Horace Vernet, 1855

Page 1


HAROLD

B.

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o '*% LES CONTEMPORAINS

HOMMES

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DE LETTRES, PUB

LI

CISTES, ETC., ET G.

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EUGENE DE MIRECOURT AVEC UN

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OUTRAIT ET UN AUTOGRAPHE TROISIEME EDITION.

»© centimes.

PARIS GUSTAVE HAVARD, ÉDITEUR 15,

RUE

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15

1855

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HORACE VERNET


PARIS.

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TYP.

WALDER, RUE BONAPARTE, 44.



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LES CONTEMPORAINS

EUGENE DE MIRECOURT

PARIS GUSTAVE IIAVARD, ÉDITEUR 15,

RUE GULNÉGAUP,

15

1855

L'Auteur et l'Éditeur se réservent le droit de traduction et de reproduction à l'étranger.


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HORACE VERNET

Nous avons promis cinquante

portraits

contemporains. Vingt-cinq ont déjà leur cadre

et

garnissent tout un côté

galerie; le public les voit et Il

sait

combien notre œuvre

colères. D'un jour à l'autre,

ble

de

la

nous juge.

il

excite de est possi-

que nous soyons foudroyé par Jupi-


HORACE VERNET.

6

tcr-Janin, qui,

du haut des Débats, son

Olympe, lance sur nous

les

carreaux

de sa foudre. Et ce sera bonne justice. A-t-on l'idée d'un mécréant qui ose dire leur

fait

aux hommes de son époque

ne craint pas de

et

disséquer sous les

les

regards de tous? Le cadavre soumis à l'autopsie

scalpel

rage.

;

ne se révolte pas contre

mais

On traite

on appelle

le

l'être le

vivant hurle et

le fait

chirurgien de bourreau,

biographe diffamateur.

Pourtant nous avons distribué jusqu'ici plus d'éloge que de blâme

;

mais ceux

qui reçoivent l'éloge ne nous disent pas

merci, et ceux que prêts à

le

blâme

atteint sont

nous égorger. Voilà notre

situa-

tion bien nette et bien claire.

Elle ne

manque pas

d'intérêt

pour

le


HORACE VERNET. lecteur; mais elle

7

manque absolument

de gaieté pour nous.

Ah que nos devanciers dans !

l'histoiro

contemporaine ont été plus sages!

Ils

ont loué sans restriction. Leur plume

de velours

était

ment

mez

et chatouillait

les vanités

de chacun.

agréable«

Vous

Dilatez vos narines, étendez-vous sur lit

de roses,

fasse! » Ou,

ai-

monseigneur? en voilà!

l'encens,

et

un

que grand bien vous

si

parfois

quelque vérité,

c'était,

ils

hasardaient

croyez-le bien,

lorsqu'ils avaient pris toutes sortes

de

précautions pour qu'elle ne leur retombât

point

comme

sur

dans

la

tête.

les arts,

on

En

littérature

la disait

der-

rière.une école; en politique, derrière

un

parti.

Protégé par une multitude de


8 tirailleurs,

HORACE VERNET. on pouvait même accompa-

gner cette vérité de beaucoup de mensonges, sans être en butte aux désagré-

ments qui nous

arrivent.

Car nous allons seul à

la

Jamais nous ne regardons

découverte.

si

nous som-

mes soutenu. Aussi tombons-nous souvent dans une

biographie

comme on

tombe dans une embuscade. «

Auvergne, à moi

sont les ennemis Or, l'écrivain,

toujours jeter lieu d'épées,

!

!

criait d'Assas

:

ce

»

comme

le cri

le

soldat, doit

d'alarme,

eût-il,

deux cents plumes sous

gorge, plus pointues encore et plus

au la

em-

poisonnées que celle du critique Janin.

Prenez garde! ce sont

les

ennemis!

Ce sont de faux grands hommes! ce


HORACE VERNET. sont des apôtres menteurs eriliques sans

Et

s'ils

ce sont des

!

conscience et sans

Tirez dessus, morbleu, lirez

comme

9

foi!

quand môme!

vous tuent, nous dira-t-on,

les fusiliers

de Hanovre ont tué

d'Assas?

Oh! soyez sans crainte,

ne nous

ils

tueront pas. Nous les mettons

au défi

de nous enlever un atome de l'épiderme.

Quoi

qu'ils disent et

quoi qu'ils écrivent,

notre tâche est provident

elle.

Dieu veut qu'elle s'achève.

Sur pées

les

et

ruines des réputations usur-

des gloires mensongères, nous

avons à dresser

le piédestal

des renom-

mées honnêtes, des génies sans tache, des véritables illustrations dont s'honore.

Horace Vernet,

le

le

pays

grand

ar-


HORACE VERNET.

10 tisle,

comme

recevra nos hommages,

les

ont reçus déjà Balzac, Lacordaire, Béranger, Victor Hugo, Lamartine, Méry,

Gérard de Nerval, Scribe, Pierre Dupont, Meyerbeer, Félicien David, Déjàzet,

Samson,

le

baron Taylor,

et

comme

les recevront à l'avenir tous ceux qui en

sont dignes. Prétendre que nous cher-

chons

le

succès dans

la

diffamation et

le scandale, quand, sur vingt-cinq bio-

graphies parues, quinze au moins sont des apologies complètes,

c'est,

en vérité,

prendre un peu trop ouvertement contre

nous

le

parti des Girardin,

des Dupin,

des Janin. Tout ce qui rime en in nous porte malheur.

Arrivons à l'histoire d'Horace Yernet,


HORACE VERNET. l'artiste

11

national et populaire.

au Louvre

"

trouvons en

,

Il

est

30 juin 1789, et nous

le

lui le

descendant de toute

mu-

une dynastie de peintres, dont nos sées conservent les chefs-d'œuvre.

Antoine Vernet, son bisaïeul,

était

con-

temporain de mademoiselle de Lenclos. Plusieurs

de

fabricants

prétendent qu'il a

fait le portrait

célèbre courtisane de nelles, à l'époque

même

au moment où Ninon

la

où l'abbé Géc'est-à-dire

voyait son seiziè-

lustre s'accomplir.

Il

1

de

rue des Tour-

la

doyn en tomba fou d'amour,

me

Mémoires

est

aujourd'hui prouvé que

Depuis Louis XIII,

les rois

de France donnaient,

dans leur palais même, l'hospitalité tes éminents.

net avaient

Le père

et le

le bis-

à

quelques

artis-

grand-père d'Horace Ver-

leur domicile et leur atelier.


HORACE VERNET.

12

aïeul d'Horace n'est jamais sorti d'Ad<

gnon, sa ville natale, où d'attributs

Or

,

était peintre

.

est

il

il

l

peu probable qu'à

l'âge de

quatre-vingts ans, Ninon ait entrepris le

voyage du Gomtat Venaissin tout exprès

pour poser devant un modeste

artiste

de

province.

Donc l'anecdote Le ne!,

fils

apocryphe.

d'Antoine, Claude-Joseph Ver-

envoyé

à

Rome, y termina

des de peinture, peintre

est

devint ce

et

de marine

,

que Louis

ses étu-

fameux

XV

,

au

milieu du dernier siècle, chargea de re-

produire sur France. 1

On

Il

la

toile

exécuta,

tous les ports de

soit à

Paris, soit à

conserve encore au musée d'Avignon des pan-

neaux de carrosses et de chaises

Antoine Vernet.

à porteurs, peints par


HORACE VERNET. Rome, dont

13

au moins quatre cents tableaux, plus remarquables sont encore

les

au musée du Louvre. Nos lecteurs savent que cet artiste enthousiaste, voyant l

le navire, qui,

de Livourne,

en France,

assailli

rieux, se

lier

fit

le

ramenait

par un ouragan fu-

au grand mât avec des

cordes, afin de pouvoir examiner tous les détails effrayants

de

la

tempête, sans

être enlevé par les vagues, épisode su-

blime que son

petit-fils a

su reproduire

avec autant de génie que de bonheur.

Claude-Joseph Vernet avait reçu de son père son art; fils,

les il

premiers enseignements de

fut à

son tour

Carie Vernet,

et lui

le

maître de son

apprit à tenir le

pinceau.

Les dispositions de Carie olaient mer-


HORACE VERNET.

14

veilleuses.

huit ans,

Par malheur, à l'âge de dixil

s'éprit

d'une passion vio-

lente

pour mademoiselle Hélène deMon-

bar,

fille

d'un opulent fournisseur des

armées royales. Un mariage sible.

pour

On envoya le

le jeune

était

impos-

homme en Italie

guérir de son amour.

Il

chercha

d'abord à se distraire par un travail assidu et remporta l'école;

le

premier prix de

mais l'absence ne put effacer de

son cœur une image adorée. Carie se laissa vaincre par le chagrin. Bientôt le chagrin le conduisit à la dévotion. et-

Il

déserta l'atelier pour l'église,

des lettres d'Italie annoncèrent,

beau jour, que

le

grand prix de

un

l'école

française se disposait à faire profession

dans l'ordre des moines blancs.


HORACE VERNET.

15

Joseph Vernet courut en poste jusqu'à

Rome.

Il

arriva juste

prise d'habit, et

pour s'opposer

à la

ramena notre amoureux

en France, où l'abbé Maury, qui prêchait alors

aux

ger en

Feuillants, fut appelé

dernier ressort

la

à

ju-

vocation

de

Carie. « il,

— Soyez

cela vaut

un grand

mieux que

peintre, lui ditd'être

un moine

obscur. »

Le jeune

homme

se le tint

pour

dit.

Reprenant ses travaux avec ardeur persévérance,

il

et

peignit, à l'âge de vingt-

neuf ans, un Triomphe de Paul Emile, qui lui valut à l'Académie de peinture

une élection immédiate.

Son père lui-même, âgé de soixantetreize

ans, fut chargé de

la

réception

I


HORACE VERNET.

1C

d'un

cligne de sa gloire.

fils

mourut qu'en 1789

net ne

Joseph Verput em-

et

brasser au berceau son petit-fils Horace.

