La vie et l'oeuvre de J.-F. Millet, 1881

Page 1

—


HANDBOUND AT THE






JEAN-FRANÇOIS MILLET



LA VIE ET L^OEUVRE DE

J.-F.

MILLET PAR

ALFRED SENSIER MANUSCRIT PUBLIÉ PAR PAUL MANTZ AVEC DE NOMBREUSES ILLUSTRATIONS

PARIS A.

QUANTIN, IMPRIMEUR-ÉDITEUR 7,

RUE SAINT-BENOIT

M DCCC LXXXI

i<b3,\-


SS3,


ALFRED SENSIER

Alfred Sensier, dont nous publions

posthume, a toujours pensé que ennoblie

et

charmée par

la

aux choses de

l'histoire

des dessins,

des estampes,

dévouement

le

de

fort

plus

la vie n'est rien

si

Il

a

l'esprit.

;

et

a

il

Il

s'est

curieusement

aimé

et

combattu avec eux

et

25

décembre

Alfred Sensier

levé

s'était

artistes

de

le

nom

de Sensier

se

trouve

aux noms de Théodore Rousseau, de

maîtres ayant disparu,

le

le

pour eux. Les années pour-

Diaz, de Millet. Sensier leur est resté fidèle jusqu'à

faut dire, en

inté-

défendu, avec

avec un zèle qui

ront désormais s'enfuir dans l'oubli,

Il

pas

a eu la passion des tableaux,

il

infatigable,

associé pour toujours

livre

elle n'est

bonne heure, quelques-uns des plus grands

ce temps.

le

contemplation des œuvres de Fart,

par l'étude des créations de ressé

aujourd'hui

il

les

a suivis dans

deux mots, ce que

i8i5, et

fils

la

la fin

ces

mort.

fut sa vie.

d'un notaire qui aimait

entendit parler,

:

dès son enfance,

à Paris, les livres,

des belles

éditions à vignettes et des austères séductions de la jurisprudence.


ALFRED SENSIER.

H Il

montra pour

thousiasme

les

fort

choses qu'on célébrait autour de

Bien qu'il

inégal.

ait

un en-

lui

une étude

passé dans

d'avoué quelques-unes des années de sa jeunesse, Sensier ne

Tout en

cessa pas d'aimer les images.

du

faisant

droit,

assistait

il

avec une attention passionnée aux grandes batailles de

moderne fêtes

;

en

et

à ses triomphes

même

originaux.

A

temps,

il

un

vingt et

son romantisme

:

était

de toutes

il

avait déjà réuni les

les

documents

étudiait l'histoire dans les

ans,

l'art

commence-

ments d'une collection d'autographes.

Lorsque nous avons connu Alfred Sensier, peu après clamation de

seconde République,

la

Du

avec Jeanron. les

1848 à

i" avril

venait d'entrer au

la

de i85o,

fin

il

Louvre remplit

fonctions de chef de bureau des musées. C'est surtout à cette

époque

montra curieux de

qu'il se

moment de

bien étudié ce

lorsqu'il causait des

recueillir les pièces

hommes

tiques sur les faits et sur les

la

il

pro-

la

de

l'histoire, et

la

Révolution.

il

était

grands politiques de

authen11

bon à entendre

Constituante

la

avait

et

de

Convention nationale. Tous ceux qui ont eu à s'occuper de

cette période historique savent ce

ingénieuses découvertes

et les

que valaient sa

souvenirs que

collection, ses

lui avait

transmis

sa famille.

En

quittant l'administration des musées, Sensier entra au

ministère de l'Intérieur.

époque à laquelle quelque temps

altérée,

la liberté qu'il avait

à

l'état

de rêve

il

:

on

Il

fut

ne

y demeura jusqu'au i" juin 1873,

admis à lui

Sa santé, depuis

permit pas d'utiliser complètement

reconquise. sait

la retraite.

Beaucoup de

ses projets restèrent

qu'Alfred Sensier est mort à Paris,

le


ALFRED SENSIER.

III

7 janvier 1877, dans son modeste appartement de

dont

avait

il

Aux

un

fait

militants

il

trouvé mêlé au groupe

s'était

noua des

il

:

relations particulièrement

avec ceux qui allaient introduire dans

étroites

rue Chaptal,

musée.

petit

heures de sa jeunesse,

des artistes

la

le

paysage

la

d'un nouvel idéal. Sensier, qui n'aimait pas beaucoup démies,

dès l'origine, de

fut,

libre

la

époque où l'éminent paysagiste hérétique, dont

était

fut,

c'est-à-dire

œuvres suspectes auraient pu, d'après

les

le

Sensier a connu,

a

il

aimé

phalange de peintres qui ont

du paysage moderne.

stant de

qui

vaillant artiste

le

Barye,

et

Il

et

la victoire est

venue

si

vons

le

et

et l'historien.

et

11

au combat, M. Jules

a été l'ami

maître robuste

tard.

victimes de l'ancien jury officiel colères et leur fièvre;

Diaz.

le

:

Tous

le

:

pour

ces artistes étaient des

Sensier partageait leurs belles à ses amis.

ne calma pas ses ardeurs guerroyantes.

dire aujourd'hui

plus con-

et délicat

soutfrait de l'injure faite

il

il

ou qui sont encore l'honneur

a vu, à l'œuvre

Troyon,

dont

meilleurs de cette glorieuse

les

été

Jean-François Millet,

L'âge vint

les

Salon du Louvre.

devait être plus tard l'exécuteur testamentaire

et

un

dès lors, associé à toutes les péripéties de la bataille,

à toutes les luttes qu'eut à soutenir

Dupré,

Il

une

à

encore un proscrit,

sentiments d'un jury bizarre, déshonorer

Sensier

les aca-

académie de Barbizon.

avec Théodore Rousseau en 1846,

se lia

poésie

Nous pou-

un

batailleur

hésita

longtemps

Sensier a été plutôt

qu'un critique. Il

à faire

se déliait

cependant de ses forces,

œuvre de

lettré.

En

i858,

il

et

il

publiait, en déguisant son


ALFRED SENSIER.

,v

mince pla-

intéressante notice sur Olivier de Serres,

nom, une

quette que les bibliophiles devront conserver,

non seulement en

raison des documents qu'elle renferme, mais aussi parce qu'elle a

pour frontispice une des plus rares lithographies de

Sensier et

fit

ensuite une excursion dans

annota

il

les

et

sur

peinture moderne;

la

homme

de combat

constamment, dans sa

fit

(i865).

il

:

Il

traduisit

écrivit

pseudonyme de Jean Ravenel, divers

expositions

toujours resté un il

xvni* siècle

Journal de Rosalba Cavriera

le

y Époque, sous le

sur

le

critique,

et qu'il

le

plus acti^'e à

porte-parole la

;

enfin

il

une large place à

Revue internationale de

l'art et

fondée en i86g avec Ernest Feydeau

qu'il avait

il

est

un drapeau,

avait

collabora de

dans

articles

comme

et,

ses amis,

à ce groupe sympathique de l'école de Barbizon dont

volontiers

Millet.

il

était

manière

la

la

de la curiosité

et

dont

la publi-

cation fut interrompue par les événements de 1870.

dans

C'est

cette

revue que Sensier

principale, les Souvenirs sur récit,

l'intimité se

fit

Théodore Rousseau.

mêle au lyrisme. Ces

révélations personnelles sur l'artiste et

réunis en 1872 et forment

graphie

la

imprimer son œuvre

plus détaillée

un volume qui

du grand

On

connaît ce

articles, pleins

de

sur l'homme, ont été restera

comme

la bio-

paysagiste. L'année suivante,

Sensier publiait son Étude sur Georges Michel, travail difficile et

véritablement nouveau, car en 1873 celui qu'on a appelé

le

a

Ruysdael

de Montmartre

presque légendaire, a

pu

éclairer

mystérieuse.

les

et

»

était

déjà

un personnage

ce n'est pas sans efforts que l'historien

points obscurs de son état civil

et

de sa vie


ALFRED SENSIER.

vait écrire,

yeux

:

entreprit

il

eu

le

les lettres

de son camarade,

livre

il

lui seul

Millet.

11

pou-

avait sous

savait sur ses origines,

les particularités

touchantes

livre.

Le jour de l'enterrement de Sensier, la

que

public n'a point connues. L'écrivain est mort sans avoir

temps d'achever son

le

un

une biographie de Jean-François

sur ses travaux, sur ses luttes toutes

que

et

avant l'heure, voulut donner un pendant à ses Soiti'cm'rs

sur Théodore Rousseau

les

malade

cette enquête, Sensier, déjà

Après avoir terminé vieilli

v

convenu, avec

fut

il

famille et avec les amis, que son manuscrit, mis en ordre et

terminé, prendrait

dont Sensier nous avait lu

cette biographie,

pitres, présentait

forme solennelle du volume. Et, en

la

une saveur particulière.

de Millet, un noble

et

les

effet,

premiers cha-

s'agissait, d'ailleurs,

Il

puissant artiste dont

est

il

bon de savoir

la vie.

Le manuscrit qui nous

remis

fut

n'était

pas dans un

état très

rassurant. Sensier avait raconté la biographie de Millet jusqu'à la fin

de 1864; mais, quant aux dix années suivantes,

à recueillir des documents

et

des notes. Çà

pour quelques épisodes, un vague dans

les parties

essai

il

s'était

et là, et

borné

seulement

de rédaction. Et même,

terminées, bien des à-peu-près, bien des pages

restées imparfaites, et dont l'écrivain, troublé par la maladie,

avait renvoyé la revision à des jours plus calmes, à des jours qui

ne sont pas venus. point,

d'achèvement

altérer la pensée

Il

y avait et

de

pour nous un

ciselure.

du rédacteur

Nous

primitif,

travail

l'avons

de mise au fait,

sans

mais sans nous priver

droit de corriger quelques erreurs historiques

;

nous n'avons


ALFRED SENSIER.

V,

pas manqué, d'ailleurs, d'utiliser les notes que l'auteur avait recueillies

ainsi

et,

s'est

manuscrit que Sensier considérait lection,

amis

sinon parfait,

trouvé complété,

comme

le

son œuvre de prédi-

sans doute parce qu'elle célébrait

le

plus cher de ses

*.

Alfred Sensier a lui-même tracé son portrait dans quelques lignes qui servent

Rousseau. il

Il

de préambule à ses Souvenirs sur Théodore

avoue

qu'il n'est point

critique

de profession

;

déclare qu'il ne sait pas analyser, qu'il obéit à des entraîne-

ments

irrésistibles, qu'il lui est

que, lorsqu'il a été conquis, là,

un

en

effet,

son défaut

:

il

a

impossible d'admirer à demi, «

la foi

du charbonnier

c'est aussi sa qualité

ses illustres amis, à des disputes d'école

peu haut pour

être

entendu; persuadé,

«.

et

C'est

suprême. Mêlé, avec

il

comme

fallait

parler

un

eux, que la vic-

toire est le prix des convictions persistantes, Alfred Sensier a été le

dernier enthousiaste.

PAUL MANTZ.

Un document

I.

Millet

Lebrun, qui nous et

pour

livre.

est d'ailleurs

l'illustration

nouveau

le

Ce catalogue

est

intéressant et

— a été ajouté h ce

venu en aide pour

du volume.

catalogue de l'œuvre grave' de à la

un ami de

Sensier,

M. Alfred

recherche de certaines dates


PRÉFACE

Le grand peintre

John Constable,

anglais

paysage moderne, mourait en iSSy.

admirateur de son talent

et

Un

le

rénovateur du

ami, artiste lui-même,

témoin de toute sa

donna

vie, se

la

tâche de rassembler sa correspondance, ses écrits, ses conversations,

et

notes sous

de le

publier

les titre

:

avec

des éclaircissements

Mémoires de John Constable,

Charles Leslie mit en lumière l'existence laborieuse

de son camarade,

et les

et

des

peintre.

et difficile

idées nouvelles, les pensées intimes, les

systèmes ingénieux, que pouvait

honnête du grand travailleur.

lui

fournir la carrière calme

raconta, dans

Il

ternel, les mélancolies, les doutes, les joies

un

livre

et

fra-

du meunier devenu

paysagiste.

Nous n'avons Leslie

,

homme

ni

de savoir

sommes guère moins lettres,

le talent ni

et

en souvenirs.

du peintre Charles

de compétence

riche que lui

de notes, de réflexions

Tautorité

;

;

mais nous ne

nos mains sont pleines de

écrites, et notre

mémoire abonde


PREFACE.

v,n

Pendant plus de trente ans, nous avons vécu de Millet,

avons connu et,

ses confidences

nous avons reçu

ses pensées secrètes.

dans ses libres épanchements, Millet était

avant tout un

il

fort

l'aimions

:

le sentait,

il

dit.

et souffrant,

de ses convictions

sa religion et dans son art,

;

de

nous

ses plaintes,

et

nous a tout

un cœur mélancolique

homme

âme, son repos

Nous

la vie

mais

était

il

fidèle et fier

dans

leur vouait les douceurs de son

il

jusqu'à sa vie que la dureté des temps n'a que

et

trop abrégée.

Nous ses

dépositions

pareille

donc publier une enquête sur

allons

et

ses témoignages.

Tout y

existence.

n'avons pas

le

République des

Nous avons copié main de

nés de la tions,

la

pur

est sain,

droit de garder

doit profiter à la

Rien

n'est et

Millet, d'après

à cacher d'une

instructif.

Nous

pour nous seuls un fonds qui arts.

plus grande partie des documents éma-

Millet en les

de nos éclaircissements

accompagnant de

conversa-

ses

de nos réflexions personnelles.

et

Nous ne nous sommes pas permis de

juger notre ami, mais nous

avons tenté de

attaques dont

jet, et

de

le

le faire

années de notre

défendre contre voir

tel

liaison.

qu'il

les

il

a été l'ob-

nous a paru pendant

Si son talent

les trente

peut être diversement

apprécié, sa vie fut celle d'un sage, d'un travailleur courageux,

d'un père aimant

et

d'un camarade dévoué. Sa biographie

est

tellement accidentée, tellement étrangère à notre existence ordinaire que,

si

nous avions pris

pres, ce livre aurait passé

le parti

de changer

pour un roman,

les

noms pro-

tant les situations en

sont émouvantes, les résignations invraisemblables et l'action


PREFACE. mouvementée. Et pourtant autre chose que et

d'un

le

Le

artiste.

le récit

tableau réel

et

X

que nous publions

véridique de

d'un

la vie

lecteur s'en apercevra bien vite.

n'est

pas

homme

Nous n'avons

rien inventé, rien imaginé.

Millet est pour nous

des

duit

aux idées

champs

une grande

saines, à l'esprit lucide, à la

d'une pensée féconde nettement

On

«

main sûre

a cru trouver en

France qui

pour avoir

lui

fait

un

travail.

portrait et

»

du

sublime

les

je

le

je

de

misère

la

marques

indélébiles de son ori-

De nos

jours encore,

la tristesse et la

pauvre laboureur de nos pays.

« Si,

un

poésie

en regagnant

rencontrais quelque laboureur à l'orée d'un

champ,

m'arrêtais pour contempler cet homnie, né parmi les gerbes il

devait être moissonné,

la terre

et qui,

de son tombeau avec

le

pour

ainsi dire,

retournant

soc de sa charrue, mêlait ses

sueurs brûlantes aux pluies glacées de l'automne. Le sillon venait de creuser était

vu

le

ont montré, d'après nature,

stigmates de ses souffrances.

de son style

sort misérable

farouche de

et

est

Il

n'a point été persécuté

grand penseur. Chateaubriand, a peint avec

château,

a doté notre école

Millet n'a pas été

fin.

La Bruyère

La Fontaine

l'homme des champs, avec

le

puissante.

un révolté ou un pédant.

parlé avec force

ait

humaine. Montaigne

et les

il

;

et

la portée.

l'homme voué au

gine

un pro-

d'autres que nous en développeront plus

;

temps que ces malentendus prennent seul en

l'art,

un homme nouveau,

bienfaisants et fertiles,

a chanté sa vie, sa race et ses travaux

11

dans

ligure

les

le

monument

pyramides du désert

et

qu'il

destiné à lui survivre;

ces sillons

j'ai

abandonnés sous mes


PREFACE.

X

bruyères

Comme

»

'.

ces maîtres, Millet a cherché la beauté dans l'ex-

l'expression dans

et

autres n'attestent que les travaux

les

des jours de l'homme

et la rapidité

pression

comme

uns

les

:

le

type fondamental

Aussi bien que personne,

des champs.

des races civilisées.

la distinction

de sélection,

et

avait vu, tout

comme un

les jolies filles

de nos campagnes

ser

avec toute

son cœur,

la

la force

;

et

la

«

beaux gars

mais

il

plastique.

la »

Il

de son pays

et

cherchait à caractéri-

de son esprit, avec tous

condition pénible

où réside

n'ignorait pas les systèmes

Il

autre, les

travailleur

la régularité, la finesse

grammaires sur

avait lu les

il

savait

il

splendeur apollonienne, où apparaissent

du

les

mystérieuse de

souvenirs de

la créature

sur

cette terre.

Pour

Millet,

tout entière

le

;

l'homme de

la glèbe, c'est la famille

travailleur rustique lui fournit les traces les plus

accentuées de nos actions, de nos labeurs

paysan

n'est

humaine

pour

lui

et

de nos peines. Le

qu'un être vivant qui formule, avec une

puissance plus réelle que tout autre

homme,

l'image, la figure

presque symbolique de l'humanité. Millet n'est cependant ni

un découragé

un laboureur qui affectionne son champ, et le récolte.

c'est la

Son champ,

c'est l'art.

nature qu'il aima de toutes

le

ni

Son inspiration, les forces

admire, qui souffre

et

de son

qui

de son cœur. 1.

Souvenirs d'enfance

et

de jeunesse, 1S74,

C'est

triste.

défriche, l'ensemence

ne cherche donc dans sa pensée que celle d'un tissant et pieux, qui

un

p. i5G.

c'est la vie, être.

Qu'on

homme compa-

le dit

par

la

voix


PREFACE.

XI

Et quand, devant une peinture ou un dessin de Millet, on s'étonnera de la rudesse de sa main, de Tétrangeté l'inattendu de la composition, qu'on laisse

œuvre,

et,

comme

l'artiste,

le

du

temps

sujet,

son

faire

qu'on se prenne à contempler

plaines, les bois et le ciel; qu'on oublie,

pour un

instant,

de

les

nos

traditions et nos modes, et l'on sentira en soi l'air fortifiant qui

anima

Millet.

En voyant

vaux des champs, Tàme lent et

la

famille rustique occupée

inquiète,

l'attitude résignée,

douloureux, on reviendra vers Millet,

compris

se dira

:

Il

y a

humbles, un poète qui exalte de bien qui encourage

et

un les

aux

peintre qui

et celui

donne

le

geste

qui aura

la

grandeurs ignorées, un

console.

tra-

vie

aux

homme




!mti/it/ j^/y-tf-^// t/i^/'i'jt

liJi

.LFRK.D

c/uA^ t/r

/V^A.n'cr,/^/

SEMSIER

e, iijip.




JEAN-FRANCOIS MILLET

CHAPITRE PREMIER LE COTENTIN.

LE CAP DE LA HAGUE.

LE VILLAGE DE GRUCHY.

La rade de Cherbourg Fermanville, tentrionale

Vu désolé

et

cap de

le

par ceux qui sont en mer, et

Une

terrible.

sein des

abîmes dans

;

la

pointe de

Hague, extrémité sep-

l'aspect

le

pays de

la

Hague semble

des massifs de rochers noirs, soulevés âges primitifs, sortent des eaux en

les ;

des rivages couverts de pics

d'aiguilles qu'on croirait d'acier

donnent

par

ceinture de hautes falaises granitiques

figures bizarres et hérissées

lui

la

l'est

du Cotentin.

l'entoure de toutes parts

du

bornée à

est

à l'ouest par

GREVILLE.

LA FAMILLE MILLET.

ou de

fer,

et

des gouffres béants,

d'une contrée maudite où l'homme ne peut

vivre.

Cependant, quand on parvient sur de physionomie rages

et

tout s'anime

:

des

les

hauteurs, tout change

champs labourés, des pâtu-

paissent les bestiaux, des bois, des habitations peuplées

annoncent que ce pays

est fertile et bienfaisant.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

2

Dans le

le pli

d'une petite vallée qui descend à

hameau de Gruchy, dépendant de

mune de

reurs qui, de père en

du nom de de son

mer

et

de

se voit

la

com-

Gréville.

y a quarante ans

11

la paroisse

la

Millet,

cultivaient leur bien. Cette famille,

fils,

était

composée d'une grand'mère veuve,

de sa femme, de huit enfants

et

fils

plus vivait là une famille de labou-

et

d'un ou deux

et

domestiques.

