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.
i
(3)
HISTOIRE DES
Peintres Impressionnistes
HISTOIRE DES
Peintres Impressionnistes PISSARRO, CLAUDE MONET SISLEY, RENOIR, BERTHE MORISOT,
CÉZANNE, GUILLAUMIN
PAR
THEODORE DURET
TROISIÈME EDITION
PARIS H. 4.
FLOURY, EDITEUR
RUE DE CONDK ET
2,
RUE SAINT-SULPICE
1933
HISTOIRE DES
Peintres Impressionnistes
I
Les peintres qui devaient s'appeler plus tard
les
dans leur jeunesse, lorsqu'ils se
Impressionnistes,
trouvaient encore inconnus, à Tétat d'élèves, étaient déjà
d'instinct
entraînés à s'étaient
des
indépendants,
rompre avec
en conséquence donné pour guides
et
Corot.
Ce sont
peinture
la
dans l'observation directe de ces
d'abord suivis, chacun à part
le
les
hom-
plus avant
nature et de la vie,
la
deux maîtres soi,
connus ou rencontrés. Pissarro et fité
sentaient
se
les règles traditionnelles. Ils
mes, qui avaient alors porté
-Courbet
ils
qu'ils ont
sans s'être encore
M^^® Morisot ont pro-
des conseils de Corot, Renoir a peint un
moment
sous l'influence de Courbet, Cézanne a emprunté à
Courbet, au début, sa tonalité
et sa palette. Si l'on
pouvait rassembler les toutes premières œuvres des
hommes verrait,
déjà,
qui sont devenus les
Impressionnistes, on
avec des différences individuelles pointant
un fond commun d'une même gamme,
allant
des procédés de Courbet à ceux de Corot. C'est alors
que Manet survint. 1
Rien
quand des formes
n'est plus difficile,
des modes de penser ont obtenu
ou
que de
succès,
le
d'art
se
représenter la répulsion qu'ils ont d'abord pu causer.
Maintenant que Manet
on ne saurait s'imaginer
ment causées par expliquer
le fait,
horreur
1
maître,
et la colère réelle-
Pour
faut dire qu'elles tranchaient abso-
il
produisaient alors com-
les autres
ainsi elles venaient heurter les notions
reçues et les règles acceptées.
moment où Manet
qu'au
comme un
ses œuvres, à leur apparition.
lument sur ce que
munément et qu
accepté
est
faut se rendre
Il
compte
survenait, Courbet et Corot,
qui représentaient la marche faite en avant, déplai-
que leur
saient toujours au public,
de procédés n
comprise
était
minorité de jeunes artistes
et
que Delacroix
;
membres de dans tres
en général,
art, la
Rome,
école de
1
mes venues de
formant les
versellement
le
la
nu compris
hommes
les
de
let-
le
grand
et traité d'après les for-
Renaissance italienne.
une manière uni-
enseignée
et
suivie
dans
pour distribuer en peinture lombre couleurs.
On
les
et la
ateliers,
lumière et
ne concevait point que
lumière pût être introduite sans accompagnement
obligé et corrélatif de l'ombre.
que 2
les élèves
représentation des Grecs
la
\/ll existait surtout, à cette époque,
la
couleur. Les
Tous honoraient ce qu'on appelait
peinture d'histoire,
appliquer
la
artiste
public restaient alors soumis à la
le
des Romains,
n'était
comme un
un outrancier de
Institut, les peintres
les ateliers,
tradition.
et
1
et
imitée que par une
encore généralement considéré que déréglé et incorrect,
d allures
liberté
les
On
n'admettait point
couleurs vives pussent être appliquées sans
demi-tons intermédiaires. Mais avec cette pratique de
ne mettre de
la
lumière qu'accompagnée d'ombre,
et
de n'employer de tons variés qu'avec des atténuations,
on en
était arrivé à
ne peindre que des tableaux tenus
dans Tombre, où tout riantes avait disparu,
l'éclat
La
accoutumés à ce mode
des couleurs vives
critique et le public s'étaient éteint
de
peinture,
la
apparaissait, par l'habitude, naturel.
même
et
On ne
il
leur
s'imaginait
pas qu'il pût y en avoir d'autre et on trouvait
excellente la production de
peintres, tenus
pour des
maîtres, se succédant depuis longtemps dans une même voie.
Tout à coup Manet, en 1863, au Salon des refusés avec son Déjeuner sur Vherbe et en 1865 au Salon avec
son Olympia^ présenta des œuvres venant, par leur dissemblance d'avec
Le fond
générale.
les
et la
Ton considérait comme
On avait la vie,
vivant,
autres,
causer une horreur
forme rompaient avec ce que les règles essentielles
de
l'art.
sous les yeux des nus pris directement dans
qui donnaient les formes
mais qui
mêmes du modèle
ainsi semblaient grossières et
d'un
du épuré. L'ombre
affreux réalisme, en comparaison avec les formes
nu
ti'aditionnel, soi-disant idéalisé et
appelée à
faire
opposition perpétuelle à
n'apparaissait plus. parties
que
les
Manet
autres
lumière
peignait clair sur clair. Les
eussent mises
étaient peintes par lui en tons
jours en valeur.
la
moins
Tout l'ensemble
différents plans se succédaient,
dans l'ombre vifs,
mais tou-
était coloré.
Les
en se profilant dans
la
lumière. Aussi ses œuvres faisaient-elles disparate, au milieu des autres, sombres et décolorées. Elles heur-
3
Les
Elles offusquaient les regards.
taient la vision.
couleurs claires juxtaposées, qui s'y voyaient, n'étaient
tenues que pour du
«
côte à côte, faisaient
l'effet
Manet souleva une
bariolage
telle
mis
les tons vifs,
»,
de simples taches.
animadversion,
les railleries,
les insultes, les caricatures qu'il suscita furent telles,
une immense
qu'il acquit bientôt
yeux se fixèrent sur
lui.
Il
notoriété.
insurgé,
un corrupteur
les
comme un
fut considéré
barbare, son exemple fut déclaré pernicieux,
un
Tous il
devint
à exclure des Salons. Mais
alors les jeunes gens d'esprit indépendant, tourmentés
du besoin de
se soustraire
virent
vieillie,
aux règles d'une tradition
en ce révolté contre
temps, un initiateur
et
un guide
portés vers Courbet et Corot, et se portent vers lui.
et
ils
la
banalité
du
après s'être surtout
font
un nouveau pas
Manet va donc grouper des gens
jeunes, jusqu'ici séparés et inconnus les uns des autres. se lieront par son intermédiaire.
Ils
A l'époque où
il
allait travailler
au Louvre, vers 1861,
y avait rencontré deux jeunes filles, deux sœurs, qui y poursuivaient leurs études de peinture. Lorsqu'après le Salon des refusés de 1863 et le Salon de 1865 il fut il
devenu célèbre,
souvenir des rencontres faites au
le
Louvre amena l'une des jeunes se marier
— à nouer avec
suivies. Cette lors sa
jeune
sarro, né à
4
l'autre allait
des relations artistiques
clair,
dans
la
lumière.
l'adoptaient également. Pis-
Saint-Thomas aux
faire ses études s'était
Monet
—
Berthe Morisot, adoptait dès
manière de peindre en
Pissarro et Claude
Il
fille,
lui
filles
en France,
Antilles, après être
était
venu
retourné dans son
île.
trouvé ainsi loin de tout milieu artistique,
Ci \-
-C
o CQ
h 2
O
รป <
U
Revenu en France
retardé dans son développement.
pour
se livrer tout entier à Tart,
de paysage.
vers la peinture
gamme s'est
avancée pour
adonné
le
s'était senti
peignait
Il
porté
dans une
temps, mais qui, depuis qu'il
à la peinture claire, paraît quelque
sombre. Le Déjeuner sur Vherbe l'avaient séduit. la
il
Il
peu
l'Olympia de Manet
et
avait tout de suite su
comprendre
valeur de ces œuvres, exécutées selon une formule
nouvelle
aussi
;
entourage.
mis à
s était-il
Il fit la
vanter dans son
connaissance personnelle de Manet
en 1866, pour se tenir avec
En
les
en relations
lui
1862, quatre jeunes gens
:
suivies.
Claude Monet,
Sisley,
Renoir, Razille, élèves chez Gleyre, se liaient d'amitié. Ils allaient se
développer, animés d'un
même
Claude Monet, qui devait être parmi eux avait visité au
quatorze le
toiles,
que Manet Italiens. Il
commotion.
Il
faisait
chez Martinet, sur
en avait ressenti une véri-
avait trouvé
Damas. Cependant de il
l'initiateur,
printemps de 1863 une exposition de
boulevard des
table
esprit.
là
son chemin de
huit ans plus jeune que Manet,
resta plusieurs années à l'écart, sans entrer en rela-
tions personnelles avec lui. alla le voir à
son
atelier,
Ce ne
fut
qu'en 1866 qu'il
conduit par Zacharie Astruc,
mais dès lors des liens d'amitié, qui devaient jusqu'au dernier jour se resserrer, se nouèrent entre eux.
voyant comment
le
gi'oupe des Impressionnistes s'est
formé, on a l'intéressant spectacle de à
En
un moment donné, lorsque
comme flottantes dans l'air, elles hommes différents, s'influençant, autres au point de départ.
Manet
la
manière dont,
certaines idées sont
peuvent pénétrer des se guidant les
avait agi sur
uns
les
Monet 5
et
Monet
œuvres
agissait
claires produites
lui aussi à
Monet
maintenant sur
Sisley.
vue des
et
en tons
clairs.
des paysagistes, qui marche-
et Sisley étaient
une
même
Renoir au
ses tendances.
la
par Monet, Sisley se mettait
peindre en pleine lumière
raient côte à côte dans
A
voie,
chacun selon
contraire, qui venait lui
aussi à la nouvelle peinture, devait s'y faire surtout
place
comme
peintre de figures. Bazille, le quatrième
du petit groupe d'amis formé chez Gleyre, après avoir montré les plus belles dispositions, allait être enlevé prématurément. bataille
En
Il
devait
être tué,
en 1871,
à
la
de Beaune-la-Rolande.
Manet voyait Emile Zola
1866,
éclat le défenseur
parition
de son
art.
artistes, les
le
faire
L'Evénement, avant
du Figaro quotidien,
en faveur sur
se
était le
avec l'ap-
journal littéraire
Boulevard, lu de préférence par
gens de lettres
et
les
de théâtre. Le directeur,
M. de Villemessant, avait confié le compte rendu du Salon de 1866 à Emile Zola, qui débutait dans la littérature. Zola avait tout de suite présenté un éloge enthousiaste de Manet et de ses œuvres. Manet était alors honni et méprisé et Zola, par son éloge, dans un journal littéraire en faveur, avait causé une gnation,
qu
il
avait
telle indi-
dû interrompre son compte rendu
et quitter le journal. Il avait entrepris cette
campagne
en communauté d'idées avec un peintre, Cézanne, natif d'Aix,
en Provence. Zola qui avait passé sa jeu-
nesse à Aix, canal,
où son père ingénieur construisait un
y avait noué avec
lui
une
étroite
vivaient maintenant unis à Paris et leur
d'indépendance d'idées
6
les portait
amitié. Ils
communauté
ensemble vers
l'art
vigoureux
Manet.
de
Guillaumin
s'était
lié
avec
rAcadémie Suisse et, comme lui, après avoir d'abord peint dans une tonalité voisine de Cézanne en 1864
celle
à
de Courbet, venait à
gamme
nouvelle
la
des tons
clairs.
Manet
avait
différents,
rallié
des
hommes
partis
de points
qui ne demandaient qu'à entretenir avec
La question se rencontrer régulièrement. Manet avait
eux des relations
lui et entre
posa
donc
de se
suivies.
alors son atelier derrière le parc
Guyot, une rue déserte
et
son
Monceau, dans
se prêtait
Il
habitait avec sa
Pétersbourg
et
femme
auprès,
à
rue
presque délabré,
atelier,
nullement à devenir un
ne
la
lieu
de réunion.
mère rue de Saint-
et sa
de l'Avenue de
l'entrée
Clichy, existait le café Guerbois, suffisamment vaste et
luxueux. Ce café devint
ses
le lieu
où, le soir,
Manet
et
amis prirent l'habitude de se rencontrer. Les réu-
nions,
commencées au
café Guerbois
dentelles devinrent régulières. avait été le premier lien,
en 1866, d'acci-
Le groupe dont Manet
formé des peintres adoptant
son esthétique, s'accrut bientôt d'artistes d'un autre ordre
et
d'hommes de
lettres.
On
voyait là fréquentant
assidûment Fantin-Latour, qui devait garder sa manière
donnée Belot, Duranty
de peindre distincte. Guillemet paysagiste de naturaliste, les graveurs
Desboutin
et
romancier
de l'école
réaliste,
et
critique
la
Zacharie
Astruc, à la fois sculpteur et poète. Emile Zola, Degas,
Stevens et Cladel
le
romancier,
souvent. Vignaud, Babou, Burty
s'y
montraient assez
hommes
de
lettres
étaient des plus assidus. Ceux-là formaient, avec les
peintres rattachés directement à Manet, le fond
du 7
groupement; mais lorsque amis
les
un monde
d'artistes
parmi eux
esprit
de
Guerbois se remplissait de tout
lité d'artiste
tenants de
l'esprit
il
donnait
le
ton aux discussions. Sa qua-
persécuté, repoussé des Salons, honni des
l'art officiel,
de révolte les
intellectuelle,
à soutenir le
là,
en
comme
faisait
dont en
art et
années 1868, 1869
et
en
chef des
littérature
1870, jusqu'à
un centre de
la
vie
où des hommes jeunes s'encourageaient bon combat et à braver les dures conséCar
il
ne
s'agissait
moins que d'un soulèvement contre systèmes généralement reçus
de rien
les règles et les
et respectés.
On
était
second Empire, alors que le principe d'autorité,
vigoureusement implanté dans nait
le
commun.
était le trait
quences à en prévoir.
le
Manet
dominante; avec sa verve, son
guerre, le café Guerbois fut ainsi
sous
lettres.
valeur de son jugement sur les
la
assemblés
Pendant
d'hommes de
et
la figure
saillie,
choses d'art,
hommes
réunions furent connues,
connaissances des habitués y vinrent aussi
et
et certains soirs le café
était
les
les institutions,
don-
aux corps constitués de tout ordre, aux acadé-
un immense pouvoir,
mies, aux jurys des Salons,
permettant
d'exercer
choses dart. Mais au
modes nouveaux adopte
une
vraie
moment où
dictature sur
leur les
certaines formes et
arrivent à l'éclosion, la jeunesse les
et est alors
possédée d'une sorte de feu sacré,
tellement que les obstacles ne sont plus vus et que la résistance à vaincre ne fait qu'exciter à
avant.
En
efiet
Manet
bien dans leurs vues, les
8
uns
les autres,
et ses ils
marcher en
amis se confirmaient
si
s'encourageaient à ce point
que l'opposition,
les railleries, les
insultes, la misère à certaines heures,
ne devaient nul-
amener
à jamais dévier
lement de
la
Au
les faire fléchir et les
voie où
ils
entreraient.
milieu des discussions d'ordre général poursui-
Manet
vies au café Guerbois,
et les peintres ses
amis
se tenaient particulièrement à leur art. Ils dévelop-
paient du
même
coup
la
théorie et la pratique de la
peinture par tons clairs, en plein et le plein air
ont
dans ces années,
fait,
leurs recherches persistantes.
jour
Les tons
air.
clairs
de
l'objet
Manet qui jusqu'à ce
n'avait peint ses scènes d'extérieur,
Déjeuner sur Vherhe, que dans son
comme
atelier, d'après
le
des
études faites au dehors, se mettait alors à exécuter
des tableaux importants directement en plein
de
une vue de l'Exposition
universelle, placée
d'assez
Il
la
au Ghamp-
peignait dans les étés de 1868 et de 1869,
nombreux tableaux de
logne. Mais
Il
hauteur du Trocadéro,
peignait ainsi en 1867,
de-Mars.
air.
il
plages et de
ne devait jamais consacrer à
mer la
à
Bou-
peinture
qu'une part de sa production, tandis que
de plein
air
Pissarro,
GlaudeMonet,
raient entièrement et
parmi eux, Renoir,
Sisley,
que
Guillaumin s'y adonne-
même
le
peintre de figures
y appliquerait, dans ces années, d'une façon dominante.
Manet
et ses
s
amis allaient donc adopter des manières
de vivre dissemblables, en rapport avec leurs manières
de travailler différentes. Alors que Manet, essentielle-
ment un Parisien peindre des figures
attaché au Boulevard, resterait à et
des sujets dans
l'atelier,
n'en sortir qu'aux occasions spéciales où
peindre des scènes en plein
air, les
il
pour
voudrait
autres délaisse-
9
raient Paris et s'établiraient à la
nant
le travail
de
l'atelier,
directement devant
campagne, abandon-
pour se
tenir
en plein
air,
la nature.
Les années de réunion au café Guerbois ont été fécondes. Manet donne aux hommes venus se grouper autour de et,
lui la
technique des tons
en échange d'idées,
comme
lumineux
s'avancent alors diverse-
ils
ment, mais tous ensemble, dans air. Il est resté,
clairs et
la
peinture du plein
témoignage de
cette
heureuse
entente, le tableau peint par Fantin-Latour, sous le titre
d'Un
atelier
de 1870'.
On
autour de
lui,
Batigiiolles,
exposé au Salon
y voit Manet peignant à un chevalet
apport, Monet, lettres,
aux
qui avaient profité de son
les peintres
Renoir, Bazille
qui s'étaient
et,
et
les
hommes
de
défenseurs, Zola, Zacharie
faits ses
Astruc. C'est d'ailleurs par une licence d'artiste que
Fantin-Latour a groupé ses personnages dans un atelier, car en réalité ils ne s'j^ sont jamais réunis de la sorte.
Seul
le café
Guerbois
La guerre de 1870 Manet et ses amis.
et
les recevait
ensemble.
l'invasion vinrent disperser
II
Pissarro pendant la guerre devait se trouver à Lon-
Monet à Amsterdam, Zola à Bordeaux, Manet demeuré à Paris devenait officier dans l'état-major de dres,
la
garde nationale. Lorsque
(1)
10
la
paix fut revenue,
Maintenant au Musée du Luxembourg.
le café
4
Guerbois, délaissé pendant
guerre, resta définitive-
la
ment abandonné. Les réunions qui
s'y étaient tenues
ne furent pas reprises. Pissarro, Monet, Sisley déjà établis hors
de Paris avant 1870, s'y fixèrent
définiti-
vement, Pissarro à Pontoise, Monet à Argenteuil, Sisley à Voisins et bientôt après à Anvers. Les peintres
donc plus
Cézanne
alla
lui-même résider
amis de Manet ne se trouvaient
pour continuer avec
placés,
lui et
entre eux
des relations aussi suivies qu'auparavant.
Les rapports ne cessèrent point, mais
moins fréquents
Manet
et
travaillait.
Peu après
la guerre,
pour venir occuper,
4,
Cependant et
en plein
les
le
il
avait en effet
Guyot aux Bati-
rue de Saint-Péters-
bourg en plein Paris, un entresol, où facilement ceux qui
furent
eurent lieu dans l'appartement où
quitté son atelier à l'écart, dans la rue gnolles,
ils
il
put recevoir
recherchaient.
jeunes peintres peignant en tons clairs
air avaient
peu à peu
attiré l'attention.
Les
réunions du café Guerbois n'étaient point restées ignorées, des
plus ou
journaux en avaient parlé.
moins su que des
autour de Manet
On
artistes se
et subissaient
avait alors
réunissaient
son influence. Ce grou-
pement avait d'ailleurs paru tout à fait bizarre, formé d'hommes sûrement dévoyés. Le tableau de Fantin, Un atelier aux Batignolles, exposé au Salon de 1870, avait été regardé.
désignés
comme
Après cela Manet formant
et ses
amis furent
l'école des Batignolles.
Ils
avaient rallié des défenseurs encore rares, mais qui
cependant achetaient de leurs tableaux
et les
vantaient
autour d'eux. Quelques marchands étaient venus, qui
en montraient à leur
clientèle.
11
Les peintres développant une nouvelle formule com-
mençaient donc à être connus dans s'occupe des choses d'art, et
question de savoir
Salons ou ailleurs. assez
qui
pensèrent maintenant
ils
systématiquement leurs œuvres. la
monde
du grand public, en exposant
à conquérir Tattention
soudre
le
Ils
eurent alors à ré-
s'ils
exposeraient aux
avaient pu, malgré des refus
Ils
aux Salons
fréquents, pénétrer suffisamment
avant 1870. Pissarro, l'aîné de tous, avait
commencé
à
exposer des paj^sages aux Salons, dès 1859. Refusé en 1863,
il
année-là.
avait exposé au Salon des refusés de cette avait ensuite été reçu
Il
aux Salons de 1865,
1866, 1868, 1869 et 1870.
Il
loppé sa manière claire, sa
gamme
donnée de Courbet
n'avait pas encore déve-
de Corot
et
de couleur dans
s'était fait accepter.
NP^ Berthe Morisot avait de
même
breux Salons sans rencontrer
d'hostilité.
futurs
les
la
exposé à de
nom-
1868 avait vu
Impressionnistes Pissarro, Monet, Sisley,
Renoir exposer à un
même
Salon. Renoir envoyait
œuvre importante. Lise, peinte en plein air, et déjà claire pour l'époque, mais qui, dépendant encore de la technique de Courbet, n avait pas suscité d'opposition décidée. Pendant ces années de début,
surtout une
les toiles les
plus osées étaient venues de Claude Monet,
qui s'était mis tout de suite, avec le plus de hardiesse, à peindre en plein air, en tons clairs et tranchés.
En
pu avant 1870,
définitive s'ils avaient
se faire
recevoir aux Salons, d'une manière fréquente,
devaient à ce que
la notoriété
restreinte, à la circonstance
n'apparaissait
12
toujours
ils le
acquise n'était encore que
que l'emploi des tons
chez
eux qu'atténué
clairs et
en
*.
-'^
s--,->r^;
:•;% Ji
lf*_^
RENOIR.
—
Femme
au Jardin.
.,*%^
outre à ce
fait
qu'épars dans les
salles, leurs
pratiques
communes
n'avaient
n'avaient-ils
obtenu aucun avantage commun de groupe.
Ils
point pu
frapper,
mais aussi
avaient donc pu pénétrer aux Salons avant la guerre,
mais lorsqu'après
ils
se furent enhardis à développer
tout à fait leur manière, lorsqu'ils vinrent à être connus,
que
l'attention fut fixée sur eux, qu'ils furent tenus
pour des révoltés, que leurs œuvres eurent acquis un tel
caractère de nouveauté
qu'elles
ne purent plus
passer sans soulever l'animadversion,
que les Salons se fermeraient pour eux refusés systématiquement.
il
était certain
y seraient D'ailleurs, en supposant et qu'ils
qu on les y eût encore admis, ils n'y figureraient jamais que dispersés, loin les uns des autres. Ils continueraient à n'y obtenir qu'une attention distraite, les principes qu'ils représentaient, à l'état
manifester avec assez d'évidence, pour
arriver à se
être reconnus. Ils vont
Salons.
Ils
donc renoncer à envoyer aux
exposeront ailleurs tous ensemble.
L'année 1871, par suite de la
guerre
1872
et
que de
dégroupe, ne pourraient
civile,
en 1873,
n'avait pas les
la
guerre étrangère et de
vu de Salon. Repris en
Salons ne reçurent alors d'œuvres
Berthe Morisot. Renoir, qui
la seule
s'était
pré-
senté isolément à ces Salons, avait été refusé. Trois ans s'étaient ainsi écoulés, sans
nistes eussent
pu
se
que
les futurs
Impression-
montrer au public. Pour des gens
jeunes, ardents, désireux de se produire, c'était
long temps.
Ils se
concertèrent donc afin de tenir, en
1874, une exposition particulière. Mais alors eut à décider s
il
un
allait
première divergence
Manet
ou non exposer avec eux. Une
s'était
produite entre lui et eux,
13
lorsqu'ils étaient allés s'établir à la
peindre surtout en plein Paris, vailler
campagne, pour y
tandis qu'il restait
air,
à
pour y peindre dans son atelier et n'aller traqu'accessoirement en plein air. Maintenant une
nouvelle divergence survenait, qui accentuait la première.
continuer d'exposer aux Salons,
allait
Il
laissant exposer ailleurs.
Il
en
avait
les
effet forcé l'enti'ée
des Salons par une bataille éclatante, qui lui avait
obtenu
la
renommée,
et
il
ne voulait pas perdre l'avan-
tage acquis d'y paraître, en excitant l'attention univer-
pour
selle,
montrer ses œuvres à
aller
manière moins retentissante.
Il
l'écart,
d'une
continuera ainsi d'ex-
poser aux Salons, pendant que ses amis, encore rela-
tivement à
un autre
des débutants, livreront leur bataille sur
lui
terrain.
Pissarro, Claude Monet, Sisley, Renoir, Berthe
Cézanne
risot,
et
Mo-
Guillaumin se produisaient donc
tous ensemble, à une première exposition en 1874.
Cependant
ils
de groupe
trié,
n'allaient pas se présenter seuls, à l'état
au public.
d'autres artistes. C'était
Ils
s'étaient associés avec
une tentative hardie que
de tenir une exposition particulière,
celle
elle entraînait à
des frais relativement considérables, qu'ils désiraient faire
partager.
Pour
attirer
visiteurs et avoir plus de
de
un nombre
de
chances d obtenir l'attention
la presse, ils sentaient aussi qu'il fallait élargir le
cercle et s'unir à des artistes déjà plus
ayant,
comme
pendance s'étaient
qui prit
14
suffisant
ou moins connus,
point de ressemblance avec eux, l'indé-
d'esprit
et
la
liberté
de l'esthétique.
Ils
donc combinés, pour former un assemblage,
le titre
de Société anonyme des
artistes peintres,
Bracquemont, de Brandon, des paysagistes Boudin, Cals, Gustave
sculpteurs et graveurs, avec Degas, Nittis,
Collin, Latouche, Lépine,
Rouart
et
quelques autres,
en tout trente exposants.
Une grande de Paris,
salle d'exposition
Société
la
avait
loué,
manquant au centre 35,
boulevard des
Capucines, une suite de pièces occupées par
le
photo-
graphe Nadar. Ce local se trouvait sur un boulevard,
où passe tout
Les affiches mises à
Paris.
la
porte
atti-
reraient suffisamment les regards pour qu'un assez
grand nombre de visiteurs se décidât à monter Tescalier et
à payer le franc d'entrée, sur lequel les expo-
sants comptaient pour couvrir leurs frais. L'exposition s'ouvrit le 15 avril.
Le nombre des
vement considérable
visiteurs fut relati-
et la notoriété fort
quirent en particulier les peintres de
Mais
ture, dut les satisfaire.
la
accrue qu'ac-
nouvelle pein-
d'ailleurs ce furent
notoriété et
un renom désastreux. Le public ne
eux que des
artistes
une
vit
en
dévoyés, ignorants, présomptueux,
ne peignant que des choses informes.
Cependant
ils
allaient voir sortir
pour eux de
cette
exposition une conséquence qu'ils n'avaient pas prévue. Ils allaient
manqué
en obtenir un nom, chose qui leur avait
jusqu'alors.
En
effet
on a vu qu'en parlant
d eux, nous n'avons trop su comment nous y prendre pour les dénommer, disant les amis de Manet, ou les peintres de la nouvelle peinture, ou les futurs Impressionnistes.
De même jusqu'en 1874 ceux
s'occuper d'eux, à
comment
les
uns disaient
un
titre
désigner. les peintres
quelconque, ne savaient
Un nom de
qui pouvaient
la
leur manquait. Les
nouvelle peinture. C'est
15
ce titre de la Nouvelle peinture, que Duranty, dans
une brochure qui leur nellement
était
consacrée, prenait person-
d'autres les appelaient les Indépendants
;
ou encore
Cependant quand une
les Intransigeants.
chose existe, une appellation survient sûrement pour la désigner.
Au le
milieu des trente peintres qui se produisaient sur
boulevard des Capucines,
hardiment adopté
c est
1
une
amis de Manet, ayant
du plein Claude Monet avait
pratique des tons clairs
surtout les regai'ds.
air, attiraient
envoyé des
la
les
et
toiles particulièrement caractéristiques et
d'elles,
qui
exposait cinq, dont soleil levant,
allait faire surgir le
Tune
avait
pour
une vue prise dans un
titre
:
port.
nom.
Il
en
Impression,
Des bateaux
sur l'eau, légèrement indiqués, apparaissaient au travers d'une buée transparente,
rouge.
Au
titre
qu'éclairait le
soleil
Impression correspondait une touche
rapide et légère et des contours fondus, dans une
enveloppe générale. Cette œuvre donnait bien
mule de fît-elle
l'art
nouveau, aussi par son
titre et sa
naître l'expression qui paraissait le
tériser les artistes qui le représentaient,
la for-
facture
mieux caraccelle
d Im-
pressionnistes.
Le mot, venu en quelque les lèvres
tête
des
spontanément sur
des visiteurs, fut pris et appliqué par
le
Un
de ses rédacteurs, Louis
mettait Exposition
des Impressionnistes, en
Charivari, le 25
Leroy,
sorte
d'un
article
avi'il.
consacré aux exposants du boulevard
Capucines. Le
nom nouveau
n'était
du
reste
employé que dans le sens le plus défavorable, approprié à des
16
hommes
considérés
comme
ignorants et pré-
fit
a.
3 ci
c
3
h
o 5
o r
mr'WHL. LiLi!,_i"i. 'ï^vsrvatfn
ri^^fa
ÉiiMÉrti
M
somptueux. L'article et
n'était
qu'une suite de
de sarcasmes. Le Charivari
Pierre Véron,
un
homme
était alors
sans jugement artistique.
comme
repousser Forain la
qu'on
montrait de
lui
dessinateur,
moindre apparence de
découvrir
Il
il
ne
incapable de
talent
dans ce les
laissait apparaître
nom dans son journal qu'à titre de Le nom d'Impressionnistes, employé
leur
mit du temps à se répandre
Il
devait
Et maintenant que
lui.
Impressionnistes survenaient,
vari^
dirigé par
systématiquement bafouer Manet.
faisait
railleries
il
;
dénigrement. par
le
Chari-
ne devint d un
usage général qu'après quelques années. Les artistes
auxquels on l'appliquait ne point
remarquèrent d'abord
puis lorsqu'il fut assez répandu pour qu'ils ne
;
pussent l'ignorer, ne part,
le
ils le
le voyant
employé qu'en mauvaise
repoussèrent. Ce ne fut qu'ensuite, lorsqu'il
fut tout à fait usité,
mêmes un
autre
que faute d'avoir pu trouver eux-
nom
à se donner,
ils
finirent par
l'accepter et se l'appliquer. L'exposition d'avril 1874,
sur le boulevard des Capucines, quoiqu'elle n'ait attiré
que
curiosité
la
comme
signalée que le voit
de
chose méprisable, a marqué, on
maintenant, une date importante dans Ihistoire
l'art
français au xix^ siècle.
ensemble, pour la
banale des passants, ou n'ait été
technique,
le
la
première
système,
un apport nouveau
et là
les
Là
fois,
se sont produits
des peintres dont
procédés constituaient
encore se créaient
les
mots
Impressionnistes et Impressionnisme, dont on peut dire qu'ils ont fait le tour
En
attendant,
maintenant
les
les
du monde.
peintres que nous appellerons
Impressionnistes ne
retiraient
que 17
2
mépris de leur exposition. Leurs œuvres devenaient invendables. Les soi-disant connaisseurs, les collecse refusaient
tionneurs
en
particulièrement à
tout
acheter. Les Impressionnistes devaient le reconnaître, à l'occasion d'une vente qu'ils tentaient, en
entreprise tant pour continuer à se montrer
Ils l'avaient
au public, à défaut d'une exposition à
même
mars 1875.
de
qu'ils n'étaient pas
année, que pour se procurer
faire cette
quelque argent. Claude Monet, Sisley, Renoir, Berthe Morisot faisaient donc passer aux enchères, à Drouot, 70 tableaux. Ceux qu
en élevant quelque peu
les prix,
à des prix très bas, que dans
Le
de
total
tant
pour
la
Hôtel
essayaient de pousser,
ils
devaient être retirés.
ne trouvaient d'acquéreurs pour
Ils
1
les autres, laissés
un tout petit cercle d'amis.
vente ne dépassait pas 10.349 francs,
tableaux retirés que vendus.
les
Cependant
ils
n'étaient pas
hommes à
fuir le
combat.
Ils
renouvelleraient leurs expositions avec persistance.
Ils
n'avaient pas été en mesure d en tenir une en 1875,
et leur
seconde exposition ne put avoir lieu qu'en
1876, deux ans après galeries de
la
M. Durand Ruel, rue Le
Claude Monet,
Sisley, Renoir,
présentaient ensemble. raissait
première. Elle se
avec eux pour
Une la
fit
Berthe Morisot s'y re-
recrue Caillebotte appafois;
Cézanne
Le nombre des
n'appartenant pas à leur système avait décru.
de 30 exposants en 1874
que 19 en 1876. Le
il
nom
les
Peletier; Pissarro,
première
Guillaumin manquaient.
dans
et
peintres
Au
lieu
ne s'en trouvait en tout d'Impressionniste devint
d un usage courant, à l'occasion de cette seconde exposition.
18
Les
visiteurs,
les
journalistes, les criti-
comme
ques s'en servirent,
d'un terme approprié
et
expressif.
Les Impressionnistes retiraient donc de leur seconde exposition
un
surcroît de notoriété, mais sans progres-
Au
ser dans la faveur publique.
devenaient plus connus,
qu'ils
contraire, à ils
mesure
se voyaient plus
méprisés. Voici par exemple de quelle manière Albert
WolS, le
alors réputé
comme
Figaro du 3 avril 1876
critique, parlait d'eux
:
«
La rue Le
dans
Peletier a
du
malheur. Après l'incendie de TOpéra, voici un nouveau désastre qui s'abat sur le quartier.
^
On
vient d'ouvrir
chez Durand-Ruel une exposition qu'on dit être de
Le passant inoffensif entre et à ses yeux épouvantés s'offre un spectacle cruel. Cinq ou six aliénés, dont une femme, s'y sont donné rendez-vous pour peinture.
exposer leurs œuvres.
y a des gens qui pouffent de rire devant ces choses-là, moi, j'en ai le cœur serré. Ces soi-disant « Il
Impression-
artistes s'intitulent les Intransigeants, les
nistes. Ils
prennent des
de
toiles,
la
couleur et des
brosses, jettent au hasard quelques tons et signent le tout.
C'est ainsi qu'à Ville-Évrard des esprits égarés
ramassent
les cailloux sur leur
trouvé des diamants.
chemin
et croient
avoir
»
Plus que jamais décidés à poursuivre
le
combat,
ils
organisaient une troisième exposition, en avril 1877. Elle se tenait au n° 6 de la rue
Le
Peletier,
au premier
étage d'une maison en réparation, loué pour la circonstance. Ils disposaient ainsi des pièces d'un vaste appar-
tement, qui leur donnait l'espace suffisant pour trer les
241
toiles réunies.
Ils
étaient
sur
mon-
une rue 19
du Boulevard, ce qui
passante, en vue
leur assurerait
des visiteurs. Cette fois-ci le groupe des Impressionnistes purs remplissait
presque entièrement l'exposition.
nonçant au
En effet,
re-
primitif de Société anonyme^ qui ne
titre
un
constituait point
nom
vrai
nom,
ils
se décidaient à s'ap-
d'Impressionnistes, qu'on leur avait
proprier
le
donné à Pendant
leur insu et qu'ils avaient jusqu'ici repoussé. l'exposition
ils
allaient publier, sous le titre
de l'Impressionniste, Journal
d'art,
une
feuille
de pro-
pagande, ornée de dessins. Cette prise de possession du
mot Impressionniste tistes
moins
avait
amené
osés, peignant
à se retirer ces ar-
dans une
gamme moins
colorée, qui s'étaient à la première exposition tenus
avec eux.
Au
lieu
dix-neuf en 1876,
que
dix-huit. Et
revenaient cette
Monet,
de trente exposants en 1874 il
comme tous les fois-ci
vrais Impressionnistes
ensemble,
Pissarro, Claude
Berthe Morisot, Cézanne, Guil-
laumin, avec Caillebotte
et
quelques autres recrues,
De
leurs tableaux tenaient presque toute la place.
plus tranché et
de
ne s'en trouvait plus maintenant
Sisley, Renoir,
fait l'exposition,
et
ce
moins mélangée, avait un caractère une apparence d'intransigeance plus
marquée que la première de 1874. En outre, comme ils étaient animés d'un même esprit et d'une égale ardeur, que se soutenant, se stimulant les uns les autres, ils
avaient depuis trois ans développé et accentué les
particularités qui les distinguaient, leur troisième exposition était
autrement audacieuse que
la
première. Les
Impressionnistes s'étalaient donc, cette fois-ci pour
pubHc, dans
20
la
plénitude de leur monstruosité
;
le
aussi
o T3
C O E a
u a c o
U > 3 O -J
3
O -M 1/1
OS
o
a
c o
C o c:
00
produisirent-ils sur lui
un
extraordinaire d'hila-
effet
de mépris, d'indignation, d'horreur.
rité,
L'exposition devint parlait
comme
du Boulevard, très visitée.
On
était
quelconque.
productions considérées
On
n'y allait que pour se
par
extravagantes. Aussi
On
voyait des gens qui,
la gaîté attendue,
rue et en montant
rire
dans
la
trés
dans
les salles, se tordaient
Le courant était tellement
spectacle de
le
haussements d'épaules cons-
tants de la part des visiteurs.
en perspective de
donc
point attiré par un inté-
comme
étaient-ce des rires et des
en
les cafés
les cercles et les salons. Elle fut
plaisir d'excentricité,
tisans ralliés
parisien.
d'une chose surprenante, dans
Mais on n'y
rêt artistique
donner un
un événement
commençaient à
les escaliers et qui,
en-
au premier coup dœil.
violent que les quelques par-
par les Impressionnistes se trouvaient
absolument impuissants à agir sur l'opinion d'aucun visiteur, même de ceux qu'ils connaissaient. Toute apologie ou défense qu'ils voulaient présenter était
immédiatement
moquer du
arrêtée,
comme une
prétention à se
public.
L'apport des novateurs en peinture ne
s'est
jamais
produit, au xix* siècle, sans souleverune opposition plus
ou moins violente.
Si les Impressionnistes étaient aussi
maltraités à leur exposition de 1877, c'est qu'ils avaient atteint leur plein
développement
et qu'ils
montraient
réellement des œuvres d'un caractère différent de ce
que Ton
avait encore vu.
Cézanne
était
qui excitait et devait exciter longtemps reur.
On
de tous celui le
plus d'hor-
peut dire, pour caractériser l'opinion qu'on
s'en formait, qu'il faisait
l'effet
d'un monstre, d'un
21
ogre.
avait
Il
mis du temps à pleinement se développer.
A la première
exposition de 1874,
il
envoyait
La Mai-
son du pendu à Auvers, une œuvre déjà puissante, mais qu'il devait
tensité
de coloris
portrait de
Le
dépasser et
et qu'il dépassait
et les
Monet,
Claude
le
Renoir, Guil-
Sisley,
rimpressionnisme de plein
exposait des potagers, des
in-
paysages exposés rue
laumin montraient, portées à Textrême point, cularités de
en
effet,
en originalité de facture, avec
M. Choquet
Peletier.
en
les parti-
Pissarro
air.
champs de choux,
sujets
jugés absolument bas et anti-artistiques.