Douze années plus pire, les

nie de Carie

gram,

l'Em-

une nouvelle puissance. On

lui doit les batailles

rengo

tard, sous

événements donnèrent au gé-

1 ,

et le

— de Ma-

de Rivoli,

(VAusterlitz

,

de

Wa-

Passage du mont Saint-

Bernard. Ces grandes pages historiques ne l'empêchaient pas de réussir dans

le

tableau de genre et dans les esquisses lithographiques, où 1

Celle-ci est

taliser

il

apportait

un chef-d'œuvre qui

une

suffirait à

fi-

immor-

un peintre. On annonce, comme devant paraître

prochainement, une étude complète

et

détaillée

tableaux de Joseph, de Carie et d'Horace Vernet. livre est préparé, dit-on, sur

ques, par un

Ce

des documents authenti-

membre même de

neveu d'Horace.

des

la famille,

M. Huguet,


HORACE

VERNI-

T.

17

ncsse merveilleuse, un esprit charmant. Ses chasses et ses croquis encombrent les cabinets

Dans

la

d'amateurs.

dynastie des Vernet,

le talent

'et la science continuèrent de se trans-

mettre par héritage.

Horace, élève de son père, lui-ci l'avait été

ner en

même

du

comme

ce-

sien, apprit à dessi-

temps qu'à

lire.

bouillait sa croix de par Dieu

hommes, de chevaux

et

11

bar-

de bons

de soldats.

Le dessinateur Moreau, son aïeul maternel,

chitecte

et

son oncle, M. Ghalgrin, ar-

du comte de Provence,

lui

don

naient aussi des leçons. Bientôt les jours maudits de 93 jeté

rent l'épouvante et la mort dans colle famille d'artistes, inoffensive et paisible.

2


HORACE VERNET.

18

Déjà, le 10 août, Carie avait rir

avec son

fils,

âgé de

failli

pé-

trois ans. Ils tra-

versaient la cour des Tuileries, lorsque

des hordes furibondes débouchèrent à l'improviste par toutes les grilles, pour

attaquer dans leur palais Louis XVI

et la

jeune reine.

Une

emporta

balle

race et perça

la

le

chapeau d'Ho-

manche de

l'habit

de son

père, qui le tenait dans ses bras.

Carie Vernet, tres, avait

:

il

sut

d'au-

France,

que madame Chal-

grin, sa sœur, venait d'être à

la

nouvelle terrible suspendit

lorsqu'une

son départ

comme beaucoup

résolu de quitter

emprisonnée

l'Abbaye et condamnée à mort par

ce tribunal affreux, dent Fouquier-Tinville

provoquait les arrêts sanguinai-


HORACE VERNET. res. L'architecte

19

du comte de Provence ne pré-

avait suivi le prince à Bruxelles,

voyant pas que de lâches bourreaux raient à sa

femme un crime de

fe-

cet exil

volontaire, et la rendraient responsable

de son dévouement à

la

famille du roi.

Carie se hâta de courir chez

le

peintre

David, son ami, l'ami de Moreau, l'ami

de Chalgrin.

David ristes.

était

Un

au mieux avec

les

che à Robespierre ou à Danton,

heureuse femme répondit à Carie «

me

terro-

mot, un seul mot de sa bou-

était

la

mal-

sauvée. Mais David

:

— Ta sœur est une aristocrate, je ne dérangerai pas pour

Nous écrivons de

Madame

elle.

»

l'histoire.

Chalgrin mourut sur l'écha-


HORACE VERNET.

£0

faixl

parce que, vertueuse autant que

spirituelle

elle avait autrefois

et jolie,

repoussé l'amour du grand peintre républicain.

Longtemps encore après

ce

deuil,

quand on prononçait devant Carie

nom

de David,

extrême, raissait

il

devenait d'une pâleur

et sa gaieté

pour

le

faire

si

connue dispa-

place à

un

silence

morne, mêlé d'une sombre rage.

On

assure que souvent

il

provoqua son

confrère en duel et qu'il essaya de le

contraindre à se battre, par de publics et sanglants affronts;

mais l'auteur du

Léonidas aux Thermopyles craignit de s'exposer au Jugement de Dieu.

David, chassé par les Bourbons, rut en exil.

mou


HORACE Carie avait un

VER.NET.

21

espril très-fin

;

son ta-

lent de conteur était admirable. Seule-

ment bour

il

Bièvre.

un peu

cultivait

et passait Il

à

l'état

trop le calem-

du marquis de

ne pouvait plus demander des

épinards sans mettre tous les esprils à torture. fut

Le plus

lancé

joli

de ses calembours

comme un bouquet

d'Alexandre Duval, représentation de

la

de

le soir

la

à la

tête

première

Maison à vendre.

— Tu parais préoccupé,

lui dit l'écri-

vain, surpris de le voir garder le silence,

quand chacun

se confondait en éloges au

sujet de l'œuvre nouvelle.

— Eh morbleu! Ctfïle.

Tu

c'est la faute,

On ne trompe pas

fais afficher

je ne trouve

répondit

ainsi les gens.

une maison

à

vendre, et

qu'une pièce à louer!


HORACE VERNET.

22

Les anciens du café de Foy ne peuvent se rappeler, encore aujourd'hui, sans pouffer de rire les histoires bouf-

fonnes du Morceau de savon Prise de tabac, que racontait

le

dune manière

et

joyeux si

de

la

artiste

plaisante

\

Carie Veniet vécut jusqu'en 1836.

Modeste autant que

spirituel,

il

mettait

sa propre gloire bien au-dessous de

la

gloire de Joseph et de celle d'Horace.

1

y a aussi

II

l'histoire

Berri. Le prince avait nait très souvent à

de la Maison du duc de

commandé un

l'atelier voir

si

tableau, et ve-

Carie l'achevait;

mais, l'altesse royale partie, on laissait s'occuper d'autres peintures. le

duc

a

l'artiste,

êtes toujours à

la

pétuellement dans dit Carie,

cette

C'est

même

état.

et je la vois per-

C'est vrai, répon-

on ne se doute pas du mal que

maudite maison

dit le prince.

pour

paysage n'avance pas. Vous en

le

maison de droite, le

la toile

incroyable, dit

— Comment

— Elle fumait,

j'ai

cela?

monseigneur!

eu après

pourquoi?


II

On

OU ACE VERNET. moi ce qu'on

dira de

grand dauphin: roi,

jamais

La postérité

a dit

du

« Fils

de roi, père de

telles

furent ses der-

roi, »

nières paroles au

23

lit

lui

de mort.

rend plus de justice

n'a cru devoir s'en rendre à lui-

qu'il

même. Horace

génie de son père,

seulement du

pas

n'hérite

il

a son esprit et sn

Dès l'âge de huit ans,

verve

par de pétillantes

saillies et

on

l'enfant

petits papiers,

à il

la

lui.

dont

il

la

Sans cesse

recherche

croquait tantôt

physionomie de ses voisins épisodes de

amusait

du café de Foy,

d'espiègle les habitués

où Carie l'emmenait avec voyait

il

par mille tours

guerrede

l'

,

de la

tantôt les

Indépendance,

entendait raconter les détails par


HORACE VERNET.

54 les

compagnons de

Lafayette. Plusieurs

de ces croquis sont restés, pour servir l

histoire de ce

beau

qui faisa:

talent,

déjà merveille à son aurore.

Le vieux marquis de l'autre soir

«

c'était

l'avait jeté

bonne qui plaisait

preuve, lites

et

bonne

pâtissier

du monde r

au

moule,

et

souvent

à

en

donner

c'est-à-dire à relever ses

robes

n'en

vérité|J|

et

à

le

très

faire

admirer

comme un

resta

sortit

l^

t

promenait aux Tuilerie^'

le

toutes les faces Cette

En

naître Horace.

plus bel enfant

le

son père

se

^

:

vu

J'ai

nous disai

G***

1

pe-l

sous:

objet d'artj

longtemps chez Carie,

que pour en vogue.

race, âgé de douze

ou

épouser

Un

jour,

un

Ho-

treize ans, crut

i


-

II

On ACE VEBNET.

05

ôtrc fort agréable à l'ancienne servante,

entrant

clans

nnaissez-vous,

pour y

boutique

sa

anger quelques gâteaux.

Me

rc-

ma bonne amie?

lui

Mnanda-t-il affectueusement. La pâtissière le reconnaissait fort bien

î avait

du monde. Trop

mais

;

,ouer son ancienne condition, elle i

sourde oreille

h! je conçois,

^e voulez pas ie

et

tourna

dit l'enfant

me

la

tête.

piqué

ma

figure

Nos lecteurs peuvent deviner pâtissière et celui

anecdote eut

Quand on bafé de Foy,

Horace,

et

:

fit

vous

reconnaître parce que

ne vous montre que

le la

il

pour

fière

!

le

»

nom

du passage où

lieu.

apprit

cette

chacun

félicita

l'on

histoire le

au

jeune

déboucha du champa-


HORACE VERNET.

f6

gne on l'honneur de ce

trait d'esprit.

Or

des peintres avaient, ce jour-là, restaure la salle.

Un

faisaient

des

nombreux bouchons qu

sauter les

buveurs

alla

dronner d'une large tache noire

gou-

le pla-

fond récemment blanchi.

Le maître du café

cria.

— Mon

Horace,

Dieu!

fit

le

malheur

n'est pas grand, je vais le réparer.

Comme le

les peintres

lendemain,

pinceaux

,

ils

leurs

devaient revenir

avaient laissé là leurs pots et

leur échelle

double. Horace prit trois pinceaux, les

trempa dans

les

couleurs qu'il jugea

nécessaires, gravit écureuil,

et

l'échelle

redescendit,

comme un

au bout de

quelques minutas, montrant au patron

grondeur une charmante hirondelle

]


HORACE VERNET.

27

déployait sur un fond d'azur

qui

son

corset blanc et ses ailes noires.

— Voyez

!

la

tache a disparu

conso-

;

lez-vous, dit l'enfant.

Au moins un demi-siècle depuis,

et

hirondelle n'est

plus

l'on

montre

écoulé

s'est

une

toujours

au café de Foy; mais ce celle

d'Horace.

Vingt

ou

trente réparations successives ont cha-

que

fois effacé l'oiseau,

scrupuleusement place. Plus d'un

dans

sa barbe,

que

ensuite

l'on rétablit

à

en voyant

le

même

la

badigeonneur

a

souri

public naïf

admirer l'hirondelle d'Horace Vernet \ 1

II

duc, à

en est de

même du

f;mieux cheval blanc de Le-

Montmorency. Le père d'Horace

le

l'enseigne du restaurateur, alin de payer celui

peignit sur

son écot et

d'une douzaine de ses camarades. Leduc, exposa

trois jours

l'œuvre du maître, juste

le

temps de

fabri-


HORACE VERNET.