Le grand-père, Nicolas

Millet, était

quinze ans. La grand'mère enfants avec se

trouvent

la sollicitude si

grand'mère qui la

mère

et

des étables.

bien

la

dont

les

mère avaient élevé tous nourrissons de

mais, selon

;

s'était

et

mort depuis près de

l'usage

Normandie

la

du pays,

c'est

s'occupait plus particulièrement des travaux des

champs

l'a'ieul, était

Saint-Germain-le-Gaillard, à quelques lieues de Gréville;

du pays,

famille, de la vieille race

Un

savant

meunier

tout

à

frère s'était enrôlé

chimiste,

philosophes

un

Il

.

la vallée

et

un

'

;

cœur

troisième,

Hochet, passait ses

Mémoires

de sa jeunesse, Jumelin secrets

conférence,

le

combinaison aux auteurs desquelles

(.M.)

C'était

loisirs

1745,

»

la

les fit

membres de la

il

le la

non un

et chimiste, qui fut est

aux choses de

du continuateur de Bachaumont nous

M. Jumelin, docteur en médecine,

serrurier.

Né en

s'était intéressé

24 décembre 1777, devant

destinée aux prix.

Charron.

de Jean-Baptiste Jumelin, médecin, physicien

instant le collaborateur de Spallanzani.

«

célèbre

été

comme Montaigne

s'agit ici

Au temps

tion.

le

sa

dans un ordre religieux; un autre,

presque

dans

avait la tête forte et

de

Pascal, Nicole, les écrivains de Port-Royal et aussi les

lire

I

avait

qu'il fût

la

chargée du soin de leur premier âge, car

Louise Jumelin, veuve de Nicolas Millet,

chaud.

les

la

mort en 1807. mécanique. Les

montrent

faisant

une

Société libre d'émula-

démonstration des deux serrures de

Société a partagé la

somme

Ces curiosités ne doivent pas surprendre sous

le

de 5oo livres règne d'un roi


^

s

%

2


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

4

raisonneur, mais une bonne Il

pleine de sens

tête,

avait quelquefois des discussions avec

le

curé de son village,

prêtre disait à ceux qui lui en parlaient

et le

bonhornme, car

trop se frotter à ce

grande

force.

Une

vieille

se

un des souvenirs touchants de

était

foncièrement

plus

fut

qu'on appelait Bon-

et

un dévouement qui ne

avec

enfants

les

personne ne

;

ne faut pas

Il

a des mots qui sont d'une

il

sœur nommée Bonne,

démentit jamais. Bonnotte Millet

«

:

»

soignait

notte,

de droiture.

et

que

fidèle

cette

excellente créature; elle pensait à tout et à tous, et elle s'oubliait.

Un le

autre frère Jumelin, marcheur infatigable, faisait à pied

voyage de Paris, c'est-à-dire cent

deux

nuits sans s'arrêter.

loupe,

il

Il

avait

couru

au bourg des Pieux, où

et il

A

monde.

le

devint agent d'une plantation,

de l'aisance

en deux jours

lieues,

il

et

Guade-

la

revenu avec

était

une

cultivait

petite

terre.

La grand'mère de

même que pour

parents.

C'était

la

de sa famille,

ferveur, elle

et

pour

portant

milité était

une de

le

vêtement

ses vertus.

et le

bonnet de

Toute sa force

les siens.

lutter

que

l'idéal

dans

les

Consumée par

patois

la

Hague. L'hu-

ses devoirs, le

de conscience, que action de sa vie, conseil

si

s'il

lui

modeste

survenait

tel

;

dans

les autres, elle

point

un doute au

ses

yeux

scrupules

les

sujet d'une

fût-elle, elle allait aussitôt

au curé de son village

dans

feu religieux,

bonnes œuvres, n'ayant devant

d'une sainte. Elle poussait à un

comme

le

sévère pour elle-même, douce et charitable pour passait sa vie

avec ses

se concentrait

amour de Dieu, dans l'accomplissement de

son attachement pour

raisonnement

le

pouvait

une digne paysanne, parlant

les autres,

son

tenait

demander

et elle était si rigide

dans son


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

5

rôle de grand'nière, qu'elle ne voulait jamais coder à

vement d'impatience pour

infliger

petits-enfants. Elle remettait

la

un mou-

moindre punition à

au lendemain

la

ses

réprimande ou

la

pénitence, alln de pouvoir leur expliquer à tète reposée l'impor-

tance de

la

faute et la raison

Sa charité

sans bornes. Elle avait conservé l'antique

était

du

tradition de l'hospitalité et

qu'un colporteur passait, gîte.

que

savait

Il

ouverte. Les mendiants

approcher du

faisait

respect pour les pauvres. Lors-

demander

n'avait pas besoin de la

maison des Millet

les

feu.

saluait avec

ils

et

les

Elle leur ollrait à manger, elle les puis,

;

partaient, elle remplissait leur besace.

C'était

préféré la

leurs

une révérence

hébergeait après s'être entretenue des nouvelles du pays

quand

le

toujours

était

du pays y arrivaient comme chez

La grand'mère

parents.

il

porte de

la

du châtiment.

en tous points une puritaine catholique;

mort

et

elle aurait

accepté celle des siens, plutôt que de

se dégrader. Millet

les

voir

le

sou-

conserva jusqu'à son dernier souffle

venir de cette aïeule

:

il

en parlait

comme

d'une de ces mères de

Port-Royal qui ont l'enthousiasme du devoir.

Son était le

de

fils,

Jean-Louis-Nicolas Millet,

mœurs

village,

on

pures

et fort

homme

respecté des voisins.

un peu trop

plaisantait en termes

Jean-Louis s'approchait pour entendre, on nous, 11

simple

Quand, dans grivois

se disait

:

k

que

et

Taisons-

c'est Millet. »

y avait en

lui

un

esprit

contemplateur

et

un tempérament

musical très développé. Simple chantre de sa paroisse, geait avec intelligence des choristes

entendre de plusieurs lieues à fidèles

doux,

et

la

diri-

campagnards qu'on venait

ronde.

En

ce temps-là, les

répondaient par des chants aux versets du prêtre

chantres.

il

Jean-Louis Millet discernait

les

voix

les

et

des

plus justes,


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

6

dans

les instruisait

plain-chant

le

choral qui avait toute

un ensemble

et réglait ainsi

pureté des anciennes maîtrises. Millet a

la

conservé des chants d'église que son père avait notés croirait

de

main d'un

la

scribe

Le dimanche, après

du

fêtait le

il

xiv^ siècle.

;

et là,

dans sa maison, au milieu

du Seigneur comme un

jour

qu'on

messe, Jean-Louis Millet aimait à

la

recevoir ses parents et ses amis

des siens,

et

patriarche,

offrant à la réunion de famille la table copieuse et simple d'un

paysan qui veut honorer sans doute, tous

les

ses hôtes.

germes

Tabsorba jusqu'à sa mort

cette nature

une proportion

distinction avait certainement

supérieures à sa condition;

mourut sans

il

ses vertus et

de ses dons. Cependant

un

Il

par

instinct confus.

homme

il

d'une et

cet

François

:

«

Vois donc

arbre est grand

qu'une

fîeur.

terrain

:

derrière

«

le

Puis,

»

comme

par

comme

champ

bien

dessiner ainsi

!

»

modeler; puis,

Parfois

il

;

c'est

fait;

sa

Vois donc est

il

il

est

fenêtfe, cette

me

tel était le

La mère de

son

disait à

comme

beau à voir

aussi

examinant un

de

pli

maison à moitié enterrée semble qu'on devrait

prenait de l'argile

avec son couteau,

il

beau, vois donc

il

de longs cheveux noirs bouclés,

superbes,

compte de

souvent .préoccupé

et

sculptait

l'œil

la

de

essayait

dans

quelque animal ou quelque plante. Grand, élancé, verte

véritable

aimait à observer les plantes, les

bien

et

travail

une mesure bien

arbres et les animaux. Prenant des brins d'herbe, fils

si

se rendre

fut

ignorait,

Le

d'art qui vivaient en lui.

mais

;

Ce brave

le

bois

la tête

cou-

doux,

les

mains

père de Jean-François Millet.

Millet, Aimée-Henriette-Adélaïde

Henry, née

à Sainte-Croix-Hague, appartenait à une race de riches cultivateurs qui, dans le temps, passaient

appelait les

Henry du Perron.

pour gentilshommes.

On

les

Elle était toute à ses soins de


JEAN-FRANÇOIS MILLET. ménage, à

aux ouvrages de

enfants et

ses

7

maison. Pieuse,

la

mais peu portée aux exaltations des Jumelin,

dans

elle vivait

le

dans l'obéissance aux ordres de son mari.

travail et

Henry du Perron

Cette famille

enfants qui tous ont

fait

souche

était

et

composée de plusieurs

vivent au pays de Sainte-

Croix. Millet avait entendu dire à sa mère que ses parents était

demeure de

la

importante; vastes bâtiments en granit, belle

cour ombragée de grands arbres sous lesquels on voyait des

bœufs

charrettes à

On

voir.

vant, une était

que

disait

des charrues rangées autour d'un abreu-

et

cette habitation avait été,

demeure seigneuriale

tombée entre

du Perron

les

qui, par les

mains des paysans

eux-mêmes, que

n'étaient-ils,

;

les

un

siècle

aupara-

malheurs des temps,

Henry

peut-être les

descendants déchus

des maîtres d'autrefois, dernière lignée de ces petits propriétaires

de

la féodalité

les

manants de l'ancien

Un c'était

qui ont

le

messe

terroir.

grand-oncle Charles

;

la

qu'il

Millet,

Révolution,

mais quand

la loi

au

l'abbé Millet était rentré Il

manentes,

les

autre parent qu'on se rappelait toujours avec émotion,

d'Avranches. Avant la

par se confondre avec

fini

il

prêtre

du

diocèse

avait pris les ordres et dit

permit de revenir à

la vie laïque,

village.

avait voulu rester fidèle à son serment de prêtre, et quoi-

y eût danger à être

laboureur en soutane se dépouiller

son bréviaire

et

en sabots,

sur

les

il

hauts

il

redevenu

était

n'avait jamais consenti à

On

le

voyait

champs qui dominent

la

lire

mer,

charrue, ou transporter des blocs de granit pour

la

enclore les

morceaux de

"Pendant

et

devoir,

de ses vêtements ecclésiastiques.

labourer à

qui apprit à

homme du

lire

la

aux

terre appartenant à la famille. C'est lui

aînés.

Révolution, sa liberté

et

même

sa vie avaient


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

8

été

menacées plusieurs

serment à

fois

Constitution, qu'il croyait porter atteinte

la

montagnard fanatique,

Le grand-oncle de

la terreur

de son département,

homme

excellent et toujours

Millet,

fidèle à ses devoirs, passait ses jours

champs.

travail des

labourer

Quand

on

jardin,

le

le

l'abbé avait à tracer

le

un

sillon

ou à

voyait serrer son bréviaire dans sa

poche, relever sa soutane jusqu'à

la ceinture et se

mettre avec

sorte de satisfaction à retourner la terre. Il

comprenait que son neveu avait besoin d'aide, car

de famille

effort.

était

douce à Gruchy,

travaux

les

Pour

sur terre

plus âpres

les

et

sur

souvent la

mais on

mer

les

les sentiers à pic

sans cesse à épier

était

passage;

et,

diffi-

prises avec les

plus dangereux.

mer tirait

était

de

une fortune. Gruchy la

plage les fumures

de cheval ou de

jusqu'aux champs de

la

vague. Alors tout

de longs râteaux en bois, se précipitait à les

la

la culture.

les attirer

On au

après de grandes tempêtes, des bancs entiers de

varechs apparaissaient sur

sonner

aux

labour

le

épaves maritimes pour

les

si

au prix d'un constant

engrais, qu'il fallait remonter à dos

mulet par était

et

gens de Gruchy,

n'avait pas de pêcheurs, les

c'était

Les champs en pentes escarpées rendaient

cile et l'existence

et

en contemplation dans

donnait à ses petits-neveux l'exemple

Il

d'une vie sans tache.

vie

pres-

ordonné son arrestation.

avait

une

aux

Rome. Le fameux conventionnel Lecar-

criptions de la cour de pentier,

parce qu'il n'avait pas voulu prêter

la

le village,

armé

mer pour en mois-

varechs, récolte productive, mais périlleuse. D'autres

hommes de Gruchy de contrebande niers de la côte.

et

louaient leurs services à des entrepreneurs

passaient de longues nuits à éviter les doua-

Les Millet n'avaient jamais voulu

cette industrie suspecte.

<(

se prêter à

Nous n'avons jamais mangé de

ce



JEAN-FRANÇOIS MILLET.

10

pain-là,

— me

malheureuse

!

disait Millet,

était

hameau. Chaque feu

de

nécessaire à la vie se faisait dans

le

s'ingéniait à fournir à la famille les hardes,

linge et les ustensiles. L'hiver, à la veillée, les la laine

en eût été trop

»

Tout ce qui

le

— ma grand'mère

ou du chanvre,

cousaient;

et elles

les

femmes

filaient

hommes,

aussi

habiles que les vanniers des villes, confectionnaient des corbeilles et des paniers.

On

on

causait,

des vieux temps; on chantait aïeux. Millet a toujours gardé

les le

répétait les récits fabuleux

noëls qu'avaient chantés les

souvenir de cet âge patriarcal.


.

CHAPITRE NAISSANCE DE

J

E A N - FR A XÇ O

I

11

MILLET.

S

SON ENFANCE.

ANECDOTES ET SUPERSTITIONS DU PAYS. l'École. première bataille.

SES SOUVENIRS ÉCRITS.

ENTRÉE

A

Millet, le peintre des paysans, est né le

hameau de Gruchy, commune de (Manche) II

Gréville, canton de

Beaumont

'

était

le

second

enfant de Jean-Louis-Nicolas

femme

cultivateur, et de sa

Henry. L'aînée des enfants

Sa grand'mère de son père,

et

fut sa

Millet,

légitime Aimée-Henriette-Adélaïde était

épousa un habitant du hameau,

nom

4 octobre 18 14, au

une

fille

nommé

(Emilie) qui plus tard

Lefèvre.

marraine. Elle

François, parce que

le

nomma

c'était

Jean, du

un grand

saint

qu'elle aimait et dont elle invoquait souvent la protection. Saint

François d'Assise, l'infatigable contemplateur des choses de nature, était, en

effet,

un patron bien

plus tard, devait être l'amant

le

choisi

la

pour l'homme qui,

plus passionné de l'œuvre de

Dieu.

I.

C'est à tort qu'on a

donné

L'acte officiel du registre de la

indiquons

— 4 octobre

le

8 octobre 181 3 pour date de sa naissance.

commune

1814. (A. S.)

de Gréville constate

la date

que nous


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

12

Toute

couva comme

Dans

vague de

le

cœur

favori de son

le

un garçon,

à élever

fière d'avoir

la

grand'mère

le

de ses entrailles.

et le fruit

l'existence enfantine, Millet l'entrevoyait tou-

jours occupée de lui,

le

berçant,

le

réchauffant de son corps en

chantant, durant des journées entières, des airs qui char-

lui

maient ses

oreilles.

vécu pendant plus de trente ans dans

J'ai

Millet, et je sais

que

bonne

cette

de

l'intimité

figure d'aïeule, de nourrice,

de consolatrice revenait toujours au cœur

et

du

à la pensée

petit-fils. Il

le

enfant qu'il entendait sa grand'mère s'approcher

était tout

matin de son François

petit

lit

si

:

oiseaux chantent

comme

l'amour de

la

comme

tu savais

la gloire

me

Millet

du bon Dieu

Tout

comme

adorait la volonté.

belle religion, puisqu'elle lui

en se détachant de tout, car sente les

pour soulager

ou

secourir J'arrive

les

Réveille-toi,

»

Et, en effet, sa religion,

sa religion se mêlait à

donnait

la

femme

force de tant aimer était

toujours pré-

pour excuser leurs

à des notes

fautes,

émanées de Millet lui-même.

pour moi

et

charmé par

ses causeries,

infligée je

;

mais

pour

de Paris, que le

temps

ne publierai de ces

me

Il

je le

ses souvenirs de jeunesse. Je possède

sa famille, à son pays, et de la souffrance et

ou

C'était là, ajoutait Millet,

son attache-

ainsi bien des pages écrites sous l'impression de

Cherbourg

les

l'œuvre du Créateur dont

«

la sainte

les autres,

donnait quand, entraîné

ment à

mon

les plaindre. »

ici

priais de fixer

«

ce qui était beau, grand, terrible

inexplicable lui apparaissait

une

!

:

y a longtemps que

il

disait plus tard,

le

nature.

elle respectait et

doucement

et lui dire

les

n'est pas récits,

mœurs

que

des villes

lui

la vie

avaient

encore venu de tout dire,

écrits

de

par Millet, que ce que

et

les


JEAN-FRANCOIS MILLET. convenances permettent d'en

livrer aujourd'hui.

i3

Quand

toute

une génération de contemporains aura disparu, on connaîtra

EMILIE MILLE T. (Dessin de

un

repli

du cœur de

la

collection de

M.

Frion.)

Millet qu'il nous est interdit de mettre à

nu, sa résignation, sa connaissance des

hommes,

et

combien


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

14

leur triste ignorance de ce qui est

bon

et

généreux

causait

lui

d'angoisse.

Voici

précieuses écrites par Millet sur son enfance;

les lignes

nous respecto-ns l'expression naïve

que

recte

parfois

a donnée à ses souvenirs

l'artiste

me

Je

«

et

rappelle m'être éveillé

médiocrement cor-

:

un matin dans mon

en entendant des voix de gens qui causaient dans

Parmi

j'étais.

voix

les

se faisait

il

le bruit

voix étaient celles des femmes qui filaient

La poussière de

nait toute seule

la fenêtre étroite et

du jour à

cette

ce rayon de soleil donner face

au

levant.

grand

lit

rouges

et

et

et

la laine.

le

un peu haute qui don-

chambre.

même

J"ai

revu bien des

la

chambre un raies

larges

retombant tout autour jusqu'à

et

fois

car la maison faisait

effet,

recouvert d'une couverture rayée de brunes,

d'un rouet

cardaient

y avait dans un des coins de

Il

chambre où

chambre venait danser dans un rayon de

la

qui entrait par

soleil

lit

une espèce de ronflement qui

s'interrompait de temps en temps. C'était les

la

petit

terre.

Il

y avait aussi une grande armoire de couleur brune adossée au

mur

entre

le

pied du

lit

et la

muraille où était

la fenêtre.

Tout

me revient comme un rêve bien vague, bien vague, et s'il fallait me rappeler, même un peu, les visages de ces pauvres

cela

fileuses, toutes

car,

quoique

monde,

je

mes

j'aie

ne peux

facultés seraient bien des fois insuiïisantes,

grandi avant qu'elles n'aient disparu de ce

me

rappeler que leurs

entendu prononcer depuis dans «

L'une

était

Jeanne. L'autre

souvent à le

la

une

était

maison

plus ancien de tous

bien petit

quand

j'ai

fileuse

les

avoir

famille.

vieille grand'tante à

une et

ma

noms pour moi qui

s'appelait

de profession qui venait

qui s'appelait

Colombe Gamache.

mes souvenirs.

très

C'est

Je devais être encore

reçu cette impression-là, car de

à des


J-fTJK

UNE PILEUSE. {

Dessin de

l.i

collection de

M'" Marguerite

Sensier.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i6

souvenirs un peu distincts,

me

il

semble

qu'il a

se passer bien

du temps.

comme se fait

qui

me

Je ne

«

souviens que de

d'avoir entendu,

dans une maison,

chantait,

bruit

le

quand

;

m'éveillais, le va-et-vient qui

je

des oies, dans

les cris

du

sensations indescriptibles

dans

fléau

la

cour,

la

grange,

choses que mes oreilles entendaient constamment

coq

le

toutes

etc., et

dont

la

commune

il

ne

ressort rien de particulier.

Voici un petit

«

fait

un peu plus précis

:

avait fait fondre de nouvelles cloches,

deux anciennes ayant

enlevées pour faire des canons,

troisième s'étant trouvée

cassée

(comme

je l'ai

et la

Ma

ouï raconter depuis).

mère

été

avait eu la

curiosité d'aller voir les nouvelles cloches qui étaient déposées

en attendant qu'on

dans

l'église

dans

la tour, et elle

pagnée d'une

fille

m'avait

les baptisât

emmené

nommée

avec

me

voir dans

l'église,

de

qui

me

un endroit

monter

elle.

Elle était

accom-

Lecacheux, que

Julie

beaucoup connue depuis. Je me rappelle cie

les

avant de

comme

du

j'ai

reste

été frappé

j'ai

aussi épouvantablement vaste que

paraissait plus

immense qu'une grange,

et

aussi

beauté des grandes fenêtres en losanges de plomb.

la «

Nous avons vu

terre et

que

j'ai

les cloches,

aussi trouvées énormes, car elles étaient beau-

coup plus grandes que moi

;

aidé à fixer ce souvenir dans tenait à la s'était

main une

puis (ce qui a sans doute beaucoup

mon

esprit), Julie

clef très grande, sans

mise à frapper avec sur

avait rendu

qui étaient toutes trois par

la

doute

Lecacheux, qui de

celle

l'église,

plus grosse des cloches, qui

un son formidable, qui m'avait rempli d'admiration.

Je n'ai jamais oublié ce coup de clef sur la cloche. «

J'avais

beaucoup

et

un vieux grand-oncle qui

me

traînait partout

avec

était prêtre

lui.