Les exposants, dans leur hardiesse, faisaient donc Teffet
de barbares, d ignorants, de malotrus
traités
tiques.
comme
tels
par
Le Charivari, qui ne leur
un nom que pour les
On
le public, la
et ils étaient
presse et les cri-
avait d'abord trouvé
dénigrer, les poursuivait d'injures.
peut résumer l'opinion
commune
à leur égai'd par
ce jugement, porté dans la Chronique des Arts Curiosité. «
MM.
Claude Monet
de se produire, ont exposé second 14.
Il
le
et
qu'elles sont. Elles
provoquent
de la
Cézanne, heureux
premier 30
faut les avoir vues
et
toiles, le
pour s'imaginer ce
le rire et
sont cepen-
dant lamentables. Elles dénotent la plus profonde ignorance du dessin, de les enfants ils
etc.,
devant eux.
composition, du coloris.
s'amusent avec du papier
font mieux.
Cordey,
la
MM.
Levert,
et
Quand
des couleurs,
Guillaumin, Pissarro,
ne méritent pas en vérité qu'on
s'arrête
»
Lorsque l'exposition se ferma,
les
Impressionnistes
donc parvenus à une grande renommée, mais à une renommée qui en faisait des condamnés. Ils étaient
22
voulurent se procurer quelque argent, par une nouvelle vente aux enchères. Elle n'eut pas meilleur succès que
première, tentée en 1875. Quarante-cinq toiles de
la
Caillebotte ne produisaient
Pissarro, Sisley, Renoir,
que 7.610 francs
encore un assez grand nombre
et
La vente eut 28 mai, devant un public qui
d'entre elles avaient-elles dû être retirées.
Hôtel Drouot,
lieu à
1
s'était
rendu
dont
là,
le
pour continuer
mépris
les rires et les
avait gratifié les peintres à leur exposition,
il
rue Le Peletier. Les toiles soulevaient des huées,
mesure qu'on
les présentait.
On
à
s'amusa à en passer
plusieurs de mains en mains, tournées de haut en bas.
C
était
une plaisanterie que
le
Charivari avait inau-
gurée, en prétendant que dans les paysages des Impres-
on ne distinguait point de
sionnistes,
que
la terre, les
haut
le ciel
restant informes,
indifféremment du bas de
vait faire dii
eaux,
le
ligne d'horizon,
la toile le
on pouhaut, et
bas. Cette plaisanterie devint à la
mode.
Elle s'établit au théâtre, où dans les revues on introduit
un rapin impressionniste, incapable lui-même de
découvrir
le
haut
bas des
et le
sur la scène, devant
le
Ce soulèvement de
toiles, qu'il barbouillait
public. l'opinion,
ces
manifestations
d'universel mépris eurent pour résultat d enlever aux
malheureux œuvres,
artistes
même
trouva
possibilité
de vendre leurs
au plus bas prix. Les quelques amis
qu'ils s'étaient faits,
limitées,
la
dont
les
ressources étaient très
n'ayant pu se grossir de recrues, bientôt
plus
M. Durand-Ruel, lement soutenu
personne
le seul
les
pour
en
il
ne se
acheter.
grand marchand qui eut réel-
Impressionnistes
et
qui avait com-
23
mencéàleur trouver des acheteurs,
lorsqu'ils n'étaient
pas encore trop signalés au mépris public, maintenant
que
du
réprobation
la
était
devenue générale, ne put plus
tout vendre de leurs œuvres. Après avoir longtemps
persisté à fices,
il
en empiler chez
lui,
aux prix de gros
sacri-
se trouva à la fin épuisé et dut s'arrêter. Alors
ce furent, pendant des années, la gêne complète, la
misère noire, pour ceux d'entre
demander au produit de
eux qui devaient
moyens
leur pinceau leurs
entiers d'existence.
faut dire, à la louange de ces
Il
mépris,
les
hommes, que
opprobres, la pauvreté ne les ont à aucun
moment amenés
à dévier de leur voie. Ils se sont tenus
à leur manière tant honnie, sans chercher tant à la modifier
en quoi que ce
accepter du public.
Ils
années, tout
eux
et
le
soit,
seul ins-
pour se
faire
ont attendu, pendant de longues
temps nécessaire, que
le
un
le
public vînt à
qu'un changement d'opinion se produisît, sou-
tenus par la conviction qu'ils avaient de la justesse de leurs principes et de la valeur de leur art.
En
1877, à l'issue de leur exposition, les Impres-
sionnistes ne pouvaient donc
Leurs rares
amis demeuraient impuissants
devaient subir l'insuccès et allait travailler
trer,
et à
la
et
ils
misère. C'est le temps qui
pour eux C'est leurpersistance à se mon.
qui amènerait le public à se familiariser avec eux
trouver à la fin bonnes des formes qui, à leur appa-
rition, lui auraient
sionnistes vont
n'auront plus, le bruit
24
compter sur aucun appui.
semblé monstrueuses. Les Impres-
donc continuer leurs expositions. Elles
il
est vrai, l'importance et
de celle de 1877, qui marque
ne feront plus
comme un
point
culminant
des sept se trouvera relâché.
et le faisceau
Cézanne, possesseur d'une aisance personnelle, que n'inquiétait point le souci de vente, ne prendra plus
part à aucune exposition.
Les autres continueront,
mais parmi eux Pissarro
Berthe Morisot seront
et
les
plus assidus, tandis que Monet, Sisley, Renoir, Guil-
laumin, s'abstiendront à plusieurs reprises, tantôt Tun, tantôt l'autre.
Des expositions successives avaient
ainsi lieu,
en
1879, avenue de l'Opéra en 1880, rue des Pyramides ;
;
en 1881, 35, boulevard des Capucines; en 1882, rue Saint-Honoré; en 1886, 1, rue Laffitte. En 1880 une exposition exclusive d'œuvres de Claude tenait sur le boulevard des Italiens,
En
journal, la Vie moderne.
ayant loué temporairement
son n° 9 du boulevard de
se
aux bureaux du
1883, M. Durand-Ruel,
le
la
Monet
la
mai-
faisait
pen-
premier étage de
Madeleine, y
dant quatre mois, de mars à juin, des expositions consacrées chaque fois à un peintre, d'abord à Claude
Monet, puisa Renoir, Pissarro
que
les
chaque
et Sisley.
On voit ainsi
expositions des Impressionnistes changeaient fois
de
lieu. Elles
ont eu une sorte de caractère
ambulant. La plupart ont encore présenté cette singularité
de se tenir dans des appartements inoccupés
de maisons neuves ou en réparation, loués momenta-
nément pour la circonstance. La principale condition que l'on demandait aux locaux était de se trouver sur une voie fréquentée, où l'on pût attirer l'attention de nombreux passants. Ces expositions faisaient de plus en plus connaître les Impressionnistes,
mais sans
qu'ils vissent
d'abord
25
changer l'opinion à leur égard
et qu'ils
en retirassent
de réels avantages. La lutte ingrate se prolongea donc
pendant des années. Vers 1886-1888
le
milieu devenait
plus favorable. Les amis de la première heure avaient fait
De nouveaux venus
des recrues.
peindre dans
la
gamme
de l'Impressionnisme
claire. Ils
arrivaient dans la presse.
du
changement coup
Ils
et
années 1894-1895 un
en France
amenait tout à
et à l'étranger,
à
mêmes œuvres impressionnistes d abord
méprisées.
L'époque delà misère était passée, sition et le
cercle
allèrent alors gagnant sans
partir des
les collectionneurs,
honnies
le
Des défenseurs leur
décisif se produisait, qui
rechercher ces si
A
terrain.
étendaient
donnaient une certaine consé-
et
cration aux premiers apparus.
cesse
se mettaient à
et
quoique l'oppo-
dénigrement persistassent dans de nombreux
quartiers et que la lutte dût être poursuivie, la victoire éclatante et définitive
ne
fut plus
douteuse.
III
>
Comment
inattendus
traits
excitait
A
l'art
d abord
des Impressionnistes présentait-il des ?
D'où
lui venait cet aspect à part,
le rire, le
mépris
qui
et l'horreur.
leur point de départ les Impressionnistes avaient
Manet la technique des tons clairs, débarrassés des ombres traditionnelles et ils s'étaient mis à peindre pris à
directement en plein air devant
la
nature.
Ils
avaient
trouvé déjà en usage la pratique de peindre en plein air, ils
26
n'en étaient pas
les inventeurs.
Gonstable en
Angleterre, Courbet et Corot en France Tavaient appli-
quée auparavant, mais ceux-ci ne s'en étaient
servi
qu'accessoirement, pour obtenir des esquisses et des études, leurs vrais tableaux étant toujours peints à Tatelier.
La grande innovation des Impressionnistes de généraliser l'exception.
avait été
systématiquement
à la peinture
Ils
du plein
s'adonnèrent
air.
Tous
leurs
paysages, pour les peintres de figures tous les tableaux
fonds de paysage, furent exécutés au dehors, dans
a^^ec
l'éclat vif
de
la
lumière, devant la scène à représenter.
L'emploi exclusif des tons dans
clairs et l'usage persistant
de peindre en plein
air,
combinaison neuve
et hardie,
aux
nouveaux.
traits
tout le
temps devant
En la
la
lumière, formaient une
d'où devait sortir un art
effet le
nature
peintre qui se tenait
conduit à en
était
saisir
les colorations variées et fugitives, négligées jusqu'alors.
Un
paysage n'était plus pour
ou
le
temps
gris,
même, par
lui le
le soleil
par Ihumidité ou la sécheresse,
le
Le peintre enfermé dans l'atelier avait donné à la nature une sorte d'aspect uniforme, de caractère constant, que le peintre en plein air ne pouvait connaître. Pour le peintre dans matin, à midi ou
le soir.
l'atelier, le feuillage avait été
avait eu
une
a
d'un vert déterminé, Teau
couleur d'eau
»
permanente,
le
ciel
avait été d'un certain bleu et les nuages d'un certain gris.
Mais à llmpressionniste
lesquelles
il
tenait tout le
les
temps
scènes naturelles, sur
les
yeux, ne purent se
présenter que sous les aspects divers, que les variations de la lumière et les
leur faisaient prendre.
changements de l'atmosphère Et
comme
Tlmpressionniste
disposait des ressources procurées par l'emploi des
27
tons clairs, débarrassés d'ofnbres,
put appliquer sur
il
ses toiles ces couleurs éclatantes, qui correspondaient
aux
On
effets variés
que
les scènes naturelles lui offraient.
vit ainsi apparaître,
dans
les tableaux des
sionnistes, les plaques de lumière
que
à travers le feuillage, étend sur le sol les verts
temps,
;
le soleil,
on
vit
Imprespassant
reproduire
tendres et aigus qui couvrent la terre au prin-
les
champs brûlés en
été par le soleil prirent
des tons roussis, l'eau n'eut plus de couleur propre,
mais
les reçut toutes
en succession. Puis
sionnistes ayant découvert effets
que
les
les
Impres-
ombres, selon
les
de lumière, sont en plein air diversement colo-
rées, peignirent sans hésiter des
ombres bleues,
vio-
lettes, lilas.
Les œu\Tes ainsi exécutées présentèrent tout à coup
au public une coloration,
qu'il n'avait
encore jamais
vu apparaître en peinture. Elles pouvaient bien correspondre au véritable aspect de taine façon, mais
comme
la nature,
vue d'une cer-
personne n'a l'habitude de
regarder la nature, pour décider de sa correspondance
avec
les
tableaux peints, qu'on ne juge que par com-
paraison avec
le
genre de peinture alors accepté
a façonné les yeux, les
et
qui
œuvres des Impressionnistes
devaient à leur coloris nouveau et imprévu, une
mé-
connaissance absolue.
En
outre les Impressionnistes, parce qu'ils peignaient
directement devant la nature, étaient amenés à présenter des formes générales autres que celles des devanciers. Ils n'ont plus eu le
temps
et la faculté d'exé-
cuter le travail de reconstruction, de métamorphose,
d'embellissement, auquel s'étaient livrés les peintres
28
3 O
K T5
C
a
o <
^/
r:J:
O
-léa
demeurés
à Tatelier.
Non
seulement leurs œuvres ont
un aspect plus simple, mais Tordre des
pris de ce fait
motifs s'est étendu. Les devanciers, arrangeant dans Tatelier, avaient
ces préférées.
rendu
nature sous certaines apparen-
la
avaient recherché des sites jugés
Ils
particulièrement nobles, pittoresques
et,
comme
tels,
tenus seuls pour dignes d'être reproduits. L'Impressionniste parti pour peindre en plein air, frappé par ,jin eSet tion, se
momentané de Tatmosphère ou de mettant directement à
l'état
d'œuvre
où
le
il
définitive,
découvrait.
ne
s'est
était
Il
le fixer
bordent, et ce motif
tout autre.
Il
végéta-
sur la toile, à
plus inquiété
du
site
sur la grande route et
l'introduisait sur sa toile avec les arbres la
la
il
ébranchés qui
lui paraissait aussi
noble que
un village et il le peijardins potagers ou les champs de
se trouvait devant
gnait avec les
légumes, qui pouvaient l'entourer. Lorsqu'il rencontrait fait
de
l'eau,
il
ne se demandait point,
tant d'autres,
les objets,
mais
il
si elle était
la saisissait
limpide
par
le soleil
qui en
la
fait
et
apte à refléter
sous tous ses aspects, la
trouvant aussi intéressante par
grandes pluies, qui
comme l'avaient
les
temps
rendent jaune
et
gris et
les
opaque, que
un miroir transparent.
Les œuvres des Impressionnistes, en ne mettant plus sous les yeux du public des tableaux arrangés, des sites choisis,
des motifs embellis, rompaient avec les
formes admises la facture large,
de nouveaux
et,
par surcroît,
pu
touches fondues,
employées à leur exécution, ajoutaient
traits
imprévus à leur physionomie anor-
male. Les contours dans n'avaient
les
les
œuvres impressionnistes
rester aussi arrêtés
que dans l'ancienne 29
peinture, les lignes aussi rigides, les formes aussi précises.
Quand Tlmpressionniste
ou
buées qui enveloppent
les
peignait le brouillard
quand
les objets,
il
pei-
gnait les plaques de lumière vacillantes, qui, à travers les arbres agités
du
parties
sol,
par
le vent,
quand
viennent éclairer certaines
peignait Teau houleuse de la
il
mer, se brisant en embrun sur rapide d une inondation, à rendre son
efiet,
les
ou
le
courant
ne pouvait espérer réussir
il
supprimant
qu'en
rigides* et arrêtés. C'était
les rochers,
les
contours
réellement Timpression que
choses faisaient sur son œil qu'il voulait rendre, des
sensations de
mouvement
et
de lumière
qu'il voulait
ne pouvait y parvenir, qu en laissant souvent sur sa toile les lignes indéfinies et les contours
donner
et
il
flottants.
Le public
se trouvait
manières devant lui offraient
un
éclat
les
donc déconcerté de toutes
les
œuvres des Impressionnistes. Elles
un système de
une variété de tons,
coloris,
de lumière tout nouveaux,
elles
ne
lui
présen-
taient plus ces sites choisis, ces motifs arrangés, aux-
quels
il
était
accoutumé,
elles substituaient
large, des contours flottants
tionnelles.
Ne
d'art,
elles
grossières,
traits
comme essentiels
monstrueuses,
tradi-
que Thabitude
dans toute œuvre
faisaient naturellement l'effet de
ébauches sans formes.
30
aux lignes arrêtées
possédant plus ces
avait fait considérer
une touche
choses
de simples esquisses
ou
IV
Nous avons
de comprendre Degas parmi
évité
les
temps
Impressionnistes, bien qu'il se soit tenu tout
le
avec eux aux expositions et qu'aujourd'hui on
le classe
aussi
communément
d'hui la portée du
ment étendue et rester exact, on sionnistes
;
qu'on en
nom
;
mais
c'est
qu'aujour-
d'Impressionniste s'est énormé-
a perdu toute précision. Si l'on veut
Degas à part des Impres-
doit tenir
ses origines, la nature
On
tinguent.
avec eux
de son
art
1
en
dis-
va du reste à l'encontre de ses désirs lors-
un des
fait
toujours repoussé
le
leurs.
titre
Il
a personnellement
d'Impressionniste. Quand,
à l'exposition de 1877, ceux qui laissaient réellement voir ces traits qui l'avaient s'y
opposa
avec
les
la
part.
Autrement
peinture en plein
la
Il
a son point de départ
il
est
avant tout un dessi-
nateur. Ses ancêtres sont Poussin et Ingres. à ses débuts une copie magistrale de
Sabines
et
comme
qui leur reste propre, sa
air,
tradition classique,
leur doit
n'a pas pratiqué
il
il
commun
le coloris, qu'il
technique est d'un autre ordre.
dans
l'adoptèrent,
plus qu'il put. Degas n'a de
Impressionnistes que
pour une eux
le
fait naître,
l
On trouve
Enlèvement des
des dessins exécutés selon les procédés
d Ingres. Sa première œuvre personnelle a été une Sémiramis, conçue dans
la
pure donnée delà peinture
d'histoire, à laquelle les Impressionnistes sont toujours
restés étrangers
ou
hostiles.
de son temps, a délaissé
Degas, pénétré de
la
l'esprit
peinture d histoire, qui
31
Tavait d'abord séduit, pour prendre des sujets modernes,
mais
n'a jamais dévié de la technique primitivement
il
adoptée.
Il
est resté le dessinateur
savant de
donnée
la
classique.
On
ne saurait non plus ranger parmi
les
Impres-
et
Lépine,
comme Boudin
sionnistes des paysagistes
qui ont pai'ticipé à la première exposition de 1874, et sont
se
ensuite
sur
tenir
un
abstenus.
terrain neutre,
d Impressionniste prévalut sitions, se retirèrent-ils,
appliqué.
il
étaient
avaient
se
aussi lorsque le titre
et servit à
pour
entendu
désigner les expo-
ne leur
qu'il
fût
pas
demeurés attachés à une coloration
moins audacieuse que
celle des Impressionnistes
était tout naturel qu'ils
voulussent rester distincts
grise, et
Ils
Ils
de ceux dont
ils
différaient.
Nous avons maintenant
à mentionner les adhérents,
qui se sont joints aux premiers Impressionnistes et
Nous
sont venus successivement exposer avec eux.
rencontrons
là
des artistes originaux, qui se sont, dans
une mesure quelconque, appropriés
gamme
les
procédés
et la
un emploi personnel. Ils nous donnent le spectacle du développement graduel, que peut prendre une donnée d'art.
En où
les ils
de l'impressionnisme pour en
faire
rangeant chronologiquement, d'après
les
années
ont pris part aux expositions, nous avons d'abord
Gaillebotte, qui expose dès 1876. là ses
Il
montre cette année-
Raboteurs de parquets^ peints,
il
est vrai,
une gamme de couleur un peu assoupie, mais cira sa
palette,
surtout sous l'influence de
il
dans
éclair-
Claude
Monet. Puis M"^ Marie Cassatt qui prend part aux expositions de 1879, 1880, 1881, 1886. Elle ne peut
32
00
3
CQ
o c
w -a
O oi
< t/3
être appelée Impressionniste
que par son
coloris, qui
devient de plus en plus éclatant et lumineux. Autre-
ment
a subi au début l'influence de Degas.
elle
Son
dessin est expressif, son art plein de sentiment. Elle a
particulièrement montré ses qualités de dessinateur
dans une œuvre gravée, vient,
1882
les expositions
avec et
très originale.
1886.
Gauguin
sur-
des années 1880, 1881,
se rapproche d'abord de Pissarro et
Il
de Cézanne. Ce n'est que plus tard, à
Taïti, qu'il pro-
duira des œuvres d'une palette très originale. Seurat et Signac, à l'exposition de 1886, entrent dans une voie
propre, où nistes. Ils
ils
se
donnent
inaugurent
la
le
nom
division
de Néo-Impression-
du
coloris,
poussée à
son extrême limite, jusqu'à l'emploi des couleurs primaires, appliquées à
l'état
touches, ce qui leur a
pur, par points et minuscules
fait
donner aussi
le
nom
de
« Pointillistes ».
Les expositions des Impressionnistes s'arrêtent à l'année 1886.
A ce
moment,
le
manifestation d'art nouvelle, a ble.
fait
son
effort
d'ensem-
Ses membres, qui ont pleinement développé leur
originalité,
peuvent exister à
sionnistes désormais vont
ment
Mais en
même
temps
qu'ils finiront
l'état
séparé. Les Impres-
donc continuer individuelle-
à se pousser dans le
combat, chacun à part
et
groupe, apportant une
soi,
monde
et à
poursuivre
jusqu'au succès
le
définitif.
qu'ils réussiront à être appréciés
par se faire reconnaître pour des
maîtres, leur influence s'exercera de toutes parts et
l'impressionnisme gagnera autour d'eux et au loin.
Indépendamment des avons vu se
rallier à
artistes
originaux,
que nous
eux pour participer à leurs expo-
33
Néo-Impressionnistes développant une
sitions et des
on verra une foule d
théorie propre des couleurs, tistes
adopter, dans des mesures diverses, leur coloris
comme
clair et l'utiliser
On
ture.
ar-
partie intégrante de leur fac-
va voir aussi survenir, alors que
les
procédés
de Timpressionnisme auront atteint leur complet déve-
loppement, des
hommes
qui adopteront la formule et
du premier coup, à
se mettront à peindre d'après elle
de disciples.
l'état
Ç^-v^ "^
L'impressionnisme a
difiTuse et
de
fini
variée, qui a pénétré de toutes façons l'art
la peinture.
Mais aussi
d Impressionnisme
et
On
précis.
par devenir ainsi une chose
les
noms
d'Impressionnistes
ont -ils perdu leur
peut dire qu'on
les
caractère
étend maintenant à
tous les artistes et à toutes les œuvres, qui laissent
rendu primesautier de
voir le clair,
la
nature par un coloris
débarrassé des ombres conventionnelles.
ces circonstances sont à présent tenus
sionnistes
mot ne l'ont
des peintres, qui ont vécu
fût trouvé, d'autres
qu'on
pour Impresavant que
le
qui, lorsqu'il est apparu,
repoussé ou l'eussent repoussé,
se douter
Dans
le leur appliquerait.
s'ils
Enfin
eussent pu le
nom
est
donné à des vivants de tendances, de procédés, de physionomie fort divers, qui l'acceptent volontiers, depuis qu'il a définitivement pris une signification favorable et entraîne l'idée d'une technique rénovée et de
sensations personnelles.
Faisant
ici
de
l'histoire et
devons réserver au début aux
artistes,
Aux hommes 34
le
voulant être précis, nous
nom
d'Impressionnistes
qui l'ont d'abord suggéré et
fait naître.
qui, sous l'influence immédiate de
Manet,
ont adopté de 1865 à 18701a technique des tons
clairs,
débarrassés des ombres traditionnelles, puis qui, Tayant
appliquée à
devant pales,
la
peinture en
la nature, se sont, à
en 1874
et
plein air, directement
deux expositions princi-
en 1877, révélés avec
œuvres d'un caractère neuf
éclat,
par des
et original.
35
PISSARRO Camille Pissarro naquit
le
10
1830 à Saint-
juillet
Thomas, aux Antilles, de parents français Israélites. Envoyé jeune en France, pour faire son éducation, il fut mis chez M. Savary, qui tenait une pension à Passy, et qui lui donna ses premières leçons de dessin. Lorsqu'il fut rappelé à Saint-Thomas par son père, en
1847, ses goûts artistiques s'étaient tout à
loppés
et
il
une pratique
était arrivé à
dessin pour pouvoir la continuer,
même. Son
entre le jeune
homme,
tiques, et le père qui veut
Le jeune
suffisante
abandonné à
commença
du lui-
l'habituel con-
pénétré de penchants
artis-
Ten détourner.
Pissarro, tout en vaquant aux occupations le
temps de se
au dessin. Son maître de pension,
à Paris, lui
auxquelles son père l'astreignait, trouva livrer
déve-
père, négociant, le destinait à prendre la
suite de ses affaires. Alors flit
fait
avait dit au départ
:
«
Surtout n'oubliez pas de dessiner
des cocotiers d'après nature.
»
Il
dessinait
donc des
cocotiers d'après nature et les objets qui, autour de lui,
frappaient ses regards.
En 1852 un
peintre danois,
Fritz Melbeye, qui passait à Saint-Thomas, intéressé
par ses goûts artistiques, l'emmena à Caracas, où
il
37
put dessiner tout à son à
même
aise.
En
1853, devenu majeur,
d'adopter la carrière de son choix,
en France pour se consacrer entièrement à personnelles avec
compte des
tenir
l'art.
lui.
dates.
On Il
doit toujours
en
histoire
ne faut donc point se repré-
Corot, en 1855-1860, autrement que
senter
qui,
artiste
n'était et
revint
se sentit porté vers Corot et entra en relations
Il
un
il
peignant d'une
comme
manière originale,
encore apprécié que d'une minorité de peintres
de connaisseurs. Pissarro, en le recherchant,
voir tout d'abord sa sûreté de
d'innovation.
Il
Saint-Thomas à
s'était
jugement
son besoin
et
déjà adonné dans son
travailler
en plein
laissait
île
de
Les conseils de
air.
Corot, qui recommandait surtout de se tenir devant la
nature, ne pouvaient que le confirmer dans cette
pratique.
Il
ne devint donc jamais
de ces maîtres, qui tiennent des
l'élève régulier
ateliers
d'un
en renom.
Il
fréquenta seulement de ces académies, où l'on peut dessiner et peindre d'après le modèle vivant et
consacre à la peinture de paysage.
il
se
réside dans les
Il
environs de Paris, en 1859 à Montmorency, en 1863 à la Varenne-Saint-Hilaire, en 1867 à l'Hermitage, à
Pontoise.
Il
envoie pour la première
fois
au Salon
en 1859 un paysage, peint à Montmorency, qui reçu.
Il
est refusé
aux Salons de 1861
et
de 1863.
est Il
expose ses paysages au Salon des Refusés en 1863. Ses paysages sont ensuite reçus aux Salons de 1864, 1865, 1866. Il
dans
une gamme un peu sombre, manière qui prévalait parmi les peintres
peignait alors dans la
influencés par Courbet et Corot.
38
Ses
paysages de
PISSARRO.
—
Son Portrait par lui-même (1903).
cette
première époque sont particulièrement fermes,
par plans simplifiés, dans une gris
sobres.
valeurs
s'j'
Mais
gamme
de verts
de
et
sensation du plein air et des
la
trouve déjà et les oppositions tradition-
nelles de parties tenues dans l'ombre et d'autres éclai-
rées artificiellement ne s'y trouvent point.
A
ce
moment Manet
survint.
Il
repoussait la pra-
tique généralement suivie des oppositions constantes
d'ombres
et
de
et juxtaposer,
pour peindre en pleine lumière
clairs,
sans transition,
les
couleurs les plus
tranchées, ce que personne n'avait encore réellement fait.
Pissarro fut tout de suite attiré par cette technique.
connaissance personnelle de Manet en 1866
Il fit la
lorsque
le café
Guerbois
fut
devenu un centre, où
et
les
révoltés contre l'art officiel et les audacieux en quête
de renouveau prirent
Manet,
il
le
1
habitude de se rencontrer avec
fréquenta d'une manière suivie.
d'amitié avec Claude
Monet
devaient être appelés les là
un des tenants de
livrait
la
depuis des années
qui
et les autres artistes,
Impressionnistes.
peinture en plein et
Il s'}^ lia
maintenant
il
Il
air.
la
était Il
s'y
préconi-
en y appliquant la technique des tons clairs, adoptée par lui et ses amis comme une heureuse innosait,
vation.
Pissarro après s'être marié vint habiter en 1868, à
Louveciennes. une maison située sur
la
grande route
de Versailles à Saint-Germain, tout près des arcades de Taqueduc de Marly. guerre
et les trois
été profitables.
Il
Il
devait y rester jusqu'à la
années 1868, 1869
et
1870
lui
ont
peint d'une manière de plus en plus
claire. S'il était possible
de ranger chronologiquement
39
les
paysages exécutés à cette époque, on y verrait
progression vers la clarté et
on pourrait Il
dire,
en
n'avait
qu'alors.
lumière s'accomplir,
la
jour par jour. point vendu de tableaux jus-
réalité
Sa mère
lui faisait,
depuis son retour en
France, une petite pension qui vivre mais qui cesse à ce
pour
commence
lui, il
Celles
permis de
lui avait
moment
où, heureusement
à pouvoir vendre de ses toiles.
peignait à Louveciennes lui étaient en
qu'il
partie achetées par
père Martin. C'était l'état
la
un marchand qu'on appelait le un brave homme, qui avait exercé
de maçon avant de se mettre à vendre des
tableaux.
était
Il
connaisseur d instinct.
Il
un
avait,
des premiers, tenu des tableaux de Corot et de Jongkind, maintenant que ces deux peintres étaient acceptés et
que leurs œuvres atteignaient un certain
recherchant de nouveaux venus,
était entre autres
il
allé à Pissarro. Il lui payait ses petites toiles Il s'efforçait
de
les
prix,
vendre 80 francs. Quand
40 il
francs.
ne pou-
y parvenir, il se rabattait sur le prix de 60 francs, satisfait d'un bénéfice de 20 francs. Les petites toiles vait
de cette époque ont aujourd'hui pris place dans meilleures
collections.
appréciées
de Pissarro.
grande route,
Elles
sont
parmi
les
les
plus
Ce sont des vues de la près de laquelle il habitait, ou la repro-
duction des motifs
champêtres qui
s'offraient
aux
alentours.
Pissarro se livrait paisiblement à son art, lorsqu'il fut surpris
par
la guerre,
en 1870. Sa maison, dans
rayon de l'investissement de Paris,
allait être
avec toutes celles du voisinage par
40
le
occupée
les soldats alle-
mands.
Il
dut l'abandonner précipitamment, y laissant
nombreuses
les
Ce
gnait autour de Paris. toiles
accumulées depuis
toiles,
furent perdues.
brûlées, car
on n'en
pour
fut
lui
un
qu'il pei-
désastre. Ses
ont probablement
Elles
été
a point retrouvé de traces. C'est
ce qui explique que ses
œuvres de début,
peignit avant 1868, soient
celles qu'il
rares aujourd'hui.
si
Pissarro, chassé de Louveciennes par l'invasion alle-
mande,
se réfugia d'abord
puis à Londres, où
Commune.
dans la Mayenne chez Piette,
séjourna pendant
il
guerre et
la
la
y peignit des vues dans les environs, en particulier à Norwood, près du Palais de Cristal.
Lorsque
la
pris fin,
il
où
il
A
Il
guerre étrangère
guerre civile eurent
rentra en France pour s'établir à Pontoise,
demeura dix cette
et la
ans, de 1872 à 1882.
époque Cézanne
vint résider à Anvers,
où
Ponun trio
se trouvait déjà Vignon. Pissarro tout auprès, à toise,
allait les
retrouver.
travaillant ensemble, causant
de leur
se
art,
commu-
Cézanne n'avait encore guère
niquant leurs idées. peint de
formèrent ainsi
Ils
tableaux qu'à Tatelier. Ce fut à Anvers, à
côté de Pissarro et de Vignon, qui eux travaillaient
depuis longtemps en plein
qu'il se mit,
air,
avec
la
ténacité qui lui appartenait, à peindre des paysages
directement
devant
la
nature.
moment
qu'il trouva
Il s était
avancé dans une voie
Ce
fut
son coloris tout à
aussi
fait
à
ce
personnel.
qu'il n'avait pas
encore
parcourue, à l'exemple de ses deux amis, mais lors-
gamme
de tons, harmonieuse
dans ce qu'on pourrait appeler
la violence, les autres
qu'il eut
développé sa
surent en profiter.
A
cette
époque Pissarro peint des 41
i paysages où entre, pour une part, un coloris éclatant,
À
suggéré par celui de Cézanne.
En
faisant l'histoire des Impressionnistes,
on a sans
cesse à noter l'influence qu'ils ont exercée les uns sur
emprunts
les autres et les
lement. Unis
qu'ils se sont faits
engagés dans une
et
Quand nous
développaient côte à côte.
uns sur
l'influence exercée par les rait
donc
être question
même
mutuel-
voie,
ils
se
parlons
ici
de
les autres,
il
ne sau-
de cette sorte d'imitation à
laquelle se livrent ces gens qui, lorsqu'un procédé est
complet,
le
prennent tout d'une pièce, pour
quer servilement. Avec d'artistes,
qui apportent au jour
vention au fond
que
les Impressionnistes,
les autres
commun
et
le
l'appliil
s'agit
jour leur part d'in-
où chacun
profite de ce
ont pu trouver, mais l'adapte, en
le
modifiant selon son tempérament. Pissarro avait encore mis des paysages aux Salons
de 1868, 1869 et 1870. ÉtabU à Pontoise,
il
cesse d'ex-
poser aux Salons, pour prendre part activement aux discussions et aux démarches des artistes ses amis,
qui doivent ticulières. le
amener l'étabhssement d'expositions par-
Lorsqu'une première exposition eut
lieu sur
boulevard des Capucines, chez Nadar, en 1874,
il
y mit cinq paysages. Il participe, par l'envoi d'œuvres caractéristiques, aux expositions qui suivent en 1876, chez M. Durand-Ruel, en 1877, rue Le Peletier.
11
a
aidé ainsi de la manière la plus active à la manifestation d'art,
connue sous
Après avoir été un des
le
nom
initiateurs,
d'impressionnisme. il
devait continuer
à rester sur la brèche, en envoyant de ses œuvres à toutes les expositions, jusqu'à la dernière en 1886.
42
Il
i
PISSARRO.
— Paysanne
assise
(Muçéç du Louvre
-
Coll. de
Camondo).
a donc
grandement contribué par son
physionomie qu'elles ont présentée.
assiduité à la
Or comme
n'est pas la faveur qu'elles recueillirent d'abord,
une sorte d'horreur générale de son œuvre
ce
mais
qu'elles excitèrent, la
vue
pour une bonne part dans
est entrée
le
sentiment de répulsion éprouvé. Les Impressionnistes
saient
commun
en
avaient
monstrueux
traits, qui,
et
certains
procédés
qui parais-
en plus chacun possédait de ces
considérés isolément, ne faisaient qu'ajou-
ter à la répulsion
que
vue du groupe en son entier
la
avait d'abord fait naître. Cela était particulièrement
une physionomie mar-
vrai de Pissarro, qui gardait
quée au milieu des autres.
Pour
le
son
définir par
peut dire qu'il a été
le
caractéristique,
trait
on
peintre de la nature agreste et
aucunement recherché dans
de
la vie rustique. Il n'a
la
nature les motifs rares,
il
n'a point cru
que
le
peintre dût se mettre en quête d'horizons exception-
qui lui sont allés directement au cœur,
nels.
Les
où
a découvert
rait
il
sites
appeler familiers
fruitiers, les
les
du charme, ont les
:
été ceux
qu'on pour-
coteaux plantés d'arbres
champs labourés ou couverts de moissons,
pâturages dans la prairie, les villages avec leurs
vieilles
maisons
et les
jardins potagers qui les environ-
Ce côté rustique de qu'avaient pu le faire aux nent.
la
nature
lui a parlé,
autant
autres ces motifs exception-
nels qu'ils avaient recherchés, en s'appliquant encore s'en est tenu au
à les arranger et à les embellir;
il
rendu
avant
fidèle
des
aspects
communs, comme négligés. Ils
ne
lui
tels
jugés
lui
les plus
déclarés méprisables et alors
ont paru nullement méprisables
43
et
a cru qu'on pouvait en obtenir des images artis-
il
tiques.
Aussi ses œuvres, à leur apparition, se sont-elles trouvées heurter les règles de goût conventionnelles, à l'époque admises
Les formes ordi-
respectées.
et
naires de la nature, l'apparence de la terre rustique
encore jamais été aussi systématiquement
n'avaient
reproduites. Les spectateurs se croyaient mis en pré-
sence de sujets tout à
vulgaires.
fait
à leurs
L'art,
yeux, devait s'élever dans des régions plus hautes,
planer au-dessus delà vie les
yeux sur
familier,
que
le
dans
la
commune
campagne, pour
faisait Teffet
jugement
la voir
tenant
sous son aspect
d'un rustre. Mais aujourd'hui
s'est rectifié,
nature n'était bas
la
et Pissarro,
qu'on a compris que rien
vulgaire en soi,
et
on
cette rusticité, qui l'avait d'abord fait mépriser.
a loué
On
lui
a su gré de cette probité, qui s'appliquait à rendre la
nature en dehors des données conventionnelles.
a aimé la façon dont
campagne,
la
exprimait
il
paix des villages,
Les champs,
rendus par
avaient une âme,
ils
lui
la
la solitude
senteur de
On
de
la
la terre.
dans leur simplicité,
dégageaient
un charme péné-
trant. Il
vint résider en
rOise.
avait
Il
ques qui
il
Eragny-Bazincourt dans
de préférence,
et
toiles les plus sincères.
il
Il
y lui
y acheta y demeura ainsi des années, peignant
des paysages agrestes et
tenu jusqu'à
devait
Le pays
voulut s'y fixer définitivement,
une maison.
44
à
sous les yeux, ces campagnes rusti-
l'attiraient
peindre de ses plaisait,
là,
1882
la fin
il
se fût
il
probablement main-
dans cette voie, lorsqu'une légère
infirmité
amenée par Tâge
sans attaquer
l'atteignit.
Une
affection de
vue,
lui
rendit impossible de
continuer à peindre en plein
air.
L'œil ne pouvait plus
l'œil,
supporter Il
les
la
intempéries des saisons.
avait alors soixante-six ans,
perdu de son ardeur qui,
mais
il
n'avait rien
de ses facultés. Le voilà donc
et
empêché de poursuivre plus longtemps
la
pein-
ture aux champs, pratiquée toute sa vie, va s'engager
dans une voie nouvelle, a trouvé le
Il
à travailler avec
exécutera des vues urbaines, à
il
la sorte, à
chargeant
et
ville. Il
son
ne se tiendra plus maintenant en plein
fenêtres de maisons.
de
viendra peindre en
moyen de continuer
œil souffrant. air,
il
Il
Rouen,
1
intérieur, des
commence, en 1896,
à
les quais, les ponts, les
déchargeant
les
peindre navires
marchandises. Puis
il
peint à Paris, l'avenue de l'Opéra, d une fenêtre de
du Louvre et le Jardin des Tuileries, d une fenêtre d une maison de la rue de Rivoli. Il a loué un l'Hôtel
appartement dans une maison de de
la
place Dauphine, la maison
avait habité. Elle a Il
vue sur
le
la Cité,
môme
au numéro 28
où
Pont-Neuf
M"^**
Roland
et la Seine.
peint, des fenêtres, le pont, les quais et le palais
Louvre.
peindra en dernier
Il
les ports
de Dieppe
du et
du Havre. Ces vues urbaines constituent une part imprévue, ajoutée à sa production. Elles sont peintes
dans une gamme, qui montre tirer
le profit qu'il avait
des procédés successivement apparus, où
pensé
qu'il
il
su
avait
y avait à puiser. Son gris fondamental est
toujours de ce caractère sobre, qui est talent,
mais l'enveloppe
chaude
et
laisse
voir
le
propre de son
une coloration
une lumière intense. 45
Pissarro
en pleine puissance de
était
travail
et, ^
malgré
soixante-quatorzième année qui approchait,
la
ne pensait nullement à s'arrêter lorsque
mort Ta
la
du boulevard Morland. Il allait pouvoir y exécuter une nouvelle série de vues à Paris, lorsqu'il fut pris par un refroi-
t
Il
succomba
4
Pissarro était de caractère bienveillant et
d'humeur
surpris.
Il
venait de s'installer au n° 1
dissement, suivi de complications internes. le
12 novembre 1903.