28

Tout en étudiant héros

peinture, notre

la

faisait ses classes

au

collège

des

Quatre-Nations. L'écolier n'avait pas encore quitté les bancs

que

,

l'artiste était

déjà célèbre.

On peut

dire de

Yernet qu'ils ont

Carie

fait

et

d'Horace

une révolution en

peinture. Ils désertèrent l'école grecque, et la

haine trop motivée de leur famille

contre

David

les

excita

,

nous ne

le

mettons pas en doute, à secouer de leur palette les traditions de ce les vit

deur

et

que de

renoncer franchement à

la

la

On rai-

souvent grotes-

à la solennité

forme. De leur bouche sorti-

quer une copie

;

ment d'enseigne, écus.

peintre.

le

public ne s'aperçut pas du change-

et le cheval

de Carie fut vendu mille


,

ITORACE VERNET. rent pour

la

première

ces

fois

que Frédéric Mercey, plus

comme un écho

pétées

perpétuer à

29

paroles,

tard,

ré-

a

Pourquoi

«

:

l'infini le bas-relief et

cou-

vrir

de nos glorieux uniformes les sta-

tues

antiques

déjà mille fois repro-

,

duites?- Horace, poursuivant avec plus de grandeur

de force

la

tâche de pein-

de batailles, entreprise par son père,

tre

ne

et

vit

pas

la

nécessité « de mettre l'espa-

don aux mains d'Hercule;

il

s'abstint

métamorphoser Bacchus en Apollon en

hussard

en grenadier, Vénus

caniinières

,

et

de

et

Diane

Cupidon

en tam-

de

son siè-

bour. »

Le jeune cle; les

il

artiste s'inspira

regarda

hommes,

il

les

événements,

s'abrila

sous

le

il

étudia

double


HORACE VERNET.

30

drapeau de puis

la

liberté

peiguit son

il

avec

Dans

les

la

de

la

gloire,

époque absolument

comme Béranger dire

et

chantait,

la

enthousiasme

tableaux,

dans

c'est-à-

candeur.

et

chansons

les

foule se reconnut. Elle applaudit son

peintre et son poëte.

On

a dit

qu'Horace avait pris part au

combat de Montmirail, en sergent, et qu'il s'était rière de Clichy, le jour alliées franchirent

vons réfuter son histoire

Jamais

il

les

qualité de

battu à

il

biographes qui ornent

de ces épisodes héroïques.

n'a

ne

bar-

troupes

nos murs. Nous de-

eu

le

goût de

s'est

sistibles fantaisies

giberne

la

aussi exclusif qu'on l'affirme

époque

la

les

vu en butte guerrières.

;

à

aucune

à

d'irré-

C'est

wi


HORACE YERNET.

31

point de ressemblance qu'il a

de plus

avec Béranger. Tous deux ont cru qu'ils

>en iraient aussi glorieusement

mec

la

plume

et le

la

France

pinceau qu'avec

la

Daïonnelte et le sabre.

Deux

deux

nais

en

fois,

omba sous

1807 et 1815,

coup de

le

fois

la

son père

Horace

conscription;

le fit

remplacer

Jans les rangs de César.

En

ce temps-là, le jeune

homme cher-

hait à

mener de

ilaisir.

Sa figure encore vierge

oir, sa

main

ique

comme

uggéraient

front le travail

et

le

du ra-

fine et

son pied microsco-

celui

d'une Chinoise

certaines

plaisanteries

lui

de

arnaval, dont plusieurs grands digniu'res fcls

de l'Empire furent victimes. Les

de l'Opéra n'étaient point alors ce


HORACE VERNET.

32

qu'ils sont aujourd'hui.

société parisienne

Toute

la

vous. Horace, déguisé en femme,

minauder traîtreusement dans loirs, et

haute

donnait rendez-

s'y

allait

cou-

les

se faisait suivre par d'illustres

épées, très-ardentes à consacrer à Vénus le

peu de

loisirs

que leur

Bel

laissait

lone.Cesconquérantsnaïfsglissaient une multitude de poulets la

chaleureux dans

main du domino narquois,

et

s'émer-

veillaient de la ténacité de sa vertu.

Un

soir,

pour échapper aux allures

par trop conquérantes

d'un maréchal

de France, Horace eut l'idée folâtre de

chercher refuge auprès de

même.

la

Celle-ci reçut dans

maréchale sa

loge

la

beauté craintive, obsédée par son époux, et la

ramena dans son

carrosse, à

la fin


HORACE VERNET. du

bal, afin

de

protéger plus sûre-

la

ment contre de nouvelles

A

cette

33

entreprises.

époque, c'est-à-dire de 4311 à

vogue à

1815, le jeune peintre était en la

cour. Tous les dessins

guerre

du dépôt de

lui étaient confiés.

Marie -Louise

et le roi

Jérôme

lui

mandèrent plusieurs tableaux tants, qui furent

d'alors,

la

L'impératrice

1

com-

impor-

admis aux expositions

avec une quantité prodigieuse

parmi lesquels on

de portraits,

ce-

cite

lui du général Clarke, duc de Feltre.

Les éditeurs

se

disputaient déjà les

produits du crayon

couvraient

1

d'or.

Ces tableaux

francs.

Ses

lui étaient

d'Horace,

et

les

dessins pour le

payés de huit à dix

raille


HORACE VERNET.

34

Journal des Modes,

ainsi

que ses cari-

catures, étaient très-recherchés. Il

de

reçut en 1814 la croix de chevalier

la

Légion d'honneur \

Au début de

la

Restauration,

la gloire

d'Horace subit un temps d'arrêt, non qu'il

y eût chez

lui

paresse ou déca-

dence, son génie prenait au contraire

chaque jour plus d'essor; mais onn'ap1

En

1820,

1825, il

il

obtint celle d'officier, et, le 24 juin

fut appelé à siéger à l'Institut

père Carie,

comme

celui-ci avait siégé à

peinture auprès de son père Joseph.

Philippe

lui

donna

croix de

la

auprès de son l'Académie de

En

1842, Louis-

commandeur,

distinction

qui n'avait jamais été accordée à aucun peintre avant lui.

Horace Vernet porte à sa brochette toutes

corations du globe.

de ÏÉtoile polaire

Il :

ne

lui

les dé-

manquait plus que

Oscar, roi de Suède,

la

celle||

lui

en-

même temps qu a MM. Victor Hugo, Arago et Lamartine. En Europe, n'y a pas

voya, en 1844, en

François

il

une seule académie des bcaux-aris dont Horace Vernet ne soit membre.


HORACE VERNET.

35

prouvait pas en haut lieu les sujets dont l'artiste faisait

choix pour ses

conséquence, on

La

du Louvre. sierra,

la

Waterloo

le

,

loucks

au

le

En

portes

Somma-

Grenadier de

la bataille de Tolosa

Chien du régiment,

trompette,

les

de

Mort de Poniatowski,

Soldat laboureur,

le

ferma

lui

Bataille

toiles.

le

le

l ,

Cheval du

Massacre des Marne-

Caire, et vingt autres tableaux

ie cette valeur restèrent dans son atelier >ans pouvoir être Miblic. 1

soumis au jugement du

Découragé par

était l'objet, le

jeune

l'injustice

gna son père dans un voyage en

Les deux 1

On

artistes

dont

homme accompaItalie.

y reçurent un accueil

voulait que, dans ses batailles de l'Empire,

^plaçât

le

drppeau tricolore par

le

drapeau blanc

il


HORACE VERNET.

36

triomphal.

On

leur prodigua les admi-

rations et les caresses.

Au bout de les cité

Alpes

et

mois

six

repassèrent

ils

rendirent visite à

la vieille

qui avait bercé leurs aïeux. L'Athé-

née de Vaucluse proposait au concours

un prix pour

le

meilleur ouvrage en

vers sur Joseph Vernet. Nos voyageurs, désirant témoigner à la ville d'Avignon lenr reconnaissance, lui offrirent

une

toile.

chacun

Celle de Carie représentait

une

course de chevaux libres, à laquelle avait assisté à Venise.

point en retour.

Carie et à son ques,

reproduit bleaux.

la la

Avignon ne

On envoya

fils

il

resla

bientôt à

deux urnes magnifi-

ciselure

avait

composition

fidèlement

de leurs

ta-


HORACE VERNKT.

37

Les portes du Louvre continuant à se

fermer pour

œuvres d'Horace,

les

presse opposante cliers i

la

une levée de bou-

fit

en faveur de

l'artiste

mis à lin

dex. Etienne et Jouy donnèrent dans

Constitutionnel

la

-

le

complète des

liste

peintures refusées, accompagnant cette liste d'articles

autres journalistes suivirent ple i

i

et

,

l'atelier

le

Nous

d'Horace,

en haut de

plus âgé que

nous

On

appelait

la

un

à

le

les hôtels

rue de

la

biographe

description

que nous n'avons pu

où tout Paris courut 1

exem-

.

empruntons

cet atelier,

cet

les

public fut admis à visiter

Tour des Dames 1

la

Tous

pleins d'éloges.

de

voir, et

alo.s.

quartier la Petite Athènes.

11

y

de mademoiselle Mars, de mademoi-

avait

la

selle

Duchesnois, d'Horace Vernet

et

de

Tahw.


HORACE VERNET.

38

« Ce n'était ni l'atelier classique avec tout

son

attirail

l'atelier

olympien, grec ou romain, ni

romantique avec sa défroque moyen

âge, dit M. de Loménie; c'était l'atelier troupier par excellence.

Du haut en bas

étaient ornés de3 souvenirs

République

et

murs

les

militaires de la

de l'Empire. Là figurait

le

sol-

dat français sous tous les costumes et dans toutes les positions,

à

en garnison, en campagne,

revue, au bivouac, à l'assaut, avant, pen-

la

dant

et après la bataille. Infanterie, cavale-

chargeaient,

défilaient,

rie, artillerie

ton-

naient sous l'œil sévère du général Bonaparte

en écharpe tricolore

et

en cheveux longs, du

premier consul, ou de l'empereur Napoléon, à pied

ou à cheval, en capote grise ou en ha-

bit vert des chasseurs

de

brillaient des trophées

défensives, des

la

garde.

