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CORRESPONDANCE ET
BIOGRAPHIES
PAR
AMEDEE DURANDE
à PARIS COLLECTION HETZEL J.
HFTZEL, LIBRAIRE-ÉDITEUR I
8
,
RUE JACOB
JOSEPH, CARLE
HORACE VERNET
PARIS.
â&#x20AC;&#x201D; 7,
J.
CLAYE,
IMPRIMEUR
PUE SAINT- BENOIT
JOSEPH, CARLE ET
HORACE VERNET CORRESPONDANCE ET
•
BIOGRAPHIES
PAR
AMÉDÉE DURANDE
PARIS J.
COLLECTION HETZEL HETZEL, LIBRAIRE-EDITEUR I
8,
RUE JACOB,
Tous
l8
droits réservés.
MM. HORACE ET PHILIPPE
A
DELAROCHE- VERNET
Cher s Amis
En vous votre bien
dédiant cette histoire, je ne :
été détachés
Je
,
les feuillets
dont
elle se
fais
que vous rendre
compose
du Livre d'or de votre famille?
compte sur
l'intérêt
qui s'attache aux
pour
j'ai
essayé de retracer
ma
propre insuffisance; mais, quel que soit
la vie,
à ce travail, je ne le regarderai pas être
n'ont-ils pas
hommes dont
faire oublier
comme
au lecteur
le sort
inutile,
pour vous une preuve de ma très-cordiale
réservé s'il
et très-pro-
fonde affection,
Amédée DURANDE.
Mont-Bauron
,
1^
peut
juillet 1863.
1
AVANT-PROPOS
A
une époque où
l'on a fait
d'une idée, d'une phrase,
même
d'un mot, une propriété que l'on peut revendiquer, judiciairement,
il
faut agir avec
une grande circonspection,
sous peine de s'entendre accuser de plagiat.
Commençons donc par venté les
faits relatés
l'histoire,
et les
partout où
ils
Outre
les
disposition,
déclarer que nous n'avons pas in-
dans ce volume. Cette histoire est de
matériaux qui
la
composent ont
été pris
se trouvaient.
documents inédits que nous avons eus
à.
notre
nous avons dû consulter tout ce qui avait
déjà écrit sur les Vernet.
Nous avons
extrait des travaux
nos prédécesseurs ce qui nous a paru tombé dans
le
été
de
domaine
public, c'est-à-dire les actes; quant à nos jugements, nous
nous sommes efforcé de ne
les
emprunter à pérsonne.
Afin d'épargner au lecteur l'ennui d'abaisser les yeux, à
chaque ligne, jusqu'au bas de
la
page, indiquons
ici
les
sources principales auxquelles nous avons puisé. 11
y a quelques années, M. Léon Lagrange a eu
la
bonne
fortune archéologique de découvrir, à Avignon, une sorte
AVA NT-P ROPOS.
4
A' agenda sur lequel Joseph Vernet inscrivait, jour par jour,
moindres événements de sa vie
les
commandes de
:
payements de fournisseurs, jmenus
tableaux,
frais quotidiens, etc..
Ces notes sont une vraie mine de renseignements précieux pour l'histoire de
accompagné
prendre,
à
leine
1
e
siècle.
pour
lequel
M. Lagrange a
et
il
apparence
a eu raison; mais
aux curieux de
aucun
n'a négligé
il
forcément un travail
est
s'adresse
il
;
xvm
insignifiants en
détail; les plus
son travail
au
texte des manuscrits qu'il a publiés d'un
le
savant commentaire
bons
l'art
lui il
ont semblé
s'ensuit
que
de très-longue hascience,
la
à ceux
qui veulent tout regarder au microscope et qui pensent
qu'en
fait
un ciron vaut parfois un éléphant.
d'histoire
Ces gens-là n'ont peut-être pas
mais
tort;
ils
sont peu
nom-
breux, et composent un public spécial. Nos visées sont plus
modestes
et plus hautes
dédaigné, tes,
les
comme
en
même
anecdotes racontées par
vanche, nous avons laissé de côté la
du
même
le
-
la
plupart des lecteurs.
et
nos doubles recher-
point ne feront pas double emploi. C'était,
reste, le parti le plus
prudent à prendre; car
prétention de
le refaire.
Des
examinant
critiques,
minutieux
les détails trop
même,
de M. Lagrange est trop bien la
nous n'avons pas
contemporains; en re-
les
patience de
Notre but n'est donc pas le
:
devait le faire M. Lagrange, les historiet-
qui eussent fatigué
ches sur
temps
fait,
le travail
pour qu'on puisse avoir
les livres
de comptes de Joseph
Vernet, ont trouvé cette préoccupation quotidienne et
du doit
avoir beaucoup plus digne d'un commerçant ou d'une
ménagère que d'un 1.
Joseph Vernet
et
artiste
la peinture
2 .
On
a dit avec
au xvin e
un
siècle, 1 vol.
certain dé-
de 500 p. in -8°.
Paris, Didier, 1864. 2. Il faudrait,
pour être logique, adresser
le
même
reproche à Michel-
AVANT-PROPOS. dain que Vernet était citoyen,
»
«
bon mari, bon père de
somme un
en
dans
vrai bourgeois,
famille, le
bon
sens peu
qu'on a donné à ce mot, ou mieux un Philistin,,
flatteur
suivant l'expression des étudiants allemands. Mais, grâce à Dieu, le temps est passé où l'on croyait que
une indissoluble
le
désordre et
et
nous ne demandons plus à un écrivain ou
vices
fait
à
alliance,
un peintreJes D'ailleurs,
de ces fantaisistes à outrance qui font de
une vertu nécessaire aux
prodigalité
pour
génie avaient
que nous reprocherions à un autre homme.
reste encore
s'il
la
le
que
les contenter,
le
artistes, ajoutons,
soin avec lequel Joseph Vernet
notait seS dépenses
ne l'empêchait pas de mal équilibrer
son budget. Vers
fin
la
de sa carrière, malgré
fabuleuses qu'il avait gagnées,
dans
gène,
la
Lavoix
1 ,
valier de
il
Langeac
il
trouva plus d'une fois
se
le faisait
exact de toutes
du
mangé mon bien,
mes dépenses,
ma
de
cette profession
si j'ai
par où a passé côté
que
sommes
observer M. Henri
aurait pu emprunter à son contemporain
ruiné; mais,
A
ainsi
et,
les
et je
foi j'ai
naïve
:
«
le
che-
Je suis
tenu un compte
puis dire, sou par sou
'
fortune. »
travail
de M. Lagrange,
il
faut placer les trois
études publiées par M. Charles Blanc sur Joseph, Carie
Horace Vernet; on y retrouve le
les qualités
et
qui distinguent
savant éditeur de la Vie des Peintres. Nous avons ce-
pendant une petite querelle à
faire à
M. Charles Blanc; tout
en rendant justice d'autre part à un très-bon article publié
dans
la
Revue contemporaine
2 ,
il
blâme
l'auteur,
M.
Oli-
Ange dont les Ricordi contiennent beaucoup de détails aussi infimes. Voyez sur ce sujet un très-intéressant article de M. Charles Clément, dans ( le Journal des Débats du 27 mars 1864 ). ,
1.
Moniteur du 25 février 1864.
2.
Livraison du 15 février 1863.
•
6
AVANT- PROPOS.
vier Merson, d'avoir
demandé des
race Vernet aux divers
détails sur la vie
membres de
sa famille
:
ce
d'Ho-
mode
d'investigalion est dangereux, dit-il, et le critique, en agis-
sant ainsi, perd toute indépendance.
Nous n'avons pas mis-
sion de défendre M. Olivier Merson, mais ce reproche
tombe
par avance sur notre propre travail, puisque nous avons puisé nos renseignements à
pouvons l'accepter en
silence.
pensable de compléter les
moyen de
la
même
source, et nous ne
Nous croyons
faits enregistrés
qu'il est indis-
par l'histoire au
la tradition, cette tradition eût-elle été
conservée
par des personnes intéressées à l'embellir. Maintenant, qu'il y ait certains inconvénients à procéder de
la sorte,
que
l'on
courre risque de se laisser influencer par des motifs de courtoisie ou d'affection étrangers à est hors de doute; mais nul n'a
la
le droit
saine critique, cela
de se targuer d'une
indifférence absolue. Si M. Charles Blanc veut bien faire petit retour sur
lui-même,
être pas tout à fait tres.
Quand
il
il
comprendra
exempt du péché
a étudié la vie et les
qu'il
qu'il n'est
un
peut-
reproche aux au-
œuvres d'Horace Vernet,
ses opinions personnelles n'ont-elles pas égaré son juge-
ment,
et
son peu de sympathie pour
l'homme ne lent
l'a-t-il
le
rôle politique
de
beau
ta-
pas rendu trop sévère pour
le
du peintre?
Horace Vernet a eu un grand nombre de biographes, depuis M. de Loménie jusqu'à M. Jacquot de Mirecourt; toutes les revues, tous les journaux ont publié des articles
sur
lui à
l'époque de sa mort,
versement apprécié,
à
et,
durant sa vie,
il
a été di-
chaque exposition nouvelle, par
écrivains les plus distingués.
Il
suffira
de citer
Paul de Saint-Victor, etc.
H. Delaborde,
noms
MM. MériEdmond About.
d'Alfred de Musset et de Gustave Planche, de
mée, Théophile Gautier,
les
les
AVANT-PROPOS. Parmi
flatté
:
honneurs nécrologiques rendus à
les
du grand
7
artiste,
il
en est un
qui
mémoire
la
particulièrement
l'eût
M. Sainte-Bouve, ce maître mosaïste de
la
critique,
après avoir pris communication d'une partie des papiers
Horace Vernet,
laissés par
charmantes
fines, finies et les fois
lui a 1 ,
consacré une de ces études
dans lesquelles
que son jugement ne se trouve point faussé par des
préoccupations étrangères au sujet qu'il
ment pour nous,
la
matière
le
traite.
Heureuse-
l'espace restreint qu'il avait à sa disposi-
tion n'a pas permis au célèbre
que
excelle, toutes
il
causeur de s'étendre autant
comportait autrement, ;
il
serait impossible
de trouver quelque chose à glaner sur son passage. Les-lecteurs qui ont déjà lu son remarquable travail et qui liront
•dans ce
livre
la
correspondance d'Horace Vernet seront
du
exquis dont
frappés de
la
M. Sainte
Beuve a donné une preuve de plus en
-
sûreté de goût,
a choisi, d'une
constance.
Il
qu'il avait
sous les yeux,
le
main
offert à
dans
infaillible,
dessus du panier,
plus délicates et les plus suaves,
cieux bouquet,
tact littéraire
il
les lettres
les fleurs les
en a composé un déli-
après l'avoir entouré d'un
et,
cette cir-
fil
d'or,
il
l'a
son public, c'est-à-dire au public tout entier.
Nous nous sommes donc aidé des recherches de nos devanciers, et nous n'avons apporté,
que
les traditions
comme
de famille léguées par
élément nouveau, les
Vernet à leurs
descendants. Ces indications nous ont semblé préférables à toute autre,
chaque
fois qu'elles
ne se trouvaient pas dé-
menties par une certitude historique. Mais rêt de ce
volume, son seul intérêt peut-être, consiste dans
nombreux
Voyez
le
les
chapitres où notre rôle s'est borné à celui d'édi-
teur consciencieux.
1.
véritable inté-
le
De
Coyistitutionnel
ces chapitres nous pouvons parler
,
n os dos 18 et 26 mai,
1 er
,
8 et 9 juin 1863.
AVANT - PROPOS.
s
sans crainte, et nous devons dire tout
sommes juge
pensons, puisque nous
Les
bien que nous en
le
non plus
et
partie.
d'Horace Vernet qui ont été publiées dans
lettres
divers recueils ont donné déjà
un avant-goût de ce que
correspondance complète pouvait piquait pas de littérature;
tons-le, fort gêné,
être.
eût été bien surpris, et, ajou-
il
avait pensé
s'il
que
sa prose familière
dût être un jour livrée au public. Aussi y naïveté
même
charme
particuliers
et
vains plus consommés. trotter sa
plume
passe par
la tête
a-t-il
dans cette
dans ce manque d'apprêt une saveur
que
;
était
bride sur
la
et
un
trouve rarement chez des écri-
l'on Il
sa
Notre peintre ne se
de le
bonne école
la
cou;
il
:
il
laisse
dit tout ce qui lui
a sans cesse de ces bonheurs d'expres-
il
de ces audaces, de ces rencontres, de ces hasards de
sions,
mots, que n'osent pas risquer ceux qui font leurs phrases
en vue Il
et
pour
écrivait
ainsi dire sous les
comme
yeux des
lecteurs.
peignait, sans ratures, sans repentirs
il
montrent toutes
et sans retouches. Ses lettres
les facettes
de
son esprit changeant. Les personnes qui l'ont connu seront
peut-être étonnées de
lui
découvrir des mérites qu'elles
n'avaient pas soupçonnés en lui
incompatibles avec son
ment
il
humeur
,
et
qu'on aurait pu croire
prime-sautière.
même un
était gai, vif, voire
nière de ses amis les troupiers; mais qualités
que tout
monde
le
une certaine profondeur
et
peu loustic à il
alliait
seulela
ma-
encore à ces
se plaisait à lui reconnaître
une
ment. Ses appréciations sur
Non
les
parfaite rectitude
hommes
de juge-
qu'il a rencontrés
et
sur les pays qu'il a visités, sont
loin d'être superficielles.
Presque toujours, sous une forme
en courant
le
monde,
légère en apparence
questions qu'il agite feraient
,
;
honneur à un
il
touche d'un mot sûr au fond des
il
a tantôt des aperçus politiques qui
homme
d'État, tantôt des réflexions
AVANT-PROPOS. que ne désavouerait pas un moraliste de profession. Mais c'est surtout
excelle, car
dans il
le
genre descriptif
et
dans
le
portrait qu'il
se retrouve alors sur son véritable terrain,
peut déployer toute sa verve pittoresque, et l'on dirait écrit avec
un pinceau,
tant
personnages ou aux objets Il
et
qu'il
donner de couleur aux
sait
qu'il veut
dépeindre.
y a encore, dans cette correspondance, des tendresses
des gamineries adorables.
Vernet le
il
il
était resté
A cinquante ans passés,
certainement beaucoup plus jeune que ne
nombre de jeunes
sont aujourd'hui
une grâce spéciale
,
l'homme,
sûr, ce défaut chez lettres,
un
artiste
gens. Chez lui, par
mesure
à
touffa point l'enfant; c'est peut-être
Ces
Horace
qu'il grandit, n'é-
un défaut, mais,
ressemble
fort à
une
nous n'en doutons pas, plairont à
à
coup
qualité.
plupart
la
des lecteurs, et elles trouveront une place digne d'elles
dans
la
bibliothèque des gens de goût
de nos maîtres,
soit entre
la
à
œuvres
côté des
correspondance du président
de Brosses et celle de Jacquemont, Orient de Gérard de Nerval et
soit-
entre le
Voyage en
Voyage en Espagne de
le
Théophile Gautier.
Nous voudrions avoir une égale confiance dans de ce livre dont nous devons assumer seul lité;
mais ce qui nous rassure,
rôle, et
oublier
nous osons espérer que la
c'est la le
la
la partie
responsabi-
modestie de notre
charme du tableau
simplicité de son cadre.
L
i
fera
JOSEPH, CARLE ET
HORACE VERNET
I
Antoine "Vernet.
—
Madame
un peintre des tons. quier.
— Naissance
de Simiane. et
—
— La
un mât. Pergolèse.
—
— Un père jaloux de son — Une tempête, et découragement. — L'alphabet
de Joseph.
— Misère — Rivalité
petite -fille
fils.
Départ pour Rome.
d'un cardinal et d'un perru-
d'un archevêque.
François Poisson
,
—
Livio
et Orazio.
—
marquis de Marigny.
Les Vernel sont originaires d'Avignon.
Le premier d'entre eux sur lequel on seignements précis
,
ait
quelques ren-
Antoine Vernet, exerçait
de peintre d'attributs, à
la
fin
du xvn
e
la
siècle;
profession il
décorait
des panneaux de voitures et de chaises à porteurs 1 . Plus habile qu'un simple toutefois prétendre
1.
On
Antoine ne pouvait
titre d'artiste, et,
sans
le
bruit qui
conserve au musée Calvet, à Avignon, deux spécimens de son
un Bouquet de fleurs accompagné d'oiseaux au plumage varié un Double Ecusson armorié , supporté par des lions. (N 09 280 et 281. )
savoir-faire, et
au
ouvrier,
JOSEPH, CARLE
12
se
par
fit
autour de son nom, sa modeste person-
la suite
nalité serait à jamais restée
dans l'ombre de l'histoire.
Arrivons donc, sans autre préambule, à son table chef
de
la
le véri-
fils,
dynastie des Vernet.
Joseph naquit à Avignon,
le
4
4 août 4714.
L'enfant annonça de bonne heure ce que devait être
l'homme, porains
1 .
s'il
témoignage de ses contem-
faut en croire lè
Son premier hochet que sa mère
singulier joujou lorsqu'il criait.
On
un pinceau;
fut
lui
était obligé
donnait pour
c'était ce
calmer,
le
de serrer avec soin toute
espèce de crayons; aussitôt qu'il en découvrait un,
musait à retoucher sait ce qu'elles
les
compositions de son père,
il
s'a-
Dieu
'et
devenaient sous ses petits doigts.
Antoine, pour ne pas contrarier ces dispositions précoces
de son
fils,
lui
fit
cadeau, dès qu'il eut atteint sept ou huit
ans, d'une palette et d'un chevalet proportionnés à sa
Mais
il
fallut bientôt
en
plaisir se convertit
taille.
songer à des études sérieuses, travail,
tout en restant
un
et le
plaisir.
Outre son père, Joseph paraît avoir eu pour premiers maîtres
un autre peintre
d'attributs,
d'histoire, Philippe
La
un il
Yiali,
et
un peintre
Sauvan.
famille Vernet était
frères
Jacques
ou sœurs,
si
nombreuse. Joseph avait vingt
l'on en croit la tradition; et
n'y avait jamais trop d'argent à
la
et
comme
maison, chaque enfant,
dès qu'il commençait à être en âge d'utiliser son esprit ou ses bras, devait penser à gagner sa vie.
A
quatorze ans, Joseph exécutait
fort
convenablement des
écrans, des panneaux de voitures ou de chaises à porteurs, voire l'état
1.
p.
même
des trumeaux, enfin tout ce qui concernait
de son père.
Correspondance littéraire,
488 et suiv.
édit.
Furne
et
Ladrange
,
1831,
t.
XIV,
ET HORACE VERNET. Vers
la fin
de 1731,
le
marquis de Caumont
une commande importante.
nir
Aix Phôtel de Simiane. Une Joseph voulut qu'ils
aller
13
Il
fois
s'agissait
fit
de décorer à
sur l'emplacement
Son protecteur n'eut pas
devaient occuper.
obte-
ébauches terminées,
ses
ses tableaux
finir
lui
à
se
repentir de s'être entremis dans cette affaire, car voici ce
que «
lui
écrivait l'aimable petite-fille de
M. Vernet
est content, et
M me
moy beaucoup de
sus de porte sont admirables
;
j'en
une certaine jalousie à son père, finit
»
paraît-il, inspiré
mauvais sentiment
par se manifester d'une façon trop évidente. Voici à
quelle occasion
:
Antoine se
dans ses travaux.
fils
et ce
:
luy. Ses des-
ay pris douze
Les talents précoces de Joseph avaient,
•
de Sévigné
ensemble
la
salle
Ils
faisait
furent
souvent aider par son
un jour chargés de décorer
d'un hôtel. Lorsque leur double tâche fut
terminée, on ouvrit les portes aux curieux. Parmi les visiteurs se trouvait
un
cardinal, qui, après avoir fort
admiré
panneaux de Joseph, passa sans rien dire devant ceux
les
d'Antoine. Le père ne sut pas dissimuler plus longtemps sa secrète envie; fils,
et celui-ci
il
éclata en reproches violents contre son
dut se retirer dans une mansarde, où
il
tra-
vailla seul.
Le cardinal qui avait su apprécier Joseph continua de s'intéresser à
le talent
lui
:
il
naissant de
vint le voir, et,
ayant trouvé sur un chevalet une esquisse de paysage qui lui plaisait,
il
l'acheta, séance tenante.
Joseph avait vingt ans, lorsqu'il se décida à partir pour l'Italie.
La
triste situation
qu'il devait avoir
désormais au
milieu de sa famille lui permettait d'envisager sans crafnte la
perspective d'un long exil.
1.
Lettre citée par M. Lagrange.
De
plus,
il
éprouvait un vif
JOSEPH,
C A RLE
Rome que
désir de faire ce pèlerinage de
les artistes entre-
prennent toujours avec une véritable dévotion.
ne
lui
frais
de
Il
manquait qu'un peu d'argent pour subvenir à ses
Deux grands seigneurs provençaux qui l'avaient protégé, le marquis de Gaumont et le comte de Quin-
route.
déjà
son, se chargèrent de lever cette. dernière difficulté.
Moyennant une somme modique, Joseph
se
fit
conduire à
un voiturier d'Avignon. Les premières im-
Marseille par
pressions de nature qu'il éprouva pendant ce voyage déci-
dèrent de sa vocation. Lorsqu'il aperçut
la
hors de
s'installa
au pied
du
soleil, et
d'un rocher
qifi le
défendait contre
ne quitta son étude qu'à
mourant de
seulement, voisine.
Le lendemain,
dre
la
violence
tombée de
la
faim,
il
il
il
une
se tint
lieu.
Alors
nuit.
la
gagna l'auberge
se procura
pendant sept jours,
leurs, et,
la
s'élança
il
de son guide ne purent l'arracher de ce
les instances Il
crayons,
voiture, saisit ses
la
mer,
toile et
la
plus
des cou-
enfermé pour pein-
plus détestable marine qu'il ait faite de sa vie,
s'il
faut en croire son propre jugement.
un bâtiment qui
quitta enfin Marseille sur
11
Italie.
Ce
pendant cette traversée que se passa un épi-
fut
sode qui, pour avoir été souvent raconté,
moins
fort suspect.
à la hauteur de il
se. trouvait,
voir
tendit s'écrier
que au
l'île
de Sardaigne,
Joseph se
On
danger
le
lieu
temps
ajoute :
«
est pas
n'en
On prétend qu'une tempête ayant fit
mieux contempler
déchaînés.
se rendait en
la
la
attacher à
assailli
felouque sur laquelle
un mât,
afin
de pou-
sublime horreur des éléments
même
que, plusieurs
Mon Dieu
!
que
c'est
n'était pas bien grand,
fois,
beau
!
»
on l'enIl
paraît
puisque l'équipage,
de s'occuper des manœuvres, pouvait perdre son
à lier
thousiastes.
un passager
et à
écouter ses exclamations en-
HORACE VERNE T.
ET Quoi
qu'il
en
soit,
15
Rome
Joseph arriva à
sain et sauf, au
commencement de l'automne de 1734. avait peu
Il
mais
d'écus dans sa poche,
était riche
il
d'espérance et de jeunesse.
Le marquis de Quinson
seph
Fouque. Jo-
écrivait de lui, après sa première visite
paraît joli garçon;
gens qui puissent
y a moyen de
s'il
lui être utiles, je
de re-
lettre
jésuite, le père
dès son arrivée, et voici ce que
alla le voir
Fouque
donné une
lui avait
commandation pour un savant
le «
:
père
me
Il
l'introduire auprès de
ne
manquerai pas
le
La protection promise n'eut sans doute
1 .
»
au début, de
pas,
très-brillants résultats; car Vernet vécut d'abord
en faisant
des dessins qu'il était trop heureux de vendre un sequin
ou deux. il
et
Il
sa
monnaie à
ceux qui eurent
célèbre
monnaie de peintre;
payait ses fournisseurs en
que
est vrai
lui était
frappée au bon coin,
patience d'attendre qu'il fût devenu
la
donna pour un
une culotte
habit,
et
une
tableau qui depuis se vendit mille écus à
de M. de Julienne. exigences,
si
Il
arriva
il
cardinal
d'argent l'avait
le conseil
fait réfléchir, et la
les
il
deux qui
lui
Le
songeait sérieu-
il
se présenta chez
parurent
le
Il
un
choisit
mieux réus-
porta à l'adresse indiquée. Mais cfuelle ne fut pas
sa tristesse, lorsque, après avoir fait
de longues heures,
1.
même
fortune lui vint en aide.
d'un de ses amis,
parmi ses marines
petit
cependant un jour où ses
qui passait pour un amateur éclairé.
sies, et les
un
Il
célèbre vente
se trouva réduit à la misère.
sement à se rapatrier, lorsque Suivant
veste,
la
modestes qu'elles fussent, ne purent
plus être satisfaites, et
manque
marchés.
n'eurent pas à se repentir de leurs
Lettre publiée par
il
antichambre pendant
se vit obligé de s'en retourner
M. Lagrange.
comme
„
il
C A RLE
JOSEPH,
16
même
venu, sans
était
expliqua
lui
obtenir
la
moindre audience! On
causes de sa mésaventure.
les
que
sa naïveté provinciale,
des grands est d'or, ou, à tout
le
ignorait, dans
donne accès auprès
clef qui
la
Il
moins, d'argent. Son ami
l'engagea à renouveler l'épreuve, après lui avoir fourni des instructions formelles sur la conduite qu'il devait tenir. alla
donc frapper une seconde
nence
mano
remit la buona
,
avec tous
tôt introduit
fois à la
qui de droit
à
même
Il
Émi-
et fut aussi-
,
égards dus à ses baïoques. Le
les
cardinal examina les tableaux en
acheta sans
porte de Son
en demander
parfait connaisseur, les le prix, et
donna
l'ordre
de compter quatre louis à Joseph. Cette bonne aubaine per-
du moins au jeune peintre de
mettait
temps
Rome,
à
et
rester encore quelque
d'y continuer ses études d'une manière
sérieuse. travailla
Il
successivement dans
de Bernardino
l'atelier
Fergioni et dans celui de Manglard; mais ce fut surtout
Le
nature qui se chargea de son éducation. meilleur, maître des paysagistes.
campagne
explorait la
tout le jour,
objets et
une mémoire
ne
il
infaillible.
l'oubliait jamais.
variés et
si fugitifs
de
la
rendre
les
différentes
disait-il, ce résultat la
du bleu
1.
:
il
peignait ce qu'il
et
1
qu'il avait
regardé une
un compte exact des
teintes
la fin
comment
il
jour,
il
de sa
effets
vie,
il
était arrivé a
de l'atmosphère
aux études minutieuses
campagne de Rome. Un le
Ce
lumière. Vers
racontait à l'un de ses amis
dans
savait bien
se préoccupa surtout de la
Il
coloration et chercha à se rendre si
le
le
Ses yeux avaient une perception très -nette des
voyait.
fois,
Vernet
soleil est
la
:
il
devait,
qu'il avait faites
avait peint
un
ciel
plus transparent, et ses reflets sur tous les objets
Correspondance
littéraire, loc. cit.
17
qui composaient son tableau lui avaient paru d'une scru-
puleuse exactitude.
Il
même
revint, le lendemain, à la
l'horizon était sans nuages
comme
place
la veille, l'air était
:
aussi
limpide; cependant son étude n'avait plus cet accent de vé-
qui l'avait
rité
tous les détails de sa composition
satisfait, et
prenaient un aspect différent de celui qu'il croyait avoir bien
épreuve
saisi. Cette
le fit réfléchir
comprit que
il
:
si
l'effet,
dans
la
nature, est instantané, et que
près
le
rôle d'un kaléidoscope gigantesque dont les verres
le soleil
de couleur forment des combinaisons diverses tourne. Fort de cette découverte
le
tablettes sur lesquelles
différentes de l'azur
de
la
lumière
il
du
notait
ciel,
et ses reflets
,
à
joue à peu
mesure qu'on
Joseph imagina des
non-seulement
mais encore tous
nuances
les les
accidents
sur les mille et un détails du
paysage.
Un ami de
Joseph Yernet
quel était au juste «
Enflammé à
tifs,
le
s'est
chargé de nous apprendre
procédé ingénieux
employait
qu'il
vue de ces tableaux superbes, mais fugi-
la
qui roulent dans les airs au-dessus de nos
net, dit-il,
pour
fixer sur la toile leur
têtes,
livre garni
Yer-
mobile harmonie, in-
venta un alphabet de tons qu'il portait toujours sur
un
*
de plusieurs feuilles blanches;
les
lui
dans
caractères
divers de son alphabet étaient accolés à autant de teintes différentes. S'il voyait, leurs, se lever
ou
s'enfuir,
que
1.
la
le soleil,
ouvrait ses tablettes,
l'on jette dix
toute
chez
il
au milieu des plus brillantes cou-
ou se coucher
ou douze
un orage s'approcher
et,
aussi
promptement
lettres sur le papier,
il
indiquait
gradation des tons du ciel qu'il admirait. Revenu
lui, cet artiste,
qui ne pouvait arrêter dans son atelier
L'Art de peindre. Traduction libre en vers français du
Dufïesnoy, avec notes
,
par Renou.
1
vol. in-8°. Didot.
poëme
latin
de
JOSEPH, CARLE
J8
ce spectacle passager, l'ayant fixé aussi rapidement que
sur ses tablettes,
l'éclair
chiffres, et jouissait
rendait sur la toile d'après ses
le
encore de l'accord parfait des tons et de
justesse des effets qui l'avaient enchanté en contemplant
la
le ciel. »
Joseph Vernet tiste,
travaillait
travaillait à ses
il
beaucoup, mais, en véritable ar-
heures
ne violentait pas l'inspi-
Le père Fouque s'indignait du peu d'empressement
ration.
qu'il mettait à
terminer des tableaux destinés
comte de Quinson,
teur, le
et,
adressait ce compliment
lui
et
croyant
lui faire
vait-il, le
rend lent à produire; ce qu'il
parfait
»
*.
un reproche,
L'idée qu'il a du beau, écri-
«
:
travaille,
Vernet se délassait d'un art par un autre;
mement
forte-piano
une
que
fit
palette, en sorte
les
heureux de
la
moments
inti-
la
accord la
à l'impression
11
les lui
avait
de ses tableaux
douce
et
se croire
disait
cœur,
Les chants de Pergolèse nature idéalisée.
un
un che-
par
la
avaient été les plus
ainsi passés
sa vie,' les plus chers à son
sentiment de
éprouver
veut
atelier, iui
que chacun pouvait
assurait-il, les teintes délicates fait
apporter chez
maison de son ami. Vernet
fitables à son esprit. le
était
il
Le peintre avait, dans son
compositeur
; le
chez soi, dans suite
le
il
avec Pergolèse, eUtous deux travaillaient sou-
lié
vent côte à côte.
valet et
son prolec-
à
plus pro-
donnaient
dû souvent, et leur
suave que
par-
lui faisait
voix de son ami. L'harmonie des sorts avait
pour conséquence naturelle, suivant tons. C'est ainsi
que Vernet
,
lui,
l'harmonie des
tout en continuant à peindre
des Couchers de soleil et des Clairs de lime, assista, jour
par jour, heure par heure, à l'enfantement des chefs-d'œuvre
].
Lettre citée par M. Lagrange.
ET HORACE YERNET. de Pergolèse. Le premier,
Padrona,
la
cantate
intermèdes que réjouissants.
si
le
il
& Orphée,
fut
le
d'entendre la Serva
Stabat
et tous ces petits
,
obtint un grand succès; les con-
en général,
cantate d'Orphée
la
meilleure des cantates italiennes; mais
moins bien
gais,
« si
»
naisseurs considérèrent, la
même
président de Brosses trouvait
La Servante maîtresse
comme
fut à
19
Stabal
écrit très-vite ce
Le musicien avait
accueilli.
le
dernier morceau pour un couvent de religieuses dans lequel
sœur
sa
était tourière.
Il
n'attachait pas,
importance à cet ouvrage,
du
grande
reste,
tout le premier de son
et riait
échec. Mais Vernet se montra plus exigeant et plus juste
que son ami. et,
Il
déclara que c'était
pour ne point en avoir
son" atelier
un
certain
le
,
une œuvre
démenti,
nombre de
tendre ce chant magnifique
là
excellente,
convoqua dans
il
dilettantes,
et eut la joie
leur
de voir
fit
en-
ratifier
son jugement par tous les gens de goût qu'il avait assemblés.
Se figure-t-on une intimité plus charmante que celle de ces deux
hommes,
tous deux jeunes, tous
de deux muses jumelles, tous deux
deux amoureux
à la poursuite
chimères, et cela, à Rome, c'est-à-dire à
la
des
mêmes
source du beau,
au milieu des éternels chefs-d'œuvre des maîtres, sous le ciel
limpide et bleu
Hélas!
la
était
,
!
La douce vie que ce devait être!
mort vint interrompre ce délicieux rêve. Pergolèse
depuis longtemps, malade de
moment où le d'Olympiade. On a prétendu
l'emporta, au
c'est
tasse de chocolat, la
Une
poitrine.
façon
la
le
crise
public acclamait son opéra qu'il avait été
empoisonné;
une erreur. Désirant achever un Salve Regina ,
sentant très-faible,
de
la
et se
pauvre musicien voulut prendre une
quoique
les
médecins
lui
eussent interdit,
plus formelle, ce genre d'aliment.
ranimé après avoir bu,
il
Un
termina son hymne;
instant
mais ses
JOSEPH, CARLE
20
forces s'épuisèrent dans ce
une hémorragie
après,
Vernet conserva de
du Stabatj qui
suprême
effort, et,
s'étant déclarée,
il
une heure
succomba.
un précieux souvenir, une strophe
lui
composée sur
avait été
le
clavecin de son
atelier.
En 1739, Joseph avait déjà fait trois tableaux pour notre ambassadeur à Rome, le duc de Saint-Aignan qui en de,
mandait immédiatement cinq autres.
A
dater de cette époque
vqgue sans exemple qui la
le
facilité
permit de vendre ses moin-
lui
dres toiles aussi cher qu'il
voulut.
le
prodigieuse,
travail et les plaisirs.
pouvait mener de front
il
On prétend même
penser l'argent encore plus vite qu'il ne s'amusait un peu trop. Tout
monde
le
qu'il savait
aimait passionnément les arts.
Il
dé-
le gagnait, et qu'il
connaît l'histoire de
homme, perruquier de son
son propriétaire. Ce brave
et passait
l'artiste cette
produire sans relâche jusqu'à
le fit
fin*dé ses jours, et qui
Grâce à sa
commença pour
,
état,
venait souvent chez Vernet,
des heures entières, dans une muelte contem-
plation, à le regarder peindre. L'artiste, qui avait volon-
tairement oublié depuis plusieurs mois de payer son terme, attribuait l'assiduité de son hôte à des motifs intéressés, et il
se
résigna un jour à
parler de sa dette. Cet hon-
lui
nête Figaro lui expliqua alors fait à
lui-même
du maître,
il
avait très-envie de posséder
consentirait à lui
,
un tableau
donner contre quittance un de
flatté
du goût
de ce pauvre diable, se mit à
tagème
qu'il s'était
avait laissé s'augmenter sa créance, dans
ses ouvrages. Vernet, licats
raisonnement
que Joseph, pour ne pas débourser une grosse
l'espoir
somme
et
il
:
le
qu'il avait
son compte.
employé,
Mais ce
et lui
n'était pas
et
rire
des procédés dé-
du singulier
stra-
promit de travailler pour tout.
Le perruquier
se
ET HORACE VER NET. montra en outre
très -désireux d'avoir
21
un Point du Jour
qui avait été entièrement peint sous ses yeux, et auquel venait de mettre
l'artiste
également exaucé, se disposait à
dernière touche.
la
homme
et notre
emporter aussitôt son
un troisième personnage, un
vœu
cardinal, pour lequel ce tableau n'avait oublié
léger détail. Le cardinal regarde et paraît enchanté
que ce ;
avoir suffisamment loué et admiré ce chef-d'œuvre,
donne à
ruquier se jette alors aux pieds de Son Éminence, et
un peu
qui avait été d'abord et le cardinal,
la
dissant.
En
il
or-
lui
dé-
perte de son paysage. Joseph, interdit, expliqua l'aventure,
touché du désespoir de son étrange com-
pétiteur, voulut bien renoncer à son droit
Cependant,
après
Le pauvre per-
ses gens de le porter à sa voiture.
clare qu'il ne survivra pas à
fut
la joie,
trésor, lorsque survint
commande. Yernet
avait été fait sur
Ce
au comble de
,
1 .
réputation de Vernet allait toujours gran-
la
1743,
il
avait été'
nommé membre
de l'Académie
romaine de Saint-Luc; deux ans après, l'Académie de Paris l'admit au
nombre de
ses agréés.
En 4745, voyant que
ses affaires prenaient de jour en
jour une meilleure tournure, le
luxe de se marier, et
il
Parker, jeune anglaise dont
ment dans
les galères
il
crut pouvoir se permettre
épousa mademoiselle Virginia père avait un
le
du pape.
La généalogie des Parker pourra sembler bizarre.
Un de
de Cantorbéry, mais
il
composait
Xi
Rome, la
il
,
au premier abord,
leurs ancêtres avait été archevêque s'était fait anglican.
descendants servirent dans se retira à
commande-
la
marine,
y avait au
et,
Plusieurs de ses
lorsque Jacques
nombre des
fidèles
III
dont se
cour du royal exilé un Parker nouvellement
Correspondance
littéraire, loc. cit.
JOSEPH, GARLE
22
converti au catholicisme. C'est à cette branche de
madame
qu'appartenait
A
et
charmante.
quelque temps dans
où
mena une
vie
d'abord passer avec sa 'femme
alla
Il
vraie patrie des amoureux, à Naples,
la
avait déjà fait plusieurs voyages,
il
famille
Virginia Vernet.
dater du jour de son mariage, Joseph
douce
la
dentes. Puis, aussitôt après leur retour,
les
années précé-
commencèrent
les
excursions, les parties de chasse au tombeau de Néron, à
ïorre di Mezza-via, à Ponte Salaro,
etc.
Chaque journée
nouvelle amenait un nouveau plaisir.
Il
y
a toujours eu à
Rome une
société d'élite
composée d'étrangers. Yernet
était
avec Subleyras, Pannini, Vien, avec d'autres encore.
lié
Leur réunion formait un cercle se préoccupaient des
mêmes
intelligent,
dans lequel tous
intérêts élevés. Joseph Vernet
vivait ainsi, le pinceau à la main, tantôt dans son atelier, à la
douce
clarté
de sa lune de miel, tantôt dans
en compagnie du
soleil,
les
champs,
ce grand ami des paysagistes.
La naissance d'un premier enfant vint compléter heur du jeune ménage. Livio naquit en 1747, après,
madame Vernet
ce second il
fils
bon-
le
et, trois
ans
donnait un frère, Orazio. Mais
lui
n'était destiné à
vivre que peu de temps, et
ne laissa d'autre trace de son existence que son
nom
de
baptême, qui, par un pieux souvenir, est devenu en quelque sorte
patronymique dans
Une haute
influence
sa famille. allait
bientôt faire entrer Joseph
Vernet dans une voie nouvelle. Il
était arrivé à la pleine
maturité de son talent, à l'époque
où M. de Vandières, depuis marquis de Marigny, vint à
Rome. Ce grand seigneur de lité
François Poisson,
était,
madame de Pompadour. et
il
lui
Il
la veille,
qui s'appelait en réa
comme chacun
alla voir
sait, le frère
Joseph dans son
-
de
atelier,
acheta un Bain dp femmes; mais, ce qui
valait
ET HORACE VERNET. mieux,
il
était
charge par sa sœur
vant l'expression
2:;
ordonner
à l'artiste, sui-
du temps, deux tableaux pour Louis XV.
Vernet avait déjà travaillé pour des souverains
:
il
avait fait
une Vue de Caprarola pour 4a reine d'Espagne, Chasse au Lac de Patria pour
le
roi
une
et
des Deux-Siciles.
îl
n'avait plus besoin qu'on mît le sceau à sa réputation, et
pouvait traiter de puissance à puissance avec qui que ce
fût.
Les amateurs de tous les pays s'arrachaient ses moindres toiles, et,
malgré
l'activité
surprenante de ses pinceaux,
il
avait grand'peine à satisfaire les Anglais, les Hollandais, les Italiens et les Français qui
envahissaient son atelier. On.
aura une idée de sa fécondité merveilleuse, lorsqu'on saura qu'en cinq années (1747-1751)
il
termina cent cinquante-
cinq tableaux. Beaucoup de peintres n'ont point autant produit dans tout le cours de leur carrière. est vrai,
la
fait
d'art,
quantité ne prouve rien par elle-même
lorsqu'elle se joint à la qualité, c'est il
En
serait injuste
;
mais
une force de plus,
de n'en point tenir compte.
il
et
24
II
— Commande des Ports — Échange de — Nais— Un parrain baptisé. — Caco-
Retour en France. Réception à l'Académie. de mer.
— Le
centenaire Annibal.
de Carie et d'Emilie.
sance
lettes et troupiole
.
— Tillottes
lettres.
et chalibardons
—
.
Opinion d'un
manœuvre.
Quelques biographes ont prétendu que Joseph Vernet avait été rappelé en France par le roi pour exécuter la grande série des
mande
Ports de mer. C'est une erreur
a été
pas du moins
le
motif déterminant
qu'il
lieu à
fit
cette
elle
l'Italie
en France avant
Charles Natoire, se rendant à
n'en fut
également
a
beaucoup d'avis contradictoires. La
plusieurs voyages
com-
*.
L'époque à laquelle Vernet quitta
donné
si
:
une conséquence de son retour,
Rome pour
vérité est
de s'y
aller
fixer.
prendre
la
direction de notre Académie, écrivait de Marseille, le 6 oc-
tobre «
4
751, dans
Nous avons
fai
un
patois aussi peu italien
connoissance avec M. Vernet
signora esposa que ver ameute gratiosa. veille
de son départ pour
L'été suivant,
1.
Ce point
Vernet
Rome était
2 .
la
et aussi
encore à Marseille, et
et le suivant se sont trouvés élucidés
Archives de l'Art français,
Il
et
français
soua à
la
c'est
par la publication du •
t.
:
»
Journal de Joseph Vernet. 2.
que
II, p. 262.
ET HORACE VERNET. seulemenf en 1753
placer
qu'il faut
25
date de son retour
la
définitif.
eut grand'peine, on
Il
Rome. Cette
voit, à quitter
le
une singulière influence sur
ville
exerce en
effet
l'habitent
pendant un certain temps. C'est une sorte de
Capoue, mais une Capoue bienfaisante, où s'engourdir, reçoit chaque jour artistes
trouvent
de
l'esprit, loin
un aliment nouveau. Les
comme une
de plus
là
gens qui
les
seconde patrie.
Vernet aurait pu, à l'exemple de beaucoup d'autres voyageurs, s'y fixer jusqu'à sa mort; mais
de revoir son pays, auquel
il
il
avait
un
jouir pleinement, la consécration de sa célébrité.
cha donc du
sol
de
l'Italie
comme un amoureux
vif désir
devait demander, pour en Il
se déta-
en s'y reprenant à plusieurs
qui abandonnerait malgré
fois,
une
lui
maîtresse adorée.
sympathie
n'eut pas seulement à vaincre sa propre
Il
pour
cette terre enchantée
:
le
pape voulait
à toute force le
montra très-afïligé de son départ.
retenir, et se
môme, assure-t-on, jusqu'à rendre un
Il
alla
édit par lequel
défendait qu'on laissât sortir de ses États
un
il
seul des ta-
bleaux de Vernet.
L'année
même
de son retour (4753), Joseph présentait à
l'Académie de peinture qui
le faisait aussitôt
En
de sculpture un Soleil coudtant,
et
nommer membre de
signe de bienvenue, Louis
tous nos ports de mer, et
mesure d'exécuter avait
1.
donné par
p. 139 et suiv.),
même
il
le
chargea de peindre
dut se mettre sur-le-champ en
commande, pour
laquelle on lui
écrit les instructions les plus détaillées
Ce curieux document nous a
recourir au texte
lot
cette
il
XV
ce corps illustre.
été conservé. Si le lecteur
1 .
ne veut pas
publié 'dans les Archives de l'Art français
(t.
IV,
peut voir les extraits qui en ont été donnés par M. Vil-
dans son catalogue dé V Ecole française. 2
JOSEPH, CARLE
26
Dès
Joseph Vernet mena avec sa famille une vie com-
lors,
plètement nomade.
La longue tournée les
plus importants du
mencer par
Midi,
le
Arrivé dans cette
ville
après,
France devait com-
la
Marseille
qu'il
se rendit
une vue du
golfe
En 4755, il
au commencement d'octobre 1753,
deux premiers tableaux Toulon, et
était à
il
dant quelque temps
travail,
de
à
et c'est
se mit à peindre ses
Un an
littoral
visiter les points
*
d'abord.
il
pour
qu'il avait à faire
habiter pen-
pour prendre
2
nom
.
du long
fatigué
allait
château de Bandol,
le
de ce
il
auquel l'astreignait son
exil
vint passer trois mois à Paris avec sa femme.
marquis de Marigny, directeur général des
«
Le t% août,
«
bâtiments, jardins
«
à S. M., dans les grands appartements (de Versailles),
«
quatre tableaux de M. Vernet, peintre de marine du Roy,
«
l'un des
«
sculpture les plus distingués. Ces
«
mencement de
«
tous les ports du royaume, par ordre de S. M. Les deux
«
premiers représentent
«du
le
arts et
,
manufactures du roy, présenta
membres de l'Académie la collection
Port de Marseille quatrième,
;
le
tableaux sont
que M. Vernet
viios
les
royale de peinture et de
intérieure
troisième,
la
le
com-
doit faire de
et
extérieure
Pêche du thon,
Vue du Port neuf de Toulon. Le Roy
«
et le
«
considéra longtemps ces ouvrages, et donna des marques
«
publiques de sa satisfaction à M. Vernet
1.
la
la
Notice des Tableaux
du Louvre , École
vue prise de la Tête-de-More
membres de sa Annibal Camoux
célèbre,
,
,
il
a
.
»
française, n os 592 et 593.
Joseph Vernet
famille, et
différents,
3
fait le
s'.est
Dans
représenté avec les
portrait d'un centenaire
qui avait déjà à cette époque 117 ans.
2.
Ibid., n° 594.
3.
Journal historique de Verdun. Octobre 1755, p. 309.
ET HORACE VERNET.
27
double succès
qu'il venait d'ob-
Joseph, encouragé par tenir à la cour et
au salon, où
également apprécié tôt
le
la
critique et
le
public avaient
mérite de ses œuvres, repartit bien-
le
pour Toulon. Après avoir terminé ses travaux dans
ville, «
Le port d'Anlibes,
rigny
cette
gagna Antibes.
il
le
18 mars 1756
de Toulon à M. de Ma-
» écrivait-il ,
«
le
un en-
port d'Antibes, étant
relâchent assez souvent les galères, je compte,
«
droit où
«
pour orner ce tableau, y mettre de ces sortes de bâti—
«
mens.
«
de l'occasion pour
«
ne puis
« viie
On va incessamment en armer
des études d'après,
faire
sans
les faire
que
savoir
et,
que
faudroit
il
comme
je
du point de
disposition
la
prendray à iVntibes,
je
icy. Je dois profiler
j'y allasse
études du local
«
au plus
«
.quoy, je reviendrois icy faire les études des parties acces-
«
soires
tôt faire le dessin et les
que
je ne puis trouver ailleurs
Après une excursion à Antibes, besoin une Il
se
curieuses
.
»
et l'étude
dont
il
un échange de
vers cette époque,
entre Vernet et M. de Marigny.
lettres très-
ce que
Voici
notre peintre 'écrivait à son protecteur, le 6 octobre « « je ce
Selon l'itinéraire que vous eûtes dois peindre le
me
guecloc. Je
«
m'y rendre vers que, selon
1.
sera
les
Port de Celte
huit ou
le
Cette lettre
fait partie
la
seph Vernet écrivait avec
756
:
bonté de m'envoyer,
étant
,
4
le
la
seul
du Lan-
belle saison,
de
dix du mois prochain, puis-
ai
vus,
le
plus beau point de
mer. Ainsy, j'auray besoin de
de la belle collectien d'autographes de M. Jules
voulu nous
la
pour l'impression, de respecter
il
le
plans que j'en
du côté de
Boilly, qui a bien
la
propose, pour profiter de
ce
« viie
avait
terminée, Yernet se rendit à Avignon.
fois
fit,
1
après
;
la
communiquer. les fautes
Il
nous a semblé inutile
,
d'orthographe de l'original. Jo-
négligence d'un grand seigneur de son temps;
n'avait pas reçu, d'ailleurs,
une éducation
littéraire très-soignée.
JOSEPH, CARLE
28
«
calme pour en
«
faire
«
vement,
sur
faire les études; j'auray là occasion de devant du tableau une mer un peu en mou-
le
peut-être feray-je une tempête, ce qui produi-
et
« roit
un
« j'ay
à faite pour le Roy, peignant
«
effet
assez rare dans le
rieur des ports, «
me
Il
«
saires
«
de
la
et,
le
ordinairement l'inté-
par conséquent,
semble qu'après avoir
pour
nombre des tableaux que
fait
mer
la
tranquille.
toutes les études néces-
port de Cette, surtout
si
je le prends
du côté
mer, qu'il seroit assez inutile de m'établir dans cette
« petite
méchante
«
y peindre ce tableau,
ma
où
ville,
mal à
je serois
et, si je vois
que
la
mon
aise
pour
chose n'exige
«
pas
«
à Bordeaux, où je trouverois plus de secours pour les
«
parties accessoires qui doivent orner le tableau de Cette;
«
mais j'attendray vos'ordres là-dessus, ne voulant agir
«
ne
le
résidence sur
devant
faire
le lieu, je
1
que par eux
.
pourrois
l'aller
exécuter
et
»
M. de Marigny répondit à cette humble demande par une
longue
dans laquelle
lettre,
il
se montrait d'abord plein de
courtoisie et juge excellent de la question qui lui était posée
Vos tableaux, écrivait
«
mérites: celui de
«
semblance. Je trouve bien, l'un dans
«
proposez
,
la
-il
beauté pittoresque le
mais je crains que ce ne doute que
:
à Vernet, doivent réunir deux
«
et celui
projet
soit
de
la
res-
que vous
me
aux dépens de
port de Cette, représenté en vue
«
l'autre; et je
«
du côté de
«
ceux qui ne
«
que vous avez dessein d'y ajouter rendroit encore votre
«
tableau moins ressemblant, attendu qu'il est rare de voir
« la « le
1.
la
le
mer, soit reconnu par
l'ont
vu que du côté de
mer, dans un port, agitée de
devant de votre tableau fût
la
la
le
grand nombre de
la terre.
tempête.
Il
pleine mer,
La tempête
faudroitque et,
par con-
Cette lettre et les suivantes ont été publiées -dans les Archives de
l'Art français,
t.
IV, p. 149 et suiv.
ET HORACE VER N ET. «
séquent, que
«
vous empêcheroit de
port fût reculé dans le lointain, ce qui le détailler
Consultez-vous avant
« tique... a
le
29
de.
d'une façon caractéris-
vous décider,
et
surtout
ne perdez pas de vue l'intention du Roy, qui est de voir
« les
du royaume représentés au naturel dans vos
ports
«
tableaux. Je sens bien que votre imagination se trouve
«
par
«
mérite de l'imitation et celui de l'invention
«
avez donné des preuves.
là
gênée; mais, avec votre talent, on peut réunir
d'un personnage insignifiant,
n'est, au point de
vue de
En
dans
ressemblance
la
qu'il s'agit
un monument ou une
ville,
jours sous les yeux de
la postérité,
titude de la copie.
effet, si
qu'une qualité secondaire,
l'art,
premier rang, dès
elle tient le
vous en
;
»
Ces réflexions étaient parfaitement justes. le portrait
le
parce que
le
de représenter
modèle reste tou-
qui peut contrôler l'exac-
-
Mais M. de Marigny, après avoir montré l'urbanité d'un vrai grand seigneur, reprend, vers la
manières rogues ces mots
«
:
et hautaines
fin
de sa
lettre, les
d'un parvenu, lorsqu'il ajoute
Quelque envie que
j'aie
de vous procurer dans
«
vos travaux tous les agrémens possibles, je ne puis con-
«
sentir
«
ce port, de finir votre tableau à Bordeaux, et je crois devoir
«
vous
«
a exiger de vous
«
au désir que vous avez
faire
possible
« les
,
observer que
et
le
après vos études faites de
,
Roy paye vos tableaux de façon
que vous leur donniez toute
que vous ne sauriez mieux
lieux. Ainsi, je
la
perfection
les finir
que sur
compte que vous achèverez votre
môme,
ta-
d'autant que de
«
bleau du port de Cette à Cette
«
tous les ports
«
ne
«
mois à vous priver des commodités que vous n'y trou-
ce
verez pas.
soit
du royaume
c'est le
seul dont le séjour
pas agréable, et vous n'aurez été que quelques
»
•
».
2,
JOSEPH, CARLE
30
Vernet ne se courageantes,
mandait
lui
laissa point rebuter et
fût accordée.
Marigny céda sur prendre
insista
il
la ville
le
séjour dans
Dans une seconde
premier point
de Cette du côté de
une tempête; mais la ville,
il
se
tant
instructions à Cette
la
qu'il
de-
M. de
lettre,
permit à Vernet de
mer
de représenter
et
question du
la
que durerait l'exécution du tableau. reçut du
il
même, où
vembre 1756. Durant
il
:
montra inflexible sur
dut se résigner;
L'artiste
par ces paroles peu en-
pour que l'autorisation
il
les trois
reste ces dernières
depuis
était arrivé
le
1
er
années qui venaient de
nos'é-
couler (1753-1756), Vernet avait peint cent seize tableaux,
au jiombre desquels on comptait huit les huit
importantes,
toiles
premiers ports de mer. La prodigieuse activité de
son esprit et
de ses pinceaux
loin,
était
on
le voit,
de se
ralentir.
Au
Salon de 1757, on remarquait sa belle exposition
vues de Toulon
trois
Cette
1
une vue d'Antibes
,
2
et
:
—
une vue de
3 .
Nous retrouvons Joseph
Bordeaux, vers
la fin
de mai. Pendant les deux années qu'il passa dans cette
ville,
il
installé à
en prit deu,x vues, l'une du Château-Trompette, l'autre
du côté des C'est à
Salinières
Bordeaux,
4
le
Charles-Horace Vernet,
.
14 août 1758, que naquit Antoinecjui
ritage de son père, sous le
En
juillet
1
759
7
devait plus tard recueillir l'hé-
nom
de Carie.
Joseph arrivait
venait le rejoindre trois mois après
1.
2.
Notice des Tableaux Ibid.
Bayonne, où
à ;
et, le
du Louvre, n os 595, 596 n°
598.
599.
600 et 601.
3.
Ibid.
ibid.
A.
Ibid.'
ibid.
n°9
juillet
et 597.
ibid.
no
20
sa famille
1760,
madame Yernet
ET
HORACE VERNET.
lui
donnait une
aurons à raconter plus tard
Émilie, dont nous
fille,
destinée tragique.
la
Vernet avait de singulières idées sur enfants.
Il
31
le
baptême de ses
ne voulait pas imposer à ses amis
les frais et les
charges d'un parrainage. Aussi Carie et Émilie furent-ils tenus sur les fonts par leur frère aîné, Livio, et par une servante,
Rosa Lombelli. Déjà précédemment,
à
Rome,
Joseph avait réclamé, dit -on, ce service d'un jeune Sa-
voyard qui se trouvait à où
le quitta
Saint-Jean, et
sa
la famille
le
baptême de Livio ou pour
Ce Savoyard s'attacha
plus par
On
la suite.
le
bien à lui, qu'il ne
si
baptisa à son tour
du nom de
devint pour ainsi dire l'un des
il
moment
porte d'une église au
y arrivait lui-même pour
il
celui d'Orazio.
de
la
Yernet, au service de laquelle
membres
resta jusqu'à
il
mort Vernet envoya à Paris, au Salon de 1761, deux vues du
il
2
Bayonne
port de
Ce sont deux des tabjeaux dans lesquels
.
mieux donné
a le
nalité.
la
Là, plus que
lui fournissait
mesure de son dans d'autres
talent et
villes, la
de son origi-
couleur locale
des éléments précieux. La population, moitié
espagnole, moitié basque;
—
les cacoleties,
même
de deux femmes sur un
cheval
;
—
le
ou chevauchées jeu de
la
trou-
piole^ qui consiste à se lancer une cruche en guise de balle
jusqu'à ce que
vaincu;
—
tillottes et
1.
le
les
maladroit qui
tomber
la laisse
soit déclaré
espèces de bateaux particulières au pays,
chalibardons:
— tous ces détails pittoresques per-
Cette historiette a été racontée bien des fois à propos du baptême de
erreur.
M. Lagrange a prouvé par les actes Nous avons cru pouvoir donner cà ce
traire
l'explication
Carie.
,
,
que nous
dans la famille Vernet 2. Notice des
,
lui
donnons
,
que
une
qu'il
a cités
fait,
jusqu'à preuve du con-
car
il
,
c'était
a laissé trop de traces
pour être dénué de tout fondement.
Tableaux du Louvre, n os 602 et 603.
32
JOSEPH,
'
CA
RLE
mettaient de donner de l'animation aux figures et de jeter
quelque variété parmi
L'artiste sut profiter
les accessoires.
de ces avantages.
Après un séjour de deux ans de
à la Rochelle, et
de chacune de ces
mille,
il
à Roche'brt;
là
il
était
de
faut en croire la tradition de sa fa-
s'il
rentra dans
une vue du port
prit
il
14 juillet 4762,
villes, et, le
retour à Paris, où,
Bayonne, Vernet se rendit
à
un carrosse de
la
que
cour,
le roi
avait
envoyé au-devant de son peintre. La tournée que
indiquait son itinéraire officiel était
lui
loin d'être terminée,
mais
à
longue Vernet
la
finissait sans
doute par trouver cette vie de campement ennuyeuse tigante.
De
plus,
il
et fa-
n'y avait pas de compensation suffisante
à ces inconvénients.
Il
souvent, par
s'est plaint
la suite,
du
préjudice que lui avait cau<é, au point de vue pécuniaire, cette 'lourde entreprise.
Le
trésor ne s'acquittait pas vite des
dettes contractées par l'État;
le
prix des tableaux se faisait
attendre, et ces lenteurs usaient
patience
la
de
l'artiste. Il
pu y subvenir sans avait de lourdes charges, et peine en travaillant pour des particuliers. Ainsi du moins aurait
il
expliquait« Ils
il
lui-même
la fin si
brusque de ses voyages
:
ne dévoient leur interruption, écrivait-il plus tard \
qu
a l'épuisement de sa fortune,
le
payement de
ses
non de son
commandes ne
d'une façon définitive qu'en 1775
Quoi
qu'il
en
soit
se trouva
est -il
que
la
En
effet,
ordonnancé
2 .
du véritable motif qui détermina
Joseph Vernet à interrompre ce travail toujours
zèle. »
bien commencé,
si
vue de Dieppe
3
fut
la
dernière
1.
Extrait d'une lettre inédite qui appartient à M. Chambry.
•2.
Archives de l'Empire, Comptes des bâtiments du roi, année 1774,
registre E, 9567. 3.
Notice des Tableaux du' Louvre
,
n° 606.
33
de
la
longue série
dans cette
ville
qu'il
devait encore fournir.
Il
se rendit
pour peindre ses études d'après nature;
il
y passa la fin de septembre et le commencement d'octobre 1763, puis il revint à Paris, et son odyssée se Irouva définitivement terminée.
La suite des Ports de France est versellement connue
peut-être
et
partie la plus uni-
la
la
plus
importante de
l'œuvre de Joseph Vernet. Outre' que ces tableaux nous laissent voir l'artiste
dans
la
pleine maturité de son talent,
on y sent aussi l'ifbmme qui môle sa personnalité aux choses qu'il représente et qui les
Vernet
anime de son propre
successivement incarné dans
s'est
nous a
qu'il a fait poser
devant
mémoires
au courant d'un pinceau
écrits
dérouler sur ses les
lui, et
il
toiles sa vie et celle
souffle.
pays
les différents
de charmants
laissé
facile.
On
voit se
de sa famille pendant
dix années que durèrent leurs pérégrinations. Chaque
étude était
le
prétexte d'une partie de plaisir
jeuner sur l'herbe;
le
repas
fini,
le
:
on
dé-
allait
maître commençait à
peindre, et ses convives lui servaient de modèles. Aussi,
presque toutes
les figures
dont
il
a rempli ses compositions
sont-elles des portraits, qui ont leur intérêt particulier à
côté
du mérite pittoresque de l'ensemble.
Vernet obtint un jour un Tandis
qu'il prenait la
suffrage des
plus flatteurs.
vue d'un port, un manœuvre
dit,
en
parlant de lui à l'un de ses camarades, qu'il serait bien aise
de voir
les
verras-tu?
ouvrages d'un peintre aussi renommé.
lui
répondit l'autre.
— Tout ce que tu vois
« 1 .
Que »
Jamais éloge plus naïf ne trouva mieux son application. 1. t.
Mémoires de Bachaumont , édition John Adamson. Londres, 1784,
XIII.
JOSEPH, CARLE
34
III
— Brevet d'apprentissage de Fran— Obliger — Origine des expositions. — Critiques qui ne critiquent point. — Bonheur et succès de Joseph Vernet.
La colonie des
çois Vernet. nuit..
De
artistes
—
au Louvre.
Bénéfices d'une initiale complaisante.
retour à Paris, Yernet s'installa dans les galeries du
Louvre, où
le roi lui
avait accordé l'un des logements réser-
vés aux artistes depuis l'ordonnance de Henri IV.
Le marquis de Marigny
bonne nouvelle
cette
à son protégé
grâce que
lui
Roy
«
que
«
accorder. S. M. vous a donné
«
Louvre, que
«
supériorité de votre talent vous a mérité cette
je
vous informe de
« distinction
ce
le
le
vient de vous
logement des galeries du
mort de M. Galloche
la
écrivait-il,
1
a fait
vaquer. La
marque de
du Roy. Jouissez-en aussi longues années que
vous y logerez longtems. Soyez bien persuadé que c'est avec ces sentiments que je suis, Monsieur,
« je
«
la
lui-môme
:
bien du plaisir, Monsieur,
C'est avec
«
se chargea d'annoncer
le désire,
votre très-humble et très-obéissant serviteur. « « 1 er
octobre 1761.
Louis Galloche
1.
démie, dont les
il
finit
(
Marquis de Marigny.
1670-1761
par être
),
peintre médiocre, fut
nommé
:
membre de
l'Aca-
chancelier, après avoir passé par tous
grades honorifiques de cette assemblée.
tableau de réception
»
»
On peut
voir au Louvre son
Hercule rendant Alccsîe à Admète.
ET HORACE VERNE T. Le brevet
officiel suivit
par
fut signé
le roi
Joseph Vernet
de près cette
35
lettre officieuse.
Il
à Versailles, le 28 octobre. se trouver dans son véritable élé-
allait
ment, au milieu d'une colonie d'hommes distingués qui appartenaient tous aux diverses branches de
A
peine
installé,
à travailler
pour des particuliers; car
l'État rapportent plus relief qu'elles
l'art.
se mit à battre monnaie, c'est-à-dire
il
les
commandes de
de gloire que d'argent,
donnent
,
elles
n'était le
et,
grande va-
n'auraient pas
leur.
Cependant Vernet peignit encore plusieurs tableaux pour le roi
ties
fit,
il
:
entre autres, quatre pendants, les Quatre par-
du jour, qui
placés dans
la
figurèrent au Salon de
4
763, avant d'être
bibliothèque du dauphin, à Versailles
Salon suivant,
il
reproduisit les
mômes
Au
sujets dans quatre
dessus de portes destinés au château de Choisy
2 .
Joseph, nous l'avons dit, avait une nombreuse famille ses vingt et
un
frères
ou sœurs
lui
un nom-
avaient donné
bre incalculable de nevejux et de nièces.
Il
;
s'est
montré,
toute sa vie, très-préoccupé des intérêts de ceux qui tenaient à lui par
un
lien
quelconque,
qui bénéficia
lui
le
plus de
et ce
ne
fut
certainement pas
que son
la célébrité
talent lui
avait acquise.
obtint de M. de Marigny qu'on chargeât son beau-frère
11
Guibeit, maître sculpteur à Avignun, d'execuler les cadres
des Porls de France.
En çois,
1764,
prit
avec
lui
un de
ses frères,
qui voulait être peintre, afin de
études.
1.
il
Nous avons retrouvé une
le
nommé
Fran-
diriger dans ses
pièce intéressante, dont
Aujourd'hui au Louvre. École française, n os 609-612.
2. Il
y en a deux au Louvre,
palais de Saint- Cloud.
n°* 613 et 614
;
les
deux autres sont au •
JOSEPH, CARLE
36
quelques citations serviront à montrer quels rapports unissaient à cette
époque
les élèves à leurs
maîtres
1 :
BREVET D'APPRENTISSAGE DE FRANÇOIS VERNET, «
Lequel, pour
son profit et avantage,
faire
mis en
s'est
apprentissage, pour cinq années entières et consécutives à
commencer dudit jour (3 mars 1764), avec Vernet, son frère, peintre ordinaire du Roy; «
Le
S.
Joseph Yernet, à ce présent
Joseph
le S.
et retenant
ledit
François Vernet pour son apprentif, en conséquence du
S.
pouvoir porté aux
du 22 décembre cesseurs «
4
lettres patentes
608, et lettres de confirmation de ses suc-
;
Auquel
il
promet enseigner
ledit art
dant ledit temps et tout ce dont «
d'Henry Quatre en date
il
se
de peinture pen-
mêle eniceluy.
Lequel S. François Vernet, de sa part, s'oblige d'ap-
prendre de son mieux tre, lui
ledit art, servir fidèlement son
obéir en tout ce qu'il lui
commandera de
maî-
licite et
honnête, faire son profit, éviter sa perte et l'en avertir,
si
elle vient à sa connoissance, sans pouvoir s'absenter pen-
dant lesditescinq années, aller travailler ailleurs; auquel cas
d'abence, consent d'être cherché Paris, pour,
seph Vernet,
s'il
à ses frais
est retrouvé, être
afin d'y
achever
le
dans
ramené chez
la ville
de
ledit S. Jo-
temps qui restera
lors à
expirer des présentes, faites sans aucuns deniers déboursés
de part -
«
1.
Le
ni d'autre.
S.
Joseph Vernet sera tenu, aussitôt lesdites cinq
M. Lagrange a cru que
dans son Journal avait été
fait
«
le
contrat d'élève
»
dont Joseph parlait
pour un de ses neveux. La pièce que nous
publions permettra au savant critique de corriger cette petite erreur dans sa prochaine édition.
ET HORACE VER.NET. années accomplies, de donner audit certificat
37
son apprentif, un
S.,
en bonne forme pour pouvoir par
lui se faire
rece-
voir maître, tant en cette ville de Paris qu'en toute autre
du royaume
ville
qu'il
jugera à propos,
comme
s'il
son apprentissage sous les autres maîtres desdites
fait
et sans être astreint
de
faire
aucuns chefs-d'œuvre.
avait villes
»
Joseph ne se contenta pas de rendre ce service à son frère
;
lui
il
bâtiments du
fit
et obtenir,
roi,
commandes
tes
en outre conférer
Presque tous
en cette qualité, d'importan-
x.
les
membres de
rent la carrière des arts, dans
la famille
une
Voici, d'après une note manuscrite, la
1.
Vernet exécuta
çois
de peintre des
titre
le
Vernet embrassè-
spécialité
liste
ou dans une
des travaux que Fran-
:
POUR VERSAILLES. 1764. 17G6.
— —
1769-70. 1770.
—
Plafond de la chambre à coucher de la reine.
Tribune de la chapelle du
—
rpi.
Salle d'Opéra.
madame
Cabinet de
la
dauphine.
POUR FONTAINEBLEAU. 1773. 1776.
— —
Cabinet du conseil. Salle de spectacle et cabinet de retraite
du
roi.
pour CHOIS Y. 1776. 1777. 1777. 1774.
On
— Trois tableaux pour la salle de la table mouvante. — Trois autres, — Six tableaux de dessus de portes en bas-reliefs — Cabinet du ,
id.
roi.
connaît en outre de François Vernet
qui sont au
que
id.
musée d'Avignon,
n°s
un Paysage
et
un Vase de
fleurs,
295 et 296, un tableau religieux (?)
également dans cette ville à l'église Saint -Agricol, et panneaux qui décorent la chaise à porteurs de Marie-Antoinette. Ces ouvrages, peu remarquables, montrent que l'artiste avait pris au pied l'on peut voir
enfin les
de
la lettre la clause
de son engagement qui
aucuns chefs-d'œuvre.
lui permettait
de ne
«
faire
»
D'après les registres de l'église paroissiale de Saint- André- des -Arcs François Vernet est mort
le 15 février 1779.
>
JOSEPH CARLE
38
,
autre. L'un des frères de Joseph avait, par
reçu à son baptême
signait ses tableaux talent
un nom dont
/.
:
pouvait donner
l'initiale
méprises en sa faveur.
lieu à des
bonne fortune,
s'appelait Ignace,
Il
Ver net. Mais
et
avait trop peu de
il
pour soutenir ses tentatives de supercherie,
et les
ignorants pouvaient seuls se laisser prendre à cette fausse
marque de
fabrique. Horace
Vernet disait que tous
les
mauvais paysages attribués à son grand -père, dans les différentes galeries de l'Europe, pouvaient être mis sans hésitation
au bilan de son grand-oncle.
La bonté de Joseph
En
famille.
l'Académie
était attachée
Vernet, qui fut
modeste Drouais
comme il
promu
à la place de conseiller à
une pension
fie
six cents francs.
son
Restout vieux et infirme, puis
à
père.
fut
Il
:
cercle de sa
à cette dignité en 1766, céda
traitement le
il
une preuve
voici
du
s'étendait en dehors
du
reste
arrive trop souvent
:
à
récompensé de sa bonté
après
la
mort de ses obligés,
eut toutes les peines imaginables à rentrer en possession
de ses six cents francs; on invoquait contre
lui
la
pres-
cription.
Vernet pouvait
même, dont
et
il
du bien, car
faire
distribuait seulement la
le sort l'avait
comblé.
Il
le
public, dont
La
première
il
était
heureux
lui-
chaque année, de de création ré-
était alors
rester en
rapports constants avec
un des enfants
exposition
était
monnaie des faveurs
obtenait,
nouveaux succès. Le Salon, qui cente, lui permettait de
il
régulière
gâtés.
de peinture
et
çîe
sculpture eut lieu en 1737, grâce à l'initiative d'un ministre des finances, Orry.
aurait
une tous
les ans,
Il
fut
d'abord convenu qu'il y en
mais on s'aperçut
culté qu'il y avait à trouver,
vite
de
la diffi-
dans ce court intervalle de
•temps, des ouvrages nouveaux dignes d'être montrés au
39
public.
La production dans
En
arts
les
développement que nous
atteint ce
lui
n'avait point encore
voyons aujourd'hui.
outre, les artistes molestés par la critique (et ce
forcément
plus
les
nombreux) jetèrent
sont
hauts cris. Le
les
ministre se vit forcé de revenir sur la décision précédem-
ment
prise, et le Salon ne s'ouvrit plus
que tous
deux
les
ans.
Joseph, qui s'était déjà
connaître et apprécier par ses
fait
envois d'Italie depuis 1746, et ensuite par ses Ports de
mer, consolida
sa
réputation avec une série de Clairs de
du
lune, de Couchers ges, etc.,
de Tempêtes, de Naufra-
soleil,
qui eurent tous
honneurs des
les
expositions
jusqu'en 1789. «Diderot,
Grimm, Bachaumont, Marmontel,
blanc, qui étaient à cette d'art,
époque
les maîtres
Le-
l'abbé
de
critique
la
contribuèrent beaucoup à faire apprécier au public
le talent
de Joseph Vernet.
Ils
ne tarissaient pas d'éloges
sur les moindres de ses productions. Vernet, on
le voit,
a eu
l'une des vies de
peintres les
plus brillantes et les plus douces qui se puissent imaginer.
Après avoir surmonté vaillamment tés
de sa jeunesse,
il
n'a plus
les
connu
leurs, les déceptions, toutes ces
premières
les
amertumes
fortune abreuve en général les artistes. .un talent si souple et si
prompt, que
Il
pour
ainsi dire fatalement
entreprenait.
dont
du
la
reste
sérieux ob-
Ce qui, pour
un labeur incessant
plus ardus, devenait pour lui un véritable jeu, et être
dou-
les
enfin,
avait
les plus
stacles n'étaient pas capables de l'arrêter.
d'autres moins favorisés, est
luttes,
difficul-
il
et
tant
des
devait
heureux dans tout ce
qu'il
JOSEPH, CARLE
40
IV
— Enfance
maladive de Carie. — Son pre— L'atelier de Lépicié. — M. madame Chalgrin. — Mot de Voltaire. — Le salon de madame Geof— Grétry, Gluck et Piccini. — La loge des Neuf-Sœurs. — Prix de Rome. — Amour et religion. — Bernardin de Saint-Pierre. Réception de Carie à l'Académie. — Mort de Joseph et naissance
Folie de
madame
mier dessin.
—
Vernet. Il
aura des bottes
et
!
frin.
d'Horace.
t
Vernet eut cependant, en dehors de son sujets
de
tristesse.
Chez
lui,
ce fut le
d'expier l'heureuse chance de
art,
de grands
cœur qui
se chargea
l'esprit,
équilibre de douleurs et de joies, auquel ici
et
de rétablir cet
la
vie de tout être
bas semble implacablement condamnée. Tandis que son
orgueil et sa vanité trouvaient leur compte légitime dans ses triomphes de
chaque jour,
il
était d'autre part
bien
cruellement éprouvé.
Sa femme avait conservé de son origine britannique des traces évidentes dans toute sa personne tien,
:
dans son main-
dans ses habitudes. Elle avait emporté de son pays
une légère dose de spleen, que encore. Son
humeur
la
nostalgie vint
augmenter
inquiète se changea bientôt en véri-
table folie. Elle était sans cesse poursuivie de l'idée qu'on
en voulait à ses jours, et soupçonnait tout son entourage. Elle n'osait ni
manger
ni boire,
sons et les aliments qu'on
lui
quelque substance vénéneuse.
de crainte que
présentait
ne
les bois-
continssent
ET HORACE VERNET.
41
Joseph, très-inquiet de cet état, crut qu'un changement
remède pour
d'air serait le meilleur il
la
mena passer
plusieurs étés à
ou à Saint-Cloud. tions
Il
imaginables
lui
et
elle toutes les distrac-
faire
faisait
pauvre malade,
campagne, à Meudon
la
cherchaitpour il
:
la
des
excursions
à
Sèvres, à Vincennes, à Auteuil, à Versailles, à Luciennes.
Pendant ces promenades,
qui les gâtait à
ânes, et leur père,
de friandises, de
A
«
douceurs
»
,
la
journée, les comblait
suivant
Ton retrouve souvent sur
sion que
montés sur des
les enfants étaient
Paris, Joseph s'ingéniait à chercher des
Un jour,
expres-
la gentille
ses livres de dépenses.
amusements.
toute la famille Vernet allait dîner chez le suisse des
Tuileries.
Le lendemain,
soirée, soit à la
Comédie
çaise, soit à l'Opéra;
c'était
encore fête
:
ou bien on
on passait
Comédie
italienne, soit à la
la
fran-
simplement des
allait voir
danseurs de corde qui avaient aussi leur charme. La semaine suivante, on soupait en pique-nique avec et
mesdames Vanloo
Coustou; après quoi, on se rendait tantôt chez Cornus,
tantôt chez
Nicolet,
de célèbre mémoire.
madame
Mais
Vernet ne prenait pas toujours sa part de ces plaisirs
que son humeur noire à la maison famille,
,
tandis
menait
la
tourmentait par trop,
que son mari
,
lors-
elle restait
transformé en mère de
les enfants à la foire
procurait quelque autre récréation du
Madame Vernet
;
Saint-Ovide, ou leur
même
genre.
cherchait à s'isoler de plus en plus, à
sure que les années aggravaient son
état.
Tous
me-
les efforts
furent impuissants à conjurer cette horrible maladie;
et,
1774, Joseph dut se résigner à se séparer de sa femme. la
mit en pension dans une maison de Monceaux, où
mena dès
lors
une existence inerte dont
elle
ne
en Il
elle
fut délivrée
qu'après de longues années de souffrances. Joseph, devenu ainsi veuf de sa
femme
vivante,
reporta
12
toute sa tendresse sur ses enfants, et particulièrement sur Carie, qu'il pressentait devoir être son héritier le plus di-
de son talent en
celui
rect,
L'aîné de ses
Du
reste,
nelle
:
entré, en
que pour
sortir
Livio, n'avait
fils,
était
il
même
temps que de son nom.
aucun goût pour
presque toujours loin de au collège de
7625,
4
la
Juilly,
les arts.
maison pateril
ne devait en
faire son droit.
Durant son enfance, Carie Très-jeune encore,
fut
il
d'une
était
sur les yeux, et
fluente qui se porta
santé
délicate.
atteint d'une petite vérole conle
médecin chargé de
soigner déclara un jour au malheureux père qu'il n'y
le
avait plus qu'un
ver
la
moyen,
vue de son
praticable
:
fils
mais ce remède
;
s'agissait
il
encore bien incertain, de sau-
et
était
presque im-
de trouver une personne qui eut
courage d'appliquer ses lèvres sur
le
paupières malades et
les
d'opérer une succion. Joseph n'hésita point un instant à se
charger de cette effroyable cure; aussi Carie tard
que son père
s'il
n'est
pas
lui avait
donné deux
plus beau que celui
disait-il plus
fois la vie.
Ce
trait,
mademoiselle de
de
Sombreuil, est au moins son digne pendant, et Ton aurait
pu
croire qu'une
A fut
femme, une mère en
était seule capable.
cause de sa constitution chétive
pendant
toute
son
enfance
inouïes. Jusqu'à l'âge de et cet
huit ans on le
un jour que Saint-Jean
si,
n'avait pris, .averti
l'objet
malingre,
de
Carie
précautions
mena en
lisière,
de choses aurait pu se prolonger longtemps
état
encore,
et
comme on
dit,
ses
le
conduisait, le
gamin
jambes à son cou. Joseph,
de cette escapade, entra dans une violente colère;
mais l'épreuve n'en favorable,
— aussi
était
pas moins
faite,
—
elle avait été
Carie fut-il dès lors affranchi de cette
tutelle excessive.
A
défaut de précocité physique,
la
précocité
intellec-
ET HORACE VERNE T. du moins un don commun
tuelle fut
nous en avons vu
cette famille; la
43
preuve pour Joseph,
la
et
biographie d'Horace nous en fournira d'autres exemples.
En
4
762, Joseph donnait déjà à Chariot, c'est ainsi que
baby de quatre
s'appelait alors ce
dessiner.
On
ans, des « carnets
pour
»
raconte que, l'année suivante, Carie obtint son pre-
mier
d#ns
succès d'artiste
Amené
salon de M. d'Angiviller.
le
par son père, et ne pouvant, bien entendu, pren-
là
dre aucune part à
la
conversation,
s'était
il
mis
cheval sur un méchant morceau de papier qui
main. La tête et
sous
la
mais
il
bes.
Que
ne
le
corps de
à dessiner
lui était
si
peu
tombé
les
faire? notre Raphaël en herbe n'était pas
pour
un
bête étaient tracés,
la
de place pour mettre
restait plus assez
à s'embarrasser il
membres de
à tous les
jam-
homme
en quelques coups de crayon
;
eut bien vite improvisé un lac dans lequel l'animal était
censé
baigner.
se
sauvegardées, et
Ainsi,
Pour apprendre à
proportions
les
écrire, Carie
Traité de peinture. C'était, on
deux
fins.
En
tète
ses devoirs, on
lit
du
un enseignement
le voit,
registre dont
cette phrase
copia tout au long un
il
se servait
Il
paraît
ccesur
:
cahier,
pour
à
faire
:
«Papa m'a promis de m'acheter des prochaine!
trouvaient
se
habilement tournée.
la difficulté
l'année
bottes,
»
que
cette
promesse
si
brillante lui tenait fort au
cette inscription se retrouve plusieurs
tracée
en gros
caractères puérils
fois
sur son
comme
l'idée
qu'ils expriment.
Cependant
il
commençait
à être
temps de donner une
direction sérieuse aux études de l'enfant pour
même
le
mettre à
de devenir un homme.
Joseph
lui choisit,
parmi ses confrères, un excellent pro-
JOSEPH, CARLE
41
Lépicié
fesseur,
xvm
e
Nous avons d'une
l'un des maîtres les plus originaux
,
retrouvé, dans les papiers de Carie,
après son entrée à
de sa rédaction
«
et
Mon
le
brouillon
son père, en 1769, peu de temps
lettre qu'il écrivait à
«
du
continuateur et presque l'émule de Chardin!
siècle, le
l'atelier.
La
voici dans toute la naïveté
de son orthographe
:
très-cher Papa
Je vous écrit pour (vous) informé de la rangement
nous .avons
Gounod
fait,
à huit heures;
soir
le
1
et moi.
que
Nous nous coucheront
le
matin, nous nous lèveront à cinq
heures, pour être chez M. Lépicié à cinq heures et demi.
Nous aurons
le
modèle jusqu'à huit heures. Le
nous dessinerons tantôt d'après
le
du jour,
reste
dessein et tantôt d'après
de grandes estempes pour nous apprendres à composés.
Nous dessinerons une semaine d'après nature d'après
rons six
la :
bosse, mais toujours à
MM.
la
môme
et
une semaine
heure.
Nous
se-
Gounod
Lépicié, Métivier, Godefroy, Colmart,
moi. Sa nous revfendra à trois francs par mois chaqun.
et
M. Lépicié
(dit)
à l'Académie, et
Je suis,
«
•
que
il
que vous
mon «
si
me le
voyait assez fort pour dessiné vouliez, j'y dessinerez.
très-cher papa
Votre très-humble et très-obéïsant «
Deux ans après son
Carle Yernet.
dite.
Son père
lui
))
installation à l'atelier, Carie fut
digne de passer du simple dessin à
cellier,
fils,
la
jugé
peinture proprement
acheta un chevalet, une palette, un pin-
une boîte à couleurs,
et le
4
4
novembre 4774, notre
rapin commençait sa première académie. 1.
François-Louis
Gounod obtint le second prix de Rome en 1783. S'il lui-même, il a laissé à son fils, l'auteur de
n'est pas très -célèbre par
Faust
,
le soin d'illustrer
son nom.
ET HORACE VERNET. un peu
familiarisé avec le métier, Joseph
avec
des études d'après nature dans
Lorsqu'il fut
l'emmena
faire
lui
les
bois de Meudon.
Mais
la
véritable vocation de Carie se manifesta dès son
enfance, et Ton put vite prévoir, d'après ses goûts de jeunesse,
le
genre dans lequel
A quinze ans, Il faisait,
livres
le
se distinguerait par
il
la suite.
Carie était déjà passionné pour l'équitation.
plus souvent possible, ainsi que le prouvent les
de dépenses de son père, des promenades à cheval,
quelquefois seul,
le
plus souvent avec son camarade Gounod.
Lorsqu'il y avait des courses
rang des curieux,
un
le turf
,
il
était toujours
au premier
qu'un désir, celui de jouer'sur
et n'avait
rôle plus actif.
tenait de son père par sa prodigieuse facilité et par
S'il
ses dispositions
pour
la
peinture, sa
mère
lui avait transmis,
de son côté, sa distinction et son élégance des pieds à
la tête.
:
il
était
de race
Les exercices du corps prenaient une
grande part de son existence;
lorsqu'il se sentait fatigué
de
peindre, l'équitation ou l'escrime étaient ses meilleurs délassements.
Joseph, trop vieux alors pour rien changer à sa manière
de vivre, se contentait de payer tous ces pourtant aimait- à s'égayer; mais
moins
fatigantes.
allait
Tl
Carie à la Râpée, au
menait voir
les
il
Vers fille
était le
souvent, faire
fallait
des joies
des parties avec
Wauxhall ou aux Porcherons;
comédiens de bois
n'abandonnait pas non plus
dont
lui
il
Lui aussi
plaisirs.
et
le théâtre
les
il
fantoccini
;
le il
de son ami Nicolet,
un des plus anciens habitués.
commencement de 1776, Vernet maria
sa jeune
Émilie à l'un de ses confrères de l'Académie, à un ar-
chitecte distingué, Chalgrin, qui devait plus tard construire l'arc
de triomphe de
l'Étoile. .'3.
JOSEPH, CARLE
1(3
Madame
Chalgrin était une charmante femme, pleine de
grâce et d'esprit. Elle
a fait dire à Voltaire
marquis de Bièvre
«
quitte,
:
Chalgrin
partir de cette
nous
qui
nous allons être bien malheureux; car, sans
ne reste que chagrin.
A
madame
Voilà
ce mot digne du
elle,
il
»
époque
Vernet
,
se sentant trop seul
,
chez lui, rechercha encore davantage les distractions de .
tout
genre.
où
était
il
mérite.
Il
en trouvait de puissantes dans
11
admis sur
d'Egmont, de Pontchartrain
,
Necker, chez
pied d'égalité qui convenait à son
chez mesdames de Boufflers, de Meulan,
allait
de Mazarin
le
le
Provence
la
chez
,
madame
président Molé, chez M. Dupin de Francueil,
George Sand.
l'ancêtre de notre grand poète
son atelier
monde,
le
cour
et
et d'Artois
la
Mesdames
ville.
venaient
lui
ses tableaux avant l'exposition.
Il
recevait dans
les
comtesses de
rendre visite
Si l'on
et
admirer
veut se reporter à
l'époque dont nous parlons, c'est-à-dire avant 89, on com-
prendra que ce tiste
de
n'était point
qui n'était pas né, que d'avoir ainsi conquis son droit
cité
au milieu d'une aristocratie jalouse* de ses préroga-
tives et entichée Il
un mince honneur pour un ar-
de ses préjugés.
est inutile d'ajouter que, si
Vernet trouvait cet accueil *et
des grandes
traité
par ses con-
bienveillant auprès des grands seigneurs
dames,
il
ne se voyait pas moins bien
frères, les artistes et les
gens de
culier, lui faisait fête,
et se mettait
le
en
frais
de style pour
louer dignement.
Vernet
était
des dîners de
tous les convives, Il
Diderot, en parti-
lettres.
il
madame
y payait chaque
Geoffrin, et, fois
comme
son écot d'esprit.
rencontrait, dans ce salon célèbre, ses rivaux et ses amis
Boucher, Carie Vanloo, Latour, chitecte Soufflot,
avec lequel
il
le
comte de Caylus,
s'était lié
à
Rome,
et
:
l'ar-
qui
devait, quelques années après, en
nommant, son exécu-
le
teur testamentaire, lui faire un legs de i 400 livres.
Nous
(
n'en finirions point, illustres à
un
titre
si
nous voulions
citer tous les
quelconque avec lesquels
il
gens
se trouvait
en rapports suivis.
De même que presque
hommes
tous les
célèbres de son
temps, Joseph Vernet fut franc-maçon.
On
une loge appelée
avait fondé à Paris, en 1776,
des Neuf-Sœurs, qui, son
nom
de ses membres, on trouve
lande, Chamfort
,
Houdon, etc.. Ce
loge
l'indique, était à peu près
exclusivement composée d'arlistes liste
la
:
et
d'écrivains.
Sur
la
Voltaire, Franklin, La-
Roucher, de Fontanes, Parny, Greuze, n'était certes pas
déroger que d'entrer
en semblable compagnie. Joseph Vernet fut
•
initié le
4
6 janvier 1779.
compagnon de baptême Lemierre,
Il
avait
pour
l'auteur d'un poè'me sur
peinture. Le chevalier de Cubières profita de l'association
la
d'idées qui unissait les
promptu suivant
deux néophytes pour composer l'im-
:
Muses, ouvrez-leur votre temple,
A
ces
deux
artistes chéris;
L'un imite Linus, l'autre égale Zeuxis; L'un donne le précepte en ses savants écrits,
Dans
ses brillants tableaux l'autre
Le programme des travaux de comprenait deux objets
hommes,
En
la
:
la
la
donne l'exemple.
loge des Neuf-Sœurs
maçonnerie qui rapproche
les
culture des arts et des sciences qui les éclaire.
outre, les
membres
s'occupaient beaucoup d'actes de
bienfaisance.
Vernet, qui n'était plus jeune, trouva dans ce cercle
JOSEPH, CARLE
48
d'hommes distingués une
société agréable et des occupa-
tions à la fois utiles et douces.
Les nouveaux venus dans cueillis
carrière des arts élaient ac-
la
avec une grande bienveillance par ce glorieux vété-
ran. C'est ainsi qu'il reçut et devina Grétry.
venir s'ajoutait cette
Quelques
traits
bonté naturelle de son cœur.
fois à la
la figure
du jeune musicien,
sa constitution
e(?
surtout plusieurs de ses chants simples et ex-
lui
rappelaient douloureusement son pauvre ami
délicate,
pressifs
de
Un pieux sou-
Pergolèse, dont on ne- pouvait encore à cette époque pro-
noncer
nom
le
devant
vinssent aux yeux
sans qu'aussitôt les larmes ne lui
lui,
1 .
Yernet aimait passionnément
Gluck
connut
et
Piccini
relations avec ces
gluckistes le :
deux rivaux,
parti
auquel
la
est
Il
se lia avec
différence de ses
la
permis de supposer
postérité
pour l'immortel auteur d'Alcesle
Au nombre
et
des amusements dont
de dépenses,
il
est
de concert ou d'Opéra.
Il
que autre
était
ses
il
que toutes
c'est assez dire
ses livres
musique.
dans cette grande querelle entre piccinistes
qu'il prit
cause
;
la
mais, d'après
célébrité.