La
paisible.
un grand fonds
vie avait développé en lui
de philosophie.
Il
années de misère
supporté avec sérénité
les
de déboires, qui suivirent
les
avait et
débuts de l'impressionnisme. Lorsque
venu, qu'il eut obtenu l'aisance,
changer à ses habitudes,
et sans
ces honneurs, décorations
yeux de
la
et
une
comme peintre,
succès fut
en jouit sans rien
rechercher aucun de
ou récompenses
qui,
aux
plupart des artistes, paraissent des choses
précieuses à recueillir. fils
il
le
fille.
Le
fils
Il
a laissé cinq enfants
signe ses
;
le
quatre
un nom
aîné, Lucien, s'est fait
peintre et graveur sur bois
:
second,
comme
œuvres du pseudonyme de Man-
zana.
Pissarro, le peintre de la
aux champs fait
hommes
qui y vivent et y peinent. Il a entrer dans ses tableaux les paysans, vaquant à les
leurs occupations. l'huile,
que
46
nature agreste, a su voir
il
Indépendamment de
a produit de
ses tableaux,
ses tableaux à
nombreuses gouaches
et tandis
consacrés surtout aux paysages et
aux vues de
la nature,
ne donnent qu'accessoirement
des êtres humains, ses gouaches présentent presque
exclusivement des figures
Pour bien connaître des campagnes,
et
des gi'oupes rustiques.
Pissarro,
comme peintre du peuple
donc Tétudier dans
faut
il
ses goua-
ches.
Lorsqu'au début
avait
il
commencé
à peindre des
paysans, on avait crié au pastiche de Millet.
époque Millet leur
A
cette
guère compris, ses œuvres, par
n'était
caractère naturaliste,
étaient
très
attaquées et
Pissarro, venant peindre après lui des paysans pris sur
de ce seul
le vif, paraissait
fait
le
suivre servilement.
Mais maintenant que de loin on peut juger
on
artistes,
demande,
se
alors
même
les
que Pissarro
débutant n avait pas encore développé sa pleine nalité,
comment on
ment on
a jamais
deux
a pu Taccuser d'imitation,
origi-
com-
pu trouver une similitude entre
ses
créations et celles de son devancier. Millet, apparu à
une époque où
les
formes classique
occupaient presque entièrement soulève une vive opposition.
de plus près qu'on ne
pour
qu'il fût
romantique
champ de
l'art,
avait serré la nature
le faisait alors et cela suffisait
méconnu. Mais Pissarro
par rapport à Millet, fait,
Il
le
et
comme
par rapport aux classiques
s'est
comporté,
celui-ci avait
lui-même
et
aux romantiques.
Il
a dévié, plus que Millet, des procédés conventionnels et ce
que Millet avait encore gardé de l'ancienne
dition,
Ce
il
l'a, lui,
n'est pas
tra-
rejeté.
pour rabaisser l'un au
que nous établissons
cette
festation d'art sincère,
profit
de l'autre,
comparaison. Toute mani-
venue à son heure, a sa raison 47
que soient
d'être et garde sa valeur, quelles
les
formes
qui peuvent lui succéder. Si nous voulons marquer les différences entre l'art de Millet et celui de Pissarro,
entre les êtres rustiques duits, c'est
pour bien
qu
ils
ont tous les deux repro-
établir le caractère
de chacun
et
constater révolution accomplie en art, au xix* siècle,
pour se rapprocher de plus en plus de
la nature. Millet,
qui a d'abord peint des nus, qui a conservé l'habitude
de son époque de peindre
la
forme humaine en
don-
lui
nant une ossature sculpturale, confère à ses paysans
une sorte de grandeur des poses choisies,
d'attitude,
tai'd
représente dans
devait ignorer. Pis-
en particulier, qui dès son début avait
ateliers parisiens, qui s'était tout
devant
ler
les
des occupations idéalisées, que
l'impressionnisme venu plus sarro,
il
la
fui les
de suite mis à travail-
nature, a rendu les êtres sous ses yeux,
avec une simplicité de procédés, une vérité d'observation dépassant tout ce qui s'était fait avant
Ses
lui.
paysans se présentent donc sans cette part de grandeur superposée que Millet, pénétré pour une part de
es-
de son temps, n'avait pu manquer de rechercher.
prit
Pissarro a très bien su définir art
1
de celui de Millet.
a Ils
me jettent tous
biblique
!
Il
le trait
qui séparait son
m'écrivait, en
mars 1881
:
Millet à la tête. Mais Millet était
Pour un hébreu,
il
me semble l'être peu.
C'est
curieux. »
Les paysans de Pissarro sont de
vivais
ne sont venus d'aucune idée préconçue. ni élevés, ni abaissés. Ils apparaissent
tudes campagnardes, avec les les
48
paysans. Ils
Ils
n'ont été
dans leurs
mouvements de
atti-
corps,
expressions de visage, les gestes que leur vie pénible
1
leur a fait prendre. Ils sont saisis dans toute la variété
de leurs occupations.
de leurs travaux
et
avec un charme
naïf, l'image sincère
*
présentent,
Ils
de la vie rustique.
*
Les Impressionnistes, qui ont été essentiellement des peintres, ne se sont guère adonnés à
la
gravure.
Seul Pissarro a produit une œuvre gravée considérable.
Lucien Pissarro a dressé un catalogue des eaux-fortes de son père, où 104 pièces sont décrites. Pissarro essayé de bonne heure à Teau-forte.
On
s'est
a de lui
Une
rue à Montmartre en 1865, deux autres pièces en 1865, trois
paysages à Pontoise en 1873-1874,
le portrait
de
Cézanne en 1874, deux pièces en 1878. Cependant ces premières productions, survenues à de longs intervalles, n'étaient guère encore, sauf le portrait de Cézanne,
que des
tentatives, elles n'avaient rien de très caracté-
ristique.
Lorsqu'en 1879 il commence à se
manière
la
que
livrer,
de
la
plus assidue, à l'étude des procédés divers
l'eau-forte peut connaître,
désormais ses œuvres
se multiplieront et recevront, d'une technique savante,
une ampleur de formes que ses premiers
essais n'avaient
pas connue. C'està linvitation de Degas que Pissarro devait faire le
pas décisif
comme
graveur. Degas avait conçu une
publication, qui prendi'ait le titre
alimentée par
les
Le jour
et
gravures d'artistes originaux.
la nuit, Il
avait
comme collaborateurs, Pissarro, Bracquemont, M^® Cassatt, Raffaelli. On se mit à l'œuvre ensemble,
recruté,
Degas, avec son esprit de recherche, nevoulut pas qu'on
49 4
pour
se contentât,
ordinaire de
la
gravures à exécuter, du travail
les
pointe.
Il s
était
engagé personnellement
dans lessai de procédés plus subtils devant donner des
effets
collaborateurs dans
la
nouveaux,
même
contribution au Jour
tenant désignée, dans
Paysage sous
le
plus compliqués, et
il
entraîna ses
voie. Pissarro, après des
recherches soutenues, produisit
comme
et
la
et la
pièce qu'il destinait Elle est main-
nuit
catalogue de ses œuvres
bois à l'Ermitage, près Pontoise.
:
Impor-
tante par les dimensions, 25 centimètres sur 21, elle
donne un paysage vu à
travers des arbres, dont les
troncs et les branches couvrent, jusqu'en haut, le pre-
mier plan de Timage. G
est
n'entre qu'accessoirement
une sorte d'aquatinte, où de
le travail
la
pointe. Pis-
sarro avait bien répondu à l'appel de Degas, mais
ne devaitretirer aucun profit de son
numéro ou
fascicule
du Jour
il
Le premier montré à l'ex-
travail.
et la nuit^
position de 1880 des Impressionnistes, rue des Pyra-
mides, ne trouva pas d'acheteurs. Pissarro
et ses
cama-
rades, déçus dans leur espérance de succès, renoncè-
rent à leur publication, qui est
demeurée
ainsi
mort-
née.
Cependant Degas, avec son projet, avait fait entrer Pissarro dans une voie heureuse, qu'il allait maintenant suivre par goût.
Il
produira donc, à partir de 1899, de
nombreuses œuvres gravées. dilection
pour
la ville
Il
avait
de Rouen.
Il
une sorte de préy
est allé
peindre
y a trouvé ainsi de nombreux motifs à graver. Vingt-quatre de ses pièces donnent des vues de
souvent.
Il
Rouen. Les vieilles rues apparaissent dans leur vétusté, on y sent la solitude et l'abandon. Mais la partie princi-
50
1/)
o
c
O a:
< c/)
pale de son rustique.
œuvre gravée
On
montrée dans les
là,
encore consacrée à
la vie
a dans ses eaux-fortes les travailleurs des
champs, rendus avec sont
est
même
cette
sincérité qu'il a
ses tableaux à Thuile et ses gouaches. Ils
avec leurs corps déformés par
le travail,
dans
poses pénibles que nécessite Teffort prolongé, mais
donnant
la
sensation d'un honnête labeur et d une
bonne volonté. Les titres de quelques-unes des œuvres indiquent à quelle exactitâche accomplie de
tude d
effets
il
s'est astreint
Récolte de
:
Femme cueillant des choux, Femme dans un champ de haricots.
pommes
Gardeuse dotes,
terre,
Deux grandes planches sont à signaler, par leur sance et leur mouvement de foule Le marché :
volaille,
puis-
de la
Le marché aux légumes à Pontoise, exécutées
en 1891. Pissarro a êtres
de
que
est plein
les
paysans
de vie
et
su, à l'occasion, ;
le
Portrait de Cézanne, en 1874,
montre bien l'homme
replié sur lui-même. Pissarro a de
propre portrait,
il
rendre d autres
même
solitaire et
gravé son
n'a point pensé à s'embellir,
représenté, avec ses lunettes et sa grande barbe,
il
s'est
comme
un
vieillard plein de jours, plus vieux d'apparence qu'il
ne
l'était Il s'est
réellement. aussi
adonné à
la lithographie. Il a
dû
faire
quelques essais d'assez bonne heure, vers 1874, mais ce n'est que tard, en 1896,
ment. pièces
qu
il
s'y
applique sérieuse-
moment, les quarante environ, qui forment son œuvre lithographique. Il
produit, à partir de ce
On
y trouve des sujets analogues à ceux de ses eauxfortes, des vues de Rouen, de Paris et des motifs rustiques.
51
Pissarro a montré, dans la lithographie, cette recher-
che de procédés,
moyens dont
il
qu'il
a laissé voir dans
s'est servi.
Ses images lithographiques
ont été obtenues, soit par des dessins sur
la pierre
ou plaque de
les autres
faits
directement
zinc, soit par des dessins sur
papier reportés sur pierre.
Il s'est
aussi servi
sur la pierre, pour une série de baigneuses.
Il
du
lavis
a encore
dessiné directement sur bois des sujets pris aux tra-
vaux des champs. Son
fils,
Lucien,
les a gi^avés,
dune
façon très personnelle, en sachant leur conserver leur
saveur rustique.
52
CLAUDE MONET Claude Oscar Monet
est
né à Paris,
le
14 no-
vembre 1840. Son père était négociant au Havre. Il passa donc sa jeunesse au Havre et y sentit naître sa vocation artistique. Le premier peintre qu'il connut, qui lui donna des conseils, qui lui servit de guide, fut
Boudin, son aîné de quinze ans. Boudin, natif de
Honfleur, trois
s'était
ans par
Monet
produit au Havre. Pensionné pendant
la ville,
il
avait après continué
avait, dès 1855,
d'amitié,
noué avec
lui
ày résider.
des relations
qui se continuèrent au cours des années.
Boudin
et à
une expo-
sition, à
participe,
il
Rouen, en 1856, à laquelle Boudin expose lui-même, pour la première fois de
sa vie,
Monet
a peint d'abord à côté de
paysage peint dans
la vallée
un
de Rouelles, près de Monti-
villiers.
Les goûts aiiistiques de Monet cord avec ses parents.
dans leurs
affaires et
subir la conscription,
Ils
le
mirent en désac-
désiraient l'avoir avec eux
lorsque Tâge vint, où il ils
lui fallut
se déclarèrent prêts à l'exonérer
du service militaire, en payant la somme voulue, comme la
chose se pratiquait à l'époque, mais seulement
renonçait à
la
peinture.
s'il
Le jeune homme, plutôt que 53
d'accepter cette condition, préféra faire son service militaire. Iljoignit
comme
donc un régiment en Algérie,
soldat et y resta près de
deux ans.
du climat,
souffrit
Il
sa santé altérée obligea ses parents à le faire exonérer. Ils
consentirent alors à ce qu'il s'adonnât tout entier à peinture, mais
la
ils
exigèrent, en
entrât dans l'atelier d'un peintre en
même
renom à
un apprentissage indispensable. Ce qu'il devint élève Il
affinité
fut ainsi,
en 1862,
de Gleyre.
académique,
détestait le travail
aucune
Paris pour
yeux étaient
faire ces études régulières, qui à leurs
y
temps, qu'il
avec Gleyre.
sans y rien prendre et
il
Il
traversa
ne se sentait
il
donc son
atelier
l'abandonna au bout d'un an
à peine de fréquentation. Ses préférences le portaient
vers la peinture de paysage. C'est alors qu'un événe-
ment pour
lui décisif se produisit.
En
1863,
vint à
il
connaître l'œuvre de Manet. Quatorze toiles de Manet
exposées sur
le
boulevard des
lui
mirent tout à coup sous
où
les
les
Italiens,
chez Martinet,
yeux une peinture
claire,
tons vifs et tranchés étaient juxtaposés, sans
l'emploi alors général d'ombres conventionnelles. fut séduit à
première vue par cette innovation hardie.
Jusqu'à ce jour
il
avait,
comme
les autres
cieux de son temps, peint dans une celle
de Courbet
comparés
Il
et
de Corot,
jeunes auda-
gamme
et ses
voisine de
premiers
essais,
à ce qu'il devait produire après la révélation
venue de l'œuvre de Manet, seraient aujourd'hui tenus pour noirs.
Monet s'approprie donc avec décision technique des tons
clairs,
de paysage. Cependant
5i
il
en l'adaptant à
la
nouvelle
la
peinture
ne peint pas d'abord
le
pay-
...^^SSÉL
Portrait de
CLAUDE MONET
par
RENOIR.
—
iSjS.
sage d'une manière exclusive, car
peint aussi, au
il
début, de grandes figures, en plein air ou dans l'atelier
fréquemment des figures dans ses paysages. On a ainsi de lui un grand tableau en 1866, Un déjeuner sur l herbe fort différent de celui de Manet et il introduit assez
,
exposé au Salon des Refusés en 1863, mais cependant
conçu en partie
comme une
un Déjeuner dans un
réminiscence.
On
a aussi
grandes
intérieur de 1868, de
figures près d'une table, sur laquelle des plats sont étalés. Toutefois ses
tableaux de figures
remar-
les plus
quables sont sans doute Camille, exposé au Salon de
1866*
et
La
éclatante.
Japonaise, vêtue d'une grande robe rouge
Après cela
prenant tout à
fait
ses préférences
l'ascendant,
il
pour
délaisse
paysage
le
complètement
la figure.
Maintenant que de loin on peut considérer son œuvre, on reconnaît combien
le
penchant qui
l'éloi-
gnait de la peinture de figure, pour l'entraîner vers le
paysage, devait être profond, car à
la
vue de ses
ta-
bleaux de début, où sont représentés des personnages,
on découvre que
humaine ont
les
visages
avec
leur
été véritablement négligés,
qu
expression ils
ne
l'ont
pas intéressé en eux-mêmes et qu'il pourra par consé-
quent renoncer à en peindre, sans que son rien d'essentiel.
Ce sont en
attirent et qui sont introduits
art y
perde
effet
les
vêtements qui
dans
les
tableaux, pour
y amener des combinaisons de coloris et des effets de lumière. Avec Camille et La Japonaise, de magnifi-
ques morceaux de peinture, (1)
une
le
costume, non
le visage,
Maintenant au Musée de Brème II existe au Musée Simu à Bucarest répétition de ce tableau, de dimensions réduites, faite par Monet.
55
joue
le
grand
Dans
rôle.
Camille^
raies
les
vertes
du jupon produisent la combinaison de coloséduisante et dans La Japonaise^ le rouge de la
noires
et ris
robe, avec les broderies en relief et les éventails multicolores piqués sur le fond, constitue le vrai motif
du
tableau.
Monet
donc délaissé
a
humaine, qui n'a soire
du début,
sive au paysage.
pour
été
et
la
reproduction de
qu'une pratique acces-
lui
se consacre d'une
il
a pris
Il
la figure
manière exclu-
pour règle de peindre ses
paysages directement, en plein
air.
Il les
exécutera,
quelles que soient leurs dimensions, en tenant tout le
temps
senter.
yeux
les
Chez
quence qui
scène naturelle à repré-
fixés sur la
cette pratique
lui
se produira
engendre une consé-
pour d'autres, mais qui se pro-
duira pour lui d'une manière plus décisive et avec des
marques plus l'amène à
saisissantes
saisir,
que pour tous
autres. Elle
dans chaque scène naturelle, l'aspect de lumière ou de coloris,
particulier, la notation fugitive
au moment où
met à la peindre. Un paysage de lui ne représente donc point une scène naturelle sous une face permanente, d'une sous lesquels
elle s'offre
manière existant à si
Ton peut
dire,
l'état fixe
de
;
la
il
se
charpente, l'ossature,
scène à rendre seront fixées,
la
sur la toile, revêtues d'un aspect fugitif et d'une
biance particulière,
saisis
au besoin au passage
et
am-
notés
dans leur existence éphémère.
Par exemple,
il
matin, au lever du
se
met à peindre un paysage
soleil,
ne peint un motif quel
dans
la
buée,
comme
qu'il soit, qu'autant qu'il
l'avoir sous les yeux, voulant fixer
56
et,
son
effet
de
le il
peut soleil
levant et de buée matinale,
ne pourra
il
son tableau qu'un temps limité l'abandonner lorsque et
que
la
dra qu'il
buée le
sera
se sera dissipée et,
reprenne lorsque
pour
n'existe pas avec
un
devra
Il
monté sur horizon 1
pour l'achever,
fau-
il
éphémère recherché
Une
scène naturelle n'a
d'aspect
lui
matin.
le
l'effet
de nouveau.
se présentera
donc pas
le soleil
travailler à
coloris
naturelle change d'aspect, en
un paysage
persistant,
permanent. Une scène
même
temps que varient
heures, les circonstances de
les saisons, les jours, les
température ou de lumière. Dans ces conditions, Monet
parvenu à rendre
est réellement
avaient échappé aux
aspects fugitifs, qui
ces
toile,
saisissables, sur la
anciens paysagistes travaillant dans
de
produisent en plein
communiquer que
ses
les sensations effets
de
est
donc arrivé
nuances de toute
soleil
toiles,
brouillard,
à dégager, des scènes vues, des
sorte,
de véritables impressions. Aussi
qu'un jour
naturellement, qu'à
mot Impression, étendu
une
a désigné
soleil,
et
art.
la
dans un
véritable initiateur de
et
vue de
cette
transformé, a été
Ce sont donc
son œuvre qui ont
d'Impressionniste
lui
il
sur la mer. Impression, soleil levant. Et
particularités de
avec
peut
réchauffent et que ses
trouvé juste pour désigner son
noms
On
qui en dérivent.
donnant l'image du
c'est tout aussi toile, le
parvenu à
le frisson.
est-ce tout naturellement,
de ses
comme
qu'il est
air,
de neige donnent
effets Il
a serré
Il
près les effets variés et les changements qui se
si
dire
atelier.
1
fait
naître les
d'impressionnisme.
l'impressionnisme.
les
En
l'impressionnisme a trouvé sa formule
est le
Il
lui la
et
plus
57
complète. Monet
où
d'abord engagé.
s'était
il
en plein
avancé sans dévier, dans
s'est
Il
mettant un coloris de plus en plus clairet
air,
délaissa Paris de
teuil.
Il
Seine
et
ses toiles.
bonne heure, pour habiter Argen-
y demeura plusieurs années, y peignant la ses bords et aussi les fleurs et les bosquets de
son jardin. Chassé d'Argenteuil par l'occupation
mande,
voie
a peint en tous lieux,
une lumière de plus en plus vive sur Il
la
du
lors
siège
de Paris,
il
alle-
cherche refuge en
moment il
y peint des vues sur les canaux. A ce avait connu les estampes d'Hiroshigué, pour
lesquelles
il
Hollande.
Il
l'influence
a toujours professé de l'admiration.
de
leur
éclairci sa palette.
ses tableaux,
coloris
On
vibrant,
il
Sous
avait encore
peut observer, dans certains de
surtout parmi ceux qu'il a produits en
Hollande, lemploi des tons vifs, juxtaposés dans toute leur franchise, ses.
comme marque
des pratiques japonai-
Plus tard, après ce premier séjour en Hollande,
il
y retournera pour peindre les tulipes en fleurs de Harlem. Il passe de Hollande en Angleterre, au com-
mencement de 1871. dans
les
après la genteuil, Il
parcs et sur
Commune, il
Il
exécute des vues à Londres,
Tamise. Revenu en France,
la
et réinstallé
recommence
à
dans sa maison d'Ar-
peindre
les
bords de la Seine.
peint aussi à Paris, en 1877 et 1878, les bosquets
parc
Monceau
motives Il
et la
et leurs
du
gare Saint-Lazare, avec ses loco-
panaches de vapeur.
avait passé sa jeunesse
au Havre,
il
s'était
d abord
misa peindre sur les côtes voisines et il devait y revenir fréquemment. Les vues du Havre, de Sainte-Adresse, de Honfleur. des falaises normandes ont donc été pro-
58
CLAUDE MONET.
â&#x20AC;&#x201D;
La Japonaise.
de nombreuses reprises.
diiites à
au Havre
travaille
il
retrouve Boudin et
En
dans
et
1864, 1806, 1867,
les
environs.
Il
y
aussi société avec Courbet, qui
fait
peignait à Trouville des marines et ce qu'il appelait
des
«
paysages de mer
».
Puis
il
est à Étretat.
échancrures
par leurs
prises
falaises
mêmes
revient sur les
En 1885
lieux en 1873, 1871, 1882.
Aux
il
a ajouté la mer,
et
leurs
sous ses aspects les
escarpements,
il
plus divers.
a véritablement été le peintre de Teau.
Il
Il
a fait entrer
et
de
dans ses tableaux Teau de
la
Manche
Seine et de
la
Tamise,
de
Méditerranée,
la
des canaux de Hollande Il
et
la
des bassins de son jardin.
ne devait jamais cesser d habiter aux bords de
Seine, de manière à être toujours près deTeau.
Il
la
quitte
Argenteuil, en 1878, pour descendre plus bas, à Vétheuil.
y peint
Il
comme
les
vues des environs de
la
Seine,
y peint aussi, dans rhiver particulièrement rigoureux de 1879-1880. les il
l'avait fait à Argenteuil. Il
glaces qui recouvrent le fleuve, et quelques-unes de ses
toiles les
débâcle qu
En
amène
1884,
^
saisissantes sont consacrées à la
plus
le dégel.
rhiver,
il
va une première
fois
passer
plusieurs mois sur la Méditerranée, à Bordighera. Par
un
effort
soutenu, alors qu'il n'avait encore connu que
Fatmosphère nébuleuse de
Manche,
En suites
rend excellemment
il
mer bleue
et les terres colorées
1886,
il
et
les
le ciel
transparent,
la la
du Midi.
y exécute une de ses plus puissantes, consacrée aux
est à Belle-Ile.
de tableaux
rochers noirs la
région de Paris et de
la
aux grandes
Il
falaises battues à pic
par
houle de l'Océan.
59
En 1886
quitte Vétheuil,
il
pour descendre encore
plus bas dans la vallée de la Seine.
d'une
s installe
Il
manière définitive à Giverny, près de Vernon, dans
une maison de
qu'il
ne quittera plus.
Epte, dont les prairies, couvertes de peupliers, se
1
confondent avec celles de
que
bords
est là sur les
Il
lui offriront les
la
Seine.
Il
peindra
alentours de Giverny,
précédemment peints ceux que
avait
les sites
comme
il
avaient pré-
lui
senté Argenteuil et Vétheuil. Il
retourne sur
rhiver de 1888.
Il
les
bords de
Méditerranée dans
la
s'établit cette fois à
à l'expérience acquise à Bordighera,
il
Antibes. Grâce
peint des paysages
transparents et inondés de lumière.
En
1889,
1895
il
alors
que
fait
il
va peindre à Vervit, dans
un voyage en Norvège,
la terre était
la
En
Creuse.
à la fin de l'hiver,
encore couverte de neige.
Il
en
rapporte des tableaux exécutés dans les environs de Christiania.
Monet, continuant à développer son faire entrer
originalité,
va
son art dans une phase nouvelle. Pen-
dant longtemps
il
avait,
comme
les paysagistes ses
devanciers, variédanschaque tableau le sujet.
Chacune
de ses
d'un
toiles avait été le portrait particulier
spécial.
devant
Mais par degrés, puisqu'il peignait chaque la
fugitifs, il
même la
en
motif,
était
venu à reprendre plusieurs
sans changer de place fois
un tableau
60
et
fois le
en exécutant
différent.
Le fond
scène vue, les contours du paysage représenté
n'étaient plus qu'une sorte d'ossature, les
fois,
nature des impressions diverses, des aspects
cependant chaque de
site
impressions
et aspects variés,
pour supporter
temps
gris
ou
soleil
du matin, de midi, du naient en eux-mêmes comme le motif ardent, effets
bleau.
Il
soir,
véritable
va maintenant étendre et généraliser
même
tique de peindre plusieurs fois le
variant seulement les aspects passagers. le
qui deve-
sujet,
du
la
ta-
pra-
en en
trouvera
là
terme logique de ses procédés d'Impressionniste.
Il
Il
portera son art à son plein épanouissement, en repro-
duisant
quinze
les
motifs choisis, par séries de dix, douze ou
toiles.
Monet
a
commencé
1891, avec les Meules.
en plein champ fois,
et
sans modifier
à peindre ses séries en 1890Il s'est
placé devant les meules
les a peintes
il
les lignes
un grand nombre de
de fond du sujet,
et
en
un tableau différent. En effet, il appliquait sur chaque tableau une des variétés de coloris, une des modifications d'aspect, que font naître les changements de atmosphère et les obtenant cependant chaque
fois
1
ou d heures. Les meules ne sont par elles-mêmes un motif ayant toute sa
différences de saisons
plus ainsi
valeur, elles ne le deviennent, que lorsqu elles ontété
revêtues d un des aspects passagers, que les change-
ments
La
extérieurs,
série a
reçu
particulariser
le
qu
elles subissent, leur font
nom
de Meules, mais
chaque tableau,
si
on
à laide d'un
prendre.
avait voulu
nom
signi-
on eût dû dire Meules le matin. Meules le soir, Meules par temps gris. Meules en plein soleil, Meules
ficatif,
sous
:
la neige, etc., etc.
La façade de la cathédrale de Rouen avec ses tours a fourni à Monet sa seconde série. Installé à une fenêtre d'une maison devant
temps à
la
peindre.
la cathédrale,
Comme
les
il
est resté long-
meules,
elle lui a offert
61
un thème, qui lui a permis de reproduire les aspects multiples que peut prendre un même motif, vu dans des conditions différentes. Elle
loppée de
au
ardent,
soleil
Pour
a su rendre dans toute leur variété.
peindre dans
Monet
conditions,
ces
simultanément à plusieurs l'autre, les quitter et les
les variations
La première
doit travailler
passer de
toiles,
1
reprendre, selon que
une à
les effets
ou réapparaissent,
particuliers à saisir s'évanouissent
avec
au
allant des gris assoupis
reflets, il
apparue enve-
lui est
de l'atmosphère.
réflexion, qui vint à l'esprit
en présence
d'une série complète Les Meules ou La Cathédrale, fut
que Monet
comme même sujet
avait
tant ainsi le les
deux ou
mant
trois
il
et
premiers
les difficultés.
séries,
simplifié sa besogne en répé-
qu
devait arriver, après
il
essais, à
On a donc
peindre en suppri-
cru qu'en exécutant ses
avait voulu faciliter sa tâche, obtenir le plus
de tableaux possible avec
le
moins d
Or
efforts.
c'est
le
contraire qui est vrai. Depuis qu'il a peint par sénés,
il
a en réalité moins produit de toiles qu'auparavant.
Il s'est
fois
trouvé que rendre des scènes différentes, une
pour toutes,
était
chose plus
des répétitions nombreuses de
la
facile
que d'exécuter
même
scène, présen-
pour
tant des formes diverses. Saisir au passage,
préciser sur
la
toile, les variations
scène peut prendre,
constitue
d'aspect
les
qu'une
une opération d une
grande délicatesse, demandant une vision exceptionnelle et des qualités, spéciales. ainsi se livrer à
62
faut
pour peindre
de véritables abstractions.
venir à dégager du fond le faire
Il
immuable
d'une façon subite, car
le
Il
faut par-
motif
fugitif et
les effets différents à
u
o c o
^»
saisir
peuvent, dans leur apparition éphémère, enjamber
uns sur
les
les
autres
et,
si
1
œil ne les arrête au
passage, en venir à se confondre. J'ai entendu dire à
Monet que
auquel
travail
le
cathédrale de Bouen, pour
lumière variés,
la
avait
lui
il
devant
s'était livré
peindre sous ses
demandé
une
effets
la
de
con-
telle
tention d esprit, qu'il en avait ressenti une terrible fatigue.
avait
Il
avait fini par perdre la
Il
dû
s'arrêter et rester
ses toiles, ne
vue nette des choses.
longtemps sans regarder
pouvant plus se rendre compte de leur
valeur.
Monet
a peint par séries des motifs très variés, après
Les Meules
et
La
Cathédrale. Les Peupliers.
promenant dans
se
de peupliers longue
les prairies
et
se mit à la peindre.
ment que réaliser,
les
est
en
de Giverny, une ligne
sinueuse où, dans certaines posi-
uns sur
tions, les arbres se profilaient les Il
Il vit,
Mais
se trouve
il
les autres.
que l'arrange-
peupliers de Giverny lui ont permis de
analogue à un autre qu'Hiroshigué avait
précédemment rencontré au Japon, dans une
ligne de
cèdres, et qu'il a rendu dans une de ses C//îgiza/2^e-çua/re
vues du Tokaïdo. logie les
que
les
Monet
dû
avait
être frappé de
1
ana-
peupliers de Giverny présentaient avec
cèdres d'Hiroshigué.
On
est là
en présence d un
cas curieux de suggestion devant la nature, exercée par
un grand Il
artiste sur
autre.
a encore peint en série Une matinée sur la Seine
un bras du et
un
fleuve par
:
temps calme, enveloppé de buée
bordé de grands arbres
touffus,
se reflétant
dans
La série des Nymphéas a suivi. Monet a fait creuser une pièce d eau au bout de son jardin à l'eau.
63
Giverny, sur
la limite
Nymphéas. Leurs
Il
Ta semée de
un motif
original,
complété par
arbres qui entourent la pièce d'eau et par
les
pont qui
la
Monet
traverse.
momentanément
à Vétheuil,
ensuite
est
où
il
un
petit
retourné
avait résidé et peint
longtemps, pour y exécuter une autre de ses
séries.
placé en face du village, sur la rive opposée de
Il s'est
la
la prairie.
feuilles et leurs fleurs, étalées sur
Teau, lui ont fourni
si
de
du
Seine. L'eau
fleuve occupe le premier plan des
tableaux, ensuite le village avec son église s'élève sur la
côte qui, en haut, ferme
Deux
1
autres séries ont suivi
horizon. :
Les vues de
la
Tamise
et
Les Effets deau. de l'étang de son jardin à Giverny. Elles offrent les traits de sa personnalité portés à tout
leur développement. fugitif,
1
aspect
tableaux,
1
Jusqu'alors l'impression,
éphémère formaient
enveloppe,
le
Teff'et
surtout, dans ses
revêtement d'une scène exis-
tant toujours, par dessous,
comme
Mais dans ces deux particulières
assise importante.
séries les apparitions
éphémères ont reçu une existence
décisive, par rap-
port au motif permanent et à la scène réelle, qui n'ont plus qu'une forme sacrifiée et
qui
Ta
reflets
surtout
imprévus,
comme
accessoire.
Ce
intéressé sur la Tamise, ce sont les les colorations
soudaines des eaux
et
de l'atmosphère. Les apparences lumineuses que prennent
les
nuages,
le
brouillard mêlé de fumée, les buées
matinales ou crépusculaires, sont devenus d'être des tableaux et y jouent le
grand
la
raison
rôle.
Les vues qu'on pourrait appeler atmosphériques de la
Tamise, ont été exécutées au cours de différents
séjours à Londres de 1901 à 1904. Et
64
comme
malgré
tout
des motifs pour porter la couleur,
lui faut
il
il
en
a pris deux du Savoy hôtel, qui, de la hauteur du
Strand, domine la Tamise
donne en aval
l'un
:
le
pont
de Waterloo, l'autre en amont celui de Charing-Cross.
Un
troisième motif, formé par
le palais
du Parlement
avec ses tours, a été obtenu d'un des pavillons de
Saint-Thomas, sur
l'hôpital
la rive
du
droite
Dans
l'autre série,
l'eau
en elle-même ne se trouve plus sur
l'état
dominant, l'importance
ments, dont
où
fleuve.
l'étang de son jardin offre le motif,
les accidents
de
est prise la
par
lumière
la toile à
les
miroite-
la revêtent.
L'effet principal est produit par les objets reflétés qui,
sans contours arrêtés, formentdes apparitions de
vement
et
d agitation.
Monet, avec son habitude de
travailler
en plein
fois
de plus, cherchant de nouveaux
tait
sa résidence de
fois
il
1908
allait à
et
séries.
l'église
Venise.
Il
y arrivait à
sites,
le
la fin
il
quit-
Midi. Cette
de
l'été
de
y séjournait tout l'automne. Il y a peint trois La première a pour motif le grand Canal et de
la
Salute.
Saint-Georges et de
donne
Normandie pour
air,
que jamais.
se trouvait à soixante-huit ans aussi alerte
Une
mou-
le
La seconde, la
gondole, sur
le
de
douane, en face de
La
Palais ducal.
prise
l'église la
ville,
troisième, exécutée d'une
grand Canal, reproduit certains des
palais qui le bordent.
.
*
Quand on peintre et
Monet comme de son œuvre, on a
a exposé l'évolution de
fait
connaître l'ordre
65 5
retracé les traits décisifs de sa biographie. Sa vie s'est
en
eflet
concentrée dans son
En
art.
dehors de ses
changements de résidence et de ses voyages, pour renouveler les sites où il put peindre, les événements intéressants qui le concernent ont été les expositions
où
il
s'est
produit et où
envoya pour
première
la
marines reçues.
En
a poursuivi son combat.
il
fois
1866,
au Salon, en 1865, deux avait
il
Il
au Salon Camille
et
une vue prise dans la forêt de Fontainebleau. Puis il avait été refusé au Salon de 1867, admis à celui de 1868. refusé de nouveau en 1869 et 1870. C'est l'incertitude d'être reçu au Salon, devenant de plus en plus
grande à mesure qu
il
développait son originalité, et
se transformant à la fin
qui
et tous
se produirait librement avec ses amis,
il
ensemble, à
attirer l'attention
quatre
la certitude d'être refusé,
à se faire l'initiateur d'expositions parti-
le portait
culières. Là,
en
1
état
de groupe,
pourraient
avait
donc envoyé aux
expositions des
Impressionnistes
publique.
premières
ils
de 1874, 1876, 1877
et
Il
1879 de nombreuses œu\Tes,
qui lavaient mis très en vue, mais
en
était
il
temps tombé dans un abîme de mépris
et
même
de réproba-
tion.
Les Impressionnistes, en se faisant connaître, avaient soulevé tout
le
monde
contre eux.
Après
cela,
les
quelques partisans qu'ils avaient recrutés, qui cherchaient à les défendre, les trois ou quatre marchands,
qui avaient eu
le
courage d'acheter
œuNTCs, se trouvèrent le désert.
Ils
ne purent se
impressionnistes
66
comme
et d'offrir
des gens prêchant dans
faire écouter.
devinrent
de leurs
Les tableaux
invendables.
Ce furent
ci
r c
H W z o w Q < U
alors des années de détresse et de misère.
commun.
tagea le sort d'ai'gent. Il
dut abaisser
connut
Il
les pires
moyen de
prix
le
Monet parembarras
ses toiles à
cent francs, et ce ne fut qu'à grand'peine qu'il parvint à en vendre suffisamment Il
faut citer les
hommes
pour ne pas sombrer.
de l'impressionnisme, restèrent
mieux qu
les soutinrent le
cette conduite
on
passait
et
purent, alors que par
pour des sortes de fous ou de
comme marchand,
qui,
qu'il
put à leur faire des achats.
absolument
M. Durand-
fut certes
Ruel
eut
aux peintres
fidèles
ils
maniaques. Le plus courageux
lorsqu'il
temps héroïques
qui, en ces
continua aussi longtemps Il
épuisé
ne s'arrêta que
sa
caisse,
pour
reprendre, aussitôt qu'un changement d opinion favorable survenant,
œuvres
et à
en
il
put recommencer à vendre de leurs
tirer
quelque argent. Parmi
les rares
amateurs de ce temps, qui ne cessèrent de leur
faire
M. Faure, de l'Opéra, le peintre Caillebotte et M. de Bellio. Ce dernier était un riche gentilhomme roumain. Après avoir fait ses études à Paris, il s'y était fixé, devenu le plus Parides achats, se trouvèrent
sien des Parisiens.
Riche, sur
le
Il
:
déjeunait tous les matins au café
boulevard des
Italiens. Il s'était fait le
champion des Impressionnistes auprès de ses amis et connaissances du lieu, parmi lesquels se trouvaient des critiques et des tout Claude Monet.
hommes Il
boitait
difficilement les escaliers,
Alfred-Stevens.
Il
de
lettres. Il vantait sur-
d'une jambe
habitait
un
et,
montant
ne pouvait naturellement y
tenir les objets d'art qu'il avait réunis.
cesse de se construire quelque part
rue
entresol,
Il
une
faire
parlait sans galerie.
En 67
attendant la réalisation de ce projet,
jamais venir,
il
avait loué,
boutique inoccupée, où
il
qui ne devait
en face de chez
pour chercher à
œuvres, suivre.
il
qui
emmenait
Il
convaincre, par
connaissances
les
vue des
la
voulaient bien
Vy
Sa propagande resta longtemps sans succès
apparent. et
les
une
tenait ses tableaux et parti-
culièrement ses nombreux Claude Monet. là,
lui,
a été
Il
cependant par
finit
faire des prosélytes
un de ceux qui ont aidé au changement
favorable, qui devait se produire en faveur des Impressionnistes.
La vente après décès de Daubigny venait montrer en quel mépris étaient alors tombées
Monet. Daubigny avait su reconnaître Monet.
Il
avait
dû remarquer
ses
œuvres de
les le
mérite de
œuvres dès leur
un premier Salon, en 1865. Toujours estil que. réfugié à Londres pendant la guerre, en même temps que M. Durand-Ruel, il lui avait recommandé apparition, à
Monet. qui
à Londres,
arrivait
au commencement
de 1871, venant de Hollande. M. Durand-Ruel avait
En 1873 Daubigny Durand-Ruel, pour la somme
aussitôt
acheté de ses tableaux.
achetait
lui-même
à
M
de quatje à cinq cents francs, une des vues de Hollande de Monet. Canal à Saardam. C'était avant
les
fameuses
expositions de 1874, 1876 et 1877, qui devaient soulever l'opinion contre les Impressionnistes,
que M. Durand-Ruel
réussissait,
et alor3
jusqu à un certain
point, à faire prendre de leurs œuvres.
