

costume, non

le visage,

Maintenant au Musée de Brème II existe au Musée Simu à Bucarest répétition de ce tableau, de dimensions réduites, faite par Monet.

55


joue

le

grand

Dans

rôle.

Camille^

raies

les

vertes

du jupon produisent la combinaison de coloséduisante et dans La Japonaise^ le rouge de la

noires

et ris

robe, avec les broderies en relief et les éventails multicolores piqués sur le fond, constitue le vrai motif

du

tableau.

Monet

donc délaissé

a

humaine, qui n'a soire

du début,

sive au paysage.

pour

été

et

la

reproduction de

qu'une pratique acces-

lui

se consacre d'une

il

a pris

Il

la figure

manière exclu-

pour règle de peindre ses

paysages directement, en plein

air.

Il les

exécutera,

quelles que soient leurs dimensions, en tenant tout le

temps

senter.

yeux

les

Chez

quence qui

scène naturelle à repré-

fixés sur la

cette pratique

lui

se produira

engendre une consé-

pour d'autres, mais qui se pro-

duira pour lui d'une manière plus décisive et avec des

marques plus l'amène à

saisissantes

saisir,

que pour tous

autres. Elle

dans chaque scène naturelle, l'aspect de lumière ou de coloris,

particulier, la notation fugitive

au moment où

met à la peindre. Un paysage de lui ne représente donc point une scène naturelle sous une face permanente, d'une sous lesquels

elle s'offre

manière existant à si

Ton peut

dire,

l'état fixe

de

;

la

il

se

charpente, l'ossature,

scène à rendre seront fixées,

la

sur la toile, revêtues d'un aspect fugitif et d'une

biance particulière,

saisis

au besoin au passage

et

am-

notés

dans leur existence éphémère.

Par exemple,

il

matin, au lever du

se

met à peindre un paysage

soleil,

ne peint un motif quel

dans

la

buée,

comme

qu'il soit, qu'autant qu'il

l'avoir sous les yeux, voulant fixer

56

et,

son

effet

de

le il

peut soleil


levant et de buée matinale,

ne pourra

il

son tableau qu'un temps limité l'abandonner lorsque et

que

la

dra qu'il

buée le

sera

se sera dissipée et,

reprenne lorsque

pour

n'existe pas avec

un

devra

Il

monté sur horizon 1

pour l'achever,

fau-

il

éphémère recherché

Une

scène naturelle n'a

d'aspect

lui

matin.

le

l'effet

de nouveau.

se présentera

donc pas

le soleil

travailler à

coloris

naturelle change d'aspect, en

un paysage

persistant,

permanent. Une scène

même

temps que varient

heures, les circonstances de

les saisons, les jours, les

température ou de lumière. Dans ces conditions, Monet

parvenu à rendre

est réellement

avaient échappé aux

aspects fugitifs, qui

ces

toile,

saisissables, sur la

anciens paysagistes travaillant dans

de

produisent en plein

communiquer que

ses

les sensations effets

de

est

donc arrivé

nuances de toute

soleil

toiles,

brouillard,

à dégager, des scènes vues, des

sorte,

de véritables impressions. Aussi

qu'un jour

naturellement, qu'à

mot Impression, étendu

une

a désigné

soleil,

et

art.

la

dans un

véritable initiateur de

et

vue de

cette

transformé, a été

Ce sont donc

son œuvre qui ont

d'Impressionniste

lui

il

sur la mer. Impression, soleil levant. Et

particularités de

avec

peut

réchauffent et que ses

trouvé juste pour désigner son

noms

On

qui en dérivent.

donnant l'image du

c'est tout aussi toile, le

parvenu à

le frisson.

est-ce tout naturellement,

de ses

comme

qu'il est

air,

de neige donnent

effets Il

a serré

Il

près les effets variés et les changements qui se

si

dire

atelier.

1

fait

naître les

d'impressionnisme.

l'impressionnisme.

les

En

l'impressionnisme a trouvé sa formule

est le

Il

lui la

et

plus

57


complète. Monet

d'abord engagé.

s'était

il

en plein

avancé sans dévier, dans

s'est

Il

mettant un coloris de plus en plus clairet

air,

délaissa Paris de

teuil.

Il

Seine

et

ses toiles.

bonne heure, pour habiter Argen-

y demeura plusieurs années, y peignant la ses bords et aussi les fleurs et les bosquets de

son jardin. Chassé d'Argenteuil par l'occupation

mande,

voie

a peint en tous lieux,

une lumière de plus en plus vive sur Il

la

du

lors

siège

de Paris,

il

alle-

cherche refuge en

moment il

y peint des vues sur les canaux. A ce avait connu les estampes d'Hiroshigué, pour

lesquelles

il

Hollande.

Il

l'influence

a toujours professé de l'admiration.

de

leur

éclairci sa palette.

ses tableaux,

coloris

On

vibrant,

il

Sous

avait encore

peut observer, dans certains de

surtout parmi ceux qu'il a produits en

Hollande, lemploi des tons vifs, juxtaposés dans toute leur franchise, ses.

comme marque

des pratiques japonai-

Plus tard, après ce premier séjour en Hollande,

il

y retournera pour peindre les tulipes en fleurs de Harlem. Il passe de Hollande en Angleterre, au com-

mencement de 1871. dans

les

après la genteuil, Il

parcs et sur

Commune, il

Il

exécute des vues à Londres,

Tamise. Revenu en France,

la

et réinstallé

recommence

à

dans sa maison d'Ar-

peindre

les

bords de la Seine.

peint aussi à Paris, en 1877 et 1878, les bosquets

parc

Monceau

motives Il

et la

et leurs

du

gare Saint-Lazare, avec ses loco-

panaches de vapeur.

avait passé sa jeunesse

au Havre,

il

s'était

d abord

misa peindre sur les côtes voisines et il devait y revenir fréquemment. Les vues du Havre, de Sainte-Adresse, de Honfleur. des falaises normandes ont donc été pro-

58


CLAUDE MONET.

—

La Japonaise.



de nombreuses reprises.

diiites à

au Havre

travaille

il

retrouve Boudin et

En

dans

et

1864, 1806, 1867,

les

environs.

Il

y

aussi société avec Courbet, qui

fait

peignait à Trouville des marines et ce qu'il appelait

des

«

paysages de mer

».

Puis

il

est à Étretat.

échancrures

par leurs

prises

falaises

mêmes

revient sur les

En 1885

lieux en 1873, 1871, 1882.

Aux

il

a ajouté la mer,

et

leurs

sous ses aspects les

escarpements,

il

plus divers.

a véritablement été le peintre de Teau.

Il

Il

a fait entrer

et

de

dans ses tableaux Teau de

la

Manche

Seine et de

la

Tamise,

de

Méditerranée,

la

des canaux de Hollande Il

et

la

des bassins de son jardin.

ne devait jamais cesser d habiter aux bords de

Seine, de manière à être toujours près deTeau.

Il

la

quitte

Argenteuil, en 1878, pour descendre plus bas, à Vétheuil.

y peint

Il

comme

les

vues des environs de

la

Seine,

y peint aussi, dans rhiver particulièrement rigoureux de 1879-1880. les il

l'avait fait à Argenteuil. Il

glaces qui recouvrent le fleuve, et quelques-unes de ses

toiles les

débâcle qu

En

amène

1884,

^

saisissantes sont consacrées à la

plus

le dégel.

rhiver,

il

va une première

fois

passer

plusieurs mois sur la Méditerranée, à Bordighera. Par

un

effort

soutenu, alors qu'il n'avait encore connu que

Fatmosphère nébuleuse de

Manche,

En suites

rend excellemment

il

mer bleue

et les terres colorées

1886,

il

et

les

le ciel

transparent,

la la

du Midi.

y exécute une de ses plus puissantes, consacrée aux

est à Belle-Ile.

de tableaux

rochers noirs la

région de Paris et de

la

aux grandes

Il

falaises battues à pic

par

houle de l'Océan.

59


En 1886

quitte Vétheuil,

il

pour descendre encore

plus bas dans la vallée de la Seine.

d'une

s installe

Il

manière définitive à Giverny, près de Vernon, dans

une maison de

qu'il

ne quittera plus.

Epte, dont les prairies, couvertes de peupliers, se

1

confondent avec celles de

que

bords

est là sur les

Il

lui offriront les

la

Seine.

Il

peindra

alentours de Giverny,

précédemment peints ceux que

avait

les sites

comme

il

avaient pré-

lui

senté Argenteuil et Vétheuil. Il

retourne sur

rhiver de 1888.

Il

les

bords de

Méditerranée dans

la

s'établit cette fois à

à l'expérience acquise à Bordighera,

il

Antibes. Grâce

peint des paysages

transparents et inondés de lumière.

En

1889,

1895

il

alors

que

fait

il

va peindre à Vervit, dans

un voyage en Norvège,

la terre était

la

En

Creuse.

à la fin de l'hiver,

encore couverte de neige.

Il

en

rapporte des tableaux exécutés dans les environs de Christiania.

Monet, continuant à développer son faire entrer

originalité,

va

son art dans une phase nouvelle. Pen-

dant longtemps

il

avait,

comme

les paysagistes ses

devanciers, variédanschaque tableau le sujet.

Chacune

de ses

d'un

toiles avait été le portrait particulier

spécial.

devant

Mais par degrés, puisqu'il peignait chaque la

fugitifs, il

même la

en

motif,

était

venu à reprendre plusieurs

sans changer de place fois

un tableau

60

et

fois le

en exécutant

différent.

Le fond

scène vue, les contours du paysage représenté

n'étaient plus qu'une sorte d'ossature, les

fois,

nature des impressions diverses, des aspects

cependant chaque de

site

impressions

et aspects variés,

pour supporter

temps

gris

ou

soleil


du matin, de midi, du naient en eux-mêmes comme le motif ardent, effets

bleau.

Il

soir,

véritable

va maintenant étendre et généraliser

même

tique de peindre plusieurs fois le

variant seulement les aspects passagers. le

qui deve-

sujet,

du

la

ta-

pra-

en en

trouvera

terme logique de ses procédés d'Impressionniste.

Il

Il

portera son art à son plein épanouissement, en repro-

duisant

quinze

les

motifs choisis, par séries de dix, douze ou

toiles.

Monet

a

commencé

1891, avec les Meules.

en plein champ fois,

et

sans modifier

à peindre ses séries en 1890Il s'est

placé devant les meules

les a peintes

il

les lignes

un grand nombre de

de fond du sujet,

et

en

un tableau différent. En effet, il appliquait sur chaque tableau une des variétés de coloris, une des modifications d'aspect, que font naître les changements de atmosphère et les obtenant cependant chaque

fois

1

ou d heures. Les meules ne sont par elles-mêmes un motif ayant toute sa

différences de saisons

plus ainsi

valeur, elles ne le deviennent, que lorsqu elles ontété

revêtues d un des aspects passagers, que les change-

ments

La

extérieurs,

série a

reçu

particulariser

le

qu

elles subissent, leur font

nom

de Meules, mais

chaque tableau,

si

on

à laide d'un

prendre.

avait voulu

nom

signi-

on eût dû dire Meules le matin. Meules le soir, Meules par temps gris. Meules en plein soleil, Meules

ficatif,

sous

:

la neige, etc., etc.

La façade de la cathédrale de Rouen avec ses tours a fourni à Monet sa seconde série. Installé à une fenêtre d'une maison devant

temps à

la

peindre.

la cathédrale,

Comme

les

il

est resté long-

meules,

elle lui a offert

61


un thème, qui lui a permis de reproduire les aspects multiples que peut prendre un même motif, vu dans des conditions différentes. Elle

loppée de

au

ardent,

soleil

Pour

a su rendre dans toute leur variété.

peindre dans

Monet

conditions,

ces

simultanément à plusieurs l'autre, les quitter et les

les variations

La première

doit travailler

passer de

toiles,

1

reprendre, selon que

une à

les effets

ou réapparaissent,

particuliers à saisir s'évanouissent

avec

au

allant des gris assoupis

reflets, il

apparue enve-

lui est

de l'atmosphère.

réflexion, qui vint à l'esprit

en présence

d'une série complète Les Meules ou La Cathédrale, fut

que Monet

comme même sujet

avait

tant ainsi le les

deux ou

mant

trois

il

et

premiers

les difficultés.

séries,

simplifié sa besogne en répé-

qu

devait arriver, après

il

essais, à

On a donc

peindre en suppri-

cru qu'en exécutant ses

avait voulu faciliter sa tâche, obtenir le plus

de tableaux possible avec

le

moins d

Or

efforts.

c'est

le

contraire qui est vrai. Depuis qu'il a peint par sénés,

il

a en réalité moins produit de toiles qu'auparavant.

Il s'est

fois

trouvé que rendre des scènes différentes, une

pour toutes,

était

chose plus

des répétitions nombreuses de

la

facile

que d'exécuter

même

scène, présen-

pour

tant des formes diverses. Saisir au passage,

préciser sur

la

toile, les variations

scène peut prendre,

constitue

d'aspect

les

qu'une

une opération d une

grande délicatesse, demandant une vision exceptionnelle et des qualités, spéciales. ainsi se livrer à

62

faut

pour peindre

de véritables abstractions.

venir à dégager du fond le faire

Il

immuable

d'une façon subite, car

le

Il

faut par-

motif

fugitif et

les effets différents à


u

o c o

^»



saisir

peuvent, dans leur apparition éphémère, enjamber

uns sur

les

les

autres

et,

si

1

œil ne les arrête au

passage, en venir à se confondre. J'ai entendu dire à

Monet que

auquel

travail

le

cathédrale de Bouen, pour

lumière variés,

la

avait

lui

il

devant

s'était livré

peindre sous ses

demandé

une

effets

la

de

con-

telle

tention d esprit, qu'il en avait ressenti une terrible fatigue.

avait

Il

avait fini par perdre la

Il

s'arrêter et rester

ses toiles, ne

vue nette des choses.

longtemps sans regarder

pouvant plus se rendre compte de leur

valeur.

Monet

a peint par séries des motifs très variés, après

Les Meules

et

La

Cathédrale. Les Peupliers.

promenant dans

se

de peupliers longue

les prairies

et

se mit à la peindre.

ment que réaliser,

les

est

en

de Giverny, une ligne

sinueuse où, dans certaines posi-

uns sur

tions, les arbres se profilaient les Il

Il vit,

Mais

se trouve

il

les autres.

que l'arrange-

peupliers de Giverny lui ont permis de

analogue à un autre qu'Hiroshigué avait

précédemment rencontré au Japon, dans une

ligne de

cèdres, et qu'il a rendu dans une de ses C//îgiza/2^e-çua/re

vues du Tokaïdo. logie les

que

les

Monet

avait

être frappé de

1

ana-

peupliers de Giverny présentaient avec

cèdres d'Hiroshigué.

On

est là

en présence d un

cas curieux de suggestion devant la nature, exercée par

un grand Il

artiste sur

autre.

a encore peint en série Une matinée sur la Seine

un bras du et

un

fleuve par

:

temps calme, enveloppé de buée

bordé de grands arbres

touffus,

se reflétant

dans

La série des Nymphéas a suivi. Monet a fait creuser une pièce d eau au bout de son jardin à l'eau.

63


Giverny, sur

la limite

Nymphéas. Leurs

Il

Ta semée de

un motif

original,

complété par

arbres qui entourent la pièce d'eau et par

les

pont qui

la

Monet

traverse.

momentanément

à Vétheuil,

ensuite

est

il

un

petit

retourné

avait résidé et peint

longtemps, pour y exécuter une autre de ses

séries.

placé en face du village, sur la rive opposée de

Il s'est

la

la prairie.

feuilles et leurs fleurs, étalées sur

Teau, lui ont fourni

si

de

du

Seine. L'eau

fleuve occupe le premier plan des

tableaux, ensuite le village avec son église s'élève sur la

côte qui, en haut, ferme

Deux

1

autres séries ont suivi

horizon. :

Les vues de

la

Tamise

et

Les Effets deau. de l'étang de son jardin à Giverny. Elles offrent les traits de sa personnalité portés à tout

leur développement. fugitif,

1

aspect

tableaux,

1

Jusqu'alors l'impression,

éphémère formaient

enveloppe,

le

Teff'et

surtout, dans ses

revêtement d'une scène exis-

tant toujours, par dessous,

comme

Mais dans ces deux particulières

assise importante.

séries les apparitions

éphémères ont reçu une existence

décisive, par rap-

port au motif permanent et à la scène réelle, qui n'ont plus qu'une forme sacrifiée et

qui

Ta

reflets

surtout

imprévus,

comme

accessoire.

Ce

intéressé sur la Tamise, ce sont les les colorations

soudaines des eaux

et

de l'atmosphère. Les apparences lumineuses que prennent

les

nuages,

le

brouillard mêlé de fumée, les buées

matinales ou crépusculaires, sont devenus d'être des tableaux et y jouent le

grand

la

raison

rôle.

Les vues qu'on pourrait appeler atmosphériques de la

Tamise, ont été exécutées au cours de différents

séjours à Londres de 1901 à 1904. Et

64

comme

malgré


tout

des motifs pour porter la couleur,

lui faut

il

il

en

a pris deux du Savoy hôtel, qui, de la hauteur du

Strand, domine la Tamise

donne en aval

l'un

:

le

pont

de Waterloo, l'autre en amont celui de Charing-Cross.

Un

troisième motif, formé par

le palais

du Parlement

avec ses tours, a été obtenu d'un des pavillons de

Saint-Thomas, sur

l'hôpital

la rive

du

droite

Dans

l'autre série,

l'eau

en elle-même ne se trouve plus sur

l'état

dominant, l'importance

ments, dont

fleuve.

l'étang de son jardin offre le motif,

les accidents

de

est prise la

par

lumière

la toile à

les

miroite-

la revêtent.

L'effet principal est produit par les objets reflétés qui,

sans contours arrêtés, formentdes apparitions de

vement

et

d agitation.

Monet, avec son habitude de

travailler

en plein

fois

de plus, cherchant de nouveaux

tait

sa résidence de

fois

il

1908

allait à

et

séries.

l'église

Venise.

Il

y arrivait à

sites,

le

la fin

il

quit-

Midi. Cette

de

l'été

de

y séjournait tout l'automne. Il y a peint trois La première a pour motif le grand Canal et de

la

Salute.

Saint-Georges et de

donne

Normandie pour

air,

que jamais.

se trouvait à soixante-huit ans aussi alerte

Une

mou-

le

La seconde, la

gondole, sur

le

de

douane, en face de

La

Palais ducal.

prise

l'église la

ville,

troisième, exécutée d'une

grand Canal, reproduit certains des

palais qui le bordent.

.

*

Quand on peintre et

Monet comme de son œuvre, on a

a exposé l'évolution de

fait

connaître l'ordre

65 5


retracé les traits décisifs de sa biographie. Sa vie s'est

en

eflet

concentrée dans son

En

art.

dehors de ses

changements de résidence et de ses voyages, pour renouveler les sites où il put peindre, les événements intéressants qui le concernent ont été les expositions

il

s'est

produit et où

envoya pour

première

la

marines reçues.

En

a poursuivi son combat.

il

fois

1866,

au Salon, en 1865, deux avait

il

Il

au Salon Camille

et

une vue prise dans la forêt de Fontainebleau. Puis il avait été refusé au Salon de 1867, admis à celui de 1868. refusé de nouveau en 1869 et 1870. C'est l'incertitude d'être reçu au Salon, devenant de plus en plus

grande à mesure qu

il

développait son originalité, et

se transformant à la fin

qui

et tous

se produirait librement avec ses amis,

il

ensemble, à

attirer l'attention

quatre

la certitude d'être refusé,

à se faire l'initiateur d'expositions parti-

le portait

culières. Là,

en

1

état

de groupe,

pourraient

avait

donc envoyé aux

expositions des

Impressionnistes

publique.

premières

ils

de 1874, 1876, 1877

et

Il

1879 de nombreuses œu\Tes,

qui lavaient mis très en vue, mais

en

était

il

temps tombé dans un abîme de mépris

et

même

de réproba-

tion.

Les Impressionnistes, en se faisant connaître, avaient soulevé tout

le

monde

contre eux.

Après

cela,

les

quelques partisans qu'ils avaient recrutés, qui cherchaient à les défendre, les trois ou quatre marchands,

qui avaient eu

le

courage d'acheter

œuNTCs, se trouvèrent le désert.

Ils

ne purent se

impressionnistes

66

comme

et d'offrir

des gens prêchant dans

faire écouter.

devinrent

de leurs

Les tableaux

invendables.

Ce furent


ci

r c

H W z o w Q < U



alors des années de détresse et de misère.

commun.

tagea le sort d'ai'gent. Il

dut abaisser

connut

Il

les pires

moyen de

prix

le

Monet parembarras

ses toiles à

cent francs, et ce ne fut qu'à grand'peine qu'il parvint à en vendre suffisamment Il

faut citer les

hommes

pour ne pas sombrer.

de l'impressionnisme, restèrent

mieux qu

les soutinrent le

cette conduite

on

passait

et

purent, alors que par

pour des sortes de fous ou de

comme marchand,

qui,

qu'il

put à leur faire des achats.

absolument

M. Durand-

fut certes

Ruel

eut

aux peintres

fidèles

ils

maniaques. Le plus courageux

lorsqu'il

temps héroïques

qui, en ces

continua aussi longtemps Il

épuisé

ne s'arrêta que

sa

caisse,

pour

reprendre, aussitôt qu'un changement d opinion favorable survenant,

œuvres

et à

en

il

put recommencer à vendre de leurs

tirer

quelque argent. Parmi

les rares

amateurs de ce temps, qui ne cessèrent de leur

faire

M. Faure, de l'Opéra, le peintre Caillebotte et M. de Bellio. Ce dernier était un riche gentilhomme roumain. Après avoir fait ses études à Paris, il s'y était fixé, devenu le plus Parides achats, se trouvèrent

sien des Parisiens.

Riche, sur

le

Il

:

déjeunait tous les matins au café

boulevard des

Italiens. Il s'était fait le

champion des Impressionnistes auprès de ses amis et connaissances du lieu, parmi lesquels se trouvaient des critiques et des tout Claude Monet.

hommes Il

boitait

difficilement les escaliers,

Alfred-Stevens.

Il

de

lettres. Il vantait sur-

d'une jambe

habitait

un

et,

montant

ne pouvait naturellement y

tenir les objets d'art qu'il avait réunis.

cesse de se construire quelque part

rue

entresol,

Il

une

faire

parlait sans galerie.

En 67


attendant la réalisation de ce projet,

jamais venir,

il

avait loué,

boutique inoccupée, où

il

qui ne devait

en face de chez

pour chercher à

œuvres, suivre.

il

qui

emmenait

Il

convaincre, par

connaissances

les

vue des

la

voulaient bien

Vy

Sa propagande resta longtemps sans succès

apparent. et

les

une

tenait ses tableaux et parti-

culièrement ses nombreux Claude Monet. là,

lui,

a été

Il

cependant par

finit

faire des prosélytes

un de ceux qui ont aidé au changement

favorable, qui devait se produire en faveur des Impressionnistes.

La vente après décès de Daubigny venait montrer en quel mépris étaient alors tombées

Monet. Daubigny avait su reconnaître Monet.

Il

avait

dû remarquer

ses

œuvres de

les le

mérite de

œuvres dès leur

un premier Salon, en 1865. Toujours estil que. réfugié à Londres pendant la guerre, en même temps que M. Durand-Ruel, il lui avait recommandé apparition, à

Monet. qui

à Londres,

arrivait

au commencement

de 1871, venant de Hollande. M. Durand-Ruel avait

En 1873 Daubigny Durand-Ruel, pour la somme

aussitôt

acheté de ses tableaux.

achetait

lui-même

à

M

de quatje à cinq cents francs, une des vues de Hollande de Monet. Canal à Saardam. C'était avant

les

fameuses

expositions de 1874, 1876 et 1877, qui devaient soulever l'opinion contre les Impressionnistes,

que M. Durand-Ruel

réussissait,

et alor3

jusqu à un certain

point, à faire prendre de leurs œuvres.

Daubigny mort, on annonce Je connaissais

une des 68

le

sa vente, en

mai 1878.

me

paraissait

Canal à Saardam, qui

belles choses

que Monet eût peintes

;

je

me


promis donc de pousser aux enchères Tacquérir.

La vente

Je supposai que

a

aucune trace du tableau.

lieu,

le

garder,

qu'ils avaient su apprécier.

Quinze

jours après, un dimanche,

dans une

j'entre

avaient voulu

les héritiers

comme une œuvre

de

et d'essayer

salle

visitant

1

Drouot,

Hôtel

où se trouvaient des ébauches

informes, de vieilles toiles salies, avec, par terre, un

amas de l'attirail

chevalets, palettes, pinceaux, en

d'un atelier

et là, seul et isolé,

Saardam de Claude Monet.

J en pensai

renverse. L'affiche ne portait aucun

renseignements débarras de

ment,

comme une

j'avais

chose à dissimuler.

mis

Il

me

vingts francs.

fut

Lorsque

de

Saardam^

fut acquis par

de cinq mille fait

collection,

en

il

à la

J'allai

aux

devant moi

le

C

était là

que

eût, sans doute,

circonstances

les

faire la vente

qui ayant

tomber

adjugé aux enchères pour quatre-

en 1894. à

somme

Canal à

tableau de Monet, exclu de

le

vente régulière, qu'à leurs yeux

déshonoré.

le

de Daubigny, présenté anonyme-

l'atelier

les héritiers avaient la

que

et j'appris

nom.

un mot tout

ma

m

amenèrent,

collection, le

Canal à

M. Durand Ruel pour la francs. Il le revendit à M. Decap,

lui-même une vente d'une avril 1904,

partie de sa

l'avait mis', le retira,

il

au prix de trente mille francs.

Monet ne prenait point

part,

en 1880, à l'exposition

des Impressionnistes, parce qu'il devait avoir lui seul,

en juin, une exposition de ses œuvres sur des ItaUens, au journal

La

le

boulevard

Vie moderne. Cette

(1)

Vente Théodore Duret, 19 mars 1894, n"

(2)

Vente Decap. Collection de M. X..., 13

même

27. avril, n» 47.

69


année,

il

présentait au Salon

un important

tableau,

Les glaçons, peint à Vétheuil pendant Thiver le refusait.

En 1880 Monet

:

jury

le

demeurait toujours mé-

connu. Son exposition à La Yie moderne avait lieu

dans une tique

salle

au rez-de-chaussée, en

réalité

tenue ouverte gratuitement, aussi

entraient-ils rire et se

une bou-

les

passants

en grand nombre, mais seulement pour

moquer. Les œuvres montrées ne leur parais-

saient dignes d'aucune sorte d'examen.

Les provin-

ciaux se rencontraient sur ce point avec les Parisiens.

Monet

m'écrivait à la date

prends,

ce matin

du 3 octobre 1880

même, que

:

«

J'ap-

tableaux que

les

j'ai

du Havre ont très irrité les amateurs Havrais et que ce n'a été qu'un fou rire. Comme c'est agréable » Monet prenait part à Texposition de 1882 du groupe impressionniste et en mars 1883 envoj^és à l'exposition

!

il

exposait 56 de ses toiles, au premier étage d'une

maison en réparation, boulevard de

la

Madeleine,

que M. Durand-Ruel avait loué temporairement.

On

put constater à cette occasion que l'époque de complète défaveur était passée. visiteurs qui

qualités

On

voyait de

nombreux

ne riaient plus, qui reconnaissaient des

aux œuvres

raient, surtout

;

parmi

de nouveaux partisans se déclales

jeunes gens.

Le revirement en faveur de Monet s'accentue à partir de ce jour. Le temps travaillait pour lui. Les années en s'écoulant amenaient à d'une nouvelle génération, que

la vie les le

hommes

contact prolongé

avait familiarisé avec ses œuvres. Ceux-ci

ne pouvaient

donc plus éprouver, en face d'elles, ces sentiments d'étonnement et d'horreur, ressentis par les devan70


I

u o in

h

z o

รป <

u

,'*

k



qui les

ciers,

Monet

vu apparaître à l'improviste.

avaient

produit pour

s'était

en 1865, pour

première

la

première

la

fois,

sionnistes, à l'exposition de

avec

1874

fois

au Salon,

les autres

Impres-

en 1889, vingt-

et,

quatre ans s'étaient écoulés depuis son premier Salon et

quinze ans

allait

depuis

reconnaître

le

sa

première

On

exposition.

changement qui en

son

résultait à

avantage.