Il
moments perdus,
souvent
allait
a
et
donné gain de
ses préférences étaient
d'Orphée. il
inscrivait le prix sur
fait
mention de
billets
applaudir Philidor ou quel-
lui-même un peu musicien
et pinçait
de
la
à
guitare, instrument
qui n'était pas encore ridicule à cette époque.
Cependant
le plaisir
ne nuisait pas au travail,
artiste continuait à mériter
la
et notre
faveur du public, à chaque
exposition nouvelle. Depuis son retour définitif à Paris, avait produit sans relâche, et sa
nuer. Pour ne citer que les
1.
Correspondance
vogue
était loin
commandes des
littéraire, loc. cit.
il
de dimi-
souverains, l'im-
ET HORACE VER N ET.
49
pératrice et le grand-duc de Russie, les rois de
Danemark,
de Suède et de Pologne, l'électeur palatin et
prince des
le
Asturies voulurent tous avoir dans leurs palais des tableaux
En France, il continuait Madame Du Barry avait reconcernait, l'héritage de madame
de notre grand peintre de marine. de
à jouir
même
pris,
faveur royale.
la
en ce qui
le
de Pompadour,
et ce
aux intérêts de
l'artiste.
De son
côté,
la
carrière;
ils
ont appris, dès
b c du métier; à force d'avoir vu
l'a
A
de peintres marchent en général plus
fils
que d'autres dans
berceau,
n'avait pas nui
Carie faisait des progrès très-notables.
leurs débuts, les vite
changement de reine
le
travailler,
d'avoir joué avec des crayons et trempé leurs doigts dans
de
couleur,
la
d'une
facilité
ils
savent déjà quelque chose et font preuve
souvent trompeuse. Aussi
faut-il attendre
peu, pour apprécier à sa juste valeur
Joseph encourageait son
«
une
fut
il
par tous les moyens;
vaux.
son premier acquéreur
tête peinte, »
l'admettait
à
fils
non-seulement de ses conseils
bourse;
Ils
sérieux de leur
*
vocation.
dait
le
un
même
et
,
:
il
l'ai-
mais encore de sa il
paya six
lui
livres
un peu plus cher une esquisse.
parfois à l'honneur
Il
de partager ses tra-
vivaient ainsi en parfaite intelligence, et formaient
eux deux un de ces charmants ménages
camaraderie ajoute à
la
d'artistes,
où
la
tendresse, sans rien enlever au res-
pect des enfants pour leurs pères.
Au
mois de
juillet
1778, Joseph éprouva
le
retremper son, talent aux sources vives de partit
pour
la Suisse.
Carie était
quelque temps à Genève, chez quoi,
ils
firent
les
le
besoin d'aller la
nature, et
il
du voyage. Us passèrent docteur Tronchin; après
excursions de rigueur à Lausanne, à
Berne, à Évian, à Schaffouse, etc.. Leur absence dura en
JOSEPH, CARLE
ôO
tout six semaines.
Il
ne
fallait
point songer à faire des étu-
des de paysage dans ce merveilleux pays que Dieu semble avoir créé pour
le
bonheur des poètes, mais pour
déses-
le
poir des peintres. Vernet comprit que vouloir transporter
sur sa
ces montagnes, ces torrents, ces cascades, ces
toile
roches gigantesques sorte d'impiété, et
il
ces
et
immenses
vallées,
une
serait
ne tenta pas une épreuve impossible.
L'année suivante (1779), Carie se présenta au concours de Rome,
et
fut
il
admis
monter en
à
ne fut pas décerné, mais était
il
une jeune
moment,
voyages
à
la
campagne,
un
comme
fallait
il
sa
femme
en
1
redoubla
la
main de
avait
prodigue.
dû peindre
:
Au
déjà
la
il
dont
il
voulait faire
obtint le grand prix, la
parabole
concours précédent, voici ce '
de
qu'il
Abigaïl apaise la colère de David en
spécialité des sujets intéressants;
resle lui rendre
la
Carie
partit
M. Charles Blanc se trompe,
lorsqu'il dit
en
du
changé
.
;
mais à
que Carie Vernet obtint son était parti pour
premier. David
1"Î75.
Ces lignes étaient écrites au
nise à
le
faut
2
donc en qualité de pensionnaire
second prix l'année où David reçut
Rome
il
justice de dire qu'elle n'a pas
son répertoire depuis cette époque
2.
de se
apportant des présents. L'Académie des beaux-arts
avait
1.
celle
d'efforts, et
l'était
Rome. Cependant,
782, avec un tableau qui représentait
l'Enfant
lui
il
,
mériter
il
secret déplaisir la per-
spective de s'exiler pendant cinq ans à
comme
à dater de ce
et,
Nogent-les-Vierges absorbèrent une
devait entrevoir avec
il
le
d'une belle passion pour
grande partie de ses journées. Désireux, marier,
Ce succès
*.
l'amour n'était venu
si
s'éprit
qui habitait
fille
les
Il
Le premier prix
obtint le second
de nature à l'encouragër,
distraire de ses travaux.
loge.
nouveau
l'École des
moment où a paru le décret qui orgaarts. On a tout lieu d'espérer que l'an-
beaux -
cien ordre de choses va s'écrouler de fond en comble. L'excellent choix du
51
peine était-il installé à Rome, que, l'amour aidant, gie s'empara de son esprit et de son cœur. et,
quelques mois après son départ,
nostal-
la
tomba malade,
Il
il
revint brusquement
la
jeune
à Paris.
Une grande déception mait
l'attendait,
fille
qu'il ai-
était mariée.
Joseph, voyant sa tristesse, lui
offrit
toutes les distractions
possibles. Quoique, à cette époque, sa fortune fût sensible-
ment diminuée, grâce aux saignées fréquentes que
membres de
férents
bourse,
il
ment,
fit
il
sa
nombreuse
famille avaient faites à sa
acheta cependant un cheval pour son
l'économie d'un domestique spécial
soin de cette bête au palefrenier
les dif-
Seule-
fils.
et confia
le
du duc de Chartres.
Mais Carie, à qui sa mère avait légué son humeur inquiète et chagrine,
voulut chercher un refuge dans
se mit à étudier
homme fit
la Bible.
prendre
de
point
de tact
comprendre
et
On
même
Heureusement, son
l'habit.
de sens,
qu'il
assure
la religion.
le
Il
qu'il fut sur te
directeur,
dissuada de ce projet;
il
lui
n'y avait pas en lui l'étoffe d'un bon
prêtre, et lui conseilla de chercher plutôt à devenir
un pein-
tre distingué.
Carie se laissa convaincre et reprit sa vie normale. Peu à peu,
il
se réhabitua
aux
cle, l'escrime, les bals
qu'il
plaisirs et l'équitation, le specta-
de l'Opéra se partagèrent
ne consacrait pas au
Sa préoccupation dominante, en
du cheval.
11
examinait
Van der Meulen ne
les
fait d'art, était
compositions des Le Brun
pas;
il
et
des
cherchait et entrevoyait déjà un
nouveau genre à créer. En attendant que M. Robert
l'étude
leur interprétation peu fidèle de la nature
;
le satisfaisait
directeur,
temps
le
travail.
-
la
double matu-
Fleury, est une garantie suffisante des efforts qui
seront tentés pour lancer les jeunes gens dans une voie plus large.
JOSEPH, CARLE rité
de son esprit et de son talent
réforme,
faisait
il
lui
permît de tenter une
encore quelques concessions au goût de
ses maîtres, et s'occupait d'un vaste tableau qui devait re-
présenter
Triomphe de Paul-Emile. Paul-Émile
le
et tous
personnages étaient-là pour répondre aux exigences de
les
l'école;
mais
le
quadrige qui traînait
pensation du peintre,
le
d'un pinceau amoureux,
et
morceau
le
héros
était la
com-
pouvait caresser
qu'il
dans lequel devaient se révéler
ses tendances personnelles.
Sur ces
entrefaites, Carie, ayant enfin oublié l'objet de son
premier amour, épousa
la fille
de Moreau
jeune, ce mer-
le
veilleux dessinateur auquel on doit les illustrations de tous les livres élégants
du
faitement assortie, et
siècle dernier. C'était l'art
une union par-
ne pouvait que gagner à ce croi-
sement de deux races également nobles Joseph produisait toujours,
et, si l'on
et fécondes.
en juge d'après
les
critiques de l'époque, son talent n'était point par trop en
décadence. Malgré ses soixante-treize ans,
il
envoya douze
tableaux au Salon de 1787. De toutes les brochures publiées
sur cette exposition, une seule, Lanlaire au Salon acadé-
mique,
se
permet d'attaquer
insignifiant
le vieil artiste
dans un couplet
:
Après
s'être fait
admirer,
Vernet devait briser ses pinceaux, sa palette;
L'homme parvenu jusqu'au Quand Mais pour qu'on
il
le
veut
le franchir,
faîte,
s'expose à retomber.
consolerde ce reproche, un classique prédit
le verra...
Longtemps encore unir Le pinceau de Minerve au trident de Neptune *. ...
1.
Les grandes prophéties
du grand Nostradamus, sur
le
grand Salon de
ET HORACE VERNE T. Parmi
un
les éloges,
seul mérite d'être rapporté
peint la nature
l'Idalie, il
Vernet,
:
du Tempé, dans
dit-on, « vole sur les bords fleuris
quets enchantés de
53
1
Ce der-
»
.
bos-
les
nier trait n'est-il point charmant, et ne s'accorde-t-ii pas à
merveille avec
règne de
la
phrase qui
On
précède?
le
madame de Pompadour
que
sent
le
n'est pas fini depuis long-
temps, et que son influence dure encore.
Cependant Vernet ne méritait pas ce compliment qui ressemble tant à un blâme;
comme
elle doit être
son expression
la
comprenait
il
aimée
et aimait la nature
plus élevée. Loin de sacrifier au genre
faux et maniéré que Boucher avait mis à sissait
avec un goût sévère ce qui, dans
se plier
dans
et comprise, c'est-à-dire
aux exigences de son
mode,
la
il
choi-
pouvait
la réalité,
art.
Grand ami du paysage comme
il
l'était,
Yernet devait ap-
précier Bernardin de Saint-Pierre et être apprécié par lui
que
aussi est-ce à leur collaboration
ginie.
En
jour à
la
4
l'on doit
Paul
et Vir-
787, Bernardin de Saint -Pierre vint frapper
porte de l'atelier du vieux peintre.
connu encore à
écrivain, peu
cette
:
un
Le célèbre
époque, bien
qu'il
ne fût
déjà plus très-jeune, paraissait désolé, et son hôte, étonné
de sa mine piteuse,
lui
Bernardin venait de
lire,
roman sur
demanda dans
succès duquel
le
le
quelle en était la cause. salon de
Mme
Necker, un
fondait les plus belles espé-
il
rances; mais l'impression produite sur ses auditeurs n'était
pas de nature à l'encourager: Buffon n'avait
peinture de
Van
de grâce 1787 , etc
;
.
.
.
le
tout dicté
que regar-
fait
par
prophète à
le
Jean Lait-par-Mil. 1.
Promenades d'un observateur au Salon de 1787 Les autres brochures .
qui ont paru sur cette exposition sont intitulées coq de Micille
,
Merlin,
etc., etc.
:
Tarare
,
la
Le lecteur n'ignore pas que
Plume du
cette
forme
burlesque, complètement démodée aujourd'hui, était celle dont se servaient le
plus volontiers les critiques du
xvm e
siècle.
JOSEPH, CARLE
54
der sa montre,
Thomas
s'était
endormi, quelques femmes,
plus humaines, se sentaient disposées à pleurer, mais rire sarcastique
du maître de
de leur faiblesse
et elles avaient retenu leurs
il
maison leur avait
la
le
larmes
sou-
honte
fait 1
Bref,
.
voyait bien, ajouta-t-il, qu'il s'était trompé et qu'il ne
restait plus qu'à jeter
son manuscrit au
posait à faire, séance tenante
dre, lui dit Vernet, lisez-moi
rons
s'il
:
«
feu, ce qu'il se dis-
Pendant que
donc votre
moyen de
n'y aurait pas
je vais pein-
histoire;
nous ver-
réviser l'arrêt de vos
terribles juges. » Cette proposition, dernière planche
avec joie par
fut acceptée s'installa
le
devant son chevalet,
saisi
de
salut,
pauvre auteur naufragé. Vernet et la
lecture
A
commença.
mesure que Bernardin de Saint-Pierre tournait Vernet,
lui
les feuillets,
par l'intérêt croissant de cet adorable chef-
d'œuvre, se détachait peu à peu de son propre lorsque l'auteur eut
fini,
de ne pas se laisser
lui conseilla
il
travail, et,
décourager par des critiques ou envieuses ou inintelligentes, l'exhorta vivement à publier son livre, et lui prédit un trèsi
grand succès en dépit de tous ses amis
les
beaux esprits
qui n'y entendaient goutte, assurait-il. Personne n'ignore suite
de
l'histoire;
mais ce que tout
le
monde ne
pas,
sait
c'est que Vernet voulut aussitôt illustrer ce livre dont était
en quelque sorte
parrain.
le
l'épisode qui convenait le
mieux
Il
choisit
comme
la
il
sujet
à la nature de son talent,
Naufrage de Virginie. Malheureusement, son pinceau
le
sénile
trahit
ses intentions, et le peintre resta fort au-des-
sous du poëte.
Le Salon de 1789 reçut tandis que
le
Paul-Êmile, 1.
les
derniers tableaux de Joseph,
premier tableau de Carie, lui
le
Triomphe de
ouvrait les portes de l'Académie
Aimé Martin, Mi moires sur
Saint-Pierre. In-8°, Paris
,
1826.
la vie et les
:
il
fut
ouvrages de Bernardin de
55
nommé •
agréé. La réception se faisait encore à cette époque
avec un certain cérémonial. Le récipiendaire
successivement par un huissier à tous faisait à
chacun d'eux un profond
riva devant Joseph, jeta
dans
les bras
il
les
salut.
était
présenté
membres,
et
il
Lorsque Carie ar-
oublia les lois de l'étiquette et se
de son père. Tous leurs confrères applau-
dirent à cet élan de cœur.
Joseph mourut peu de mois après, bre 1789. petit-fils,
Il
avait
le
jeudi 3 décem-
pu du moins embrasser au berceau son
qui était né
le
30 juin de cette
même année.
C'est
ce qui permettait plus tard à Horace Vernet de dire en plaisantant qu'il avait connu son grand'père.
JOSEPH, CARLE
y
—
10 août.
—
Projets d'émigration.
Civisme de David.
—
sang.
Sous
chy.
—
siècle.
arts.
Jugement de madame Chalgrin.
—
—
—
L'auréole de
Vainqueur au Champ-de-Mars.
Dessins à vingt-quatre sous.
—
—
Deux
— La barrière de Cli— Voyage à pied. — Intérieur d'ate— Lettres de Carie d'Horace.
Mariage d'Horace.— 1814.
— Médaillé et décoré. — Départ pour
lier.
Déjà
—
Assassin par négligence.
le Directoire.
Commencement du croix en une.
—
l'Italie.
et
temps commençait à devenir mauvais pour
le
Les esprits étaient occupés
ailleurs.
Tout cédait
les
pas
le
à la politique.
Pendant l'attaque des Tuileries,
le
40 août 1792,
la
famille
Vernet eut sa large part des émotions de cette terrible journée. siège
du château,
populace que
les galeries
Après la
le
de refuge
à
le
du Louvre servaient de
habités par les artistes. et
Carie
tandis que de son côté
enfant,
la petite
Louvre Moreau.
,
et
les vitres
des appartements
comprend l'imminence du
veut soustraire sa jeune famille aux violences
d'une invasion probable.
fardeaux
lieu
quelques Suisses échappés au massacre; aussitôt
des balles font voler en éclats
danger
bruit s'était répandu parmi
ils
Il
saisit
HoracQ dans ses bras,
madame Vernet prend
son second
Camille. Ainsi chargés de leurs précieux
s'élancent à travers les corridors
gagnent
le
plus vite qu'ils peuvent
,
la
sortent
du
maison de
ET HORACE VERNET. Cette course haletante
Comme
mentable.
faillit
se terminer d'une façon la-
touchaient au port,
ils
07
les fugitifs
à essuyer une décharge de mousqueterie
aucune
eurent
heureusement
;
balle n'atteignit son but, et ils en furent quittes
pour
recevoir une pluie de plâtras que les projectiles avaient détachés de la muraille en venant s'aplatir contre elle.
Par 11
les relations
de son père, Carie Vernet tenait au passé,
avait été bien accueilli, depuis son enfance, par toute cette
aristocratie qui se trouvait alors en butte à
l'explosion de
haines lentement amoncelées. Aussi son jugement un peu faussé ne lui permettait-il pas de
de
réaction
la
;
il
était
Il
De bien
la légitimité
n'en voyait que les cruautés
saisir le véritable sens et sans
sociale.
comprendre
donc injuste
en apprécier
et songeait à déserter
tristes circonstances l'obligèrent à
sans en
,
haute portée
la
son pays.
abandonner ses
projets d'expatriation.
Son beau-frère Chalgrin, architecte du comte de Provence,
femme
avait suivi le prince à Bruxelles, laissant sa
Une accusation ciliaire
fit
n'y avait
troublée, le
chiffre et
là rien
où
moindre
contre elle, et une visite domi-
découvrir dans son appartement des bougies
marquées au Il
fut lancée
à Paris.
la
fait
aux armes du protecteur de son mari.
que de très-naturel
;
mais à
cette
peur s'exaspérait souvent jusqu'à
époque
la férocité,
prêtant au soupçon prenait des proportions
incalculables. Les jalousies, les haines, les rancunes privées
se servaient de
la
politique
comme
d'une arme meurtrière,
et faisaient de nombreuses victimes.
déclarée suspecte.
Dès
qu'il
Accuser,
c'était
Madame
Chalgrin fut
presque condamner.
eut appris cette fatale nouvelle
,
Carie
Vernet
courut chez David, son camarade et son ami. Le peintre
de Marat jouissait d'un grand crédit auprès des puissants
du
jour. Malheureusement,
il
avait été fort épris de
madame
I
m
JOSEPH, CAR'LK femme
Chalgrin, et cette honnête tion à lui.
De
là
aucune atten-
n'avait fait
un sentiment de rancune qui
dicta à David
une réponse bien digne de son républicanisme poncif
comme
drapé à l'antique,
«J'ai peint Brutus, dit-il, je
me
ne saurais
sœur
tribunal est juste; ta
le
dérangerai pas pour
Romains de
les
A
elle. »
tableaux
ses
solliciter
une
est
et :
Robespierre;
aristocrate
ne
et je
,
force de prières
,
Carie
parvint cependant à émouvoir un peu ce stoïque féroce et ridicule, qui devait plus tard se changer en plat courtisan.
David
fit
quelques démarches,
tant souhaitée.
et obtint sans peine la grâce
Mais, par une distraction inqualifiable,
il
garda pendant plusieurs jours dans sa poche l'ordre d'élargissement qui il
n'était plus
lui
avait été remis, et, lorsqu'il
y songea,
temps. Les morts allaient vite, et l'échafaud
On a de madame
Vernet, un
n'attendit pas.
conservé, dans
portrait
Chalgrin, ébauché par David. La tête
seule est terminée;
donne
l'idée
elle
la famille
est très-fine,
très-distinguée, et
d'une femme extrêmement séduisante. Par un
un pres-
singulier hasard, qui pourrait presque passer pour
sentiment,
le
peintre avait préparé
le
fond de sa
des tons d'un rouge foncé, qui encadrent
toile
avec
visage de son
le
modèle dans une sanglante auréole. Ces douloureux événements n'arrêtèrent pas tout à les
travaux de Carie.
que tout eût du
Il
s'effacer
diennes: on trouve son
Sous
le
exposa à une époque où devant
nom
sur
les
le
gigantesque
du Salon de 1793.
moins sombre. La France,
effort qu'elle venait
soulever dix siècles qui pesaient sur
elle
de faire pour
de tout
éprouvait
de
l'arbitraire et
se
reposer un instant et de reprendre haleine.
Tallien devenait à
des privilèges
la
mode.
Il
semble
préoccupations quoti-
le livret
Directoire, le ciel devint
épuisée par
il
fait
,
v avait dans
le
l'air
le
poids
besoin de
Madame une
folle
HORACE VERNE T.
ET de
réaction
qui ramenait les choses au point où
plaisir,
en étaient sous
elles
Régence
la
sous Louis
et
Carie Vernet se laissa entraîner dans Il
mêla
se
à ses
et mettre ses
dans
la
59
XV.
tourbillon général.
le
contemporains pour étudier leurs ridicules
crayons au service de
satire.
la
Il
ses lithographies, défiler la
collection de
faut voir,
grotesque
procession des Merveilleuses et des Incroyables. Jamais caricature ne rentra mieux, ni plus avant, dans l'art.
toutes les qualités d'esprit et de dessin qui
domaine de
le
Carie a excellé dans ce genre secondaire
la
il
;
y a mis
sont indis-
lui
pensables pour élever son niveau. Carie Vernet était bien du reste l'homme de ce temps étrange, et jusqu'à la fin de sa vie
un
reflet
tingué de visage, ayant dans il
comme
en a conservé
les traits
aimait de passion les chevaux,
beaucoup de
finesse,
mondaine
vie
la
un gentleman dans toute
C'était
cile.
il
sur toute sa personne. Élégant de tournure, dis-
du terme.
force
la
et fa-
Tel nous l'ont dépeint tous ceux qui l'ont connu, et
peut
le
voir encore dans
Lefèvre a laissé de
jockey,
tel
on
Robert
lui.
Carie était très-adroit et très-leste.
comme un
que
beau portrait
le
et,
montait à cheval
Il
contre l'habitude des
cavaliers,
il
passait pour un des meilleurs marcheurs de' son temps.
On
raconte qu'à
la
d'une
suite
gageure
courut au
il
Champ-de-Mars dans une de ces courses renouvelées du stade antique, et qu'il remporta tant,
Laréveillère-Lepeaux
Vernet, votre
Cependant,
nom
lui
le
En
prix.
aurait dit
:
«
remet-
Monsieur
est habitué à tous les triomphes. »
les plaisirs
cessèrent, et
caractère de
le
nation redevint sérieux pour se mettre .
le lui
à
la
la
hauteur des
graves événements que préparait un avenir prochain.
La guerre,
cette
ennemie. des
arts,
commença
régner sur l'Europe en maîtresse absolue.
On
bientôt à
n'eut plus ni
-
JOSEPH, C A RLE
60
le
goût, ni
le
de venir admirer paisiblement, entre
loisir
déux combats,
les
tableaux exposés au Salon. Seulement,
nos soldats préparaient des sujets nouveaux pour ceux-ci
tres;
moins héroïque mais plus moderne,
l'artiste
mieux
au
qu'on pouvait
tirer,
Horace Vernet, très-jeune encore,
rope
;
reçut
il
le
la lutte
brûlante
comme
;
il
il
;
s'enivra de
tous les
profit
de
la
pein-
jour par jour,
assista,
les
émotions qui se
vécut dans cette atmosphère
de gloire
poudre,
hommes de
et
de fumée
sa génération. C'est à ces pre-
mières années de sa vie qu'il faut demander compte de nature de son talent
c'est là qu'il
;
humeur
incontestable de cette
compagne jusqu'à
En
et
la
faut chercher l'origine
guerrière qui fut sa fidèle
sa mort.
attendant l'âge ou
lui-même
le
engagée parla France contre l'Eu-
contre-coup de toutes
succédaient sans relâche
qui comprit
de ses contemporains.
ture, des actions éclatantes
aux péripéties de
pein-
gloire à
un sentiment
exploiter. Carie Yernet fut, après Gros, avec
le parti
les
un champ de
avoir tout
allaient
lui serait
il
permis de produire par
de vivre sur son propre fonds,
il
étudiait.
Son
éducation première fut pourtant assez négligée. Le temps
ne comportait pas de travaux suivis. plus, dans les
On
se préoccupait
lycées, de la politique quotidienne
littérature classique
ou
d'histoire.
La vie
que de
se concentrait
tout entière dans le présent.
Au
collège des Quatre-Nations, Horace fut
diocre. le
Il
jouissait à été
servir
hommes que
et
à autre chose qu'à dessiner.
Il
les
plumes,
A
les
cette précocité qui avait déjà
de Carie. Enfant,
son grand -père Moreau
quatre sous pièce.
méet
un haut degré de
un don de Joseph
élève
crayons
ne comprenait pas que
papier pussent
un
il
lui
faisait
des bons-
achetait vingt-
douze ans, chacune de ses composi-
ET HORACE
VERNE T.
61
tions lui était payée
douze francs. Tels furent
modestes de
qui devait gagner à
pinceaux
l'artiste
fortune
la
débuts
les
pointe de ses
la
plus considérable qu'un peintre ait
la
peut-être jamais possédée. Quelques jours avant sa mort,
sommes qui
additionnait les
mains,
— passer
lui
mot propre,
est le
par
il
étaient
passées
—
arrivait au total
et
il
les
fabuleux de cinq millions.
d'Horace fut aussi négligée que
L'éducation artistique
son éducation les
littéraire.
Il
pommiers donnent des pommes. Né sur un
mirablemént préparé,
dans des
ateliers,
terrain ad-
n'eut qu'à se laisser grandir pour
il
un beau jour, un homme de
être,
comme
des tableaux un peu
fit
Sa vie se passait
talent.
chez son père, chez son grand-père Mo-
reau, chez son oncle Chalgrin.
Carie s'était d'abord mépris sur la véritable vocation de
son
fils.
Il
lorsqu'il
songeait a
vit
en faire un graveur
qu'Horace avait tout ce
devenir un bon peintre,
ami
et
douce, mais
Matin de croix de
pour
de prendre
\
808, Carie obtint
pour
direction de son
la
cette
lui
tâche
un grand succès avec
la bataille d' Amterlitz la
.
Légion d'honneur. En
propres mains, Napoléon
voilà
mit sous
fallait
si
si difficile.
Salon de
êtes ici
le
qu'il
cependant,
camarade Vincent. La crainte de l'aveuglement
paternel l'empêcha
Au
il
;'
comme
comment
lui dit
:
Ce tableau la lui
«
valut
lui
le la
remettant de ses
Monsieur Vernet, vous
Bayard, sans peur et sans reproche. Tenez je
récompense
le
mérite. »
ajouta à ce premier compliment ces mots gracieux
sont deux croix en une;
il
est
des
hommes
grand nom, vous, monsieur, vous portez
Horace continuait ses études classiques cent, Vincent était alors, avec
David
et
,
L'Impératrice :
«
Ce
qui traînent un
le vôtre. »
de Vin-
à l'atelier
Regnault, 4
le
chef
JOSEPH, CAR LE
62
d'un des trois ateliers qui se disputaient, chaque année, les prix de l'École des beaux-arts.
Horace dessinait d'après
En
mies.
810*
4
son très-jeune
de
Concours de Rome, où
peu orthodoxe pour
talent, fort
la petite église
bosse et faisait des acadé-
la
se présenta au
il
chargée d'apprécier
Il
renonça dès lors à
la
la fin
il
une détermination qui
au célibat
les
Horace
M
lle
se maria,
il
:
il
de séve, de
lui
prit à cette époque,
même
que
et l'on sait
en
qu'il le
eût
éprouvé
règlement astreint
pensionnaires de Rome.
Yernet
épousa
une
charmante
Louise Pujol, qu'il avait rencontrée dans
bey, et dont
comme
empêché de recommencer
l'aurait
concours, en admettant
te'désir
aurait sans doute ob-
y avait en
jeunesse et d'originalité. D'ailleurs,
effet.
récompense,
de sa trentième année, après avoir,
tant d'autres, épuisé tout ce qu'il
le
échoua en
il
poursuite de cette
que, pour son plus grand malheur, tenue, vers
mérite des con-
le
currents, devait le faire échouer, et où
membres
les
il
avait
jeune le
fille
,
salon d'Isa-
toutes les qualités aima-
pu apprécier
bles et sérieuses.
Le jour de ses noces, Horace quarante sous dans sa poche, rien, les
mais
étaient
riches
4
814,
portrait
du
8 000 francs
il
roi
obtint,
sa
et
d'amour
années devaient monnayer par
En
la
ils
femme ne
de Westphalie. plus,
tout,
possédait
que
et d'espérances,
la suite.
grâce à Gérard,
du prince. De
pour
avait, en tout et
Il il
la
commande d'un
réussit à souhait et reçut
envoya au salon de
4
84 2
Prise d'un camp retranché près de Glalz, tableau im-
portant qui lui valut une première médaille.
vingt-deux ans,
et déjà
dépendamment de par son
nom deux
la
il
était célèbre
Il
n'avait
que
par lui-même, in-
réputation qui lui était faite d'avance
fois illustre.
ET HORACE VERNET.
Un moment, Horace
fut soldat
comme
quoique son mariage l'exemptât de on
était
en
concourut sous
il
fense de
Avec
fusil.
plus tard,
et,
impressions qu'il
les
toile
la
monde,
le
Charlet,
ordres du maréchal Moncey à
les
barrière Clichy
la
porter sur
tout
conscription; mais
la
chacun prenait un
81 4, et
1
63
la
dé-
n'eut qu'à re-
il
avait ressenties
pendant cette terrible journée pour produire un de ses meilleurs tableaux, un de ceux la
il
fut
comme
tenait plus à
dont
il
fut
cette
politique de
simple et grandiose.
première distinction qu'à toutes celles la suite.
était arrivé
il
la
où
le plus-juste,
soldat qu'Horace Vernet reçut la croix, et
comblé par
Cependant,
note est
la
même temps
composition est en
Ce
où
France
:
un revirement dans
la
de
les princes revenaient
fortune l'exil.
Carie était toujours resté fidèle au souvenir des Bourbons, et il
accueillit
avec joie leur restauration. Aussi
en quelque sorte qu'on
le
peintre officiel de
la
nommé
nouvelle cour, lors-
chargea de peindre l'entrée de Louis XYIII à Paris
et le portrait ral
le
fut-il
du duc de Berry en costume de colonel géné-
des chevau-légers.
Ses opinions politiques n'avaient point cependant empêché Carie* de travailler pour
les
puissants de
La
la veille.
peinture est un terrain neutre; toutes les couleurs se trou-
vent sur le droit
la
palette, et l'artiste a, jusqu'à
certain point,
de ne pas toujours être conséquent avec l'homme.
Carie avait représenté successivement
Madrid,
un
les batailles
le
bombardement de
de Rivoli, d'Austerlitz, de
Wagram
et
de Marengo. Napoléon, ayant été à
pendant
les
même
de revoir ce dernier tableau
Cent-Jours, en fut très -frappé,
M. de Montalivet d'envoyer sur-le-champ gratification
de 6 000 francs.
et
il
chargea
à l'auteur
une
•
JOSEPH, CARLE
64
Par un arrêté ministériel en date du 31 mai 1816, décidé que l'église de
il
Madeleine serait ornée de sept
la
fut
fres-
ques immenses, dont l'exécution devait être confiée à Gros, Guérin, Meynier, Carie Vernet, Prud'hon, Gérard et Girodet.
On
eût travaillé
le voit, Carie
en bonne compagnie.
là
Mais on ne donna pas suite à ce projet,
peintres per-
et les
dirent une belle occasion de montrer au public toutes les
ressources de leur talent
Tandis que son père
i .
par ces promes-
était retenu à Paris
ses de travaux, Horace partait à pied, le sac sur le dos,
avec son ami ainsi le
comte de Pontécoulant.
le
Dauphiné
et la Suisse. C'était
une agréable préface aux longs voyages prendre par
A
atelier
riosité.
de
la
se mit de
il
la
2
était
à l'œuvre.
une véritable cula
physionomie
gravure a popularisé.
Jamais on ne se serait douté que
gens qui se trouvaient
les
réunis pour travailler.
Horace Vernet, main,
nouveau
rue des Martyrs
dans un tableau que
là étaient
artiste
qu'il devait entre-
a pris soin de nous en conserver
11
jeune
le
la suite.
peine de retour,
Son
parcoururent
Ils
pour
faisait
la
cigarette
aux dents
et
la palette
à la
des armes avec un ancien officier de l'Empire,
M. Ledieu, aujourd'hui directeur du mont-de-piété. M. Amédée de Beauplan jouait du piano, M. Eugène Lami
dans une trompette, de
et,
à côté de lui,
battait
la caisse. 11
y avait ensuite
L'église
1.
M. Thiers
le
groupe deâ causeurs
approuva; mais au dernier moment,
2.
N°
11.
:
le
général
de la Madeleine a toujours eu du malheur. Plus tard,
reprit l'idée de son prédécesseur, et
l'exécuter. Toutes les esquisses furent faites et les
soufflait
M. Montcarville
chargea Paul Delaroche de montrées au ministre
l'affaire
avorta encore.
,
qui
ET HORACE VERNET. Boyer, M. de Lionne, le
baron Athalin, M. de Lariboissière,
le
célèbre graveur Jazet, M. Couturier de Sainte-Claire,
deux
lonel Bro, et les
madame
frères de
Vernet,
Ladurner se promenait avec un singe sur
M. Guyot, tout en
feuilletant
dogue en arrêt devant Régent,
et.
le
duc d'Orléans à Ho-
police, lisait le journal
sans doute aux magnifiques panoramas qu'il
nous a montrés depuis. Le d r Hérault tenait à de mort
et l'examinait.
MM.
peintres,
M. Duchesne
du poêle
boxer que l'assaut de leur maître
un jeune
de ce tohu-bohu;
homme
y avait encore dans
lecteur s'en souvient
l'Académie,
,
nus jusqu'à
et attendaient
pour
obstinément au milieu
le fruit
l'atelier
deux
2
de son application objets de curiosité
.
:
ce grand tableau qui, le
avait ouvert à Carie les portes de
un très-beau buste de* Joseph,
et
la
fût terminé.
travaillait
Triomphe de Panl-Émile ,
le
main une
M. .Robert-Fleury, qui depuis, dans
c'était
sa brillante carrière, a recueilli Il
la
faisait l'exercice.
Montfort et Lehoux,
ceinture, se chauffaient près
Seul,
et
.
Le colonel Langlois, en bonnet de
Deux
l'épaule,
1
race Vernet, servait de modèle
tête
Pujol.
cheval que l'on appelait le
qui avait été donné par
et rêvait déjà
co-
un album, agaçait un boule-
Un
lui.
MM.
le
coiffé le plus
souvent d'un shako polonais. Il
ne faudrait pas croire cependant qu'Horace Vernet flânait
toujours; non, mais
tempérament.
Il
le travail
allait et
suivi ne convenait pas à son
venait, faisait une botte avec l'un,
bavardait avec l'autre, regardait l'ouvrage de. ses élèves,
d'un coup d'œil sûr, voyait
les
retouches à faire, qu'il in-
diquait d'une façon très-nette; puis,
1.
L'atelier était
2.
Nous devons
et,
il
revenait à son che-
au rez-de-chaussée.
les indications qui
précèdent à l'extrême obligeance de
M. Montfort, l'un des premiers élèves d'Horace Veinet. 4.
JOSEPH, CARLE
66
en se jouant,
valet, peignait
à la fin de
et,
trouvait avoir accompli sa tâche
la
mieux que
journée,
il
se
tout autre.
Cette fantaisie serait fatale à ériger en principe; mais
la
facilité
prestigieuse d'Horace Vernet lui servait d'excuse.
Chacun
a le droit
La
fin justifie
maxime,
de choisir
moyens;
les
lâche et
si
mode de
le
en
c'est
travail qui lui plaît.
d'art
fait
que
cette
fausse d'ordinaire, trouve sa véritable
si
application. Qu'importe au public la manière dont un chef-
d'œuvre a
Le temps ne
«
rien à l'affaire,
fait
un sens
juste dans
pourvu que ce chef-d'œuvre existe?
été créé,
que- dans
rapidité de l'exécution ni
la
c'est
seulement à
si elle
est
Horace
l'effet
l'autre;
un mérite,
obtenu
s'était
ni
une excuse,
qu'il appartient
de démontrer
l'esprit.
n'avait pas les
il
la
le
mêmes
raisons d'âge
retour des Bourbons.
Révolution, élevé au bruit du canon qui
balayait peuples et rois d'un bout de l'Europe à l'autre,
âme au nouvel
appartenait corps et était
et
moins rapproché que son père du gouver-
de reconnaissance pour saluer
Né au début de
un axiome aussi ne faut voir dans
il
un défaut ou une qualité de
nement restauré; et
est
»
ordre de choses
,
il
et
très-imbu des idées progressistes qui commençaient à
germer en France. Cependant,
il
son père, qui cherchait en revanche tous les
nifeste avec
moyens de lui il
ne voulait pas se mettre en opposition ma-
le
convertir à ses propres idées.
amenait dans son atelier le
faisait inviter
obligé d'inventer
le
Un
jour, Carie
duc de Berry; un autre jour,
aux chasses du prince. Horace
chaque
fois
était
un prétexte nouveau pour
décliner ces honneurs.
Sur ces entrefaites, pour
l'Italie.
le
père et
le
fils
partirent ensemble
Carie voulait sans doute soustraire Horace aux
influences qui pesaient sur son esprit, et qui pouvaient,
ET
compromettre son avenir.
craignait-il,
jeune
Us
A
Il
67
n'y avait pas, en
de meilleur complément d'éducation pour un
cas,
tout
HORACE VERNE T.
artiste.
se mirent en route
au commencement de 1820.
peine arrivé à Rome, Horace écrivait à son oncle Livio
une
dont nous citerons de longs extraits, non-seu-
lettre
lement parce qu'elle donne des renseignements sur
la
jeu-
nesse de l'artiste, mais parce qu'elle montre en outre quel était le
courant de ses idées, à cette époque de transition
où l'homme commençait à paraître en
«
Mon «
que
nous as adressée à
heureux, quand on
Rome,
mars 1820.
le 3
1
cher Oncle
,
Que de remerciements ne tu
lui.
te
Rome
!
tu sais
combien on
tu dois juger
;
se trouve
de recevoir des nouvelles
est éloigné,
des personnes qu'on aime
dois-je pas pour la lettre
de
mon bonheur
en recevant des tiennes. Nous faisons un charmant voyage, et, ce qu'il
y
a de très-remarquable,
que mon père
c'est
que nous sommes en très-bonne
n'est pas trop exigeant, et
que rien ne
intelligence. Ainsi, tu vois
me
manquerait,
si
vous étiez tous avec nous... «
Je vais
me
mettre à peindre. J'en
ai
grand besoin! Tu
penses que, dans ce beau pays qui a inspiré tant de peintres, je ne puis rester sans en ressentir l'influence
que mon premier
essai
massa, ou, autrement
1.
Le
fils
me
,
le
en 1789
,
au moment de
la
sivement directeur des vivres de
,
était
la
nom
italien
de
receveur général du tabac à Avi-
mort de son père. Depuis la
faire
départ des chevaux aux
aîné de Joseph Vernet, qui avait renoncé à son
Livio pour se faire appeler Louis
gnon
compte
réussira. Je
dit,
et j'espère
,
marine à Brest
équipages des vivres des armées du Nord
et
,
et
,
il
fut succes-
agent en chef des
de Sambre-et-Meuse.
JOSEPH, CARLE
6a
A
courses du carnaval. eu un bien
propos de carnaval, vous en avez
Nous n'en avons appris en a été foudroyé. Tu
1 !
mon
père
sais quelles étaient ses liaisons
avec
nouvelle qu'à Naples
la
prince, et tu juges de
le
Quelle affreuse catastrophe
triste à Paris.
l'effet
:
qu'a dû produire sur lui un
pareil malheur...
Nous avons
«
assisté
Louis-des-Français
au service qui a eu
lieu à Saint-
cérémonie peut être bonne pour
cette
:
du malheureux défunt, mais, pour ceux qui y assistent, elle est du plus grand ridicule, surtout en Italie, où
l'âme
ça a plus l'air d'une fête
que d'une cérémonie funèbre.
Quand serons-nous assez philosophes pour pleurer sans musique?
tentation et sans mettre nos regrets en «
J'espère tirer
lement sous sance que
le
j'ai
un grand
fruit
de
os-
mon voyage, non-seu-
mais aussi pour
la
connais-
acquise de moi-même. C'est dans
le
choc des
rapport de
l'art,
passions qu'on définit celles qui doivent vous mener à bien,
ou
vous maintenir dans une fausse route.
celles qui doivent
Je fais là-dessus
bon
mes observations
parti. D'ailleurs,
il
est
car l'âge arrive sans qu'on faire
un
manquent
effort
pour
compte en
et je
tirer
sen doute
devenir
,
meilleur,
et lorsqu'on les
forces
veut
vous
ne peut pas plus se redresser que
et l'âme
un
temps de penser sérieusement,
les
reins... «
Nous avons
fait
plusieurs courses pour voir les maisons
que mon grand-père a habitées,
celle
où tu es né
et l'église
où tu as été baptisé. Toutes ces choses ont un grand charme pour moi. Je regrette de ne pouvoir mais
ma mauvaise
1.
L'assassinat
le faire
partager,
me refuse le moyen d'exprimer termes me manquent, et quand par
éducation
ce que je sens. Les
te
du duc de Berry.
ET HORACE VERNE T. hasard Alors
mes vis
arrivent, souvent je ne sais
ils
me
dépit
le
actions
que pour eux,
je m'aperçois
et
comment
plume,
la
le
cœur
,
que mon plus grand bonheur
a besoin de se vider quand si j'ai
choisi le tien
mon bon
est
je ne
quand
aussi je
sait;
mais tu sais
;
est trop plein.
il
pour recevoir
la
potée...
oncle. Je n'ai pas besoin de te dire
combien tu m'es cher;
monde
remets à
et je
qu'on n'y est pas indifférent...
Pardonne-moi,
Adieu
les écrire.
que j'aime que
Voici une longue lettre bien ennuyeuse
«
que
«
prend, je quitte
soin de prouver à ceux
le
•69
c'est
me
une
vieille
chose que tout
le
em-
bornerai à t'envoyer une
brassade de trois cent soixante lieues de long. «
Ce premier voyage d'Horace pas longtemps. Dès
le
madame Lecomte, pour «
Sa Sainteté,
dit-il,
pour louer une le
rieux de
la vie
reconnu toutes (c'était
les
choses dont expression).
découvert
la
faite à Tivoli
mon
père
« J'y ai
faisait ses
Nous avons
grotte de
:
appris
Neptune
On nous
;
fils
choux là
avant
que lui
a fait voir l'ar-
Cette lettre fait partie de la magnifique collection d'autographes de
M. Chambry. M. Chambry, dont
le sort est
n'est pas jaloux de ses richesses, et
une bonne grâce 2.
»
de Joseph Vernet. Voici ce que dit son
personne n'avait osé y descendre.
1.
fille,
contient, entre autres choses, -un détail cu-
son
c'est lui qui a
ne dura
à sa
écrivait
culotte, attendu qu'on ne
pape en pantalon.
en racontant une promenade qu'il a
gras
Italie
nou§ recevra demain au Quirinaî. Je
viens de courir
Cette lettre
»
.
annoncer leur prochain retour.
peut entrer chez 2
Vernet en
8 avril, Carie lui
i
Horace Verne t
il
envié par tous les amateurs,
en
faire profiter les autres
avec
parfaite.
Cdtalogue des AutograpJies de M.
det, 1852.
sait
le
baron de Trémont. Paris , Laver-
JOSEPH,
70
bre
auquel
il
C A RLE
s'est fait attacher
d'une hardiesse surprenante. Les deux Vernet
Rome, où, grâce
pour y
parvenir;
c'est
»
avaient
été
à Joseph, leur
admirablement reçus à
nom
était
populaire depuis
près d'un siècle.
Horace mit son séjour à M. de Blacas
homme lèche,
lui
profit.
Il
peignit
paya 4000 francs;
à faire des économies, et
dans laquelle
il
revint
flânant tout le long de la route.
à
il
mais
un tableau que il
n'était
pas
acheta aussitôt une ca-
Paris avec son père,
en
71
VI
Le duc d'Orléans
et le
—
et de Géricault.
homme
Vogue Une
—
politique.
l'Institut.
En
de
815,
soleil.
de l'École de Rome.
par
duc d'Orléans. Chargé, vers
le
son portrait,
faire
il
forme de colonel de dragons, peau,
dans
cocarde tricolore au chails
étaient restés
bourgeoisement
la
prince en train de
le
barbe devant une fenêtre.
pouvait l'apercevoir du jardin, où quelques tionnaient dans ce but. Le duc d'Orléans, l'artiste, lui
tâchent de la ils
dit
lire
:
sur
«
Ces gens qui
mon
visage
naissance d'un héritier de verraient que je n'en suis
rizon
me On
la
me
l'effet
couronne.
aucunement
il
badauds
les
4.
On sta-
montrant à
regardent
.que
semble bien noir depuis 184
cher Horace, dans vingt ans trône.
ensemble
duc de Bordeaux, Vernet,
naissance du
la
rendu au Palais-Royal, trouva
se faire
en uni-
meilleurs termes.
les
Le jour de s'étant
l'avait représenté
la
depuis cette époque,
et,
*
mécontent politique, Horace Vernet,
était très-bien accueilli 4
et entraînement.
— Directeur
qualité de
sa
— Intimité d'Horace Vernet — 1822. — Horace, — Membre* de gracieuseté du
duc de Bordeaux.
me
raser
produit sur moi S'ils le
pouvaient,
affecté,
car l'ho-
Voyez-vous,
n'y aura plus
un
roi
mon
sur un
prétend que je suis une planche pourrie;
non,
JOSEPH,
^2
—
RLE
CA
ma
seulement je ne veux pas porter
comme mon malheureux
père
1 .
tète
sur l'échafaud
»
Mais revenons trouver notre peintre au milieu de ses relations plus intimes.
A
l'atelier
de Carie Yernet, où
études, Géricault s'était
lié
il
avec Horace. Jeunes tous deux,
amoureux de
tous deux ardents, enthousiastes, épris de
de séve
gloire, pleins
chevaux avec
la
même
leur art et
confiants dans l'avenir,
et
commune.
vivaient d'une vie à peu près
ils
avait fait ses premières
Ils
aimaient les
ensem-
passion, et faisaient souvent
pendant lesquelles
ble de longues courses,
se livraient
ils
à mille folies.
Lorsque Géricault s'en
en Angleterre pour tâcher de
alla
vendre son chef-d'œuvre dont on n'avait pas France, Horace et
lui
au courant de ce
qu'ils faisaient,
maître qui venait de signer écrivait de Londres, le 6
Smalah, une longue «
j'ai
lettre
Vous ne douterez ressenti
du
vu
;
il
Naufrage de
côté.
Le
Méduse
la
mai 1824, au futur auteur de la dont voici un fragment
du
:
plaisir
que
succès de votre dernier ouvrage; mais à
vous
me semble que
artistes et amis;
le
chacun de son
pas, disait Géricault,
cependant je remettrai j'aurai
voulu en
n'en continuèrent pas moins à se tenir
faire c'est
mon compliment quand la
seule manière entre
vous n'avez que trop déjà de ces louan-
geurs insipides, qui répètent plus qu'ils ne peuvent et qui dégoûteraient
presque de
sentir,
faire bien
par leur inca-
mon
père qu'il ne
pacité à le découvrir.' « Je disais,
il
y a quelques jours, à
manquait qu'une chose à l'école anglaise 1.
de
;
à votre talent
et je
Horace Vernet, qui avait
les noter.
vous
le
:
c'était d'être
trempé
que
je sais
répète, parce
été très-frappé de ces paroles, a pris soin
HORACE VERNET.
ET que vous avez estimé
que vous avez vu
peu
le
73
d'eux.
L'Exposition qui vient de s'ouvrir m'a plus confirmé encore qu'ici seulement on connaît et l'effet.
Il
.
.
l'on sent la
couleur
ne faut point rougir de retourner à
l'école;
on ne peut arriver au beau dans paraisons
1
les arts
que par des com-
... »
Mais alors Horace
dentée de sa vie
âge auquel
le
en événements
homme
jeune
:
il
atteignait cet
qui sent venir à
un peu entraîner par
abandonne au hasard
les
arrivait à la période la plus acci-
Il
si fertile
se laisse
pas très-disposé à écouter
n'était
conseils de Géricault.
du public
ou
faveur
lui la
courant, et
le
soin de- diriger ses actions. Bien
le
habiles et bien forts sont ceux qui résistent à ce premier
enivrement de à
la
fita
commune
la
renommée
faiblesse
Horace
'ne
sut pas échapper
succès était pour
le
:
!
lui
,
et
pro-
il
sans réserve et sans scrupule de l'engouement que son 1
talent excitait partout !
Plusieurs raisons motivaient cette vogue. Outre incontestable de l'artiste,
l'homme qui séduisait le
il
avait la tenue
y
il
En
comme
un
devint, pendant
vrière de l'opposition.
politique de
ses juges. Lui qui aimait le pouvoir,
galon et tous les hochets dorés
les joujoux,
mérite
le
effet,
instant,
la cheville
malgré sa vanité,
une grande indépendance de caractère.
aiment
les enfants
C'est là
il
ou-
avait
un point
qui, selon nous, a été très-mal apprécié par ses biographes.
Les uns ont voulu les autres l'ont
faire
de
un
lui
héros,
un chef de
;
accusé de défaillances perpétuelles et d'im-
pardonnables faiblesses.
Il
ne méritait*
Ni cet excès d'honneur ni cette indignité
î.
parti
Archives de l'Art français,
t.
II
,
p. 189.
JOSEPH, CARLE et la
vérité
nous paraît être entre
Horace Yernet
était très-Français,
et
deux extrêmes.
les
encore plus Parisien
avait les qualités et les défauts de son origine.
il
pendant toute sa vie à qui voulait l'entendre publicain;
il
n'était
gouvernements qui
ment du voulu
siècle;
que frondeur.
croyait avoir,
il
a eu
foi
a dit
qu'il était ré-
dans tous
mais aussitôt qu'un pouvoir quelconque a
s'est
aux idées
actes contraires
redressé dans sa
qu'il
n'a jamais
fierté et
Nous en verrons de nombreux exemples dans
transigé.
les
commence-
se sont succédé depuis le
imposer des
lui
Il
Il
;
cours de sa vie. Le premier fut Restauration, son atelier devint volte. Voici quel fut le motif qui
le
plus éclatant,
un
Sous
le la
véritable foyer de ré-
provoqua, de sa part, ces
allures séditieuses.
En
4822, Horace Yernet avait représenté plusieurs épi-
sodes des guerres de l'Empire. Le roi
combien
savait
trône à peine relevé était encore peu solide, et
il
le
craignait
tout ce qui pouvait être de nature à ljébranler.
Horace envoya ses tableaux au Salon;
par ordre, ou du moins on
fit
entendre à
furent refusés
ils
l'artiste
que,
s'il
consentait à remplacer les cocardes tricolores de ses héros
par des cocardes blanches,
le
veto dont
il
était
l'objet
serait levé.
Horace
était trop
fin
pour
laisser se refermer cette porte
à propos devant lui.
Il
répondit
qu'il était peintre d'histoire, et refusa d'opérer le
change-
que
la
popularité ouvrait
si
ment qu'on demandait. Cette petite querelle
entendu,
fait et
fit
du
bruit.
Le public
prit,
bien
causej)Our Vernet, et lorsque celui-ci ouvrit
son exposition particulière, l'afïluence y fut plus grande
que dans les
les galeries
du Louvre, où
œuvres admises sous
le
l'on voyait
contrôle de l'autorité.
seulement
ET HORACE VERNET.
75
Horace sut admirablement exploiter l'occasion qui était offerte.
Il
invita les amateurs à venir voir dans son
une quarantaine de tableaux, dont MM. Jay
atejier
lui
de
et
Jouy, alors au premier rang des critiques d'art, publièrent
un catalogue
très-élogieux.
Rien n'avait été négligé pour
mise en scène. Un petit
la
Tombeau de Napoléon
tableau représentant le
touré d'un crêpe. Aussi était-ce devenu
nage quotidien pour tous les débris de
Le
un
local
attrait
dans lequel cette exposition
le
la
de plus. Le Parisien aime à pénétrer chez
Horace Vernet avait su toucher
public: aux vieux grognards,
duction de leurs glorieux
bourgeoises qui aiment le
et
semble chacun prenait qu'en s'adressant classes de curieux
la
est
tiste les
Au de
l'hos-
un
fait
avec une adresse mer-
il
avait montré la repro-
;
artistes et
il
il
avait
aux amateurs
Défense de la barrière de Cli-
deux
toiles
qui sont restées au
jamais signées. De cet en-
part qui lui revenait, et c'est ainsi
arriva d'un seul
bond
les différentes
à la popularité.
pénible à constater dans l'histoire des arts:
par
le
succès d'un autre.
Il
public de faire expier à un arsemblerait en vérité que l'ad-
miration est un sentiment qui répugne à
que
gens
d'armes; aux bonnes âmes
aux
qu'il ait la
,
simultanément à toutes
c'est l'habitude prise
et
les
épigrammes,
sentimentalisme militaire,
le
VAtelier du peintre,
nombre des meilleures
Il
faits
Soldat laboureur
sérieux étaient destinés
chy
donnait
de cet être multiple qu'on appelle
veilleuse, toutes les fibres
dédié
but d'un pèleri-
d'un instant qu'il a reçue.
pitalité
le
en-
grande armée.
était faite lui
célèbres, quitte à payer ensuite, par des
•
était
les supériorités
la
nature humaine
nous humilient.
début de sa carrière, Horace Vernet avait été accusé
faire
peindre ses tableaux par son père; quand on
vit
JOSEPH, CARLE
76
qu'il avait
un
changea ses
talent personnel
incontestable,
batteries, et ce fut Carie
que
signer des tableaux composés par son
En
la
l'on
fils.
823, Horace continua son opposition;
4
malveillance
soupçonna de
il
envoya au
Salon deux portraits de l'Empereur et la Dernière car-
La cour sut
touche.
profiter
de
la
précédente, et n'apporta
rience qu'elle avait faite l'année
plus aucune entrave à l'action
En
malencontreuse expé-
du
peintre.
raison de cette tolérance, et aussi,
faut l'avouer, à
il
cause de l'extrême mobilité de ses idées, Horace Yernet, à dater de cette époque, transigea tant soit peu avec
première de ses convictions politiques pour concilier
rocité
souvenirs du passé avec les intérêts du présent.
les
la fé-
ainsi qu'en
824
4
il
C'est,
exposa un Portrait du duc d'Angou-
lême. Le gouvernement sut du reste reconnaître sa bonne volonté le
:
on
le
même jour
nomma
officier
(15 janvier
4
825)
don de Saint-Michel. Charles
de ,
X
la
Légion d'honneur,
Carie était
fait
leur remit lui-même leurs
décorations, dans cette séance publique dont tableau de
En à
4
M. Heim a perpétué
le
un charmant
souvenir.
826, l'Athénée de Vaucluse, voulant rendre
l'une
des gloires de
la
et
grand-cor-
hommage
Provence, mit au concours un
éloge en vers de Joseph Vernet. Carie et Horace furent invités à se
rendre à Avignon pour cette solennité.
d'emblée membres de l'Athénée
en patois
et
;
soleil,
on
les
un astronome du pays
peine d'observer que
du
;
le
1
On
les reçut
chanta en français
se
octobre, jour de
donna
même
la fête, les
la
taches
pour s'associer sans doute à cette manifestation
patriotique, figuraient
un V très-bien
dessiné, d'une lon-
gueur de vingt-quatre mille huit cents lieues K Voilà une
1.
Etienne Parrocel, Annales de la peinture,
1
vol. in-8°, p. 295.
ET HORACE VERNET., initiale
comme peu de
une! Mais Vernet, C'est
la
également en
membre de
souverains pourraient s'en procurer
ne devait -il pas cet honneur à Joseph
le soleil
peintre de
le
1
lumière?
et
il
nommé MM. Heim
826 qu'Horace Vernet fut
l'Institut. Il avait
et Blondel,
77
eu pour concurrents
une
remplaçait Le Barbier,
célébrité de
l'Empire tombée dans l'oubli. Si
Horace recevait de bonne heure son bâton de maréchal,
du moins
il
l'avait
comte de Forbin,
bien gagné. «Pour les Vernet, disait le fauteuil
académique
est
le
un meuble de
famille. »
Loin de se ralentir, Horace travailla avec une nouvelle ardeur, et, pendant les deux années qui suivirent, duisit sans relâche.
Qu'il
nous
suffise
de
il
pro-
citer Jules II,
Philippe- Auguste avant la bataille de Bouvines, V Arrestation des princes... Il
fut
interrompu tout à coup dans ses travaux par un
événement important, qui devait marquer une nouvelle phase de sa vie à
Rome
:
on
le
chargea, vers
la fin
remplacer Pierre Guérin dans
l'École française.
de le
\
828, d'aller
directorat
de
JOSEPH, CARLE
78
VII
Rome. — Les Glorieuses. — Horace Vernet ambas— Ses rapports avec M. Guizot. •— F. Mendelssolm à la villa Médicis. — La cocarde tricolore. — Lettre au comte de For— Polémique avec M. Thiers. — Premier voyage d'Afrique. — Une expédition avec Jusuf. — Le cœur d'un garde national. — Avenir de l'Algérie. — Paul Delaroche. — Mariage de mademoi-
Un
provincial à
,
sadeur.
biti.
selle
semble au premier abord que pour Horace Vernet
II
séjour de
Rome
jeune encore, ne
refait
donc
se
dût
parvenu à
demander
,
et
bon
à
Italie. Il est allé
s'est
il
On me
la
France
contraire.
pouvait
recueillerait
lui-même au-devant de
chargé d'y répondre dans une
:
dira, écrit-il,
m'ètre d'une grande
il
l'on
général Atthalin, peu de temps après
lettre qu'il adressait au.
avoir quitté
quel fruit
droit
On
le
très-
un âge où
pas volontiers son éducation première.
cette question
le
peu d'avantages. Quoique
offrir
l'artiste était déjà
de son voyage en
«
Louise Vernet.
que
utilité,
le
mais
séjour de je
Rome
ne peut
vous dirai que je pense
L'habitude de vivre au milieu
de
chefs-
d'œuvre qui tous sont empreints du caractère de leur temps et
de
l'esprit
qui dominait alors, tout en vous montrant à
quel degré d'élévation peut aller l'imagination humaine, loin
de vous engager à
les imiter,
avec de belles formes et
la
vous
fait
voir
comment,
noblesse. des expressions,
il
est
ET HORACE VERNET.
79
possible de représenter les grandes actions de tous les
que toutes
ainsi
La colonne Trajane,
les passions.
Raphaël, Michel -Ange, tous parlent
époque la
ie
avec des caractères particuliers
même
comme
Forum,
langage de leur
mais tous disent
,
une forme
chose. Les arts donnent
le
temps
à la pensée,
de l'élévation au discours. Je ne renonce
le style
pourtant pas à retourner en France; mais auparavant je
veux tacher, autant
vant à Rome,
pouvoir, de prendre
bonne société; car, en
la
telle suffisance
mon
en
qu'il sera
pour ainsi dire l'usage de
arri-
qu'on puisse avoir, on ne peut
s'empêcher de se comparer à un provincial qui entre pour la
première est
11
fois
dans un salon.
»
impossible de rendre en meilleurs termes justice
aux maîtres,
et surtout
de mieux préciser
de leurs œuvres. Quoi qu'on en
tirer
le parti
ait dit,
écrivait ces lignes comprenait aussi bien soit les beautés, la noblesse
et la
qu'on doit
l'homme qui
que qui que ce
grandeur de
l'art
il
:
se
mettait au vrai point de vue, en dehors de toute convention classique. Il
y avait à peine un an qu'Horace Vernet était installé
à la villa Médicis, lorsqu'il se trouva dans
plus délicates. Aussitôt que
une situation des
nouvelle de
la
la
révolution
de 1830 parvint à Rome, notre ambassadeur se retira à Naples, et
le
directeur de l'Académie resta seul représentant
de
la
France auprès du saint-siége.
officiel
Les circonstances étaient graves. Le fanatisme politique n'a pas d'alliée plus dangereuse
réfugié dans la ville où
tait-il
leur
accueil.
pénétré dans
gendarmes. fois
de
la
D'autre part les
il
,
que
idées
États pontificaux
Il fallait
prudence
agir avec
et
de
la
aussi s'é-
sûr de trouver
était
les
la religion;
,
nouvelles
le
meil-
avaient
malgré douaniers et
un grand
tact,
montrer
à la
fermeté. Horace Vernet fut à
la
JOSEPH, CARLE
80
la situation.
On
en trouve
la
dépêche que M. Guizot
lui
adressait,
deux mois après
hauteur de
preuve dans cette les
journées de juillet.
«
Monsieur
«
le
Directeur,
j'ai
Paris
,
le
13 septembre 1830.
reçu votre
20 août dernier, par laquelle vous
me
lettre
en date du
faites part'
des me-
sures que vous avez prises dans l'intérêt de l'Académie de
France à Rome, à
la
nouvelle des événements qui ont dé-
terminé notre heureuse révolution. Je ne puis que donner
mon
approbation
la
plus complète à
la
prudence
et à la fer-
meté que vous avez montrées dans un moment où
du corps diplomatique
MM. titués
les
français
laissait
les
la retraite
nationaux
,
et
pensionnaires de l'Académie en particulier, des-
de toute protection. Je ne doute pas que l'attitude que
vous avez prise aussitôt vis-à-vis du gouvernement pontifical n'ait
contribué très-efficacement à
l'Académie et
les
Français résidant à
la tranquillité
Rome
sement joui jusqu'à ce jour. Je vous invite avec persévérance dans .cultiver avec soin les
la
môme
à
dont
ont heureu-
vous maintenir
ligne de conduite, et à
relations directes
que l'absence de
tout pouvoir diplomatique vous a obligé d'établir avec le
gouvernement
pontifical. J'ai lieu d'espérer
nement du
en renouvelant avec
lations
roi,
la
que
cour de
momentanément interrompues, vous
le
gouver-
Rome
les re-
délivrera bientôt
'du poids d'une responsabilité dont vous vous êtes montré si
digne
,
et
pour l'exercice de laquelle
je
vous
fais
en
mon
particulier les plus sincères remercîments. «
Agréez... «
Guizot.
))
Horace Vernet, que ses idées libérales avaient depuis
ET HORACE VERNET. longtemps mis en rapport avec
velle
de l'avènement du
battait des
le
impunément me
dans
à la
nou-
jour est venu où tous les
de
les faits glorieux
temps peuvent se peindre
les
était
mains
roi Louis-Philippe.
pour but de représenter
France dans tous
puis
duc d'Orléans,
le
il
Maintenant, écrivait-il, que
«
sujets qui ont la
Rome
de
son droit, lorsque
SI
et
,
que je
servir de toutes les couleurs de
ma
que ce
boîte, sans encourir le risque d'être nuisible à quoi
soit (chose à laquelle, malgré tout, j'ai fait peu attention),
me
je vais
livrer
suadé que dans
aux beaux souvenirs de
les arts rien
ma
jeunesse, per-
ne saurait être bon,
si le
prin-
cipe qui nous dirige n'est pas puisé dans notre goût do-
minant.
))
Toutes ses
sa satisfaction.
Il
de
Permettez -moi
ma
joie
de
elle n'a fait, à
me
nouvelle reine
la
madame
,
:
comtesse, de vous parler
la
sentir sur la tête la cocarde tricolore
bien dire, que changer de place; je
toujours cachée au fond de la
dans ce sens à l'une des
écrivait encore
dames d'honneur de «
de cette époque témoignent de
lettres datées
Saint-Jemmapes, à
la
mon cœur;
les jours
et qu'elle est belle et
assez vives pour
la
ma
brillante!
fête, à
son aise,
l'air à
que son auréole
peindre. la
Il
est pure!
comme un homme fini, et je
représenter sur
qui
prendre
faut cependant en la toile
tain tableau de la patrie en danger, auquel
Enfin, tout est
gardais
palette, je n'y trouve plus de couleurs
son parti, et essayer de
vaillais
la
de
Saint-Montmira.il, etc., j'en laissais
passer un bout; mais aujourd'hui elle prend
Lorsque je regarde
;
fait
un crime;
dans cer-
naguère je tracar, à
Rome!...
puis passer ouvertement de
la
place
du Palais-Royal au jardin, retrouver Camille Desmoulins, qui a bien eu aussi son mérite. J'espère qu'avant
la fin 5.
de
JOSEPH, CARLE
82
mes deux barbouillages seront
l'année roi
que
le
voudra bien ne pas changer leur destination pour
la
galerie
où déjà leur frère a reçu
,
à Paris, et
en était
l'hospitalité. S'il
autrement, je sens que je ne serais pas maître d'un mou-
vement de désespoir; mais duc d'Orléans
que
les injures.
me
D'ailleurs, je
rappeler à son souvenir.
Horace Vernet se Cependant,
naçante, qui, d'un
gereuse pour
ma
donc tout entier à
Rome une
y avait à
moment
à l'autre,
On
inquiétait les esprits.
un certain point responsables, de nos idées
lettres
anonymes, de
qu'il les recevait; il
plaindre, au
On
le
me-
Le mou-
ville.
lieu
dans
les États
nous en rendait jusqu'à
et jeta
mais
il
alla
nom de
était
contagion
le
rôle
trouver la
il
au feu ces papiers à mesure
remarqua
il
accablé de pamphlets,
de toute sorte. D'abord
libelles
comprit alors
cette affaire, et
nité.
fermentation
libérales.
ne s'en inquiéta pas,
cachetés;
l'espoir et à
et l'on craignait la
Chaque jour, Horace Vernet de
me
pouvait devenir dan-
vement révolutionnaire qui venait d'avoir
du pape
de quelques
»
livrait il
soit tapissé
façon, qui sauront bien
Français établis dans cette
les
le
charge de ne pas laisser
un coin de mur en Europe qui ne sujets nationaux traités à
la joie.
bon que
n'oubliera pas aussi facilement les peintres
il
:
le roi doit être aussi
le
qu'ils lui arrivaient dé-
que jouait
la
police dans
cardinal Albani pour se
France, d'une semblable importu-
voit, l'artiste était obligé de se plier aux cir-
constances, et de se changer parfois en diplomate.
On torat
n'a point encore oublié à
de Vernet. Lorsque
furent
les
Rome
les
années du direc-
préoccupations politiques se
un peu apaisées, on ne songea plus qu'au
Jamais
la villa
Vernet
et sa fille faisaient les
Médicis n'avait été
à pareille fête;
honneurs de
la
plaisir.
madame
maison. Attirés
ET HORACE VERNET. par
le
double charme du talent et de
la
83
beauté
colonie française pour entourer
qui il
la présidait.
s'en est trouvé
Parmi
tous les
l'homme justement
les hôtes
un qui
,
membres de
étrangers de distinction se joignaient aux
la
illustre
de ce salon exceptionnel
a pris soin de nous en conserver
physionomie vivante. Nous voulons parler de F. Men-
la
delssohn, ce doux génie que le Songe d'une nuit d'été et
commencent à rendre populaire
vingt autres chefs-d'œuvre
en France. Voici tous fin et
les
passages des lettres de cet Allemand
naïf qui se rapportent à notre sujet
«
«... J'étais
Rome
,
1 ,
20 décembre 1830.
au bal chez Torlonia, ne connaissant aucune
femme, ne dansant point par conséquent, Tout à coup «
on
me
frappe
sur l'épaule.
le conseiller
Vous admi-
d'État Thorwaldsen, qui se tenait dans la
A
porte et ne pouvait rassasier ses regards. fini,
a
«
rez aussi cette belle Anglaise? j'en suis ébahi. » C'était
M.
«
et regardant.
peine avait-il
que j'entends derrière moi un tourbillon de paroles:
Mais où est- elle donc,
femme m'a envoyé pour
la regarder,
per Bacco
ce petit, Français maigrichon, avec ses cheveux
mêlés et son ruban de Vernet,
il
la
Légion d'honneur,
n'y avait pas à en douter.
Il
Ma
Anglaise?
cette petite
2 !
»
gris fût
Que
em-
Horace
se mit à s'entretenir
tout à fait sérieusement et scientifiquement de cette beauté
avec Thorwaldsen. Je voir ces
1.
çais
me
sentais
deux vieux maîtres
3
heureux dans l'âme de devant cette jeune
Cette intéressante correspondance a été
par M. A. Rolland.
1
récemment
fille
traduite en fran-
vol. Collection tfetzel.
2.
Les mots soulignés sont en français ou en
3.
Horace Vernet avait
italien
alors à peine quarante ans
qui n'en avait que vingt, le regardait naturellement
;
dans
l'original.
mais Mendelssohn
comme un
,
vieillard.
J.OSEPH, C A RLE
84
eux admirant
dissertant, tandis
et
sans se douter de ce qu'on disait
que
l'enfant dansait,
d'elle... »
Rome,
«
le 17 janvier 1831.
Je veux, chère mère, te raconter, parce que tu y pren-
«
dras part, une grande,
cemment. Je suis
pour
allé avant-hier
j'ai
eue ré-
première
la
en
fois
comité chez Horace Vernet, et on m'a prié de jouer.
petit
Vernet m'avait
Or,
très-grande joie que
Juan
la
la
Cette
me
disposition
Don
quelques jours, que
y a
le
touchât véritablement
scène du duel et l'apparition du
surtout fin.
il
musique qui
seule
était la
dit,
commandeur
beaucoup en
plaisant
à
lui,
comme je voulais préluder au concerto de Weber, et que je me laissais aller sans m'en douter à improviser une fantaisie, je me dis que je lui ferais plaisir si je pouvais en venir à ces deux thèmes, et je les travaillai en
reusement pendant grand tant
plaisir,
ma
à
de suite de
je n'ai guère
musique,
et
me
un échange; moi
lui
un
fit
nous trouvâmes être
nous
dit à l'oreille
vigou-
effet
si
vu personne en prendre au-
vieilles connaissances.
cha de moi et «
que
quelques minutes. Cela
Un peu
« Il
:
il
s'appro-
que nous fassions
faut
aussi, j'improvise. »
après,
tout
Et
,
comme
j'étais
naturellement très-curieux de savoir ce qu'il voulait dire, il
me répondit que
enfant
ne put
il
:
c'était le
m'emmena dans
j'avais
du temps
prête,
il
ajouta-t-il,
l'autre
à perdre.
y
comme
secret; mais
garder un
donc,
voulait
un
faire
Il
est
comme un
quart d'heure.
pièce, et
avait
mon
il
une
Il
revint
me demanda
toile
portrait; je
tendue
et toute
garderais cela,
souvenir de cette soirée, j'en ferais un
paquet, et je vous l'enverrais ou je l'emporterais à choix.
Je dis
vous exprimer
si
naturellement la joie
très-fort oui, et je
que j'eus de voir
mon
ne puis
qu'il avait pris
ET HORACE VERNET. vraiment tant de goût
Au
et
de
mon
plaisir à
une soirée charmante. Quand
reste, ce fut
une seule fenêtre
d'en bas, on entendait de et le son produisait
un
la
était
je montai la
dans
colline, tout était si tranquille, si paisible; villa noire
improvisation.
la
grande
splendidement éclairée
musique, des accords au milieu de
effet ravissant
;
isolés,
nuit
la
sombre. Dans l'antichambre, deux jeunes peintres faisaient l'exercice;
tenant, et fort
1
au
piano;
,
un troisième
remplissait les fonctions de lieu-
commandait; dans
qui a eu ses
chœur, mais
camarades l'entouraient
cela allait très-mal.
qu'un de chanter avec eux; ne savait pas chanter «
:
«
comme
Bah
!
aussi, et
la sal ta relie
répondit-on,
Alors, je
m'en
vous vissiez Louise Vernet
ma
les
mains,
et se
le
grand tambourin,
mit à taper sur
un beau tableau. Sa mère
est la plus
aimable femme du
(celui qui peint si bien
chevaux) dansa ce soir- là une contredanse;
léger,
faisait
de
si
beaux entrechats
deux chevaux par
72 ans.
Il
un peu,
et, le soir,
il
des pas
et
qu'on ne pouvait regretter qu'une chose fatigue
:
il
Il est
était si
si
variés
à savoir qu'il ait
jour, peint et dessine
faut qu'il soit dans le monde... »
nom que nous avons vu figurer dans V Atelier mort très-jeune, après avoir donné plusieurs opéras-
Frère du peintre de ce
d'Horace Vernet.
l'in-
j'aurais voulu être peintre, cela aurait
foi!
monde. Le grand-père Carie Yernet
1.
est-ce que
nous releva de notre emploi, au moment où nous ne
strument;
les
»
qu
avec son père. Elle fut obligée de se
pouvions plus remuer
fait
objectait qu'il
celui-ci
reposer un instant; prenant aussitôt elle
chantaient en
et
nous nous amusâmes beaucoup. Plus tard, on
dansa, et j'aurais voulu que
danser
était
demandèrent à quel-
Ils
ça fait? cest toujours une voix de plus.
mis
mon ami Mont-
pièce à côté,
musique au Conservatoire,
prix de
le
la
comiques qui permettaient de
lui
prédire une brillante carrière.
JOSEPH, CARLE
86
Rome,
«
au
Les plus à plaindre
«...
1
toires
ce
,
sont
les
le 1er raars \ssi.
milieu de toutes ces his-
dames Vernet,
qui
trouvent
se
vraiment dans une situation fâcheuse. La haine de toute populace romaine est tournée assez singulièrement con-
la
tre les pensionnaires
eux tout seuls
On
révolution. pleines de
son atelier un
nant, à
pourraient facilement mener à bout une
ils
a envoyé à Vernet plusieurs lettres
menaces
voyant qu'il
de l'École française; on prétend qu'à
;
il
a
même
allait
ces
la villa,
chercher son
dames sont
grande inquiétude dans cette allemands,
ils
sont plus
non-seulement
moustaches
ils
trouvé dernièrement devant
armé,
Trasteverin
qui
fusil
;
a pris et
il
en
mainte-
règne une
Quant aux peintres
que
pitoyables
la fuite
comme
toutes seules,
famille...
ne puis dire
je
coupé leurs barbes,
ont tous
et royales,
anonymes
en avouant tout net qu'ils
:
favoris,
les laisse-
ront repousser, une fois le danger passé, mais encore ces
grands gaillards robustes ne rentrent nuit, se glissent
puis,
ils
traitent
Barbe-bleue), et
dans leurs maisons
chez
et s'y
eux qu'à
la
barricadent. Et
Horace Vernet de Bramarbas (matamore, cependant
c'est
un autre homme que ces
me
pauvres diables; ces histoires
font positivement
les
prendre en dégoût. «...
Tu me demandes des
Je crois pouvoir dire lui, et
que tout
le
que
monde
nouvelles d'Horace Vernet...
j'ai
appris
qu'il voit
fait,
et,
1
.
une figure qui
lui
même dit
les États
du pape.
lorsqu'il travaille.
quelque chose,il
pendant que nous autres nous
La révolution dans
chose de
peut-être pourrait en faire au-
tant. C'est la légèreté et l'aisance
Dès
quelque
discutons
la
pour
ET HORACE VERNET. savoir
on peut appeler cela beau,
si
blâmer,
y
il
longtemps
a
prendre cette fécondité
ne
qu'il a fini autre chose.
On ne
moment
maintenant, au
au
a
une
des
des
où
petite maison,
bien un air joué sur ;
c'est là
l'on
loin
:
Maubourg
,
Judith,
Le plus beau désordre y chasse, un requin, des
murs
V Inauguration
les
la
chasse
ou
de
tableaux achevés ou
de la cocarde tricolore
me
du
plaît pas
tout), dés
quelques chevaux le portrait
,
l'esquisse et les études de
du pape, des
têtes
de Mores, des
piffe-
des soldats pontificaux, votre humble serviteur, Caïn
et Abel,
dans
y
toujours un bruit quel-
commencés de Thorwaldsen, Eynard, Latour-
portraits
rari,
il
,
un cor de
(une composition bizarre qui ne
la
qui
verts,
des cris ou des querelles, ou
l'atelier.
fusils,
lapins morts; partout sur les faits.
ne
exhalent un parfum
fleurs,
fait
et
qui
travail
que rien
trésors-
une couple de lièvres tués à
moitié
du
trompette, ou bien des abois de
la
qu'est
règne partout. Des palettes,
à
fraîcheur
la
milieu des massifs du jardin Médicis
conque qui s'entend de
chien
peut pas ap-
d'arbres toujours
allées
dérange
Il
principe est excellent,
le
^ont
jamais,
Dans des
compense.
exquis,
mais
,
joyeuse qui en vient,
fatigue
se
à louer ou à
si" c'est
tout à fait nos mesures esthétiques.
la facilité
87
enfin l'atelier
l'atelier.
portraits
lui-même,
Dernièrement,
commandés
à faire
;
il
il
le
le
appendu
mains pleines de
un de ces
voit dans la rue
paysans de la Campagna, qui, pour
dans Rome, armés par
tout cela est
avait les
moment, chevauchent
gouvernement. Le costume sin-
gulier l'amuse; le lendemain, voilà
un tableau commencé
qui représente un de ces campagnards, par un mauvais
temps,
à cheval
pour envoyer une petit corps
dans
la
campagne,
balle à quelqu'un,
de troupe
saisissant
— dans
son
fusil
le lointain,
et la vaste plaine déserte.
un
Les menus
88
où perce toujours
détails des armes,
harnachement misérable,
vais cheval avec son
de tout cela
ensemble
et
mau-
le
malaise
le
flegme italien de ce gaillard barbu, cet
le
un
fait
paysan,
le
petit tableau
charmant;
quand on
et
voit
y travaille, quand on le voit se promener sur ce bout de toile, ajouter ici un petit ruisseau, avec quel plaisir
il
quelques soldats, puis un bouton à
là
en vert
manteau du bonhomme, vraiment on
lé
de l'envier. Aussi tout première séance, les
unes après
s'est
il
La comtesse
reste
de
lorsque
le
ne
saurait
ma
avait désiré
quand
affamé sur
la
non
comme
plus,
je
vous
vieux Carie parle de son père Joseph,
on se sent du respect pour ces gens-là... Rien
est tenté
voir; à
revenir d'étonnement. JLe
famille n'est pas mal
la
et
E***
comme un
peintre tomber dessus
le
le
préparation de ce tableau;
nourriture, elle ne pouvait en
l'ai dit,
vient pour
présenté au moins vingt personnes
les autres.
assister à la première elle vit
monde
le
doubler
et
la selle,
mieux
»
dans
entrer
faire
l'intimité
d'Horace Yernet que ces confidences du grand musicien, et le lecteur
Vers
4
excusera sans peine cette longue citation.
831,
beaux-arts et
s'éleva
il
le
un
conflit entre
directeur de l'École de
l'Académie des
Rome
relativement
aux envois annuels des pensionnaires. La discussion une tournure n'était
sa
pas
la
telle
nant
lettre
Vernet,
dont
la
patience
qualité dominante, crut nécessaire d'envoyer
au
démission
longue
qu'Horace
prit
ministre.
dans laquelle
la susceptibilité
de
il
M. Guizot disait
l'artiste,
il
lui
répondit
une
que, tout en compre-
ne pouvait accéder à
ses désirs.
Yernet ne demandait qu'à se laisser resta à
convaincre,
et
il
Rome.
Son enthousiasme
polir la politique nouvelle
de son pays
ET HORACE VERNET.
89
ne l'empêchait pas de s'insurger dès qu'il croyait qu'on s'écartait
du programme
promis par
libéral
son avènement au trône. Nous en trouvons
le roi, lors
une
lettre qu'il adressait
après
de jours
preuve dans
la
au comte de Forbin, en
l'ouverture
de
de
4
831,
Le
l'exposition.
peu
lecteur
n'aura pas grand'peine à découvrir dans cette longue causerie le point qu'il importait le plus à l'artiste tTéclaircir; le reste n'est là
qu'à titre d'accessoire, et ne sert qu'à en-
velopper, pour la déguiser autant
dominante «
En
que possible
,
sa pensée
:
recevant une lettre de moi, cher Directeur
allez dire
«Voilà un
:
homme comme
les autres,
1
vous
,
qui resterait
«toute sa vie sans écrire à ses amis, à moins qu'un intérêt «
personnel ne
l'y
pousse!
»
Eh bien!
ce n'est pas cela; c'est
pour vous plaindre de l'embarras qu'a dû vous donner
rangement de votre Salon; car des
fois
et je
,
vous
je
vu
ai
l'ar-
à l'œuvre bien
puis apprécier tous les tourments que don-
nent l'amour-propre et les prétentions de deux mille Raphaël s qui tous veulent avoir la meilleure place à l'Exposition. Je compatis, je
vous assure, de tout
mon cœur
à tout
ce que vous avez dû endurer. Le Dante, dans son Enfer, a oublié ce genre de tourment qui ne serait pas
le
moins
fort,
vous plains de toute
mon
âme: j'espère qu'aujourd'hui vous en êtes débarrassé,
et je
n'est-ce pas? Je vous le répète,
je*
respire pour vous. « Déjà,
les
journaux nous entretiennent de
l'effet
que
produit cette agglomération de toiles peintes qui encom-
brent
le
Louvre.
Comme
éloges et les critiques
1.
Le comte de Forbin
chargé, à ce
;
à l'ordinaire,
rien n'est
changé
ils
et
était directeur général des
titre, d'organiser les expositions.
distribuent les
ne peut changer
Musées royaux,
et
90
dans ce bas monde.
naux de
mieux
comme on nous
Si,
le fait
craindre
ici,
sont prohibées, je prendrai les jour-
les feuilles françaises
dernière exposition; je supprimerai, ou, pour
la
dire, j'habillerai la Religion
je mettrai à
en figure de
chaque héros une cocarde
Liberté,
la
tricolore, et je
trouverai avoir là tout ce qu'on aura dit.
A
me
propos de co-
carde, est-ce qu'on est aussi bête après les grandes jour-
nées que pendant
ma
Restauration? Personne ne
la
Bataille de Fontenoy
?
me
parle de
Si elle n'est pas exposée,
vous
avouerez qu'il y a pusillanimité et qu'on pourrait appliquer à ceux qui l'auraient répudiée tout ce qu'ils disaient eux-
mêmes
lorsqu'on refusait
Jemmapes,
que j'eusse à regretter sous il
m'aurait
du
fait plaisir
public.
que
rapport de
le
cet
Ce
etc.. la
n'est pas
gloriole;
ouvrage passât entre
les
mais
mains
Les avis particuliers sont, selon moi, plus ou
moins dictés par
les
passions
;
il
n'appartient qu'à
de donner de bonnes leçons. Les peintres sont
la
masse
comme
les
rois à cet
égard; l'opinion générale, voilà ce qu'il faut con-
sulter, et
on doit
Si
un ouvrage
laisser
est
de côté
les
systèmes de
mauvais, c'est justement celui
montrer, pour peu que vous vouliez échapper à
tel
ou
tel.
qu'il faut la
banalité
homme que l'amour-propre n'égare critiques même les plus acerbes. Je
des compliments. Tout
pas doit profiter des
crois pouvoir être juge dans ce cas. Personne plus
peut-être n'a été à
même
que moi
de s'endormir sur l'édredon de
la
louange; c'est pourquoi je m'en méfie plus qu'un autre. Je
que mon
ta-
bleau ne soit pas au Salon) n'aura pas été consulté; car
lui,
pense bien que
le roi
(toujours en supposant
qui blâmait ci-devant^ ne tombera pas aujourd'hui dans une si
lourde faute.
à quoi «
m'en
Au
surplus,
si
vous
tenir. D'ailleurs, je
me
répondez, je saurai
m'en inquiète peu.
Nous avons su par madame Burton que vous
aviez plu-
ET HORACE VERNET. sieursLeaux
9]
bons tableaux. Je voudrais bien
et
les voir,
mais
Rome! Plaignez- moi à votre tour.
je suis prisonnier dans
La vexation de ne point
aller à Paris jouir de'
vos succès
que ce désappointement
est d'autant plus poignante,
est sans
compensation. Les Français sont plus mal vus que jamais.
Pour
être
comme
toléré
dans
la société,
faudrait dire et faire
il
groupe de mécontents qui a
le
venir organiser trop
ma
que
je puisse
ici
fui la
France pour
un Coblentz apostolique. Vous connaissez
façon de penser et
rudesse de mes opinions pour
la
m'arranger d'un semblable ordre de choses.
Aussi ne vais-je pas dans tion, quelquefois
monde,
le
en quittant
cacher dans les forêts.
Il
mon
pour toute distrac-
et,
atelier, je
en existe une
(je
ne
cours vite sais si
me
vous
la
connaissez) entre Ardea et Nettuno; je n'ai jamais rien vu
de plus majestueux. Là, jamais
de
la
nature
;
les
qui n'appartient qu'à le
homme
n'a troublé l'ordre
arbres vivent et meurent avec une variété la liberté
dont
ils
jouissent. Si jamais
souvenir de Versailles pouvait vous suivre en un
tel lieu,
naturellement, on reporterait ses idées sur les humains, et quelles réflexions ne ferait-on pas! Si je m'en croyais, au
moment où
je
ma
nêtre, je laisserais pousser
m'en
irais,
ma
vous parle, je jetterais
comme
le
barbe
et
culotte par la fe-
mes cheveux,
et je
sauvage de l'Aveyron, vivre dans
le
creux d'un vieux chêne, tant je suis dégoûté de notre espèce.
Vous
allez
rire
en pensant que je vous écris toutes
ces belles phrases de l'enceinte il
ne reste plus rien, pas
jourd'hui
il
pleut, le
même
temps
du le
palais de Lucullus, dont
cuisinier; n'importe, au-
est triste, et je
veux
faire
j'ai
déjà
de
la
philosophie... « Je
bavardé fait
vois à la lassitude ;
le plaisir
de
ma main que
trop
que j'éprouve à causer avec vous m'a
oublier que depuis longtemps
ma
prose doit vous en-
JOSEPH, CARLE
92
Adieu
nuyer.
donc;
ami Granet. Je
dis
sont les nôtres, et
:
ami, car les amis de nos amis
notre
si,
dans ce monde, un véritable sen-
du retour de
timent attend
bonnes choses à notre
dites mille
la
part de celui qui
en est
m'aimer bien tendre-
collègue Granet doit
l'objet, notre
ment. affection de votre vieil
Veuillez croire à l'inviolable
«
ami
Horace Vernet.
«
Horace ne transigeait pas facilement avec
quand
croyait avoir
il
comme preuve
bon droit de son
le
le
»
pouvoir,
côté.
Voici,
que nous avançons, quel-
à l'appui de ce
ques détails sur un épisode de son séjour à Rome.
Lorsque Sigalon cuter
sa copie
fut
chargé par
du Jugement
gouvernement d'exé-
le
dernier,
il
s'engagea à ce
propos une sorte de polémique épistolaire entre teur de l'École et M.
direc-
Thiers, alors ministre des travaux
publics. Horace Vernet regardait cette inutile, à
le
commande comme
cause des difficultés insurmontables qu'elle pré-
dans une
sentait, et,
adressée au ministre,
lettre
il
lui avait
soumis ses observations, tout en cherchant à sauvegarder autant que possible les intérêts de Sigalon, son collègue et
son ami.
Il
avait eu déjà, paraît-il, maille à partir avec
M. Thiers, car voici
«
c
qu'il reçut
cher monsieur Vernet
êtes
un grand
Vous
lettre
réponse
Mon
teur, c'est la
la
artiste
et
:
point
un administra-
pourquoi je ne prends point en mauvaise part
que vous m'avez
renoncer à administrer,
si
écrite
le
3
août.
Il
faudrait
nous ne pouvions relever une
ET HORACE VERNET.
93
erreur ou une irrégularité, sans que nos subordonnés se
crussent
ou humiliés ou maltraités. D'ailleurs
sen-
les
timents que je vous porte devraient vous rassurer sur
le
sens d'une lettre tout administrative, et qui ne portait que
sur des détails peu importants. Je tiens donc vos plaintes
comme non «
avenues.
Maintenant je vais parler peinture. Je
suis fâché de
vous voir dans dépareilles dispositions à l'égard de
l'en-
treprise confiée à Sigalon. Je ne suis pas peintre, mais j'en sais assez
pour être certain que,
une copie
si
littérale n'est
pas possible, une traduction libre est parfaitement exécutable et serait très -utile. faites
raisonnements que
Les
sur une copie de Michel-Ange ont été
traductions d'Homère et de Virgile.
qu'on
particulièrement
Shakspeare
,
ni
été traduits, et lien, et
ne pouvait
pas du tout l'anglais et
le
;
les
Dante
le
cependant
moi qui
leur traduction, à
sur
entendu dire
traduire
Aristophane
surtout
faits
J'ai lu et
vous
mal
sais
,
ont
ils
l'ita-
un
plaisir
telle
quelle
grec, m'a fait
profond. Je veux donc absolument une
copie
du Jugement dernier. Je vous
infiniment obligé
serai
de ne pas communiquer votre sentiment à Sigalon; ce serait
pour son entreprise.
désastreux
lettre
qu'une
n'était
complicité
Si
cependant votre
amicale avec
lui
,
s'il
vous avait chargé de
me
sonder pour m'engager
dre sa liberté, je
lui
rendrais sur-le-champ, car je ne
fais travailler
la
aucun' artiste malgré
lui.
à lui
ren-
Je le rappellerais à
Paris; je lui payerais indemnité de voyage, de séjour,
temps perdu, etc.. plus hardi que
lui.
même, dites-moi
Rome un
et j'enverrais à
de
traducteur
Ainsi je vous en prie, dans son intérêt
la vérité
gouvernement papal;
la
plus vraie. J'ai
je vais faire intervenir
Maubourg. Je ne négligerai
ni soins
,
fait,
écrire au
M. de Latour-
ni argent,
pour aider
94
Sigalon
moi sur ce
sujet la réalité
même...
Adieu, je vous renouvelle l'assurance de
«
mon
de
sinon lui, un autre au moins. Ainsi, écrivez-
et;
,
Horace Yernet, piqué au
attendre
longtemps
réponse que
le
»
un peu
lettre
de sa valeur, ne
Nous ne
réplique.
la
A. Thiers.
par cette
vif
homme
administrative pour un
«
estime et
attachement, «
litige
mon
fragment qui touche à
trop...
laissa
citerons
pas
de sa
question d'art en
la
:
Quant
à
du Jugement dernier,
l'affaire
c'est autre
chose. Sur ce terrain, je ne suis plus un subordonné. 4°.