Daubigny mort, on annonce Je connaissais
une des 68
le
sa vente, en
mai 1878.
me
paraissait
Canal à Saardam, qui
belles choses
que Monet eût peintes
;
je
me
promis donc de pousser aux enchères Tacquérir.
La vente
Je supposai que
a
aucune trace du tableau.
lieu,
le
garder,
qu'ils avaient su apprécier.
Quinze
jours après, un dimanche,
dans une
j'entre
avaient voulu
les héritiers
comme une œuvre
de
et d'essayer
salle
visitant
1
Drouot,
Hôtel
où se trouvaient des ébauches
informes, de vieilles toiles salies, avec, par terre, un
amas de l'attirail
chevalets, palettes, pinceaux, en
d'un atelier
et là, seul et isolé,
Saardam de Claude Monet.
J en pensai
renverse. L'affiche ne portait aucun
renseignements débarras de
ment,
comme une
j'avais
chose à dissimuler.
mis
Il
me
vingts francs.
fut
Lorsque
de
Saardam^
fut acquis par
de cinq mille fait
collection,
en
il
à la
J'allai
aux
devant moi
le
C
était là
que
eût, sans doute,
circonstances
les
faire la vente
qui ayant
tomber
adjugé aux enchères pour quatre-
en 1894. à
somme
Canal à
tableau de Monet, exclu de
le
vente régulière, qu'à leurs yeux
déshonoré.
le
de Daubigny, présenté anonyme-
l'atelier
les héritiers avaient la
que
et j'appris
nom.
un mot tout
ma
m
amenèrent,
collection, le
Canal à
M. Durand Ruel pour la francs. Il le revendit à M. Decap,
lui-même une vente d'une avril 1904,
où
partie de sa
l'avait mis', le retira,
il
au prix de trente mille francs.
Monet ne prenait point
part,
en 1880, à l'exposition
des Impressionnistes, parce qu'il devait avoir lui seul,
en juin, une exposition de ses œuvres sur des ItaUens, au journal
La
le
boulevard
Vie moderne. Cette
(1)
Vente Théodore Duret, 19 mars 1894, n"
(2)
Vente Decap. Collection de M. X..., 13
même
27. avril, n» 47.
69
année,
il
présentait au Salon
un important
tableau,
Les glaçons, peint à Vétheuil pendant Thiver le refusait.
En 1880 Monet
:
jury
le
demeurait toujours mé-
connu. Son exposition à La Yie moderne avait lieu
dans une tique
salle
au rez-de-chaussée, en
réalité
tenue ouverte gratuitement, aussi
entraient-ils rire et se
une bou-
les
passants
en grand nombre, mais seulement pour
moquer. Les œuvres montrées ne leur parais-
saient dignes d'aucune sorte d'examen.
Les provin-
ciaux se rencontraient sur ce point avec les Parisiens.
Monet
m'écrivait à la date
prends,
ce matin
du 3 octobre 1880
même, que
:
«
J'ap-
tableaux que
les
j'ai
du Havre ont très irrité les amateurs Havrais et que ce n'a été qu'un fou rire. Comme c'est agréable » Monet prenait part à Texposition de 1882 du groupe impressionniste et en mars 1883 envoj^és à l'exposition
!
il
exposait 56 de ses toiles, au premier étage d'une
maison en réparation, boulevard de
la
Madeleine,
que M. Durand-Ruel avait loué temporairement.
On
put constater à cette occasion que l'époque de complète défaveur était passée. visiteurs qui
qualités
On
voyait de
nombreux
ne riaient plus, qui reconnaissaient des
aux œuvres
raient, surtout
;
parmi
de nouveaux partisans se déclales
jeunes gens.
Le revirement en faveur de Monet s'accentue à partir de ce jour. Le temps travaillait pour lui. Les années en s'écoulant amenaient à d'une nouvelle génération, que
la vie les le
hommes
contact prolongé
avait familiarisé avec ses œuvres. Ceux-ci
ne pouvaient
donc plus éprouver, en face d'elles, ces sentiments d'étonnement et d'horreur, ressentis par les devan70
I
u o in
h
z o
รป <
u
,'*
k
qui les
ciers,
Monet
vu apparaître à l'improviste.
avaient
produit pour
s'était
en 1865, pour
première
la
première
la
fois,
sionnistes, à l'exposition de
avec
1874
fois
au Salon,
les autres
Impres-
en 1889, vingt-
et,
quatre ans s'étaient écoulés depuis son premier Salon et
quinze ans
allait
depuis
reconnaître
le
sa
première
On
exposition.
changement qui en
son
résultait à
avantage.
En
année 1889,
cette
il
faisait
dans
la salle Petit,
rue deSèze, de compagnie avec Rodin, une exposition,
où tous
les
deux mettaient un choix important de
leurs œuvres.
Monet
sa production.
avait là 145 toiles, prises à toute
donc un ensemble
C'était
tique qu'il montrait, et
agencés
et
non plus dans des locaux mal
occupés par aventure, mais dans une
appropriée, où
pouvait constater, à les
noms
la
des
personnes étaient
lectionneurs qui en possédaient. naître aussi, par
les
était
On
décisive.
vue du catalogue, où étaient
combien nombreux
tableaux,
salle
Tout-Paris artistique avait l'habi-
le
tude de se rencontrer. L'épreuve
inscrits
caractéris-
ayant
devenus
On
des
prêté
les col-
pouvait recon-
critiques de la presse,
que
jeunes écrivains savaient maintenant apprécier
les
l'art
nouveau. Beaucoup de visiteurs étaient conquis, ceux qui demeuraient rebelles étaient cependant plus ou
moins entamés
et
devaient convenir que l'œuvre, sous
leurs yeux, révélait de la puissance. Cette exposition,
en quelque sorte solennelle, permettait de constater le travail
favorable accompli par le temps en faveur de
Monet. Elle marquait et l'entrée
dans
le
la sortie
de l'époque
difficile
succès.
71
Monet quoique enfant de Paris tement.
Il
est
toujours resté indifférent aux succès
mondains, au besoin de bruit
forme un des
de
traits
la vie
plein air, poursuivant son
champs, des
complè-
délaissé
l'a
de réclame, qui
et
parisienne. Travaillant en
œuvre dans
falaises et des eaux,
la solitude
des
a pris en aversion
il
ces soins variés auxquels les citadins sont astreints. Ses
devenues rares. Etabli depuis 1866
visites à Paris sont
successivement à Argenteuil, Vétheuil
conséquent de plus en habitué à
grand Il
vivi'e
ciel et la
s'est
Giverny, par
plus loin de Paris,
en face de
la
il
s'est
nature, les yeux sur le
lumière.
donné comme
tout entier
et
semé de
fleurs,
luxe, à Giverny,
un jardin
qui se diapré, selon les sai-
sons, de couleurs variées et éclatantes. Ses
peintre trouvent là leur satisfaction.
Il s'est
yeux de
rencontré
sur ce point avec Whistler qui, dans les maisons où habitait, revêtait les lambris
il
murs de couleurs vue. Ce que Whistler,
et les
harmonieuses, pour reposer sa
homme des villes, faisait dans son intérieur, Monet, homme du plein air, Ta fait au dehors, en colorant son jardin par les fleurs. a supporté les
Il
temps d'épreuve
et
de misère avec
une grande force de caractère. Puis, lorsque vint,
il
retirer
n'en fut nullement troublé.
Il
ses
s'est
succès
ne chercha à en
aucun de ces avantages honorifiques, que tant
d'artistes se plaisent à culier,
Il
le
rechercher
de se laisser décorer de
la
et refusa,
en parti-
Légion d'honneur.
toujours conduit en très brave
homme
avec
camarades de l'impressionnisme. Degas, Pissarro,
Cézanne, Renoir, Sisley n'ont été vantés par personne 72
mieux que par
non plus cessé d'exprimer sa grande admiration pour Manet et de faire connaître lui. Il n'a
tout ce qu'il lui avait dû, au départ.
de
tiative
Il
prit
en 1890
l'ini-
qui devait amener l'entrée
la souscription,
de y Olympia de Manet au Luxembourg. Pendant plus d un an, jusqu'à
la
il
consacra son temps et
aux démarches nécessaires, d'abord pour
ses efforts
réunir
la réussite,
somme
^mc Manet,
de vingt mille francs à donner à
puis pour faire accepter le tableau par le
Musée. Lorsque Zola, dans
Drejfus, se fut jeté
l'affaire
en avant en faveur du condamné, Monet, dès
la
mière heure, alors qu'on soulevait contre
peuple
entier déchaîné, fut
un de ceux qui
bliquement leur appui.
Il
mais en
donnèrent pu-
n'était intervenu jusqu'alors
dans aucune action publique le faire,
lui
soi le
pre-
et
ne devait plus jamais
où
cette circonstance
il
croyait qu'il
du devoir de tous de prendre parti, il venait ranger sans hésiter du côté où il voyait la vérité et était
se la
justice. *
Monet
arrivé à la vieillesse s'est tenu au genre de
vie et au genre de travail, qu'il avait de tout férés.
Homme
du plein
air, fixé à la
campagne,
cantonné plus que jamais dans son jardin ries
temps préil
s'est
et ses prai-
de Giverny, espaçant de plus en plus ses visites à
Paris, devenues tout à fait rares et passagères. Il
avait été
l'eau.
Il
avait,
constamment dans
attiré
par
le
spectacle de
les lieux les plus divers,
allé travailler, introduit l'eau
comme une
où
il
était
partie inlé-
73
grante de ses tableaux.
variées, à Giverny, celle qu'il y trouvait. et les reflets
deux de
de manières
avait peint,
Il
de Tétang de son jardin
ses dernières séries.
Il
va,
lui
en
Les nymphéas avaient fourni
fin
de carrière,
reprendre ces motifs, sous une forme particulière.
Il
en fera un thème décoratif.
Sur de nombreuses conçues
toiles
exécutées de façon à ce qu'elles puissent
et
être disposées
pour former des ensembles,
agrémentée de nymphéas jeux de coloris, que
de l'atmosphère décorative qu'il
les
s'agit.
et
donnant
il
peint Teau
les reflets et les
changements de
lui font
la
lumière
et
prendre. C'est d une œuvre
En
tion qu'il exécute, mais
une
de grandes dimensions,
eff'et
c'est
bien une décora-
une décoration qui repose sur
réalité et s'appuie sur
une longue observation de
la nature.
Ce grand auquel
il
travail,
s'est
qui
le retient
particulièrement
dernières années, aura été toute son œuvre.
74
depuis longtemps et consacré
dans ces
comme le couronnement
de
SISLEY Alfred Sisley naquit à Paris,
père
et
30 octobre 1839, de
le
de mère anglais. Son père, établi à Paris négo-
ciant-commissionnaire, avait sa clientèle dans l'Amérique du Sud.
une fils
fille,
Il
Alfred eut atteint l'âge de dix-huit ans,
de l'anglais
homme ne
là,
et s'initier
la
il
il
au commerce. Mais
montra aucune disposition pour
Il
l'envoya
le
qu'il
la
Ce
fut
avec eux.
ne se proposait point tout d abord de
début que
pein-
rencontra Claude Monet, Bazille,
et se lia d'amitié
l'exercice de l'art
jeune
les affaires.
obtint d entrer dans l'atelier de Gleyre.
en 1862,
Renoir
et
connaissance
retour à Paris, attiré irrésistiblement par
ture,
fils
reçurent une bonne éducation. Lorsque son
en Angleterre, se perfectionner dans
De
deux
était riche et ses enfants,
une profession.
comme un homme
Il
ne
s'y
faire
de
adonne au
qui, ayant ailleurs des
un embellissement camarades Claude Monet
sources de fortune, y voit surtout
de et
la vie.
Par rapport à
ses
Renoir, qui se sont tout de suite mis à travailler,
pour obtenir de leur pinceau il
reste
en retard
première
fois
comme
les
moyens
producteur.
Il
d'existence,
expose une
au Salon en 1866, puis en 1868, des
75
celle lui
de Courbet
doit,
une
dans
exécutés
paysages,
de
voisine
tonalité
de Corot. Les œuvres qu'on
et
dans ces années de début, sont peu nom-
breuses.
En
1870, pendant
la
guerre, son père
tombé malade
incapable de surmonter la crise survenue dans ses
et
affaires, subit
des pertes, qui amenèrent sa ruine et
peu de temps après
comme
sa mort. Alfred Sisley, qui jusque-
là avait
vécu
tout à
coup sans autres ressources que
pourra
tirer
donne donc
le fils
d'une famille riche, se trouva qu'il
de son talent de peintre. Après 1870. tout entier à la peinture, à laquelle
faut désormais
demander
lui et sa famille, car
ses
est
il
moyens
marié
il
se lui
il
d'existence pour
des enfants.
et a
moment son ami Claude Monet
ce
celles
avait,
A
sous lin-
fluence de Manet, adopté et développé le système des
tons clairs et l'appliquait à
directement devant
la
la
peinture du paysage,
nature. Sisley s'approprie lui-
même cette technique il peint en plein air, dans la gamme claire. On voit ainsi l'influence qu'exercent les ;
uns sur éveil, il
les autres,
au point de départ, des
Manet sur Monet
faut répéter qu'il
ne
et
Monet
s'agit
en
artistes
sur Sisley. D'ailleurs
point
de pastiche
ici
et
d'imitation servile, mais d'une formule initiale que se
communiquent,
hommes
à
recherche
la
pressionniste, Claude
en quelque
deux
autres,
76
leur voie,
des
foncièrement originaux, qui ne perdent jamais
leur caractère propre.
les
de
se ils
En
effet, si
Monet
dans
et Sisley
sorte, séparés, s'ils
le
groupe im-
ne peuvent
être,
forment un couple, où
ressemblent plus entre eux qu'à aucun des conservent cependant, vis-à-vis l'un
de
RENOIR.
â&#x20AC;&#x201D;
Portrait de
SISLEY.
ont chacun leur manière
l'autre, leur personnalité et
de voir
On
de
et
sentir.
peut dire de Sisley,
rendre
qu'il a su
œuvre
comme
nature d'une manière riante. Son
la
est séduisante. Elle se
ment, de
celle
paysage
rapproche, par
de Corot. Sisley
nature enchante.
est
un
délicat
aimables
et intimes.
Aussi
demandent aux œuvres d
tendres, qui
répondant
à leur
que
la
manière
d'être.
Il
est-il le
hommes
impressionniste, préféré par les
paysagiste
le senti-
a recherché de préférence dans le
Il
les motifs
trait caractéristique,
l'émotion
art
a particulièrement
peint les rivières, avec leurs eaux transparentes et leurs
bords au feuillage coloré,
temps ou
ensoleillée l'été.
on y
variée,
voit aussi des vues
encore des
et
Il
campagne en fleurs au prinSon œuvre est d ailleurs très
la
de neige, où
effets
exposa pour
de
la
il
villes et
de
villages,
a excellé.
dernière fois au Salon, en 1870,
puis avec les Impressionnistes en 1874. 1876 et 1877.
Son
originalité se
manifestait par un coloris neuf et
imprévu, qui soulevait de peindre dans une d'hui, les
on
est
la
réprobation.
gamme
On. l'accusait
artificielle lilas.
habitué à voir
les
Aujour-
paysagistes employer
tons les plus tranchés, pour rendre les eflets
lumière
;
aussi la palette de Sisley semble-t-elle abso-
lument calme
et
d une grande justesse.
qu'elle apparaissait, cette
de
époque on n
la tonalité,
on
était
la
cependant plus
C
qu à pas encore accoutumé à
jugeait
même
Mais alors
grise,
fausse.
est
de Courbet
et
de
Corot. Sisley venant montrer, avec ses amis les Impressionnistes, les variations de coloris,
lumière
et la diversité
que
les
jeux de
la
d heures, de jours, de saisons
77
donnent aux scènes naturelles, déconcertait tateurs. soleil à
Il
les spec-
rendait en particulier les effets de plein
Taide d un ton rose
paraît des plus
heureux
lilas
et qui
qui aujourd hui nous
communique bien
la
sensation tendre et gaie voulue, mais qui, à son apparition, semblait allait-il
monstrueuse. Aussi
pauvre Sisley
le
subir toutes sortes de déboires et d'avanies,
avant de voir son art Il lui fallait
si
compris
délicat,
et accepté.
vivre de sa peinture, maintenant que les
ressources obtenues d'ailleurs lui manquaient et la chose
devenait presque impossible.
Il
avait pensé, avec quel-
ques-uns de ses camai-ades, à faire des ventes publi-
ques pour se trouver des acheteurs. Deux ventes aux enchères, à THôtel Drouot, avaient ainsi été organisées.
La première, le24mars 1875,
A la première, réalisé
la
seconde,
le
28 mai 1877.
Sisley avait mis 21 toiles, qui n'avaient
ensemble que 2.455 francs, une moyenne d'un
peu plus de 100 francs. Deux d'entre
elles,
il
est vrai,
de grandes dimensions atteignaient le prix de 200 francs, ,
et
vinBaiTage.de
la
Tamise à Hampton Coizr^ montait,
par extraordinaire, à 300 francs.
A
la
même
vente,
Claude Monet avait eu 20 tableaux, qui arrivaient à
une moyenne de 200 à 300
francs.
A la
vente de 1877,
11 toiles mises par Sisley ne produisaient que
les
maigre
total
le
de 1.387 francs.
Ces ventes avaient été en
réalité désastreuses. Sisley,
qui se défaisait de ses meilleures toiles et n'en obtenait
guère que 100 francs, avec les
en détresse.
En
outre
le
frais à défalquer, restait
public venu à la vente de 1877,
que l'exposition des Impressionnistes de cette année avait causé une horreur générale, s'était fait de alors
78
telles
gorges chaudes des œuvres,
avec de
telles
qu'un
les avait accueillies
huées, que les artistes jugèrent inutile de enchères, ne devant leur
recourir de nouveau aux attirer
il
profit dérisoire
et
des humiliations pu-
bliques, par-dessus le marché.
En
ces années de méconnaissance absolue,
Impressionnistes eurent à supporter en misère, Sisley fut
le
commun
les la
plus malheureux. C'est lui qui a le
Cézanne
plus souffert.
où
vivait d'une
pension de son
père, Renoir peignait des portraits payés. Pissarro et
Monet, qui le
étaient produits les premiers, avaient eu
s
temps de
se faire
une certaine
qu'elle fût très limitée,
clientèle, et, quoi-
purent traverser
ils
les
épreuves
de cette époque, sans voir leurs œuvres descendre audessous du prix de 100 francs. Mais Sisley, venu dernier, à
un moment où
l'on
ne pouvait plus se
de clients spéciaux, se trouva dans un qu'il fut réduit à
donner de
ses toiles
tel
le
faire
abandon
pour trente
et
vingt-cinq francs. C'étaient des prix inférieurs à ceux
que Pissarro
et
Cézanne devaient jamais connaître,
qui ne cessèrent, en aucun cas, d'obtenir pour leurs
tableaux au moins quarante francs.
En
son temps de pire misère, Sisley compta un
pâtissier-restaurateur, Murer,
sonnes qui
le
sans appui
et,
comme Il
une il
il
s'était
était entré
s'était
les
quelques per-
trouvé tout jeune
chez un pâtissier
élevé au rang de patron.
pâtisserie sur le boulevard Voltaire, à
avait joint
sa profession quitter.
Murer
pour vivre,
apprenti. Puis
tenait
laquelle
soutinrent.
parmi
Il était
que
un restaurant. Mais
comme
pis aller,
il
n'exerçait
en aspirant à
pénétré de goûts artistiques
la
et littérai-
79
En
res.
effet
plus tard, parvenu à Taisance et retiré,
il
devait peindre des tableaux et écrire des romans. Alors qu'il
toujours pâtissier-restaurateur,
était
il
avait fait
connaissance des Impressionnistes, par lintermé-
la
diaire de Guillaumin, avec lequel
jeune à Moulins, sa
ville natale.
il
tout
s'était lié
Quand
les
années de
détresse furent venues pour les Impressionnistes,
que
question du vivre et du couvert se posa, à certains
la
jours, pleine d angoisse, Ils
purent y manger. Sisley
de
la facilité.
Lorsque
le
leur ouvrit son restaurant.
il
et
Renoir profitèrent surtout
nombre des déjeuners
dîners atteignait une certaine limite,
paiement un tableau.
Il
il
et
des
recevait
en
en acheta, par surcroît, un
nombre, aux prix d alors, qui paraîtraient aujourd'hui bien bas, mais que personne à ce mocertain
ment, sauf quelques amis, ne voulait payer. des premiers qui reconnurent
fut
un
valeur des Impres-
pour se former une collection de leurs
sionnistes,
œuvi'es et
la
Il
il
fut ainsi
un de ceux
qui, à
Tépoque de
leur pire misère, les aidèrent à vivre, en attendant des
temps meilleurs. J'ai publié
des
lettres,
dans
la
Revue Blanche du 15 mars 1899,
qui font connaître
vait Sislev, sous le
coup de
l'état
d esprit où se trou-
l'hostilité
générale
misère prolongée. Toute son ambition trouver
le
moyen
il
n'avait
publiques et qu'il ne pouvait ici
une de
de combinaison sultat,
80
n'allait
de
la
quà
d'obtenir, pour ses tableaux, ce prix
de cent francs, qu
donne
et
pu dépasser aux ventes
même
ses lettres, qui il
imaginait, à
plus atteindre. Je
apprendra quelle sorte la
poursuite de ce ré-
en lui-même misérable, mais que
les circons-
w c2
comme
tances lui faisaient malgi'é tout entrevoir salut
le
:
Mon cher
«
Duret,
«
Avant votre départ de Paris et à la Hoschedé, vous avez pu constater,
«
pas que
«
besoin de vous faire
«
et je
ce
cieux,
«
Parmi vos amis de la Saintonge, ne pourriez-vous pas trouver un homme intelligent, qui aurait assez de
«
confiance dans vos connaissances artistiques, pour se
«
laisser
«
mauvaise
suite de la vente
((
j'ai
fait
j'en suis sûr, le
dans l'opinion. Je l'article.
Voilà
n'ai
donc pas
qui s'en va
l'été
perds un temps qui m'est plus que jamais pré-
«
convaincre par vous, qu'il ne affaire,
ferait
pas une
en plaçant quelque argent, dans
((
l'achat de tableaux d'un peintre sur le point d'arri-
((
ver. ((
proposer de
ma
part
500 francs par mois, pen-
«
lui
«
dant six mois, pour trente
« « «
«
que vous pourriez
Si vous le connaissez, voilà ce :
toiles.
A
l'expiration des
comme il peut n'être pas disposé trente toiles d'un même peintre, il pourra en six mois,
une vingtaine, risquer une vente, rentrer ses débours et avoir dix toiles pour rien. «
Cette dernière combinaison
distraire
ainsi
dans
été suggérée par
commissaire-priseur successeur de Boussa-
«
Tuai,
«
ton, quej'ai
«
une
«
l'hiver prochain,
«
voyez,
«
propose
le
m'a
à garder
vu ces jours derniers
toile. Il
mon
et
auquel j'ai vendu
m'a engagé fortement à
faire
une vente
en m'assurant du succès. Vous
cher Duret, que
est tout à fait
l'affaire
que je vous
pratique et a toutes les chances
81 6
«
de réussir. Tâchez donc de
«
ditaire. «
Il
me
pour moi de ne pas
s'agit
comman-
trouver ce
laisser passer Tété
a
sans travailler sérieusement, sans préoccupations,
c(
pour pouvoir
«
la
rentrée on marchera. Petit ne sera pas éloigné, à
«
ce
moment, de me donner un coup
«
Persuadé que vous ferez votre possible pour la réussite de ce que je vous propose et, en attendant
«
votre réponse, je vous serre la
faire
de bonnes choses, persuadé qu'à
d'épaule.
«
« «
18 août 1878.
Quelques mois après, il
main
d'amitié.
A. SiSLEY.
»
»
il
pensait à revenir au Salon, et
avait des doutes, d'ailleurs justifiés, sur la possibilité
de
s'y faire recevoir.
« «
Mon
cher Duret,
Je vous crois assez de mes amis pour, à un
un
moment
me donner
«
donné,
«
un coup d'épaule. Quelques-uns de mes amis, beaucoup par amitié et un peu intéressés à ce que
ce
« j'arrive,
faire
me
effort
pour contribuer à
prêtent leur concours. Je compte sur
le
vôtre.
«
«
Je suis fatigué de végéter, longtemps. Le
moment
comme je
le fais
venu pour moi de
«
si
«
prendre une décision. Nos expositions ont
«
est vrai, à
«
ont été très utiles, mais
a
trop longtemps.
«
pourra se
82
nous
est
faire connaître et il
depuis
en cela
ne faut pas, je
servi,
elles
il
nous
crois, s'isoler
Le moment est encore loin, où l'on passer du prestige qui s'attache aux expo-
donc résolu à envoyer au
«
sitions officielles. Je suis
«
Salon. Si je suis reçu,
«
je crois
« «
m'y préparer, que je fais appel à tous ceux de mes amis qui me portent de Tintérôt. Il faut que je puisse
«
travailler et surtout faire voir ce
«
des conditions convenables. Je quitte Sèvres, ces
((
que je pourrai
jours-ci,
y a des chances cette année, des affaires et c'est pour
faire
je fais,
dans
mars 1879. A. SiSLEY.
«
Je ne connais rien de plus Voici un
que
mais je ne m'éloignerai pas de Paris.
Sèvres, le 14
«
il
homme
triste
»
que ces
lettres.
plein de talent qui, arrivé à trente-
huit ans, en est réduit à rechercher, espoir, le capitaliste qui,
en
comme suprême
donnant
lui
trois mille
même de vivre et de travailler Et ce même homme, désireux de
francs, le mettrait à
pendant
six mois.
se produire
aux Salons
officiels,
qu'un gouvernement
paternel ouvre à des centaines de cuistres, est obligé
de reconnaître que ce que
les autres
lui sera peut-être refusé,
dire, à la
comme
à
un
indigne.
Il
faut
louange de Sisley que, dans sa détresse,
ne pensa jamais à dévier de faire la
obtiennent de droit,
la
moindre concession au
se le rendre favorable.
voie où
public,
il
il
était entré, à
pour essayer de
L'exemple de tant d'autres, qui
savent lallécher en se pliant à ses demandes et en
empruntant aux sources qui
ment perdu pour lui. qui
le
tation
condamnait à
même
Il
lui
persista
la
plaisent, fut absolu-
dans sa manière propre,
misère. Elle était la manifes-
de sa personnalité,
elle
correspondait à
83
comme
ce que son jugement lui faisait reconnaître juste et dès lors
par
un
là
bel
il
s'y tenait coûte
exemple de probité
que coûte. et
a offert
Il
de vaillance
artis-
tiques.
Sisley a toujours habité dans les environs de Paris.
Avant
guerre à Louveciennes et à Bougival
la
jusqu'en 1875, à Voisins sont
vues de
les
alentours
la
De
Marly.
ces années
que
lui
fournissent
coteaux de Louveciennes, couverts de vergers. 1879,
à
Seine
En
habite Sèvres.
il
1879,
il
lui
Meudon
la
Saint- Cloud.
et
bords du
ont fourni une très grande variété
de motifs. Moret, son pont, son
maisons qui bordent
mémoire de
De 1875
y prend des vues de
résidera définitivement. Les
Moret
et
les
près de Moret, puis à Moret
s'établit
il
même, où Loing
Il
de ses bords, vers
et
après,
Seine, prises à Port-Marly et aux
paysages
les
et
et à
;
toutes
église, ses
moulins,
les
dans
la
rivière sont entrés
la
personnes familières avec
les
l'œuvre de Sisley.
En
1874,
M. Faure,
en Angleterre. à
Hampton séjourne
Swansea,
et
baryton de l'Opéra,
en rapporta des vues de
En 1894 de Rouen. En
Court.
aux environs il
Il
le
sur la
il
Temmena
la
Tamise,
peint en Normandie,
1897, de mai à octobre,
côte du pays de Galles, près de
de Cardiff à Longlang
et à
Pennart.
Il
y
peint les falaises et la mer. Sisley, qui parlait couram-
ment
l'anglais, possédait
vailler
en Angleterre.
Il
des avantages pour aller tra-
n'en a profité qu'exceptionnel-
qu
lement.
Il
mœurs,
ses idées, ses préférences, et
était tout ce
dépaysé en Angleterre.
84
il
y a de plus Français par ses
Il était
il
se sentait fort
malgré tout resté Anglais,
-.^^ ...
de par sa naissance. en obtenant
çais,
nécessaires, mais
En
1895,
voulut devenir Fran-
il
naturdisation.
il
ne put produire certains papiers de
Il fit
famille exigés, de telle sorte que sa
suspens
qu'à sa mort,
et
anglaise.
Il
démarches
la
mourut
les
demande
resta
en
demeurait de nation dite
il
29 janvier 1899, d un
à Moret, le
cancer des fumeurs.
n avait point vu, avant de mourir, un réel changement de fortune se produire en sa faveur. Il était jusqu'au dernier jour demeuré dans la gêne, Sisley
quoique, à
la fin, sa situation se fut
vendit ses œuvres plus facilement. était
venue par
ailleurs.
nément formé de
Le
améliorée
Une
point eu de suites.
Il
satisfaction lui
projet qu'il avait
se représenter au
et qu'il
momenta-
Salon,
n'avait
ne devait jamais réapparaître à
l'ancien Salon officiel. Mais en 1890, la Société natio-
nale des Beaux-Arts se constitua, en dissidence avec la
Société des Artistes français, continuant les anciens
Salons, et inaugura au
propre,
ment
comme un
accueilli. Il
Champ-de-Mars une exposition
second Salon, où
il
fut favorable-
exposa donc au Champ-de-Mars en
1894, 1895, 1896, 1898 des ensembles de sept et huit tableaux. Ce fut
un
réel avantage
pour
lui,
de paraître
ainsi à des expositions éclatantes, visitées parle
public
;
il
grand
en reçut une consécration relative.
Cependant, par un changement subit, tout ce qu'on avait refusé le
aux œuvres de
leur donner, lui parti.
que
la
mort d'un
Sisley, lui présent,
On
artiste est
sait
Il
ya
l'histoire
allait
depuis longtemps
l'événement
le
plus favo-
amener
le
succès de
rable qui puisse survenir, pour ses œuvres.
on
de Téniers qui, ne trouvant
85
plus à se défaire des tableaux qu'il avait peints en trop
grand nombre,
fit
accréditer le bruit de sa mort, et vit
tout de suite les acheteurs se les disputer.
Ce que Ton
mort simulée de Téniers, s'est réellement produit à la mort de Sisley. Trois mois après, dit être arrivé à la
on vendait, au
de ses enfants, à
profit
la salle Petit,
rue de Sèze, 27 des toiles qu'il avait laissées. Les amateurs et
marchands
les
disputèrent. Les prix
se les
étaient bien différents de ceux des anciennes ventes,
en 1875
1877, où la
et
moyenne de 100
francs n'avait
guère pu être dépassée. Les 27 toiles vendues procuraient 112,320 francs.
Les œuvres de Sisley deviennent alors Tobjet d'une faveur générale.
On
voyait surgir des marchands, de
nouveaux partisans, en premier des jeunes gens, les frères Joseph et Gaston Bernheim qui se faisaient écouter, en les
chez
recommandant.
Ils allaient
chercher
qui autrefois les avaient acquis à
les possesseurs,
bas prix, des tableaux, qui sortaient ainsi des lieux ignorés où
dans
ils
avaient été tenus, pour prendre place
les collections
en vue. C'est en
très
grand nom-
bre que les toiles de Sisley, dans l'année qui suivait sa mort, changeaient de mains à des prix de plus en plus élevés.
Le
véritable
engouement
qu'elles
causaient
trouvait sa pleine expression à la vente de la collection
y en avait quatorze. La principale, L'inondation, admirée comme un chef-
Tavernier,
d'œuvre,
le
6 mars 1900.
était adjugée,
Il
pour
43.000 francs, au comte de
le prix retentissant
de
Camondo et est maintenant
entrée au Louvre avec sa collection. Sisley, de tous les Impressionnistes celui qui avait le
86
plus souffert, devait, par une sorte de réparation, être le
premier à recevoir un
hommage
public signalé. Les
habitants de Moret lui ont élevé, par souscription,
un
monument, près du pont de leur ville. Ils ont su honorer la mémoire de l'artiste qui avait vécu au milieu d'eux.
87
i
RENOIR Le propre des Impressionnistes, peignant directement devant la nature, a été de faire apparaître les objets
dont
sous les colorations fugitives
les variations
sphère pouvaient
de
la
lumière
et les effets
Les
les revêtir.
changeantes,
et
de
1
atmo-
objets, reproduits
par
eux, ont pris une coloration plus vive et plus diaprée,
que
retenus dans et
reçue des peintres
celle qu'ils avaient jusqu'alors
la
mer
1
atelier.
Les champs,
se sont nuancés,
les bois, les rivières
sous
le
pinceau de ces
Impressionnistes qui ont été surtout des paysagistes, Pissarro, Claude
Monet,
variété de tons imprévue. fait
pour
consacrés, Renoir Ta
personnages
Ce que
auquel
paysage,
le
fait
ils
pour
les autres
avaient
s'étaient avant tout
les êtres
humains. Les
qu'il a peints apparaissent colorés,
un ensemble
clair,
dans
plein de combinaisons de tons,
forment partie d un tout lumineux. Mais
parvenu à sa manière personnelle, définissons,
dune
Guillaumin,
Sisley,
du premier coup,
atteinte qu'en passant,
il
comme
ne
telle l'a
il
ils
n'est point
que nous
la
naturellement
les autres
de l'impres-
sionnisme, par certaines étapes.
Renoir (Pierre-Auguste)
est
né à Limoges,
le
25
fé-
89
vrier 1841.
emmené
trois
avait
Il
ou quatre ans
à Paris par son père, petit tailleur qui, pen-
Le
sant y faire fortune, venait y résider.
trouva pas à Paris
blement
la
fortune entrevue,
comme
et,
chacun d'eux dut le
lorsqu'il fut
ne
y vécut pénichargé de cinq enfants,
était
il
tailleur
se mettre à travailler.
il
Auguste adopta
métier de peintre sur porcelaine, à l'instigation de
son père
qui,
Limoges,
à
treize à dix-huit ans,
il
l'avait
fut
vu pratiquer. De
donc ouvrier peintre sur
porcelaine. Toute son ambition se bornait alors à pré-
manufacture de Sèvres, pour y exercer son métier de peintre sur porcelaine. tendre entrer à la
Il
fut
subitement détourné de cette perspective. La
décoration
de
demandée de
la
porcelaine
temps au
tout
lorsqu'une invention
Du
coup
la
fit
industrielle
avait
été
manuel d'ouvriers, exécuter par une machine. travail
les ouvriers peintres sur porcelaine
durent
un autre métier. Renoir, après un certain temps de chômage, découvrit un nouveau filon à se chercher
exploiter, celui de la peinture
à cette
de stores.
Il
avait acquis
époque une grande dextérité de main
ses facultés
natives maintenant
développées,
et,
avec
il
put
s'appliquer avec une telle supériorité à son nouveau travail,
qu'après trois ou quatre ans,
se trouva des
il
économies suffisantes pour pouvoir l'abandonner satisfaire les
ambitions de
entrant dans l'atelier GlejTe. Ce fut
là,
l'artiste alors
Sisley et Bazille, puis
apparues, en
d'un peintre en renom,
en 1861-1862,
qu'il
et
de
rencontra d'abord
Claude Monet
et qu'il se lia
d'amitié avec eux. Il
90
envoie, pour la première fois, au Salon de 1864,
Portrait de
RENOIR
par
ALBERT ANDRÃ&#x2030;.
un tableau qui tique,
il
donnée roman-
la
représentait Esmeralda, rhéroïne de Victor
Hugo, dansant tours de
Conçu dans
est reçu.
sur la place de Grève, avec les
la nuit
Notre-Dame dans
le
fond. Renoir détruisit
œuvre, lorsqu'il se mit à peindre en se rappro-
cette
chant de
nature. Cette heureuse transformation se
la
produit dès 1865, où
il
envoie au Salon deux toiles
reçues, peintes d'après nature 3/me ly _5 et j7^g Soirée d'été.
Le
:
portrait
n'apparaît pas aux Salons de 1866 et de 1867.
de
Il
y avait probablement envoyé des tableaux, qui auront Il
été refusés.
envoie au Salon de 1868, Lise, qui est
Il
en pied de grandeur naturelle, vêtue d'une robe blanche, une ombrelle à la main.
une jeune
reçue,
Cette
jBUe
œuvre marquait un pas en avant,
elle avait été
peinte en plein air, dans la forêt de Fontainebleau.
jeune
fille, le
terrain autour d'elle, et
par derrière reçoivent reflets,
que
le soleil fait
Les caractères de
la
les
traits
çait alors les
un tronc d'arbre
plaques de lumière
et les
descendre à travers le feuillage.
peinture de plein air sont là main-
tenant bien établis, mais en
encore des
La
même
temps
s'y révèlent
dus à Courbet, au maître qui influen-
jeunes artistes portés vers l'observation
directe de la nature. Renoir faisait recevoir, au Salon
de 1869, dente
En
été,
où
lui avait servi
mi-corps,
les
la
même
Lise de l'année précé-
de modèle'. Elle
bras nus,
genoux, sa chevelure
les
était
mains croisées sur
dénouée sur
les
épaules.
tableau avait encore été peint en plein air
(1)
Ce tableau
se trouve
maintenant à
montrée à
et,
les
Le
derrière
la National Galerie, à Berlin.
91
la
jeune
par
les
dans
fille, le
feuillage d'un vert très vif était pénétré
rayons du
de
voie
la
en plein
soleil. la
En
air.
C'était
un nouveau pas
fait
colorée et lumineuse,
peinture
1870, Renoir met au Salon deux
Une Femme d Alger. La baigneuse était un morceau très ferme, une femme nue, de grandeur naturelle, en pied, vue de face. La tableaux, Baigneuse et
Femme
d Alger aussi de grandeur naturelle, étendue
sur un canapé, n'offrait d'algérien que
modèle
nom. Un
vêtu d'un costume oriental de fan-
parisien,
taisie, l'avait
le
donnée.
L'année 1871 ne voit pas de Salon, par suite de guerre étrangère
interrompre
la
et
de
la
guerre
vie normale.
civile,
qui sont venues
Les Salons reprennent
en 1872. Renoir envoie à celui de
cette
année un
tableau de grande dimension qui est refusé. trait,
sous
le titre
Il
mon-
de Parisiennes habillées en Algé-
un groupe de femmes dans un
riennes,
la
intérieur,
vêtues de costumes orientaux de fantaisie. Toutes les parties étaient pleines de tons et de reflets, les
elles-mêmes étaient colorées.
En
ombres
1873, Renoir envoie
au Salon deux tableaux, l Allée cavalière au Bois de
Boulogne
et
un
portrait. Ils sont aussi refusés.
étonné aujourd'hui que Y Allée cavalière
On
est
ait
jamais pu
peinture*.
Une ama-
zone, à peu près de grandeur naturelle, sur
un cheval
être
condamnée par un jury de
et à côté d'elle
nent vers trot, le
un jeune garçon, sur un poney,
le spectateur,
poney au galop.
le
On
vien-
cheval de l'amazone au est là
en présence d'une
(1) Ce tableau, après avoir fait partie de la collection Henri Rouart, se trouve maintenant au musée de Hambourg.
92
œuvre de
force d'exécution. ris,
où Fauteur
belle allure,
présumable que
est
Il
atteint la
grande
c est le colo-
déconcertant par sa nouveauté, où appa-
alors
raissent les reflets et les variations de tons propres à
Renoir
rimpressionnisme, qui aura
et à
fait
repousser
Tœuvi'e.