11

;

il

m'avait

m'aimait

mené une


JEAN-FRANÇOIS MILLET. dans une maison où

fois

maison la

d'autrefois. Elle

une beurrée de miel de paon.

plume

Comme

je

comme

la

dans

mon

me

beaucoup de caresses, me donna

était âgée, et reste

dame

La dame de

assez souvent.

allait

il

x-j

fit

souvenir

marché, une

et,

par-dessus

me

souviens avoir trouvé

le

belle! J'avais été déjà émerveillé

le

type de

le

plume

belle

miel bon

en entrant dans

la

et la

cour,

car j'avais vu deux paons perchés dans un grand arbre, et

je

ne revenais pas des beaux yeux qui étaient sur leurs longues queues.

Mon

«

petite était

grand-oncle

me

commune annexée

une

sorte de

d'Eulleville.

Il

menait parfois aussi à EuUeville,

La maison où

à la nôtre.

me

il

demeure seigneuriale qu'on appelait

la

menait

maison

y avait une servante nommée Fanchon. Le chef

de cette maison, que

je

n'ai

jamais connu,

avait

goût de

le

rechercher certaines choses qui étaient alors des raretés, avait planté quelques pins. les

aurait fallu aller bien loin dans

Il

pommes

donc de temps en temps des

avait

m'arrive quelque chose, que, quand vivait pas.

me donnait qui me causait

de pin, ce

joie.

Ce pauvre grand-oncle

«

On

m'a

dit bien

une

m'étais

je

si

je n'étais

souvent tout

mençais à courir pas mal,

grande peur

qu'il

pas avec

il

cela.

lui,

Comme

sauvé une

pas,

il

la

mer.

En me

cherchant partout

avait fini par venir

du

appelé avec un et l'aperçus

sur

je

com-

fois

avec

me

mer

la

laisse

en

épouvanté, que

haut des

falaises,

je

me

me

il

au

trouvant m'avait

se retirant et

cherchais à prendre des têtards.

cri si le

ne

côté de la mer, et

aperçu penché sur des mares que dans lesquelles

et

ne

je

d'autres gamins, et nous étions descendus sur les rochers

bord de

il

en trouver autant. Fanchon

environs pour

une grande

et

Il

m'avait

redressai en sursaut

faisant les signes les plus


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i8

me

pressants de remonter au plus vite. Je ne

car

m'avait

il

une grande peur;

fait

autre endroit pour remonter que m'attendait,

il

pement des

falaises

Quand

«

m'y

je fus

forçait

une

j'avais

pu trouver un

le petit sentier

au haut duquel

si

manqué de

n'aurais pas

je

le faire

;

mais

me

lui,

voyant hors de

danger, se mit pour tout de bon en colère. Alors

chapeau à

comme

peau

et

village. «

mes

me

il

cornes

petites

suivait en

mit à taper avec sur

et se

jambes ne

me

me

tapant dans

vais t'aider à remonter

!

trois cornes.

»

il

me

pendant

la

Du

reste, ce

messe,

je

lui aie

je

donné.

me

quelque temps après,

était

genoux sous «

de

ma

comment

moindre

la

le

velléité

chose se

se réveillait à

il

été

paraît qu'une fois,

Il

de

me

taire; j'avais cessé

recommencé.

j'avais

bras pour

s'embarrassant l'acte

dedans)

fit,

est-il

me

mettre à

je

je n'ai

les

jamais eu

corrections

(mon pied sans doute

que son surplis

impie que

car

de regimber contre

qu'on m'a données; toujours

Accablé de

;

la nuit

lampe au milieu du chœur.

Je ne sais vie la

faire signe

venu me prendre par

la

je

babillais avec d'autres enfants; lui, de sa

un

instant, mais,

!

je m'affalaisais.

pour

il

Ah

pauvre oncle, toute

place, avait toussé

Alors

«

pas d'âge à bien apprécier une tendresse

je n'étais

tourment que

seul

:

par de pareils coups de chapeau, cela n'a pas

se manifestant le

disait

Cela m'avait donné une grande peur

chac[ue instant en sursaut, en criant que

Gomme

et,

ainsi jusqu'au

fit

11

suivante, eut les cauchemars les plus affreux

«

dos,

derrière tivec son cha-

le

chaque coup de son chapeau,

du chapeau à

mon

permettant pas d'aller bien

aussi rouge de colère qu'un coq.

A

prit son

il

encore très raide pour remonter jusqu'au

la falaise était

village, et vite,

trois

l'escar-

absolument. remonté,

fois

pas répéter^

le fis

se

trouva

venais de commettre,

il

déchiré.

me

laissa


JEAN-FRANÇOIS MILLET. me donner

sans

la

punition pour laquelle

retourna s'asseoir à sa place, où jusqu'à

de

fin

la

messe.

la

Je

il

monde

le

aucune

n'avais

le

une espèce de

ne balançait pas,

mon

avenir

ne serait pas possible. Le j'étais

mon

les

devenu

fait est

tout d'un

pu

trouble n'aurait pas

que

grand-

commise sur

commis

sur

un

sa

comme

à considérer

prêtre, lui

plus etïroyables choses.

Dire de quel air consterné toute la famille

«

ment

je crois,

sacrilège. \^n tel acte,

présager pour

faisait

mon

coup de son émotion) à

toute la famille l'abominable action que j'avais et qu'il

de

donc bien

fus

je

et

vif

espèce

rentré de la messe, lorsque

oncle se mit à raconter (encore sous

personne

mort que

resta plus

il

dérangé,

s'était

conscience de l'énormité que j'avais commise; étonné, tout

19

je

me

regardait

ne comprenais pas com-

coup un objet d'horreur,

être plus grand.

et

que

bornent mes

se

souvenirs sur cette malheureuse affaire. Le temps a laissé tomber là-dessus sais

plus

si je

fus

"Voici ce

«

oncle

un coin du

:

voile qu'il étend sur toutes choses, et je ne

puni d'une façon ou d'une autre.

que

me

je

mon

de

c'était le frère

laboureur toute sa vie, qu'il avait, je

rappelle avoir ouï dire sur ce grand-

grand-père paternel.

et s'était fait

prêtre assez tard. Je crois

ne sais pas où, une petite cure quand

tion arriva. Je sais qu'il fut persécuté, car

venait des lequel

il

hommes

était

fouiller la

revenu,

trouvé

son

lit

«

pas eu

moyen de et

le

jour,

on

temps de

était pas, ils

Il

était

se faire

dans laquelle

Un

maison de

et qu'ils faisaient

façon la plus brutale.

il

était

j'ai

mon

la

Révolu-

ouï raconter qu'il grand-père, chez

leurs perquisitions de la

d'un esprit

très inventif.

Il

se jetait

au moment où on venait.

venu

brusquement que

:

avait

une cachette qui communiquait avec

si

se refroidir, et,

s'écriaient

avait été

Il

«

Si!

le lit

malgré qu'on leur si!

il

y

était, le

lit

n'avait

dît qu'il n'y

est

encore


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

20

chaud; mais

moyen de

aura trouvé

il

sortir! »

mirent, de rage, à bouleverser la maison,

Ils se

les entendait.

Il

après, s'en

et,

allèrent. «

disait la messe,

Il

encore

le

passée,

il

me

pouvait, dans la maison. J'ai

il

il

La Révolution

servait.

se

et faisait l'office

tous les matins à

Après son déjeuner,

«

Je

allait

le

chez son frère

était resté Il

il

plomb dont

calice en

la paroisse.

quand

de vicaire de

dire sa messe.

l'église

allait travailler

dans

champs.

les

souviens qu'il m'emmenait presque toujours avec

Arrivé au champ,

soutane,

ôtait sa

il

et restait

lui.

en chemise avec

sa culotte. «

avait été d'une force d'Hercule.

Il

Il

existe encore, et

devront durer bien longtemps, de grands murs

ils

qu'il avait faits

pour soutenir des terrains en pente. Ces murs sont d'une grande hauteur

cyclopéen. s'est

avec des pierres immenses. C'est d'un aspect

et bâtis J'ai

jamais

aider

fait

lourdes pierres,

pour

et

remuées,

être

naires, et encore « C'était

ma grand'mère et à mon père par personne, même pour placer

ouï dire à

en

il

la

est

un homme d'un

excellent cœur. la

parents ne pouvaient envoyer à l'école;

il

voisines,

Cela

latin.

plus

hommes

ordi-

leviers.

l'amour de Dieu, de pauvres enfants de

un peu de

les

ne

quelques-unes qui demanderaient,

coopération de cinq ou six

avec des

qu'il

fit

Il

instruisait,

commune que leur apprenait

crier ses confrères

des

pour leurs

même

communes

qui allèrent jusqu'à écrire contre lui à l'évèque de

Coutances. «

d'une et

lu

J'ai

autrefois,

lettre qu'il avait

dans laquelle

laboureur

;

il

dans de vieux papiers,

le

brouillon

adressée à l'évèque pour sa justification,

disait

que, dans la

chez son frère qui

qu'il vivait

commune,

il

se trouvait

était

de pauvres


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

21

enfants qui auraient été privés de toute espèce d'instruction; que la pitié qu"il

pouvait

;

en avait

l'avait

décidé à

qu'il priait l'évoque,

l'empêcher d'apprendre à

nom

au

autant qu'il

les instruire

de

de ne pas

la charité,

à ces malheureux enfants.

lire

le

Je

crois avoir ouï dire qu'enfin l'évêque avait consenti à le laisser

continuer. Belle complaisance, vraiment «

devenu

était

Il

plus vite

très pesant, et

ne voulait. Je

qu'il

entendu dire souvent

:

«

Ah

!

mort, j'avais environ sept ans.

me

!

marchait quelquefois

il

rappelle bien encore l'avoir

emporte

la

tête

11

est très

marque «

indélébile qu'elles laissent dans

mon

Toute

le

A

impressionné. choses-là. ((

Y

l'heure présente,

profondément

et

j'aime encore

Le jour que mon grand-oncle

fut

enterré,

On

j'entendais

disait qu'il fallait mettre sur le cercueil,

côté de la tête, quelques grosses pierres, et par-dessus deux

donne

d'embarras. Leur outil s'embarrasse d'abord dans foin, et, après,

il

«

Ce que

Toujours

signifiait ce

est-il

auxquels on

mon

de

tirer le

je

l'ai

de

empêche

corps hors de

langage mystérieux,

plus

la fosse.

su depuis.

qu'à dater du jour de l'enterrement, plusieurs

hommes de bonne armés de

la tête et

le

les bottes

se brise contre les pierres, ce qui les

de pouvoir crocheter

ces

manière dont

la

bottes de foin, car, disait-on, c'est là ce qui leur

et

toutes

crois-je? n'y crois-je pas? je n'en sais rien.

fallait l'enterrer.

du

de voir

et

enfance a été bercée de contes de revenants

qu'on parlait d'une façon toute mystérieuse de il

sa

fond du caractère.

de tout plein d'autres, qui m'ont vivement

et

A

curieux de se rendre

compte à soi-même des impressions qu'on a reçues la

reste

le

volonté, joints au domestique de la maison,

faisait boire

fusils et d'outils

du cidre chaud, passaient

les nuits,

quelconques, pour surveiller

ffrand-oncle venait d'être enterré.

la fosse


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

22 a

Cette garde a duré,

temps passé,

disait-on,

toutes ces précautions

il

:

environ un mois. Après ce

je crois,

n'y a plus de danger. Voici

on

disait qu'il

y avait des gens qui

pour

saient profession d'aller déterrer les morts

savaient toujours

commune,

et ils

quand

ver de terre.

ils

On

enlevaient

le

mort hors de sa

soutenant sous

croupe

bras attachés autour de

toujours recouvert d'un

«

bien que

le

la

mon

à m'envoyer à l'école, et

jour de sa mort,

la

chemins. Avant de m'envoyer à la

me

je

la

dans une circonstance aussi grave, on ne

doute commencé à

mort en et

les

grand-oncle, on

servante de

venue m'y chercher, pour m'emmener à

les

le

se

manteau...

le

mort de

en

c'eût été

grand manteau, mais on voyait

Quelques mois avant

commencé

avait

si

du cavalier

la ceinture

pieds du mort qui passaient par-dessous

par

comme

pour l'engager à

saoul, l'apostrophant rudement,

et les

et,

déterré, recouvert

le

les bras,

mort.

fosse, sans enle-

mieux. D'autres en ont rencontré à cheval,

tenir

ils

avec une longue

était d'aller,

en a rencontré conduisant

d'un manteau, en

un homme

le

le

crocheter la tète du mort,

vis, à travers la terre et la bière,

faisant levier,

médecin;

s'empressaient de venir la nuit enlever

Leur manière de procéder

«

le

fai-

mort quelqu'un dans une

était

il

pourquoi

rappelle très

mes parents

est

maison, afin que,

me

vît

pas gaminer

on

l'école,

avait sans

maison à m'apprendre mes

lettres

et

peut-être à épeler, car les autres enfants trouvaient que j'étais

déjà bien savant. Dieu sait ce que voulait dire savant. «

midi.

Mon En

entrée à l'école eut lieu

arrivant dans la cour

la rentrée, la a

iiers

pour

première chose que

la

classe de l'après-

les enfants

je fis fut

de

jouaient avant

me

battre.

Les enfants déjà grandets à qui on m'avait confié étaient

d'amener à

l'école

un enfant qui

n'avait guère

que

six

ans


JEAN-FRANÇOIS MILLET. •et

demi

qui connaissait déjà ses

et

vaient grand

un de mon

avait pas

me

à

fort,

et

lettres, et,

23

de plus,

trou-

point qu'ils assuraient qu'il n'y en

tel

même un

âge, ni

ne s'en trouvait pas

11

voulu tout de

de sept ans, qui pourrait

ayant moins de sept ans.

suite savoir à quoi s'en tenir là-dessus;

donc amené un qu'on croyait des plus battre.

faut

Il

forts,

afin

mollement. Mais

et le

combat

je

faire battre.

On

prenait

un

Comme

une

Il

est bien

pareille insulte.

entendu que

On se

battait

fît

on eut recours au

gloire.

disaient

Ceux qui :

se battaient.

donc pour nous

»

demi

main

et

ne devait pas

Il

avaient pris parti, fallait qu'il

comme

je

me

et

il

a battu

y eût

viens de

le

couvris de

pour moi étaient joliment

Millet n'a que six ans et !

ils

fétu. Je fus le plus fort, je

étaient

de plus de sept ans

l'autre

la

donc pour tout de bon.

Les grands excitaient celui pour qui

un vainqueur. On :

qu'on

parie que tu n'oserais pas lui enlever ce fétu!

on ne séparait pas ceux qui

dire

fétu

disait à

abattait le fétu.

«

fortes rai-

on

et

on ne voulait pas passer pour peureux, on avançait

souffrir

on en a

se serait effectué assez

mettait en travers sur l'épaule d'un des deux, :

a

y avait un moyen d'intéresser l'honneur

il

de ceux qu'on désirait

l'autre

On

de nous faire

avouer que nous n'avions pas de bien

nous en vouloir,

sons de

et

me

battre. «

on

ils

fiers;

ils

un garçon


CHAPITRE

III

EDUCATION ET INSTRUCTION DE MILLET. SES TRAVAUX POUR SON PERE. SES PREMIÈRES TENTATIVES DE DESSIN. SES LECTURES. TEMPÊTES ET NAUFRAGES AU PAYS DE MILLET.

A

douze ans, François Millet

LA MER.

au catéchisme de

alla

l'église

de Gréville, pour se préparer à sa première communion.

Il

ne

pouvait rien apprendre par cœur, mais un jeune vicaire trouva

dans

ses réponses

un

tel

fonds de bon sens qu'il

ne voudrait pas apprendre

avec mes parents.

cela t'instruira. effet,

l'enfant alla

le

s'il

le latin

(vois-tu,

— Non,

répondit

je

veux

res-

lui disait le vicaire,

au presbytère avec plusieurs

village.

Selectœ e profanis,

le

remettre

— Viens tout de même,

demanda

»

compagnons de son sacrœ,

Avec

ne veux être ni l'un ni lautre, parce que

l'enfant, je

En

«

pourras devenir prêtre ou médecin.

petit), tu

ter

latin.

le

lui

vicaire dans le

traduisait

Il

et

il

VEpitome

petits

Jiistoriœ

arrivait souvent à l'enfant de

chemin de

la

vraie traduction, la

raison lui tenant lieu presque toujours de syntaxe. Il

eut

Les élèves

un jour une discussion à propos de et le vicaire

mort d'Argus, Junon

trouvaient que

avait

fait

don à

le

la

mort d'Argus.

texte latin disait qu'à la

ce personnage mytholo-


JEAN-FRANCOIS MILLET. gique des yeux que portait

que cela

seul, soutenait c'étaient les

comme

qu'il

les

porte encore.

plus

du paon

Une

et

que, au contraire,

autre

donna

ajoutait-il, elle les lui

mort? si

bien

petit entêté, dit le vicaire; tu

ne

bien,

nous ferons juge de cela M.

le

d'Argus,

ni

avait-il, puisqu'il était

Ah!

«

Mais l'épreuve ne

»

Argus en

preuve positive,

veux jamais céder. Eh curé.

un contre-sens

yeux d'Argus que Junon avait donnés à son paon;

car, disait-il, quel besoin

Et

paon, son oiseau favori. François,

le

était

25

pas tentée,

fut le

fois, Virgile

et

personne ne reparla

bon

vicaire se sentant vaincu.

lui

tomba sous

les

yeux. Quoique

traduit par l'abbé Desfontaines, ce livre, moitié latin, moitié français, le captiva les

A

Bucoliques ces

au point

qu'il

ombres descendent vers

comme

ceptibles

les

la lecture

Géorgiques s'étaient emparées de son

et les

beaux vers de Virgile

agité et

ne put en cesser

la

:

«

plaine

et

l'enfant

»,

pris d'attendrissement

travaux agrestes

le

les

esprit.

grandes tout

sentait

se

rendait per-

le livre lui

;

l'atmosphère au

de

milieu

âme.

laquelle grandissaient son corps et son

Quelque temps après,

C'est l'heure

:

vicaire, l'abbé Herpent, fut

nommé

cure d'Heauville, village situé à quelques lieues de Gréville.

à

la

Il

fut décidé

que

son instruction.

Il

le petit

irait

ne partit pas sans

s'accoutuma guère à tard, bien plus

François

cet exil. « Je

tristesse

me

perdu qu'Ovide chez

avec l'abbé continuer

du

croyais,

les

village et

me

Scythes.

disait-il

» Il

revint,

il

ne

plus

aux

Rois, chez ses parents, après avoir passé quatre ou cinq mois

chez lui

le

curé Herpent,

faire quitter la

s'éloignerait plus.

et

il

supplia tant sa grand'mère de ne plus

maison,

qu'il

Un nouveau

fut

décidé que François ne

vicaire était

survenu au

village,

l'abbé Jean Lebrisseux, qui voulut bien continuer l'instruction

de

l'enfant.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

26

Ce bonhomme aimait premier âge,

expansions

conduisait souvent chez

et le

homme doux

à le faire jaser sur ses impressions

maladif, qui

et

curé de Gréville,

le

encourageait l'enfant dans ses

confidences. L'écolier contait ainsi ses naïves

et ses

admirations pour

étonnements à

la nature, ses

vement des nuages,

ses pensées sur la

vue du mou-

la

profondeur des cieux

sur les dangers de TOcéan, ses lectures de la Bible gile

;

pauvre curé, tout ému,

et le

un cœur qui

enfant, tu as

ne sais pas

comme

donnera

te

tu souffriras

des environs, qui, passant par

un jour dans un long

vait.

nature,

la

il

et

il

dans

le prit

viens de dire,

mon

François parla,

la

campagne,

va, tu

l'homme

A

ses bras

le

poussait

Le professeur

et,

Il

à

l'emmena la

vue des

à lui confier ce qu'il éprou-

:

l'écoutait,

un moment, «

admirant

professeur l'écoutait

»

Toute

enfin,

;

il

la le

que tu journée quitta,

tout bouleversé, en disant, à son retour, qu'il avait trouvé

charmante que

la

L'instruction de Millet, continuée par

le

enfant dont l'âme

Lebrisseux,

était

était

aussi

interrompue par

souvent

P.

loin

que VAppendix

Jouvency,

être

et

il

de

Diis

et

bon

vicaire Jean

les

travaux des

pénibles soins de la culture

:

il

et se

Il

n'alla pas

Heroibiis poeticis du

dut abandonner Virgile.

un aide sérieux à son père

un

poésie elle-même.

champs, qui nécessitaient sa présence au hameau. plus

la

ravi et presque

C'est bien, tout ce

enfant; va^ va toujours.

et le

;

collège de Versailles, natif

jeune intelligence.

si

tournure poétique de ses idées. suffoqué,

Ah! mon pauvre

hameau de Gruchy,

le

l'excitait

L'enfant causait toujours

de Vir-

et

à retordre

fil

et

«

!

une grande promenade dans

choses de

dvi

«

:

entretien sur ses lectures.

fut frappé des réflexions d'une faire

lui disait

un professeur du

C'était aussi

du

Il

lui fallait bientôt

consacrer entièrement aux

était l'aîné

des

fils, et il

y avait


JEAN-FRANCOIS MILLET. un devoir que François accepta sans de son père

prit à travailler à côté

à faner, à le

gerbe, à battre en grange, à vanner, à répandre

lier la

un mot

la

à tous les ouvrages

des paysans. C'est ainsi qu'il passa des années,

la vie

compagnon de son père de

regret. C'est alors qu'il se

de ses serviteurs, à faucher,

et

fumier, à labourer, à semer, en

qui sont

o-

et

de sa mère dans

les

plus durs labeurs

campagne, n'ayant pour seule distraction que

de famille, sentant en

lui

un

les

réunions

nouveau qui bouil-

levain tout

lonnait dans ses veines; sans cesse occupé de tout ce qu'il voyait

devant

de mystérieux ou de sublime,

lui

de reproduire de souvenir ce qui

dans ce pays à

le

et

sa

sophie religieuse. Millet, jeune semblait sérieux, dévora la

:

prenait l'envie

charmait ou l'épouvantait,

grand'mère avaient apporté

hameau de Gruchy beaucoup de

maison paternelle

lui

paisible et terrifiant.

la fois

Son grand-oncle

lui

il

et

livres

de piété

aima à

de philo-

ardent à connaître tout ce qui

comme un

atïamé

les livres

de

la

Vie des Saitits, les Confessions de saint

Augustin, saint François de Sales, saint Jérôme, lettres qu'il

et

au

relire

toute

surtout ses

et

sa vie, puis les

philosophes

religieux de Port-Royal, et Bossuet, et Fénelon.