Il
n'y a jamais eu connivence entre moi et Sigalon
;
il
est plus
impatient que jamais de
2°.
Loin de
remplir sa mission.
comme
chercher à diminuer son ardeur
semble
le
craindre, je
les difficultés sans
l'ai
nombre que
chaque jour. Cependant
du gouvernement,
aidé de toutes
si,
la
autant que
il
émettre une opinion sur
dont
il
cour de
dont
l'inutilité
cette expression) de livrer à
il
en l'améliorant
j'estime
pour (si
les arts
j'ose
ainsi
(si
le
ma
talent
me
du
travail
servir de
la
telle
ta-
réputation de
qu'on doit
du Jugement dernier met
copiste dans l'obligation d'en rétablir
même
les intentions
y a certains prestiges
respecter. L'état de dégradation le
lui suscite
une nouvelle postérité un
bleau tout neuf, de compromettre Il
Rome
ne s'ensuit pas que je ne puisse
est chargé, et l'immoralité
son premier auteur.
forces à aplanir
par respect pour
confrère
personne,
mes
mets pas à découvert toute
je ne
pensée vis-à-vis d'un la
Votre Excellence
une grande
partie;
chose était possible), jamais
ne pourra donner qu'une idée fausse de ce chef-d'œuvre
à ceux qui ne l'auront pas vu, et ceux qui le connaîtront
95
retrouveront pas. Permettez-moi de
ne
le
le
ministre
,
une copie
une traduction
une erreur
est
le dire,
pas faisable
n'est
:
;
monsieur
comparer à
la
on n'interprète plus lors-
qu'on est obligé de créer. Vouloir remplacer dans un ou-
vrage de Michel-Ange ce que trois siècles en ont
des auteurs grecs
et
que des fragments. prévoyait
le
de refaire
antique l'auteur
,
les
devait
qu'il
bras de
Vénus
la
courir un jour, et
et
de
fois
s'il
refusait
de restaurer
de trente
qu'il avait dessinés plus
du Moïse
ne nous est parvenu
il
-Ange lui-même, comme
Michel
danger
dont
latins,
le
Torse
et c'est
;
chapelle des Médicis qui donnait
la
cette leçon de respect et de modestie «
effacé,
vouloir remplir dans leur propre langue les lacunes
c'est
!
Je pense qu'on peut profiter de la circonstance pour
faire
exécuter consciencieusement ce qui est resté intact*
dans
la
bel
chapelle entière.
ouvrage qui
naître,
recueillir
squelette, et
non
Il
faut sauver
ait illustré
le
grand
scrupuleusement le
les
du plus
restes
les
qui
l'a
vu
fragments
de
ce
siècle
peindre en couleur de chair pour
le
rajeunir. »
Ce débat, dans lequel Horace Vernet nous semble avoir apporté des arguments plus forts que ceux de son éloquent adversaire, se termina,
de
la
beaux
comme chacun
mauvaise copie que -arts.
Mais que nous
l'on
sait,
par l'exécution
peut voir
sommes
gny
!
Les rapports de grand
changés
et
homme
des
du temps où
loin
Joseph Yernet écrivait avec tant d'humilité
l'École
à
à
M. de Mari-
à ministre sont bien
changes en bien, depuis un
siècle.
La Révolution
a donné une partie de ses fruits.
Horace Vernet, avec son humeur inconstante ne pouvait pas rester longtemps à plusieurs de ses lettres intimes,
il
la
même
se plaint
et
nomade,
place.
Dans
de son inter-
JOSEPH,
96
nement grand
à
C A RLE
Rome, comme un prisonnier qui aspire après
air.
On commençait
justement, à cette époque,
conquête de l'Algérie, qui semble avoir été tention. cette
Il
terre
désirs;
et,
éprouvait un vif
sentiment de
promise de son
au mois de mars
4
833,
nistre de la marine, mettait à la
brick
la
Comète, sur lequel
le
son in-
curiosité
comte de Rigny, mi-
disposition de Vernet le
s'embarqua.
il
éprouver sa première excursion en Afrique, dans une adressée au général Atthalin
Me
«
de
voici
voyage du plus grand Maintenant que
«
bouger
rien
fit
lettre
cher
après un
général,
intérêt.
me
voici
sur une chaise
,
certain de
longtemps, je vais vous raconter mes
de
aventures, afin que, et vu,
lui
:
mon
retour,
pour
se rendit à ses
roi
lai-même rendu compte des impressions que
a
Il
Le
talent.
faite à
le
la
si le roi
vous soyez en état de
que
désirait savoir ce lui
donner
j'ai
fait
les explications
que
Sa Majesté pourrait vous demander. «
joli •
Je
me
suis
embarqué
6
bâtiment de seize canons,
mable homme, M. «
le
Nous fîmes
le
voile
mai sur
le
brick
commmandé
la
Comète,
par un fort ai-
lieutenant de vaisseau Allègre.
pour Bone. Le vent nous ayant man-
qué, et sachant qu'il y aurait quelque difficulté à nous pro-
curer de l'eau dans cette serait
bon d'en
le
,
faire à Cagïiari.
d'ancre dans ce port,
d'observer
ville
pays
le
et,
le
capitaine trouva qu'il
Nous donnâmes un pied
pendant deux jours, j'eus
plus curieux de
arrêté au quinzième siècle. Les
l'Italie
hommes,
;
il
les
l'occasion'
semble
s'être
costumes
,
les
mœurs, tout a un caractère unique, sans compter que la végétation et l'éclat du ciel annoncent déjà un nouveau climat. C'est, pour ainsi dire, l'antichambre de l'Afrique.
Dix-sept heures après nous être remis en route, nous étions
ET HORACE V E R NET. dans une autre partie du monde. C'était
91
que
là
tant
d'émo-
tions m'attendaient.
cinq heures du
« Il était
lorsque je mis pied à terre.
soir,
Mes yeux cherchaient avec
avidité ces Arabes, ces chevaux,
ces minarets, après lesquels je soupirais depuis longtemps.
Rien de tout
cela.
Au
milieu de baraques en décombres, je
qu'enseignes de marchands de
ne voyais de tous côtés
vin à droite, chandelles à sept sous «
Au Rendez-vous
Marine;
des Bourguignons,
—
Grand café de
la
de gamins; enfin, tout ce que nous voyons aux
soldats,
environs de Paris. J'avoue que « Il
gauche;
remplis de femmes, de
partout des cabarets
»
la livre à
me
ne
fut
pas
difficile
j'ai été fort
de savoir
le colonel- X***. Il était sorti.
mes amis,
nuit, n'osant
me
désappointé.
demeure d'un de
la
Je l'attendis jusqu'à
risquer dans les rues, au milieu des soldats
delà légion étrangère, qui regardaient ma face blême
mon
petit habit
Après
me
dit
«
:
me faire croire qu'ils dans ma poche. Bref, X***
première effusion d'une reconnaissance,
Vous arrivez une
cette nuit
cheval et
la
un
à
temps pour venir avec nous
petite excursion
de
»
;
f....,
en guêtres, en
j'étais
j'accepte, et, à trois heures la
nuit la plus noire.
devait être pour moi le lever de le
faire
je vous donnerai un bon
Sans considérer que
nous voila sortis par
sure que
il
sabre, et je vous ferai voir quelque chose qui
vous amusera. petit habit
et
bourgeois d'un œil à
désiraient savoir ce que j'avais rentra.
la
crépuscule
la toile
me permettait
du matin,
Le lever du
au
théâtre.
de distinguer
soleil
A me-
les objets
qui m'entouraient, j'apercevais de grands fantômes blancs passant
comme
des ombres
;
chevaux qui marchaient sur montrer que
j'étais
on n'entendait
pas
les
me
au milieu de
cent Turcs, armés de longs
même
l'herbe. Enfin, le jour vint
fusils,
trois cents
de
Arabes
et
de
pistolets, etc., et suivi
JOSEPH CARLE
98
,
de deux escadrons du 3 e chasseurs. Non, jamais
éprouvé de semblable. Les montagnes de
une
belle rivière
de l'autre;
et quels éclaireurs!
la
nouvelles et
au centre, une tribu marchant en
et,
A la vue
pittoresques,
j'ai
de tant de choses
cru que
ma
tête éclate-
Je n'étais point au bout.
rait. «
si
d'un côté;
l'Atlas,
plaine couverte d'éclaireurs,
groupe, portant tous ses bagages. si
je n'ai rien
Après huit heures de marche,
plat et les herbes
moins hautes
,
le
pays étant devenu plus
coup l'horizon
à"
tout
se
couvre d'une volée d'Arabes, faisant feu de toutes leurs armes. Chacun se prépare à
mon cœur
jusqu'à
les recevoir;
de garde national qui bouillait d'une ardeur guerrière!... disgrâce! toutes ces démonstrations n'étaient qu'une nière de se dire bonjour,
de
lait et
change, rière
et, loin
de verser du sang,
c'était
de miel que nous devions nous abreuver. La scène et
nous voilà dans
le pastoral
ces guerriers qui nous avaient voici
les oreilles,
si
bien
dresser
fait
et
de
nous remercier d'avoir escorté leurs
camarades. C'était tout à fit
jusqu'au cou. Der-
une troupe de femmes, d'enfants
vieillards qui viennent
liqueuse
ma-
fait
touchant, et
mon humeur
bel-
bientôt place à des sentiments tout bibliques.
Ce sabre, qui
brillait
un
instant auparavant dans
ma
main, se transforma en un bâton de pasteur, sous d'une cravache. C'était à qui s'en mêlerait
:
la
terrible
la
forme
barbe du
farouche sapeur, imbibée de lait, luttait par sa blancheur
avec celles des patriarches qui nous congratulaient. Chateaubriand! où étais-tu pour faire du pathos? Néanmoins, rien n'était plus beau et plus
imposant que
la
simplicité
froide et bienveillante qui présidait à cette cérémonie. Rien
ne peut mieux donner une idée de nos pères dans
de Chanaan. C'était Jacob d'histoire,
comme
et toute la
j'en connais,
les plaines
Genèse. Si un peintre
pouvait voir cela! bu
si
99
beau tableau on pour-
j'avais le talent d'en tirer parti, quel rait faire!
que
je
Mais, pour en revenir à
Depuis
le
bout du nez. Je
qui ne
,
faut
mon homme
plus que de voir
Arabes vinrent nous
les
au-dessus de
siffler leurs balles
pas seulement
lui laissait
prenais pour un interprète
le
moment où
Mais, au
lade.
il
jour, je marchais près d'un cavalier
enveloppé d'un burnous le
description,
vous parle d'un certain personnage qui n'est point
indifférent.
voir
ma
la tête
mafaire
rien ne m'étonna
,
se débarrasser de son
man-
teau, sauter légèrement sur un grand cheval blanc équipé
magnifiquement,
—
les
bras nus jusqu'aux épaules, cou-
— des yeux étince-
vert d'or, d'argent et d'armes brillantes, lants,
un beau
encore fraîche
en tête de
la
:
jeune visage, sillonné d'une blessure
et
en un instant, se trouva
c'était Jusuf, qui,
colonne, escorté de huit ou dix Turcs, aux
moustaches ébouriffées, aux bras nerveux poils.
Cette fois, je crus
qu'une crainte,
rêver
c'était celle
de
Je ne courais
réveiller.
d'autre danger que celui de devenir fou. Dès ce
mon
je n'ai plus quitté
héros.
de
debout; je n'avais
tout
me
et couverts
Si j'avais
vertu aurait couru de grands risques. Aussi
moment,
femme, ma
été
l'ai-je
dessiné
par devant, par derrière, par-dessus, par- dessous, enfin de toutes les manières. Sur-le-champ, nous nous
venu; jusqu'à voilà
amis à
auxquels
une et
mon
la vie
,
départ je ne
nature n'a rien refusé
la
belle tête, tantôt
rageuse
;
brave
:
plus quitté, et nous
l'ai
à la mort. C'est
un de ces
bien
fait,
comme
la
bravoure
Avec
fait.
comme vous
est jalousé
pensez
Mais, n'importe! un d'aller loin.
êtres doués
sans être grand
;
d'une expression douce, tantôt animée
gracieux dans tout ce qu'il le
sommes con-
,
il
homme comme
Ses chefs l'estiment,
même,
de bien des gens.
lui
et le
et adroit et
tous ces avantages,
ne peut manquer
sage général d'Uzer
JOSEPH, CARLE
100
en
fait le
A
plus grand cas.
pas l'honneur de
le
propos de ce dernier, je n'avais
connaître, et je m'estime heureux d'a-
même de l'apprécier. affaire comme militaire,
voir été à
Non-seulement
de son
mais encore
du pays. Déjà,
ses soins à l'administration
indigènes ont dans sa justice
les
lui
il
la
s'occupe
il
donne tous
confiance que
a soumis plus de vingt
tribus, dont les otages forment presque entièrement l'es-
cadron de Jusuf. La partie des possessions françaises que ce général gouverne est celle qui, évidemment, est
la
mieux
disposée à se soumettre à l'influence européenne. Le pays est
admirable sous tous
être dirai
une idée de que
le foin
la
les rapports.
Vous vous
force de la végétation
,
ferez peut-
quand
a plus de six pieds de haut, et qu'un
je
vous
homme
à cheval y est entièrement caché. Les environs d'Alger, sans avoir peut-être autant d'avantages, et sans présenter les
mêmes
ressources, en possèdent cependant quelques autres
qui ont aussi leur mérite.
Somme
de trouver une colonie qui
offre plus
rité, et,
totale,
il
est impossible
de chances de prospé-
sans vouloir pénétrer dans les secrets des gouver-
nements, je crois que, tirer parti
,
si
on voulait ou
si
on pouvait en
mine d'or pour
l'Afrique serait une
la
France.
Vous pensez que je dis tout cela sous l'influence d'un pre-
comme
mier aperçu. J'en juge l'esprit
d'un homme, sur
nitive
voici ce qui
les
et
,
la
le
docteur Gall
le ferait
forme de son crâne. En
m'a frappé
:
le
pays est beau
de
défi-
et riche
;
indigènes ne demandent pas mieux que de nous aimer
de trafiquer avec nous; mais
des relations amicales
pour
la
,
tant
il
sera impossible d'établir
que l'armée sera composée
plus grande partie, de l'écume des nations étran-
gères, des compagnies de discipline de notre armée, qui
frappent, qui volent, qui violent et qui sabrent journellement les habitants.
Il
faudrait
que
les chefs
de l'administration
ET HORACE VERNET. civile n'eussent pas à frémir à l'idée
101
de regarder l'épaule
de leurs employés subalternes (propre terme de l'intendant
La conquête une
civil).
cœurs à subjuguer,
y a les
pas avec du vinaigre.
du
sorti
force des armes,
la
mouches ne
et les
Pardon,
pour un instant
si
domaine de
il
prennent
se
je suis
cercle dans lequel je roule depuis trente ans
rentre bien vite dans le
;
je
peinture.
la
Je suis resté dix jours à Alger, et ne suis pas allé plus
«
loin. J'ai
taine
est la prise
d'Armandy
de
main
Arabes
trois
la
et Jusuf; le
lieutenant-colonel
le
me conviennent à
trouvé trois sujets qui
Le premier
où
par
fois faite
et
du
Kasbah de Bone par
le capi-
combat du
24 avril,
second,
le
3 e chasseurs tua
où Jusuf reçut une
balle
l'artillerie, l'infanterie, la cavalerie, tout fut
du
disposition
Le troisième
serait le
la tête;
engagé,
et la
les
ordres
réuni tous les documents néces-
sur-le-champ à en
ferai passer
sa propre
dans
combat près d'Alger, sous
J'ai
pour représenter l'une de ces
me mettre
de
terrain prête excessivement au pittoresque.
du duc de Rovigo. saires
merveille.
faire
trois actions. Je vais
des esquisses, que je vous
dans l'espérance que vous
mettrez sous les
les
En
yeux de Sa Majesté, afin qu'elle veuille bien choisir.
attendant, je vais piocher à Anvers. J'aurais besoin d'un plan
du siège pour placer exactement dans «
le
les batteries
qui se trouvent
fond. J'espère qu'il vous sera facile de
me
Quant à ce qui me regarde particulièrement, depuis
quelque temps mes affections ont été des pertes douloureuses dans
ma femme,
il
profondément
y en a une qui :
c'est
celle
ma
fort
éprouvées. Après
famille et dans celle de
se prépare et qui m'affligera
bon
de ce
,
de cet excellent
M. Guérin. Sa mort prochaine paraît inévitable, ne se hâte pas de tenir de
l'envoyer.
lui
donner
la
la
promesse
croix d'officier,
il
qu'il
n'est
et si le roi
vous avait
faite
que trop certain 6.
102
r
un tombeau. Ce
qu'elle sera placée sur
serait le seul des-
cinq peintres qui, pendant un beau temps, ont illustré les arts en
France, qui aurait terminé sa carrière sans avoir
obtenu cette marque de distinction.
demandée pour
ses amis seuls l'ont
Dès demain
«
la
reprends
je
,
bonder sur une
est vrai
de dire que
lui.
la palette. J'ai
me
de
toile, et
Il
besoin de dé-
rendre compte,
brosse à
la
main, de quelques-unes de mes idées. Je termine
«
ici la
longue narration d'une petite course
qui ne peut avoir d'intérêt que pour moi. Cet intérêt a été si vif,
Quoi
comme
que j'ai agi qu'il
en
soit, je
reconnaissant pour
me
Sa Majesté, en
la
«
j'aie
mettant à
Adieu,
mon
cher général
retour à
Rome, Horace
il
et
il
avait
restait
du
reste l'emploi
le
soir,
agréable des sociétés. Sa
tracé.
Le jour,
visitait l'atelier
des pen-
de sa vie tout
fille
l'œuvre
effet à
directorat.
dans son salon
trouvait
il
»
put ainsi passer, sans ennui,
devant son chevalet ou
sionnaires, et,
H. Vernet.
remit en
se
deux dernières années de son
Il
partager.
jamais entrepris.
avec une nouvelle ardeur, les
le
môme d'exécuter un admirable dans ma pensée comme le plus
«
De
devait
faveur qu'a bien voulu m'accorder
voyage, qui restera gravé
beau que
monde
tout le
si
n'en resterai pas moins profondément
faisait
de
la
la
musique,
plus
et les
heures s'écoulaient, délicieuses et rapides, dans une intelligente causerie
,
de temps en temps interrompue par
harmonieux accords des Mozart C'est à
et
Rome que mademoiselle
un mari digne de son choix
,
en
la
les
des Cimarosa.
Louise Yernet rencontra
personne de Paul Dela-
roche. Héritière de tant de gloire, elle ne pouvait, sous
ET HORACE VERNET.
nom que
peine de mésalliance, échanger son
d'un grand
103
contre celui
artiste.
Cette union, dont le terme devait être, hélas!
commença joyeusement. Dans une
lettre
annoncer cette heureuse nouvelle,
Biett',
traçait le
il
prompt,
qu'Horace Yernet
décembre 1834, au docteur
écrivait, le 28
si
pour
lui
mot bonheur
en gros caractères, voulant, disait-il, que son ami fût tout
de suite mis au courant de ce qui se passait ans de peinture dans
la famille
et
:
Deux cents
«
un croisement de races
qui relèvera l'espèce, voilà, ajoutait-il, du passé et de venir est
:
le
premier pas trop mauvais
permis de
le croire. Je
en cœur je suis heureux ;
chant sur tage
le tout, je
ma joie...
Le mariage
1
et
et l'autre
puis dire
:
j'ai
mon ami
bouche
Biett qui par-
»
fut célébré
à
Rome,
le
l'école entre les
28 janvier la
mains de M. Ingres, qui avait
à lui succéder.
1.
la
il
heureux, puisque, bro-
fois
Quelques jours après, Horace Vernet remettait de
superbe,
puis mourir à présent
deux
l'a-
Catalogue des autographes de M. de Trémont.
4
835.
direction
été appelé
JOSEPH, CARLE
104
VIII
— Premier voyage en Russie. — Singularités de Carie. — Sa mort. — Départ d'Horace pour l'Algérie. — Rabadabla. — Le bagne maison d'éducation.— Le César du couscoussou. — Portraits et croquis. — Histoires touchantes d'un — De Bone à Constantine. — Retour pinson et d'une petite
Horace se brouille avec Louis-Philippe.
,
fille.
en France.
L'année qui suivit sa rentrée à Paris, Horace Vernet se
remarquer au Salon par une exposition
fit
envoyé simultanément
brillante
:
il
avait
quatre batailles de Fontenoy,
les
Wagram,
ftlêna, de Friedlcmd et de
qui sont aujourd'hui
au Musée de Versailles. Mais
ne pouvait pas rester bien longtemps de suite à
il
la
même
le
monde;
place;
il
ne désirait qu'un prétexte pour courir
gouvernement
le
se chargea de lui fournir
une
excellente raison.
On un
lui avait
commandé
le
Siège de Valenciennes Dans .
entretien qu'il eut avec Louis-Philippe, au sujet de ce
tableau, le roi lui expliqua ses vues fût représenté
de
l'action.
C'est
une
la
Horace Vernet
s'étaient pas «
en tête de
:il
voulait
que Louis XIV
colonne d'assaut fit
remarquer que
au plus
,
fort
les choses
ne
précisément passées de cette façon héroïque.
tradition de famille, objecta Louis-Philippe.
Soit, répondit Vernet,
dit positivement
mais
c'est
une légende,
que Louis XIV se
—
et l'histoire
tenait à plusieurs lieues
ET HORACE VERNET. de
la
brèche.
Un de
»
vent toujours
On ne me paye
pas pour mentir,
de jours après,
Russie. Pour
avouer 11
fut
il
le roi.
répliqua Vernet, et
»
se mettait
un homme qui
qu'il choisissait
du
conversation, et dit au peintre
la
qui vous paye, faites ce que veut
« C'est le roi
la
ces personnages zélés qui se trou-
point pour flagorner les puissants
là à
jour intervint dans
retira. Peu'
105
en route
admirablement reçu par
se
il
gagnait
et
avait soif de liberté,
une singulière
:
—
il
faut
direction.
qui ne demandait
le tzar,
pas mieux que d'acclimater dans son empire une de nos cé-
mais
lébrités les plus incontestables;
sans l'humeur vagabonde de visité
Horace, après avoir
l'artiste.
songea à retourner en France, où
revint
souverain comptait
en quelques semaines Saint-Pétersbourg et Moscou,
cœur
chers à son faibli
le
:
il
par l'âge, et sa
donc
le
le
rappelaient des intérêts
avait laissé à Paris son vieux père affille
sur
le
point de devenir mère.
plus vite possible, et
à une mort et à une naissance
Il
arriva pour assister
il
i ,
Carie venait d'entrer dans sa soixante-dix-huitième année. Depuis longtemps déjà, quoique vert encore,
il
presque complètement renoncé à l'exercice de son était,
de sa nature, très-paresseux,
moins possible. Toute sa vie
amour pour son
fils,
amour
et
s'était
ne
travaillait
avait art. Il
que
le
concentrée dans son
inquiet, exigeant, jaloux
celui d'une maîtresse. Horace, et ce n'est point là
comme
un de
ses
moindres mérites, répondit toujours à cette affection par
1.
Horace Vernet ne revint pas cependant sans avoir
L'empereur Nicolas
le pria
utilisé
son voyage.
de peindre à son intention une Revue de la
garde impériale par Napoléon Ier , dans la cour des Tuileries. Ce tableau était destiné à rester
sa
commande
:
«
dans son cabinet. Le tzar dit à
Je veux avoir toujours sous
parce qu'elle nous a battus.
•
»
les
l'artiste
yeux
la
en
lui faisant
garde impériale,
JOSEPH, CARLE
10G
une
de sa carrière
fin
la
au moins égale. Et pourtant, Carie
affection
chaient presque à vient
germe de son
Rome
à son mari elle
c'est
,
«
:
on s'en sou-
,
sans doute légué
lui avait
folle, et
effroyable
mère
Sa
(1833),
le
Jamais Horace ne se
maladie.
par les plus dures épreuves. Dans une
laissa rebuter
datée de
des manies incroyables qui tou-
démence.
la
morte
était
,
,
avait, sur
madame Vernet rend
lettre
ainsi justice
Laisser Horace seul avec son
père
,
écrit-
absolument abandonner une victime à son op-
presseur. Les exigences de ce pauvre vieillard sont inouïes;
eh bien, toute
il
y faut céder. Horace
se
soumet avec une piété
filiale. »
Cette
ne se démentit pas une seule
piété
fois
jusqu'au
dernier moment, malgré les rudes épreuves qu'elle eut à subir.
Quelques exemples en pourront
Vernet
allait
tous les dimanches à
sortant de Saint-Roch, fidèles, disant qui
chercher son père dans
de passer ses soirées,
et
jour, en
prétendant que sa famille Il
le
est difficile d'expliquer
Horace
aberration. Vers minuit,
pareille
d'aller
était et
Un
messe.
la
Carie
demander l'aumône aux
se mit à
dans un dénûment absolu.
laissait
une
il
il
faire juger.
le café
où
de payer pour
il
était obligé
avait l'habitude
lui,
Carie répétant
sans cesse qu'il n'avait pas d'argent et qu'on ne voulait pas lui
en donner.
Il
son
faut rendre justice à chacun. fils,
En
recevant les soins de
Carie ne faisait que recueillir les fruijs de
dresse dont
il
lui
avait donné mainte preuve,
esprit était resté sain. Mais
que de gens, à
tant la
la ten-
que son
place d'Ho-
race, se seraient laissé entraîner par les séductions de tout
genre qui viennent journellement
âge
et
assaillir
de sa réputation! Horace ne
sa tâche.
faillit
un homme de son pas une minute à
107
A
son retour de Russie,
valide; et rien,
il
trouva son père encore très-
ce n'est toutefois ses soixante-dix-huit
si
ans, ne pouvait faire prévoir sa fin rut presque subitement, le
Horace ment,
fut
parrain; et
en proie à une
si
son
affliction profonde.
un
Heureuse-
petit -fils dont
cœur ne put
du moins
consolé,
être
était le
il
l'amour de cet enfant remplit dans son existence
que
mort venait d'y
la
Il
sa
de
santé
la
place
la
laisser vide.
trouva une autre distraction puissante dans
qui fut toujours
mou-
prochaine. Carie
M novembre 1836.
venait de lui naître
il
si
son esprit et
le travail,
de
joie
la
vie.
La création du Musée de
Versailles et la conquête de l'Al-
nouveaux
gérie lui ouvraient des horizons d'explorer. Aussi,
peu de temps après
tine, voulut-il aller voir
chose à faire
pour un
par lui-même
qu'il avait hâte
la prise
s'il
peintre, après ce
de Gonstan-
y avait
là
quelque
que notre armée
avait fait. Il
pris soin
a
voyage. Voici cevait
de
noter
les lettres
impressions
ses
durant
que sa femme re-
intéressantes
:
«
« J'arrive
Toulon, 31 octobre 1837.
à l'instant, chère amie. J'ai déjà vu
le
préfet
maritime, qui n'aura de bateau que pour dimanche. reste, j'ai fait très-bon «
son
Tout
voyage
et je
me
porte à merveille.
est fini à Gonstantine; j'irai là
Gloud. Quelle vexation! Ce qui
me
Du
fait
comme
à Saint-
prendre cette nou-
velle avec résignation, c'est qu'elle te tirera d'inquiétude;
car ce ne sera qu'une promenade, crains de
manquer la
la
poste. Je termine
canne à
donc ce
la
main. Je
petit
mot en
JOSEPH, CAR LE
108
vous disant à tous que je vous aime de tout
rabadabla
fait
1
mon cœur qui
en pensant à vous. Je serai bien long-
temps sans avoir de vos nouvelles, mais qu'y faire? est tiré,
vin
faut le boire.
il
Adieu. Avant de m'embarquer, je vous écrirai encore.
«
«
ville,
ce serait une distraction.
tion, j'éprouverais
ser le temps!
une
Tu me
diras
doute, je les ai déjà vus
A
;
choléra existait
moindre indisposi-
ça m'aiderait à pas-
N'as-tu pas les galériens? Sans
:
ce plaisir est
;
si le
la
émotion
petite
»
Toulon, jeudi 2 novembre.
Trois jours à passer ici! Encore
((
en
le
vif, si vif
même que je
craindrais d'y prendre goût et de rester au bagne. Je ne dis
pas que
Rabadabla
si
ne prisse ce parti; mais
je
m'y
voulait venir
commencer son éducation,
encore bien jeune pour
est
il
tenir compagnie,
et je craindrais
que ce ne
temps perdu, ou une fatigue préjudiciable à sa santé. leurs,
pour prendre un
mille.
Nous reviendrons
parti
je serai à bord
comme
Cocodrille, fameux bateau qui fend l'eau fend tie
l'air.
Cinquante heures,
et
me
Il
me
toutes celles lettes,
il
que
j'ai laissées à
charme
boutiques de
la
Paris; oui,
je
me
rue Vivienne et
me
:
pigeon
une autre parvous reverrai
me
faire oublier
mes chères pou-
Trouverai-je dans
le
gazouillement de Raba-
console en pensant que dans peu
de temps je retrouverai tout cela qu'il avait
dis
le
du
de la société parisienne, et les brillantes
dabla? Non, non. Je
Surnom
je
pour
faut toutes vos grâces
y a des instants où
Je désert le
1.
voilà dans
du monde! Ah! mes chers Bédouins,
donc!
D'ail-
plus tard sur ce sujet.
Dimanche, à dix heures du matin,
«
du
faut nous consulter en fa-
il
,
fût
donné à son
et
petit-fils
que
,
j'aurai
dans
Horace Delaroche.
la tête
ET HORACE VERNE T.
109
En décrivant
quantité de nouvelles choses.
du moins j'oublie mon désappointement de
ses,
mes
bêli-
rester
qua-
toutes
me ronger. Floueur de M. de Bondy! comme un dératé, le tout pour perdre mon temps dans une auberge. Je dis perdre mon temps, ce Toulon, à
tre jours à
me
qui
fait
pas
n'est
courir
le
mot, car à moi tout seul je fais des discours,
de Jusuf
je deviens l'avocat
:
je
pour gouverner l'Afrique, que africain, le César
démontre le fils
du couscoussou
du
effet.
comme dans
merle placé sous
ma
de l'enrhumer; mais
cher
mieux, malgré
l'air
mon
ce n'est un gredin
si
fenêtre et qui crie
Je lui ai déjà vidé l'eau de
ces
que mon
seul, je crains
N'importe, je passe
temps, n'ayant pas autre chose à tuer, .de
nous don-
est seul apte à
je suis tout
influence ne fasse pas grand
lui
Numide
désert, le
ner une véritable prépondérance. Mais,
moments d'éloquence
que
qu'il n'y a
:
«
Vive
le roi
!
»
ma
cuvette sur la tête pour tâ-
le
misérable n'en chante que
piteux que
lui
a procuré
mon
ablu-
tion. «
Ne
va pas croire, chère amie, que je t'écris
ment parce que car
ma porte
est assaillie par
de mieux à
la
etc., le
tout
la
grandeur de
mon
me
me
destinent. Alors, on
pour obtenir de
ventre, et
Je vous
embrasse tous
et
«
fois à
Bone,
Je rouvre
ma
et j'espère lettre,
la
ils
sont
nourriture
laisse tranquille.
de bien bon cœur en atten-
dant de vos nouvelles, car vous aurez
deux
tout,
de ma-
d'officiers
convaincus qu'il ne pourrait contenir toute
«
du
faveur de manger. Je leur montre, pour toute ex-
cuse de mes refus,
qu'ils
longue-
si
faire; pas
une quantité
de receveurs généraux,
rine,
moi
je n'ai rien
le
temps de m'écrire
que vous n'y manquerez pas.
chère amie, pour
te dire
que
je
pars demain matin à bord d'un vaisseau de quatre-vingts canons.
Tu juges de ma
joie d'être à
même
de
faire
une
JOSEPH, CARLE
110
Ma bonne
aussi belle navigation.
ramènera bientôt près de vous tous. «
A
fait partir
me
»
bord du Diadème
Ton bien embêté mari, chère amie,
«
me
étoile qui
,
9 novembre.
de son ma-
t'écrit
gnifique palais de bois, victime involontaire des vicissitudes
des voyages par eau. Ce perfide élément nous tient depuis six jours
dans toutes
«
beau temps
/... »
Infâme Grétry
les alternatives.
tes chansons: ((Mais enfin,
Nous
le
après Vorage,
avec
!
voit venir le
tenons ce beau temps, mais
il
nous
depuis trois jours, nous ne bougeons pas.
tient aussi, car,
Voici notre histoire
:
nous mettons sous voile samedi der-
au petit jour, vent arrière, grand
nier,
On
en trente-six
frais;
heures nous arrivons en vue de Bone; un brouillard nous
prend;
la
mer devient
affreuse
impossible de débarquer;
:
un coup de vent nous emporte en quelques heures quante lieues,
et
nous
de l'autre côté de
laisse là,
gne, en face de Cagliari, où nous
sommes pour
combien de temps. L'homme propose «
et
la
je
à
cin-
Sardai-
ne sais
Dieu dispose.
Je te dirai que je suis à bord d'un beau et bon vais-
seau avec 800 hommes. C'est véritablement une chose ad-
mirable que de voir et d'y être aussi
manœuvrer une
aussi grande machine
en sûreté, au milieu de tous
les
déchaînés, que rue Saint-Lazare. Pour rien au
ne voudrais avoir
que peut
l'esprit
admiration.
que
Tu
me
si
humain. Je ne
dirais avec
je sens et je
ogre et je
manqué une
m'y
tiens.
t'en dis pas plus sur
m'aimer. Delaroche, sa
reste, je
pluriel,
femme
et
je
mon
je blague. Je sais ce
porte à ravir, voilà ce
vous sachiez. Je parle au
monde
belle occasion de voir ce
X*** que
Du
éléments
car
mange comme un que
je
veux
que
tu n'es pas seule à
quelques autres ont bien
aussi de rattachement pour moi. Je ne dis rien de
Raba-
ET HORACE VERNET. dabla:
coquin m'aimera à son tour
le
il
;
111
n'est pas encore
assez sage pour m'apprécier; ça viendra. Dans ce
un vrai cours de philosophie
je fais
faut en avoir
il
désespoir une position stagnante
pour ne pas prendre en
comme
car
,
moment
nôtre; c'est-à-dire que je voudrais que les élé-
la
ments se déchaînassent
Du reste, il est sommes ici. Le
pourvu que nous
,
fissions route.
impossible d'être mieux que nous ne capitaine de vaisseau qui
commande
le
est
un vieux marin de l'Empire, décoré à Boulogne, brave ganache qui
boit
terre, crainte
du
vin,
ne craint pas l'eau, mais
de s'y perdre,
au centre de le 4
la
que
et je crois
dix mille obus à porter à Bone,
fuit la
n'avait pas
s'il
resterait éternellement
il
Méditerrannée, dans
la
crainte de se casser
nez à terre. Le reste de l'état-major, qui se compose de
8 officiers, est fort aimable,
voire
même
le
chirurgien-
major, qui a une tête d'oiseau et qui ne croit pas au sys-
tème de Gall par conséquent. Nous disputons
comme
chiffonniers qui n'ont pas autre chose à faire,
car,
route que nous faisons, on
dans
rue. Bref,
la
les
jours
allonge passent cependant,
attendons
le
«
et les
sur
la
de tas d'ordures
nuits que l'impatience
de minute en minute nous
et
vent qui semble avoir fermé sa bouche pour
toujours, à en juger par
de vent
trouve peu
des
le
calme qui nous entoure. Coquin
!...
Gomme
t'écrivais
je
ma
commandement de
dernière phrase,
j'ai
en-
J'ai
cru
tendu
le
que
vent était sensible à mes reproches; je suis monté
le
bien vite; mais, rien!
ment
et
mon
émouvoir un
l'officier
les voiles
tombent perpendiculaire-
gros soupir en les voyant instant. Je reprends
pour continuer
à
causer avec
sement pour votre sexe,
les
de quart.
toi
si
plates n'a
donc tristement ;
la
pu
les
plume
car voilà, malheureu-
avantages
du mariage: un
JOSEPH, CARLE
112
mari trouve du
mieux
rien de
plaisir à
ennuyer sa 'femme,
:
le
n'a
à faire, et puis va se coucher. C'est ce qui
m'arrivera dans cinq minules jourd'hui
lorsqu'il
nez de
ma
pour au-
car je te quitte
,
bougie s'allonge,
la
flamme
est
dans
la
bobèche; un peu plus, je serais forcé de regagner
mon
lit
à tâtons. »
«
«
Encore un jour de passé,
qu'un échelon de rapidement,
l'échelle
Une
noire route, et
l'espoir
nouveau venu auquel pauvre pinson que
main dessus;
les
nous conduit droit dans
jouis précédents,
les
donné
j'ai
l'hospitalité
donner
qué
les
chat.
a
Il
manqué
un
c'est
un
J'ai
mis
la
manger; mais devine
à
ce qu'il a préféré? C'est de se précipiter dans
eau pour boire.
:
me
à
grâce
autans nous ont apporté. lui
si
que demain nous
croire
fait
nous revient. Aujourd'hui, je
voulu
j'ai
nous n'avons remonté
et
petite brise
moins embêté que
suis
10.
que nous avons descendue
mais tout nous
serons à terre.
Ce
s'y noyer,
mon
pot à
ce qui m'a expli-
gens qui trouvent ce genre de mort dans un cra-
On
des
fait
danger, puis
la
pour braver un grand
inouïs
efforts
gourmandise vous
petit.
Trêve de réflexions!
pour
lui
donner
la liberté
je
fait
soigne
quand
il
succomber dans un
mon
petit oiseau,
sera bien remis de ses
.privations et de sa fatigue. Si j'avais le temps de lui don-
ner de l'éducation, je
lui
blabadablablabla, pour délicieux
jour tous
refiv.in, -les
sur
apprendrais à chanter rabada-
enseigner à
ma
terre
échos puissent
mes semblables ce
d'Afrique,
nous
le
et afin
répéter
qu'un
ensemble.
Cette idée, toute bete qu'elle est, ne laisse pas que de
procurer une bonne petite émotion.
»
me
ET HORACE VER NE T.
113
«
«
Je
demain avec deux
me
bataillons.
«
« «
Depuis hier je suis Voici
comment
11.
vu encore personne que
suis dans Boue. Je n'ai
gouverneur. Je suis chez Jusuf. Je Je pars
Ce
Bone
,
le
porte à merveille.
»
ce 12 novembre 1837.
chez Jusuf.
installé
je suis organisé
pour
mon voyage
:
six
mon bagage, mes .tentes, etc. deux chevaux pour moi et mon domestique; quatre chasseurs et un brigadier comme ordonnances, et huit cents hommes mules pour porter
d'escorte.
Déjà
;
Charles, notre* neveu, est parti
avec
le
même nombre d'hommes pour m'attendre à moitié chemin, et le gouverneur me donne Tordre qui doit l'attacher auprès de moi pendant la durée de ma petite expédition, jusqu'au retour à Bone. table personnage. te
donne ces
Ce
détails
Tu
vois que je suis traité en véri-
que ça me touche, mais
n'est pas
pour que
tant de précautions sont
inutiles, la
correspondance
hommes
seulement. Ce-
se faisant journellement avec huit
pendant j'accepte
comme bon me pour «
tout,
sans inquiétude, car
lu sois
même
pour être à
semblera sur
la
même
de m'arrêter
roule, et de m'en écarter
visiter certaines localités intéressantes.
Le temps
par terre.
mieux.
11
y
est a
superbe en
l'air,
la
donc compensation;
boue
est
magnifique
alors, tout est
pour
le
»
«Ce «
je
Je ne
pars
que ce matin
et
13.
que demain, n'ayant trouvé un cuisinier n'ayant pas
le
temps d'acheter mes pro-
visions. «
Je te dirai que je suis arrivé
ici le
lendemain du départ
JOSEPH, CAR LE
114
me le comment me
des princes; c'est contrariant, mais cependant ce qui fait
moins
regretter,
que
c'est
loger; et grâce à Jusuf, je
chose
me
je n'aurais su
comme un
suis
que mon arrivée
fâche, c'est
femme qui
sa maison, jusqu'à sa
ses gens, chez son père, en
me
Une
roi.
s'est transportée,
bourrent des pipes et m'abreuvent de café toute 11
faudrait
que
mac, pour avaler toutes
Du
les
elle et
deux fait as qui
laissant
ammirabUe me
j'eusse la piscina
seule
déplacé dans
a tout
1
décoctions qui
journée.
la
dans
l'esto-
sont offertes.
reste, je suis accueilli à merveille par tout le
trouve jusqu'à des amis que je n'ai jamais vus
me
;
monde. Je n'importe,
je prends de toutes mains, sauf à payer les services désin-
téressés avec de la reconnaissance, et les autres avec, de
l'argent; ce qui remplira
bourse de cieuse.;
l'autre.
mon cœur
Je conserverai
me
donc
la
et
Je me suis surpris, le me promenant dans ma chambre
de pleurer
Sois sans
comme une
inquiétude sur
choléra n'existe plus.
seulement
comme
beau chat de Jusuf sur
notre air favori... Si l'animal m'avait mis j'étais fichu
vieux
commencent ne
ceux qui
!...
l'épaule,
«
les
sont pas moins chers. Pauvre petit Rabadabla!
je l'aime
ma
part la plus pré-
en vieillissant, j'apprécie de plus en plus
bons sentiments d'amitié,
et
d'un côté, videra
dans
les
Il
en chantant
patte en avant,
la
bête.
l'état
sanitaire
du pays. Le
n'y a que des fièvres, qui régnent
hôpitaux;
le
froid
coupé court
a
à
toutes les maladies. » «
«
Je ne pars
Ce
que demain. Le gouverneur voulait
d'une pierre deux coups
et profiter
de
mon
La grande
citerne de Pouzzoles.
faire
escorte pour
général Négrier, qui arrive d'Alger pour aller |.
14.
le
commander
ET HORACE VERNET. Tu
vois qu'il
y aura encore une sécurité de
pour moi,
quoiqu'il
n'y ait rien
Gonstantine. plus
115
craindre sur
à
la
route; car maintenant les courriers arrivent seuls en trois jours. «
Mustapha-Ben-Karim
neveu.
Voici,
ce
à
en
est
prison,
une
sujet,
que son
ainsi
assez
petite histoire
pi-
quante. Le maréchal des logis de gendarmerie vient appe-
un
ler
homme
certain
qui
rie
répondit pas
Mustapha, persuadé qu'on demandait cet
Mais
pour
c'était
distributeur de
On
les reçut".
il
homme pour
code), le pauvre
partie de notre
fait
n'en est pas moins sur
comme
reste ici
voir qui vient de tomber
neur n'avait pas été Je
tiens
le
il
;
il
le
aux honnêtes gens.
fait
n'y a qu'une voix
il
bon Dieu punit
notre
superbe, et les réparations qu'il
Du
retirer, et
ventre, jusqu'à ce qu'il puisse se
le
dos. Voilà
beau punir
eut
diable avait les coups; impossible de les lui
le
le
française (car maintenant ce
justice
la
genre de correction
mettre sur
neveu de
donner 200 coups de bâton.
lui
Malgré ses réclamations, le
le
s'empressa de se mettre en son lieu et
mettre en liberté, place.
:
sur Timpéritie du pou-
est certain
que
si
le
gouver-
tué, Gonstantine n'aurait pas été prise.
du général
Lamoricière et de tous
en
chef
lui-même, du colonel
les officiers et soldats
qui m'en ont
parlé. «
On
attend
général Valée.
ici 11
ont mérité. Tout nel
Combe
« Je
;
il
les
récompenses demandées
y en aura le
monde
regrette la
pense bien à vous tous
verrait, par
,
car
par
le
beaucoup en
mort du brave colo-
a été héroïque.
vous revoir. Si Delaroche
que
beaucoup
ma
était
et là,
au
plaisir
que de
que
j'aurai à
belles choses
il
fenêtre seulement! Rien n'est plus admirable
cette foule d'Arabes, de Turcs, tous drapés si pittores-
ne quement. vieux,
ou pour mieux dire moins
Si j'étais plus jeune,
ma
tête n'y tiendrait pas. J'ai
dans
ma poche
d'emmener Charles Burton partout avec moi. Ce
mes moyens de subsistance pour ma caravane
Voici
un
une
pour ce bon garçon.
petite récréation «
l'ordre
sera
de 10 francs,
pâté
:
une barrique de vin contenant
25 bouteilles, 15 poulets vivants, 6 bouteilles d'eau-de-vie, 36 livres de sucre, 10 livres de roni,
1
riz,
5 de café, 10 de n.aca-
-jambon, % saucissons, 10 livres de lard et 2 vessies
de graisse blanche, 10 merluches, du fromage, des
Tu
que nous ne pourrons pas mou-
de
terre, etc., etc.
rir
de faim sans y mettre de
dant
le
vois
pommes
la
bonne volonté. En atten-
comme
départ, je fais des têtes de soldats
pleuvait; elles doivent figurer parmi les héros, car a dans toutes les classes de l'armée plus leurs, et j'ai le
en
s'il il
y en
que partout
ail-
bonheur de n'avoir que des faces bien ca-
ractérisées. »
«
«
le
Ce
Je viens de recevoir l'ordre de partir demain, quoique
général Négrier ne soit point encore arrivé.
choses a
à faire,
que
je ne t'écris
que ce
petit
J'ai tant
A
de
mot.
Je vous embrasse. Soigne-toi et tout ira bien.
«
«
15.
»
bord du Vautour, ce 29 novembre 1837.
Chère amie, je viens de recevoir toutes vos
Je ne puis te dire le plaisir que j'ai
de vos nouvelles; car, depuis
mon
lettres.
éprouvé en trouvant
départ, je ne savais rien
qui vous regardât. Enfin je sais que jusqu'au 14 vous étiez bien. C'est à moi maintenant à vous rassurer et à rire de
vos inquiétudes craindre
;
mon
;
car je
t'assure
qu'il
n'y avait rien
étoile est toujours brillante.
à
ET HORACE VERNET. Je ne sais
«
tu auras reçu des
si
117
mots que
petits
donnés à des Arabes pendant notre marche. Je
j'ai
voudrais,
le
d'abord parce qu'ils vous auraient porté de mes nouvelles, et puis parce que, si
dirait
de
que
ma
tout, « Je
je suis
ma
correspondance avait manqué, X***
Au
un blagueur.
la
consolerais
conscience étant satisfaite.
t'écris
au crayon, par
la
raison que
tenir en place dans le bâtiment et
dans
me
reste, je
que mon
cabine, sans que je puisse mettre
Nous sommes
partis ce matin
;
le
temps
ne peut
rien
écritoire court
main dessus.
la
est tellement
mau-
que nous sommes forcés de revenir mouiller au grand
vais
Caroubier, ou pour mieux dire au Fort-Génois. Le vent
de nord -est est leurs mâts et
comme
ser
si
violent
que tous
les
que nous sommes sur nos
bâtiments ont calé
un peu d'orgueil
porte! tu prendras ça
comme
tu voudras.
pense à vous, et que je vais vous donner course
à
avec
mon
un convoi revenant chanté de
le
la veille.
allé
de
les détails
je
ma
novembre
'16
lui
Je
l'ai
rattrapée au
camp
trouvé Charles Burton avec
j'ai
mon
séjour en Afrique. J'étais en-
procurer une bonne occasion de voir Constan-
amateur; mais ce pauvre garçon
pour prendre goût
à
la
désir de coucher dans un
sité.
que
fait est
à Bone. J'avais l'ordre qui le mettait à
disposition pendant
lisé
Le
n'im-
;
escadron de chasseurs, pour rejoindre l'infanterie
de Dréan. Chemin faisant,
tine en
peut-être
a
t'écrire
tu le sais déjà, je suis parti le
qui s'était mise en route
ma
y
Constantine.
Comme
«
Il
moment pour
à choisir ce
ancres à dan-
trois
toutes les Taglioni de l'Opéra.
démora-
est trop
moindre partie de
plaisir, et
emporté sur
la
curio-
Nous nous sommes donc séparés. De Dréan,
je suis
à Guelma, coucher; de
Hamar, où
lit
là
l'a
je suis parti
je suis arrivé à dix heures
pour Medjez-
du matin;
la
colonne
JOSEPH, CARLE
118
1
,
du 26 e ayant
pris l'avance,
Sidi-Tamtam,
le
pas
le
nom,
et le
nous avons pu
un endroit dont
19 à
je
aller
ne
si
la
même
sommes
Pavant-
peine. Le retour s'est opéré
la
manière; seulement, au
Guelma^, nous nous
fusil à
peu de monde que vérita-
loin et sur si
blement ça n'en valait pas de
rappelle
20 à Constantine. Le dernier jour seule-
ment, nous avons échangé quelques coups de garde, mais de
coucher à
me
lieu
de coucher à
Medjez-Hamar. Nous
arrêtés à
n'avons pas été aussi tiQureux pendant notre retour, car
nous avons perdu un soldat
Du
du
un soldat du 17 e léger; un
officier et
une
train s'est fait mettre
reste, jamais je
organisé, que je ne
me
ne
me
suis
balle
mieux
dans
le
derrière.
porté. J'étais
suis aperçu de la fatigue
si
bien
qu'aune
faim dévorante dont je ne suis point encore guéri, et que je vais satisfaire, le
cuisinier aura
On
s'il
pu
est possible; car je
temps que nous avons.
s'en tirer avec le
m'appelle. Adieu pour aujourd'hui.
«
<(
plus près de vous,
demain
et, si le
Maintenant,
mon voyage
il
du
faut
t'ennuie, ne
toi.
Ce sera bien assez que les
autres dans
De Bone
avoir passé
même
la
que
terre.
si
à
le
voilà
Ce sera pour
je pars sans peine,
je te parle de Constantine et
en général. Je vais commencer le lis
Me
du
plaisir.
que
S'il
mettre
à onze heures
temps continue à être aussi bon,
joie, car tu sais
je reviens avec bien
«
2 décembre, à midi.
cinquante-cinq lieues.
fait
nous serons sur
soir
moi une grande
«
»
Nous nous sommes mis en route hier
matin, et nous avons
ne sais comment
pas, et,
la
si
tu le
tu juges
lis,
le
de
bavardage.
que ce
soit
pour
de mes bêtises, sans
confidence.
Medjez-Hamar Raz-el-Akba,
le
rien d'intéressant. Mais, après
pays, dépouillé d'arbres, de-
ET HORACE VERNE T. un vaste désert coupé de ravins profonds
vient
de vastes montagnes pelées dans la pluie Il
119
nous a rendu
nous a
fallu
genre de Radicofani;
le
dans ces lieux épouvantables.
visite
coucher dans
la
boue
mais, heureusement,
;
mauvais temps n'a duré que deux jours. Rien intéressant pour et
en partant
le
mules
sur
la
et les
musique
chevaux que nous laissions derrière nous
ma
chère amie
de pouvoir
les
comme
fois
parler
une
animaux qu'on abanon
:
assomme
les
tombés, c'est
tant
d'eux.
fini
une idée sans en
faire
Mais brisons là-dessus,
que du pittoresque. Je
sévérité admirable.
te faire
sur tant d'autres, c'est un gaspillage
dans l'armée dont on ne saurait se avoir été témoin.
peux
tu ne
,
nourrir
peuvent se soutenir; une
Sur ce point
dans l'ombre
et se disputaient
idée de la quantité de ces pauvres
qu'ils
soir
le
matin. Les lions, les hyènes et les chacals
route; car,
donne, faute
le
n'était plus
moi que ces bivouacs, en arrivant
se chargeaient de la les
entouré
et
Il
ne
te disais
s'y trouve,
je
que
le
en
fait
ne veux
te
pays est d'une de trace hu-
maine, que quelques pierres, restes de monuments antiques
qu'on suppose des
fortifications. Je
pour
Il
la
généralité.
tombeaux de
la
ne suis pas de cet avis
me paraissent des même construction
y en a certains qui
même forme
et
de
la
que ceux de Corneto, moins soignés cependant, mais se-
més
çà et là le long d'une voie romaine, sur
espace,
deux
se trouve
De ce
un tombeau monumental dont
Somma, où
j'ai fait le
croquis.
point, on aperçoit Gonstantine à trois lieues de dis-
tance. Je et le
un assez long
lieues environ avant d'arriver à
tf
avoue que
but de
mon
le
cœur m'a
battu en voyant le terme
voyage. Les plus hautes montagnes du
grand Atlas se développent devant
deux heures de l'après-midi, quait pour
la
le
spectateur.
le soleil brillait,
Il
rien ne
était
man-
splendeur du tableau. Je t'assure que dès ce
JOSEPH, CARLE
120
moment je les
plus pensé qu'au bonheur de joindre à tous
n'ai
souvenirs que
j'ai
déjà dans la tête une nouvelle collec-
de matériaux d'un caractère tout particulier. Je ne
tion ferai
pas
de Constantine,
description
la
ici
te
de ses ra-
vins, etc., toutes choses dont tu as déjà entendu parler. Il
me
de dire que je
suffira
vu dans aucun de mes
n'ai rien
voyages qui m'ait autant frappé. Cette de terre ressemble plutôt à
celles des
que nous connaissons du
littoral
après moi quand je l'a fait
la
peindrai
Abruzzes qu'à tout ce
de l'Afrique. On va crier
telle qu'elle est,
ma verdure; cependant
après
toute couleur
ville
comme
on
L'inté-
je serai vrai.
rieur des rues est très-sombre et d'une puanteur abomi-
nable. Les cadavres qui sont encore sous les décombres ne
contribuent pas peu à augmenter ce que les ordures, les diarrhées générales de l'armée émanent de miasmes pestilentiels;
Montfaucon
boutique de Lubin en compa-
est la
raison. Aussi nos pauvres soldats
mouches. Dès peut croire
la ville,
on ne
qu'il soit possible d'y rester; puis, tout à
coup,
le
premier pas qu'on
nous entrons dans toi
mouraient-ilscomme des
le
du bey
palais
dans
fait
tout change. Figure-
;
une délicieuse décoration d'Opéra tout de marbre blanc
et des peintures des couleurs les plus vives
d'un goût char-
mant, des eaux coulant de fontaines ombragées d'orangers,
de mvrtes,
etc.,
enfin
un rêve des Mille
une Nuits.
et
Certes, j'étais loin de m'attend re à des sensations
rentes dans un n'étais pas
si
si
diffé-
court espace de temps, et cependant je
au bout. Figure-toi que
la
suite
du prince
a
tout dévasté et qu'il ne reste rien, mais rien, dans l'intérieur.
Tout a été emporté, jusqu'aux oiseaux
rouges.
On a
fait
des trous dans tous
cher des cachettes; enfin tou les barbares!
Du
reste, j'ai
est sens
les
et
aux poissons
murs pour
dessus dessous.
reçu dans ce palais
le
cher-
Ah
!
meilleur
ET HORACE VERNE T. du général Bernelle;
accueil
chambre dans
belle
lices, car
laquelle
du moins
passés à courir
il
m'a donné une ci-devant
j'ai
couché par terre avec dé-
Mes
j'étais à sec.
la ville et les
de tableaux à
ne puis attendre pour
une
petite
fille
à élever.
du haut duquel
les
taient? Représente-
Il
Tu
ou achevaient
gent et un soldat du
un pauvre
petit être
mère morte.
J'ai
4
te valoir
as entendu parler d'un rocher fuir,
se
précipi-
monceau de plus de cent
sur un
Kabyles dépouil-
les
lorsqu'ils respiraient e
apporte une
manqué
femmes, en voulant toi,
lui
y en a un surtout qui
te le raconter) a
cadavres de femmes et d'enfants que laient
une fameuse ré-
j'ai fait
Dis à Jazet que je
faire.
vigoureuse collection de sujets. (je
trois jours se sont
environs, dessinant autant que
possible les points intéressants, et colte
121
encore, un ser-
armes à
leur disputant, les
la
main,
de quatre ans attaché au corps de sa
retrouvé cette petite
fille
au camp de Med-
jez-Hamar. Elle est très-gentille, mais que deviendra-t-elle?
On
la
nomme
Constantine, ne
nom. Le régiment
la
lui
connaissant pas d'autre
garde; mais, encore une
viendra-t-elle? C'est justement parce qu'il
doute sur
le
malheureux
sort qui l'attend
fois,
n'y a
que
que depas de
je voulais la
prendre. Je n'aurais pas balancé à t'apporter cet embarras,
une autre idée ne m'était venue
c'est d'en parler à
:
si
Madame
Adélaïde. Ce serait digne d'elle de faire élever un enfant pris sur
le
champ de
général.
bataille
où son neveu a été
Nous parlerons de ça
mon
à
renseignements imaginables sur ce «
et recueilli
lieutenant
arrivée. J'ai tous les
fait.
Pour en revenir au but de mon voyage
d'une part
fait
,
j'ai
dessiné
de l'autre tout ce dont j'aurai besoin
pour
mon grand
faire
un tableau aussi intéressant
tableau. Jamais on n'a eu
aussi fallait-il voiries lieux, car
il
une occasion de
et aussi pittoresque.
Mais
n'y a pas de description,
JOSEPH, CARLE
122
de dessin, de croquis qui puisse donner une idée de ginalité
de
la
scène. Ça ne ressemblera à rien de ce qui a
été peint, et ce ne sera
que
vrai.
d'Afrique: ce n'est plus ni
la
faut avoir
Il
République,
ni
c'est l'armée d'Afrique, c'est-à-dire la réunion,
bataille, de toutes les vertus militaires, et
sauf quelques
veux pas écrire tout ce que «
((
le
la
vu l'armée l'Empire;
un jour de
lendemain...
hommes
exceptions chez de certains
bien trempés pour ne pas résister à je ne
l'ori-
trop
contagion!... Tiens,
je pense. »
Lazaret de Toulon, le 4 décembre 1837.
nous voici en France, chère amie, après cinq
Enfin,
me voilà pris jusqu'à dimanche! Je me comme un charme, encore mieux aujourd'hui, puisque
jours de mer, et porte
je sais au juste le
moment où
attendant, c'est sur
je
vous embrasserai tous. En
Rabadabla que
je
concentre tous mes
baisers, puisque c'est lui qui réunit toutes nos affections.
Ma première
lettre sera
pour
lui.
Dis à Delaroche que je n'ai rien pu trouver à
«
rap-
lui
porter, les voleurs ayant passé partout. «
Lorsque cette
déjà annoncé
lettre te
mon débarquement.
perdre une minute pour
pour
vite «
la
parviendra,
télégraphe t'aura
Pourtant je ne veux pas
la faire partir,
bien
et je te quitte
fermer.
Tout à vous tous, «
A
le
Horace Vernet.
peine de retour, Horace Vernet était chargé par
de peindre pour sodes de Berlin, au
la prise
le
Musée de
Il
arriva chez lui
leux qui lui confirmait
la
le roi
Versailles les différents épi-
de Constantine.
moment où
»
venait de partir pour la lettre
commande de
de M. de Cail-
ces importants
ET HORACE VERNET. travaux. et
Il
se hâta de revenir, se mit aussitôt à l'ouvrage,
en moins d'un an
lesquelles
123
il
il
couvrit les trois grandes toiles sur
a retracé les exploits
de nos soldats durant
J
ce
siège
mémorable. L Assaut est peut-être son chef-
d'œuvre. Dans aucune de ses compositions
il
d'entrain, plus de verve, plus de crânerie.
Ce tableau
le
digne pendant de l'action qu : il représente
comme
avec une furie toute française, par
la
colonne d'attaque sous
les
:
n'a
il
mis plus est
est enlevé
la ville l'avait été
ordres du colonel de La-
moricière. Il
envoya ses
1839,
On
aurait
trois tableaux
pu croire
de Gonstantine au Salon de
qu'il
allait
prendre un peu de
suite de ce prodigieux effort;
repos à
la
homme
à sentir la fatigue, et
il
repartit
de se préparer une moisson nouvelle.
mais
il
n'était pas
pour l'Orient
afin
JOSEPH, CARLE
124
IX
l'Orient. — Malte. — Une singulière friture. — Alexan— Méhémet-Ali. — Le Caire. — Marché aux esclaves. — La mosquée des fous. — Les Pyramides. — Le désert d'El-Arisch. — Palmiers-plumeaux. — Portraits et caricatures. — Gaza. — Bethléem. — Jérusalem. — Saint-Jean-d'Acre. — Sidon. — Damas. — chandelles. Beyrouth. — Smyrne. — Constantinople. — Tourtes — France! — Le Musée de Versailles. — Difficultés avec la civile. — Horace Vernet publiciste. — Le droit de gravure.
Départ pour drie.
et
liste
Horace Yernet s'embarqua à Marseille,
deux compagnons de route
avait
Il
Burton,
et
:
nom du
tel est le
1
839.
son neveu, M. Charles
un peintre, M. Goupil-Fesquet
Le Scamandre,
octobre
le 21
1 .
bâtiment sur lequel
ils
avaient pris passage, les conduisit par Livourne, Givita-
Vecchia, Malte
De
et Jes rives
que des notes
2
cœur un peu
,
t.
Voyez
XII
le
Empruntons
quelques-uns de ces fragments, dont les
yeux. Ces
montrer que notre voyageur partait
gros, mais
le
l'esprit content.
M. Goupil-Fesquet a publié
littéraire 2.
Grèce jusqu'en Egypte.
originaux ne nous ont point passé sous
citations serviront à
1.
la
Horace n'envoyait à sa famille
jetées au .hasard sur le papier.
à M. Sainte-Beuve les
de
ces différentes étapes,
la relation
de son voyage dans la Fronce
et XIII.
Constitutionnel du lundi
1 er
juin 1864.
ET HORACE VERNET.
«
Voilà
«
en route,
grand
le
le soleil
ma bonne
avec
moment
Marseille
arrivé.
,
21 octobre 1839.
Dans quelques minutes
en avant! bras dessus, bras dessous,
étoile!
Un beau jour
sera aussi celui
cette dernière quittera son camarade pour
de vous. Alors
du
naît la route
des
elle
125
me ramener
où
près
sera plus brillante que jamais. .Elle con-
n° 58
*,
comme
où nous nous embrasserons
pauvres... »
«
...Allons, chère amie,
il
faut finir;
mais ce ne sera
pas sans vous embrasser tous et sans faire des amitiés à tous nos vieux et bons amis, blancs,
vieux et jeunes mariés, çons, etc.
gris,
blonds,
noirs,
débarrassés, embarrassés,
gar-
»
La vue de Malte produit sur son cœur patriotique une fâcheuse impression
Les Anglais,
«
:
dit-il,
y font
la
pluie et le beau temps, et
exercent de ce point une influence effroyable. tout gros d'avoir vu leurs soldats! Rien n'est et
est impossible
il
J'ai le
cœur
mieux tenu,
de voir de plus beaux hommes. Mais bri-
sons là-dessus. Si notre armée, par comparaison, a
l'air
d'une
bande de galériens, sous nos simples habits bat une fameuse âme. Vive
Pour
la
France!
se venger,
il
»
compare Malte
à «
une
belle
maison
encombrée de meubles dans laquelle on ne peut pas entrer, » et
il
ajoute que c'est « un rocher imprenable, gâté
par des fortifications qui demandent quarante mille
pour
A 1.
les
défendre.
partir
»
du moment où
Rue Saint-Lazare.
hommes
il
a mis
le
pied sur
la
terre
JOSEPH, CARLE
126
d'Égypte, sa correspondance devient régulière, suivre pour ainsi dire pas à pas.
le
«
Nous sommes depuis
«
de notre joie
,
et
»
Alexandrie, 6 novembre 1839 K
en Égypte. Tu juges
trois jours
surtout d'y être arrivés
comme
par enchan-
tement. Jamais traversée n'a été plus heureuse
comme une nous
a
:
mer
la
glace; abord, une société fort aimable; rien ne
manqué.
En
«
on peut
nous avons cheminé vers Syra,
quittant Malte,
du
toutes les îles de l'Archipel, depuis la pointe
travers
Péloponèse,
le
à
cap Matapan, jusqu'à Candie. Quelle aridité!
Mais quels beaux noms jours et une nuit. Pour
Nous sommes
!
première
la
restés à Syra
fois, je
me
deux
trouvais au
milieu des Grecs, de leurs femmes, de leurs enfants. Enfin, tout était nouveau et été d'autant plus à
du plus
même
irrand intérêt
de bien
voir,
pour moi.
que
J'ai
j'avais fait la
conquête d'une charmante Grecque qui a bien voulu nous conduire partout. Nos deux jours se sont donc passés rapidement. Nous nous sommes rembarqués, e{
le 4,
au petit
jour, nous nous sommes trouvés devant Alexandrie, au
milieu de cette flotte qui ravit
les
curieux
comme
fait
trembler
nous.
En
les
diplomatie et qui
effet,
imposant que ces gros monstres marins
que
la
rien n'est plus
à écailles
Anglais voudraient bien mettre dans
de canons
la friture.
A
huit heures du matin, notre bâtiment a mouillé au milieu d'eux. Le
commandant m'a conduit
de Wurtemberg, que
le
à terre avec le prince
comte de Modène
est
venu pren-
dre dans sa voiture. J'étais tout vexé de ne pouvoir pas
1.
D'importants fragments de ces lettres ont été publiés dans
tration, n os des 5 et 12 avril 1856.
l'Illus-
ET HORACE VERNET. dévorer à
mon
aise le spectacle qui
127
se déroulait devant
moi.
Notre première journée a été employée à courir
«
environs, à voir
colonne de Pompée,
la
à faire des visites,
etc.
à porter nosJettres, etc.; et, ce matin,
grande présentation au pacha, de chez lequel
comme
prends
je
,
A
aller
demandé
car j'avais
à
en
arabes
:
chez
être
montés
uniforme,
les le
tambour
la
Nous étions huit,
sur de
battait
jeunes
très- beaux chevaux
ouvraient
marche: puis,
la
aux champs. Arrivés au
la ville,
garde nous a rendu
la
sommes
Méhémet, qui nous a
fait
café, et s'est mis*à fini
Nézib
4 ,
et,
le
un
fameux
asseoir à ses côtés, nous a offert
tableau de il
la
bataille
me donnera
seulement des firmans, mais en outre une les
qui est
mômes hon-
sur ses talons
pour assurer notre route,
pour que
le
bavarder pendant plus d'une heure.
me demander un
par
palais, les
entrés au divan, où, dans
coin, nous avons trouvé assis
lière
trois
route, les postes prenaient les armes, et
neurs. Bref, nous
a
les
janissaires sort venus
consul.
accompagné par
les janissaires et saïs
au bout de
11
donner
excellence à droite du consul; derrière, venait l'état-
major. Sur
du
je sors. Vite, te
qui vont en Abyssinie. Nous étions
officiers d'état-major
mon
plume pour
neuf heures du matin,
nous chercher pour
tous
la
de notre entrevue.
détails «
vois
tu
seconde,
la
;
les
non-
lettre particu-
pachas mettent des troupes. à
position, afin que je puisse parcourir avec
de
la
ma
dis-
plus grande
sécurité tous les pays que je voudrai visiter. «
1.
Nous quittons Alexandrie après-demain. Au Caire,
Victoire remportée le 24 juin 1839 sur l'armée turque,
par Hafiz-Pacha.
commandée
JOSEPH, CARIE
128
nous retrouverons
supérieur du Saint-Sépulcre
le
avec
,
lequel nous ferons route jusqu'à Jérusalem.
Nous daguerréotypifions comme des
«
a que
lions. Ici,
il
n'y
peu de choses. Cependant, demain matin, nous
allons expérimenter devant le pacha qui désire connaître les résultats
d'une découverte dont
avait déjà entendu
il
parler.
Notre visite de ce matin
«
Le pacha
est petit,
peau tannée,
chement
la
visage brun,
le
mouvements prompts,
la
l'air spi-
parole brève, et riant très-fran-
les
que
fois
la
conversation tournait à
politique, et surtout lorsque le consul insistait pour le
départ de
la
«
qui savent
«
que de
« j'ai «
la
intérêt.
lâché un petit sarcasme, plaisir qu'il
lorsqu'il a
donné toutes
s'est
d'un grand
barbe blanche,
la
l'œil vif, les
rituel et très- malin,
était
la
flotte
:
ne reconnais plus
« Je
bien faire
si
la
guerre et qui ne parlent plus
paix; je ne parle pas de
la
France; car
entendu ses applaudissements, quand
mes succès de Nézib.
lui, je
»
Demain,
compte bien remettre
reste tout
semble arrangé,
la
et
Français,
les
comme
a
elle
d'ici
connu
je serai seul avec
conversation sur ce sujet. il
est positif
que
la
Du
France
veut soutenir l'indépendance de TÉgypte. «
Trois mois sans vous voir!
c'est
long.
Mais aussi,
quel plaisir de se revoir, de retrouver notre Rabadabla!
Baise-le
beaucoup pour grand'père, qui a manqué
acheter un petit
nègre de 75 francs;
mais
j'ai
lui
eu peur
d'être grondé. «
Je
ne vois rien qui
Delaroche. «
Que
me semble beau
sans penser à
je voudrais qu'il fût là!
Adieu, je vous embrasse de tout
mon cœur.
»
ET HORACE VERNET.
Le Caire, 16 novembre
«
Nous avons encore
«
129
1839.
bonne route, chère amie
fait
lement, nous avons mis plus de temps que nous ne sions, par
la
que
raison
Depuis
seu-
pen-
manqué pour
vent nous a
le
;
le
re-
cependant, nous courons
monter
le Nil.
comme
des dératés, et nous avons vu bien des choses. Je
que
n'ai
sommes devant voilà
faire
de
trois jours,
te
tu sais trop
;
les
yeux
dans quel
dire
que pour mon compte ce que
était le
au delà de toute expression.
Rien ne pourrait exprimer ce que de dix lieues
Pyramides
les
je suis invulnérable «
j'ai
but de mes plus vifs désirs. Les
et j'en jouis
satisfaits,
enthousiasme nous
;
j'ai
j'ai
éprouvé, en voyant
pu supporter cette émotion
;
!...
Je ne te ferai pas une description de la ville, ce serait
me
bien inutile; je
Hier, à
frappé.
visité les
la
bornerai
à te dire ce qui
m'a
le
faveur de nos habits turcs, nous avons
mosquées,
les palais
du pacha,
etc. C'est,
en plus
grand, Alger, seulement encore plus misérable. Par tervention des janissaires que sition
pendant
chose du sortions
le
monde
plus
temps que
qui m'a
le
le
consul a mis à
je resterai ici
,
plus frappé dans
du marché aux esclaves, où de
j'ai
ma
ma
l'in-
dispo-
pu voir vie.
la
Nous
petits négrillons
mâles et femelles sont assemblés par paquets sur un mau-
comme des pommes à compter les hommes et les femmes
vais carré de toile, sou, sans
leur qu'on tient dans des lieu, où,
comme
des
rois,
d'infâmes voleurs trafiquent delà
cheuses réflexions, lorsque
dans
la
mosquée des
de toute cou-
trous tout autour de cet infâme
chair humaine. Je sortais donc
trer
cinq pour un
le
fous.
le
cœur
janissaire C'est là
tacle horrible m'attendait. Figure- toi
tout gros de fâ-
me
proposa. d'en-
qu'un autre spec-
une cour de quarante
JOSEPH, CARLE
130
pieds carrés, environnée de murailles d'une hauteur pro-
digieuse qui
une
petite
laissent, à
peine entrer
porte de trois pieds de
le
jour; dans l'angle,
haut,
barricadée de
chaînes à travers lesquelles on passe avec peine. côté, les
normes sur
murs sont percés de
grilles
de
petites niches garnies d'é-
dedans, sans vêtements, assis
fer; et là
que leurs ordures
pierre, sans autre paillasse
la
De chaque
et
une
épaisse couche de poussière, sont les malheureux privés de leur raison,
une double
et
lourde chaîne au cou, dont
les
extrémités viennent s'attacher à de gros anneaux extérieurs, et
dont
le
frottement perpétuel sur
de deux pieds. Joins au tableau
les
la
pierre Fa creusée à plus
rugissements des furieux,
les accents pitoyables d'un amoureux, et les deux yeux fixes
d'un nègre silencieux qui vous regarde
de nuit, et tu ne
qu'une
te feras
avons vu. De toute
la
comme un
faible idée
oiseau
de ce que nous
journée, nous n'avons pas pu avoir
d'autre sujet de conversation. «
Depuis douze jours que je suis dans ce pays,
avoir d'idées sur lui; mais,
impressions, je pense que
comme
grès
civilisation se
s'organise n'est tisme, pour
les
le
si
j'en crois
je
ne puis
mes premières
gens qui y attendent des pro-
trompent lourdement. Ce qui
autre chose que
l'ordre
dans
le
despo-
rendre plus également pesant et de manière
que rien ne puisse
s'en affranchir;
les
lumières, que
le
pacha va soi-disant chercher au milieu de nos institutions philanthropiques ne sont que des armes qu'il aiguise, et
pour ainsi dire qu'un rasoir
qu'il fait repasser
pour tondre
de plus près. «
A
nous
propos de tondu, nous n'avons plus un cheveu. Ça
fait
les
plus drôles de boules qu'on puisse imaginer.
Nous avons besoin de nous regarder pour faire oublier notre triste
scène d'hier.
rire et
pour nous
131
«Dans quelques révérend issi me
instants, nous allons en visite chez
supérieur de Jérusalem,
sans doute précédés de janissaires
et
,
le
le
consul en tête,
qui feront une large
distribution de coups de bâton sur les braves gens qui au-
ront
la
que
curiosité de nous regarder. Voilà les tristes honneurs
l'on
rend aux membres de
promener comme
le
bœuf
gras.
l'Institut,
qu'on se plaît à
Dans quelques jours nous
serons quittes de toutes ces fastidieuses politesses, dont on accable les pauvres diables, non pour leur faire plaisir, mais
pour
faire dire
reste,
de soi qu'on sait apprécier les hommes.
nous ne trouvons que cordialité partout de
des inconnus, et amitié du côté des connaissances. «
((
trois jours.
Jamais
a derrière
ces
temps n'a passé
le
si
monuments ne m'aient
vite
,
Du part
»
Ce 21.
Nous arrivons des Pyramides!... Nous y sommes
commencement y
la
restés
quoiqu'au
point étonné.
eux ce grand coquin de désert qui
11
est autre-
ment imposant que ces masses de pierres qui ne frappent véritablement que par l'idée des difficultés qu'il y a eu à vaincre et les quarante siècles dont Bonaparte a
si
ingé-
nieusement parlé. «
Nous nous mettons en route demain pour Jérusalem
avec nos
lettres
du pacha,
jusqu'à une journée du
et
,
un cheikh qui nous conduit
saint lieu. »
•
A
M.
M ONT FOR T. «
« Il
y a vingt-cinq ans,
mon
Du
désert d'El-Arisch.
cher ami, que vous étiez
mon élève pardonnez-moi de continuer à vous parler comme si vous l'étiez encore. Tout ce que je vous dis, vous ;
JOSEPH, CARLË
132
le
Regardez ce que je vous écris
savez déjà.
conversation
où seulement notre langue
,
d'une plume. Ah! détails qui
comme une bout
au
est
nous étions ensemble, de combien de
si
m'échappent ne causerions-nous pas
!
Hier en-
core, en arrivant à Katych, j'aurais voulu vous tenir
de ce puits, où toutes ces
filles
cher de l'eau. C'étaient les
arabes viennent
compagnes; que sais-je? Je
n'étais plus
cher-
le soir
de Jethro, Rebecca
filles
près
là,
et ses
l'homme de
rue
la
Saint-Lazare, en les voyant remplir leurs cruches et ensuite les
auges, pour que
rafraîchir,
le
voyageur
n'a pas de corde
s'il
et sa
monture puissent
se
pour descendre son outre.
Là, plus que dans d'autres circonstances, nous avons pu
Pour
observer.
première
la
depuis notre départ du
fois,
Caire, nous pouvions faire notre toilette sans économie de liquide; père.
Force
petit
mur qui
le soleil et
ne
laissait
apercevoir que nos têtes brûlées par
nos crânes rasés. L'humilité de notre position ne
aucune inquiétude, ces
bien découplées,
animée, pour que
commérages de pas moins
notre premier
de cacher nos corps blancs derrière un
était
leur donnant si
comme
nous étions presque vêtus
le
se livraient à
je puisse
belles
filles, si
grandes,
une conversation assez
supposer qu'elles parlaient des
leur tribu. N'importe; elles n'en formaient
tableau
le
décrites dans l'Écriture.
sans goût d'école; circulait sous la
plus admirable des
mœurs
était vrai, celui-là,
Il
le ciel était
bien
si
sans système,
bleu, le sable jaune, le
sang
peau bronzée de ces bras qui soulevaient
ces lourdes cruches pour les placer sur l'épaule. Combien, ce spectacle réfléchir!
si
frappant et
Rentré sous
tant j'étais préoccupé.
la
si
nouveau ne m'a-t-il pas
tente,
L'Italie,
je
ne
pouvais
l'Allemagne,
la
fait
dormir, Russie,
jusqu'à l'Angleterre, Réapparaissaient avec toutes les peintures qu'elles possèdent.
Mon
imagination réunissait tous
ET HORACE VERNE T. les
chefs-d'œuvre dont
a conservé
elle
133
mémoire;
la
j'ad-
mirais avec quel art nos grands maîtres sont arrivés, chacun
dans sa spécialité,
si
me demandais
près du sublime, et je
:
«
Mais pourquoi donc ne cesse-t-on de nous dire, quand
«
nous sommes élèves, que
« tible
avec
« tériels? »
la
grandeur du
incompa-
style est
ma-
représentation scrupuleuse des objets
la
Rien
n'était
cependant plus noble que
la
scène
qui venait de se dérouler devant nos yeux; l'action que je lui prêtais,
en
me
changeait rien à
la
reportant à deux mille ans en arrière, ne
forme. Je suis loin de dire qu'il ne
faille
pas faire un choix dans la nature; mais c'est cela seul que
nous devons chercher chez nos devanciers pour abréger route,
sans imiter ce qui constitue
talent.
Chaque peintre perçoit
ticulier,
de ses
Tous
en raison de
la
caractère de
le
tendance de son
esprit,
ne se plaisent pas dans
fréquentent pas les
mêmes
leur
nature sous un aspect par-
la
mœurs ou du dévergondage de
les artistes
la
lieux.
de l'austérité
son imagination.
la
môme
Chacun
a
voie et ne
donc une di-
homme qui vient pour cultiver dire comme la voix d'un chanteur
rection. L'esprit d'un jeune les arts est
que
le
dique,
grand
pour ainsi
maître développe dans s'il
le
sens que
la
nature
lui
in-
est ténor ou basse-taille. David, qui, avec un
talent,
a rempli
la
condition
la
plus élevée de
la
peinture héroïque, s'est montré dans son école supérieur à tant de maîtres qui n'ont fait
propres facultés.
que des imitateurs de leurs
David, qui, malgré ses
efforts, n'a
pu exé-
cuter qu'une partie de ce que son œil percevait devant
la
nature, a été plus grand maître que grand peintre. Girodet,
Gérard, Gros, Isabey, Granet, Ingres, etc., sont
sortis
de
son atelier, entiers de leurs facultés naturelles et éclairés sur seul
le
bon emploi qu'ils devaient en
faire.
Aussi est-ce
le
exemple de l'existence d'une école sous l'influence d'un 8
JOSEPH,
134
grand maître, qui «
mon
Pardon,
pas été suivie d'une décadence.
n'ait
cher ami
une digression qui
Vous
ici.
quand vous connaîtrez
traîné
;
de
mon
Ah! nous sommes
suis laissé entraîner à
le
les
trouverez toute natu-
la
sentiment qui m'y a en-
infériorité. »
Jérusalem
«
«
me
p?u en rapport avec toutes
relle,
c'est celui
je
si
,
est bien
émotions que j'éprouve
C ATI LE
,
décembre
11
1839.
à Jérusalem! oui, chère Louise, nous
y sommes, et déjà j'ai entre les mains des souvenirs pour vous, car nous sommes allés à Bethléem j'ai dans ma po:
che des pierres du rocher sur lequel et
de celui sur lequel
la
Vierge
ges sont venus pour adorer pas des chapelets, etc.,
le
le
le
berceau, était placé,
était assise
lorsque les Ma-
divin Enfant. Je ne te parle
tout bénit devant moi sur les
places consacrées.
raconter notre voyage, qui a
« J'ai à te
heureux
dinaire, des plus
été,
et fort pittoresque.
comme à l'orVu la guerre,
nous n'avons pu trouver, pour nous mener à un certain lage qui est situé à
vil-
deux jours de marche au delà de Gaza,
qu'un vieux cheikh du mont Sinaï.
Il
ne voulait pas
aller
nomme Dâri, dans la crainte ennemie. On nous assurait que
plus loin que ce bourg qui se
de rencpntrer une tribu c'était le
trouver
chemin
le
plus court, et qu'il nous serait facile de
des moyens de transport pour Jérusalem, qui
là
demi, de marche. Nous voilà donc en
n'est qu'à
un jour
route par
le
faisant
conduite jusqu'à deux lieues.
la
et
désert, le consul
et
plusieurs Français nous
Le moment des
adieux avait quelque chose de grave, au milieu des tom-
beaux des
kalifes,
et n'ayant,
ne voyant plus devant nous que du sable
dans cette mer de sable, d'autre boussole que
l'intelligence
de notre vieux cheikh, qui, depuis l'expédi-
ET HORACE VERNE T. tion des Français à
Saint-Jean d'Acre, n'avait pas revu
caravane se
pays. Notre
composait:
drogman n'ayant qu'une
2° d'un
135
4°
le
d'un cuisinier; de Figaro
oreille, espèce
faisant de la chirurgie, parlant toutes les langues, certaine-
ment
renégat,
comme
et,
ces gens-là, ami de tout
le
monde,
vidant tous les restes de bouteilles, brisant par hasard celles qu'il a
bues, mais du reste intrépide, bon garçon et
Au
sant bien son métier de conducteur.
lieu d'aller par
Suez, nous avons pris par Salhich, afin de suivre l'armée française. térêt
à
longer
Il
la
route de
pour trouver de
faut des souvenirs
fai-
l'in-
Delta, qui n'offre pour toute ressource
le
que de temps en temps quelques bouquets de palmiers, sous lesquels habitent de misérables
de
terre, où,
fellahs,
dans des huttes
par philanthropie, nous ne mettrions pas nos co-
chons. Ces misérables n'ont qu'une qualité, celle de voler fort
adroitement
nions-nous de
les
voyageurs. Aussi chaque soir pre-
savantes dispositions, et arrangions-nous
nos armes, de manière à nous en servir promptement. «
Pour arriver
à El-Arisch,
nous n'avons pendant douze
jours rencontré qu'un seul groupe d'Arabes à cheval, qui
sans doute nous ont trouvés trop imposants et qui se sont contentés de nous suivre pendant deux lieues à peu près. «
En
arrivant à El-Arisch,
caractérisé.
Ce
n'est plus
le
pays prend un aspect bien
que du sable amoncelé par buttes,
sur l'une desquelles se trouve une oetite forteresse envi-
ronnée de quelques mauvaises maisons.
Au
une centaine de palmiers, semblables
des plumeaux, qui
ont
l'air
de dire
:
«
à
Venez vous épousseter
milieu s'élèvent
ici.
on en a grand besoin; mais je t'avouerai que nière chose à laquelle on pense.
De
fraîche! Voilà ce qu'on cherche.
On en
c'est-à-dire
l'eau!
»
En
c'est la
effet,
der-
de l'eau! de l'eau
trouve d'assez bonne,
on en trouve qui n'a pas
été battue
dans des
JOSEPH,
J36
En voyageurs
outres.
C A RLE
intelligents,
(pour nous rendre compte de
chez
le
la
notre première visite
position militaire) a été
gouverneur, gros Turc louche, assis dans une es-
pèce de lieu où
les
paysans en France font
Au-
la lessive.
près de lui, se trouvait un soi-disant secrétaire en cire jaune, louche aussi, mais tous deux très-aimables et trou-
qu'un mouton énorme que nous venions d'acheter
vant 4
5 francs n'était pas trop payé. Quant a moi, malgré
plaisir
d'avoir vu égorger l'animal à nos pieds,
comme
l'aurait fait le
j'ai
déjoui
fameux d'Aigrofeuilleen mangeant une
tranche de gigot, car je commençais à renâcler sur «
le
D'El-Arisch à Gaza,
le
la
poule.
pays change de figure. Le sable
commence
se couvre de petits buissons; puis on
à rencon-
puis des troupeaux; enfin, on entend un
trer des pierres,
peu de bruit. Le silence
encore une chose qui
est
fait
une
véritable impression; on cherche pendant longtemps ce qui
manque
à
vie, et tout à coup
la
le
moindre
deur de l'abîme! C'est donc pour cela que pied
le
comme
l'éponge,
qui n'a pas
«
Jamais l'orage ne troublera
«
pide? «
»
[Château pas tout
Ne va pas
Charles
avait trouvé lours,
,
vêtu à
la
si
turque
et
que
la
gravité des pensées
grandes circonstances a
le
le
plus purement possible,
un bonnet de coton;
pour ne point effrayer
les gazelles,
sale, afin d'être
seul
et,
il
brochant sur
passait de
temps
aperçu de moins
Nous nous en sommes donné de rirejusqu le
source lim-
bon de joindre à son costume une veste de ve-
en temps une chemise
avoir lieu
la
:
altéré notre gaieté.
une cravate
le tout,
profon-
dromadaire a
a fait brillant.)
inspirées à nos esprits par de
«
!
droit de dire
le
pureté de
la
croire cependant
moins du monde
le
vent
petit
Oh
vous révèle le grand mystère de l'isolement.
a Gaza,
loin.
où devait
événement fâcheux de notre voyage.
ET HORACE VERNET. «
Avant de
te
dire de quoi
il
retourne, je veux te donner
une description de cette fameuse les portes.
tu as
Si
de
la
m'as connu, sans barbe
ville
mémoire,
dont Sàmson a enlevé
que
tu te rappelles
grise. J'en ai
nant; je suis donc changé.
137
Gaza a
tu
une superbe maintefait
de môme. Pour
éviter le renouvellement de fâcheux souvenirs, les maisons
ne sont pas fermées,
par mesure de santé, nous avons
et,
cru devoir planter nos tentes dans
milieu de
le
grande
la
malgré de gros nuages suspendus sur nos
place,
Après avoir
fait
un bon souper du
reste de notre
têtes.
mouton
d'El-Arisch, après nous être bien couchés sur nos tartelettes
de
lits,
après nous être laissés aller au plus délicieux som-
meil, tout à
Un
par l'eau.
minutes
coup nous nous réveillons
flottant et soulevés
orage affreux venait d'éclater
,
charmant que nous avions
le lieu
et
en quelques
malgré
choisi,
quelques charognes qui en faisaient l'ornement, se trans-
forma en une espèce
sommes
sortis
laissé tous
nos
de
naumachie,
quant à nos personnes, mais où nous avons effets,
qui ont pris une leçon de natation.
onze heures du soir à six heures du matin, dre.
la
peste qui a enlevé
«
a fallu atten-
y a trois mois les deux
il
des habitants, nous avons trouvé de
beaux, sur lesquels nous jour.
il
De
Heureusement, nous étions à côté du cimetière, où,
grâce à tiers
nous
de laquelle
«
temps.
sommes
très-jolis
restés perchés jusqu'au
Mais enfin , après V orage, On voit venir ))
[Tableau parlant.) En
même moment un
tom-
effet, le soleil
le
beau
parut, et au
long nez, au bout duquel se trouvait un
visage; ce visage étaii jsous un parapluie jaune et noir, et
surmontait un grand corps pris dans une petite redingote.
L'ange Gabriel ne nous eût pas
fait
plus de plaisir avec ses
formes divines, que cette espèce de Sangrado, quand apparut.
Nous courûmes
à lui. C'était
il
nous
un Napolitain, agent 8.
JOSEPH, CARLE
138
sanitaire, remplissant
fonctions de médecin et venant
les
nous demander de guérir son enfant, qui avait mal aux yeux. Vite, je cie.
son.
lui offre
mes
services; je porte
En une minute, nos bagages encombrent Nos chameliers s'emparent de tous
voilà maîtres
du
logis.
pour des prunes. H
ma pharma-
toute sa mai-
les
coins.
Nous
Notre Pulcinella n'avait pas un nez
sentit tout
de suite qu'il y avait de
l'ar-
gent à gagner et du macaroni à avaler. Aussi nous donna-t-il l'hospitalité,
au bout de quelques heures, nous étions
et,
séchés, réchauffés et prêts à repartir. Cependant, nous avons
trouvé plus sage de faire une bonne nuit à couvert
nous sommes mis en route que «
De Gaza
léndemain matin.
de remarquable qu'une nouvelle
à Dâri, rien
nature; car, du
le
ne
et
moment où on
entre en Syrie, c'est un tout
autre aspect. Le pays devient montagneux, sans cependant être plus fertile.
Dâri
est
un
village arabe par lequel ne
passent que certaines caravanes, mais jamais de voyageurs.
Rien n'est comparable à ce repaire de brigands. trop à dire sur ce sujet, tu sauras seulement
Il
y aurait
que nous avons
retenus un jour et demi parmi les gens les plus pitto-
été
resques du monde. Tandis que ceux d'entre nous qui dor-
maient étaient en sécurité, pistolet «
au poing ou
le
les
sabre à
autres faisaient la
Après avoir payé d'avance
garde,
la
le
main. le
prix de six
chameaux
que nous avions pu obtenir avec peine pour nous conduire ici,
à
trois
heures du matin nous nous
sommes mis en
route par des montagnes pierreuses, descendant perpendi-
culairement ou montant
comme
des 'échelles. L'inquiétude
de nos conducteurs nous paraissait singulière. quinze heures de marche,
tout
une
prairie,
bout de
nous a été expliqué.
tournant d'un petit chemin nous nous à coup dans
Au
sommes
Au
trouvés tout
au bout de laquelle sont ce qu'on
•
ET HORACE VERNE T. appelle les vasques de
chose que
trois
Salomon. Ces vasques ne sont autre
immenses bassins
taillés
fournissent de l'eau, à neuf lieues de
Une
taines de Jérusalem.