En

année 1889,

cette

il

faisait

dans

la salle Petit,

rue deSèze, de compagnie avec Rodin, une exposition,

où tous

les

deux mettaient un choix important de

leurs œuvres.

Monet

sa production.

avait là 145 toiles, prises à toute

donc un ensemble

C'était

tique qu'il montrait, et

agencés

et

non plus dans des locaux mal

occupés par aventure, mais dans une

appropriée, où

pouvait constater, à les

noms

la

des

personnes étaient

lectionneurs qui en possédaient. naître aussi, par

les

était

On

décisive.

vue du catalogue, où étaient

combien nombreux

tableaux,

salle

Tout-Paris artistique avait l'habi-

le

tude de se rencontrer. L'épreuve

inscrits

caractéris-

ayant

devenus

On

des

prêté

les col-

pouvait recon-

critiques de la presse,

que

jeunes écrivains savaient maintenant apprécier

les

l'art

nouveau. Beaucoup de visiteurs étaient conquis, ceux qui demeuraient rebelles étaient cependant plus ou

moins entamés

et

devaient convenir que l'œuvre, sous

leurs yeux, révélait de la puissance. Cette exposition,

en quelque sorte solennelle, permettait de constater le travail

favorable accompli par le temps en faveur de

Monet. Elle marquait et l'entrée

dans

le

la sortie

de l'époque

difficile

succès.

71


Monet quoique enfant de Paris tement.

Il

est

toujours resté indifférent aux succès

mondains, au besoin de bruit

forme un des

de

traits

la vie

plein air, poursuivant son

champs, des

complè-

délaissé

l'a

de réclame, qui

et

parisienne. Travaillant en

œuvre dans

falaises et des eaux,

la solitude

des

a pris en aversion

il

ces soins variés auxquels les citadins sont astreints. Ses

devenues rares. Etabli depuis 1866

visites à Paris sont

successivement à Argenteuil, Vétheuil

conséquent de plus en habitué à

grand Il

vivi'e

ciel et la

s'est

Giverny, par

plus loin de Paris,

en face de

la

il

s'est

nature, les yeux sur le

lumière.

donné comme

tout entier

et

semé de

fleurs,

luxe, à Giverny,

un jardin

qui se diapré, selon les sai-

sons, de couleurs variées et éclatantes. Ses

peintre trouvent là leur satisfaction.

Il s'est

yeux de

rencontré

sur ce point avec Whistler qui, dans les maisons où habitait, revêtait les lambris

il

murs de couleurs vue. Ce que Whistler,

et les

harmonieuses, pour reposer sa

homme des villes, faisait dans son intérieur, Monet, homme du plein air, Ta fait au dehors, en colorant son jardin par les fleurs. a supporté les

Il

temps d'épreuve

et

de misère avec

une grande force de caractère. Puis, lorsque vint,

il

retirer

n'en fut nullement troublé.

Il

ses

s'est

succès

ne chercha à en

aucun de ces avantages honorifiques, que tant

d'artistes se plaisent à culier,

Il

le

rechercher

de se laisser décorer de

la

et refusa,

en parti-

Légion d'honneur.

toujours conduit en très brave

homme

avec

camarades de l'impressionnisme. Degas, Pissarro,

Cézanne, Renoir, Sisley n'ont été vantés par personne 72


mieux que par

non plus cessé d'exprimer sa grande admiration pour Manet et de faire connaître lui. Il n'a

tout ce qu'il lui avait dû, au départ.

de

tiative

Il

prit

en 1890

l'ini-

qui devait amener l'entrée

la souscription,

de y Olympia de Manet au Luxembourg. Pendant plus d un an, jusqu'à

la

il

consacra son temps et

aux démarches nécessaires, d'abord pour

ses efforts

réunir

la réussite,

somme

^mc Manet,

de vingt mille francs à donner à

puis pour faire accepter le tableau par le

Musée. Lorsque Zola, dans

Drejfus, se fut jeté

l'affaire

en avant en faveur du condamné, Monet, dès

la

mière heure, alors qu'on soulevait contre

peuple

entier déchaîné, fut

un de ceux qui

bliquement leur appui.

Il

mais en

donnèrent pu-

n'était intervenu jusqu'alors

dans aucune action publique le faire,

lui

soi le

pre-

et

ne devait plus jamais

cette circonstance

il

croyait qu'il

du devoir de tous de prendre parti, il venait ranger sans hésiter du côté où il voyait la vérité et était

se la

justice. *

Monet

arrivé à la vieillesse s'est tenu au genre de

vie et au genre de travail, qu'il avait de tout férés.

Homme

du plein

air, fixé à la

campagne,

cantonné plus que jamais dans son jardin ries

temps préil

s'est

et ses prai-

de Giverny, espaçant de plus en plus ses visites à

Paris, devenues tout à fait rares et passagères. Il

avait été

l'eau.

Il

avait,

constamment dans

attiré

par

le

spectacle de

les lieux les plus divers,

allé travailler, introduit l'eau

comme une

il

était

partie inlé-

73


grante de ses tableaux.

variées, à Giverny, celle qu'il y trouvait. et les reflets

deux de

de manières

avait peint,

Il

de Tétang de son jardin

ses dernières séries.

Il

va,

lui

en

Les nymphéas avaient fourni

fin

de carrière,

reprendre ces motifs, sous une forme particulière.

Il

en fera un thème décoratif.

Sur de nombreuses conçues

toiles

exécutées de façon à ce qu'elles puissent

et

être disposées

pour former des ensembles,

agrémentée de nymphéas jeux de coloris, que

de l'atmosphère décorative qu'il

les

s'agit.

et

donnant

il

peint Teau

les reflets et les

changements de

lui font

la

lumière

et

prendre. C'est d une œuvre

En

tion qu'il exécute, mais

une

de grandes dimensions,

eff'et

c'est

bien une décora-

une décoration qui repose sur

réalité et s'appuie sur

une longue observation de

la nature.

Ce grand auquel

il

travail,

s'est

qui

le retient

particulièrement

dernières années, aura été toute son œuvre.

74

depuis longtemps et consacré

dans ces

comme le couronnement

de


SISLEY Alfred Sisley naquit à Paris,

père

et

30 octobre 1839, de

le

de mère anglais. Son père, établi à Paris négo-

ciant-commissionnaire, avait sa clientèle dans l'Amérique du Sud.

une fils

fille,

Il

Alfred eut atteint l'âge de dix-huit ans,

de l'anglais

homme ne

là,

et s'initier

la

il

il

au commerce. Mais

montra aucune disposition pour

Il

l'envoya

le

qu'il

la

Ce

fut

avec eux.

ne se proposait point tout d abord de

début que

pein-

rencontra Claude Monet, Bazille,

et se lia d'amitié

l'exercice de l'art

jeune

les affaires.

obtint d entrer dans l'atelier de Gleyre.

en 1862,

Renoir

et

connaissance

retour à Paris, attiré irrésistiblement par

ture,

fils

reçurent une bonne éducation. Lorsque son

en Angleterre, se perfectionner dans

De

deux

était riche et ses enfants,

une profession.

comme un homme

Il

ne

s'y

faire

de

adonne au

qui, ayant ailleurs des

un embellissement camarades Claude Monet

sources de fortune, y voit surtout

de et

la vie.

Par rapport à

ses

Renoir, qui se sont tout de suite mis à travailler,

pour obtenir de leur pinceau il

reste

en retard

première

fois

comme

les

moyens

producteur.

Il

d'existence,

expose une

au Salon en 1866, puis en 1868, des

75


celle lui

de Courbet

doit,

une

dans

exécutés

paysages,

de

voisine

tonalité

de Corot. Les œuvres qu'on

et

dans ces années de début, sont peu nom-

breuses.

En

1870, pendant

la

guerre, son père

tombé malade

incapable de surmonter la crise survenue dans ses

et

affaires, subit

des pertes, qui amenèrent sa ruine et

peu de temps après

comme

sa mort. Alfred Sisley, qui jusque-

là avait

vécu

tout à

coup sans autres ressources que

pourra

tirer

donne donc

le fils

d'une famille riche, se trouva qu'il

de son talent de peintre. Après 1870. tout entier à la peinture, à laquelle

faut désormais

demander

lui et sa famille, car

ses

est

il

moyens

marié

il

se lui

il

d'existence pour

des enfants.

et a

moment son ami Claude Monet

ce

celles

avait,

A

sous lin-

fluence de Manet, adopté et développé le système des

tons clairs et l'appliquait à

directement devant

la

la

peinture du paysage,

nature. Sisley s'approprie lui-

même cette technique il peint en plein air, dans la gamme claire. On voit ainsi l'influence qu'exercent les ;

uns sur éveil, il

les autres,

au point de départ, des

Manet sur Monet

faut répéter qu'il

ne

et

Monet

s'agit

en

artistes

sur Sisley. D'ailleurs

point

de pastiche

ici

et

d'imitation servile, mais d'une formule initiale que se

communiquent,

hommes

à

recherche

la

pressionniste, Claude

en quelque

deux

autres,

76

leur voie,

des

foncièrement originaux, qui ne perdent jamais

leur caractère propre.

les

de

se ils

En

effet, si

Monet

dans

et Sisley

sorte, séparés, s'ils

le

groupe im-

ne peuvent

être,

forment un couple, où

ressemblent plus entre eux qu'à aucun des conservent cependant, vis-à-vis l'un

de


RENOIR.

—

Portrait de

SISLEY.



ont chacun leur manière

l'autre, leur personnalité et

de voir

On

de

et

sentir.

peut dire de Sisley,

rendre

qu'il a su

œuvre

comme

nature d'une manière riante. Son

la

est séduisante. Elle se

ment, de

celle

paysage

rapproche, par

de Corot. Sisley

nature enchante.

est

un

délicat

aimables

et intimes.

Aussi

demandent aux œuvres d

tendres, qui

répondant

à leur

que

la

manière

d'être.

Il

est-il le

hommes

impressionniste, préféré par les

paysagiste

le senti-

a recherché de préférence dans le

Il

les motifs

trait caractéristique,

l'émotion

art

a particulièrement

peint les rivières, avec leurs eaux transparentes et leurs

bords au feuillage coloré,

temps ou

ensoleillée l'été.

on y

variée,

voit aussi des vues

encore des

et

Il

campagne en fleurs au prinSon œuvre est d ailleurs très

la

de neige, où

effets

exposa pour

de

la

il

villes et

de

villages,

a excellé.

dernière fois au Salon, en 1870,

puis avec les Impressionnistes en 1874. 1876 et 1877.

Son

originalité se

manifestait par un coloris neuf et

imprévu, qui soulevait de peindre dans une d'hui, les

on

est

la

réprobation.

gamme

On. l'accusait

artificielle lilas.

habitué à voir

les

Aujour-

paysagistes employer

tons les plus tranchés, pour rendre les eflets

lumière

;

aussi la palette de Sisley semble-t-elle abso-

lument calme

et

d une grande justesse.

qu'elle apparaissait, cette

de

époque on n

la tonalité,

on

était

la

cependant plus

C

qu à pas encore accoutumé à

jugeait

même

Mais alors

grise,

fausse.

est

de Courbet

et

de

Corot. Sisley venant montrer, avec ses amis les Impressionnistes, les variations de coloris,

lumière

et la diversité

que

les

jeux de

la

d heures, de jours, de saisons

77


donnent aux scènes naturelles, déconcertait tateurs. soleil à

Il

les spec-

rendait en particulier les effets de plein

Taide d un ton rose

paraît des plus

heureux

lilas

et qui

qui aujourd hui nous

communique bien

la

sensation tendre et gaie voulue, mais qui, à son apparition, semblait allait-il

monstrueuse. Aussi

pauvre Sisley

le

subir toutes sortes de déboires et d'avanies,

avant de voir son art Il lui fallait

si

compris

délicat,

et accepté.

vivre de sa peinture, maintenant que les

ressources obtenues d'ailleurs lui manquaient et la chose

devenait presque impossible.

Il

avait pensé, avec quel-

ques-uns de ses camai-ades, à faire des ventes publi-

ques pour se trouver des acheteurs. Deux ventes aux enchères, à THôtel Drouot, avaient ainsi été organisées.

La première, le24mars 1875,

A la première, réalisé

la

seconde,

le

28 mai 1877.

Sisley avait mis 21 toiles, qui n'avaient

ensemble que 2.455 francs, une moyenne d'un

peu plus de 100 francs. Deux d'entre

elles,

il

est vrai,

de grandes dimensions atteignaient le prix de 200 francs, ,

et

vinBaiTage.de

la

Tamise à Hampton Coizr^ montait,

par extraordinaire, à 300 francs.

A

la

même

vente,

Claude Monet avait eu 20 tableaux, qui arrivaient à

une moyenne de 200 à 300

francs.

A la

vente de 1877,

11 toiles mises par Sisley ne produisaient que

les

maigre

total

le

de 1.387 francs.

Ces ventes avaient été en

réalité désastreuses. Sisley,

qui se défaisait de ses meilleures toiles et n'en obtenait

guère que 100 francs, avec les

en détresse.

En

outre

le

frais à défalquer, restait

public venu à la vente de 1877,

que l'exposition des Impressionnistes de cette année avait causé une horreur générale, s'était fait de alors

78


telles

gorges chaudes des œuvres,

avec de

telles

qu'un

les avait accueillies

huées, que les artistes jugèrent inutile de enchères, ne devant leur

recourir de nouveau aux attirer

il

profit dérisoire

et

des humiliations pu-

bliques, par-dessus le marché.

En

ces années de méconnaissance absolue,

Impressionnistes eurent à supporter en misère, Sisley fut

le

commun

les la

plus malheureux. C'est lui qui a le

Cézanne

plus souffert.

vivait d'une

pension de son

père, Renoir peignait des portraits payés. Pissarro et

Monet, qui le

étaient produits les premiers, avaient eu

s

temps de

se faire

une certaine

qu'elle fût très limitée,

clientèle, et, quoi-

purent traverser

ils

les

épreuves

de cette époque, sans voir leurs œuvres descendre audessous du prix de 100 francs. Mais Sisley, venu dernier, à

un moment où

l'on

ne pouvait plus se

de clients spéciaux, se trouva dans un qu'il fut réduit à

donner de

ses toiles

tel

le

faire

abandon

pour trente

et

vingt-cinq francs. C'étaient des prix inférieurs à ceux

que Pissarro

et

Cézanne devaient jamais connaître,

qui ne cessèrent, en aucun cas, d'obtenir pour leurs

tableaux au moins quarante francs.

En

son temps de pire misère, Sisley compta un

pâtissier-restaurateur, Murer,

sonnes qui

le

sans appui

et,

comme Il

une il

il

s'était

était entré

s'était

les

quelques per-

trouvé tout jeune

chez un pâtissier

élevé au rang de patron.

pâtisserie sur le boulevard Voltaire, à

avait joint

sa profession quitter.

Murer

pour vivre,

apprenti. Puis

tenait

laquelle

soutinrent.

parmi

Il était

que

un restaurant. Mais

comme

pis aller,

il

n'exerçait

en aspirant à

pénétré de goûts artistiques

la

et littérai-

79


En

res.

effet

plus tard, parvenu à Taisance et retiré,

il

devait peindre des tableaux et écrire des romans. Alors qu'il

toujours pâtissier-restaurateur,

était

il

avait fait

connaissance des Impressionnistes, par lintermé-

la

diaire de Guillaumin, avec lequel

jeune à Moulins, sa

ville natale.

il

tout

s'était lié

Quand

les

années de

détresse furent venues pour les Impressionnistes,

que

question du vivre et du couvert se posa, à certains

la

jours, pleine d angoisse, Ils

purent y manger. Sisley

de

la facilité.

Lorsque

le

leur ouvrit son restaurant.

il

et

Renoir profitèrent surtout

nombre des déjeuners

dîners atteignait une certaine limite,

paiement un tableau.

Il

il

et

des

recevait

en

en acheta, par surcroît, un

nombre, aux prix d alors, qui paraîtraient aujourd'hui bien bas, mais que personne à ce mocertain

ment, sauf quelques amis, ne voulait payer. des premiers qui reconnurent

fut

un

valeur des Impres-

pour se former une collection de leurs

sionnistes,

œuvi'es et

la

Il

il

fut ainsi

un de ceux

qui, à

Tépoque de

leur pire misère, les aidèrent à vivre, en attendant des

temps meilleurs. J'ai publié

des

lettres,

dans

la

Revue Blanche du 15 mars 1899,

qui font connaître

vait Sislev, sous le

coup de

l'état

d esprit où se trou-

l'hostilité

générale

misère prolongée. Toute son ambition trouver

le

moyen

il

n'avait

publiques et qu'il ne pouvait ici

une de

de combinaison sultat,

80

n'allait

de

la

quà

d'obtenir, pour ses tableaux, ce prix

de cent francs, qu

donne

et

pu dépasser aux ventes

même

ses lettres, qui il

imaginait, à

plus atteindre. Je

apprendra quelle sorte la

poursuite de ce ré-

en lui-même misérable, mais que

les circons-


w c2



comme

tances lui faisaient malgi'é tout entrevoir salut

le

:

Mon cher

«

Duret,

«

Avant votre départ de Paris et à la Hoschedé, vous avez pu constater,

«

pas que

«

besoin de vous faire

«

et je

ce

cieux,

«

Parmi vos amis de la Saintonge, ne pourriez-vous pas trouver un homme intelligent, qui aurait assez de

«

confiance dans vos connaissances artistiques, pour se

«

laisser

«

mauvaise

suite de la vente

((

j'ai

fait

j'en suis sûr, le

dans l'opinion. Je l'article.

Voilà

n'ai

donc pas

qui s'en va

l'été

perds un temps qui m'est plus que jamais pré-

«

convaincre par vous, qu'il ne affaire,

ferait

pas une

en plaçant quelque argent, dans

((

l'achat de tableaux d'un peintre sur le point d'arri-

((

ver. ((

proposer de

ma

part

500 francs par mois, pen-

«

lui

«

dant six mois, pour trente

« « «

«

que vous pourriez

Si vous le connaissez, voilà ce :

toiles.

A

l'expiration des

comme il peut n'être pas disposé trente toiles d'un même peintre, il pourra en six mois,

une vingtaine, risquer une vente, rentrer ses débours et avoir dix toiles pour rien. «

Cette dernière combinaison

distraire

ainsi

dans

été suggérée par

commissaire-priseur successeur de Boussa-

«

Tuai,

«

ton, quej'ai

«

une

«

l'hiver prochain,

«

voyez,

«

propose

le

m'a

à garder

vu ces jours derniers

toile. Il

mon

et

auquel j'ai vendu

m'a engagé fortement à

faire

une vente

en m'assurant du succès. Vous

cher Duret, que

est tout à fait

l'affaire

que je vous

pratique et a toutes les chances

81 6


«

de réussir. Tâchez donc de

«

ditaire. «

Il

me

pour moi de ne pas

s'agit

comman-

trouver ce

laisser passer Tété

a

sans travailler sérieusement, sans préoccupations,

c(

pour pouvoir

«

la

rentrée on marchera. Petit ne sera pas éloigné, à

«

ce

moment, de me donner un coup

«

Persuadé que vous ferez votre possible pour la réussite de ce que je vous propose et, en attendant

«

votre réponse, je vous serre la

faire

de bonnes choses, persuadé qu'à

d'épaule.

«

« «

18 août 1878.

Quelques mois après, il

main

d'amitié.

A. SiSLEY.

»

»

il

pensait à revenir au Salon, et

avait des doutes, d'ailleurs justifiés, sur la possibilité

de

s'y faire recevoir.

« «

Mon

cher Duret,

Je vous crois assez de mes amis pour, à un

un

moment

me donner

«

donné,

«

un coup d'épaule. Quelques-uns de mes amis, beaucoup par amitié et un peu intéressés à ce que

ce

« j'arrive,

faire

me

effort

pour contribuer à

prêtent leur concours. Je compte sur

le

vôtre.

«

«

Je suis fatigué de végéter, longtemps. Le

moment

comme je

le fais

venu pour moi de

«

si

«

prendre une décision. Nos expositions ont

«

est vrai, à

«

ont été très utiles, mais

a

trop longtemps.

«

pourra se

82

nous

est

faire connaître et il

depuis

en cela

ne faut pas, je

servi,

elles

il

nous

crois, s'isoler

Le moment est encore loin, où l'on passer du prestige qui s'attache aux expo-


donc résolu à envoyer au

«

sitions officielles. Je suis

«

Salon. Si je suis reçu,

«

je crois

« «

m'y préparer, que je fais appel à tous ceux de mes amis qui me portent de Tintérôt. Il faut que je puisse

«

travailler et surtout faire voir ce

«

des conditions convenables. Je quitte Sèvres, ces

((

que je pourrai

jours-ci,

y a des chances cette année, des affaires et c'est pour

faire

je fais,

dans

mars 1879. A. SiSLEY.

«

Je ne connais rien de plus Voici un

que

mais je ne m'éloignerai pas de Paris.

Sèvres, le 14

«

il

homme

triste

»

que ces

lettres.

plein de talent qui, arrivé à trente-

huit ans, en est réduit à rechercher, espoir, le capitaliste qui,

en

comme suprême

donnant

lui

trois mille

même de vivre et de travailler Et ce même homme, désireux de

francs, le mettrait à

pendant

six mois.

se produire

aux Salons

officiels,

qu'un gouvernement

paternel ouvre à des centaines de cuistres, est obligé

de reconnaître que ce que

les autres

lui sera peut-être refusé,

dire, à la

comme

à

un

indigne.

Il

faut

louange de Sisley que, dans sa détresse,

ne pensa jamais à dévier de faire la

obtiennent de droit,

la

moindre concession au

se le rendre favorable.

voie où

public,

il

il

était entré, à

pour essayer de

L'exemple de tant d'autres, qui

savent lallécher en se pliant à ses demandes et en

empruntant aux sources qui

ment perdu pour lui. qui

le

tation

condamnait à

même

Il

lui

persista

la

plaisent, fut absolu-

dans sa manière propre,

misère. Elle était la manifes-

de sa personnalité,

elle

correspondait à

83


comme

ce que son jugement lui faisait reconnaître juste et dès lors

par

un

bel

il

s'y tenait coûte

exemple de probité

que coûte. et

a offert

Il

de vaillance

artis-

tiques.

Sisley a toujours habité dans les environs de Paris.

Avant

guerre à Louveciennes et à Bougival

la

jusqu'en 1875, à Voisins sont

vues de

les

alentours

la

De

Marly.

ces années

que

lui

fournissent

coteaux de Louveciennes, couverts de vergers. 1879,

à

Seine

En

habite Sèvres.

il

1879,

il

lui

Meudon

la

Saint- Cloud.

et

bords du

ont fourni une très grande variété

de motifs. Moret, son pont, son

maisons qui bordent

mémoire de

De 1875

y prend des vues de

résidera définitivement. Les

Moret

et

les

près de Moret, puis à Moret

s'établit

il

même, où Loing

Il

de ses bords, vers

et

après,

Seine, prises à Port-Marly et aux

paysages

les

et

et à

;

toutes

église, ses

moulins,

les

dans

la

rivière sont entrés

la

personnes familières avec

les

l'œuvre de Sisley.

En

1874,

M. Faure,

en Angleterre. à

Hampton séjourne

Swansea,

et

baryton de l'Opéra,

en rapporta des vues de

En 1894 de Rouen. En

Court.

aux environs il

Il

le

sur la

il

Temmena

la

Tamise,

peint en Normandie,

1897, de mai à octobre,

côte du pays de Galles, près de

de Cardiff à Longlang

et à

Pennart.

Il

y

peint les falaises et la mer. Sisley, qui parlait couram-

ment

l'anglais, possédait

vailler

en Angleterre.

Il

des avantages pour aller tra-

n'en a profité qu'exceptionnel-

qu

lement.

Il

mœurs,

ses idées, ses préférences, et

était tout ce

dépaysé en Angleterre.

84

il

y a de plus Français par ses

Il était

il

se sentait fort

malgré tout resté Anglais,


-.^^ ...



de par sa naissance. en obtenant

çais,

nécessaires, mais

En

1895,

voulut devenir Fran-

il

naturdisation.

il

ne put produire certains papiers de

Il fit

famille exigés, de telle sorte que sa

suspens

qu'à sa mort,

et

anglaise.

Il

démarches

la

mourut

les

demande

resta

en

demeurait de nation dite

il

29 janvier 1899, d un

à Moret, le

cancer des fumeurs.

n avait point vu, avant de mourir, un réel changement de fortune se produire en sa faveur. Il était jusqu'au dernier jour demeuré dans la gêne, Sisley

quoique, à

la fin, sa situation se fut

vendit ses œuvres plus facilement. était

venue par

ailleurs.

nément formé de

Le

améliorée

Une

point eu de suites.

Il

satisfaction lui

projet qu'il avait

se représenter au

et qu'il

momenta-

Salon,

n'avait

ne devait jamais réapparaître à

l'ancien Salon officiel. Mais en 1890, la Société natio-

nale des Beaux-Arts se constitua, en dissidence avec la

Société des Artistes français, continuant les anciens

Salons, et inaugura au

propre,

ment

comme un

accueilli. Il

Champ-de-Mars une exposition

second Salon, où

il

fut favorable-

exposa donc au Champ-de-Mars en

1894, 1895, 1896, 1898 des ensembles de sept et huit tableaux. Ce fut

un

réel avantage

pour

lui,

de paraître

ainsi à des expositions éclatantes, visitées parle

public

;

il

grand

en reçut une consécration relative.

Cependant, par un changement subit, tout ce qu'on avait refusé le

aux œuvres de

leur donner, lui parti.

que

la

mort d'un

Sisley, lui présent,

On

artiste est

sait

Il

ya

l'histoire

allait

depuis longtemps

l'événement

le

plus favo-

amener

le

succès de

rable qui puisse survenir, pour ses œuvres.

on

de Téniers qui, ne trouvant

85


plus à se défaire des tableaux qu'il avait peints en trop

grand nombre,

fit

accréditer le bruit de sa mort, et vit

tout de suite les acheteurs se les disputer.

Ce que Ton

mort simulée de Téniers, s'est réellement produit à la mort de Sisley. Trois mois après, dit être arrivé à la

on vendait, au

de ses enfants, à

profit

la salle Petit,

rue de Sèze, 27 des toiles qu'il avait laissées. Les amateurs et

marchands

les

disputèrent. Les prix

se les

étaient bien différents de ceux des anciennes ventes,

en 1875

1877, où la

et

moyenne de 100

francs n'avait

guère pu être dépassée. Les 27 toiles vendues procuraient 112,320 francs.

Les œuvres de Sisley deviennent alors Tobjet d'une faveur générale.

On

voyait surgir des marchands, de

nouveaux partisans, en premier des jeunes gens, les frères Joseph et Gaston Bernheim qui se faisaient écouter, en les

chez

recommandant.

Ils allaient

chercher

qui autrefois les avaient acquis à

les possesseurs,

bas prix, des tableaux, qui sortaient ainsi des lieux ignorés où

dans

ils

avaient été tenus, pour prendre place

les collections

en vue. C'est en

très

grand nom-

bre que les toiles de Sisley, dans l'année qui suivait sa mort, changeaient de mains à des prix de plus en plus élevés.

Le

véritable

engouement

qu'elles

causaient

trouvait sa pleine expression à la vente de la collection

y en avait quatorze. La principale, L'inondation, admirée comme un chef-

Tavernier,

d'œuvre,

le

6 mars 1900.