Quant à latin

âge

il

;

Virgile et à la Bible,

se familiarisait

livres.

Il

bien avec leur langage que, dans son

ne fut donc pas,

ignorant jusqu'à l'époque où

son instruction se

ment que par enfant

;

instruit,

et

la

toujours en

relisait

les

jamais vu de plus éloquent traducteur de ces

viril, je n'ai

deux

si

il

fit

il

comme on

l'a

vint à Paris; tout

vite, et plutôt

par

yeux

les

grammaire. L'orthographe

quand

il

arriva à Cherbourg,

rempli de lecture,

et

il

malsaine avec celle qui pouvait

il

raisonne-

familière tout

déjà

ne confondait pas lui profiter.

au contraire,

et le

lui fut

était

un paysan

écrit,

un homme

la littérature


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

28

Chez son père, au milieu de

commença

l'art

de

ses travaux, l'idée

De

à se préciser dans son esprit.

Bible lui donnèrent l'envie de les imiter,

la

pendant

le

temps du repos, après

une chambre de

le

vague de

vieilles et,

gravures

chaque jour,

premier goûter, seul dans

maison, près de son père qui sommeillait,

la

il

observait avec patience la perspective des paysages qui étaient

devant

lui. 11

dessinait le jardin, les étables,

mer pour horizon,

la

souvent

et

les

animaux qui

père, plus attentif qu'endormi, ne disait mot, redressait sur

le petit lit

dessinait François; puis

il

allait

et,

paissaient.

Le

quelquefois, se

doucement regarder

que

ce

retournait, content de l'occupation de

commençait à

enfant, qui

cet

et

champs avec

les

donner une idée nouvelle

lui

de son intelligence.

La mer

était

pour François Millet un Il

deur

lui était resté

l'épouvante.

Il

souvenir qui dura jusqu'à

la fois

son pays

que

simple

la

un de

sa vie. Je

donne

ici

C'était le jour

la

mer

de

la

une de style

était grosse, et ;

Toussaint. Le matin, nous avions vu

on

se disait qu'il

tout ruisselant d'eau

;

c'était

et

qu'il

homme du

un ancien

pour son grand courage. Aussitôt

du rivage

y aurait probable-

toute la paroisse était à l'église

messe, nous vîmes arriver un

revenait

un

:

«

la

de

pathétique l'horreur d'un sinistre qui désola

et

ment des malheurs de

et

des tempêtes de l'Océan

nombreuses impressions comme résumant dans son

ses

à

d'études

aurait voulu en reproduire la gran-

sensations profondes. et

sujei

avait

entré,

au milieu

village

matelot, il

;

:

il

était

bien connu

se mit à dire qu'il

vu plusieurs navires

qui,

poussés par un vent épouvantable, venaient infailliblement se briser à la côte. «

je

«

Il

faut leur porter secours, dit-il plus haut, et

viens dire à ceux qui sont de bonne volonté que nous


JEAN-FRANÇOIS MILLET. a

n'avons que

«

les

sauver,

le

temps de nous mettre à

grève en descendant nos

un

uns à

les

mer pour

Une cinquantaine d'hommes

w

Il

de

On

arriva à la

nous ne fûmes pas longs

falaises, et là,

spectacle épouvantable.

tâcher de

se présentèrent

vieux matelot.

suite et, sans parler, suivirent le

à voir

la

29

y avait plusieurs navires,

des autres, à une distance de trente ou qua-

la suite

rante brasses, qui

malgré eux avec une force

se dirigeaient

incalculable sur nos rochers. «

Nos hommes mirent

canots

trois

à la mer, mais

ils

n'eurent pas donné dix coups d'aviron qu'une embarcation fut

remplie d'eau

sombra une autre

et

;

fut

retournée par une vague

troisième se jeta sur la rive. Heureusement, personne ne

et la

périt et

on put regagner

On

la terre.

ne seraient d'aucun secours pour «

Pendant ce temps-là,

les

bien vite que nos canots

vit

malheureux en mer.

navires s'avançaient toujours

les

et

n'étaient plus qu'à quelques brasses de nos rochers noirs, cou-

verts de cormorans. vait

comme une

Le premier, qui

grosse masse, et tout

n'avait plus de mâts, arrile

voyait s'approcher; personne n'osait

monde

sur

la

grève

une parole.

dire

le

me

Il

semblait, à moi, tout enfant, voir la mort s'amuser à jouer avec

une poignée d'hommes pour «

les

Une vague immense

furieuse, enveloppa

le

écraser ou les engloutir. leva

se

navire

et

comme une montagne

l'apporta tout

puis une autre vague, encore plus immense,

On

à fleur d'eau. eut

mer et

un second

entendit

et le

se couvrit

le

près de nous,

lança sur

un craquement épouvantable;

navire fut à l'instant envahi par

les

y en

La

de débris de toutes sortes, de planches, de mats

Nos hommes

leur secours, et

il

eaux.

de pauvres gens qui se noyaient. Beaucoup nageaient

paraissaient.

un roc

le

se

jetèrent à la

vieux matelot à leur

tète

fit

mer pour

et dis-

aller à

de grands efforts


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3o

pour sauver

ou noyés ou

étaient «

naufragés.

les

La mer en

on

et

on

en ramena plusieurs, mais

rejeta

comme

cela plusieurs centaines, et avec

des vivres. Pendant bien des jours

et

pour

se rassemblait

tirer

déposait, toutes avariées

les

ils

brisés par les rochers.

eux des marchandises après,

On

de

la

par

mer le

ces tristes épaves,

marin, dans

sel

les

caves des maisons.

Ce

((

Il

pas

n'était

démâté. Tout

était

tout

monde

le

positivement tout plein,

un

:

et

nous

homme

vêtu de noir paraissait

que nos

falaises le

second sur

était

les

le

pont, qui en était

voyions tous à genoux

Une vague

les bénir.

porta vers nous.

navire approchait.

Il

lui

sans «

bouger.

le faire

Tout

monde

le

deux portées de et

remua

fortement qu'il ne

on

fusil

A

l'accosta.

monde. On mit

Il

nous sembla entendre une

était

à la

planches, des équipes,

comme pétrifié à

On

bon

pas à

n'était

il

put amarrer un canot

notre embarcation

mer un canot du et,

tint

sur la mer.

Teau, car

la grève.

l'instant

il

plus. Les vagues déferlaient sur

se jeta

de

un

plus grosse

secousse semblable à celle du premier navire; mais et si

et

remplie de

fut

navire,

en une demi-heure, tout

on

jeta

des

le

monde

fut

à terre. «

Ce navire

beaupré

s'était

La vague qui sa perte «

l'avait jeté sur les récifs l'avait ainsi

comme était

un hasard bien

rare

:

son

engagé avec tout son avant entre deux rochers.

Ce navire

pagnons

avait été sauvé par

préservé de

par un miracle. était anglais, et

un évêque. On

les

l'homme qui

bénissait ses

conduisit au village,

et

com-

bientôt

après à Cherbourg. «

On

revint bien vite à la grève.

en deux coups de vague

Le troisième navire

jeté .sur les brisants,

haché en

fut

éclats et


JEAN-FRANÇOIS MILLET. en débris de toute sorte.

On

ne put sauver personne,

cadavres de ces malheureux étaient «

y eut

11

comme

pas p>enser à toits,

emportait

il

en tuait

qu'il

Le vent

opposer.

lui rien les

Il

chaumes,

oiseaux

les

et

tous les

le sable.

un quatrième, un cinquième

cela

était furieuse.

sur

jetés

sixième navire, qui se brisèrent corps

La tempête

3r

biens sur les rochers.

et

ne

était si violent qu'il

enlevait il

un

et

fallait

couvertures des

les

tourbillonnait

rudement

si

jusqu'aux mouettes qui sont cepen-

et

dant accoutumées aux tempêtes.

On

«

passa

garantir nos maisons

la nuit à

les

:

uns cou-

vraient leurs toits avec de grosses pierres, les autres portaient

des échelles

et

des gaules

et

les

attachaient

maintenir. Les arbres pliaient jusqu'à terre

Tous

brisaient.

feuilles. C'était

champs

les

un épouvantable

revenus à

étaient

la

grève

;

toits

pour

craquaient

et

les

et se

étaient jonchés de branches et de fléau.

Le lendemain, jour des Morts,

«

aux

les

hommes

de

la

paroisse

couverte de morts

elle était

de

et

débris; on les emportait, on les rangeait au pied des rochers. «

On

vit

encore plusieurs navires

nos côtes. C'était une désolation, une

Les rochers

vait en sauver un. jetaient «

en miettes aux

En

mis à lever

put

comme

les brisaient

la

comme un monceau

voile et si

jusqu'à notre maison, où

«

du monde, on ne pouverre

et les

falaises.

cadavres. J'en pris une

les

fin

tous se brisèrent sur

passant près d'un renfoncement,

voile qui couvrait

pour

et

voilà que

je

je

vis

une grande

de marchandises. Je

me

une montagne

de

vis

grande peur, que

je

me

mis à courir

ma

grand'mère priaient

un navire arriva

encore. Celui-là, on

ma mère

et

naufragés.

Le troisième

sauver

une

jour,

petite

partie

de

l'équipage,

une

dizaine


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

32

d'hommes, qu'on

On

mutilés ou meurtris.

pendant plus d'un mois, «

Mais

On

mer.

les

«

les

rochers.

étaient

Ils

porta à Gruchy, on les soigna bien

les

et

sur

on

les

conduisit à Cherbourg.

pauvres malheureux ne furent pas quittes de

embarqua sur un navire qui

les

coup de mer

chercher

alla

Quant aux morts, tous

enterra en terre

au Havre, un

allait

périrent tous.

les prit et ils

pendant une semaine à

la

chevaux

occupés

furent

On

transporter au cimetière.

les

non bénie

les

on

;

les

pas bons

disait qu'ils n'étaient

chrétiens. «

une

Quelques jours après,

petite sculpture

je

me

«

que

Depuis,

je fis j'ai

aucune ne m'a de

sable

Quand ma mère me

la vit, elle

bien fort, se signa et m'ordonna de la reporter où

l'avais trovivée et larcin, ce

le

en bois qui venait bien certainement d'un

des navires perdus sur nos côtes.

me gronda

mis à ramasser sur

la petitesse

de demander pardon au bon Dieu de de suite, bien honteux de

mon

je

mon

action.

vu en mon pays bien des tempêtes, mais

laissé

comme

de l'homme

et

celle-là l'image

de

la

de

la destruction,

puissance des eaux.

»


CHAPITRE

IV

VISITE AU PEINTRE MOUCHEL. PREMIERS DESSINS DE MILLET. DÉCISION DU PÈRE DE MILLET. SA MORT.

LANGLOIS, LE PEINTRE DE CHERBOURG.

SES CONSEILS.

DE.MANDE d'uNE PENSION. LECTURES DE MILLET. CONSEIL MUNICIPAL ET DU CONSEIL GÉNÉRAL. DÉCISIONS DU

DÉPART POUR PARIS.

PAROLES DE MILLET SUR SON ÉDUCATION.

François passait ainsi sa vie au milieu des parents

cœur d\m pays qui

aimait, au et

toujours

paternelle.

devoirs de terre

dont

lisait

il

fils,

source de ses sensations,

dessinait sans songer à quitter la

et

n'avait d'autre ambition

11

la

était la

qu'il

que

celle

de tracer tranquillement son

maison

d'accomplir ses

sillon,

de remuer

senteur enivrait sa jeunesse. Sa vie, selon

lui,

la

devait

ainsi s'écouler.

Revenant un jour de dos voûté

et

Ce

fut

messe,

il

rencontra un vieillard,

retournant péniblement chez

la perspective et

vante.

la

du mouvement de

pour

d'un coup d'œil,

il

le

ou

prenant un charbon,

;

il

cette figure

fut surpris

courbée

et

de vi-

jeune paysan la découverte du raccourci

comprit

reculent, s'abaissent

lui

le

le

mystère des plans qui s'avancent,

se relèvent. il

;

11

revint vite à la maison, et,

dessina, de souvenir, toutes les lignes


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

34 qu'il avait notées

dans

parents rentrèrent de

modèle

et ce

l'attitude

la

homme. Lorsque

vieil

l'église, ils n'hésitèrent

premier portrait

Millet avait dix-huit ans

par

du

les

fit

pas à reconnaître

le

rire.

son père

:

ses

fut

profondément

révélation de cette aptitude imprévue.

On

agité

causa. Fran-

çois laissa compirendre qu'il aurait quelque penchant à se faire

Le père ne

peintre.

pauvre François, là; j'aurais bien

je

lui dit

et j'avais

grandissent

et je

Mon

je

ne

le

dans ce métier

pouvais; tu es l'aîné

trop besoin de toi; maintenant tes frères

ne veux pas t'empêcher d'apprendre ce que tu

Nous

as tant envie de savoir.

y gagner

te faire instruire

beau, mais

dit si

des garçons

si

«

:

vois bien que tu es tourmenté de cette idée-

voulu t'envoyer

de peintre qu'on

saurons

que ces paroles touchantes

irons bientôt à Cherbourg; nous

tu as vraiment des dispositions dans ce métier

pour

ta vie. »

François termina alors deux dessins qu'il avait imaginés.

Le premier

représentait

deux bergers,

au

l'un jouant de la flûte

pied d'un arbre, l'autre l'écoutant près d'un coteau où broutaient

des moutons;

comme ceux

les

bergers étaient en veste

de son pays;

le

coteau,

et

en sabots,

un champ avec des pom-

miers, appartenant à son père. Le second dessin représentait effet

de nuit étoilée

:

des pains qu'un autre recevoir.

non dabit

Sous illi

le

homme sortait d'une homme tout près de lui un

tatem tamen ejus surget,

On

voit

que

vu pendant

le

paysan

quod amiciis ejus et

dabit

était

illi

s'empressait de

déjà la grande portée de

sit,

Luc

:

Et

si

propter improbi-

qiiotquot habet necessarios.

presque un

lettré.

trente ans; c'est l'œuvre d'un

dirait le croquis

maison portant

dessin étaient ces paroles de saint

siirgens eo

un

l'art, ses effets

et

d'un vieux maître du xvil°

Ce

dessin, je

homme

qui connaît

ses ressources siècle.

l'ai

:

on


JEAN-FRANÇOIS MILLET. nommé

y avait alors à Cherbourg un peintre

Il

élève de l'école de David.

35

Mouchel,

donnait des leçons. Le père

Il

et le fils

deux dessins que nous venons

allèrent le voir et lui portèrent les

de signaler.

Mouchel ne «

les

eut pas plus tôt vus qu'il dit au père

Allons! vous voulez rire;

fait

je l'ai

bien qu'il y a

vu

serez

damné, pour

votre enfant

poussa

c'était

vois

je

n'a

il

Les Millet

»

je

affir-

l'ouvrage de François, que

et lui dit si

et

la carrière

:

Eh

«

bien, vous

longtemps, car

d'un grand peintre

l'étoffe

même

père

le

l'avoir gardé

Dès ce moment, l'y

père;

se résigner à le croire.

tourna alors vers

se

le

non, mais non;

impossible.

c'est

pas

là n'a

une grande maladresse de moyens, mais

mèrent avec tant d'énergie que

Il

qui est

répondit

IVlais si,

faire.

jamais pu composer cela;

Mouchel dut

homme

— — Mais

ces dessins à lui tout seul.

vous l'assure;

jeune

le

:

!

il

y a chez

»

de Millet

son père

fut décidée,

arrêta bientôt son entrée en apprentissage

chez Mouchel.

Ce Mouchel qu'à ce

titre,

il

mériterait

normands*.

artistes

bien

était

Il

plus étrange des originaux

le

une notice dans

avait été instruit

les

biographies des

au séminaire

marié à une bonne paysanne qui demeurait avec dans une

sur

vallée

petite

cultivait

il

peintre que les habitants de Cherbourg ont connu sous

«

une note

insére'e

Les beaux-arts viennent do

Dumoucel,

dit

année, samedi

bourg

ici

le

seul, sarbs

Mouchel, soir, 14

faire

dans

au Roule,

lui

Phare de

la

le

nom

Manche du

1

une perte sensible pour notre

artiste peintre, est

mars, à

et les livres

le

la suite

s'était

ne fournissant aucun

Cette notice n'ayant pas

le

nous reproduisons

et

son jardin, près d'un

I.

été' e'crite

rien

;

mort au Roule dans

d'une longue maladie.

sa

de'tail

de Mouchel, 9

mars 846 1

ville.

:

M. Bon

trente-neuvième

Il était

né à Cher-

8 octobre 1807. C'était un peintre d'un grand mérite et qui s'était formé

aucun maître que son propre génie. Esprit créateur, ne

s'inspirant

que


.

JEAN-FRANÇOIS MILLET.

36

moulin qui le tictac

brandt

pagne

lui appartenait, et

musical.

Il

Brauwer

et

les arts

en fanatique; Teniers,

étaient ses idoles.

animaux,

et les

à tête avec

aimait

dont on entendait de son atelier

et

il

un cochon dont

Rem-

aimait aussi la cam-

Il

passait des heures entières en tête il

prétendait

comprendre

le

dialecte

confidences.

et les Il

commençait avec une grande

facilité et

avec un certain

goût de grandes toiles qu'il n'achevait pas toujours. Les curés

de village

lui

lestement

et

demandaient des tableaux d'autel qu'il

qu'il exécutait

donnait gratis aux églises. C'était une espèce

d'anachorète au visage de saint Jean-Baptiste, illuminé

par l'amour de Il

des maîtres.

et

était dévot, puis se faisait libre-penseur, revenait ensuite

au giron de se

nature

la

l'église,

reculait

en

se

moquant des

prêtres, se

épouvanté de

ses libertés schismatiques.

mourir dans l'impénitence, ne voulant voir

Il

a

aucun

«

et se

fini

et dessinait

aucun

deux mois chez Mouchel.

conseil.

se bornait à lui

Il

il

Il

homme

copiait les gravures

Mouchel ne voulait

d'après la bosse.

de son imagination,

dire

:

«

lui

donner

Faites tout ce que

possédait au plus haut degré Fart de l'observateur et

homme, que

timent du beau. Les funérailles de cet excellent regrettent, ont eu lieu lundi matin.

Il

est cruel

le

sen-

tous ses concitoyens

de disparaître

si

jeune avec un

si

talent. »

Dans

le

numéro

publié à la

même

pas avec moins de mélancolie et

de ses

toiles à plusieurs églises

Dame-du-Roule,

il

date, le Journal de

ajoute que

Dumoucel

Cherbourg ne s'exprime «

a laissé quelques-unes

de l'arrondissement, entre autres à celle de Notre-

sa paroisse ».

Nous devons

cette

communication à l'obligeance de M. Feuardent,

et

nous ne

saurions trop l'en remercier, car, pour tout ce qui concerne la biographie de chel,

par

»

Millet resta

beau

confessait,

avec son curé, retournait au confessionnal

brouillait

noir

et affolé

nous avions vécu jusqu'à présent dans l'ignorance

la

Mou-

plus condamnable. (M.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

37

VOUS voudrez, choisissez chez moi ce qui vous à votre fantaisie, Il était

et allez

au musée.