139
là
dans ,
jolie forteresse
le roc, et
qui
à toutes les fon-
arabe d'un style
original s'élève au pied de la montagne. Rien n'est plus
inattendu
que
complétait
le
camp de
commandé
lem, et disposé à marcher
qu'on
bœufs
le
par
le
gouverneur de Jérusa-
lendemain contre Dâri
et ses
châtier pour quelques peccadilles,
allait
comme, par exemple, volé 80
mais ce qui
;
tableau d'une manière mirobolante, c'était un
cavalerie
habitants,
décoration
délicieuse
cette
d'avoir assassiné plusieurs officiers,
40 chameaux, etc.. Nos conducteurs vou-
et
lurent passer bien vite, mais le gouverneur nous
fît
inviter
très-poliment à ne pas aller plus loin et nous pria de vounuit auprès de lui. Juge de
loir
bien rester
me
trouver au milieu d'un bivouac semblable
la
:
ma
joie
de
des lances
emplumées, plantées au milieu des chevaux, des Arabes, des Turcs couchés à droite et à gauche, faisceaux devant fin tout
Quoique
les
drapeaux en
grande tente noire du commandant, en-
la
ce qui pouvait compléter une scène de mélodrame. fort
poliment arrêtés, nous ne savions pas trop
à quelle sauce
manger
le
marché franchement vers cier de l'invitation qu'on
poisson. Cependant nous avons le
quartier général, pour remer-
nous avait
si
gracieusement en-
voyée. Le gouverneur nous accueillit à merveille, nous dit
que n'étant pas voulait
à
Jérusalem
manquer
pas
pour nous
l'occasion
recevoir
il
ne
de faire notre connais-
sance, êtc... Par ses ordres, on apporta un mouton pour
nos gens, et lui.
il
exigea que nous restassions à souper avec
Ce souper est
n'est point
la
chose
la
plus bizarre
du monde; ce
un repas, mais une vraie curée. Après
et le café, et
encore
le
café et la pipe,
chacun
la
pipe
est allé
dor-
JOSEPH, CARLE
140
mir.
Au
un grand coquin d'Albanais nous
petit jour,
a ap-
porté des tartelettes au beurre, qu'on appelle foutir. fallu
recommencer
café et
le
spection de nos armes: nos tout a été regardé, admiré.
bonnes, et
j'ai
eu
la gloire
la
a
pipe; puis est venue l'in-
fusils, Il
Il
nos pistolets, nos sabres,
a fallu
prouver qu'elles étaient
de briser une pierre d'une balle
à cinquante pas. Cette petite circonstance n'a pas nui à
la
considération que notre tenue guerrière avait déjà inspirée,
pour terminer
et,
gracieusement
choses d'une façon convenable,
les
j'ai
au gouverneur une petite longue-vue,
offert
qui a été acceptée avec reconnaissance. «
Nous avons
repris rîos montures, et
deux heures après
nous étions dans Bethléem! Voilà, chère amie, de ces évé-
nements qui donnent aux voyages
tant de charmes: à peine
une émotion passée, une autre toute différente commence.
En
arrivant sur
le
haut d'une montagne, on voit tout à coup
Bethléem, de l'autre côté d'un ravin profond. Le cours de
mes
idées a changé avec autant de rapidité que
fermé un volume pour en ouvrir un autre. Je
que des bergers, des mages, de pauvres égorgés
et
un berceau, duquel
devait changer
du monde. Ce
la face
qu'on se trouve sur
est sorti
théâtre de
le
une
si
j'avais
n'ai plus
petits
vu
enfants
législation qui
n'est pas
impunément
grands événements. Ce
si
qui doit élever l'âme ne perd pas à être vu de près, et ce petit village
en ruine parle bien plus au cœur que ces
grandes pyramides qui n'étonnent que avoir tout visité dans
le
couvent,
les
yeux. Après
nous sommes repartis
pour Jérusalem, où nous sommes arrivés au chant, malheureusement du côté par lequel sente de
la
manière
la
moins avantageuse.
nous nous sommes enfournés dans Arrivés au couvent,
le
la
A
soleil ville se
coupré-
peine entrés,
de vilaines petites rues.
supérieur, pour lequel j'avais une
ET HORACE VERNET. lettre
J41
de recommandation du révérendissime, nous a
donner
souper, et tout de suite nous nous
à
dans nos
lits, plaisir
sommes
fait
fourrés
que nous n'avions pas goûté depuis
dix-huit jours. a
Tu
crois
peut-être que je vais commencer
description; pas du tout,
la suite
demain, c'est-à-dire à
à
semaine prochaine, car demain nous partons pour
la
mer Morte, de retour, «
le
etc. Dans
Jourdain,
et j'ai besoin
trois jours
ma
de reprendre
respiration.
Adieu, chère amie. Voilà bien du papier barbouillé,
sant qui que ce soit lire ce bavardage
thographe de cuisinière
combien
Au
!
style et
pourvu que
reste,
que Delaroche
je t'aime,
un
:
et sa
femme
«
Tu
vois par
le lieu
que nous avons quitté côté de la mer.
Pacha est
Sidon.
à
Le détour
En
est
Il
Acre
route de
m'importait de
peu de chose. Dans
lettre,
Damas pour
voici la raison
lais-
une or-
tu saches
le
reste?
»
26 décembre 1839.
,
d'où je date cette la
et
soient per-
suadés qu'ils sont tout pour moi, que m'importe
«
la
nous serons
comment?... J'en suis honteux; ne m'humilie pas en
à
une
ici
:
le
chère amie, revenir du
fameux Soliman-
voir avant Ibrahim.
le
trois jours
nous serons
Beyrouth. «
Je
jours.
t'ai
quittée à Jérusalem.
J'avoue que je ne
me
Nous y sommes
restés neuf
croyais pas susceptible de
prendre tant d'intérêt à des lieux dont on a
lait
tant de
descriptions. C'est bien pour la partie matérielle; mais
y a
une impression individuelle qui vient toujours
proviste vous surprendre au
tendez «
le
à
moment où vous vous
l'
il
im-
y at-
moins...
Nos muletiers viennent de me déranger, pour me
qu'il fallait
nous mettre en
route...
—
Adieu.
»
dire
JOSEPH, CAR LE
142
«
Notre voyage se
«
fait
toujours
Cependant, de Saint-Jean-d' Acre tourné
le
dos
et le
,
Sidori, 5 janvier 1840.
comme ici
beau temps nous
le
,
sur des roulettes.
mauvais a bien repris
sa
a
revanche.
Malgré tout, nous n'en sommes pas moins bien portants,
comme
gais
comme
des pinsons, et mangeant
des loups
les
fameux dîners de Soliman-Pacha, chez lequel nous sommes retenus par
le
de passer. Le
débordement d'une
nous empêche
rivière qui
soleil est brillant ce
matin
;
demain sans
et
doute nous pourrons nous remettre en route pour Damas.
Le premier janvier, nous nous sommes embrassés, en
«
pensant chacun à ceux qu'il aime. Tandis que nous étions étendus parterre, mouillés jusqu'aux
os,
nos esprits étaient
au milieu de vous. Quant à vous, je vous voyais; nous nous baisions
comme
des pauvres, et Rabadabla, cher petit!...
deux mois, toutes ces
Allons, courage! dans
des
fictions seront
réalités. «
Adieu.
A
«
M.
MONTFORT. «
a J'ai
passé une bonne journée, car
choses et beaucoup de en se réunissant dans
but auquel je
de
la «
me
j'ai
vu beaucoup de
choses différentes, qui,
ma
tète,
Damas.
malgré
cela,
deviennent homogènes par
rattache sans cesse
le
celui de voir partout
:
peinture.
Ce pays -ci
n'a
pas d'époque.
Transportez -vous de
quelques milliers d'années en arrière, c'est toujours
la
même
Que
le
canon
physionomie que vous avez devant
les
yeux.
chasse devant lui des populations entières
,
qu'il les exter-
ET HORACE VERN E T. mine
ce n'est que
,
le
moyen
Pharaon poursuivant
chose.
chariot, soulevait la
même
qui a changé
Ce matin
d'artillerie
,
,
on nous a
poussière dans
l'une de
la
fait
pièces de la
de
la ligne,
avec des mulets
blanche, et
toile
ni
,
le
;
mieux
mômes.
les
du
En voyant il
me
de
la
que
c'est
,
et celles
,
sont
tarbouch rouge. Le matériel est à
et
elle
si lestes et
la
manœuvre
une intelligence
correction qu'on cherche dans
ces évolutions
les
L'uniforme est de
Gribeauval. Cette troupe est fort exercée;
lui tient lieu
La seule
hommes ne
reste, les
choisis.
batteries
la ligne.
deux corps
avec une promptitude extraordinaire qui
la
désert que
garde sont attelées avec des chevaux
plus instruits
ni
le
manœuvrer deux
garde, l'autre de
différence qui exisîe entre ces
mais non
,
Hébreux, monté sur son
les
Méhémet-Ali. Les Arabes sont toujours «
143
le
Nord.
ces gens raser la terre,
semblait lire Habacuc. Vous allez rire de voir Gri-
beauval
et
Habacuc contemporanisés par moi
;
riez tant qu'il
vous plaira; puis, songez qu'il y avait des curieux autour
de moi, des femmes, des enfants, regardant avec attention aussi,
mais ne voyant dans ce que nous admirions du méca-
nisme de ces machines de guerre qu'une nouvelle volonté de Dieu, qu'un fléau d'une autre forme envoyé par les
éprouver de nouveau. Que ce
ou
à
coups de canon que
le résultat est le
qu'il leur faut
même
les
soit a
lui
pour
coups de trompette
murs de Jéricho
soient tombés,
pour ces braves gens. Voilà tout ce
pour attendre avec patience un nouvel ordre
de choses. Cette confiance dans l'avenir donne aux Arabes
une expression calme, qui ne disparaît quelquefois que dans
la
discussion d'intérêts privés. Autrement,
ils
écoutent,
ne répondent qu'après avoir jugé, et regardent attentivement leur interlocuteur ou ce qui se passe sous leurs yeux. L'é-
tonnement ne paraît jamais sur leur visage, ce qui explique
JOSEPH, CARLE
144
ordres froidement cruels donnés par Moïse
les
ponctuellement, sans que qui
Après
manœuvre, nous sommes revenus dîner chez là, autre tableau de mœurs. Notre domestique
la
colonel;
fut
victimes se doutassent du sort
les
les attendait.
« le
et exécutés
,
convié au repas et placé a côté de moi. Tout
nous n'avons été servis que par rieurs)
temps,
le
(môme supé-
les officiers
du régiment. Le vin qui coulait à plein bord pour
nous autres mécréants circoncis;
ils
soi-disant goûté par nos hôtes
était
en ont goûté
à tel point, qu'ils ont oublié notre
cliiennerie chrétienne pour nous proposer de venir chez
eux voir, en cachette, des danseuses: chose
difficile et
dan-
gereuse dans ce pays où une indiscrétion entraîne des résultats terribles!
Bref, rendez-vous fut pris
pour
le
jour
môme.
Un
«
officier vint 1113
projetée.
Me
voici
chercher
le soir,
pour
faire la partie
donc en route avec mon conducteur,
ma
mon
interprète et quelques personnes de
était
venue. Nous parcourûmes bien des rues, revenant sou-
vent sur nos pas. Enfin, je fus tout étonné de à
caserne où nous étions
la
le
on me donna un cheval dont il
faisait
me
retrouver
matin. Là, on prit je n'ai pas
vu
La nuit
suite.
la
ma
mule,
couleur, tant
sombre. Nous fîmes une longue marche
le
long des
murs extérieurs, puis nous recommençâmes notre promenade
à travers les rues. Enfin
trer,
il
fallait
baisser
la
une porte s'ouvre. Pour en-
tete et lever le pied.
On
desselle
nos chevaux, pour qu'ils puissent y passer et qu'on ne les voie pas dans la rue. Au fond d'un jardin, nous trouvons
unepeti e maison occupée par un adjudant de chasseurs, qui avait bien voulu se prêter à
la
circonstance. Toutes ces
précautions étaient prises pour éviter
que
je trouvai déjà
installé sur
la police, et le
colonel
son divan, vis-à-vis d'une
ET HORACE VERNET. immense «
bouteille d'eau-de-vie blanche
trop tard
arrivez
les
,
regardant
de
J'essayai
délicieuse décoration de
la
me
dit
me
la salle
Vous
«
:
danseuses sont parties.
mon désappointement.
de
,
145
»
Jugez
consoler en éclairée par
,
quatre énormes bougies de cire incrustée de paillon de diverses couleurs. Autour, sur
divan, une vingtaine d'of-
le
avaient pris place, et chacun se taisait, ne pensant
ficiers
qu'à regarder tantôt par
que par
la
les
la
fumée de pipe
par
sortir tantôt
bouche de son voisin. Ce calme
sons aigus d'une petite flûte et
le
nez
n'était troublé
bourdonne-
le
ment de deux gros Turcs, formant une harmonie semblable à celle d'un orchestre de bastringue qui accorde pêle-mêle ses instruments...
»
«
«
Le mauvais temps dans
la
Damas, 21 janvier
montagne nous
1840.
retient
ici
chère et bonne Louise. «
Je voudrais pouvoir vous donner quelques nouvelles
mais
il
n'y en a pas; on ne sait
qui se passent à une dire ne serait
que
lieue.
même
rien des
le résultat
de mes observations sur
choses en général, qui, au fond, se bornent à
que Méhémet-Àli
n'a
événements
Tout ce que je pourrais vous
de force que
la
les
conviction
celle qu'il tient
de l'em-
barras qu'il donne aux grandes puissances. Quant au pays qu'il
gouverne, rien n'est moins certain
car
y est exécré. Le pays est ruiné;
il
qu'il le
les terres
conserve,
sont incultes
par l'absence des paysans qui fuient à l'approche des agents
du pacha;
les insurrections se multiplient
un revers éprouvé par l'armée
de toute part, et
serait le signal
d'un sou-
lèvement général non-seulement en Syrie, mais encore en Égypte, où l'on souffre des «
Voici
maux
un simple exemple
:
insupportables.
lorsqu'un village ne peut pas 9
JOSEPH, CARLG payer
le
miri
1
pacha s'en empare. Alors, chaque paysan
le
1
devient ouvrier sur son propre terrain pour
On
par jour.
sols
la
solde de cinq
désigne l'un d'eux pour conduire
les tra-
vaux. Voilà ce qu'on appelle admettre les Arabes dans l'ad-
Le nouveau chef
ministration municipale.
usure tous
pour
les
coups de bâton
restitue
a reçus dans sa vie
qu'il
faire sentir sa supériorité et plaire à l'autorité; et,
demeurant,
le
malheureux
travailleur
coups, car les cinq sols qu'on
des bons sur
l'État,
que
étant arriérée de
au juste
situation des
la
tement de l'armée se
lui doit
ne reçoit que
,
au les
sont représentés par
celui-ci ne peut acquitter, l'armée
elle-même
fait
près d'une année. Telle est
habitants de l'Egypte. Le recru-
comme
Des soldats se répandent sur
presse en Angleterre.
la
les lieux
où on doit l'exécuter
un coup de canon, chaque homme s'empare de son
à
avec
;
voisin,
sans considération d'âge. Aussi voit-on des conscrits de trente ans à côté d'enfants de douze. iuifs seuls « Si je tails
te
devais, chère amie, entrer dans de plus longs dé-
sur ce qui se passe
vient à l'appui de ce le
que
la
Un
élève de
faudrait un volume. Je ne
je
la
relation d'un fait qui
t'écrivais
du
Caire, à savoir
rasoirs.
M. Jomart, Mahmoud-Bey,
la
investi de toute
française. L'administration a été changée,
employés remplacés, moins un
les fonctions
vieillard qui remplissait
d'écrivain depuis plus de quarante ans aux
finances, et qui était reconnu
1.
il
confiance de son souverain, a voulu, soi-disant, orga-
niser les choses à les
ici,
pacha n'envoyait en France des jeunes gens que pour
apprendre à aiguiser des «
les
sont renvoyés.
donnerai plus aujourd'hui que
que
Les chrétiens et
comme
Impôt foncier que payent au sultan
les
parfait
honnête homme.
vassaux de l'empire ottoman.
ET HORACE VERNET.
147
Bientôt les dilapidations reprirent leur cours, les vols re-
commencèrent,
compte dans
et
Mahmoud,
Un
caisse publique.
la
pour son
tout le premier, prit
inspecteur arriva;
le
receveur s'enfuit, laissant ses livres. Le bey y était tout au long pour 10,000 piastres. Le vieillard fut accusé; la
vérité;
Mahmoud
On
a placé
deux pierres de chaque
pondit n'avoir écrit que mettre à
et
question.
la
malheureux
côté de la tète de ce huit ans
;
on
les a fixées
des pointes d'aiguilles qu'il
mentée pour
En
outre,
n'a cessé lui faire
de
par
l'affaire ,
avouer qu'elle
même
«
martyrisé,
aussitôt après son rétablissement,
Nous verrons comment
lieu.
Voilà seulement
un
tous
collier
avec
et
de façon
neuf jours,
que quelques heures d'être tour-
même du
le fils
un
et,
tête relevée
lui tenait la
dilapidation des fonds. Enfin, le pacha de
la
et
de soixante-dix-
ne pût dormir. Pendant quatre mois
cette victime
à
vieillard
prendre
le fit
par un cercle de fer a vis,
jours, on serrait un peu plus.
les
ré-
il
fait
la
avait participé
Damas,
l'a fait
instruit
venir
ici,
une instruction aura
chose se terminera.
qui indique
comment
•
les
Turcs
font usage de l'éducation qu'ils viennent chercher en France, et
comment
loin
savent profiter de notre civilisation 1
ils
de penser que
les
;
mais
la
Je suis
Arabes puissent être gouvernés comme
nous autres. Nous avons Afrique
.
la
preuve du contraire chez nous, en
mission des
hommes
devrait être d'appliquer les peines,
élevés dans notre pays telles
sévères qu'elles
puissent être, avec honnêteté et justice. Qu'importe qu'on
coupe
la tête
celui qui
si
à
l'a
un homme pour avoir mangé une pomme,
condamné n'en
perdra Méhémet-Ali la force
1.
par
En le
,
a pas eu
la
moitié? Ce qui
c'est l'application qu'il
veut faire de
de nos institutions avec l'arbitraire nécessaire dans
1826, quarante-quatre jeunes Égyptiens furent envoyés à Paris gouvernement de leur pays pour étudier lès éléments des sciences,
JOSEPH, CARLE
148
un pays où ment
n'y a pas d'intermédiaire entre l'asservisse-
et l'insurrection.
Du
«
il
mauvais usage qu'on peut
reste, le
vient de chez nous
tachement que
Syriens portent à
les
Malgré toutes
çais.
nous mettions
ne détruit rien de
les
L'émir Béchir, prince de
le sol et tout la
tienne. Quoiqu'il soit de l'intérêt
du Liban, sans
le
et
aux Fran-
et étrangères,
que
sera en révolution.
montagne, commande à plus de
cent mille chrétiens, qui souffrent de
habitants
France
la
de ce qui
vivacité de l'at-
la
armées indigènes
pied sur
le
faire
la
domination égyp-
du pacha de ménager
secours desquels
mais pu se maintenir pendant
la
n'aurait ja-
il
guerre avec
les
les
Turcs, ce
souverain souffre de l'espèce de soumission dans laquelle
on
le tient;
car
est
il
chargé
armée du pays. Celui qui venu, la
et,
lui
plus qu'un autre,
il
pour
dire de
ainsi
rendra sa liberté sera
nous désire, par
Russie, sous prétexte de soutenir
le
bien-
raison que
religion
la
schismatique, répand beaucoup d'argent,
moyen beaucoup de
la
police
la
grecque
et obtient par ce
privilèges aux dépens des catholiques,
dontl'influence diminue tous les jours. La Russie agit direc-
tement sur ses coreligionnaires, tandis que
Rome
catholiques n'agissent qu'indirectement, d'intermédiaire.
en résulte que
Il
les
les intérêts
puissances
leur servant
du saint-siége
n'étant aucunement en rapport avec les besoins de
la poli-
tique, les couvents, qui, dans l'occasion, pourraient servir
de très-belles teresses, et
au
et
bonnes places d'armes
tombent en ruine;
lieu d'être
dront pour
les
ils
et
même
de for-
sont envahis par les Grecs,
une ressource pour
la
France,
ils
devien-
Russes un moyen de s'établir solidement,
et
de placer en Syrie leur avant-garde, lorsqu'ils seront maîtres
de Constantinople. «
Je vous embrasse tous de tout cœur. »
ET HORACE YERNET.
«
voyage
février 1810.
"7
donc ce fameux voyage de Syrie terminé, ce
Voilà
<(
Smyrnr!,
149
dangereux pour ceux qui
si
feu, d'après
le récit
à Saint-Cloud
,
vrai
c'est
moindres précautions
,
mais je
est
il
Rome à Naples. . « En quatre-vingts
moins
ici
rendre compte de tout ce que
que j'ai
fique et de nouveau. C'est pour intéressante.
Au
confiseurs
marchands
diable
qu'avec
t'assure
que
difficile
les
celui de
heures, nous voilà à plus de cent
lieues de Beyrouth. C'est
,
font au coin de leur
le
des écrivains. Ce n'est pas un voyage
le
le
commence
je
me
à bien
vu de curieux, de magnicoup que
Chateaubriand,
d'esprit qui
le
la
Bible devient
Forbin
et autres
n'ont su s'exalter
que
sur des restes de pierres, et qui n'ont pas compris que
les
scènes qui se passaient à chaque minute devant leurs yeux étaient
la
représentation vivante de l'Ancien
Testament. Lorsqu'une
fois la
et si
et
du Nouveau
pensée est dominée par
besoin de faire des rapprochements entre
mœurs
et
des habitudes des Arabes, et
la
l'état actuel
description
si
le
des
vraie
simple que nous donne l'Écriture des coutumes des
Hébreux, surtout lorsque cette pensée quelle
mine
à exploiter! voilà le
est celle d'un peintre,
moyen de
faire
du nouveau
sans bizarrerie. C'est avec Delaroche que nous causerons
sur ce sujet.
J'ai
quelques croquis qui
lui feront plaisir,
mais qu'est-ce qu'un croquis? «
Nos derniers jours en Syrie ont
Soliman-Pacha nous Enfin, nous nous
des pauvres.
Il
mer; car
il
la
a
été très-amusants.
comblés de présents, d'amitié,
sommes
quittés nous embrassant
nous a accompagnés jusque sur était
le
etc.
comme bord de
venu de Saïda pour ne nous quitter
qu'au dernier moment. Outre un magnifique sabre et une
JOSEPH, CARLE
150
délicieuse giberne
d'accepter
brodée par
pachatte
la
un admirable cheval arabe
m'enverra à Marseille par
,
9
il
m'a forcé
tout équipé, qu'il
première occasion. Je ne
la
te
parlerai pas des pipes, des coffrets de Jérusalem, etc. Enfin,
m'a comblé!
il
quelques armes
dans c'est
jouer un grand rôle
lui
qui
gagnée. Quant à sa personne et
l'a
de nos vieux soldats de
figure-toi le type
,
Révolution, resté hussard malgré ses deux queues, ne
la
pensant qu'à
la
républicains du
guerre et
struction, dont
comme
se sert
il
comme ceux
frappait
si
juste
,
eux,
la
République.
s'est fait
il
comme Il
nos
est vrai
une espèce d'in-
avec beaucoup de bon sens. Nous
même
avons été souvent à ,
faisant par instinct,
la
commencement de
de dire aussi que,
et
lui faire
de Nézib, chose toute naturelle, puisque
évidemment
à son caractère
de
et l'assurance
bataille
la
riposté par son portrait à l'huile, par
J'ai
de
de Sancho
le ,
voir la mettre en œuvre,
chacun de ses jugements
que quelquefois
je croyais
relire
Don
Quichotte. «
Adieu;
je
t'aime, tu
m'aimes, nous nous aimons
et
nous nous embrasserons bientôt. «
Ton
vieillard
de mari à barbe blanche. «
«
Tu
Smyrne
,
»
à bord du Santi-Petri , 14 février.
vois que le bonheur
me
sert
admirablement. Le
vaisseau que je dois peindre
Santi- Pétri est justement
le
dans
Le capitaine Suin, qui
la
prise de Lisbonne.
mande, sachant que
j'étais à
bord du bateau
le
com-
autrichien, est
venu, avec son canot, nous enlever au moment où nous allions
prendre pratique,
et n'a pas
voulu nous laisser tou-
cher terre. Nous voilà donc dans une auberge de quatrevingt-quatre canons, traités avec toute
la
cordialité ima-
ginable, plantés au milieu d'une flotte française et anglaise,
151
qui forme une armée de dix-neuf bâtiments de guerre, sur lesquels
j'ai
retrouvé bon nombre d'amis et de connais-
sances. Si je devais te dire
Tu
tu ne pourrais le croire.
suis reçu partout,
sauras seulement qu'un roi ne
pas l'objet d'une plus grande attention. Les visites
serait
me
comment je
pleuvent. Le gros et beau Turc, gouverneur de Smyrne,
s'est
lui-même rendu auprès de moi
,
ce qui a coûté au
gouvernement dix-neuf coups de canon, qu'on le saluer.
propre
;
Mais trêve de
part,
homme charmant
,
et ravissant
de
Lisbonne, m'a
combat
à
dans
feu,
j'avais à représenter. serait impossible
de
amour pour tableau de
à notre bord,
la
les arts,
prise de
un branle -bas de
conditions voulues pour ce que
les
Quand même te
l'a-
par ses manières d'une
commandé un
fait faire,
que
fadaises, c'est
l'autre par son
sachant qu'on m'avait
pour
a tirés
mes jouissances d'amour-
mieux que ces
ce qui vaut
miral Lalande
détails sur
il
me
donner une idée de tout ce que
j'ai
éprouvé dans cette grande boite
à
je saurais écrire,
quintessence de mort, lan-,
çant de toutes parts sur l'eau ses mille langues de feu, et
obscurcissant
le
beau
ciel
fumée. Dans ce moment,
bleu d'Orient par des tourbillons de il
n'y a pas de Jérusalem, de Bible,
d'Évangile, de Jacob et d'Arabe avec ses moutons qui soient
me trotter dans la tête. J'étais dans l'enfer, et, vois comme je suis perverti! je m'y trouvais bien. Cependant,au moment où je t'écris, malgré mon enthousiasme guerrier, venus
j'ai le
les
coeur gros. Figure-toi 'que deux canonniers
bras emportés. C'est un événement qui arrive, dit-on,
à chaque manœuvre de ce genre. Je
parler de ce fatal accident avant et
ont eu
que
la
me
que mon admiration pour tout ce dont
témoin ne fasse place à
la triste et
dépèche de
raison
me
te
revienne
je viens
d'être
funeste pensée que (in-
volontairement sans doute) je suis cause de
la
mutilation
JOSEPH, CARLE
152
de ces malheureux. Tiens, chère amie, voilà tout ce que j'avais à te dire qui s'échappe;
ne vois plus que ces
je
pauvres diables.,. Tâchons de parler d'autre chose... « Si
tu trouves l'occasion de faire dire au roi
cupe de Versailles tout en courant ça ne pourra pas mal
«
pour
là
monde,
je pense
;
elles
S'il
tous,
— cela
étoile, qui est
je
si
grande qu'elle vous protège
me
impose de
lui
vous embrasse,
et je te
comp-
tout,
parce que vous êtes nécessaires à
heur, et que je
feront
pouvait en être
autrement, je ne jouirais de rien, et je jouis de
mon
me
car j'espère qu'elles seront bonnes,
plaisir;
très-bonnes, excessivement bonnes.
tant sur
que
le dire.
Je trouverai bienlôt de vos nouvelles
beaucoup de
m'oc-
je
d'autant que rien n'est plus
faire,
vrai: le Saiiti-Pelri est
le
que
mon bon-
rendre heureux. Or, donc,
charge de baiser notre
petit-fils
pour grand-père qui revient de Jérusalem avec des joujoux. «
»
19 février 1840. Constantinople.
%
«
Nous sommes donc dans
fameuse
cette
ville
chère
,
amie. Je suis désappointé. Le plus beau point du monde, à ce qu'on dit,
me
joue
comme
De
la
glace.
le
mauvais tour de me
fenêtre de notre auberge, à Péra, je vois
me
toute cette grande villace. J'ai beau
pour m'enthousiasmer, maisons de bois
et
laisser froid
impossible
;
je
battre les flancs
ne vois que des
des espèces de grosses tourtes entourées
plus ou moins de chandelles
,
qu'on appelle mosquées et
minarets, mais rien de ce pittoresque, rien de cette originalité
de
la
belle Syrie, rien de cette brutalité de
qui donne du charme et lisation.
Tout
fait ressortir les
est rond, tout
pensée. Enfin, je
me
est
mou;
sens énervé, et
il
l'homme
œuvres de
la civi-
c'est le sérail
de
la
ne faudrait pas long-
temps pour que mes idées prissent du ventre comme tous
ET HORACE VERNET. Turcs que je rencontre dans
les vilains
153
Oh!
les rues.
les
gueusards infâmes!... Je suis indigné. Chers Arabes! voire pou, votre puce, quoique souvent incommodes, valent encore mieux que les
parfums de vos indignes ennemis.
Mais, assez d'injures... Adieu.
«
Bosphore. Impossible de mettre
soi. Je suis
et
Constantinople
,
24 février 1840.
un temps affreux, chère amie. Nous devions
« Il fait ici
visiter le
»
ma
donc dans
petite
nez hors de chez
le
chambre bien chaudement,
pour mieux jouir du moment de repos auquel
forcé, c'est avec toi
pas de ce que
j'ai
que
vu
;
il
m'a passé tant de choses sous
yeux; que je commence à
les
plein
:
il
me
Nous ne parlerons
je vais causer.
car
je suis
me
fatiguer;
mon
sac est
larde d'arriver à Malte pour peindre, et encore
du
plus d'arriver à Paris pour jouir
vrai
bonheur, celui
de satisfaire son goût dominant au milieu des gens qu'on aime. « D'ici
mon «
,
j'arrange
mes journées
à partir
du moment de
arrivée.
Nous serons de retour
cement
d'avril
installation à
:
la belle
à la fin
de mars ou au commen-
saison commencera. Vois
Versailles ne serait pas
toute manière,
il
me
faudra prendre ce parti tôt ou tard,
chambres m'empêchant de me mettre
les
Séchan. Je ne ferais donc pas mal d'avancer
du
roi; celui-ci n'en
Quant
à
notre
une bonne chose. De
les
elle?
si
à l'ouvrage
avec
tableaux
les
serait pas fâché. Cette idée te sourit-
moi, je n'éprouve qu'un seul besoin,
celui de peindre. Je viens de faire
une
récolte
telle,
c'est
que,
pour plus de vingt ans, je suis muni de matériaux qui suffiraient à faire la
réputation d'un
homme.
Certes
,
j'aurai
plus appris pendant les quinze mois qui viennent de s'écou9.
JOSEPH, CARLE qu'en six ans à Rome. Qu'est-ce que de
1er
la
peinture et
'des grands maîtres, lorsqu'on traite directement avec la
nature, et une nature toute divine, toute poétique? Quel
pays
m'a
j'ai
fait
parcouru! Plus je reviens sur
émotions
les
éprouver, plus elles prennent de force, et je
qu'il
me
sens
tout jeune. » «
trouvé
« J'ai
que
sir
ici
un
tas
de
lettres
Malte
,
15 mars 1840.
de vous. Te dire
le plai-
éprouvé en recevant de vos nouvelles, ce
j'ai
vous parler de ce que vous avez miennes. Vos cœurs ont battu, forcés de vous moucher,
nous voici dans
la
Il
en recevant des
mien aussi
et pour cause, —
nous sommes tous contents. de nous embrasser,
le
senti
serait
;
vous avez été
moi
aussi. Bref,
ne nous manque plus que
ce sera bientôt, car, maintenant,
et
banlieue
:
500 lieues ne sont plus qu'une
plaisanterie.
Dès en entrant dans notre prison, où nous sommes en
«
quarantaine,
pris la palette et je travaille ferme à
j'ai
tableau biblique
:
grandes figures, costumes arabes...
Le 26, nous reprenons
«
bien, elle nous a
femme
la
mer. Elle qui nous
un
1
traitait si
donné une danse, première qualité! Jamais
grosse n'a été
si
grosse qu'elle et n'a eu de plus
Heureusement,
vent par derrière et
mauvaises
fantaisies.
mon
en avant nous ont portés dans Malte en quatre
étoile
le
jours, tandis que les misérables bateaux qui venaient en
sens contraire ont été forcés de relâcher dans tous les coins
de
la
Méditerranée. Aujourd'hui, nous n'avons plus rien à
craindre; l'équinoxe est passé et les zéphyrs seuls se char-
geront de
1.
Juda
et
te
ramener
Thamar.
le
grand-père des amours, c'est-à-dire
ET HORACE VERNE T.
155
bon papa de Capidon Rabadabla. Dis-lui que
le
un fameux sabre de
porte
la
je lui rap-
A
part de Soliman-Pacha.
pro-
qu'il m'avait
comblé
de présents? Bientôt, sans doute, Marseille recevra
le bâti-
pos de ce héros égyptien,
ment porteur de
t'ai-je
dit
toutes ces merveilles qu'Abdallah (jusqu'à
présent simple sais, mais transformé pour
en ambassadeur près déposer à
tes pieds.
cour de
1a
mon
circonstance
la
écurie)
Abdallah est un grand ami de Brigan-
Ce dernier, au dire de mes compagnons,
det.
des domestiques. Ce qui ne
que
c'est
le
doit venir
te
est la perle
touchera pas médiocrement,
brave garçon t'arrivera toutes
les parties
du
corps tatouées aux signes des douleurs que Notre-Seigneur a souffertes pour nous racheter de nos crimes. tenant
comme
pour de
«
est
certains sauvages qui se montrent à
l'argent. J'espère, cependant qu'il te
rien les parties de son individu que tra
Il
la
main-
la foire
montrera pour
pudeur
lui
permet-
de découvrir. Je vous embrasse tendrement.
»
« 1er
avril
(
sans poisson).
«Dans quelques minutes, chère amie, nous touchons Civita-Vecchia et réunis.
Mon cœur
ritable Vestris.
Il
la
bonne
fait
terre
où bientôt nous serons tous
des culbutes et bondit
est six
heures du matin,
comme un
et,
vé-
depuis deux
heures déjà, je suis sur
le
pont pour regarder de loin ce pays
où nous avons passé de
si
bons instants. Ce soir nous arrive-
rons
à
Rome,
et le 9 avril
nous nous embarquerons pour
Marseille, et puis, Paris «
Nous
allons débarquer.
Adieu pour aujourd'hui. «
Ton fameux -époux.
»
JOSEPH, ÇA RLE
lôtî
Marseille
«
En
France! France!
«
blablabadabla
avant
les enfants
,
13 avril 1840.
de
Nous venons de mettre pied
!
Rabla-
la joie!
à terre, chère
amie.
Nous nous portons comme des charmes. Pourvu que
«
l'impatience ne nous fasse pas maigrir! J'en serais désolé, car nous
sommes
A
très-beaux.
Rome, nous avons eu
sorte de succès. Ingres nous a reçus
toute
admirablement, ami-
calement.
Nous n'avons pas
a
Dieu
comment
sait
cheval fourbu,
s'il
d'autre ressource
elle
vous serrer contre N'allez pas, par
la
diligence.
marchera. Le vent ne serait qu'un
voulait
nous enlever lui-même
mon
porter près de vous, tant est grande
me
que
mon cœur.
d'ici
pour
impatience de
Allons, du calme, l'ami!
un emportement blâmable, détruire en un
instant votre réputation de vertueux voyageur. «
Adieu pour ce
un fameux «
lit,
et je
soir; j'écrirais bien encore,
mais
je vois
ne résiste pas..
Je vous embrasse tous. «
Revenu
à Paris,
Horace Vernet.
Horace Vernet continua
la série
,
exécuta successivement pour
il
sailles la
Prise de Bougie
la Sickak, de Y Entrée de
Somah,
les
,
Y Attaque
de ta-
De
bleaux qu'il avait commencée avant son départ. à 1841
»
les galeries
840
4
de Ver-
Combats de VHabrah
,
de
de la citadelle d'Anvers,
Vannée française en Belgique,
la
Prise du
J
fort de Sai?it-Jean-d Ulloa 11
s'était
engagé
travaux que
à
,
etc.
terminer avant
le roi l'avait
le
1
er
842
les
la Salle
de
janvier
chargé d'exécuter dans
4
Constantine. Pour les sept tableaux et les sept dessus de portes qui
lui
avaient été commandés,
il
reçut 200,000 francs.
ET HORACE VERNEÏ. eut, par lettres, à
Il
157
propos de ces payements, une discus-
sion désagréable avec l'intendant général de la liste civile,
M. de Montalivet.
Horace Vernet
toujours très-soucieux de sa dignité, re-
,
leva vivement les phrases un peu sèches de l'administrateur, et se sentit blessé
J'avoue, écrivait-il à ce propos, que cette assimilation
«
de
de ce% qu'on marchandait ses tableaux.
au métier de
l'art
fiant
peinture a quelque chose de morti-
la
c'est le réduire à sa partie
:
matérielle. Je croyais,
depuis trente ans, avoir rempli une mission plus élevée et avoir mérité une, autre récompense de patriotiques travaux.
mes nombreux
et
»
Déjà, dans une précédente lettre adressée à M. de Montalivet,
il
avait fait sa profession de foi au point de
•lui
des intérêts pécuniaires. n'est rien par
Pour moi, disait-
«
lui-même, mais
il
il,
vue
l'argent
devient tout lorsqu'il est
mon ouvrage comparé à celui ajoutait « Ma ligne de conduite
signe de l'appréciation de
le
d'aulres artistes. » Et
il
:
m'est tracée par
la
considération que je dois au
mon grand-père
et
de
aussi à la réputation
mon
nom de
père, et par celle que je dois
que trente ans de travaux assidus ont
pu m'acquérir. Je veux m'éviter quelque mortification
me
réserver
me
voudra
le droit
d'accepter ou de refuser
homme fois
rang qu'on
faire prendre. »
Ces susceptibilités, légitimes du reste de
de
le
la
part d'un
aussi éminent, se renouvelèrent un grand
dans
ment en l'intérêt
le
le
concernait. Rien de ce qui
ou à l'honneur de Il
nombre
cours de sa carrière, et ce n'était pas seule-
ce qui
indifférent.
et
en donna
l'art et
la
des artistes ne
touchait à le laissait
preuve dans une circonstance
importante.
Le
projet de loi sur la propriété littéraire et artistique
JOSEPH, CARLE
158
adopté par
la
Chambre des
Chambre des députés en
4
pairs en 1839 et présenté à la
841 par M. Villemain, alors
nistre de l'instruction publique, contenait
aux
très -préjudiciable
à l'acquéreur d'une
artistes.
œuvre
plaisir.
et les sculpteurs
s'émurent de cette innova-
Horace Vernet, plus
tion qui portait atteinte à leurs droits.
indigné ou plus
prendre
la
fort
13 transmettait
article
d'art le droit de la reproduire
de toute façon, selon son bon Les peintres
Son
mi-
une disposition
que d'autres, éprouva
le
même
défense de ses confrères en
besoin de
temps que
la
sienne propre.
un
avait à son service
Il
esprit net,
plume, sinon très-expérimentée, du moins preste. Une seule chose l'embarrassait
dans
les
questions de législation.
sulte émérite,
pour
lui, le
M. de Vatimesnil
Code
,
Il
incisif,
vif,
:
— une
très-affilée et très-
il
n'était pas versé
un juriscon-
s'adressa à
qui se chargea d'élucider
à la main, les points de droit
en
litige.
Aidé de ces précieux conseils, Vernet rédigea un excellent qui, après avoir été
commission dont tie, fut
son
le
nom au
sait à cette
et serrée
*
conclusion
:
«
possession du tableau;
la
est,
comme
«
il
«
parce qu'il a pour base des
ne suit pas
1.
Du
même
la
1 .
et
du
il
est inhérent à
travail
de l'au-
disent les jurisconsultes, incorporel;
teur;
personne
envoyé en
Le droit de gravure ne dérive
«
«
et-
d'Horace Vernet aboutis-
création qui procède du talent il
par une
ministre de l'instruction publique.
nullement de
« la
et
à l'Institut
M. Rossi faisaient par-
approuvé par l'Académie tout entière
L'argumentation forte
«
examiné
comte Siméon
travail
chose,
il
reste attaché à la personne,, faits
qui sont compris dans
la
»
droit des peintres et des sculpteurs sur leurs ouvrages, par
Horace
Vernet, brochure in-8°. Paris, Edouard Proux, 1841. (Voyez p. 9.)
ET HORACE V E II N ET. La
de, 1793 avait laissé dans
loi
159
vague ce point de
le
droit; mais la jurisprudence l'avait toujours décidé, jusqu'en 4
842, dans
À
cette
le
sens équitable qu'Horace Vernet
époque,
qui plus d'une
la
fois
Cour de cassation, par un depuis
a troublé la
gistrats et qui fait sentir le besoin
dans
le texte
de
la loi, a
lui
donnait.
arrêt célèbre
ma-
conscience des
d'une prompte réforme
décidé que
le droit
de reproduc-
tion était transmis à l'acquéreur d'un objet d'art par la ces-
sion
même
de cet objet, à moins de réserves contraires
stipulées au profit de l'artiste dans l'acte de vente.
La théorie soutenue par Horace Vernet ne triompha point époque, mais
à cette l'autre
elle
devait reparaître un jour ou
parce qu'elle est conforme à l'équité. Aussi a-t-elle
,
été reprise par la
commission de
la
propriété littéraire et
artistique réunie au ministère d'État en dit l'article 9 «
Au
du projet de
loi
:
reux, d'une statue ou d'un tableau,
«
tion est réservé à l'auteur, à
« traire,
on.
du tableau puisse
le droit
moins de
sans que, dans aucun cas,
statue ou
« si
863. Voici ce que
cas de disposition, à titre gratuit ou à titre oné-
«
«
4
le
de reproduc-
stipulation
con-
propriétaire de
être troublé
la
dans sa posses-
»
On le yoit, cette décision est tout à fait conforme aux vœux exprimés dès 1841 par Horace Vernet. Il est mort trop tôt pour recueillir artistes lui
fruit
de ses efforts, mais
les
sauront toujours gré d'avoir plaidé aussi cha-
leureusement leur cause fense.
le
et pris
en main leur
commune
dé-
JOSEPH, CARLE
160
X
LA RUSSIE PEINTE PAR HORACE VERNET.
— Traversée. —
Second voyage en Russie. bourg.
— L'empereur
Nicolas.
—
Arrivée à Saint-Péters-
Histoire lamentable
d'une prin-
— Bal à la cour. — Tsarskoë— Réflexions politiques. — La
cesse qui aimait trop les cornichons.
—
Selo.
Grandes manœuvres. fête du
czar.
En novembre 1836, Horace Vernet ses amis de Saint-Pétersbourg refrain
:
«
dont voici
le
Revenez-nous; je n'entends de toute part que
cette question
Vernet revient-il?
:
Cette invitation était arrivée au se disposait à partir fut
une
avait reçu d'un de lettre
»
moment où
notre peintre
pour Constantine. Le voyage de Russie
donc ajourné forcément
pro-
et diverses circonstances
longèrent encore ce retard.
Enfin Vernet se mit en route, et, écrivait
un mot d'adieu
à sa famille,
le
1
er
juin 4842,
il
peu d'instants avant
de s'embarquer au Havre.
Nous sommes de
1.
lui laisser la
Des
extraits
trop heureux, pour
le
lecteur et pour nous,
plume jusqu'à l'époque de son retour 1 de
cette
années, dans la Presse,
n 09
correspondance ont
paru,
des 8, 9, 10 et 11 avril 18
il
.
y a quelques
ET HORACE VERNET.
«
«
Nous
Copenhague
chemin, ayant
voilà à moitié
101
,
fait
5 juin 1842
».
un bon voyage.
Nous avons eu très-beau temps, mais mauvaise mer pendant quarante -huit heures, ce qui a un peu dérangé société.
Chacun vomissait
à qui
la
mieux mieux. Nous
n'étions
que
je serai
que deux sur pied. «
Quant à moi,
sois sans inquiétude. Je vois
bien reçu par tout ce que
me
disent les Russes avec lesquels
je fais route. «
Aussitôt
mon
arrivée à Pétersbourg, je t'écrirai afin
que nous sachions comment arranger notre existence jusqu'au
moment où nous prendrons nos
quartiers d'hiver,
chacun dans une ganache, à Versailles. Je commence à sentir le besoin" de rester en place près de toi,
au milieu de
nos enfants et de nos amis. «
Adieu, chère amie; nous allons prendre terre. Je vais
courir porter cette lettre à
la
poste pour revenir à bord,
beau temps engage
le
capitaine à repartir sur-le-
car
le
champ. Je vous embrasse donc tous bien «
«
fait
Me
voilà
à
Saint-Pétersbourg, 11 juin 1842.
Saint-Pétersbourg,
une bonne traversée avec de
gnons. Nous
sommes
:
d'intéressant
la
1.
Toutes
les lettres
Tort aimables
ce matin,
compaj'ai
fait
police, etc., etc..
—
le
Du
encore. L'empereur est allé au-
devant du prince d'Orange; je ne
sont adressées à
bien portant, ayant
à l'ambassade de France, chez
comte Beckendorf, ministre de reste, rien
—
arrivés hier, et,
des visites importantes
vite. »
le
verrai
que dans quel-
auxquelles nous ne mettons pas de suscription
madame Horace
Vernet.
JOSEPH, CARLE
1G2
ques jours. Alors seulement,
de mes
je pourrai te parler
projets.
Je t'écris aujourd'hui pour ne rien dire, mais pour
«
tu saches
que
je
me
porte bien et que le vent
toujours du bon côté, car
encore une
Adieu,
«
moi
j'ai.
me
que
pousse
tout lieu de devoir réussir
fois.
je
vous embrasse tous. Portez-vous bien,
et
aussi.
P. S.
«
— Tous
velle croix
les
de Prusse
journaux 1 .
d'ici
me donnent une nou-
» «
Je croyais, chère amie,
«
d'hui; ce ne sera
que ma
que demain.
J'ai
lettre
donc
Ce
12.
partait aujour-
temps de
le
t'écrire
encore un mot. L'empereur est toujours en route. Depuis
de rien. Je t'avoue que ça
trois jours, je n'entends parler
me semble extraordinaire. Tout le monde me reçoit avec la même cordialité que la première fois c'est à qui m'invitera. Ferzen me donne jusqu'à une charmante petite mai;
son de campagne avec cuisinier, chevaux,
ne vois rien arriver de plus haut. Je
je
X***
tures.
'a
laissé ici
une
pourrait bien se faire qu'on Voilà ce qui
me
ferait
si
etc., fais
etc.,
des conjec-
singulière réputation qu'il
me mesurât
à la
une véritable peine
même
et ce
rendra, encore plus circonspect dans l'expression
désir de revoir l'empereur. lés;
toise.
qui
me
de mon
n'y a que deux jours d'écou-
n'y a donc pas de temps perdu; mais, entre nous,
il
l'état d'équilibriste
de
Il
mais
me
dans lequel je suis placé
est tout près
vexer. D'ici à quelques jours, je saurai à quoi m'en
tenir. »
1.
La
gères
,
croix
du Mérite,
la plus flatteuse»
de toutes
les décorations étran-
parce qu'elle n'est accordée qu'à un très-petit nombre
d'artistes.
ET HORACE VERNET.
163
Ce
«
ment
était prêt à
Péterhof
contraire,
il
paraît
et qu'il m'attendait
,
que jamais
la
!
peu de jours
à
en faveur.
15 juin 1842.
je pourrai savoir à
tournure que doit prendre
par tout ce qu'on
me témoigne
mon
d'affection,
n'a pas changé
quoi m'en tenir
voyage. Si j'en juge
ma
depuis
à-vis de
la
visite en
ce pays. J'espère qu'il en sera de
du
au
pars demain pour aller trouver l'empereur. Ainsi,
« Je
la
bien
:
»
a
d'ici
avec impa-
sorte
je n'ai été plus-
avant, les enfants de la joie
sur
que mon apparte-
faire dire
de m'ébouriffer de
tience. J'avais tort
En
me
L'empereur vient de
<(
13.
soleil.
vous plus
société
position vis-
ma première môme auprès
pourrait bien se faire que je retournasse vers
11
tôt
que je ne
voir entreprendre
la
pensais, car je ne crois pas pou-
le
grande tournée;
que
celle
je
ferai,
quoique plus courte, n'en sera pas moins intéressante.
Comme
rien n'est
prochaine «
Tu
les
fait,
je
ne puis
serais fièrement contente de moi,
Adieu pour aujourd'hui.
J'arrive
la
semaine
comme
si
tu voyais avec
je suis civilisé.
»
Saint-Pétersbourg, 17 juin 1842.
«
«
A
conclusions!
quel soin je rends les visites et «
te rien dire.
de Péterhof, chère amie. Tout s'arrange
je le désirais, sauf la tournée
du Caucase, où
les
comme
choses ne
sont sans doute pas bonnes à laisser voir. L'empereur m'a
reçu admirablement bien. ver
hie.r
dans un
Il
petit port,
m'avait
où
il
me
fait
dire de
me
trou-
prendrait, pour, de
là,
161
une tournée en mer
faire
appartement
je
n'ai
pas
manqué
L'empereur, en descendant de voiture, est venu à moi,
«
les bras ouverts,
m'a embrassé deux
joues, puis m'a dit
—
Pour
cher Vernet, ètes-vous a moi?
les
ce cas, je vous cela plus tard.
moment, ne pensons qu'aux
le
le
fêtes qui
moins possible.
—
»
pour quelque temps, mais
j'ai
à Péterhof,
donc
voilà
mes
pris par
été
j'ai
Pierre Wolkonski, qui tient les cordons de
première question, après
demander
si
la
alênes,
tudes de colporter
prince
le
bourse. Sa
la
politesse d'usage, a été
j'apportais quelque chose
répondu que non,
lui ai
Me
vont avoir
jours de repos, j'espère m'en servir utilement.
En arrivant
«
—
En
à la patte
fil
et,
Mon
sur mes fraîches
fois
pour longtemps. Nous causerons de
Quittez- moi
« lieu.
un
«
:
Je suis libre, lui ai-je répondu.
« tiens «
mon
revenir au château, où
rendez-vous.
le
«
et
Tu penses que
était prêt.
pour Sa Majesté. Je
n'était pas
qu'il
me
de
dans mes habi-
ma marchandise, que mon voyage
en
Russie n'avait d'autre but que celui de témoigner à l'em-
pereur
ma
mettant à sa diposition
même de
lui
me
reconnaissance pour toutes ses bontés en ,
que
je le priais d'en
l'assurance à Sa Majesté, dans faire croire le
contraire.
Me
pour détourner. toute interprétation certains autres, dont
la
conduite
ici
le
donner
lui-
cas où on tenterait
voilà
donc en mesure
qui m'assimilerait
a laissé
à
de fâcheux sou-
venirs, etc., etc. Dis à Delaroche
«
tures de
pour
vail «
la
Quant
mais
si
que rien
n'est arrêté
grande église, que ce
serait
pour
les
pein-
un admirable
tra-
lui.
à
nos petits, embrasse -les bien tendrement,
tendrement que Philippe lui-même, malgré
grande jeunesse, en
soit
ému.
—
sa très-
ET HORACE VERNET. Depuis que je vous
«
165
me compare
ai quittés, je
ayant perdu sa jambe de bois. N'importe!
tel
tiré,
il
faut le boire,
manque
que
tu sais
et
Adieu, chère amie.
«
P. S.
—
Encore adieu. Je t'aime,
aime, nous nous aimons.
Je suis installé
par
Péterhof
l'impératrice charmante d'amabilité
m'être
attendre
fait
les soupers, les
si
vous
,
23 juin 1842.
depuis six jours, parfaitement bien
ici
passé; l'empereur bon et
le
je
»
«
—
me
ne
Je quitte Saint-Pétersbourg aujourd'hui pour
m'installer chez Ferzen.
((
Brechvin est
pas.
«
comme
volonté
la
à
le
longtemps; —
le
,
môme affectueux; me reprochant de
spectacle, les dîners,
— je suis de
manœuvres,
tout.
Logé comme
un seigneur, une voiture, des chevaux, rien ne manque. Voilà pour l'orgueil et
encore rien de
fait
seulement que il
y
a
pour
personnelle; mais
satisfaction
la
les travaux.
L'empereur m'a
nous en parlerions plus
quinze jours que je suis arrivé,
tard.
et
voudrais connaître à quoi je suis destiné.
dit
Cependant
j'avoue que je Il
n'y a cepen-
dant pas de temps de perdu, surtout quand je pense à tous chiens que l'empereur
les
réceptions;
il
est tout simple
mise de côté; plus tard, pas, et
ma
significative «
doit avoir à fesser.
nouveaux princes arrivent
jours, de
première
que
que
lance.
Ah!
je si
;
la
Tous
les
temps se passe en
peinture soit un peu
aura son tour, je n'en doute sera,
sous ce rapport,
plus
— Parlons de nous.
loisirs,
songer que j'en suis fants
lettre
celle-ci.
Pendant mes
elle
que
le
si loin.
je
me
transporte à Paris, sans
Je n'entends pas des voix d'en-
ne m'attende à voir entrer Horace avec sa je le tenais ici, s'amuserait-il!... Dis-lui
que
JOSEPH, CARLE
166
je fais
pour «
une fameuse
collection d'histoires. J'en ai au
Je ne
me
sens pas
le
me promener
courage de
projets de tournée;
il
est
même
probable que je ne
mettrai à exécution que Tannée prochaine. si
tout
une grande démangeaison d'effectuer
seul, aussi n'ai-je pas
mes
moins
six mois.
l'empereur voyage dans l'intérieur,
les
Peut-être que
me
ne
il;
sera pas
possible d'éviter une course; mais, de toute façon, elle ne
mon
pourra pas être assez complète pour remplir je
me
même
trouverais de
obligé de courir
partie la plus intéressante sous et des
progrès de
nant, mais
pays dans
le
la
rapport du pittoresque
le
civilisation. Je le ferais bien
sans échanger une pensée, car
tout dire qu'à «
la
but, et
mainte-
on ne peut
ici
un ami.
If faut que je
te
raconte l'histoire qui est arrivée, pen-
dant notre traversée, à une pauvre princesse mais mariée à un prince
née russe,
,
Figure-toi que
italien.
la
malheu-
reuse femme, après trois jours de vomissements, a voulu rassurer son
cœur
à force
de cornichons, moyen qu'elle
vu quelle
trouvait sans cloute le meilleur, dité effrayante,
cornichons
lui
malgré ses vingt-huit ans. Les mâtins do
ont
fait
un ravage
que bâbord
tel
ont ouvert leur feu au beau milieu de
moment, passagers, matelots, tous, excepté elle,
plaintes déchirantes, et
le
la
Au
premier
chaudière avait sauté.
bruit qui
était
accompagné de
que trouvons-nous? Notre immense
princesse dérobant par sa masse
qui venait
la nuit.
et tribord
capitaines, cuisinier, etc., etc.;
ont cru que
Nous courons tous vers
faïence
d'une roton-
est
d'éclater sous
Paixhans ne sont que de petites
les
éclats
elle.
flûtes
de l'obus de
Les canons
à
la
auprès du mortier
monstre qui venait de ravager plus d'un arpent de chair.
Le docteur
Florio,
que son nom, son nez
et
sa qualité
de
1(57
médecin d'armée ont
investi
du
droit de constater le dégât,
eu occasion de considérer un désordre
dit n'avoir jamais
semblable... Les choses pourtant ne devaient pas en rester là
:
aux malencontreux cornichons un verre de rhum a
substitué, puis deux, etc., fait rire a
disparu, car
le
etc.
été
Alors, ce qui nous avait
danger a commencé. Dès en dé-
barquant, on a porté notre princesse dans une auberge.
deux jours après,
J'ai fait
demander de
n'allait
pas mieux. Enfin j'envoie Charles,
jours;
il
ses nouvelles
me
rentre, en
«
la
canalise?
— Oui,
y a quatre
disant qu'il venait de voir
cesse sur une table et qu'on « la
il
la
« Gomment on comme une pierre,
La malheureuse
à ce qu'on prétend. »
prin-
la
canalisait.
ce soir elle sera
et
elle
,
morte, et on
était
man-
gannalisait. La morale est qu'il ne faut pas trop
ger de cornichons. «
«
Le bateau
est
arrivé hier, chère amie.
j'aurai quelques lettres
que
la
,
mais
ici
une
c'est
distribution en soit faite. Je ne
aller
moi-même
Sans
doute
histoire avant
pourrai sans doute
pas, avant de terminer ceci, répondre à ce
devant
Ce samedi.
que
tu
me
diras,
à Gronstadt, afin de ne pas laisser
ce que j'écris entre les mains de ceux qui ne seraient pas fâchés de savoir ce que je te dis, d'autant plus qu'il y a du
nouveau. Hier, au bal, je suis resté plus de deux heures à causer avec l'empereur.
mencer ma
me
y aura de quoi
à discuter; j'irai
si
je devais exécuter toutes les
me dans ma
con-
propose. J'en prendrai ce qui
viendra. Le reste, je
d'hiver. Là,
y aurait pour moi de quoi recom-
vie tout entière,
peintures qu'il
il
Il
le laisserai
faire
aux
autres, et,
une fortune. Les
avec Sa Majesté voir
part,
sujets sont encore
les places
au Palais
nous conviendrons de tout; mon sort sera
fixé
JOSEPH, CARLE
1S8
pour quelques campagnes artistiques. Véritablement,
homme
impossible d'agir envers un
mon
égard pendant
naissance de
la
On
le bal d'hier.
pas autrement. Dans
lui ai
fait
de
son
traité
fils
mains,
qu'il
ne
me me
sertrai-
bien des sujets. Jusqu'à
L'empereur ne
effet!
recommandé de
les
courant de nos conversations,
le
que nous avons
Bible qui a
l'a fait
troisième grande duchesse. L'empereur ne
rant dans ses bras; enfin, je serais son
tu penses
ne
célébrait le jour
m'a pas quitté un instant, me prenant
terait
est
avec plus de distinc-
tion, d'affection, et, je puis dire, d'amitié, qu'il
à
il
jamais
l'a
se faire lire Habacuc,
Baruch
la
lue. Je
et l'Ec-
clésiaste. «
Demain, nous entrons en campagne pour suivre des
manœuvres qui dureront quatre a
jours.
L'empereur m'a beaucoup parlé de Delaroche.
Il
a
toutes ses gravures. «
dire
Je
me
comme
porte toujours
à l'ordinaire,
scandaleusement bien. J'aurais
content,
si
je pouvais vous croire
qui console d'une
telle
le
cœur
c'est-à-
tout à fait
tout près de moi.
Ce
séparation, c'est le bien qui doit en
résulter. «
Adieu, chère
et
bonne Louise. Je vous embrasse tous
du meilleur de mon cœur.
»
«
«
Hier,
j'ai été invité à
Majesté l'Impératrice. sonnes. Malgré
la
Il
un
souper de famille chez Sa
petit
n'y avait d'admis que trois per-
simplicité de la réception qui leur a été
et la cordiale liberté qui régnait
dans
ces Allemands ne peuvent digérer avalée.
Il
faut
26 juin 1842.
avouer que
les
de sociabilité que toutes ces
la
la
fai te
conversation, tous
barre de fer qu'ils ont
Russes ont plus d'abandon
têtes carrées. Je
me
suis
et
amusé
169
.à
causer avec les jeunes princesses, qui sont charmantes.
La troisième a moi,
la
de grands progrès en beauté
fait
mais, pour
;
grande duchesse Olga exerce toujours son influence
mon cœur; c'est Louise, pas comme comme je voudrais la voir, c'est Louise sur
tranche de lard. Quant à
la tête,
il
elle est,
mais
avec une belle
y a identité, sans
com-
plaisance de papa.
Ma
«
position
est
ici
charmante. L'empereur est d'une
me
confiance et d'un laisser aller qui
mon
mettent à
aise.
me sens le besoin de peindre. Le comte Wome demande le portrait de sa femme à cheval comme
Cependant, je ronzof
celui de
princesse Wickenstein.
la
25,000 francs;
serait
plus que
la
femme
Nous partons
«
le
est jolie
drogman.
peine, d'autant
n'y aura donc que deux
Il
Charles est toujours
:
soixante-dix mille
coups de canon si le ciel
comme
,
»
Ce
29. Tsarskoë-Selo.
Nous arrivons des manœuvres, chère amie;
superbes
meilleur
le
dû en prendre un second
J'ai
ce*
pour de grandes manœuvres
«
«
la
le faire;
nous verrons.
;
cette nuit
la tente est là.
des serviteurs.
envie de
morceau en vaut
qui doivent durer trois jours. bivouacs, et
J'ai
comme
fondait!
»11
s'il
hommes sous
les
en pleuvait, et de
elles
ont été
armes, et des
la
pluie
comme
n'y a que des Russes pour supporter,
sans grogner, de semblables plaisanteries. Les malheureux! je
n'en
ai
mon
dans
pas moins profité de leur triste sort pour mettre sac les effets les plus admirables de fumée pro-
duits par ce
combat perpétuel du
l'épreuve que
si
Tune mouillait,
car nous avons eu «
un
froid
feu et de l'eau
;
j'ai fait
l'autre ne réchauffait pas,
de tous
les diables.
Je pars d'ici pour Saint-Pétersbourg, où je passerai 10
JOSEPH, CARLE
no
quelques jours à prendre mes arrangements pour
portrait
Je
en question. «
Je renonce, pour cette année, à
moment «
grande tournée. Le
peu opportun, surtout pour
serait
le
Caucase.
Les choses ne semblent pas s'y passer de façon qu'on enchanté de
soit
grande la
la
les faire
La nouvelle d'une
connaître.
On ne On donne
bataille vient d'arriver.
victoire a été remportée.
Ainsi,
tués.
d'officiers
il
dit pas
de quel côté
nom
de beaucoup
le
n'est pas difficile d'apprécier le
résultat.
Je
«
renonce donc à
sens
«J'en
mon grand voyage pour
démangeaison; ce sera un
la
En
plaisir.
piocher.
avant,
la
joie! «
Adieu,
je
vous embrasse tous du meilleur de mon
cœur. Je me porte mieux que jamais. Je suis jourd'hui que
mander
j'ai
cinquante-trois ans, que
à l'empereur d'entrer dans
«
Voici encore
«
Je n'ai rien de
minute plus
les
lettre
si
1 er
hommes
tués,
d'officiers. IL est
laissera pas faire
juillet.
ce n'est qu'à chaque II
y a eu
parmi lesquels se trouvant
donc très-probable qu'on ne
un voyage qui
»
par Hambourg.
je t'adresse
te dire,
envie de de-
corps des cadets.
Saint-Pétersbourg,
que
nouveau à
j'ai
jeune, au-
nouvelles du Caucase se confirment.
de mille
beaucoup
la
une
«
le
si
me mettrait
à
même
me
de voir
déconfiture. « Je
me
borne maintenant à observer
qui ont eu lieu
ici
depuis
mon premier
de singuliers, entre autres celui qui de notre
roi
dans
la
les
changements
voyage.
s'est
Il
y en a
opéré en faveur
noblesse, ce qui explique peut-être
la
mauvaise humeur de l'empereur. Je ne serais pas étonné qu'il se
mitonnât quelques farces à la façon de Barbari.
ET HORACE VERNET.
amortir le
en deux, sans intermédiaire qui puisse
est partagé
Ce pays-ci
l'effet
171
du marteau sur l'enclume. Jusqu'à- présent
marteau a été
fort,
mais
petit à petit le
manche
s'use,
noblesse abuse, et déjà bien
les esclaves s'enrichissent, la
des seigneurs n'osent plus aller dans leurs terres; dans fond, la
n'y a pas une très-grande différence entre
il
On
Russie et celui du peuple de Méhémet-Ali.
comme
l'état
le
de
est ici,
en Égypte, sur une boursouflure qui, tôt ou tard, ne
pourra plus soutenir
la
pesanteur de ses obligations. Cette
demandera un jour à combattre autre
formidable armée
chose que des Russes; plus
elle fera
de conquêtes, plus
elle
prendra son pays en horreur. Je viens d'assister à de grandes
manœuvres
on ne peut se
;
qu'ont éprouvées les bois étaient
dans
malheureux
les
soldats.
Le second jour,
jonchés de ces pauvres misérables, couchés
boue sans pouvoir agir de leurs membres. Les of-
la
ficiers
une idée des souffrances
faire
eux-mêmes,
plus ou moins pris par
la
diarrhée,
de l'obéissance passive.
offraient le spectacle le plus triste
Pas un murmure; mais que ne voyait-on pas sur leurs visages!
faut
11
de
ou de l'argent pour que des
la gloire
hommes acceptent momentanément une et pense-t-on
prendre leur
qu'ils
liberté,
pensation aux
semblable existence;
résistent
longtemps au désir de re-
quand
n'ont à espérer aucune
maux dont
ils
ils
me
sont accablés? Pour
mettre du spectacle de toutes ces misères,
j'ai
comre-
voulu voir
quelques-uns des établissements fondés parle gouvernement
dans
le
but d'instruire des forestiers, des laboureurs,
Rien n'est plus beau que il
le
principe
y a boursouflure, et rien dessous
une administration de bâtons d'aucune
,
des
utilité
;
:
mais
là,
comme
en tout,
des bâtiments énormes,
nombreuse, une discipline de
résultats
pour
la
passables
masse
,
etc.
,
fer et
mais qui ne sont
les privilèges
de
la
cou-
JOSEPH, CARLE ronne anéantissant sur-le-champ
le
pour son compte
rait tirer, si la liberté d'en profiter
Les besoins de
l'État sont tels
que du jour où
industrie ne lui rapportera rien,
Ce qui
la
existait.
plus petite
culbute sera inévitable.
la
force de la France
fait la
bénéfice qu'on en pour-
champ ouvert
c'est le
,
à
toutes les capacités pour tirer parti d'elles-mêmes à leur profit. «
Je ne voulais écrire qu'un mot, et
sième
Mais que veux -tu? c'est
feuille.
bavardage que
j'ai
ce matin avec
eu
sommes pas entièrement du môme Russes,
que
et
que
croit
il
la
que tous
terre est faite
les
avis.
hommes
ma
voilà à
troi-
la suite
d'un long
Ferzen.
Nous ne
Comme
tous les
ne se ressemblent pas
pour être balayée par
autres s'y promènent.
les
me
les
Un jour viendra où
uns, ils
afin
seront
détrompés. «
Demain,
je
retourne à Péterhof
me
relancer dans
le
tourbillon. J'y trouverai sans doute le roi de Prusse. J'irai
remercier de sa fameuse croix, car
le
m'a confirmé norable,
surtout
ma
j'en
si ici
,
juge par
l'effet
qu'elle produit
«
P. S.
—
J'ai
commence
qu'on ne
monde,
lettre
sait
!
»
Péterhof, 6 juillet 1842.
à t'écrire aujourd'hui, afin de t'avoir écrit
par
le
bateau prochain, ou peut-être avant
par l'ambassade. La vie qu'on mène
j'ai
le
ho-
»
eu cinquante-trois ans hier
«
une longue
dans
fort
car je suis accablé de félicitations.
Adieu, chère Louise. Je t'embrasse.
Je
prince Guillaume
nomination. C'est une distinction
«
«
le
jamais
si
ici est
tellement hachée,
on aura quelques minutes à
bien des choses à te dire sur
mes
soi, et
projets et sur
mon
retour, qui sera sans doute plus prompt que nous ne
le
ET HORACE VERNE T. Décidément,
pensions.
année; je prends
que,
et
inutile
le
pas
fais
prétexte que
la
faire .que la moitié.
grand voyage cette
le
saison est trop avancée,
ne pouvant visiter
d'ailleurs,
de n'en
ne
je
173
Caucase,
le
serait
il
L'empereur me demande
seulement, pour cette année, un portrait en pied et à cheval
de l'impératrice. Avec celui dont je
moins pour 50,000
les
terminerai tous deux
ici
,
qu'un.
Tu peux décider
de
promptitude avec laquelle
la
parlé, en voilà au
Trois mois suffiront pour leur
francs.
exécution. L'affaire est donc bonne; je
t'ai
tout est de savoir
le
ou bien
mon
là-dessus, car la
si
si
je n'en ferai
retour dépendra
maison de Delaroche
sera mise en état d'être habitée. Consultez-vous à ce sujet.
Pendant
temps qui s'écoulera jusqu'à ce que
le
une réponse, j'avancerai prendre
parti
tel
les
choses de manière à pouvoir
que vous aurez jugé convenable, sans que
Ma
nos intérêts en souffrent.
position
ici est telle,
puis avoir une volonté. L'empereur est
premier
qu'il sera le
je reçoive
à
me
que
laisser faire tout ce qui
me
viendra. Pendant huit jours que les fêtes vont durer,
aura pas moyen de
me
mettre au travail
;
Ladurner
ici.
1
me donne un
il
mon
n'y ,
jo
ap-
coin de son atelier,
chez Ferzen, ce qui sera une grande économie
et je logerai
une façon de conserver mes
et
con
mais après
retourne à Saint-Pétersbourg, tout en conservant
partement
je
bon pour moi
si
relations avec la société dans
laquelle je suis aussi haut placé qu'il est possible de l'être.
Le
frère
de
la
princesse Wickenstein, dont
j'ai fait
autrefois
un bout de
portrait,
de toute
Russie, avec un petit droschki. Voilà pour
matériel.
1.
Élève
la
Pour
la
m*a donné un des plus beaux trotteurs
gloriole,
tout va croissant. Les princes,
d'Horace Vernet, mort en 1856 à Saint-Pétersbourg,
habitait depuis
Nicolas, dont
il
1829.
Ladurner a beaucoup
était le peintre
en
le
travaillé
qu'il
pour l'empereur
titre.
10.
JOSEPH CARLE
174
,
me
les rois, etc.,
du
role
nation de
La première pa-
traitent avec distinction.
me
de Prusse a été pour
roi
ma nomi-
confirmer
commandeur du nouvel ordre
qu'il
vient de
fonder.
La
fête
de l'empereur a
demain. Tout est encombré.
lieu
mêmes du palais sont transformées en bivouacs. dans ma propre chambre un aide de camp de Sa Ma-
Les cours J'ai
jesté auquel je n'ai «
en
Tu ne peux donnant
te
pu refuser
te faire
la
l'hospitalité.
une idée du
plaisir
que j'éprouve
nouvelle que je ne ferai pas
mon grand
voyage. Je vois sans regrets ce projet s'évanouir pour
moment, parla pensée que
moins inquiète,
tu seras
vous rejoindrai, sinon plus
la
chute de notre petite maison. Ce malheur
bon cœur que
si j'étais
tôt,
temps
me
fait rire
un de nos ouvriers. L'agran-
dissement de l'appartement de Louise
mon âme un
que
du moins ayant réparé
je
d'aussi
et
le
disparaître de
fait
diable de nuage qui obscurcissait de temps en
l'espoir d'un avenir semblable
aux
belles années
que
nous avons passées. Nous verrons donc grandir nos bons petits-enfants,
leurs progrès.
et,
à
chaque
nous pourrons jouir de
instant,
Cette délicieuse distraction nous rendra
pente qui nous entraîne moins sensible.
En
la
voyant
les
monter, nous oublierons que nous descendons. Les quelques
coups de brosse que
je devrai
mage ne me coûteront «
pour
pas, tu
donner pour réparer
dîner au palais. Adieu
vieux t'embrasse bien tendrement.
Il
faut
ma
,
pluie
aujourd'hui
la
tombe affreusement.
fameuse Il
me pomponner
pauvre
vieille.
Ton
»
«
« C'est
dom-
en es aussi certaine que moi.
Je te quitte pour aujourd'hui. aller
le
Ce 13
juillet.
de Péterhof,
et la
y a eu messe, baise-main,
etc. »
fête
ET HORACE VERNET.
]75
Ce
13
au
,
soir.
«
La
«
Véritablement, rien n'est aussi singulier que ce mélange
fête est terminée.
de peuple
cela tourbillonnant
dans toutes
est naturellement puant, et,
que ça peut-être. Ah! «
si
,
maine.
du
les salles
avec
la
Le Russe
chaleur, tu juges de ce
te dis mille
tendresses pour
!
toi,
à
peindre à
la fin
de cètle se-
»
«Saint-Pétersbourg, aux
«
palais.
etc..
compte commencer
« Je
rois, tout
et
ton, pauvre nez s'était trouvé là
Adieu, chère amie. Je
nos enfants
de
de grands seigneurs, d'esclaves
et
Mes,
10 juillet 1842.
Je reçois à l'instant cinq lettres de Paris qui
me
coûtent
vingt-cinq roubles, c'est-à-dire près de trente francs. Ce
ne serait rion
,
si
toutes étaient de
toi
,
de Montfort ou
d'Eugène Lami; mais des mâtins qui m'écrivent pour
me
charger de prier l'empereur d'acheter leur brochure Sur la
Propagation de V espèce chevaline,
aussi je vais répondre à
papier, etc., etc.
—
qu'il faut
sances de cœur;
mon
mon
le
le
courage est
temps que
chacun de ces messieurs sur gros
:
ce n'est que
échanger contre de véritables jouisbras n'est pas encore trop
même.
je m'étais
l'aise
et
;
affaibli et
Je prendrai quelques mois sur
donné pour
me
reposer, et
sera bouché. Ainsi, ne te mets en peine de rien est matériel
fort;
Parlons de choses plus intéressantes:
ne pense que médiocrement à notre maison
de l'argent
trop
c'est
le
trou
de ce qui
songe que nos petits-enfants seront plus à
que nous
les
verrons encore longtemps près de
nous; quel bonheur! M. Perrier, qui est rappelé en France, se chargera de porter plusieurs petites choses pour Horace,
JOSEPH, CARLE
176
des armes et des costumes. Je ne suis pas fâché du départ
de notre représentant
ma
:
position sera moins difficile.
penses qu'étant traité tout autrement que être et
souvent embarrassé. Je
mes rapports ont
de politesse que
lui
,
je devais
cependant pas balancé,
été avec l'ambassade plus recherchés elle
si
n'ai
Tu
avait été en meilleure condition.
J'espère que l'arrivée d'un autre chargé d'affaires simplifiera
ma
du
position;
reste, je, puis te dire qu'elle n'en est
pas moins bonne. Le comte de
Woyna, ambassadeur d'Au-
m'a rapporté une longue conversation que l'empe-
triche,
mon compte avec
reur avait eue sur laquelle
il
tère et de
avait fait l'éloge la
fermeté de
«
pas toujours du
«
hommes
même
le
le roi
de Prusse, dans
plus flatteur de
mes opinions avis, c'est
francs sont rares. »
:
«
mon
carac-
Nous ne sommes
pourquoi je l'estime;
Cette conversation
les
m'est
revenue depuis par plusieurs personnes. «
Nous venons de
mais, cette
fois,
temps
le
première journée,
il
taire, c'est-à-dire la
encore trois jours de campngne;
faire
était
admirable.
lant s'est «
la
de tout ce qui
« faire
état-major,
de
la
les régale. Ici
de l'attention générale. L'empereur,
main pendant longtemps en me par-
s'était
retourné, et a dit
mon
fin
réunion de tous les officiers supérieurs
j'ai été l'objet
après m'avoir tenu
la
y a eu ce qu'on appelle un thé mili-
dans un jardin rustique, où l'impératrice encore,
A
:
et je
tout ce que bon
«
passé pendant les manœuvres,
Messieurs, Vernet
mets à l'ordre
lui
fait partie
de
qu'il sera libre
de
semblera dans
le
camp.
»
Aussi
y passer huit jours, ce qui ne sera pas du temps perdu. Avant, nous aurons la fête de Péterhof, et les
irai-je
grandes réjouissances s'arrêteront
pour quelque temps.
commencer
les portraits
dont
répète, je puis
les faire ici
ou à
Je profiterai de ce repos pour je t'ai déjà parlé. Je te le
là
ET HORACE VERNET.
comme
Paris,
—
sons.
ça l'arrangera
la
la
De mon
Chambre des députés,
ici.
Je laisse
mon
et
hiver libre pour terminer
de discuter en famille ce qui
pour notre avenir. Et moi
que Delaroche trouvât
ici
aussi,
une compensa-
aux dégoûts dont on l'abreuve en France; pour
tion
filer
dans l'impossibilité de rien com-
cette année, d'avoir
sera le plus avantageux
il
combinai-
que possible de prendre des engage-
belle saison, afin d'être
je voudrais bien
tes
à cet égard.
pour de grands travaux
définitifs
mencer
mieux pour
Réponds- moi franchement
côté, j'élude autant
ments
le
177
cela,
faudrait être sur les lieux. L'église d'ïsaac est entière-
ment
à peindre,
mais comment savoir
les
si
conditions de
forme, de lumière, de sujet s'arrangeront avec les idées de
Delaroche? Le d'engagement,
faire
et
venir exprès
un refus de
une espèce
serait déjà
sa part,
une humiliation pour
un monument auquel l'empereur attache son amour-propre.
Un voyage de dant,
si
que
je
ne
la laisserais
Remercie Nepveu de
dre mes intérêts; je amitié. dire
lui
de tenir
Dans que
ma
le
si j'ai
parole,
la
pas échapper.
complaisance
qu'il
met
n'attendais pas moins de
cas où
obligations, et qu'à
le
cru de
lui parlerait
roi
mon
devoir
pren-
à
sa franche
de moi,
il
peut
d'homme d'honneur
l'homme de cœur n'oubliera jamais
mon âge
mentir sa conduite de toute «
Gepen-
l'occasion se présentait d'arranger tout sans cela,
tu penses «
curiosité serait le meilleur prétexte.
il
la
vie.
Adieu, je t'embrasse ainsi que nos enfants. *
ses
n'est plus permis de dé-
«
Horacp: Yernet.
»
JOSEPH, CARLE
178
XI
LA RUSSIE PEINTE PAR HORACE VERNET
(suite).
— Horace Vernet ambassadeur. — Voyage — Moscou. — Toula. — Poltava et Waterloo. — Le métier d'hirondelle. — Varsovie. — Installation à PétersboUrg. — M. Ingres. — Coup d'œil sur l'état de la Russie en 1842. — Les Juifs. — Enfantillages et tendresses.
Mort du duc d'Orléans. avec
le
,
czar.
Quelques jours après l'envoi de cette dernière nouvelle de
bourg. Ce sait, le
la
triste
lettre,
la
mort du duc d'Orléans arrivait à Péters-
événement avait eu
lieu
comme chacun
,
13 juillet 4842.
Horace Vernet résolut aussitôt de se rendre en France. Il
lui-même tous
a raconté
passa au grand palais, «
par
main
nêtre, et «
la veille
L'empereur, traversant la
il
:
il
m'a
les détails
de
la soirée qu'il
de son départ 1 .
la foule,
est
venu
me
prendre
m'a emmené dans une embrasure de dit
:
«
fe-
Yoilà encore votre malheureux roi
éprouvé par un coup plus terrible que tous ceux qu'on a
« tirés
sur
lui.
La mort du duc d'Orléans
est
une perte
«
énorme, non-seulement pour son père
a
mais encore pour nous tous. Est-il possible de compter sur
«
une régence qui 1.
peut, s'établir
et
pour
la
France,
au moment où rien ne sera
Les renseignements qui suivent sont extraits d'un registre sur lequel
Horace Vernet a noté quelques-uns de
ses souvenirs.
ny «encore préparé? Car, comment préparer une chose qui «
dépendra des circonstances dans lesquelles
ce
sentera ?
»
pré-
elle se
Je lui ai répondu que je m'entendais fort peu
en politique, mais qu'il
de ces choses qui mettaient
était
sujets sur le
les souverains et les
même
terrain;
que
môme cœur
et
que
épargné devait secours à celui que
le
sort déchirait;
pères avaient tous
le
nul ne pouvait savoir
lendemain
si le
le
les
celui qui était
que
consolateur n'au-
pas besoin de consolation; que je demandais donc
rait
Sa Majesté de remettre
un mois de me donner une séance
à
me
pour son portrait; que mon devoir d'homme à Paris pour roi,
me
il
que du moins,
je
si
rieurs d'une vive émotion
homme
:
tête
signes exté-
les
vous ferez ce qu'un
Allez,
«
devant son infor-
avec tous
dit alors
rappelait
ne pouvais approcher du
ma
vît de loin découvrir
L'empereur m'a
tune.
à
doit faire. Si vous voyez le roi des Français,
«
galant
«
assurez-le que je partage tout son malheur; dites-lui tout
«
ce qui pourra lui faire comprendre l'estime que
a ses
grandes vertus
et
L'empereur me*tenait
pour
la
la
main
j'ai
pour
fermeté de son caractère.
;
nous avions
les
»
larmes aux
yeux; nous sommes restés quelques minutes sans prononcer une parole. Lorsque
-
j'ai
pu
parler,
je
lui
ai
demandé
s'il
m'autorisait à répéter entièrement cette conversation,
et^
sans hésiter,
me
il
«
y autorise, mais
je
il
n'a pas achevé.
Tout
qui
a
répondit
«
que «
Non -seulement
le
monde
était
si
je
vous
d'autres choses,.. »
témoin de cette scène
duré plus de vingt minutes. Enfin l'impératrice,
«
:
la
Et moi aussi,
France déplore.
Gomme
devait
«
vous en charge;
voyant l'empereur s'essuyer disant
:
si
je
lui
je
les
yeux,
s'est
avancée en
me
prends bien part au malheur
»
parlais de la douleur d'une
bien comprendre
,
elle
me
répondit
:
mère «
qu'elle
Mais vous
JOSEPH, CARLE
180
ne parlez pas de celle d'une femme;
«
et, là-dessus, elle
»
a regardé son mari avec une expression
tendre,
si
suis reproché de n'avoir pas deviné plus
reur
voyager.
allait
que je me
que l'empe-
tôt
»
Quelques jours après, Horace Vernet se mettait en route, peine arrivé à Paris,
et, à
ongue entrevue à
avait avec Louis-Philippe line
il
laquelle nous
pouvons également
assis-
grâce aux notes qu'il écrivit dès qu'il fut rentré chez
ter,
lui. «
a Je suis allé
son cabinet,
chez
cents lieues, roi !...
tions sur
miennes
la
s'étaient
dû répandre.
le
fatal
pu
le sujet
parler de
permis de jouer dans
le roi
«
vicissitudes qui ont
«
comme
« la «
le roi est
j'étais
rôle qu'il
:
mon
J'ai
m'est
au
dit
que d'une réponse con-
porteur. Après m'avoir ap-
« Dites
accompagné ma
prince, ont mis
;
entré dans des con-
dehors du
en
m'a répondu
prévisions
d'une longue lamentation
je ne voulais me, charger
forme aux paroles dont
toutes* les
circonstance présente.
la
la
commission dont l'empereur
la
sidérations diplomatiques
prouvé,
le
question politique est arrivée;
la
règne glorieux évanoui,
m'avait chargé. Sur ce point,
roi
m'a semblé brisé sous
11
événement, de regrets exprimés avec
d'avenir brisées ont été
que
amassées depuis huit
douleur. Après. un quart d'heure de récrimina-
l'espoir d'un
j'ai
entrant dans
bien qu'elles sortissent; mais celles
plus touchante éloquence,
alors
En
Je regrettais de les avoir provoquées après toutes
celles qu'il avait
poids de
qui m'a reçu.
le roi,
fallait
il
9 août 1842.
,
larmes nous ont suffoqués pendant plu-
les
sieurs minutes. Les
du
Paris
à l'empereur vie,
que
les
comme homme
et
caractère à l'abri d'éprouver
moindre rancune contre ceux qui ont pu méconnaître
mes
intentions. Si les siennes changent à
mon
égard, dites-
ET HORACE VEliNET. que
« lui
est
181
je suis prêt à lui rendre affeclion
absurde de croire que
pour
affection,
force de caractère consiste
a
II
«
à ne pas revenir sur des opinions émises à une époque
«
quand
«
modifiées par les circonstances.
«
bon
«
peut
la
cœur
le
a
la
la
S'il
lumière qui en
le
roi constitutionnel, je
«
mutisme
et je lui répondrai. S'il
« et
jaillit?
me
je suis prêt à
aime mieux
rendre où bon
à faire tout ce qui pourra réunir
« l'alliance est inévitable
par
la suite, et
«
depuis longtemps, aurait rendu
«
prévenu tout
«
gner entre nous a
« race,
Un
le
mal que fait à
l'empereur m'a
la
me
lui
qui,
mésintelligence qui semble ré-
la
mon cher Ho mon malheureux
l'ordre social; car,
fait
bien du mal et
que
preuve du contraire arrivât, lui
de
la
France, de
le rôle
ambassadeur la
il
fallait
lorsqu'il n'était plus
l'entendre... »
Vernet devait donc jouer à côté de notre
existait
politique plus simple et
«
temps pour
parler,
semblera
si elle
enfant est mort persuadé qu'il en était exécré; la
;
deux peuples dont
«
i<
quoi
autocrate
ne suis pas condamné au
pour être
que
était ainsi, à
peut pas. Qu'il consente donc à m'écrire
a
« dites-lui
en
ce qu'il veut à ses ministres, un roi con-
faire dire
ne
,
conviction que ces opinions ont dû être
discussion et
« stitutionnel
la
part de
la
d'ambassadeur officieux
officiel et
tâcher d'obtenir pour
Russie, des égards auxquels,
depuis trop longtemps déjà, on ne s'astreignait plus à SaintPétersbourg. Il
quitta bientôt Paris.
comment
La
suite
de ses
lettres
montrera
ses négociations avortèrent par la force des cir-
constances. «
«
Copenhague 20 août ,
1842.
Voici encore une traversée scandaleuse de bonheur.
Tu ne
te fais
pas idée, chère amie, d'un temps semblable
n
:
t.-
-
-
.
-
-
.
-
...
.
-
Joseph, carle
184
pas plus de
mouvement que dans
soleil brillant et
A
.
la
rue de Richelieu, un
Un bon zéphyr pour diminuer
chaleur.
la
bord, nous ne sommes que six voyageurs, dont trois
femmes soir^
de
fort gracieuses, faisant
la
musique du matin au
de vraies lionnes, fumant, riant, ne refusant pas un
verre de vin, enfin tout ce qui peut égayer un voyage tout
en conservant ce qu'il faut pour
constituer
une
société
aimable et décente, mais bien juste pour l'éducation d'une
jeune princesse russe qui voyage avec son père. Le temps
semble vouloir nous conduire jusqu'à Saint-Pétersbourg sans changer.
S'il
en
mardi prochain, de grand
est ainsi,
matin, nous serons rendus à notre destination. Malgré toutes ces chances heureuses,
j'ai
toujours
gros de vous avoir quittés.
tenons ferme! D'après
faut
Il
que
la lettre
le
cœur un
petit
peu
du courage. Allons,
j'ai
reçue de Louise au
Havre, je pense que bientôt vous serez tous réunis. Alors,
Vous serez heureux. seul, bienloin^
Il
n'y aura que moi qui piocherai tout
bien loin! Ouf! encore une fois, allons! une
bonne pensée me soutiendra
:
celle
monde pour arranger une bonne «
Adieu, chère amie.
«
Me
voici
villace.
J'ai
cordialité.
comment ne
elle
fois
été courte.
Il
la
la
grande
même
m'a demandé
Son intérêt pour
pas refroidi; néanmoins, je n'ai pas cru convela
grande explication tout de suite,
Malheureusement,
là
;
mais, ces jours-ci,
le
elle'
je n'aurai peut-être pas l'occa-
sion aussi belle qu'aujourd'hui. «
dans
réinstallé
j'avais laissé la famille royale.
prince Pierre Wolkonski étant lieu.
fin.
vu l'empereur, qui m'a reçu avec
La conversation a
s'est
au
tout
»
encore une
nable d'attaquer
aura
d'avoir fait
Qu'y
faire?
Je pars avec l'empereur dans les premiers jours de sep-
tembre pour parcourir 1,500 lieues de pays en sept se-
m
ET HORACE VERNE T.
maines. Nos plus longues courses sans arrêter seront de quarante-huit heures.
Nous avons douze
séjours. Ainsi, tu
vois qu'il n'y aura pas de grandes fatigues. J'ai pour
une bonne calèche. Voici
seul le
général Orlof ,
ne
je
te
toutes
la
quantité
Hhook
Ce que nous aurons
à voir,
d'aides qui
directions,
lês
moi
maître,
le
,
dirai pas; c'est encore un mystère. Si on en
le
juge par
est choisie.
le
:
général
général d'Adlerberg
le
La société
et moi.
voyageurs
les
se
il
n'aurai pas la satisfaction
d'avance
partent
passera bien des
dans
choses. Je
de t'en rendre compte à me-
sure, car... N'importe! tu auras toujours des nouvelles de
ma «
me
santé.
Mon
retour
prompt a étonné
si
ici.
Ce que
la société
de questions annonce bien l'inquiétude où
fait
elle est
sur l'avenir de ce pays. Depuis quelque temps, dans l'arméô
comme
dans l'administration,
affreux.
Il
y
il
se
commet des
a quelques jours, le frère
sous-ministre des finances, a eu
la
assassinats
du prince Gagarin,
cervelle brûlée par
un
employé. Le criminel a été condamné à 6,000 coups de baguette;
il
n'en a reçu que 1,200, puis
tenant, on a découvert
que
commettre ce crime par raison de
la
le
il
Il
Main-
désespoir d'avoir été chassée en
déclaration qu'elle avait
dû
faire
mis par de grands personnages. La vérité tard.
est mort.
cette victime avait été portée à
des vols com-
est arrivée trori
en résulte une grande fermentation dans
moyenne qui ne trouve aucune
la classe
protection contre les sei-
gneurs. « Èri arrivant ici
je n'etisse rien de
,
celui de
trouvé toutes vos
:
elles
je
Quoique
les ai lues
ont continué nos conversations
Mon voyage commence par un
me
lettres.
nouveau à y apprendre,
avec bien du plaisir
de Pàris.
j'ai
tenir éloigné de tout ce
sacrifice
énorme,
que j'aime au monde.