La
de se faire recevoir aux^
difficulté grandissante
Salons, avec les particularités de sa manière mainte-
nant développées, amène Renoir à se joindre à ses
amis Monet
et
pour montrer ses œuvres hors
Sisley,
des Salons dans des expositions particulières.
le
boulevard des Capucines.
tableaux à Ihuile
un
et
pastel.
Parmi
deux œuvres que Ton peut dire de Danseuse fille
Loge.
et la
prend
première exposition chez Nadar,
part avec eux à la
en 1874, sur
Il
La Danseuse
Il
y met cinq
se trouvaient
ses meilleures
est
:
la
une toute jeune
debout, de grandeur naturelle, avec un jupon de
La Loge
tulle bouffant.
représente une
femme
assise
un jeune homme en habit et cravate blanche. Tout le monde admire ces œuvres au théâtre
et
près d elle
aujourd hui, mais
que pour
elles
ne furent remarquées en 1874,
exciter les railleries.
Renoir, en 1876, mettait à
la
seconde exposition des
Impressionnistes dix-huit œuvres variées. C'étaient les
années où
les
émulation, atteignaient
Renoir
comme
pris d'une mutuelle
Impressionnistes, la
plénitude de leur originalité.
les autres a
donc
été
manière d'exposition en exposition rue Le Peletier, ses envois aspect tout à
fait particulier.
La Balançoire
et le
le
en accentuant sa
et à celle
de 1877,
montraient sous un
Les principaux étaient
Bal à Montmartre, au Moulin de
la
93
comme
qui.
galette,
faisant
Salon de 1868,
une
fois,
rayons lumineux.
cette disposition.
sous
Balançoire
Le
On
première
la
et le
Bal à Mont-
en 1877, répétaient
des personnages en plein
avait
éclairé par le soleil, avec des
feuillage,
le
Peletier,
pour
traversé par des
feuillage
le
La
martre, exposés rue
air,
avait montré,
il
sous
figure
collection
la
au Musée du Luxembourg.
Caillebotte, sont entrés
Au
de
partie
taches de lumière répandues sur eux et sur le sol. Mais
dans Tintervalle de 1868 à 1877 Renoir, tance à travailler en plein
pai' sa persis-
air, est arrivé
à serrer de
plus en plus près les jeux de la lumière et les colorations naturelles, et en
son feuillage éclairé appa-
efiFet
maintenant coloré,
raissait
d'une tout autre façon
qu'en 1868. Son feuillage de 1868 avait été de ce vert clair,
adopté
comme
note permanente par
gistes jusqu'alors, et ses taches
les
paysa-
lumineuses avaient été
de cette sorte de jaune, uniformément employé pour représenter les parties éclairées directement par soleil,
en opposition avec
Mais maintenant Sisley,
les
les parties
dans Tombre.
Impressionnistes Pissarro, Monet,
Renoh' ont reconnu, en commun, que
rations de
la
le
lumière
et
sont jamais semblables,
les colo-
de l'ombre en plein qu'elles
varient
air
selon
ne les
heures, les saisons et les circonstances atmosphériques.
D'après ces observations, cherchant à être aussi vrais
que la
possible,
lumière
ils
et les
étaient arrivés à rendre les éclats de
ombres en toute occasion diversement
colorés.
On neige
94
avait et
vu Pissarro
de givre au
et
Monet peindre des
soleil,
où
les
effets
de
ombres portées
o
u o
U 3 O r-
C X 3
a -a
3 O
W
J
O z
avaient pris des tons bleus. Sisley avait peint des terrains ensoleillés,
Dans
rose-lilas.
même
cette
Renoir venait maintenant donner mie
teinte générale
violette
aux personnages
çoire et
de son Bal à Montmartre^ placés sous
et
familiarisé avec les
ombres
particulier sont revenus
exciter de
si
aux terrains de sa BalanDepuis on
lage éclairé par le soleil.
le feuil-
tellement
s'est
colorées, les tons violets en
souvent, qu'ils passent sans
remarque, mais en 1877,
comme une
voie,
ils
apparaissaient
On se
innovation monstrueuse.
maintenait
alors dans la conception traditionnelle, qui faisait con-
comme
sidérer l'ombre et la lumière
Tombre
fixes,
des oppositions
apparaissait toujours sur les toiles
sem-
blable à elle-même, épaisse ou légère, mais uniformé-
ment en
noirceur.
Renoir étendant un ton général
qui fut de l'ombre,
violet,
faisait
donc
ignorant, d'un contempteur des règles.
Il
d'un
contribuait
par son apport d'originalité, au débordement de
ainsi,
mépris, d'injures, de risées qui accueillaient sionnistes à leur exposition.
part
l'effet
et,
comme
difficultés à
Il
en avait par
conséquence,
il
les
là
Impres-
même
sa
éprouvait les pires
vendre ses œuvres, de manière à pouvoir
vivre. Il
avait à ses débuts
subi l'extrême gêne, et
il
le
manque
d'argent et
n'en était jamais réellement sorti
se voyait, après ses expositions avec les Impres-
sionnistes, dans Il
il
connu
un plus grand embarras que jamais.
avait cherché à se procurer des ressources, par la
vente de ses toiles aux enchères.
ClaudeMonet,
à Sisley, à
Il
se joignait
donc
à
Berthe Morisot, en mars 1875,
pour faire une première vente publique à l'Hôtel Drouot
95
en mai 1877 à Pissarro, Sisley, Gaillebotte pour en faire une seconde. Les prix obtenus avaient été dériet
soires.
Les vingt
toiles
mises à
duisaient que 2. 150 francs.
Il
la
vente de 1875 ne pro-
s'en trouvait dans le
nom-
ire d'importantes et des meilleures, telles que Avant le hain^ une jeune femme, le buste nu, les bras levés, dénouant sa chevelure, dont le prix ne dépassait pas 140 francs. Une vue du Po/î/- A'^eiz/montait par extraor-
A la vente de 1877, après l'exposi-
dinaire à 300 francs. tion de la rue leur succès
:
Le
Peletier,
Renoir n'obtenait pas meil-
seize toiles ne produisaient toutes
ensemble
que 2.005 francs. Renoir après l'insuccès de ces deux ventes publiques
Dans
renonçait à en essayer de nouvelles.
mépris où
œuvres
la
condamnation prononcée contre tomber,
les avait fait
de
l'état
ses
ne pouvait d ailleurs
il
parvenir à les vendre convenablement. La question d'obtenir de son travail une rémunération, qui lui per-
mît de vivre,
était
donc devenue angoissante.
Il
va
la
résoudre, en s'adonnant tout particulièrement à la peinture de portrait.
Il la
pratiquait déjà.
—
Il
avait entre
autres peint les portraits de ses camarades Sisley.
—
Il
va maintenant
la
Monet
et
développer, en peignant
des portraits qui seront des œuvres importantes par les
dimensions et
cette voie
un appui
arrangements,
suffisant,
de gens riches, pour se
et il
les
de
la
tirer
et
il
obtiendra dans
part de gens éclairés
de l'extrême gêne où
avait jusqu alors vécu.
M. Ghoquet portraits.
G
fut le
était
un
première demander à Renoir des
homme
d un goût
sûr.
Il
avait
d abord, dans sa jeunesse, admiré Delacroix, puis à la
96
première vue des Impressionnistes, naître en eux de grands artistes.
ment
Il
il
avait su recon-
se liait particulière-
d'amitié avec Renoir et Cézanne.
cuter à Renoir deux portraits de
lui,
Il faisait
des
exé-
têtes, trois
femme, dans des poses diverses et un petit portrait, d'après une photographie, d'une fille qu'il avait perdue. La plupart étaient montrés à l'exposition de 1876. Mais M. Choquet, ne jouissant alors que d'une modeste aisance, n'avait pu demander que des œuvres de dimensions restreintes. Renoir allait portraits de sa
maintenant trouver des gens riches, qui
lui feraient
exécuter des portraits qui seraient de grands tableaux.
Parmi
les
hommes
d'un goût éclairé qui, en contra-
diction avec le public, avaient su d'abord l'art
neuf des Impressionnistes se trouvait l'éditeur Char-
pentier.
Il
faisait
peindre à Renoir un premier por-
de sa femme, une
envoyé à l'exposition de rue Le Peletier en 1877 ^ Ce portrait avait été jugé
trait
la
comprendre
tète,
excellent, dans le petit cercle
où
l'on savait apprécier
M. et M"^® Charpentier, encourademandent par surcroît à Renoir une
les Impressionnistes.
gés par ce succès,
œuvre des plus importantes. M"^^ Charpentier sera peinte de grandeur naturelle, dans un arrangement avec ses enfants. Le tableau, tel qu'il existe ", la montre en effet vêtue d'une robe noire, assise sur un sofa à côté d elle, ;
sur
le
parquet, sont ses deux
fillettes,
jouant avec un
gros chien. Tout l'ensemble est coloré, les lambris du
fond,
le tapis
du parquet,
les
vêtements multicolores
(1)
Maintenant au musée du Luxembourg.
(2)
Maintenant au Metropolitan Muséum, de New-York.
97
delà mère
et
des enfants,
chien, forment et
en
harmonie
et
une
même
du gros
tranchés, tous
temps tenus dans une grande
parfaite justesse.
œuvre eut été peinte, la quesmontrer au Salon, où elle serait vue
cette maîtresse
tion se posa de la
par Télite
noir et blanc
un assemblage de tons
en valeur
Lorsque
le poil
et
par
Mais se présenter au Salon
la foule.
et
prétendre s'y faire recevoir, après les refus naguère subis et la réputation d'artiste dévoyé acquise aux expositions des Impressionnistes, eût indiqué
de
la part
de
Renoir, laissé à lui-même, une grande présomption.
Heureusement qu'il allait trouver de 1 appui. M™® Charpentier, qui avait un salon où fréquentait le Tout Paris littéraire et artistique et jouissait
grande influence,
allait
en conséquence dune en campagne.
se mettre
même temps que le portrait de M™^ Charpentier,
En
Renoir
du jury le portrait en pied, aussi de grandeur naturelle, de M"® Jeanne Samary, une sociétaire de la Comédie-Française, favorite du public. Refuser les portraits de femmes aussi en vue que présentait à l'examen
M™^ Charpentier
et
M^^ Samary devint impossible,
après les démarches répétées, faites auprès des
du jury par M™^ Charpentier agir.
fît
et les
personnes qu'elle
Les deux portraits furent donc reçus
au Salon, exposés
fort
en vue, sur
membres
même,
et
la cimaise.
Renoir,
le
refusé des Salons de 1872 et de 1873, le peintre honni
et
conspué aux expositions des Impressionnistes, ren-
trait ainsi
En
avantageusement au Salon de 1879.
cette
même
année,
il
fut
mier portrait par des gens du M*"® Bérard, avec lesquels
98
il
appelé à faire un pre-
monde
riches,
allait se lier
M.
et
d amitié.
o >I
3 M
c es
O O
en
m m t>i
â&#x20AC;˘M
C a,
u a
u T3
O
o 2 W
M.
M™® Bérard ne
et
prétendaient point être des con-
— par bonheur pour Renoir
naisseurs en peinture
au cas contraire, qu'un
gens du
n'eussent probablement vu en lui
ils
comme
dévoyé,
artiste
monde
—
car,
en masse
le faisaient
les
demeuraient sans opinion sur les
ils
mérites ou les démérites de Timpressionnisme, dans
un
M. Deudon, un de
état d'esprit tranquille.
amis, avait
avait acheté la Danseuse de Renoir.
montrée
comme une œuvre
les avait sollicités
Il
leurs
leur
la
pleine de charme, et
de faire exécuter, par son auteur,
portrait d'une de leurs
filles.
trouvé de l'agrément à
la
Les Bérard avaient en
danseuse
le
effet
après des hési-
et,
tations fort naturelles, puisqu'il s'agissait d'un artiste
alors
absolument décrié,
Renoir
le portrait
s'arrêta à
ils
de leur
se décidaient à fille
demander à
aînée, Marthe.
une pose simple, d'un
Renoir
coloris sobre,
de
peignit la jeune
fille
debout, sur fond neutre, les mains croisées devant
elle,
manière à ne pas effaroucher.
Il
vêtue d'une courte robe noire, avec une ceinture bleue, collerette et
manchettes de dentelle. Cette œuvre
très réussie et les
Bérard furent enchantés de
la
était
grâce
qu'ils trouvaient à leur fille sur la toile. Ils avaient su
même temps
en
avisé
du peintre.
chez eux en
apprécier la bonne Ils
humeur
en font donc un ami. à la
ville et
campagne
et
Ils
et l'esprit
vont l'avoir
ils
lui feront
peindre tout un ensemble de portraits. Renoir, qui avait
commencé
pai'
une œuvre
très
sobre, après deux ou trois autres semblables, se sentant
en pied dans
la
maison, devait se permettre des arran-
gements de toute sorte
du
coloris.
Il faisait
et atteindre
l'extrême hardiesse
ainsi successivement dix portraits.
99
Quand on
que valent
sait ce
renom, Tidée d'en trouver dix de l'un d'eux
peintres en
dans un même lieu serait suffisante pour
Mais
le faire éviter.
de Renoir rendaient l'intérieur des
les portraits
Bérard délicieux.
un
de certains
les portraits
On
pouvait reconnaître
là
comment
un peintre inventeur est apte à sur un thème donné, de réelles œuvres d'art
véritable artiste,
obtenir,
variées à
1
infini.
M™® Bérard, où
a peint une tête de
Il
passe sur les
une sorte de sourire de bonté, de charme et de distinction, puis une tête de la plus jeune fille, la
traits
petite Lucie, avec les
cheveux ébouriffés et l'expression
effarouchée de l'enfance. la
Il
a peint, en plein air, sur
plage de Berneval la jeune Marguerite en pied, en
costume de bain, donnant lité violette
lets
comme
d'un
«
qui
lui est
propre.
fond, dans
complet
»
à l'ensemble la
bleu.
un Il
Il
portrait
remis ses tons vio-
du
fils
Paul, vêtu
a réuni toutes les têtes des
enfants, quelques-unes répétées toile et a fait
a
fameuse tona-
deux fois, surunemême
de cet ensemble très
salade pleine de vie. Enfin
clair,
une sorte de
comme couronnement,
il
a groupé sur une grande toile les trois sœurs, Marthe,
Marguerite
et
Lucie. Elles sont
que l'on pourrait appeler
L
la
là
sans ombre, dans ce
crudité de la pleine lumière.
aînée, vue de profil, coud, assise sur
une chaise, vêtue
d'une robe grenat, les deux autres, en costume beige, sonll'unedebout. l'autreétendue sur un canapé, un livre (mveit devant
gamme (1)
100
elle.
Cette
œuvre
'est
exécutée dans une
de tons audacieuse qu'il n'a jamais dépassée.
Maintenant à
la
National Galerie, à Berlin.
Elle est à placer, site, à
côté
du
comme
portrait
importance
comme
et
réus-
deM^^Charpentieretde ses filles.
Renoir, reçu au Salon, continuait às'y montreraprès
En
1879, pendant plusieurs années. les
Pêcheuses de moules
Pêcheuses de moules,
dans
un
le
une Jeune
et
la
il
y mettait
endormie. Les
Fille
principale debout, une hotte
dos. ont été peintes sur
village
1880,
la
plage de Berncval,
de bains de mer près de Dieppe, à côté de
Vargemont,
la
propriété des Bérard, où Renoir séjour-
nait à maintes reprises.
Il
peignait donc, tant à Berne val
qu'à Vargemont, de nombreuses œuvres.
En
1881,
il
mettait au Salon deux portraits de jeunes femmes, en
1882 un seulement
et
en 1883 un encore.
Renoir envoyant aux Salons avait momentanément
manquait
à
leurs expositions de 1879, de 1880 et de 1881. Mais
il
délaissé ses amis les Impressionnistes,
se remettait avec
de
eux à
celle
de 1882, tenue au n° 251
rue Saint-Honoré, dans
la
il
le
salon du
panorama de
ReichshofFen, suri emplacement maintenant occupé par le
Nouveau- Cirque.
Il
n'y
envoyait pas moins de
25 toiles. Plusieurs peintes à Bougival
et
à Chatou étaient
A
consacrées aux plaisirs des canotiers.
— 1880, 1882 — où nue,
le
La
n
Il
donnait aux bords de
une animation
qu'ils ont
la
Renoir,
comme une
la jeunesse
Seine, près de
aujourd hui perdue.
principale des toiles suggérées par
Déjeuner des Canotiers, compte
époque
pas encore con-
était
canotage formait l'exercice préféré de
parisienne. Paris,
la bicyclette
cette
même
le
canotage. Le
dans l'œuvre de
des plus importantes qu'il
ait
peintes, par ses dimensions et les traits saillants, qui s'y rencontrent,
de la peinture en plein
air.
Les canotiers 101
compagnes se voient assemblés après déjeuner, autour d'une table, sous une tente. La Seine et ses bords boisés, éclairés par le soleil, forment un fond lumineux au tableau et en augmentent Téclat général. et leurs
En
M. Durand-Ruel avait loué temporairement le premier étage d'une maison en réparation, au n°9 du boulevard de la Madeleine. Il y faisait, de mars 1883,
dont chacune
à juin, des expositions
était
consacrée
exclusivement à un peintre impressionniste. Renoir, du l^''
au 25
avril,
pouvait exposer ainsi un ensemble de
70 œuvres anciennes déjà vues, ou récentes, montrées pour
deux
la
première
toiles
Parmi ces dernières
fois.
se trouvaient
particulièrement réussies, Danseurs Bou-
gival et Danseurs Paris, la valse sous
deux aspects
dif-
ABougival un canotier en « complet» bleu et une j eune femme en robe de campagne à Paris un j eune homme en habit noir et cravate blanche et une parteférents.
,
naire en costume de soirée.
Aux expositions de 1882 et de 1883, rue Saint-Honoré, et sur le
Boulevard, Renoir avait mis des vues de Venise,
de Naples, d'Alger assise Alger,
tenant,
et
des toiles
dénommées Femme
Une s'agissait plus mainFemme d'Alger du Salon de
Négresse Alger.
comme
avec la
1870, de types de fantaisie, arrangés à Paris, mais de véritables Algériennes, obtenues sur les lieux. avait rapporté de Italie et
visité
en Algérie.
Venise où
il
nombreuses Il
En
Rome
Palerme où
où il
le
il
se contentait
peignait de nou-
revenant à Marseille l'hiver,
refroidissement et,
102
et
d'un voyage en
toiles
dans l'hiver de 1881-1882,
peignait,
de regarder, Naples veau.
avait,
Renoir
il
fut pris
d'un
médecin lui interdisant de rentrer
RENOIR.
—
L'Algérienne.
à Paris,
alla
il
passer
le
printemps de 1882 à Alger.
y peignit des tableaux, où est porté à sa dernière accentuation le rendu du ciel, de la mer et de la végéIl
tation, éclairés par
A Texposition aussi
un
Tardent
soleil d'Afrique.
du boulevard de
la
Madeleine
figurait
Richard Wagner, peint dans des
portrait de
circonstances assez particulières. Renoir venu à Naples apprit que
Wagner
passait Ihiver à Palerme.
un enthousiaste de
Renoir
musique de W^agner,
qu'il
avait entendue, dès les premiers
moments où on
avait
commencé
partit
était
la
à la jouer à Paris.
un peu avec
le
Il
pour Palerme,
désir de voir la Sicile, mais surtout avec
un portrait de Wagner. Il s'était muni de recommandation, qu'il perdit en route et
celui de peindre
de
lettres
ne put produire.
Il
en relations,
entra
dans son
embarras, avec M. de Joukowsky, un admirateur passionné de Wagner, qui
suivait partout et qui se
le
trouvait naturellement auprès de lui à Palerme. Renoir,
présenté par M. de Joukowsky à Wagner,
comment il
avait
lui
raconta
d abord entendu sa musique dans des
cénacles à Paris, où figuraient de ses amis français de la
première heure, dont
montra sur lui,
il
lui cita les
cela fort cordial.
Il
quoiqu'il ne l'eût encore
peintre,
il
consentit à poser devant fait, dit-il,
s'il
fût réellement le seul
peintre, en faveur de qui Wagner ait fait Il
sut
seulement que
se tint assis
Wagner
pour aucun
que devant des photo-
n'avait jamais posé
graphes. Renoir ne sut point
noms. Wagner se
le lui
une exception.
a déclaré.
Wagner
un peu plus d'une demi-heure. Dans
ce
court espace de temps, Renoir enleva une tête pleine de caractère,
que
l'on sent d'une
grande ressemblance.
103
La demi-heure
passée,
Wagner
se trouvait fatigué,
devenait cramoisi. Renoir prit donc congé.
son voyage à Palerme trait qu'il était
était atteint. Il
il
Le but de
emportait
le
por-
venu pour peindre.
Renoir qui avait cessé d'exposer aux Salons après 1883 se reprenait exceptionnellement à envoyer, une dernière
fois,
colorée et
toile, très
des trois
y mettait une grande lumineuse, donnant les portraits
à celui de 1890.
filles
de M. Catulle Mendès. L'aînée y
représentée assise au piano,
un violon sous
d'elle,
Il
est
debout près
la cadette
le bras, l'archet à la
main,
et la
plus jeune appuyée des deux mains sur le piano.
Le peintre Il instituait
Caillebotte mourait encore jeune en 1894.
Renoir, avec lequel
il
exécuteur testamentaire. Renoir toute
lié,
son
avoir de ce
fait
avait été très allait
une action à poursuivre auprès de
l'Etat. Caille-
botte s'était joint aux Impressionnistes à leur seconde exposition, en 1876.
Il
teurs de parquet, des
s'y était
produit avec ses Rabo-
œuvres exécutées à
l'atelier,
de
tons sobres, par conséquent ne laissant point voir ces traits
marqués, que
la
avait
amené chez
les
pratique de peindre en plein air Impressionnistes.
Caillebotte,
après ce début, liant définitivement son sort au leur, devait se mettre
comme
devant
Mais tout en développant à son tour
la
la nature.
gamme
des tons clairs,
eux à peindre en plein
il
apport particulier à ce que trouvé.
104
Il
le faisait
les
devait peindre le
sans ajouter
air,
un
premiers partis avaient paysage,
en s'inspirant
Quand
surtout de Claude Monet.
Impressionnistes
le
de Fart nouveau
était établie
grand
aux
se joignait
il
formule
effort était fait, la
quoique ses œuvres
et
soient dignes d'une place au milieu des autres, elles ne
sauraient cependant être tenues qu'au second plan. Caillebotte était riche.
avait
Il
formé une importante
collection d'œuvres de Manet, de Degas, de Pissarro,
de Claude Monet, de
par testament, à
qu'il léguait,
de Cézanne
Sisley, de Renoir,
pour être placée
l'Etat,
au Musée du Luxembourg. Quelques années auparavant l'offre faite
au Musée de
\
Olympia de Manet
avait sou-
levé de telles colères, vu naître une telle résistance avant d'être acceptée,
que
le legs
survenant maintenant, en
un ensemble d'œuvres de Manet et des Impressionnistes susciterait sûrement une grande addition, de tout
hostilité et courait
même le
devait donc se livrer à les héritiers
l'Etat,
Une
pour
risque d'être refusé. Renoir
un long travail, de concert avec
de Caillebotte, auprès des représentants de faire accepter les tableaux légués.
opposition très forte contre Tentrée au
Luxem-
bourg d'une collection entière d Impressionnistes manifesta, en
effet,
Cependant ceux qui
dans certains milieux artistiques. s'y laissaient aller n'osèrent
suivre ouvertement le rejet du legs.
détournée pour atteindre d'abord d'empêcher que rosité par le testateur
les
Ils
prirent
leurs fins.
Ils
pour-
une voie
essayèrent
conditions mises à sa géné-
ne fussent remplies,
sur ce point, s'efforcèrent d'obtenir,
qu'on n'acceptât qu'une partie de le
se
puis,
comme
déjoués
pis aller,
la collection,
réduite
plus possible. Le testateur demandait que tous ses
tableaux entrassent au Luxembourg, sans exception.
Il
105
ne
s'était
point inquiété de rexigiiïté du Musée. Arguant
du manque de
place, TAdministration des Beaux-Arts
déclai'a qu'elle
n accepterait
dition d'être laissée libre de choisir
pour
les meilleurs,
qu à la condans Tensemble
les tableaux,
les placer
au Musée, en nombre
proportionné à Tespace disponible. Les autres seraient
envoyés aux Palais de Gompiègne
Renoir
et les héritiers
proposition.
Ils
au
loin; ce
que
et à
le
plus grand
le testateur avait
tableaux choisis
ment, dans
le
et
respecter, au Il
s'était
serait
éviter.
héritiers consen-
un choix, mais mettre au Luxembourg tous les en outre à comprendre indistincte-
choix, des
représentés dans
voulu
et les
une transaction. L'Etat
en s'engageant à
nombre
Fontainebleau, relégué ainsi
Après pourparlers, Renoir tirent à
laissaient pleine
s'ils
peu de tableaux n'entrassent au
Luxembourg, pendant que envoyé à Compiègne
de Fontainebleau.
de Caillebotte repoussèrent cette
craignaient que,
liberté à l'Etat, très
et
œu\Tes de tous
la collection.
moins en
ferait
C
était
les peintres
une manière de
esprit, la volonté
du
testateur.
surtout proposé, en stipulant l'entrée de la
collection entière au les peintres ses
Luxembourg, d'y
faire
pénétrer
amis sans préférence, de manière à ce
qu'aucun ne demeurât au dehors. Mais ce point ne
admis parles représentants de car
il
s'agissait
si
bien qu'alors qu'on se résignait à
prendre des œuvres de tous
bérément à écarter héritiers
l'Etat qu'avec difficulté,
surtout de Cézanne, qui excitait une
véritable horreur,
les
fut
les autres,
les siennes.
on pensait
déli-
Cependant Renoir
de Caillebotte furent inflexibles
et
et les
représentants de l'Etat durent céder sur ce point, c'est-
106
à-dire accepter des tableaux de Cézanne, avec ceux des autres.
Après accord, on
Manet sur
choisit,
trois, huit
pour le Luxembourg, deux
Claude Monet sur
seize, six Sisley
sur neuf, sept Pissarro sur dix-huit, tous les Degas au
nombre de
sept,
de petites dimensions, deux Cézanne
sur quatre. Renoir était représenté dans la collection
Parmi
se trouvaient
par huit tableaux, on en prit
six.
de ses œuvres
son Bal à Montmartre
les meilleures,
Le
sa Balançoire de l'exposition de 1877, rue
et
Peletier,
qui avaient apporté cette tonalité imprévue des ombres violettes,
en plein
air.
Renoir
s'était
employé avec
dévouement à faire exécuter les dernières volontés de son ami Caillebotte. Le Musée du Luxembourg s'ouvrait aux Impressionnistes, ce qui était un notable avantage pour des artistes jusqu'alors méprisés par public et honnis dans les sphères
officielles.
consacrant ses efforts au bien des autres,
reusement
travaillé
pour
car
lui,
Musée, avec des tableaux qui
le
il
le
Et en
avait heu-
il
prenait place au
montraient sous un
aspect très personnel et très caractéristique.
Renoir a surtout porté
comme
plein air
été
un
peintre de figures, mais,
tous les Impressionnistes à travailler en
devant
la
nature,
il
s'est aussi
adonné au
paysage. Ses tableaux de cette sorte sont peints dans
une gamme colorée décoratif,
et
en prenant
offrent
un aspect
mot dans un sens
élevé; la
lumineuse, le
nature s'y laisse voir sous des
En
ils
traits ornés.
considérant l'ensemble de son œuvre, on recon-
naît qu'il a surtout été le peintre de la
femme.
pénétrée d'une sensualité d'ordre délicat.
Il
Il l'a
a tout le
107
temps peint des nus d'un charme voluptueux, aux
où
contoui'S souples, nalité. il
A un
certain
manifestée toute sa person-
s'est
moment, au milieu de
a cherché à préciser la
forme de
duire la fermeté des contours. Ingres.
Mais
cette recherche,
sa carrière,
ses nus, à
regarde alors vers
Il
dans
le
nu, de
précise n'apparaît chez lui que transitoire.
revenu, pour ne plus Tabandonner, à
voluptueuse
de sentir
relle Il
et
y intro-
la
la ligne
est vite
Il
forme souple,
enveloppée, qui est sa manière natu-
et
de s'exprimer.
se dégage de son
œuvre un type féminin
fort ori-
C
est celui
ginal
que Ton voit apparaître dès
le
début.
de
jeune Parisienne, allant de
la
bourgeoise à Tou-
la
vrière,
de
la
midinette à
Montmartre, une
la fille
personne
petite
habillée gentiment, rieuse, ingénue.
des XIX® et
xx''
siècles,
qui danse au bal svelte,
A
pimpante,
cette Parisienne
Renoir a donné une grâce
et
un
agrément, auxquels on peut trouver delà ressemblance avec ceux dont
un tout femme.
autre
les peintres
monde
du xvnf siècle ont empreints une tout autre
et
classe
de
* *
j»
Renoir
s'est
marié
et a
eu
trois enfants.
Son
jfils
aîné
Pierre, après des études régulières au Conservatoire,
entré au théâtre, s'est
fait
une place distinguée parmi
les acteurs parisiens.
Renoir avec
le
temps
est
d'abord arrivé à l'aisance,
puis à la fortune. L'âge venu,
il
a été pris de
tismes, qui l'ont contraint d'abandonner Paris Il est
108
rhuma1
hiver.
alors allé s'établir à Gagnes, près de Nice,
où
il
a acheté
une campagne.
au milieu de jardins
et
il
qu'il s'est établi à
olives.
Gagnes, sur
du climat
en plein
remis à peindre
il
s'est
il
la
lui
travailler
paysage, auquel
le
adonné. Ses paysages, survenus ainsi
s'était autrefois
dans de nouvelles conditions, offrent des
qui les
traits
même
œuvres antérieures du
de ses
différencient
Méditerra-
permet de
née, où la douceur air,
une maison
y a joui du plaisir de voir
mûrir ses
fleurir ses orangers et
Depuis
est construit
Il s'y
y a surtout introduit les oliviers, que lui présentaient son jardin et les terres voisines et, tout en ordre.
Il
restant fidèle à la réalité, a su leur
qui en
fait
Comme sait
devant
remarque que
ses paysages
fai-
du Midi,
donnaient bien des campagnes ayant
du Nord, ce que
différent de celui
peintres venus
ne savent
dans un groupe d'amis, on
lui,
la
les oliviers,
un aspect
allure,
des arbres de noblesse et de dignité.
justement
avec
donner une
du Nord
faire, je l'ai
allant travailler
entendu dire
n'est pas tout d y aller
pour
le
«
:
peindre,
dans
Ahl il
le
tant de le
Midi
Midi, ce
faut pouvoir
pénétrer. Et jai dû mettre du temps et m'appliquer,
le
pour bien
saisir les
juste physionomie.
»
oliviers et les
On
donner avec leur
peut recommander à latten-
tion des jeunes gens, cette réflexion d'un artiste, par-
venu
à la grande
renommée
et
en pleine possession de
ses
moyens, qui déclare que ce n
un
travail
soutenu
et
est toujours
une étude
que par
suivie, qu'il lui est
possible de saisir quelque aspect nouveau delà nature.
Renoir, d et
humeur
sociable, de caractère bienveillant
d habitudes simples, prenait
aussi était- il d'un
commerce
la vie
par
le
bon
facile et agréable.
côté,
Lors-
109
qu'il parlait
de son
bonhomie. Pour cice
art,
il
le faisait,
peindre
lui,
on peut
dire, avec
mise en exer-
était la
d'une faculté naturelle. Les considérations esthé-
tiques d'ordre étrangères.
Sa vision
conservées jusqu'à la
lui
ainsi se consoler des infirmités
de
la vieillesse et
en avait été
taire qui
secon-
permis de peindi'e assidûment,
pu
a
le reste était
une partie de sa force nerveuse
et
ont
fin. Il
amenées par
demeurées
peignait par besoin de peindre, pour se
pour se délecter, tout
satisfaire,
daire.
Il
abstrait lui sont toujours
la
façon de vivre séden-
la suite.
Renoir, établi l'hiver dans sa campagne de Gagnes, n'a cessé de venir
1
été à Paris.
Il
même pu
a
entre-
prendre une dernière fois, en 1910, unlointain voyage. Il
est allé à
Munich
visiter
des amis et a peint, à cette
de
occasion, le portrait de la maîtresse
M™^ Thurneyssen,
et
de son
maison,
a continué
Il
fils.
la
peindre avec assiduité à Gagnes, à Nice et à Paris. peint, à Nice,
comme
un
sofa, vêtue
avec une tapisserie éclatante sur
de ses Il
d'une robe la muraille,
fond. Gette œuvre, par son importance, est à
mettre à côté des grands portraits de et
a
en 1912, un grand portrait de M°^^ de
Galéa. Elle est étendue sur diaprée,
Il
à
filles et
M™® Gharpentier
des demoiselles Bérard.
a peint, à Paris, au milieu d œuvres variées, le
portrait de M"^^ actrice
Paul Gassirer, qui
renommée. Son mari,
le
est,
à Berlin, une
grand marchand
et
promoteur en Allemagne des œuvres des Impressionnistes français, l'avait
portrait par Renoir.
G
amenée était
à Paris
pour avoir son
une heureuse inspiration,
car Renoir a fait d'elle un portrait, qui est
110
une
véri-
,
«
,
•V»"f^^---v.
.
RENOIR.
—
Baigneuse.
table
œuM'e de maître. Tout en conservant au modèle
son type caractéristique de femme allemande, su Tenvelopper d'un charme
il
a
d une grâce
caressant,
voluptueuse, qu'aucun peintre allemand n'aurait pu lui
donner. Ce portrait s'achevait, en 1914, lorsque sur-
M.
vint la déclaration de guerre, et le
laissant
M™®
et
Gassirer,
derrière eux, à Paris, durent repartir en
hâte pour Berlin.
Depuis que tout jeune
il
a
commencé
à peindre,
Renoir n'a cessé de développer, d'accentuer sa manière.
A
la légèreté
vement
de ses œuvres de début se sont progressi-
substitués
un
de se partager, œuvres,
les
critiques et aux collectionneurs
uns vantant surtout
le
ses premières
les autres préférant les dernières.
ceux qui admirent vraiment
lement
colo-
Ce qui per-
ration plus vive, des tons plus poussés.
met maintenant aux
une
faire plus robuste,
l'artiste
Tandis que
apprécient éga-
de son œuvre, y retrouvant différences d exécution.
les diverses parties
même fond,
sous
les
Les rhumatismes dont Renoir a été à qui lui avaient rendu
la
marche
la fin affligé,
difficile et qui, s'atta-
— ce qui
quant aux mains,
les lui
l'obligeait à tenir
son pinceau d une manière particu-
lière
— ont pu grandir
avaient contournées
et se
diminuer son ardeur au
développer, sans toutefois
travail et sans atteindre la
valeur de son exécution. Vollard était allé en 1917 en
Espagne, à l'occasion de l'exposition de peinture française, qui se tenait cette
avait rapporté
année-là à Barcelone.
un somptueux costume de
étoffe toute pailletée et
Il
en
torero, d'une
lamée d'argent. Renoir séduit
par cette parure en revêtit Vollard
et, le
peignant ainsi,
111
a
du
fait
paisible
Parisien un semblant de torero.
y a de remarquable dans ce portrait, exécuté par un homme de 76 ans, ce n'est pas seulement qu'on y reconnaît une facture pleine de vigueur mais Mais ce
qu'il
du
coloris
montrent que
que
la fraîcheur, l'acuité
tiste
a conservé toute sa netteté de vision. Les
s'affaiblissent si
souvent chez
les vieillards
l'ar-
yeux qui sont chez
lui restés intacts.
Les expositions des Impressionnistes, où Renoir
œu\Tes
avait
montré
avait
d abord exposées,
ses
et les divers 1
Salons où
il
avaient dès longtemps
les fait
connaître à ce public particulier qui s'intéresse aux
nouvelles et à ces quelques
formes
d'art
l'esprit
ouvert,
qui savent apprécier
hommes
à
l'originalité et
l'invention partout où elles apparaissent. Sa réputation établie
dans
le cercle restreint avait ainsi
couvé,
peut dire, pendant de longues années, mais allait
enfin venir
où
elle
le
si
l'on
moment
prendrait possession du grand
Ce changement avait son point de départ en 1904. Le Salon d automne faisait cette année-là une
public.
exposition rétrospective de ses œuvres, empruntées
aux diverses époques de sa production. Cet ensemble frappa tout le monde par sa variété, son charme et sa maîtrise.
La presse
fut
comme unanime
à le louer.
La
réputation de Renoir s'étend dès lors sans arrêt. Les
musées
La guerre
arrive,
arrêt à la vie
que
les
disputent ses œu\Tes.
et les collectionneurs se
en 1914,
artistique,
que
et
alors qu'elle
les
Salons sont supprimés, que
particulières deviennent rares, par pétie, c'est à ce
112
musées
moment que
la
met un
se ferment,
les expositions
une singulière
péri-
réputation de Renoir
va prendre toute son extension. La guerre, qui a mis les
nations aux prises
amène, en dehors de 1 action
les
moyens de propa-
militaire, à vouloir user
de tous
gande
ressources de leur génie, pour
de toutes
et
les
les
Dans
le
domaine des
particulièrement dans celui de
la
peinture, la
exercer leur influence au dehors. arts,
et
France a prétendu depuis longtemps,
que jamais, à l'excellence venue,
les
amis que
la
et à la
la
marque d
La guerre
France compte à l'étranger
aux Français, ce qui
meilleure
prétend plus
suprématie.
pensèrent que ce qui pourrait donner faction
et
le
plus de satis-
serait pris par
comme
de leur
serait
intérêt,
eux
offrir
l'occasion d'affirmer au dehors leur supériorité artistique.
Dans
ces conditions, des Comités se formèrent
en pays neutres, pour organiser des expositions d'œuvres des peintres modernes français.
Le gouvernement de ces
Comités
et
français vit avec joie la création il
seconda leurs
efforts.
Il
leur
assura des allocations pour parer aux frais à faire, leur facilita le transport des
envoi et leur retour, dans possibles. telles
Des
les
objets à exposer,
leur
meilleures conditions
expositions, qu'on peut dire solennelles,
qu'elles étaient organisées
nombre
il
et décisives
par
le
œuvres montrées, eurent lieu ainsi dans les pays neutres, en Hollande, à La Haye, en novembre 1916, en Espagne, à Barcelone, en et le choix des
mars 1917, en Suisse, à Zurich, en octobre 1917.
Or
ce que les Comités, qui s'étaient
teurs des expositions dans les trois pays,
fait
les
initia-
demandèrent
à recevoir avant tout, pour le montrer à leurs natio-
naux, ce furent les œuvres des peintres impressionnistes.
113
les
œuvres des peintres
impressionnistes, les œuvres qui
séduisirent le plus
parmi
les trois pays,
Et dans
Le charme du
furent celles de Renoir. et la
volupté qu'on y trouvait frappaient à l'étranger,
comme
des qualités
là à tout leur
on peut
dire
la gloire.
Il
que Renoir est
s étaient aussi
est
françaises, portées
dé6nitivement entré dans
mort à Gagnes
marche pénible,
en plus
éminemment
développement. Après ces expositions,
Depuis longtemps la
coloris, la grâce
les
le
3 décembre 1919.
rhumatismes, qui
et le
lui
contraignaient à l'immobilité,
attaqués à la poitrine, devenue de plus
délicate.