»

occupé à copier, au musée de Cherbourg, quand domestique de

vit venir à lui le

qui

la famille,

père était dangereusement malade. Millet ne effrénée de

plaira, agissez

Cherbourg à Gruchy.

mourant d'une

que son

dit

qu'une course

fit

trouva son père à l'agonie,

11

cérébrale.

fièvre

lui

il

Il

pas

n'eut

consolation

la

d'entendre une dernière fois sa parole, de voir son regard se

tourner vers conscience;

la

même

les

plus

main.

sien

le

tête

le

:

frappée

était

était

sans voix

déjà perdue.

et

pressions brûlantes dont son

fils

d'un père qui ne touche

celle

même

de tous

pas,

les

comme

sans

et

ne sentait

Il

étreignait sa

sembla à Millet que son père mourait deux

Il

de deux morts funestes,

lui,

homme

pauvre

pour

fois

hommes,

et celle

Isaac expirant, au

vêtement de son enfant. Jean-Louis-Nicolas Millet

vembre

i835.

La

mourut

manquait à

clita.

douleur,

cet intérieur

homme

respecté

l'esprit

du

lieu n'y était plus, le fils

et l'art s'était

emparé de

s'occuper de peinture

et

Mon François, mon Jean-Louis,

«

père,

et

obéi des

:

ils

il

était

accablé de

lui. le

jeune paysan

s'ingénièrent à lui créer

un avenir. La

grand'mère eut vent de ces bruits :

no-

domestique. Tout désormais péri-

Les notables de Cherbourg ne voyaient plus

fils

29

François cependant tenta de diriger ce vieux fond patriar-

mais

cal,

le

famille n'avait plus son chef; elle ne pouvait

plus que décroître; la pensée d'un siens

Gruchy

à

et dit

un jour à son

faut accepter la volonté de

Dieu

petit;

ton

avait dit que tu serais peintre, obéis-lui

retourne à Cherbourg.

»

Plusieurs personnages lui firent dire de revenir au musée,

où on

lui

donnerait des commandes,

et ils l'assurèrent

qu'on

lui


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

38

faciliterait l'entrée

de

attendu

était

De

et fort

Langlois, premier peintre

comme

considéré

artiste'.

retour à Cherbourg, Millet suivit assidûment

conseils.

11

l'atelier

Il

y

n'avait qu'à se présenter.

il

:

Langlois qui,

de

de Gros,

la ville, élève

M.

de Tatelier de

lui aussi,

ne s'aventurait guère à

se bornait à lui faire reproduire

de

l'atelier

donner des

lui

quelques académies

de Gros, quelques copies des peintures du Louvre,

l'engageait à aller

au musée de

la ville

et

pour s'accoutumer aux

maîtres, disait-il. C'est à cette époque que Millet

un grand

fit

dessin au crayon d'un tableau de Jordaens, r Adoration des Rois.

Ce dessin

avait plus de six pieds de large sur cinq de haut.

copia aussi plusieurs toiles des peintres des xvi' cles-.

profit réel,

aucun principe

d'instruction.

Lucien-Théophile Langlois de Chevreville, né à Mortain en iSo3, fut en

1.

élève de Gros. il

avait

Comme

entra dans son atelier en 1822.

Il

voyagé en

Italie et

en Grèce. Langlois

fut

D'après Gabet,

bourg, et ville. Il

de

le

1"'

il

alla,

vers 1829, se fixer à Rouen.

octobre 1S41

il

fut

nommé

il

aimait à

le

X

et

En

de

i835

Normandie

:

en i83o,

2.

On

celle de

il

duchesse de Berry.

il

vint habiter Cher-

professeur de dessin au collège de la

exerçait encore ces fonctions lorsqu'il

on voyait h Saint-Patrice de

:

la

mourut au mois de septembre

cherchant bien, on retrouverait de grands tableaux de Langlois dans la

effet

rappeler,

d'abord un copiste déterminé

a reproduit plusieurs fois les portraits de Charles

En

et xvii" siè-

ne retira d'ailleurs de ses conversations avec Langlois

Il

aucun

Il

Mortain possédait de

Rouen un Ange

lui

1846.

les églises

une Assomption,

et

terrassant un mauvais génie. (M.)

a retrouvé dans la bibliothèque d'Alfred Sensier

un exemplaire du

cata-

logue du musée de Cherbourg (1870). Des notes marginales écrites au crayon font connaître

les

tableaux que Millet a copiés pendant cette période d'apprentissage.

Sans parler de ceux

qu'il a reproduits à l'estompe

et

souvent dans de grandes

dimensions, Millet, cherchant à se rendre compte des secrets du métier, aurait des copies d'après les peintures suivantes

:

Le Martyre de saint Barthélémy, de Schedone. La Mélancolie, de Jacob Vanloo. L' Ensevelissement du Christ, de Van Mol. La Madeleine, volet d'un triptyque attribué à Rogier Van Il

der

Weyden.

aurait en outre copié les petits anges d'une Vierge glorieuse,

école flamande, et

fait

de l'ancienne

un fragment de V Assomption de Philippe de Champaigne.

(M.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Une grande occupation pour

Millet, c'était la

lecture

il

:

depuis V Almanach boiteux de Strasbourg jusqu'à

tout,

lisait

Sg

Paul de Kock, depuis Homère jusqu'à Béranger;

aussi

lut

il

avec passion Shakespeare, Walter Scott, lord Byron, Cooper,

Faust de Goethe

le

et les

ballades allemandes. Victor

Hugo

Chateaubriand l'avaient surtout impressionné vivement. Le

emphatique de l'auteur d'Atala il

et

de René ne

trouvait sous cette forme maniérée

souvenir touchant de

tume de ses

vie

la

la famille

et

qu'il ressentait aussi.

son rythme de bronze

prophète.

11

la

Quant

mer

l'agitaient

été

nets de lecture de

lier

avec

Cherbourg passaient en

lettres.

se méfiant de dait qu'à peine

On

lui-même

était

il

déjà

un

C'était

des splendeurs

parole d'un

la

et

et

trois

entier sous ses yeux, esprit orné et fami-

de l'opinion des

aux questions qui

livres

de deux ou

pour

ne s'en apercevait guère, parce que,

qui devint son

M. Feuardent, dont un

lils

villes,

il

ne répon-

lui étaient adressées.

connu à Cherbourg un jeune commis de curait des

un

l'Homère du pays de France. Les cabi-

arriva à Paris

les

;

Hugo,

aurait voulu en rejeter toutes les exagérations

volumes, qui eût

pas

une amer-

à ^'ictor

et

style

passé,

et

comme

composer à son usage un Victor Hugo

et lorsqu'il

du

regret

le

de son pays

grandes peintures poétiques de

célestes,

lui déplaisait

et

11

avait

librairie qui lui pro-

compagnon

épousa plus tard

son ami.

et

la fille

aînée

de Millet. C'est ainsi

que

se

fit

l'instruction de François Millet, sans

autre maître que ses attractions, sans autre guide que sa logique naturelle. Voici ce qu'il

nous

disait pilus tard à

propos de sa

studieuse jeunesse. .«

on

Je n'ai jamais

dictait

:

fait

j'écrivais et

mon il

se

instruction par principes.

trouvait que

je faisais

A

l'école,

un devoir


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

40

mieux que

toujours; les mots

lire

Sans doute cela

autres.

les

et les

ma

passion de

tournures de phrases se gravaient

yeux que dans

plutôt dans les

tenait à

la

raison

et

je

les

reproduisais

instinctivement.

Je n'ai jamais suivi les

«

une leçon par cœur. Tout tres

moulées

et

aux

je

mier dessin il

encore

est

suivantes. Je calcule de tète

tel

maître

la

soustrac-

et

avec des

et

idées toutes faites en art,

modifier. J'ai été plus ou

les

de

telle

forme d'expliquer

l'art,

mon

pre-

au fond. Vous connaissez

rien modifié fait

au delà de

aller

ne comprends rien à

pas jugé à propos de

je n'ai

pu

ne peux pas rendre compte.

moins amoureux de mais

et je

appris

je n'ai

se passait à faire des let-

venu à Paris avec mes

Je suis

et je n'ai

temps

à dessiner. Je n'ai jamais

règles

moyens dont «

mon

mathématique

l'addition en tion

et

programmes; jamais

au pays, sans maître, sans modèle, sans guide dans

mon

atelier; je n'ai

jamais

fait

autre chose

depuis.

Vous ne m'avez jamais vu peindre que dans l'ombre

c'est la

demi-teinte dont

çante

me

et

maître.

le

me

besoin pour

cerveau

ca a

;

rendre été

:

vue per-

la

mon

meilleur

«

Le jeune la ville

débrouiller

j'ai

:

peintre de la

de Cherbourg.

On

campagne

faisait

s'entretenait

quelque bruit dans

de ses travaux

et

des

hardiesses de sa main. L'opinion générale était qu'on devait l'en-

voyer à Paris.

D'un autre

son élève

côté, Langlois voyait les progrès de

avec l'étonnement d'une poule qui a couvé un aiglon; sait s'exercer

à sa fantaisie, soit dans

composition de sujets bibliques.

Il

le

portrait, soit

il

le lais-

dans

la

se faisait quelquefois aider

par Millet pour l'exécution de tableaux religieux qui

lui étaient

commandés. On peut voir encore

Trinité, à

à l'église de

la


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Cherbourg, deux grandes scènes de Millet collabora avec Langlois, les

mains par exemple

et les

Cependant Langlois apprendre à Millet

41

pour des parties

fort délicates,

vêtements. bien

sentait

Conseil municipal de Cherbourg

pouvait

ne

qu'il

sa conscience le poussa

:

auxquelles

l'histoire sacrée,

à

:

Cherbourg, 19 août

A M.

le

maire de

de Cherbourg

la ville

et à

MM.

les

au

adresser

suivante

la pétition

rien

i8j(3.

membres

du Conseil municipal. Messieurs,

«

dessins

que

j''ai

rhonneur de vous

j'ai

placer dans la

fait

mon

dessins, faits entièrement par

prier de vouloir bien examiner trois

salle

ordinaire de vos séances. Ces

élève, François Millet, de la

commune

de Gréville, sont une première preuve de la continuation de son goût décidé

pour

les arts, et

un témoignage

d'entre vous, messieurs,

certain de ses rares dispositions. Plusieurs

connaissent déjà ce

recommandé. Votre digne président rement confié à mes soins

et,

;

rien à lui dire, ni à lui enseigner.

que notre

là.

me

Font

sous-préfet Font particuliè-

ma

encore quelques jours Il

et

mon

faudra à

direction, ses proet je

n'aurai plus

un

théâtre plus

élève

des écoles et des modèles que nous n'avons pas, enfin

cité,

laquelle sans doute

arts, sa

le

uniques de Paris pour étudier

les ressources

pour arriver

M.

depuis six mois, sous

grès ont été constants et rapides

vaste

et

homme

jeune

il

la

peinture historique, vers

appelé au nombre des pauci

est

elccti.

Mais, hélas

Millet n'a aucune ressource que son religieux

bonne conduite, une

amour

!

des

sérieuse et grave éducation et l'estime qui

entoura toujours sa famille. «

Fils de veuve,

maternelle

suffit à

nombreuse

et

et

dans

il

est

peine

et

l'aîné de huit enfants

positivement

le

secours dont

il

de

mon

et la

fortune

avec une économie infinie à alimenter cette

honorable famille. C'est eu égard

l'intérêt

en bas âge

pays que

je

à cette position, messieurs,

viens vous supplier, sinon d'adopter

jeune Millet, du moins de prendre l'initiative des premiers va avoir bientôt besoin

et

de

le

recommander

aussi à la

prochaine session du Conseil général du département, afin qu'il puisse être de cette manière demandé au Ministre de l'Intérieur une faveur particulière qui, en cette circonstance, et entourée de témoignages et de garanties aussi

honorables que

les

vôtres, messieurs, lui

serait

certainement accordée à


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

42

Paris, durant ses études, la fin

je

pense qu'il serait convenable de Tenvoyer à

de Tannée. 'Les premiers secours alimentaires dont le jeune Millet aurait besoin

(i

pour son

une somme de cinq ou

installation à Paris exigeraient

Mais soyez en bien

francs.

vous lui voterez,

ils

sûrs, messieurs,

ne tarderont pas à porter leurs

votre protégé lui mériteront la protection

Favenir

homme Dans

«

élève

et

vous

une place dans

d'oser vous assurer

et

pour avoir des premiers, en grand

fruits et les succès

cette occasion,

de

du Gouvernement.

Permettez-moi encore, messieurs, de soulever sans crainte

«

six cents

que soient ceux que

faibles

si

la

le voile

de

mémoire des hommes,

concouru à doter

la patrie

d'un

supplique aura un heureux résultat pour

mon

de plus.

l'espoir

que

ma

pour moi, veuillez

croire

à

être bien persuadés, messieurs,

notre

reconnaissance

que l'ingratitude

n'est

et

puissiez-

jamais compagne

de ceux qui consacrent leur vie à l'étude des beaux-arts et de la vérité. C'est avec la considération la plus haute et la plus distinguée

«

l'honneur

LANGLOIS,

«

Peintre d'histoire, anciea pensionnaire de l'Ecole des beau.\-arts

en Grèce

Le maire de Cherbourg faveur de Millet

I.

et

et le

M.

les six cents francs

M.

Conseil général de la

le

Manche qu'auprès du

reuse pension subit bien des péripéties

le

jeune

homme

même,

ragement ou secours, tale... »

Or

le

disait la délibération; la

au budget de

revint

la

sion et à

le

y avait

utilité

Manche, auquel on

Millet, lui avait refusé toute allocation.

des refus,

s'il

:

francs complétèrent la subvention.

«

i83S.

Cinq

Millet n'est pas

de lui accorder encoucaisse

départemen-

recommandé

la

Après bien des retours, des explications,

Conseil général accorda six cents francs pour sa part

dix voix contre dix (celle

du

avait pourtant

charge devrait en être subie par

Conseil général de

tant auprès

ministre de l'intérieur. Cette malheuelle

:

un membre

demandés. Le Conseil adopte à l'una-

maire à patronner

cents francs furent proposés, mais retranchés par la commission

de Cherbourg

ii

Puiel, président, sur-le-champ

nimité

invite en outre

en Italie',

Conseil municipal votèrent en

propose d'allouer à Millet il

et

pour servir à son éducation de peintre une

Cette lettre ayant été lue par

:

j'ai

dévoué serviteur.

d'être, messieurs, votre tout

ti

que

;

et,

après discus-

du maire étant prépondérante), quatre cents

Aux

budgets subséquents,

les

mêmes

scènes se

reproduisirent, et pendant deux ans encore, on put sauver la modeste pension de Millet.

(A. S.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

43

Manche

annuité de quatre cents francs. Le Conseil général de la

six cents francs, qui devaient se renouveler

y ajouta plus tard

jusquau complément de Finstruction du jeune Millet

m'a

de longue durée

son existence

;

subvention ne fut pas

cette

bien loin de pouvoir subvenir à

et qu'elle était

bientôt la petite pension de la ville de

même

se réduisit, et elle fut tés

que

dit plusieurs fois

artiste.

Cherbourg

supprimée en raison des nécessi-

municipales.

Ce

un grand événement pour

fut

voir partir François

qu'on

mère

disait aussi

pour vivre dans une

loin d'elle et

si

corrompue que

que de

la famille Millet

Paris.

La mère

l'accablèrent de conseils et de prières,

ville

grand'-

et la

pour que leur pauvre

enfant évitât toutes les séductions de cette Babylone

«

:

Sou-

viens-toi, lui répétait l'aïeule, des vertus de tes ancêtres; sou-

viens-toi

que

j'ai

promis sur

pompes

cerais à Satan, à ses te

voir mort,

mon

ordres de Dieu. Il

femmes à sans

la

passer,

à ses œuvres

les

la ville

((

J'ai

aux

infidèle

triste et inquiétante,

que

mère

et sa

comme

si

beaucoup.

un

Il

il

sa

devait Il

em-

grand'mère

à l'acompte de

se sentait

veuves

pour

années de sa vie.

sa

et qui, jointes

les

inévitable

de Cherbourg, complétaient une

six cents francs. C'était

tombé du

un but

captif, les plus riches

remirent en partant,

cette richesse,

mieux

de laisser ainsi ces pauvres

bien qu'il fût

qu'une étape

comme un

vention de

et

misères qui assiègent

portait avec lui quelques épargnes lui

j'aimerais

»

Paris,

n'était

;

que renégat

cher enfant,

merci de toutes

défense.

carrière,

et

enfiévré et désolé

partit

baptismaux que tu renon-

les fonts

la

sub-

somme

de

embarrassé par

trésor des Mille et une nuits lui était

ciel.

toujours eu devant moi

ma mère

et

ma

grand'mère


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

_,.4

mes bras

privées de

de

et

ma

pour moi un remords de

cœur

leur

me

de

savoir affaiblies

les

pu

pays, tandis que j'aurais

jeunesse. C'a été presque toujours

être leur

voir abandonner

un démon

vieillesse;

mais

maternel qu'elles n'auraient jamais supporté

était si

ma

profession pour

pas

leurs, ajoutait-il, la jeunesse n'a et

bâton de

malades au

et

me

familier

Et d'ail-

les aider.

de

la sensibilité

l'âge

mûr

poussait à Paris. J'avais l'ambition de

pour savoir tout ce qu'un peintre peut apprendre. Mes

tout voir,

maîtres de Cherbourg ne m'ayant pas gâté au point de vue de

mon et le

apprentissage, Paris était pour

Je suis parti

ma

voir sur

centre de la science

le

toutes les grandes choses.

musée de «

moi

cœur

le

route

bien enflé,

et

tout ce

que

devais

je

à Paris ne devait que m'affliger encore.

et

Voir des grandes routes droites, des arbres alignés, des plaines plates, des pâturages

me

si

riches en verdure et en bestiaux, qu'ils

semblaient plutôt des décorations de théâtre que de

nature!... Et soir, fut

Paris,

pour moi

la

enfumé,

noir, boueux,

plus pénible

comme

la

la

vraie

j'arrivai

un

plus décourageante

des sensations. «

Ce

fut

par la neige

;

un samedi de janvier que la

j'arrivai le soir à Paris,

lueur des réverbères presque éteints par

lard, la quantité

immense de chevaux

et

le

brouil-

de voitures qui se heur-

taient

ou

s'entrecroisaient, les rues étroites, l'odeur et l'air de

Paris,

me

portèrent à la tête

et

au cœur, au point de

quer. Je fus pris par une crise de sanglots que arrêter. Je voulais

être

plus fort que

ma

je

me

suffo-

ne pouvais

sensation et elle

me

me

au

dominait de toute sa puissance. «

Je ne parvins à arrêter

visage des poignées d'eau que «

Le

frais

me

retrempa.

mes je

pleurs qu'en

pris à

jetant

une fontaine de

Un marchand

d'estampes

la rue. était là.


JEAN-FRANÇOIS MILLET. je

regardais ses images en grignotant

pays. Les lithographies

me

ma

Devéria

et

Maurin en

femmes à

faisaient alors; cela

m"en

Paris

me

paraissait lugubre et fade.

à

un

hôtel garni

allai

filant

le

triste

soir

m'échapper à

me

nait et si

avec

en pleurant

Mais

et

mon

qu'il

était

tristesse

demeura,

et je

me

ce

avec

rituelle,

que

ma sœur

priant pour

que

trouvais

je

céleste.

ma chambre

n'était

levai et courus à l'air; la

du calme

et

de

la

volonté;

rappelai les plaintes de Job et la nuit

j'accostai

terreur de ne rien et

et

en laquelle

il

:

Que

fut

la

le

dit

:

est né.

C'est ainsi

la

pays, notre

maudit démon reve-

un nuage

me

Je

repris

et je

et

toiles,

réveil fut plus terrestre,

jour auquel je naquis périsse,

homme

le

entrée, je

semblait les voir s'enflammer

disparaître dans

venue

lumière

un

songeant à moi

me

fétide et sans jour.

mon

ma mère

grand'mère,

et

semblait

première nuit dans

revoyant

poussait devant de magnifiques

dans une gloire

qu'un trou

;

perdition de Paris. Puis

la

belles, si éclatantes,

«

ma

me

Pour mon

ma

passai

je

une sorte de cauchemar continuel

maison bien

leur toilette,

modes ou de parfumeur.

des enseignes de marchande de «

pomme du

dernière

déplurent fort; c'étaient des scènes de

grisettes décolletées; des baigneuses, des

comme

45

Paris; sans

comprendre à

le

maudire, mais

sa vie matérielle et spi-

aussi avec l'envie et la volonté de voir ces

maîtres dont on m'avait tant parlé

et

ques bribes au musée de Cherbourg.

fameux

dont j'avais entrevu quel«


CHAPITRE V SES PREMIERES IMPRESSIONS.

MILLET A PARIS. SES VISITES A MM.

dans

fut

GEORGE.

,

SON GITE CHEZ

AVENTURES MALHEUREUSES.

SES

Ce

D

le

arriva à Paris,

L.

M.

MALADIE.

courant du mois de janvier iSSyque Millet porteur de plusieurs

était

11

de recom-

lettres

mandation pour des amis ou des parents d'hommes influents de Cherbourg.

Il

prendre en pension

d'éventails, qui devait le

D..., fabricant

mais on sembla

;

imposer quelques conditions assez menaçantes pour sa

lui et

d abord chez M.

rendit

se

il

en déclarant

partit

porta une seconde qui

lui

proposa de

entrer dans

faire

condition? question?