184
A ai
peine ai-je rempli des obligations
(la
satisfaction
que
un éloignement de
retirée avait été achetée par
j'en
trois
années), j'en contracte une nouvelle dont les conditions sont dures pour rage,
le résultat
le
présent, mais que j'accepte avec cou-
devant être bon pour tous. J'arriverai au
bout, parce que je
le
Ma récompense
veux.
sera d'autant
plus douce, que personne n'aura eu autant à en souffrir que
moi. Quant à ton
cœur
ma bonne
toi,
ressentira de
Louise, je sais tout ce que
tiraillements; je sais
m'aimes, comment tu aimes tous
comment nous
sais aussi
môme que reste
que
dans
le
corps lorsque
qu'il
la
te
tu seras triste, cours
dans «
rêt.
loin.
de nous, depuis
le
l'âme
Songe
mariage
mois qui vont s'écouler,
Quand
feront passer de bons instants.
de
vite les baiser
que
ma
part. Je te
tu feras
en
donne
mon nom.
de ce genre
bourse.
Le voyage que Pendant
je vais entreprendre est d'un
six semaines, je ne quitterai pas Y
je le verrai à toutes les minutes.
de longues tamerai
comme
retour, j'aurai encore bien des fonds
ma
Tu
es la moitié de moi-
pensée est bien
les six
carte blanche pour la dépense
A mon
tu
importe pour nos vieux jours de
conserver compacte. Pendant
nos petits-enfants
Tu
de nos enfants,
je te confie le lien qui a fait
de Louise, un tout
les tiens et les nôtres.
t'aimons.
je laisse auprès
comment
le
grand
inté-
Homme
4 ;
Nous aurons sans doute
et fréquentes conversations
dans lesquelles j'en-
rapprochement que nous désirons tous.
J'ai
bon
espoir, car l'opinion générale est toute préparée et chacun
désire voir la France liée avec ce pays.
pereur à vaincre, c'est-à-dire
prendre qu'une plus longue
1.
L'empereur Nicolas.
il
Il
n'y a que l'em-
n'y a qu'à lui faire
com-
résistance passerait vis-à-vis
ET
HORACE VER NET.
du monde entier pour de l'entêtement. Avec roi,
que
l'espoir «
me
je
garderai bien de donner toutes à
de mener
la
du
paroles
les
la fois, j'ai
chose à bonne On.
La famille impériale a quitté Péterhof pour se rendre pour venir
à Tsarskoë-Selo. J'ai profité de la circonstance
passer trois jours en ville, afin d'acheter quelques petites
choses dont
j'ai
besoin pour
mon
voyage,
en cuir, sac pour mes livres de croquis, l'empereur a
fait
demander
si
je suis
que coussin
telles
malade
et
Déjà,
etc.
etc., si
je revien-
drai demain. Je ne suis pas fâché de la circonstance
me prouve «
qu'il a
Voici une longue lettre, et je ne
de ce que je voulais
Ma
chère amie,
temps que certain.
—
1
la
moitié
»
Saint-Pétersbourg, 10 septembre 1842.
j'ai
mes arrangements pour
fait
je dois passer ici.
Lemaire
pas dit
t'ai
dire; mais adieu.
te
«
«
qui
besoin de moi.
Tu m'approuveras,
le
j'en
suis
part; je prends son établissement
pour
100 roubles par mois; l'appartement est très-simple, mais parfaitement
commode
:
j'ai
cuisine, écurie, etc., dans un
beau quartier, tout près de Y Ermitage lier
mirobolant. Voici au juste
45 roubles pour
pour
ma
pour
russe, 35
où
j'ai
un ate-
compte de mes dépenses 45 pour
cuisinière,
mon domestique
val; total,
le
>
la
mon
:
cocher, 100
nourriture du che-
225 roubles par mois. Je n'aurai d'autre dépense,
en outre, que
ma
nourriture, celle de Charles et le
marchand
1. M. Lemaire, membre de l'Institut avait été appelé à Saint-Pétersbourg par l'empereur Nicolas pour décorer de sculptures la grande église ,
d'Isaac. C'est le succès
obtenu en France par
le
fronton de la Madeleine
qui avait désigné- notre compatriote à l'attention du czar. artistes français
à l'étranger.)
(
Dussieux, Les
JOSEPH, CARLE
186
de couleurs. Avec mille francs par mois, j'aurai plus
me
ne
faudra, argent de poche compris.
Nous partons demain. On vient de m'envoyer une sa-
«
coche d'argent pour
Tu
vois
moi
pourboires que j'aurai
les
comment l'empereur
à Taise. Cette sacoche, n'étant pas à la
s'y prend
maison
Le bateau arrive,
me
soir, et
me
voilà
et
ainsi
lettre
11
l'eau.
de
pour moi
!
doit
sans doute
elle n'est
Je pars ce le
si
gronder de
te
Tu auras
combinaison; dans ce cas,
—
—
septembre.
deux mois sans nouvelles, juge
bec dans
le
gens
»
pas de
paraîtra long. J'ai envie
les
laissé la clef,
lorsqu'elle est arrivée,
«
«
donner.
à
pour mettre
dont on n'a pas
contenir une fameuse somme.
me
qu'il
me
temps laisser
quelque
fait
pas heureuse, mais je
pendrais que je n'en resterais pas moins sans nouvelles
et je n'aurais plus l'espoir d'en recevoir plus tard. Ainsi, je
me « le
décide à vivre. si
ce n'est que demain j'entame
Embrasse tous nos chers
enfants. Je devrais bien n'en
Je n'ai rien à te dire,
grand voyage. «
pas faire aussi.
autant pour toi, mais n'importe! je t'embrasse
»
«
«
Me
voilà
donc encore une
chances de bonheur
me
Moscou, 15 septembre 1842. fois
suivent.
Quant aux commodités de voyage, serais prince
du sang que
en route. Les
Le temps je ne
est
mêmes
superbe.
t'en parle pas. Je
je ne serais pas
mieux
installé.
«
Je suis monté en voiture six heures avant l'empereur
afin
de pouvoir m'arrêter à Novgorod, où je voulais voir
une
église pittoresque qui date
de 900. Les portes sont en
VERNE T.
ET HORACE
187
bronze sculpté venant de Constantinople. est curieuse elle n'a
Cette antiquité
Du
parle mélange de sacré et de profane.
reste,
de remarquable. Les peintures grecques de
rien
l'intérieur sont très-bien conservées; mais, ce qui distingue l'église, c'est d-e
son aspect bizarre
:
elle
semble être construite
tubes, les uns creux, les autres pleins,
manière que
superposés de
vides s'appuient sur les solides. Là, l'em-
les
Nous nous sommes arrêtés au delà de pour voir manœuvrer quatre régiments de cavalerie,
pereur m'a rejoint. Toula,
et le soir
nous étions à Moscou.
« Jusqu'ici,
il
n'y a rienjde très-piquant. Cependant, nous
avons eu unépisode dans une auberge. Nous courions le
vent. Tout à
chon,
et,
coup l'empereur
s'arrête, entre
au bout de cinq minutes, nous
dîner. Figure-toi
une
petite
chambre de
fait
comme
dans un boudire de venir
bois,
une
table,
quatre chaises, deux chandelles, un autocrate, deux généraux et
un peintre mangeant
soupe aux choux, tout en causant
la
familièrement. Constantinople, à
Moscou, dont
Syrie, l'entrée des Français
le
trentième anniversaire
le
fond de
c'était
d'autres choses ont
la
fait
la
,
et bien
conversation. Je t'as-
sure que c'était d'un très-grand intérêt. Si je n'avais pas été acteur, je
me
serais cru
au spectacle. Aujourd'hui, après
un
palais qu'il
construire au milieu du Kremlin. C'est un
monument
l'adoration des images, l'empereur a visité fait
gigantesque de style byzantin, parfaitement bien compris, et
en rapport avec
rent.
Du
moins,
ici,
reste des constructions qui l'entou-
le
voilà
de l'architecture nationale, car
il
y a aussi un peu de tartare dans les détails; ça n'en fait que mieux, par la raison que l'exécution barbare a disparu et a fait place à tout ce
que
les
progrès de
la
civilisation
ont apporté d'améliorations dans les arts. Enfin, selon moi, c'est
un pas
fait,
vers
le
but que tout artiste devrait s'effor-
JOSEPH, CARLE
388
cer d'atteindre, qui consiste à joindre
par «
Après
promenade,
cette
liberté, et je suis à
l'avenir
t'
y a eu une revue, puis un
il
s'est retiré.
me
resque, car
le sol est si
richesse;
France quand
la
qu'ondulée
bon qne
comme
c'est
livrerai
»
passe d'admiration
je
ce n'est pas sous
la terre n'est
sa
Koursk, septembre 1842.
Depuis Moscou, chère Louise, Ici,
me
coucher. Bonsoir.
«
en admiration.
Chacun a repris
auquel je ne
écrire, plaisir
pas longtemps, car je vais
mais
-à
mieux.
le
grand dîner. L'empereur
«
passé
le
le
rapport du pitto-
et dépouillée d'arbres
;
récoltes sont fabuleuses de
les
dans nos plus belles provinces de
population est assez considérable
cultiver avec plus de soin. Je ne
sais' si
dans
le
pour
monde on
pourrait trouver une contrée semblable. Pour m'avoir frappé, il
faut
que ce
remarquable, car tu sais que je suis
soit fort
peu sensible à ce genre de beauté.
Il
y en
a d'autres qui
me touchent bien autrement, et j'ai l'occasion de satisfaire mon goût pour les soldats. Figure-toi que je suis au beau milieu d'une colonie militaire
de dragons ont
défilé ce
me
chant pour l'arme, je Il
faut dire aussi
que
:
matin
c'est
J'ai
le
!
Malgré
vois forcé de
mon peu de penrendre justice.
lui
une nouvelle organisation qu'on
doit au génie de l'empereur;
qu'on puisse trouver
quatre-vingt deux escadrons
mais
il
n'y a qu'en
moyen de monter une
vu plus de dix mille chevaux ce matin.
Russie
telle cavalerie.
n'y en a pas un
Il
qui ne passerait chez nous pour un très-beau cheval d'officier. Je brise sur les éloges,
car,
si
je voulais tout dire, je
n'en finirais pas, et je te connais assez pour savoir que tu
trouves plus à ton gré que je te parle de moi. porte à ravir.
Nous avons un temps du mois
Eh
bien, je
me
d'août. Lorsque
ET HORACE VERNE T.
comme
nous ne courons pas de
très-jolies villes, toujours
dies ne leur laissent guère
calamité, mais feu,
il
comme
vent, nous stationnons
presque neuves, car
temps de
le
vieillir;
les
dans
incen-
une
c'est
tout est en bois et qu'il faut faire
que
est tout simple
le
189
les
du
sinistres se multiplient. Ce-
pendant, à Toula, l'empereur a visité d'admirables constructions en brique et fer, destinées à la
d'armes qui avait été détruite
même
ne connais pas,
il
fameuse manufacture
y a plusieurs années. Je
en Angleterre, d'établissement aussi
considérable et surtout aussi beau. Les ingénieurs sont des
gens de mérite incontestablement; mais aussi quelles ressources l'empereur met à leur disposition!
L'empereur est pour moi ce
«
bonté parfaite. Qu'ai-je
me
comme
traite
l'égal
de toutes
me
s'il
pour
lui ?
devait de
la
—
Rien encore,
Quant
à
me
peux donc m'en
me
croire. Je te répète :
c'est
au-
qu'en
du caractère de Sa Majesté.
voue une respectueuse admiration.
lûi
Nous passons
«
il
connais assez pour savoir que j'y
a l'idée la plus injuste
moi, je
et
reconnaissance et à
jourd'hui ce que je soutiens depuis longtemps
Europe on
d'une
personnes qui l'entourent. Je ne
les
laisse pas aveugler; tu
vois assez juste; tu
fait
qu'il a toujours été,
après quoi, nous nous
trois jours ici;
remettons en route.
Il
me
tarde bien d'arriver à Varsovie,
car je suis et serai sans nouvelles jusque-là.
«Un
courrier part d'ici cette nuit. Le général d'Adlerberg.
qui est mille fois bon pour moi, se charge de mettre cette lettre «
de
1,
dans
le
paquet
1 .
Adieu, chère amie, je vous embrasse tous du meilleur
mon cœur. Il est
en
»
effet facile
de voir, au ton de cette lettre, qu'HoraCe Ver-
net ne se sert pas d'une voie dont
il
soit
absolument
sûr.
La note
thousiasme est certainement un peu forcée. 11.
d'en-
JOSEPH,
190
Élizavetgrad, 30 septembre 1842.
«
«
C A RLE
Je passe, chère amie, de surprise en surprise. Vérita-
blement, on n'a aucune idée en France de Russie que je traverse maintenant. Je
dorure
,
qui
en raison de
,
la
la
partie de la
fais la part
de
la
présence de l'empereur, re-
couvre bien des misères; mais
pour moi
la
il
n'en résulte pas moins
conviction que toutes les institutions du gou-
vernement tendent aux progrès
civilisateurs dans
qui, sans rien détruire de l'obéissance dont
veau a besoin, doit développer
un ordre
un pays nou-
l'intelligence
de ceux qui
jusqu'à présent étaient restés dans l'esclavage. C'est par l'armée que et ses
la liberté est
introduite.
Tout soldat
enfants reçoivent une éducation
est libre,
qui les place de
droit au rang de sous-officiers. Plus de six mille sortent
par année des colonies militaires, sans compter des cadets qui fournissent
le
même nombre
les écoles
d'officiers.
Les
établissements destinés à ceux-ci sont admirables, non-seu-
lement par
la
force des études qu'ils doivent faire, mais
aussi par le comfortable et les soins dont chaque individu
que
est l'objet. C'est-à-dire
si
l'abnégation entière de toute vo-
lonté individuelle n'en était le principe.
réunion de toutes
les volontés
est
Il
est impossible qu'il
tributaires les
a sa place,
que veut une seule vo-
mais
le
chaos se débrouille;
l'affinité
qui doit les rendre
uns des autres n'existe pas encore Une vo-
lonté supérieure peut seule avancer ce
persuadé que
c'est la
faits; ici,
en soit autrement. La Russie
pour ainsi dire au moment où
chaque élément
Pour nous,
qui accomplit les
tout doit concourir à exécuter ce lonté.
une minute
chers petits-enfants au système
à confier le sort de nos
d'éducation en usage,
je n'hésiterais pas
c'est à ce
moment,
et je suis
grand œuvre que l'empereur tra-
ET HORACE VERNET. Ce que
vaille.
je vois tous les jours
191
m'en donne l'assurance.
ma réputation d'homme léger, j'ai vu tant de choses que mon coup d'œil me trompe rarement. Tu diras que Malgré
de l'orgueil; n'importe!
c'est
comme
qui ne parle pas, tude. Si je
me
c'est l'opinion d'un peintre,
Fénelon
Bossuet
et
,
multi-
à la
trompe, nous en serons quittes pour en rire
plus tard, lorsque nous cracherons sur nos tisons. «
faut
Il
que
je te parle aussi
Depuis Moscou jusqu'ici, je
du pays que
je parcours.
vu que de grandes plaines
n'ai
toutes plates et coupées de distance en distance par de pro-
fonds ravins, où coulent des ruisseaux, des rivières et des
comme
le
d'exubérant sur
la
fleuves,
Volga,
le
surface de
Dnieper,
etc.
etc.,
tumuluSj qui se chargent de dire aux passants: «s'est battu. »
Vainqueurs
même herbe croît
La
d'un Suédois ou d'un Cosaque.
tée d'une
bondir
ne
Russie vive, ainsi que
« et
le
le
Il
votre prospérité.
la
cœur
;
écrit
ombres sont venues se présenter
à
foi,
a
champs de
été brisées. Ici,
paix!
»
bataille,
du moins,
une même couche de mais
terre
le
moi
:
Charles
vaincre les Français! les
XII
et
mon pauvre
la
où deux grandes gloires ont
mort a réuni
comme
ennemis sous
les
voulant dire
:
«
Après nous,
champ de Waterloo couvert de monu-
ments qui revendiquent
où
la
votre gloire
éprouvé une douloureuse sensation en rapprochant
ces deux
« la
Quant
«
mots, deux grandes
Napoléon, Poltava et Waterloo!... Chère amie,
cœur
:
pourvu que
tient pas à la vie,
lisant ces
surmon-
celle-là est
pureté de votre
En
»
même
le
y a cependant une de
grande croix sur laquelle on voit
Pierre, sachez qu'il
« à «
fait
sur
on
corps d'un Tatar, d'un Polo-
trou. nais,
ces buttes qui m'a
« Là,
vaincus, tous sont dans
et
n'y a
Il
terre qu'une multitude de
la
la
S'ils
nôtres sont morts,
part de gloire que chacun a eue à
ont refusé de marquer c'est
qu'elle était trop
la
place
grande
JOSEPH, CARLE
192
sans doute. Alors,
sous
ils
ont bien fait;
stérile
poids de leurs trophées de fer; celle qui couvre nos
le
soldats suit les lois de la nature, etc., je fais
gémit
terre
la
du pathos
etc., car
voilà
que de
à la d'Arlincourt, plutôt
te
que
parler
de tout ce que je vois d'intéressant.
sommes dans un pays qui présente un nouveau caractère, et les Juifs commencent à se montrer en nombre considérable. Ma Bible à la main je les retrouve Déjà nous
«
,
tels qu'ils
sont partout
:
bas,
sales, les
yeux malades,
—
riches sans doute, mais toujours rampants.
Le costume turc
commence
et,
à se
serons sur
la
montrer parmi
femmes,
les
lorsque nous
frontière de la Moldavie, je retrouverai toutes
habitudes de mes chers Orientaux que j'apprécie chaque
les
jour de plus en plus. Plus je
vieillis,
nécessaire, car l'avenir devient
si
plus
court!
Il
passé m'est
le
faut le faire le
meilleur possible. «
Bientôt je serai à Varsovie; j'aurai de tes nouvelles, de
celles
me
de nos enfants. Cette idée
aussi heureux
que lorsque, plus
rend pour
le
moment
tard, je reverrai les tours
Notre-Dame. «
Je ne voulais te dire qu'un simple
saches que je
me
mot pour que
comme un charme, que comme à vingt ans, et que,
porte
métier d'hirondelle
départ de Saint-Pétersbourg,
tu
mon depuis mon je fais
déjà vu deux cent quatre-
j'ai
vingt-quatre escadrons! «
Adieu.
»
«
«
faire
Varsovie, 11 octobre 1842.
Chère amie, nous n'avons plus que deux cents lieues
pour avoir terminé notre tournée,
jours nous serons rentrés en
jambes
et je
me
fixe
ville.
et
Alors, je
à
dans quelques
me coupe
devant mon chevalet. La rage de
les la
ET HORACE VERNET. commence
peinture
193
me faire sentir son despotisme. Je ma veste grise. Ce matin, je suis
à
n'aspire qu'à reprendre allé voir
chez Sucodabsky quelques-uns de ses tableaux.
voulu
J'ai
n'ai pas
donner des conseils. Sa palette
lui
pu y
l'exemple.
m'en suis emparé
tenir, je
et j'ai
un bonheur que
barbouillé avec
J'ai
était là
prêché par je
ne puis
un dessin.
d'écrire, je ferais «
me
L'accueil que
j'ai
reçu
flatterait, si je n'étais
Ah! quel
blable partout.
c'est à
de
ici
la
part de tout le
monde
habitué à en recevoir un sem-
orgueil!...
mon mérite que
ce n'est point à
Non, non, chère amie,
j'attribue tant d'honneur,
ma bonne étoile que je dois la belle position me trouve. Je n'ai d'autre avantage sur les
dans gens
laquelle je
moins favorisés que de
moyens
diriger par des «
Quoique
le
l'avoir laissée faire sans vouloir la factices...
temps me presse,
à vous et que
me ramènera
Je
le
même
sentiment qui m'a
plus tôt possible
,
pas
Ma moins du monde
plaindre encore.
le
battent de «
l'aile,
à
Cependant, je
et
ma
et,
sens
Tsarskoë-Selo, 18 octobre 1842.
De Varsovie faire
ici,
nous n'avons
258 lieues. Pas
le
santé toujours robuste. Je vais
prendre congé de l'empereur, comble,
me
»
mis que cinquante-huit heures pour
me
la
n'ai point
commencer par l'empereur.
est terminé.
moindre accident,
vous quitter
fatigué, et j'en vois d'autres qui
Adieu, tout à vous tous.
Mon voyage
fait
parole d'honneur, je ne
«
«
dire,
je pense bien
car je sens vivement que
vieillesse a besoin d'être soutenue.
me
veux encore vous
je
que moi aussi
à vous tous qui pensez à moi,
il
je
rendre. Tiens, je ne veux plus y penser, car, au lieu
te
à
;
le
remercier des faveurs dont
deux heures aprôs,
je serai à Pétersbourg,
JOSEPH, CARLE
191
où
quitte la cape et l'épée pour réprendre
je
peintre et ne
la
la
veste
du
plus quitter de longtemps, c'est-à-dire jusqu'à
ce que j'aie terminé les travaux que je vais entreprendre.
Plus tard, je
«
une description entière de mon
te ferai
voyage; aujourd'hui,
il
ne sera question que de
du beau temps, qui justement
départ, m'a conseillé d'emporter il
s'est
une
je n'en avais
chargé de m'en envoyer une. En
effet, elle est
ma
pelisse
200 roubles. Aux premiers froids, je
me
mots sur mon dos, pour
:
la
rendre chez l'empereur. Tout
fourrure, je ne la quitte qu'au
d'entrer dans le salon; mais figure-toi
ment
la sai-
;
arrivée, coûtant
glorieux de
pluie et
un de mes amis, au moment de mon
son. Heureusement,
pas;
la
pour
est déjà affreux
tous les poils étaient sur tous
mon
moment
désappointe-
mes membres. Ésau
avec sa toison n'était qu'un oiseau plumé auprès de moi.
Grâce
à
ma
pelisse, dont la doublure pourrait maintenant
bocaux de cornichons,
servir à couvrir des
de
telle
infini
me redonner parties de mon
pour
quelques nal.
a fallu
qu'il
sorte,
Cependant ce qui
m'étriller
figure
pendant un temps
humaine
restait
encore de velu à
prendre aux cheveux avec
rendre semblable à
et faire ressortir
noble uniforme de garde natio-
singe m'a rendu quelques services pendant à force de se
j'étais ébouriffé
la tête
la
mon
cul
de
route. Charles,
lui, a fini
par
le
d'un teigneux; mais, du moins,
ce qui reste est solidement attaché et a résisté à une foule
de coups de bâton.
»
«
«
Je suis installé dans
Saint-Pétersbourg, 19 octobre 1842.
un appartement assez commode,
mais d'une tristesse affreuse, entre deux cours hideuses de malpropreté. je
Comme
m'en moque.
je
ne passe pas
mon temps
à la fenêtre,
ET HORACE VERNE T.
195
Avant mon départ de Tsarskoë-Selo
ci
venir dans son cabinet.
fait
m'a
11
mon
content de
rendez-vous avec
J'ai
voir les places de
mes tableaux
mon mieux
puis
me
dissimuler que
l'empereur arme une
affaire
ment,
le
et j'espère
Adieu.
Je suis
mon
atelier. Ainsi,
plus à penser qu'à peindre
me
faut
il
tenir ferme. Je ne
je
l'ai
fait
que
vie, je ferai
la
part qui
me
sera faite n'aura pas à
de diminution.
»
si
Saint-Pétersbourg, 22 octobre 1842.
heureux d'avoir reçu de
tes nouvelles, chère
que
je vais
mener maintenant que
me mélancoliser un dans mon magnifique
peu.
au travail
atelier.
train, tu sais
que
je fuis le
de vaincre cette mauvaise habitude
ver
les relations
bonne mine
j'ai
contractées.
et, je puis le dire,
ingrat si, de
mon
je
me
côté, j'avais l'air
joie.
La
en
ville
me
mets
Lorsque je suis
monde. Cependant
rai
que
ma
je suis
Demain
pourrait bien
en
ma
ceux que
ma
toute
Louise, que je veux t'écrire sous l'influence de triste vie
dans
faveur dont je jouis auprès de
la
«
«
Il
plus simplement possible, consciencieuse-
souffrir plus tard «
réponse.
je suis parti.
et choisir les sujets. Je vais
terrible artillerie chez
Gomme
position inquiète.
mon
car
;
si
demain, au Palais d'hiver, pour
lui
trois jours je n'aurai
et à faire de
ma
Après quoi,
le soir.
aujourd'hui chez M. Labinski pour
deux ou
je lui eusse dit
voyage. Tu devines
m'a engagé à dîner pour
ne voulait pas
dit qu'il
que nous nous quittassions, sans que j'étais
l'empereur m'a
,
,
afin
Chacun
je tâche-
de conserici
me
fait
recherche. Je serais un
de ne pas y être sen-
sible. «
un
Me
voici installé
vilain escalier,
un
dans
mon
nouvel appartement.
véritable casse-cou.
Le reste
J'ai
n'est pas
JOSEPH, CAR LE
196
me
mal. D'ailleurs, je retards de
la
pour
notre
lire
poste.
trouve bien de tout, excepté des
ne faut cependant pas grand temps
Il
correspondance,
qu'ont-ils
et
ap-
à y
prendre?... «
Ma maison
quelques jours, je « J'écrirai
ma
montée,
est te
dépense
donnerai des détails
dans
est fixée;
positifs.
directement à Delaroche sur une exposition
publique des beaux-arts, où Ingres joue un rôle qui ne ferait
que
pas
rire.
pas partagé l'enthousiasme
je n'aie
cette peinture a excité à Paris, j'ai toujours soutenu le
l'homme. Son école peut être
talent de
pas moins
est
Quoique
vrai
que Ingres
est lui,
tions qu'il pille chez les anciens.
tion
le
du goût dominant qui
homme
le
Il
fatale;
mais
malgré
les inspira-
n'a jamais fait
n'en
il
abnéga-
caractérise, ce qui en fait
un
inimitable, non par ses perfections, mais par sa per-
sonnalité.
Dans ce
champion
sens, je suis son
où
ici,
la
plupart des Académiciens sont des gens sans qualité individuelle
plus ou moins imbibés des écoles italienne
,
ou
allemande, et qui ne jugent du mérite d'un peintre que sur la
du maître
perfection de l'imitation
que
dire aussi
en courant
les
la société
qui
qu'il a adopté.
son éducation artistique
fait
d'où
il
s'ensuit qu'on ne fait
du
talent, à
moins
aux choses du moment
et à ce
qui
cas de l'individualité
Pour mon compte,
aucun
qu'elle ne s'applique
flatte
l'amour-propre
j'en suis ravi, c'est
mon
affaire;
mais cette position particulière ne m'empêche pas de tous
mes
faut
pays étrangers rapporte des souvenirs que
cette imitation ravive;
national.
11
efforts
pour qu'on rende justice
à
faire
un homme
supérieur. «
Pour
la
première
quante-trois ans,
fois
me voici
de
ma
vie,
seul, forcé
n'attendant de secours que de
la
chère amie, à cin-
de m'occuper de
tout,
part des gens que je paye.
ET C'est toute
une éducation nouvelle;
mais ce ne sera pas, je
mon
fications à
HORACE VERNET.
le
il
197
faut qu'elle se fasse;
crains, sans apporter quelques
caractère;
modi-
pourvu que ce soit en bien! Pendant
cinq mois que je viens d'employer à faire 3,400 lieues,
les
sans avoir eu l'occasion, pour ainsi dire, d'échanger une parole avec un ami,
j'ai
eu
le
temps de creuser mes idées
sur l'avenir. Je vais faire l'application d'une nouvelle existence dont
par
ma
la
gravité ne m'effraye pas trop.
la solitude,
où je
me
trouvais
suis préparé
fréquemment pendant
si
ma
dernière course. Tout seul dans
JV
ma
voiture ou dans
chambre, quand nous logions quelque part,
je ne pouvais
échanger une parole qu'au dîner. Le reste du temps se passait en
de
la
manœuvres, au milieu du
bruit,
de
fumée du canon, d'inspection d'écoles
civiles, d'hôpitaux, etc.,
etc..
Il
n'y avait que matière à
sans échange de pensées. Je n'ai donc qu'à
observation,
continuer avec l'avantage d'avoir
mettre en œuvre quel en sera
le
le fruit
résultat.
,
libre arbitre et
Sous certain rapport, :
je n'ai point
de
je
ne doute
encore oublié de
mené ma barque que par
peindre; mais jusqu'ici je n'ai
pour ainsi dire
mon
de mes réflexions. Nous verrons
pas qu'il ne soit satisfaisant
instinct
poussière,
la
militaires ou
ayant sans cesse sous les yeux les
besoins de ceux auxquels j'étais nécessaire, besoins auxquels je pouvais faire instantanément l'application
sources.
Il
n'en est pas de
même
être calculé, approfondi, et sur
de mes res-
maintenant; tout doit
moi seul roule toute
ponsabilité d'une année plus ou
la
res-
moins bien employée,
et
de laquelle peut dépendre une nouvelle existence pour nous. «
Le froid
s'établit
solidement dans ce moment; mes
doigts en savent quelque chose. «
Je pense que voilà
la
dernière occasion de t'écrire d'une
manière sûre. J'en profite pour
te
donner
le
résultat
de
JOSEPH, CARLE
198
mes observations sur mes yeux. Comme
tout ce qui vient de se dérouler sous
je te
déjà dit,
l'ai
j'ai
vu des choses
admirables, dont on n'a aucune idée en France. Tout ce
qui n'a pas besoin du concours de l'opinion du pays, et qui
peut se faiiepar
volonté d'un seul, est merveilleusement
la
organisé. Ainsi, l'armée, les établissements pour l'instruction,
pour
les
hôpitaux, pour tout ce qu'il y a d'utile et de
philanthropique, sont sur un pied extraordinaire d'ordre et
même
de luxe. Je n'en dirai pas autant sur d'autres points.
La justice surtout,
y a de moins bien
paraît-il, est ce qu'il
organisé. Sur les milliers de pétitions qui ont été remises à
l'empereur pendant son voyage, plus des trois quarts
pour réclamer auprès de
étaient adressées
jugements prononcés par l'empereur ne peut tout
contre les
tribunaux. Peine perdue, car
les
lire.
lui
lui
Chaque
un rapport général. Ce rapport
soir,
était fait
on
lui présentait
dans l'opinion du
rédacteur. Le plus souvent, ce rédacteur, accablé de fati-
môme
gue, ne prenait
pas
peine de
la
jusqu'au bout, et cependant
l'affaire
dernier ressort. Trop heureux quand
pour rien! Qui trop embrasse mal
lire la
supplique
se trouvait jugée en la.
vénalité n'y était
étreint. Voilà
où en
l'emperenr, qui veut être l'arbitre de tout ce qui se
dans son empire. Plus
le
pays tend à se
est fait
civiliser, plus les
questions se multiplient et plus l'esprit du peuple cherche à
éluder
la loi.
voir, parce
raison «
cou la
Aussi
que
la
partie civile échappe-t-elle au
bonne
du peu de Chance
Mon voyage, :
la
à partir
de
le
n'est plus
qu'une duperie en
qu'elle a de trouver protection.
chère amie, ne commençait que de Moslà,
je voyais
nature est presque
chant vers
foi
pou-
Midi,
la
les
du nouveau. Jusqu'à Toula,
même;
mais, de ce point en mar-
arbres deviennent rares; puis on
n'en voit pour ainsi dire plus jusqu'à ce qu'on remonte
ET HORACE VERNET. donne
vers la Pologne. Je te
lesquels nous avons passé
la liste
Moldavie
et la
des gouvernements par
Toula, Orlov, Koursk, Ukraine,
:
un coin de
Ékaterinoslav, Tauride, Kherson;
pour voir Bender
190
;
grand-duché de Varsovie, Grodno
hynie,
verras sur
que
la carte
c'est
Bessarabie
la
rentrée en Podolie, Vol-
Tu
et Vilna, etc.
une promenade assez longue.
Je n'ai pas tenu à voir Odessa, qui n'a
rien d'intéressant
pour un peintre. «
Gomme
je crois te l'avoir dit,
calèche, six chevaux, Charles à côté de
tique parlant russe, sur
nécessaires fermant à
le
siège;
clef;
une très-bonne
j'avais
moi
un domes-
et
mes bagages dans de bons
une cantine qu'on
garnissait
chaque jour au moment où nous nous arrêtions pour dîner afin d'avoir à grignoter
faisions
qu'un seul repas. L'empereur
mange que de
la
est très-sobre
soupe aux choux, dans
concombres
laquelle
:
y
il
il
ne
a
du
un peu de gibier ou de poisson, de
lard et de la viande, petits
jusqu'au lendemain, car nous ne
salés, et
il
ne boit que de
l'eau.
Pour
le
liquide, j'agissais autrement; quant au reste, je m'en ac-
commodais était
nous séjournions,
très-bien. Lorsque
la
cuisine
recherchée; on se piquait de nous faire manger tout
ce que
le
pays produit de plus délicat
de
sterlet et l'outarde,
l'élan, etc.,
tout à fait aussi heureux
une
arrêtions pas dans
pour
ville;
etc.
le gîte,
et
de plus rare,
Nous
le
n'étions pas
lorsque nous ne nous
mais, pour peu qu'il se trouvât
quelques maisons réunies, on nous logeait militairement chez
le
bourgeois. Alors-,
suffisait d'être
de
en particulier,
la
gros bonnet), par tout et
que
« le
suite
j'étais la
il
n'y avait rien d'assez bon;
pour qu'on mît tout en
toujours
raison que
le
moi
mieux partagé (sauf
mon nom
célèbre Horace Vernet
curiosité générale,
l'air;
était
il
le
connu par-
» était l'objet
sans compter qu'il était aussi
le
de
la
point
JOSEPH, CARLE
200
de mire de tout ce qui
est resté
de prisonniers français. Li
plupart sont instituteurs ou Font été, de sorte qu'il n'y en
un qui ne m'arrivât avec une bande de jeunes
avait pas
me
gens. Les uns «
gros;
Enfin
me
autres: «Je
» les
me
Monsieur, je vous croyais
«
:
que vous
figurais
étiez grand.»
passé à l'inspection de tous les marmousets de
j'ai
grande
disaient
et
de
la
Cependant, j'aurais
petite Russie.
la
de
tort
plaindre; à part ces ennuis, presque toujours j'avais un
m3
personnage désigné par
l'autorité,
trimbaler partout où
y avait des curiosités. C'est ainsi
il
champ de
qui se chargeait de
que
j'ai si
t'ai
parlé, et tant d'autres choses, dont
bien vu
le
peut pas trouver place «
ici;
bataille
mon égard
la
description ne
ce serait trop long.
Pour en revenir à l'empereur,
veillance à
de Poltava, dont je
je te dirai
ne se dément pas
jours avec une véritable affection.
il
:
Comme
que
me
sa bien-
traite tou-
bien tu penses,
nous avons eu ensemble de longues conversations; mais n'ai pas
par
jugé à propos d'entamer
grande question à fond,
raison qu'il n'y avait pas de jour qu'il ne reçût de
la
rapport sur
la
manière dont notre chargé
d'affaires se
vis-à-vis des plus hauts personnages de
duisait
L'empereur là
la
s'en piquait,
mais,
comme
il
la
concour.
y avait toujours
quelqu'un de trop, je n'aurais pas pu tout dire.
lait
je
Il
ne
fal-
pas énerver par des demi-confidences ce qui peut avoir
de grandes conséquences,
dit entièrement et en
temps op-
portun. «
j'ai
Pour rentrer dans mon
remarqué une très-grande différence entre
qu'on a
l'église; il
faite à
Majesté a
Sa
y
sujet," je te dirai
a
l'empereur en fait
4
836
en cinq minutes
tandis qu'il lui avait fallu
six
ans.
A
et celle
Koursk
et à
le
qu'à Moscou la
réception
de cette année.
trajet
du
palais
à
plus d'une demi-heure,
Karkov,
il
y a eu quelque
ET ÎÎOÎtACÈ VÈRNET.
201
enthousiasme, surtout dans cette dernière
qui
ville
a
pros-
péré d'une manière étonnante depuis quinze ans. Le nombre
des habitants
s'est élevé
mille. C'est là
qu'on
de quinze mille à cinquante-deux
de tous
traite
laine qui sortent par Odessa. c'est le seul point
où
j'aie
marchés de blé
les
Dans tout
comme
mais,
la
et
moitié de
aux
population;
la
de
cours du voyage,
trouvé un air de prospérité.
vrai qu'à partir de là le pays est livré
ment plus de
le
Juifs
Il
est
qui for-
,
sont riches,
ils
dans tous les pays despotiques,
ont bien
ils
soin de cacher leur fortune afin de participer le moins pos-
aux impôts. Malgré leur
sible
n'en sont pas moins beaux;
saleté et leur air maladif,
y a des
il
têtes
magnifiques
ils
et
des femmes superbes. J'aurais bien voulu tenir Delaroche;
que d'études
eût désiré faire
il
Cette ville est par elle-même elle
ressemble
tifications
à
Constantine
pour
l'iman disait Il
comme
la
11
prière. Rien n'est si singulier
a
très-tolérants; celui-ci
garde!
la
que
cet
amal
les habitants
les prétentions
du pape
s'est manifestée.
Jus-
à
ce système.
dragonnades n'assurent pas
La voie dans laquelle
il
de
étei-
Russie s'étaient montrés
semble vouloir renoncer les
appar-
commandé qu'on
mauvaise humeur qui
qu'à présent, les souverains de
trônes.
il
que
gnît les illuminations. Je pense la
elle
et la chaire est l'endroit d'où
cette ville, car, dès en arrivant,
Qu'il prenne
vingt ans,
que l'empereur n'aime pas
paraît
contribuent à
position, mais les fora
y
:
Le couvent des dominicains a
une mosquée,
église
gamé.
on ne peut plus pittoresque
en sont magnifiques.
encore aux Turcs.
tenait
surtout à Kamenetz-Podolsk.
!
entre longe un précipice,
les s'il
n'y aboutit pas, et les dominicains ont une terrible réputation. «
que
Le couvent des frontières de Galicie sera
le prétexte.
Je m'aperçois, chère amie, que je bavarde sans songer je dois
me
coucher. Adieu pour aujourd'hui.
»
JOSEPH, CARLE
202
Ce
«
Cette lettre, chère Louise, sera la plus drôle de chose
«
que
tu aies jamais reçue
tons rompus. Voilà ce
de ton époux. Je
que
c'est
que
le
t'écris tout à
passer
première,
la
foule se presse à
de spectacle où
le
l'on crie
comme tu voudras. mon atelier; range tout toi
:
«
Au
comme
à sa place; alors
il
s'agit
du verbe avoir
futur
le
sallé
Figure-toi que tu remets en ordre
parler sérieusement;
minera
d'une
la
feu! ». N'importe, arrange*
il
est probable
ce que je t'écris deviendra intelligible, car te
chacune veut
:
bec d'une plume n'est pas large,
porte pour sortir,
la
bâ-
combat de plusieurs
idées dominantes dans une tête de peintre
de
28.
que
l'intention
j'ai
du présent qui déter-
à devenir l'infinitif...
Ah!
quelle belle manière d'exprimer une pensée!... »
«
«
Je travaille ferme depuis trois jours.
une idée de
que j'éprouve
la joie
D'être rentré dans
à
Ce
Tu ne
remanier de
29.
te fais pas la
couleur.
mes habitudes semble m'avoir rappro-
ché de vous. Jusqu'à l'heure du dîner, ça va bien; mais^
quand
faut se mettre à table tout seul, le diable reprend
il
ses droits; aussi irai-je dîner en ville le plus souvent possible; ce
ne seront pas
mais ce sera main,
dans le
j'ai
le
le
lés invitations
courage de m'habiller.
commencé un
désert
1 ;
me manqueront, Pour me remettre la
qui
petit tableau
ce n'est point
un
de notre caravane
sujet de courtisan; donc,
prix qu'on m'en donnera fera planche pour
je saurai
au juste
la
valeur de
ter ici.
I.
Pendant son voyage en Crient,
la
mine que
je
le reste, et
veux exploi-
203
«
Dis à Louise que je
qu'elle
me donne
la
remercie de tous
sur nos chers petits-enfants;
détails
les elle
me
fait
vivre avec eux; je les vois se promenant bras dessus, bras
dessous, en costume de cochers, et s'embrassant
deux
frères qu'ils sont. Je ne
un qui ne
puisqu'il y en a sait si
comment on
bien
me
figure pas la conversation,
parle pas. Pourquoi Horace qui
ne se charge-t-il pas
s'y prend,
d'une éducation que lui-même
Oh! Gall!
s'est
donnée
lippe, sans qu'il se
cogne; mais ne va pas
si
facilement?
mon
venir une bosse au front de
fais
comme
petit Phi-
tromper
te
placer sur le dos; ce serait une mauvaise charge.
lui
au moins,
s'il
tournure.
Amen
«
muet, s'en
reste
par
le
à ce qu'on dit, dans
la
tirer
et la
doit
Il
charme de
sa
!
Nous sommes
saison, et jamais
ici,
on n'a
dit
si
vrai.
On
plus mauvai; e
n'est pas entre
deux
eaux, mais entre deux boues. Le ciel est couleur de crotte
ne sont pas couleur de rose.
et les rues
de mettre droschki,
est impossible'
pied à terré, et nous autres, pauvres gens a
le si
Il
nos bottes sont propres, nos visages ne
lé
sont
guère, car^ dans ce genre de char, on est justement placé
pour recevoir
les éclaboussures, et
Dieu
sait
comment
les
chevaux se chargent de vous en envoyer! Dans un mois, nous aurons « J'ai
le
s'y réjouissait la
traînage; on dit que c'est mirobolant.
dîné hier à l'ambassade en très-petit comité;
Russie. Je
me
sais
bon gré de
voyage, et de n'avoir pas d'après ce qui se
que notre bon
ori
des articles du Journal des Débats contre
fait ici
roi a
tout
ma dit;
retenue pendant
mon
car véritablement,^
par ordre supérieur, je crois que
voulu se fiche de moi en
me
chargeant
de belles paroles; je ne puis douter que d'un autre côté
il
n'agisse autrement... ft
Je n'ai plus de papier. D'ailleurs, en voilà bien assez!
JOSEPH, CARLË qu'en dis-tu, pauvre lire
femme? Auras-tu
huit cents lieues de longueur,
ils
finir
par de
quoiqu'ils aient
n'en sont pas moins bons.
le dire. «
P. S.
—
J'oubliais
d'œil. Je prends
car
et,
me
Sans adieu. Je vous aime tous plus que je ne saurais
vous
«
courage de
jusqu'au bout? Oui, car tu sais que je dois
tendres embrassements pour vous tous,
«
le
de
même du
mes pantalons sont
te
Horace Vernet.
dire
»
que j'engraisse
à
vue
ventre, ce qui ne m'arrange pas,
justes et refusent de
le
contenir.
»
ET
HORACK VERNE T.
205
XII
HORACE VERNET
LA RUSSIE PEINTE PAR
(suite).
grand-papa. — Horace Vernet étudie la gram— Portrait du czar. — L'hiver et le traînage. — Défense de — Les salons M. Ingres. — Toute vérité n'est pas bonne de Saint-Pétersbourg. — Découragement. — Société mêlée. — La Saint-Nicolas. — Les Mystères de Paris et un roman russe. — La Bible. — Une Niobé porcine. — Intérieur de famille. — Chronique scandaleuse. — Utilité de la critique. — Tristesse dans un bal. — Théorie des nez. — Avenir de la Russie et nécessité d'une révo-
Sages conseils d'un maire.
lire.
à...
lution.
A
MONSIEUR HORACE DELAROCHE, Colonel du Royal-Gamin, à Paris. *
«
Cher
« «
petit-fils,
Je viens de voir
grandeurs
ët
Saint-Pétersbourg, 29 octobre 1842.
fameusement de soldats de toutes
de toutes
les couleurs, et
sur de fameux che-
vaux qui n'étaient pas de bois; mais ce qui amusé,
c'est
un régiment
mirobolants avec leur leurs pistolets!
leur sabre,
s'ils
étaient â pied
qu'ils ont avec
bien
leur
poignard et
Figure-toi qu'ils se servent de toutes leurs
armes debout sur leur cheval, bien que
t'aurait
Ah! ceux-là, en voilà de
turc.
fusil,
les
eux leurs
;
et qu'ils tirent
mais ce qui
petits
te
au but aussi
ravirait, c'est
garçons qui font
la
12
même
JOSEPH, CARLE
206
chose que leurs pères.
Il
a,
y
en outre, un régiment tatar;
ceux-là sont aussi bien bons, mais dans un autre genre;
ont des lances
comme
visent aux yeux. J'espère qu'à
ils
mon
adroit qu'eux et que je trouverai
notre connaissance,
Songe bien à que
les
cette
s'en servent,
retour tu seras aussi
toutes les personnes de
ce n'est aveugles, au moins borgnes.
si
— J'oubliais de
recommandation.
te dire
chevaux des Turcs ont des robes de chambre en
ton cheval de bois avec
plus belle robe de ta mère. Lala
la
choisira sans rien dire, et lorsqu'on
la bète, ta
mère
Adieu, cher
«
ils
magnifique. Je te conseille d'en faire faire une à
étoffe
la
quand
la tienne, et,
ils
te
verra monté sur
sera dans l'enchantement, je petit-fils.
connais.
la
Suis toujours les conseils de ton
vieux grand-père. Sa longue expérience se voue entière-
ment à diriger toutes
plus belle robë de ta
maman pour
mais ne touche jamais à mes sir
de
«
que
Il
les travailler à
faut
ma
ménager ton
affaires
le
;
et
de choisir
couvrir ton cheval je
me
réserve
le
plai-
façon.
petit frère Philippe.
Tu
es plus grand
Aime-le bien, car
lui; tu lui dois protection.
dans
j'ai
vu
journal qu'il t'aimait tendrement. Ëmbrasse-le pour
grand-père, qui vous aime tous deux bête, puisque «
donc pas d'aveu-
ou au moins d'éborgner tous nos amis,
gler la
tes actions. N'oublie
de ne pas vous voir
Adieu, cher
petit. Sois
comme une
lui fait tant
de chagrin.
heureux autant que nous
sirons tous. «
vieille
Horace Vernet.
»
le
dé^
ET HORACE VERNET
207
MADAME HORACE VERNET.
A
«
Ce 31 octobre
1842.
Après mon factum d'avant-hier, tu crois peut-être que
«
je n'ai plus rien à te dire?
Pas du tout.
J'ai
ma manière
des détails à te donner, sur
encore bien
de vivre par
exemple. Je suis dans l'appartement de X***. Je ne pourrai
y
rester.
viennent
Je ne suis pas difficile; mais pour les gens qui
me
voir, ça a trop
mauvaise mine
dormir. Je suis entre deux cours
donne sur toute
la
la
ma chambre
;
à coucher
plus petite, où sont les écuries, de sorte que,
nuit, les voitures
qui rentrent, les chevaux qu'on lave,
cochers qui se battent, les coqs qui chantent, tout cela
les fait
une musique sur laquelle deux voisins, mâle
mettent des paroles; car qui le
et je n'y puis
me
sépare du couple.
jour, car toute
s'ils
il
n'y a qu'une porte très-mince
Il
faut
le
qu'on
me
comte N***, dont Marie. J'aurai
même
le
Je n'ai
comme
parbleu pas besoin
russe pour savoir ce qu'ils se disent!...
Je dois donc déserter, et je plaisir
que ces gueux-là dorment
nuit je les entends bavarder
ma chambre-
étaient dans
de comprendre
la
et femelle,
le
fais
avec d'autant plus de
prête un délicieux appartement chez
voyage avec
le frère
la
grande-duchesse
double avantage d'avoir dans
une société charmante,
le
ma maison de mon
et d'être tout près
atelier. «
La famille impériale
en
n'est pas
ville,
de sorte
qu'il
n'y a pas encore de maisons ouvertes. Je reste donc souvent
chez moi. Devine à quoi je passe
une grammaire de Noël,
quand
mon temps?
et j'étudie
je fais attention, je
mais, lorsque je cours après
me le
mes
J'ai
acheté
participes. Déjà,
sens d'une certaine force;
sujet ou le régime, voilà
mes
JOSEPH, CARLE
2.8
idées qui fichent le camp. Aussi, avec
toi,
serai-je plus cou-
lant, dussé-je te faire crisper.
Je suis toujours prêt à te redire combien notre vieille
«
affection
me
devient de plus en plus chère
de l'âme, jusqu'à ce que
c'est la fortune
:
nous fasse banqueroute,
la vie
ma pauvre femme, nous sommes du même nous n'aura pas à souffrir longtemps de seul... «
Tu
vas dire
Mes amis, ne
te le
pas
de
âge, et l'un de
misère d'être
la
tendresse de Monte-au-ciel
la
manquez pas!
»
Eh
bien,
j'ai raison.
:
Pour
prouver, nous ne nous quitterons plus.
Quoi que
«
le
voilà
:
et,
telle
que
tu en dises,
tu
le
ma
passion pour l'empereur n'est
penses. Je lui rends justice; ce n'est pas
un homme ordinaire, mais
loin
est
il
d'être parfait.
Il
a
tout ce qu'il faut pour se faire aimer des gens qui n'ont pas
besoin de lui; mais, pour peu qu'il
moindre autorité,
la
mais rencontré. il
lui est
Il
c'est
l'homme
est vrai
le
ait à
de dire qu'en
la crainte
paresse
qui puisse les maintenir.
ne tremble pas, c'est est placé sous le
ici
de discipline
fait
impossible d'agir autrement. Les Russes de toutes
les classes sont tellement enclins à la
que
exercer sur vous
plus dur que j'aie ja-
le
qu'il
,
n'y a
Quand un Russe
plus lâche de tous les
hommes. Tout
régime militaire, depuis
cuisinier
le
jusqu'au grand juge; de sorte que l'habitude de prononcer
constamment des
damné de
arrêts,
quitter la
sans qu'il
position
l'empereur une rudesse dont
mente à mesure que perdra,
le
jour où
permis au con-
du port d'armes, il
a
donné à
ne s'aperçoit pas, qui aug-
autres s'y accoutument, et qui
le
fatigue et l'inertie remplaceront
la
les la
soit
terreur qu'il inspire. a
Toutes ces admirables institutions, dont je
dans mes
lettres, n'existent
splendide.
On
nulle part sur
dirait qu'elles sont fondées
t'ai
parlé
un pied aussi
pour
le
bonheur
ET HORACE YERNET.
209
de tous. Mais non, l'éducation, qui développe cette foule
cela;
ils
peuvent
de jeunes gens, ne
sont au
monde pour
les
de
pousse pas plus loin pour
rester dans leur classe
redescendre.
ni s'élever, ni
l'esprit
S'ils
sont
fils
:
ils
ne
de soldats,
ne seront jamais que sous-officiers. Alors, à quoi bon
ils
les instruire et leur
mais
satisfaire,
et
donner des goûts
qu'ils
ne pourront ja-
des lumières qu'ils ne pourront pas ré-
pandre? Déjà, on a
senti les funestes effets d'un tel ordre
de choses. Une colonie entière d'infanterie
s'est
Pas un
égorgés froide-
seul officier n'est resté, tous ont été
ment. Les soldats, conduits par à leurs chefs
«
:
« êtes officiers, «
nous devons vous
nous reviendrons après.
comme
»
tuer. Finissez votre pipe,
Et, en
effet, ils
On
On
sont revenus.
car on ne
terrible,
régiments ont été licenciés.
tout est en Russie.
récoltera.
disaient
sous-officiers,
Nous ne vous en voulons pas; mais vous
La punition a sans doute été pas... les
les
insurgée.
la
connaît
— Voilà, chère amie,
laboure, sans savoir ce qu'on
accroche des oranges à un sapin
et l'on croit
avoir des fruits. La noblesse donne tout ce qu'elle possède
de bon cœur, plutôt que l'ai
d'aller
déjà dit, ce pays-ci est sur
en Sibérie.
Comme
je te
une boursouflure qui s'en-
foncera indubitablement, et tout ce qui ne porte point barbe sera exterminé.
voyages,
etc.
!
mon cœur, me
Que
le
Plutôt
diable emporte les empereurs, les
que de
voilà à faire*
te parler
de l'eau
«
«
sera «
Je travaille à
un
une manière de
de tout ce qui va à
claire... »
Ce
l er
novembre
1842.
petit tableau qui sera bientôt fini; ce
tâter le pouls
Je jouis toujours de la
même
aux amateurs. faveur, quoique je vive
maintenant un peu éloigné du grand chef. Je sais souvent de moi avec éloge
et qu'il dit
qu'il parle
m'aimer d'une vé12.
JOSEPH, C A RLE
210
ritable affection.
Tout
cela est
me donnant de pour mon ami.
prouve en trai «
l'argent. Voilà
il
où
me
faut qu'il
le
je le reconnaî-
Adieu, je vous embrasse tous de bon cœur, mais de 1
bien loin
»
!...
Saint-Pétersbourg
«
((
bon; mais
Nous
7 novembre 1842.
en hiver, chère amie. La Neva est prise
voici
nous jouissons du traînage, ce qui cieuse chose du monde. hier soir,
,
est bien la plus déli-
La neige a commencé à tomber
ce matin, plus de voitures. Toute
et,
tion semble être
et
tombée sur
le
popula-
la
dos. Sauf les chevaux, per-
sonne n'est sur ses jambes. Tout
glisse sans faire le
moin-
comme si le diable l'emportait. Pour mon compte, je suis comme un enfant; je ne puis me rassasier de voler ainsi. Mon trotteur fait l'admiration d'un chacun; ne me manque que toi pour me voir passer je dre bruit, et chacun va
il
:
dois être bien séduisant! « S'il n'y avait ici
1.
ton
,
que ces avantages qui appartiennent
Le 2 novembre, Horace Vernet une
lettre plaisante
naître quelques passages
Un bon
dont
le
écrivait à sa belle-sœur,
madame Bur-
Catalogue de la vente Trémont a
fait
con-
:
souvenir des personnes qu'on aime rapproche
,
dit-il
,
pour un
instant les esprits; c'est une petite tromperie qu'on aime à se faire à soi-
même,
et
il
a entièrement joui de cette illusion en lisant les doléances
de sa belle-sœur sur la similitude de leurs extraits de baptême « «
crovais vous entendre, ajoute l'artiste
rapprocher
mon
,
mais malheureusement
j'ai
:
«
Je
voulu
visage du vôtre pour comparer lequel des deux était le
«
de mon éloignement est venue me Peu s'en est fallu que je n'en tombasse sur mon derrière; pour vous, un semblable événement n'eût été qu'une plaisanterie mais moi qui ne suis pas joufflu de ce côté-là, je pouvais me le briser comme verre. Et à mon retour, comment avouer mon cas ? comment remplir mon fauteuil académique n'ayant que des tessons dans ma
«
culotte? etc.
« « «
« «
plus détendu
fixer à
ma
,
et la cruelle réalité
place!...
;
,
,
»
ET HORACE VERNET.
211
au pays, combien je regretterais que tu ne fusses pas venue avec moi! mais plus je vais
me
plus je
,
félicite
d'avoir à
supporter seul tous les ennuis de cette province de l'Europe.
Dans
monde
tout le
la belle saison,
de sorte
est dispersé,
que les cancans ne peuvent se joindre; mais, depuis qu'on rentre en ville, ah
,
mon
Dieu
que de bavardage
!
croyais bon cheval de trompette
:
je
!
me
Je
ne suis qu'un timide
auditeur, en attendant que je prenne
ma
place parmi les
victimes. Maintenant, n'étant point encore le but, je suis le fouet dont on se sert
sant
tels)
dire
que
pour fustiger
qui ont exposé. je
Mon
tour viendra.
mon
pas dissimulé
n'ai
(ou soi-di-
les peintres
est vrai
Il
opinion sur ces mes-
peu de courtoisie vis-à-vis des
sieurs, sur leur
étrangers qui sont venus se mesurer avec eux
ma
de
artistes
mais
;
c'est
en face que je leur
ai
égard, et devant
tableau d'Ingres, en les plaignant de
le
craché
ne pas en savoir assez pour
mieux de
ferais
façon de penser à cet
comprendre. Je
le
laisser sans les défendre
n'ont pas besoin de
mon secours; mais
la
sais
me
de
retenir. J'en suis fâché
des
et
Je vais dans
«
le
monde,
que
pour eux, je tape
ma longue expérience donner du poids à mon opinion. que possible
fort
car, dînant
je
fourberie orgueil-
leuse de quelques individus m'irrite tellement,
puis
que
talents qui
ne
laisse
je ne aussi'
pas que
presque tous
ne m'en coûte pas plus, une
les
pomponné,
jours en
ville,
de
des visites. Déjà, je juge des maisons que je pren-
faire
il
La société
drai l'habitude de fréquenter.
même qui,
partout; c'est
ici,
tocratie.
se trouve au
comme
à
la
est à
sauf
suprême degré dans
le
peu près
matinée. J'éviterai
les
j'irai
me
la
comfortable
la
Puisque je suis en position de choisir,
ses bons fauteuils que, le soir,
de
Rome,
fois
haute arisc'est
dans
reposer des fatigues
inconvénients qu'il y aurait à
212
voir co qu'on appelle la
colonie française. Cette colonie se
compose de très-braves gens sans doute. Cependant, elle n'est
dans cette réunion de compatriotes, facile
comme
reçue nulle part, en raison du mélange qui existe
en ne
la
voyant pas du
tivement, je quitte
mon
tout.
ma
position sera plus
Pour trancher plus posi-
appartement, dont
les
anciens habi-
tués commençaient à reprendre possession malgré moi, acteurs, le vétérinaire, le serrurier,
etc.,
les
sans compter les
inconvénients que je découvre de jour en jour. « J'ai
commencé
le portrait
de l'impératrice.
Il
est tracé.
J'attends le retour de la cour en ville pour peindre l'étude
d'après nature.
En
attendant, je fais un portrait du duc
d'Orléans et un tableau de
mon voyage d'Égypte. «
Ce
»
17.
«
Je viens de passer trois jours à Tsarskoe-Selo.
«
Ici,
on n'entend parler que de départs pour
Je n'espère rien de bon, pour le
sance que
les
France.
connais-
Russes viennent faire avec notre civilisation.
Leur orgueil en sera loir
moment, de
la
la
nous rendre
rien qui ne soit c'est alors qu'ils
blessé.
Ils
en profiteront, sans vou-
justice. Je les vois d'avance ne
mieux chez eux. Je nous apprécieront,
prendront ce qui leur manque
et
les
trouvant
attends au retour
:
com-
c'est alors qu'ils
qu'ils ne peuvent rencon-
trer nulle part les ressources que nous leur présentons. «
Dans quelques jours,
ville.
la
famille impériale
rentre en
Voilà encore une nouvelle émotion pour la société de
Saint-Pétersbourg. L'ordre de choses qui va s'établir durera
du moins quelque temps,
j'en suis enchanté pour
mon
compte, car je commence à en avoir assez de toutes ces courses.
Ce
n'est pourtant pas qu'elles
La dernière a
été
manquent
d'intérêt.
charmante en ce qu'elle a été parsemée
ET HORACE VER NET. de circonstances singulières, piquantes même. Voici, pour
donner un exemple, ce qui
t'en
chez l'impératrice.
sonnes. Chacun travaillait;
vieux prince Wolkonski
le
moi nous dessinions, tandis que Le comte X***
un roman
lisait
les
une apologie complète de uns des autres,
les
L'empereur n'a
le
tout
reste,
l'égalité
du
des
hommes
appuyé sur des idées ;
homme
lecteur,
roman
était
souveraineté absolue
la
aucune observation
fait
sant, c'était la figure
et
dames brodaient, etc..
français, et ce
une diatribe épouvantable contre et
passé à une soirée
s'est
n'y avait que quatre ou cinq per-
Il
vrs-à-vis
religieuses.
ce qui était
amudu
très-spirituel
mais encore plus courtisan, qui se trouvait obligé de à brûle-pourpoint,
dire à la face de son souverain,
les
choses les plus dures et les plus personnelles. Voilà une de ces circonstances où
n'en a pas trop la
il
faut
vraiment du toupet. Le comte X***
manqué pour
l'expression
du visage, mais
voix trahissait l'émotion intérieure. Jamais
dû
être aussi
mal à son aise
aussi malencontreux.
miner lait
les
avoir
travaux. l'air
et plus
Le souper
On
est
a été d'autant plus jovial qu'on
de n'avoir
fait
«
est,
l'idée
de
les
que
la
vou-
lecture m'avait
honneurs de
la soirée.
Adieu, chère Louise. Soigne-toi; songe que à elle seule, la plus
ter-
un mau-
attention à rien, et
eu tous
faire a
n'a
maudire un auteur
venu heur'eurement
vais petit croquis de Napoléon à cheval
donné
homme
la
santé
grande partie de l'harmonie des
familles. «
'
«
«
Ton vieux
mari.
»
Saint-Pétersbourg, 26 novembre 1842.
Vingt heures de nuit, quatre heures de jour malade,
voilà,
chère amie, à quoi on en est réduit
peindre ?
comment
vivre?
ici!
Gomment
comment ne pas mourir d'ennui?
JOSEPH, CARLE
214
Avec
dix degrés de froid, et l'espoir de voir bientôt
ça,
doubler
dose.
la
du pays;
petit des inconvénients
souffre;
du
reste,
la
rigueur de l'hiver. Je n'ai de vraie
jouissance que celle du traîneau; mais,
mon bonheur
nuit,
d'une maison à
ville; puis, le soir, je vais
ne dure que
dans
le
même
la
moindre variété: qui a vu un salon
le
le
monde,
la
a
comme
ne sors
je
temps
d'aller
Je dîne presque tous les jours en
l'autre.
chose! C'est au pied de
mangé un dîner connaît
une conversation
c'est le plus
n'y a que le nez qui en
il
on a chaud partout, tant on a l'habitude
de se préserver de
que de
que
faut dire, à la vérité,
Il
et tous es jours
la lettre,
les
car
il
n'y a pas
connaît tous; qui
toutes les cuisines; qui a entendu
n'a plus rien à attendre
de nouveau pour
lendemain. La manie des fauteuils est poussée à l'extrême
dans toutes faut
maisons. Dès en entrant dans un salon,
les
commencer
à évoluer
il
pour arriver jusqu'aux maîtres,
passant par-dessus toutes les jambes qui se croisent dans tous les sens,
et,
une
fois
bloqué dans un coin, c'est
diable pour en sortir. Peu de gens se tiennent debout. n'y a pas de cheminée, vir
comme
le Il
chez nous, qui puisse ser-
de point de direction. C'est un méli-mélo de dos
et
de
visages qui rend impossible de parler à d'autres personnes
qu'à celle qui vous regarde. Si c'est une jolie femme, pour lui plaire,
il
faut dire
ou entendre dire du mal des autres.
monde
Si elle est laide, c'est le
n'y a que l'éloge.
la famille
entier qui
ne vaut rien.
La conversation
n'est autre
chose qu'un cancan
perpétuel, sans couleur, sans rien de piquant, par
que tous
même
les
Russes ont
la
même
la
raison
éducation, poussée au
degré, et que leur indolence naturelle ne va jamais
au delà de
du
II
impériale dont on fasse constamment
monde.
la
dose voulue pour ce qu'on appelle
Tu juges
qu'on a bientôt assez
les
gens
d'une sem-
Et HORACE VERNET. blable nourriture, c'est
même
une
uniformité, qu'il n'y a
telle
pas matière à observation.
La première
est la der-
nière sans qu'il soit possible d'y ajouter une nuance. Quel-
quefois je
me
portes plus
«
«
trigues de
les
«
C'est
que tu es vieux
une part active dans
d'hommes de tous
les âges,
!
menton,
et
mais
il
que
des diplomates
de
On
avait
a dix
si c'était
et ça se
amants,
une seule passion.
une multitude de
n'arrive
au
l'air
mœurs
on croit avoir des
Paris, cette année, quantité de ces qu'il
les petites in-
profit
Quand une femme si elle
toi
y a ici tout autant de catins qu'ailleurs.
y attache moins d'importance, aller.
de
pays; personne n'a d'animation; chacun à
parce qu'on n'a aucun sens. Encore, vertu
que tu ne
société.» Mais non, je vois beaucoup de
la
d'être gelé jusqu'au
la
et
intérêt à ce qui se passe autour
tu prenais
officiers,
de tous
:
même
le
«que lorsque jeunes
dis
de laisser
qualifie
c'est la
Comme
même
chose
vous avez à
dames, je ne doute pas qui
faits
me
donneront
raison. «
L'impératrice est un f)eu malade, de sorte que je ne
travaille
pas à son portrait. Je termine un petit tableau qui représente
Sans prétention,
notre
caravane dans
le
désert. «
à
Il
mon
y a des instants où je suis prêt à prendre, mes jambes cou, bar, au bout du compte, ce que je ferai
pourraisile faire à Paris; mais quitter
reur, qui est
si
bon pour moi,
tude. Je t'assure qu'il
me
serait
brusquement
ma chambre
tous,
faut toute l'importance
dans
d'embrasser nos
mon
petits,
atelier et d'en sortir
si
que
j'at-
heureux
de passer de
pour trouver à
échanger quelques paroles avec quelqu'un qui saurait
comprendre;
même quand
je
l'ernpe-
presque de l'ingrati-
tache à cette pensée, pour ne pas fuir. Je serais
de vous revoir
ici,
me
ce serait pour m'entendre dire
216
que
je ne suis
qu'une bête. Dans ce pays, on
cette dernière ressource; l'orgueil,
même
n*a
on vous loue, lorsque vous
ou l'apathie vous
laisse sans
pas
flattez
réponse à toutes
les
questions que vous pouvez adresser. «
Avant, tout était mouvement. Maintenant, ce n'est plus
comme
qu'une platitude uniforme et décolorée
Que
qui couvre tout autour de moi.
neige
la
diable emporte
le
le
Nord
et les
Moujiks! où sont donc mes chers Arabes et
beau
soleil
qui les noircit ?
Du
moins,
leur peau tannée; ici, ce n'est que les veines.
Je
rentrer à «
Ne
la
me
voudrais avoir à
chose; j'éprouverais un autre
qui coule dans
de quelque
plaindre
sentiment que
le
bout; seulement, je mettrai joie de retrouver
la
moment
moindre influence sur
conduirai jusqu'au
les
mon courage
ma récompense
ma bonne
en double, et
à
mon
Pétersbourg
Je commencerai par te dire que
»
5 décembre 1842.
,
le portrait
de
madame
comtesse de Woronzof n'est pas commencé. Je veux celui de l'impératrice avant tout. Je viens petits tableaux. L'un
est
je
veux
lui
Saint-Nicolas. L'autre est à vendre
« J'ai
leur
le
donner il
:
la
finir
de terminer deux
un présent pour l'empereur
un Napoléon à cheval que
caravane dans
la
retour.
Louise. Je vous embrasse tous.
t
la
de-
l'ac-
un autre ordre de choses sera d'autant
plus grande; ce sera
Adieu,
désir de
maison.
complissement de mes projets. Je
«
lait
va pas croire cependant que ce petit
découragement puisse avoir
«
du
le
sang circule sous
le
le
:
c'est
jour de
représente notre
désert.
reçu une lettre de Ferzen.
du tableau de Delaroche.
horski d'en dire un
mot
Il
Il
me
a chargé
à l'impératrice
;
parle avec chale
comte Wiel-
ce qui sera
fait
ces
ET HORACE VERNET. heureux
jours-ci. Je serais fort
un grand pas de
serait
compter que ça
grands travaux, sans
les
d'une manière positive
commencée seulement par
déjà
tion
chose réussissait; ce
si la
pour
fait
établirait
217
la
réputa-
l'opinion publique. Je
ne suis pas fâché que par un autre que moi l'occasion se présente de faire faire
la
j'ai
je pourrai
ma
,
Gomme
comparaison avec Ingres.
défendu ce dernier avant
qu'il
ne fut question de rien
,
sans être soupçonné d'intérêt de famille, dire
mon
façon de penser tout à
bleau; mais je sais
cle
quoi
vu
aise. Je n'ai pas
gendre est capable,
le
ta-
le
et je
puis m'avancer sans craindre de désappointement.
Tu
«
as sans doute reçu
je te parlais
moment,
une
un peu comme un ne puis
je
le
nier,
lettre
de moi, dans laquelle
homme
sous
j'étais
désordre d'un changement d'habitudes;
mon cœur me une
C'est la
me
turbulente ne
et
chanson de
:
l'influence
ma
vie
le
du
vagabonde
permettait pas d'écouter tout ce que
disait sur le
fois rentré
découragé. Dans
bonheur de
de famille.
la vie
dans une chambre, dite
la
mienne, que
OusqiCon peut être mieux? etc.,
est
venue
me faire comprendre que toutës les branches manquaient à mon vieux tronc. J'ai été quelques instants sous une fatale influence. Je ne me croyais plus bon à rien. Le soleil de sculpture et
le
ciel
de terre glaise
moindre des sujets de
tristesse
qui
d'ici n'étaient
me
voyais luire cependant, au fond de toutes le
que
m'y
ragaillardir
me
est
courage. Le comte N*** m'a enlevé de
tement pour m' installer chez nôtre est
:
et
tourmentait fameuse-
ment; mais une circonstance heureuse
mon
mes lourdes
le
Je
n° 56 de la rue Saint-Lazare. J'avoue
pénibles pensées, l'idée d'aller
pas
travaillaient.
lui.
venue remonter
mon
triste
Sa famille est
appar-
comme
la
père, mère, enfants, gendre et petits-enfants, tout
dans
la
même
boîte.
L'aspect de tant de gens heureux 13
JOSEPH, CARLE
218
m'a rappelé tout
le
bonheur dont
poir d'en jouir encore
me a
après avoir rempli
,
monde
le
ma
Du
part.
gens heureux
je
où nous nous baiserons tous
comme
des
me
quoique a tâtons,
je fais
pas trop mauvaise pour
me
«
ma bête, et, ne me semble
peinture qui
la
temps
regarde pas
remonté sur
voilà
de
Je
moment
le
pauvres, et je
reprends courage. Ainsi, chère Louise, ne
d'un œil trop pitoyable;
n'y
de cette réunion de
force d'attendre
la
il
ne sois pas appelé à
reste, le tableau
me donnera
enfant de la
danse, s'embrasse;
chante,
que ce dernier exercice dont
prendre
but que je
le
comme un
suis imposé d'atteindre. Je suis
maison. Tout
joui, et rendu l'es-
j'ai
qu'il fait.
Depuis quelques jours succèdent aux ennuyeux cercles,
dont je
donné une
t'ai
de très-beaux
idée,
ont plus d'esprit dans les jambes que dans
moins
il
mouvement dans
y a du
Les Russes
bals.
tète,
la
les salons.
et
du
La débâcle a
commencé. a le
Je suis allé trois fois chez Z***. Sa marson est bien
plus singulier qu'on puisse trouver dans
La maîtresse du
le
monde
xvn
e
de couturières huppées
siècle, enrichies
et
de
compose
et fait
chose;
m
il
catins
du
des cuirs. Pour
les
Tout ça infecte
hommes,
c'est
le
tout autre
y a mélange: les ambassadeurs, l?s princes, les
lires d'armes,
dechirabia, est
vieilles
aux dépens des boyards qui se sont
ruinés pour faire les petits Richelieu.
musc
entier*
danseuse de chez Fran-
logis, ci-devant
coni, prime sur sa bande d'amies femelles qui se d'actrices,
le lieu
les
mêlé avec
de danse, de langue française, anglaise, ou peintres d'histoire, de décoration, etc., tout
les acteurs,
les avocats,
chandelles et autres confitures,
le tout
gnon, et
comme
tenant leur sérieux
M. Guizot. Du moins, lorsqu'on
les
marchands de
compère s'ils
et
compa-
étaient
s'encanaille,
chez
devrait-on
ET HORACE VERNET. s'amuser.
On
très-gais;
nous verrons.
pourtant que certains bals déguisés sont
au moment d'écrire a Ingres de proposer au
« J'ai été
grand-duc
dit
219
héritier de lui faire
une autre vierge. Quant à ne jamais voir
celle qu'il a faite, elle est destinée à
en raison de son latinisme
K
le
jour,
Si Delaroche voulait sonder
notre collègue à ce sujet, selon la disposition dans laquelle il
le
entamer
trouverait, je pourrais
bien que, l'argent et
la
négociation.
Je sais
mon compte, j'aimerais mieux rendre reprendre mon tableau que de le laisser dans pour
un pays aussi fanatique que celui-ci en matière de
reli-
gion.
«J'avais oublié de petite
te
que
dire
la
comtesse Salahoë a une
d'un an et que cette enfant m'adore. Je ne
fille
la
prends pas dans mes bras que nos chers petits ne viennent
me
traverser
quand les
la
larmes
pensée.
Il
me semble
les
me
viennent aux yeux, non par
j'éprouve, mais par
le
de ces messieurs. Tu
souvenir qui
me
fais
bien de
me la
J'attends
le gros,
une
l'honneur de
sur
les
lettre lui
je ne
de
lui
vois pas ^
adresser.
douleur que
la
reste des caresses
peine en
qu'Horace tient mal sa plume. Cependant,
mieux que
embrasser, et
de petites mains empoigner mes moustaches,
je sens
qu'il
me
y
ait
disant
est
si le fin
plus
grand mal.
en réponse à celle que
j'ai
eu
Dis à sa mère, qui est à cheval
devoirs des enfants et sur
le
respect qu'ils doivent
à leurs grands parents, qu'elle l'invite à ne pas oublier les
convenances. Pour Philippe, naît pas encore.
1.
Il
ne
sait
le
pauvre chéri ne
pas que loin de
Vierge à l'hostie , peinte en 1841 pour Alexandre
est peut-être le
Horace Vernet: peine à
le
chef-d'œuvre de M. Ingres, a subi il
est enfoui
découvrir.
dans une galerie où
lui
II.
le sort
les
il
me
con-
y a quel
-
Ce tableau, qui que
lui prédisait
amateurs ont grand'-
JOSEPH, CARLE
220
qu'un qui l'aime tendrement.
Quand
irai-je
donc
lui
le
apprendre?... Parlons d'autre chose.
Vois ce que c'est que
«
comme
la
renommée, comme
elle vole,
Les bontés que l'empereur a
pénètre partout!
elle
pour moi font tant de bruit dans
monde, que je viens de
le
recevoir une supplique signée d'une famille entière pour
me demander ma d'obtenir
protection auprès de Sa Majesté.
Il
s'agit
permission d'introduire en Russie quarante-
la
quatre bêtes, dont quarante chevaux, deux femmes et deux
hommes, Les femmes désirent montrer devant
et leur derrière,
hommes,
les
la tète
le
leur joli visage, leur
tout en équilibre sur
leur force et leur adresse,
en bas;
et les
les
un pied;
jambes en
animaux, comment M. Baucher
l'air,
déve-
a
loppé leur intelligence par des procédés moraux. Enfin c'est la famille
Lejars tout entière qui vient
lettre dictée et écrite
.Me voilà
donc
banques près
morceau de
cour de Russie.
foire à
Comme
tion.
la
tu
solliciter
par je ne sais lequel de toute
chargé d'affaires de
le
me
manger,
dois
le
si
Il
fais
de
la
me comme
penser, je
dans
« Il est
lette et
fait
dix heures;
discrétion est de
la
les
Vois
indiscré-
comme
le
jour vient, Je vais prendre
la
jouer à colin-maillard avec mes brosses. Adieu.
Je reçois une
amie. Chaque jour,
me
négocia-
pa»
Pétersbourg, 19 décembre 1842.
bonne grande le
je
de prudence.
«
«
ma
joli
mettrai en quatre
poste, et je ne répondrai pas.
des progrès en
bande.
y aura peut-être un
première nécessité en diplomatie, je craindrais tions
la
reine des saltim-
la
je réussis
pour ouvrir. un protocole; mais,
dans une
lettre
de Louise, chère
bonheur de recevoir de vos nouvelles
devient plus précieux; car, chaque jour, je sens plus
vivement combien
il
est pénible
d'être loin de toutes ses
ET HORACE V E R NET. affections. Jusqu'à la peinture qui
près de deux mois, nous vivons
comme un
me
ici
fait
22
1
faux bondi Depuis
à tâtons. Le soleil brille
paquet de chandelles dans du papier gris, et
gredin a cependant assez de chaleur pour liquéfier tous
le
les
matins deux pieds de neige... «
Le délicieux traînage a disparu. On ne
naviguer dans une espèce de granito à
ne vous permet
la
plus que
fait
napolitaine, qui
pas d'éviter les trous et les bosses d'un
effroyable pavé défoncé de partout. J'ai les reins cassés des
culbutes et des soubresauts que je
mets
nez dans
le
que
venir,
la rue.
le ciel alors
On
dit
sera
que
fais toutes les fois
que
clair.
les
je
grandes gelées vont
Que
ce
donc! En attendant, nous venons d'avoir
moment
arrive
les fêtes
de
la
Saint-Nicolas. C'est fabuleux de luxe et de magnificence.
La messe
et le
baise-main sont d'une somptuosité dont rien
n'approche nulle part. Tout est argent, or et diamant. Le
nouveau Palais d'hiver ne
pu
le
cède en rien à tout ce que
voir. Je connais toutes les
ment
j'ai
cours de l'Europe. Certaine-
celle-ci l'emporte sous tous les rapports, c'est-à-dire
pour ce qui frappe « J'ai fait
pour
les
yeux.
la fête
de l'empereur un
petit
Napoléon
à cheval qui a eu du succès.
Comme
été l'objet d'une attention toute
particulière de la part de
Sa Majesté, qui
La
me
famille impériale
Enfin, ce matin,
j'ai
à
place toujours parmi son état-majpr.
me comble
d'affectueuses distinctions.
vu arriver un admirable trotteur
à un comfortable traîneau en peau d'ours,
de
Saint-Nicolas.
la
l'ordinaire j'ai
J'ai
comme
ce n'est rien; mais l'embarras est de savoir
placer
le
dans
le
comment
a des choses plus difficiles à arranger
y monde. Ainsi, réjouissons-nous; vive Il
souvenir
dû donner cent roubles de bonne
main;
présent.
attelé
mettons des lampions!
la
— Je me sens plus en joie
nation! qu'il
y a
222
deux jours, par que
et
raison que nous avons 18 degrés de froid
la
venu montrer son npz
le soleil est
comme un homme dans
fois
bien loin; n'importe, je
donc pas mort
n'est
qui vient regarder de
la foule,
vu éclairant
l'ai
a
il
:
a l'horizon, toute-
cheminées;
les
dû être bien malade, car
il
il
était
les
con-
pâle.
Les Mystères de Paris sont
«
le sujet
de toutes
versations. Ces ordures charment les russes;
Quant
se réchauffer à ce foyer d'horreur. lu
qu'une très-petite
Une
histoire
ici
elle est
;
et j'en
partie,
ai
à
semblent
ils
moi
je n'en ai
,
eu bientôt assez.
beaucoup plus intéressante vient de
se passer
Un jeune seigneur
simple, quoique dramatique.
des environs de Moscou est devenu éperdument amoureux
d'une jeune bohémienne. Sa passion
était telle qu'il voulait
l'épouser, malgré les représentations de son père.
trouva
moyen
le
d'éloigner son
pondant cette absence, épouser
à
fit
enlever
son cocher, auquel
gent. La nuit
pagne
il
une
et disparut
la
donna
il
jeune la
le
fille,
liberté et
fois passée, elle sortit,
pour tout
Ce dernier
pour quelques jours,
fils
regagna
et,
qu'il
de la
fit
l'ar-
cam-
monde, sauf pour son amant
qui feignit de l'avoir oubliée et prit du service dans les gardes.
Pendant cinq ans,
sans qu'on sût que nui ts.
femme mari,
se maria
11
môme
homme
venait
pour donner
légitime, tourmentée de
fit
cachée dans une cabane,
elle resta
jeune
le
la
le
la
voir toutes les
change; mais enfin,
vie mystérieuse de son
tant qu'elle découvrit l'intrigue et fut se jeter
aux
pieds de l'empereur pour obtenir vengeance du perfide.
enleva fut
de
la
pauvre réfugiée pour
même
de ses
la
trois enfants
la
mettre à l'hôpital;
dont
elle
il
On en
n'entendit plus
parler; et, pendant quatre ans, elle souffrit toutes les 'douleurs et tous les genres d'humiliation sans se plaindre, don-
nant l'exemple de
la
résignation
la
plus
douce dans
la
HORACE VERNET.
ET
enfermée. Quant à l'amoureux, on
maison où
elle était
partir tout
de Fuite pour
dant tout
le
temps qui
s'est
n'a
pu
récemment de l'armée,
a trouvé le la
dans
était le seul obstacle
l'exilé.
blier; la
puis,
elle
la
arrive
parler à la
lui dire qu'elle
Dès chez
priver d'un mari
lors,
son parli
légitime
la
lui
devait
qu'elle
malheureuse, n'avait pas pu l'ou-
si
alla
deux
les
officier,
moyen de
fut pris. Elle parvint à s'échapper, fut
aimer, puisque elle,
en Ire
conversation, de
au retour de
demander pardon de
fit
Pen-
est encore.
il
s'établir
pauvre recluse,
et,
le
écoulé depuis leur séparation,
peu de jours, un
a
y
il
Caucase, où
le
aucune correspondance amants. Pourtant,
223
se précipiter dans
un trou
dans
fait
y est encore. On raconte femme de son amant il paraît qu'elle
glace sur l'un des canaux; elle
ce qu'elle a dit à
la
;
a été admirable de simplicité et tout à la fois d'exaltation. Elle était tellement jolie qu'on la cachait lorsque des étran-
gers visitaient l'établissement où elle était enfermée.
encore une foule de détails que je ne puis qui rendent l'histoire très-touchante.
11
Ce
30.
veux
Je
amie;
qu'elle
elle te sera
vous
remise
le
premier jan-
mes vœux de bonne
porte
année. Vous aurez pensé à moi, je n'en doute pas. trois
ans, j'étais éloigné de
vous
à
moins, à minuit, quoique au fond de
qu'un
ici et
part un courrier aujourd'hui. Je termine bien vite
cette lettre, chère vier.
y a
»
«
«
donner
te
Il
à
même
epo
jue.
y
a
Du
Syrie, j'a\ai> quel-
la
embrasser. Avec ce cher Charles, nous pouvions
prononcer
les
noms de ceux que
dre parla pensée, mais partager
la
Il
mes
ici!...
notre
rien.
regrets de n'être pas
là
cœur
allait
rejoin-
Personne ne saurait
pour jouir en famille
de cette union de sentiments réciproques qui est
le
bonheur
JOSEPH, CARLE
•2-24
du présent
grands et
aime de toutes
les
rendent
Adieu.
les
forces de
la pareille
ma
de
part.
» 14 janvier 1843,
«
«
Ce que
tu
me
du dernier tableau de Delaroche mo
dis
grande joie; ce n'est pas que
fait
mon âme,
tous jusqu'à t'en user les lèvres
petits, baise-les
et qu'ils te «
de l'avenir. Chère amie, dis-leur
et la sécurité
bien que je
nouveaux succès pour
mais
lui,
je ne m'attendisse à
je suis
heureux de
de
les voir
se multiplier dans sa nouvelle manière. Je ne sais quel Grec a dit «
:
«
peuse
La vie et le
est courte, Fart est
jugement
notre gendre
,
long
quand
difficile. » Il faut
dans toute
,
la
,
l'expérience trom-
donc se réjouir pour
force de son talent, le
problème se trouve résolu. C'est ce qui arrive. Quanta moi,
m'en sens tout glorieux,
je
seulement, mais pour «
Un
homme
succès
l'art
célèbre doit aussi
que de
à
la
l'effet
la
,
La fomme
l'autre.
dans son genre, se fait
son devoir.
qu'elle a produit chez
Il
faire
M. Apponij. Hier, la
tous ceux qui avaient reçu des nouvelles de Paris. fait
une pluie sous bées.
à nous
serais redressé,
part de
S'il il
avait
tombait
laquelle toutes les échines restaient cour-
— avec
le tien
sans doute
—
jouissait
d'avoir produit
deux une semblable perfection.
Je pense à ce
que
tu m'as dit de
rence de son savoir-faire avec
amie,
mais
Néanmoins, mon orgueilleux cœur de père
dans son coin
«
me
d'un
remar-
n'est question
revue, j'étais l'objet de mille félicitations, de
plus beau temps, je
famille
en général.
ne va pas sans
quer. Aussi Louise a-t-elle ici
ne dis pas pour
je
elle est
grande. Parce qu'il
pas une raison pour que je fasse avoir moins de blé et
le
le
et
de
mien. Certes,
fait
le
X***
la
la diffé-
ma
chère
tabatière, ce n'est
mouchoir. J'aime mieux
récolter sans ivraie.
ET HORACE VE RN ET. une haute bévue en passant
« J'ai fait
de
J'étais loin
vaux du repos
me
douter que j'y serais condamné aux tra-
ma
tête,
Mes vieux membres
forcé.
mes bas de
midité, qui traverse
sur
que défendent mal
dans
l'esprit et
prend
la
se rouillent à l'hu-
Le
soie. le
tombe
froid qui
me
peu de cheveux qui
que
restent, refoule vers l'estomac tout ce tiel
l'hiver en Russie.
de substan-
j'ai
place de la nourriture que je
suis appelé à partager chaque jour chez les Lucullus gastro-
nomes de Saint-Pétersbourg.
mange pas
;
j'ai
Bref, je ne travaille pas, je ne
des croix pendues au cou et
dans des escarpins
et je
,
les
pieds gelés
ne dors pas beaucoup. Quant au
dernier inconvénient, je m'en moque. Peut-être ai-je
par
des obligations
la
;
toi,
secours. Je
me
de nos enfants,
et c'est le seul
délecte en lisant les
«
«
mon
évangiles. — Bètas de
chameau!
—
vêtu d'un habit de poils de chameau et
une ceinture de cuir autour des
reins. »
Les bergers kurdes,
druses, les Arabes, les Syriens de toutes ainsi; c'est
temps
vient à
peintres qui faites saint Jean vêtu d'une peau de
Saint Matthieu dit:
lui
,
passe agréablement. La Bible aussi
je
même
mon lit je me transporte Je me crois dans ma cham-
dans
pensée au milieu de vous.
bre verte, près de
que
car,
ïabbaïa
,
ce vêtement
les religions
primitif et
si
si
sont
beau.
Notre mangeur de sauterelles n'en portait pas d'autre (car il
n'est pas question
Jourdain lavant
la
de culotte)
tête à tout
;
je le vois sur les
un chacun. Ah
quoique fanatico-garde-national, biblico-pittoresco-régénérateur
chère amie,
me
déclare émeutier
vrai
pour ce qui re-
je
du
!
bords du
garde risraëlico-vestimento, etc.. en o de l'écriture... «
je
On
est
dommage; je
venu me déranger dans
le
ne saurai plus comment reprendre
me
car je
me
plus beau
ma
moment
;
narration. C'est
sentais inspiré par le Saint-Esprit et
mettais en verve, Yoilà
comme
les
plus belles choses 13.
JOSEPH, CARIE
226
manqué de
ont peut-être
M.D***, la
ler. le
le
main à
magnétiseur;
la
Enfin,
le
le
coquin n'a pas besoin de mettre
voilà parti, et,
notre causerie.
coup
Le tout pour recevoir
pâte pour endormir; on n'a qu'à
somnambulisme auquel
pas.
naître.
Nous
Ce pouvait
au risque de
communiquer
te
je viens d'échapper, je reprends
disions donc que...
être de la pluie
sûr, ce n'était pas
par-
le laisser
ma
foi,
je
ne
sais
que nous parlions; mais,
du beau temps, car
le
à
bon Dieu de
ce pays-ci ne juge pas à propos de nous en donner;
il
n'y a
plus de neige; les rues sont lavées par une petite pluie fine
qui ne discontinue pas. C'est une calamité pour
Saint-Pétersbourg traînage,
et,
le
ne s'approvisionne
l'hiver
le
peuple.
que par
le
jour de Noël, tous les marchés sont encom-
brés de viande, de poissons et de volailles gelés, au
moyen
de quoi ces denrées se conservent jusqu'au carême. Par malheur, un dégel vient de fondre à l'improviste sur nos en
têtes, et
même temps
sur tous
les
comestibles, qui ne
sont plus que des charognes; c'est une véritable désolation.
Le premier jour, rien
n'était, si
nelle; j'y suis resté toute
curieux que cette foire char-
une matinée. Figure-toi des rues
formées de bœufs, de moutons
uns sur lit
les autres,
roides
quand
le
ventre d'un
vient
bœuf ou
bois, et qu'on
C'est un la
s'éclairent avec des chandelles;
dans
de cochons empilés
comme du
à grands coups de hache.
bizarres, surtout
et
sur
les
démo-
spectacle des plus
nuit; tous ces corps morts les le
marchands sont
assis
dos d'un porc; chacun
d'eux vous agrippe par votre habit, pour vous vendre sa
marchandise.
Ils
crient tous à la fois; dans ce tumulte, j'ai
été pris regardant avec
un
air d'intérêt
environnée de toute sa famille, qui, pavé.
On
une immense
comme
elle, gisait
truie
sur
le
a sans doute supposé que je voulais faire emplette
de cette Niobé. Sur-le-champ
j'ai
été entouré d'une foule
ET HORACE Y EU NET,
227
de compagnons de saint Antoine qu'on m'offrait d'acheter,
comme
en faisant valoir leur beauté
la
mon
en faisant bonne contenance, jusqu'à
retiré,
Mais
eussent été de
s'ils
me
Cupidons. Ne pouvant pas m'expliquer, je
petits
succomber;
je devais
là,
suis
traîneau.
je n'y suis pas rentré seul
:
malheureuse truie m'avait suivi bon gré, mal gré, mise k
mon
côté et abandonnée par son propriétaire sans réclama-
tion
de payement. Tu juges de
mon embarras;
de m'expliquer avec un gendarme qui
dû prendre
J'ai
Arrive bule.