— Çà

et là

d'armes offensives et

mannequins ou des modèles

en uniforme de toute espèce, des chevaux de carton, souvent

en chair et en

même

os,

de véritables chevaux

qui venaient poser plus ou

moins docilement, sous un Murât postiche ou sous un Napoléon de contrebande. «

Parmi ce beau désordre

se prélassaient de-


,,

HORACE VERNET.

39

vont leurs chevalets des grognards-M généraux, colonels

et capitaines

qui s'essayaient à peindre

les

tistes

en demi-solde

combats aux-

avaient assisté, et qui, ne pouvant

quels

ils

plus

tuer

ou

Prussiens

Cosaques

sur

champ

de bataille, se donnaient au moins

plaisir

de

les

massacrer sur

le le

déjeu-

la toile;

nes officiers qui, ennuyés des loisirs de

la vie

de garnison, venaient chercher des distractions

dans l'étude du genre de peinture

conforme à leurs goûts,

et puis enfin

le

plus

un grand

nombre de pékins belliqueux

qui aspiraient à

sedistinguerdansun genrequi

faisait fureur.

cette

énumération

siteurs,

amateurs

il

A

faut joindre celle des vi-

et flâneurs, qui circulaient

autour des chevalets, donnant un coup d'œil à chaque toile, discutant une pose,

un

effet,

un

geste,

une manœuvre.

«Ainsi peuplé, l'atelier présentait souvent aspect

triple

d'une

salle

d'étude,

le

d'une

caserne et d'une salle d'armes. Pendant que les

uns s'absorbaient silencieux

dans

la

et

confection d'un grenadier de

attentifs la vieille

garde, d'un bivouac ou d'une mêlée, d'autres bbantaientà tue-tête une chanson de Béranger ;


HORACE VERNET.

40

celui-ci battait la

charge accroupi sur un tam-

bour; celui-là s'exerçait au maniement des

armes ou sonnait des

fanfares. Plus loin,

deux

manchesde chemise, un cigare à la bouche, une palette dans la Daain gauche et dans la main droite un fleu-

gaillards bien découplés, en

ret, se

portaient des bottes superbes, au grand

contentement d'un cercle de curieux, témoins et juges dts

Au

*.

milieu de

distrait

ni

coups

»

ce tumulte, sans

des allées et venues, ni des

des chansons,

ni

des

ou

les bret-

Horace peignait ces magnifiques

toiles qui,

de 1820

de populariser sa 1

cris, ni

bottes plus

moins heureuses poussées par teurs,

être

par cette foule, et ne s'inquiétant

à

182o, ont achevé

gloire.

La Barrière

Cette description tout entière est calquée sur le

tableau atelier.

même

d'Horace Vernet,

Ce tableau remonte

qui

représente son

à l'année 1821.


HORACE VERNET.

de Clichy,

pes,

la

Barcelone, — la

de

de Hanau,

Bataille

la

Adieux de Fontainebleau

était destiné

,

le

la Bataille de

Le second Mazeppa, connu sous

ville

Montmirail,

Cartouche,

zeppa aux Loups, ||

Peste

Sara-

— V Evasion de la Valette, —

premier Mazeppa \ 1

— la

Défense de

la Bataille de

la Dernière

les

Tombeau de Napoléon,

le

Joseph Vernet à son mât,

gosse,

41

Jcmma-

Bataille de

le

nom

de

Ma-

par Horace Vernet à

d'Avignon. Soit que les mesures eussent été

mal prises ou qu'Horace n'eût pas tenu compte de celles qui lui avaient été fournies,

drait

couper

le

place

qu'on

lui

dit

tableau pour le

destinait.—

Non

on déclara

qu'il fau-

faire entrer

pas,

s'il

dans

vous

la

plaît,

Horace au maire d'Avignon, j'aime beaucoup mieux

vous en

faire

un autre! Le maire

vait avoir lieu, le

insista.

Une

fête

temps manquait. Plutôt que de

scr mutiler son œuvre, Horace Vernet éventra le

zeppa aux Loupa d'un coup de Ét-ii, emportez-le, si

sabre.

bon vous semble.'

—A

delais

Ma-

présent,


HORACE VERNET.

42

Valmy

et le

Pont d'Arcole remontent à

époque.

cette

Il

ne donnons pas

va sans dire que nous la liste

complète.

Le duc d'Orléans, qui encourageait toutes les

oppositions et les protégeait

quand même, dans

sa

marche sour-

noise vers le trône, se déclarait haute-

ment

le

Mécène d'Horace.

mandait portraits sur

Il

lui

com-

portraits, tableaux

sur tableaux, se faisant peindre sous tous les costumes et dans tous les épi-

sodes de son et à

histoire, tantôt

Jemmapes, où

il

à

Valmy

moissonna de

si

mon-

douteux lauriers, tantôt dans

les

tagnes de

Vendôme

où on

le

la Suisse,

tantôt

à

représente sauvant

la vie

d'un

prêtre.

Ces manœuvres inspirèrent

à la

bran-


HORACE VERNET.

>rit

43

de vives inquiétudes.

;he aînée

un peu tard

jrudent de persécuter

le génie.

commanda son

lui

donseigneur

le

jour, les portes

ace.

On

le

Charles

X

portrait

1 ,

duc d'Angoulême daigna

A

partir

de

du musée s'ouvrirent

deux battants pour

i

im-

Cartouche

royal

>oser aussi devant l'artiste. ;e

coni-

qu'il est toujours

ippela l'auteur de la Dernière !t

On

les

peintures d'Ho-

supplia de vouloir bien écrire

ur les plafonds du Louvre une large

sublime

)\

îomma lome.

page d'histoire 2

,

et

on

le

directeur de l'école française à Il

entrait alors

dans sa quaran-

ième année. 1

C'est le -grand tableau qui est aujourd'hui au

ée de Versailles. Charles ivue au '

X est représenié

Champ-de-Mars.

Jules II

commandant

les

mu-

passant une

travaux du Vatican.


U

HORACE VERNET. L'heure de

grande

la

mantiques contre

bataille des ro-

classiques venait

les

de sonner à l'horloge des celle

à

des

Naufrage de

arts.

la

Géricault,

comme

par son

Méduse, avait depuis

longtemps déjà donné révolte.

lettres

signal de

le

Eugène Delacroix

jura

la

qu'il

achèverait de détrôner Da^id et d'assassiner

le

genre grec

grand maître de folle,

la

II

proclama

se

audacieuse, pleine de désordre

de passion. Horace Yernet, en sage

le

peinture débraillée,

et

en puissant génie

server des exagérations

;

nouvelle ses qualités,

et

défauts.

L Arrestation

,

il

et

homme

sut se pré

prit à l'école lui laissa ses

des princes sous

Amie d'Autriche ,'^ Philippe Auguste 1

1

Ce tableau, composé en

position de 1831.

Il

1828,

fut brûlé par

ne parut qu'à

1

ex-

nos aimables repu-


HORACE VERNET. avant

la

45

de Bouvincs,

bataille

Dent lève Chasse de Louis XVI, an cou de cygne sont

et

évidemment

la

les

— la

— Edith

Mort d'Harold résultats

de cet

éclectisme du maître. Toutes ces toiles fuient exposées avant le départ d'Horace

Vernet pour Rome.

Son arrivée en vaux de

Italie

donna aux

l'école française

prodigieuse. Bientôt

la Villa

une

tra-

activité

Médicis ex-

pédia merveille sur merveille au

musée

du Louvre. Les Brigands de Terracine,

le

Départ pour la chasse dans

rais Pontins,

— la

les

ma-

Confession du bri-

blicains de 1818. Ils en firent un feu

de joie dans

cour du Palais-Royal. Tes Visigo-ths,

les

uns

la

et les

Vandales ont des épisodes de ce genre dans leur histoire.


HORACE VERNET.

46

gand

1 ,

d'Albano,

la

la Vittoria

Pape dans

la basilique

Judith,

le

Saint - Pierre

de

,

Michel-Ange

et

Raphaël au Vatican arrivèrent tour

à

tour.

Ces

toiles

ciées par le seul

la

furent diversement apprécritique; mais le véritable,

juge du talent, celui qui ne se

trompe jamais ni dans son admiration ni dans son blâme,

le

public enfin, se

qua des rancunes d'école

et

mo-

haussa

les

épaules en voyant deux ou trois feuilletonistes, soleil

Lenormant

en plein jour.

et consorts, nier le Il

les laissa

dire et

proclama hautement Horace Vernet

le

premier peintre de l'époque. 1

Détruite lors du pillage du château de Ncuiily, tou-

jours en 1818.


HORACE YERNET. Si

Eugène Delacroix

47

n'en est pas mort

de dépit jaloux, peu s'en

fallut,

en vé-

rité.

Trouvant, au

Mécène devenu

retour de roi sous le

Rome, son

nom de

Louis-

Philippe, Horace lui envoya pour carte

de

visite le

magnifique tableau qui repré-

sente à l'Hôtel de ville

,

en 1830, cet

il-

lustre fondateur de dynastie. Nécessai-

rement l'auteur de la Bataille de Jem-

mapes la

devait être le peintre favori de

nouvelle cour.

On

lui

commanda

tout

d'abord pour trois ou quatre cent mille francs de tableaux, et le disposition la salle

roi mit

à

du Jeu de paume,

Versailles, atelier gigantesque

borèrent, dix années durant,

nombre de chefs-d'œuvre.

un

si

sa à

s'éla-

grand


HORACE VERNET.

48

Éminemment

actif etn'hésilanl

jamais

à entreprendre les plus longs voyages,

quand

il

un

a besoin de chercher

de mœurs, de connaître un

champ de

bataille,

détail

site,

un

ou de voir un cos-

tume, Horace Vernet traversa quinze ou vingt fois étudier

mômes,

la

Méditerranée

assistait

il

aller

les lieux

aux expéditions, pré-

parait ses croquis sous le vivait,

pour

guerre d'Afrique sur

la

coup de

mangeait, dormait dans

au milieu des Arabes,

feu,

les tentes,

et revenait,

imbu

de couleur locale, se remettre en face de sa toile.

nante,

il

Doué d'une mémoire surpren'oublie rien de ce qui une fois

a frappé ses regards. Les

moindres dé-

tails, les

poses, les gestes, la figure des

hommes,

les

particularités les plus

mi-


HORACE VERNET. nutieuses d'un

fait, les

43

circonstances les

plus fugitives d'une action, tout se grave,

en quelque sorte dans

tout se stéréotype

son cerveau;

se rappelle,

il

vingt ou trente ans,

au bout de

une forme, un mou-

vement, une attitude. Géricault, son

ami

le

plus cher, disait de lui «

— Sa

tête est

plus intime et

le

:

un meuble

à tiroirs.