était adjugée,

Il

pour

43.000 francs, au comte de

le prix retentissant

de

Camondo et est maintenant

entrée au Louvre avec sa collection. Sisley, de tous les Impressionnistes celui qui avait le

86


plus souffert, devait, par une sorte de réparation, être le

premier à recevoir un

hommage

public signalé. Les

habitants de Moret lui ont élevé, par souscription,

un

monument, près du pont de leur ville. Ils ont su honorer la mémoire de l'artiste qui avait vécu au milieu d'eux.

87


i


RENOIR Le propre des Impressionnistes, peignant directement devant la nature, a été de faire apparaître les objets

dont

sous les colorations fugitives

les variations

sphère pouvaient

de

la

lumière

et les effets

Les

les revêtir.

changeantes,

et

de

1

atmo-

objets, reproduits

par

eux, ont pris une coloration plus vive et plus diaprée,

que

retenus dans et

reçue des peintres

celle qu'ils avaient jusqu'alors

la

mer

1

atelier.

Les champs,

se sont nuancés,

les bois, les rivières

sous

le

pinceau de ces

Impressionnistes qui ont été surtout des paysagistes, Pissarro, Claude

Monet,

variété de tons imprévue. fait

pour

consacrés, Renoir Ta

personnages

Ce que

auquel

paysage,

le

fait

ils

pour

les autres

avaient

s'étaient avant tout

les êtres

humains. Les

qu'il a peints apparaissent colorés,

un ensemble

clair,

dans

plein de combinaisons de tons,

forment partie d un tout lumineux. Mais

parvenu à sa manière personnelle, définissons,

dune

Guillaumin,

Sisley,

du premier coup,

atteinte qu'en passant,

il

comme

ne

telle l'a

il

ils

n'est point

que nous

la

naturellement

les autres

de l'impres-

sionnisme, par certaines étapes.

Renoir (Pierre-Auguste)

est

né à Limoges,

le

25

fé-

89


vrier 1841.

emmené

trois

avait

Il

ou quatre ans

à Paris par son père, petit tailleur qui, pen-

Le

sant y faire fortune, venait y résider.

trouva pas à Paris

blement

la

fortune entrevue,

comme

et,

chacun d'eux dut le

lorsqu'il fut

ne

y vécut pénichargé de cinq enfants,

était

il

tailleur

se mettre à travailler.

il

Auguste adopta

métier de peintre sur porcelaine, à l'instigation de

son père

qui,

Limoges,

à

treize à dix-huit ans,

il

l'avait

fut

vu pratiquer. De

donc ouvrier peintre sur

porcelaine. Toute son ambition se bornait alors à pré-

manufacture de Sèvres, pour y exercer son métier de peintre sur porcelaine. tendre entrer à la

Il

fut

subitement détourné de cette perspective. La

décoration

de

demandée de

la

porcelaine

temps au

tout

lorsqu'une invention

Du

coup

la

fit

industrielle

avait

été

manuel d'ouvriers, exécuter par une machine. travail

les ouvriers peintres sur porcelaine

durent

un autre métier. Renoir, après un certain temps de chômage, découvrit un nouveau filon à se chercher

exploiter, celui de la peinture

à cette

de stores.

Il

avait acquis

époque une grande dextérité de main

ses facultés

natives maintenant

développées,

et,

avec

il

put

s'appliquer avec une telle supériorité à son nouveau travail,

qu'après trois ou quatre ans,

se trouva des

il

économies suffisantes pour pouvoir l'abandonner satisfaire les

ambitions de

entrant dans l'atelier GlejTe. Ce fut

là,

l'artiste alors

Sisley et Bazille, puis

apparues, en

d'un peintre en renom,

en 1861-1862,

qu'il

et

de

rencontra d'abord

Claude Monet

et qu'il se lia

d'amitié avec eux. Il

90

envoie, pour la première fois, au Salon de 1864,


Portrait de

RENOIR

par

ALBERT ANDRÉ.



un tableau qui tique,

il

donnée roman-

la

représentait Esmeralda, rhéroïne de Victor

Hugo, dansant tours de

Conçu dans

est reçu.

sur la place de Grève, avec les

la nuit

Notre-Dame dans

le

fond. Renoir détruisit

œuvre, lorsqu'il se mit à peindre en se rappro-

cette

chant de

nature. Cette heureuse transformation se

la

produit dès 1865, où

il

envoie au Salon deux toiles

reçues, peintes d'après nature 3/me ly _5 et j7^g Soirée d'été.

Le

:

portrait

n'apparaît pas aux Salons de 1866 et de 1867.

de

Il

y avait probablement envoyé des tableaux, qui auront Il

été refusés.

envoie au Salon de 1868, Lise, qui est

Il

en pied de grandeur naturelle, vêtue d'une robe blanche, une ombrelle à la main.

une jeune

reçue,

Cette

jBUe

œuvre marquait un pas en avant,

elle avait été

peinte en plein air, dans la forêt de Fontainebleau.

jeune

fille, le

terrain autour d'elle, et

par derrière reçoivent reflets,

que

le soleil fait

Les caractères de

la

les

traits

çait alors les

un tronc d'arbre

plaques de lumière

et les

descendre à travers le feuillage.

peinture de plein air sont là main-

tenant bien établis, mais en

encore des

La

même

temps

s'y révèlent

dus à Courbet, au maître qui influen-

jeunes artistes portés vers l'observation

directe de la nature. Renoir faisait recevoir, au Salon

de 1869, dente

En

été,

lui avait servi

mi-corps,

les

la

même

Lise de l'année précé-

de modèle'. Elle

bras nus,

genoux, sa chevelure

les

était

mains croisées sur

dénouée sur

les

épaules.

tableau avait encore été peint en plein air

(1)

Ce tableau

se trouve

maintenant à

montrée à

et,

les

Le

derrière

la National Galerie, à Berlin.

91


la

jeune

par

les

dans

fille, le

feuillage d'un vert très vif était pénétré

rayons du

de

voie

la

en plein

soleil. la

En

air.

C'était

un nouveau pas

fait

colorée et lumineuse,

peinture

1870, Renoir met au Salon deux

Une Femme d Alger. La baigneuse était un morceau très ferme, une femme nue, de grandeur naturelle, en pied, vue de face. La tableaux, Baigneuse et

Femme

d Alger aussi de grandeur naturelle, étendue

sur un canapé, n'offrait d'algérien que

modèle

nom. Un

vêtu d'un costume oriental de fan-

parisien,

taisie, l'avait

le

donnée.

L'année 1871 ne voit pas de Salon, par suite de guerre étrangère

interrompre

la

et

de

la

guerre

vie normale.

civile,

qui sont venues

Les Salons reprennent

en 1872. Renoir envoie à celui de

cette

année un

tableau de grande dimension qui est refusé. trait,

sous

le titre

Il

mon-

de Parisiennes habillées en Algé-

un groupe de femmes dans un

riennes,

la

intérieur,

vêtues de costumes orientaux de fantaisie. Toutes les parties étaient pleines de tons et de reflets, les

elles-mêmes étaient colorées.

En

ombres

1873, Renoir envoie

au Salon deux tableaux, l Allée cavalière au Bois de

Boulogne

et

un

portrait. Ils sont aussi refusés.

étonné aujourd'hui que Y Allée cavalière

On

est

ait

jamais pu

peinture*.

Une ama-

zone, à peu près de grandeur naturelle, sur

un cheval

être

condamnée par un jury de

et à côté d'elle

nent vers trot, le

un jeune garçon, sur un poney,

le spectateur,

poney au galop.

le

On

vien-

cheval de l'amazone au est là

en présence d'une

(1) Ce tableau, après avoir fait partie de la collection Henri Rouart, se trouve maintenant au musée de Hambourg.

92


œuvre de

force d'exécution. ris,

où Fauteur

belle allure,

présumable que

est

Il

atteint la

grande

c est le colo-

déconcertant par sa nouveauté, où appa-

alors

raissent les reflets et les variations de tons propres à

Renoir

rimpressionnisme, qui aura

et à

fait

repousser

Tœuvi'e.

La

de se faire recevoir aux^

difficulté grandissante

Salons, avec les particularités de sa manière mainte-

nant développées, amène Renoir à se joindre à ses

amis Monet

et

pour montrer ses œuvres hors

Sisley,

des Salons dans des expositions particulières.

le

boulevard des Capucines.

tableaux à Ihuile

un

et

pastel.

Parmi

deux œuvres que Ton peut dire de Danseuse fille

Loge.

et la

prend

première exposition chez Nadar,

part avec eux à la

en 1874, sur

Il

La Danseuse

Il

y met cinq

se trouvaient

ses meilleures

est

:

la

une toute jeune

debout, de grandeur naturelle, avec un jupon de

La Loge

tulle bouffant.

représente une

femme

assise

un jeune homme en habit et cravate blanche. Tout le monde admire ces œuvres au théâtre

et

près d elle

aujourd hui, mais

que pour

elles

ne furent remarquées en 1874,

exciter les railleries.

Renoir, en 1876, mettait à

la

seconde exposition des

Impressionnistes dix-huit œuvres variées. C'étaient les

années où

les

émulation, atteignaient

Renoir

comme

pris d'une mutuelle

Impressionnistes, la

plénitude de leur originalité.

les autres a

donc

été

manière d'exposition en exposition rue Le Peletier, ses envois aspect tout à

fait particulier.

La Balançoire

et le

le

en accentuant sa

et à celle

de 1877,

montraient sous un

Les principaux étaient

Bal à Montmartre, au Moulin de

la

93


comme

qui.

galette,

faisant

Salon de 1868,

une

fois,

rayons lumineux.

cette disposition.

sous

Balançoire

Le

On

première

la

et le

Bal à Mont-

en 1877, répétaient

des personnages en plein

avait

éclairé par le soleil, avec des

feuillage,

le

Peletier,

pour

traversé par des

feuillage

le

La

martre, exposés rue

air,

avait montré,

il

sous

figure

collection

la

au Musée du Luxembourg.

Caillebotte, sont entrés

Au

de

partie

taches de lumière répandues sur eux et sur le sol. Mais

dans Tintervalle de 1868 à 1877 Renoir, tance à travailler en plein

pai' sa persis-

air, est arrivé

à serrer de

plus en plus près les jeux de la lumière et les colorations naturelles, et en

son feuillage éclairé appa-

efiFet

maintenant coloré,

raissait

d'une tout autre façon

qu'en 1868. Son feuillage de 1868 avait été de ce vert clair,

adopté

comme

note permanente par

gistes jusqu'alors, et ses taches

les

paysa-

lumineuses avaient été

de cette sorte de jaune, uniformément employé pour représenter les parties éclairées directement par soleil,

en opposition avec

Mais maintenant Sisley,

les

les parties

dans Tombre.

Impressionnistes Pissarro, Monet,

Renoh' ont reconnu, en commun, que

rations de

la

le

lumière

et

sont jamais semblables,

les colo-

de l'ombre en plein qu'elles

varient

air

selon

ne les

heures, les saisons et les circonstances atmosphériques.

D'après ces observations, cherchant à être aussi vrais

que la

possible,

lumière

ils

et les

étaient arrivés à rendre les éclats de

ombres en toute occasion diversement

colorés.

On neige

94

avait et

vu Pissarro

de givre au

et

Monet peindre des

soleil,

les

effets

de

ombres portées


o

u o

U 3 O r-

C X 3

a -a

3 O

W

J

O z



avaient pris des tons bleus. Sisley avait peint des terrains ensoleillés,

Dans

rose-lilas.

même

cette

Renoir venait maintenant donner mie

teinte générale

violette

aux personnages

çoire et

de son Bal à Montmartre^ placés sous

et

familiarisé avec les

ombres

particulier sont revenus

exciter de

si

aux terrains de sa BalanDepuis on

lage éclairé par le soleil.

le feuil-

tellement

s'est

colorées, les tons violets en

souvent, qu'ils passent sans

remarque, mais en 1877,

comme une

voie,

ils

apparaissaient

On se

innovation monstrueuse.

maintenait

alors dans la conception traditionnelle, qui faisait con-

comme

sidérer l'ombre et la lumière

Tombre

fixes,

des oppositions

apparaissait toujours sur les toiles

sem-

blable à elle-même, épaisse ou légère, mais uniformé-

ment en

noirceur.

Renoir étendant un ton général

qui fut de l'ombre,

violet,

faisait

donc

ignorant, d'un contempteur des règles.

Il

d'un

contribuait

par son apport d'originalité, au débordement de

ainsi,

mépris, d'injures, de risées qui accueillaient sionnistes à leur exposition.

part

l'effet

et,

comme

difficultés à

Il

en avait par

conséquence,

il

les

Impres-

même

sa

éprouvait les pires

vendre ses œuvres, de manière à pouvoir

vivre. Il

avait à ses débuts

subi l'extrême gêne, et

il

le

manque

d'argent et

n'en était jamais réellement sorti

se voyait, après ses expositions avec les Impres-

sionnistes, dans Il

il

connu

un plus grand embarras que jamais.

avait cherché à se procurer des ressources, par la

vente de ses toiles aux enchères.

ClaudeMonet,

à Sisley, à

Il

se joignait

donc

à

Berthe Morisot, en mars 1875,

pour faire une première vente publique à l'Hôtel Drouot

95


en mai 1877 à Pissarro, Sisley, Gaillebotte pour en faire une seconde. Les prix obtenus avaient été dériet

soires.

Les vingt

toiles

mises à

duisaient que 2. 150 francs.

Il

la

vente de 1875 ne pro-

s'en trouvait dans le

nom-

ire d'importantes et des meilleures, telles que Avant le hain^ une jeune femme, le buste nu, les bras levés, dénouant sa chevelure, dont le prix ne dépassait pas 140 francs. Une vue du Po/î/- A'^eiz/montait par extraor-

A la vente de 1877, après l'exposi-

dinaire à 300 francs. tion de la rue leur succès

:

Le

Peletier,

Renoir n'obtenait pas meil-

seize toiles ne produisaient toutes

ensemble

que 2.005 francs. Renoir après l'insuccès de ces deux ventes publiques

Dans

renonçait à en essayer de nouvelles.

mépris où

œuvres

la

condamnation prononcée contre tomber,

les avait fait

de

l'état

ses

ne pouvait d ailleurs

il

parvenir à les vendre convenablement. La question d'obtenir de son travail une rémunération, qui lui per-

mît de vivre,

était

donc devenue angoissante.

Il

va

la

résoudre, en s'adonnant tout particulièrement à la peinture de portrait.

Il la

pratiquait déjà.

Il

avait entre

autres peint les portraits de ses camarades Sisley.

Il

va maintenant

la

Monet

et

développer, en peignant

des portraits qui seront des œuvres importantes par les

dimensions et

cette voie

un appui

arrangements,

suffisant,

de gens riches, pour se

et il

les

de

la

tirer

et

il

obtiendra dans

part de gens éclairés

de l'extrême gêne où

avait jusqu alors vécu.

M. Ghoquet portraits.

G

fut le

était

un

première demander à Renoir des

homme

d un goût

sûr.

Il

avait

d abord, dans sa jeunesse, admiré Delacroix, puis à la

96


première vue des Impressionnistes, naître en eux de grands artistes.

ment

Il

il

avait su recon-

se liait particulière-

d'amitié avec Renoir et Cézanne.

cuter à Renoir deux portraits de

lui,

Il faisait

des

exé-

têtes, trois

femme, dans des poses diverses et un petit portrait, d'après une photographie, d'une fille qu'il avait perdue. La plupart étaient montrés à l'exposition de 1876. Mais M. Choquet, ne jouissant alors que d'une modeste aisance, n'avait pu demander que des œuvres de dimensions restreintes. Renoir allait portraits de sa

maintenant trouver des gens riches, qui

lui feraient

exécuter des portraits qui seraient de grands tableaux.

Parmi

les

hommes

d'un goût éclairé qui, en contra-

diction avec le public, avaient su d'abord l'art

neuf des Impressionnistes se trouvait l'éditeur Char-

pentier.

Il

faisait

peindre à Renoir un premier por-

de sa femme, une

envoyé à l'exposition de rue Le Peletier en 1877 ^ Ce portrait avait été jugé

trait

la

comprendre

tète,

excellent, dans le petit cercle

l'on savait apprécier

M. et M"^® Charpentier, encourademandent par surcroît à Renoir une

les Impressionnistes.

gés par ce succès,

œuvre des plus importantes. M"^^ Charpentier sera peinte de grandeur naturelle, dans un arrangement avec ses enfants. Le tableau, tel qu'il existe ", la montre en effet vêtue d'une robe noire, assise sur un sofa à côté d elle, ;

sur

le

parquet, sont ses deux

fillettes,

jouant avec un

gros chien. Tout l'ensemble est coloré, les lambris du

fond,

le tapis

du parquet,

les

vêtements multicolores

(1)

Maintenant au musée du Luxembourg.

(2)

Maintenant au Metropolitan Muséum, de New-York.

97


delà mère

et

des enfants,

chien, forment et

en

harmonie

et

une

même

du gros

tranchés, tous

temps tenus dans une grande

parfaite justesse.

œuvre eut été peinte, la quesmontrer au Salon, où elle serait vue

cette maîtresse

tion se posa de la

par Télite

noir et blanc

un assemblage de tons

en valeur

Lorsque

le poil

et

par

Mais se présenter au Salon

la foule.

et

prétendre s'y faire recevoir, après les refus naguère subis et la réputation d'artiste dévoyé acquise aux expositions des Impressionnistes, eût indiqué

de

la part

de

Renoir, laissé à lui-même, une grande présomption.

Heureusement qu'il allait trouver de 1 appui. M™® Charpentier, qui avait un salon où fréquentait le Tout Paris littéraire et artistique et jouissait

grande influence,

allait

en conséquence dune en campagne.

se mettre

même temps que le portrait de M™^ Charpentier,

En

Renoir

du jury le portrait en pied, aussi de grandeur naturelle, de M"® Jeanne Samary, une sociétaire de la Comédie-Française, favorite du public. Refuser les portraits de femmes aussi en vue que présentait à l'examen

M™^ Charpentier

et

M^^ Samary devint impossible,

après les démarches répétées, faites auprès des

du jury par M™^ Charpentier agir.

fît

et les

personnes qu'elle

Les deux portraits furent donc reçus

au Salon, exposés

fort

en vue, sur

membres

même,

et

la cimaise.

Renoir,

le

refusé des Salons de 1872 et de 1873, le peintre honni

et

conspué aux expositions des Impressionnistes, ren-

trait ainsi

En

avantageusement au Salon de 1879.

cette

même

année,

il

fut

mier portrait par des gens du M*"® Bérard, avec lesquels

98

il

appelé à faire un pre-

monde

riches,

allait se lier

M.

et

d amitié.


o >I

3 M

c es

O O

en

m m t>i

•M

C a,

u a

u T3

O

o 2 W



M.

M™® Bérard ne

et

prétendaient point être des con-

— par bonheur pour Renoir

naisseurs en peinture

au cas contraire, qu'un

gens du

n'eussent probablement vu en lui

ils

comme

dévoyé,

artiste

monde

car,

en masse

le faisaient

les

demeuraient sans opinion sur les

ils

mérites ou les démérites de Timpressionnisme, dans

un

M. Deudon, un de

état d'esprit tranquille.

amis, avait

avait acheté la Danseuse de Renoir.

montrée

comme une œuvre

les avait sollicités

Il

leurs

leur

la

pleine de charme, et

de faire exécuter, par son auteur,

portrait d'une de leurs

filles.

trouvé de l'agrément à

la

Les Bérard avaient en

danseuse

le

effet

après des hési-

et,

tations fort naturelles, puisqu'il s'agissait d'un artiste

alors

absolument décrié,

Renoir

le portrait

s'arrêta à

ils

de leur

se décidaient à fille

demander à

aînée, Marthe.

une pose simple, d'un

Renoir

coloris sobre,

de

peignit la jeune

fille

debout, sur fond neutre, les mains croisées devant

elle,

manière à ne pas effaroucher.

Il

vêtue d'une courte robe noire, avec une ceinture bleue, collerette et

manchettes de dentelle. Cette œuvre

très réussie et les

Bérard furent enchantés de

la

était

grâce

qu'ils trouvaient à leur fille sur la toile. Ils avaient su

même temps

en

avisé

du peintre.

chez eux en

apprécier la bonne Ils

humeur

en font donc un ami. à la

ville et

campagne

et

Ils

et l'esprit

vont l'avoir

ils

lui feront

peindre tout un ensemble de portraits. Renoir, qui avait

commencé

pai'

une œuvre

très

sobre, après deux ou trois autres semblables, se sentant

en pied dans

la

maison, devait se permettre des arran-

gements de toute sorte

du

coloris.

Il faisait

et atteindre

l'extrême hardiesse

ainsi successivement dix portraits.

99


Quand on

que valent

sait ce

renom, Tidée d'en trouver dix de l'un d'eux

peintres en

dans un même lieu serait suffisante pour

Mais

le faire éviter.

de Renoir rendaient l'intérieur des

les portraits

Bérard délicieux.

un

de certains

les portraits

On

pouvait reconnaître

comment

un peintre inventeur est apte à sur un thème donné, de réelles œuvres d'art

véritable artiste,

obtenir,

variées à

1

infini.

M™® Bérard, où

a peint une tête de

Il

passe sur les

une sorte de sourire de bonté, de charme et de distinction, puis une tête de la plus jeune fille, la

traits

petite Lucie, avec les

cheveux ébouriffés et l'expression

effarouchée de l'enfance. la

Il

a peint, en plein air, sur

plage de Berneval la jeune Marguerite en pied, en

costume de bain, donnant lité violette

lets

comme

d'un

«

qui

lui est

propre.

fond, dans

complet

»

à l'ensemble la

bleu.

un Il

Il

portrait

remis ses tons vio-

du

fils

Paul, vêtu

a réuni toutes les têtes des

enfants, quelques-unes répétées toile et a fait

a

fameuse tona-

deux fois, surunemême

de cet ensemble très

salade pleine de vie. Enfin

clair,

une sorte de

comme couronnement,

il

a groupé sur une grande toile les trois sœurs, Marthe,

Marguerite

et

Lucie. Elles sont

que l'on pourrait appeler

L

la

sans ombre, dans ce

crudité de la pleine lumière.

aînée, vue de profil, coud, assise sur

une chaise, vêtue

d'une robe grenat, les deux autres, en costume beige, sonll'unedebout. l'autreétendue sur un canapé, un livre (mveit devant

gamme (1)

100

elle.

Cette

œuvre

'est

exécutée dans une

de tons audacieuse qu'il n'a jamais dépassée.

Maintenant à

la

National Galerie, à Berlin.


Elle est à placer, site, à

côté

du

comme

portrait

importance

comme

et

réus-

deM^^Charpentieretde ses filles.

Renoir, reçu au Salon, continuait às'y montreraprès

En

1879, pendant plusieurs années. les

Pêcheuses de moules

Pêcheuses de moules,

dans

un

le

une Jeune

et

la

il

y mettait

endormie. Les

Fille

principale debout, une hotte

dos. ont été peintes sur

village

1880,

la

plage de Berncval,

de bains de mer près de Dieppe, à côté de

Vargemont,

la

propriété des Bérard, où Renoir séjour-

nait à maintes reprises.

Il

peignait donc, tant à Berne val

qu'à Vargemont, de nombreuses œuvres.

En

1881,

il

mettait au Salon deux portraits de jeunes femmes, en

1882 un seulement

et

en 1883 un encore.

Renoir envoyant aux Salons avait momentanément

manquait

à

leurs expositions de 1879, de 1880 et de 1881. Mais

il

délaissé ses amis les Impressionnistes,

se remettait avec

de

eux à

celle

de 1882, tenue au n° 251

rue Saint-Honoré, dans

la

il

le

salon du

panorama de

ReichshofFen, suri emplacement maintenant occupé par le

Nouveau- Cirque.

Il

n'y

envoyait pas moins de

25 toiles. Plusieurs peintes à Bougival

et

à Chatou étaient

A

consacrées aux plaisirs des canotiers.

— 1880, 1882 — où nue,

le

La

n

Il

donnait aux bords de

une animation

qu'ils ont

la

Renoir,

comme une

la jeunesse

Seine, près de

aujourd hui perdue.

principale des toiles suggérées par

Déjeuner des Canotiers, compte

époque

pas encore con-

était

canotage formait l'exercice préféré de

parisienne. Paris,

la bicyclette

cette

même

le

canotage. Le

dans l'œuvre de

des plus importantes qu'il

ait

peintes, par ses dimensions et les traits saillants, qui s'y rencontrent,

de la peinture en plein

air.

Les canotiers 101


compagnes se voient assemblés après déjeuner, autour d'une table, sous une tente. La Seine et ses bords boisés, éclairés par le soleil, forment un fond lumineux au tableau et en augmentent Téclat général. et leurs

En

M. Durand-Ruel avait loué temporairement le premier étage d'une maison en réparation, au n°9 du boulevard de la Madeleine. Il y faisait, de mars 1883,

dont chacune

à juin, des expositions

était

consacrée

exclusivement à un peintre impressionniste. Renoir, du l^''

au 25

avril,

pouvait exposer ainsi un ensemble de

70 œuvres anciennes déjà vues, ou récentes, montrées pour

deux

la

première

toiles

Parmi ces dernières

fois.

se trouvaient

particulièrement réussies, Danseurs Bou-

gival et Danseurs Paris, la valse sous

deux aspects

dif-

ABougival un canotier en « complet» bleu et une j eune femme en robe de campagne à Paris un j eune homme en habit noir et cravate blanche et une parteférents.

,

naire en costume de soirée.

Aux expositions de 1882 et de 1883, rue Saint-Honoré, et sur le

Boulevard, Renoir avait mis des vues de Venise,

de Naples, d'Alger assise Alger,

tenant,

et

des toiles

dénommées Femme

Une s'agissait plus mainFemme d'Alger du Salon de

Négresse Alger.

comme

avec la

1870, de types de fantaisie, arrangés à Paris, mais de véritables Algériennes, obtenues sur les lieux. avait rapporté de Italie et

visité

en Algérie.

Venise où

il

nombreuses Il

En

Rome

Palerme où

où il

le

il

se contentait

peignait de nou-

revenant à Marseille l'hiver,

refroidissement et,

102

et

d'un voyage en

toiles

dans l'hiver de 1881-1882,

peignait,

de regarder, Naples veau.

avait,

Renoir

il

fut pris

d'un

médecin lui interdisant de rentrer


RENOIR.

L'Algérienne.



à Paris,

alla

il

passer

le

printemps de 1882 à Alger.

y peignit des tableaux, où est porté à sa dernière accentuation le rendu du ciel, de la mer et de la végéIl

tation, éclairés par

A Texposition aussi

un

Tardent

soleil d'Afrique.

du boulevard de

la

Madeleine

figurait

Richard Wagner, peint dans des

portrait de

circonstances assez particulières. Renoir venu à Naples apprit que

Wagner

passait Ihiver à Palerme.

un enthousiaste de

Renoir

musique de W^agner,

qu'il

avait entendue, dès les premiers

moments où on

avait

commencé

partit

était

la

à la jouer à Paris.

un peu avec

le

Il

pour Palerme,

désir de voir la Sicile, mais surtout avec

un portrait de Wagner. Il s'était muni de recommandation, qu'il perdit en route et

celui de peindre

de

lettres

ne put produire.

Il

en relations,

entra

dans son

embarras, avec M. de Joukowsky, un admirateur passionné de Wagner, qui

suivait partout et qui se

le

trouvait naturellement auprès de lui à Palerme. Renoir,

présenté par M. de Joukowsky à Wagner,

comment il

avait

lui

raconta

d abord entendu sa musique dans des

cénacles à Paris, où figuraient de ses amis français de la

première heure, dont

montra sur lui,

il

lui cita les

cela fort cordial.

Il

quoiqu'il ne l'eût encore

peintre,

il

consentit à poser devant fait, dit-il,

s'il

fût réellement le seul

peintre, en faveur de qui Wagner ait fait Il

sut

seulement que

se tint assis

Wagner

pour aucun

que devant des photo-

n'avait jamais posé

graphes. Renoir ne sut point

noms. Wagner se

le lui

une exception.

a déclaré.