Il
prit froid et fut atteint
gestion pulmonaire, compliquée d'un arrêt laquelle
114
il
rendaient
succomba.
d une con-
du cœur,
à
BERTHE MORISOT On
doit considérer
apparition,
comme un phénomène
pom- former
rare cette
groupe impressionniste,
le
d'une suite d'hommes doués de facuhés qui leur sont
communes, marquées cependant chez chacun d'un
En remontant
caractère individuel.
découvrirait
dans
le
passé,
on
évidemment des apparitions analogues de
groupes d'écrivains
venant, à certaines
et d'artistes,
époques, porter à leur plénitude des formes de httérature ou d'art. Mais de telles apparitions ont été très rares.
Si de telles apparitions
d'hommes ont
au moins tout aussi rares ont mais alors restreintes à
l'état
été les apparitions
—
individuel
domaine de
destinées à exceller dans
le
dans celui de
Or
la peinture.
été très rares,
ces
—
de femmes
l'art,
surtout
deux sortes d'appari-
d'hommes liés entre eux exceptionnelles communes, et d une
tions très rares, d'un groupe
par des facultés
femme supérieurement douée en trées
pour amener
le
art, se
sont rencon-
groupe impressionniste à sa forme
complète.
Au moment où
les
hommes, qui
du groupe impressionniste,
se
sont les initiateurs
combinent, une femme 115
se trouve à côté d'eux, qui a subi des influences
sem-
blables aux leurs et que ses affinités portent à s'unir à
femme
Cette
eux.
faire apparaître,
c'est
Berthe Morisot. Elle
allait
dans l'ensemble de l'œuvre impres-
à côté des caractères de force et de puis-
sionniste,
hommes, de ces traits qui n'appartiennent qu'aux femmes, un charme délicat,
sance, qui appartiennent aux
une grâce pleine d'abandon, une distinction à
la fois
naturelle et raffinée.
Berthe Marie-Pauline Morisot naquit à Bourges,
le
14 janvier 1841. Elle appartenait à une famille où l'on s'était
traditionnellement adonné aux arts.
Son
père était un architecte distingué Morisot,
l'Italie,, la
Puis
Sicile et la Grèce.
tout autre voie,
administrative.
D
dissements,
était
à 1848. C'est lité
père, Tiburce
entraîné au début par ses penchants artis-
tiques, avait étudié à l'Ecole des
une
Son grand-
il
il
Beaux-Arts s'était
il
embrassé
avait
et visité
engagé dans la
carrière
abord sous-préfet dans divers arron-
devenu
du Cher, de 1840
préfet
pendant sa résidence à Bourges, en qua-
de préfet, que naquit Berthe,
sœur
la
dernière de ses
plus rapprochée d'elle
trois filles.
Berthe
par
Edma, montrèrent de bonne heure d heu-
l'âge,
et sa
reuses dispositions pour
le
la
Le
dessin
père, se rappe-
lant ses propres goûts de jeunesse, se plut à les cultiver.
Après avoir été au commencement de T Empire préfet
du Calvados, il
nommé
conseiller à la
vint habiter Paris avec sa famille.
lopper
le talent
de ses
filles. Il
leur
Giiichard, qui, sans avoir jamais était
116
un excellent professeur.
Cour des comptes, Il
put alors déve-
donna pour maître,
montré d invention,
BERTHE MORISOT. -
Son Portrait par elle-même.
Lorsque
ment
les
demoiselles Morisot eurent suffisam-
premier maître,
profité des leçons de leur
elles
se sentirent attirées par Corot. Elles firent sa connais-
sance vers 1862.
Il
les prit
en amitié. Les jeunes
filles
l'eurent alors pour guide. Lui, qui répugnait à Texercice de tout professorat, les
envoya
à son amiOiidinot,
qui avait adopté sa manière et habitait près de Pontoise.
Elles peignirent
donc sous
la direction
d'Oudi-
not des paysages, particulièrement à Anvers. Elles
commencèrent à exposer au Salon en 1864. Leurs envois n'ont jamais dû être refusés, car elles continuent à se produire ensemble au Salon en 1865, 1866, 1867 et
1868. L'aînée,
de 1868,
^me
Edma, abandonne
elle
épouse un
peinture à
la
de marine
officier
et
partir
devient
Pontillon; Berthe reste donc seule. J'ai eu l'occa-
un des Salons de ses de 1865, un paysage et une nature morte.
sion de revoir les tableaux mis à
débuts, celui Ils
sont
peints
d'une façon très ferme
œuvres de commencement, ne La manière qui se révèle dans Corot. C'est
évidemment sous
et,
comme
laissent rien à désirer. le
paysage
est celle
de
l'influence de Corot,
quelle a développé l'émotion personnelle
et l'inven-
tion artistique, pour les superposer à la technique scolaire
de son premier maître, Guichard. Son apprentis-
sage a été ainsi très sérieux.
une
Il
consommée. Sa qualité de de femme du monde ne
artiste
riche et
faut
donc voir en fille
d'une famille
saurait
prendre, pour ce que sont généralement
de sa condition, dites
artistes,
elle
les
la
faire
femmes
des personnes produi-
sant en dilettanti et à la légère.
117
Les demoiselles Morisot étaient allées travailler au Louvre, dès qu'elles avaient eu une certaine techni-
A
que.
cette
époque
la
pratique de peindre devant la
nature n'était qu'exceptionnellement suivie ral les peintres
en géné-
;
enseignant dans les ateliers Tignoraient
par conséquent ne Tinculquaient point aux élèves.
et
recommandaient au contraire la stricte fréquentation du Louvre, pour y faire des copies et y leur
Ils
pénétrer
le
secret des grands devanciers. Les débutants
donc alors au Louvre, en beaucoup plus grand nombre qu'aujourd'hui. Les demoiselles Morisot y allèrent elles-mêmes tout d'abord faire des copies, travaillaient
accompagnées de leur mère. elles avaient
Vers 1861,
un jeune
dites,
elles
copiait, lui aussi, des tableaux
par lui-même, Il
n'était point
ture,
il
La
l'avaient
connu.
Le Portrait du
Vierge au lapin blanc,
encore en vue,
il
il
sortait
Il
Tintoret,
du
Titien.
de chez Cou-
mettait son Déjeuner sur Iherbe et le
Salon de 1865, où célèbre,
homme
les
il
sa
exposait
L Olympia,
dames Morisot,
se
il
rappelant
fut le
devenu jeune
rencontré au Louvre, allèrent faire sa connais-
sance en règle, à son ;
:
en rela-
lui
débutait. Mais lorsqu'après le Salon des refusés
de 1863, où
que
à côté d'elles
Manet. Sans entrer avec
artiste,
proprement
tions
vu peindre
femme
atelier. Il était
et lui vivaient
veuve d'un juge
et
avec
marié à
cette épo-
M™^ Manet mère,
femme du monde, de manières
La connaissance faite à l'atelier entraîna à des relations des dames Morisot avec les dames Manet et. bientôt, à des rapports entre tous les memdistinguées.
bres des deux familles.
118
L'aînée des demoiselles Morisot se maria sm' ces
Berthe restée seule
entrefaites,
avec Manet, dans son
peindre vint travailler
à
Elle passe
atelier.
donc
moment
sous son influence immédiate, mais
point
donner
la
comme
apprendre, en
fait
lui,
il
de règles
et
ne
forme d'exécution pleine d et
Ce qu
elle devait lui
éclat, qu'il avait
que
personnel-
dons
ses propres
d'artiste
permettaient à elle-même de s'appro-
supérieure
lui
prier. M^^®
Morisot après cela aura une production
la
gamme
à
part de technique neuve, celte
était cette
lement inaugurée,
rien
restait
lui
de principes, son édu-
cation artistique était terminée.
emprunter
ne faut
devenue son élève Lors-
étant
rattachait à
qu'elle se
il
à ce
des tons, les qualités de clarté
et
de lumière
seront d ordre dérivé, mais sans que, pour
son originalité féminine
et sa
oii
fond,
le
manière de sentir soient
altérées.
Des rapports
Manet
entre
d'artistes suivis se sont
et
matiquement, pour
les introduire
gens de caractère tranché, qu
dans
la vie,
établis
Berthe Morisot. Manet avait pris en
aversion les modèles professionnels.
les
donc
autour de
lui.
il
Il
cherchait systé-
dans ses tableaux, pouvait découvrir
M"^ Morisot
lui offrait préci-
sément un type caractérisé de femme distinguée. Il va donc l'utiliser comme modèle. Il la peint une première fois
en 1868, dans son tableau Le Balcon, exposé au
Salon en 1869
donne
la
et
maintenant au Luxembourg. Elle
jeune femme
été serrée
de
La ressemblance n'a pas modèle a été rendu libre-
assise.
très près,
le
ment. La ressemblance devient tout à
un second
lui
fait fidèle
dans
tableau, en 1869, exposé au Salon de 1873
119
sous
le
titre
:
Le Repos. Celui-là
un
est strictement
portrait et de tous ceux qu'il peindra encore d'elle,
reste le plus important et le plus expressif. Elle est
représentée sur
un divan,
deux bras jetés de chaque
les
côté sur les coussins, les yeux profonds et mélancoliques.
On
a là le type
Berthe Morisot
d une femme rare.
était
en
effet
une femme qu'on ne
On
pouvait s'empêcher de remarquer.
qu'elle fut réellement belle, ses traits
régularité et son teint d'éclat,
mais
ne saurait dire
manquaient de
elle était gracieuse,
En
la
voyant, svelte et toute nerveuse, on reconnaissait
la
d'une grande distinction
et
d'un parfait naturel.
sensitive, l'être impressionnable. Elle possédait l'orga-
nisation qui fait l'artiste et certes, elle était artiste de
Ce qu'elle produisait venait de de charme et de sensibilité. Il y
race.
source, tout péné-
tré
a eu accord
plet entre elle et son
com-
œuvre.
Tant que demeurée sous Tinfluence de Corot elle avait peint auprès d'Oudinot, Berthe Morisot s'était presque
exclusivement adonnée
au paysage, ses envois aux
Salons ne comprenaient guère que des œuvres de cette sorte. Maisaprèss'être rattachée
de figures, la
elle
étend
le
àManet,surtoutpeintre
champ de son
peinture du paysage celle de
art, elle
la figure.
ajoute à
Elle montrait
au Salon de 1870 deux tableaux à personnages Portrait :
M™® XXX, et Une jeune femme à sa fenêtre. A partir de ce moment ses envois aux expositions seront composés d'œuvres prises aux deux genres. Elle met des de
pastels
aux Salons de 1872
et
de 1873. Puis cesse abso-
lument d'exposer aux Salons, pour artistes
120
qu'on va appeler
les
se joindre
aux
Impressionnistes. Elle
apparaît à
la
première exposition, en 1874, sur
le
bou-
levard des Capucines, avec des paysages et des figures,
des tableaux à l'huile
avec Pissarro
des pastels. Elle sera ensuite
et
plus fidèle à participer aux expositions
la
de Timpressionnisme. Sauf en 1879,
elle
prendra part
à toutes, jusqu'à la dernière en 1886. Elle envoyait à l'exposition de 1880, rue des Pyra-
mides,
le
femme au
tableau Jeune
Musée du Luxembourg On peut
bal,
le
maintenant au
donner
comme un
des meilleurs exemples de sa production, alors qu'elle avait pleinement profité de la
technique première, avec
la
faite
manière de Manet. Sa
de précision,
s'est
combinée
faculté de peindre en fondant les contours,
pour tenir
les
formes dans
On
grand charme.
l'air.
se sent là
L'ensemble
est
d'un
en présence d'une œuvre
féminine par sa délicatesse, mais qui ne tombe point
dans cette mièvrerie généralement voir
et cette sécheresse,
les
que
laissent
ouvrages des femmes. Je citerai
ce que je disais de ses procédés d'exécution, dans une
brochure sur
les
Impressionnistes, publiée en 1878, et
qui correspond encore porter, «
que
je
délicatesse,
bien au jugement queje puis
ne saurais
Les couleurs sur
une
si
les toiles
m'exprimer autrement
:
de M"^ Morisot prennent
unemorbidesse, un velouté singuliers.
Le blanc se pénètre de nuance rose thé ou au
reflets qui le
gris
insensiblement au ton pêche,
conduisent à
la
cendré, le carmin passe le vert
du
feuillage
prend
tous les accents et toutes les pâleurs. L'artiste termine ses toiles en donnant, de-ci de-là, de légers coups de
pinceau, c'est
comme
si elle effeuillait
des fleurs.
»
Elle peindra ainsi dans les tons clairs et nuancés des
121
portraits, des tableaux
femmes en
de genre, montrant des jeunes
déshabillé ou à leur toilette, des paysages,
assez souvent avec personnages, où Tinfluence autrefois
subie de Corot restera visible. Puis vers 1885-1886
elle
modifie sa palette. Ses œuvres laissent voir de ces
effets
imprévus de coloration, auxquels
elle n'avait
pas
encore pensé. Elle participe à cette marche en avant, qui porte les Impressionnistes à accentuer de plus en plus leur coloris.
avec
Elle se développe simultanément
pour une part sur son propre fonds,
les autres,
pour une part en recevant de Claude Monet
et
de Renoir,
selon cette pratique que nous avons déjà en diverses
occasions reconnue aux Impressionnistes de se
niquer
commu-
uns aux autres leur apport. Son œuvre
les
donc de
la variété.
bleaux à
l'huile,
off*re
Le fonds en est formé par les taqui comprennent les figures exécutées
presque toutes à Paris,
les
paysages peints surtout à
Pontoise, à Compiègne, à Fontainebleau, à Bougival, les
marines peintes sur
la côte
normande,
à Nice, à
Jersey, en Angleterre. Elle a produit des pastels, des
dessins à la sanguine et aux crayons. Elle a particu-
lièrement excellé dans Taquarelle, ses aquarelles sont délicieuses de légèreté et de transparence.
essayée à suite
eau-forte,
1
de huit
on a d
elle,
Elle s'est
dans cet ordre, une
sujets.
Berthe Morisot épousa, en 1874, Eugène Manet, frère cadet
du
à signer ses
peintre. Elle continua après son mariage
œuvres de son
continuerons à
chacun de leur
le lui
côté,
nom
de jeune
donner. Son mari se trouvèrent
une brillante situation de fortune. 122
le
fille et
nous
et elle, riches
en ménage dans
Ils
habitèrent, rue
Berthe
MORISOT.
—
Jeune
Femme
au Bal
(Musée du Luxembourg).
une maison
yillejust,
L'appartement
qu'ils avaient fait construire.
y occupaient renfermait une grande pièce disposée à recevoir des tableaux. Les qu'ils
Manet tenaient
œuvres de
puis venaient celles de
Le
cercle
choisi, tres
il
de
leurs
la
là
maîtresse de
visiteurs
était
place,
maison.
mais
restreint, les
pein-
amis Degas, Renoir, Pissarro, Monet, quand
admirait
le talent
femme.
Il
de
1
sut lui
un
vrai
artiste et ressentait la
donner une grande
il
Ce
poète Stéphane Mallarmé.
et le
dernier avait pour Berthe Morisot
la
la
comprenait, en première ligne,
venait à Paris
de
première
la
culte.
Il
séduction
satisfaction,
en faisant entrer une de ses œuvres au musée du
Luxembourg. Berthe Morisot voyait constamment sa position de
femme du monde
voiler sa qualité d'artiste. Les criti-
ques, qui parlaient des expositions des Impressionnistes, la laissaient la
généralement dans -l'ombre, ou ne
considéraient que
C'était
comme une
une injustice. Par
suite 'assidue de l'art,
âme,
sorte de dilettante.
ses études premières, sa
auquel
elle se savait l'égale
elle
éprouver
entrer au
la satisfaction
en amateur. Elle
de voir sa
Femme
au
bal,
musée du Luxembourg.
Ce tableau
avait figuré à l'exposition des Impression-
nistes dé l'année 1880, rue des l'y avait acheté.
quand Mallarmé venait me
De Nittis moi-même
Pyramides.
Je l'avais après cela acquis
à sa mort. Je le tenais chez et
donnait toute son
de n'importe quel autre et
souffrait secrètement d'être traitée allait
pour-
moi
à la meilleure place
voir,
nous nous extasions
ensemble sur son charme. Lorsque
les circonstances
123
m'amenèrent, en 1894, à une vente de mes tableaux,
Mallarmé pensa que
1
occasion
était excellente,
pour
pénétrer une œuvre de Berthe Morisot au musée
faire
du Luxembourg et que la Femme au bal était un excellent exemple à choisir. Il était personnellement Beaux-Arts M. Roujon,
très lié avec le directeur des
qui, avant de se consacrer à Tadministration, avait fait partie des
hommes
de
Il
lui écrivit
donc, pour
la
Femme
bal,
trée
au
soumis à son influence.
lettres lui
recommander
l'achat de
d'une manière pressante. Mais l'en-
maintenant prévue de
la
collection Caillebotte au
musée du Luxembourg, léguée par le possesseur, avait soulevé une telle colère dans certains quartiers influents, que
1
achat à
par surcroît,
effectuer,
d'une œuvre
impressionniste paraissait scabreux.
M. Roujon désireux de rant les lumières des
se mettre
hommes
en
en s'assu-
règle,
de compétence
officielle,
moi voir le tableau, avec M. Bénédite, le conservateur du Luxembourg et M. Benoit, conservateur au Louvre. Le tableau parlait pour lui-même et les trois visiteurs en décidèrent l'achat. M. Roujon se montra d'ailleurs plein de sollicitude Puisqu'il s'agissait de œuvre d une femme distinguée, dont on vouvint chez
1
honorer
lait
ne
talent,
il
déclara qu'en crainte quelle
poussée aux enchères, ce qui serait
restât sans être
une il
le
sorte de défaveur jetée sur l'œuvre et sur l'artiste,
convenait de fixer d'avance
dait la faire cette
époque
monter. était
Il le
le prix,
fixa à
où
l'on enten-
4.500 francs, ce qui à
une somme plus que convenable. Le
tableau fut en effet acquis à la vente publique pour ce prix,
124
et
aussitôt placé
au musée du Luxembourg.
Berthe Morisot éprouva une vraie satisfaction de cet achat, qui en soi n'avait rien d extraordinaire mais qui
prenait à ses yeux de
1
importance,
reconnaissance publique de son mérite et
que
d
artiste
1
du
fait
s'était
qu'une
produite
Luxembourg la sortait du rang amateur, où Ton avait comme cherché à la entrée au
tenir.
Berthe Morisot perdit son mari, en 1892,
veuve avec une cate,
mourut
le
fille.
Elle-même, de santé
et resta
frêle et déli-
2 mars 1895.
125
CEZANNE Paul Cézanne aura été essentiellement un Provençal. Il
un
devait garder toute sa vie, dans son parler,
accent méridional,
a toujours conservé
il
avec sa terre natale
et
par y retourner vivre. Paris,
de parisien.
fort
une attache
il
a fini, après Tavoir quittée,
Il
n'a jamais rien laissé voir, à
La Provence
est
aujourd hui
la
seule partie de la France, qui ait résisté à l'influence
absorbante de Paris, qui vie
propres.
Elle
a
ait
gardé une
maintenu,
Cézanne aura donc les
une
a
du
produit des terroir,
des
Monticelli et aussi Cézanne.
été avant tout redevable
Impressionnistes,
moins impressionniste. Les tuent les traits
et
empreints
caractère à son pays d'origine.
appelés
et
dans une certaine
mesure, ses traditions, sa langue
hommes profondément hommes comme Mistral,
âme
il
De
de son
tous ceux qu'on a
aura été en réalité
le
particularités, qui consti-
communs de
1
impressionnisme, qu'il
milieu parisien, où
aura prises dans
le
son
simplement superposées au fond de
art,
se sont
style sobre,
venu de Il
il
a développé
de simplicité d ordonnance, qui
lui sera
sa terre, de vieille formation latine.
naquit à Aix-en-Provence,
le
19 janvier 1839.
Il
127
était fils
homme
d'un
qui
devenir un riche ban-
allait
quier et habiter hors de la ville une maison dans un
parc
Jas de Bouffan).
i^le
1853.
s'y
Il
entra au collège d'Aix, en
Il
trouva avec Emile Zola, dont
ingénieur, construisait un canal à Aix et
bachelier.
Il
suit,
père,
se lia avec
sort
du
collège à 19 ans,
en 1860-1861,
les
cours de TEcole
d'une étroite amitié.
lui
il
le
Il
de droit, y prend plusieurs inscriptions et passe même le premier examen avec succès. L'étude du droit le dégoûte,
il
la délaisse.
Sa vocation artistique se développait. de bonne heure une passion pour
Il
avait ressenti
le dessin. Il
exprime,
en abandonnant l'étude du droit, l'intention de s'adonner à la peinture.
Il
vient une première fois à Paris, en
amené par son
1862, Suisse,
père.
mais échoue dans
le
nelle.
il
entre dans
Ce genre de
le
repartir
en plus
Son père
à Aix, à la suite de
bureau de
et,
la
il
banque
de suite natu-
il
obtient,
en 1863, de
se livrera tout entier à la
lui alloue
une pension de cent cin-
quante francs par mois, bientôt portée à qui
lui sera
pater-
l'appel de la vocation se
sentir,
pour Paris, où
peinture.
concours pour l'admission
vie lui devient tout
rellement insupportable faisant de plus
fréquente l'Académie
Revenu
à l'Ecole des Beaux-Arts. cet échec,
Il
trois cents,
toujours régulièrement payée.
Cézanne retrouve Emile Zola à Paris. leur vieille camaraderie et
commune. On peut
mènent une
voir, par la
Ils
continuent
sorte
de vie
correspondance de
Zola, quels rapports intimes s'étaient, dans leur jeunesse, établis entre eux. alors
128
A
l'époque de leur maturité,
que leurs talents seraient complètement épanouis,
CEZANNE.
—
Son
Portrait par lui-même.
la
divergence de leurs tempéraments,
modes de
leurs
travail, la
amener
blable, devaient les
de
la différence
manière de sentir dissem-
ou moins,
à s'écarter plus
chacun cantonné sur son propre
mais
terrain,
jamais eu de rupture. Et lorsqu'au
il
n'y a
commencement de
1906, on inaugurera solennellement à la Bibliothèque d'Aix,
un buste de
monie
et se
ami.
vieil
Cézanne venu à Paris
le
premier apprentissage,
il
commence
dra du temps,
chez
visation
élément
lui
essentiel,
dans
cultivera et
même
Au des
dans
le
Il
début, en
n'y aura donc jamais
travail facile et l'impro-
Le temps entrera, dégagement de son origi-
le
particulières.
Mais,
qui cherche,
et la palette
de
dit
il
subit les gran-
s'exerçaient alors sur les jeunes
gens émancipés, celles de Delacroix
On a
comme
rien à l'affaire.
fait
homme
influences qui
premiers.
féconder, ont
dans l'exécution de chacune de ses
temps ne
romantisme
et
formation des divers genres qu'il
la
saillantes,
Alceste, le
au fond d'eux-mêmes
resteront inconnus.
nalité, puis
œuvres
lui fau-
de ces hommes, qui ont
comme
de virtuosité,
il
longtemps, pour développer
soutenu.
effort
le
rue Beau-
atelier
se les rendre claires et les
d'un
lui
prend un
était
Il
fréquente
quai des Orfèvres. Après
même un
leurs facultés cachées
besoin
travail. Il
à produire. Cependant
sa pleine originalité.
pour
met au
se
l'Académie Suisse, sur
qui.
assistera à la céré-
montrera profondément ému de l'honneur
rendu à son
treillis et
Cézanne
Zola,
lui
un
et
de Courbet. Le
de Delacroix l'ont séduit certain
les
nombre d'œuvres de
pur romantisme. La plus importante a
fait
partie de la
129 9
vente Zola, en mars 1903, sous
le titre
Cependant Faction de Delacroix
n'est
celle
V Enlèvement.
que
transitoire
;
de Courbet, qui devait être plus profonde
et
personnellement
la
plus durable, lui succède.
connaissance de Courbet.
fait
Il
Le réalisme de Courbet
correspondait au fond à sa manière d'être, aussi les
œuvres
sous cette influence
qu'il produit
sont-elles
relativement nombreuses.
En 1866
Zola, chargé par
rendre compte du Salon dans
\
M. de Villemessant de Evénement, avait
Manet un éloge enthousiaste, qui scandale.
ment
un énorme
en conséquence, quitter l'Evéne-
champion de Manet,
le
il
nouait avec
lui
relations suivies. Cézanne, dans l'étroite intimité se tenait avec Zola, fut et
son
la
gamme
est
de coloris, qui Il
où
il
du coup entraîné vers Manet
de coloration de Courbet,
Il
des
ne retient plus, à partir de ce moment,
art. Il
Manet.
de
interrompre son Salon. Devenu après cela
et
comme
avait dû,
Il
causait
fait
il
passe à celle de
en marche pour développer 1
établira
faut bien expliquer
dans sa pleine
que
le
système
originalité.
les influences subies
par
Cézanne ne mai'quent pas des manières différentes, absolument tranchées. Il s'agit, dans son cas, d'un
homme
très
ferme, qui s'est d'abord engagé dans une
voie certaine. les limites
1
sitions
la désignation il
romantiques,
du monde
sujets descriptifs,
il
il
de ses
sujets,
entend se tenir ont été
Sauf au premier
fixées.
influence de Delacroix,
spectacle
130
effet,
dans lesquelles
promptement sous
En
il
moment
peint quelques
où,
compo-
n'a jamais été attiré que par le
visible. Il n'a point
a ignoré les
recherché
emprunts
les
littéraires.
L'expression de sentiments abstraits, d'états d'âme, est toujours restée
lui
inconnue.
Il
s'est
vu par
sacré à peindre ce qui peut être
d'abord conles
yeux, les
natures mortes, les paysages, les têtes ou portraits
comme une
sorte de
couronnement, des compositions,
mais d'ordre simple, où à côte
Le
et,
uniquement pour
personnages sont mis côte
les
être peints.
terrain sur lequel
il
entend se tenir étant tout
de suite délimité, quand on parle des influences subies, il
en
s'agit
gamme
de questions de technique, de
réalité
la
des tons, des valeurs de palette, qu'il doit
d'abord aux devanciers. C'est donc surtout son coloris qui a passé par des phases diverses, avant d'être plei-
nement
C
fixé.
est l'aspect extérieur
modifie, jusqu'au jour où nitif
il
qui change et se
prend son caractère
par l'adoption de
la
peinture en plein
A
ce
moment Cézanne
se produit
en 1873.
à Auvers-sur-Oise.
Il
air.
défi-
Le
fait
va résider
rencontre avec Pissarro et
s'y
'Vignon, qui peignaient depuis longtemps en plein air. Il
se
met à peindre à
leur exemple, en tenant les
yeux sur
les colorations vives,
donne à
la
de
l'atelier,
dante de rieur,
la
campagne.
même
Il
que
n'était
l'éclat
de
la
lumière
guère jusqu alors sorti
ses paysages,
comme
la
Neige fon-
vente Doria, avaient été exécutés à
loin de la scène naturelle représentée.
l'inté-
Quand
Cézanne commençait systématiquement à peindre en plein air, à Anvers, il avait 33 ans, il travaillait depuis longtemps,
il
était
en possession sûre de ses moyens.
Aussi en contact direct avec vives
du plein
ginalité. Il
air,
la
nature et les colorations
s'épanouit-il dans toute son ori-
développe une
gamme
de couleur absolu131
ment personnelle
imprévue, d'une grande puis-
et
sance.
Quoi
homme ments rait,
qu'il
en
soit,
il
faut se garder d'en faire
un
pénétré d idées révolutionnaires et de senti-
hostiles à
Tégard des anciennes écoles.
Il
admi-
autant que quiconque, les vieux maîtres, Poussin
en particulier, fréquenté
qu'il
connaissait très bien pour avoir
Louvre. Son originalité
le
lui
une
traçait
voie propre, qu'il entendait suivre sans dévier, mais
après cela
il
n eût pas mieux demandé que de plaire au
public et de participer aux expositions officielles, en jouissant des avantages de toute sorte qu'on peut en obtenir. Il
avait cherché obstinément à se faire recevoir
Salons, pendant des années. et
aux
y avait présenté, avant après 1870, des tableaux invariablement refusés. Il
C'est cette impossibilité de pénétrer aux Salons qui
ramenait, en grande partie, à
s
appellerait les Impressionnistes.
à Paris, et
en premier
de Guillaumin, puis
Monet. la
fait
Il
se joignait
lieu la celle
unir aux artistes qu'on Il
avait, à
son arrivée
connaissance de Pissarro
de Renoir
et
de Claude
donc à eux, pour prendre part à
première exposition qu'ils organisaient chez Nadar,
en 1874, boulevard des Capucines. y mettait, comme principale composition, la Maison du Pendu, aujourd'hui dans la collection de Il
Camondo, au Louvre, peinte à Anvers, en 1873. Le nom venait du fait que l'occupant de la maison s'y était suicidé.
Cette toile laisse certes voir les
caractéristiques de son auteur, ce qui
qu'on y découvre,
132
comme
dans
dons
n'empêche pas
les autres qu'il peint
CEZANNE.
â&#x20AC;&#x201D;
Fleurs (Aquarelle).
même
à la
époque, à Anvers, l'influence de Pissarro,
auprès duquel plein
il
Cependant, de l'exposition des Impression-
air.
nistes
d abord mis à travailler en
s'était
il
de 1874 à
est entré
plein air.
de 1877, Cézanne
celle
en complète possession de
Il
la
expose alors seize tableaux
s'est
dégagé,
technique du et aquarelles,
des natures mortes, des fleurs, des paysages et une tête
d'homme,
montrent parvenu à
A
de M. Choquet
le portrait
la
Ces œuvres
le
plénitude de son originalité,
Le
l'exposition de 1877, rue
sionnistes, se produisant dans
Peletier, les Impres-
toute leur hardiesse,
soulevaient une horreur générale et faisaient au public l'effet
de monstres
de barbares. Mais celui d'eux
et
tous qui causait l'horreur la plus profonde, qui plus
spécialement que
tous les autres faisait
l'effet
d'un
vrai barbare, d'un vrai monstre, c'était Cézanne.
1877
souvenirs de
les
et si
les
traités
de
la
Commune
En
demeuraient vivants
Impressionnistes furent alors généralement «
communards
», ils le
durent surtout à sa
présence au milieu d'eux. Il
est
probable qu'on ne verra jamais se déchaîner,
contre quelque peintre que ce
soit, l'hostilité
Impressionnistes ont eu à subir. Pareil saurait se répéter.
Le
Il
servira
1
où
sûrement d'avertissement tel
que
celui
et
devra
que nous
avons connu, ne se produise jamais plus contre
venir.
S
il
et les originaux,
doit en être ainsi,
exemple appelé
à
la
admiration, a mis l'opinion
empêcher qu'un soulèvement, novateurs
les
phénomène ne
cas des Impressionnistes,
flétrissure a fait place à
en garde.
que
les
qui pourront encore sur-
Cézanne aura fourni un
demeurer unique.
Si les Impression-
133
nistes sont destinés à rester les peintres qui auront été
de tous
Cézanne
les plus maltraités à leur apparition,
au milieu d'eux, a été sans comparaison
qui,
honni aura eu
le
plus
plus
ainsi l'honneur d'être, de tous les artistes
originaux jamais apparus dans
aura
le
le
monde,
celui qui
rugir les Philistins. C'est qu'avec lui
fait
l'originalité et la
physionomie à part se seront mani-
festées,
de manière à trancher plus qu'elles ne l'avaient
encore
fait
auparavant sur
admis de
l'art facile,
les
tous.
formules courantes de
faut voir
Il
d où venait ce
fait.
Cézanne devait d'abord sa physionomie à
part, à la
circonstance qu'il n'était entré dans l'atelier d'aucun peintre en renom, pour apprendre à produire selon la
formule courante. Les ateliers parisiens sont arrivés à
former un nombre
illimité
d'après des règles
si
de peintres, qui travaillent
sûres, qu'on peut dire de leurs
œuvres qu'elles sont impeccables. Des centaines montrent tous
les
ans aux Salons, dessinant des con-
On
tours et peignant des surfaces sans défauts. rien à reprocher à leurs envois. gens-là se ressemblent, ont facture.
de ceux qui recherchent, en
une
même
technique,
des formes, qui ont
si
du
le
même dégoût
art, l'originalité et l'inven-
avec leur correction routinière,
régularité générale
n'a
Seulement tous ces
Leurs œuvres finissent par exciter
tion. Mais,
se
dessin,
bien pris
qui en diffère pai'aît au public
elles
donnent
un aspect convenable les
fautif,
yeux, que tout ce
mal
dessiné,
mal
peint.
Or Cézanne, par violemment 134
le
sa
manière à
part, venait heurter
goût banal, habituel du public.
Il
était
avant tout peintre
ne dessinait
et
des lignes et des contours à
unes à côté des autres d'abord, puis
les
unes par-dessus
les autres après.
dire que, dans certains cas, et
de
la
manière des autres.
la
Il
un procédé personnel, des touches sur
appliquait, par la toile,
en arrêtant
pas
On
les
peut aller jusqu'à
maçonnait son tableau,
il
juxtaposition et de la superposition des touches
colorées, les plans,
les
contours,
pour ceux qui savaient
geaient,
modelé
le
voir,
se déga-
mais pour
les
un mélange uniforme de
autres restaient noyés dans
couleur.
Cézanne avant tout
dans
peintre^
mot, recherchait avant tout
le
la qualité
sens propre du
de
la
substance
peinte et la puissance du coloris. Mais alors pour ceux
qui ne comprennent cises et arrêtées,
demandent
à
il
des
dessin que par des lignes pré-
ne dessinait pas
un tableau
ou anecdotiques, étaient
le
d'offrir
les siens
comme non
pour ceux qui
des motifs historiques
ne présentant rien de pareil
existants
;
pour ceux qui veulent
également, son
recouvertes
surfaces
;
faire,
par
endroits rugueux et ailleurs allant jusqu'à laisser des parties de la toile
d'un impuissant
;
non couvertes,
paraissait être celui
sa touche, par juxtaposition de tons
colorés égaux ou se superposant, pour arriver à l'épaisseur, semblait grossière, barbare, monstrueuse. Il
existait
cependant une particularité d'ordre tout
à fait supérieur dans ses œuvres,
ment de
cette sorte
rateurs et
d abord ils
ni
même
le
que
public en général, les
commun
comprendre
ne peuvent
le
même
mais aussi précisélitté-
des peintres ne peuvent
ni apprécier, puisque d'abord
pas
la saisir, c'est la
valeur en soi
135
de
matière mise sur la
la
nieuse du coloris.
une
gamme
Or
les
ques
la
tableaux de Cézanne offrent
et
Il
s'en dégage
bien qu'une nature morte
grandeur, au
faire
une
Mais
la qualité
tête
une force indé-
— quelune serviette sur une table — pren-
sujet, si
pommes
dront de
puissance harmo-
de coloris d'une intensité très grande,
d'une clarté extrême.
pendante du
toile, la
même
degré que pourra
humaine ou un paysage avec de
le
mer.
la
peinture en soi, où réside surtout
la
de Cézanne, n'étant point accessible aux
la supériorité
spectateurs, tandis
que ce
qu'ils tenaient
trueux leur crevait les yeux, les les injures, les
pour mons-
rires, les
sarcasmes,
haussements d'épaules, étaient
les seuls
témoignages que ses œuvres leur parussent mériter qu'aussi bien
ils
leur prodiguaient.
Cézanne aux expositions de 1874 et de 1877 donc
si
absolument conspué,
blement méconnu, se
il
se sentait
qu'il renonçait
montrer au public.
à aucune
Il
ne devait en
si
pour longtemps à effet
prendre part
des autres expositions organisées par les
nuera à peindre de Il
se voyait
irrémédia-
Impressionnistes. Mais, replié sur lui-même,
tenace.
et
la
façon
la
il
conti-
plus assidue, la plus
se livrera sans arrêt à l'exercice de l'art.
Son
cas est ainsi remarquable dans l'histoii'e de la peinture.
Voilà un
homme
qui, en
montrant ses œuvres, a
été
tellement maltraité qu'il s'abstient de les remettre de
nouveau sous laisser
yeux du public. Rien ne peut lui entrevoir que l'opinion changera à son égard, les
dans un avenir prochain ou même jamais. Ce n'est donc pas pour ce qui miroite aux yeux de tant d'autres, le
renom,
136
les
honneurs à acquérir qu'il
travaille, puis-
^.-^ mr^.-r-fio -
WÊ"W
CQ
a C o a
2 (^
a
a
z N w
LhAïitwiâL^^ 'jâb
-
-"v^*^é-
que ces avantages
Ce
n'est pas
définitivement refusés.
lui paraissent
non plus en vue d un
l'horreur causée par ses œuvres,
profit,
aucune chance
n'a
il
puisque après
d'en vendre, ou
s'il
nellement,
qu une somme infime. pas besoin de produire pour vivre,
D'ailleurs
comme
n'en
il
n'a
il
tant
en vend quelques-unes exceptionohtient
d'autres qui,
une
engagés dans la
fois
carrière, ont à lutter contre la misère.
Il
jouit d'une
pension de son père qui l'alimente, en attendant -jour où l'héritage paternelle fera riche.
donc à peindre par aucun de dent généralement de
Il
ne continuera
ces motifs qui
conduite des autres.
la
le
Il
déci-
conti-
nuera à peindre par vocation pure, par besoin de se satisfaire
peindre.
lui-même.
On
Il
peint parce qu'il est
taine besogne.
Evidemment
faire
forcément une cer-
les 3'eux qu'il
sur les choses lui procuraient des sensations lières, qu'il
éprouvait
le
besoin impérieux
il
.
lui
près.
Il
la virtuosité,
facile
il
permettra
ne se
le
ce que
permettra
du pinceau, donnant des
procède d'une manière serrée.
obstinément
lui-
la réussite difficile qu'il conçoit. Il n'y
appeler
jamais ce travail
pein-
uniquement pour
aura donc dans sa facture aucune trace de l'on peut
la
satisfait.
peindra de cette sorte qui
mieux d'obtenir
particu-
si
ressentait le plaisir d'un
Puisqu'il peint maintenant il
promenait
besoin de les fixer par
ture et qu'en le faisant,
même,
homme,
a ainsi avec lui l'exemple d'un
que son organisation mène à
pour
fait
fixés sur le
modèle ou
Il
tient les
le motif,
à
peu
yeux
de façon
à ce que chaque touche soit bien mise, pour contribuer à établir sur la toile ce qu'il a devant
lui. Il
pousse
si
137
loin
vision,
sincèrement Tobjet de sa
probité à rendre
la
il
une
a
horreur du travail
telle
que lorsque dans son exécution, endroits des points de la toile
fait
trouve
se
il
de chic,
non couverts,
il
par les
laisse tels quels,
sans penser à les recouvrir, par un
travail postérieur
de reprise des parties d'abord négli-
gées, auquel se livrent tous les autres.
Son système
le
contraint à un labeur en quelque
sorte acharné. Ses toiles en apparence les plus simples
demandent un nombre considérable, souvent énorme, de séances. Ses procédés ne lui permettent non plus d'obtenir cette réussite les autres arrivent.
de ses
certaine, à laquelle
abandonnera en route nombre
qui resteront à Tétat
toiles,
d ébauches,
Il
moyenne
que
d'esquisses
ou
pu être obtenu, soit que les circonstances aient empêché de les mener à terme. Mais alors les œuvres parvenues à la réussite
soit
recherché
l'effet
n'ait
complète laisseront voir cette sorte de puissance,
que donne l'accumulation d un dant resté
libre,
procurant
1
travail serré cepen-
expression forte et directe.
* »
Cézanne prit philosophiquement son dont
il
était
l'objet.