C'est

imposait que

prendre chez

le

un

atelier

que M.

je n'ai

pu

prends; restez chez moi, "Voilà

donc

Millet assuré

qu'à chercher

De

là,

il

du

lui,

et

grave

D...,

Pourquoi auquel

me

là,

«

si

Sans

c'est ainsi, je

m'en

com-

vous voulez, sans aucune condition.

du

travail et

gîte et

un

de

la

le

faites-vous cette

j'avais été adressé,

— Ah!

il

et établi,

de chercher à

de peintre en renom.

accepter. si

aucune. De

homme

à M." L....,

lettre

dit Millet.

lui

»

qu'il n'en accepterait

liberté,

nourriture

:

il

»

n'a plus

maître.

va chez M. George, alors expert des musées


JEAN-FRANÇOIS MILLET. royaux,

rue

auquel

Traversière-Saint-Hoiioré,

recommandé. George sait faire. Millet

47

avait

il

demande

raccueillc bien et lui

été

ce qu'il

déroule alors son grand diable de dessin, sur

papier, qui pouvait bien avoir six pieds de haut. George, étonné,

montrait à des amis

le

s'écrièrent

vince «

:

«

et

à des élèves qui se trouvaient là

Nous ne savions pas qu'on pût

C'est fort bien, répétait

vous présenterai à des

M. George

manquer

d'y obtenir

sera pas long.

vous

je

;

un

vous

artistes célèbres, je

prix, et

du

train

ferai entrer à

où vous y

ne

allez, ce

«

l'intention de revenir voir

M. George

;

Il

avait certaine-

mais en chemin,

songea à l'École des Beaux-Arts, au concours dont l'expert avait -parlé et à la discipline qui devait s'emparer de tous

lui

ceux qu'on enrôlait dans une çonnais

me

les obligations,

pouvais voir sans

combien aussi

il

me

cette façon d'étudier

école.

«

paraissait

Tout

cela,

M. George; qui

;

je

ne

je

il

serait ditîicile

de

lui faire

comprendre que

en joutant avec d'autres, inconnus à moi,

et

lui fut

en

effet,

il

»

Bref,

pour

n'y retourna plus et lui laissa son des-

renvoyé plus tard.

Le voilà donc revenu chez M.

n'avait

soup-

avec ses hésitations, Millet résolut de ne plus aller chez

finir

quième

je

une contrainte que

d'habileté et de promptitude, m'était antipathique.

sin,

dont

me disais ensuite combien M. George paraissait sur de me guider, combien

effroi

avait été accueillant,

en

musées,

vous ne pouvez

et

Millet le quitta en lui laissant son dessin.

il

en pro-

rester avec

faut

il

ferai voir les

où vous concourrez

l'École des beaux-arts,

ment

qui

»

!

moi, vous y avez un grand intérêt; je

faire cela

et

étage,

dans une

pour vue que

les

petite

L...,

où on

chambre bien

toits et les

le

casa au cin-

proprette,

cheminées d'une cour.

qui Ici


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

48

une causerie de Millet que

se place

Elle ressemblera à

Je la reproduis fidèlement.

necdote à

Quand

je

du jeune

me

peintre

commençai à entrevoir

me

:

la vie

et

en face d'une croisée

demain,

pas mesurés. Cependant

comme

glace,

la

le

je

déjeuner

une

mon

déjeuner,

part de fromage de Brie, d'un petit pain, de

semblait que «

disais

un

quart au plus

peine

:

mal

élevé,

chose,

je

cirés et relui-

mais

si je

vais

composé d'une

quelques noix

et

Il

me

je

me

repas d'un enfant.

le

le tout,

me

mets à

mourir

de

mais

comme un

Si je ne laisse rien, je serai regardé

être

Je des-

rempli de vin.

était

J'aurais bien eu l'appétit de dévorer

petite

cette

c'était à

le

l'air, le

table recouverte d'une toile cirée

aussi éclatante, et sur cette table

d'une bouteille dont

et je

dormis. Le len-

était prêt.

une chambre à carreaux

cendis, et je vis dans sants

que

la servante m'avertit

étroite,

froide et rétrécie de Paris

couchai en pensant à notre existence des champs, où

feu, le logis n'étaient

et

sorte d'a-

trouvai dans cette petite case, disait Millet,

devant une cheminée de marbre je

une

Lesage, entremêlée d'impressions brûlantes où se

la

décèle déjà l'âme «

sous sa dictée.

écrite

j'ai

glouton

demi-ration de

la

faim.

Cependant

la

réflexion l'emporta sur l'appétit et je sortis encore tout affamé. «

Comme j'avais

tins,

allant dîner

ce repas de chartreux se renouvelait tous les

une

fringale

permanente que

dans des gargotes où mangeaient

je

n'apaisais qu'en

les

cochers de fiacre

dont un m'avait un jour reconnu pour un pays entraîné dans une salle de «

Cette existence chez

marchand de

M.

L...

me

et

m'avait

vin.

pesait bien fort

;

M'"^ L...

était

une femme de mauvaise humeur, qui m'engageait à

voir

les

beaux spectacles de Paris,

des étudiants

et

me

reprochait

ma-

les belles

aller

danseuses, les bals

mes manières gauches

et

ma timi-


JEAN-FRANCOIS MILLET. dite.

me

Cet intérieur

un jour à

les quais. J'allai

me

cohue bousculante joie

de nos campagnes «

mon

Le

soir,

dégoûtèrent

lourde

la

mansarde froide

la

nue de

et

En

recourais au musée.

je

de Cherbourg, j'avais remis à

mes hardes, mon

mieux

j'aimais

:

danses de cette

les

vrais ivrognes de nos pays.

et les

lendemain

hôte, et le

trouvais bien que sur

Chaumière;

la

revenais dans

je

me

glaçait et je ne

49

arrivant

une malle qui renfermait

M'"''L...

En un

linge et quelques centaines de francs.

mois, j'en avais dépensé cinquante environ en

dîners

et

en

images. «

Un

matin,

francs. Elle

que

si

on

me

je

demandai à

répondit par une scène terrible, en

réglait

justement

qui lui devrais de l'argent tant de

une avance de cinq

M""^ L...

services qu'ils

les

;

comptes,

c'était

qu'elle et son

me

disant

assurément moi

mari m'avaient rendu

beaucoup

dépassaient de

somme

la

qu'elle avait à moi. «

que

je

— Je sais bien, madame, dois

beaucoup à

cette dette-là se «

que

que

Et

je la jetai

mains

sur

la pièce

la table

— Eh bien! maintenant nous sommes

«

Je m'en allai n'ayant sur

d'ouvriers

Pendant l'on

moi que

trois jours, je

voulut bien

à lui répondre,

n'avais pas l'idée que

je

«

je portais.

je

»

j'avais entre les

demandée,

iiasardai-

mais

iM. L...,

payât en argent.

comme

j'avais

me

me

de cinq francs

en disant quittes,

:

madame.

»

trente sous et les habits

me

réfugiai dans

faire crédit;

mais

je

un

garni

tenais à

payer mes repas qui ne dépassèrent pas mes trente malheureux sous.

J'attendais

m'adressa en

effet

que M.

une

avait eu lieu, et dont

que

je

lettre il

L...

vînt il

me

s'expliquer

lui,

11

disait qu'après la scène qui

était très affligé, je

ne pouvais revenir chez

avec" moi.

mais

devais comprendre

qu'il

ne cesserait de


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

5o

m'estimer, de s'occuper de moi

me

de

et

voir

comme

par

le

passé, et qu'il ne manquerait pas de m'indemniser de l'injustice

de M"" et

me

L..., enfin qu'il

de venir

priait

voir à son bureau

le

de ne conserver aucun mauvais souvenir de ce qui

donc trouver M.

passé. J'allai

mais ne

tions,

me

L...

renouvela ses protesta-

Il

Sa femme

rendit rien.

s'était

était

trop la maîtresse

y pût quelque chose. II parvint cependant à payer un terme de mon loyer, trois mois après, c'est-à-dire une cinquan-

pour

qu'il

taine de francs. M'"' L... ayant appris

mari,

me

bien piteux, en

déplaire à sa

Voilà

«

dant

il

malade

un

comment M.

les

sens

me

couché dans un

me

mes

visites

voir son

ce qu'il

fit,

pour ne pas

femme.

jours. Je

pensée

rompre avec moi,

priant de cesser

me

L...

Une

à toute extrémité.

et

j'étais allé

protégea.

Plus tard, cepen-

un retour de commisération. Un an

eut

perdre tous et

d'avoir à

elle lui signifia

que

j'étais

;

réveillai

lit,

et

après,

je

tombai

fièvre inexplicable m'avait fait

comme

en léthargie. Je fus ainsi vingt

dans une campagne, sous des arbres,

entouré de gens inconnus. Peu à peu

la

revint, puis après les forces, et je ressuscitai. J'étais

M.

chez un ami de

L..., qui m'avait fait transporter à

Herblay,

près de Montmorency. Je fus bien soigné; nous étions en juin,

au moment des dans

le

aussitôt

jardin,

rompu

beaucoup

:

foins.

je

et

A ma

voulus

me

première journée de promenade

mettre à faucher, mais

je

sans connaissance. Cette incapacité

je n'étais

plus un

homme

de

la

campagne

retombai

me

peina

et j'en étais

humilié. Je rentrai bien vite accablé de chagrin, mais en quel-

ques semaines

je

guéris tout à

rendu ce service. Comment su, car plus je ne « J'ai

l'ai

et

fait.

C'était

M.

L... qui m'avait

par quel moyen? Je ne

l'ai

jamais

revu.

cherché souvent à m'expliquer

la

conduite de M"" L...


JEAN-FRANÇOIS MILLET. et sa colère,

mais

je n'ai

pu y parvenir. Un jour pourtant, ayant

rencontré son domestique, voici ce

que vous avez

bon enfant

te

sieur,

«

ce qui se passait?

<(

livres bien extraordinaires.

«

pour une dame

«

blas et d'autres romans.

«

dans

!

été

madame

effet

caractère

!

me

dit

Oh

!

elle

«

:

Ali

!

mon-

Vous ne voyiez donc pas lire

un

tas

de

a de drôles d'occupations

Je trouvais tous les jours dans sa ruelle Faii-

Millet

féminin.

avait rencontré au

Putiphar.

e^u'il

n'en finissait pas de

Il

ses lectures, ajouta-t-il

En

5i

faut croire

en

que vous

la

dérangiez

riant. »

n'avait rien compris aux étrangetés de ce

On

entrevoit la vérité.

début de

la

vie

Comme

Joseph,

il

une nouvelle femme de


CHAPITRE

VI

LE LOUVRE ET LE LUXEMBOURG.

— MILLET A LA RECHERCHE d'uN MAITRE. ENTRÉE CHEZ PAUL DELAROCHE.

IMPRESSIONS ET JUGEMENTS.

Dans

«

fixe était

les

premiers jours de

de voir

le

me

moquer de moi,

faire

arrivée à Paris,

vieux musée. Je sortais dès

cette intention; mais, n'osant

de

mon

à

ma

rencontre. Je

j'errais à

me

que

la

la

beau

première

fois,

suis

musée viendrait de

je

me

je

trouvai sur

monument que

je

le

et

et la

montai

Pont-Neuf où de

comme

là j'aperçus le

grand escalier avec

l'œuvre

J'avais bien auguré de ce

que

je vis.

un magnifique

Louvre, d'après

m'y

les

précipitation de quelqu'un qui atteint «

et

médiocre. Enfin, sans savoir comment,

crus reconnaître pour

le

vis m'apparaître,

Le Luxembourg me sembla un

descriptions qui m'en avaient été faites. Je suite, et je

le

trouvai moins belle

la

mais trop régulièrement beau

d'un inventeur coquet

lui-

perdu plusieurs jours en

Notre-Dame. Je

cathédrale de Coutances. palais,

matin avec

Taventure, marchant tou-

cherchant. C'est en quête du musée que

pour

idée

demander mon chemin, de peur

jours devant moi, dans Tespoir que le

même

le

mon

les

dirigeai tout de

battements de cœur

un grand Il

but.

me sembla que

je


JEAN-FRANÇOIS MILLET. me trouvais

en pays de connaissance, dans une famille où tout

ce que je regardais m'apparaissait visions.

comme

sais; et j'y revenais sans cesse.

mon

Il

y

avait des

je

d'un saint Sébastien quand

me je

et

puissance incomparable.

Ils

vous

modelés de

:

comme

les

percé des flèches

au corps

jettent

quand

homme

Michel-Ange qui représente un autre cliose

;

charme décomposition.

des magnétiseurs;

obsèdent. Mais,

les

de ferveur

et

regardais les martyrs de Mante-

comme

douleurs qui

leur

sentais

gna. Ces maitres-Ià sont

les

unique occu-

Les primitifs m'attiraient par leur

par leur science

moments où

de mes

observais, les analy-

je les

expression admirable de douceur, de sainteté Italiens,

réalité

la

Les maîtres furent pendant un mois

pation du jour. Je les dévorais tous,

grands

53

je

ils

ont une

les joies

ou

vis le dessin de

évanoui, ce

fut

bien

l'expression des muscles détendus, les méplats, les cette figure affaissée

sous

souffrance physique,

la

me donnèrent toute une série d'impressions je me sentais comme lui supplicié p^ar le mal. J'avais pitié de lui. Je souffrais de ce même corps, de ces mêmes membres. Je vis bien que ;

celui qui avait fait cela était capable, avec

personnifier C'est

tout

le

bien

J'en avais

dire.

Cherbourg; mais de celui qui «

me

mal de l'humanité.

et le

là je

hanta

Je vis ensuite

p»ar

le

cœur

et

Tinvention

je

A l'exception

trouvai grands par les

et la richesse

du

cire,

des costumes de convention,

dans l'invention «

et

à

des

gestes,

coloris, je ne trouvai

rien de remarquable. Partout ne m'apparaissaient

de

Michel-Ange.

vie.

musée du Luxembourg.

le

de

j'entendais la parole

ma

fortement toute

tableaux de Delacroix, que

grands

C'était

figure,

vu déjà des gravures médiocres

touchais si

une seule

que des figures

une fadeur repoussante

et l'expression.

VÉlisabetli

et

les

Enfants

cf Edouard

de Delaroche y


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

54

étaient exposés.

ces tableaux ne

On me destinait à me donnèrent pas

voyais que de grandes vignettes table émotion, et partout C'est le

Luxembourg

quoique

je

pour et

que

part et je

me

j'ai

l'art

de théâtre sans véri-

pose

et la

mise en scène.

du

théâtre, et

toujours eu une répulsion décidée

peau d'un autre,

que

un peu vu

les

gens de ce

monde

à

convaincu qu'à force de chercher à se mettre

suis

personne à eux-mêmes, rôles et

la

effets

des drames célèbres qui se jouaient

fi

j'ai

des actrices. Depuis,

la

voyais

je

n'y

exagérations, les faussetés, les minauderies des acteurs

les

dans

des

tous

:

désir d'y entrer. Je

le

qui m'a donné l'antipathie

n'aie pas fait

alors, je dois dire

et

de Delaroche

l'atelier

ils

n'avaient plus conscience de leur

qu'ils

sens

la vérité, le

ne parlaient plus que

commun

et le

comme

leurs

sentiment simple de

plastique les abandonnaient. «

Il

faut fuir « Il

Paris

et

me semble le

que, pour faire de

l'art juste et

naturel,

il

théâtre.

y avait des moments où j'avais grande envie de quitter

de retourner à

mon

village, tant je

m'ennuyais de

la

vie solitaire que je menais. Je ne voyais personne, je ne parlais

à

âme

qui vive;

je

n'osais m'enquérir de rien, tant je craignais les

moqueries des gens, j'avais la gaucherie affligé lorsqu'il

chose

la

«

et

que

me

j'ai

faut

toujours gardée

et

lieues en

comme mon

je

me

sens la

donnait des visions, garni,

je

une

traite et

oncle Jumelin,

de dire à

ma famille:

c'en est fini de la peinture »; mais

m'avait accaparé. J'y revenais

mon

dont

aborder un étranger ou demander

J'avais bien envie de faire,

Je reviens,

me

et

;

plus ordinaire.

mes quatre-vingt-dix «

pourtant personne ne s'occupait de moi

et

et je

quand

je

m'y

me

le

Louvre

consolais. Fra Angelico

trouvais

le soir seul

dans

ne voulais plus penser qu'à ces doux maîtres qui


JEAN-FRANÇOIS MILLET. ont

noblement

faite si

On

«

créature

la

fait

fervente qu'elle en est belle,

si

et

a dit que j'avais été très préoccupé des maîtres

même

eu

J'ai

de

Mon

comprendre

ses

faisait

tures déshabillées

femmes de

talent,

provocants

sujets

femmes, sans songer combien tout

Boucher ne

goût n'a jamais

répulsion très prononcée pour

la

Boucher. Je voyais bien sa science, son vais

du

moi des pastiches de Bou-

de Watteau. C'est une erreur.

changé.

qui Tont

et

belle qu'elle en est bonne.

xvni" siècle, parce qu'on a trouvé de

cher

55

et

mais

ne pou-

je

voir ses

cela était d'une

tristes

pauvre nature.

pas des femmes nues, mais de petites créa:

ce n'était pas la plantureuse exhibition des

Titien, fières de leur beauté jusqu'à en faire parade,

jusqu'à se montrer nues tant elles étaient sûres de leur puissance.

A

cela

n'y a rien à répondre

il

c'est

fort,

bon. Mais

grand par

;

ce n'est pas chaste,

mais

l'attraction féminine, c'est de l'art, et

pauvres dames de Boucher, leurs jambes

les

c'est

du

fluettes,

leurs pieds meurtris dans le soulier à talons, leur taille amincie

sous

le corset,

cela

me

tant

au musée,

qu'il

repoussait.

s'était

dable

leurs

et

je

mains Devant

me

amusé

qu'il

inutiles, leurs gorges exsangues, tout

Diane de Boucher, qu'on copie

la

figurais voir des marquises de ce

à peindre

dans un but peu recomman-

déshabillées

avait

et

son atelier transformé en paysage. Je chasseresse des Antiques, distinction de formes. «

Boucher

Watteau non plus

n'était

Boucher pornographe, mais

me

belle,

si

de l'expression coulisses

et

jusqu'à

condamnés à

rire.

la

si

pas

placées lui-même

me

et

de

la

plus haute

qu'un entraîneur.

mon homme. Ce

n'était

un petit monde de

charme de

les

pas

le

théâtre qui

la palette et la finesse

mélancolie de ces

Cependant

dans

reportais à la Diane

noble

n'était

c'était

peinait. J'y voyais bien le

temps

bonshommes de

marionnettes

me

rêve-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

56

me

naient sans cesse à l'esprit et je

troupe

dans une boîte après

allait rentrer

que toute

disais

cette petite

spectacle et y pleurer

le

sa destinée. «

J'étais plutôt

parce qu'ils et je le

ma

semblaient très

Lesueur a germé en moi

forts.

comme

trouve une des grandes âmes de notre école,

le

philosophe, sans cesser

prophète,

le

sage

metteur en scène

le

plus éloquent. Je pourrais passer

Poussin en d'être

me

occupé de Lesueur, de Lebrun, de Jouvenet,

est le

vie face à face avec l'œuvre

et le

du Poussin que

je

n'en serais pas

rassasié. «

Enfin

je

Standish, aux dessins, les toiles

dans

mon

et

attention se portait toujours sur

qui expriment justement et fortement. J'ai aimé Murillo

ses

portraits,

Centaures. tout

musée espagnol, au musée

vivais au Louvre, au

J'ai

Ribera dans son Saint Barthélémy

aimé tout ce qui

était

puissant

et j'aurais

Boucher pour une femme nue de Rubens. Ce

tard que

j'ai

connu Rembrandt

m'aveuglait. Je pensais qu'il

dans

il

:

ne

fallait faire

homme.

me

n'est

ses

et

donné

que plus

repoussait pas, mais

des stations avant d'en-

connu Vélazquez,

si

recherché aujourd'hui, que par ÏInfante du Louvre. C'est

trer

le

génie de cet

certainement un peintre de race, ses compositions

me

« Il

il

et

du sang

le

plus chaud, mais

semblent nulles. Apollon chei Viilcain

bien faible d'invention peintre reste et

Je n'ai

;

ses

est

Dévideuses ne dévident rien. Le

est fort.

Je n'ai jamais tenté de faire

m'a semblé qu'une copie

était

une copie de tous ces maîtres.

impossible

et qu'elle

ne pouvait

avoir ni la spontanéité ni la chaleur de l'original. ti

Un

jour cependant

je

restai

Concert champêtre de Giorgione trois

heures passées

et

;

je

toute la journée devant

ne m'en lassais pas.

machinalement

je

pris

une

Il

petite

le

était

toile


JEAN-FRANÇOIS MILLET. d'un camarade

et

heures sonnèrent à

la porte,

mais

m'avait donné

j'en

On ferme un

avais ébauché

Quatre

tableau.

le

me

mit

pour

me

des gardiens

»

frottis assez net

d'une bonne partie de campagne. Giorgione

champs en son paysage

clef des

la

une copie, pas

tenter

à ébaucher «

:

pour me consoler avec

profité

de

et le terrible

comme

divertir

me mis

Je

5;

même

lui.

et j'en

avais

Depuis, point ne m'avisai de

de moi par moi

je

:

suis incapable

cette besogne.