Wagner

un peu plus d'une demi-heure. Dans

ce

court espace de temps, Renoir enleva une tête pleine de caractère,

que

l'on sent d'une

grande ressemblance.

103


La demi-heure

passée,

Wagner

se trouvait fatigué,

devenait cramoisi. Renoir prit donc congé.

son voyage à Palerme trait qu'il était

était atteint. Il

il

Le but de

emportait

le

por-

venu pour peindre.

Renoir qui avait cessé d'exposer aux Salons après 1883 se reprenait exceptionnellement à envoyer, une dernière

fois,

colorée et

toile, très

des trois

y mettait une grande lumineuse, donnant les portraits

à celui de 1890.

filles

de M. Catulle Mendès. L'aînée y

représentée assise au piano,

un violon sous

d'elle,

Il

est

debout près

la cadette

le bras, l'archet à la

main,

et la

plus jeune appuyée des deux mains sur le piano.

Le peintre Il instituait

Caillebotte mourait encore jeune en 1894.

Renoir, avec lequel

il

exécuteur testamentaire. Renoir toute

lié,

son

avoir de ce

fait

avait été très allait

une action à poursuivre auprès de

l'Etat. Caille-

botte s'était joint aux Impressionnistes à leur seconde exposition, en 1876.

Il

teurs de parquet, des

s'y était

produit avec ses Rabo-

œuvres exécutées à

l'atelier,

de

tons sobres, par conséquent ne laissant point voir ces traits

marqués, que

la

avait

amené chez

les

pratique de peindre en plein air Impressionnistes.

Caillebotte,

après ce début, liant définitivement son sort au leur, devait se mettre

comme

devant

Mais tout en développant à son tour

la

la nature.

gamme

des tons clairs,

eux à peindre en plein

il

apport particulier à ce que trouvé.

104

Il

le faisait

les

devait peindre le

sans ajouter

air,

un

premiers partis avaient paysage,

en s'inspirant


Quand

surtout de Claude Monet.

Impressionnistes

le

de Fart nouveau

était établie

grand

aux

se joignait

il

formule

effort était fait, la

quoique ses œuvres

et

soient dignes d'une place au milieu des autres, elles ne

sauraient cependant être tenues qu'au second plan. Caillebotte était riche.

avait

Il

formé une importante

collection d'œuvres de Manet, de Degas, de Pissarro,

de Claude Monet, de

par testament, à

qu'il léguait,

de Cézanne

Sisley, de Renoir,

pour être placée

l'Etat,

au Musée du Luxembourg. Quelques années auparavant l'offre faite

au Musée de

\

Olympia de Manet

avait sou-

levé de telles colères, vu naître une telle résistance avant d'être acceptée,

que

le legs

survenant maintenant, en

un ensemble d'œuvres de Manet et des Impressionnistes susciterait sûrement une grande addition, de tout

hostilité et courait

même le

devait donc se livrer à les héritiers

l'Etat,

Une

pour

risque d'être refusé. Renoir

un long travail, de concert avec

de Caillebotte, auprès des représentants de faire accepter les tableaux légués.

opposition très forte contre Tentrée au

Luxem-

bourg d'une collection entière d Impressionnistes manifesta, en

effet,

Cependant ceux qui

dans certains milieux artistiques. s'y laissaient aller n'osèrent

suivre ouvertement le rejet du legs.

détournée pour atteindre d'abord d'empêcher que rosité par le testateur

les

Ils

prirent

leurs fins.

Ils

pour-

une voie

essayèrent

conditions mises à sa géné-

ne fussent remplies,

sur ce point, s'efforcèrent d'obtenir,

qu'on n'acceptât qu'une partie de le

se

puis,

comme

déjoués

pis aller,

la collection,

réduite

plus possible. Le testateur demandait que tous ses

tableaux entrassent au Luxembourg, sans exception.

Il

105


ne

s'était

point inquiété de rexigiiïté du Musée. Arguant

du manque de

place, TAdministration des Beaux-Arts

déclai'a qu'elle

n accepterait

dition d'être laissée libre de choisir

pour

les meilleurs,

qu à la condans Tensemble

les tableaux,

les placer

au Musée, en nombre

proportionné à Tespace disponible. Les autres seraient

envoyés aux Palais de Gompiègne

Renoir

et les héritiers

proposition.

Ils

au

loin; ce

que

et à

le

plus grand

le testateur avait

tableaux choisis

ment, dans

le

et

respecter, au Il

s'était

serait

éviter.

héritiers consen-

un choix, mais mettre au Luxembourg tous les en outre à comprendre indistincte-

choix, des

représentés dans

voulu

et les

une transaction. L'Etat

en s'engageant à

nombre

Fontainebleau, relégué ainsi

Après pourparlers, Renoir tirent à

laissaient pleine

s'ils

peu de tableaux n'entrassent au

Luxembourg, pendant que envoyé à Compiègne

de Fontainebleau.

de Caillebotte repoussèrent cette

craignaient que,

liberté à l'Etat, très

et

œu\Tes de tous

la collection.

moins en

ferait

C

était

les peintres

une manière de

esprit, la volonté

du

testateur.

surtout proposé, en stipulant l'entrée de la

collection entière au les peintres ses

Luxembourg, d'y

faire

pénétrer

amis sans préférence, de manière à ce

qu'aucun ne demeurât au dehors. Mais ce point ne

admis parles représentants de car

il

s'agissait

si

bien qu'alors qu'on se résignait à

prendre des œuvres de tous

bérément à écarter héritiers

l'Etat qu'avec difficulté,

surtout de Cézanne, qui excitait une

véritable horreur,

les

fut

les autres,

les siennes.

on pensait

déli-

Cependant Renoir

de Caillebotte furent inflexibles

et

et les

représentants de l'Etat durent céder sur ce point, c'est-

106


à-dire accepter des tableaux de Cézanne, avec ceux des autres.

Après accord, on

Manet sur

choisit,

trois, huit

pour le Luxembourg, deux

Claude Monet sur

seize, six Sisley

sur neuf, sept Pissarro sur dix-huit, tous les Degas au

nombre de

sept,

de petites dimensions, deux Cézanne

sur quatre. Renoir était représenté dans la collection

Parmi

se trouvaient

par huit tableaux, on en prit

six.

de ses œuvres

son Bal à Montmartre

les meilleures,

Le

sa Balançoire de l'exposition de 1877, rue

et

Peletier,

qui avaient apporté cette tonalité imprévue des ombres violettes,

en plein

air.

Renoir

s'était

employé avec

dévouement à faire exécuter les dernières volontés de son ami Caillebotte. Le Musée du Luxembourg s'ouvrait aux Impressionnistes, ce qui était un notable avantage pour des artistes jusqu'alors méprisés par public et honnis dans les sphères

officielles.

consacrant ses efforts au bien des autres,

reusement

travaillé

pour

car

lui,

Musée, avec des tableaux qui

le

il

le

Et en

avait heu-

il

prenait place au

montraient sous un

aspect très personnel et très caractéristique.

Renoir a surtout porté

comme

plein air

été

un

peintre de figures, mais,

tous les Impressionnistes à travailler en

devant

la

nature,

il

s'est aussi

adonné au

paysage. Ses tableaux de cette sorte sont peints dans

une gamme colorée décoratif,

et

en prenant

offrent

un aspect

mot dans un sens

élevé; la

lumineuse, le

nature s'y laisse voir sous des

En

ils

traits ornés.

considérant l'ensemble de son œuvre, on recon-

naît qu'il a surtout été le peintre de la

femme.

pénétrée d'une sensualité d'ordre délicat.

Il

Il l'a

a tout le

107


temps peint des nus d'un charme voluptueux, aux

contoui'S souples, nalité. il

A un

certain

manifestée toute sa person-

s'est

moment, au milieu de

a cherché à préciser la

forme de

duire la fermeté des contours. Ingres.

Mais

cette recherche,

sa carrière,

ses nus, à

regarde alors vers

Il

dans

le

nu, de

précise n'apparaît chez lui que transitoire.

revenu, pour ne plus Tabandonner, à

voluptueuse

de sentir

relle Il

et

y intro-

la

la ligne

est vite

Il

forme souple,

enveloppée, qui est sa manière natu-

et

de s'exprimer.

se dégage de son

œuvre un type féminin

fort ori-

C

est celui

ginal

que Ton voit apparaître dès

le

début.

de

jeune Parisienne, allant de

la

bourgeoise à Tou-

la

vrière,

de

la

midinette à

Montmartre, une

la fille

personne

petite

habillée gentiment, rieuse, ingénue.

des XIX® et

xx''

siècles,

qui danse au bal svelte,

A

pimpante,

cette Parisienne

Renoir a donné une grâce

et

un

agrément, auxquels on peut trouver delà ressemblance avec ceux dont

un tout femme.

autre

les peintres

monde

du xvnf siècle ont empreints une tout autre

et

classe

de

* *

Renoir

s'est

marié

et a

eu

trois enfants.

Son

jfils

aîné

Pierre, après des études régulières au Conservatoire,

entré au théâtre, s'est

fait

une place distinguée parmi

les acteurs parisiens.

Renoir avec

le

temps

est

d'abord arrivé à l'aisance,

puis à la fortune. L'âge venu,

il

a été pris de

tismes, qui l'ont contraint d'abandonner Paris Il est

108

rhuma1

hiver.

alors allé s'établir à Gagnes, près de Nice,

il


a acheté

une campagne.

au milieu de jardins

et

il

qu'il s'est établi à

olives.

Gagnes, sur

du climat

en plein

remis à peindre

il

s'est

il

la

lui

travailler

paysage, auquel

le

adonné. Ses paysages, survenus ainsi

s'était autrefois

dans de nouvelles conditions, offrent des

qui les

traits

même

œuvres antérieures du

de ses

différencient

Méditerra-

permet de

née, où la douceur air,

une maison

y a joui du plaisir de voir

mûrir ses

fleurir ses orangers et

Depuis

est construit

Il s'y

y a surtout introduit les oliviers, que lui présentaient son jardin et les terres voisines et, tout en ordre.

Il

restant fidèle à la réalité, a su leur

qui en

fait

Comme sait

devant

remarque que

ses paysages

fai-

du Midi,

donnaient bien des campagnes ayant

du Nord, ce que

différent de celui

peintres venus

ne savent

dans un groupe d'amis, on

lui,

la

les oliviers,

un aspect

allure,

des arbres de noblesse et de dignité.

justement

avec

donner une

du Nord

faire, je l'ai

allant travailler

entendu dire

n'est pas tout d y aller

pour

le

«

:

peindre,

dans

Ahl il

le

tant de le

Midi

Midi, ce

faut pouvoir

pénétrer. Et jai dû mettre du temps et m'appliquer,

le

pour bien

saisir les

juste physionomie.

»

oliviers et les

On

donner avec leur

peut recommander à latten-

tion des jeunes gens, cette réflexion d'un artiste, par-

venu

à la grande

renommée

et

en pleine possession de

ses

moyens, qui déclare que ce n

un

travail

soutenu

et

est toujours

une étude

que par

suivie, qu'il lui est

possible de saisir quelque aspect nouveau delà nature.

Renoir, d et

humeur

sociable, de caractère bienveillant

d habitudes simples, prenait

aussi était- il d'un

commerce

la vie

par

le

bon

facile et agréable.

côté,

Lors-

109


qu'il parlait

de son

bonhomie. Pour cice

art,

il

le faisait,

peindre

lui,

on peut

dire, avec

mise en exer-

était la

d'une faculté naturelle. Les considérations esthé-

tiques d'ordre étrangères.

Sa vision

conservées jusqu'à la

lui

ainsi se consoler des infirmités

de

la vieillesse et

en avait été

taire qui

secon-

permis de peindi'e assidûment,

pu

a

le reste était

une partie de sa force nerveuse

et

ont

fin. Il

amenées par

demeurées

peignait par besoin de peindre, pour se

pour se délecter, tout

satisfaire,

daire.

Il

abstrait lui sont toujours

la

façon de vivre séden-

la suite.

Renoir, établi l'hiver dans sa campagne de Gagnes, n'a cessé de venir

1

été à Paris.

Il

même pu

a

entre-

prendre une dernière fois, en 1910, unlointain voyage. Il

est allé à

Munich

visiter

des amis et a peint, à cette

de

occasion, le portrait de la maîtresse

M™^ Thurneyssen,

et

de son

maison,

a continué

Il

fils.

la

peindre avec assiduité à Gagnes, à Nice et à Paris. peint, à Nice,

comme

un

sofa, vêtue

avec une tapisserie éclatante sur

de ses Il

d'une robe la muraille,

fond. Gette œuvre, par son importance, est à

mettre à côté des grands portraits de et

a

en 1912, un grand portrait de M°^^ de

Galéa. Elle est étendue sur diaprée,

Il

à

filles et

M™® Gharpentier

des demoiselles Bérard.

a peint, à Paris, au milieu d œuvres variées, le

portrait de M"^^ actrice

Paul Gassirer, qui

renommée. Son mari,

le

est,

à Berlin, une

grand marchand

et

promoteur en Allemagne des œuvres des Impressionnistes français, l'avait

portrait par Renoir.

G

amenée était

à Paris

pour avoir son

une heureuse inspiration,

car Renoir a fait d'elle un portrait, qui est

110

une

véri-


,

«

,

•V»"f^^---v.

.

RENOIR.

Baigneuse.



table

œuM'e de maître. Tout en conservant au modèle

son type caractéristique de femme allemande, su Tenvelopper d'un charme

il

a

d une grâce

caressant,

voluptueuse, qu'aucun peintre allemand n'aurait pu lui

donner. Ce portrait s'achevait, en 1914, lorsque sur-

M.

vint la déclaration de guerre, et le

laissant

M™®

et

Gassirer,

derrière eux, à Paris, durent repartir en

hâte pour Berlin.

Depuis que tout jeune

il

a

commencé

à peindre,

Renoir n'a cessé de développer, d'accentuer sa manière.

A

la légèreté

vement

de ses œuvres de début se sont progressi-

substitués

un

de se partager, œuvres,

les

critiques et aux collectionneurs

uns vantant surtout

le

ses premières

les autres préférant les dernières.

ceux qui admirent vraiment

lement

colo-

Ce qui per-

ration plus vive, des tons plus poussés.

met maintenant aux

une

faire plus robuste,

l'artiste

Tandis que

apprécient éga-

de son œuvre, y retrouvant différences d exécution.

les diverses parties

même fond,

sous

les

Les rhumatismes dont Renoir a été à qui lui avaient rendu

la

marche

la fin affligé,

difficile et qui, s'atta-

— ce qui

quant aux mains,

les lui

l'obligeait à tenir

son pinceau d une manière particu-

lière

— ont pu grandir

avaient contournées

et se

diminuer son ardeur au

développer, sans toutefois

travail et sans atteindre la

valeur de son exécution. Vollard était allé en 1917 en

Espagne, à l'occasion de l'exposition de peinture française, qui se tenait cette

avait rapporté

année-là à Barcelone.

un somptueux costume de

étoffe toute pailletée et

Il

en

torero, d'une

lamée d'argent. Renoir séduit

par cette parure en revêtit Vollard

et, le

peignant ainsi,

111


a

du

fait

paisible

Parisien un semblant de torero.

y a de remarquable dans ce portrait, exécuté par un homme de 76 ans, ce n'est pas seulement qu'on y reconnaît une facture pleine de vigueur mais Mais ce

qu'il

du

coloris

montrent que

que

la fraîcheur, l'acuité

tiste

a conservé toute sa netteté de vision. Les

s'affaiblissent si

souvent chez

les vieillards

l'ar-

yeux qui sont chez

lui restés intacts.

Les expositions des Impressionnistes, où Renoir

œu\Tes

avait

montré

avait

d abord exposées,

ses

et les divers 1

Salons où

il

avaient dès longtemps

les fait

connaître à ce public particulier qui s'intéresse aux

nouvelles et à ces quelques

formes

d'art

l'esprit

ouvert,

qui savent apprécier

hommes

à

l'originalité et

l'invention partout où elles apparaissent. Sa réputation établie

dans

le cercle restreint avait ainsi

couvé,

peut dire, pendant de longues années, mais allait

enfin venir

elle

le

si

l'on

moment

prendrait possession du grand

Ce changement avait son point de départ en 1904. Le Salon d automne faisait cette année-là une

public.

exposition rétrospective de ses œuvres, empruntées

aux diverses époques de sa production. Cet ensemble frappa tout le monde par sa variété, son charme et sa maîtrise.

La presse

fut

comme unanime

à le louer.

La

réputation de Renoir s'étend dès lors sans arrêt. Les

musées

La guerre

arrive,

arrêt à la vie

que

les

disputent ses œu\Tes.

et les collectionneurs se

en 1914,

artistique,

que

et

alors qu'elle

les

Salons sont supprimés, que

particulières deviennent rares, par pétie, c'est à ce

112

musées

moment que

la

met un

se ferment,

les expositions

une singulière

péri-

réputation de Renoir


va prendre toute son extension. La guerre, qui a mis les

nations aux prises

amène, en dehors de 1 action

les

moyens de propa-

militaire, à vouloir user

de tous

gande

ressources de leur génie, pour

de toutes

et

les

les

Dans

le

domaine des

particulièrement dans celui de

la

peinture, la

exercer leur influence au dehors. arts,

et

France a prétendu depuis longtemps,

que jamais, à l'excellence venue,

les

amis que

la

et à la

la

marque d

La guerre

France compte à l'étranger

aux Français, ce qui

meilleure

prétend plus

suprématie.

pensèrent que ce qui pourrait donner faction

et

le

plus de satis-

serait pris par

comme

de leur

serait

intérêt,

eux

offrir

l'occasion d'affirmer au dehors leur supériorité artistique.

Dans

ces conditions, des Comités se formèrent

en pays neutres, pour organiser des expositions d'œuvres des peintres modernes français.

Le gouvernement de ces

Comités

et

français vit avec joie la création il

seconda leurs

efforts.

Il

leur

assura des allocations pour parer aux frais à faire, leur facilita le transport des

envoi et leur retour, dans possibles. telles

Des

les

objets à exposer,

leur

meilleures conditions

expositions, qu'on peut dire solennelles,

qu'elles étaient organisées

nombre

il

et décisives

par

le

œuvres montrées, eurent lieu ainsi dans les pays neutres, en Hollande, à La Haye, en novembre 1916, en Espagne, à Barcelone, en et le choix des

mars 1917, en Suisse, à Zurich, en octobre 1917.

Or

ce que les Comités, qui s'étaient

teurs des expositions dans les trois pays,

fait

les

initia-

demandèrent

à recevoir avant tout, pour le montrer à leurs natio-

naux, ce furent les œuvres des peintres impressionnistes.

113


les

œuvres des peintres

impressionnistes, les œuvres qui

séduisirent le plus

parmi

les trois pays,

Et dans

Le charme du

furent celles de Renoir. et la

volupté qu'on y trouvait frappaient à l'étranger,

comme

des qualités

là à tout leur

on peut

dire

la gloire.

Il

que Renoir est

s étaient aussi

est

françaises, portées

dé6nitivement entré dans

mort à Gagnes

marche pénible,

en plus

éminemment

développement. Après ces expositions,

Depuis longtemps la

coloris, la grâce

les

le

3 décembre 1919.

rhumatismes, qui

et le

lui

contraignaient à l'immobilité,

attaqués à la poitrine, devenue de plus

délicate.

Il

prit froid et fut atteint

gestion pulmonaire, compliquée d'un arrêt laquelle

114

il

rendaient

succomba.

d une con-

du cœur,

à


BERTHE MORISOT On

doit considérer

apparition,

comme un phénomène

pom- former

rare cette

groupe impressionniste,

le

d'une suite d'hommes doués de facuhés qui leur sont

communes, marquées cependant chez chacun d'un

En remontant

caractère individuel.

découvrirait

dans

le

passé,

on

évidemment des apparitions analogues de

groupes d'écrivains

venant, à certaines

et d'artistes,

époques, porter à leur plénitude des formes de httérature ou d'art. Mais de telles apparitions ont été très rares.

Si de telles apparitions

d'hommes ont

au moins tout aussi rares ont mais alors restreintes à

l'état

été les apparitions

individuel

domaine de

destinées à exceller dans

le

dans celui de

Or

la peinture.

été très rares,

ces

de femmes

l'art,

surtout

deux sortes d'appari-

d'hommes liés entre eux exceptionnelles communes, et d une

tions très rares, d'un groupe

par des facultés

femme supérieurement douée en trées

pour amener

le

art, se

sont rencon-

groupe impressionniste à sa forme

complète.

Au moment où

les

hommes, qui

du groupe impressionniste,

se

sont les initiateurs

combinent, une femme 115


se trouve à côté d'eux, qui a subi des influences

sem-

blables aux leurs et que ses affinités portent à s'unir à

femme

Cette

eux.

faire apparaître,

c'est

Berthe Morisot. Elle

allait

dans l'ensemble de l'œuvre impres-

à côté des caractères de force et de puis-

sionniste,

hommes, de ces traits qui n'appartiennent qu'aux femmes, un charme délicat,

sance, qui appartiennent aux

une grâce pleine d'abandon, une distinction à

la fois

naturelle et raffinée.

Berthe Marie-Pauline Morisot naquit à Bourges,

le

14 janvier 1841. Elle appartenait à une famille où l'on s'était

traditionnellement adonné aux arts.

Son

père était un architecte distingué Morisot,

l'Italie,, la

Puis

Sicile et la Grèce.

tout autre voie,

administrative.

D

dissements,

était

à 1848. C'est lité

père, Tiburce

entraîné au début par ses penchants artis-

tiques, avait étudié à l'Ecole des

une

Son grand-

il

il

Beaux-Arts s'était

il

embrassé

avait

et visité

engagé dans la

carrière

abord sous-préfet dans divers arron-

devenu

du Cher, de 1840

préfet

pendant sa résidence à Bourges, en qua-

de préfet, que naquit Berthe,

sœur

la

dernière de ses

plus rapprochée d'elle

trois filles.

Berthe

par

Edma, montrèrent de bonne heure d heu-

l'âge,

et sa

reuses dispositions pour

le

la

Le

dessin

père, se rappe-

lant ses propres goûts de jeunesse, se plut à les cultiver.

Après avoir été au commencement de T Empire préfet

du Calvados, il

nommé

conseiller à la

vint habiter Paris avec sa famille.

lopper

le talent

de ses

filles. Il

leur

Giiichard, qui, sans avoir jamais était

116

un excellent professeur.

Cour des comptes, Il

put alors déve-

donna pour maître,

montré d invention,


BERTHE MORISOT. -

Son Portrait par elle-même.



Lorsque

ment

les

demoiselles Morisot eurent suffisam-

premier maître,

profité des leçons de leur

elles

se sentirent attirées par Corot. Elles firent sa connais-

sance vers 1862.

Il

les prit

en amitié. Les jeunes

filles

l'eurent alors pour guide. Lui, qui répugnait à Texercice de tout professorat, les

envoya

à son amiOiidinot,

qui avait adopté sa manière et habitait près de Pontoise.

Elles peignirent

donc sous

la direction

d'Oudi-

not des paysages, particulièrement à Anvers. Elles

commencèrent à exposer au Salon en 1864. Leurs envois n'ont jamais dû être refusés, car elles continuent à se produire ensemble au Salon en 1865, 1866, 1867 et

1868. L'aînée,

de 1868,

^me

Edma, abandonne

elle

épouse un

peinture à

la

de marine

officier

et

partir

devient

Pontillon; Berthe reste donc seule. J'ai eu l'occa-

un des Salons de ses de 1865, un paysage et une nature morte.

sion de revoir les tableaux mis à

débuts, celui Ils

sont

peints

d'une façon très ferme

œuvres de commencement, ne La manière qui se révèle dans Corot. C'est

évidemment sous

et,

comme

laissent rien à désirer. le

paysage

est celle

de

l'influence de Corot,

quelle a développé l'émotion personnelle

et l'inven-

tion artistique, pour les superposer à la technique scolaire

de son premier maître, Guichard. Son apprentis-

sage a été ainsi très sérieux.

une

Il

consommée. Sa qualité de de femme du monde ne

artiste

riche et

faut

donc voir en fille

d'une famille

saurait

prendre, pour ce que sont généralement

de sa condition, dites

artistes,

elle

les

la

faire

femmes

des personnes produi-

sant en dilettanti et à la légère.

117


Les demoiselles Morisot étaient allées travailler au Louvre, dès qu'elles avaient eu une certaine techni-

A

que.

cette

époque

la

pratique de peindre devant la

nature n'était qu'exceptionnellement suivie ral les peintres

en géné-

;

enseignant dans les ateliers Tignoraient

par conséquent ne Tinculquaient point aux élèves.

et

recommandaient au contraire la stricte fréquentation du Louvre, pour y faire des copies et y leur

Ils

pénétrer

le

secret des grands devanciers. Les débutants

donc alors au Louvre, en beaucoup plus grand nombre qu'aujourd'hui. Les demoiselles Morisot y allèrent elles-mêmes tout d'abord faire des copies, travaillaient

accompagnées de leur mère. elles avaient

Vers 1861,

un jeune

dites,

elles

copiait, lui aussi, des tableaux

par lui-même, Il

n'était point

ture,

il

La

l'avaient

connu.

Le Portrait du

Vierge au lapin blanc,

encore en vue,

il

il

sortait

Il

Tintoret,

du

Titien.

de chez Cou-

mettait son Déjeuner sur Iherbe et le

Salon de 1865, où célèbre,

homme

les

il

sa

exposait

L Olympia,

dames Morisot,

se

il

rappelant

fut le

devenu jeune

rencontré au Louvre, allèrent faire sa connais-

sance en règle, à son ;

:

en rela-

lui

débutait. Mais lorsqu'après le Salon des refusés

de 1863, où

que

à côté d'elles

Manet. Sans entrer avec

artiste,

proprement

tions

vu peindre

femme

atelier. Il était

et lui vivaient

veuve d'un juge

et

avec

marié à

cette épo-

M™^ Manet mère,

femme du monde, de manières

La connaissance faite à l'atelier entraîna à des relations des dames Morisot avec les dames Manet et. bientôt, à des rapports entre tous les memdistinguées.

bres des deux familles.

118


L'aînée des demoiselles Morisot se maria sm' ces

Berthe restée seule

entrefaites,

avec Manet, dans son

peindre vint travailler

à

Elle passe

atelier.

donc

moment

sous son influence immédiate, mais

point

donner

la

comme

apprendre, en

fait

lui,

il

de règles

et

ne

forme d'exécution pleine d et

Ce qu

elle devait lui

éclat, qu'il avait

que

personnel-

dons

ses propres

d'artiste

permettaient à elle-même de s'appro-

supérieure

lui

prier. M^^®

Morisot après cela aura une production

la

gamme

à

part de technique neuve, celte

était cette

lement inaugurée,

rien

restait

lui

de principes, son édu-

cation artistique était terminée.

emprunter

ne faut

devenue son élève Lors-

étant

rattachait à

qu'elle se

il

à ce

des tons, les qualités de clarté

et

de lumière

seront d ordre dérivé, mais sans que, pour

son originalité féminine

et sa

oii

fond,

le

manière de sentir soient

altérées.

Des rapports

Manet

entre

d'artistes suivis se sont

et

matiquement, pour

les introduire

gens de caractère tranché, qu

dans

la vie,

établis

Berthe Morisot. Manet avait pris en

aversion les modèles professionnels.

les

donc

autour de

lui.

il

Il

cherchait systé-

dans ses tableaux, pouvait découvrir

M"^ Morisot

lui offrait préci-

sément un type caractérisé de femme distinguée. Il va donc l'utiliser comme modèle. Il la peint une première fois

en 1868, dans son tableau Le Balcon, exposé au

Salon en 1869

donne

la

et

maintenant au Luxembourg. Elle

jeune femme

été serrée

de

La ressemblance n'a pas modèle a été rendu libre-

assise.

très près,

le

ment. La ressemblance devient tout à

un second

lui

fait fidèle

dans

tableau, en 1869, exposé au Salon de 1873

119


sous

le

titre

:

Le Repos. Celui-là

un

est strictement

portrait et de tous ceux qu'il peindra encore d'elle,

reste le plus important et le plus expressif. Elle est

représentée sur

un divan,

deux bras jetés de chaque

les

côté sur les coussins, les yeux profonds et mélancoliques.