Il

ouvre, regarde, et trouve chaque souvenir en place.

En frère

»

1841, le général Rabusson, beau-

d'Horace, venait très-souvent

rendre

visite

et

le

lui

regardait peindre.

Celui-ci achevait alors

Une Revue au

Carrousel par V empereur Napoléon Ier Le vieux militaire ;ur l'épaule, et dit,

lui

en

frappe, lui

un

montrant 4

.

jour, la


HORACE VERNET,

50

du cheval d'un chasseur de

selle

garde

'*

:

—Ah

!

pour

celte fois,

Horace, je vous

y prends! Les fontes n'étaient point dis-

posées ainsi.

— Vous m'étonnez beaucoup, répondit le

peintre;

il

me

semble

les

voir

en-

core.

— Eh bien, mémoire vous tier,

vous

les

voyez mal

fait défaut.

votre

mé-

corbleu!

— Sans doute, général; —

;

Je suis du

mais....

Quoi! vous n'êtes pas convaincu?

C'est trop violent. Je vais tout exprès

dépôt de et je

1

la

guerre examiner

au

les dessins,

reviens vous confondre.

Rabusson

cette arme.

avait obtenu

tout son avancement dans


HORACE VER Il

parti!

.

M-

T.

Moins dîme heure après,

il

de retour.

Etait

— bien? — Vous aviez

Horace.

dit

Eli

raison.

vous emporte! cria bien

la

nées de

le

Que

le

diable

général. C'était

peine de passer trente-cinq an-

ma

vie sous les tentes

ou dans

casernes pour venir à l'école chez un

les

teneur de pinceau

Nous avons

!

recueilli

un autre

fait

plus

extraordinaire encore.

Horace, un matin, se heurte au marquis de Pastorel sur le quai Celui-ci jette

du Louvre.

une exclamation de sur-

prise.

— Eh

!

que devenez- vous, mon cher?

)n ne vous rencontre nulle part. js

années

que je ne vous

11

y a

vois plus.


HORACE VERNET.

52

Est-ce que vous arrivez des grandes In-

des?

demande M. de

lui

— Vous Horace.

11

Pastoret.

plaisantez, marquis,

répond

n'y a pas plus de six mois que

je vous ai pressé la main.

— Par exemple

vous vous trompe/

!

Où donc?

— Au jardin vous donnait

— Que

des Tuileries.

Une dame

le bras.

je sois

pendu

,

si

vous n'avez

pas rêvé cette rencontre, Horace!...

Une

dame?

— Oui,unedame...fortjolie,mafoi!... Tenez, mais, au

fait,

je puis

vous

la

des-

siner. Il tire

son carnet, prend un crayon,

jette çà et là feuille, la

des

détache

traits

rapides sur une

et l'offre

au marquis.


HORACE VERNET.

Reconnaissez-vous

53

dame

la

? lui

dit-il.

— Eh!

parbleu, oui! c'est

son hôtel

duchesse

de Pastoret. Je

de V***! s'écria M.

reconduite effectivement, bas, à

la

du quai

nous avons traverse

un

l'ai

soir

,

Voltaire,

les Tuileries.

làet

Com-

ment, diable d'homme, vous dessinez, au

bout de

six mois,

un

une tour-

visage,

nure, une toilette que vous n'avez

fait

qu'entrevoir!

— Oh

dit

!

Horace, en riant,

c'est tout

simple.

— Tout tendant,

si

simple! tout simple!

vous viviez au xv

e

En

siècle,

at-

on

vous brûlerait pour un pareil tour. J'emporte

le

sorcier

!

croquis.

Au

revoir,

mon

cher


HORACE VERNET.

54

Le curieux dessin

doit être encore au-

jourd'hui dans l'album du salon Pastoret.

Comme

garantie de

pour des

véracité,

extraordinaires

aussi

faits

nous croyons utile de

notre

citer les

,

noms, car

beaucoup de lecteurs peut-être refuseraient d'ajouter foi à notre récit. Horace

Vernet

il

n'y a pas plus de huit

site, qu'il

n'avait pas revu de-

a dessiné,

mois, un

puis 1816, lors d'un voyage avec le comte

de Pontécoulant. Cette prodigieuse mé-

moire permet à

l'artiste

de peindre pres-

que toujours sans modèle. La fréquentation des Arabes, l'élude sérieuse de leurs

de 1

la

Bible

1

mœurs

et la

lecture

sous les palmiers du désert

Li Bible est son unique lecture. Elle est toujours

ouverte sur sa table, voyages.

il

l'emporte avec

lui

dans ses


HORACE VERNET.

55

ont donné depuis longtemps à Horace

Vernet

conviction profonde que toutes

la

les toiles

représentant des sujets hébreux leurs personnages

ont prêté jusqu'ici à

des costumes menteurs.

que

criture en main, s'habillaient

exactement

bes modernes,

et

Il

comme

pourra

grand

des

faits

lire

un

artiste

Ara-

se retrouvent

chaque page de l'Exode. Bientôt

blic le

les

que ceux-ci gardent

une foule d'habitudes qui à

prouve, PË-

les Juifs d'autrefois

le

livre fort détaillé,

appuie son opinion sur

incontestables et des textes sans

nombre. Déjà

la

première partie de ce

travail a été lue à l'Institut.

Ne croyant

pas devoir tenir compte, lorsqu'il est S'être

pu-

dans

messieurs

le vrai,

silr

des plaisanteries de

les critiques

sur sa persistance


HORACE VERNET.

56

Horace Vernet

à arabifier la Bible,

hardiment dans

vaille

Abraham

— 1

et

sens de sa dé-

la fontaine

Agar, — Thamar

La partie de son :

«

Un

ma

tente

le

donnant à boire l'acte

dont

à

un soldat

compte. Dès ce moment, je

me

à Élié-

com-

sentis

Une jeune

reproduisant

et

cherchais

je

la laissant

difficile à

prendre; je levai les yeux, et que vis-je?...

le

fontaine,

donnera boire

Ce mouvement me parut assez

emme

dans

lisais

sujet de Rébecca a la

portant sa cruche sur son épaule gauche, et

exactement

et le

livre, lue à l'Institut, contient ce

glisser sur son bras droit pour zer.

2

jour, dans une expédition contre cer-

taines tribus des environs de Bone, je

fond de

\

Juda,

et

Lamentations de Jérémie

les

passage

le

La Rébecca à

couverte.

tra-

à

me

rendre

dominé par

le

désir de pousser aussi loin que possible les comparai-

sons que je pourrais établir entre l'Écriture et

les

usa-

ges encore existants parmi tant de peuples qui ont toujours vécu sous l'influence des traditions, en échappant à celle des innovations. » (Voir

le

journal l'Illus-

tration du 12 février 1848.) 2

Ce tableau

Mont-Carmel.

fut

donné par

l'artiste à

l'œuvre

du


,

HORACE VERNET.

57

Don Samaritain servent de préface son

à

livre.

Pendant

les

années 1834

et 1833,

pres-

que tous ses tableaux furent empruntés

aux

de

sites

mœurs

la

arabes.

côte

d'Afrique et aux

Nous citerons une Vue de

— la Chasse aux sangliers, — la Chasse aux lions, — la Prise de Doue

Donc,

et

une seconde Chasse aux sangliers, où figure Yussuf.

Bientôt néanmoins, Horace •entré à

aissa le tableau lre la

Vernet

son atelier du Jeu de paume,

de genre pour repren-

grande page historique

ure de bataille.

et la pein-

On peut admirer au

Sa-

on de 1836 quatre épisodes sublimes,

mpruntés

aux

riedland, de

victoires

Wagram

et

d'Iéna

,

de

de Fontenoy.


HORACE VERNET.

58

La

critique, toujours

hargneuse,

fit

en-

tendre sesjappements au milieu d'un con-

unanime

cert et

d'éloges;

maisonla

fit

taire,

des écrivains illustres défendirent élo-

quemmentle

peintre national. Alfred de

Musset fut un des premiers qui éleva

la j

voix.

Le

«

de M. Vc-rnet, dit-il, est A propos du premier de ses tableaux,

vrai talent

la

verve.

je

ne

dirai pas

soleil est

:

Voyez

comme

ce coucher

du

rendu, voyez ces teintes, ces dégra-

dations, ces étoffes ou ces cuirasses; mais je dirai

Voyez

:

ces poses, voyez ce général Oudi-

not qui s'incline à demi pour recevoir

les or-

du maître; voyez ce hussard rougesi fièrement campé, ce cheval qui Oaire un mort! A Wa-

dres

gram

,

voyez cet

autre cheval blessé

,

celte

gravité de l'Empereur qui tend sa carte sans se

détourner, tandis qu'un boulet tombe à

deux

pas de

lui.

A

Fontenoy, voyez, ce

roi

vainqueur, noble, souriant, ces vaincus con


HORACE VERNET. lemés.

Comme

tout cela est disposé,

jeté, et quelle hardiesse!..

que

est bien difficile

:

.

En

59

ou plutôt

vérité, la criti-

chercher partout

n'y est pas, au lieu de voir ce qui est!

c» qui

Quant

fcmoi, je critiquerai M. Vernet lorsque je ne trouverai plus dans ses œuvres les qualités qui led stiuguentetque je ne puisse

disputer;

lui

comprends pas qu'on

mais tant que

je

verrai

ptte verve, cette adresse, cette vigueur, je ne chercherai pas les ombres de ces précieux 'ayons de lumière. »

Louis-Philippe voulut qu'Horace Ver-

et lu

décorât à lui seul toute une galerie

musée de

Versailles. C'était une, ceu-

tc de géant. Horace ne recula point

fcmmença «quelle tives.

es

il

la

et

Galerie de Constantine, à

travailla six

années consécu-

Elle futachevée en 1842. Trois vas-

tableaux sont consacrés aux divers

pisodes de

la

prise de Conslanlirie

:

les


HORACE VERNET.

60

sorties de la garnison, la tranchée, et enfin l'assaut livré

cienne

ville

par nos troupes à l'an-

numide, qui se dresse avec

tant d'orgueil sur l'escarpement de son roc.