à la
C
je flânais
me
fai
!
maison, tout
était le
dans
fils
de m'en
parti
le
le
monde
pour
police.
m'attendait dans
le
vesti-
un de
dit à
ses paysans de
e cadeau de cet intéressant animal. La plaisanterie
n'était pas
mauvaise de me
faire
voyager côte à côte avec
une grande bête qui me dominait de plus d'un «
la
avec ma compagne.
aller
N***qui, m'ayant découvert tandis que
marché, avait
le
était là
impossible
La famille dans laquelle je trouve une
talité est
dans
comme deux
joie d'un
la
pour Lune des
bonne hospi-
mariage qui vient de s'arranger
Le promis
filles.
si
pied...
et
promise s'aiment
la
tourtereaux. C'est un vrai plaisir pour moi de
voir des gens heureux les uns par les autres, moi qui suis si
isolé!
Tu ne peux
règne entre eux;
Le père
est
vivent
ils
un homme
grand seigneur est
te faire
et
une passionnée en
elle
comme nous
fort instruit,
en communauté.
organisé pour tout,
bon vivant. La mère, qui a été délicieuse,
vouer à l'éducation dévote; mais
une idée de l'harmonie qui
retraite, qui,
de ses
depuis qu'elle a dû se est
filles,
devenue sévère
et
n'en conserve pas moins ce qu'il fdut de
l'ancienne chaleur de son
âme pour aimer tendrement
siens et pour s'en faire aimer.
La
fille
cadette est mariée
d puis deux ans; celle-là est blonde, assez
malgré ça nourrissant son enfant
,
les
jolie, scrofuleuse.
faisant de la
musique
228
et
delà peinture, n'allant pas au spectacle par principe,
ne lisant de
moderne que ce que son mari
littérature
la
Celui-ci
écrit.
un grand jeune homme
est
mais déprimée, jouant assez
bon gentilhomme, ne
et
fort
sans avoir de
que de ce
riant
à grosse tête,
qu'il dit.
fortune,
Les autres
sœurs sont brunes, plus ardentes, promettant davantage de payer un jour leur tribut à sent fermes dans
la
qu'une honnête femme puisse tion.
société; mais jusqu'à pré-
voie du Seigneur et ne supposant pas
la
Le plus jeune de toute
lire
autre chose que l'Imita-
bande, c'est un
la
grand
frère,
et
beau garçon, visage
et
d'une douceur angéliques, scrofuleux et par suite boiteux.
frais, esprit très-cultivé,
C'est l'héritier, l'aîné des
compose
qui complète
verneurs les livres,
et
et son
pour
table
la
jouent de
dîner, est formé par les
le
la flûte et
de
Petit- Poucet,
quitterais
je
quelle mâchoire
disait
la
ici
;
comte K***, gros
maison.
si j'ai
Oh!
la
gaillarde!
Ce
H
janvier
181').
vu mademoiselle de R***. Certes.
comme
chanteuse chez
elle a été
engagée
homme à
lunettes vertes, puant très-fort,
mais richissime, ayant une musique à à faux dans les
y a une Alle-
»
!...
Tu me demandes
Elle est arrivée
il
à faire trembler. Si j'étais
«
dans
(comme
l'autre, Polonaise, est
comte de Forbin) un torchon pastoral poussant
mande qui mange, mais mange
le
Des secondes,
la clarinette.
des soupirs à renverser les meubles; puis
<(
gou-
du temps de Clarisse avec ses lunettes
chapeau gris; le
Le reste du personnel,
gouvernantes. Les premiers, heureux de quitter
l'une, Anglaise, est
défunt
étant mort. Voilà de quoi se
fils
matériel des maîtres.
le
d'une bonté
lui et battant la
mesure
morceaux d'ensemble, sans dou te plus heureux
les duos, car
mademoiselle de R*** est devenue grosse
ET
—
veuve d'un
et
HORACE VERNE T.
pour de
qu'elle, qui,
nouveau veau,
en Afrique. Maintenant,
officier tué
d'épouser pour de vrai un
fruit
petit
commis allemand charge de
l'argent, se
voix, transposé, dit-on, par
un jeune l'histoire.
lui, afin
de
mon
donner au
le
comme
roi
n'a
vache et d'un
naturel à trois
do ma-
ferai
précéder par
souvenir de moi.
l'eau. C'est
une saison dont
jamais eu d'exemple; c'est une désolation générale.
Pourquoi «
vient
n'est pas terminé,
il
me
retour. Je
Nous sommes toujours sous
«
on
sera avant
le
il
elle
plus jeune
Italien sur le
Quant au portrait du duc d'Orléans,
mais
la
mi
d'un nocturne en
jeur du susdit comte. Voilà «
220
que
faut-il
Adieu
,
je
je sois
tombé sur ce phénomène!...
mon cœur.
vous embrasse de tout
gros aujourd'hui
,
y a place pour tout
qu'il
le
est si
Il
monde.
»
«Saint-Pétersbourg, 24 janvier 1843. «
Tout ce que
mencement de
1
tu
me
sur
dis
et
de
fin
4
842 et
les
vœux
et les souvenirs
côté. Je pensais à vous, tout seul, la
pour compagne
ma lampe,
qui veillait
plume à
comme
pouvais pas boire du vin de Champagne avec
moins gai que vous, mais tion
combien
je
com-
le
843 ne pouvait rien m'apprendre de nou-
veau quant à ce qui regarde
mon
la
je sentais
de
main,
la
moi. Je ne
elle.
du moins sans
J'étais
distrac-
vous aime tous. Les regrets de ne pas être
réunis étant égaux des deux côtés, je veux croire que
ma
part était la meilleure. «
Les jours allongent et je puis travailler six heures.
Aussi,
la
toile se
couvre et je commence à renaître. Mes
membres reprennent de de nouveau vers
le
la
ciel,
souplesse et
,
mes
idées s'élancent
mes yeux ne creusent
plus
tristement la terre que le soleil semblait avoir abandonnée. Il
n'y a pas eu d'hiver
ici.
Jamais, de mémoire d'ours, on
230
n'a
vu une semblable saison dans leur
On ne peut
tout est— il défoncé.
belle patrie. Aussi,
d'aucune façon, sans
sortir
courir risque de se noyer ou de se rompre les os. Ah! malédiction des malédictions
!
Pourquoi
dans ce pays, justement quand
même,
dévoyé!... Ce matin trer sa mine.
que
faut-il
l'astre
du jour
que
venu mon-
est
Le crapaud a remué ses pattes engourdies sous
son ventre pour s'élancer de nouveau dans
mois de mai
le
tombé
enrhumé, grippé,
est
il
je sois
n'ait
apporté des
la prairie.
feuilles, le
Avant
Boissec des
peintres aura son retour de jeunesse... «
Voilà
que
je
ne pense pas que 11
me le
temps
vont
et le papier
me manquer.
vaut cependant mieux s'égayer que de faire du Jérémie.
Je n'ai tions,
que trop de temps
ni tète, c'est
comme
ce genre d'occupa-
à
plaisir
que je
des prisonniers auxquels on ouvre les autres,
que
la
porte.
c'est celle
Il
yen
de vous resi
ça dé-
»
«
Saint-Pétersbourg, 6 février 1843.
Enfin je suis heureux, chère amie
heures! Je rentre de l'atelier, où la
queue
sortir à la fois,
de vous embrasser, de ne vous plus quitter,
crois — de
je puisse
te dis n'a ni
que toutes mes idées veulent
pend de moi. Adieu.
«
employer
t'écrire. Si ce
une qui domine toutes
voir,
à
pour ne pas profiter du seul vrai
éprouver, celui de
a
des bêtises, et je
laisse aller à te dire
:
je puis peindre six
j'ai
fait
—
à ce
que
bonne besogne. Je chante maintenant tous
vieux airs d'opéras;
il
me manque que
ne
je les
vous pour avoir
retrouvé mes beaux et bons jours. Je jouis de voir mes
mains barbouillées de couleur; ce pendant je n'ose pas
aller
dans
le
n'est pas
monde
de
la saleté,
ce-
sans les laver; les
ours ne sont pas encore assez civilisés pour comprendre ce qu'il
y
a d'honorable dans
la
malpropreté du travailleur.
231
me livre aux plaisirs mondains; je vole de l'un à comme un oiseau sur un cerisier. Si j'avais vinst
Je
«
l'autre
ans de moins, je serais l'homme à il
que
j'aie
perdu
ma
Le vinaigre que
«
tu
me
il
fait le
mode. Pourquoi
m'as envoyé est
jours envie d'en mettre dans tanné,
la
faut-
fraîcheur!
môme
bon, que
salade; car, sur
la
effet
si
tou-
j'ai
mon
visage
qu'un cautère sur une jambe
de bois. «
S'il
en est temps, expose
mon
tableau. Parce qu'il
vaudra peut-être quelques mauvaises lignes dans
les
me
jour-
naux, ce n'est pas une raison pour que je sois un ingrat envers
Salon
le
connaître. Je
succès;
ils
sans lequel je ne
,
me
me serais
peut-être pas
fait
souviens des jouissances de mes premiers
m'ont encouragé,
et je dois à
la
mémoire des
Gros, des Gérard, des Girodet, etc., dont les exemples doublaient
même
mon courage pour
Tu vas
service à ceux qui doivent nous succéder.
que
dire
rivaliser avec eux, de rendre le
c'est
payer. Si
de l'orgueil? Non. c'est une dette que je veux
Thamar ne
remplit pas toutes les conditions de
peinture, ce n'est pas du moins un tableau sans aucun
la
mérite. D'ailleurs, ses défauts peuvent servir de leçon. Les
Confessions de et elles
ont
Napoléon
fait
Rousseau n'ont
J.-J.
du bien
serait resté plus
— Je retourne
à
de
tort qu'à lui,
à tant de gens qui les ont lues!
longtemps sur
pris l'avis de la multitude... Halte- là! thos.
fait
mon mouton,
me
le
trône,
voilà
s'il
dans
c'est-à-dire à
avait
le
pa-
toi,
ma
pauvre amie. «
Je savais par les journaux l'histoire tragique de l'élève
de Delaroche
1,
1 .
Ce que
Malheureux jeune
tu
m'en dis me rassure pour
homme mort
rades d'atelier lui avaient
fait subir.
l'opi-
des suites d'i^ne charge que ses cama-
232
monde en conservera; mais, connaissant
nion que
le
sensibilité
du cœur de notre gendre,
je suis bien aise d'ap-
comme
prendre que, dans cette circonstance
montré
la
malveillance. Certes,
il
d'autres,
d'école,
ront
a
il
il
la
dans
tant
fermeté nécessaire pour arrêter regretter
est à
comme
que,
la
chef
renonce à faire des élèves; mais ses œuvres se-
là et
doctrines.
se chargeront de
Tous
les peintres
propager
les vraies et saines
sont élèves
du Poussin. Au
demeurant, dis à Paul que je partage ses angoisses, mais
que
je le félicite d'avoir repris sa liberté;
mauvais sang dans
concours.
Je te quitte pour aller au bal
«
rier, et je
aurai
j'y
les
;
c'est
demain jour de cour-
veux conserver un peu de place pour
fait
te
dire
si
quelques victimes avec mes mollets qui bril-
dans mes bas de soie blancs aussi bien qu'autre chose
lent
dans une lanterne.
» «
«
moins de
fera
il
Le
bal était magnifique.
Ce
L'empereur a été
7.
fort
aimable;
nous avons causé longtemps ensemble, mais de choses indifférentes.
Je vais partir pour aller peindre
cheval que j'espère ne pas manquer.
une
Tu ne peux
tête te
de
faire
une idée du bonheur que j'éprouve d'avoir repris mes habitudes laborieuses. Le temps semble voler maintenant.
»
«Saint-Pétersbourg, 12 février 1843. 4
«
En6n M. R***
est arrivé avec des lettres et des
Ce ne sont pas ces derniers qui ont agi sens,
comme
tu le penses bien.
Paris a réveillé en moi de sentir tous près de moi;
bien
le
si
le
plus sur
mes
Cependant, leur odeur de
doux souvenirs; elle
parfums!
je crois
vous
pouvait m'apporter aussi
son d'une de vos voix!... Mais non,
j'ai
beau ouvrir
ET les oreilles,
tard,
pour
vaille,
OR
yeux
tympan.
et le
me semble que
il
je
et
cœur
bonne
me
—
suis
et
nez; à plus
le
Maintenant que je tra-
mis en route pour vous
coup de brosse me rapproche;
rejoindre et que chaque
douce
C E V E R N E T.
A
n'y en a que 'pour le
il
les
II
que
illusion,
comme mon
je soigne
—
meil-
leur ami... Enfin, viendra le jour delà réalité... «
de
Malgré lire
peu
de
le
désir
ma
vu
plus laconique; car,
portraits la
que
de
j'ai
te
donner souvent
le plaisir
prose, je serai forcé maintenant d'être
me manquera pour par
que
écrire. Je
sur
j'ai
les
jours qui allongent,
le
veux avoir terminé
les
un
temps
deux
chantier, afin d'être libre de partir
le
première navigation. L'empereur
J'emporte-
le sait.
rai avec moi les documents nécessaires pour faire en France
plusieurs grands tableaux.
«Hier seulement l'empereur ferrand J'ai
pour
la
a signé les projets
de Mont-
décoration intérieure de l'église d'Isaac.
me condamner au mutisme jusqu'à présent, mon avis relativement à l'exécution des pein-
cru devoir
et réserver
tures. Je serai consulté, je n'en
doute pas. Tu connais mes
opinions à l'égard de l'unité dans un monument, et j'espère
que mes conseils seront entendus d'autant mieux, que suis désintéressé. C'est
question
d'art
que
purement
je
et
j'y
simplement une grande
puis traiter avec connaissance de
cause. Je ne serais pas fâché que Delaroche m'écrivît son
opinion à ce sujet. et je serais aise le
Nous devons penser
cas échéait. Prie-le de
ture monumentale, qu'il «
me
le
si
me
a,
je crois,
ma
détendu
sien, si la
pein-
santé? Elle est
vient pas, et
agaçant. Quant au visage, Fceil est bon,
mais l'humidité
du
avis
largement.
détails sur
ventre ne
peu près de même,
mon
formuler ses idées sur
comprend
Tu me demandes des
toujours de fer;
à
de pouvoir corroborer
la
la
le
mollet reste
moustache
frise;
peau; un coup de
•234
soleil là-dessus, et elle se
bour. «
11
comme
retendra
ne manque pas Un clou au soufflet
Delaroche rouvre son atelier;
il
le
d'un tam-
celle l .
devait.
ne pouvait
Tl
pas laisser planer sur une masse de jeunes gens une inculpation aussi grave.
y a des circonstances qui dominent
Il
nos volontés et auxquelles
faut céder.
il
Amen! «
« J'arrive
d'un bal chez
longue conversation avec seur. Je lui ai
l'empereur.
sur Isnac.
lui
Ce
J'ai
que
la
profes-
faudrait donc qu'un seul
que vingt ou trente tache
y aura là
Il
homme n'y suffirait même tout retoucher. Il
vie entière d'un
devait tout exécuter, ou
tours. Cette
eu une très-
exprimé mon opinion sur l'homogénéité né-
tant de peinture, s'il
13.
J'ai fait le
cessaire dans l'ordonnance des compositions.
pas,
»
génie se chargeât des cartons, et
de talent remplissent
artistes
serait facile à accomplir,
les
con-
sans qu'il y
eût disparate, les sujets devant être peints sur des plaques
de cuivre dorées au
Avec de
feu.
caractère étant plus dans
le
pareilles conditions,
contour que dans
le
modelé,
le il
y aurait plus de certitude d'harmonie dans l'aspect. Pour n'avoir pas nel, j'ai
dû
l'air
d'exprimer ces idées dans un but person-
citer plusieurs
lius et Delaroche. J'ai J'ai
voulu, pour
la
p*u
noms
d'artistes
:
Ingres, Corné-
insisté; c'est partie à reprendre.
première
qu'en général. D'ailleurs, à
la
ne parler de
fois,
j'étais
fin,
plusieurs reprises
:
comme
qu'on devait mettre à terminer
le
il
chose
dominé par une
préoccupation venant de quelques mots échappés jesté à
la
s'agissait
à
Sa Ma-
du temps
monument, l'empereur
Le lecteur n'a pas besoin qu'on lui traduise cette locution qui a un moins pittoresque dans la langue des gamins de Paris bouder aux dominos, » c'est-à-dire, être brèche-dent. 1.
équivalent non «
;
HORACE VERNET.
ET m'a dit:
«que
je travaille
:
en cinq ans. Je sais bien
soit fini
qu'une messe
je n'y entendrai
que
« fils
que ce
faut
« Il
et
que
pour mon
c'est
je ne dois pas vivre longtemps. » Cette
appréhension d'une mort prochaine, manifestée au milieu d'un bal, et exprimée d'une manière simple, de
la
homme
santé, avait
dans toute
quelque chose de
la
si
vigueur de lage
la
solution
souvenir de 1
côté
du problème
scène qui
la
,
Mais
passée dans
la
de dégel,
me
et
,
me
les
à
pa-
de de
faiblesses
lui.
Enfin,
j'ai
quantité d'idées
croyais susceptible d'avoir que seul, un jour
bloqué dans
le
fond de
ma chambre. Au
grain et de placer
de
mes
résultat,
empoché de semer mon
toutes ces pensées ne m'ont point
ma gravure
chambre
mort épargne dans
monde par une
été pris, au milieu de ce
ne
la
et le
alors, j'ai senti tout ce qu'il fallait
sa personne, tandis qu'elle frappe autour de
je
difficile à
grand événement devait
l'humanité. Je pensais à notre roi, que
que
effort
du pays
situation
la
d'âme à un souverain pour dominer
force
un
Malheureuse-
n'a pas été bien
s'était
la possibilité d'un
raître probable.
la
possibilité.
la
Avec mes idées sur
trouver.
de
contradictoire, qu'il m'a fallu
d'esprit pour m'en expliquer
ment,
et
part d'un
pions. J'ai obtenu que tu adressasses
Thamar
directement à l'empereur. Tu peux
y joindre la Jument aux loups, et je crois qu'il ne serait pas mal d'introduire dans le rouleau la Sainte Cécile de Delaroche. Le genre de cet ouvrage est plus en rapport
avec
].
les
travaux à faire
,
Allusion à la mort de Paul
et
I<>
r ,
son arrivée
:
«Voyez le
où
n'est
il
(
1836), Nicolas lui avait dit
ces gens qui nous regardent lorsque nous nous mettons
à la fenêtre, ce ne sont pas eux qui ont tué
nous aiment:
,
qui fut étranglé en 1801. Pendant le
premier voyage d'Horace Vernet en Russie
un jour
ici
danger que nous courons
est
mon malheureux
père
dans l'antichambre.
»
,
ils
Et en
prononçant ces derniers mots, l'empereur montrait la porte du salon où se tenaient ses favoris.
JOSEPH, CARLE
236
pas connu, viendra corroborer ce que
déjà préparé.
j'ai
Voilà une lettre d'affaires; maintenant, en avant
«
timent!
Avec
ment où, sans
sortir
te faire rougir,
quand ne
mon
ce sera
X*** pourra
mo-
habit de salon,
sur
l'article toilette;
n'importe,
d'en avoir une avec
Adieu. Tout à
a
Mon ami
même
pour
les
s'en offusquer, car je le sais méticu-
dira pourquoi. La seule concession
«
plus? Dussé-je
te quitterai-je
ou
faire, c'est
le
de chez nous, je jouirai de nos petits
leux il
sen-
quelle impatience ne vois-je pas venir
enfants. Chère veste!
samedis.
le
toi.
la
il
ma
avalera
que
broderie de
veste
je puisse lui l'Institut.
»
intime, Radziwill,
meilleur de tous les
le
princes, se charge de te remettre cette lettre; elle te portera
quelques observations que je
fais
sur
le
pays et que je ne
ma
serais pas enchanté qu'on lût à la police:
façon de pen-
ser est peut-être absurde; n'importe, parlons d'autre chose.
La vie que je mène
«
ici est la
plus usante qu'on puisse
mon
imaginer. Les jours se passent dans
pas de trop mauvaise peinture (tu sais que je
fais
et
atelier,
le
nuits,
portrait de l'impératrice
dans
le
monde où
qu'on appelle ces gens, sent un vide
comme
s'il
sera
je ne
une bonne chose);
je fais partie de la
les
masse compacte
et qui, lorsqu'ils n'y sont pas, lais-
manquait une touche à un piano.
Je vis le double que je n'en ai l'habitude. Ça ne pas, et j'y
où
méjuge,
gagne de ne pas creuser
la triste
me
fatigue
pensée d'être
séparé de vous,par un passé de quatre mois. «
Une nouvelle
distraction
m'est venue en aide.
Il
est
arrivé une troupe de bohémiens pur sang avec le prince
Wiozenski
;
nous
les
poursuivons dans
chements de leurs habitudes privées.
les Il
derniers retran-
y a véritablement
chez eux des choses inconcevables de tradition physique et
ET HORACE VERNE T.
237
morale; c'est de l'Égypte au visage de bronze, avec ses serpents droits sur Je suis
queue, ses mystères
la
comme un
et ses superstitions.
ivrogne qui découvre un bouchon
;
aussi-
que je vois moyen de me raccrocher aux souvenirs d'un
tôt
pays où
n'est pas
soleil
le
comme
ici
une orange enve-
loppée de papier gris, je m'en donne à gogo. Je puis d'autant
mieux l'avouer
que de vertueux dans
qu'il n'y a rien
comme
nos recherches. Je deviens philosophe profond
devenu maître d'école;
crisse
tention
que
temps que
lui.
Je
m'amuse seulement pour
ne puis employer à
je
droite et à gauche; je fourre
mou
Jo-
mets pas plus de pré-
je n'y
faire couler le
peinture. Je flaire à
la
nez partout où je peux,
sans m'occuper de ce que j'entends de l'opinion des autres
bavards; car, chère amie, plus je
que
nez est l'organe
le
humaine;
il
le
vis, plus je suis
plus important de notre machine
perçoit tout. Épluche-t-on des oignons,
pleurer les yeux. Prend-il du tabac,
au cerveau
et
vous secoue tout
éternuments que tu exécutes
le si
les
mauvaises odeurs font battre
Un
nez busqué, retroussé, ou
l'expression
dans
le
du
Paradis jusqu'à
la
Nous avons
les
il
donne de
il
fait
l'énergie
système par ces fameux solidement. Les bonnes, le
même
visage. Enfin, depuis
cœur ou
soulèvent.
le
de mie de pain, change le
premier nez d'Adam
descente d'Énée aux enfers (vieux
calembour), c'est toujours par duit.
convaincu
le
nez que
yeux trop près de
le
sort
cette
nous con-
exubérance
pour bien juger, sans loucher, comment nous sommes empoignés; mais nous avons
nous voyons conduire de
la
prétention de juger ceux que
loin. Je
m'amuse donc
ici,
faute
de mieux, à juger des différentes directions que prennent tous les nez. Dans aucun pays aussi
du monde,
il
n'en existe une
grande variété. Depuis l'Arménie jusqu'au
chatka,
ils
Kam-
vont toujours en diminuant. Aussi l'attelage est-
JOSEPH, CARLE
•238
il
différent
:
courts (par
on
les
la
pousse. Moi qui connais
moyen
serait
«que
gîte, et
songe...
«
que pour
«
te faire
rire,
que
que
celles
déjà bien vu l'armée;
le
manoeuvre. faut res-
il
l'on
ne
je croirais
n'avoir pas
observations seront
de d'Arlincourt.
maintenant, c'est
le
peuple
L'empereur, j'en suis convaincu, ne désire rien tant
tion
où en sont venues
la leur
liberté
pour
mais, dans
les serfs;
choses,
les
l'état
de déprava-
y a impossibilité de
il
donner. La vie d'un paysan est tellement au rebours
mœurs l'y faire
habitudes;
qui constituent
faire le
et
moins
Russes
qu'il est impossible
la société,
entrer avant une régénération complète de ses
comment y
arriver,
d'honneur n'agit sur son esprit,
les
la
pays,
dans son esclavage.
je cherche
la
de
plus
comme
en un gîte à moins que
Au demeurant, mes
que
des
de
à juger
de courir
faire
tout aussi intéressantes « J'ai
les tire; les
creux ou non? Voilà ce à quoi je tâche; ce ne
perdu mon temps.
que
on
grand cocher de cette
le
commence
messagerie royale, je
au
comme
raison qu'il y a moins de prise) vont
Puisqu'il n'y a plus ter
vont
les plus longs
lorsqu'aucun sentiment et
que son but
est
possible, la paresse et l'indolence étant parfait bonheur,
le
depuis
le
de
pour
prince jusqu'au
moujik? «
Déjà plusieurs
lois
sont venues réprimer quelques abus
monstrueux que l'absence
d'état civil bien tenu avait lais-
sés s'introduire au profit des
ne consistait pas dans le
la
que
les
femmes ne
père mariait son geait de faire
fils
à l'âge
lui-même
lès enfants existe;
,
dont
la
richesse
valeur de leurs terres, mais dans
nombre des paysans qui
qu'afin
seigneurs
la
cultivent.
Il
arrivait
donc
restassent pas sans produire^ le
de dix ou douze ans,
les enfants.
et se
char-
La défense de marier
mais combien de temps faudra-t-il pour
HORACE VER NET.
ET domine
qu'elle
d'une part,
cupidité
la
239
débauche de
la
l'autre?
Les femmes ne comptant pas,
«
trafic
il
un singulier
s'en fait
relativement au mariage et au recrutement.
du mélange d'enfants dont
souvent, par suite te parler,
que dans un
village
degré de parenté) que
eux; on échange alors
il
n'y a plus
le
arri\e
moyen
(vu le
habitants puissent s'unir entre
les
les filles
mau-
contre deux ou trois
vais sujets dont on ne peut rien
garde pour
îl
je viens de
on
les
recrutement; on les engraisse afin qu'on
les
trouve bons pour
faire,
le service, et voilà
et ceux-là,
en grande partie de
quoi l'armée se compose. Je te laisse à penser tout ce qu'il peut s'introduire de
«
mauvaises passions dans
comment
l'esclave, et
donner
les
mêmes
comme
pas
choses établi
ici,
rapports entre
tout d'un coup on pourrait égaliser et
la
même
espèce.
et alors qui sait ce et divisé
j'ai
n'y a qu'une révo-
une idée
que peut devenir un
fixe à cheval
si
mon
nez sent de loin^
dessus; mais je ne pense
pas que ce soit avec une armée seulement qu'elle
discipline
les
cœur
malgré
et
nombreuse
réduite à l'état d'automate par la
les
principes
moraux
qu'il puise
La révolution domine
La crainte
lui a
fait
ses meilleures inten-
endosser un uniforme régulier
qui- dissimule à l'extérieur toutes ses difformités; n'eil existent
que
la
dans
dans ses propres vertus, malgré son désir dé
propager.
tions.
(si
que l'empereur puisse maintenir longtemps
)
l'équilibre,
son
et surtout
soit,
l'ordre de
par des différences de langage,
de religion, de climat? Je ne sais si
Il
amener un changement dans
pays aussi immense
ou
maître et
le
droits à des gens qui ne se considèrent
étant de
lution qui puisse
les
mais
elles
pas moins et ne cesseront pas d'exister tant
Russie ne basera pas son avenir sur autre chose que
JOSEPH, CARLE
240
sur des apparences de force
me semble
l'ai dit, elle
dont
de prospérité
et
Comme
!
Du moment
croûte s'enfoncera un jour ou l'autre,
la
je te
sur une boursouflure de civilisation,
que l'armée délibérera,
trouvera quarante millions de
elle
barbas qui ne demandent pas mieux que de s'emparer des terres dont
par
la
comme
se regardent déjà
ils
les propriétaires,
raison toute simple que ces terres n'ayant aucune
autre valeur que celle des paysans qui lui appartiennent,
que l'impôt se payant eu égard à leur nombre,
et
eu égard à l'étendue de
on ne leur
persuadera jamais que
Depuis
4
vendu qu'avec 600, époque
clavage des Russes
de
intérêts
pas partie de leur indi-
fait
liberté.
un paysan ne possède plus rien; esclave,
fois libre,
ne peut' être «
ne
le sol
aucun d'eux ne veut prendre sa
vidu. Voilà pourquoi
Une
terre qu'ils cultivent,
la
non pas
à laquelle
\ qui
il
terre qui doit le nourrir.
la
Godounof a
établi l'es-
jusqu'alors avaient été libres, les
changé de nature. Les guerres qui
l'État ont
dépeuplaient
le
pays ont un autre but, celui de l'enrichir et
d'augmenter
la
population.
peaux; maintenant, vice. Lorsqu'ils
un;
Un
fait
soldat mourait sous les dra-
plus que quatorze ans de ser-
en faisaient vingt, sur mille
charge n'était pas lourde pour
la
lesquels
réformés
ces
nombre en
est
devient non
-
la
se
retiraient.
les
en restait
il
villages
Aujourd'hui
dans
que
le
considérable, vu les congés illimités, ça
seulement un nouvel impôt, mais un grand
embarras pour acquis
ne
il
les propriétaires.
liberté à ces
hommes,
Le service militaire ayant ils
retournent dans leurs
familles avec des idées nouvelles. S'ils travaillent pour le
compte du seigneur, 1.
Boris
après avoir fut
il
est obligé
Godunow ou Godounof, fait périr le
de
les
payer
;,
sinon,
ils
Tartare d'origine, usurpa le -trône,
czar Fédor Iwanowitch et son héritier, Dmitri.
lui-même empoisonné (1605).
Il
ET HORACE VERNET.
241
s'emparent d'un terrain qu'ils font valoir selon leur
intelli-
gence. Voilà donc une propriété établie dans une autre propriété.
Le jour des contestations arrivera. Cette classe de dont
prolétaires inconnus jusqu'ici,
population se sera
la
enrichie, ne se dessaisira pas volontiers d'un bien qu'elle
comme
regardera
rapportant rien à
récompense de ses services. Ce bien ne
la
l'État,
il
faudra donc l'imposer;
ne peut être que générale, leversé. s'est
—
me
qui sépare deux précipices
pas doit faire tomber.
Il
nez de l'empereur
le
fait l'effet d'être ,
mesure
de ce moment, tout est bou-
et,
Voilà dans quelle route
engagé. Cette route
la
dans lesquels
me semble
sur une crête,
le
moindre faux
qu'il vaudrait
mieux
descendre franchement d'un côté ou de l'autre avant d'y être poussé
mais je suis convaincu que déjà
;
n'existe plus.
Du moment
aura cessé de se
faire voir
où sur
le
sommet,
tôt nivelé, et la force brutale disparaîtra
-obligée d'obtenir des concessions des
trer en ligne. Cette classe elle
nomme
une certaine somme à
ses magistrats l'État;
à l'index. On compte parmi
mais ;
;
elle
etc.,) est
ment séparées de
(la
n'est
aucunement
pour ainsi
dire,
du temps
plupart
bientôt dissipée parle
fils,
par
la société, la
la rai-
débauche
il
retombe
n'y a donc que deux classes entière-
position, d'intérêts, de
aux dépens l'une de
elle
à l'élection et paye
elle
et l'ivrognerie sont sa seule ressource, et bientôt Il
;
des millionnaires, mais
son que, n'occupant aucun rang dans
dans l'abjection.
la fois,
car la bourgeoisie
elle vit,
fortune qu'un père a pu acquérir
par l'astuce,
dès qu'elle sera
,
ne peut acquérir de terres
représentée dans l'administration
la
pays sera bien-
grand nombre pour qu'elle puisse en-
n'existe pas en assez
;
le
deux parties à
c'est-à-dire des nobles et des paysans
vit isolée
chemin
le
prestige de la force brutale
le
mœurs,
l'autre cependant. Cet ordre
et vivant
de choses
H
JOSEPH, CARLE ne peut pas durer longtemps
;
la
balance n'est pas égale.
Déjà, les seigneurs sont obligés de faire de grands sacrifices
pour prévenir
Un
les révoltés
que
moindre
la
disette provoque.
jour viendra où les revenus ne suffiront plus, et où,
malgré eux
,
paysans seront forcés de se
les
suffire à
eux-
mêmes. «
Je viens de relire
mon bavardage
pas moi-même. Je sais bien ce que
;
ne
je
le
comprends
voulu dire, mais
j'ai
ce n'est intelligible que pour moi. Je te l'envoie toujours; tu
me
le
« J'ai
comme
garderas
renseignement.
hier à l'enterrement
assisté
pape des Grecs. Je
n'ai rien
non -seulement
costume
le
mais ces longues barbes lées
tombant sur
serait trop long
de vive voix à
les
de
mon
te
vu de
si
Je
beau que ce cierge
est magnifique
et ces
comme
;
forme,
immenses chevelures ondu-
épaules font un
donner
du métropolitain,
merveilleux.
effet
les détails
;
nous en causerons
retour.
«
11
Horace
\
eknet.
»
ET HORACE VERNET.
243
XIII
],\
RUSSIE PETNTE PAR HORACE VERNET (suite et fin).
— Un palais de — Le carnaval. — Lucullus et madame Gibou. — Réjouissances et déguisements. — Un mariage aristocratique. — Le public et les coteries. — Céladon fripé. — Rubini. — L'église d'Isaac et la peinture décorative. — Voyage sur mer en traîneau. — Carême et jeûnes. — Les fêtes de Pâques. — L'hospice dos enRussie. fants trouvés. — Ral à la cour. — Adieux à
La Saint-Martin de
— L'empereur
la palette.
cristal.
au bal masqué.
la
«
«
12 février 1S43.
,
Tu ne recevras de moi que quelques
amie; .voilà ce que le
Pétersbourg
monde
les nuits
Lorsque
!
je
que
vie d'un
la
lettres.
Martin de
homme
ne pouvais travailler, que
ne faisaient qu'un, que
réveiller chez
longues
c'est
le
Aujourd'hui je a
ramené
qui court
les
jours et
carnaval n'était pas venu
moi un retour do succès,
la palette
lignes, chère
n'ai plus le
celle
de
je t'écrivais
de
temps. La Saint-
mon
été passé.
Le
matin, les couleurs les plus brillantes à l'empire du génie; le
soir, les
sont
le
lis
et les roses
des
visages les plus éclatants
jouet des faveurs que je veux bien distribuer. Je ne
rentrejamais sans chanter:
«
mais
il
sois sans inquiétude,
Enfant chéri des dames, etc.;» y a à côté cinquante-trois ans
qui chantent aussi sur un air moins audacieux avec des pa-
244
conjugales;
rôles
nais
Pour changer de conversation,
«
avons l'hiver
recon-
briller
dans
l'air
comme
vent sur
le
les traîneaux,
mer. Le
la
poudre de diamant,
les Juifs
et
soleil fait la
rues sont encombrées de traî-
les
enlevaient
moujiks détruisent
le
que,
dirait
bronze du colosse de Rhodes, d'une
le palais
les
Ce sont des masses
fée.
de roche qu'on charrie dans tous
cristal
chose
des parcelles de glace qui semblent de
neaux portant d'énormes blocs de glace. On
comme
nous
je te dirai qu'enfin
depuis dix jours. Enfin
ici
délicieuse! filent
de
me
vertueux; tu
bref, je reste
là.
les sens.
faut
Il
vraiment se bien persuader que tout ce qu'on voit dans ce pays n'est que de Teau claire, pour ne pas se laisser aller à
de trop belles
dans
ma
pour
le
illusions.
vie, que,
Heureusement,
j'ai
moment, mon œil
mon cœur
mais
tant
quoiqu'un peu emporté par
est planté;
où rien ne
rue Saint-Lazare,
la
peut emporter
la tète
c'est toujours là le centre, et,
de choses tourbillon
le
reste fixé sur le point
tourne, où tout est réel, sur le pivot de
où
vu
dans
trois
le
reste;
mois, je
le
reprendrai avec sa gravité; car, tout en te disant des bê-
pour
tises
te faire
rire, je
deviens plus sérieux que tu ne
penses, et je lutterai avec Delaroche pour froid.
En
attendant, je jouis de
à nos petits-enfants que
mon
le
reste
calme
et le
sang-
pour ne rapporter
mûri de mes observations.
le fruit
Chers petits!... que j'aurai de plaisir à faire parler et à
me
faire écouter
dis,
ils
ont chacun des facultés tout à
m'en réjouis; « est «
car
muet,
»
il
par l'autre
que de dire ce que Piron
me
faut
Woronzof, où
me
vêtir
toute
la
pour
me
distinctes. Je
fait
vaut mieux qu'Horace dise
Je vais te quitter jusqu'à il
;
l'un,
car, d'après ce que tu
:
disait
«
du
Mon
frère
sien.
demain matin, chère amie,
aller
au bal chez
famille impériale se
le
comte de
trouvera.
Ah!
ET HORACE VERNE T.
me
lorsque je
souviens de
t'écrivais sur la table
callao
1 :
j'étais
la
soirée de Jérusalem,
maigre, fatigué; mais
me
différente de celle qui
la
raison était bien
la
Bible et tout ce
Avec
blêmit.
mon
comme
que
je voyais, je remplissais
fait
provision de nourriture pour l'avenir.
traire
:
c'est le vide qui
pens. Heureusement,
sac
la
bourse ne suit pas
ment perdu;
fourmi qui
à
con-
mes dé-
mouvement,
le
ronde que mes joues. Je
travaille
mon ouvrage. Je
sens que
ferme, et je suis Irès-content de
long repos auquel
la
Ici, c'est le
m'entoure que je remplis
et je la rapporterai plus
le
où je
du couvent, après un repas de ba-
j'ai été
je repars avec
condamné
mon
n'a pas élé totale-
énergie
d'il
y a vingt ans
d'une longue existence laborieuse. Je
et l'expérience
me
sens plus capable que jamais de produire encore de grands
ouvrages, et l'occasion ne
pour
faire
le reste
de
ma
me manquera
vie, si je
veux.
pas, car j'en ai à »
«
« J'ai
passé une soirée
et brillante
comme
comme
13.
tant d'autres, fort agréable
Rien n'est
le soleil.
Ce
si
beau que ces
réunions; mais que j'aimerais mieux notre petit coin! Ce
que
je
gagne
bonheur de ne plus détails sur
où
le quitter.
un mariage
de songer au
donnerai bientôt des
te
témoin
et
figurais
n'est sans doute
Mot espagnol le
nom
ma correspondance
que pour m'encourager
que j'éprouve. Quand
sèche sous
à
pas besoin de ça. C'est
toi; tu n'avais
1.
Je
et
à la cour, dont j'ai été le
comme tel. Ce que tu me dis relativement
je «
de l'apprécier
à tout ceci, c'est
je
me
vois
qui signifie merluche.
la
à bavarder avec
seule véritable joie
un grand papier devant
Nos marins désignent
de bacalïau. 14.
la
morue
246
moi, je commence hasard
ma plume
mon cœur comme on met
vide
elle
:
à jouir; je laisse
courir au
son argent sur
sa cheminée en rentrant chez soi. J'écris sans compter.
de
je te fasse rire
pitié
ou par mes bêtises,
passer quelques bons
te fais
mon amour-propre «
Adieu.
«
Nous sommes
instants,
.le
je
Que
pense que je
suis content, et
n'en souffre pas.
»
dans
ici
du carnaval
les joies
on ne
:
pense à rien autre chose qu'à transformer sa nature dans toute
du terme. Ah! mesdames
l'extension
vous n'y
comme
allez pas
mal!
mascarades vous émoustillent
les
femmes arabes, vous couvrez
les
Russes,
les
votre visage avec
devant de votre chemise, et un masque noir sur
le
remplace pour ainsi dire celui de votre blême
vous; voici
belles,
des oies
carême qui va commencer; jouissez de votre
le
comme
neuf mois
!
Rien n'est
si
curieux, chère amie, que ces
réunions
nocturnes à l'instar de nos anciens bals de l'Opéra. a
deux par semaine
la salle
de
la
11
y en
l'une au Grand-Théatre, l'autre dans
:
noblesse.
peut y entrer; les
nez
le
et indolente
amusez-vous, trémoussez-
au risque de marcher pendant
reste,
«
mes
Allons,
froideur.
;
c'est le
Pour
le
môme
môme monde
prix
tout le
,
monde
qui s'y trouve, et tous
rangs son intervertis. Une musique militaire à fendre
une
tête fossile
l'oreille les
pour
tient
uns des autres
dans
comme
la
nécessité de parler à
à confesse.
Chacun
est là
soi, depuis l'empereur jusqu'au dernier cabotin;
n'existe
aucune distance; on
autres sans la tête.
telet
vous
Les
la
se frotte les
moindre considération de rang,
officiers
uns contre le
il
les
chapeau sur
ont sur leur uniforme un petit man-
de soie ou de dentelle noire. Dans cette cohue, rien
247
n'est
si
singulier,
pour nous autres Français, que de ren-
contrer à chaque pas
comme de
les
princes de
la
famille impériale
simples bourgeois qui s'amusent. Sa Majesté, qui
porte avec une grâce remarquable son petit manteau retroussé sous le bras, et dont si
bien
noblesse de
la
accompagne
l'air affable et gai
la taille, est
continuellement assaillie
par une foule de dominos de toute extraction, s'accrochant à son bras pour lui dire tout ce qui leur passe par Il
de belles,
doit quelquefois en entendre
j'en
si
la tête.
juge par
certaines tournures qui l'accostent. Pour moi, je suis tou-
de voir un souverain absolu plus
jours dans l'admiration libre et plus familier
avec ses sujets qu'un roi ou une reine
constitutionnels, qui ne peuvent se montrer au travers des vitres
de leur palais sans qu'on leur tire sus. De tels exemples,
je l'avoue, bouleversent les idées, et je n'ai pas forte
Ce
me
n'est pas
«
d'un
sembleraient devoir être dans le
fait
moment de
yen
ïl
a eu
comte Woronzof.
était
faire ici
de
la
le
sens inverse.
philosophie.
qui est certainement unique dans
Les bals particuliers se succèdent
les jours. le
assez
pour me rendre raison de semblables contradictions.
Les choses
s'agit
la tête
:
il
le
y en a un tous
un d'une splendeur inconcevable chez
Au
souper,
la
table de l'impératrice
couverte d'un surtout arrivant d'Angleterre,
près d'un million de France.
Il
mestiques poudrés, pommadés,
y
madame Gibou,
galonnés,
Il
valant
avait plus de cent do-
d'Apollon chez Lucullus ne devait être,
qu'un thé chez
Il
monde.
etc.
Le salon
en comparaison,
est impossible d'étaler
plus de luxe et d'entasser plus de frivolités, sans cependant
perdre l'harmonie et n'avoir rien
monde que «
Hier,
le
bon goût. Enfin,
je puis
t'assurer
vu de semblable dans aucun des coins du
j'ai
parcourus.
chez Demidof,
il
y a eu un bal costumé. L'em-
JOSEPH, CARLE
•248
pereur
que
princes y assistaient.
et les
la
grande-duchesse Michel
très-beau. Les
n'y avait de princesses
et ses filles.
régiments d'Aubeterre
comme
d'Indiens ayant un peu trop
seul quadrille
permis-
les
,
les gardes-françaises,
de Vermandois;
et
était aussi
Il
femmes en poudre abondaient
sions de dix heures pleuvaient les
Il
y avait un
il
du pays;
l'air
puis des costumes variés, parmi lesquels se distinguait
un
chasseur d'Afrique au visage cuivré, au regard menaçant,
non dépourvu d'une grâce particu-
à l'aspect grêle, mais lière; tu le reconnais
ne rend pas plus
mari que ce dernier succès
oui, tendre
perdre
de
épouse, ton époux
de ses
simplicité
la
partout les insignes de sa nationalité.
se trouvera à semblable fêle à la cour.
Alors
reparaîtra en vainqueur de Constantine, en simple zouave,
il
armé comme un jour de
paqueté, «
il
Oui,
fier»
et portant
Vendredi,
c'est ton
sans rien
a fait fureur,
mœurs,
:
Voilà, voilà, voilà
les détails
tesse
!
»
:
Je te donnerai
après l'action.
Je pense
«
soldat franoê
le vrai
chantant
victoire,
que
Apolline
je t'en dois sur le
Wielhorski,
mariage de
la
madame
maintenant
com-
Vinivi-
tinof.
La cérémonie
«
soir.
1°
La mariée
a
eu
lieu
est partie la
du
à sept heures
à la cour,
première pour se rendre
chez l'impératrice, qui est dans l'usage en pareille circonstance de
la
coitfer
2°
Nous sommes
le
reste
de
la
avec
arrivés,
famille.
les
diamants de
comme
témoins, avec
L'empereur, donnant
jeune personne, va processionnellement à
couronne;
la
le
la
marié et
main à
la
où
le
la chapelle,
clergé les reçoit avec les cérémonies d'usage; puis
sique commence, c'est-à-dire
les
On
d'étoffe
étale par terre
laquelle les
une bande
la
mu-
chants, les prières, etc.
couleur de rose, sur
époux doivent se placer. Soi-disant,
celui qui
249
s'y place
le
premier doit mener
des deux ferait ils
ont levé
à qui
l'a
nent tout
le
leur
se disputent
ils
Deux garçons de noce
premier.
le
temps deux couronnes fermées sur
même
boire du vin dans une
fait
fait faire le
leur tienla tète.
passe dans les appartements;
coupe, puis
là,
la
bénédiction,
doivent boire en entier. soient vidées pour
que
Il
le
faut
le suit;
mariage
soit
femme
heureux. Après, l'em-
logement des époux; il
et
que plus de deux bouteilles
pereur, qui joue le rôle de père assis (c'est le
on
on donne à chacun un
grand verre de vin de Champagne, qu'homme
La noce
Le
tour d'un pupitre sur lequel est l'Évangile.
La cérémonie dure une heure. Après
d'avance pour
qui
c'était à
Superstitieusement,
pied ensemble, et maintenant
le
posé
prêtre leur
ménage;
le
politesse à l'autre.
la
il
terme), part
le
y porte les images.
attend à la porte de l'appartement l'ar-
rivée des mariés, qui, avant d'entrer, se prosternent jusqu'à terre.
Ensuite
le
vin de
Champagne
reparaît encore, et on
distribue à chacun des cornets remplis de bonbons, glaces, etc. Voilà la
partie morale,
donner
la
sa
matériel de
le
Un de
resque,
cérémonie; quanta
une circonstance inattendue
est
serment solennel qu'elle
traversa
le lui
petit signe
allait
toute
remit sans
la
me
mariée
le
tenait
sa galanterie
dans
chevale-
chapelle pour
l'en
débarrasser.
regarder et sans
lui
faire le plus
la
le
venue
prêter devant
ses bracelets s'étant détaché, elle
main gauche; l'empereur, avec
Elle
la
mesure de l'importance religieuse que
attachait au
Dieu.
pour
de
de remercîment. Ce
manque
de courtoisie a été
apprécié dans son véritable sens par tous les assistants, et tu es trop religieuse pour ne pas
le
comprendre. Voilà tout
ce que j'avais à te dire sur ce petit épisode de ici, si
mon
séjour
ce n'est qu'en raison de l'acte, qui était entièrement
civil, je
m'étais revêtu de l'honorable habit de l'Institut.
»
JOSEPH, CARLE
•250
«
Chère amie,
><
comme
tu
bavarder avec
me remercies de mon exactitude à f écrire,
un devoir,
si c'était
toi et
et
non un bonheur pour moi de
d'échanger mutuellement
sions des sentiments qui nous unissent
qu'un
même
Ce 3 mars.
si fort;
cœur, puisque nous aimons
les
nous n'avons
mômes
les
expres-
choses;
nous ne nous apprenons rien de nouveau; mais ce trans-
videment
d'idées
s'éclaircit et
moi, je
te
comme du
est
d'autre.
Il
dépote
n'y a de fâcheux que
la
Comme
toi, je
chante
paraisse aussi long
cuivre,
part
et
distance qui nous sépare;
de
affaires
« Joli
:
pendant, je ne puis dire que
la
main
le
Depuis que
temps semble avoir déployé ses
ailes;
il
Ce-
me me
je travaille,
vole
la
temps
mois de mai...
maintenant
à
»
que dans ces jours de nuit qui
pesaient sur l'âme, cet hiver.
il
:
or pur,
ma grosse monnaie de la somme est égale de
mais bientôt nous traiterons de nos main.
qu'on
rembourse avec
au bout du compte,
et,
vin
Tu me payes en
devient meilleur.
lè
comme un
épervier qui poursuit une colombe. Je m'explique ce ragail-
lardissement par l'idée que chaque coup de brosse est un
pas
fait
comme un homme
vers vous. Je suis
coin de sa rue et qui voit sa maison.
qui tourne
le
Il
se croit déjà arrivé;
:
parlons peu et par-
mais, trêve de figures métaphoriques lons bien.
%
«
Tu
dis
donc que
laroche a raison •
retenue, mais
tu as
envoyé Thamar au Salon. De-
de dire que, l'année dernière, je
la salle
de Constantine
était là.
l'avais
Cette année,
je cours les risques des observations qu'on pourra faire sur le
sujet, et je
que si
je
dois,
ne
me soumets
d'avance aux critiques. Fais ce
advienne que pourra! Je veux être critiqué, moi
l'avais été, je
ne
me
connaîtrais pas. Juste,
la
;
cri-
ET HORACE VERNET. tique m'a
Ne
forces.
donné des leçons; suis-je
Quand
contre elle?
ne
je
rai tout à fait. Je sais
ce qu'il
y
le
oreilles; c'est
m'a donné des
elle
pourrai plus, alors
me défendre je me cache-
que de fermer boutique à temps
l'homme dont
a de plus difficile pour
merci du public. Son orgueil
est à la
tion
injuste,
donc plus assez robuste pour
dans cette circonstance que
les
paraître; leur désapprobation est plus utile
la
est
réputa-
bouche ses amis doivent
quand on
baisse
que leurs compliments lorsqu'on monte. Dans ce dernier cas,
n'y a de profitable que le jugement de
il
la
multitude;
n'ayant d'affection que pour l'objet qui lui procure des jouissances, elle parle juste parce qu'elle n'est jamais domi-
née par un sentiment individuel. La multitude, au juge-
ment de que le
laquelle on en a appelé, conserve, plus longtemps
les coteries, la
reconnaissance qu'elle nous doit pour
que vous avez mis
soin
Le mot coterie vient
à lui plaire.
de m'ëchapper, mais je ne saurais qualifier autrement un certain
nombre d'individus qui vous entourent, uniquement
parce que vous leur plaisez et qu'ils vous trouvent supérieur.
Ce n
est
donc qu'une fraction de ce qui
publique. J'appelle ça une coterie;
peut obtenir par ce
même
moyen peut
être utile à des
spécialité
hommes
le
fait
l'opinion
genre de succès qu'on
suffire
par exemple, et
qui ne remplissent qu'une
dans Fart qu'ils professent;
ils
n'ont besoin que
d'un certain nombre de braillards pour faire grand bruit
dans leur coin... Mais je m'aperçois que j'entre dans des divagations... Halte-là «
Tout sera pour
pour rentrer dans
comme une (•'est
l'âge
le
mon
mieux quand nid, le bout
araignée depuis
ou
tous les deux à
la
raison qui
la fois;
si
du
j'aurai repeiotonne, fil
auquel je pends
longtemps. Je ne sais
si
chemine; peut- être sont-ce
mais ce qui est certain:
c'est
que
je
JOSEPH, CARLE
252
me
pense plus sérieusement que je ne
de
le faire, et
que
gravité. C'est à
me
tu ne
Dans ce sur
la
tel
je fais
de grands progrès du côté de
point que
j'ai la
trouves ennuyeux par cas, je
croyais susceptible
compte sur
les
mon
crainte qu'à
solennel
l'air
que
la
retour
je prends.
bouffonneries d'Horace et
pantomime de Philippe pour dérider mon pédan-
tisme.
Adieu. Je vous embrasse tous du meilleur de
<*
mon
coeur.
Ton Céladon
«
fripé. » «
Enfin, voilà
«
le
Ce G mars.
carnaval terminé! Le carême va renaître.
D'aujourd'hui, nous rentrons dans
voie du Seigneur;
la
il
en est temps, car je suis certain que, encore quelques jours, et la
moitié de
grande route de «
Rubini est
a rapporté,
la
société de Saint-Pétersbourg enfilait
l'autre ici. Il
monde. donné un premier concert qui
a
l'ont
amateurs ont su l'apprécier.
Enfin
je puis
le
pas tous goûté, mais les vrais »
MONSIEUR PAUL DE LAROCHE. «
«
lui
tous frais faits, plus de 50,000 roubles. Les
sauvages de ce pays ne
A
la
moment
est
venu;
vous entretenir de
pereur vient d'accepter
Saint-Pétersbourg, 16 mars 1843.
la
j'ai le
grande
les plans
pied dans
l'étrier, et
affaire d'Isaac.
L'em-
de M. de Montferrand.
Jl
ne
s'agit plus
que des moyens d'exécution. Sur ce point, tout
est à faire.
Voici
la
chose, et où elle eh est
deux millions de peinture;
:
il
les peintres russes
y aura pour
demandent
à
ET HORACE VERNE T. en être chargés
253
on leur donne quatre ans pour avoir ter-
:
miné, condition qu'ils peuvent accepter, mais que je défie
de remplir, sans compter
rien faire de bon. Hier,
décoration de l'église; seul
j'ai
Naturellement,
Majesté.
homme
forment
le
impossible de
dîné en petit comité chez Sa
conversation est tombée sur
la
j'ai
qu'il leur est
les
donné mon
avis, et le voici
:
la
un
doit être chargé des diverses compositions qui
tout de la décoration,
faire les cartons coloriés;
puis suivre l'exécution qui serait confiée à quelques peintres russes ou autres, ainsi qu'à des faiseurs d'images, qui ont
une intelligence particulière pour grecque dont
ils
conservent
espèces d'ouvriers seraient
ce genre de
la tradition.
très-utiles
peinture
Je pense
comme
imitateurs
La plus grande partie des peintures de
fidèles.
supérieure du
une sorte de
monument qui en
frise
que ces
la partie
sont sur fond d'or; en bas, règne tour; elle est entièrement
fait le
consacrée aux sujets de l'Évangile, les cinq dômes
uniquement
à l'apothéose
grosso modo, de quoi je
vous donnerai
je n'ai
les détails.
Pour
cher par
la
«
Je" serais
ce
roche. »
mon
dans quelques jours,
faire valoir
et je
l'étant
cher ami,
mon
opinion,
pense avoir été com-
encore qu'un seul homme, de nos jours,
capable de mener à bonne
prise, mais j'ai dit
«
est question;
pas manqué d'exemples,
pris. Je n'ai pas dit était
il
des saints. Voilà,
fin
une semblable entre-
que vous pourriez bien venir me cher-
première navigation. L'empereur a répondu
heureux de
faire la
:
connaissance de M. Déla-
Maintenant, relativement à vous, je pense que jamais
artiste n'aurait
eu une semblable occasion de développer
son talent et de faire fortune en peu d'années. Vous connaissez parlerai
ma
façon d'agir sous ce dernier rappprt; je ne vous
donc
ici
que de
gloire et
de réputation nationale 15
JOSEPH, ÇA RLE et individuelle.
Venez voir
possible que votre
vant un
âme
:
il
est
im-
de joie de-
grand champ de bataille, dont vous
bel et si
si
chose elle-même
la
d'artiste ne bondisse pas
pouvez vous rendre maître. Quant
à moi, je voudrais vous
voir parcourir.
le
Gomme
a
vous
je
connaissance.
En vous un
fait
votre
faire
rendant à ce désir, vous ne contractez
aucun engagement, vous vous aurez
l'empereur désire
dit,
l'ai
restez libre.
Dans
voyage intéressant;
petit
tous les cas,
par
et,
le fait,
vous vous trouverez en relation avec un souverain que vous serez heureux de connaître.
précie
comme homme. Personne
que
je l'observe
mentir; la vie.
et,
le
vois, plus je l'ap-
ne comprend mieux que
d'une àme honnête. Depuis une année bien-
lui l'exaltation
tôt
Plus je
de très-près, jamais
je
ne
vu se dé-
l'ai
croyez -moi, l'approcher est une époque dans
Vous serez bien
reçu, et qu'est-ce qu'un mois
quand
ce mois de repos vous laisse des souvenirs? «
Ferzen est de retour
tout ce
que m'avait
Sainte Famille. C'est je ne
d'Italie.
Il
vient de nie confirmer
ma femme sur votre admirable un homme d'un goût très- fin, et que
dit
peux supposer, vis-à-vis de vous, sous
l'influence
d'aucune affection exclusive. Son jugement est celui du public. Je
m'en rapporte donc
semble un chef-d'œuvre. Je
éprouvé un vrai
plaisir à
à temps pour en juger
me
et
le
à lui, et votre
tableau lui
croyais bien déjà; mais
j'ai
l'entendre dire. J'espère arriver
en jouir par moi-même.
»
AU MEME. «
«
Cher ami, je suis au
meux monument. En
fait
Pétersbourg, 27 mars 1848.
de tout ce qui regarde
voici les détails, afin
le fa-
que vous sachiez
ET HORACE VERNET. à quoi vous en tenir,
que
je
vous entreprenez
si
vous conseille de
faire,
malgré
255
petite course
la
tout.
y a 222 tableaux à exécuter en deux ans;
« Il
le
tout,
pour environ deux millions de roubles. L'opinion que émise est qu'on pourrait charger un seul
homme
j'ai
de toute
la
direction, afin qu'une seule pensée dominât, et qu'un seul style régnât les
dans l'exécution de tant de sujets religieux, dont
compositions doivent être homogènes
elle-même.
Il
comme
religion
la
ne s'agirait donc que de dessiner des cartons,
espèces de patrons que des faiseurs d'images rempliraient
comme
à la façon byzantine,
a été d'usage
il
de
le faire
jusqu'à nos jours, dans les églises grecques. J'appuie
opinion sur ce
qu'un lieu consacré à
cueillement ne doit hors de
goûté
aucun
pensée qui vous y
la
mais un
;
offrir
homme
la
prière et au
mon re-
sujet de distraction en de-
Cet avis a été très-
attire.
pourrait-il suffire? Voilà la question.
Alors, une autre combinaison se présente. « L'église se divise
des autres
:
en six parties indépendantes
les
unes
cinq coupoles avec leurs accessoires qu'on ne
peut voir que successivement, et ce qu'on appelle Ticonostase, espèce
de séparation qui renferme
Cette dernière partie est
l'autel.
nument
:
le
sanctuaire et
un monument dans
tout y est métal et pierres précieuses;
il
le
mo-
y a dix
colonnes de malachite de 48 pieds de hauteur, et valant
chacune
trois cent
quarante mille roubles; trois portes en ar-
gent massif, et quarante et un tableaux qui représentent des
images de saints sur fond nant
la
d'or, des
groupes d'anges soute-
Religion, vêtue de lames d'or émaillé, etc., etc. Je ne
puis vous donner
ici
une description entière;
il
faudrait voir
par vous-même. Bref, dans cette seconde combinaison, cet iconostase vous serait réservé pour
quatre cent mille roubles.
On
la
bâtirait
somme de un
atelier,
trois à
où vous
C A RLE
JOSEPH,
256
seriez chauffé,
Quant
«
éclairé, etc.
si le
à moi, je pense avoir raison
moyens également bons
comme
Voyez
car,
;
le
même
comme
simplifiant
dans
premier
cas,
le
dit.
de trouver ces deux
l'autre
principe,
d'exécution
remplissant
et
cœur vous en
but, l'un
les
moyens
composer, tracer et
faire exécuter
222 tableaux, dont plusieurs ont 60 pieds,
les plus petits
12 et 14,
humaines; dans
le
me
semblerait au-dessus des forces
second, chacun aurait son
part, et le vôtre primerait le
l'âme de
la
tout, étant
monument
répète pas
dit sur la possibilité
pour ainsi dire
ici
tout ce
pour vous de
que
faire
je
le
vous
voyage
déjà
ai
et sur
avantages que vous pourriez y trouver.
les
Ma femme
«
m'écrit que vous n'avez pas exposé
:
vous
avez sans doute de bonnes raisons pour agir ainsi. Si fait le
contraire, je pense
autre chose que
me
ne à
à
chose.
Je ne vous
«
et
la suite
j'ai
que vous ne verrez dans ce
d'une
vieille
fait
habitude, à laquelle je
crois pas le droit de renoncer, avant de faiblir tout
fait.
J'attends avec impatience
«
A
une réponse
Je
me
Pétersbourg
je suis plus bête
que jamais de
reçu que quatre cents
Rubini gagne
.
»
,
27 mars 1843.
souviens très-bien, chère amie, du petit dessin
qui vient d'être vendu quatre mille francs.
1
.
MADAME HORACE VERNET. «
«
i
ici
;
me
que veux-tu
Tu
vas dire que
réjouir de n'en avoir ? je suis fait
comme
ça.
cinquante mille francs par soirée; mais
Paul Delaroche n'accepta point les propositions de son beau-père.
recula devant l'idée d'un aussi long exil.
il
Il
ET HORACE VERNET. n'a pas le plaisir de voir courir après
papier qui
porte
son nom. Quand
il
mon cœur!
Il
votre serviteur de tout
257
un a
morceau de
petit
fermé
bouche,
la
ne laisse qu'un sou-
venir bien fugitif dans l'esprit de ceux qui l'ont entendu et rien qui lui survive. « J'écris à
Delarocbe de nouveaux détails sur Isaac. Yoilà
un champ de
bataille
pour passer à
la
postérité! Je sais
bien qu'à sa place je ne refuserais pas l'occasion, puisque
son talent, ses goûts et
la
tendance de son esprit
vers ce noble genre de peinture.
geasse de ces travaux
:
ne
me
On
le
me
voulait que je
sentant pas
fait
pour
cru devoir refuser. Je pense avoir bien agi pour
portent
char-
cela, j'a
les autres
pour moi.
et
«
Nous sommes en carême, chère amie;
le
carnaval n'a
changé que de forme. Le maigre, qui a remplacé n'est
le gras,
qu'un prétexte pour manger plus qu'à l'ordinaire,
pour boire idem. Les lions se grisent
et les lionnes leur
nent du thé. Les concerts remplacent
les bals.
et
don-
Les jambes
se reposent, mais l'ouragan qui. a entraîné tant de
cœurs
dans son tourbillon continue jusqu'à ce qu'ils se soient échappés deux à deux par
la
tangente pour jouir du calme
d'un amour heureux. Quant à moi, je
travaille, je vais à la
parade et je cours avec l'empereur passer des revues. Nous
sommes
allés ces jours derniers à
Cronstadt. Ce voyage,
qui a duré deux jours, m'a ravi; s'en aller à dix lieues en
mer en
traîneau, c'est la chose
C'est
perruquier du désert en habit de poudre. Pendant
les
le
différents dégels
du monde
la
qui se sont succédé
vent ont sans doute refoulé
la
plus originale.
des coups de
,
mer, qui, en superposant
les
blocs de glace les uns sur les autres, a produit des chaînes
de collines de plusieurs lieues de longueur formes
les
plus singulières.
Les chevaux
et
ayant
vont ventre
les
à
JOSEPH, CARLE terre; Je vent
par
vous coupe
qui se couvre de glace
le visage,
larmes qui malgré votre admiration s'échappent
les
de vos yeux, tandis que votre corps
est bouillant sous les
peaux d'ours dont vous êtes
tapis et les
de ce qu'on
bout de dix minutes on croit rêver,
perdu
croit avoir la
et
plantées d'arbres verts;
même
si
promenade,
on a
canon
tiré le
l'hôpital,
le
où
il
y
comme
sur des routes
recommencé,
je croirais avoir été fou fait
le
pendant
manœuvrer des troupes
cèdent en rien aux troupes de terre;
à boulets,
Puis, nous avons visité
etc.
deux mille
a
qu'en arrivant on
je n'avais pas
quelques heures. L'empereur a de marine qui ne
L'aspect
font qu'au
Figure-toi des gens qui courent
la tète.
poste entre des vaisseaux de ligne,
soir, la
affublé.
mouvement
voit, les contrastes et le
Celui-là vient d'être
lits.
construit avec tout Le luxe d'un palais. Jusqu'aux malades,
qui
y*
rir si
sont magnifiques!
ils
proprement. Tout est
doivent avoir du plaisir à si
bien fourbi,
si
mou-
clair, si
pa-
queté, qu'il ne doit pas leur être permis de passer dans
«
tambour
n'ait battu la retraite.
que quatre pour
cette petite excursion.
inonde avant que
l'autre
Nous
n'étions
le
Nous sommes revenus dîner à Péterhof golfe
de Finlande;
Pétersbourg, où «
Voilà,
j'ai
et,
dans
repris
chère amie,
la
i
en traversant
nous étions
nuit,
dame de d'aussi
Il
que
tout ce
j'ai à te
se passe ici des choses
Je te citerai
comte Wielhorski a étaient repoussés,
que sept
si
fois
fait
vœu
tout le
pendant
le
un
seul
en
4
question
singulières
que ma-
pu rien inventer
exemple
812
,
conter pour la
Genlis, avec sa bizarrerie, n'a
fort.
à Saint-
mes travaux.
aujourd'hui. Dans quelques jours, j'entamerai religieuse.
le
que,
:
la
si les
tante
du
Français
reste de sa vie elle ne mangerait
carême,
et, jusqu'à présent, elle a
tenu parole. Je vois souvent cette brave dame;
elle se
porte
ET HORACE VERNE T.
comme un charme. Ce
250
qui m'étonne, c'est que tous les
jeudis, jour de bâfre, elle s'en fiche une dose
un Limousin en
place
crèverait.
ne dégliitait pas mieux; c'est-à-dire que capable d'engloutir
de
est pas
même
le
n'en
Il
des pauvres moujiks, qui ne mangent pen-
vécu
ait
ni rien
de cuit;
ils
pour toute nourriture, que des champignons conser-
n'ont,
vés dans de l'eau de
sel, et
encore ont-ils plusieurs jeûnes
par semaine; aussi l'époque de à Pâques.
paraît qu'alors ce
Il
trembler. Ce sera
le
moment où
grande mortalité
la
je ferai
mes
!
l'homme sage
se
montrera à
observations.
le dis
l'orient et la parabole
en
vérité:
de l'Évan-
son exécution...
Donne-moi des
détails-
sur
le
Salon.
Tu
peux me parler franchement de ce qu'on compte.
est-elle
sont des ripailles à faire
vous tous qui m'écouterez je vous
à
gile recevra «
qu'à sa
gaillarde serait
la
cétacé avec son prisonnier.
dant sept semaines rien qui
Gare
telle
La baleine qui avala Jonas
Je
ta te
en résultera.
le
sais
que tu
mon
sur
dit
Nous verrons ce qui
pouls à l'opinion.
» «
«J'ai reçu ta longue lettre, elle est
un peu
9 avril.
flatteuse
:
elle
me dit que les miennes t'amusent. J'en suis content, et de mon côté j'éprouve du plaisir à t'écrire. Quand j'ai la plume à la main, je me crois plus près de vous. Je suis comme un homme qui a faim et qui sent l'odeur d'un gigot qui tourne à gigot a
..
broche... Bientôt, je
le
mangerai ce fameux
.
Ge que
grand «
!
la
tu
me
dis des succès de Robert Fleury
me
fait
plaisir.
Je travaille ferme;
mon
tableau avance, mais
encore bien vingt-cinq jours pour
en route!..,
le
il
me
faut
terminer; et après,
JOSEPH, CARLE
260
((
une fameuse catseveïka
Je t'apporterai
recevras sans doute
tu
courrier qui partira
En
1 .
un jambon d'ours par
d'ici. Je
ne
attendant,
premier
le
pas tué, mais
l'ai
j'étais à
chasse.
la
«
Adieu.
»
Pétersbourg, 17
«
a
Voici bientôt
temps, chère amie, où je n'aurai plus
le
besoin de voltiger du pinceau à
que
je
vous aime
dage de part
comme tience
plume pour vous
la
pinceau et
me
prend, et
les
vit
dans
la
travail passent
nuit venue, l'impa-
heures ne finissent pas; d'autant
sommes dans
que chacun
dire
langue, grand bavar-
la
Les journées de
des secondes; mais, une fois
plus que nous et
le
:
d'autre.
et
avril.
la
la
dernière semaine du carême
retraite.
Les ailes d'un moulin
ne s'amusent pas à tourner, mais je suis certain qu'elles s'ennuient quand je n'agis pas,
moment où
me semble que
il
je
n'y a pas de vent. J'en suis
il
là ;
quand
je n'avance plus vers le
vous rejoindrai. Heureusement, toutes ces
bêtes d'idées ne changent rien au
fait
qui s'accomplira mal-
gré tout. «
Mon grand
portrait
commence
J'en suis content.
Le repos que
de jeunesse dans
les
idées,
une route trop battue; Dès mon arrivée
une tournure.
eu m'a redonné un peu ne pense pas être dans
faiblesse de vieillard peut-être! ce-
pendant, je ne crois pas «
j'ai
et je
à prendre
me
ici,
tromper.
Montferrand est venu
me
propo-
ser l'exécution des peintures de l'église d'Isaac; chose je devais refuser. Mes pieds ne sont pas
que parcourent les
1.
les
faits
pour
le
que pavé
dieux; je marche avec les soldats sur
bas côtés; je m'en trouve bien. Je suis dans l'âge des Espèce de mante ou de camisole que portent
les
paysannes russes.
ET fiascos le
HORACE VERNET
faut se contenler
: il
de tendre
261
sans courir
le jarret,
risque de montrer qu'on n'a plus que ça de bon. J'appelle
cette façon d'agir, de la raison; ai-je tort?
accoucher d'une grande
« Il faut
mes chevaux.
affaire;
de
Dois-je les donner avant de partir? (quant à
emmener?
vendre, impossible) ou dois-je les
les
c'est celle
Si ce der-
nier parti est celui que je prends, attends-toi à ne te pro-
mener qu'avec des coquins qui vont comme pas longtemps,
et
vent, mais
le
ne peuvent être conduits qu'à
qui
la
russe par un Tartare à grosses pommettes, à barbe rare, à
épaules carrées et ne mangeant que de
A
cette proposition, je vois
blanchir, rougir,
la
viande de cheval.
monsieur ton nez se retrousser,
etc.; mais, comment faire?
11
ne
me
reste
d'autre parti à prendre pour te calmer que de te peindre les jouissances
Mon
que
de
tu auras à user
tes
nouveaux amis.
Tatar ne sait pas un mot de français; moi, pas un mot
de russe. Nous serons condamnés à parler par signes; ça
te
rappellera l'enfance de Philippe. Sauf la jeunesse, Nicolaye
pourra
te faire illusion;
t'invitera à c'est
une
le
il
battre de
est pétri
d'une grâce stupide qui
temps à autre. Pour
petite voiture à quatre
droschki,
le
roues, basse
comme un
tabouret, mais très-propre à la digestion par la roideur de ses ressorts.
Ah! une
fois
que
tu auras
de ce traînage, tu mépriseras cocher
:
Padi, padi, padi
tiche, stoï;
na prava,
,
la
goûté de
citadine. Et le
dourak
1 .
la vélocité
ramage du
Alors tu
?ia lieva^, etc.. Je
me
lui diras
:
réserve de
de vive voix; car en russe, je suis fort
t'apprendre
le reste
comme un
Turc. Seulement
,
je
n'ai
pas encore pu ap-
prendre à dire bonjour; mais ça viendra, quand j'aurai dit bonsoir.
»
1.
Va, va, va, imbécile!
2.
Doucement, arrête; à droite, à gauche, 15,
202
20 avril 1843.
«
L'empereur vient de
«
sa fête, je lui avais
pour lequel
il
me
donné un
m'avait envoyé
Tu
combler.
le
pour
sais que,
Napoléon à cheval,
petit
traîneau. Figure-loi que le
jour de Pâques on m'a appelé à l'exposition des présents
que Sa Majesté
fait
même
copie de ce
à cette époque
tableau sur
que
trouvé
là la
un magnifique vase de
trois
et
,
j'ai
pieds de haut, forme Médicis, imitation de Sèvres, et, sur l'autre face
,
dans un
cartel
orné des armes de Sa Majesté
«
A
«
admirable talent.» Tu juges de
:
M. Horace Vernet, en témoignage d'estime pour son
sur moi un
hommage
si
délicat et
qu'a dû produire
l'effet si
Ce sont de ces
flatteur.
présents qui ne se font qu'à des souverains. J'étais confus. Je suis allé tout de suite chez
mon
d'être
soir au Palais
ce serait
la
reconnaissance.
pour assister à
der. Ceci était et-
la
Il
m'a
dit
de
me
cérémonie de
prier
trouver
l'église,
le
que
la
haute distinction qu'il daignait m'accor-
encore une faveur, car l'ambassadeur d'Au-
moi étions
les
seuls
étrangers présents.
cérémonie est une des plus curieuses que s'y
le
meilleure manière de montrer à l'empereur com-
bien j'appréciais
triche
prince Wolkonsky,
interprète auprès de l'empereur et de lui témoi-
ma
gner toute
le
trouve que
les
personnes attachées à
putation de tous les officiers de
forme un tout de deux à
la
vues.
j'aie
la
Cette Il
ne
cour et une dé-
garde, ce qui cependant
trois mille
personnes.
la famille impériale entre dans la chapelle.
A
minuit,
Après l'Évangile,
chaque individu se présente devant l'empereur, qui vous dit «
il
«
:
Jésus-Christ est ressuscité!
est ressuscité! »
»
On
lui
Et on l'embrasse sur
répond les
:
«
Oui,
deux joues.
L'impératrice donne sa main à baiser; tu juges combien de
bave
il
y
a à recevoir pour l'une
,
et
combien
il
y en a à
263
essuyer pour
Malgré
les autres.
tout,
y
il
de singulier dans cet usage. Mais ce qui est qu'après
c'est
la
mière personne
messe
dite l'empereur
baisa
dit
et lui
répondit
lui
«
:
:
«
Non!
»
— C'était un Juif.
un dans l'armée de des
A
«
terre. Voilà à
le
*,
Le soldat
»
il
quoi tient
n'y en a plus ici la
destinée
!
propos
cle
moment, mettent
destinée des tout le
hommes,
monde
les
femmes, en ce
administratif en
parlé de l'établissement des enfants trouvés,
t'ai
s'adresse
Depuis ce jour,
marine;
la
pre-
y a quelques années,
Jésus-Christ est ressuscité!
tous les Juifs ont été mis dans
hommes
ïl
il
la
un grenadier du régiment Préobragenski
s'adressa à
il
porte.
la
plus curieux,
le
embrasse
Ordinairement,
qu'il rencontre.
à la sentinelle qu'il trouve à
quelque chose
a
l'air.
Je
composé de
25,000 individus pour Saint-Pétersbourg. Dans
la
section
des nourrices, qui compte 3,000 individus (700 employés compris), un cas de mortalité
subitement présenté,
le
Le comte Wielhorski en étant l'administrateur
jeudi saint.
nous y sommes
a été averti sur-le-champ, et
suite,
s'est
moi comme curieux,
allés tout
de
tu penses bien. Voici le fait
:
ont été prises, dans l'espace d'une heure,
sept nourrices
par une légère affection de larynx, ^une grande pr'ostration
de
forces, des
vomissemenls, de
ment des extrémités, puis les
de
les
pau-
était
tout,
l'étouffement et
la
mort. Tandis
cinq premières exécutaient cette manœuvre, onze
autres étaient à l'exercice,
merie
lourdeur dans
une grande dilatation des pupilles, l'engourdisse-
pières,
que
la
au complet
en fut
le-champ.
Il
1. C'est-à-dire le
à minuit, le poste de l'infir-
cle seize.
instruit, et
s'agissait
et,
L'empereur, qu'on avertit
un de ses médecins arriva sur-
de savoir ce que
c'était
régiment de la Transfiguration.
qu'un acci-
JOSEPH, CARLE
264
dent aussi effrayant. Les médecins, les premiers, ont com-
mencé
à perdre la tête et à se disputer sur
maladie. Chacun prit une malade,
la
toutes moururent; là-dessus,
ils
le
caractère de
à sa façon, et
la traita
sont tombés d'accord. Le
lendemain, au petit jour, vingt médecins se trouvèrent rassemblés. Us firent de beaux discours pour soutenir que c'était
une maladie inconnue. Pendant
deux autres nourrices
cela,
mouraient couvertes de sinapismes, ou l'émétique dans
coin «
«
:
Ces femmes sont empoisonnées par un végétal nar-
cotique!
lourde,
la
»
de son bord
J'étais
avaient été employés contre
On
mmédiate des cadavres, solution. Alors on le foie, le
changer «
etc.
-on l'a
la
fit
cependant un
moyens connus
les
maladie, mais que
maladie
la
L'empereur, furieux, ordonna l'ouverture
inconnue.
mons,
cœur Il
voulut que
et
l'autopsie
fit
désorganisés,
fallut
il
:
la
science donnât
on trouva
les
Voilà où en sont
en revenir au poison, mais pour
ici les
savants.
En
pareille circonstance,
Faculté serait restée
la
là
à observer, à
questionner les malades, à écouter pour ainsi dire la
mais
nature;
ici,
propres. Pourvu que les soit
beau,
les
rien lits
malades sont
criminels pour si
pou-
y avait inflammation
supposé animal.
chez nous, toute
de
tête
entendre au milieu
faire
qui déclarait que tous
procès -verbal
du larynx,
la
pupille dilatée, l'abdomen dans son état normal
en disaient assez. Impossible de se
une
nez pincé,
le
:
des personnalités qui se débitaient.
était
le
Seul, un jeune médecin polonais disait dans son
ventre.
on regardait
les
soient alignés et faits
la guillotine.
les avis
qu'une dispute d'amours-
que
l'hôpital
pour y mourir comme
les
Figure-toi que c'était à peine
organes de ces pauvres cadavres qu'on
ouvrait; on n'a pas seulement pensé à analyser les matières et le sang, qui présentaient
cependant des caractères parti-
ET HORACE VERNET. culiers par leur noirceur d'une part
de
l'autre.
bien
décomposition
me
contente d'avoir
m'a donné
occa'sion de bien
penses; je
tu
suivi cette petite clinique, qui
voir dans ses plus petits détails
appris qu'en 38 jours
j'ai
et leur
,
Maintenant, on va écrire des volumes; je ne les
comme
pas,
lirai
2GÔ
hôpital intéressant, et
y avait eu
il
33,000 couches, sans compter Je désirerais que
un
à la blanchisseuse,
,
les langes, les
bonnets, etc..
une maison semblable;
tu visses
tu
ne
voudrais plus en sortir; c'est d'un luxe, d'une coquetterie
d'une propreté admirables; toutes
et
uniformes galonnés,
les
les nourrices sont
en
rideaux sont de gaze, les cuisines
plus simples, et la nourriture grossière. Yoilà,
ma
chère
amie, ce que c'est que l'hospice des enfants trouvés, dans la section.
me
Je
«
du bas âge. suis laissé aller à te parler de choses qui te sont
indifférentes, tandis
de ne
me
rien dire
que
j'aurais
pu
te faire
du Salon. Est-ce que
tu craindrais de
m'avertir que je n'y joue pas un beau rôle?
vous la
ai
pas donné
critique.
S'il
le
droit de
:
«
Mon
bon « la
Nous n'avons plus de neige;
homme!
»
les
le
pensais.
traîneaux sont sous
remise; mais, pour cela, nous n'en avons pas moins une
fameuse gelée de 8 degrés; les
me-
ne m'en dédis pas, ce sera
mais je suis plus long que je ne
;
ta
avec une petite plume
vous êtes un fameux
je fais ici, je
je ne
croire incapable d'entendre
et dis-moi,
petit mari,
Quant à ce que
Madame,
en est autrement, passe-moi donc
notte sous le menton, flûtée
me
des reproches
premiers jours de mai. «
Adieu, chère amie.
»
la
Néva ne débâclera pas avant
JOSEPH, CARLE
Pétérsbourg, 3 mai 1843.
«
Nous avons chômé
«
une
la
fête
du
Tout
roi.
borné à
s'est
messe chantée par quatre dominicains. Personne
petite
n'y est venu, sauf quelques Français. Véritablement,
honteux d'être représenté de
mon
celui-ci;
sorte dans
la
même
église,
où
aux 'obsèques du
assisté
j'ai
comte Salahoë. Pour un simple seigneur,
d'un
pompe
la
musique magnifique, tandis que, pour
la
on n'a
roi,
est
un pays comme
orgueil nalional en était humilié. Aujourd'hui,
j'arrive de la
imposante,
il
fait
compatriotes, car
aucuns
frais,
même un
pas
la fête
dîner entre
dîné seul à l'ambassade.
j'ai
était
Il
y a sans
doute là-dessous des raisons que je ne puis juger, mais,
chaque jour, y
j'ai
mauvaise
a
preuve que
la
volonté
,
et
c'est
surtout
de notre part qu'il
bêtise dans
la
façon
d'agir.
Quant aux critiques dont
a
que
Dans
j'en fais.
cune attaque contre
la
tu
me
parles, lu sais le cas
circonstance actuelle, je ne vois au-
l'art.
Que m'importe
le
choix du sujet?
que M. *** ou une gourgandine tombe sur son immoralité, je
me
trouve en assez bonne société parmi
les
gens qui,
avant moi, en ont traité de bien plus libidineux. Je ne ferai
pas
ici la
nomenclature de tout ce que
la
te
Bible a fourni
d'occasions aux peintres de représenter des scènes ana-
logues sans offusquer
Le but que ne semble nir
que
je
chercher.
me les
est fâcheux
gaillards de
qu'on
seulement pour l'ave-
sa force. Mais
gros bonnets, persuadés de
mes observations, me Alors, j'aurai
Il
est placé tout autre part
propose de n'être encore compris que par
un Schopin ou des viendra où
conscience timorée des folliculaires.
veux remplir
je
le
la
prêteront
le
la
le
temps
vérité de
secours de leur talent.
raison; en attendant,
je
regarde en riant
ET HORACE VERNE T. ce qui se passe
,
vais
et
267
mon bonhomme de
tout droit
chemin. «
Adieu pour aujourd'hui.
»
«
«
Rubini chante,
me
cinquante-quatre ans bien mieux
la
part
ma chambre,
:
c'est
que
loge, et
regarderaient peut-être avec in-
ô Ecclésiaste! Mais sois sans inquiétude;
térêt,
dans
8 mai 1843.
,
une bonne place dans une
j'ai
de grands yeux bleus
Pétersbourg
je
la
me
j'ai
Russie des passions. J'aime
de rester ce soir seul
fais
à t'écrire.
«Je ne puis partir aussitôt que je semble reculer à mesure que des changements, et les têtes
le désirais.
Mon
J'ai
mon
laisser après
part qu'un seul ouvrage important, je dois mettre
quatre, d'autant plus que
ma
l'obligation de faire
tableau
dû y faire surtout me donnent beaucoup j'y travaille.
de peine. Tu penses que, ne devant
met dans
bientôt
le
fil
position exceptionnelle
de
mon mieux. Mais
ne peut être que d'une quinzaine de jours;
dé-
en
me
ce retard
ainsi,
quinze
jours de plus sur trois cents et tant ne font pas une grande différence. J'arrêterai
puis; fais
ce sera
la
le
battement de
comme moi, et, même chose que
mon cœur,
« Il
l'objet
je le
lorsque nous nous rejoindrons, si j'étais
arrivé à jour fixe. Seu-
lement, nous mourrons deux semaines plus
compte
si
Yoilà un
tôt.
fait.
paraît
que l'immoralité de mon
des critiques. J'en
Quand chacun dévore
les
ris,
et ça
Thamar
sujet de
me donne
Mystères de Paris
de ,
fait
l'orgueil.
que puis-je
penser d'une semblable pudibonderie? Voici ce dont je suis
persuadé: depuis plusieurs années, taine réputation n'exposent plus;
on ne veut pas
les
les artistes
d'une cer-
on leur conserve rancune;
dégoûter d'y revenir en attaquant
le ta-
JOSEPH,
268
lent.
On
se rue
donc sur
Horace Verne t,
je
C'A
RLE on épanche sa
le sujet;
bile.
Moi,
heureux d'avoir osé présenter
suis
un devoir
poitrine, en remplissant
ma
en payant une dette
et
de reconnaissance au public, devant lequel on n'ose pas
ma
encore attaquer
voudra de moi,
me
pourquoi
ment, ce sera l'hôtel; mais, foule, j'y «
Tu
peinture. Tant que ce
moi de juger
tant
que
je serai vieux,
si
je dois
ou non sortir de
me
ferme dans
je pourrai
tenir
la
marcherai.
vas dire que je
fais le
rodomont,
et d'autres le di-
s'ils lisaient cette lettre.
me
confierais-je tout ce qui si
public
moins qu'un Invalide? Seule-
respecterait-il à
raient sans doute,
cœur,
Quand
je serai sur la brèche.
même
passe par
la
Cependant à qui dans
tète et
ce n'est à toi? Je te permets de rire, mais à
le toi
seule; garde ceci, d'autant plus que je serais désolé d'avoir l'air
de faire
la
critique d'Ingres et de notre gendre, qui
ont sans doute aussi de bonnes raisons pour penser autre-
ment. Je respecte leur conviction
:
fais
ce que dois, advienne
que pourra! «
Tu me demandes où
ce qu'il en est
mon grand fait
rai,
d'ici à
peinture; voici
dix ou douze jours, j'aurai terminé
un Saint Antoine qu'a
dame
polonaise; je termine-
vieille
en'quelques heures,
portrait
comme
portrait; je retoucherai
pour son pays une
commencé
mon
:
j'en suis
le
cet hiver; puis
,
petit
tableau syrien que
en huit jours, je
de l'empereur, qui ne
lui
veux
faire
j'ai
un
sera montré qu'après
départ et que j'exécuterai en secret. Ce sera
le
remer-
cîment du vase. J'emporte en France plusieurs tableaux à faire d'après les esquisses la
approuvées, et l'étude de
madame
comtessse de Woronzof, qui viendra elle-même, au mois
d'août, à Paris. {<
Je vais
donc quitter bientôt
la
Russie, où je suis resté
ET HORACE VERNET. longtemps, sans
où
j'ai fait
comme
travailleur,
mais
(peut-être un peu tardivement) l'expérience de
mes propres
ma
grand'chose
faire
269
vie, j'ai
forces,
puisque
pour
là,
première
la
fois
de
vécu sans tuteur, ou, pour mieux dire, sans
être sous l'influence de l'opinion des autres et sans leur se-
Les voyages forment
cours.
pas
la vieillesse,
jeunesse et ne déforment
la
heureusement, car
plus mauvais qu'avant
mon
ne crois pas revenir
je
me
départ. Je
tables amis dans la classe la plus grave
gravité
que
je dois
sieurs observations
me
que j'ai pu
il
fallait
employer
bien
j'em-
gaieté naturelle
j'ai
affaires;
à suivre plu-
Tu vas me
mais, chère amie,
dû passer
à
avec Listz, qui a
le
temps que
le
mis
faire sur le pays.
mes
là
et
créer une petite réputation de
aux soins que
dire que ce ne sont pas
du pays,
Ma
porterai leur estime, j'en suis certain.
ne m'a pas empêché de
suis fait de véri-
j'ai
tâtons.
Dis à Louise que je
«
me
suis
lié
plus vif désir de lui être présenté. Si
«
avec
la
vous avez du beau temps, nous sommes encore neige et plusieurs degrés de froid,
d'ordinaire après
le
carême,
la
faire place «
Adieu.
le
médecin
les
expédie
aux autres.
» «
«
ici
Comme
mortalité est énorme; les
hôpitaux regorgent de malades, et
pour
la nuit.
18 mai 1843.
Jour de Dieu! quelle tartine à propos de mes chevaux
!
Je suis heureux, chère Louise, de t'avoir fourni l'occasion
de suivre, de développer une idée, cette
belle
éducation
reçue
chez
le
et toujours
le
sarcasme,
bon
sens.
la
la
plaisanterie
Nous
de
faire
usage de
madame Gampan. Tes
phrases arrondies distillent. la raison quelquefois
et
voilà
plus économique, la
plus piquante,
donc d'accord; mais,
'270
ô malédiction!
il
te
tentrional. Je ne te
faudra recevoir en riant
groupe sep-
le
permets qu'une seule chose
:
ce sera de
dire auTartare toutes les invectives qui te passeront par
pourras
tète; tu
même
le
battre
prendra rien, d'une part,
et,
comme
plâtre.
de l'autre,
la
ne com-
îl
se croira dans
il
son pays. D'ailleurs, tes coups tomberont sur son touloupe (ce qui veut dire en français peau de mouton), et, malgré tes fureurs
tu ne lui feras pas grand mal.
,
«J'avais bien pensé à faire toute triste
pacotille;
la
mais réduire un cheval
condition d'isvoçhtchik
1
vendre. J'emmène en France
impérial 2
25 kopecks
à
Non, non, jamais. J'aime mieux porter le
mon cocher de
présent a
le
à
la
course!
la
tout à Paris, pour
plus bel équipage qu'on
le
puisse trouver en Russie; j'embête une bête aussi bête que
moi de mes
bêtes. Reste le cocher. Si
barrassés, nous le
viendra
sur
n'y arrive
la
frontière de Chine, et
que rarement. Du
reste, le
que
français, et,
malgré
ma
le
fond de
la petite
la
poste
malheureux sera con-
damné au mutisme pendant longtemps, un mot de
personne ne
est jeune, et
il
réclamer, vu que sa mère est dans
le
ïartarie,
mangerons;
nous en sommes em-
car
facilité
il
ne
sait
pas
bien connue pour
langues étrangères, je n'ai pu apprendre un mot de
les
russe. Philippe, qui parle
si
bien
me
par signes,
servira
d'interprète. «
Je ne voulais te dire qu'un
peu de sérieux, morbleu «
Je travaille
mot sur ma
comme un
cheval (pardon de
.