On

a là le type

Berthe Morisot

d une femme rare.

était

en

effet

une femme qu'on ne

On

pouvait s'empêcher de remarquer.

qu'elle fut réellement belle, ses traits

régularité et son teint d'éclat,

mais

ne saurait dire

manquaient de

elle était gracieuse,

En

la

voyant, svelte et toute nerveuse, on reconnaissait

la

d'une grande distinction

et

d'un parfait naturel.

sensitive, l'être impressionnable. Elle possédait l'orga-

nisation qui fait l'artiste et certes, elle était artiste de

Ce qu'elle produisait venait de de charme et de sensibilité. Il y

race.

source, tout péné-

tré

a eu accord

plet entre elle et son

com-

œuvre.

Tant que demeurée sous Tinfluence de Corot elle avait peint auprès d'Oudinot, Berthe Morisot s'était presque

exclusivement adonnée

au paysage, ses envois aux

Salons ne comprenaient guère que des œuvres de cette sorte. Maisaprèss'être rattachée

de figures, la

elle

étend

le

àManet,surtoutpeintre

champ de son

peinture du paysage celle de

art, elle

la figure.

ajoute à

Elle montrait

au Salon de 1870 deux tableaux à personnages Portrait :

M™® XXX, et Une jeune femme à sa fenêtre. A partir de ce moment ses envois aux expositions seront composés d'œuvres prises aux deux genres. Elle met des de

pastels

aux Salons de 1872

et

de 1873. Puis cesse abso-

lument d'exposer aux Salons, pour artistes

120

qu'on va appeler

les

se joindre

aux

Impressionnistes. Elle


apparaît à

la

première exposition, en 1874, sur

le

bou-

levard des Capucines, avec des paysages et des figures,

des tableaux à l'huile

avec Pissarro

des pastels. Elle sera ensuite

et

plus fidèle à participer aux expositions

la

de Timpressionnisme. Sauf en 1879,

elle

prendra part

à toutes, jusqu'à la dernière en 1886. Elle envoyait à l'exposition de 1880, rue des Pyra-

mides,

le

femme au

tableau Jeune

Musée du Luxembourg On peut

bal,

le

maintenant au

donner

comme un

des meilleurs exemples de sa production, alors qu'elle avait pleinement profité de la

technique première, avec

la

faite

manière de Manet. Sa

de précision,

s'est

combinée

faculté de peindre en fondant les contours,

pour tenir

les

formes dans

On

grand charme.

l'air.

se sent là

L'ensemble

est

d'un

en présence d'une œuvre

féminine par sa délicatesse, mais qui ne tombe point

dans cette mièvrerie généralement voir

et cette sécheresse,

les

que

laissent

ouvrages des femmes. Je citerai

ce que je disais de ses procédés d'exécution, dans une

brochure sur

les

Impressionnistes, publiée en 1878, et

qui correspond encore porter, «

que

je

délicatesse,

bien au jugement queje puis

ne saurais

Les couleurs sur

une

si

les toiles

m'exprimer autrement

:

de M"^ Morisot prennent

unemorbidesse, un velouté singuliers.

Le blanc se pénètre de nuance rose thé ou au

reflets qui le

gris

insensiblement au ton pêche,

conduisent à

la

cendré, le carmin passe le vert

du

feuillage

prend

tous les accents et toutes les pâleurs. L'artiste termine ses toiles en donnant, de-ci de-là, de légers coups de

pinceau, c'est

comme

si elle effeuillait

des fleurs.

»

Elle peindra ainsi dans les tons clairs et nuancés des

121


portraits, des tableaux

femmes en

de genre, montrant des jeunes

déshabillé ou à leur toilette, des paysages,

assez souvent avec personnages, où Tinfluence autrefois

subie de Corot restera visible. Puis vers 1885-1886

elle

modifie sa palette. Ses œuvres laissent voir de ces

effets

imprévus de coloration, auxquels

elle n'avait

pas

encore pensé. Elle participe à cette marche en avant, qui porte les Impressionnistes à accentuer de plus en plus leur coloris.

avec

Elle se développe simultanément

pour une part sur son propre fonds,

les autres,

pour une part en recevant de Claude Monet

et

de Renoir,

selon cette pratique que nous avons déjà en diverses

occasions reconnue aux Impressionnistes de se

niquer

commu-

uns aux autres leur apport. Son œuvre

les

donc de

la variété.

bleaux à

l'huile,

off*re

Le fonds en est formé par les taqui comprennent les figures exécutées

presque toutes à Paris,

les

paysages peints surtout à

Pontoise, à Compiègne, à Fontainebleau, à Bougival, les

marines peintes sur

la côte

normande,

à Nice, à

Jersey, en Angleterre. Elle a produit des pastels, des

dessins à la sanguine et aux crayons. Elle a particu-

lièrement excellé dans Taquarelle, ses aquarelles sont délicieuses de légèreté et de transparence.

essayée à suite

eau-forte,

1

de huit

on a d

elle,

Elle s'est

dans cet ordre, une

sujets.

Berthe Morisot épousa, en 1874, Eugène Manet, frère cadet

du

à signer ses

peintre. Elle continua après son mariage

œuvres de son

continuerons à

chacun de leur

le lui

côté,

nom

de jeune

donner. Son mari se trouvèrent

une brillante situation de fortune. 122

le

fille et

nous

et elle, riches

en ménage dans

Ils

habitèrent, rue


Berthe

MORISOT.

Jeune

Femme

au Bal

(Musée du Luxembourg).



une maison

yillejust,

L'appartement

qu'ils avaient fait construire.

y occupaient renfermait une grande pièce disposée à recevoir des tableaux. Les qu'ils

Manet tenaient

œuvres de

puis venaient celles de

Le

cercle

choisi, tres

il

de

leurs

la

maîtresse de

visiteurs

était

place,

maison.

mais

restreint, les

pein-

amis Degas, Renoir, Pissarro, Monet, quand

admirait

le talent

femme.

Il

de

1

sut lui

un

vrai

artiste et ressentait la

donner une grande

il

Ce

poète Stéphane Mallarmé.

et le

dernier avait pour Berthe Morisot

la

la

comprenait, en première ligne,

venait à Paris

de

première

la

culte.

Il

séduction

satisfaction,

en faisant entrer une de ses œuvres au musée du

Luxembourg. Berthe Morisot voyait constamment sa position de

femme du monde

voiler sa qualité d'artiste. Les criti-

ques, qui parlaient des expositions des Impressionnistes, la laissaient la

généralement dans -l'ombre, ou ne

considéraient que

C'était

comme une

une injustice. Par

suite 'assidue de l'art,

âme,

sorte de dilettante.

ses études premières, sa

auquel

elle se savait l'égale

elle

éprouver

entrer au

la satisfaction

en amateur. Elle

de voir sa

Femme

au

bal,

musée du Luxembourg.

Ce tableau

avait figuré à l'exposition des Impression-

nistes dé l'année 1880, rue des l'y avait acheté.

quand Mallarmé venait me

De Nittis moi-même

Pyramides.

Je l'avais après cela acquis

à sa mort. Je le tenais chez et

donnait toute son

de n'importe quel autre et

souffrait secrètement d'être traitée allait

pour-

moi

à la meilleure place

voir,

nous nous extasions

ensemble sur son charme. Lorsque

les circonstances

123


m'amenèrent, en 1894, à une vente de mes tableaux,

Mallarmé pensa que

1

occasion

était excellente,

pour

pénétrer une œuvre de Berthe Morisot au musée

faire

du Luxembourg et que la Femme au bal était un excellent exemple à choisir. Il était personnellement Beaux-Arts M. Roujon,

très lié avec le directeur des

qui, avant de se consacrer à Tadministration, avait fait partie des

hommes

de

Il

lui écrivit

donc, pour

la

Femme

bal,

trée

au

soumis à son influence.

lettres lui

recommander

l'achat de

d'une manière pressante. Mais l'en-

maintenant prévue de

la

collection Caillebotte au

musée du Luxembourg, léguée par le possesseur, avait soulevé une telle colère dans certains quartiers influents, que

1

achat à

par surcroît,

effectuer,

d'une œuvre

impressionniste paraissait scabreux.

M. Roujon désireux de rant les lumières des

se mettre

hommes

en

en s'assu-

règle,

de compétence

officielle,

moi voir le tableau, avec M. Bénédite, le conservateur du Luxembourg et M. Benoit, conservateur au Louvre. Le tableau parlait pour lui-même et les trois visiteurs en décidèrent l'achat. M. Roujon se montra d'ailleurs plein de sollicitude Puisqu'il s'agissait de œuvre d une femme distinguée, dont on vouvint chez

1

honorer

lait

ne

talent,

il

déclara qu'en crainte quelle

poussée aux enchères, ce qui serait

restât sans être

une il

le

sorte de défaveur jetée sur l'œuvre et sur l'artiste,

convenait de fixer d'avance

dait la faire cette

époque

monter. était

Il le

le prix,

fixa à

l'on enten-

4.500 francs, ce qui à

une somme plus que convenable. Le

tableau fut en effet acquis à la vente publique pour ce prix,

124

et

aussitôt placé

au musée du Luxembourg.


Berthe Morisot éprouva une vraie satisfaction de cet achat, qui en soi n'avait rien d extraordinaire mais qui

prenait à ses yeux de

1

importance,

reconnaissance publique de son mérite et

que

d

artiste

1

du

fait

s'était

qu'une

produite

Luxembourg la sortait du rang amateur, où Ton avait comme cherché à la entrée au

tenir.

Berthe Morisot perdit son mari, en 1892,

veuve avec une cate,

mourut

le

fille.

Elle-même, de santé

et resta

frêle et déli-

2 mars 1895.

125



CEZANNE Paul Cézanne aura été essentiellement un Provençal. Il

un

devait garder toute sa vie, dans son parler,

accent méridional,

a toujours conservé

il

avec sa terre natale

et

par y retourner vivre. Paris,

de parisien.

fort

une attache

il

a fini, après Tavoir quittée,

Il

n'a jamais rien laissé voir, à

La Provence

est

aujourd hui

la

seule partie de la France, qui ait résisté à l'influence

absorbante de Paris, qui vie

propres.

Elle

a

ait

gardé une

maintenu,

Cézanne aura donc les

une

a

du

produit des terroir,

des

Monticelli et aussi Cézanne.

été avant tout redevable

Impressionnistes,

moins impressionniste. Les tuent les traits

et

empreints

caractère à son pays d'origine.

appelés

et

dans une certaine

mesure, ses traditions, sa langue

hommes profondément hommes comme Mistral,

âme

il

De

de son

tous ceux qu'on a

aura été en réalité

le

particularités, qui consti-

communs de

1

impressionnisme, qu'il

milieu parisien, où

aura prises dans

le

son

simplement superposées au fond de

art,

se sont

style sobre,

venu de Il

il

a développé

de simplicité d ordonnance, qui

lui sera

sa terre, de vieille formation latine.

naquit à Aix-en-Provence,

le

19 janvier 1839.

Il

127


était fils

homme

d'un

qui

devenir un riche ban-

allait

quier et habiter hors de la ville une maison dans un

parc

Jas de Bouffan).

i^le

1853.

s'y

Il

entra au collège d'Aix, en

Il

trouva avec Emile Zola, dont

ingénieur, construisait un canal à Aix et

bachelier.

Il

suit,

père,

se lia avec

sort

du

collège à 19 ans,

en 1860-1861,

les

cours de TEcole

d'une étroite amitié.

lui

il

le

Il

de droit, y prend plusieurs inscriptions et passe même le premier examen avec succès. L'étude du droit le dégoûte,

il

la délaisse.

Sa vocation artistique se développait. de bonne heure une passion pour

Il

avait ressenti

le dessin. Il

exprime,

en abandonnant l'étude du droit, l'intention de s'adonner à la peinture.

Il

vient une première fois à Paris, en

amené par son

1862, Suisse,

père.

mais échoue dans

le

nelle.

il

entre dans

Ce genre de

le

repartir

en plus

Son père

à Aix, à la suite de

bureau de

et,

la

il

banque

de suite natu-

il

obtient,

en 1863, de

se livrera tout entier à la

lui alloue

une pension de cent cin-

quante francs par mois, bientôt portée à qui

lui sera

pater-

l'appel de la vocation se

sentir,

pour Paris, où

peinture.

concours pour l'admission

vie lui devient tout

rellement insupportable faisant de plus

fréquente l'Académie

Revenu

à l'Ecole des Beaux-Arts. cet échec,

Il

trois cents,

toujours régulièrement payée.

Cézanne retrouve Emile Zola à Paris. leur vieille camaraderie et

commune. On peut

mènent une

voir, par la

Ils

continuent

sorte

de vie

correspondance de

Zola, quels rapports intimes s'étaient, dans leur jeunesse, établis entre eux. alors

128

A

l'époque de leur maturité,

que leurs talents seraient complètement épanouis,


CEZANNE.

Son

Portrait par lui-même.



la

divergence de leurs tempéraments,

modes de

leurs

travail, la

amener

blable, devaient les

de

la différence

manière de sentir dissem-

ou moins,

à s'écarter plus

chacun cantonné sur son propre

mais

terrain,

jamais eu de rupture. Et lorsqu'au

il

n'y a

commencement de

1906, on inaugurera solennellement à la Bibliothèque d'Aix,

un buste de

monie

et se

ami.

vieil

Cézanne venu à Paris

le

premier apprentissage,

il

commence

dra du temps,

chez

visation

élément

lui

essentiel,

dans

cultivera et

même

Au des

dans

le

Il

début, en

n'y aura donc jamais

travail facile et l'impro-

Le temps entrera, dégagement de son origi-

le

particulières.

Mais,

qui cherche,

et la palette

de

dit

il

subit les gran-

s'exerçaient alors sur les jeunes

gens émancipés, celles de Delacroix

On a

comme

rien à l'affaire.

fait

homme

influences qui

premiers.

féconder, ont

dans l'exécution de chacune de ses

temps ne

romantisme

et

formation des divers genres qu'il

la

saillantes,

Alceste, le

au fond d'eux-mêmes

resteront inconnus.

nalité, puis

œuvres

lui fau-

de ces hommes, qui ont

comme

de virtuosité,

il

longtemps, pour développer

soutenu.

effort

le

rue Beau-

atelier

se les rendre claires et les

d'un

lui

prend un

était

Il

fréquente

quai des Orfèvres. Après

même un

leurs facultés cachées

besoin

travail. Il

à produire. Cependant

sa pleine originalité.

pour

met au

se

l'Académie Suisse, sur

qui.

assistera à la céré-

montrera profondément ému de l'honneur

rendu à son

treillis et

Cézanne

Zola,

lui

un

et

de Courbet. Le

de Delacroix l'ont séduit certain

les

nombre d'œuvres de

pur romantisme. La plus importante a

fait

partie de la

129 9


vente Zola, en mars 1903, sous

le titre

Cependant Faction de Delacroix

n'est

celle

V Enlèvement.

que

transitoire

;

de Courbet, qui devait être plus profonde

et

personnellement

la

plus durable, lui succède.

connaissance de Courbet.

fait

Il

Le réalisme de Courbet

correspondait au fond à sa manière d'être, aussi les

œuvres

sous cette influence

qu'il produit

sont-elles

relativement nombreuses.

En 1866

Zola, chargé par

rendre compte du Salon dans

\

M. de Villemessant de Evénement, avait

Manet un éloge enthousiaste, qui scandale.

ment

un énorme

en conséquence, quitter l'Evéne-

champion de Manet,

le

il

nouait avec

lui

relations suivies. Cézanne, dans l'étroite intimité se tenait avec Zola, fut et

son

la

gamme

est

de coloris, qui Il

il

du coup entraîné vers Manet

de coloration de Courbet,

Il

des

ne retient plus, à partir de ce moment,

art. Il

Manet.

de

interrompre son Salon. Devenu après cela

et

comme

avait dû,

Il

causait

fait

il

passe à celle de

en marche pour développer 1

établira

faut bien expliquer

dans sa pleine

que

le

système

originalité.

les influences subies

par

Cézanne ne mai'quent pas des manières différentes, absolument tranchées. Il s'agit, dans son cas, d'un

homme

très

ferme, qui s'est d'abord engagé dans une

voie certaine. les limites

1

sitions

la désignation il

romantiques,

du monde

sujets descriptifs,

il

il

de ses

sujets,

entend se tenir ont été

Sauf au premier

fixées.

influence de Delacroix,

spectacle

130

effet,

dans lesquelles

promptement sous

En

il

moment

peint quelques

où,

compo-

n'a jamais été attiré que par le

visible. Il n'a point

a ignoré les

recherché

emprunts

les

littéraires.


L'expression de sentiments abstraits, d'états d'âme, est toujours restée

lui

inconnue.

Il

s'est

vu par

sacré à peindre ce qui peut être

d'abord conles

yeux, les

natures mortes, les paysages, les têtes ou portraits

comme une

sorte de

couronnement, des compositions,

mais d'ordre simple, où à côte

Le

et,

uniquement pour

personnages sont mis côte

les

être peints.

terrain sur lequel

il

entend se tenir étant tout

de suite délimité, quand on parle des influences subies, il

en

s'agit

gamme

de questions de technique, de

réalité

la

des tons, des valeurs de palette, qu'il doit

d'abord aux devanciers. C'est donc surtout son coloris qui a passé par des phases diverses, avant d'être plei-

nement

C

fixé.

est l'aspect extérieur

modifie, jusqu'au jour où nitif

il

qui change et se

prend son caractère

par l'adoption de

la

peinture en plein

A

ce

moment Cézanne

se produit

en 1873.

à Auvers-sur-Oise.

Il

air.

défi-

Le

fait

va résider

rencontre avec Pissarro et

s'y

'Vignon, qui peignaient depuis longtemps en plein air. Il

se

met à peindre à

leur exemple, en tenant les

yeux sur

les colorations vives,

donne à

la

de

l'atelier,

dante de rieur,

la

campagne.

même

Il

que

n'était

l'éclat

de

la

lumière

guère jusqu alors sorti

ses paysages,

comme

la

Neige fon-

vente Doria, avaient été exécutés à

loin de la scène naturelle représentée.

l'inté-

Quand

Cézanne commençait systématiquement à peindre en plein air, à Anvers, il avait 33 ans, il travaillait depuis longtemps,

il

était

en possession sûre de ses moyens.

Aussi en contact direct avec vives

du plein

ginalité. Il

air,

la

nature et les colorations

s'épanouit-il dans toute son ori-

développe une

gamme

de couleur absolu131


ment personnelle

imprévue, d'une grande puis-

et

sance.

Quoi

homme ments rait,

qu'il

en

soit,

il

faut se garder d'en faire

un

pénétré d idées révolutionnaires et de senti-

hostiles à

Tégard des anciennes écoles.

Il

admi-

autant que quiconque, les vieux maîtres, Poussin

en particulier, fréquenté

qu'il

connaissait très bien pour avoir

Louvre. Son originalité

le

lui

une

traçait

voie propre, qu'il entendait suivre sans dévier, mais

après cela

il

n eût pas mieux demandé que de plaire au

public et de participer aux expositions officielles, en jouissant des avantages de toute sorte qu'on peut en obtenir. Il

avait cherché obstinément à se faire recevoir

Salons, pendant des années. et

aux

y avait présenté, avant après 1870, des tableaux invariablement refusés. Il

C'est cette impossibilité de pénétrer aux Salons qui

ramenait, en grande partie, à

s

appellerait les Impressionnistes.

à Paris, et

en premier

de Guillaumin, puis

Monet. la

fait

Il

se joignait

lieu la celle

unir aux artistes qu'on Il

avait, à

son arrivée

connaissance de Pissarro

de Renoir

et

de Claude

donc à eux, pour prendre part à

première exposition qu'ils organisaient chez Nadar,

en 1874, boulevard des Capucines. y mettait, comme principale composition, la Maison du Pendu, aujourd'hui dans la collection de Il

Camondo, au Louvre, peinte à Anvers, en 1873. Le nom venait du fait que l'occupant de la maison s'y était suicidé.

Cette toile laisse certes voir les

caractéristiques de son auteur, ce qui

qu'on y découvre,

132

comme

dans

dons

n'empêche pas

les autres qu'il peint


CEZANNE.

—

Fleurs (Aquarelle).



même

à la

époque, à Anvers, l'influence de Pissarro,

auprès duquel plein

il

Cependant, de l'exposition des Impression-

air.

nistes

d abord mis à travailler en

s'était

il

de 1874 à

est entré

plein air.

de 1877, Cézanne

celle

en complète possession de

Il

la

expose alors seize tableaux

s'est

dégagé,

technique du et aquarelles,

des natures mortes, des fleurs, des paysages et une tête

d'homme,

montrent parvenu à

A

de M. Choquet

le portrait

la

Ces œuvres

le

plénitude de son originalité,

Le

l'exposition de 1877, rue

sionnistes, se produisant dans

Peletier, les Impres-

toute leur hardiesse,

soulevaient une horreur générale et faisaient au public l'effet

de monstres

de barbares. Mais celui d'eux

et

tous qui causait l'horreur la plus profonde, qui plus

spécialement que

tous les autres faisait

l'effet

d'un

vrai barbare, d'un vrai monstre, c'était Cézanne.

1877

souvenirs de

les

et si

les

traités

de

la

Commune

En

demeuraient vivants

Impressionnistes furent alors généralement «

communards

», ils le

durent surtout à sa

présence au milieu d'eux. Il

est

probable qu'on ne verra jamais se déchaîner,

contre quelque peintre que ce

soit, l'hostilité

Impressionnistes ont eu à subir. Pareil saurait se répéter.

Le

Il

servira

1

sûrement d'avertissement tel

que

celui

et

devra

que nous

avons connu, ne se produise jamais plus contre

venir.

S

il

et les originaux,

doit en être ainsi,

exemple appelé

à

la

admiration, a mis l'opinion

empêcher qu'un soulèvement, novateurs

les

phénomène ne

cas des Impressionnistes,

flétrissure a fait place à

en garde.

que

les

qui pourront encore sur-

Cézanne aura fourni un

demeurer unique.

Si les Impression-

133


nistes sont destinés à rester les peintres qui auront été

de tous

Cézanne

les plus maltraités à leur apparition,

au milieu d'eux, a été sans comparaison

qui,

honni aura eu

le

plus

plus

ainsi l'honneur d'être, de tous les artistes

originaux jamais apparus dans

aura

le

le

monde,

celui qui

rugir les Philistins. C'est qu'avec lui

fait

l'originalité et la

physionomie à part se seront mani-

festées,

de manière à trancher plus qu'elles ne l'avaient

encore

fait

auparavant sur

admis de

l'art facile,

les

tous.

formules courantes de

faut voir

Il

d où venait ce

fait.

Cézanne devait d'abord sa physionomie à

part, à la

circonstance qu'il n'était entré dans l'atelier d'aucun peintre en renom, pour apprendre à produire selon la

formule courante. Les ateliers parisiens sont arrivés à

former un nombre

illimité

d'après des règles

si

de peintres, qui travaillent

sûres, qu'on peut dire de leurs

œuvres qu'elles sont impeccables. Des centaines montrent tous

les

ans aux Salons, dessinant des con-

On

tours et peignant des surfaces sans défauts. rien à reprocher à leurs envois. gens-là se ressemblent, ont facture.

de ceux qui recherchent, en

une

même

technique,

des formes, qui ont

si

du

le

même dégoût

art, l'originalité et l'inven-

avec leur correction routinière,

régularité générale

n'a

Seulement tous ces

Leurs œuvres finissent par exciter

tion. Mais,

se

dessin,

bien pris

qui en diffère pai'aît au public

elles

donnent

un aspect convenable les

fautif,

yeux, que tout ce

mal

dessiné,

mal

peint.

Or Cézanne, par violemment 134

le

sa

manière à

part, venait heurter

goût banal, habituel du public.

Il

était


avant tout peintre

ne dessinait

et

des lignes et des contours à

unes à côté des autres d'abord, puis

les

unes par-dessus

les autres après.

dire que, dans certains cas, et

de

la

manière des autres.

la

Il

un procédé personnel, des touches sur

appliquait, par la toile,

en arrêtant

pas

On

les

peut aller jusqu'à

maçonnait son tableau,

il

juxtaposition et de la superposition des touches

colorées, les plans,

les

contours,

pour ceux qui savaient

geaient,

modelé

le

voir,

se déga-

mais pour

les

un mélange uniforme de

autres restaient noyés dans

couleur.

Cézanne avant tout

dans

peintre^

mot, recherchait avant tout

le

la qualité

sens propre du

de

la

substance

peinte et la puissance du coloris. Mais alors pour ceux

qui ne comprennent cises et arrêtées,

demandent

à

il

des

dessin que par des lignes pré-

ne dessinait pas

un tableau

ou anecdotiques, étaient

le

d'offrir

les siens

comme non

pour ceux qui

des motifs historiques

ne présentant rien de pareil

existants

;

pour ceux qui veulent

également, son

recouvertes

surfaces

;

faire,

par

endroits rugueux et ailleurs allant jusqu'à laisser des parties de la toile

d'un impuissant

;

non couvertes,

paraissait être celui

sa touche, par juxtaposition de tons

colorés égaux ou se superposant, pour arriver à l'épaisseur, semblait grossière, barbare, monstrueuse. Il

existait

cependant une particularité d'ordre tout

à fait supérieur dans ses œuvres,

ment de

cette sorte

rateurs et

d abord ils

ni

même

le

que

public en général, les

commun

comprendre

ne peuvent

le

même

mais aussi précisélitté-

des peintres ne peuvent

ni apprécier, puisque d'abord

pas

la saisir, c'est la

valeur en soi

135


de

matière mise sur la

la

nieuse du coloris.

une

gamme

Or

les

ques

la

tableaux de Cézanne offrent

et

Il

s'en dégage

bien qu'une nature morte

grandeur, au

faire

une

Mais

la qualité

tête

une force indé-

— quelune serviette sur une table — pren-

sujet, si

pommes

dront de

puissance harmo-

de coloris d'une intensité très grande,

d'une clarté extrême.

pendante du

toile, la

même

degré que pourra

humaine ou un paysage avec de

le

mer.

la

peinture en soi, où réside surtout

la

de Cézanne, n'étant point accessible aux

la supériorité

spectateurs, tandis

que ce

qu'ils tenaient

trueux leur crevait les yeux, les les injures, les

pour mons-

rires, les

sarcasmes,

haussements d'épaules, étaient

les seuls

témoignages que ses œuvres leur parussent mériter qu'aussi bien

ils

leur prodiguaient.

Cézanne aux expositions de 1874 et de 1877 donc

si

absolument conspué,

blement méconnu, se

il

se sentait

qu'il renonçait

montrer au public.

à aucune

Il

ne devait en

si

pour longtemps à effet

prendre part

des autres expositions organisées par les

nuera à peindre de Il

se voyait

irrémédia-

Impressionnistes. Mais, replié sur lui-même,

tenace.

et

la

façon

la

il

conti-

plus assidue, la plus

se livrera sans arrêt à l'exercice de l'art.

Son

cas est ainsi remarquable dans l'histoii'e de la peinture.

Voilà un

homme

qui, en

montrant ses œuvres, a

été

tellement maltraité qu'il s'abstient de les remettre de

nouveau sous laisser

yeux du public. Rien ne peut lui entrevoir que l'opinion changera à son égard, les

dans un avenir prochain ou même jamais. Ce n'est donc pas pour ce qui miroite aux yeux de tant d'autres, le

renom,

136

les

honneurs à acquérir qu'il

travaille, puis-


^.-^ mr^.-r-fio -

WÊ"W

CQ

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LhAïitwiâL^^ 'jâb

-

-"v^*^é-



que ces avantages

Ce

n'est pas

définitivement refusés.

lui paraissent

non plus en vue d un

l'horreur causée par ses œuvres,

profit,

aucune chance

n'a

il

puisque après

d'en vendre, ou

s'il

nellement,

qu une somme infime. pas besoin de produire pour vivre,

D'ailleurs

comme

n'en

il

n'a

il

tant

en vend quelques-unes exceptionohtient

d'autres qui,

une

engagés dans la

fois

carrière, ont à lutter contre la misère.