Après Michel-Ange

«

mière inclination pour

comme

les

Poussin, j'en suis resté à

et

l'enfance, à ces expressions inconscientes, à ces êtres qui

patiemment sans

humaine que ce

pre-

maîtres primitifs, à ces sujets simples

ne disent rien, mais se sentent surchargés de frent

ma

et

soit.

n'ont

cris,

même

ou qui

la vie,

souf-

sans plaintes, qui subissent la

loi

pas l'idée d'en demander raison à qui

Ceux-là ne faisaient pas de

l'art

révolté

comme

de

nos jours. Enfin,

«

trant

dans un

gnaient

:

il

fallait se

décider à apprendre son métier, en en-

atelier. Je n'avais

Hersent, Drolling,

pas idée des peintres qui ensei-

Léon Cogniet, Abel de

Pujol, Picot,

tous professeurs qu'on recherchait alors, m'étaient indifférents,

jusqu'à Ingres, dont «

je

n'avais pas aperçu la

moindre

peinture.

J'attendis encore en allant lire Vasari à la bibliothèque

Sainte-Geneviève,

et ainsi

muni de

qu'on ne m'interrogeât sur leur personnes qui pouvaient J'avais

me

une grande crainte de

reculais toujours

la

vie des peintres, de peur

histoire, je

me

décidai à voir

les

trouver un atelier de professeur. ce futur instituteur

mes démarches. Un matin,

je

inconnu

me

et

levai

je

en

homme décidé à tout tenter... Bref, je parvins bientôt à obtenir mon admission à l'atelier de Paul Delaroche, le peintre que tout le

monde désignait comme un

des plus grands talents de l'époque.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

58 «

J'y entrai en frissonnant.

Ce monde-là

veau pour moi. Cependant je m'y habituai

était

encore nou-

et Je finis

par y vivre

sans trop de tristesse. J'y trouvai d'assez bonnes natures, un

genre desprit

et

me semblait un calembours de

enfin

je

n'avais pas soupçonnés

jargon incompréhensible l'atelier

et fatigant.

Delaroche étaient alors

la

;

cela

Les fameux

renommée des

on y parlait de tout, même politique c'était trop pour mui que d'entendre jaser sur le Phalanstère; mais

jeunes rapins fort

un langage que

j'y

;

;

pris racine et le

mal du pays

s'affaiblit

un peu.

»


CHAPITRE

VII

ATELIER DE PAUL DELAROCHE. LES COMPOSITIONS DE MILLET.

DÉPART DE MILLET.

CONCOURS.

:>

MAROLLE.

l'eST.

PREMIERS TABLEAUX.

donc alors

était

SES ELEVES.

l'hÉMICYCLE.

«

ATELIER RUE DE

VIE DE JEUNESSE.

Paul Delaroche

le

maître à

la

mode. Son

autorité était grande en matière d'art; son caractère

obstiné en avait

fait

homme

un

un vainqueur jaloux de sa en méfiance de lui-même, disparaître cette

fragile

et

important, ses succès du Salon,

gloire. le

morose

En

outre son esprit, toujours

mettait en crainte de voir bientôt

popularité qui était son ambition

et

sa vie. Il était

respecté et estimé de ses élèves, car malgré ses défauts

de caractère,

il

aimait ceux qu'il instruisait

tous ses efforts dans

Son

les

et

il

les protégeait

de

concours publics.

atelier était divisé

en deux classes

des commençants, celle du modèle ou de

:

celle la

de

la

bosse

nature. Millet

ou y

trouva un groupe de jeunes gens qui, plus tard, ne restèrent pas inconnus. C'étaient

:

Couture, Hébert, Cavelier

Gendron, Edouard Frère, Yvon, Frappaz, Théodore Fort,

Pollet, Antigna,

Vidal,

Bénédict

le

sculpteur,

Bonhomme,

Masson, Alfred

Arago, Devedeux, Besson, Auguste Beaubœuf, Emile Lafon,


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

6o

Jalabert

Goddé

,

,

Brunel

,

Cabasson, Georges Bouet,

Roux

Louis

Jules les

et

Skoda

de

Feyen-Perrin

,

,

élèves favoris de Delaroche,

Auguste Lebouis, qui ne furent guère célèbres

et

qu'à Tatelier.

En abordant

ce

nouveau milieu, Millet s'imposa

En

et le silence.

spection

vrai paysan,

laissait

il

la

circon-

venir à

lui et

répondait peu. Son aspect, encore plus sauvage que rustique, fit

remarquer aussitôt par

compagnons

ses

ner ce campagnard énigmatique. phant, en pas,

ou bien menaçait

en Hercule, on

le

fit

le

mauvais plaisant de

de poing,

finit

en

on chercha à devi-

;

siège en Tapostro-

en l'agaçant, ce à quoi Millet ne répondait

le raillant,

volée de coups

On

le

par

le

et

comme

laisser

en

le

le

lui

administrer une

nouveau

était taillé

surnommant Vhomme

des bois.

Son premier antique.

achevé

On

le

commençait

et

le travail le

l'atelier, voit le dessin, le

:

«

Vous

pas assez.

»

Ce furent

à Millet

Couture, qui de la bosse,

!

nouveau? Eh

êtes

était

et lui dit

bien, ta figure

de «

:

original de le

bien,

vous en savez trop

l'atelier

de

la

nature, vint voir ceux

Tiens, tiens, nouveau, sais-tu que cest

sentait

la

déjà,

le

critiqua durement. L'aspect

science manquait encore,

étonna

l'atelier,

pas comprendre. Sauf deux ou trois élèves, tous

comme un pour

et

»

ses études,

soulïle se

regarde longtemps,

ses seules paroles.

Quelque temps après, on

lundi et on devait l'avoir

samedi. Le jeudi, Millet avait terminé sa figure. Dela-

roche arrive à dit

dessin fut une étude d'après le Gennanicus

être bizarre

ses excentricités

et

sans avenir,

mais ne le

mais le

fit

regardèrent

un obstiné qui

posait

camp

acadé-

de dessin, un insurgé dans

le

mique, un schismatique dans leur culte pour Delaroche.


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Quand

du modèle,

Millet passa à Tatelier

6i

épreuves. Sa première figure fut cependant un succès. à peine touché à une palette

vous avez beaucoup peint

Delaroche

et

mêmes

subit les

il

lui dit

On

«

:

avait

Il

que

voit

— Je m'étais efforcé seulement, disait

!

Millet, d'exprimer le plus fortement possible les attaches et les

muscles, sans

me

connaissais pas.

Tout bonne

voulut voir

furent encore

la figure, et

//a/z/re

maître, l'apostrophait faire

on ne manqua

et

jusqu'à en être insolente. Les suivantes

violemment

que tu vas nous

un des

discutées. Boisseau,

souvent par ces mots

encore de

tes

Ah

«

:

fameuses figures,

encore nous bâtir des

hommes

bien pourtant que

patron n'aime pas ce genre à

Caen,

que

me

fait

à qui que ce

le

défendu de

et qu'il t'a

cela

tes ligures

Au ne

des

soit.

femmes à

je

même

et

une figure vais ».

Il

poussait

homme

:

«

restait

il

le

Quelquefois,

vas-tu

1

Tu

sais

mode de

— Qu'est-ce

ici

pour plaire et

des

qui sait

du

maître, qui

qui ne lui laissait pas et

qui peut enseigner.

visites

à

l'atelier,

était

professeur se bornait à dire devant

en manque,

ici c'est

trop grand,

souvent immobile devant

un soupir

la

?

est-ce

!

»

?

et

de Delaroche, lors de ses

presque muette;

toi

du

voilà tout. Est-ce que je m'occupe

fond, Millet était frappé de l'insuffisance

L'attitude

çà

y a des antiques

de miel ou de beurre, moi

l'impression d'un

séides

façon

ne viens pas

J'y viens parce qu'il et

ta

faire ainsi ta cuisine.

donnait aucun conseil sérieux

lui

sèche

et

répondait Millet;

?

modèles pour m'instruire, de

ne

chacun l'examina avec

ensuite avec l'envie de critiquer,

trouver

la

je

»

l'atelier

foi, et

pas de

préoccuper des moyens de couleur que

ici c'est

les toiles

mau-

de Millet,

plaintif et s'en allait. la

vérité éclatait en lui.

pour un concours préparatoire,

il

disait

Devant une esquisse

en montrant Millet à


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

62

un

élève qu'il corrigeait de sa composition à effet théâtral

n'est pas

tombé là-dedans,

lui

Une

«

!

autre fois, à

ne comprenait pas Fensemble d'une académie

mais regardez-le donc,

celui-là, la

lumière sur une figure nue!

c

«

Il

élève qui

Regardez donc

comme

voyez

et

:

un

:

a su voir

il

»

comme composition Un élève demandait à

Delaroche proposa un jour à ses élèves de concours

:

Promélhée sur son rocher.

comment

Millet

comprenait ce

il

mais

te dire cela, répondit-il,

sujet.

voudrais

je

que son supplice parût éternel

sorte

Prométhée écrasé par sur l'abîme

et

cri terrible

peindre de effet,

de douleur

contre la force qui l'avait vaincu. C'était et la

le

Et en

»

!

Je ne puis pas bien telle

imagina

il

foudre de Jupiter, une jambe pendante

la

poussant un

contre la brutalité

«

d'anathème

et

l'homme qui

se révoltait

violence. Plusieurs élèves furent

stupéfaits de cette peinture toute nouvelle

Quelque temps après,

c'était

comme

pour eux.

un Éole déchaînant

le vent,

esquisse que Delaroche trouvait assez remarquable pour n'oser rien dire à l'auteur. Puis,

ment en corrigeant son tinente. «

élève

;

il

Voyez-vous

faut qu'il soit

jours après, si

il

lui disait

une autre

fois,

il

travail qu'il trouvait d'une celui-là

?

:

«

Eh je

ne veux rien vous dire.

désarmé

qu'il aurait

l'attacher peut-être

Et quelques

et

;

vous

»

partial contre le

remué par

voulu discipliner à sa formule pour

comme

du

maître, et

il

il

cette nature

se

collaborateur dans ses grands tra-

vaux. Toutefois un pareil projet dut rester très vague dans prit

êtes

se renouvelait souvent, et

faut lui rendre cette justice qu'il se sentait

vigoureuse

fer. »

bien, allez à votre guise

Cet antagonisme du Delaroche sévère et

audace imper-

en désignant Millet à un autre

mené avec une verge de

nouveau pour moi que

Delaroche bienveillant

l'apostrophait dure-

n'y fut point

donné

suite.

l'es-


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Quand Delaroche

mit à peindre l'Hémicycle,

se

aux élèves de son

parfois

atelier, et volontiers

ce grand travail. Millet, assez

strophé par Tun d'eux invente ses muscles sieurs,

excellente; mais ////

»

(en

l'étude de la nature

montrant

MilletV,

poser

modèle, j'aurais

m'aperçus bien

que

vite

je

et

«

:

Mes-

indispensable,

est

mémoire.

Il

a

j'ai

cru que, faisant

de mes personnages; mais

l'attitude

n'aurais que de beaux modèles

sans cohésion entre eux. Je vis qu'il

coordonner

chic et qui

servir ses souvenirs.

fait

il

commencé mon Hémicycle,

j'ai

je

du

fait

faut aussi savoir travailler de

il

ses

époque vivement apo-

Le voilà encore qui

Lorsque le

leur signalait

il

Delaroche entrait sur ses entrefaites

aussitôt,

dit-il

raison,

!

x

:

en parlait

il

malmené par quelques-uns de

lors d'un concours, fut à cette

camarades

63

fallait

inventer, créer,

produire des figures propres aux caractères de

chaque individualité.

11

fallut

me

ma

servir de

comme lui, si vous pouvez. » En dehors de l'atelier de Delaroche,

mémoire.

Faites,

donc

une

petite

fond de

de

la

mansarde

Il

;

peu après,

peignit dans ces

des domestiques, des concierges

son ancien protecteur. bientôt Il

«

il

Il fit

il

s'installa

dans un galetas

deux logements

et la fille

du

les portraits

M.

portier de

L...

aussi celui de son charbonnier, et

quitta l'atelier Delaroche.

fut

patron

quai xMalaquais au

qu'il avait louée sur le

l'hôtel Pellaprat

rue d'Enfer.

Millet s'exerçait dans

»

un jour rencontré par Beaubœuf qui le

Millet déféra

demandait pour

le faire

aux ordres de son maître

travailler à et se

rendit

lui dit

que

le

[Hémicycle.

au Palais des

Beaux-Arts.

Delaroche

était

en travail au milieu de ses aides.

aussitôt à Millet et l'entraîna

dans une

salle voisine.

rouler silencieusement deux cigarettes, en

offrit

Il

Il

se

vint

mit à

une à Millet

et


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

64 dit

lui

«

:

Mais, monsieur,

pas

plus

je n'ai

— Vous

massier.

?

la cotisation

au

Pourquoi donc ne venez- vous plus à

avez

moyen de payer

le

désire -que

tort, je

vous nabandonniez

venez. C'est arrangé avec Poisson

l'atelier;

Seulement n'en

dites rien

aux

l'atelier

(le

massier).

autres, et faites tout ce

que vous

voudrez, de grands morceaux, des figures, des études, tout ce qui vous plaira, mais surtout n'en parlez à personne. J'aime à

voir votre travail je

vous

:

n'êtes pas

comme

vous parlerai de ce que vous pourrez

ne répondit pas, mais

il

fut

touché

et

monde

tout le

faire

avec moi.

retourna à

et

»

puis

Millet

l'atelier.

Delaroche avait l'habitude de préparer ses élèves au grand

Rome

prix de qu'il

et

de leur indiquer des sujets historiques pour

pût juger de leurs forces. Millet participa péniblement avec

les élèves

de

l'atelier

des exercices fort

Cependant

alors.

difficiles,

selon la formule qu'on exigeait

manqua aucune de

ne

il

comme

à ces gymnastiques qu'il considérait

s'ingéniait à dissimuler ses

ces joutes,

où chacun

dons naturels pour obéir à

la tra-

académique.

dition

Malgré

ses répugnances, Millet n'y passa point inaperçu.

Ses compositions étaient toutes empreintes d'une saveur personnelle.

Quand nous

sauvés de

restes

un

point,

décèle

trait

en voyons passer par hasard quelques

la destruction,

se pressent

nous y retrouvons toujours un

l'homme d'avenir; où

sous ses personnages de

déjà,

couleur sombre

et

dure,

un

peintre

l'élève

convention, sous qui

bégaye de

une

belles

choses.

L'heure Millet y fut

admis à

Delaroche par en fut un

vint

enfin de concourir la figure et l'exécuta

le parti

moment

très

pour avec

le

talent.

original qu'il en avait tiré.

émue;

il fit

venir Millet

grand prix. Il

frappa

Sa conscience

et lui dit

:

«

Vous


JEAN-FRANÇOIS MILLET. donc avoir

désirez j'ai

concouru.

mais

nommer Roux;

— Mais

de vous dire que

cela

bien,

fait

je

porterai

»

Millet fut édifié par cette déclaration;

abandonna

il

l'atelier

ne comptant plus que sur lui-même pour

et,

struire et se protéger,

alla

il

que

avant tout à faire

je tiens

vous promets que Tan prochain

je

tous mes efforts sur vous.

de Delaroche,

pour

c'est

Je trouve votre composition tout à

suis obligé

je

Rome?

prix de

le

65

s'in-

chez Suisse qui tenait une aca-

démie de modèles. Pendant

qu'il était à l'atelier

l'Homme

rapproché de

de Delaroche, un élève

des bois. C'était MaroUe,

fils

s'était

d'un fabri-

cant de vernis de la rue du Four, dont la famille aisée pouvait

à laquelle

faciliter l'existence d'art

Marolle, esprit fin

il

voulait se livrer'.

et instruit, sentit

une intelligence encore primitive, mais sources.

Il

lui

confia ses doutes

svir la

Millet répondit dans son dialecte

bien vite qu'il coudoyait pleine de res-

forte et

du

science

normand

:

me

« Il

A

maître.

quoi

semble que

nous pourrions, en bien peu de temps, en savoir plus que tous eux. et,

»

S'étant ainsi ouverts l'un à l'autre,

pour avoir plus de calme

un

petit atelier

de

la

1.

a

fait

ils

se lièrent étroitement

et travailler à leur goût, ils

rue de l'Est, n" i3, au coin de

louèrent

rue d'Enfer

la

et

rue du Val-de-Grâce-.

Le

ami de

fidèle

quelquefois

jours de

montrer

Millet,

œuvre de

au temps de ses

peintre. Les séve'rités

ses tableaux.

Au Salon

de'buts,

Louis-Alexandre M.irolle,

du jury ne

lui

permirent pas tou-

de 1846, Marolle exposait

le

Ménétrier de

village; en 1848, l'Automne, paysage, et les Restes du réveillon, nature morte; en

1849, trois tableaux; en i85i, une Tête d'étude; en iS52, une Fileuse du Bécirn. C'est la dernière fois

que

le

Nous savons par une lettre de à

Rome où 2.

il

catalogue du Salon mentionne

habitait dans la

même

ici

en note

maison.

»

:

«

nom ami

de Marolle. fit

un voyage

novembe

1861. (M.)

C'est l'atelier d'angle sous les toits.

Devedeux

rencontra Emile Diaz. Louis Marolle est mort

Sensier ajoute

le

Millet qu'au printemps de iS58 son le 2

Cette indication permet de dire que Millet quitta 5


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

66

petit coin fut le refuge

Ce

purent penser

ils

toute liberté à l'abri des lazzi de l'atelier,

projets d'études,

formèrent leurs

pour acquérir

s'ingénièrent

ils

ils

parler en

et

l'instruction

indispensable à leur nature réfléchie. Marolle, Parisien

imbu de

romantique

l'école

et

des vers

hauteurs de

mais

;

il

côté précieux, les tours d'es-

le

n'était

pas attiré par

les

le

ramenait sans cesse à

raison

grandes

que recherchait son ami.

la poésie

Millet subissait souvent les opinions de Marolle il

tout

des poètes nouveaux, les récitait

à Millet. Marolle sentait surtout prit, la ciselure

et

la

contemplation, à

;

toutefois

nature, à la

la

à ce bel équilibre des grands poètes anciens qui savent

et

tout dire et tout pénétrer; à

Bible qu'il considérait

comme

Homère, à le livre

trouvent sous des formes grandioses

Virgile et surtout à la

des peintres,

tableaux

les

le livre

les

plus

se

émou-

vants.

Musset, dans ce temps-là, jeunes gens. Marolle chait et composait

le

était le

savait par

même

le

aux poésies de l'auteur de Rolla. mais

capricieux

ne

il

sait

cœur;

que

«

air,

comme un

du

soleil

On

voit,

qu'il n'était

Musset

faire cela. C'est

chanter, désespérer ou corrompre.

sans force,

par

pas

le

les

La

;

un

de

charmant,

ne peut que désen-

il

fièvre passe et

commentaires

et les

besoin

on

reste

du grand

jugements de Millet,

paysan inculte qu'on a cru plus tard. En

effet,

encore logé rue Saint-André-des-Arcs. L'année suivante, installé rue

esprit

»

définitivement l'atelier de Delaroche en i83g.

montre

pasti-

t'enfièvre, lui disait

convalescent qui a

des étoiles.

et

le

défaut de ressembler par trop

profondément empoisonné

et

déclamait,

le

il

les

des pièces de vers qui n'étaient pas

sans mérite. Mais elles avaient

Millet,

vade-mecum de tous

l'Est,

i3. (M.)

en i838, Devedeux le

est

catalogue du Salon le


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Sans doute

prudence

la

du laboureur normand. Bien des

spection

avoir affaire

de

garda toujours

il

que Millet

choses

mille

fausses

un campagnard borné,

à

auxquelles

et

visiteurs, croyant

comme

regardait

mutisme

le

:

l'homme

essaya tout

Tu me

de jeunesse

que

et

il

La

il

tourmenté

était

et les

émotions de

la

vie devint difficile dans

il

»

;

tu as des impressions

toi,

nature

;

pas à m'inquiéter de

moi,

»

le

nouvel atelier de

quand

faunes

et la

Paris

— Eh bien!

c'est

bien insuffi-

vie des bois

que

?

— Tu

beau de mouvement.

Mais

si je

Oui, mais qui connaît

faire?

— On aime

les

ne

les

représentais des les

Boucher,

teau, les tableaux de vignettes, les "femmes nues

"

rue de

la

elle arrivait

elle était d'ailleurs

vendras pas, répondait Marolle.

tiches.

jamais senti

je n'ai

faire? se disait Millet. Si je faisais des gens qui fau-

chent ou qui fanent?

?

!