L'idée ne lui vint pas
instant de modifier, en quoi
que ce
soit, sa
pour se rapprocher du goût commun. Mais
aux expositions de 1874 conspué,
il
se sentait
si
et
de 1877
pour longtemps
Une
du contact
138
si
il
un
seul
manière, se voyait
absolument
irrémédiablement méconnu,
qu'il renonçait fois retiré
du mépris
parti
à se
montrer au public.
public, par sa renonciation
aux expositions,
il
peint sans s'inquiéter de ce qui peut
se passer autour de lui.
disons qu'il a renoncé à cette époque
Quand nous
à participer aux expositions, cela s'applique rigoureu-
sement aux expositions des Impressionnistes, auxquelles mais il existe cependant une il manque après 1877, exception. Repris, en 1882, de son désir de pénétrer
aux Salons,
il
envoya à celui de
cette
année un portrait
d'homme. Guillemet, un de ses amis du temps d'apprentissage, alors membre du jury, le fît recevoir. Le Salon de 1882 a été ainsi
le seul qui,
par aventure,
ait
vu une œuvre de Cézanne. Vingt ans vont s'écouler, pendant lesquels
il
restera
méprisé ou méconnu du public, des écrivains, des collectionneurs,
donnent aux tirer profit
des
artistes le
de leur
hommes
marchands, des
renom
travail.
Il
et leur
qui
permettent de
ne sera alors apprécié
gioupe des peintres ses amis, Pissarro, Monet, Renoir, Guillaumin qui l'ont tout de suite
que du
petit
considéré
comme un
maître, auxquels se joignent quel-
ques amateurs, qui l'ont aussi compris
le
goûter.
Il
réunion de tableaux de Corot
veulent avoir
un des premiers possédait une importante
de ses œuvres. Le comte Doria collectionneurs à
et
et
fut
des maîtres de 1830.
y ajouta, après 1870, des œuvres des Impressionet en particulier La Maison du Pendu de nistes Il
Cézanne. Puis
pour
la
il
échangea ce tableau avec M. Choquet
Neige fondante, qui a figuré à sa vente, en
mai 1899.
Avec M. Choquet nous venons de nommer l'homme qui ressentit d abord pour Cézanne une vive admira139
tion.
Il s'était
dans sa jeunesse épris de Delacroix, à
répoqueoù celui-ci était encore généralement dédaigné et avait pu ainsi, avec de modestes ressources, acquérir un ensemble de ses œuvres. Après être allé d instinct à Delacroix,
il
était allé ensuite
sionnistes. C'était
d instinct aux Impres-
un homme d une grande
politesse,
qui émettait ses opinions avec chaleur, mais toujours
sous
les
formes
les plus déférentes.
réussissait de la
beaucoup de gens
sorte à se faire écouter par cette
Il
qui, à
époque, n'eussent toléré d'aucun autre un éloge
des Impressionnistes en général et de Cézanne en particulier.
On
le
rencontrait en tout lieu, où les Impres-
sionnistes trouvaient occasion de montrer leurs œuvres,
aux expositions d'apôtre.
et
aux ventes.
Il
devenait une sorte
prenait les uns après les autres les visiteurs
Il
de sa connaissance
et s'insinuait
auprès de beaucoup
#
d'autres,
pour chercher à
et leur faire
les
pénétrer de sa conviction
partager son admiration et son plaisir.
M. Choquet s'était en 1877 lié d'amitié avec Cézanne, qui passa dès lors une partie de son temps, à peindre pour
lui,
en
ville et à la
campagne.
Il
peignit particu-
lièrement plusieurs portraits de M. Choquet très travaillés, l'un,
une
tête
exposée rue Le Peletier, en 1877,
un autre, à mi-corps, costume blanc, se détachant sur un fond de plantes vertes, peint en plein air, à la campagne, en Normandie, en 1885.
En
juillet
1899, à la
vente après décès de M°^^ Choquet, qui avait hérité de la collection
de son mari, 31
rent aux enchères
;
dans
le
Mardi gras, un grand pierrot
un de 140
toiles
de Cézanne passè-
nombre se trouvait le et un arlequin, formant
ces sujets, où les personnages sont mis surtout
en
'M
a
u (/)
3 O
W 2 <
N U
U
'â&#x20AC;¢^'-TiitMilM
pour
être peints, sans se livrer à des actions particu-
lières.
Ce
fut à cette vente
que
de Cézanne, restés jusqu'alors
les prix
des tableaux
commencè-
très bas,
rent à monter pour atteindre l'élévation qu'on leur voit aujourd hui.
En 1870
années suivantes un
et
qu'on appelait
le
petit
père Tanguy, vendait des toiles et
des couleurs dans une boutique de
Les Impressionnistes, qui lui
marchand,
lui
la
rue Clauzel.
prenaient des fournitures,
donnaient des tableaux en échange. Quoiqu'il
offrît à
que
des prix infimes,
très
peu
et sa
avait continué,
Paris, sous la
nationale
et,
il
les
ne parvenait à en placer
boutique en
restait
encombrée.
Il
comme tant d'autres, après le siège de Commune, à faire partie de la garde
pendant
la bataille entre les
Fédérés
et
l'armée de Versailles, avait été pris et envoyé à Satory. Il
passa en conseil de guerre. Heureusement pour lui
que
les officiers
rechercher
montrer à
les
enquêteurs n'eurent point l'idée de
tableaux qu'il tenait en vente, pour les
dans ce cas
ses juges, car
condamné
et fusillé.
commerce.
C'était
Acquitté,
un
il
homme du
goût naturel, mais sans culture.
Il
il
eût été sûrement
put reprendre son peuple, doué d'un désignait l'ensemble
des Impressionnistes par un mot pompeux,
u
TEcole
qui dans sa bouche avait quelque chose de drôle.
1879 Cézanne avait quitté un appartement qu
il
»,
En
occu-
pait près de la gare Montparnasse, se rendant à Aix. Il
laissait ses
avec qui sentaient
tableaux à
la
j'allai les voir, le travail
les trouvai
disposition du père Tanguy,
pour en acheter.
Ils
repré-
accumulé de plusieurs années. Je
rangés par piles, contre
la muraille,
les
141
plus grands à 100 francs, les plus petits à 40 francs.
J'en choisis plusieurs dans les piles.
Cézanne marié eut un fils en 1872. Son temps a
été
partagé entre Paris, les environs et sa ville natale
d Aix, où
n'a jamais cessé de séjourner par inter-
il
valles, car
a toujours conservé les meilleures rela-
il
tions avec sa famille.
vécut,
Il
avec
d'une manière resserrée,
son père. des prix
pendant des années, pension reçue de
la
ne vendait point alors de tableaux ou à
Il
tels,
que leur produit n'ajoutait presque rien
à son petit budget. Après la mort de son père, en
1886, et celle de sa mère, en 1897,
il
entra en pos-
session de la fortune paternelle, partagée avec ses
sœurs
et
d'Aix.
Il
passa à
y
ville et se
distance.
de vivre.
de riche bourgeois de
l'état
fixa alors sa résidence. Il eut
Devenu Il
un
construire
fit
riche,
continua,
atelier
deux
la ville
une maison en
au dehors, à quelque
ne changea rien à sa manière
il
comme
par
le passé,
à peindre
assidûment, ne prenant toujours d'intérêt qu'à son art.
se succéder le laissant isolé,
Les années semblaient mais en
le
temps qui
soi, travaillait
travaille
pour ce qui a de
pour
A
lui.
la
la
valeur
première génération,
qui n'avait connu les Impressionnistes que pour les railler,
prendre
en succédait une autre, qui et les apprécier.
Cézanne,
savait les
le
com-
plus méprisé de
tous dans la période de méconnaissance, devait rester
en arrière des autres, lorsque produire;
il
la
demeurerait ignoré de
nuerait à être réprouvé par le
Mais, en compensation,
142
faveur viendrait à se
il
la foule et conti-
monde académique.
allait recueillir l'appui
d'un
cercle
sans cesse élargi d'adhérents, artistes, collec-
tionneurs, marchands.
Le père Tanguy avait été le premier à tenir de ses œuvres, à une époque où il était comme impossible d'en vendre. C'est Pissarro, qui a toujours professé
une grande admiration pour Cézanne, qui avait guidé le père Tanguy et qui amenait ensuite Vollard, en des circonstances plus heureuses, à prendre la
Vollard
venu de
était
natal, faire ses Il s'était,
l'Ile
humanités
de
et ses
la
même voie,
Réunion, son pays
études de droit à Paris.
à la recherche d'une profession, établi mar-
chand de tableaux. Vers 1890
il
s'engagea dans l'achat
des tableaux de Cézanne. Entré en relations avec fils,
il
en acquit environ 200, pour une
à 90.000 francs. prise, il
tint
Il
les
événement que ses œuvres,
Laffitte, près
tableaux.
Ce
fut
du Boulevard, où pour Cézanne un
cette péripétie, qui l'amenait à
vendre
maintenant présentées en permanence aux
connaisseurs
et
au public. Aux rares collectionneurs
des premiers temps,
M. de
de 80
loua, afin de compléter son entre-
un magasin rue en vue
somme
le
Bellio,
le
comte Doria, M. Choquet,
en succédaient de nombreux
:
MM.
Pel-
Bernheim jeune, Fabbri, Gasquet, Lœser, Alphonse Kann, pour ne parler que des principaux. Sa lerin,
réputation
allait
passer les frontières
;
en Allemagne on
rechercherait ses œuvres et les jeunes artistes y subiraient son influence.
En France
sa prise sur les peintres
émancipés de
la
nouvelle génération devenait évidente, lorsque se for-
maient à Paris, en 1884,
la
Société des Artistes indépen-
dants, puis, en 1909, le Salon d'automne.
Là
il
serait
143
tenu pour un maître, c'est sur
qu'on s'appuierait.
lui
Après avoir voulu, au début, montrer ses œuvres aux Salons été
et
aux expositions des Impressionnistes
amené
à y renoncer, sous le
suscitaient,
son gré, à des expositions où
empressement.
Il
d injures qu'elles
maintenant pouvoir
allait
il
flot
les
elles seraient
du Salon d'automne de 1905.
serait
envoyer, à reçues avec
prenait donc part aux expositions
des Indépendants des années 1899, 1901 celle
et avoir
Un
et
1902
de ses tableaux
admis à l'Exposition universelle de 1889
En
sieurs à celle de 1900. ferait,
1907,
le
et à
et
plu-
Salon d'automne
après sa mort, une exposition générale de son
œuvre.
Maurice Denis a su donner expression aux senti-
ments des
artistes,
qui admiraient plus particulière-
ment Cézanne. Il a peint une grande toile, sous le titre d'Hommage à Cézanne, exposée en 1901 au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. Autour d'un tableau
de Cézanne sont groupés en déférence,
les
peintres
Bonnard, Denis, Ranson, Redon, Roussel, Sérusier, Vuillard, et avec eux Mellerio et VoUard.
Le temps
Au
avait
xx' siècle,
il
donc
travaillé
en faveur de Cézanne.
vendait sa peinture,
nombreux admirateurs
et
il
il
comptait de
pouvait constater que son
influence s'étendait parmi les jeunes artistes. Cependant, quoi qu'il en fût, nier jour ignoré
de
il
la
devait rester jusqu'à son derfoule
et
continuer,
dans
les
un réprouvé. Il était dit qu'il ne pourrait jamais causer que de l'effroi aux hommes se donnant la mission de défendre
hautes sphères
les règles et
144
officielles,
à être tenu pour
de maintenir
les sages traditions.
o
3
w <
N U
directeur de la National Galerie â
M. de Tschudi,
MM.
Berlin, s'était fait en Allemagne, avec
Lieber-
mann, Meier-Graefe et le comte Kessler, l'introducteur de la peinture moderne française, représentée par Manet et les Impressionnistes. C'était un homme courageux qui, dans
défense de la forme d'art venue
la
n'a pas
qu'il croyait devoir préconiser,
de France,
craint d'affronter des attaques violentes.
Il fit
entrer,
vers 1899, à la National Galerie à Berlin, à l'aide de
fonds qu'il obtint de personnes riches influencées par
Dans
lui,
Degas,
tableaux
des
Manet,
Serre, de
la
Monet, Sisley
et enfin
la Conversation,
de
Renoir,
un
très puissant
de
Claude
Pissarro,
et caractéris-
tique paysage de Cézanne.
moderne française, sous dans un musée national, à
Cette appai'ition de l'école sa
forme
Berlin,
la
où
il
d'ardentes
suscita
Guillaume de quoi
plus osée,
il
II
polémiques.
L'empereur
voulut se rendre compte personnellement
s'agissait. Il
déciderait
connues pour
du
annonça
sa visite à la Galerie
sort des tableaux. Ses préférences
l'art
correct de la tradition laissaient
prévoir qu'ils auraient peine à trouver grâce devant lui.
M. de Tschudi
attendit la visite de l'Empereur,
prêt à en subir les conséquences, mais,
moment,
il
faiblit
au sujet du tableau de Cézanne.
l'écarta par exception.
blement pas vait
une
Cézanne
tort
faible
au dernier
Il lui
— que
si,
parut
avec
—
il
n'avait proba-
les autres,
chance de gagner l'Empereur,
la lui
ferait
Il
il
la
conser-
vue du
sûrement perdre. L'Empereur,
venu en présence des tableaux de Manet et des Impressionnistes, ne les jugea pas plus favorablement que 145 10
n'avaient les
fit
fait
autrefois les « bourgeois
enlever de la place choisie, où
au premier étage, pour
les
tenir
apparent au second. L'Empereur remit
le
parisiens.
»
ils
Il
se trouvaient
en un
moins
lieu
M. de Tschudi
parti,
tableau de Cézanne avec les autres.
Comme
je racontais
cette histoire
de Berlin, dans
une réunion à Paris, un homme du monde, connaisseur émérite de Tart du xvm* siècle, dit tranquillement qu'il
comprenait
bien
l'acte
de M. de Tschudi, car
d anarchiste ne pouvait causer que de
cette peinture
l'horreur à
très
un empereur. Je
trouvai très caractéristique
ce jugement persistant sur Cézanne, tenu toujours pour
un insurgé par
les traditionnalistes, et qualifié
mainte-
nant d anarchiste, épithète équivalente à celle de com-
munard, qu'on
appliquée à son apparition,
lui avait
en 1874.
En Tannée
1902, Cézanne qui avait supporté avec
une grande philosophie
le
long mépris,
voyant
se
enfin relativement apprécié, laissa entendre que, sans
penser à faire terait
lui-même aucune démarche,
volontiers
décerner,
la
comme
décoration
qu'on
reconnaissance
il
accep-
pourrait
officielle
lui
de son
M. Octave Mirbeau se chargea, après cela, de faire appel en sa faveur à M. Roujon, le directeur des Beaux-Arts. Voilà donc Mirbeau qui, accueilli par mérite.
Roujon,
lui dit qu'il vient
lui
demander
d'honneur pour un peintre de ses amis
la
et
Légion
Roujon,
qui assure Mirbeau de sa bienveillance et du plaisir qu'il aurait à lui
alors glacer.
146
Cézanne.
donner
A
ce
satisfaction.
nom Roujon
Décorer Cézanne
!
mais
Mirbeau désigne
sentit
c'est lui
son sang se
demander de
fouler aux pieds tous les principes remis à sa garde.
Il
répond donc par un refus péremptoire. D'ailleurs
il
serait prêt à décorer tout autre Impressionniste,
Monet en tait
pas à
mais qui précisément ne consen-
particulier,
1
Mirbeau se retira dédaigneux
être.
dut comprendre, que minorité d'artiste
ne
qu'il
et
fût toujours
sphères de l'art
Cézanne
de connaisseurs n'empêchait pas tenu pour un monstre, dans
de
la
un homme
d'esprit sérieux et réfléchi,
dans sa peinture,
manière d'agir
et
La tenue que
vrai méridional, à
vifs
se laissait aller,
Il
de jurons,
mais, après cela,
au
coup de ses sensations, en
une sorte d'impétuosité, de
lement accompagné
mots
le
l'on
au fond dans sa
existait
de s'exprimer.
premier moment, sous
les
correction administrative
porté à se replier sur lui-même. constate
et Cézanne
apprécié par une
le fait d'être
officiel et
était
Claude
s'il
tressail-
de
d'exclamations,
parlait à des
amis ou à
des gens sérieux, on voyait l'homme de jugement
et
de
réflexion,
organisé
Caillebotte avait café Riche,
sur
un dîner mensuel,
boulevard des
le
Italiens,
au
appelé
le
dîner des Impressionnistes, où se retrouvaient les peintres
du groupe
Mirbeau,
et
les
Gustave
hommes
Gefî'roy,
de
Mallarmé,
lettres
qui s'étaient
faits
leurs
défenseurs. J'y ai maintes fois rencontré Cézanne. Il
gardait généralement
ment du
dîner, attentif
autour de
lui et
le
silence
au
commence-
aux propos qu'on échangeait
aux opinions qu'on émettait sur
et les artistes. Puis,
à
un
certain
moment,
il
l'art
prenait
part à la conversation et ce qu'il disait avait toujours
du poids. 147
On
voit
en définitive que
de son travail
cularités
Cézanne, par
si
de sa
et
singuliers à relever, le plus
vie, a offert
les parti-
des
faits
singulier aura été l'éton-
nant contraste existant entre
opinion formée de son
1
caractère et sa véritable manière d'être. Cet
homme,
dont Tart aura paru être celui d'un communard, d'un anarchiste, dont
on aura
œuvres à
soustrait les
des empereurs, qui aura causé
la
la
vue
terreur des directeurs
des Beaux-Arts, aura été un bourgeois riche, conser-
soupçonné qu'on
vateur, catholique, qui n'avait jamais
un insurgé, qui a donné tout son menant en réalité la vie la plus digne
pourrait voir en lui
temps au
travail,
d'estime.
Cézanne devenu diabétique eût dû prendre des précautions en conséquence. Mais aucune considération
ne pouvait l'amener à changer ses habitudes de Il
continuait donc,
plein air. pluie,
il
Un jour
fut saisi
On
tion
au
où
se trouvait,
il
foie.
comme
6
et
le
ramener chez
chez
par
peignait sous la
et
lui,
d une conges-
du
lieu écarté
dans une voiture de blanchisseuse. Le il
avait eu son accident,
commencé d un
le froid. Il
lui et cette fois
vieux marin.
prendre
le lit
définitivement. Sa
Aix, le 22 octobre 1906,
148
il
temps en temps pour ajouter quelques
touches à une aquarelle, près de son
main.
Il
dut être de nouveau ramené
passion de peindre était telle que, malgré son mal, se relevait de
il
7 heures du matin, pour travailler, en
plein air, au portrait fut ressaisi
il
d un refroidissement dut
à peindre en
le passé,
d octobre 1906, où
surlendemain du jour où sortit entre
par
travail.
lit.
on peut dire
le
Il
est
mort à
pinceau à
la
GUILLAUMIN Armand Guillaumin
est
né à Paris,
le
16 février
1841. Ses parents, originaires de Moulins, dans l'Allier, après
Paris revinrent dans leur ville
avoir résidé à
ramenant tout enfant avec eux.
natale, le
son éducation à Moulins, où
de 16 ans.
fut alors
Il
il
envoyé à
Il
ainsi
fit
demeura jusqu'à l'âge un oncle, à Paris, qui
dut l'employer dans un magasin de lingerie qu'il tenait.
Aux
mille et une nuits, rue de la Chaussée-d'Antin.
Mais
le
négoce.
homme
jeune
Au
lieu
n'avait
d attendre
aucun goût pour
le client
le
comp-
derrière le
promener au bois de Boulogne, aux Musées du Louvre et du Luxembourg. La vocation toir,
il
allait se
artistique qui naissait et se développait, le mettait
divergence avec ses entours et
un
prendre pour
paresseux, destiné à mal tourner.
En 1862 il
le faisait
en
ne pouvant plus s'accorder avec sa famille,
la quitte et
entre
d'Orléans.
Il
qu'il avait
quelques
comme employé
dessinait le soir et les loisirs. Il suit le
à la
Compagnie
dimanches, dès cours de dessin
de l'Ecole communale, rue des Petits-Carreaux. distingue. s'élève,
On
lui
s'y
Il
décerne une médaille de bronze.
en 1864, à un échelon supérieur.
Il
va
Il
tra-
149
l'Académie Suisse, quai des Orfèvres. C'est
vailler à
qu'il fait la
connaissance de Cézanne
et
de Pissarro.
Il
Cézanne.
Il
se lie d'amitié tout particulièrement avec
bureau de
quitte le
ne
que de
faire
Compagnie d'Orléans, décidé
la
la peinture. Il peint
emploi.
Ponts
Il
et
la gêne,
il
des stores, pour
Il
entre ainsi, à la fin de 1868, au service des
Chaussées de
la Ville
de Paris.
continue, malgré tout, à s'adonner à ses études
Il
Chaussées
peindra
les
et
comme
Mais
d'artiste et à peindre. et
à
ne peut y parvenir et, se cherche de nouveau un
essayer de vivre de son art.
tombé dans
là
ne peut
il
est lié
travailler
aller
vues qui s'offriront à Paris
aux Ponts au loin,
même,
il
sur les
quais ou dans la banlieue, à Charenton, à Clamart, sur les bords de la Bièvre. Aussi lorsqu'il se fut joint
à ses amis Pissarro et Cézanne pour participer, en
1874
et
en 1877, aux expositions des Impressionnistes,
ses envois contribuèrent-ils
pour leur part au soulève-
produisit contre le groupe
ment d'opinion
qui
se
A
que
les autres
entier.
tout ce
d'exciter le dédain,
il
sujets pris à des lieux
qu'on pût s'arrêter
:
la
montraient, capable
ajoutait personnellement des
où
l'on ne croyait point alors
banlieue de Paris,
la lisière
mal
habitée entre la ville et la campagne. Il
exposait des tableaux
court,
dénommés, Lavoir à
Billan-
Rue à Clamart, Route de Clamart à
Depuis, les notions d'esthétique se sont élargies.
pensé que
l'artiste avait le droit
de promener
les
Issy.
On
a
yeux
sa
du monde visible, que c'était de sensation devant la nature, que dépendait la valeur
de
la
sur toutes les parties
150
représentation à en donner. Les sites jugés aupa-
GUILLAUMIN. —
Son Portrait par lui-même.
ravant les plus vulgaires, dans les faubourgs,
le
long
des quais ou sur les remparts, avec les pauvres hères
qu'on y rencontre ont été systématiquement choisis par des artistes en renom, comme motifs de leurs tableaux. Mais à l'époque où Guillaumin se produisait,
on
n'était point
on
tions,
encore affranchi des
fuyait ces aspects
grossiers
et
prosaïques.
vieilles
du monde
conven-
extérieur, jugés
Guillaumin, avec ses vues
prises sur les quais, à Billancourt et à Clamart, venait
donc ajouter des éléments de répulsion à ceux que ses amis apportaient et une part du mépris général, que de 1874
les expositions était Il
et
de 1877 recueillaient,
due. s'abstient
l'exposition des
à
de 1876, mais
même
qu'en 1874
banlieue
lui
et
en 1877,
fournissent
les
ses
montre des vues
à l'exposition de
prises à la pleine
1886 une suite de
paysages peints à Damiette, près d'Orsay.
Il
abordé
et,
rendu de
œuvres de début et
la figure
en plein
étaient de tons
De
Cependant son
sujets.
campagne.
le
en
quais de Paris et la
il
met
les autres
dernière en 1886.
la
cercle s'est élargi, Il
Impressionnistes
prend part à toutes
il
1880, 1881, 1882, jusqu'à
qu'il
lui
air,
a aussi
un peu sombres,
si
ses
celles
produira désormais seront d'une grande variété
d'un grand éclat de palette.
au service des Ponts
et
peignant aux heures de Il s'était
marié,
il
lui
Il
restera des années
Chaussées de loisir et
la Ville
pendant
venait des enfants,
les il
de Paris, vacances.
ne pouvait
se passer de son emploi. L'expérience tentée de vivre
exclusivement de sa peinture n'avait pas réussi difficulté
qu'il
rencontrait toujours
de vendre
et la
ses
151
tableaux,
même
aux plus bas
prix, lui montrait
qu'une
nouvelle tentative n'aurait pas meilleur succès. tinuait
con-
donc son travail de petit employé, sans perspec-
prochaine
tive
Il
en mesure de
d'être
s'y soustraire,
lorsqu'un coup de fortune inattendu, en 1891, vint favoriser.
Une
le
obligation à primes du Crédit foncier,
en sa possession,
sortit
au
lui
tirage,
procurant une
prime de 100.000 francs.
somme
Cette
était
alors son emploi.
permettent
les
pour
lui le Pactole. Il
Maintenant que ses ressources
déplacements,
ira
il
aux vues prises à Paris ou dans particulièrement
abandonne
au loin
lui
ajoutera
et
les environs, des motifs
pittoresques.
va
Il
peindre
ainsi
d'abord à Saint-Palais-sur-Mer, à l'embouchure de
la
Gironde, puis, à diverses reprises, à Agay, près de
Auvergne
Fréjus, sur la Méditerranée et encore en
dans
Haute-Loire. La Creuse
la
régulièrement.
Creuse
et
de
Il
l'attire,
comme
moulins Il
va peindre des vues de
la
Hollande, avec ses
canaux, près de Saardam.
et ses
un
certain
nombre de gravures
à l'eau-
Plusieurs ont été fournies, en 1876, à une publi-
cation, Paris à Veau-forte, éditée par
Cézanne, à un
trois plaques.
Richard Lesclide.
moment où Guillaumin
l'eau-forte, voulut à
son exemple
La plus
les
s'adonnait à
s'y essayer. Il
intéressante offre
Guillaumin, assis par terre,
152
1904, se
champ complètement nouveau, en mai
a exécuté
forte.
du
et les sites
En
pittoresques des environs l'ont séduit.
il
rend
centre. Les ruines
vieux château féodal qui domine Crozant
et juin,
s'y
a choisi Crozant, au confluent de la
la Sedelle,
cherchant un
il
et
un
bras croisés.
grava
portrait de
Guillaumin a continué,
l'âge
dûment. Établi à Crozant,
il
plus au paysage de la Creuse. infinie variété,
que
la
venant, à peindre assi-
s'est Il
attaché de plus en
a su y découvrir cette
nature présente partout à ceux
qui ont appris à Taimer et à la connaître.
153
EN
1922
Les Impressionnistes ont maintenant acquis une telle
renommée, ils sont à tel point tenus pour des maîtres, qu'on se demande si le récit fait dans ce volume de l'absolu mépris qu'ils ont d'abord rencontré, ne serait
pas un simple grossissement
accompagnent tous Mais non
!
il
vement
ya
Les Impressionnistes à leur apparition et
bafoués,
comme
il
est dit.
de s'étonner que, dans un temps
lieu
court,
un changement
profond, que celui qui a
fait
ait
pu
relati-
se produire aussi
passer ce gi'oupe d'artistes,
d'une absolue réprobation au succès
et à la gloire.
Quelles ont pu être les causes profondes d'une péripétie ? Quelle est la véritable explication
donner
les raisons
immédiates, qui agissaient sur
pour leur
sionnistes.
Mais
faire
trouver répulsif
les raisons
ne constituaient, après de
la
telle
en
à
?
Au commencement de ce volume, nous avons teurs,
qui
difficultés,
les débuts.
ont été réellement honnis
Alors
de ces
l'art
exposé
les specta-
des Impres-
que nous avons données
tout,
que
les
répulsion et de la condamnation
deux fussent aussi complètes,
il
causes secondes et,
pour que
fallait qu'elles
les
vinssent
155
celles-là tout à fait
d'autres causes,
profondes
et agis-
sant de très loin. Et c'est bien ce qui avait lieu.
En effet comme le d
œuvres impressionnistes
se présentaient
point extrême d'arrivée d'un
mouvement
rompant, d'une manière radicale, avec
art,
et la
les
forme de
l'art
du sentiment national. Les
œuvres impressionnistes survenaient apparitions, accentuant
dans
de
la
le
de
comme
ainsi
une révolution qui
domaine de
coutume,
fond
traditionnel, de l'art qui depuis des
siècles avait été l'expression
sait
le
tradition,
la
se produi-
Toutes
la peinture.
des
les forces
de Tinertie,
qui
s'opposent d'abord au changement, se levaient donc contre elles et prétendaient les étouffer.
La peinture en France
a été
un
art essentiellement
vivant, ayant sa racine dans les entrailles de la nation,
quelles que soient les influences qu'à certains elle ait
même
pu subir du dehors. Elle de
la
nation
expression, aux
et s'est
modes de
a fait partie
moments de
la vie
adaptée, pour en donner
sentir et de penser, qui s'y
produisaient successivement.
Au
XVII® siècle
littéraire,
nous voyons, à côté de
une floraison
artistique.
la floraison
Littérature et art
revêtent des formes et des aspects semblables, reposant sur le classicisme latin.
une
A cette
époque
le roi est
sorte de dieu, à côté de lui sont les classes
domi-
natrices, la noblesse, le clergé. Aussi les productions littéraires,
ne sont-elles faites en quelque sorte que pour
ces privilégiés, auxquels elles présentent les hauts faits
de rois, de guerriers, de seigneurs, d'hommes semblables à eux, qui seuls peuvent les intéresser.
La peinture avec Poussin 156
et
Lebrun donne, dans
la
a "5
:3
<
a
même voie,
des scènes où fi^m-ent les héros de Tanti-
dieux de
quité et les
1
Olympe. Les
sujets religieux,
qui répondent aux besoins religieux du temps, corres-
pondent à
la
forme
de Bossuet
littéraire élevée
de
et
Fénelon.
Au xvm^
siècle la
littérature
s'est
modifiée, pour
s'adapter aux changements survenus dans les esprits, et l'art a subi des modifications analogues. L'attache
au
classicisme latin a été recouverte par une superposition
de légèreté, de volupté, de licence. Malgré cela, toujours au fond soumise à
la société reste
dérance des
mêmes
puissances
clergé, c est encore,
leurs goûts,
que
le roi, la
la littérature et l'art s'exercent. Ils
les
dieux de l'Olympe. Si
regarde plus qu
dans
monde
gneurs
et
ne
il
1
avait fait
vont
les rois, les l'art
en par-
au xvif
siècle
des entours, ce sont toujours des sei-
des dames parées qu'il représente. Lorsqu'il
descend à vouloir rendre transforme embellis de
dans
le
en grande partie pour se plier à
ticulier le
prépon-
la
noblesse et
encore chercher leurs personnages parmi héros antiques,
comme
II
nature champêtre,
y introduit des bergers
telle
les salons
la
et
il
la
des bergères,
façon qu'ils seraient mieux placés
que dans
les prairies
où on
les
montre.
La Révolution survient. Les classes qui avaient dominé la société ont été renversées ou réduites. L'art qui, aux xvii" et xvni^ siècles, avait donné des images faites
pour leur plaire disparaît avec
période révolutionnaire
Cependant
différent.
qu'on ne
que
la
l
et
il
avait jamais
de
est
fait,
1
elles. L'art
Empire
a pris
la
un aspect
revenu s'attacher,
au classicisme
de
latin.
plus
G
est
République apparue s'appuie sur le souvenir de 157
la
République romaine. Elle
chercher ses
-va
exemples, ses appellations dans
la latinité.
titres, ses
L'Empire,
qui la remplace, se réclame pour sa part de
TEmpire
romain. Cette évocation dominante de l'antiquité
fait
succéder aux formes voluptueuses du
des
formes rigides, où
grand
art,
les traits
xviii® siècle
du nu, devenu
le
fond du
sont pris, par dérivation, à la sculpture
antique. Les maîtres tiennent Tartdans la sévérité clas-
David qui peint
sique,
le
Serment des Horaces
nidas aux Thermopyles, Ingres,
après
lui,
et
Léo-
qui peint
Œdipe interrogeant le Sphinx et l Apothéose d Homère. La forme d'art classique règne souverainement jusqu'au
moment où
apparaît, à côté d'elle, le romantisme.
Delacroix est l'interprète en art de cet esprit nouveau, qui
s'est fait
jour dans l'imagination et
la littérature.
Les romantiques se sont dégagés des formules acadé-
miques des classiques, qu'eux, mais
ils
ils
recherchent d'autres sujets
vont toujours lesprendi-e,
hors du cercle de leur vision
et loin
les entoure. Si les classiques se
comme
eux,
du monde qui
sont tenus aux héros
antiques et aux dieux de TOlympe, les romantiques manifestent une préférence pour les paladins du
Age
et les
Orientaux.
Les classiques
champ
(Je
et les
romantiques se partageaient
en se combattant,
l'art,
Courbet survint. Avec radical, ce
Moyen-
lui
commence
qu'on peut appeler
la
lorsqu'en le
le
1850
changement
révolution qui, en se
développant, aura son point extrême d'arrivée avec les Impressionnistes.
qui caractérisait
Le réalisme de Courbet répudie ce
l'art
de
la
peinture en France depuis
des siècles, lattache au classicisme
158
latin.
Avec
lui dis-
Rome, les dieux du Moyen-Age et les
paraissent les héros de la Grèce et de
de rOlympe Orientaux.
hommes du ti'aits
et aussi les
Il
s'est
paladins
placé au milieu des bourgeois et des
peuple de ses entours.
propres
et leurs
même
les
rochers de sa terre natale.
le
les peint
avec leurs
costumes de chaque jour,
en
temps
Il
paysage que
il
bois et
lui offrent les
Il
peint
montré rebelle à
s'est
l'esthétique traditionnelle, qu'avaient suivie
les
clas-
même les romantiques, qui faisait considérer comme devant s'élever dans une sphère à part,
siques et Tart
pour prendre ses sujets hors du monde vivant ses personnages
parmi ceux de
l'histoire
et choisir
de
et
la
légende.
La révolte se produit contre Courbet et son apport du réalisme. Les puissances attachées à la tradition, l'Institut, l'Ecole de Rome, les maîtres enseignant dans les ateliers, les critiques,
faire avorter la
en grande majorité, prétendent
formule nouvelle. Mais
elle la vie et l'avenir. Elle
va grandir
et se
Après Courbet d'autres s'engagent dans
En
elle avait
la
en
développer.
même
voie.
premier lieu Manet qui, au réalisme rustique de
Courbet,
fait
succéder des sujets pris au
monde
urbain,
à la réalité parisienne, et introduit l'emploi décisif des
tons clairs.
Après Courbet et Manet arrivent les Impressionnistes, qui poussent à ses dernières limites
sous ses aspects réels
et familiers.
le
rendu de
la vie,
Les novateurs apparus
les
premiers avaient conservé une certaine attache avec
le
passé.
Rousseau
et
Corot, venus pour rénover
paysage, y avaient encore
fait
entrer
le
une part d'embel-
lissement conventionnel. Rousseau y avait introduit
le
159
romantisme
Corot y avait conservé des nymphes.
et
Même Courbet, peignant
le
le
grand promoteur du réalisme,
avait,
paysage, choisi de préférence des sites
remarquables par leurs traits exceptionnels. Les Impressionnistes, se
produisant
ainsi dire plus
de choix dans
derniers, ne font pour
les
la vie et la
nature autour
d'eux. Ils trouvent belles la vie et la nature, sous tous les aspects
de
la réalité,
Pissarro peint des potagers, des
autour des villages.
peint de vrais paysans, occupés
travaux quotidiens. Claude Monet peint
à leurs
bords de
la Seine,
sées dans les
les
avec leurs bateaux, leurs peupliers,
maisons de campagne.
leurs
tout
Il
champs de choux,
Il
montre les meules, dres-
champs après la moisson. Renoir présente
un monde féminin de petites bourgeoises, déjeunes
ouvrières. Elles se sont substituées avec lui aux grandes
dames des xvif
et xviii^ siècles.
Quand
exécute des
il
compositions, c'est pour représenter des déjeuners de canotiers ou les danses
dans
le
Une et les
du Moulin de
la Galette.
groupe impressionniste, ont suivi rupture aussi complète d'avec
la
Tous,
même voie.
la tradition latine
formes du passé ne pouvait manquer de sou-
lever d'abord
goût et de
une
instinctive révolte.
la vision se
Les habitudes du
trouvaient bouleversées. Voilà
ce qui explique les injures, les sévices, la misère les
que
Impressionnistes ont eu à supporter à leur appari-
tion et
que nous avons eu à raconter.
Voici maintenant ce qui va expliquer gloire succédant,
méconnaissance
succès, la
en un temps relativement court, à
la
et à la persécution.
Cette forme dart qui, avec Courbet,
160
le
Manet
et les
U «i)
0.
2 i <
5 a
Impressionnistes, repoussait les formes de Tart traditionnel et répudiait Tattache au classicisme latin, ne
en
faisait,
définitive,
que s'adapter à un changement
même
profond, qui s'accomplissait, en
temps, dans la
culture de la nation. Ainsi les peintres réalistes et
impressionnistes continuaient réellement, sans qu'on
en eût d'abord conscience, à maintenir Fart de
chemin où
ture dans le
il
la
pein-
avait été toujours tenu, c'est-
à-dire celui d'une étroite union avec les manifestations
de Tesprit en littérature. Le changement qui se produisait alors
en
art correspondait
duisait dans la littérature et listes
de Balzac, de Flaubert
en
effet
à celui qui se pro-
amenait et
les
œuvres réa-
de Zola.
C'est le fond même de la culture nationale qui se trans-
formait. Si les formes de l'art et de la littérature
paient avec celles du classicisme latin,
rom-
que
c'est
le
classicisme perdait, sur l'esprit de la nation, la prise qu'il avait la
eue
si
première République
Où
sistible.
un moment, sous souslEmpire, avait été irré-
longtemps et
et qui,
en sont aujourd'hui
Quels sont les esprits qui se meuvent,
dans
le cercle
de
études latines
les
la littérature latine,
?
comme autrefois, qui s'y tiennent
attachés ?
Aux rois, aux seigneurs des xvn^ et xvni® siècles, aux hommes du commencement du xix* siècle, pénétrés par la culture latine, l'art avait
montré
les
héros de
l'anti-
quité, les dieux de l'Olympe, qui seuls pouvaient leur
Mais
plaire.
les
dans un autre nus
les
bourgeois
et les
gens du peuple sont
état d'esprit, à la fin
maîtres à leur tour,
ils
du
xix^ siècle.
demandent en art
Deve-
d'.autres
personnages que ceux que l'on présentait autrefois, 161 11
Timage d'hommes semblables à eux,
leur faut
il
au milieu d'eux. latine.
Ils
Ils
ont répudié l'attache à
pris
la tradition
ne s'intéressent plus aux paysages s'inspi-
rant de l'antiquité, ou empruntés aux pays exotiques. Ils
veulent qu'on leur mette sous les yeux ces aspects
de
la
nature qui leur sont familiers. Or, à ces besoins
nouveaux, un art nouveau venait répondre.
En
résumé,
les Impressionnistes,
tion, portaient à le vît
par leur innova-
complet développement, sans qu'on
d abord, ces formes nouvelles que réclamaient
la culture et
1
état d'esprit
transformés de
la
nation. Ils
allaient
en avant, pour être bientôt rejoints
C
qui explique que leurs œuvres après avoir, à
est ce
première vue, paru insolites arrivées,
monstrueuses, soient
en peu d'années, àjouir d'une faveur
admiration générales.
162
et
et suivis.
et
d une
REMERCIEMENTS Je ne saurais manquer de remercier
les artistes
qui
ont bien voulu contribuer à Tillustration de ce livre
MM.
:
Lucien Pissarro, Renoir, Guillaumin.