Il

jouit d'une

pension de son père qui l'alimente, en attendant -jour où l'héritage paternelle fera riche.

donc à peindre par aucun de dent généralement de

Il

ne continuera

ces motifs qui

conduite des autres.

la

le

Il

déci-

conti-

nuera à peindre par vocation pure, par besoin de se satisfaire

peindre.

lui-même.

On

Il

peint parce qu'il est

taine besogne.

Evidemment

faire

forcément une cer-

les 3'eux qu'il

sur les choses lui procuraient des sensations lières, qu'il

éprouvait

le

besoin impérieux

il

.

lui

près.

Il

la virtuosité,

facile

il

permettra

ne se

le

ce que

permettra

du pinceau, donnant des

procède d'une manière serrée.

obstinément

lui-

la réussite difficile qu'il conçoit. Il n'y

appeler

jamais ce travail

pein-

uniquement pour

aura donc dans sa facture aucune trace de l'on peut

la

satisfait.

peindra de cette sorte qui

mieux d'obtenir

particu-

si

ressentait le plaisir d'un

Puisqu'il peint maintenant il

promenait

besoin de les fixer par

ture et qu'en le faisant,

même,

homme,

a ainsi avec lui l'exemple d'un

que son organisation mène à

pour

fait

fixés sur le

modèle ou

Il

tient les

le motif,

à

peu

yeux

de façon

à ce que chaque touche soit bien mise, pour contribuer à établir sur la toile ce qu'il a devant

lui. Il

pousse

si

137


loin

vision,

sincèrement Tobjet de sa

probité à rendre

la

il

une

a

horreur du travail

telle

que lorsque dans son exécution, endroits des points de la toile

fait

trouve

se

il

de chic,

non couverts,

il

par les

laisse tels quels,

sans penser à les recouvrir, par un

travail postérieur

de reprise des parties d'abord négli-

gées, auquel se livrent tous les autres.

Son système

le

contraint à un labeur en quelque

sorte acharné. Ses toiles en apparence les plus simples

demandent un nombre considérable, souvent énorme, de séances. Ses procédés ne lui permettent non plus d'obtenir cette réussite les autres arrivent.

de ses

certaine, à laquelle

abandonnera en route nombre

qui resteront à Tétat

toiles,

d ébauches,

Il

moyenne

que

d'esquisses

ou

pu être obtenu, soit que les circonstances aient empêché de les mener à terme. Mais alors les œuvres parvenues à la réussite

soit

recherché

l'effet

n'ait

complète laisseront voir cette sorte de puissance,

que donne l'accumulation d un dant resté

libre,

procurant

1

travail serré cepen-

expression forte et directe.

* »

Cézanne prit philosophiquement son dont

il

était

l'objet.

L'idée ne lui vint pas

instant de modifier, en quoi

que ce

soit, sa

pour se rapprocher du goût commun. Mais

aux expositions de 1874 conspué,

il

se sentait

si

et

de 1877

pour longtemps

Une

du contact

138

si

il

un

seul

manière, se voyait

absolument

irrémédiablement méconnu,

qu'il renonçait fois retiré

du mépris

parti

à se

montrer au public.

public, par sa renonciation


aux expositions,

il

peint sans s'inquiéter de ce qui peut

se passer autour de lui.

disons qu'il a renoncé à cette époque

Quand nous

à participer aux expositions, cela s'applique rigoureu-

sement aux expositions des Impressionnistes, auxquelles mais il existe cependant une il manque après 1877, exception. Repris, en 1882, de son désir de pénétrer

aux Salons,

il

envoya à celui de

cette

année un portrait

d'homme. Guillemet, un de ses amis du temps d'apprentissage, alors membre du jury, le fît recevoir. Le Salon de 1882 a été ainsi

le seul qui,

par aventure,

ait

vu une œuvre de Cézanne. Vingt ans vont s'écouler, pendant lesquels

il

restera

méprisé ou méconnu du public, des écrivains, des collectionneurs,

donnent aux tirer profit

des

artistes le

de leur

hommes

marchands, des

renom

travail.

Il

et leur

qui

permettent de

ne sera alors apprécié

gioupe des peintres ses amis, Pissarro, Monet, Renoir, Guillaumin qui l'ont tout de suite

que du

petit

considéré

comme un

maître, auxquels se joignent quel-

ques amateurs, qui l'ont aussi compris

le

goûter.

Il

réunion de tableaux de Corot

veulent avoir

un des premiers possédait une importante

de ses œuvres. Le comte Doria collectionneurs à

et

et

fut

des maîtres de 1830.

y ajouta, après 1870, des œuvres des Impressionet en particulier La Maison du Pendu de nistes Il

Cézanne. Puis

pour

la

il

échangea ce tableau avec M. Choquet

Neige fondante, qui a figuré à sa vente, en

mai 1899.

Avec M. Choquet nous venons de nommer l'homme qui ressentit d abord pour Cézanne une vive admira139


tion.

Il s'était

dans sa jeunesse épris de Delacroix, à

répoqueoù celui-ci était encore généralement dédaigné et avait pu ainsi, avec de modestes ressources, acquérir un ensemble de ses œuvres. Après être allé d instinct à Delacroix,

il

était allé ensuite

sionnistes. C'était

d instinct aux Impres-

un homme d une grande

politesse,

qui émettait ses opinions avec chaleur, mais toujours

sous

les

formes

les plus déférentes.

réussissait de la

beaucoup de gens

sorte à se faire écouter par cette

Il

qui, à

époque, n'eussent toléré d'aucun autre un éloge

des Impressionnistes en général et de Cézanne en particulier.

On

le

rencontrait en tout lieu, où les Impres-

sionnistes trouvaient occasion de montrer leurs œuvres,

aux expositions d'apôtre.

et

aux ventes.

Il

devenait une sorte

prenait les uns après les autres les visiteurs

Il

de sa connaissance

et s'insinuait

auprès de beaucoup

#

d'autres,

pour chercher à

et leur faire

les

pénétrer de sa conviction

partager son admiration et son plaisir.

M. Choquet s'était en 1877 lié d'amitié avec Cézanne, qui passa dès lors une partie de son temps, à peindre pour

lui,

en

ville et à la

campagne.

Il

peignit particu-

lièrement plusieurs portraits de M. Choquet très travaillés, l'un,

une

tête

exposée rue Le Peletier, en 1877,

un autre, à mi-corps, costume blanc, se détachant sur un fond de plantes vertes, peint en plein air, à la campagne, en Normandie, en 1885.

En

juillet

1899, à la

vente après décès de M°^^ Choquet, qui avait hérité de la collection

de son mari, 31

rent aux enchères

;

dans

le

Mardi gras, un grand pierrot

un de 140

toiles

de Cézanne passè-

nombre se trouvait le et un arlequin, formant

ces sujets, où les personnages sont mis surtout


en

'M

a

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3 O

W 2 <

N U

U

'•^'-TiitMilM



pour

être peints, sans se livrer à des actions particu-

lières.

Ce

fut à cette vente

que

de Cézanne, restés jusqu'alors

les prix

des tableaux

commencè-

très bas,

rent à monter pour atteindre l'élévation qu'on leur voit aujourd hui.

En 1870

années suivantes un

et

qu'on appelait

le

petit

père Tanguy, vendait des toiles et

des couleurs dans une boutique de

Les Impressionnistes, qui lui

marchand,

lui

la

rue Clauzel.

prenaient des fournitures,

donnaient des tableaux en échange. Quoiqu'il

offrît à

que

des prix infimes,

très

peu

et sa

avait continué,

Paris, sous la

nationale

et,

il

les

ne parvenait à en placer

boutique en

restait

encombrée.

Il

comme tant d'autres, après le siège de Commune, à faire partie de la garde

pendant

la bataille entre les

Fédérés

et

l'armée de Versailles, avait été pris et envoyé à Satory. Il

passa en conseil de guerre. Heureusement pour lui

que

les officiers

rechercher

montrer à

les

enquêteurs n'eurent point l'idée de

tableaux qu'il tenait en vente, pour les

dans ce cas

ses juges, car

condamné

et fusillé.

commerce.

C'était

Acquitté,

un

il

homme du

goût naturel, mais sans culture.

Il

il

eût été sûrement

put reprendre son peuple, doué d'un désignait l'ensemble

des Impressionnistes par un mot pompeux,

u

TEcole

qui dans sa bouche avait quelque chose de drôle.

1879 Cézanne avait quitté un appartement qu

il

»,

En

occu-

pait près de la gare Montparnasse, se rendant à Aix. Il

laissait ses

avec qui sentaient

tableaux à

la

j'allai les voir, le travail

les trouvai

disposition du père Tanguy,

pour en acheter.

Ils

repré-

accumulé de plusieurs années. Je

rangés par piles, contre

la muraille,

les

141


plus grands à 100 francs, les plus petits à 40 francs.

J'en choisis plusieurs dans les piles.

Cézanne marié eut un fils en 1872. Son temps a

été

partagé entre Paris, les environs et sa ville natale

d Aix, où

n'a jamais cessé de séjourner par inter-

il

valles, car

a toujours conservé les meilleures rela-

il

tions avec sa famille.

vécut,

Il

avec

d'une manière resserrée,

son père. des prix

pendant des années, pension reçue de

la

ne vendait point alors de tableaux ou à

Il

tels,

que leur produit n'ajoutait presque rien

à son petit budget. Après la mort de son père, en

1886, et celle de sa mère, en 1897,

il

entra en pos-

session de la fortune paternelle, partagée avec ses

sœurs

et

d'Aix.

Il

passa à

y

ville et se

distance.

de vivre.

de riche bourgeois de

l'état

fixa alors sa résidence. Il eut

Devenu Il

un

construire

fit

riche,

continua,

atelier

deux

la ville

une maison en

au dehors, à quelque

ne changea rien à sa manière

il

comme

par

le passé,

à peindre

assidûment, ne prenant toujours d'intérêt qu'à son art.

se succéder le laissant isolé,

Les années semblaient mais en

le

temps qui

soi, travaillait

travaille

pour ce qui a de

pour

A

lui.

la

la

valeur

première génération,

qui n'avait connu les Impressionnistes que pour les railler,

prendre

en succédait une autre, qui et les apprécier.

Cézanne,

savait les

le

com-

plus méprisé de

tous dans la période de méconnaissance, devait rester

en arrière des autres, lorsque produire;

il

la

demeurerait ignoré de

nuerait à être réprouvé par le

Mais, en compensation,

142

faveur viendrait à se

il

la foule et conti-

monde académique.

allait recueillir l'appui

d'un


cercle

sans cesse élargi d'adhérents, artistes, collec-

tionneurs, marchands.

Le père Tanguy avait été le premier à tenir de ses œuvres, à une époque où il était comme impossible d'en vendre. C'est Pissarro, qui a toujours professé

une grande admiration pour Cézanne, qui avait guidé le père Tanguy et qui amenait ensuite Vollard, en des circonstances plus heureuses, à prendre la

Vollard

venu de

était

natal, faire ses Il s'était,

l'Ile

humanités

de

et ses

la

même voie,

Réunion, son pays

études de droit à Paris.

à la recherche d'une profession, établi mar-

chand de tableaux. Vers 1890

il

s'engagea dans l'achat

des tableaux de Cézanne. Entré en relations avec fils,

il

en acquit environ 200, pour une

à 90.000 francs. prise, il

tint

Il

les

événement que ses œuvres,

Laffitte, près

tableaux.

Ce

fut

du Boulevard, où pour Cézanne un

cette péripétie, qui l'amenait à

vendre

maintenant présentées en permanence aux

connaisseurs

et

au public. Aux rares collectionneurs

des premiers temps,

M. de

de 80

loua, afin de compléter son entre-

un magasin rue en vue

somme

le

Bellio,

le

comte Doria, M. Choquet,

en succédaient de nombreux

:

MM.

Pel-

Bernheim jeune, Fabbri, Gasquet, Lœser, Alphonse Kann, pour ne parler que des principaux. Sa lerin,

réputation

allait

passer les frontières

;

en Allemagne on

rechercherait ses œuvres et les jeunes artistes y subiraient son influence.

En France

sa prise sur les peintres

émancipés de

la

nouvelle génération devenait évidente, lorsque se for-

maient à Paris, en 1884,

la

Société des Artistes indépen-

dants, puis, en 1909, le Salon d'automne.

il

serait

143


tenu pour un maître, c'est sur

qu'on s'appuierait.

lui

Après avoir voulu, au début, montrer ses œuvres aux Salons été

et

aux expositions des Impressionnistes

amené

à y renoncer, sous le

suscitaient,

son gré, à des expositions où

empressement.

Il

d injures qu'elles

maintenant pouvoir

allait

il

flot

les

elles seraient

du Salon d'automne de 1905.

serait

envoyer, à reçues avec

prenait donc part aux expositions

des Indépendants des années 1899, 1901 celle

et avoir

Un

et

1902

de ses tableaux

admis à l'Exposition universelle de 1889

En

sieurs à celle de 1900. ferait,

1907,

le

et à

et

plu-

Salon d'automne

après sa mort, une exposition générale de son

œuvre.

Maurice Denis a su donner expression aux senti-

ments des

artistes,

qui admiraient plus particulière-

ment Cézanne. Il a peint une grande toile, sous le titre d'Hommage à Cézanne, exposée en 1901 au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. Autour d'un tableau

de Cézanne sont groupés en déférence,

les

peintres

Bonnard, Denis, Ranson, Redon, Roussel, Sérusier, Vuillard, et avec eux Mellerio et VoUard.

Le temps

Au

avait

xx' siècle,

il

donc

travaillé

en faveur de Cézanne.

vendait sa peinture,

nombreux admirateurs

et

il

il

comptait de

pouvait constater que son

influence s'étendait parmi les jeunes artistes. Cependant, quoi qu'il en fût, nier jour ignoré

de

il

la

devait rester jusqu'à son derfoule

et

continuer,

dans

les

un réprouvé. Il était dit qu'il ne pourrait jamais causer que de l'effroi aux hommes se donnant la mission de défendre

hautes sphères

les règles et

144

officielles,

à être tenu pour

de maintenir

les sages traditions.


o

3

w <

N U



directeur de la National Galerie â

M. de Tschudi,

MM.

Berlin, s'était fait en Allemagne, avec

Lieber-

mann, Meier-Graefe et le comte Kessler, l'introducteur de la peinture moderne française, représentée par Manet et les Impressionnistes. C'était un homme courageux qui, dans

défense de la forme d'art venue

la

n'a pas

qu'il croyait devoir préconiser,

de France,

craint d'affronter des attaques violentes.

Il fit

entrer,

vers 1899, à la National Galerie à Berlin, à l'aide de

fonds qu'il obtint de personnes riches influencées par

Dans

lui,

Degas,

tableaux

des

Manet,

Serre, de

la

Monet, Sisley

et enfin

la Conversation,

de

Renoir,

un

très puissant

de

Claude

Pissarro,

et caractéris-

tique paysage de Cézanne.

moderne française, sous dans un musée national, à

Cette appai'ition de l'école sa

forme

Berlin,

la

il

d'ardentes

suscita

Guillaume de quoi

plus osée,

il

II

polémiques.

L'empereur

voulut se rendre compte personnellement

s'agissait. Il

déciderait

connues pour

du

annonça

sa visite à la Galerie

sort des tableaux. Ses préférences

l'art

correct de la tradition laissaient

prévoir qu'ils auraient peine à trouver grâce devant lui.

M. de Tschudi

attendit la visite de l'Empereur,

prêt à en subir les conséquences, mais,

moment,

il

faiblit

au sujet du tableau de Cézanne.

l'écarta par exception.

blement pas vait

une

Cézanne

tort

faible

au dernier

Il lui

— que

si,

parut

avec

il

n'avait proba-

les autres,

chance de gagner l'Empereur,

la lui

ferait

Il

il

la

conser-

vue du

sûrement perdre. L'Empereur,

venu en présence des tableaux de Manet et des Impressionnistes, ne les jugea pas plus favorablement que 145 10


n'avaient les

fit

fait

autrefois les « bourgeois

enlever de la place choisie, où

au premier étage, pour

les

tenir

apparent au second. L'Empereur remit

le

parisiens.

»

ils

Il

se trouvaient

en un

moins

lieu

M. de Tschudi

parti,

tableau de Cézanne avec les autres.

Comme

je racontais

cette histoire

de Berlin, dans

une réunion à Paris, un homme du monde, connaisseur émérite de Tart du xvm* siècle, dit tranquillement qu'il

comprenait

bien

l'acte

de M. de Tschudi, car

d anarchiste ne pouvait causer que de

cette peinture

l'horreur à

très

un empereur. Je

trouvai très caractéristique

ce jugement persistant sur Cézanne, tenu toujours pour

un insurgé par

les traditionnalistes, et qualifié

mainte-

nant d anarchiste, épithète équivalente à celle de com-

munard, qu'on

appliquée à son apparition,

lui avait

en 1874.

En Tannée

1902, Cézanne qui avait supporté avec

une grande philosophie

le

long mépris,

voyant

se

enfin relativement apprécié, laissa entendre que, sans

penser à faire terait

lui-même aucune démarche,

volontiers

décerner,

la

comme

décoration

qu'on

reconnaissance

il

accep-

pourrait

officielle

lui

de son

M. Octave Mirbeau se chargea, après cela, de faire appel en sa faveur à M. Roujon, le directeur des Beaux-Arts. Voilà donc Mirbeau qui, accueilli par mérite.

Roujon,

lui dit qu'il vient

lui

demander

d'honneur pour un peintre de ses amis

la

et

Légion

Roujon,

qui assure Mirbeau de sa bienveillance et du plaisir qu'il aurait à lui

alors glacer.

146

Cézanne.

donner

A

ce

satisfaction.

nom Roujon

Décorer Cézanne

!

mais

Mirbeau désigne

sentit

c'est lui

son sang se

demander de


fouler aux pieds tous les principes remis à sa garde.

Il

répond donc par un refus péremptoire. D'ailleurs

il

serait prêt à décorer tout autre Impressionniste,

Monet en tait

pas à

mais qui précisément ne consen-

particulier,

1

Mirbeau se retira dédaigneux

être.

dut comprendre, que minorité d'artiste

ne

qu'il

et

fût toujours

sphères de l'art

Cézanne

de connaisseurs n'empêchait pas tenu pour un monstre, dans

de

la

un homme

d'esprit sérieux et réfléchi,

dans sa peinture,

manière d'agir

et

La tenue que

vrai méridional, à

vifs

se laissait aller,

Il

de jurons,

mais, après cela,

au

coup de ses sensations, en

une sorte d'impétuosité, de

lement accompagné

mots

le

l'on

au fond dans sa

existait

de s'exprimer.

premier moment, sous

les

correction administrative

porté à se replier sur lui-même. constate

et Cézanne

apprécié par une

le fait d'être

officiel et

était

Claude

s'il

tressail-

de

d'exclamations,

parlait à des

amis ou à

des gens sérieux, on voyait l'homme de jugement

et

de

réflexion,

organisé

Caillebotte avait café Riche,

sur

un dîner mensuel,

boulevard des

le

Italiens,

au

appelé

le

dîner des Impressionnistes, où se retrouvaient les peintres

du groupe

Mirbeau,

et

les

Gustave

hommes

Gefî'roy,

de

Mallarmé,

lettres

qui s'étaient

faits

leurs

défenseurs. J'y ai maintes fois rencontré Cézanne. Il

gardait généralement

ment du

dîner, attentif

autour de

lui et

le

silence

au

commence-

aux propos qu'on échangeait

aux opinions qu'on émettait sur

et les artistes. Puis,

à

un

certain

moment,

il

l'art

prenait

part à la conversation et ce qu'il disait avait toujours

du poids. 147


On

voit

en définitive que

de son travail

cularités

Cézanne, par

si

de sa

et

singuliers à relever, le plus

vie, a offert

les parti-

des

faits

singulier aura été l'éton-

nant contraste existant entre

opinion formée de son

1

caractère et sa véritable manière d'être. Cet

homme,

dont Tart aura paru être celui d'un communard, d'un anarchiste, dont

on aura

œuvres à

soustrait les

des empereurs, qui aura causé

la

la

vue

terreur des directeurs

des Beaux-Arts, aura été un bourgeois riche, conser-

soupçonné qu'on

vateur, catholique, qui n'avait jamais

un insurgé, qui a donné tout son menant en réalité la vie la plus digne

pourrait voir en lui

temps au

travail,

d'estime.

Cézanne devenu diabétique eût dû prendre des précautions en conséquence. Mais aucune considération

ne pouvait l'amener à changer ses habitudes de Il

continuait donc,

plein air. pluie,

il

Un jour

fut saisi

On

tion

au

se trouvait,

il

foie.

comme

6

et

le

ramener chez

chez

par

peignait sous la

et

lui,

d une conges-

du

lieu écarté

dans une voiture de blanchisseuse. Le il

avait eu son accident,

commencé d un

le froid. Il

lui et cette fois

vieux marin.

prendre

le lit

définitivement. Sa

Aix, le 22 octobre 1906,

148

il

temps en temps pour ajouter quelques

touches à une aquarelle, près de son

main.

Il

dut être de nouveau ramené

passion de peindre était telle que, malgré son mal, se relevait de

il

7 heures du matin, pour travailler, en

plein air, au portrait fut ressaisi

il

d un refroidissement dut

à peindre en

le passé,

d octobre 1906, où

surlendemain du jour où sortit entre

par

travail.

lit.

on peut dire

le

Il

est

mort à

pinceau à

la


GUILLAUMIN Armand Guillaumin

est

né à Paris,

le

16 février

1841. Ses parents, originaires de Moulins, dans l'Allier, après

Paris revinrent dans leur ville

avoir résidé à

ramenant tout enfant avec eux.

natale, le

son éducation à Moulins, où

de 16 ans.

fut alors

Il

il

envoyé à

Il

ainsi

fit

demeura jusqu'à l'âge un oncle, à Paris, qui

dut l'employer dans un magasin de lingerie qu'il tenait.

Aux

mille et une nuits, rue de la Chaussée-d'Antin.

Mais

le

négoce.

homme

jeune

Au

lieu

n'avait

d attendre

aucun goût pour

le client

le

comp-

derrière le

promener au bois de Boulogne, aux Musées du Louvre et du Luxembourg. La vocation toir,

il

allait se

artistique qui naissait et se développait, le mettait

divergence avec ses entours et

un

prendre pour

paresseux, destiné à mal tourner.

En 1862 il

le faisait

en

ne pouvant plus s'accorder avec sa famille,

la quitte et

entre

d'Orléans.

Il

qu'il avait

quelques

comme employé

dessinait le soir et les loisirs. Il suit le

à la

Compagnie

dimanches, dès cours de dessin

de l'Ecole communale, rue des Petits-Carreaux. distingue. s'élève,

On

lui

s'y

Il

décerne une médaille de bronze.

en 1864, à un échelon supérieur.

Il

va

Il

tra-

149


l'Académie Suisse, quai des Orfèvres. C'est

vailler à

qu'il fait la

connaissance de Cézanne

et

de Pissarro.

Il

Cézanne.

Il

se lie d'amitié tout particulièrement avec

bureau de

quitte le

ne

que de

faire

Compagnie d'Orléans, décidé

la

la peinture. Il peint

emploi.

Ponts

Il

et

la gêne,

il

des stores, pour

Il

entre ainsi, à la fin de 1868, au service des

Chaussées de

la Ville

de Paris.

continue, malgré tout, à s'adonner à ses études

Il

Chaussées

peindra

les

et

comme

Mais

d'artiste et à peindre. et

à

ne peut y parvenir et, se cherche de nouveau un

essayer de vivre de son art.

tombé dans

ne peut

il

est lié

travailler

aller

vues qui s'offriront à Paris

aux Ponts au loin,

même,

il

sur les

quais ou dans la banlieue, à Charenton, à Clamart, sur les bords de la Bièvre. Aussi lorsqu'il se fut joint

à ses amis Pissarro et Cézanne pour participer, en

1874

et

en 1877, aux expositions des Impressionnistes,

ses envois contribuèrent-ils

pour leur part au soulève-

produisit contre le groupe

ment d'opinion

qui

se

A

que

les autres

entier.

tout ce

d'exciter le dédain,

il

sujets pris à des lieux

qu'on pût s'arrêter

:

la

montraient, capable

ajoutait personnellement des

l'on ne croyait point alors

banlieue de Paris,

la lisière

mal

habitée entre la ville et la campagne. Il

exposait des tableaux

court,

dénommés, Lavoir à

Billan-

Rue à Clamart, Route de Clamart à

Depuis, les notions d'esthétique se sont élargies.

pensé que

l'artiste avait le droit

de promener

les

Issy.

On

a

yeux

sa

du monde visible, que c'était de sensation devant la nature, que dépendait la valeur

de

la

sur toutes les parties

150

représentation à en donner. Les sites jugés aupa-


GUILLAUMIN. —

Son Portrait par lui-même.



ravant les plus vulgaires, dans les faubourgs,

le

long

des quais ou sur les remparts, avec les pauvres hères

qu'on y rencontre ont été systématiquement choisis par des artistes en renom, comme motifs de leurs tableaux. Mais à l'époque où Guillaumin se produisait,

on

n'était point

on

tions,

encore affranchi des

fuyait ces aspects

grossiers

et

prosaïques.

vieilles

du monde

conven-

extérieur, jugés

Guillaumin, avec ses vues

prises sur les quais, à Billancourt et à Clamart, venait

donc ajouter des éléments de répulsion à ceux que ses amis apportaient et une part du mépris général, que de 1874

les expositions était Il

et

de 1877 recueillaient,

due. s'abstient

l'exposition des

à

de 1876, mais

même

qu'en 1874

banlieue

lui

et

en 1877,

fournissent

les

ses

montre des vues

à l'exposition de

prises à la pleine

1886 une suite de

paysages peints à Damiette, près d'Orsay.

Il

abordé

et,

rendu de

œuvres de début et

la figure

en plein

étaient de tons

De

Cependant son

sujets.

campagne.

le

en

quais de Paris et la

il

met

les autres

dernière en 1886.

la

cercle s'est élargi, Il

Impressionnistes

prend part à toutes

il

1880, 1881, 1882, jusqu'à

qu'il

lui

air,

a aussi

un peu sombres,

si

ses

celles

produira désormais seront d'une grande variété

d'un grand éclat de palette.

au service des Ponts

et

peignant aux heures de Il s'était

marié,

il

lui

Il

restera des années

Chaussées de loisir et

la Ville

pendant

venait des enfants,

les il

de Paris, vacances.

ne pouvait

se passer de son emploi. L'expérience tentée de vivre

exclusivement de sa peinture n'avait pas réussi difficulté

qu'il

rencontrait toujours

de vendre

et la

ses

151


tableaux,

même

aux plus bas

prix, lui montrait

qu'une

nouvelle tentative n'aurait pas meilleur succès. tinuait

con-

donc son travail de petit employé, sans perspec-

prochaine

tive

Il

en mesure de

d'être

s'y soustraire,

lorsqu'un coup de fortune inattendu, en 1891, vint favoriser.

Une

le

obligation à primes du Crédit foncier,

en sa possession,

sortit

au

lui

tirage,

procurant une

prime de 100.000 francs.

somme

Cette

était

alors son emploi.

permettent

les

pour

lui le Pactole. Il

Maintenant que ses ressources

déplacements,

ira

il

aux vues prises à Paris ou dans particulièrement

abandonne

au loin

lui

ajoutera

et

les environs, des motifs

pittoresques.

va

Il

peindre

ainsi

d'abord à Saint-Palais-sur-Mer, à l'embouchure de

la

Gironde, puis, à diverses reprises, à Agay, près de

Auvergne

Fréjus, sur la Méditerranée et encore en

dans

Haute-Loire. La Creuse

la

régulièrement.