Cheval de
fendre
le
la
comparai-
cœur). Mon
mal. La faveur de
fiacre.
Centième partie du rouble
ron 4 centimes.
te
me donne du
tableau va bien, mais je
1
Un
!
son qui vient sans doute encore
2.
cavalerie.
;
cette petite pièce de
monnaie vaut envi-
2~l
me
l'empereur
me me
crée des ennemis jusque dans sa famille.
faut donc faire
mieux que
Il
je n'ai jamais fait, et rien ne
coûte pour y arriver.
«
La Néva charrie. Nous sommes sous
me
neige. Pour
la
consoler, chacun dit que ça ne s'est jamais vu. Quant à
moi,
je voudrais
ne pas
comme un charme. Tu que jamais. Je ne présent,
connais
quand
sais
l'âge se fera sentir. Jusqu'à
en est de mes cinquante-quatre ans
il
Le bal d'hier
était
magnifique.
puisse étaler tant de richesses; à
de diamants. Les
hommes
et les
Il
se brisaient, et, à les rubis.
la lettre,
femmes en
Rien
vu ça, pour
admirable que tout,
n'était
lants de jeunesse et
de joie
qui les entouraient
et
beauté
Non
individuelle.
reste a
le
,
un
les
de santé
air
étaient couverts. foule, les
,
et
parures
les perles et
croire; mais, ce qui
et princesses,
dépassant de écrasant
la tête
bril-
tous ceux
par l'éclat
cle
leur
rien n'est comparable à cette
Sauf l'impératrice, qui est
famille.
faisait litière
c'était la famille impériale.
beau que ces princes
si
la
on
chaque pas, on marchait sur
faut avoir
Il
un peu maigre,
de prospérité qui ajoute à
splendeur de leur rang. Quant à moi, pour ce qui est l'extérieur, je suis sous le tisan, et « Je
mencer
Dieu
me
si
n'y a qu'ici que l'on
Soit en dansant, soit en se frottant dans
était plus
comme
comptaient pour moi!
les autres les «
Du reste, je me porte mon énergie; j'en ai plus
voir.
le
sait
que ce
défends contre
l'article
charme comme n'est pas là le
mon
si
j'étais
le la cle
un cour-
faible.
besoin que j'éprouve de com-
des tendresses. Si je vous disais à tous com-
bien je vous aime et pourquoi je vous aime,
ma feuille de me confie,
papier serait aussi longue que d'ici à Paris. Je
pour vous
le faire sentir,
au fluide magnétique. Nous nous
touchons, sans nous voir et sans nous sentir. Nous nous
JOSEPH, CARLE
272
comprenons
chaque minute,
à
me
dant, je ne
malgré
et
la
contente pas de ces jouissances à
Ce sont de bons baisers en nature que
gliostro.
vous donner,
vous
et bientôt je
Voici sans doute
rai
ce sera
;
midi de
le
la
donné assez de temps aux devoirs
curiosité
travaux.
!
me
Je
suis mis en
L'empereur
mon
Dès
manœuvres, puis par
tournée dans
la
veux
je
30 mai 1843.
ma campagne.
résumé de
en France, par J'avais
Ca-
dernière lettre sérieuse que je t'écri-
la
été pris par les
j'ai
ici,
le
la
les porterai. »
«
«
distance. Cepen-
le
arrivée
voyage
Russie, etc. ainsi qu'à la
demeure de commencer mes
tombé malade, l'impératrice a
est
Bref un mois s'est passé sans pouvoir rien
été souffrante.
entamer; puis,
la
nuit est venue, et
pendant plus de six mois. Depuis
j'ai
trois
perdu
mon temps
mois seulement
il
m'est possible de peindre. Voilà près d'une année perdue c'est
un malheur, mais
mon mieux
de
je reste à
:
songer à
faut
il
mon
atelier
le
:
réparer. Je fais
douze
et
quatorze
heures. «
Je ne
te
parle pas de la partie morale
métier de courir après Je suis loin d'être
c'est
l'eau
que
claire,
le
mais enfin
et le
c'est si
,
un
statisticien, et ce-
serai le plus occupé. Vois ce
désœuvrement
Poussin n'aurait pas été
l'homme
me
mon
ce n'est pas
qui ne se peignent pas.
un économiste
pendant, voilà de quoi je
que
mœurs
les
:
;
pour moi
encore de
grand
,
s'il
,
la
c'est
peindre à
n'avait pas
fond de son âme. Tout ce que
j'ai
connu
pu ap-
mon
prendre n'est donc peut-être pas perdu. Je considère séjour
ici
comme
Le
peinture.
un événement fâcheux, indépendant des
prévisions humaines,
comme un
duel qui vous tombe,
où vous cherchiez autre chose. Enfin,
le
vin était tiré
,
là il
a
ET HORACE VERNE T. bu
fallu le boire. Je l'ai
j'en suis gris; mais,
;
me
ne
l'ivresse, plus tard je
273
comme
dans
souviendrai que de mes rêves
sans penser à ce qu'ils m'auront coûté; car, chère amie,
brouhaha de
tout ce et
gloriole est bien triste sans affections,
comment en trouver
raison de leur vieillesse? Je
temps où, lorsque il
«
elles
le sais
ne sont bonnes qu'en
maintenant,
corps se transporle,
le
se trouve bien, et
où
à l'âge
le
mien ne vous
la ville. Il
la
sent
pays
le
Tout
Neva ne charrie
je regrette de ne pas être ours et la
le
dans ce vilain coin de
«
te
ma
me
du fond
Je travaille
:
me
ils
dorment
six
Non,
faire ici?
ne pourra s'établir
que
;
,
si elle
et voilà
que de bavardages; du moins je
ne
relis j'ai
trouve-le,
comme un
si
je le
jamais ce que j'écris, et
commencé. N'importe,
je
tu peux. »
12 juin 1843.
cheval, et je ne puis arracher
queue de mon tableau. Je me ments, je
!
pédantesquement
«
((
depuis
et,
Oh combien
chère amie. Je l'avais commencée
rappelle plus par où
suis certain
a quitté
terre; c'est tout au plus
la
lettre,
crains, car tu sais
ne
la civilisation
parler sérieusement,
qu'elle n'est remplie
je
fa-
semblant d'y être pendant quelque temps.
Je termine
pour
La
ici.
patte, et vivent six autres sans arrêter.
non, mille fois non, jamais
faire
où
voilà des êtres qui connais-
!
Mais nous, race humaine, que venons-nous
pourra
reste
monde
plus.
manière de s'en servir
mois en suçant leur
un
cœur
le
n'y a pas encore une feuille aux arbres,
deux jours seulement,
vient
a pas quittés.
Je n'ai rien à te dire sur ce qui se passe
mille impériale est à Tsarskoë-Selo.
il
la
suis lancé dans les change-
suis embrouillé. J'ai des instants de désespoir.
La maladie du pays me prend avec une dans certains moments,
j'ai
telle
violence, que,
envie de tout planter
là et
de
JOSEPH, CARLE
274
Je sens que je suis bien vieux
partir.
peuvent plus m'étourdir sur
les affections
besoin. Les honneurs dont je suis comblé
l'empereur, je dirai
même
son amitié
distractions ne
les
;
,
mon cœur
dont
bontés de
les
ici,
a
ne sont pas une
compensation à mes regrets d'être encore retenu. Chaque jour qui s'écoule reste
me
semble être anticipé sur ce
de temps à vivre,
me
qu'il
perdu à jamais. C'est l'amour-
et
me
propre de laisser en Russie une bonne chose qui ne
permet pas de secouer
le
moi tous
ne crains pas leur peinture
les peintres, je
de misère.
collier
armes sont de meilleure trempe que veux leur
laisser
que
le
contre
J'ai
mais
les leurs,
mes
;
je
ne
moins de place possible pour me
mordre.
Tout
«
le
monde
est parti
pour
campagne
la
impériale étant elle-même à Péterhof.
tombé dans
qui,
cette solitude
y a
il
,
la famille
Je suis donc re-
mois, m'avait
six
tellement noirci les idées. Maintenant, ce ne sont plus les
me
nuits perpétuelles qui
que
fin
faiblesse de la
la
désolent, ce sont ces jours sans
machine humaine ne permet pas
d'employer. L'excès d'un travail de quatorze à quinze heures est peut-être «'ai pas le
j'arrive à
cause de l'embrouillamini de
courage de
mon
reposer.
atelier, j'ai l'espoir
j'ai fait la veille, et les «
me
mon
tableau. Je
Chaque matin, quand
de raccommoder ce que
semaines s'écoulent.
Je n'aspire plus qu'à
un
seul bonheur, celui de
me
re-
trouver dans mes vieilles habitudes, avec de vieux amis,
dans une
de vin
,
donnant un
avec notre vieux cousin
fants, qui
1.
vieille veste,
doivent avoir de
la
1
soufflet à et
un vieux verre
nos vieux petits-en-
barbe depuis
le
temps que je
M. Huguet, actuellement trésorier de l'École des arts et métiers. M. Huguet dés
Profitons de l'occasion qui nous est offerte pour remercier
précieux renseignements qu'il a bien voulu nous fournir.
ET HORACE VERNET. ne
les ai vus.
encore que
Quant
à Louise
canne
la
275
son mari,
et à
ils
ne portent
plus tard, nous leur laisserons nos
;
béquilles. » 23 juin 1843.
«
Chère Louise, que
« J'ai
beau
me
le
temps
me semble long
raisonner, je sens que
maintenant!
mon
dépensé tout
j'ai
courage, ou qu'il est déjà à bord du bateau à m'attendre. Oui, c'est
que
là
semblera voir
Mon
«
le
je le retrouverai
clocher de
tableau ést
raccommodé, mais faire
pour
une
;
mon
fois
embarqué,
il
me
village.
dire fini;
ainsi
il
assez
s'est
eu du mal. Quand je commence à
j'ai
des changements, je m'embarbouille et je ne sais plus
comment en
sortir. Voilà ce
qui m'est arrivé.
m'aurait sans doute arrêté; mais de qui
N'importe; ce qui est
fait est fait.
secouer mes plumes; je quitte
une branche où
je pourrai
« J'avais
déjà lu avec
et
si j'étais
un
recevoir ici?
le
cage pour sauter sur
mon
aise avec
que maintenant
tel fait
je
ma ne
empaillé.
vif intérêt les détails
delà Smalah. Oui, oui, voilà un tableau à pour représenter un
conseil
Je suis libre; je puis
gazouiller à
bonne perruche qui m'y attend, veux pas plus quitter que
ma
Un bon
d'armes,
il
de
la
prise
mais*
faire;
faudrait l'avoir vu,
car ça devait avoir un caractère tout particulier. Cepen-
un bon
dant, avec «
Adieu!
récit,
on pourrait s'en
» «
« la
Il
y a deux jours que je t'écrivais, et
plume à
passage de
de
la
tirer.
la
main
ta lettre
;
25 juin 1843.
me
voici encore
mais je n'y tiens plus, chère amie; un
me tourmente;
celui
où tu
santé de Louise. Elle-même semble vouloir
nir contre
me me
parles
préve-
une impression fâcheuse que je devrais éprouver
JOSEPH, CARLE
216
en
la
revoyant; et
doucement
me
à
depuis quelques mois, tu arrives
toi,
dire
Quand
«
:
je la considère,
mes yeux
se remplissent de larmes. » Je rapproche toutes vos pa-
«
roles,
et
Me
en résulte pour moi une vive inquiétude.
il
cachez-vous quelque chose, ou n'est-ce qu'une petite co-
me
de
quetterie afin
préparer à un
qui
fait
n'a
d'autre
importance qu'un peu plus ou moins de beauté? Dans ce dernier cas, je ne vous l'autre.
juges-tu pas de
mon cœur
d'une
frappée
est
pardonnerais ni à l'une ni à
donc craindre. Ah! Louise, comment ne
faut
Il
le
par
tien? Si notre chère
le
maladie quelconque,
pourquoi
fille
me
le
cacher? Son âge, son bon tempérament ne sont-ils pas de
des gages
Pourquoi
guérison?
Je
me
des larmes parce que
sa beauté?
Est-ce un
notre
fille
conjectures.
perdu de
a
grand malheur, pour
si
nécessaire de prévenir
perds en
un
qu'il
soit
désappointement par
petit
les
vague inquiétude, d'autant plus affreuse que.
tortures d'une
ne reposant sur rien de précis,
la
pensée ne peut s'arrêter
sur une idée consolante? et je suis à huit cents lieues!... Tiens, chère amie, j'aime
mieux
t'en vouloir, t'accabler
de
reproches. Je viens de relire vos lettres, surtout celle de
Delaroche a
:
ne
il
me
mes appréhensions.
aura mal compris pas moins. la
la
dit rien qui ait l'air
Je ne suis peut-être qu'une bête qui
chose, mais
En décrivant
commun
:
la
pauvre bête n'en souffre
tout ceci, je te fais peut-être de
peine. Pardonne-le-moi.
être
de se rapporter
Dans un bon ménage, tout
tu pleures à Paris;
mes yeux
se remplissent
de larmes à Pétersbourg. Quinze jours après, ront peut-être de joie. Oh! oui, de joie;
compte, ne rien savoir de
positif n'est pas
doit
car,
elles
coule-
au bout du
une raison pour
désespérer de tout. Allons, du courage! mais, chère amie,
ne
me
laisse
pas m'embarquer sans m' écrire ce que je dois
ET HORACE VERNET.
277
craindre ou espérer... Ta lettre m'apportera du calme, je l'espère, car j'y chercherai la vérité. Toi qui la sais, si elle est
vœux de mon cœur, regarde tout ce que comme non avenu, et comme l'aberration d'une
conforme aux
je dis
ici
imagination frappée.
»
30 juin 1843.
«
des manœuvres,
« J'arrive
jours.
où je viens de passer
trois
repos et surlout de distraction.
J'avais besoin de
J'arrive moins tourmenté; L'empereur, auquel je dis tout,
a bien compris
mes inquiétudes; mais
m'a
il
fait
de
si
bons
raisonnements avec tant d'affection, qu'au bout du compte
ne vois pas pourquoi je chercherais plus loin que ce
je
que tu
me
dis.
Heureusement, dans quinze
jours, je serai
en route. Ouf!
cinquante-quatre ans aujourd'hui, chère amie; ça
« J'ai
commence
à sonner mal à
l'oreille.
Cependant, je n'en suis
pas plus infirme aujourd'hui qu'hier. Loin de là; je voudrais être plus- vieux de quelques jours, pour avoir enfin
terminé cette longue séparation. «
n'ai plus à faire fini.
Ce
que
je ne le
que quelques retouches,
que
je
m'a
que
moins
à
y piocher
pensais. C'est tout simple; j'étais
tellement
petit repos
fatigué, «
mon atelier. Je et mon tableau sera
Je te quitte, chère amie, pour aller à
fait voir
j'ai
ne jugeais plus.
Adieu. Je commence mes emballages... Pourvu que je
vous trouve tous en malgré
tous
bonne
santé!... Tiens, chère
mes raisonnements,
je
ne
suis
amie,
pas tran-
quille. » «
«
Me
revoilà encore à
jouis de
la
ma
3 juillet 1843.
table, écrivant, chère amie. Je
pensée que bientôt je n'aurai plus besoin de 16
278
plume
Ah! depuis plus d'une année,
ni d'encre.
la
m'a-t-elle occupé! Je n'aurais pas l'assurance d'un
que
intérieur, qui est le vrai,
n'avoir
bonnes lettres? Ce les siens.
être
pour vous
serais-je
devenu sans
y a de plus simple,
qu'il
Cependant,
c'est
comme ces mouches qui vous poursuivent me chasser que je m'entêterais à me promener ;
me
veux
où m'a plongé
me
jours de
rattraper
ta
j'aime
si
de tous mes ennuis. L'incertitude
dernière lettre
mettre dans
la
Non, non,
bien*
me
corrigerait
je
la
santé de ceux que
ne veux plus être à
d'une phrase plus ou moins ambiguë; ç&
fait
La raison vient après,
mais
émotion est
si
chaque minute
jours,
j'en ai la preuve^
pénible!
me
pour tou-
position de ne pouvoir juger,
moi-même, de
tout de suite et par
n'en
parlons plus.
merci
la
trop de mal. la
première
Dans douze
rapprochera du poulailler. Quoique
ne sois plus qu'un pauvre coq, faute de mieux,
chan-
j'y
comme un autre. Je ne veux plus quitter ma me laver les mains; la couleur n'est pas mal-
tout
terai
de rester
bout de votre nez. Je vous serai insupportable; tant
le
pis! je
je
tes
Aussi, je ne vous quitte plus, je serai peut-
vous voudriez sur
je
bonheur
réjouirais encore de
correspondance.
du voyageur. Que
c'est le soutien
avec
ma
penser à
plus à
me
poste
veste, ni
propre. Je veux peindre; et après, vous considérër tous,
vdus bien regarder, j'aurai
au moins
Allons, voilà
me «
ma
et,
ld
quand
plaisir
me
tu
couperas
la parole;
dé vous dévorer des yeux.
lètequi se monte;, et
mds douze jours vont
sembler plus longs. Halte-là!...
Pour
la
dernière
fois,
j'ai
encdre quelque chose de ca-
ractéristique à te cdnter sur le pays. côte,
dans
d'usage que filles
plus grande partie de
la
les
dans uh
gens de
lieu
la
classe
la
Le jour de
la
Pente-
vieille Russie,
marchande mènent
public pour les montrer,
il
est
leur*
afin qu'il
se
HORACE VERNE T.
ET présente des maris.
A
Saint-Pétersbourg,
plus que pour la forme,
c'est-à-dire
la
chose ne se
comme
nous allons à
Longchamps; ce n'en est pas moins très-curieux. foule
énorme qui
musique,
se porte
et toutes les
au Jardin d'été; on
femmes
et filles
y a une
Il
fait
«
Chère amie, je continue cette
que
lettre
lement que je pars
et
temps
ne vous embrasse
qu'elle... Je
pour
Ce
la
même
»
12.
te dire seu-
je serai à Paris presque pas...
en
même
Ah! quel
bonheur!.,, «
de
de marchands vien-
nent y étaler tout ce qu'elles possèdent de richesses.
((
fait
Horace Yernet.
»
JOSEPH, CAR LE
280
XIV
— Phénicien David et la Passion de Notre- Seigneur — Voyage au Maroc. — Gibraltar. — Cadix. — Jugement paradoxal sur Murillo. — La critique et les critiques. — Tanger. — Les Français en Algérie. — La parenté d'un homme célèbre, — Mort de madame Paul Delaroclie. — Bataille d'Isïy,
La Smâlah. Enfantin.
La longue absence d'Horace semble parfois
Vernet.
ne
pas
fait
pour
les
l'avait
avantage
oublier.
Il
hommes
célèbres à s'exiler au plus fort de leurs succès.
qu'il
y
ait
L'admiration est un sentiment de courte durée, et
expose ceux qui en sont revanches.
est
Il
l'objet à
de promptes
elle
et cruelles
donc habile de savoir se soustraire aux
éloges qu'on a mérités, afin de se les faire pardonner et de
pouvoir en recueillir de nouveaux. Aussitôt après son retour, Horace fut chargé de décorer
deux
salles
du palais de Versailles. Cette commande
se
composait de treize tableaux qui devaient être commencés
sur-le-champ
De
et
terminés dans un bref délai.
tous les travaux que Vernet exécuta pendant cette pé-
riode de sa vie,
le
plus important sans contredit est
de la Smâlah. Notre
artiste, on se le rappelle
de suite vu dans ce glorieux mettre en relief
X
les
fait
1 ,
h Prise
avait tout
d'armes un sujet propre à
diverses qualités de son talent.
Voir la lettre qu'il écrivait de Russie, p. 27ô,
ET HORACE VERNET. Il
serait inutile
que tout
le
de donner
monde
connaît.
281
description d'un tableau
ici la
Nous nous bornerons donc
à re-
lever une critique qui a été souvent faite et qui nous paraît
dénuée de fondement. On a tort
qu'Horace Vernet avait eu
dit
de ne point ramener à l'unité cette vaste composition,
en portant
l'intérêt sur
un point central auquel
différents épisodes
rattachés les
semble juste quand on regarde réduite
du
l'original,
du combat. Ce reproche la
gravure ou une copie
embrasse à
tableau, parce qu'alors l'œil
l'ensemble de
scène; mais,
la
si
se seraient
la fois
se transporte devant
l'on
on comprendra que l'auteur ne se trouvait pas
dans les conditions habituelles de son art
,
et qu'il a obéi à
des exigences d'une nature particulière. Cette toile aux proportions gigantesques serait bien vide,
si elle
n'était divi-
sée en trois ou quatre parties, que l'on peut admirer tour à tour. C'est
une sorte de panorama qui se déroule devant
nous à mesure que nous avançons,
et
faudrait prendre
il
une trop grande reculée pour en embrasser tous dans un
même coup
rendu compte de ce
d'œil.
Horace Vernet
qu'il faisait, et
il
a
s'est
les détails
sans doute
eu raison de trans-
gresser des règles dont l'application, excellente en général,
eût été une faute en pareil cas.
On
a raconté
s'était toile
trouvé pour
blanche.
En
nute, et aussitôt Il
que
avait
il
l'artiste avait la
première
tout cas, son se mit
légèrement
fois
devant cette immense
émotion ne dura qu'une mi-
bravement à l'œuvre.
une singulière manière de
travailler; jamais
ne se servait d'une esquisse préparatoire
de nos
batailles algériennes
qu'il mettait
pâli, lorsqu'il
:
il
tous ses tableaux
sont faits d'après
un dessin
au carreau. Cette opération terminée,
il
pei-
comme
la
plupart des peintres. Convaincu que l'on doit attaquer
le
gnait au premier coup, sans se servir de dessous
16.
JOSEPH, CARLE
282
taureau par les cornes, sition par le milieu
il
commençait souvent une compo-
ou par un coin, puis
en suivant son pinceau jusqu'à ce que sa
toujours
allait
il
trouvât
toile se
couverte.
La Smalah
fut
terminée
croyable. Le ciel, qui est
jour par
le
si
une promptitude in-
avec
un
a été peint en
vaste,
maître et par huit de ses élèves
:
on
seul
étalait le
bleu avec des sabres. Les petits nuages blancs qui rom-
pent un peu
monotonie de cet océan d'azur ont
la
ajoutés après coup. Horace Vernet avait
de peindre ses ciels avec cette rapidité ner plus de fondu.
de leur don-
procéder de
Géricault ,
et cet
la
exemple
de nature à l'encourager.
était
peine Horace Vernet avait-il terminé laSmâlah, que
la bataille d'Isly
dant. lait
avait vu
reste l'habitude
afin
,
pour son Naufrage de la Méduse
sorte
A
Il
du
été
Il
partit
un superbe pen-
vint à point lui fournir
au mois de mars
4
845 pour l'Algérie.
se pénétrer de la couleur locale, et visiter le
bataille tout
Il
vou-
champ de
fumant encore du sang qui venait d'y
versé. Les lettres qu'il écrivit à sa
être
femme permettent de
le
suivre durant ce voyage.
«
«
Rien n'est changé, chère amie, dans
sommes
Au comme «
qui
arrivés à
débotté
commande
loge
mon
Nous
nous sont tombées
Nous avons dîné chez Sainte-Aldegonde,
ici.
Ce qui m'a la
le
plus amusé, c'est d'être
musique de Phénicien David dans
du très-révérend père Enfantin, qui m'a si
étoile.
Lyon comme des amours. les lettres d'invitation
entendre
mours comme J'ai
,
la grêle.
allé, le soir,
la
Lyon, 20 mars 1845.
je devais,
soutenu avec fermeté
la
un
fait
jour, lui servir la
ma-
des
messe.
puissance de son regard
,
vu
m'a
qu'il
reste,
fait
ET HORACE VERNET.
283
de celui d'un
Du
l'effet
gros perroquet.
met de gros pieds
porte des gants jaunes, et
il
dans de petits souliers, car
il
plaignait de ses oignons.
se
Voilà tout ce que je peux te dire sur les souffrances de la
Passion de Notre-Seigneur Enfantin
tres rapports
nom que
avec son
la
qui n'a plus d'au-
,
frisure de ses longs che-
veux.
Adieu,
a
ma bonne
chère femme. Je serai demain à
et
Marseille. » Marseille
«
Toujours
((
lait
dans
le
moi tout
ma
port
belle étoile
en avant
comme nous
seul, et, lundi matin,
noxe, qui se
fait
!
,
21 mars.
Le Lavoisier mouil-
entrions en
ville.
Je
pour
l'ai
en route pour Oran. L'équi-
sentir depuis quatre jours,
semble se dépê-
cher pour nous laisser beau temps. Le baromètre remonte et le soleil brille. » «
«
Je n'ai
pu continuer
vent, et la
mer comme une
veillance particulière
glace.
Il
22.
dérangé par des
hier, ayant été
Ce matin, un temps ravissant
visites.
Ce
pas un souffle de
:
y a là-dessous une bien-
du Très-Haut, que
je dois sans
doute
à tes prières. «
Adieu. Je t'embrasse en vieux mari.
»
«
«
Nous
voilà
ai
vu
« J'ai
tière,
,
27 mars.
mouillés à Mers-el-Kebir après soixante-
quatorze heures de route, et par un temps n'en
Oran
comme
jamais je
à la mer.
trouvé
où tout
le
est
général de
arrangé
pays est tranquille et
les
La
Riie revenant de
la
fron-
comme la France le désirait. Le hommes voyagent seuls comme
JOSEPH, CARLE
284
dans
mes
affaires.
Ce sera
me
piloter.
de
monde
le
demain ou après pour
partirons
gera
Tout
plaine de Gonesse.
la
Nous
est enchanté.
où
lsly,
j'irai
général Cavaignac qui
le
Tu juges que
je
suis
faire
se char-
bonnes
en
mains. a
M. Lambinet est un vrai recrue, qui semble voir pour
première fois;
la
il
vert pour respirer
:
est
heureux;
semble avoir tout ou-
il
sjs yeux, ses narines, sa bouche, tout
semble pomper pour absorber ré qui l'entoure:
homme
vives émotions à un jeune
thousiasme; je luT crois du talent, tite
promenade
avenir.
qu'il fait
si
et je
susceptible d'en-
pense que
fallait
il
Oran
et.
me mets «
en route
dire sur ce que
ma disposition. Ainsi, demain comme un pacha.
j'ai
vu,
si
ce n'est que
encore perdu plus qu'Alger sous
a
est
Adieu.
le
Ce
une
intéressant à te la ville
d'Oran a
moderne. »
n'est pas
un poisson que
chère amie, mais une lettre qui
me
matin,
rapport du pittoresque.
«
«
je le quitte à
en un instant, mulets, chevaux, chasseurs,
Jusqu'à présent, je n'ai rien de bien
Tout y
28.
être sur les lieux.
escorte, tout a été à je
,
pour terminer nos
car,
ici,
Le général Lamoricière vient d'arriver;
minute
la
pe-
aura une bonne influence sur son
Je suis venu m'installer
affaires, «
la
» «
((
une
pour moi d'avoir contribué à procurer de
véritable joie si
c'est
porte à merveille, que vieille pipe,
et
que
du
,
1 er
avril.
je t'envoie aujourd'hui,
te dira,
le soleil
tout va
Tlemcen
m'a
pour vrai, que
déjà culotté
je
comme
reste sur des roulettes
ET HORACE VER NET.
comme
au temps de
partout, et
j'ai
Terre Promise.
la
aspect semble
me
car tout
un caractère
de
ici a
pars demain pour
faire la
vu
mais son
la ville,
;
particulier.
Tsly, afin
de tâcher de voir
le
champ
encore une question.
Tu penses que
que nos
petits-enfants,
trop envie de t'embrasser, ainsi
pour
bien reçu
promettre de belles émotions pittoresques
bataille, ce qui est
j'ai
On m'a
parcouru un pays admirable. Nous sommes
arrivés hier soir. Je n'ai point encore
« Je
285
moindre imprudence.
D'ailleurs je le voudrais,
que l'armée d'Afrique m'en empêcherait. L'amour-propre qui
la
domine
gré lui,
s'il
lui ferait
avait
la
conserver son peintre,
de trouver
faiblesse
la
môme vie
mal-
indiffé-
rente. «
Adieu, chère Louise;
y aura,
il
trente-quatre ans que nous serons mariés.
pas?
bler, n'est-ce
du courant,
nous faut dou-
II
»
«
«
15
le
Je viens de terminer
ma
G avril.
A
bord du Lavoisier.
première course dans
l'inté-
rieur. J'ai rempli, autant
que possible, ma mission avec
prudence
les
et je
rapporte
documents nécessaires pour
faire la bataille
d'Isly avec toute la vérité
mettre dans
représentation de nos
la
que
pu y avoir un
parle de prudence; ce n'est pas qu'il aurait
danger personnel à pousser mes investigations dans rait
le
Maroc, mais
amener une
la
moindre
collision entre
petite
nous
je tiens h
de guerre. Je
faits
fort
avant
inconséquence pouret les
agents d'Abd-
el-Kader, que nous avions en avant et en arrière; chose
qui aurait mis à Rlie, qui n'est
l'aise la
venu
diplomatie de M.
faire ici
le
général de
la
qu'une démonstration de comé-
die avec des limites impossibles à poser. Le fait est que, de
toutes ces belles démonstrations,
il
n'en restera
qu'une
JOSEPH, CARLE
286
tartine qu'on
l'empêcher de parler, ayant
mis sur «
De
Chambre des députés pour
fera avaler à la
mon compte
la
la
bouche
rupture de
on aurait
pleine, et
la paix.
l'Alla-Magrinia, extrême avant-poste, nous
revenus vers
sommes
mer, à Djemmâu-el-Ghrazaouer, où j'avais
la
donné rendez-vous à mon bateau pour hier matin, samedi.
Nous y sommes
arrivés vendredi soir, c'est-à-dire un jour
plus tard que nous ne l'espérions. Bien m'en a pris, car
un grand embarras,
évité
lante. L'arc
celui d'une
et la
rieur.
le
les
camp comme un simple
au grand désappointement du commandant supé-
Mais hier, au moment de
pu éviter
n'était
garnison n'était pas sous
armes. Je suis donc entré dans particulier,
réception mirobo-
de triomphe sous lequel je devais passer
encore qu'en planches,
j'ai
les
mon embarquement, je
n'ai
honneurs rendus par l'armée à son peintre;
été forcé de passer devant la troupe au port d'armes et
j'ai
de recevoir quatre coups de canon auxquels répondu. Du flatte pas,
il
reste, je
te fera rire
t'envoie l'ordre
Lavoisier a
du jour
:
s'il
ne
te
^
ARMÉE D'AFRIQUE.
1.
le
—
ORDRE SUPÉRIEUR.
M, Horace Vernet, notre grand peintre de
batailles, arrive
demain à
Djemmâu-el-Ghrazaouer. L'armée ne peut rester froide en présence de l'homme de génie qui a fait
revivre, sous son pinceau magique, les fastes de notre gloire mili-
taire.
M. Horace Vernet recevra donc
Toutes
les
en bataille sur la place les
les
honneurs de la guerre.
troupes de la garnison prendront les armes et se formeront ,
en avant du pavillon
;
elles porteront les
tambours rappelleront. Les postes sortiront
Une compagnie de garde d'honneur
MM.
les officiers
Vernet une
visite
et porteront les
armes
et
armes.
lui sera fournie.
de tous les corps se tiendront prêts à faire à M. Horace
de corps.
Des ordres seront donnés ultérieurement pour l'heure de Djemmâu-el-Ghrazaouer,
la prise d'armes.
le 4 avril 1845.
Le lieutenant-colonel, commandant supérieur, De Montagnac.
ET «
HORACE VERNET.
Je ne te parle pas des chances heureuses de
mon voyage
;
sont telles que tu croirais que je veux te tromper en
elles
Nous avons eu cependant
les embellissant.
terribles fatigues,
si
la
à supporter
mes compagnons qui
j'en juge par
échinés; quant à moi, et
287
lame de
de
sont
fleuret est toujours droite
ne se rouille pas. «
Comme
il
que
est probable
le
voyage actuel
nier que j'entreprendrai, je tâche de sible
et
de ramasser
regret par
la suite
les
miettes,
et d'avoir
nécessaire pour achever
le
dans
pomper
est le
le
der-
plus pos-
de n'avoir aucun
afin
mon
sac tout le butin
bout d'existence qui nous reste
dans notre solitude de Versailles. Cette solitude augmentera tous lés jours; car, à nos âges, les jeunes se séparent de
nous
vieux disparaissent dans un grand trou, où cha-
et les
cun va se
faire oublier.
Tâchons cependant, chère amie, de
vivre le plus longtemps possible, et songe qu'il te faut aller
aux eaux,
afin que, lorsque la terre
nous manquera sous
les
pieds, nous fassions la culbute ensemble. »
«
ce
Nous sommes
ici
Gibraltar, ce S.
depuis hier. Sir Robert Wilson,
sauveur de notre ami Lavalette, est gouverneur. en raison du passé. Ses chevaux sont à
pour voir
le
ma
sous un sombre aspect; le soleil brille
«
Adieu.
»
m'a reçu
disposition
rocher, car ce n'est point autre chose; mais
quelle importance n'a-t-il pas!... Hier, je ne
notre départ.
II
le
,
le
temps
comme pour
Nous
était affreux.
l'ai
vu que
Aujourd'hui
se préparer à éclairer
demain
ferons route sur Cadix, d'où je t'écrirai.
JOSEPH, CARLE
288
«
« Si
la
Méditerranée
Cadix
,
12 avril.
montrée gracieuse à notre
s'est
égard, l'Océan est un bien grossier personnage. Le coquin
nous a
fait
une réception que
je n'oublierai
Figure-toi, chère amie, que nous nous étions 9,
au
de
devait nous porter à Mogador; mais tout à coup est
venu nous prendre debout,
bourlinguer dans
détroit par
le
pouvoir reconnaître par
Enfin, embêtés de
fais
que «
par
les courants, et battus
sommes venus
le
la
et
vent
le
nous voilà à
une brume épaisse, sans
droite ni à gauche, entraînés
la terre à
plaisir à venir sur le
de nous casser
vie.
par un bon temps et une bonne brise qui
petit jour,
a sauté,
ma
embarqués
la
mer, qui semblait prendre
pont regarder ce que nous y faisions.
cachucha que nous dansions, au risque
nez contre les rochers marocains, nous
le
relâcher
ici
pour attendre
le
beau temps. Je
contre fortune bon cœur, et je jouis du nouveau pays je vois.
Cadix est une
ville
toute blanche, d'une propreté re-
marquable. Les maisons ont de grands balcons, peints en rouge, jaune et vert, sur lesquels se trouvent des figures noires, laissant voir,
du
qui regardent les étrangers avec curiosité. qu'il Il
ne serait pas
difficile
y aurait danger,
à regarder en l'abri
l'air,
même si la
yeux
visage, seulement de grands
de
les faire
pour
les
On peut
croire
changer d'expression.
vieux cuirs
comme
moi,
quantité ne venait vous mettre à
de toute séduction de ce genre. Le mauvais temps em-
pêche ces belles Andalouses de se promener aujourd'hui. En attendant, je viens d'en voir quelques-unes au spectacle, jouait
un mauvais mélodrame traduit du
Tu juges que,
n'y comprenant rien, je suis resté
d'où je sors. français.
On
bien froid, lorsque, au contraire, tous les Espagnols se tor-
ET HORACE VERNET. quand
daient de joie. Mais,
danses ont commencé,
les
Rien de plus
rôles ont changé.
plus animé; j'étais dans
le
289
les
de plus gracieux, de
joli,
ravissement. Les Napolitains et
Romains ne sont que des paysans lourdauds auprès de
les
ces gazelles bondissantes. si
et
avec
elles.
de
tent
la
!
chère amie
pourquoi suis-
,
comme
je n'y tiendrais pas; je bondirais
vieux?
je
Ah
Ne
va pas t'alarmer
cinquante-six ans met-
:
glu sous les pieds, et je
le
temps dans
ma
sation n'a peut-être pas peu contribué à
choses plus belles qu'elles ne
la
faculté
Ce haut degré de
loge.
ma
pu user pour
n'ai
jouissance personnelle à ce spectacle que de
fumer tout
elles
me
de
civili-
faire trouver les
sont véritablement. N'im-
le
porte; je n'en suis pas moins fou du boléro.)) «
«
L'Andalousie a un vrai caractère
;
que Murillo
est mort. J'ai
pas son plus beau.
n'est
Il
13.
n'y do-
les épiciers
minent pas encore, heureusement pour ici
Ce
peintres. C'est
les
vu son dernier ouvrage, qui
rompre
a bien fait de se
en tombant de son échafaudage. Je ne connais pas
les os
l'histoire
de ce grand artiste, mais à juger de sa vie privée par ses
œuvres de
il
ne devait pas avoir
l'assurance
gante
plaisait à
représenter m'en donne
en général,
l'espèce est belle et élé-
nature qu'il se
la
;
car
ici,
l'exception
;
goûts fort élevés. Le choix
les
se
trouve au
cherchait sans doute ses
là qu'il
coin
des rues,
modèles;
ils
et
c'est
sont encore
identiques aux pouilleux, aux galeux, aux teigneux dont fourmillent nos galeries. Dis-moi qui tu hantes, je
qui tu es en peinture.
vu
un
la
Ici,
tout
le
monde
est
te dirai
pauvre, mais,
similtitude des costumes, chacun se ressemble et a
air
d'aisance que
la
chemise
sale
qu'on ne voit pas
pourrait seule démentir. Quant aux femmes, je ne dis pas qu'elles aient
dù
ni
qu'elles .puissent inspirer des têtes de
n
JOSEPH,
290
comme on pourrait
vierges,
mais
;
démarche
ont tant de fermeté dans l'expression, une
elles si
distinguée, une
de comprendre
suffire
pour
en trouver dans d'autres pays;
sont trop brunes, leur regard est trop brillant pour
elles
cela
C A RLE
taille
si
souple, qu'il devait
nature dans ce qu'elle a d'élevé
la
traduire en peinture de manière à laisser dans la
la
pensée du reg ardeur quelque chose de noble reux. Tout
ici
respire
Pourquoi Murillo
Dans
«
a-t-il choisi
seul petit
le
mot que
me
contre les journaux qui
Que m'importent raison
qu'y
,
Quant à moi, atelier
pour
comme
la
personne, et
dormir.
reposer, je
plus belle
les lauriers
Que les cris des
vent donc pas
!
faire
vermine.
?
tu fulminais
— disais-tu. et, s'ils
que de baisser
la
tête?
le
fais
la
conscience
pure,
pu donner que
n'a
n'être sur la route de
de Miltiade ne m'empêchent pas de
rabaisseurs de réputation ne t'émeu-
ne troublons pas notre
laisse-les dire et
quiétude intérieure en faisant attention à ces braillards;
me
font l'effet
quatre ans que nous
rue.
la
fait
voici en
tout ce
A
seize,
Tanger
est
nous fête-
»
bord du Lavoisicr, 17 avril 1845.
route pour Alger, chère amie,
que nous devions
nous n'avons aperçu qu'à travers «
y aura trente-
cinquantaine! Serons-nous gentils!...
Nous
avoir
il
sommes mariés; dans
«
«
la
Adieu, chère amie. Après-demain,
rons
ils
de chiens qui cherchent à mordre les roues
d'un cabriolet qui passe dans «
ont
mieux. Lorsque je quitte mon
bonheur de
le
toi,
ont tort?
du monde qui
fille
J'ai
s'ils
la
borne
la
reçu de
travaillaient ferme,
mon
de
coin de
j'aie
de mieux à
je fais
ce qu'elle avait.
le
leurs injures,
a-t-il
me
ou se roule dans
la fierté
de géné-
et
une assez vilaine
faire,
les
après
sauf Mogador, que
brumes.
ville, à
peu près dans
la
ET HORACE VERNET.
291
position d'Alger, mais cependant plus pittoresque.
mier soin a été de remplir J'ai
donc relevé
tous
mes documents.
qu'il
peut informer
mencer
et
la
pre-
^mission dont j'étais chargé.
du combat,
différents points
les
Mon
et j'ai
Si tu vois le général Atthalin, dis-lui
que rien ne
le roi
terminer mes tableaux
,
me manque pour com-
mais que ça n'a pas été
sans peine»
«Pour en revenir
—
les
à Tanger, j'y ai passé
deux jours et demi,
ma
vie par leur origi-
plus intéressants peut-être de
nalité et la variété des
épisodes» D'abord
nous avons été
,
reçus à terre par M* Château, notre consul.
nous
Il
meilleur accueil et nous a mis tout de suite au
a fait le
de
fait
ma-
la
nière dont nous devions nous conduire avec les Marocains,
ma-
qui sont excessivement soupçonneux. Je voulais voir
nœuvrer
les pièces
vaient rendre
de l'intérieur de
le salut.
Pour ce
faire,
toute sorte de précautions. Enfin
bon pourboire, tête
il
,
la il
forteresse, qui de-
nous a
fallu
prendre
grâce à des juifs et à un
y en a un qui nous a permis de passer
la
par-dessus sa terrasse pour regarder, au risque de re-
cevoir pour sa complaisance une centaine de coups de bâton
mais, pour de l'argent, que ne ferait un juif?
mis de bien
sales paletots et
l'air
;
Nous avions
de mauvaises casquettes, pour avoir
de méchants marchands de lorgnettes. Enfin
,
j'ai
obtenu de voir ce qu'il m'importait de connaître» «
En
de notre bouge, je suis
sortant
petite batterie à
une demi-lieue de
mer, d'où je prendrai
mon
la ville
allé visiter
sur
nous avons repris nos uniformes,
sommes promenés ostensiblement sonne nous
fit
d'avanies.
la
sommes Le commandant du
bateau m'y attendait avec impatience. Une ,
bord de
point de vue, et nous
revenus sans encombre au consulat.
seignés
le
une
fois
et
bien ren-
nous nous
partout, sans que per-
JOSEPH, GARLE
292
Le pacha qui commande en chef
«
Larache
est à
et le
,
sous-gouverneur était en course pour châtier des tribus voi-
Comme
sines.
surtout un
et
un
m'importait cependant de voir
il
camp
le
,
courrier, pour lui
distinction
consul
lui a,
demander de
les troupes,
sur-le-champ, expédié
la
part de voyageurs de
faveur de lui être présentés. Dans ce pays,
la
chevaux n'ont pas des jambes, mais des
les
Huit
ailes.
heures après, nous avions une réponse qui nous annonçait
que
le
sous-gouverneur, ayant
même,
fini sa
razzia, viendrait lui-
lendemain, nous recevoir. Nous sommes donc
le
restés à l'attendre
,
et
noce juive qui nous a
de plus beau que
le
nous avons passé noire temps à une fort intéressés. Je n'ai
jamais rien vu
type des femmes; elles sont plus fortes
qu'à Alger, et bien plus jolies. Leur costume est magnifi-
que. J'en
mes que «
ai
fait
un croquis,
explications. D'ailleurs
vu
j'ai
le
il
t'en
dira plus
me' tarde de
il
raconter ce
lendemain.
Le sous- gouverneur devait donc
armée. Nous sommes partis
nous trouver
te
que toutes
comme
le
rentrer
avec son
matin de bonne heure, pour
par hasard sur son passage, ce qui
nous a parfaitement réussi. Nous avons vu venir de sur
le
sable, des fantassins
et
quelques cavaliers
,
loin,
suivis
d'une arrière-garde. Nous
de troupeaux, de prisonniers
et
nous sommes mis à courir,
et
nous sommes arrivés à temps
pour voir entrer en
cortège singulier.
«
Ben-Abou
est
une mule blanche,
ville ce
un homme superbe. et
pages de l'empereur,
Il
monté sur
environné d'une vingtaine déjeunes le fusil
haut, la tète découverte,
longue tresse de cheveux leur pendant sur et vêtus
était
de robes de toutes couleurs
;
les
l'oreille
une
gauche,
chevaux riche-
ment
équipés. Le tout formait un groupe éclatant. Le reste
de
troupe était occupé à conduire un troupeau de bœufs,
la
293
qui semblaient se révolter d'être
que
les
hommes
prisonniers, tandis
faits
qui se trouvaient dans
chaient tristement,
la
baissée,
tête
le
comme
même
cas mar-
attendant et se
préparant aux coups qui devaient bientôt les faire rouler
dans
poussière.
la
Il
y avait quelque chose de
imposant
fort
dans ce cortège, qui marchait avec une grande rapidité,
comme
s'il
un ennemi.
craignait d'être rattrapé par
Aussitôt rentré en ville
«
Ben-Abou nous
,
nous recevrait le lendemain, à neuf heures
Après avoir dîné chez
«
à bord, passer
une bonne
le consul,
nuit.
A
pour
comme
rendre clair
le
joli, la
la
dire qu'il
fit
du matin.
nous sommes revenus
cinq heures du matin,
propreté est venue nous réveiller
bien
et
:
on bringeait
le
la
pont,
table de notre cuisine. C'est
propreté, j'en conviens, mais lorsqu'elle n'em-
pêche pas de dormir. Enfin, nous nous sommes habillés,
comme
beaux
faits
des soleils et rendus chez M. Château,
qui, de son côté, s'était paré de sa grande tenue.
A
«
neuf heures moins un quart, notre cortège
en marche vers térieur,
sant
la
la
Kasbah, chaous en
nous avons trouvé haie,
jour,
me
militaire,
Arrivés dans
l'in-
les
accroupi
était
armes, le
fai-
long du
inconnue pour moi jusqu'à ce
semblait toute bizarre.
par un gros Marocain, toute
mis
garnison sous
la
mais chaque soldat
mur. Cette position
tête.
s'est
la
A
un commandement
fait
troupe s'est relevée, a porté
armes, et nous avons continué notre marche jusqu'à un
les
péristyle où nous attendait
Ben-Abou
dont
,
le
visage noir
prenait une nouvelle intensité de couleur au milieu des haïcks
blancs dans lesquels «
Après
les
il
était entortillé
des pieds à
poignées de main d'usage,
duits dans l'enceinte de son palais. Là,
il
félicitations auxquelles
nous
a intro-
nous avons trouvé
des chaises européennes, et lui-même, assis
commencé des
la tête.
comme
nous, a
nous avons répondu
JOSEPH,
•294
CARLÛ
par l'intermédiaire d'un grand juif borgne, ayant sur les épaules le
mauvais paletot avec lequel
le
jour précédent, pour ressembler
portance. Puis
nous
point été rendus
canaille sans
im-
conversation a tourné et est arrivée à
la
faire savoir
je m'étais déguisé
une
à
que
comme
Mogador
prisonniers de
les
le traité le stipulait, et
n'avaient
que, faute
de son accomplissement immédiat, l'empereur pourrait regarder toutes
les
comme non
conventions
penses que personne n'a songé
sommes
semblable; nous nous
à
levés de
embarrassée possible pour reprendre
En
môme
sortant,
cérémonial
avenues.
Tu
répondre sur une matière
manière
la
la
moins
route de chez nous.
la
troupe accroupie, puis au
:
port d'armes.
Nous sommes remontés
ment,
heures après nous étions en Europe, à Gi-
et trois
moment où
au
braltar,
comme
chevaux
cette fête,
le
et,
à
les
Anglais faisaient des courses de
Epsom. On nous
soir,
immédiate-
à bord
nous avons
a fait les honneurs de
assisté à
un très-grand
où une multitude de jolies femmes nous ont
bal,
mamours.
A minuit, comme
Cendrillon, nous nous
fait
des
sommes
évadés, et à une heure du matin nous étions en route pour Alger, où, vu
au matin.
le
beau temps, nous serons sans doute
me
Nous arrivons. Je trouve de porte bien.
tage.
tes nouvelles.
Dans quelques jours
Nous ne partons pour
Adieu.
$0
»
«
«
le
t'en
je
l'expédition
Ce
20.
Sache que dirai
que
le
je
davan1 er mai.
» «
«
Me
«
Nous ne partons
Alger, 22 avril.
voici débarqué, chère amie. .
d'ici
que
le %
;
nous ferons une petite
campagne de demoiselle pour promener
le
prince, qui ne
ET HORACE VERNET. peut être venu pour rien. Nous ferons ménage avec Jusuf,
comme
qui vient avec nous sans troupe, et
major.
Notre excursion ne durera
pas
attaché à l'état-
de quinze
plus
jours.
Ce que
«
me
tu
dis
du Salon me
entendu parler, ayant toujours marché
je n'en avais pas
plus vite que les journaux, qui, intéressé
que médiocrement; car
du
reste,
tu sais
ne m'auraient
combien tout ce
peuvent dire m'est parfaitement indifférent. J'estime
qu'ils
seulement celui
jusqu'ici
fait plaisir;
le
succès que
qu'on doit
bon sens vous accorde,
le
des coteries.
à
Il
en est de
même
non
et
des cri-
tiques, qui n'atteignent pas le but lorsqu'elles le dépassent.
Quant
de Thiers,
à l'éloge
sentiment qui
l'a
il
provoqué,
est fort aimable; j'apprécie le et je le
prends
comme un
re-
tour à des idées moins absolues en peinture que celles qui lui
ont
fait
produire sa monstrueuse Madeleine.
«
«
»
Ce
24.
Les affaires s'embrouillent dans l'ouest. Le maréchal va
demain
à Cherchell
;
moi,
je reste.
Avant
semaine pro-
la
chaine, nous saurons à quoi nous en tenir. Si on n'entre
pas en campagne tout de suite, tu seras exposée à
me
voir
arriver bien plus tôt que tu ne le penses; car je n'ai pas
mon temps pour ne rien voir de ce qui m'intéresse, et à berlander comme un gant jaune sur la place du gouvernement. En vérité, il est difficile de se envie de perdre
rendre compte de ce qu'on veut faire de l'Algérie. Je vais tacher de «
tion,
fix<er
mes
idées sur ce point.
Le gouvernement anglais,
mène
lorsqu'il a pris
ses affaires jusqu'au bout
tergiverser vis-à-vis de
la
nation, et,
arrêté, chaque Anglais contribue,
une résolu-
franchement, sans
une
même
fois*
un
parti
contre son inté-
JOSEPH, CARLE
296
rêt personnel, à faire réussir les projets
mais aussi, laisse pas
le
aller à
sacrifier,
d'amour-propre individuel,
Quant aux choses
«
sent la
du gouvernement;
gouvernement joue cartes sur
du moins,
table et ne se
pour de
puériles
de
la nation.
l'intérêt
telles qu'elles
je ne vois d'autres
conquête entière ou l'abandon
sont
questions
jusqu'à pré-
ici,
moyens d'en
total.
sortir
que
Les Espagnols, dira-
t-on, conservent quelques points sur la côte; mais de l'Es-
pagne à ces points tion, et toute
du côté de
n'y a
que quatre heures de naviga-
communication avec
même
que
interdite
il
les fenêtres
des maisons sont murées
Pourrions-nous occuper, à de
campagne.
la
l'intérieur est tellement
semblables conditions, Alger et
d'un
les autres ports
litto-
prolongé que celui qui va des frontières de Tunis
ral aussi
au Maroc? La France veut de l'Algérie parce qu'elle peut lui être utile.
On
vât tout entière,
ne Tévacuerait pas sans qu'elle se souleet les
ministres, qui refusent sous-main,
qui n'agissent pas franchement vis-à-vis d'une armée aussi
dévouée que à
mon
avis,
au milieu de laquelle je
celle
me
trouve, sont,
de grands coupables. La France, par exemple,
doit-elle être
le
jouet des mauvaises nuits du maréchal
Soult?... «
Adieu, chère amie.
»
«
«
Je n'ai que
«
Abd-el-Kader
le
temps de est
qui fera sans doute de affaire
t'écrire
entré la
un
Alger, 30 avril
seul mot.
chez nous par l'ouest, ce
promenade du maréchal une
importante, car, tout se
lève
sur
le
passage de
l'émir. « Si cot
événement prend de
campagne; sinon,
je pars
la
consistance, je ferai
pour Paris.
»
la
ET HORACE VERNET.
«
m'accompagne
n'a été plus aimable
jours de notre navigation.
sommes
arrivés à
Palma
le
xMarseille
que jamais
Figure-toi, chère amie,
«
297
Partis,
que dans le
1
6 mai.
bonheur qui
le
er
,
derniers
les
nous
d'Alger,
,
lendemain; rembarqués quelques
heures après, nous avons longé
la
côte d'Espagne, visitant
depuis Malaga jusqu'à Barcelone par un temps admirable,
voyant une multitude de choses du plus haut intérêt.
et
Une
fois arrivés
comme un
au Cap Rose,
enlevés, et nous voilà partis
nous prenait seille,
mistral nous
comme
a
empoignés
sommes
instant nous
ce coquin de vent qui
traîtreusement, sans pouvoir attraper Mar-
trop heureux de crocher par Toulon, où nous
et
sommes
si
le
En un
furieux qu'il est.
entrés bourlinguant, au milieu des rafales qui sem-
blaient jouer au volant avec notre gros bâtiment qui leur
présentait toujours son nez pointu. C'était beau de voir
le
génie de l'homme aux prises avec deux terribles éléments, les
dominer,
d'entendre gronder sous nos pieds
corps de l'homme est petit en raison de sa tête «
me
Bref,
thode, par «
A
la
voici
en route pour Paris par
le
passé.
Il
me tombe
Les uns sont boulangers, ils
!
vieille
mé-
veulent tous
me
les
Avignon, ce 9 mai 1845.
et déjà le
ici,
bien long; car notre bonne ville
Bref,
comme
malle-poste.
Depuis hier je suis
que par
la
en-
bientôt. » «
«
les
de feu du Lavoisier. Dans ces circonstances,
trailles le
et
temps
me
amusante
n'est pas plus
de tous
les côtés
semble
des Vernet.
autres tout ce que tu voudras.
faire leur héritier, et
me demandent,
en attendant, de leur procurer une petite place pour vivre. Ainsi, tu vois qu'un jour nous devons être riches. 17-
JOSEPH, CABLE
298
a il
Listz est
n'a
mon
voisin.
soir;
eu qu'un médiocre succès. Voilà ce qui s'appelle se-
mer des perles devant «
donné un concert hier
a
Il
pourceaux.
les
Enfin, demain, je prends la route de Paris. Je vais donc
vous embrasser tous; quel bonheur! «
Un grand Sa
retour.
et irréparable
du
soleil
ments que
»
à son
deuil attendait l'artiste
depuis longtemps affaiblie par de vives
fille,
souffrances, n'avait
leur
Horace Yernet.
pu retrouver
ses forces à
de Rome. On se rappelle de
les lettres
la
douce cha-
les tristes pressenti-
madame Horace Vernet
avaient
inspirés à son mari, durant les derniers mois de son séjour
en Russie;
ment
ils
ne devaient être, hélas! que trop prompte-
justifiés.
La pauvre malade
s'éteignit le 18
bre 1845. Les regrets unanimes laissés par
Delarochc
,
tant
dans
une des femmes parmi
les
monde
le
les
d'élite
décem-
madame
Paul
qui perdait en
elle-
plus charmantes de ce siècle, que
pauvres, dont
elle
était la
tendre et infatigable
bienfaitrice, donnèrent à sa famille les seules consolations
qui puissent adoucir de
telles
douleurs.
Horace Vernet se réfugia dans
le
pour se sous-
travail,
traire
un peu aux pensées trop cruelles qui obsédaient son
cœur.
Il
exécuta sa vaste composition de
qui fut exposée en son ami
où
ils
4
Soliman -Pacha pour
firent
Bataille d'Isly,
la
Relgique
il
partit
et la
la tète
qu'il avait hâte d'exécuter;
avec
Hollande,
une tournée de quelques jours; puis
s'installer à Versailles,
lent fécond
la
846. Le Salon terminé,
il
revint
pleine de projets nouveaux
car l'inaction était pour ce ta-
une véritable souffrance,
ET
HORACE VERNET.
200
XV — Un garde national — Siège de Rome. — Lettres diverses. — Expédition de Kabylie. — Le frère Hermann. — Guerre de Crimée. — Exposition universelle. — Creux et bosse. — Philosophie chrétienne. — .Une vieille maîtresse. — Quatorze lustres dans une tête. — Vieillesse d'Horace Vernet. — Sa mort. — Ses derde Louis-Philippe.
Illusions
convaincu.
—
—
24 Février.
Journées de Juin.
nières volontés.
Le 24 février 1848, Horace Vernet écrivait ces qui ont un grand intérêt historique
Le
«
roi
perte.
Ma
les
dernière entrevue avec
que
la
laise sous les fenêtres
mardi malin, m'avait
sans cependant que j'eusse
portrait n'est
mon
le roi
me
dit
je ferai
«
la
conversation la
peur des Chambres. Quant à moi,
«
qu'Abd-el -Kader puisse me donner
ils
je suis trop fort la
,
promesse
Mes ministres sont des poltrons:
de
«
d'Abd-
Partez demain;
honneur a
«
fils.
la Marseil-
portrait
le :
qu'un prétexte. Dans
Abd-el-Kader que cher
midi;
était
des Tuileries. Le roi m'avait
venir pour m' envoyer à Toulon faire
« dites à
Il
Le peuple chantait
mêmes
el-Kader. Dès en arrivant, « le
force
étaient assemblées, et l'accusation des mi-
nistres devait être présentée.
fait
lui,
catastrophe fût aussi immédiate.
Chambres
la
qu'il était évident qu'il courait à sa
confirmé dans cette opinion, l'idée
:
s'abusait tellement sur sa position, sur
de son gouvernement,
lignes,
ont
pour
moindre crainte,
JOSEPH, CARLE
300
même
« lors
qu'il serait à Saint-Jean-d'Acre.
ramener daus nos possessions d'Afrique
«
ne pourraient
«
sans que ce ne fut une déclaration de
le
ma
ce
sonne, sans
«
mine
«
comme un
<r
à la majorité de nos
«
que
«
Bonne-Espérance, de
« ira
là
répéter
ma
ment
les
te
enfant. Cependant,
Chambres.
à
la
Mecque
leçon, et ajouta
«
Si
choses vont se passer
ici
voyage n'eut pas Dès que
la
par ses lettres
les
et tout le
,
le
cap de
Djeddah,
à
Le
libre. »
roi
qu'il
me
fit
vous voulez voir com,
ne partez que jeudi.
monde
sait
»
pourquoi son
lieu.
fit
avait toujours eu
pays
:
tour par
République eut été proclamée,
Versailles et se
à la
et qu'il sera
joue
donc dire à l'émir
faut le
le
une concession
faut faire 11
Je do-
là.
Guizot
:
débarqué
et qu'il sera
Horace Vernet attendit,
forme
il
l'embarquerai, qu'il fera
je
guerre, et per-
permission, ne peut en venir
mauvais vouloir de Palmerston
le
Les Anglais
réélire colonel
un qu'il
faible
de
la
pour cette
était allé
Il
retourna
garde nationale.
institution.
On
à Il
a vu,
montrer son glorieux uni-
cour des souverains étrangers
plus lointains.
il
jusque dans
,
les
semblait convaincu de l'impor-
tance de son rôle, et prenait au sérieux les moindres détails
du et
service.
Il
aimait à s'occuper du maniement des armes
de l'équipement des troupes, à parader sur un cheval
fringant et à passer des revues.
Il
n'aurait peut-être pas
récité l'Annuaire d'un bout à l'autre (encore n'en jurerions-
nous point), mais à coup sûr la
il
était
grande question du bouton de guêtre,
que pas un
officier quelle est la
eu plus d'une
des
hommes
fois à ce sujet
et
savait mieux-
il
nuance exacte de
ou du pantalon d'ordonnance dans a
de première force sur
tel
ou
tel
la
tunique
régiment.
Il
de graves discussions avec
spéciaux, et c'était toujours
tion faite, se trouvait avoir raison. Bref,
lui il
qui, vérifica-
y avait dans so
ET HORACE VERNET.
301
caractère tout un côté troupier qui demandait à se mani-
d'une façon ou d'une autre,
fester
dat,
se
il
sol-
garde national.
fit...
pour être juste, qu'alors cette institution
faut dire,
Il
ne pouvant être
et,
avait sa raison d'être; en plus d'une circonstance doulou-
reuse
,
donné des preuves de son
elle a
Tous
utilité.
ont vu Horace Vernet à
les Parisiens
de sa
tête
la
légion, en grand uniforme et couvert de décorations qui
,
à
chaque mouvement un peu trop saccadé de son cheval, sautaient sur sa poitrine avec
un bruit de
ferraille.
Quelques jours avant l'insurrection du mois de juin, voici ce qu'il écrivait à son gendre, Paul Delaroche
:
«Versailles, 18 juin 1848.
«... Les
monde
nière, tout le
restera
s'il
compliquent d'une furieuse ma-
affaires se
même
les
est prêt à combattre, et je
deux queues sur
tant les partis sont animés.
Depuis
esta son comble. Faites donc de repris
j'ai
pourrai
le
mon
tableau
*,
la
je verrai si je
Dieu fera c
le
me
et,
une
je les
de placer un
petit
mot
dans
aime de toute mon àme, d'elle;
mais
elle n'a
queue pour s'exprimer, »et dans une
pays,
le
alors,
que
lettre
et
ses il
me
prier
yeux
et
n'y a pas
d'introduire ce genre d'éloquence. Embrassez bien
tendrement pour moi ces chers
1.
fois
regarde, semble deviner que je vais dire
que
pour
je
le reste.
à vos enfants
sa
un mois
porter à l'empereur. Je
m'y trouve encore bien. Alors comme
Diane, qui
moyen
bataille,
peinture!... Cependant,
et-je pense qu'en
terminer assez pour
ne sais pas
champ de
trois jours l'effervescence
déjà écrit à Saint-Pétersbourg,
l'ai
le
ma
petits, et léchez leurs
bête...
La Bataille de Wola
,
commencée en
1847.
mains
JOSEPH, CARLE
302
«Adieu,
que moi
mon
cher ami. Soyez certain que personne plus
n'a envie
unes sur
facultés se recourbent les
faut tendre
le
A mon
de tranquillité.
dépenser en
ne doit pas perdre
inutilités. «
Horace Yernet.
Aussitôt que l'insurrection eut éclaté, sailles
accourut à Paris.
part à la répression
Si elle
hommes depuis
de l'émeute, ce
coup de
l'Institut
la
»
légion de Ver-
ne prit pas une très-grande faute des cir-
fut la
constances, et non celle de son chef:
resta prêt à
les
les autres, et, lorsqu'il
jarret pour les redresser, on
ses forces et les
âge, toutes
il
avait échelonné ses
jusqu'au pont Saint-Michel,
marcher jusqu'à ce qu'on eût
tiré
le
et
il
dernier
fusil.
Revenu
à
Versailles, Horace Vernet organisa
militaire des plus actifs
pour
sécurifé de
la
envoya de nombreuses patrouilles explorer
la
un service
la ville,
et
il
campagne. Les
émeutiers qui avaient pu se sauver de Paris se cachaientdans les bois et
dans
les blés.
Pendant un mois,
nale de Versailles opéra ainsi bon
nombre
la
garde natio-
d'arrestations.
Tandis que Vernet s'occupait de ses devoirs civiques, son atelier chômait.
grand tableau de l'empereur
Bataille
Russie
de
25,000 roubles
la
(
moyen de finir son de Wola , et il l'envoya à
trouva pourtant
Il
,
qui
lui
fit
remettre
en échange
99,000 francs).
Le siège de Rome devait fournir au
talent
d'Horace Vernet
des éléments nouveaux. Le souvenir de ce glorieux d'armes, pendant lequel on
gnage, l'armée suspendre
vit*,
les
fait
suivant un illustre témoi-
coups qui pouvaient porter
la
dévastation au milieu des chefs-d'œuvre de tous les temps et
de tous 1,
Voir
les
peuples
le discours
1 ,
ce souvenir méritait plus encore
prononcé par
le
maréchal Vaillant à
la séance solen-
803
que d'autres d'être perpétué par de en quelque sorte
c'était
de
et
que
les
personne ne pouvait
charger qu'Horace Vernet, un des maréchaux
s'en
peinture. Aussi cette importante
la
savants pinceaux;
tribut de reconnaissance
payer aux soldats,
artistes avaient à
mieux
un
elle confiée, et
commande
lui fut-
partit au mois de janvier 1850, pour aller
il
prendre sur place
les
croquis et les notes qui
lui
étaient
écrivait à Paul Delaroche le
résumé
nécessaires.
A
peine de retour,
de ses impressions «
...
Mon voyage
il
:
à
Rome
heureux; mais
a été fort
j'en ai
rapporté un fonds de tristesse qui se trouve en rapport avec les douloureux,
où
j'ai
été
si
souvenirs que j'y
La conduite plus que
gouvernement
le
mon
heureux, semble avoir suivi
s'y écroule à la fois.
père,
retrouvés. Cette
ai
inerte qui
absence, portent un coup
falal
ville,
Tout
sort!
faible
du
saint-
remplace pendant son
le
au prestige de
la religion.
désertée par ceux qui devaient savoir mériter
L'Église,
palme du martyre se relever qu'un
comme
juif lui
la
l'archevêque de Paris, attend pour
en fournisse
le
moyen, quand nous
avons une belle et noble armée qui vient de verser son sang
pour
rendre
lui
la liberté, et
qui offre de
au prix de nouveaux sacrifices que
y a de ferait
la
la
la
France s'imposera.
des Romains une ingratitude
part
maintenir
telle,
n'en tomberont pas moins,
et
exemple donné au monde, au moment où
les
ils
se régénérer, ont tant besoin de patriotisme
Malgré
je trouve
qu'on
les
ce
serait
du 7
et
de vertu.
menaces de destruction de mon œuvre que
dans quelques journaux, je n'en
juillet,
un
peuples, pour
ferai
pas moins
nelle de la distribution des récompenses, après l'exposition de 1863.
niteur
Il
bien de les abandonner à leur propre corruption; tôt
ou tard
«
lui
)
(/î/o-
JOSEPH, CARLE
304
mon
tableau. Jamais l'armée n'a été plus digne d'être repré-
sentée que dans cette dernière circonstance, où, ayant à
venger d'une abominable trahison,
se
dangers,
s'imposer les
que d'entrer de vive force
en quelques heures, pour
et
éviter les représailles légitimes
prise d'assaut; et, après
ville
succédé à
a consenti à
elle
d'un long siège, plutôt
les fatigues
qui s'exercent dans une la
quel calme a
victoire,
de son intrépide valeur! Nos soldats,
l'élan
plupart venant d'Afrique
où certainement
,
la
n'ont pas
ils
reçu une éducation toute philanthropique, ont un respect religieux pour
aux
et,
arts;
le
moindre objet qui touche au
malgré
le
mauvais vouloir de
culte ou
population
la
qui leur reproche d'être venus pour l'asservir de nouveau
au régime clérical, rien ne
les fait sortir
pourrait prendre pour du mépris,
trouver a
le
caractère de
s'il
de ce calme qu'on ne valait mieux y
la force.
Le premier tableau dont je m'occuperai sera
du bastion n° verra
le
Rien n'est plus beau que
#.
dôme de
le
grands pas,
Prise
fond où Ton
Saint-Pierre, dont l'illumination s'éteignant
en partie semblera prophétiser la ruine vers laquelle à
la
sur
et,
le
il
marche
devant, je mettrai tout ce qu'une
mêlée de combattants acharnés, joint au sang-froid des vailleurs
Cette
du
fois,
tra-
génie, peut donner d'épisodes intéressants...
»
Horace Vernet ne se mit pas à l'œuvre avec
cet entrain qui l'avait toujours distingué dans l'exécution
de ses précédents travaux. La politique quotidienne, ses fonctions de colonel, etc., la
préoccupaient
et lui
prenaient
meilleure partie de son temps. Pendant les journées de
décembre 1851, ne
le
il
fut obligé
fût pas lacérée, et
il
Ton mit à sa disposition
la
de cacher sa fit
toile
pour
qu'elle
transporter à Versailles, où
la salle
du Jeu de Paume, qui
avait déjà servi d'atelier à diverses reprises.
Il
lui
n'avançait
ET HORACE VERNET.
305
9
donc que très-lentement C'est sans doute
de pinceau si
on
le
moins
à
vieillesse qu'à ces hésitations
la
qu'il faut attribuer l'infériorité
compare
de sa tâche.
clans l'accomplissement
de cet ouvrage,
ceux qui l'avaient précédé.
à tous
La couleur de ce tableau lui, car la composition en
est ce
qui choque
mais
est habile,
elle
le
plus en
se trouve
noyée dans une tonalité bleuâtre, désagréable à voir. Vers
époque, M. X***, chargé de peindre un plafond aux
cette
Tuileries, était accusé par le ministre de n'avoir pas fait
son
ciel assez
bleu
«
:
Excellence, répondit-il,
de bleu; M. Horace Vernet
a
,
Le Siège de
exposé au salon de ISo^, n'obtint qu'un demi-suc-
Horace Vernet ne se
cès.
n'y a plus
employé pour son bas-
tout
tion n° 8.)) Cette critique plaisante était juste.
Rome
il
relatif, ainsi
que
le
laissa point abattre par cet
prouve cette belle
échec
lettre qu'il écrivait à
son gendre, pris, de son côté, d'une de ces défaillances fréquentes dans
la vie
«
«
Ce que vous
me
si
des artistes.
dites de votre
15 avril 1852.
découragement,
mon
cher Delaroche, est trop en rapport avec ce que j'éprouve
moi-même, pour que ce ne
soit
laquelle je réponde. L'exemple et
de Gérard n'a rien à
les a
faire
épuisés; nous n'en
première chose à
la
que vous
avec nous
sommes pas
crois pas. La peinture est
en main sans jamais
pas
:
là,
me
citez
de Gros
l'envie, la jalousie
du moins
je ne le
une maîtresse qui passe de main
vieillir;
avec un peu de jugement, on
doit s'en éloigner avant qu'elle ne vous joue de mauvais
tours; s'agit
mon
du
reste, c'est le secret de la vie tout entière.
donc que d'en
faire l'application
Il
ne
en son temps. Pour
compte, je viens de subir une rude épreuve contre
laquelle je
me
roidissais depuis bien
longtemps;
elle
m'a
JOSEPH, CARLE
306
confirmé dans
la
pensée que rien n'est plus
que son éloignement de
monde
la
même
pensée dominante; son sommeil
cesse;
ne
compte,
il
finit
par ne plus savoir où
de comparaison d'une part,
il
de
et
en
sa
lui
procure plus
le
domine sans au bout du
l'use et l'énervé à force d'y songer, et,
il
artiste
aucun repos à
moindre délassement; une seule idée
le
un
multitude et du froissement du
l'isolement ne laisse prendre
:
fatal à
est, faute d'objets
l'autre parce
qu'il
ne
rencontre plus sur sa route cet imprévu qui donne à chacun
de nous «
la
connaissance de sa force.
mon
Je suis convaincu,
dans lequel je suis tombé
cher ami, que l'affaiblissement
est
été possible de soutenir plus
prématuré,
serve
mon
d'avis,
si
rang que mes
triste
exemple vous
cher Delaroche! vous avez bien des
années de moins que moi, vous êtes dans les
succès vous abondent
n'est pas
m'aurait
le
longtemps
travaux m'avaient assigné. Qu'un
et qu'il
;
V'air
force de l'âge;
la
qui nourrit l'imaginalion
dans un fromage, au fond d'une cave,
c'est à ciel
hommes, qu'on
Vous avez
ouvert, et parmi les
le
respire.
des enfants qui vous rattachent au monde, puisque vous
avez à y guider leurs premiers pas; comme père, vous ne pouvez renoncer à remplir ce devoir. C'est donc avec un
profond regret que
j'ai
vu encore
de vos ouvrages. Mais, voir autre part.
chand? Là,
le
Où
me
cette
année
direz-vous,
doit-il aller les
le
Salon veuf
le
public peut les
chercher? Chez un mar-
charlatanisme du négociant vous est imputé
par ceux qui se nourrissent du grain que vous avez semé ils
ne manquent pas de répandre
croiser le fer vous retient, tandis
le
bruit que
;
crainte de
que des étrangers viennent
se pavaner à notre exposition, sur la route
avez tracée.
la
Mon ami, venez donc
les
que vous leur
écraser d'un seul
coup. Aujourd'hui, l'école est une armée qui
manque de
•
ET HORACE VERNE T. Une main comme
chef...
socialisme du haillon
risme un «
vôtre peut seule arracher au
la
ou à
débat contre ses ennemis mortels...
art qui se
tableau, qui remplit
doute
considérant,
lui-même pas mal de ces conditions, qui attire
celui
fâcheuse. Je sens que bientôt flétri
par
la vieillesse,
plombé du Salon, mon
et
n'éborgne pas,
il
plus les regards; en
le
et
on
ou d'ennui
je vais les faire.
vieille
dique plus ce que je voudrais
Horace Vernet devait être
comme
il
avait été celui
peu
mença
importait
lui
le
mais
le
:
autrement
cadran n'in-
comprendre.
»
peintre du nouvel
Empire
du premier. Ses pinceaux n'avaient
le
équestre du Président de
la
nom du
France se battit quelque général en chef.
République
la
un
et par
un
Il
com-
portrait
portrait
Vaillant.
L'expédition de Kabylie militaires.
rien
nouvelle série de tableaux par
cette
du maréchal
La montre marche tou-
là,
faire
pas d'opinion, et, pourvu que part,
avant que,
finir,
marquent plus encore
triture est
quitte sans émotion
la boutique. J'ai promis encore
quelques tableaux,
ma
le
et par anticipation, la triste
fernwr
jours, mais les aiguilles ne
le
faudra en
il
solitude ne vienne
dit,
pompadou-
mignardise du
la
Grâce à l'aspect boueux
est sans
307
Ce
fut
fournit ses premiers sujets
lui
encore pour
prétexte d'un voyage
lui le
en Afrique, et nous donnerons, pour terminer dignement sa
correspondance,
quelques fragments des
lettres
qu'il
écrivit alors.
«
« ...
Il
venu
20 mai 1853.
Un jeune carme
à
moi en
le
ba-
s'y trouvait;
mon attention, lorsque tout à coup me disant « Ne me reconnaissez-vous
son air inspiré attirait est
,
m'est arrivé une singulière rencontre sur
teau de Valence à Avignon.
il
Cette
:
JOSEPH,
308
«
pas? Je suis Je suis
« juif.
allé
élève de Listz,
«
embrasser.
»
comme deux gagée
une tion
de
!
Et nous voilà dans les bras l'un de l'autre
tourné à
religion.
la
m'adressait
pensées
que
le
bien vite en-
s'est
Jamais je
a
il
monde Le
les plus chrétiennes...
je crois vrai, c'est
en toutes choses disposent
parlé de l'influence
F écoutait, et pendant
frère
Hermann
que l'harmonie
le
cœur
à
«
Le beau temps
montagnes
si
décrire sans
grandiose
et
belles et
rester
est
si
et la
aimer
que de nobles pensées en portant l'âme vers
« ....
entendu
n'ai
noble inspira-
si
d'exhorter son auditoire à former
n'a cessé
il
parole,
la
sur les arts; tout
cinq heures
ceci,
il
jeune Cahen,
le
ami de Thalberg. Permettez-moi de vous
éloquence accompagnée d'une
Comme
la foi
les
Hermann, ci-devant
pauvres. La conversation
et elle a
telle
bien des fois chez vous, lorsque j'étais
le frère
«
C A RLE
Kabylie
,
et n'inspirent le ciel... »
12 juin 1853.
revenu; nous parcourons des
variées qu'il est impossible de les
au-dessous de
la
C'est d'un
réalité.
d'une sévérité qui dépassent tout ce que
vu dans mes voyages. Ces vastes solitudes inspirent pect.
Le peu de gourbis qu'on rencontre sont
témoins qui attestent
menses le
disait
mélodie
le
passage de l'homme dans
forêts; des oiseaux, des
res-
le
les
j'ai
seuls
ces-
im-
rossignols, etc., chantent
jour, et les bêtes féroces rugissent la nuit; ces délicieux
concerts, remplacés par des hurlements qui font frémir les
échos, partagent l'âme en
quatre heures, l'esprit
comme
le
deux sections toutes jour et
la
nuit.
Il
le
la
uature;
jour dure,
ce ne sont que maehines de guerre qui gravissent les
tagnes pour les redescendre
comme
vingt-
appartient à
de l'homme d'intervertir cet ordre de
car en vérité que faisons-nous ici? Tant que
les
mon-
des ruisseaux de feu
ET HORACE VERNET. brillant
au
soleil
;
309
chacun retrouve
et la nuit,
cœur
clans son
souvenir de ses affections et l'espérance dans l'avenir.
le
Voici donc ce que nous faisons
nous pour se retirer chez
ici
Kabyles fuient devant
les
:
Beni-Affer;
les
là,
il
y aura sans
doute ce qu'ils appellent une journée de poudre, pour
l'ac-
quit de leur conscience; mais ce ne sera pas grand'chose
vivres,
Nous regorgeons de
faites d'avance.
soumissions sont
les
magnifique de santé
et l'armée est
;
et d'entrain... »
Voici une lettre curieuse, parce qu'on y trouve la pre-
mière pensée, et, en quelque sorte,
commentaire d'un
le
des derniers tableaux exposés par Horace Vernet,
la
Messe
en Kabylie. «
«...
Juki 1853.
La pluie tombe avec fureur; nous sommes dans
jusqu'au ventre; nos tentes ne sont plus un abri brûle pas; heureusement,
il
ne
pas de malades, et tout est gai
fait
pas froid
comme
si
,
;
le
l'eau
bois ne
nous n'avons
le soleil
brillait.
Dans notre dernière marche, douze mulets ont roulé à plus de
trois cents
les imiter.
mètres; un seul
a jugé à propos de
Les soldats du génie sont admirables d'énergie;
travaillent à réparer les routes
ils
lent de toutes parts;
supporter de
Trappe a
dit la
il
:
en corniche qui s'écrou-
faut être plus
fatigues.
telles
très- beau spectacle la
homme
que des hommes pour
Dimanche, nous avons eu un
après l'investiture des caïds,
messe en plein
air sur
un
bours, surmonté d'une croix de bois rustique,
qué
à
l'
R. P. de
autel de le
tam-
tout fabri-
improviste parles soldais et orné d'une multitude de
fleurs plus belles et plus variées les
l'élévation, le vent cette scène, ce qui tée sur des nuages. sie
le
rabattait la lui
unes que
A
fumée de canon sur toute
donnait par instants
On ne
les autres.
l'air d'être
peut se faire une idée de
de cette réunion de choses hétérogènes, dans
por-
la
poé-
le
plus
JOSEPH, CARLE
310
beau pays de montagnes qu'on puisse imaginer, avec
mer pour
L'année suivante, Horace Vernet partait pour l'Orient. passa les mois de juin, de juillet et d'août
avec notre armée; mais
1
11
854, à Yarna,
n'avait plus cet entrain qui jadis
il
supporter gaiement les fatigues de
lui faisait
la
horizon... »
la
vie militaire.
Les lenteurs forcées du siège de Sébastopol usèrent bientôt sa patience, et
il
revint en France.
Voici ce qu'il écrivait le lendemain de la bataille d'Inker-
mann
:
Ces pauvres Anglais se sdnt-ils
«
africain)! cela* siste
il
Il
fait
esquinter (terme
nous faut toujours venir à leur secours; sans
n'en resterait peut-être pas un. La guerre ne con-
pas à se faire tuer courageusement; l'intelligence doit
dominer pour gagner des
batailles.
ne se connaissent pas,
les soldats
Lorsque
les
uns
les officiers et
et les autres
vent faire leur devoir individuellement, niais
peu-
les résultats
sont des pertes énormes sans autre succès que de rester sur la place.
Dans l'armée
française, les officiers sont l'esprit
des soldats qu'ils commandent, avec lesquels cesse, avec lesquels les
mêmes
ils
souffrances...
partagent
les
ils
mêmes
vivent sans
privations et
»
L'Exposition universelle de 1855 fut pour Horace Yernet le
couronnement de sa vie
d'artiste.
tous ses meilleurs tableaux et obtint
son nom. le
11
fut
même désigné
premier d'entre eux,
mière récompense,
mieux
comme
l'école française
entra en lice avec
un succès digne de
d'abord par ses rivaux
on voulait
et
Il
lui
décerner
comme la
pre-
au peintre qui représentait
dans cette grande
et
le
noble lutte des
nations entre elles. Mais on pensa avec raison qu'il y avait
dans et
on
l'art finit
contemporain des notoriétés égales à par mettre sur
la
même
la
ligne, tous les
sienne,
hommes,
ET HORACE VERNET. qui,
des
à
311
divers, avaient pris rang de maîtres.
titres
Vernet écrivait alors à propos d'un de ses collègues ces
quelques phrases, où l'on retrouve
de son esprit «
tournure habituelle
la
:
X*** vient d'avoir un coup de sang, tant
rir,
il
a
manqué mou-
Que
est inquiet de son exposition.
il
ces pauvres
gens sont à plaindre avec leur orgueil! Que gagnent-ils à leur charlatanisme? petites bêtes je
se faire mettre des sinapismes et des
ne sais où. Pour moi, je ne suis pas
puis m'asseoir sans douleur à
lin, et je
la
ma-
si
place qui m'a été
»
faite...
On
De
aurait tort de prendre au pied de
blants de modestie.
Gomme
la lettre
ces sem-
tous les grands artistes, Horace
Vernet se préoccupait beaucoup des impressions du public à son égard. Cependant, sur la fin arrivé à
il
en
était
une certaine philosophie chrétienne qui
lui
per-
de sa
vie,
mettait de voir et de juger les choses de plus haut. Il
revenu de
était
Nous n'avons pas
loin.
discuter ses opinions religieuses ;
comme
sa tombe.
de
citer
laquelle sujet
:
«
la
un creux.
nade d'incrédulité qui qu'il était
en
soit,
même
désavouée
par
rester
murée
y a bien longtemps, de ce grave
il
Que voulez- vous? j'ai
doit
nos
là
que rapporte une personne avec
lui
s'entretenait,
bosse, moi,
homme
de
l'intention
ce ne sont point
Mais nous ne saurions résister au désir
un mot de il
d'un
conscience
affaires
;
la
le
disait-il,
» C'était
où
les autres ont
une
peut-être une fanfaron-^
poussait à parler de la sorte. Quoi
suite,
le
creux avait été rempli, et
il
poussé à sa place une bosse que n'eussent pas les chrétiens les plus fervents.
Ayant perdu
sa première
Venue à se consoler de
la
femme, qui
n'était
jamais par-
mort de leur charmante
avait épousé ën secondes noces
fille,
il
une veuve jeune encore,
JOSEPH,
312
C A RLE
madame de
Boisricheux, qui
vouement
une abnégation sans bornes pendant
et
soigné avec un entier dé-
l'a
sa dernière
maladie. L'âge, et partant l'expérience, qui en est le triste fruit,
avaient donné à son esprit une teinte plus sombre. Dans
que
ses dernières lettres, on trouve souvent la preuve
pensées suivaient
la
pente des années.
ses
se plaisait à phi-
Jl
losopher doucement, d'une façon plutôt résignée que douloureuse. «
A
deux, écrivait- il, on est plus
plus heureux dans «
joie!
la
Un ivrogne
boit tout seul est indigne de vivre.
de
dit-on. Je suis
«
disait
et
«Celui qui
:
La vérité dans
»
le vin,
mort
la
»
Les tiraillements entre amis ne laissent que des lam-
beaux qui ne profitent qu'aux chiffonniers... «
mal
le
de l'ivrogne. L'égoïsme est
l'avis
du cœur...
civile
fort contre
II
est bien vrai
qu'on aime plutôt
pour eux. Voilà ce que à sentiments qui
sans songer que
c'est
gens pour
que
soi
que de nous! Pauvre machine
marche devant le
les
»
elle
comme une
convoi de toutes
les
locomotive,
misères de
la vie
est accroché derrière elle, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien
pour
la faire
mouvoir!
Il
faut
donc
se dire
que
n'est autre chose
que
pour ce qui nous
est plus cher encore, jusqu'à ce
vienne arrêter
âme 11
les
bien
faire le
de ce qui nous est cher
le sacrifice
mouvements de notre cœur
que
et
la
mort
que notre
s'élève vers son Créateur... »
ne faudrait pas croire cependant qu'il eût tout à
perdu ce vieux fonds de gaieté qui tinctifs
était l'un
de son caractère. Non, mais
ses élans,
et
cherchait,
éviter tout ce qui aurait vieille tète
comme pu
il
il
traits dis-
se reprochait parfois
le disait
paraître «
des
fait
plaisamment, à
trop jeune dans
illuminée par quatorze lustres.
»
une
HORACE
ET Il
priété
charmante
Là,
travaillait
il
dès qu'il n'était pas malade.
de mars 1858,
ma
ma
Toute racornie
sac
lui fais sa toilette
M. Yvon
écrivait à
il
mon
palette.
aux environs d'Hyères.
qu'il avait achetée
porté dans
vieille
Deux ans de ses
après,
petits-fils,
me
M
il
dit,
disait
dans une
lettre
Philippe Delaroche
:
m'amuse comme un
roi.
sou-
le soir, je vais
moindre de ses
la
comme
matin,
le
«
me
faveurs... »
adressée à l'un
Depuis quelques
suis remis à peindre. Je fais des
nature, ce qui
ap-
« J'ai
et toute déjetée qu'elle soit, je
de temps en temps,
coucher sans avoir obtenu
:
autrement
maîtresse,
venir du passé; mais malheureusement,
jours, je
313
une grande partie de l'année à Bonnettes, pro-
passait
Au mois
VER.NET.
En
bœufs d'après raison
de mes
yeux, je ne serai peut-être pas plus heureux que Louis XIV,
quand
il
faisait
comme un
des vers; n'importe! je jouis
enfant, lorsque je patauge dans
Ses derniers ouvrages furent
Zouave trappiste,
de :
les Portraits
couleur...
la
la
»
Bataille de l'Aima, le
des maréchaux Pélissier,
Ganrobert, etc. C'est ainsi qu'il arriva lentement, par des alternatives de
repos forcé et de joyeux travail, au terme de sa glorieuse carrière.
Il
s'éteignit le
M janvier 1863,
après une terrible
agonie, que surent du moins adoucir les tendres soins de ses petits-fils et la «
de tout son entourage.
vie qu'une seule chose,
Mourir dans
bien
la
mon
lit
la
comme un
peine d'avoir tant aimé
ne regrettait de
Il
manière dont
la
épicier,
marine
il
la
quittait
:
disait-il, c'est
et l'armée! »
Ses dernières volontés étonnèrent tous ceux qui l'avaient
connu. Peu de jours avant sa mort,
qu'on ne il
lui rendit
il
aucun des honneurs funèbres auxquels
avait droit. Lui qui s'était toujours
passionné de
la
exigea de sa famille
montré un amant
gloire et de ses hochets,
il
si
avait fini par se 18
,
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
314
sentir las de toutes les distinctions
accorder 1
aux
vie,
avait vu
En
.
outre,
funérailles
que ces
que
avait assisté,
il
les
hommes peuvent
dans
le
de bien des personnages
tristes
cours de sa
illustres, et
cérémonies dégénèrent
le
plus sou-
vent en une espèce de fête publique, où l'ostentation et curiosité convient la plupart des assistants.
il
la
Pour épargner
à ses cendres les larmes hypocrites et les discours apprêtés, il
ordonna qu'aucun signe extérieur ne pût révéler son
nom aux rait
passants qui croiseraient son convoi. Mais
su empêcher
la
il
n'au-
manifestation spontanée qui a eu lieu
:
ses amis et ses admirateurs ont formé autour de son cercueil
un immense cortège,
jusqu'au
champ du
justement
repos
1.
Il était
membre de
tions connues. officier
une
de la
lettre
ils
la
trente
ont tenu à accompagner
dernier représentant d'un
illustre, l'artiste le plus
peintre national de
le
le
et
populaire du xix
e
nom
siècle*
France, académies,
et
il
avait toutes les décora-
Pendant sa dernière maladie, il reçut la croix de grandLégion d'hdnneUr, que l'Empereur lui avait envoyée avec
autographe.
APPENDICE
ESSAI DE CRITIQUE SUK
L
OEUVRE
DES TROIS VERNE T.
Le lecteur a peut-être remarqué avec quel soin récit
long
le
qui précède avait été dégagé de toute dissertation cri-
Pour ne point entraver
tique.
la
marche des événements,
nous avons mieux aimé consacrer un chapitre spécial cette Si,
à
partie de notre sujet.
d'un coup
cl'
œil,
on embrasse l'œuvre des
trois Vernet,
on y distingue tout d'abord certaines qualités qui, sont de famille pour ainsi dire une extrême souplesse de pinceau, :
une fécondité prodigieuse, une touche très-fine,
une entente peu commune des accessoires
grande science du l'amour de les
trois
très-spirituelle
la
détail. Dirigés
par
les
mêmes
vérité et la haine de la routine,
atteint le
même
but
:
la
reproduction
et
et
une
principes,
ils
ont tous
fidèle
de
la
nature.
La parenté qui aussi entre
leurs
les
relie les
talents;
uns aux autres existe donc-
néanmoins, chacun d'eux
a su
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
316
conserver, sous cette apparente uniformité, son caractère individuel, et C'est ce
il
est indispensable de les étudier séparément.
que nous allons essayer de
De son
faire.
vivant, Joseph Yernet a eu
la
rare fortune de ne
trouver que des admirateurs. Les critiques du xvnr° siècle lui
rendirent
pleine justice;
d'une appréciation saine
parfois,
mesure
la
Diderot met-
et impartiale. Ainsi,
paysages de Yernet au-dessus des chefs-d'œuvre
du Lorrain, sans lait à
même
jusqu'à outre-passer à son profit
avouons-le,
tait les
allèrent
ils
se douter
qu'un pareil jugement équiva-
un véritable blasphème.