A

côté de ces premières peintures et

aux deux extrémités de toiles l

de

même

la galerie,

quatre

dimension représentent

'Occupation du col du Teniah,

Combat de VHabrah,

ment de Saint-Jean

le

le

Bombarde-

d'Ulloa, et la Prise

d'A7ivers. Sept petits tableaux complètent

ce travail immense. Les trophées d'armes, les bas-reliefs et les figures allégoriques

du plafond, tout

est

dû au pinceau d'Ho-

race.

Très-souvent Louis-Philippe

allait

cau-

ser avec l'artiste dans son atelier.

— Monsieur Vernet,

lui dit-il

un jour,


HORACE VERNET. venu

m'est

il

tout à l'heure

61

une idée

jue je veux vous soumettre.

Horace

s'inclina

respectueusement

et

orèta l'oreille.

-

une idée qui

C'est

/aise. Il

s'agirait

mau-

n'est pas

de vous

nommer

pair

France. Qu'en dites-vous?

le

Si

Votre Majesté, répondit

pein-

le

re,

songeait sérieusement à m'accorder

;et

honneur, je demanderais à suivre

'exemple de

mon

iccepter le titre de )ffrait le

roi

— Ah!... — «

nonte

Il

n'a pas

voulu

gentilhomme que

lui

Louis XV.

pourquoi donc?

Sire, et

aïeul.

la

lui a-t-il dit, la

bourgeoisie

noblesse descend

:

laissez-

noi dans la bourgeoisie. »

--Le

grand-père avait raison

,

dit


HOUACE VERNET.

62

Louis-Philippe tort.

A présent

mais

;

le

le petit-fils

tour est

fait; la

aurait

chambre

haute est bourgeoise.

— Permettez, d'hui c'est

sire, dit

Horace, aujour-

un autre jeu de bascule. La no-

blesse est morte, le bourgeois redescend, l'artiste

et

monte

:

laissez-moi dans les

arts.

— Diable! être

diable!

fit

Jamais par

la suite,

sations de l'atelier,

il

peut-

le roi, c'est

une grande vérité que vous

dites là

!

dans ses conver-

ne revint au cha-

pitre de la pairie.

Louis-Philippe avait en peinture des

connaissances peu solides, un sûr 3

et

une manie de marchander

Horace

ment

les

goîil

était le

œuvres.

seul peintre dont

il

1

peu

peu

payât large-


HORACE VERNET. ovale;

disait

de Jean Alaux

:

je trouve qu'Alailx dessine

3i,

eille,

il

compose

à

mer-

bien, il ri est jxis cher,

est coloriste. »

t il

Tous oi

il

G3 « — Ma

trouvaient la

béissante. elle

Un

de lVx-

les caprices historiques

Il

palette

de Jean

n'en était pas de

fort

même

de

d'Horace. soir,

il

y eut à Versailles une scène

barre. La Galerie de Constantine aclieée, l'auteur s'occupait

de plusieurs toi-

îs

nouvelles, particulièrement du Siège

e

Valenciennes,

et le roi l'avait prié

Bprésenterun Louis XIV montant à mt. Rien n'étaitplus facile. Mais,

de

l'as-

comme

torace Vernela la prétention de faire de histoire et

non de

ter .soin fut

la fantaisie,

de compulser

son prê-

les chroni-


HORACE VERNET.

te

ques de l'époque,

et

devoir

si

réellement

Louis XIV avait donné l'exemple d'une telle valeur. Or, le roi,

il

acquit

pendant qu'on

certitude

la

que

livrait l'assaut, était

à trois lieues de là, dans

un moulin perdu,

avecmadame de Montespan, pour laquelle il

s'amusait à écrire des bouquets à Chlo-

ris.

Le lendemain Horace essaya de dé-

montrer à Louis-Philippe

qu'il était

im-

possible d'accéder à son désir.

— Mais, je vous assure, Ion

d'humeur, que

dans

c'est

dit le roi

une

d'un

tradition

la famille.

— Je regrette infiniment, race,

que

avec

l'histoire

cette tradition ,

grâce de ne plus

et je

sire, dit

Ho-

ne s'accorde pas

vous demande en

insister.

Louis-Philippe tourna les talons et dis-


HORACE VERNET.

65

parut. Horace croyait être quitte avec son

Louis XIV, lorsque M. de Cailleux, directeur des musées, vint lui dire

— Enfin, mon têtement veut

Le

!

roi

:

cher, ceci est de l'en-

vous paye,

faites ce

paye pas,

dit

que

le roi.

— On

ne

me

pour mentir à

l'histoire.

Horace,

Je renonce à

peindre ce tableau, monsieur!

Le jour même, la

Russie,

il

fit

ses malles

czar, depuis

le

d'années déjà,

l'invitait à se

terminait

préparatifs

quand

le

ses

\u

son

fils

rendre

1 .

Il

de voyage,

général Athalin parut.

Nicolas, en ?t

pour

nombre

1814, avait visité très-souvent Carie

dans leurs

ateliers.

Horace Vernet avait

reçu

On

a

prétendu

à

tort

des invitations analo-

gies du roi de Prusse et du pocha d'Egypte.

5


HORACE VERNET.

66

— Voyons, mon ami,

pas de sottise

!

Cailleux a tort; mais aussi vous êtes trop

brusque,

dit le

général.

Trop brusque

peine

si j'ai

,

morbleu

1

c'est à

parlé, dit Horace, et j'étouf-

de colère!

fais

— Enfin pourquoi refuseriez-vous une petite

concession?

— Ah sion,

!

vous appelez cela une conces-

vous

!...

Merci

!...

Despotisme pour

despotisme, j'aime encore mieux celui

du

czar.

L'éloquence du général ne put décider peintre

le

à

rester.

Toutes

étaient rendues, le soir rait

en poste sur

le

môme,

ses toiles et

il

cou-

chemin de Pétera

bourg.

Horace Vernet

fut accueilli à bras

ou


HORACE VKRNET.

G7

verts par l'empereur Nicolas

dont

,

le

plus grand plaisir a toujours été de nous souffler nos artistes.

On ne

savait qu'inventer

fête, et le

lui faire

czar le comblait de présents.

L'empereur de Russie

a l'habitude de

promener quelquefois

se

pour

rues de sa capitale;

il

seul

aperçut,

dans

les

un jour,

Horace Vernet sur un traîneau de louage de piteuse apparence.

Dès

lendemain

le

,

Nicolas

fit

atteler

de ses propres traîneaux deux

l'un

alezans brûlés superbes, et sortit pour aller

rendre au peintre une assez longue

visite,

à

la fin

de laquelle

il

engagea

Vernet à le reconduire au palais d'hiver.

— De fort i,

dit

il

à

jolis

chevaux que vous avez

Horace, en descendant del'é-


HORACE VERNET.

C8

quipage.

Ils

sortent, j'en suis sur, des

haras d'Orlof. Merci dem'avoir jeté à porte

!

Vernet dut garder le

ma

qu'il a

donna

les

chevaux de

jusqu'au cocher tartare,

ramené

à Versailles. Nicolas lui

tout, traîneau, bêtes et

Cependant ler à la

race,

et

droshki,

l'artiste avait

cour du czar.

Il

haut de l'écrasement de

— Bah!

homme.

son franc par-

s'indignait tout la

Pologne.

l'empereur avec une

disait

lé-

gèreté charmante, vous voyez les choses

au point de vue

français.

Nous sommes

obligés de les voir au point de vue russe. Ainsi,

dais

vous merefuseriezsi je vousdeman-

un tableau de

la

prise de Var-

sovie?

Non,

sire,

répondit Horace.

Tous


HORACE VERNET. les

jours

il

arrive

G9

aux peintres de repré-

senter le Christ sur la croix

!

Réponse sublime qui justifie notre héros de l'accusation, qu'on lui a trop sou-

vent jetée au visage, d'avoir été un des

de l'autocrate.

flatteurs

A être

la

prière de Nicolas,

consentit à

il

son professeur de peinture,

et

le

revanche, voulut apprendre à

czar, en

l'artiste à battre

du tambour. Celui-ci

des progrès avec la baguette

pereur n'en

fit

point avec

,

fit

mais l'em-

le

pinceau.

Pourtant Nicolas conserve encore aujourd'hui de

grandes

peintre.

s'avise

Il

prétentions

même

comme

de faire des re-

touches aux tableaux de maîtres qui se trouvent dans ses résidences. représente-t-elle

une

Une

toile

bataille, Nicolas so


HORACE VERNET.

70 dit

:

«

— Moi, je

ment de

un régi-

placerais là

fantassins, ici

un escadron de

cavaliers; sur ce monticule je voudrais

de

l'artillerie. »

la sorte,

il

Tout en raisonnant de

prend une

palette,

un pin-

ceau, et barbouille sur le premier chef-

d'œuvre venu d'affreux bons hommes, des chevaux de Cosaques et des canons impossibles, le tout pour montrer ses talents en peinture et

Louis-Philippe

pour décider

le

fit

en stratégie. agir son

ambassade

célèbre artiste à quitter

Saint-Pétersbourg.

— Vous

peindrez

ciennes sans dit

le

le

Siège de Valen-

moindre Louis XIV,

lui

M. de Barante.

Horace Vernet, n'en déplaise au

czar,

s'ennuyait beaucoup sur les rives de la


HORACE VEKNET. Neva mais on trouvait mille ;

Icxtes

pour

le retenir.

jour où l'on apprit

Orléans

qu'il

Ce ne

la

71

mille pré-

et

que

fut

triste fin

du

le

cïi

c

put quitter son hôte im-

périal. «

— Je

vous charge,

lui

dit Nicolas,

de porter au roi des Français

mon com-

pliment de condoléance; je prends part à sa peine. »

Depuis quatorze ans de luttes diplomatiques et de tentatives sans dignité, c'était

la

première parole obligeante que

Louis-Philippe obtenait de

Nord. On juge

comme

la

fut reçu

cour du

au châ-

teau celui qui l'apporta. La querelle de Versailles fut oubliée. tre

On

rendit au pein-

son atelier du Jeu de paume,

commanda

la Prise de la

on

lui

Smala, ce

ta-

et


HORACE VERNET.