Creuse

et

de

Il

l'attire,

comme

moulins Il

va peindre des vues de

la

Hollande, avec ses

canaux, près de Saardam.

et ses

un

certain

nombre de gravures

à l'eau-

Plusieurs ont été fournies, en 1876, à une publi-

cation, Paris à Veau-forte, éditée par

Cézanne, à un

trois plaques.

Richard Lesclide.

moment où Guillaumin

l'eau-forte, voulut à

son exemple

La plus

les

s'adonnait à

s'y essayer. Il

intéressante offre

Guillaumin, assis par terre,

152

1904, se

champ complètement nouveau, en mai

a exécuté

forte.

du

et les sites

En

pittoresques des environs l'ont séduit.

il

rend

centre. Les ruines

vieux château féodal qui domine Crozant

et juin,

s'y

a choisi Crozant, au confluent de la

la Sedelle,

cherchant un

il

et

un

bras croisés.

grava

portrait de


Guillaumin a continué,

l'âge

dûment. Établi à Crozant,

il

plus au paysage de la Creuse. infinie variété,

que

la

venant, à peindre assi-

s'est Il

attaché de plus en

a su y découvrir cette

nature présente partout à ceux

qui ont appris à Taimer et à la connaître.

153



EN

1922

Les Impressionnistes ont maintenant acquis une telle

renommée, ils sont à tel point tenus pour des maîtres, qu'on se demande si le récit fait dans ce volume de l'absolu mépris qu'ils ont d'abord rencontré, ne serait

pas un simple grossissement

accompagnent tous Mais non

!

il

vement

ya

Les Impressionnistes à leur apparition et

bafoués,

comme

il

est dit.

de s'étonner que, dans un temps

lieu

court,

un changement

profond, que celui qui a

fait

ait

pu

relati-

se produire aussi

passer ce gi'oupe d'artistes,

d'une absolue réprobation au succès

et à la gloire.

Quelles ont pu être les causes profondes d'une péripétie ? Quelle est la véritable explication

donner

les raisons

immédiates, qui agissaient sur

pour leur

sionnistes.

Mais

faire

trouver répulsif

les raisons

ne constituaient, après de

la

telle

en

à

?

Au commencement de ce volume, nous avons teurs,

qui

difficultés,

les débuts.

ont été réellement honnis

Alors

de ces

l'art

exposé

les specta-

des Impres-

que nous avons données

tout,

que

les

répulsion et de la condamnation

deux fussent aussi complètes,

il

causes secondes et,

pour que

fallait qu'elles

les

vinssent

155


celles-là tout à fait

d'autres causes,

profondes

et agis-

sant de très loin. Et c'est bien ce qui avait lieu.

En effet comme le d

œuvres impressionnistes

se présentaient

point extrême d'arrivée d'un

mouvement

rompant, d'une manière radicale, avec

art,

et la

les

forme de

l'art

du sentiment national. Les

œuvres impressionnistes survenaient apparitions, accentuant

dans

de

la

le

de

comme

ainsi

une révolution qui

domaine de

coutume,

fond

traditionnel, de l'art qui depuis des

siècles avait été l'expression

sait

le

tradition,

la

se produi-

Toutes

la peinture.

des

les forces

de Tinertie,

qui

s'opposent d'abord au changement, se levaient donc contre elles et prétendaient les étouffer.

La peinture en France

a été

un

art essentiellement

vivant, ayant sa racine dans les entrailles de la nation,

quelles que soient les influences qu'à certains elle ait

même

pu subir du dehors. Elle de

la

nation

expression, aux

et s'est

modes de

a fait partie

moments de

la vie

adaptée, pour en donner

sentir et de penser, qui s'y

produisaient successivement.

Au

XVII® siècle

littéraire,

nous voyons, à côté de

une floraison

artistique.

la floraison

Littérature et art

revêtent des formes et des aspects semblables, reposant sur le classicisme latin.

une

A cette

époque

le roi est

sorte de dieu, à côté de lui sont les classes

domi-

natrices, la noblesse, le clergé. Aussi les productions littéraires,

ne sont-elles faites en quelque sorte que pour

ces privilégiés, auxquels elles présentent les hauts faits

de rois, de guerriers, de seigneurs, d'hommes semblables à eux, qui seuls peuvent les intéresser.

La peinture avec Poussin 156

et

Lebrun donne, dans

la


a "5

:3

<

a



même voie,

des scènes où fi^m-ent les héros de Tanti-

dieux de

quité et les

1

Olympe. Les

sujets religieux,

qui répondent aux besoins religieux du temps, corres-

pondent à

la

forme

de Bossuet

littéraire élevée

de

et

Fénelon.

Au xvm^

siècle la

littérature

s'est

modifiée, pour

s'adapter aux changements survenus dans les esprits, et l'art a subi des modifications analogues. L'attache

au

classicisme latin a été recouverte par une superposition

de légèreté, de volupté, de licence. Malgré cela, toujours au fond soumise à

la société reste

dérance des

mêmes

puissances

clergé, c est encore,

leurs goûts,

que

le roi, la

la littérature et l'art s'exercent. Ils

les

dieux de l'Olympe. Si

regarde plus qu

dans

monde

gneurs

et

ne

il

1

avait fait

vont

les rois, les l'art

en par-

au xvif

siècle

des entours, ce sont toujours des sei-

des dames parées qu'il représente. Lorsqu'il

descend à vouloir rendre transforme embellis de

dans

le

en grande partie pour se plier à

ticulier le

prépon-

la

noblesse et

encore chercher leurs personnages parmi héros antiques,

comme

II

nature champêtre,

y introduit des bergers

telle

les salons

la

et

il

la

des bergères,

façon qu'ils seraient mieux placés

que dans

les prairies

où on

les

montre.

La Révolution survient. Les classes qui avaient dominé la société ont été renversées ou réduites. L'art qui, aux xvii" et xvni^ siècles, avait donné des images faites

pour leur plaire disparaît avec

période révolutionnaire

Cependant

différent.

qu'on ne

que

la

l

et

il

avait jamais

de

est

fait,

1

elles. L'art

Empire

a pris

la

un aspect

revenu s'attacher,

au classicisme

de

latin.

plus

G

est

République apparue s'appuie sur le souvenir de 157


la

République romaine. Elle

chercher ses

-va

exemples, ses appellations dans

la latinité.

titres, ses

L'Empire,

qui la remplace, se réclame pour sa part de

TEmpire

romain. Cette évocation dominante de l'antiquité

fait

succéder aux formes voluptueuses du

des

formes rigides, où

grand

art,

les traits

xviii® siècle

du nu, devenu

le

fond du

sont pris, par dérivation, à la sculpture

antique. Les maîtres tiennent Tartdans la sévérité clas-

David qui peint

sique,

le

Serment des Horaces

nidas aux Thermopyles, Ingres,

après

lui,

et

Léo-

qui peint

Œdipe interrogeant le Sphinx et l Apothéose d Homère. La forme d'art classique règne souverainement jusqu'au

moment où

apparaît, à côté d'elle, le romantisme.

Delacroix est l'interprète en art de cet esprit nouveau, qui

s'est fait

jour dans l'imagination et

la littérature.

Les romantiques se sont dégagés des formules acadé-

miques des classiques, qu'eux, mais

ils

ils

recherchent d'autres sujets

vont toujours lesprendi-e,

hors du cercle de leur vision

et loin

les entoure. Si les classiques se

comme

eux,

du monde qui

sont tenus aux héros

antiques et aux dieux de TOlympe, les romantiques manifestent une préférence pour les paladins du

Age

et les

Orientaux.

Les classiques

champ

(Je

et les

romantiques se partageaient

en se combattant,

l'art,

Courbet survint. Avec radical, ce

Moyen-

lui

commence

qu'on peut appeler

la

lorsqu'en le

le

1850

changement

révolution qui, en se

développant, aura son point extrême d'arrivée avec les Impressionnistes.

qui caractérisait

Le réalisme de Courbet répudie ce

l'art

de

la

peinture en France depuis

des siècles, lattache au classicisme

158

latin.

Avec

lui dis-


Rome, les dieux du Moyen-Age et les

paraissent les héros de la Grèce et de

de rOlympe Orientaux.

hommes du ti'aits

et aussi les

Il

s'est

paladins

placé au milieu des bourgeois et des

peuple de ses entours.

propres

et leurs

même

les

rochers de sa terre natale.

le

les peint

avec leurs

costumes de chaque jour,

en

temps

Il

paysage que

il

bois et

lui offrent les

Il

peint

montré rebelle à

s'est

l'esthétique traditionnelle, qu'avaient suivie

les

clas-

même les romantiques, qui faisait considérer comme devant s'élever dans une sphère à part,

siques et Tart

pour prendre ses sujets hors du monde vivant ses personnages

parmi ceux de

l'histoire

et choisir

de

et

la

légende.

La révolte se produit contre Courbet et son apport du réalisme. Les puissances attachées à la tradition, l'Institut, l'Ecole de Rome, les maîtres enseignant dans les ateliers, les critiques,

faire avorter la

en grande majorité, prétendent

formule nouvelle. Mais

elle la vie et l'avenir. Elle

va grandir

et se

Après Courbet d'autres s'engagent dans

En

elle avait

la

en

développer.

même

voie.

premier lieu Manet qui, au réalisme rustique de

Courbet,

fait

succéder des sujets pris au

monde

urbain,

à la réalité parisienne, et introduit l'emploi décisif des

tons clairs.

Après Courbet et Manet arrivent les Impressionnistes, qui poussent à ses dernières limites

sous ses aspects réels

et familiers.

le

rendu de

la vie,

Les novateurs apparus

les

premiers avaient conservé une certaine attache avec

le

passé.

Rousseau

et

Corot, venus pour rénover

paysage, y avaient encore

fait

entrer

le

une part d'embel-

lissement conventionnel. Rousseau y avait introduit

le

159


romantisme

Corot y avait conservé des nymphes.

et

Même Courbet, peignant

le

le

grand promoteur du réalisme,

avait,

paysage, choisi de préférence des sites

remarquables par leurs traits exceptionnels. Les Impressionnistes, se

produisant

ainsi dire plus

de choix dans

derniers, ne font pour

les

la vie et la

nature autour

d'eux. Ils trouvent belles la vie et la nature, sous tous les aspects

de

la réalité,

Pissarro peint des potagers, des

autour des villages.

peint de vrais paysans, occupés

travaux quotidiens. Claude Monet peint

à leurs

bords de

la Seine,

sées dans les

les

avec leurs bateaux, leurs peupliers,

maisons de campagne.

leurs

tout

Il

champs de choux,

Il

montre les meules, dres-

champs après la moisson. Renoir présente

un monde féminin de petites bourgeoises, déjeunes

ouvrières. Elles se sont substituées avec lui aux grandes

dames des xvif

et xviii^ siècles.

Quand

exécute des

il

compositions, c'est pour représenter des déjeuners de canotiers ou les danses

dans

le

Une et les

du Moulin de

la Galette.

groupe impressionniste, ont suivi rupture aussi complète d'avec

la

Tous,

même voie.

la tradition latine

formes du passé ne pouvait manquer de sou-

lever d'abord

goût et de

une

instinctive révolte.

la vision se

Les habitudes du

trouvaient bouleversées. Voilà

ce qui explique les injures, les sévices, la misère les

que

Impressionnistes ont eu à supporter à leur appari-

tion et

que nous avons eu à raconter.

Voici maintenant ce qui va expliquer gloire succédant,

méconnaissance

succès, la

en un temps relativement court, à

la

et à la persécution.

Cette forme dart qui, avec Courbet,

160

le

Manet

et les


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0.

2 i <

5 a



Impressionnistes, repoussait les formes de Tart traditionnel et répudiait Tattache au classicisme latin, ne

en

faisait,

définitive,

que s'adapter à un changement

même

profond, qui s'accomplissait, en

temps, dans la

culture de la nation. Ainsi les peintres réalistes et

impressionnistes continuaient réellement, sans qu'on

en eût d'abord conscience, à maintenir Fart de

chemin où

ture dans le

il

la

pein-

avait été toujours tenu, c'est-

à-dire celui d'une étroite union avec les manifestations

de Tesprit en littérature. Le changement qui se produisait alors

en

art correspondait

duisait dans la littérature et listes

de Balzac, de Flaubert

en

effet

à celui qui se pro-

amenait et

les

œuvres réa-

de Zola.

C'est le fond même de la culture nationale qui se trans-

formait. Si les formes de l'art et de la littérature

paient avec celles du classicisme latin,

rom-

que

c'est

le

classicisme perdait, sur l'esprit de la nation, la prise qu'il avait la

eue

si

première République

sistible.

un moment, sous souslEmpire, avait été irré-

longtemps et

et qui,

en sont aujourd'hui

Quels sont les esprits qui se meuvent,

dans

le cercle

de

études latines

les

la littérature latine,

?

comme autrefois, qui s'y tiennent

attachés ?

Aux rois, aux seigneurs des xvn^ et xvni® siècles, aux hommes du commencement du xix* siècle, pénétrés par la culture latine, l'art avait

montré

les

héros de

l'anti-

quité, les dieux de l'Olympe, qui seuls pouvaient leur

Mais

plaire.

les

dans un autre nus

les

bourgeois

et les

gens du peuple sont

état d'esprit, à la fin

maîtres à leur tour,

ils

du

xix^ siècle.

demandent en art

Deve-

d'.autres

personnages que ceux que l'on présentait autrefois, 161 11


Timage d'hommes semblables à eux,

leur faut

il

au milieu d'eux. latine.

Ils

Ils

ont répudié l'attache à

pris

la tradition

ne s'intéressent plus aux paysages s'inspi-

rant de l'antiquité, ou empruntés aux pays exotiques. Ils

veulent qu'on leur mette sous les yeux ces aspects

de

la

nature qui leur sont familiers. Or, à ces besoins

nouveaux, un art nouveau venait répondre.

En

résumé,

les Impressionnistes,

tion, portaient à le vît

par leur innova-

complet développement, sans qu'on

d abord, ces formes nouvelles que réclamaient

la culture et

1

état d'esprit

transformés de

la

nation. Ils

allaient

en avant, pour être bientôt rejoints

C

qui explique que leurs œuvres après avoir, à

est ce

première vue, paru insolites arrivées,

monstrueuses, soient

en peu d'années, àjouir d'une faveur

admiration générales.

162

et

et suivis.

et

d une


REMERCIEMENTS Je ne saurais manquer de remercier

les artistes

qui

ont bien voulu contribuer à Tillustration de ce livre

MM.

:

Lucien Pissarro, Renoir, Guillaumin.

M. Lucien Pissarro m'a donné à insérer La femme aux poules, un excellent exemple de son art de graveur, qui a fait partie d'un portefeuille de gravures, annoncé à Londres sous le

titre

suivant

:

TRAVAUX DES CHAMPS

A

portfolio, containing six

woodcuts designed by

Camille Pissarro, engraved and printed by bis son

Lucien Pissarro.

Le Labour. 2. La Gardeuse de vaches. 3. Etudes. La Femme aux poules. 5. Les Sarcleuses. 6. Femmes

1.

4.

faisant des herbes.

Vingt-cinq portefeuilles ont été tirés à 12 guinées net.

MM. profiter

Renoir

Guillaumin m'ont, de leur côté,

aimablement de leur

M™® Rouart a forte

et

bien voulu

fait

talent d'aquafortistes et

me donner à insérer une

eau-

de sa mère Berthe Morisot. Th. D.

163



BIBLIOGRAPHIE

DuRANTY. La nouvelle peinture. Paris, E. Dentu, 1876. Théodore Duret. Les Peintres impressionnistes. Paris, H. Heymann et Pérois, 1878. Théodore Duret. — Critique d avant-garde. Paris, G. Charpentier,

1885.

Félix Fénéon. Les Impressionnistes en 1886. Paris, Publication de la Vogue, 1886. George Lecomte. L Art impressionniste. Paris, Chamerot et Renouard, 1892. Berthe Morisot. Exposition de son œuvre. Préface, par Stéphane Mallarmé. Durand-Ruel, 1895. Gustave Geffroy. La Vie artistique. Paris, E. Dentu, 18921895. H. Floury, 1900. André Mellerio. L Exposition de 1900 et l Art impressionniste. Paris, H. Floury. 1900. Camille Mauclair. Impressionnisme, son histoire, son esthétique, ses maîtres. Paris, Librairie de 1 Art ancien, 1904. André Fontainas. Histoire de la peinture française au XIX'^ siècle. Paris, Société du Mercure de France, 1906. Théodore Duret. Histoire des Peintres impressionnistes, Pissarro, Claude Monet, Sisley, Renoir, Berthe Morisot, Cézanne, Guillaumin. Paris, H. Floury, 1'" édition, 1906,

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Préface par Octave Mirbeau, Biographie par Théodore Duret, Cézanne, Paris, Bernheim jeune, 1914. Ambroise Vollard. Paul Cézanne. Paris, Galerie Vollard,

1915.

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165


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JoACHiM Gasquet.

et

Cézannc. Paris, Les éditions Bernheim

jeune, 1921.

Edouard des Courrières.

— Guillaumin. Paris, Société d'édi-

Mansi et C'^ 1921. Claude Monet. Paris. Les éditions Arsène Alexandre. Bernheim jeune, 1921. Claude Monet. Paris, Les éditions Crès, Gustave Geffroy. tions

1922.

Camille Georges Lecomte. jeune, 1922. Bernheim

Pissarro.

Paris,

Les éditions

A L'ÉTRANGER

— —

Entwickelung geschichie der modernen JuLius Meier Graefe. Kunst. Stuttgart, Jul. Hoffmann, 1904. Impressionnist painting. London, Wynford Dewhurst.

George Newnes, 1904. Die Impressionnisten (en allemand). PisThéodore Duret. sarro, Claude Monet, Sisley, Renoir, Berthe Morisot. Cézanne,

Guillaumin, Berlin, Bruno Cassirer,

l'®

édition, 1909, 2^ édi-

tion, 1914. 3^ édition, 1918, 4^ édition, 1920.

Théodore Duret.

— Manet

and the french Impressionnists (en anglais). Pissarro, Claude Monet, Sisley, Renoir, Berthe Morisot, Cézanne, Guillaumin. London, Grant Richards,

V édition, 1910,

166

2''

édition, 1912.


APPENDICE Il est

intéressant,

quand des formes

d'art d'abord

méconnues ont obtenu le succès, de rechercher les circonstances qui ont marqué leur apparition. Dans ces idées, il faut préciser le lieu où Tappellation d'Impressionnistes, qui est entier, est

née

maintenant en usage dans

le

monde

ont été les premières publica-

et quelles

tions qui l'ont répandue. C'est à l'exposition de 1874, sur le boulevard des

Capucines, à l'occasion d'un tableau de Claude Monet, Impression^

soleil

prit naissance. le

25

Il

avril 1874,

levant, fut

que

la

mot Impressionniste

imprimé pour

dans un journal

un article, Exposition plume de Louis Leroy.

titre à

à

le

le

la

première

Charivari,

fois

comme

des Impressionnistes,

L'appellation, appliquée ainsi à des artistes se pro-

duisant en groupe, resta

un

certain

temps sans

adoptée par eux. Ce ne

fut qu'à l'exposition

rue Le Peletier, qu'ils

lui

appeler

la

consécration

être

de 1877,

donnèrent ce qu'on peut

officielle.

Ils la

l'attachèrent définitivement en publiant,

prirent et se

pendant

l'ex-

un journal, L Impressionniste, journal d'art, dû aux soins de Georges Rivière, ami de Renoir, et qui

position,

eut quatre numéros.

167


La première publication de librairie, ayant au titre le mot Impressionnistes et le tenant employé dans le texte, fut une brochure, Les Peintres Impressionnistes^ éditée en mai 1878. J'en étais Fauteur. On me permettra de

temps

la

reproduire

ici,

comme une œuvre

primitifs. Elle se terminait par

une prédiction

heureusement accomplie. Th. D.

168

des


THÉODORE DUUET

LES

PEINTRES

IMPRESSIONNISTES aAUDE MONET RENOIR

-

SISLEY

-

C.

PISSARRO

BERTHE MORISOT

Avec un dessin de

RENOIR

PARIS

LIBRAIRIE PARISIENNE H.

HEYMANN ET PÉROIS 38,

Avenue de l'Opéra Mai 1878



LES

PEINTRES IMPRESSIONNISTES

PREFACE CONTENANT QUELQUES BONNES PETITES VÉRITÉS A L'ADRESSE DU PUBLIC Lorsque

Le

les

Impressionnistes firent en 1877,

rue

Peletier, l'exposition de tableaux qui attira sur eux

l'attention

du grand public,

les critiques

pour

la

plu-

part les raillèrent ou leur jetèrent de grossières injures.

La pensée de la majorité des visiteurs fut que

les artistes

qui exposaient n'étaient peut-être pas dénués de talent, et qu'ils s'ils

eussent peut-être pu faire de bons tableaux,

eussent voulu peindre

qu'avant tout, la foule.

ils

comme

cherchaient

En somme,

les

le

tout le

monde, mais

tapage pour ameuter

Impressionnistes acquirent à

leur exposition la réputation des gens dévoyés, et les plaisanteries

que

la critique, la caricature,

le

théâtre

continuent à déverser sur eux prouvent que cette opi-

nion persiste. 171


Que

on

si

se hasarde à dire

:

«

Vous savez

pourtant des amateurs qui les apprécient

»

!

il

est

alors l'éton-

Ce ne peuvent être, répond-on, que des excentriques. La candeur m'oblige à déclarer que cette épithète me revient du premier chef. Oui, j'aime

nement

et

grandit.

j'admire

l'art

des Impressionnistes, et

j'ai

justement

plume pour expliquer les raisons de mon goût. Cependant que le lecteur n'aille point croire que je suis un enthousiaste isolé. Je ne suis point seul. Nous avons d'abord formé une petite secte, nous constituons aujourd'hui une église, notre nombre s'accroît, nous pris la

faisons des prosélytes. Et

même je

vous assure qu'on

bonne compagnie dans notre société. d'abord des critiques tels que Burty, Castagnary,

se trouve

en

fort

ya Chesneau, Duranty, qui n'ont jamais passé dans

Il

monde teurs

des arts pour de mauvais juges, puis des

comme Alphonse Daudet,

des collectionneurs. Car

en regardant

rit si fort

encore davantage

ici il

le

littéra-

d'Hervilly, Zola; enfin faut

que

le

public qui

les Impressionnistes, s'étonne

cette

peinture s'achète.

Il

est

vrai qu'elle n'enrichit point ses auteurs suffisamment

pour leur permettre de se construire des hôtels, mais enfin elle s'achète.

Des hommes qui ont

leurs preuves de goût,

autrefois fait

en réunissant des Delacroix,

des Courbet, se forment aujourd'hui des

des Corot,

collections d'Impressionnistes dont

pour n'en

que

citer

MM. d'Auriac,

quelques-uns

ils

se délectent

bien

connus

;

:

Etienne Baudry, de Bellio, Charpentier,

Choquet, Deudon, Dollfus, Faure, Murer, de Rasty.

Eh

bien quoi 1

?

prétendez-vous parce que vous vous

êtes réunis quelques douzaines, faire revenir le public

172


de son opinion

?

Vous

l'avez dit

!

avec

le

temps nous

avons cette prétention.

On point

a discuté longuement pour savoir jusqu'à quel le

œuvres

public était capable de juger par lui-même les d'art.

On peut

concéder

qu'il est apte à sentir

en présence de formes acceptées

et à goûter, lorsqu'il est

de procédés traditionnels. Le déchiffrage

et

tout le

monde peut

lire et

comprendre. Mais

d'idées nouvelles, de manières originales,

dont s'enveloppent les

les idées, si le

œuvres sont également neufs

s'il

la

s'agit

forme

moule que prennent et

personnels, alors

du grand public à comprendre

l'inaptitude

d'emblée

si

est fait,

et à saisir

est certaine et absolue.

La peinture

pour être comprise,

qui,

une adaptation de l'organe de

demande

l'œil et l'habitude

de

découvrir, sous les procédés du métier, les sentiments

intimes de

l'artiste, est

accessibles à la foule.

fessions artistiques

un des arts les moins facilement Schopenhauer a classé les pro-

et littéraires

d après

le

degré de

difficulté qu'elles avaient à faire reconnaître leur il

comme

a placé

vite

les plus

mérite;

facilement admis et les plus

applaudis les sauteurs de corde, les danseurs, les

acteurs

;

il

a mis tout à

fait

en dernier

les

philosophes

immédiatement avant eux les peintres. Tout ce que nous avons vu à notre époque prouve la parfaite justesse de cette classification. Avec quel dédain et

n'a-t-on pas traité à leur appaiùtion les plus grands de

nos peintres

?

Qui n'a encore

oreilles pleines des

les

sornettes qui formaient à leur égard le fond des juge-

ments de

la critique et

du public

?

A-t-on assez long-

temps prétendu que Delacroix ne savait pas dessiner

et

173


que

ses tableaux n'étaient

que des débauches de cou-

leur ? A-t-on assez reproché à Millet de faire des pay-

sages ignobles et grossiers et des dessins impossibles à

pendre dans un salon

Et que n'a-t-on pas

?

peinture de Corot ? Ce n'est pas assez

que des ébauches,

c'est

d'un

des raclures de palette.

Il

la refusait,

est

la

ce ne sont

fait,

avec

avéré que longtemps, 1

de Corot

atelier

timidement lui offrait une toile,

peu soucieux de

de

gris sale, c'est peint

lorsqu un visiteur s'aventurait dans et que celui-ci

dit

le

quidam

se charger de ce qui lui

semblait une croûte et de faire les frais d'un cadre. Si

Corot n'eût vécu jusqu à quatre-vingts ans,

dans l'isolement

que

la critique

et le

dédain. Et Manet

I

il

fût

mort

on peut

dire

a ramassé toutes les injures, qu'elle

un demi-siècle sur ses devanciers, pour les lui jeter à la tète en une seule fois. Et cependant la critique a depuis fait amende honorable, le public déversait depuis

sest pris d admiration

ont été nécessaires,

;

mais que de temps

comme

cela s'est fait

et d'efforts

peu à peu,

péniblement, par conquêtes successives.

Ah

çà

moner

1

me

174

prétendez-vous

et disserter ainsi à perte

en général, ou nistes ?

dit le lecteur,

me parler

de vue sur

la

me

ser-

peinture

spécialement des Impression-

— C'est vrai. Tournons

le feuillet.


CHAPITRE ou L ON ETABLIT LE POINT DE DEPART ET LA RAISON D'ÊTRE DES IMPRESSIONNISTES

Les Impressionnistes ne se sont pas ils

le

n'ont pas poussé

produit

comme

dune évolution Natura non

française.

faits

tout seuls,

des champignons.

régulière de

1

école

facit saltus, pas plus

Ils

sont

moderne en pein-

ture qu'en autre chose. Les Impressionnistes descen-

dent des peintres naturalistes,

Courbet

et

Manet. C'est à ces

de peindre doit

les

ils

ont pour père Corot,

trois

maîtres que

procédés de facture

les plus

l'art

simples

et cette

touche primesautière, procédant par grands

traits et

par masse, qui seule brave

eux qu on doit

la

le

temps. C'est à

peinture claire, définitivement débar-

rassée de la litharge,

du bitume, du chocolat, du jus

de chique, du graillon et du gratin. C'est à eux que nous

devons

1

étude du plein air

;

la

sensation

non plus seu-

lement des couleurs, mais des moindres nuances des couleurs, les tons, et encore la recherche des rapports

entre l'état de l'atmosphère qui éclaire le tableau et

la

tonalité générale des objets qui s'y trouvent peints.

A

ce que les Impressionnistes tenaient de leurs devanciers, est

venue s'ajouter

l'influence de l'art japonais.

175


Si

vous vous promenez sur

le

bord de

la Seine, à

Asnières par exemple, vous pouvez embrasser d'un

coup

rouge

d'œil, le toit

cheur d'un chalet,

de

la route, le

et la

le vert

bleu de

muraille éclatante de blan-

tendre d'un peuplier,

la rivière.