Les littérateurs aiment surtout quoi qu'on fasse, on reste orfèvre
la :
peinture littéraire;
c'est ce
qui, joint à la
valeur incontestable des œuvres de Joseph Vernef, explique
Les critiques y trouvaient des
exceptionnel.
leur succès
De
qualités d'esprit bien dignes de les charmer. sujets choisis
par
l'artiste leur
thèmes sur lesquels les
ils
Salons de Diderot
les
fournissaient d'excellents
pouvaient disserter à
Lisez
loisir.
modèles du
qui sont restés les
*,
plus,
genre, vous verrez qu'à chaque exposition nouvelle l'écrivain réserve ses éloges les plus chaleureux et ses meilleures
pages pour
les
Tempêtes de son ami.
Il fait
lui-même des
tableaux d'après les tableaux qu'il a sous les yeux, et le
sinistre réel
s'apitoie sur le sort des naufragés;
;
il
il
nouille à côté des vivantes épaves
que
la
mer
il
tendrit de phrase en phrase,
pleure de vraies larmes, sentation
I.
comme
à la fin s'il
s'age-
rejette sur le
rivage, son imagination s'allume, sa pitié s'exalte; et,
il
choisies de Diderot,
t.
s'at-
de sa période,
assistait à
il
une repré-
du Père de famille ou du Fils naturel.
OEnvrcs
ks
croit être témoin d'un
pousse au noir
plus possible;
il
II, p. 135 et suiy. Paris, ]847.
APPENDICE. De
tous les objets d'art qui ornent sa chambre, celui au-
quel Diderot tient lui a
donnée.
Dieu
«
11
Tempête que son ami
plus, c'est la
de ce chef-d'œuvre
t'abandonne tout (ce que
je
!
le
faut l'entendre parler
prends tout; oui,
tout,
Vernet! Ce n'est pas
le
317
excepté
j'ai
qui
re-
Res-
l'as fait.
Vois ce phare
tien.
ie
;
Yernet. Ah! laisse-moi
le
l'artiste, c'est toi
pecte l'ouvrage de l'amitié et
chez moi)
:
;
vois
cette tour adjacente qui s'élève à droite; vois ce vieil arbre
que
vents ont déchiré.
les
cette terrasse inégale, qui
mer
la
:
c'est l'image
Que
masse
cette
descend du pied des rochers vers
des dégradations que tu as permis au
monde
choses du
temps d'exercer sur
les
Ton
autrement éclairée
soleil l'aurait-il
cet
tis
ouvrage de
Prends en
pitié les
l'art,
celui-là,
Vois
la
plus solides.
les
Dieu!
?
si
tu anéan-
on dira que tu es un Dieu jaloux.
malheureux épars sur
prière de celui-ci
la
est belle!... Vois
qui
te
cette rive...
Aide
remercie.
les
Écoute
efforts
de
qui rassemble les tristes restes de sa fortune... terreur que tu as inspirée à cette
rend grâce du mal que tu ne
as pas
lui
femme.
fait.
Elle te
Cependant,
son enfant, trop jeune pour savoir à quel péril tu l'avais exposé,
lui,
son père et sa mère, s'occupe du fidèle com-
pagnon de son voyage Dieu! reconnais
les
:
sombres nuages que
les
plu de dissiper! Déjà la
rattache
ils
tu
le collier
tu
le
cet horizon la
mer
de son chien...
as créées!... Reconnais
avais assemblés, et qu'il
se séparent,
lueur de l'astre du jour renaît sur
présage
à
il
eaux que
ils
t'a
s'éloignent; déjà
face des eaux; je
la
calme, à cet horizon rôugeâtre. Qu'il est loin, !
il
ne confine pas avec
sa tranquillité.
Permets
le ciel
:
achève de rendre
à ces matelots
de remettre
à flot leur navire échoué; seconde leur travail; donne-leur
des forces, et laisse-moi la
mon
tableau
!
Laisse-le-moi
comme
verge dont tu châtieras l'homme vain. Déjà, ce n'est plus 18.
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
318
moi qu'on
qu'on vient entendre;
visite,
Vernet qu'on
admirer chez moi. Le peintre a humilié
vient
sophe
philo-
le
»
Grimm, Bachaumont, donnée par
sion
c'est
tout entier
le
d'autres encore suivirent l'impul-
chef des encyclopédistes, et
public
le
marcha derrière eux.
Aujourd'hui,
la
postérité a établi le niveau de son juge-
ment. Sans avoir laissé notre artiste au rang suprême que lui avait
assigné l'enthousiasme de ses contemporains, elle
ne la cependant pas trop abaissé.
En somme, Joseph Vernet de
la
est le meilleur
peinture de marine dans l'école
,
ses Clairs de lune, ses
pandus aujourd'hui
sut
Il
Cou-
distingué, tout en restant vrai. Ses
être original et
chers de soleil
représentant
française.
Naufrages, ré-
profusion dans les différents musées
à
de l'Europe, sont empreints d'une poésie douce
péné-
et
trante.
dessinait bien,
Il
composait mieux encore,
pas un coloriste dans toute leur n'a
la
force
du moins rien de choquant;
harmonieuse, très- fondue
et
s'il
n'est
sa
cou-
même
très-
et,
du terme, elle est
manque seulement un peu
d'éclat.
Lorsque dans
le
veut trouver des rivaux à Joseph Vernet
l'on
genre où
il
est passé maître,
il
aux écoles étrangères.
que Van den Velde
Bakhuysen; mais
et
faut les
demander
n'est peut-être pas aussi correct
Il
il
a embrassé un
horizon plus vaste que celui des peintres hollandais ou
mands, Il
et ses tableaux laissent plus à
penser que
fla-
les leurs.
n'a pas la fantaisie merveilleuse de Turner, mais son ta-
lent est plus clair, plus gai, plus net, et,
1.
Regrets sur
ma
vieille
robe de chambre,
de
Œuvres
même que
choisies,
t, I
,
l'un
p. 247.
APPENDICE. du génie britannique,
est l'expression fidèle
l'autre
répond
à merveille aux divers besoins du génie français.
Joseph savait, du
reste, à
quoi s'en tenir sur son propre
mérite.
Diderot, qui a destie, cite ce
demandez
-
naïveté ou
la
jugement
vous
malice de louer sa mo-
qu'il portait sur
je fais
si
la
ciels
les
vous répondrai que non;
les
figures
vous répondrai que non;
les
arbres
lui-même
:
«
Me
comme tel maître? Je comme tel autre? je et le paysage comme
même réponse; les eaux, les comme celui-là? même réponse
celui-ci?
brouillards, les va-
peurs
encore
chacun d'eux dans une les autres.
» Tl
on
avait,
partie, je les le voit,
:
inférieur à
surpasse dans toutes
conscience de sa valeur, et
possédait cette dose d'orgueil qui est peut-être indispen-
aux
sable faisait
artistes
pour se soutenir dans
lui-même, avec tant de bonhomie,
la lutte.
les
Mais
il
honneurs de
son péché mignon, qu'il faudrait être bien rigide pour ne absoudre. Écoutez-le plutôt répondre aux com-
l'en point
pliments d'un de ses correspondants qui
argent de tout,
fait
tout ce
dit-il, fait
que vous venez de
me
:
«
Mon amour-propre,
aussi ses choux gras de
dire de flatteur. C'est
donc
pour égayer votre cabinet que vous avez placé mon tableau parmi il
les
Paul Potter,
les
Ruysdael, les Van den Yelde, où
doit jouer le rôle de paillasse... Sans
mon amour-propre, me
qui tourne tout en bien, j'aurois pris tout ce que vous dites
À
pour un persiflage tout prendre,
il
»
s'admirait dans de certaines limites
qu'à sa place beaucoup de ses confrères eussent dépassées «
Je pense, avouait-il
croire,
1.
que
je suis le
Lettre publiée par
friches,
un
jour, et
premier dans
le
public
mon
me
genre,
:
force de le
que nul ne
M, Dumesnil dans son Étude sur Thomas Des^
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
320
fait
mieux que moi, mais
On
est
K
persuadé
je sois
»
encore plus surpris du grand nombre de tableaux
remarquables conditions
qn'il a produits, travaillait.
il
quand on
qui
lui
les difficultés qu'il a
a fia ire à
dans quelles
sait
faut lire le registre sur lequel
Il
commandes
inscrivait les
comprendre
ment
que
s'en faut
il
qu'on ne puisse mieux faire
2
étaient faites
surmontées.
pour bien
,
Il
avait rare-
des amateurs assez intelligents pour
maître du sujet
devait traiter.
qu'il
On
le laisser
dans
entrait
il
les plus
minutieux détails; on convenait d'avance des proportions. L'un voulait
«
une
te
m prie
avec une grande montagne dans
fond, obscurcie par l'ombre d'un nuage;
le
plus explicite encore;
il
un autre
»
était
demandait «un tableau de 3 pieds
7 pouces et demi de large sur % pieds 6 pouces de haut,
devant représenter un
chauds de
couchant dans un jour des plus
soleil
avec un quai orné de superbes édifices, de
l'été,
toute sorte de bâtiments maritimes, et beaucoup de figures;
de l'autre côté, de grands arbres touffus sur un terrain
et,
qui avance dans
mer où sont abordés quelques bateaux,
la
des baigneuses sous
et
Celui-ci désirait
«
la
fraîcheur desdits arbres, etc..
un couchant avec des
singuliers, et l'arc-en-ciel dans le fond;
tempête dans un le fond,
où
il
y
lieu
le
:
une
«
devant qui ont fait naufrage,
une ou deux femmes qu'on
vieillard qui
celui-là
sauvage avec quelque bout de ruine dans
des figures sur ait
de lumière
effets »
»
rend grâce au
ciel d'être
autres choses convenables au sujet.
»
retire
de
l'eau,
un
sauvé, un chien et
Un Anglais
exige
«
un
pays agreste avec rocher, hautes montagnes, torrents, cascades, troncs d'arbres,
du mouvement dans les
Voyez un
article nécrologique publié le 6
zette nationale
ou Moniteur universel, n° 106.
1.
%.
Ce
figures, etc. ..»
décembre
registre fait partie des manuscrits publiés par
1789, dans la
M. Lagrange,
Ga-
A
Nous n'en
finirions pas,
commandations
PPENDICE.
si
321
nous voulions dont
ridicules
citer toutes les re-
amateurs accablent
les
le
pauvre peintre, qui paye bien cher leurs faveurs.
Une
autre plaie de
à
l'art
époque
cette
,
manie
c'est la
des pendants. Vernet fut l'une des victimes de cette préoccupation bourgeoise qui
meuble plus ou moins le
joli et
calme
et
si
lui
une tempête, un soir
bon
celui-ci était
commandait pas deux ou
livrer
fallait
11
un clair de lune, un lever pis
d'un tableau un
commandait une ou deux
lui
de paysages assortis.
faire
plus ou moins facile a placer
On ne
long d'une muraille.
quatre paysages, on
consiste à
et
en
môme
un matin, un midi
et
un coucher de
et
paires
temps un
Tant
soleil.
mauvais;
celui-là
et
séparés,
ils
n'avaient plus aucun prix pour ces féroces amateurs de vulgaires antithèses.
On
est saisi
fonde à l'endroit de fois
il
a
dû peindre
d'un sentiment de pitié prolorsqu'on voit combien de
l'artiste,
les
quatre parties du jour.
Et cependant Joseph Vernet détestait
du moment.
rapportait volontiers à l'inspiration
donc tout avantage à
lui laisser carte
demandait un tableau.
Si
l'on
les entraves; Il
s'en
il
y avait
blanche, lorsqu'on lui
veut savoir quelle était au
juste sa manière de procéder, on n'a qu'à lire cette lettre écrite par lui à
M.
un amateur de
G
ses
amis
IRARDOT DE MARIGNY. «
«
mes
...
Paris, ce 6
Je ne suis pas habitué à faire
tableaux, et je n'en
composer sur
la toile
ai
jamais
du tableau que
;
d'ailleurs, l'espace
me
mai 1765.
des esquisses pour
Ma coutume
fait.
est
je dois faire et
peindre tout de suite pour profiter de imagination
:
fait
la
chaleur de
de
de le
mon
voir tout d'un coup
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
322
ce que je dois y faire et
me
mais je suis assuré que
composer en conséquence
fait
une
je faisois
si
;
petite esquisse,
non-seulement je n'y mettrois pas ce qui pourroit être dans le
mon
tableau, mais j'y jetterois tout
tableau en grand en deviendroit froid
une espèce de copie qui
alors
gêné
si
me
j'avois
cuter en grand,
ce seroit aussi faire
;
gêneroit. Je serois aussi
douteux que, lorsque
me
il
changements que
je
voudrois l'exé-
viendroit dans la tête d'y faire des
je n'oserois hasarder,
crainte qu'ils ne
fussent pas
du goût des personnes pour qui
tableau...
fout qu'on
me
laisse
lorsque je suis gêné par
la
que
ordinaire,
»
les entraves, et
aux jeunes gens qu'on envoyait
chait
mon
moindre chose
détestait autant la routine
je ferois le
L'expérience m'a
libre...
appris que je fais toujours plus mal qu'à
Il
sûr, le
donné une esquisse qu'on eût approuvée,
puisqu'il n'est pas
Il
coup
feu, et, à
à
Rome
il
repro-
d'apprendre
à faire de vieux tableaux en copiant les maîtres. II
vait
connaissait à merveille les ressources de son art,
au juste où s'arrête
Lorsqu'on
parlait
lui
le
impossible de rendre sur à s'incliner alors,
don de créer accordé
de cet éclat de la
toile, et
humblement devant
disait-il,
peut monter.
la
à l'artiste.
lumière
qu'il
est
qui force les peintres
leur divin
qu'il faut savoir
et sa-
modèle
:
«
C'est
descendre, puisqu'on ne
»
Joseph Vernet n'a jamais été mieux jugé que par un peintre très-médiocre, devenu,
un très-bon
comme
cela se voit parfois,
critique d'art: « L'ordonnance de ses ouvrages, 2 ,
a
une unité
1.
Cabinet de l'amateur
et
de l'antiquaire
2.
Observations sur quelques grands peintres
écrivait Taillasson
devant Académie de peinture. Livre excellent et trop peu
1
lu.
parfaite,
si
,
t.
qu'on ne pour-
II, 1843. ,
par Taillasson
,
de la
ci-
vol. in-8°. Paris, 1807, v. p. 122 et suiv.
On
conserve au Louvre
le
tableau peint
APPENDICE. en ôter
rait
moindre partie sans leur nuire;
la
que par
fait les figures,
et
manière dont
la
a
il
elles sont
bien
si
composées
par celle dont elles sont peintes elles contribuent tou-
jours beaucoup à saisi
général de ses tableaux...
l'effet
l'ensemble des tons que
du jour;
rentes heures
nombre de
faits
comme
noblesse des vaisseaux; leurs cordages,
a bien
nature présente aux diffé-
peut en
nommer beaucoup que
lui... Il a
bien rendu l'imposante ont donné tous
d'autres leur
si
lui seul leur
autre touche autant que
la
Il
admirable aussi dans un grand
est
il
détails, et l'on
personne n'a
la
323
a donné toute leur âme. Quel
en
lui,
les
peignant tourmentés par
fureur des vents et des flots? Leurs agrès, leurs mâts
brisés,
leurs voiles déchirées, leurs tristes débris ont l'in-
térêt le plus attachant...
Ce qui
fait
»
surtout aujourd'hui la réputation de Joseph Ver-
net, et ce qui constitue peut-être
sérieux pour
la postérité,
tant d'originalité
même
en
temps,
harmonieuses
il
a
titre
de gloire
le
plus
ce sont les Ports de France .11 est
surprenant que dans une *. Il
son
commande
officielle
ait
il
montré
a fait des portraits de villes exacts,
et,
composé de beaux tableaux aux lignes
et savantes.
a toujours choisi son point de
Il
Vue avec un goût très-sûr,
et,
lorsque
vait représenter ne lui plaisait qu'à
modèle
le
demi
,
il
l'a
qu'il
de-
relégué au
second plan, pour placer au premier des accessoires, des navires, des groupes de personnages traités avec
beaucoup
un véritable tour de
force que
d'esprit et
de
finesse. C'était
l'artiste avait à
accomplir, et
il
s'en est tiré à son plus
par Taillasson pour sa réception à FAcadémie levant à Phîlôctète ï.
Il
faut dire
les flèches
:
Ulysse
et
grand
Néoptolème en-
d'Hercule.
que jamais commande ne
fut plus intelligemment faite.
Les instructions que M. de Marigny avait données à Joseph Vernet avant son départ étaient précises sans être gênantes. les
On
cadres, mais on lui laissait le soin de les remplir.
fournissait à l'artiste
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
324
honneur sans que rien dans son œuvre tigue, la
gène ou
«A père
prodigue,
de donner une
fasse sentir la fa-
l'effort. fils
avare
»
!
— Carie Vernet s'est chargé
de plus raison au proverbe. Autant
fois
Joseph était laborieux, autant Carie se montra économe de son travail,
dant,
s'il
est
aussi,
lui
permis de parler
une très-grande
Téloignaient de son art, et
il
tableau de lui au Louvre;
puis très-longtemps. Son le livret
ainsi.
facilité;
Il
mais ses goûts
a peu produit.
Versailles
11
n'y a qu'un
encore n'est-il pas exposé de-
nom
ne figure que rarement sur
des principales galeries de l'Europe.
Musée de
avait cepen-
11
au
faut aller
pour retrouver quelques-uns de ses
ouvrages qui permettent d'apprécier l'ensemble de sa carrière. C'est ce lui
un nom
;
qui explique
comment
de
est surtout resté
il
beaucoup de personnes savent
un
qu'il fut
peintre distingué, sans connaître aucune de ses œuvres. a eu pourtant des qualités très-sérieuses et
une influence
incontestable sur les écoles nouvelles. Le premier pit
en visière avec
il
les traditions classiques, et sut
des sentiers où depuis lors d'autres ont
Il
romtracer
marché glorieuse-
ment.
La principale innovation de Carie Vernet consiste dans la
manière dont
il
traita les
tableaux de batailles, à une
époque où Gros composait ses magnifiques épopées.
Il
ne
voulut copier ni les mêlées fougueuses et corps à corps du
Bourguignon, d'Aniello Falcone ou de Salvalor Rosa, portraits
royaux de Van der Meulen qui servent de pre-
miers plans à d'immenses cartes stratégiques. la
ni ces
convention pour ne chercher que
commencé une réforme que son mieux encore. Grâce à
fils
Il
abandonna
la vérité, et
s'est
il
a bien
chargé de terminer
leurs doubles efforts, nous assistons
maintenant à des combats
réels,
où tous, chefs
et
soldats,
APPENDICE. jouent leurs rôles; nous voyons
guerre
la
,
telle qu'elle se fait
la
325
représentation exacte de
depuis
le
commencement du
siècle.
La manière dont Carie Vernet a compris
et interprété les
formes du cheval tranche très-nettement aussi sur celle de prédécesseurs
ses
II
a renoncé au noble
coursier (cette
expression prétentieuse peut seule donner une juste idée
de l'animal qui a servi de type à certains peintres),
ou flamands.
Il
consacra ses pinceaux à l'étude de
qu'en habile écuyer juré des pur sang.
et
il
a
gros chevaux des maîtres hollandais
laissé à l'écurie les
Il
il
préférait, et
poussa
il
se
même un peu
fit
la
race
le portraitiste
trop loin l'amour
eu raison de
de
ces bètes fines et élégantes; car
les
prendre pour modèles dans ses steeple ou dans ses
chasses à courre,
il
mieux
eût
s'il
a
d'en choisir d'autres
fait
pour ses batailles. Dans l'étude du cheval, surpassé par
mais
le
c'est déjà
plus illustre de ses élèves, par Géricault;
un mérite que d'ouvrir
à léguer à ses successeurs
nombre
la
vraie voie, quitte
soin de l'élargir.
le
Si Carie Vernet a produit
a laissé un
devait être
il
peu de tableaux
,
du moins
il
très- considérable de lithographies. Ce
genre de travail convenait mieux à sa nature paresseuse; il
utilisait ainsi
sans geine les qualités prime-sautières de
son esprit et improvisait en
se jouant
mantes, qui n'exigeaient pas de qu'eussent demandés D'ailleurs,
grisâtre de
il
la
n'était
les
rien
mille et
lui
un
la
des scènes charsuite et le
détails
moins que
de
la
soin
peinture.
coloriste, et la teinte
pierre ne choquait pas ses yeux.
Il
avait
donc
tout profit à se servir d'un procédé qui, en lui laissant ses qualités, lui enlevait le plus saillant 1.
L'œuvre lithographié de Carie Vernet
in-folio.
de ses défauts se
1 .
compose de neuf volumes
Cabinet des estampes. DC. 29-34. 19
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
326
A
partir
du moment où Horace Vernet eut obtenu
premiers succès, Carie ne produisit plus que
envoya seulement de Salon.
en
loin
loin
quelques tableaux au
même
avait le sentiment de son infériorité, et
11
se l'exagérait. C'est ce qui lui a fait dire, sur son
mort, ce mot touchant de tendresse paternelle et «
Je ressemble au grand dauphin
jamais
roi
!
fils
:
père de
:
roi,
juger d'après
fière
devise
«
:
Malgré
constamment heureuse.
serait injuste, disons plus,
homme
roi,
de
filiale
lancé au destin était inutile; jamais
ce défi
carrière d'artiste ne fut plus Il
de
lit
il
»
Horace Vernet avait pris cette tout! » Mais
ses
peu, et
fort
il
serait puéril
de vouloir
principes éternels du Beau l'œuvre d'un
les
profession de ne rien
com-
prendre aux spéculations plus ou moins profondes de
l'es-
qui, toute sa vie, a
thétique.
fait
Ce qu'Horace Vernet recherchait avant tout dans non pas
les arts, c'était la vérité,
la
de ce qui est laid et repoussant, choisis avec goût.
cipes
:
comme comme
«
Moi,
Il
reproduction brutale
mais l'image d'objets
a fait souvent sa déclaration de prin-
disait-il à
qui voulait l'entendre, je peins
comme je vois; que les voient et comme ils sentent.
je sens, ils
autres peignent »
La meilleure
leçon que, suivant lui, un artiste pût recevoir, devait lui être
donnée par
la
nature.
Il
conseillait à ses
élèves de
se mettre à la fenêtre et de regarder.
On comprend systèmes, qui
qu'avec cette négation de toute espèce de
finissait,
dans son genre,
il
il
est vrai, par constituer
un système
ne devait s'enrôler sous aucune ban-
nière et ne pouvait suivre les errements d'aucune école.
Aussi resta-t-il à peu près étranger à
la
grande
classiques et des romantiques, pour devenir
le
lutte
des
chef d'un
tiers-parti analogue. à celui qu'on a appelé en politique le
APPENDICE.
327
centre gauche. Plutôt porté par son tempérament vers les élans
nouveaux que disposé
passé, mais ayant en
pour imiter
prit
les
à rester le servile imitateur
même temps
du
trop de bon sens et d'es-
extravagances de ceux-ci ou pour co-
pier les vieux poncifs de ceux-là,
chercha à s'assimiler
il
ce qu'il y avait de meilleur dans les deux camps. Son antipathie pour les idées préconçues en matière d'art le rendit
très-heureux de voir son
gendre, Paul Delaroche, rallier
autour de
du juste milieu,
et
le
lui les partisans
décharger d'une responsabilité
assumée de son plein donnée. dire
qu'il
mais que
gré,
les éclectiques,
n'aurait jamais
sa position lui avait
redevint avec joie ce qu'il devait être, c'est-à-
Il
un simple
marchant en dehors des sentiers
volontaire,
battus et n'agissant qu'à sa guise.
comme
Horace Vernet, d'abord
fait
modèles
à
Dans
des pastiches,
plupart
la
en bon
et,
débutants,
des
fils,
il
a emprunté ses
son père.
on trouve déjà en germe ces
ses premiers tableaux
qualités d'esprit et d'arrangement qui furent au ses
dons
pour
les
les
plus précieux;
et mièvre.
rait
:
il
cru que
la
avait
beaucoup à progres-
sa couleur était sèche,
Un homme moins
engourdir par
intelligent
les éloges
bienveillance
qu'on
D'un bout
à l'autre
que
terne
lui se serait
lui prodiguait, et
du public
chercher à se délivrer de ses défauts. écueil.
nombre de
n'eut que peu d'efforts à faire
il
développer; mais
ser sous d'autres rapports
laissé
a
le Il
au-
dispensait de sut
éviter cet
de sa carrière, son talent a tou-
jours suivi une marche ascendante qui est l'indice certain
d'une volonté ferme et d'un incessant labeur. Regardez à côté l'un de l'autre X Assaut
de Valmy, ou deux portraits (celte pierre
de Constantine faits à
et la
Bataille
vingt ans de distance
de touche est encore plus sûre), celui du ma-
JOSEPH, CARLE ET HORACE YERNET.
328
réchal Suchet et celui
de
la
sa peinture a acquis
:
elle est
D'après rait tenté
le
un certain
devenue plus solide
la
éclat, et
et plus
de
palette
même
en
ample.
catalogue des œuvres d'Horace Yernet, on se-
comme beaucoup de peintres, il a manières. On se tromperait. 11 était né peintre
de croire que,
eu plusieurs de
vous serez étonné
frère Philippe,
transformation qui s'est opérée dans
l'artiste
temps
du
batailles, et tel
il
est resté jusqu'à la fin
de sa
vie.
Les
tentatives qu'il a faites à diverses reprises pour sortir de sa spécialité ne sont difié
la
que des accidents qui n'ont en rien mo-
nature de son talent. Le gui n'est pas
même, dans
l'arbre qui le porte; de
fruit
le
de
les arts, certaines pro-
ductions restent parfaitement indépendantes de leurs auteurs.
Avant de formuler un jugement
Yernet,
la
commencera
postérité
définitif sur
Horace
sans doute par émonder
pousses parasites qui ne font point partie inté-
toutes les
grante de son œuvre, et qui, faute de séve,
commencent
déjà à se dessécher.
Entraîné par
le
mouvement
d'abord séduire par
général,
Maryam,
et
s'est laissé
ardeurs du romantisme.
les
Edith au col de cygne cherchant Jsmaïl
Horace
le
En
effet,
corps d'Harold,
Prêtresse druidique improvisant
la
aux sons d'une harpe, le Giaour, et même le Massacre des Mameluks sont autant de concessions faites aux tendances de
la
jeune école; mais ces essais ossianesques et
byroniens ne furent pas assez heureux pour encourager l'artiste à
persévérer dans une voie qui n'était pas
Le séjour d'Horace Vernet en torat de l'École de
du grand
art
Rome,
proprement
datent de cette
époque
Raphaël au Vatican
,
,
le
Italie,
la sienne.
pendant son direc-
poussa ensuite dans
le
sens -
dit.
Ses tableaux classiques qui
par exemple Michel - Ange et ne
sauraient accroître
la
répu-
PPENDICE.
A tation qu'il
s'est
justement acquise à d'autres
si
y a encore, dans
Il
et
titres.
de notre peintre, une troisième
la vie
phase bien caractérisée
temps que
329
dont l'influence a duré plus long-
des deux périodes précédentes, sans pro-
celle
duire des résultats plus satisfaisants.
Durant ses divers séjours en Orient, Horace Vernet, on avait été très-frappé de ce
se le rappelle les
époques
été
condamné
reculées
les plus
à
une immobilité absolue, à une sorte de pé-
trification matérielle et
plet.
Il
morale.
germa dans
Cette idée
condensa
et finit
par
du peintre, y mûrit, se base d'un système com-
l'esprit
fournir
lui
rédigea un long
tent entre le
que depuis
fait,
peuple arabe devait avoir
le
la
mémoire sur
rapports qui exis-
les
costume des anciens Hébreux
Arabes modernes >
et
il
et celui
des
plaida lui-même, dans une séance
de l'Académie des beaux-arts,
la
cause qu'il avait prise en
main.
Après avoir donné,
comme
nion, les témoignages de
preuves à l'appui de son opi-
Dom
Calmet
qui font autorité en pareille matière,
son expérience personnelle
:
«
Un
et il
de tous
apportait
les
savants
le fruit
de
jour, raconte-t-il, pen-
dant une expédition contre certaines tribus des environs
de Bone, je becca à
lisais
dans
la fontaine,
le
fond de
ma
tente le sujet de
che, et la laissant glisser sur son bras droit pour
boire à Éliezer. Ce
comprendre;
ment le
l'acte
mouvement me parut
je levai les
femme donnant
Ré-
portant sa cruche sur son épaule gau-
à boire à
donner
à
assez difficile à
yeux, et que vis-je?... Une jeune
un
soldat et reproduisant exacte-
dont je cherchais à
me
rendre compte.
»
Tel fut
point de départ d'observations qu'Horace Vernet voulut
1.
Voyez
ses lettres,
pages 98, 132,-142,
etc.
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
330
poursuivre jusque dans
tume
les
plus minutieux
détails
du cos-
des coutumes.
et
Les critiques s'émurent des idées
nouvelles qui leur
étaient soumises, et l'artiste rencontra
un grand nombre de
contradicteurs.
Horace Vernet avait cependant mille
fois raison
cher à réagir contre cette doctrine puérile qui tend à donner force de L'art doit suivre les progrès
de
modernes
les
moutonnière
et
aux erreurs des maîtres.
loi
aujourd'hui d'un artiste qui
de cher-
science.
la
Que
penserait-on
en personnages
travestirait
convives des noces de Cana?
On
finirait
sans
doute par rendre justice aux éminentes qualités du peintre, s'il
mais on commencerait par
s'appelait Paul Véronèse,
de son idée bizarre,
rire
genre,
il
et,
à
la
seconde épreuve de ce
malmené par
courrait risque d'être
Pourrait-on conserver son sérieux,
si
l'on voyait
le
public.
Cinna ou
Andromaque joués par des acteurs en perruques Louis XIV? Le cas est le môme. Que
l'on
à
la
ne nous accuse pas de lèse-génie. Les grands
hommes de la Renaissance ne savaient pas ce que tout le monde sait aujourd'hui, et leur ignorance ne les a pas empêchés de faire des chefs-d'œuvre. Mais Titien étaient appelés à revivre,
il
si
est hors
Raphaël ou
le
de doute qu'ils
mettraient à profit les découvertes de leurs .successeurs et qu'ils tiendraient
Vernet posait ainsi «
le
compte de la
la
vérité historique. Horace
question a propos du costume arabe
Croit-on, demandait-il dans son
:
Mémoire, croit-on que
Poussin eût repoussé ce nouvel auxiliaire? Pourquoi, de
nos jours, n'en profiterions-nous pas, fait
des vases étrusques, de
dailles, traité
et
la
comme nous
l'avons
colonne Trajane, des
ne consulterions-nous pas
les
mé-
auteurs qui ont
spécialement de l'histoire des Hébreux,
comme nous
APPENDICE. faisons,
le
Montfaucon,
chaque jour, etc.,
compulsant Winckelmann,
en
etc.? Mais
routine est
la
commode, au regard perdu, qui tout faits, qui absout
se
cet être
là,
repose dans les
lits
paresse, qui rend la médiocrité
la
importante, qui gonfle les petites choses en étouffant
grandes
la
;
routine qui n'accepte rien
rester sous son la
édredon
terre tournât autour
tait
:
«
,
du
de nouveau pour
ne voulait
et qui
soleil!... » Et,
Ceux qui cherchent à rétrograder,
profiter des connaissances acquises,
les
même
pas que
plus tard, et qui
il
ajou-
renoncent à
ne sont que des infirmes
qui cachent sous une robe empruntée ce qu'ils ont d'incomplet.
»
Le système proposé par Horace Vernet avait encore avantage inestimable de rajeunir des sujets tant de traités
qu'il
cet fois
presque impossible maintenant pour un
est
peintre de les aborder, sans retomber aussitôt dans l'ornière creusée par ses devanciers.
Ces idées,
si
vivement attaquées d'abord, ont depuis
leur chemin, et leur influence a
composait toutes l'Orient actuel;
la
ses
fini
par prévaloir.
scènes bibliques
dans
fait
Decamps
l'esprit
noblesse magistrale de son style et
de le
merveilleux éclat de sa couleur ont empêché de remarquer ce qu'il y avait d'insolite dans
le
costume de ses person-
nages.
Les deux grands* dessinateurs qui s'occupent en ce
ment
d'illustrer les saintes Écritures,
mo-
MM. Gustave Doré
et
Bida, ont également laissé de côté les doctrines conventionnelles
de leurs prédécesseurs pour ne chercher que
D'où vient que ce qui a été blâmé chez un
la vérité.
artiste tourne
à l'avantage de certains autres? Le public aurait-il deux
poids et deux mesures? Non,
il
faut bien l'avouer,
Horace
Vernet a été l'insuffisant apôtre d'une doctrine excellente.
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
332
mieux que personne ce qui manquait
savait pourtant
Il
son talent pour qu'il le disait
lui-même, avec son rare bon sens, dans une
Dans
de
de l'innovation ou, pour mieux
l'intérêt
:
dire,
mon
réforme que je voudrais introduire, je dois, à
la
Il
lettre
son élève et ami, M. Montfort
qu'il adressait d'Orient à « ...
permis d'appliquer ses idées.
lui fut
à
grand regret, m'abstenir d'essayer de prêcher par l'exemple.
La direction que m'ont imprimée
ma
de
les
peu en rapport avec
qu'il
celle
me
convaincre par l'élévation du style
d'une vérité que
la
révéler, sans qu'il
par
premières impressions
jeunesse m'a entraîné dans une route qui se trouve
hasard
le
gronder ments,
le
me
permis de
soit
au milieu
pour
les
et la
pureté du dessin
la
de circonstances soit
dû peindre;
dominer ma
et
me
reproduire. Jeté
qui faisaient
pour briser ses monu-
ébranler en annonçant des victoires,
c'est l'image de la guerre avec ses tourbillons de j'ai
pour
présence seule des choses a pu
canon dans Paris,
soit
faudrait suivre
comment,
à
mon
fumée que
âge, tenterais-je
de
spécialité?... »
Horace ne sut pas persévérer dans ses sages projets d'abstention
,
et les efforts
qu'il
fit
pour moderniser
la
Bible
n'ont pas été couronnés de succès. Judith et Holopherne,
Jada ritain
De
et 1 ,
Thamar, Rébecca à etc.,
Bon Sama-
sont plutôt des vignettes que des tableaux.
pareils sujets exigent
Éliézer,
la fontaine, le
Holopherne
une pureté de
et leurs
style irréprochable.
compagnons,
tels
que nous
les
montre Horace Vernet, ressemblent par trop à de simples Bédouins pour qu'on puisse reconnaître la
et respecter
en eux
dignité de l'histoire.
1.
Le paysage de ce tableau
est
entièrement peint d'après nature;
représente le chemin qui conduit de Jéricho à Jérusalem.
il
APPENDICE.
333
Le grand mérite d'Horace Yernet, sous ce rapport,
donc d'avoir acquis à
la
le
est
premier formulé un principe désormais
science et aux arts. Peu importe que ses tenta-
tives personnelles aient
échoué
il
:
était trop artiste
pour ne
pas se réjouir du triomphe de ses rivaux sur son propre terrain, et
il
était assez riche
pour pouvoir
laisser à d'autres
même
une partie de ses conquêtes. D'ailleurs, l'Orient devait-il pas lui fournir les
ne
moyens de prendre plus d'une
éclatante revanche?
Horace Vernet a admirablement compris Fart à notre époque, et
il
la
mission de
a su donner une forme vivante
aux événements contemporains. C'est dans la reproduction des glorieux faits d'armes de
nos troupes en Algérie qu'il a surtout excellé.
au musée de Versailles tous tion qui
On y
On
retrouve
épisodes de cette expédi-
les
nous a valu une de nos plus précieuses conquêtes.
voit aussi les portraits de la plupart des
hommes
qui,
depuis une trentaine d'années, ont joué un rôle important
dans
l'histoire politique
ou militaire de notre pays. Jamais
Horace Vernet n'a montré plus de verve, plus de souplesse, plus d'esprit que pour remplir cette tâche;
pas de course des kilomètres de le
pinceau a
la
main,
s'il
est
nette et la
:
style
la
mieux caractérisée de son
La critique elle lui a
a suivi nos soldats
permis de parler
épreuves multiples se dégage
ces
il
a couvert au
et a fait aussitôt le portrait
cune de leurs victoires,
net
toile,
il
de cha-
ainsi.
physionomie
la
De
plus
talent.
n'a pas toujours été favorable à
Horace Ver-
souvent reproché de ne pas soigner assez
le
de ses compositions, de ne pas se préoccuper davan-
tage de l'harmonie des couleurs, etc..
Sans nous associer à ces reproches, nous ne saurions nous en étonner; mais où
les critiques
commencent, selon nous, 19.
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNE T.
334
à sortir des limites de leurs droits, c'est lorsque les imper-
du
fections
d'Horace
talent
empêchent de rendre justice
les
à ses qualités, et surtout lorsqu'ils blâment l'artiste d'avoir
pour lequel
cultivé le genre
mier ne produit pas de pêches, fruits soient à Il il
y
faut
qu'il a
De
était né.
il
dédaigner.
commencer par rechercher voulu faire
,
l'artiste a
si
Occupez-vous donc d'abord de savoir
un pêcher,
à
et,
On
si tel
ce
se de-
fait.
On
hommes.
si
vous avez
lui
antinaturelle, mais contentez- vous de dire
aux pommes,
:
affaire
lorsque vous serez fixé
sur l'espèce de l'arbre, n'exigez pas de
férez les pêches
d'art fait
,
eu raison de faire ce qu'il a
doit juger les genres après avoir jugé les
un pommier ou
bien
puis, ce premier point éclairci
l'artiste a
si
pom-
ne s'ensuit pas que ses
il
deux degrés dans l'appréciation des œuvres
a
mander
à
ce qu'un
une production que vous pré-
est votre goût.
n'a pas toujours suivi cette règle élémentaire en étu-
diant les
œuvres d'Horace Vernet on :
ce qui ne s'y
a quelquefois cherché
trouvait pas, et on n'a pas voulu voir lés
excellentes qualités qu'il
y
avait mises.
Les explorations que tenta Horace Vernet dans un do-
maine qui
n'était
pas
le sien
ne furent pas assez heureuses
pour qu'on dût l'encourager à fait
sortir
de sa sphère.
un très-mauvais élève des maîtres,
et c'est
Il
eût
parce qu'il
a conservé intacte son originalité native, qu'il est
devenu
lui-même un maître.
Ce qui assurera c'est la
sa gloire
manière dont
national;
il
patriotique.
a su
Tout
notre pays, et
la
il
pendant très-longtemps encore,
a compris et
mieux que personne le
monde
est plus
rendu
le
sentiment
faire vibrer la
corde
ou moins chauvin dans
représentation de nos succès procurera
toujours d'agréables émotions au public.
335
Horace Vernet a un autre mérite qui gner
c'est
:
un Français de
de Gaulois. Son esprit
de clarté
yeux
le
de précision
et
mot net et
n'est pas à dédai-
bonne souche avec une pointe
son talent sont restés fidèles à son
et
Le génie de notre
origine.
la
patrie, :
dans
compose
les arts, se
faut à notre esprit
il
bref, le trait fin et délié.
ou à nos
— Horace Vernet
s'entend mieux que personne à disposer une scène ou à
grouper des personnages;
il
est audacieux, adroit, plein
Que veut-on de
crânerie, d'esprit, de naturel et de gaieté.
immense réputation?
plus pour justifier son a
S'il
ou par
pu quelquefois
de douces
se sentir attristé par la malveillance
de certains critiques,
l'injustice
les
grand compte de son œuvre
Entre tous la
les
il
a eu, en revanche,
compensations. Nous ne savons pas
et glorieuses
un peintre de valeur, parmi
une des organisations
de
et
.es plus
jugements
contemporains, qui ne tienne
ne considère
l'artiste
comme
étonnantes de ce siècle.
flatteurs
dont
il
a été l'objet de
part des écrivains, nous nous bornerons à en rapporter
trois,
ceux de
trois maîtres.
Voici ce qu'Alfred de Musset disait de lui en 1836, c'està-dire lorsqu'il n'avait encore fourni que carrière, à
stantine
une époque où la Smâlah pas
n'étaient
M. Vernet, lorsque les qualités
qui
qu'on puisse
le
lui
je
encore peints
la
et le :
moitié de sa
Siège de ConJe
«
critiquerai
ne trouverai plus dans ses œuvres
distinguent et que je ne comprends pas disputer;
mais tant que je verrai cette
verve, cette adresse et cette vigueur, je ne chercherai pas les
ombres de ces précieux rayons de lumière.
»
M. Théophile Gautier, dont l'opinion emprunte une double autorité au talent de l'écrivain et à la science lui a
rendu plus d'un témoignage analogue
«Bien
qu'il n'attire l'œil
du
critique,
:
par aucune bizarrerie, personne.
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNKT.
336
plus original qu'Horace Yernet.
dit-il, n'est
à l'antiquité;
avoir existé pour « Il
Grecs
les
Il
ne doit rien
Romains semblent ne pas
et les
lui,..
possédait une qualité bien rare dont les pédants font
peu de cas
:
vision des choses modernes. Rien ne semble
la
plus aisé que de peindre ce qu'on a perpétuellement sous les
yeux.
Eh
bien! c'est
là
une erreur que démontre une
simple promenade dans une galerie de tableaux... Enfin,
la
»
d'Horace Vernet n'a jamais été plus
cause
chaleureusement plaidée que dans cette belle péroraison des articles de M. Sainte-Beuve
un pays
teras France,
te laisse
France, tant que tu res-
une patrie, ne répudie
les plus naturels, les plus légi-
pas aller à en décourager
dédaignant. De ce que tu
vue, de ce que tu
«
distinct et
jamais tes enfants sincères, times; ne
:
te
race en
la
reconnais en eux à première
aimes d'instinct, de ce que,
les
la
toi et
eux, vous vous entendez sans apprentissage et sans effort,
de ce
de
qu'ils sont
une raison pour
les
dans ton estime.
que
ciels,
,
moins considérer
ce n'est pas du tout et les faire
Fortifie-toi sans doute,
manquent; aspire
peut, des dons qui te tion
maison enfin
la
tu n'as pas; acquiers, acquiers:
descendre
orne-toi,
s'il
se
à toute l'imagina-
fais-toi
des seconds
des ciels d'Homère ou dès ciels de Dante, des lueurs
étranges à l'horizon, des visions et des visées plus hautes,
des profondeurs en tous sens
mieux
!
tu n'en seras
léger, flatte- toi
que plus
même
d'être
as pris assez de peine pour
dénature pas tielle,
;
ne
sacrifie
fondamentale,
chez Voltaire quand
ta il
y
:
si
tu
peux y atteindre, tant
forte et plus honorée.
Peuple
devenu un peuple grave;
tu
réussir. Mais, de grâce, ne te
jamais
ta fibre
première, essen-
corde sensible, celle qui vibrait
écrivait ses charmants vers sur le
siège de Philisbourg. Qu'il ne vienne jamais ce temps pré-
APPENDICE sagé par de tristes prophètes, où Ton chercherait vaine-
ment des
talents français
en France. Pas trop de poètes ou
de peintres métaphysiques, je t'en conjure; pas trop de messieurs de Fempyrée, ni d'abstracteurs de quintessence
deux ou
par génération,
trois,
en haut lieu pour
et
pour
tes
et
semblables,
tes
rareté et pour la montre,
grands dimanches; mais,
heureuse encore de
la
les
:
mets-les à part
suffisent;
garde-les
jours ouvrables, sois
contente de retrouver de tes favoris et
de ces talents ou de ces génies
faciles
qui, de tout temps, t'ont défrayée et charmée, qui te parlent
ton langage et t'y entretiennent,
non pas
tes plus agréables heures, et
en
t'offrant à
qui
moins
les
toi-même en spectacle sous
coup d'œil net
et
humeur
fine,
comme
lippe,
la
l'artiste
qui
Y Assaut de Constantine,
Défense de la barrière Clichy,
les
brillante,
on ne saurait
que
rien ajouter, et le lecteur restera convaincu
des œuvres
crânerie, hé-
»
Après une page d'une éloquence aussi
a signé
:
audace
légère,
bon sens pratique.
salutaires,
tes mille aspects
vivants, avec tes qualités et défauts divers
roïsme, gaieté, sentiment,
font passer
te
le
Bataille de Montmirail ,
la
Portrait dit frère Phi-
VAtelier du peintre
et
vignettes de Y Histoire de Napoléon, pour ne citer que
ses titres les plus incontestables, doit être tion
au nombre des grands maîtres de
En résumé, à l'histoire de
Chacun d'eux
les trois l'art,
le
l'école française.
Vernet appartiennent non-seulement
mais encore à
est le représentant
nous en conserver
mis sans hésita-
reflet
sur
la
l'histoire
d'une époque, et a su toile.
Aussi leur nom,
consacré bientôt par deux siècles de gloire, redouter des rigueurs de l'avenir.
de notre pays.
n'a-t-il rien à
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
338
II
VERNETI ANA.
La physionomie de nos plète,
si
trois
modèles resterait incom-
nous ne consacrions quelques pages aux bons
mots
qu'ils ont dits
dont
ils
ou qu'on leur prête,
sont les héros.
et
aux anecdotes
Nous ne promettons pas au
lecteur
d'épuiser cette matière; un volume entier n'y suffirait pas et pourrait
lons
sembler ou fastidieux ou
frivole.
Nous ne vou-
que poser une simple pierre d'attente pour
listes
qui se chargeront,
les
nouvel-
plus tard, de rédiger les anas du
xix e siècle.
Les Vernet ne sont pas seulement de grands peintres chez eux il
fut
l'esprit était à la
aux autres en
comme
lui,
qu'ils se transmirent les
uns
hauteur du
une sorte de patrimoine
talent, et,
l'accroissant.
Joseph vivait à Paris dans une société choisie; l'hôte assidu cle,
dont
le
:
des meilleurs salons, de ces salons du
souvenir seul est resté en France.
parfaitement sa place et avait sa grosse
monnaie courante qui
fait la
était
il
xvm 11
y
e
siè-
tenait
somme de
cette
fortune d'un causeur dans
monde. Chaque époque change
l'effigie
le
de ces pièces de
convention selon son caprice; aussitôt que cette substitution a eu lieu, ce qui avait
du prix hier ne vaut plus
rien
aujourd'hui, et est remplacé par quelque chose qui ne vau-
APPENDICE. rïra
plus rien demain.
tonner
339
n'y a donc point trop lieu de s'é-
Il
Joseph Yernet, tout en ayant laissé une réputation
si
ne semble plus très-spirituel aux
d'esprit,
hommes de
notre
temps.
Le calembour
du
jouissait d'une grande faveur à la fin
Joseph excellait dans cette jonglerie de
siècle dernier.
phrase: mais les traits de
que
lui
biographes ont pris
les
la la
peine de conserver donnent une piètre idée de son talent
en ce genre, et
témoignage de ses contemporains
faut le
il
pour permettre de croire qu'ils obtenaient quelque succès, à
une époque où
pouvait entendre causer Voltaire,
l'on
Chamfort ou Rivarol. Yoici ce que Bachaumont écrivait dans ses Mémoires à date
du
mars 4779
31
mode; nos beaux
l'autre jour
de pain «
peint.
avec
«
esprits
Le grand
gulières.
:
faiseur,
«
:
on
le
marquis de Bièvre, soupant
le peintre,
l'enfance de
le voit,
l'art.
il
surtout
effets
si le
était d'autant
soir, et,
de son cru,
calembour peut
lorsqu'il
est
im-
quand on l'imprime.
avec préméditation.
du
bief)
devient insupportable de prétention dès qu'on
Joseph Vernet sait
qui est
Nous nous dispen-
dans une conversation intime,
être drôle
l'écrit, et
voilà
ce n'est qu'une croûte. »
serons de citer d'autres exemples; car
provisé,
des découvertes sin-
Monsieur Vernet,
— Cela, répond
C'était,
même
y font
la
la
peintre Vernet, lui présente un morceau
le
et lui dit
Les calembours sont toujours à
il
Il
moins excusable,
préparait dans
non content de ce
achetait des mots.
fectionneur habituel
,
recevait
chaque calembour nouveau
Son
la
qu'il
agis-
journée ses
qu'il pouvait fournir
fils,
qui était son con-
un écu de
qu'il apportait.
six
livres
pour
Souvent Carie,
en proie à une double disette d'esprit et d'argent, profita
de ce que son père, qui se
faisait
vieux, n'avait plus
JOSEPH, CARLE ET .HORACE VERNE T.
310
grande mémoire, pour
lui
revendre
mêmes
les
plaisanteries.
Le bon Joseph leur donnait de confiance une seconde édition qui, naturellement, réussissait il
à
s'apercevait,
dont
avait, été victime, et
il
comiques à son les
froideur
la
fils
;
moins que
du public, de faisait,
la
première
;
supercherie
au retour, des scènes
mais celui-ci n'en conservait pas moins
beaux deniers paternels.
Joseph, qui était
même,
bienveillance
la
bec et ongles pour se défendre lorsqu'on C'est ainsi
dont quels
il
accola au
qu'il
nom de
avait cependant
contraignait.
l'y
certains personnages
croyait avoir à se plaindre des qualificatifs sous les-
ils
restèrent connus dans
Pour ne «
la
citer
monde où
le
que deux exemples,
l'eunuque du sérail,
»
»
salon de
madame
vivaient.
appelait Marmontei
il
peintre Pierre «
et le
Ces sobriquets faisaient
pétrifiée.
ils
rire
les
la
bûche'
habitués du
Geoffrin, qui pouvaient en apprécier
la
justesse.
• Le plus là n'a
joli trait
du moins
que
les
et celui-
rien perdu en vieillissant, c'est sa fameuse
réponse au roi Louis « Sire,
de Joseph Vernet,
l'on cite
hommes
devenir des sots
;
il
XV
qui
lui
proposait de l'anoblir
:
que trop d'occasions de
n'ont déjà
ne faut pas leur en fournir de nou-
velles. »
Ce
n'est point
impunément que Carie
sa verve trahissait son origine.
Il
était
poussait
la
lembour jusqu'à sa plus extrême limite; aussi longtemps
comme
l'héritier et
marquis de Bièvre, mais
il
ils
le
;
manie du ca-
l'a-t-on
regardé
digne émule du
arriva pour lui ce qui est arrivé
pour son père. Ses mots, que
que où
comme
né à Bordeaux
l'on répétait à l'envi à l'épo-
furent dits, sont presque tous démonétisés, parce
qu'ils étaient frappés
au coin de
la
mode;
et, s'ils
ne sont
pas devenus inintelligibles par eux-mêmes, on a du moins
APPENDICE.
341
grand' peine à comprendre maintenant
succès qu'ils ob-
le
tenaient jadis.
Les contemporains de Carie Vernet se rappellent encore avec bonheur
joyeuses soirées qu'ils
les
l'écouter au café de
Foy
;
ils
racontent qu'il faisait de longues
préfaces à ses bouffonneries
:
il
commençait par noyer
auditeurs dans un déluge de phrases, puis final,
ont passées à
il
qui d'ordinaire amenait une explosion de
lons;
s'ils
rires.
parmi ses calembours, quelques échantil-
Choisissons,
moins
ses
lançait le trait
ne semblent pas très-drôles,
à justifier ce
que nous avons
serviront du
ils
dit plus haut.
que Gros
Carié, étant allé voir au Panthéon les peintures
venait d'y exécuter, regardait sans rien dire
coupole du
la
temple. Gros, étonné et mortifié de son silence, se décide à lui
demander
n'est pas satisfait
s'il
bien, répond Vernet,
Une
autre
mais
discours qui a trop
jours avec soleil,
:
«
»
l'air
d'avoir été ou préparé, ou arrangé
ce sera en cadastre;
Nous
au docteur Véron
la
Hàtons-nous de
dit-il, et porte-le
pleut, ce sera en cadeau
toi. S'il
d'un petit
utile présent
Prends ce parapluie,
sera en can... »
gros que nature.
Carie donnant à Horace encore enfant son
fois,
premier parapluie, accompagna cet
après coup
«C'est très-bien, très-
:
c'est plus
s'il
ne
laisserons,
peine
le dire,
fait
il
beau
ni
vous
si
et le plaisir
;
le
s'il
y a du
ni laid, ce
voulez bien,
de deviner
serait injuste
tou-
le reste.
de jugé*
l'esprit
de Carie d'après de semblables spécimens. Sa réputation était Il
beaucoup mieux méritée
lement,
comme
il
Le prince venait lier, et Tl
à d'autres titres.
avait commencé un tableau pour
s'étonnait
était
le
le
très-paresseux,
duc de Berry il
y
;
seu-
travaillait peu.
voir de temps en temps dans son ate-
que
la toile
ne se couvrît pas davantage.
yavait seulement une petite maison dans
le
coin de droite
:
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNE T.
342
a
et,
chaque
môme
état.
visite,
Au
le
duc de Berry
retrouvait dans
la
bout de longs mois d'attente,
finit
il
s'impatienter, et pria l'artiste de vouloir bien fixer
auquel «
il
comptait livrer son tableau
le
par
terme
le
:
J'y travaille, répondit Carie.
—
Mais vous en êtes toujours au
n'avez encore
—
fait
que
cette
maison qui
—
Elle fumait,
On après
pas tout
sait
de rien.
n'a l'air
viendrais jamais à bout de
— Comment cela
point,
et
vous
cette bicoque!
Oh! Votre Altesse ne
donné
même
la
mal que m'a
le
cru que je ne
J'ai
cheminée.
?
Monseigneur.»
connaît aussi son compliment à Alexandre Duval,
première représentation de Maison à vendre. Le
la
célèbre librettiste, ravi du beau succès qu'il venait d'obtenir de la
compte a demi avec Dalayrac, rencontre Carie dans
du chanteur Chenard,
loge
point satisfait ? tu es
encore
et lui
seul de
le
dit
:
«
Tu
n'es
mes amis qui ne
donc
m'ait pas
félicité.
— Que veux-tu!
répond Carie, tu
Maison à vendre , Le jour où
emportée à
la
d'apprendre à Paris
comme on
le sait,
bataille d'Essling,
rencontrant Carie,
lui
mettre sur l'affiche
ne trouve qu'une pièce à louer.
et je
l'on venait
réchal Lannes, qui,
fais
dit
:
vous allez, je suppose, nous
la
faire
»
mort du ma-
avait eu une
un chansonnier
«Eh
jambe
célèbre,
bien, monsieur Vernet,
de
jolis
calembours sur
l'événement du moment. Tenez, je vous donne ^exemple si
Lannes
avait survécu
:
à sa blessure,
il
n'aurait
:
porté
qu'un bas.
— Monsieur, répliqua mots de pays.
»
la
le
peintre,
si
j'aime à jouer sur les
langue, je ne joue jamais avec les
maux de mon
APPENDICE.
Un
des plus grands bonheurs de Carie consistait à mys-
gens en face desquels
tifier les
Un une
jour, étant à dîner chez
le
hasard
en
If était
une
même
temps
les fonctions
ne
l'artiste,
lui
et acteur, remplis-
cette diatribe
pour
que sa vanité, insépapermettait pas de sup-
poser que personne ignorât son nom. lorsque son hôte se pencha vers
fît
de directeur de l'Odéon.
donc assez en droit de prendre
compagne de
il
contemporain. Picard
dramatique
personnalité blessante, d'autant
rable
le plaçait.
banquier Perregaux,
le
sortie violente contre le théâtre
se trouvait là. Picard, auteur sait
343
Il
allait
lui, et lui dit
:
se fâcher, «
Ne
faites
pas attention aux radotages de ce vieillard; c'est un grandoncle à moi
il
;
arrive de province;
fance. » Carie entend ces mots,
sérieux et
joue jusqu'à
le
la fin
il
est à
peu près en en-
prend aussitôt son de
la
soirée avec
rôle
au
un sang-
froid imperturbable.
A
quelque temps de
boulevard
:
«
là,
Picard rencontre Vernet sur
Tiens, pense-t-il, l'oncle de M. Perregaux, se
sera sans doute échappé de chez lui,
sans qu'on s'en soit
aperçu; ses parents doivent être très-inquiets, je le leur
«
il
faut
que
ramène.»
En même temps, connu, se
Je
fait
il
un malin
s'approche de Carie qui plaisir
Vous vous promenez
? lui
de continuer
demande
la
,
l'ayant re-
mystification.
l'auteur de la Petite
Ville.
— Non,
répond
le
peintre du ton le plus sérieux,
je
cherche un polichinelle.
— Alors,
retournez chez votre neveu; je sais qu'il en a
acheté un bien beau à votre intention.
— Je
polichinelle tout de suite, reprend l'ar-
en frappant du pied
tiste
—
veux mon
'
comme un
Venez avec moi, nous
enfant mutin.
allons entrer chez le premier
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
344
marchand de jouets,
continue Picard avec douceur...
»
Cependant, à Paris,
badauds ne pouvaient perdre une
les
un attroupement
aussi beile occasion de s'arrêter;
déjà formé autour de ces
deux hommes d'un âge mûr, qui
parlaient gravement de pantins. naît
:
s'était
Un ami de
Carie le recon-
«Allons, Vernet, lui crie-t-il, voilà encore une de tes
charges!
»
Ces mots furent, bien entendu, une révélation pour pauvre Picard, qui
proches, Carie répondit: vrai
!
mal
prit fort
plaisanterie.
la
Brisons
«
là!
dû me moquer
je n'aurais pas
eu
j'ai
ainsi
d'un
A
le
ses re-
tort, c'est
homme
de
votre talent: je vous dois une réparation. Je suis donc à vos
Vous
ordres.
êtes l'offensé
rain, votre heure...
Picard s'en «
Mes armes,
fourchettes; cale, et Il
tira
mon
mon
est
choisissez vos armes, votre ter-
»
en
si
:
homme
vous
voulez bien,
le
terrain,
d'esprit.
heure... tout de suite.
que
que
deux adversaires
bras dessous, déjeuner
Patinant un jour sur
le
le
»
cette
d'ajouter
les
seront des
un cabinet du Rocher de Can-
inutile
ceptée, et
dit-il,
proposition
ac-
fut
s'en furent, bras dessus
plus amicalement
du monde.
canal Saint-Martin, Carie s'ap-
proche d'un bon bourgeois qui s'essayait timidement à marcher sur
la
glace, et lui dit avec
beaucoup de gravité
trouvez-vous pas, monsieur, qu'il y à
ici
:
«Ne
un affreux courant
d'air? Soyez donc assez aimable pour vouloir bien fermer la
porte Saint-Denis!
loin avant
viné
le
que
Et, d'une glissade,
il
esl
déjà très-
pautfre diable ainsi pris à partie ait de-
le
sens de
»
la
phrase qui vient de
lui être
adressée.
Les charges qu'il voulait faire ne réussissaient pas toujours selon ses devint mystifié.
désirs, et quelquefois de mystificateur
En
voici la preuve
:
il
APPENDICE. On pour
sait qu'il était très-fier
agilité à la course, et
que,
exercices du corps primaient tous les autres.
lui, les
Comme
de son
345
revenait de Marseille a Paris en
il
avise parmi ses
diligence,
il
compagnons de route un monsieur dont
l'extrême corpulence n'annonçait pas une grande légèreté, à
et,
la
première montée, lorsque tous
descendus,
ri
que vous ne sautez pas ce
— Que
homme
dit à ce gros
«
:
les
voyageurs sont
Parions, monsieur,
fossé, et
que moi
demande
l'autre
parions -nous?
je le saute!
sans se décon-
certer.
— Notre — Soit.
déjeuner. »
Et voilà ce colosse qui s'élance et qui franchit l'obstacle proposé.
Arrivé à l'auberge carte; mais
la
que
le
il
la
plus voisine, Carie s'exécute et paye
ne se tient pas pour battu,
moment de prendre
sa revanche.
la
trouve un fossé plus large et recommence son
il
fois, c'est le
dîner qui sert d'enjeu.
Même
de
journée
défi.
Cette
succès.
Cette plaisanterie dura cinq jours, autant
que
Je
voyage
Marseille à Paris à cette époque, et Vernet eut
la
douleur
d'offrir Ils
et n'attend
Dans
dix repas à son très-gros, mais très-leste compagnon.
en étaient arrivés à sauter,
tous deux, un
nombre de
pieds invraisemblable. Carie était essoufflé, époumonné, sur les dents.
Avant de
se séparer, celui qui avait été ainsi
tout le Ions: de
la
hébergé
route sans bourse délier remercia cour-
toisement Vernet d'avoir bien voulu
le
nourrir
pour
de chose. On s'expliqua. Le peintre avait eu
peu
si
affaire à
un
clown de profession, qui venait exercer ses petits talents dans «la capitale.
»
Carie fut ravi
d'avoir été vaincu par
:
il
avait
un acrobate,
du moins et
la
consolation
l'honneur était sauf.
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
346
Lorsqu'un tableau se vend très-cher,
manque jamais de
ne
la
peu de temps
se récrier sur le
pour gagner une aussi
fallu à l'artiste
compte pour
gros du public
le
somme
forte
qu'il a :
on ne
rien les longues études préparatoires et toute
période d'incubation qui a précédé l'éclosion de l'œuvre
dont
il
une
s'agit. Voici
petite histoire à l'adresse des
gens qui s'imaginent que
Une dame
une amusette.
l'art est
très-riche tourmentait Carie depuis longtemps
pour avoir un
de
petit tableau
nière sommation,
il
met
à l'œuvre sur
il
séance,
improvise sous
se
Enfin, après
lui.
les
le
De combien vous
«
champ
:
suis-je redevable? demande-t-elle.
vous voulez
!
trois
de bonnes journées
faire
que
des voleurs
:
la
La Bourse
bout de c'est
de
peintre,
il
y a
l'esprit d'à-propos.
Il
est,
le
un haut degré
»
l'auteur de cette réponse à l'invitation classique
-on,
«
heures? Vous
!
je travaille à votre tableau.
Carie possédait à dit
trois
Eh! mon Dieu, madame, répliqua
trente ans
une
francs pour
mille
pochade qui vous a pris à peine deux ou
—
dans sa
trois mille francs.
— Comment devez
et,
,
yeux de sa visiteuse une scène
charmante. La dame paraît enchantée
— De
une der-
se décide à exaucer ce désir; se sentant
en verve, il
bonnes
la
rue
filer
est ce ;
et
la vie
la vie, celui
vite, si
L'esprit
que
je
vous donne,
vous ne voulez pas que je vous
»
finirions pas,
l'on prête à Carie,
mots que
!
grand monument qui se trouve au
quant à
au plus
casse les reins.
Nous n'en
bourse ou
s'il
nous
fallait
citer
tous les
en sa qualité de riche.
du dernier Vernet a sur
celui
de son père
et
de
son grand-père cet avantage d'être resté compréhensible
pour
les
gens de notre temps. Soit qu'il
fût
de meilleur
aloi,
A PPENDICE. soit
que
la
mode
n'ait
347
pas beaucoup varié, sous ce rapport,
depuis une cinquantaine d'années,
que
les traits
l'on cite
d'Horace ont conservé tout leur prix.
Horace Vernet aimait en raconter.
plaisait à
histoires rabelaisiennes et se
les
de
serait assez difficile
Il
suivre
le
sur ce terrain et d'écrire tout ce qu'il disait. Plusieurs de ses lettres ont
mais,
pu donner une idée de son
plume
la
main,
à la
il
talent en ce genre;
moyen de
atténuait et trouvait
faire passer les situations et les paroles les plus scabreuses,
tandis que, dans ses discours, puisqu'il est
appelait
il
convenu, depuis Boileau, que
de s'exprimer est
le
cette
manière
comble de l'héroïsme.
Parmi ses très-nombreuses anecdotes tant loises, voici la plus racontable
Dans son enfance, Horace
,
soit
peu gau-
:
était
un baby d'une beauté
merveilleuse, et sa bonne était fière de
meneurs
— un chat,
un chat
des Tuileries; elle allait
le
montrer aux pro-
même, dans
son orgueil
quasi maternel, jusqu'à ne rien cacher de son intéressante petite personne.
A
l'âge
de quatorze ans environ, Horace,
certain de se faire plaisir à lui-même, crut en outre faire
honneur à
cette brave
femme qui
était
devenue
pâtissière,
en allant manger des gâteaux dans sa boutique; mais reçut
un
accueil assez froid de la marchande, dont
la
il
vanité
avait changé d'objet, et qui avait alors pris en horreur tout
ce qui pouvait rappeler sa condition plus modeste d'autrefois. «
Horace, piqué au
vif, se .
vengea par cette épigramme
Vous ne me reconnaissez peut-être
que
A
ne vous montre que
je
ma
aussi,
l'esprit
pas, lui dit-il, parce
figure? »
côté de sa verve joyeuse, à un haut degré, ce
:
Horace Vernet possédait
tact et cette délicatesse
qui sont
du cœur.
Souvent de jeunes
artistes lui apportaient leurs esquisses
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
318
et le priaient
de leur donner quelques conseils.
général,
prenait ses pinceaux et se mettait à faire des retouches,
il
trouvant que
la
de
Il
la
théorie.
pratique était
et,
en s'en allant,
qui avait sa valeur.
les
meilleure démonstration
la
en mainte occurrence
lui arriva ainsi,
repeindre entièrement
de
,
ébauches informes de ces rapins,
emportaient un véritable objet d'art
ils
paya leur premier ouvrage à plusieurs
Il
ses élèves pour les encourager à travailler et les aider
de
L'un d'eux
à vivre.
conscription,
donna dès tre
avant
,
peignit en
il
un tableau,
secret
pour
qu'il fut terminé,
vendre
le
même,
avec Lagrenée,
était très-lié
nom. Lagrenée,
lèbre peintre de ce
pour gagner sa
dessinait,
de tapis qu'il plaçait dans
livré
à la
qu'il
et lui
lui
permet-
qui ont
le
l'art
le
—
tâche insignifiante.
de voyage, va frapper à
Un la
distingué lui-
des modèles d'étoffes
d'Aubusson des chefs-
et
jour,
niveau du goût public
le
ce qui n'est point une
Horace Vernet, revenant
porte de son ami; on
lui
répond
que Lagrenée vient de partir pour Lyon, où patrons ouvriers donnent
surlendemain une grande
le
a
II
compte au nombre des hommes
l'industrie,
à
descendant du cé-
artiste
vie,
plus contribué à élever
appliqué
le
grandes manufactures.
les
aux fabricants de Lyon
d'œuvre en ce genre. On
par
un mauvais numéro
tiré
de se racheter.
Horace
et
En
doit être le héros. Vernet a aussitôt
fête
et
dont
une bonne inspiration
il
;
il
court chez un personnage influent, sollicite une croix de
la
Légion d'honneur,
et arrive à
son ami.
Lyon
Au
de savoir
monte en chaise de
poste, part
juste à temps pour assister au banquet de
dessert,
qui fut accueilli cile
l'obtient,
il
comme
allier
tira
de sa poche son
vous pensez.
Il
est,
petit cadeau,
en
effet,
diffi-
plus de délicatesse à plus de bonté.
Durant l'un de ses nombreux séjours à Versailles
,
un
A
troupier vient un matin
il
répond
»
La séance
aussitôt à l'œuvre.
demande de
pas, ajoute- 1-
ne veut
«Ça va!
ner plus de trente sous.
met
trouver, et lui
le
image; seulement,
son
PPENDICE.
rades, en leur disant
mais
une
j'ai fait
bêtise, je
marchandé, j'aurais pu se repentit bientôt
de
il
il
se
notre pioiipiou
finie,
et spirituelle-
montre aux cama-
la
payé ça un franc cinquante
« J'ai
:
don-
il;
l'artiste, et
emporte une charmante pochade, prestement
ment enlevée; arrivé au quartier,
faire
suis sûr
que
si
pour vingt sous.
l'avoir
;
un peu
j'avais
Horace
»
s'être laissé séduire par la naïveté
de
fut chez lui
une
véritable procession de troupiers, qui, alléchés par le
bon
son modèle; pendant quelques jours, ce
marché, voulaient avait mis
faire faire
bon ordre, toute
la
leurs portraits, et;
s'il
n'y
garnison de Versailles aurait
passé par son atelier.
Une
autre
fois,
un chasseur d'Afrique, étant venu poser
pour la Smâlah, se mit infortunes
:
avait privé.
il
a
à Horace Vernet ses
raconter
méritait la croix
mais un passe-droit
,
homme
Le malheur de ce brave
peintre une idée
ingénieuse.
Gomme
il
devait justement
recevoir, le lendemain, la visite de Louis-Philippe,
gnit une superbe décoration bien voyante sur
de son modèle; puis, lorsque sa toile j'ai
le roi fut là,
il
la
;
je croyais
que ce pauvre
a des états de service magnifiques, qu'il n'en est rien. C'est
dommage,
joliment bien à cet endroit-là.
»
était
roi
:
pei-
poitrine
«
Tiens,
soldat, qui
décoré;
cette tache
Le
il
s'approcha de
en disant avec une expression de regret
commis une erreur
l'en
suggéra au
il
paraît
rouge
faisait
comprit
:
« N'effa-
cez pas cette croix, répondit -il, elle est à sa place, et je
vous en enverrai une véritable pour que vous
vous-même
la
remettiez
à votre protégé. »
Un jour qu'Horace
passait en voiture dans la rue 20
Dau-
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
350
plrine,
Un
accroche et verse.
il
à décorer
peintre d'attributs, occupé
boutique d'un charcutier, voit l'accident, re-
la
connaît dans
victime un de ses confrères,
la
son échelle assez à temps pour glisser
dans
main une pièce
la
connaissance
,
mais
le
Horace veut
relever.
le
lui
en témoignage de re-
d'or,
pauvre diable refuse. Alors
souvenant que son aïeul Antoine
artiste, se
descend de
et
et
l'illustre
son grand-
père Joseph ont été eux-mêmes peintres, d'attributs, monte
commencées.
à l'échelle et finit les guirlandes de cervelas
Lorsqu'il
redescendu,
fut
le
homme
brave
dont
venait
il
ainsi de parfaire la tâche lui dit, en la modifiant à son usage, la
phrase célèbre d'Henry Monnier
pinceaux sont trai
comme
Après
le
plus beau jour de
:
ma
Cette palette et ces
«
vie
je les transmet-
;
des reliques à mes descendants.
grandes inondations de
les
charitables avaient organisé
une
des personnes
la Loire,
loterie
aux nombreuses victimes de ce
»
pour venir en aide
sinistre
on pria Horace
:
Vernet de vouloir bien donner un bout de croquis,
la
moindre esquisse, en un mot n'importe quoi qui portât
—
sa signature.
Il
gnit tout exprès
plus noblement les choses
fit
un
vrai tableau
des rats. Le sort assigna ce
dame qui
s'occupait
se souciait
,
lot
précieux à une
madame,
lui dit le peintre
consentiriez -vous à me
vous en
500 francs?
offrais
— Mon
je
la
dame, non sans un certain embarras
faire
mon
«
Consen-
mon
,
Dieu!
il
tableau,
répondit
votre tableau est
cher monsieur, mais que d'heureux on peut
avec 500 francs
vous approuvez
:
qui savait à qui
laisser
si
charmant,
vieille
Elle vint cepen-
dant chez Horace Yernet pour retirer son gain
avait affaire,
pei-
beaucoup de bonnes œuvres, mais qui
médiocrement des beaux-arts.
tiriez-vous,
il
:
un Zouave épluchant
la
!
—
liberté
Alors,
que
j'ai
madame, prise de
reprit Vernet le
vendre
hier,
APPENDICE.
351
pauvres vont être aussi contents que vous de cette
et vos
bonne aubaine. tefeuille
une
teuse, en
M. Goupil
En môme temps,
»
de 14,000 francs
traite
qu'il
remit à sa visi-
priant de passer au bureau de l'acquéreur,
la
somme
où cette
,
de son porte-
tirait
il
que cet argent a
fructifié
:
il
serait
lui
comptée. Ajoutons
a servi à fonder,
aux environs
de Tours, un orphelinat aujourd'hui en pleine prospérité.
Tout
le
monde
au Palais - Royal à ce propos
a
vu
,
et
bien des légendes courent
Horace Yernet avait l'habitude
du
sortant
spectacle ou
moment où
l'on
dans laquelle amis.
Il
il
met
se
était
du
bal.
Il
monde
authentique
origine
d'aller
le
:
prendre du punch en
arrive
un
soir
au
en train.de repeindre à neuf
café,
au
la salle
d'ordinaire avec Carie et leurs
se tenait
à causer, puis tout à
pinceau qui se trouvait noir, et le lance
son
quelle est
voici
;
fameuse hirondelle du café de Foy,
la
à terre,
le
coup
il
ramasse un
trempe dans un pot de
au plafond. Les peintres, ne sachant point
commencent
à
gronder. Alors, Horace grimpe à l'échelle, et transforme
la
qui
il
est,
prennent mal
la plaisanterie
et
tache en une gracieuse hirondelle, que Parisiens et provin-
ciaux admirent encore de confiance, quoique, depuis elle ait été
neurs.
lors,
repeinte à diverses reprises par des badigeon-
— Dans sa jeunesse, après un déjeuner de campagne,
Carie avait également peint une enseigne dans un cabaret,
pour payer sa note chez Leduc de lèbre Yernet.
Une autre
;
et
beaucoup de gens sont
Montmorency
voir
le
allés jadis
cheval blanc du
«
cé-
»
histoire,
que
l'on a
souvent racontée de diverses
manières, c'est celle 'du fameux portrait du frère Philippe.
Un ami «
Mon
d'Horace, étant un jour dans son atelier,
cher, je vais de ce pas
devriez m'accompagner.
Il
y a
lui dit
:
à l'école chrétienne; vous là
un brave
homme
qui
fait
352
un assez médiocre Horace se
portrait, mais son
laisse séduire.
On
modèle
est superbe.
»
montre en grande pompe
lui
l'œuvre de Tlgnorantin, qui semblait tenir à honneur de
— du
justifier ce titre,
moins en
fait
de peinture.'
Horace regarde, trouve effectivement... fique, et, après avoir finit
le
modèle magni-
donné quelques conseils
à l'artiste,
il
par l'inviter à venir travailler dans son atelier.
Le lendemain matin, Le maître
Pendant
arrive avec sa toile.
son nouvel élève se mettent à l'ouvrage,
et
chacun de son
le frère
côté.
journée, Horace quittait de temps en temps
la
son chevalet pour aller donner quelques indications à son
pouvant plus se
voisin. Enfin, ne
samment avec des mots, «
Tenez,
lette; ce
au
dit-il
que vous avez
suffi-
se décide à prêcher d'exemple:
il
frère,
comprendre
faire
prêtez-moi un instant votre pa-
fait n'est
pas mal
;
mais
il
y
a,
dans
physionomie de votre modèle, un certain je ne sais quoi
la
que vous ne me paraissez pas bien Le
voilà
donc qui
en retouche,
finit
se
met
saisir. »
par refaire entièrement l'ébauche com-
mencée. Lorsqu'il rendit ses pinceaux à lui
répondit
«
:
de retouche
à l'œuvre, et qui,
celui-ci
l'artiste,
J'aurais peur de gâter votre ouvrage; soyez
assez bon pour y mettre
vous-même
Horace eut beau s'en défendre,
il
fois
dans son
dernière main.
ne put vaincre
gente obstination de son collègue
poser deux ou trois
la
;
le
l'intelli-
frère Philippe vint
atelier; et c'est ainsi
fut peint l'un des meilleurs portraits
»
que
de notre époque.
Horace Vernet avait une mémoire prodigieuse. Géricault disait
de
lui
:
«
Sa tète est un meuble à tiroirs;
regarde et trouve chaque souvenir à sa place.
il
ouvre,
»
Ce don précieux contribuait beaucoup à entretenir chez lui cette
merveilleuse
facilité
de travail dont on
a si
sou-
APPENDICE. vent parlé. Voici, du
un
reste,
fait
353
.
certain qui prouve
que
tout ce qu'on a pu raconter à ce sujet n'était pas entaché
d'exagération.
Le capitaine X*** avait ramené d'Afrique un magnifique cheval arabe. Horace, ayant eu occasion de voir cette bête, désira l'acheter; mais son propriétaire ne voulut pas la lui
A
céder.
encore
diverses reprises, des offres avantageuses furent
par
faites
l'artiste,
stances de
madame
mais sans plus de succès. Enfin,
X***
au mois de juin 1851, M.
se laissa toucher par les in-
Vernet, dont
le
mari venait de
faire
une
chute effroyable à Satory.
M. X*** demanda 4,000 francs de son cheval; seulement,
comme
ce prix était loin de représenter sa valeur réelle,
joignit
une condition au
veux bien vous céder mon arabe,
Je
«
mais
—
C'est
même
me
que vous
faut
il
convenu
,
je
son portrait
laissiez
vous
au peintre;
:
son portrait,
ferai
celui de votre cuisinière,
dit-il
si
vous
le vôtre,
le désirez,
et
répon-
gaiement Horace.
dit
—
Quant au
ma
portrait de
cuisinière, je vous en dis-
pense, car je n'en ai pas; mais j'accepte pour j'oserai
mon il
il
traité.
même
père est
pût avoir
le
la
— Topez
î
le
mien, et
vous adresser une dernière prière. La
fête
de
24 décembre; je voudrais que, ce jour-là
surprise de ce beau cadeau.
entendu
c'est
cier partit, laissant
;
»
fit
l'artiste
;
et le
jeune
offi-
son cheval.
Plusieurs mois s'étaient déjà écoulés xlepuis que cette
conversation avait eu
de loin en lui
loin,
lieu, et le capitaine avait
rencontré,
Horace Yernet, sans que jamais celui-c;
eût reparlé de leurs conventions.
Enfin, vers le milieu de novembre, M. X*** se décida à
rappeler à
l'artiste la
promesse
qu'il lui avait faite. 20.
354
JOSEPH, CARLE ET HORACE VERNET.
.
«Je
me
qu'une parole, répondit Horace; mais,
n'ai
trompe,
de monsieur
fête
la
père
votre
je
ne
tombe
le
si
24 décembre?
— Oui. — Eh bien
alors,
nous avons encore du temps devant
nous, et je n'ai pas besoin de penser
si
compose en ce moment un grand
diable de tableau qui
m'absorbe beaucoup
me
moi. Venez
revoir
commencer avant le
qui ne
et
me
tôt à votre affaire. Je
laisse pas
une minute à
22 décembre; je ne pourrai pas
le
votre portrait; mais soyez sans crainte,
matin du jour en question vous raccrocherez au clou que
vous
lui destinez. »
Le capitaine revint à l'échéance, sans toutefois compter
beaucoup sur
Vernet l'attendait
quelques instants;
fut bientôt «
Bon!
sais ce
Souty, suite
que
en
un
besoin de vous voir l'un sur l'autre. l'arabe devant la maison, et M.
Ayez
à faire.
encadreur,
et
le
le cavalier;
Effectivement,
l'obligeance
toile
vous
me
le 24,
je
de passer chez
il
ne restera plus
donnerez une séance,
et je
vous
»
M. X*** portait à son
une simple ébauche, mais un
non point
père,
petit tableau très-fini.
Voyageant en Suisse, Horace s'amusait un jour des croquis sur les bords du lac de Genève.
à prendre
De jeunes An-
glaises dessinaient à quelques pas de l'endroit où
L'une
X***
de vingt, puis, revenez
cheval sera terminé;
aurai bien vite expédié.
arrêté.
»
priez -le de m'envoyer tout de
cadre pour une
demain matin; que
j'ai
et
devant moi pendant
Horace au bout de quelques minutes,
j'ai
joli
qu'il avait reçue.
selle.
dit
mon
promesse
le faire travailler
amena
palefrenier
la
Tenez, dit -il, montez notre cheval,
«
:
ayez l'obligeance de
Un
de
la réalisation
d'elles s'approche,
regarde ce qu'il
il
s'était
fait, et
se
APPENDICE. met,
tout en l'encourageant
355
donner quelques con-
à lui
,
monde
plus gravement du
seils.
Le
et la
remercie avec une parfaite courtoisie. Le lendemain,
vieil artiste l'écoute le
s'embarque pour Lausanne
il
fesseur de
la veille
,
et
il
retrouve son petit pro-
qui accourt vers lui
,
en
lui disant
:
Monsieur, vous qui êtes Français, vous devez connaître
«
Horace Vernet; on prétend
me
donc assez bon pour
— Vous tenez — Oh! oui.
— Eh
qu'il est
beaucoup à
le
le
bateau; soyez
voir?
bien, miss, c'est lui qui a eu l'honneur de rece-
une leçon de vous, hier matin,
voir
sur
montrer.
le
On devine
sans peine
la
»
répondit-t-il en riant.
confusion de
pauvre
la
fille,
en
entendant ces mots.
Horace Vernet
était
d'une grande bienveillance pour
jeunes gens qui s'adressaient à somption, et
le
der avec simplicité.
peu suffisant, de
moyen de
meilleur
lui
Un
mais
lui,
lui plaire était
de l'abor-
rapin, qui lui avait paru tant soit
apporta un jour deux dessins et
en donner son avis très-sincère. Horace prit
lui
mier, l'examina pendant quelque temps, puis, sans jeter
un regard sur
simples mots
lui,
il
dit avec
le pria le
pre-
même
un sourire ces
:
J'aime mieux
«
Suivant
second,
le
les
détestait la pré-
il
l'.âutre. »
un paysagiste célèbre de ce temps ne mettait
pas assez d'air dans ses tableaux. Voyant un jour arriver les
envois de cet artiste devant
ouvrir Il
jury,
il
se leva et alla
la fenêtre.
avait,
lettres,
le
comme on
une façon nette
a
pu
s'en rendre
et juste
de dire
définition pittoresque qu'il donnait à
«Qu'est-ce qu'un chien?
compte par ses
les choses.
Voici
la
un peintre d'animaux
:
— Un train de derrière et un train
353
de devant qui ne vont pas ensemble.
»
Regardez
premier caniche que vous rencontrerez,
et
trotter le
vous serez de
cet avis.
On
s'en souvient,
Horace avait ses coudées franches
cour de l'empereur Nicolas; qui lui venait à
la
souvent à des tirades
despotisme.
suite d'une sortie de ce genre, le czar lui
en riant «
le
la
en profitait pour dire tout ce
l'esprit, et se livrait
énergiques contre
A
il
à
demanda
:
Alors,
mon
cher Vernet, avec vos idées libérales,
si
vous priais de représenter une victoire des Russes sur
je les
Polonais, vous refuseriez?
— Pourquoi donc,
sire? répondit aussitôt l'artiste; n'ai-je
pas déjà dû plusieurs fois dans
croix?
ma
vie peindre le Christ en
»
Afin de laisser sur une impression favorable
le
lecteur
qui nous a patiemment suivi d un bout à l'autre de ce long
volume, nous tenions à réserver pour mot, qui a
le
la
dernière page ce
double mérite d'être beau en lui-même
d'avoir conservé, hélas! à vingt ans de distance,
de
triste actualité.
un
et
intérêt
TABLE DES MATIÈRES
Page
A MM. Horace
et Philippe
Delaroche -Vernet
Avant-Propos
I.
— Naissance de Joseph. — Un père jaloux de — Madame de Simiane. — Départ pour Rome. — Une* tempête un peintre et un mât. — Misère et découragement. — L'alphabet des — Pergolèse. — Rivalité d'un cardinal et d'un perruquier. — La petite-fille d'un archevêque. — Livio et Orazio. — François Poisson, marquis de Marigny
—
Antoine Vernet.
son
fils.
,
tons..
M.
— Réception à l'Académie. — Commande — Le centenaire Annibal. — Échange de — Naissance de Carie et d'Émilie. — Un parrain baptisé. — Cacolettes et troupiole. — Tillottes et chalibardons. — Opinion
—
Retour en France.
des Ports de mer.
let-
tres.
d'un
III.
—
manœuvre La colonie des
artistes
de François Vernet.
Obliger nuit. tiquent point.
I
V.
—
Folie de
au Louvre.
— Bénéfices
— Brevet d'apprentissage
d'une initiale complaisante.
— Origine des expositions. — Critiques qui ne cri— Bonheur et succès de Joseph Vernet
madame
Vernet.
— Enfance
—
maladive de Carie.
Son premier dessin. Il aura des bottes Lépicié. Mot de M. et madame Chalgrin. salon de madame Geoffrin. Grétry, Gluck et
—
•
!
—
—
—
L'atelier
Voltaire. Piccini.
— de
— Le — La
TABLE DES MATIÈRES.
358
Pages.
—
loge des Neuf-Sœurs.
— Bernardin — Mort
mie.
V.
Prix de Rome.
de Saint-Pierre.
—
—
Amour
et religion.
Réception de Carie à l'Acadé-
de Joseph et naissance d'Horace
40
— 10 août. — Projets d'émigration. — Jugement de madame Chal—
—
— L'au— Vainqueur au Champde-Mars. — Commencement du siècle. — Dessins à vingt-quatre sous. — Deux croix en une. — Mariage d'Horace. — 1814. — La barrière de Clichy. — Médaillé et décoré — Voyage à pied. — Lettres de Carie Intérieur d'atelier. — Départ pour grin.
Civisme de David.
réole de sang.
— Sous
Assassin par négligence.
le Directoire.
.
l'Italie.
d'Horace
et
VI.
—
56
Le duc d'Orléans
et le
Vernet et de Géricault.
Horace
,
homme
Membre de
—
duc de Bordeaux.
—
— — Directeur
politique.
l'Institut.
— Intimité d'Horace — 1822. — —
Vogue et entraînement. Une gracieuseté du de l'École de
— Les
soleil.
Rome
71
— Horace Ver— F. Men— delssohn à la villa Médicis. La cocarde tricolore. — Lettre au comte de Forbin. — Polémique avec M. Thiers. — Premier voyage d'Afrique. — Une expédition avec Jusuf. — Le cœur
VII.
net
,
Un
provincial à
ambassadeur.
Rome.
— Ses
Glorieuses.
rapports avec
M.
Guizot.
78
—
— Premier voyage — Sa mort. — Départ d'Horace pour l'Algérie. — Rabadabla. — Le bagne maison d'éducation. — Le César du couscoussou. — Portraits et croquis. — Histoires touchantes d'un pinson et d'une petite — De Bone à Constantine. — Retour en France
VIII.
Horace se brouille avec Louis-Philippe.
en Russie.
—
Singularités
de
Carie.
,
fille.
IX.
104
— Départ pour l'Orient. — Malte. — Une singulière friture. — Alexandrie. — Méhémet-Ali. — Le Caire. — Marché aux esclaves. — La mosquée des fous. — Les Pyramides. — Le désert d'El-Arisch. — Palmiers-plumeaux. — Portraits et caricatures. — Gaza. — Bethléem. — Jérusalem. — Saint-Jean-d'Acre. — Sidon. — Damas. — Beyrouth. — Smyrne. — Constantinople. — Tourtes et chandelles. — France! — Le Musée de Versailles. — Difficultés avec la — Horace Vernet publiciste. liste -civile.
—
Le
droit de gravure
124
TABLE DES MATIÈRES.
359 Pages.
X.
—
La Russie peinte par Horace Vernet.
—
—
Second voyage
— Arrivée à Saint-Pétersbourg. — — Histoire lamentable d'une princesse qui aimait trop les cornichons. — Bal à la cour. — Tsarskoë-Selo. — Grandes manœuvres — Réflexions politiques. — La fête du en
Russie.
Traversée.
L'empereur Nicolas.
Czar
XI.
160
(suite). — Mort du — Horace Vernet ambassadeur. — Voyage avec le czar. — Moscou. — Toula. — Poltava et Waterloo. — Le métier d'hirondelle. — Varsovie. — Installation à Pétersbourg. — M. Ingres. — Coup d'œil sur de la Russie en 1842. — Les Juifs. — Enfantillages et tendresses
—
La Russie peinte par Horace Vernet
duc d'Orléans.
,
l'état
—
17;
suite). — Sages — Horace Vernet étudie la grammaire. — Portrait du czar. — L'hiver et le traînage. — Défense — Les de M. Ingres. — Toute vérité n'est pas bonne
XII.
La Russie peinte par Horace Vernet
(
d'un grand-papa.
conseils
à...
salons de Saint-Pétersbourg.
—
lire.
Découragement. —- Société mê-
La Saint-Nicolas. — Les Mystères de Paris et un roman — La Bible. — Une Niobé porcine. — Intérieur de famille. — Chronique scandaleuse. — Utilité de la critique. — Tristesse dans un bal. — Théorie des nez. — Avenir de la lée.
—
russe.
Russie et nécessité d'une révolution
205
—
La Russie peinte par Horace Vernet (suite et Un palais de cristal. La Saint-Martin de la palette.
XIII.
—
carnaval.
—
L'empereur au bal masqué.
—
fin).
—
Le
Lucullus et ma-
— Réjouissances et déguisements. — Un mariage — Le public et les coteries. — Céladon fripé. — Rubini. — L'église d'Isaac et la peinture décorative. — Voyage sur mer en traîneau. — Carême et jeûnes. — Les fêtes de Pâques. — L'hospice des enfants trouvés. — Bal à la cour. — Adieux à la Russie dame Gibou.
aristocratique.
XIV.
—
La Smâlah.
Seigneur Cadix. les
—
parenté d'un
—
Phénicien David et la Passion de Notre-
—
Voyage au Maroc. Jugement paradoxal sur Murillo.
critiques.
roche.
—
Enfantin.
—
Tanger.
homme
243
—
célèbre.
Bataille d'Isly
Les
—
— —
Gibraltar.
La
-
critique et
Français en Algérie.
—
La
Mort de madame Paul Dela•
280
'
TABLE DES MATIÈRES.
360
Pages.
XV.
—
Illusions
de Louis
-
Philippe.
—
24 Février.
—
Un
garde
— Journées de Juin. — Siège "de Rome. — Expédition .de Kabylie. — Le frère Hermann. — Guerre de Crimée. — Exposition universelle. — Creux et bosse. — Philosophie chrétienne. — Une vieille maîtresse. — Quatorze lustres dans une tête. — Vieillesse d'Horace Vernet. — Sa mort. — Ses dernières volontés national
—
convaincu.
Lettres
diverses.
299
APPEN DICE. h
—
Essai de critique sur l'Œuvre des trois Vernet
315
II.
—
Vernetiana. ...
338
FIN
PARIS.
—
J.
DE LA TABLE DES MATIÈRES.
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