72

bleau gigantesque, plus grand que le Paul Véronèse, et qui offrait une surface de cent soixante mètres carrés à couvrir

avec

pinceau.

le

Quand, pour vit cette toile,

la il

première

qu'un nuage. L'intrépide

fut

son esquisse,

artiste traça

en moins de huit mois,

et,

accomplit cette œuvre de Titan 1

En

La Bataille

Horace

fois,

devint pâle. Mais ce ne

il

l .

d'Isly fut exposée l'année

suivante.

1847, Horace Vernet exécuta les ligures allégori-

ques du salon de

Paix, au Palais-Bourbon. Après

la

Février, son pinceau devint moins

actif.

Il

ne parut

pas accueillir avec beaucoup d'enthousiasme une révolution

qui brûlait ses tableaux. Cependant

la Prise de

dent de

la

Rome

république.

Ce

portrait

nous pouvons

peignit

fut transporté

Afrique. Outre les toiles dont nous avons tion,

il

un portrait équestre du prési-

et

comme

citer

bles, et sans ordre de date

.

les plus

fait

en

men-

remarqua-

Camille Desmoulins,

l'Arabe,

— le Grenadier

de folle,

— une Odalisque, — la Peste de Barcelone^

de

l'île

d'Elbe,

—une

Télé


HORACE VËRNET. Une

blâmée par beaucoup de

vail a été

— la

Chasse aux brouillards,

— le

Braconnier,

le

7:)

aussi prodigieuse rapidité de tra-

Giaour,

Vue de la ville d'Arles,

cri-

— un Dromadaire, — — le

— Arabes

Bouvier,

—une

devisant sous un

— une Chasse sur le Teverone, — le Choléra — un Marchand d'esclaves — Chasse au lièvre, — la Porle de Constantine,— figuier,

à bord de la Melpomene,

les

Contrebandiers,—

t

la Poste

dans

le

désert,—

— Napoléon sortant tombeau, — une Tête de Christ, — la Prière

un Arabe à cheval en retraite,

de son

de l'Arabe,— la Chasse de l'Algérienne,

En

millions de tableaux,

nombre des il

a peint

etc.,

etc.

Horace Yernet comptait déjà pour deux

1842,

commandés,

presque tous

de l'Empire,

livrés et payés.

Le

portraits dus à sa palette est incalculable; les

maréchaux

les rois et les princes

et les

généraux

de l'Europe.

Nous

ne parlons pas d'une multitude de vignettes, de lithographies et d'esquisses. Horace Yernet a illustré

la

Vie de l'Empereur et vingt autres ouvrages de cette

importance. Ses tableaux les plus récents titre

:

Joseph vendu par ses frères,

mufjlon dans dite

le

Maroc,

au camp devant les

Trappe.

et

ont pour

— une Chasse au

une Messe en Kabylie,

troupes,

par l'abbé de La


HORACE VERNET.

74

tiques.

ignorent combien

Ils

sans sommeil

son

sujet, à l'approfondir, à

les ressources, à fixer

de nuits

passe à étudier

l'artiste

en pénétrer

chaque

détail et à

méditer sur chaque épisode, afin de co-

ordonner

le tout

dans un magnifique en-

semble. Quand Horace arrive en face de sa toile, tête.

il

a son tableau

Jamais

ébauche, sur

complet dans

n'hésite;

il

la

toile

il

peint,

la

sans

blanche. C'est un

auteur de drame qui a préparé non-seu-

lement

le

canevas, mais les actes, les

scènes, le dialogue, et qui n'a plus qu'à écrire.

La peinture

est

comme

l'histoire,

son

cachet

le

vérité.

Foin des idéalistes qui, pour trop

plus

distinctif

vouloir poétiser le

fait,

le

doit

être

la

dénaturent!


HORACE VERNET. Éternellement perdus dans

du rêve,

75

les

régions

se cognent le front à

ils

tous

les angles du mensonge, lorsqu'ils veu-

lent appliquer leur

Horace Vernet

système aux

est

arts.

populaire,

parce

qu'il est vrai. Jetant bien loin derrière

lui la palette tor,

Achille.

a fait de

homérique,

Romulus

l'histoire

et laissant

Hec-

à leurs siècles,

moderne, de

moderne. Ses tableaux, on

il

la stratégie

l'a dit

depuis

longtemps, sont de véritables bulletins, militaires,

documents historiques

des

pour l'avenir que

les

co-

lonnes du Moniteur. Horace est

le

Ra-

aussi précieux

phaël d'un peuple soldat. Notre héros, dans sa vie, a

fait

autant

de milliers de lieues en poste, qu'Ashavérus en a

fait à

pied depuis

la

mort du


HORACE VERNET.

76

Christ. le

Aujourd'hui vous lerencontrezsur

boulevard, demain vous apprenez qu'il Caire ou pour Constan-

est parti

pour

le

tinople.

Vous

lui écrivez à

l'Institut,

où vous

son atelier de

croyez

le

main, votre missive ne

le

la palette

en

trouve plus,

court après lui et le rattrape dans les plaines de la Mitidja. Les voyages sont

repos d'Horace Vernet C'est

le

;

il

a

bédouins en 1845. 1

les tribus

regardent Seul,

Il

pu

aime à et

demi-dieu.

fêter à leur goût les chefs

lorsqu'ils les

qu'il

arabes l'adorent

comme un

Les voyages,

Ncmrod

.

en Afrique surtout

retourner

le

1

sont venus à Paris

appela dans son atelier de la

et Franconi,

chasse et il

d'ecuyer plus intrépide.

l'équitation.

Depuis

n'y a pas eu de chasseur et


HORACE VERNET. Versailles

,

large,

en guise de

lions,

de tigres

dans

77

où s'étendaient de long en

et

tapis,

des peaux de

de panthères. Partout,

aux murailles, rangés en

les coins,

faisceaux ou pendus en trophées, l'œil rencontrait des yatagans, des poignards,

des sabres recourbés, de longues carabines damasquinées d'or, plet

un musée com-

d'armes africaines, sans compter

selles

brodées de pierreries,

bout d'ambre, à ses hôtes.

les pipes à

et mille autres objets

Ils

retrouvaient là

par enchantement tous

les

les

chers

comme

souvenirs,

toutes les joies, toutes les habitudes de la tente,

du désert, de

la patrie.

vraiment bédouin termina le

Un

la fête.

repas

Après

couscoussous, on servit un agneau

t out entier à

la

mode de

l'Atlas, et les

rôti

con-


HORACE VERNET.

78

vives, assis

phitryon ghilé

lesjambes croiséessur

les nat-

dépeeèrentavec leurs doigts. L'am-

tes, le

;

lui

-même

madame

leur présenta le nar-

Vernet et sa

fille

versè-

rent le moka.

mois après,

Six

cette fille

bien-aimée

d'Horace, son unique enfant, l'ange béni

de

la

maison, mourut dans toute

de l'âge

et

de

la

Depuis 1835, artiste

force

beauté.

elle était la

femme

d'un

éminent, M. Paul Delaroche \

Nous avons 1

la

été

admis jadis à

visiter, à

Ce peintre avait connu mademoiselle Vernet toute La retrouvant jeune tille a Rome, au moment

enfant.

où l'auteur de la Smala en

éperdûment

devint

réunissait à toutes les le

mérite

du cœur

le

et

dirigeait l'école française, et

épris.

Mademoiselle Vernet

grâces

d'une beauté parfaite

plus rare, les qualités les plus précieuses

une piété sincère. Son mari a placé son

portrait dans

une de ses grandes compositions, où

représente

génie chrétien.

le

elle


HORACE VERNET. Versailles,

79

impasse des Gendarmes

demeure de prédilection d'Horace,

,

la

villa

gracieuse que la révolution de 1848

l'a

décidé à vendre.

On y

par une petite cour, où

entrait

de Barbarie

des canards

et

de beaux

goélands prenaient leurs ébats dans un oassin bordé d'un cercle de gazon.

à

Le corps de

logis principal, surmonté,

droite, d'un

colombier en briques

lanqué, à gauche, d'une tourelle

,

.

avait

leux entrées, dont Tune, ouverte sur jfestibule, jt

t

aux la

conduisait à la salle à

salons.

chambre

.on atelier,

et

le

manger

La seconde entrée menait à

coucher du peintre

et à

situé au premier étage.

On y montait par un ^ans la tourelle.

escalier pratiqué


HORACE VERNET.

fO

Meublée salle à et

et

chêne

boisée tout en

,

la

manger avait un caractère simple

de bon goût. Les deux salons, tendus

de rouge, communiquaient ensemble par

une large portière, daient sur

et les fenêtres

un jardin

sautant par-dessus s'étendre jusqu'à rive gauche.

De

délicieux,

les arbres,

l'embarcadère

regarla

vue,

pouvait

de

la

splendides étoffes de

Chine à dessins éclatants, par des torsades d'or paient

et

et relevées

de soie, se dra

en rideaux ou retombaient en

portières.

Une dus et

à

aux

quantité d'œufs d'autruche, pen-

des

fils,

se balançaient

aux portes

fenêtres.

Dans un angle du premier salon une colonne entourée de drapeaux

,

sur pris


HORACE YEHNET.

81

aux Autrichiens, on voyait un magnivase de porcelaine

fique

présent

,

de

l'empereur de Russie. Au-dessus, par un sentiment de délicatesse nationale, l'artiste lauriers le

et

de noble

couronné de

avait

masque en

fierté

plâtre

du martyr

de Sainte-Hélène. Près de

Boule

là se trouvait

un meuble de

fort précieux, enrichi

de bronzes

dorés et de mosaïques de Florence. C'était

un don du maréchal Gérard.

Beaucoup cette

de peintures garnissaient

première pièce.

On y remarquait une

belle

sainte,

œuvre de M. Ingres, un

bleau

de Wasili Timrn

2

tète

petit ta-

représentant

Diane, la chienne favorite d'Horace, 1

de

Artiste russe.

6

un


HORACE VERNET. portrait

du baron Guérin,

portrait

de

et

un autre

madame

Paul Delaroche,

cette fille bien -aimée,

que l'artiste pleure

oujours, et dont les enfants luiprometidnl

de perpétuer son génie sous un

également cher aux

nom

arts.

Le second salon réunissait l'élégance d'un boudoir féminin à

la sévérité

d'un

cabinet d'amateur. Destiné aux grandes réceptions,

il

était

garni des tableaux de

Joseph, de Carie et d'Horace.