M. Lucien Pissarro m'a donné à insérer La femme aux poules, un excellent exemple de son art de graveur, qui a fait partie d'un portefeuille de gravures, annoncé à Londres sous le
titre
suivant
:
TRAVAUX DES CHAMPS
A
portfolio, containing six
woodcuts designed by
Camille Pissarro, engraved and printed by bis son
Lucien Pissarro.
Le Labour. 2. La Gardeuse de vaches. 3. Etudes. La Femme aux poules. 5. Les Sarcleuses. 6. Femmes
1.
4.
faisant des herbes.
Vingt-cinq portefeuilles ont été tirés à 12 guinées net.
MM. profiter
Renoir
Guillaumin m'ont, de leur côté,
aimablement de leur
M™® Rouart a forte
et
bien voulu
fait
talent d'aquafortistes et
me donner à insérer une
eau-
de sa mère Berthe Morisot. Th. D.
163
BIBLIOGRAPHIE
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Cézannc. Paris, Les éditions Bernheim
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Mansi et C'^ 1921. Claude Monet. Paris. Les éditions Arsène Alexandre. Bernheim jeune, 1921. Claude Monet. Paris, Les éditions Crès, Gustave Geffroy. tions
—
—
1922.
—
Camille Georges Lecomte. jeune, 1922. Bernheim
Pissarro.
Paris,
Les éditions
A L'ÉTRANGER
— —
Entwickelung geschichie der modernen JuLius Meier Graefe. Kunst. Stuttgart, Jul. Hoffmann, 1904. Impressionnist painting. London, Wynford Dewhurst.
George Newnes, 1904. Die Impressionnisten (en allemand). PisThéodore Duret. sarro, Claude Monet, Sisley, Renoir, Berthe Morisot. Cézanne,
—
Guillaumin, Berlin, Bruno Cassirer,
l'®
édition, 1909, 2^ édi-
tion, 1914. 3^ édition, 1918, 4^ édition, 1920.
Théodore Duret.
— Manet
and the french Impressionnists (en anglais). Pissarro, Claude Monet, Sisley, Renoir, Berthe Morisot, Cézanne, Guillaumin. London, Grant Richards,
V édition, 1910,
166
2''
édition, 1912.
APPENDICE Il est
intéressant,
quand des formes
d'art d'abord
méconnues ont obtenu le succès, de rechercher les circonstances qui ont marqué leur apparition. Dans ces idées, il faut préciser le lieu où Tappellation d'Impressionnistes, qui est entier, est
née
maintenant en usage dans
le
monde
ont été les premières publica-
et quelles
tions qui l'ont répandue. C'est à l'exposition de 1874, sur le boulevard des
Capucines, à l'occasion d'un tableau de Claude Monet, Impression^
soleil
prit naissance. le
25
Il
avril 1874,
levant, fut
que
la
mot Impressionniste
imprimé pour
dans un journal
un article, Exposition plume de Louis Leroy.
titre à
à
le
le
la
première
Charivari,
fois
comme
des Impressionnistes,
dû
L'appellation, appliquée ainsi à des artistes se pro-
duisant en groupe, resta
un
certain
temps sans
adoptée par eux. Ce ne
fut qu'à l'exposition
rue Le Peletier, qu'ils
lui
appeler
la
consécration
être
de 1877,
donnèrent ce qu'on peut
officielle.
Ils la
l'attachèrent définitivement en publiant,
prirent et se
pendant
l'ex-
un journal, L Impressionniste, journal d'art, dû aux soins de Georges Rivière, ami de Renoir, et qui
position,
eut quatre numéros.
167
La première publication de librairie, ayant au titre le mot Impressionnistes et le tenant employé dans le texte, fut une brochure, Les Peintres Impressionnistes^ éditée en mai 1878. J'en étais Fauteur. On me permettra de
temps
la
reproduire
ici,
comme une œuvre
primitifs. Elle se terminait par
une prédiction
heureusement accomplie. Th. D.
168
des
THÉODORE DUUET
LES
PEINTRES
IMPRESSIONNISTES aAUDE MONET RENOIR
-
SISLEY
-
C.
PISSARRO
BERTHE MORISOT
Avec un dessin de
RENOIR
PARIS
LIBRAIRIE PARISIENNE H.
HEYMANN ET PÉROIS 38,
Avenue de l'Opéra Mai 1878
LES
PEINTRES IMPRESSIONNISTES
PREFACE CONTENANT QUELQUES BONNES PETITES VÉRITÉS A L'ADRESSE DU PUBLIC Lorsque
Le
les
Impressionnistes firent en 1877,
rue
Peletier, l'exposition de tableaux qui attira sur eux
l'attention
du grand public,
les critiques
pour
la
plu-
part les raillèrent ou leur jetèrent de grossières injures.
La pensée de la majorité des visiteurs fut que
les artistes
qui exposaient n'étaient peut-être pas dénués de talent, et qu'ils s'ils
eussent peut-être pu faire de bons tableaux,
eussent voulu peindre
qu'avant tout, la foule.
ils
comme
cherchaient
En somme,
les
le
tout le
monde, mais
tapage pour ameuter
Impressionnistes acquirent à
leur exposition la réputation des gens dévoyés, et les plaisanteries
que
la critique, la caricature,
le
théâtre
continuent à déverser sur eux prouvent que cette opi-
nion persiste. 171
Que
on
si
se hasarde à dire
:
«
Vous savez
pourtant des amateurs qui les apprécient
»
!
il
est
alors l'éton-
Ce ne peuvent être, répond-on, que des excentriques. La candeur m'oblige à déclarer que cette épithète me revient du premier chef. Oui, j'aime
nement
et
grandit.
j'admire
l'art
des Impressionnistes, et
j'ai
justement
plume pour expliquer les raisons de mon goût. Cependant que le lecteur n'aille point croire que je suis un enthousiaste isolé. Je ne suis point seul. Nous avons d'abord formé une petite secte, nous constituons aujourd'hui une église, notre nombre s'accroît, nous pris la
faisons des prosélytes. Et
même je
vous assure qu'on
bonne compagnie dans notre société. d'abord des critiques tels que Burty, Castagnary,
se trouve
en
fort
ya Chesneau, Duranty, qui n'ont jamais passé dans
Il
monde teurs
des arts pour de mauvais juges, puis des
comme Alphonse Daudet,
des collectionneurs. Car
en regardant
rit si fort
—
encore davantage
—
ici il
le
littéra-
d'Hervilly, Zola; enfin faut
que
le
public qui
les Impressionnistes, s'étonne
cette
peinture s'achète.
Il
est
vrai qu'elle n'enrichit point ses auteurs suffisamment
pour leur permettre de se construire des hôtels, mais enfin elle s'achète.
Des hommes qui ont
leurs preuves de goût,
autrefois fait
en réunissant des Delacroix,
des Courbet, se forment aujourd'hui des
des Corot,
collections d'Impressionnistes dont
pour n'en
que
citer
MM. d'Auriac,
quelques-uns
ils
se délectent
bien
connus
;
:
Etienne Baudry, de Bellio, Charpentier,
Choquet, Deudon, Dollfus, Faure, Murer, de Rasty.
Eh
bien quoi 1
?
prétendez-vous parce que vous vous
êtes réunis quelques douzaines, faire revenir le public
172
de son opinion
?
Vous
l'avez dit
!
avec
le
temps nous
avons cette prétention.
On point
a discuté longuement pour savoir jusqu'à quel le
œuvres
public était capable de juger par lui-même les d'art.
On peut
concéder
qu'il est apte à sentir
en présence de formes acceptées
et à goûter, lorsqu'il est
de procédés traditionnels. Le déchiffrage
et
tout le
monde peut
lire et
comprendre. Mais
d'idées nouvelles, de manières originales,
dont s'enveloppent les
les idées, si le
œuvres sont également neufs
s'il
la
s'agit
forme
moule que prennent et
personnels, alors
du grand public à comprendre
l'inaptitude
d'emblée
si
est fait,
et à saisir
est certaine et absolue.
La peinture
pour être comprise,
qui,
une adaptation de l'organe de
demande
l'œil et l'habitude
de
découvrir, sous les procédés du métier, les sentiments
intimes de
l'artiste, est
accessibles à la foule.
fessions artistiques
un des arts les moins facilement Schopenhauer a classé les pro-
et littéraires
d après
le
degré de
difficulté qu'elles avaient à faire reconnaître leur il
comme
a placé
vite
les plus
mérite;
facilement admis et les plus
applaudis les sauteurs de corde, les danseurs, les
acteurs
;
il
a mis tout à
fait
en dernier
les
philosophes
immédiatement avant eux les peintres. Tout ce que nous avons vu à notre époque prouve la parfaite justesse de cette classification. Avec quel dédain et
n'a-t-on pas traité à leur appaiùtion les plus grands de
nos peintres
?
Qui n'a encore
oreilles pleines des
les
sornettes qui formaient à leur égard le fond des juge-
ments de
la critique et
du public
?
A-t-on assez long-
temps prétendu que Delacroix ne savait pas dessiner
et
173
que
ses tableaux n'étaient
que des débauches de cou-
leur ? A-t-on assez reproché à Millet de faire des pay-
sages ignobles et grossiers et des dessins impossibles à
pendre dans un salon
Et que n'a-t-on pas
?
peinture de Corot ? Ce n'est pas assez
que des ébauches,
c'est
d'un
des raclures de palette.
Il
la refusait,
est
la
ce ne sont
fait,
avec
avéré que longtemps, 1
de Corot
atelier
timidement lui offrait une toile,
peu soucieux de
de
gris sale, c'est peint
lorsqu un visiteur s'aventurait dans et que celui-ci
dit
le
quidam
se charger de ce qui lui
semblait une croûte et de faire les frais d'un cadre. Si
Corot n'eût vécu jusqu à quatre-vingts ans,
dans l'isolement
que
la critique
et le
dédain. Et Manet
I
il
fût
mort
on peut
dire
a ramassé toutes les injures, qu'elle
un demi-siècle sur ses devanciers, pour les lui jeter à la tète en une seule fois. Et cependant la critique a depuis fait amende honorable, le public déversait depuis
sest pris d admiration
ont été nécessaires,
;
mais que de temps
comme
cela s'est fait
et d'efforts
peu à peu,
péniblement, par conquêtes successives.
Ah
çà
moner
1
me
174
prétendez-vous
et disserter ainsi à perte
en général, ou nistes ?
dit le lecteur,
me parler
de vue sur
la
me
ser-
peinture
spécialement des Impression-
— C'est vrai. Tournons
le feuillet.
CHAPITRE ou L ON ETABLIT LE POINT DE DEPART ET LA RAISON D'ÊTRE DES IMPRESSIONNISTES
Les Impressionnistes ne se sont pas ils
le
n'ont pas poussé
produit
comme
dune évolution Natura non
française.
faits
tout seuls,
des champignons.
régulière de
1
école
facit saltus, pas plus
Ils
sont
moderne en pein-
ture qu'en autre chose. Les Impressionnistes descen-
dent des peintres naturalistes,
Courbet
et
Manet. C'est à ces
de peindre doit
les
ils
ont pour père Corot,
trois
maîtres que
procédés de facture
les plus
l'art
simples
et cette
touche primesautière, procédant par grands
traits et
par masse, qui seule brave
eux qu on doit
la
le
temps. C'est à
peinture claire, définitivement débar-
rassée de la litharge,
du bitume, du chocolat, du jus
de chique, du graillon et du gratin. C'est à eux que nous
devons
1
étude du plein air
;
la
sensation
non plus seu-
lement des couleurs, mais des moindres nuances des couleurs, les tons, et encore la recherche des rapports
entre l'état de l'atmosphère qui éclaire le tableau et
la
tonalité générale des objets qui s'y trouvent peints.
A
ce que les Impressionnistes tenaient de leurs devanciers, est
venue s'ajouter
l'influence de l'art japonais.
175
Si
vous vous promenez sur
le
bord de
la Seine, à
Asnières par exemple, vous pouvez embrasser d'un
coup
rouge
d'œil, le toit
cheur d'un chalet,
de
la route, le
et la
le vert
bleu de
muraille éclatante de blan-
tendre d'un peuplier,
la rivière.
A midi,
en
jaune
le
été, toute
couleur vous apparaîtra crue, intense, sans dégradation possible
générale.
ou enveloppement dans une demi-teinte
Eh
bien
!
cela peut sembler étrange, mais
n'en est pas moins vrai,
il
a fallu l'arrivée parmi nous
des albums japonais pour que quelqu'un osât s'asseoir
bord d'une
sur
le
un
toit
rivière,
pour juxtaposer sur une
toile,
qui fût hardiment rouge, une muraille qui fût
un peuplier vert, une route jaune et de l'eau bleue. Avant le Japon c'était impossible, le peintre mentait toujours. La nature avec ses tons francs lui crevait les yeux jamais sur la toile on ne voyait que des couleurs atténuées, se noyant dans une demi-teinte blanche,
;
générale.
Lorsqu'on a eu sous
les
yeux des images japonaises,
sur lesquelles s'étalaient côte à côte les tons les plus
tranchés et les plus aigus, on a enfin compris qu'il y avait, pour reproduire certains effets de la nature qu'on avait négligés
ou supposés impossibles
ce jour, des procédés
à rendre jusqu'à
nouveaux qu'il était bon d'essayer.
Car ces images japonaises que tant de gens n'avaient d'abord voulu prendre que pour un bariolage, sont d'une
Qu'on demande à ceux qui ont visité chaque instant, pour ma part, il m'arrive
fidéhté frappante. le
Japon.
A
de retrouver sur un éventail, ou dans un album,
la sen-
sation exacte des scènes et
du paysage que j'ai vus au Japon. Je regarde un album japonais et je dis Oui, :
176
c'est
comme cela que
bien
m'est apparu
Japon
le
;
c'est
bien ainsi, sous son atmosphère lumineuse et transpa-
que
rente,
les routes et les
mer s'étend bleue et colorée les champs bordés de ce beau
la
voici bien
;
cèdre, dont
branches prennent toutes sortes de formes angu-
leuses et bizarres, voici bien le
des volcans, puis encore
Fousyama,
le
plus élancé
masses du léger bambou
les
qui couvre les coteaux et enfin
peuple gi^ouillant
le
des villes et des campagnes. L'art japo-
et pittoresque
nais rendait des aspects particuliers de la nature par
des procédés de coloris hardis et nouveaux,
manquer de frapper a-t-il
Impressionnistes.
les
Impressionnistes eurent pris
les
devanciers immédiats de l'Ecole française
franche de peindre en plein
air,
les
japonais,
ils
procédés
si
la
leurs
à
manière
du premier coup, par
l'application de touches vigoureuses,
compris
ne pouvait
des artistes chercheurs, et aussi
fortement influencé
Lorsque
il
neufs et
si
et qu'ils
eurent
hardis du coloris
partirent de ces points acquis pour déve-
lopper leur propre originalité et s'abandonner à leurs sensations personnelles.
L'Impressionniste s'assied sur
bord d'une
l'état
tous les tons,
il
peint sans hésitation sur sa toile de l'eau
qui a tous les tons. Le ciel est couvert, vieux,
il
ciel est
découvert,
les reflets
le
temps plu-
peint de Teau glauque, lourde, opaque le
soleil brillant,
scintillante, argentée, azurée
et
rivière,
du ciel, l'angle de la vision, l'heure du jour, calme ou l'agitation de l'atmosphère, l'eau prend
selon le
le
que
;
il
fait
laisse voir le clapotis
darde ses rayons dans
;
il
du
;
le
peint de l'eau vent,
le soleil se
il
peint
couche
l'eau, l'Impressionniste,
pour 177
12
fixer ces effets,
Alors
L
le
du jaune
plaque sur sa
toile
commence
à rire.
public
et
du rouge.
hiver estvenu, l'Impressionniste peint de la neige.
ombres portées sur la neige sont peint sans hésiter des ombres bleues. Alors
voit qu'au soleil les
Il
bleues,
il
public
le
rit
tout à
fait.
Certains terrains argileux des campagnes revêtent
des apparences sages
lilas.
Par peau
lilas,
Alors
le
l'Impressionniste peint des pay-
public
soleil d'été,
le
et les
aux
commence reflets
du
à s'indigner.
feuillage vert, la
vêtements prennent une teinte violette, l'Im-
pressionniste peint des personnages sous bois violets.
Alors
le
public se déchaîne absolument, les critiques
montrent nard
» et
le
poing, traitent le peintre de
«
commu-
de scélérat.
Le malheureux Impressionniste a beau
protester de
sa parfaite sincérité, déclarer qu'il ne reproduit
qu
qu'il voit,
critiques
qu
ils
il
reste fidèle à la nature, le public et les
condamnent.
découvrent sur
Ils
la
n'ont cure de savoir
toile
n'y a qu une chose
:
si
correspond à ce que
peintre a réellement observé dans la nature. il
que ce ce le
Pour eux
ce que les Impressionnistes
mettent sur leurs toiles ne correspond pas à ce qui se trouve sur les toiles des peintres antérieurs. C'est autre,
donc
178
c'est
mauvais.
MONET
^ Claude
MoNET 1840.
A
(Claude-Oscar), né à Paris
le
14 novembre
exposé aux Salons de 1865, 66,
refusé aux Salons de 67, 69, 70.
A
A
68.
été
exposé aux trois
expositions des Impressionnistes, sur
le
boulevard des
Capucines en 1874, chez M. Durand-Ruel en 1876, rue Le Peletier en 1877.
Si le
mot d'Impressionnistes a
été trouvé
bon
et défi-
nitivement accepté pour désigner un groupe de peinsont certainement les particulai'ités de la pein-
tres, ce
ture de Claude est
Monet qui
llmpressionniste
pai'
l'ont
excellence.
Claude Monet a réussi à tives
que
d'abord suggéré. Monet
fixer
d^s impressions fugiavaient négligées
les peintres, ses devanciers,
ou considérées comme impossible à rendre par le pinceau. Les mille nuances que prend l'eau de mer et des rivières,
les
jeux de
la
lumière dans
les
nuages,
coloris vibrant des fleurs et les reflets diaprés
lage lui
aux rayons d'un dans toute leur
soleil ardent,
vérité,
du
le
feuil-
ont été saisis par
Peignant
le
paysage non
plus seulement dans ce qu'il a d'immobile et de per-
manent, mais encore sous
les aspects fugitifs
que
les
donnent, Monet trans-
accidents
de l'atmosphère
met de
scène vue une sensation singulièrement vive
la
lui
179
saisissante. Ses toiles
et
ment des impressions donnent froid
que
et
;
communiquent bien on peut dire que ses
réelle-
neiges
ses tableaux de pleine lumière
chauffent et ensoleillent.
Claude Monet avait d'abord peignant
la figure.
Sa
Femme
attiré
verte,
Tattention
en
aujourd'hui chez
M. Arsène Houssaj^e, avait fait sensation au Salon de 1865 et on s'était plu alors à prognostiquer pour par M. figure,
carrière parcourue
la
Monet
Carolus Duran.
a depuis délaissé la
qui ne joue plus dans son œuvre qu'un rôle
secondaire. l'étude
comme
quelque chose
l'artiste
Il s'est
du plein
Monet
à peu près exclusivement
air et à la peinture
adonné
de paysage.
n'est point attiré par les scènes rustiques
ne verrez guère dans ses
toiles
à
;
vous
de champs agrestes,
vous n'y découvrirez point de bœufs ou de moutons, encore moins de paysans. L'artiste se sent porté vers la
nature ornée et
les
scènes urbaines.
Il
peint de pré-
férence des jardins fleuris, des parcs et des bosquets.
Cependant
l'eau tient la principale place
œuvre, Monet
Dans
est
par excellence
peintre de l'eau.
l'ancien paysage l'eau appai'aissait d'une manière
fixe et régulière
avec sa
couleur d'eau
«
simple miroir pour refléter
Monet,
elle n'a
à l'état de
1
les objets.
»,
comme un
Dans l'œuvre de
plus de couleur propre et constante, elle
revêt des apparences d
elle
le
dans son
une
atmosphère, à
infinie variété, qu'elle doit
la
nature du fond sur lequel
roule ou du limon qu'elle porte avec elle
;
elle est
limpide, opaque, calme, tourmentée, courante ou dor-
meuse, selon l'aspect momentané que l'artiste trouve à la nappe liquide devant laquelle il a planté son chevalet.
180
SISLEY
^
SiSLEY (Alfred), né à Paris le 30 octobre
1840 de
A commencé à peindre en 1860 dans l'atelier de Gleyre. A exposé aux Salons de 1866, 68 et 70. A été refusé au Salon de 1869. A exposé aux
parents anglais.
trois expositions des Impressionnistes.
La peinture de de
la
affaire
communique une impression souriante. Nous n'avons point
Sisley
nature gaie et
en Sisley à un mélancolique, mais à un
homme
d'heureuse humeur, content de vivre, qui se promène
dans de
la
campagne pour s'y
la vie
au grand
dilater et jouir
agréablement
air.
Sisley est peut-être
moins hardi que Monet,
il
ne
nous ménage peut-être pas autant de surprises, mais, en revanche,
il
comme
ne reste point en chemin,
il
arrive à Monet, s'essayant à rendre des effets tellement fugitifs
que
le
temps manque pour
Les
les saisir.
toiles
de Sisley, de dimensions moyennes, rentrent dans
donnée des tableaux que nous devons à Corot Jongkindt, elles sont Il
et
il
est
impossible de concevoir
la
et à
comment
encore dédaignées du public.
est certain
accepté par
le
que Sisley eût
public,
s'il
été depuis
longtemps
eût appliqué son savoir faire
181
à
imiter tout simplement ses devanciers, la similitude et
montre de
procédés de
les
touche
la
de
la
s'il
parenté avec eux, par
coupe de ses
et la
mais
toiles,
il
n'en est pas moins indépendant par sa manière de sentir et d'interpréter la nature.
Il est
enfin par ses procédés de coloris.
Pendant que
j'écris
sous les yeux une toile de Sisley, une vue de
ceci, j'ai
Noisy-le- Grand,
ton
Impressionniste
et,
horreur! j'y découvre justement ce
qui, à lui seul, a la puissance d'indigner le
lilas
public au moins autant que toutes les autres monstruosités
réunies qu'on attribue aux Impressionnistes. Le
ciel est
couvert,
il
laisse
tomber une lumière tamisée,
qui teint les objets d'un ton général gris-lilas-violet.
Les ombres sont transparentes et légères. Le tableau est peint sur nature et l'effet que le peintre reproduit est certes
d'une parfaite vérité. Mais
il
est certain aussi
compte des procédés conventionnels. Que s'il eût peint les vieilles maisons du village avec des tons terreux, que s'il eût fait ses que
l'artiste
n'a point tenu
ombres noires
et
opaques pour obtenir une violente
opposition avec les clairs, et tout le
ne
le faisait-il,
que de et
monde
se
nuancés.
182
il
il
eût été dans la tradition
eût applaudi est
1
Et
le
maladroit
!
que
bien plus facile de peindre ainsi,
tourmenter pour obtenir des tons délicats
C.
PISSARRO
Pissarro (Camille-Jacob), né
le
10
1830, à
juillet
A
Saint-Thomas, colonie danoise, de parents français été
envoyé en France pour
son éducation
faire
et est
«
aux Antilles, où
ensuite retourné
il
commencé
a
A
peindre. Est revenu à Paris en 1855.
Salons de 1859, 66, 69 fois,
A
et 70.
A
exposé aux
exposé aux
été refusé plusieurs
notamment en 1863, année où
Salon des refusés.
à
exposa au
il
des
trois expositions
Impressionnistes. Pissarro est celui des Impressionnistes chez lequel
on retrouve, de
manière
la
la plus
accentuée,
le
point
de vue des peintres purement naturalistes. Pissarro voit la nature
en
la simplifiant,
il
est
porté à la saisir
par ses aspects permanents. Pissarro est le peintre
pleine campagne.
Il
du paysage
agreste,
peint d'un faire solide, les
de
la
champs
labourés ou couverts de moissons, les arbres en fleurs
ou dénudés par
1
hiver,
les
grand'routes
avec
les
ormeaux ébranchés et les haies qui les bordent, les chemins rustiques, qui s'enfoncent sous les arbres touffus.
Il
aime
les
maisons de
village avec les jardins
qui les entourent, les cours de ferme avec les animaux
de labour,
les
mares où barbotent
les
oies
et
les
183
canards. est
L'homme
de préférence
qu'il introduit
le
dans ses tableaux
paysan rustique
laboureur
et le
caleux.
Les
toiles
degré
la
de Pissarro communiquent au plus haut
sensation de Fespace et de
la solitude,
il
s'en
dégage une impression de mélancolie. est vrai
Il
qu'on vous dira que Pissarro a commis "
contre
le
goût d'impardonnables attentats. Imaginezpeindre des choux
qu'il s'est abaissé à
vous
salades, je crois
même
et
des
aussi des artichauts. Oui, en
peignant les maisons de certains villages,
il
a peint les
jardins potagers qui en dépendaient, dans ces jardins il
y avait des choux «
des salades,
reproduits sur la
reste,
du
et
grand
art »,
il
et
il
y a dans un pareil
peinture, quelque chose qui
un
comme
le
Or, pour les partisans
toile.
chose de dégradant, d'attentatoire à
goûts vulgaires,
lésa,
quelque
fait
la dignité
montre dans
de
l'artiste
oubli complet de Tidéal,
la
des
un man-
que absolu d'aspirations élevées, et patati, et patata. Il serait pourtant bon de s'entendre, une fois pour toutes, sur cette expression de
désigne
pai' là
le
la
domaine littéraire,
lement à cet
grand art
une certaine époque de
correspond, dans l'art de
dans
«
art, l'épithète
».
Si
l'art italien
Ton qui
peinture, à la période épique oui,
on peut attacher spécia-
de grand. Mais si vous enten-
dez simplement la répétition, aux époques subséquentes et
jusqu'à nos jours, des vieilles formes italiennes par
des procédés traditionnels et d'école,
il
faut
au contraire
refuser à de semblables productions
non seulement
Tépithète d'œuvres de
mais
«
grand
appellation d'œuvres d'art.
184
art
»
Ce sont purs
la
simple
pastiches,
mièvres copies, partant choses sans vie
et
sans valeur.
L'art ne doit point s'isoler de la vie, et être
compris séparé d'un sentiment personnel
prime-
et
Or, Tart, entendu ainsi, embrasse toutes les
saotier.
manifestations de
Rien
ne peut
il
que contient
la vie, tout ce
n'est noble et bas
en
yeux sur
"toutes les parties
reproduire sur
du monde
question de
ici
l'artiste est
ses
pour
les
visible,
moment
et d'habitude.
vivant et contesté, les gens du bel
conduit au cabaret ou
air, s'il les
promener
la toile.
C'est encore
Tant que
selon ses
soi, et lartiste,
aspirations et son caprice, a le droit de
nature.
la
les
promène dans un
potager, font les dédaigneux et les offensés. Enlevez-moi ces magots, disait Louis
en parlant de buveurs de
XVI collectionnait au contraire avec mêmes Buveurs. Pour l'un les tableaux
Louis
Téniers.
passion ces sortaient
pour
XIV
des mains d'un artiste vivant
l'autre ils étaient
discuté,
et
dus à quelqu'un mort
et
con-
sacré,
auquel on ne croyait plus pouvoir rien repro-
cher.
Qui songe à trouver mauvais que Rubens, dans
sa Kermesse, fasse les la
commettre
à ses
Flamands
toutes
incongruités qui suivent l'abus des potations et de
mangeaille
Quand
?
—
un simple
est
passé sans regarder,
ont trouvé d'hui
si
le
Millet a peint sa toile
guéret" fraîchement labouré et les critiques,
Novembre
—
pour
le
public
la plupart,
tableau par trop rustre et grossier aujour-
l'on veut
;
donner une idée du génie naïvement
grandiose de Millet,
c'est cette toile
qu'on
cite
de préfé-
rence. Lorsque les choux et les salades des potagers
de Pissarro auront et
de
vieilli,
on
leur découvrira
du
style
la poésie.
185
RENOIR Renoir (Auguste-Pierre), né 1841. Elève de Gleyre. 65. 68,
1872
69
et 70.
A
A exposé
et 73.
A
à
le
25 février
exposé aux Salons de 1864,
été refusé
aux
Limoges
aux Salons de 1867,
trois expositions des
Impres-
sionnistes.
Renoir, au contraire de Monet, Sisley avant tout un peintre de figure,
est
le
et Pissarro,
paysage ne joue
dans son œuvre qu'un rôle accessoire. Renoir a peint des toiles importantes par leurs dimensions, qui ont
montré les
qu'il était
capable d affronter
grandes difficultés d'exécution,
et
telles
de vaincre
sont sa Lise,
du Salon de 1868, dont nous donnons en tête la reproduction; son Bal à Montmartre, exposé en 1877,
Amazone galopant aujourd'hui chez M. Rouart. Renoir
rue Le Peletier; mais surtout son
dans un parc, assemble sur nature fait
une
lire
et
la
toile
généralement reproduits à mi-corps,
et
la
qu'il
converser ensemble, ou qu'il place dans
loge, à écouter
comme
des personnages de grandeur
au théâtre. C'est quelque chose
peinture de genre développée et sortie de ses
proportions restreintes.
Renoir excelle dans 186
le portrait.
Non
seulement
il
saisit les traits extérieurs,
mais, sur les
caractère et la manière d'être intime
Je doute qu'aucun peintre
femme d'une
et léger
l'abandon, rend
la
donne
fixe le
jamais interprété
la
Le pinceau de souplesse,
la grâce, la
chair transparente, colore les joues
d'un brillant incarnat. Les femmes de
Renoir sont des enchanteresses.
une chez vous,
elle sera la
Si
vous en introduisez
personne à laquelle vous
jetterez le dernier regard en sortant et le
premier en
rentrant. Elle prendra place dans votre vie. ferez
il
du modèle.
façon plus séduisante.
Renoir rapide et les lèvres
ait
traits,
une maîtresse. Mais quelle maîtresse
Vous en Toujours
!
douce, gaie, souriante, n'ayant besoin ni de robes ni
de chapeaux, sachant se passer de bijoux
femme
;
la vraie
idéale.
187
MORISOT
Berthe
MoRisoT (Berthe), née à Bourges.
A
exposé aux
Salons de 1864, 65, 66, 67, 68, 70, 72 et 73.
aux
trois expositions
A exposé
des Impressionnistes.
La peinture de M™® Morisot est bien de la peinture de femme, mais sans la sécheresse et la timidité qu'on reproche généralement aux œuvres des artistes de son sexe.
Les couleurs, sur nent
une
les toiles
de M'"^ Morisot, pren-
un velouté, une morbidesse singulières. Le blanc se nuance de reflets qui le conduisent à la nuance rose thé ou au gris cendré, le délicatesse,
carmin passe insensiblement au ton pèche, feuillage
prend tous
L'artiste
termine ses
le vert
du
les accents et toutes les pâleurs.
en donnant de-ci de-là,
toiles
par-dessus les fonds, de légers coups de pinceau, c'est
comme Pour
les
«
bourgeois
que des esquisses, les
ils
»
ses tableaux
ne sont pas
embrassez du regard
vous s
des fleurs.
si elle effeuillait
et
en
finis.
ne sont guère Mais
espacer
et les'
saisissez l'ensemble,
personnages se modeler. Les êtres que
M™^ Morisot met dans
ses paysages
ou
ses intérieurs
sont distingués et sympathiques, quelquefois
188
vous
trouverez plein d'air, vous verrez les plans
les
frêles et
si
comme
fatigués de se tenir debout.
un peu
POSTFACE QUI SE TERMINE PAR UNE PRÉDICTION
Les cinq peintres dont nous venons de parler ont développé une originalité suffisante chose d assez frappant, pour qu'on désigner par une appellation
forment
et
trouvé quelque
eu besoin de
ait
commune
et
nouvelle
:
les ils
groupe primordial des Impressionnistes.
le
Nous bornerons donc
à eux notre étude, et ne nous
étendrons point sur quelques artistes de grand talent qui, sans être Impressionnistes, ont exposé avec eux
MM. restés
:
Cals et Rouart, qui sont des naturalistes purs
M. Degas, science du dessin.
en dehors de l'influence du Japon
qui se distingue par
Nous ne
la
faisons aussi
précision et la
que mentionner
tres qui se rattachent le plus près
sionnistes
Cézanne,
artistes sont
Guillaumin,
nom
des pein-
aux premiers Impres-
ou sont leurs élèves Corday,
le
;
:
MM.
Lamy,
Caillebotte,
relativement des nouveaux venus,
pu encore donner toute leur mesure,
Ces
Piette. ils
n'ont
et ce n'est
que
plus tard qu'on pourra formuler un jugement définitif sur leur œuvre.
Le préjugé que dévoyés
et
les
Impressionnistes sont des artistes
que ceux qui aiment leur peinture ont des 189
goûts malsains est
si
répandu, qu'à coup sûr plus d'un
lecteur se sent l'envie de
me demander
puisque vous aimez
peinture des Impressionnistes,
la
:
Mais, monsieur,
—
Eh cher que pensez-vous de l'ancienne peinture ? lecteur, ce que vous en pensez vous-même. Si vous le un
voulez bien, je vous entraînerai
pour vous en convaincre
en vous
1
instant au Louvi^e,
pour essayer de
faire naître
heureuse humeur qui, en partant, nous per-
tomber d'accord.
mettrait de
Nous
et
î
voici devant les primitifs italiens, et je crois
que nous aimons également leur simplicité, leur dessin leur couleur
serré,
transportés
sentons
claire
si
si
une
dans
lorsque nous aiTÎvons dans
et
la
sphère
Nous nous surhumaine
région de Tart italien à
même
son apogée. Nous trouvons
saine.
que
les toiles
du
Louvre, de dimensions restreintes, ne donnent qu'une idée incomplète de cette peinture épique, et nous nous
transportons par la pensée, pour en avoir une impression souveraine, devant
La dispute du Saint-Sacrement,
La Cène de Milan. Je suppose que nous sommes d accord, pour passer
Le Jugement
dernier^
rapidement à travers
le
désert
que forme Técole de
Bologne. Mais bientôt nous arrivons aux Espagnols
et
nous nous épanouissons de nouveau. Nous n'avons du grand Velasquez que quelques petites
nous l'avons par
tons
Lances
la
fait
pour
les Italiens,
pensée à Madrid
et tous les
et
toiles et
comme
nous nous transpor-
nous revoyons Les
chefs-d'œuvre qui leur forment cor-
tège.
Avec et
1
190
le
flamand Rubens,
épopée,
les
hommes
la
et les
mythologie, l'allégorie
dieux nous apparaissent
sous une forme moins noble
mais Timagination
Italie,
et la
magie du coloris
moins pure qu'en
et
n'est pas
hardiesse de
la
et
moins vigoureuse la
touche
remportent peut-être.
Nous goûtons exprimer
l'aptitude des maîtres
sens intime des choses.
le
hollandais à
La Hollande
vit
tout entière sur les toiles de ses peintres.
En
traversant les salles de Técole française, nous
trouvons une grande noblesse au Poussin
donne
ture de Lesueur nous
que
la
prose de Fénelon
du
L'art
parce qu
il
le
note mélodieuse
de Racine.
et les vers
exprime on ne peut mieux
époque
nous
et
fait
la
manière de
vivre de sa vie.
Et
principal but de cette étude a été de pro-
tester contre les injustes les
même
pein-
xvni® siècle nous plaît particulièrement,
sentir d'une
puisque
la
et la
mépris dont sont poursuivis
Impressionnistes, je trouve devant les maîtres du
xvni'' siècle l'occasion
de rappeler quelles peuvent être les
combien on peut porter aux nues ce qu'on avait voulu envoyer au ruisseau Qui ne sait dans fluctuations
du goût,
et
quel profond dédain étaient tombéeà au commencement
de ce siècle
M. Lacaze Gilles
les
œuvres du xvni®? Voici un Chardin que
a ramassé sur les quais
de Watteau qu
il
a
pour un écu,
et le
payé 600 francs. Et par
parenthèse, je découvre que, de son temps, Chardin subissait précisément finir ses
Ce
tableaux
n'est rien
et
ce
banal reproche de ne pas
de ne peindre que des ébauches.
moins que
le
père
même
Diderot, qui s'élevait ainsi contre
de
la critique,
lui.
Nous aimons donc la peinture de toutes les écoles et nous ne demandons à personne d enlever un seul 191
tableau,
pour accrocher un impressionniste,
pende seulement à Convives
table, gardez vos sièges
nous allons mettre une rallonge côtés.
le
la suite.
vous êtes bien à
!
qu'il
et
Nous apportons un nouveau
;
nous asseoir à vos plat
;
il
vous procu-
rera les délices des sensations nouvelles. Goûtez avec
nous.
— Nous
Tavons déjà goûté, votre nouveau
plat. Il
ne vaut rien.
— Goûtez encore. et le palais a
— Non,
Le goût
est
question d habitude
besoin d apprentissage.
c'est inutile.
Nous ne reviendrons point de
notre premier jugement.
— Eh bien
!
vous vous trompez, vous en reviendrez.
Fin.
192
TABLE DES GRAVURES 1.
Claude Monet. Bordighera
2.
Renoir.
3.
Berthe Morisot. Jeune
4.
Sisley. L'inondation à Port-Marly
5.
Pissarro.
6.
Pissarro. Village de Knocke en Belgique
32
7.
Pissarro. Son portrait par lui-même
38
8.
Pissarro. Paysanne assise
42
9.
Pissarro.
Femme
4
au jardin
La grande
12
fille
aux tulipes
16
20
28
route
La femme aux poules
(Dessin gravé sur bois par
Lucien Pissarro) 10. Pissarro.
11. Portrait
48 50
L'Ermitage, à Pontoise
de Claude Monet, par Renoir
54
12.
Claude Monet. Japonaise
58
13.
Claude Monet.
62
14.
Claude Monet. En Hollande (Dessin)
15.
Claude Monet. Les rochers de
16. Portrait 17. Sisley.
L'église Saint-Germain-l'Auxerrois
66 70
Belle-Ile
76
de Sisley, par Renoir
80
Neige
84
Veneux
18. Sisley.
Bords de
19. Portrait
de Renoir, par Albert André
l'eau à
Le Moulin de la Galette Renoir. Portrait de M™« Charpentier
90 94
20. Renoir. 21.
et
de ses
98
filles
22. Renoir. Algérienne
102
23. Renoir. Baigneuse {Eau-forte originale)
106
24. Renoir. Baigneuse
110
116
portrait par elle-même
25.
Berthe Morisot. Son
26.
Berthe Morisot. Jeune
fille
au chat {Eau-forte
originale).
.
120
193 18
27. 28.
Berthe Morisot. Jeune femme au bal Cézanne. Son portrait par lui-même
122 128
29. Cézanne. Fleurs (Aquarelle)
132
30. Cézanne. Paysage
136
31.
Cézanne. Les joueurs de cartes
140
32.
Cézanne Nature morte
144
33. Guillaumin.
Son portrait par lui-même
150
34. Guillaumin.
La Seine
156
35. Guillaumin.
En Hollande
36. Guillaumin.
Paysage de
194
à Grenelle
[Eau-forte originale)
la
Creuse
.
......
158
160
TABLE DES MATIERES Les Peintres Impressionnistes
— — —
—
I
i
II
18
m
26
IV
31
Pissarro
35
Claude Monet
53
SiSLEY
75
Renoir
89
/
Berthe Morisot
115
Cézanne
125
guillaumin
149
En
155
1922
Bibliographie
...
Appendice. Brochure de 1878
167
169
ÉVREUX, IMPRIMERIE CH. HÉRISSKY. 419
n
I
ND 1265
Duret, Théodore Histoire des peintres
D8 1922
impressionnistes
PLEASE
CARDS OR
DO NOT REMOVE
SLIPS
UNIVERSITY
FROM
THIS
OF TORONTO
LIBRARY