A midi,

en

jaune

le

été, toute

couleur vous apparaîtra crue, intense, sans dégradation possible

générale.

ou enveloppement dans une demi-teinte

Eh

bien

!

cela peut sembler étrange, mais

n'en est pas moins vrai,

il

a fallu l'arrivée parmi nous

des albums japonais pour que quelqu'un osât s'asseoir

bord d'une

sur

le

un

toit

rivière,

pour juxtaposer sur une

toile,

qui fût hardiment rouge, une muraille qui fût

un peuplier vert, une route jaune et de l'eau bleue. Avant le Japon c'était impossible, le peintre mentait toujours. La nature avec ses tons francs lui crevait les yeux jamais sur la toile on ne voyait que des couleurs atténuées, se noyant dans une demi-teinte blanche,

;

générale.

Lorsqu'on a eu sous

les

yeux des images japonaises,

sur lesquelles s'étalaient côte à côte les tons les plus

tranchés et les plus aigus, on a enfin compris qu'il y avait, pour reproduire certains effets de la nature qu'on avait négligés

ou supposés impossibles

ce jour, des procédés

à rendre jusqu'à

nouveaux qu'il était bon d'essayer.

Car ces images japonaises que tant de gens n'avaient d'abord voulu prendre que pour un bariolage, sont d'une

Qu'on demande à ceux qui ont visité chaque instant, pour ma part, il m'arrive

fidéhté frappante. le

Japon.

A

de retrouver sur un éventail, ou dans un album,

la sen-

sation exacte des scènes et

du paysage que j'ai vus au Japon. Je regarde un album japonais et je dis Oui, :

176


c'est

comme cela que

bien

m'est apparu

Japon

le

;

c'est

bien ainsi, sous son atmosphère lumineuse et transpa-

que

rente,

les routes et les

mer s'étend bleue et colorée les champs bordés de ce beau

la

voici bien

;

cèdre, dont

branches prennent toutes sortes de formes angu-

leuses et bizarres, voici bien le

des volcans, puis encore

Fousyama,

le

plus élancé

masses du léger bambou

les

qui couvre les coteaux et enfin

peuple gi^ouillant

le

des villes et des campagnes. L'art japo-

et pittoresque

nais rendait des aspects particuliers de la nature par

des procédés de coloris hardis et nouveaux,

manquer de frapper a-t-il

Impressionnistes.

les

Impressionnistes eurent pris

les

devanciers immédiats de l'Ecole française

franche de peindre en plein

air,

les

japonais,

ils

procédés

si

la

leurs

à

manière

du premier coup, par

l'application de touches vigoureuses,

compris

ne pouvait

des artistes chercheurs, et aussi

fortement influencé

Lorsque

il

neufs et

si

et qu'ils

eurent

hardis du coloris

partirent de ces points acquis pour déve-

lopper leur propre originalité et s'abandonner à leurs sensations personnelles.

L'Impressionniste s'assied sur

bord d'une

l'état

tous les tons,

il

peint sans hésitation sur sa toile de l'eau

qui a tous les tons. Le ciel est couvert, vieux,

il

ciel est

découvert,

les reflets

le

temps plu-

peint de Teau glauque, lourde, opaque le

soleil brillant,

scintillante, argentée, azurée

et

rivière,

du ciel, l'angle de la vision, l'heure du jour, calme ou l'agitation de l'atmosphère, l'eau prend

selon le

le

que

;

il

fait

laisse voir le clapotis

darde ses rayons dans

;

il

du

;

le

peint de l'eau vent,

le soleil se

il

peint

couche

l'eau, l'Impressionniste,

pour 177

12


fixer ces effets,

Alors

L

le

du jaune

plaque sur sa

toile

commence

à rire.

public

et

du rouge.

hiver estvenu, l'Impressionniste peint de la neige.

ombres portées sur la neige sont peint sans hésiter des ombres bleues. Alors

voit qu'au soleil les

Il

bleues,

il

public

le

rit

tout à

fait.

Certains terrains argileux des campagnes revêtent

des apparences sages

lilas.

Par peau

lilas,

Alors

le

l'Impressionniste peint des pay-

public

soleil d'été,

le

et les

aux

commence reflets

du

à s'indigner.

feuillage vert, la

vêtements prennent une teinte violette, l'Im-

pressionniste peint des personnages sous bois violets.

Alors

le

public se déchaîne absolument, les critiques

montrent nard

» et

le

poing, traitent le peintre de

«

commu-

de scélérat.

Le malheureux Impressionniste a beau

protester de

sa parfaite sincérité, déclarer qu'il ne reproduit

qu

qu'il voit,

critiques

qu

ils

il

reste fidèle à la nature, le public et les

condamnent.

découvrent sur

Ils

la

n'ont cure de savoir

toile

n'y a qu une chose

:

si

correspond à ce que

peintre a réellement observé dans la nature. il

que ce ce le

Pour eux

ce que les Impressionnistes

mettent sur leurs toiles ne correspond pas à ce qui se trouve sur les toiles des peintres antérieurs. C'est autre,

donc

178

c'est

mauvais.


MONET

^ Claude

MoNET 1840.

A

(Claude-Oscar), né à Paris

le

14 novembre

exposé aux Salons de 1865, 66,

refusé aux Salons de 67, 69, 70.

A

A

68.

été

exposé aux trois

expositions des Impressionnistes, sur

le

boulevard des

Capucines en 1874, chez M. Durand-Ruel en 1876, rue Le Peletier en 1877.

Si le

mot d'Impressionnistes a

été trouvé

bon

et défi-

nitivement accepté pour désigner un groupe de peinsont certainement les particulai'ités de la pein-

tres, ce

ture de Claude est

Monet qui

llmpressionniste

pai'

l'ont

excellence.

Claude Monet a réussi à tives

que

d'abord suggéré. Monet

fixer

d^s impressions fugiavaient négligées

les peintres, ses devanciers,

ou considérées comme impossible à rendre par le pinceau. Les mille nuances que prend l'eau de mer et des rivières,

les

jeux de

la

lumière dans

les

nuages,

coloris vibrant des fleurs et les reflets diaprés

lage lui

aux rayons d'un dans toute leur

soleil ardent,

vérité,

du

le

feuil-

ont été saisis par

Peignant

le

paysage non

plus seulement dans ce qu'il a d'immobile et de per-

manent, mais encore sous

les aspects fugitifs

que

les

donnent, Monet trans-

accidents

de l'atmosphère

met de

scène vue une sensation singulièrement vive

la

lui

179


saisissante. Ses toiles

et

ment des impressions donnent froid

que

et

;

communiquent bien on peut dire que ses

réelle-

neiges

ses tableaux de pleine lumière

chauffent et ensoleillent.

Claude Monet avait d'abord peignant

la figure.

Sa

Femme

attiré

verte,

Tattention

en

aujourd'hui chez

M. Arsène Houssaj^e, avait fait sensation au Salon de 1865 et on s'était plu alors à prognostiquer pour par M. figure,

carrière parcourue

la

Monet

Carolus Duran.

a depuis délaissé la

qui ne joue plus dans son œuvre qu'un rôle

secondaire. l'étude

comme

quelque chose

l'artiste

Il s'est

du plein

Monet

à peu près exclusivement

air et à la peinture

adonné

de paysage.

n'est point attiré par les scènes rustiques

ne verrez guère dans ses

toiles

à

;

vous

de champs agrestes,

vous n'y découvrirez point de bœufs ou de moutons, encore moins de paysans. L'artiste se sent porté vers la

nature ornée et

les

scènes urbaines.

Il

peint de pré-

férence des jardins fleuris, des parcs et des bosquets.

Cependant

l'eau tient la principale place

œuvre, Monet

Dans

est

par excellence

peintre de l'eau.

l'ancien paysage l'eau appai'aissait d'une manière

fixe et régulière

avec sa

couleur d'eau

«

simple miroir pour refléter

Monet,

elle n'a

à l'état de

1

les objets.

»,

comme un

Dans l'œuvre de

plus de couleur propre et constante, elle

revêt des apparences d

elle

le

dans son

une

atmosphère, à

infinie variété, qu'elle doit

la

nature du fond sur lequel

roule ou du limon qu'elle porte avec elle

;

elle est

limpide, opaque, calme, tourmentée, courante ou dor-

meuse, selon l'aspect momentané que l'artiste trouve à la nappe liquide devant laquelle il a planté son chevalet.

180


SISLEY

^

SiSLEY (Alfred), né à Paris le 30 octobre

1840 de

A commencé à peindre en 1860 dans l'atelier de Gleyre. A exposé aux Salons de 1866, 68 et 70. A été refusé au Salon de 1869. A exposé aux

parents anglais.

trois expositions des Impressionnistes.

La peinture de de

la

affaire

communique une impression souriante. Nous n'avons point

Sisley

nature gaie et

en Sisley à un mélancolique, mais à un

homme

d'heureuse humeur, content de vivre, qui se promène

dans de

la

campagne pour s'y

la vie

au grand

dilater et jouir

agréablement

air.

Sisley est peut-être

moins hardi que Monet,

il

ne

nous ménage peut-être pas autant de surprises, mais, en revanche,

il

comme

ne reste point en chemin,

il

arrive à Monet, s'essayant à rendre des effets tellement fugitifs

que

le

temps manque pour

Les

les saisir.

toiles

de Sisley, de dimensions moyennes, rentrent dans

donnée des tableaux que nous devons à Corot Jongkindt, elles sont Il

et

il

est

impossible de concevoir

la

et à

comment

encore dédaignées du public.

est certain

accepté par

le

que Sisley eût

public,

s'il

été depuis

longtemps

eût appliqué son savoir faire

181


à

imiter tout simplement ses devanciers, la similitude et

montre de

procédés de

les

touche

la

de

la

s'il

parenté avec eux, par

coupe de ses

et la

mais

toiles,

il

n'en est pas moins indépendant par sa manière de sentir et d'interpréter la nature.

Il est

enfin par ses procédés de coloris.

Pendant que

j'écris

sous les yeux une toile de Sisley, une vue de

ceci, j'ai

Noisy-le- Grand,

ton

Impressionniste

et,

horreur! j'y découvre justement ce

qui, à lui seul, a la puissance d'indigner le

lilas

public au moins autant que toutes les autres monstruosités

réunies qu'on attribue aux Impressionnistes. Le

ciel est

couvert,

il

laisse

tomber une lumière tamisée,

qui teint les objets d'un ton général gris-lilas-violet.

Les ombres sont transparentes et légères. Le tableau est peint sur nature et l'effet que le peintre reproduit est certes

d'une parfaite vérité. Mais

il

est certain aussi

compte des procédés conventionnels. Que s'il eût peint les vieilles maisons du village avec des tons terreux, que s'il eût fait ses que

l'artiste

n'a point tenu

ombres noires

et

opaques pour obtenir une violente

opposition avec les clairs, et tout le

ne

le faisait-il,

que de et

monde

se

nuancés.

182

il

il

eût été dans la tradition

eût applaudi est

1

Et

le

maladroit

!

que

bien plus facile de peindre ainsi,

tourmenter pour obtenir des tons délicats


C.

PISSARRO

Pissarro (Camille-Jacob), né

le

10

1830, à

juillet

A

Saint-Thomas, colonie danoise, de parents français été

envoyé en France pour

son éducation

faire

et est

«

aux Antilles, où

ensuite retourné

il

commencé

a

A

peindre. Est revenu à Paris en 1855.

Salons de 1859, 66, 69 fois,

A

et 70.

A

exposé aux

exposé aux

été refusé plusieurs

notamment en 1863, année où

Salon des refusés.

à

exposa au

il

des

trois expositions

Impressionnistes. Pissarro est celui des Impressionnistes chez lequel

on retrouve, de

manière

la

la plus

accentuée,

le

point

de vue des peintres purement naturalistes. Pissarro voit la nature

en

la simplifiant,

il

est

porté à la saisir

par ses aspects permanents. Pissarro est le peintre

pleine campagne.

Il

du paysage

agreste,

peint d'un faire solide, les

de

la

champs

labourés ou couverts de moissons, les arbres en fleurs

ou dénudés par

1

hiver,

les

grand'routes

avec

les

ormeaux ébranchés et les haies qui les bordent, les chemins rustiques, qui s'enfoncent sous les arbres touffus.

Il

aime

les

maisons de

village avec les jardins

qui les entourent, les cours de ferme avec les animaux

de labour,

les

mares où barbotent

les

oies

et

les

183


canards. est

L'homme

de préférence

qu'il introduit

le

dans ses tableaux

paysan rustique

laboureur

et le

caleux.

Les

toiles

degré

la

de Pissarro communiquent au plus haut

sensation de Fespace et de

la solitude,

il

s'en

dégage une impression de mélancolie. est vrai

Il

qu'on vous dira que Pissarro a commis "

contre

le

goût d'impardonnables attentats. Imaginezpeindre des choux

qu'il s'est abaissé à

vous

salades, je crois

même

et

des

aussi des artichauts. Oui, en

peignant les maisons de certains villages,

il

a peint les

jardins potagers qui en dépendaient, dans ces jardins il

y avait des choux «

des salades,

reproduits sur la

reste,

du

et

grand

art »,

il

et

il

y a dans un pareil

peinture, quelque chose qui

un

comme

le

Or, pour les partisans

toile.

chose de dégradant, d'attentatoire à

goûts vulgaires,

lésa,

quelque

fait

la dignité

montre dans

de

l'artiste

oubli complet de Tidéal,

la

des

un man-

que absolu d'aspirations élevées, et patati, et patata. Il serait pourtant bon de s'entendre, une fois pour toutes, sur cette expression de

désigne

pai' là

le

la

domaine littéraire,

lement à cet

grand art

une certaine époque de

correspond, dans l'art de

dans

«

art, l'épithète

».

Si

l'art italien

Ton qui

peinture, à la période épique oui,

on peut attacher spécia-

de grand. Mais si vous enten-

dez simplement la répétition, aux époques subséquentes et

jusqu'à nos jours, des vieilles formes italiennes par

des procédés traditionnels et d'école,

il

faut

au contraire

refuser à de semblables productions

non seulement

Tépithète d'œuvres de

mais

«

grand

appellation d'œuvres d'art.

184

art

»

Ce sont purs

la

simple

pastiches,


mièvres copies, partant choses sans vie

et

sans valeur.

L'art ne doit point s'isoler de la vie, et être

compris séparé d'un sentiment personnel

prime-

et

Or, Tart, entendu ainsi, embrasse toutes les

saotier.

manifestations de

Rien

ne peut

il

que contient

la vie, tout ce

n'est noble et bas

en

yeux sur

"toutes les parties

reproduire sur

du monde

question de

ici

l'artiste est

ses

pour

les

visible,

moment

et d'habitude.

vivant et contesté, les gens du bel

conduit au cabaret ou

air, s'il les

promener

la toile.

C'est encore

Tant que

selon ses

soi, et lartiste,

aspirations et son caprice, a le droit de

nature.

la

les

promène dans un

potager, font les dédaigneux et les offensés. Enlevez-moi ces magots, disait Louis

en parlant de buveurs de

XVI collectionnait au contraire avec mêmes Buveurs. Pour l'un les tableaux

Louis

Téniers.

passion ces sortaient

pour

XIV

des mains d'un artiste vivant

l'autre ils étaient

discuté,

et

dus à quelqu'un mort

et

con-

sacré,

auquel on ne croyait plus pouvoir rien repro-

cher.

Qui songe à trouver mauvais que Rubens, dans

sa Kermesse, fasse les la

commettre

à ses

Flamands

toutes

incongruités qui suivent l'abus des potations et de

mangeaille

Quand

?

un simple

est

passé sans regarder,

ont trouvé d'hui

si

le

Millet a peint sa toile

guéret" fraîchement labouré et les critiques,

Novembre

pour

le

public

la plupart,

tableau par trop rustre et grossier aujour-

l'on veut

;

donner une idée du génie naïvement

grandiose de Millet,

c'est cette toile

qu'on

cite

de préfé-

rence. Lorsque les choux et les salades des potagers

de Pissarro auront et

de

vieilli,

on

leur découvrira

du

style

la poésie.

185


RENOIR Renoir (Auguste-Pierre), né 1841. Elève de Gleyre. 65. 68,

1872

69

et 70.

A

A exposé

et 73.

A

à

le

25 février

exposé aux Salons de 1864,

été refusé

aux

Limoges

aux Salons de 1867,

trois expositions des

Impres-

sionnistes.

Renoir, au contraire de Monet, Sisley avant tout un peintre de figure,

est

le

et Pissarro,

paysage ne joue

dans son œuvre qu'un rôle accessoire. Renoir a peint des toiles importantes par leurs dimensions, qui ont

montré les

qu'il était

capable d affronter

grandes difficultés d'exécution,

et

telles

de vaincre

sont sa Lise,

du Salon de 1868, dont nous donnons en tête la reproduction; son Bal à Montmartre, exposé en 1877,

Amazone galopant aujourd'hui chez M. Rouart. Renoir

rue Le Peletier; mais surtout son

dans un parc, assemble sur nature fait

une

lire

et

la

toile

généralement reproduits à mi-corps,

et

la

qu'il

converser ensemble, ou qu'il place dans

loge, à écouter

comme

des personnages de grandeur

au théâtre. C'est quelque chose

peinture de genre développée et sortie de ses

proportions restreintes.

Renoir excelle dans 186

le portrait.

Non

seulement

il


saisit les traits extérieurs,

mais, sur les

caractère et la manière d'être intime

Je doute qu'aucun peintre

femme d'une

et léger

l'abandon, rend

la

donne

fixe le

jamais interprété

la

Le pinceau de souplesse,

la grâce, la

chair transparente, colore les joues

d'un brillant incarnat. Les femmes de

Renoir sont des enchanteresses.

une chez vous,

elle sera la

Si

vous en introduisez

personne à laquelle vous

jetterez le dernier regard en sortant et le

premier en

rentrant. Elle prendra place dans votre vie. ferez

il

du modèle.

façon plus séduisante.

Renoir rapide et les lèvres

ait

traits,

une maîtresse. Mais quelle maîtresse

Vous en Toujours

!

douce, gaie, souriante, n'ayant besoin ni de robes ni

de chapeaux, sachant se passer de bijoux

femme

;

la vraie

idéale.

187


MORISOT

Berthe

MoRisoT (Berthe), née à Bourges.

A

exposé aux

Salons de 1864, 65, 66, 67, 68, 70, 72 et 73.

aux

trois expositions

A exposé

des Impressionnistes.

La peinture de M™® Morisot est bien de la peinture de femme, mais sans la sécheresse et la timidité qu'on reproche généralement aux œuvres des artistes de son sexe.

Les couleurs, sur nent

une

les toiles

de M'"^ Morisot, pren-

un velouté, une morbidesse singulières. Le blanc se nuance de reflets qui le conduisent à la nuance rose thé ou au gris cendré, le délicatesse,

carmin passe insensiblement au ton pèche, feuillage

prend tous

L'artiste

termine ses

le vert

du

les accents et toutes les pâleurs.

en donnant de-ci de-là,

toiles

par-dessus les fonds, de légers coups de pinceau, c'est

comme Pour

les

«

bourgeois

que des esquisses, les

ils

»

ses tableaux

ne sont pas

embrassez du regard

vous s

des fleurs.

si elle effeuillait

et

en

finis.

ne sont guère Mais

espacer

et les'

saisissez l'ensemble,

personnages se modeler. Les êtres que

M™^ Morisot met dans

ses paysages

ou

ses intérieurs

sont distingués et sympathiques, quelquefois

188

vous

trouverez plein d'air, vous verrez les plans

les

frêles et

si

comme

fatigués de se tenir debout.

un peu


POSTFACE QUI SE TERMINE PAR UNE PRÉDICTION

Les cinq peintres dont nous venons de parler ont développé une originalité suffisante chose d assez frappant, pour qu'on désigner par une appellation

forment

et

trouvé quelque

eu besoin de

ait

commune

et

nouvelle

:

les ils

groupe primordial des Impressionnistes.

le

Nous bornerons donc

à eux notre étude, et ne nous

étendrons point sur quelques artistes de grand talent qui, sans être Impressionnistes, ont exposé avec eux

MM. restés

:

Cals et Rouart, qui sont des naturalistes purs

M. Degas, science du dessin.

en dehors de l'influence du Japon

qui se distingue par

Nous ne

la

faisons aussi

précision et la

que mentionner

tres qui se rattachent le plus près

sionnistes

Cézanne,

artistes sont

Guillaumin,

nom

des pein-

aux premiers Impres-

ou sont leurs élèves Corday,

le

;

:

MM.

Lamy,

Caillebotte,

relativement des nouveaux venus,

pu encore donner toute leur mesure,

Ces

Piette. ils

n'ont

et ce n'est

que

plus tard qu'on pourra formuler un jugement définitif sur leur œuvre.

Le préjugé que dévoyés

et

les

Impressionnistes sont des artistes

que ceux qui aiment leur peinture ont des 189


goûts malsains est

si

répandu, qu'à coup sûr plus d'un

lecteur se sent l'envie de

me demander

puisque vous aimez

peinture des Impressionnistes,

la

:

Mais, monsieur,

Eh cher que pensez-vous de l'ancienne peinture ? lecteur, ce que vous en pensez vous-même. Si vous le un

voulez bien, je vous entraînerai

pour vous en convaincre

en vous

1

instant au Louvi^e,

pour essayer de

faire naître

heureuse humeur qui, en partant, nous per-

tomber d'accord.

mettrait de

Nous

et

î

voici devant les primitifs italiens, et je crois

que nous aimons également leur simplicité, leur dessin leur couleur

serré,

transportés

sentons

claire

si

si

une

dans

lorsque nous aiTÎvons dans

et

la

sphère

Nous nous surhumaine

région de Tart italien à

même

son apogée. Nous trouvons

saine.

que

les toiles

du

Louvre, de dimensions restreintes, ne donnent qu'une idée incomplète de cette peinture épique, et nous nous

transportons par la pensée, pour en avoir une impression souveraine, devant

La dispute du Saint-Sacrement,

La Cène de Milan. Je suppose que nous sommes d accord, pour passer

Le Jugement

dernier^

rapidement à travers

le

désert

que forme Técole de

Bologne. Mais bientôt nous arrivons aux Espagnols

et

nous nous épanouissons de nouveau. Nous n'avons du grand Velasquez que quelques petites

nous l'avons par

tons

Lances

la

fait

pour

les Italiens,

pensée à Madrid

et tous les

et

toiles et

comme

nous nous transpor-

nous revoyons Les

chefs-d'œuvre qui leur forment cor-

tège.

Avec et

1

190

le

flamand Rubens,

épopée,

les

hommes

la

et les

mythologie, l'allégorie

dieux nous apparaissent


sous une forme moins noble

mais Timagination

Italie,

et la

magie du coloris

moins pure qu'en

et

n'est pas

hardiesse de

la

et

moins vigoureuse la

touche

remportent peut-être.

Nous goûtons exprimer

l'aptitude des maîtres

sens intime des choses.

le

hollandais à

La Hollande

vit

tout entière sur les toiles de ses peintres.

En

traversant les salles de Técole française, nous

trouvons une grande noblesse au Poussin

donne

ture de Lesueur nous

que

la

prose de Fénelon

du

L'art

parce qu

il

le

note mélodieuse

de Racine.

et les vers

exprime on ne peut mieux

époque

nous

et

fait

la

manière de

vivre de sa vie.

Et

principal but de cette étude a été de pro-

tester contre les injustes les

même

pein-

xvni® siècle nous plaît particulièrement,

sentir d'une

puisque

la

et la

mépris dont sont poursuivis

Impressionnistes, je trouve devant les maîtres du

xvni'' siècle l'occasion

de rappeler quelles peuvent être les

combien on peut porter aux nues ce qu'on avait voulu envoyer au ruisseau Qui ne sait dans fluctuations

du goût,

et

quel profond dédain étaient tombéeà au commencement

de ce siècle

M. Lacaze Gilles

les

œuvres du xvni®? Voici un Chardin que

a ramassé sur les quais

de Watteau qu

il

a

pour un écu,

et le

payé 600 francs. Et par

parenthèse, je découvre que, de son temps, Chardin subissait précisément finir ses

Ce

tableaux

n'est rien

et

ce

banal reproche de ne pas

de ne peindre que des ébauches.

moins que

le

père

même

Diderot, qui s'élevait ainsi contre

de

la critique,

lui.

Nous aimons donc la peinture de toutes les écoles et nous ne demandons à personne d enlever un seul 191


tableau,

pour accrocher un impressionniste,

pende seulement à Convives

table, gardez vos sièges

nous allons mettre une rallonge côtés.

le

la suite.

vous êtes bien à

!

qu'il

et

Nous apportons un nouveau

;

nous asseoir à vos plat

;

il

vous procu-

rera les délices des sensations nouvelles. Goûtez avec

nous.

— Nous

Tavons déjà goûté, votre nouveau

plat. Il

ne vaut rien.

— Goûtez encore. et le palais a

— Non,

Le goût

est

question d habitude

besoin d apprentissage.

c'est inutile.

Nous ne reviendrons point de

notre premier jugement.

— Eh bien

!

vous vous trompez, vous en reviendrez.

Fin.

192


TABLE DES GRAVURES 1.

Claude Monet. Bordighera

2.

Renoir.

3.

Berthe Morisot. Jeune

4.

Sisley. L'inondation à Port-Marly

5.

Pissarro.

6.

Pissarro. Village de Knocke en Belgique

32

7.

Pissarro. Son portrait par lui-même

38

8.

Pissarro. Paysanne assise

42

9.

Pissarro.

Femme

4

au jardin

La grande

12

fille

aux tulipes

16

20

28

route

La femme aux poules

(Dessin gravé sur bois par

Lucien Pissarro) 10. Pissarro.

11. Portrait

48 50

L'Ermitage, à Pontoise

de Claude Monet, par Renoir

54

12.

Claude Monet. Japonaise

58

13.

Claude Monet.

62

14.

Claude Monet. En Hollande (Dessin)

15.

Claude Monet. Les rochers de

16. Portrait 17. Sisley.

L'église Saint-Germain-l'Auxerrois

66 70

Belle-Ile

76

de Sisley, par Renoir

80

Neige

84

Veneux

18. Sisley.

Bords de

19. Portrait

de Renoir, par Albert André

l'eau à

Le Moulin de la Galette Renoir. Portrait de M™« Charpentier

90 94

20. Renoir. 21.

et

de ses

98

filles

22. Renoir. Algérienne

102

23. Renoir. Baigneuse {Eau-forte originale)

106

24. Renoir. Baigneuse

110

116

portrait par elle-même

25.

Berthe Morisot. Son

26.

Berthe Morisot. Jeune

fille

au chat {Eau-forte

originale).

.

120

193 18


27. 28.

Berthe Morisot. Jeune femme au bal Cézanne. Son portrait par lui-même

122 128

29. Cézanne. Fleurs (Aquarelle)

132

30. Cézanne. Paysage

136

31.

Cézanne. Les joueurs de cartes

140

32.

Cézanne Nature morte

144

33. Guillaumin.

Son portrait par lui-même

150

34. Guillaumin.

La Seine

156

35. Guillaumin.

En Hollande

36. Guillaumin.

Paysage de

194

à Grenelle

[Eau-forte originale)

la

Creuse

.

......

158

160


TABLE DES MATIERES Les Peintres Impressionnistes

— — —

I

i

II

18

m

26

IV

31

Pissarro

35

Claude Monet

53

SiSLEY

75

Renoir

89

/

Berthe Morisot

115

Cézanne

125

guillaumin

149

En

155

1922

Bibliographie

...

Appendice. Brochure de 1878

167

169


ÉVREUX, IMPRIMERIE CH. HÉRISSKY. 419

n





I


ND 1265

Duret, Théodore Histoire des peintres

D8 1922

impressionnistes

PLEASE

CARDS OR

DO NOT REMOVE

SLIPS

UNIVERSITY

FROM

THIS

OF TORONTO

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LIBRARY



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