Quant

à

la

chambre

à

coucher du

peintre, elle affichait le luxe le plus ori-

ginal et le plus fantasque. Toutes les ar-

mes de donné

l'Afrique et de l'Orient s'étaient

rendez-vous, avec une collec-

tion de chiboucks, de tchonboucks

narghilés à faire

et

de

pâmer de ravissement


HORACE VERNET. un

du prophète. Çà

fils

et là

de sabres resplendissaient soleils.

Aux murs

83

des trophées

comme

des

s'accrochaient

des

burnous, des caphtans, des takiès, des robes turques

et

arméniennes, présents

curieux de toute une génération de beys,

decheiks

et

Un beau dans

de pachas. Christ

l'endroit le

d'ivoire,

suspendu

plus apparent de

la

pièce, prouvait, en dépit de cet arsenal infidèle et 3

de ces défroques mahométa-

nés, qu'on entrait dans

un

logis

chré-

un cadeau des

frères

tien.

Ce Christ de j

la

était

Doctrine.

occasion

ils

Nous devons

l'offrirent à

dire à quelle

Horace.

Les Ignorantins, voulant avoir tait

le

por-

de frère Philippe, leur supérieur


HORACE VERNET.

84

général, envoyèrent, un jour, une députation

au peintre.

— Voilà Notre

cinq cents francs, lui dit-on.

communauté

tout ce

n'est pas riche. C'est

que nous avons pu réunir.

Horace

fit

le portrait

1

mais

;

il

n'ac-

cepta point l'argent, et les Ignorantins lui

donnèrent ce crucifix, qui témoigne

tout à la fois de la reconnaissance des

bons religieux

et

de

la

générosité de

l'artiste.

On

montait, nous l'avons

tourelle

pour arriver à

dit,

par

l'atelier

la

d'Ho-

race. Il était 1

était

Chacun

aussi vaste a

pu

le

le

permettait

la

foule naïve.

le

voir à l'exposition de 1845. II

digne en tout du pinceau d'Horace.

du mur, peinte au fond de tout

que

la

toile,

Une

lézarde

émerveillait sur-


HORACE VERNKT. peu d'étendue de

la

85

maison. Du haut en

bas les murailles avaient été badigeon-

nées d'une couche grisâtre,

et la

lumière

pénétrait à volonté du nord ou

du sud.

Le long du mur,

un large

à droite, s'étalait

divan turc avec son tapis.

A

gauche, une

grande armoire vitrée renfermait

tumes de tous

les

les cos-

peuples anciens

et

mo-

dernes. Le dessus de cette armoire était

encombré de

petits

modèles de canons,

de chariots, d'ustensiles empruntés à toutes les

barbaries ou à toutes les civilisa-

tions de la terre.

Des milliers de croquis,

d'esquisses, de sites et de portraits pris

au vol se montraient dans des cadres très-simples.

Sous une sorte de reliquaire, on apercevait

une branche de saule cuedlie

à


HORACE VERNET.

86

Sainte-Hélène, au tombeau de l'Empe-

une mèche de cheveux coupée sur

reur,

sa tête morte,

Rome

et la

une médaille du

roi

première croix portée par

de le

grand capitaine.

Horace Vernet

l'avait

reçue de

la

pro-

pre main de Napoléon.

Près du chevalet destiné aux petites toiles se trouvait

dre

de

;

un orgue de palissan-

à côté de l'orgue

lavis,

de papiers

peau d'un lion de

une

et

de crayons. La

l'Atlas,

seize spahis, avant de

table couverte

qui avait tué

succomber sous

la

carabine de Yussuf, servait de tapis de pied à Horace.

Au

milieu de cet atelier que nous ve-

nons de décrire, apparut, un jour, certain conscrit,

nouvellement

incorporé


HORACE VERNET. dans le

la

87

garnison de Versailles. C'était

Jean-Jean

puisse voir

plus conditionné qui se

bonnet de police en arrière

:

et vacillant

le

sur

le

crâne, bras ballants,

jambes en forme de colonnes gure bouffie

torses,

et naïve, œil bête et

fi-

rempli

de candeur.

— Que veux-tu, mon ami? demanda

le

peintre.

voudrions not' portrait,

J'

dit le

gros garçon, pour l'envoyer là-bas au pays. Il

tira

—A ta

vingt-cinq francs de sa poche.

qui l'enverras-tu? dit Horace, à

maîtresse, sans doute?

— Oh! que nenni volage. C'est

— Pour ta

!...

Catherine est trop

pour mère Madeleine.

mère?


HORACE VERNET.

88

— Oui,

M. Yernet; piers

!

» et

francs,

il

j'

voir.

«

Va chez

chique joliment

les trou-

dit

:

sommes venu. Vingt-cinq

n'avons pas davantage, mur-

j'

Horace

et

dit le peintre, je

ne

mura-t-il, regardant

un

me

pleure de ne plus

ail'

Les camarades m'ont

craignant

refus.

— Bon drai pas

!

si

cher. Assieds-toi

ton bonnet de police,

que

je te fasse des

— Ah

!

te

là.

morbleu

!

pren-

Relève Veux-tu

moustaches?

oui, j'voulons bien; all's pous-

sent déjà!

Le peintre acheva séances; puis

joyeux francs.

le portrait

comme

lui offrait

le

en deux

conscrit tout

encore ses vingt-cinq


HORACE VERNET. —Garde à

ma

ta

bourse, lui

89

dit-il, et

va boire

santé.

Bientôt l'histoire se répandit. Horace

Vernet devint l'idole de

garnison de

la

Versailles.

Sa

Majesté

beaucoup taires

Louis-Philippe admirait

physionomies mili-

les belles

qu'on remarque au premier plan

de la Smala. Presque toutes sont des portraits. soleil et la

Un

vieux soldat bronzé par

poudre,

attira surtout

le

son at-

tention.

homme,

Je connais cet

depuis douze ans

dit

Horace,

se bat en Afrique

il

avec courage.

— Aussi,

voyez,

neur, observa

il

a

la

croix d'hon-

le roi.

— Non vraiment,

sire, je

me

suis trom-


HORACE VERNET.

90

pé. Cette croix,

murmura Il

prit

il

l'artiste

faut

que

je l'efface,

d'un ton chagrin

son pinceau. Louis-Philippe

arrêta le bras, et dit en souriant

Pourquoi gâter votre

cher Horace?

les

mon

un moyen plus siminvolon-

ple de réparer votre erreur

de décorer ce brave.

— J'attendais peintre,

:

toile,

retouches s'aperçoivent

toujours. Je connais

taire, c'est

lui

merci!

cela, sire,

heureux du succès de

Traversant,

un matin,

la

dit le

sa ruse.

rue Dauphine

en tilbury, Horace accrocha un lourd

camion chargé de

pierres,

et cassa le

brancard de sa voiture.

Un là,

peintre d'attributs juché près

de

touten haut d'une échelle, etpeignant

do fort beaux saucissons à l'étalage d'un


IÎORACE VERNET.

91

charcutier, reconnut l'artiste, descendit

précipitamment

et rattacha

le

brancard

avec des cordes, afin qu'Horace pût continuer sa route.

Le maître du tilbury d'or dans la

— Ah! frère

!

.

.

.

glissa

main du peintre

monsieur Vernet

dit celui-ci

— Pardon!...

!

une pièce d'attributs.

un con-

d'un air de reproche.

mais

alors

comment

puis-je reconnaître votre obligeance?

— Donnez-moi

un coup de pinceau,

je serai trop payé, dit le peintre,

mon-

trant l'étalage.

— Volontiers, Il

grimpa sur

dit

Horace.

l'échelle et peignit en

un

de tous

les

clin d'œil le plus appétissant

jambons.

— Ah!

monsieur Vernet!

monsieur


HORACE VERNET. brave homme

92

Vernet!

s'écria le

rant de joie race, je ne

me

sor que je veux léguer à

traits

de ce

servirai plus ni

pinceau ni de cette échelle

On

pleu-

baisant les mains d'Ho-

et

;

un

c'est

mes

tré-

enfants!

d'Horace Vernet une foule de

cite

de ce genre,

ne pouvoir

les

et

nous regrettons de

raconter tous.

Affable, modeste, rempli de bienveil-

lance et de bonté, rendant justice à cha-

cun,

môme

à M. Delacroix; simple dans

sa vie et dans n'avait pas riers

de

ses

au front

la gloire,

il

mœurs, comme les

s'il

plus nobles lau-

vieillit

entouré d'af-

fection et d'estime.

Son treizième

lustre est révolu.

Depuis cinquante-quatre ans le

crayon

et le

il

tient

pinceau, sans avoir rien


IIOKACE VERNET.

93

perdu de sa verve toujours bouillante

et

toujours jeune. C'est

un homme de

sont d'acier. Dans

la suite

fer, ses

muscles

un voyage au Caucase,

de Nicolas se composait de

cinq cents individus,

il

ne rentra que

deux hommes valides à Varsovie, Horace et le czar.

Après avoir quitté sa maison de Versailles, le

célèbre artiste est venu se

ger à Paris, à est

-ans faste.

de tableaux sultats

l'institut.

Une

et

lo-

Son extérieur

seule pièce est garnie

de croquis bibliques, ré-

de ses chères études. Là se trou-

vent les portraits de ses ancêtres et ceux

de ses petits-enfants. De celte pièce,

vre,

il

il

montre

la

fenêtre de

les fenêtres

a reçu le jour.

du Lou-


HORACE VERNET.

94

Horace vivra son Il

siècle.

a devant lui de longues

années en-

core pour continuer sa gloire, avant de rejoindre ses pères.

La France

beaux-arts prendront le deuil la

le

et

les

jour où

dynastie des Vernet fermera la tombe

de son dernier

roi.

FIN,


NOTE SUR L'AUTOGRAPHE.

Le dessin que nous offrons ci-contre à nos souscripteurs, artiste,

comme

autographe

(iu

grand

a été crayonné par Horace Yernet à

Varna même,

de son voyage tout récent

lors

en Bulgarie. Le croquis primitif de piqûres de mouches, dont

pendant que

le

est couvert

l'air était

choléra sévissait

si

rempli

rudement

dans ces régions.

ERRATUM Dans

notre

dernier

petit

:

volume

(

Tiiûopmi.ii

Gautieb), page 64, ligne 15, au lieu de Carlolla Grisi, lisez

:

Ernest a

Grisi.






311972091 78299




BRIGHAM YOUNG UNIVERSITY

3

1197 20917 8299



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