:

à vivre de son travail.

fallut s'ingénier

Que

je n'ai

Millet n'arrivait

qu'à des échéances irrégulières sante;

trouvait

souvent à Millet

disait

il

;

qui es heureux

c'est toi

La pension de

l'Est.

la

d'ébauche.

laissa tout à Tétat

faubourg Saint-Marceau.

le

ne

il

de son existence une suite de

trouves heureux, parce que

mais

la vie,

il fit

et

peintures, aquarelles, dessins, lithographies, poésies,

Improductif, «

cherchait sa voie,

il

Mécontent de lui-même,

tentatives il

plus

le

villes.

Quant à Marolle, pas.

ou

inutiles

absolu. Le paysan en savait souvent plus long que

des

circon-

et la

se lançaient à parler

n'opposait que

il

67

:

fais

faunes à les

Wat-

des pas-

»

Millet se décida enfin à subir les nécessités

du

vivre.

voulait pas initier sa famille à ses besoins en recourant à C'est alors qu'il tenta

un dernier

essai

:

un

Il

ne

elle.

petit tableau repré-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

68

sentant une Charité \ figure mélancolique allaitant trois nourrissons.

même

en offraient

ami Marolle en

moi des

pas un

lui

petit écu.

disant

:

dans ce modeste

Il

marchands qui

les

et

les critiques sévères.

lutter contre la faim.

chez

tations

Ils

On

ne

les

marchands.

de Watteau

époque

Un

certain

de Boucher,

et

:

Luti-in vivant,

le

Vieillards, Soldat faisant

du Roman, l'artiste

faisait

s'étaient

et

Booi,

et

Millet portaient

marchands qui en

titres

Vert-Vert,

à

Elle est assise sur

un

datent de

la

Lecture

une Journée à Trianon. Parfois

et

la

Bible

:

il

peignait

quelques autres épisodes. ces tableaux chez les

somme et,

qu'ils

en tirèrent ne s'éleva

quand on

atteignit ce chiffre,

du bienheureux La

tête est couverte

d'une bande blanche. Le voile descend en longs

genoux; un bout du pied repose sur une pierre; deux beaux enfants

cette Charité, Millet

ration

que

Calendrier des

tertre et eiitoure'e de trois enfants.

et le front ceint

sont attache's a ses seins gonflés de

Dans

pastels, imi-

effet,

le

Millet se crut arrivé à la fortune et à la veille

plis sur les

ventes publi-

divers tableaux

et

eux-mêmes

jamais au-dessus de vingt francs;

.

pas rendu

étaient très dédaigneux, et qui ne les acceptaient

qu'en dépôt. La plus forte

I

les

nombre de

de brusques retours vers

Jacob chei Laban, Ruth

d'un voile vert

ont été repro-

une déclaration à une bonne,

la Veillée prolongée,

Marolle

lui

connaît ces petites œuvres que

Marolle baptisait à sa façon, avec des cette

de son ami,

atelier que, sur le conseil

nous voyons reparaître de temps à autre, dans ques

donne-

situation dans laquelle Millet, contraint et forcé,

compte d'une avait

;

»

improvisa un certain nombre de pastiches qui

chés depuis par

rie lui

revint tristement vers son

C'est toi qui as raison

«

sujets et je les exécuterai.

C'est il

son œuvre chez

alla colporter

Il

du type de

h. 26 mill. (A. S.)

la

semble

tête,

le

lait.

Le troisième

s'être pre'occupé

est

debout attendant son tour.

de Michel-Ange. Sans l'exagé-

tableau serait charmant.

Toile.

H. 39

mill.;


JEAN-FRANÇOIS MILLET. jour où

pourrait se donner entièrement aux impressions de

il

son pays qui n'avaient pas cessé de C'est également

cinq francs

et à

dans

l'agiter.

cet atelier

dix francs

qu'il

des portraits à

lit

nous aurions bien de

:

reconnaître aujourd'hui, car Il

69

il

peine à

la

les

n'osait pas les signer.

n'en poursuivait pas moins ses études. Malgré cette lutte

pénible contre la misère,

Boudin, d'après s'enfermer

à

le

modèle

^'ivant et d'après les antiques.

bibliothèque

la

ouvrages des plus

chez Suisse, chez

travaillait le soir

il

illustres

Sainte-Geneviève,

démonstrateurs de

la

Il

allait

.scrutant

les

comme

forme,

Albert Durer, Léonard de Vinci, Jean Cousin, Nicolas Poussin,

pour lequel

s'éprit

il

stante admiration.

Il

de

la

plus respectueuse

ments concernant ce grand la

Dans

plus haute expression de

les

auteurs

était le véritable trait

qui lui causait

et

Marolle acceptait attentif.

qui

et les

les

les

docu-

de considérer

l'art.

qu'il eût

peur de ce monde d'éru-

et

plus délié, à prendre

ouvrages dont

il

lui

parole

la

il

et

avait besoin. Marolle

d'union de Millet avec a toujours inspiré

le

monde

une

cette fonction et s'en acquittait

extérieur,

sorte d'effroi

avec

le

;

zèle le

Les biographes de Millet doivent un souvenir

reconnaissant à ce bon le

correspondances, qu'il n'a cessé

lisait

il

redoutât de commettre quelque maladresse,

poussait son ami, plus lettré

plus

plus con-

la

ces investigations laborieuses. Millet tenait à se faire

soit qu'il

à désigner

les

homme

accompagner de Marolle. Soit dits,

de

étudiait surtout .Michel-Ange-,

biographies, les commentaires,

comme

et

et

brave camarade sans lequel peut-être

grand peintre n'aurait pu soutenir jusqu'au bout

épreuves de son rude noviciat.

les

longues


CHAPITRE

VIII

PREiMIER ENVOI AU SALON (1840).

RETOUR DE MILLET PORTRAITS DE

A

LE JURY.

GRÉVILLE.

LA MUNICIPALITÉ DE CHERBOURG.

SA FAMILLE.

PORTRAIT DE FEU M. JAVAIN, MAIRE. VISITE A GRUCHY. PREMIER MARIAGE. ENSEIGNES. — DE SALON 1844. VIE DE PARIS.

C'est

en 1840 que Millet essaya d'exposer au Salon du

Louvre. La constitution du jury rendait Tépreuve redoutable.

Le jury

n'était

pas,

assemblée de pairs les ans. Il

comme au temps où nous sommes, une nommés au suffrage universel et élue tous

C'était l'Institut,

avec ses doctrines

ne relevait que de sa conscience

nouvelle

y

était,

à

peu

de

et

et

de son bon

noms

près,

ses antipathies. plaisir.

L'école

systématiquement

réprouvée. Théodore Rousseau avait renoncé aux humiliations

qu'on

annuelles

heureux

:

on

Decamps, dont connut aussi

lui

ne les

Eugène Delacroix

infligeait.

refusait

œuvres

la capricieuse

que

moitié de ses

la

étaient

si

de l'Académie,

n'arrivait

plus

tableaux;

curieusement élaborées,

rigueur de ses juges. Jules Dupré,

indigné de cette injuste omnipotence,

encore plein de respect pour

était

les

n'exposait plus. Corot,

traditions de Bertin et les arrêts

que pas à pas,

comme un

timide


.

JEAN-FRANÇOIS MILLET. écolier, à ses belles réminiscences

sa prudence,

Diaz

était

comme

se voyait,

il

conspué, mais

de Claude Lorrain. Malgré les autres,

éloigné

du Salon.

presque de force, grâce à

entrait

il

7,

son attache corrégienne. Millet osa affronter

deux

portraits

et celui

de

M.

minotaure;

le

au jugement du jury L. F., son parent.

soumit, discrètement,

il

Ce dernier

et

que

ments de

la

couleur en

l'atelier

était

le

l'artiste alla

désir de s'y tixer quelque temps

Cherbourg une existence famille.

Ce

et sa

un prodige, car

première

famille

les

de ses

et

grand'mère, qui

revoir sa

Normandie

pour tâcher de trouver

fois

qu'il

fois <i

comme

considéraient déjà

le

qu'il

fit

et

de sa

frères.

réservé sur la valeur de ses œuvres, m'a dit plusieurs

si

honteux

celui

lui.

plusieurs portraits de sa

amis, ainsi que ceux de sa mère

que, vu son âge

Il

à

d'aller respirer l'air

grand'mère, qui sont restés au pays chez l'un de ses Millet,

»,

y revenait. Pres-

journaux de Cherbourg avaient parlé de

de i838 à 1840

C'est

les erre-

quelques bonnes semaines à Gruchy,

sol natal et de passer

avec sa mère

trop

voulu passer auprès de sa

qu'il aurait

n'était point la

«

que chaque année. Millet ne manquait pas

du

moins

c'était le

et rappelait

il

Delaroche.

L'Exposition fermée,

avec

sombre,

admis;

seul fut

passa inaperçu. Millet nous disait plus tard que

bon

MaroUe

c'étaient celui de

:

et

son peu d'expérience,

il

n'en était

p)as

»

avait fait

deux

portraits de

que nous avons déjà

cité; puis,

sa grand'mère

:

d'abord

antérieurement, un dessin,

de grandeur naturelle, marqué d'un caractère tout particulier d'expression

œuvre de aïeule.

et

d'austérité.

prédilection.

Il

Millet

l'avait

soigné

comme une

voulait, disait-il, figurer l'âme de son


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

72

encore

Il fit

sa famille,

le

docteur Asselin, d'Eulleville,

Cette peinture, toute primitive, est

pénétration de Millet.

en

qui

se

bonne servante d'un ami de

portrait d'une

le

résume

Fanchon

la

Fanchon.

la vieille

un témoignage précieux de

est

une femme de

bonhomie de

la

la

campagne

sa race. L'exécution ne se

sent pas, tant elle est simple et naturelle.

avait également fait le portrait

Il

Vaudiville qui

que

les portraits

Charles

frères,

Millet surveillait

On

de

M.

et

de

la

possession de son neveu, ainsi

M™

Feuardent

et

de leurs jeunes

Joseph Feuardent.

et

donc revenu à Cherbourg. La municipalité

était

son pensionnaire avec une vague ineiuiétude voir au Musée, où

allait le

ses amis.

encore en

est

du docteur Simon de

On

en

faisait le siège

il

copiait, à

pour deviner

son

atelier,

chez

ses intentions,

on

savait déjà que l'élève de Delaroche ne s'était pas asservi au

maître

montrait des habitudes d'indépendance.

et qu'il

Millet se l'enlaçait

crible

bien compte

non moins que de

de sa critique.

sa carrière, très il

rendait

Il

du cordon

sanitaire qui

cette police qui le faisait passer

au

n'en continuait pas moins à poursuivre

peu soucieux de ce qui pouvait en advenir, car

avait prévu, depuis longtemps, les tracasseries de ses protec-

teurs.

mettre

bien à une épreuve quelconque qui devait

s'attendait

Il

le

feu

aux poudres communales. Cette épreuve,

il

ne

tarda pas à la subir.

En

1841,

le

Conseil municipal de Cherbourg voulut pos-

séder, dans la salle de ses délibérations, l'effigie de l'un de ses

maires qui venait de mourir, M. Javain. Ce s'adressa

fut à Millet

pour l'exécution de ce portrait dont

à 3oo francs.

le

qu'on

prix fut fixé


JEAN-FRANÇOIS MILLET. M. Javain

mort vieux,

étant

73

ne put fournir au peintre

011

qu'une miniature de M. Javain, jeune homme, miniature peu ressemblante,

on ne

lui

toires.

Il

jamais vu son modèle;

lui disait-on. Millet n'avait

donnait que des renseignements vagues se mit toutefois à

contradic-

et

composer un Javain ad

Del-

iisiim

phini ou plutôt du Conseil.

On

donna pour

lui

vue de tous

la

les allants et

Ah!

mairie,

disait plus tard. si

vous saviez

causé d'humiliations à le

venants,

municipaux qui ne

conseillers «

atelier le vestibule

là et

subissait la

M™

Eve,

femme du

ce portrait de

pour peindre

qui ne sont pas celles de

M.

les

été.

condamné,

chagrin pour

la

mains criminelles

Quand

il

il

homme

pour

ses

devenues

fallut se faire

Le Conseil, indigné contre

les

Javain,

de peine,

marquable

poser

fait

mairie, qui

la

faut-il

dire?

le

Quel

!

mains de M. Javain

le

ces !

»

peintre de ce qu'il ne lui avait pas

de 3oo francs. Sa délibération

seul

homme,

et

est tellement re-

qu'elle mérite d'être reproduite.

soumet au Conseil

(Javain) qui lui a été

demande du

la

ment d'une somme de

les

a

payer, ce fut bien uneautre difficulté.

Séance du 3o mars 1841.

sous

il

amis de savoir que

donné un Javain authentique, vota comme un rejeta le crédit

a

Millet,

avait subi trois mois de prison

famille et étaient

M. Javain

mains que vous

un garçon de bureau, un homme de peine de

avait

concierge de

Le croiriez-vous? M.

la famille!

avait été son serviteur, et cet

des

critique

épargnaient pas leurs avis.

comme

peintre, a osé faire poser,

voyez

lui

il

du Musée. Là, en

«

M.

et

maire (Noël Agnès),

sieur Millet, artiste, en paie-

trois cents francs

commandé

le

pour

le

prix

qui est mis en

du

même

yeux du Conseil. Malheureusement ce portrait

aucune ressemblance avec M. Javain,

et

portrait

temps n'offre

présente, au contraire,


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

74

un

caractère de dureté entièrement opposé à la physionomie qui

honorable magistrat. Le Conseil a appris avec

caractérisait cet

peine que

M.

Millet avait eu cependant sous les

niature assez ressemblante

et

que

ne

les avis

lui

yeux une miavaient pas été

épargnés, mais qu'il avait cru devoir chercher à faire portrait, plutôt

Le

a

pas

n'est

qu'un portrait ressemblant.

Conseil, considérant que

que

atteint, et

l'artiste

but qu

le

s'en est

s'était

:

de voter l'allocation

lo mai, le Conseil passe à l'ordre

le

Séance du 29 mai 1841.

<(

M.

sujet, et

le

portrait de

pour

maire à verser à M. Millet une

la toile

tendu, que

du tableau par

lui offert;

fin à ce

M.

Javain.

Il

autorise

de cent francs

sous condition, bien ensans rétractation

et

arrêtés. »

Millet informe alors les

mettre

somme

ce tableau restera à la ville,

aucune des précédents

jour.

après quelques explications, qu'il

n'y a pas lieu de donner suite à cette proposition. le

du

maire présente au Con-

le

proposition de faire faire à Paris

Le Conseil décide à ce

M.

proposé

»

Millet réclame

seil la

il

volontairement écarté,

refuse à regret d'en prendre livraison et

demandée.

un beau

conflit,

il

fait

représentants de la cité que, pour

cadeau du fameux portrait à

mairie de Cherbourg. Tout s'apaise à ce mot bienheureux, Millet voit bientôt son oeuvre les

conseillers

appendue aux murs de

s'assemblent pour faire

le

la salle

la et

bonheur de leurs

mandants.

Ce

portrait

peinture;

il

n'est

ni

un chef-d'œuvre

ni

a des qualités incontestables, l'exécution est libre et

pleine de jeunesse.

Il

ne mérite pas

les

anathèmes dont

chargé, et bien des portraits historiques de valent pas.

une mauvaise

il

a été

Versailles ne le


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Après

cet échec

75

municipal, Tespérance qu'on avait fondée

en Millet s'évanouit. Ses envieux se levèrent; son ancien professeur, Langlois, cessa de

le

défendre,

on assure

et

qu'il alla jusqu'à

jeune artiste était un barbare,

proclamer que

le

voulait savoir

comment

ne

il

que

et

celui qui

pas peindre, n'avait qu'à

fallait

regarder ses oeuvres. Ainsi harcelé. Millet n'en continuait pas moins ses travaux; il

faisait

inspirés par le sol de

une voile ;

amis

portraits de ses

les

Cherbourg

— Pêcheurs près

seignes

;

il

qu'avec peine,

il

commande vétérinaire;

Une

matelot^ pour

Asselin,

ami de

sa famille

position importante sur

lui

paya

Un

;

un marchand

la

une

décapitation de

toile

de

sainte

la

empreinte du souvenir des maîtres, et

petite laitière,

prix de

le

cheval, pour

trois pieds.

Cette

*.

est

la

un

voilier.

docteur

le

Sainte Barbe enlevée au

:

d'en-

scène de nos campagnes

sous

trente francs en gros

La

:

exécuta aussi un tableau de sainteté pour

Il

fond

;

nature

pour un saltimbanque, qui

Un

commandes

acceptait des

pour un magasin de nouveautés d'Afrique,

Un Jeune homme comme ces toiles ne

¥a

l'eau.

comme

peignait grands

petits tableaux

Des matelots raccommodant

:

d'une barque ;

sauvant son compagnon tombé à se vendaient

quelques

et

ciel,

On

com-

voyait au

peinture,

encore

d'une belle ordonnance

d'un sentiment déjà très remarquable. Millet,

par

les

peintre

amis

:

désavoué

suspect, fut complètement

abandonné

gens influents qui se reprochaient d'avoir encouragé un d'enseignes

;

mais

cet

injuste

toute la jeunesse fut pour

stituait l'opinion

I.

et

Ce tableau

3oo francs. (A. S.)

est

publique,

il

dédain

lui

lui. hidiflerent à ce

n'en devint pas moins

encore conserve' dans

suscita

la famille

des

qui con-

un point de

de M. Asselin, qui

le

paya


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

76

mire pour tout ce qui aimait portraits lui furent

De

fière, Toeil très

jeune

il

n'y avait pas loin.

un grand

Millet était

doux;

il

beau garçon;

et

n'en

fallait

de Cherbourg, dont

fille

malheurs. Elle s'attacha à

ses

Millet l'épousa en

âge.

peindre

les portraits

qu'il

laissa

resté

fort

lui

il

démarche

avait la

faisait le portrait,

avec toute

novembre 1841

de sa femme,

à ce point

il

pas plus pour qu'une honnête

*

la simplicité

de son

mit aussitôt à

se

il

:

compatît à

sien et plusieurs tableaux

le

dont

à sa nouvelle famille,

pénible,

ou Topposition. Quelques

bruit

demandés.

un roman,

à

le

qu'il

le

souvenir

beaucoup

répugnait

lui

lui était

d'en parler.

La jeune femme

Cette union en effet ne fut pas heureuse.

de Millet

d'une constitution maladive

était

souffrir et se

consumer,

après deux ans

Quand

et elle

mourut à Paris

elle

;

le

ne

fit

que

21 avril 1844,

cinq mois de mariage.

et

femme,

Millet eut pris

il

alla

au pays natal passer

quelques jours avec son épousée.

La grand'mère parents

si

glorieuse de

de Paris, sur

mon

les

sacrifie pas

ont

imiter.

si

assistèrent

de Cherbourg. La grand'mère,

son François, l'interrogeait sur

beaux tableaux qu'on y voyait.

bel état

les

splendeurs

Souviens-toi,

«

au service des ennemis de

aux impudicités;

fait

de

beaux

il

y a eu,

ouvrages

la religion

dit-on, de

en

et

peinture

:

ne ne

grands saints faut

les

absolument pour programme

les

;

il

»

Millet, qui

I.

et

festin

François, que tu es chrétien avant d'être peintre,

mets pas un

qui

mère donnèrent un

amis de Greville

les

et

et la

n'avait pas

Pauline- Virginie Ono, déce'dée à Paris, très jeune et sans enfants. (A.

S.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET. sujets

de sainteté,

et

qui aimait parfois à peindre

ne voulait cependant pas «

contre

Soyez sans crainte,

ma

gnera à

la probité. » Et,

ajoutait

:

On

lui

jamais

disait-il;

ne peindrai

je

ne ferai un tableau qui répu-

je

pour convaincre

bonne femme,

la

pourrait couvrir d"or une toile

La grand'mère

il

en patois du pays

parle bien, notre garçon.

comme y préchil

»

un tableau qui

figures

ses

Delaroche ne

que

plein de vie, plein de

parfois

il

Mais

il

en

semble

manière que

Voyez donc comme

envoya au Salon un por-

11

le talent

de Millet se transforme

distincte.

Les noirs

laisse plus vestige sur ses toiles.

Il

les

s'aperçoit

sait

se

plaisir

le

dons

qui

et

Il

et les

peint avec une

déjà

devine

du

xviii" siècle et

de

:

la

vieux peintres de Cherbourg avaient conservée.

que sa main, trop habile, ne

Il

il

s'arrête

va au Louvre ;

il

;

il

;

il

suit

pas

des sphinx,

et

il

les

impres-

étudie Michel-Ange,

ne copie rien, mais

sature ses yeux

et

de l'éther impalpable qui règne autour de ces génies;

comme

secrets

les

souvenir de Restout, de Vanloo

dans l'atmosphère des maîtres

roge

ombres

de l'homme qui se sent

autant que les artistes

sions de son esprit. Alors

analyse Corrège.

plus tran-

disparaissent, la tradition de Tatelier

sorte d'emportement, avec

des maîtres.

comme

furent refusés.

prend une personnalité bien

opaques de

le

bié! »

C'est de 1841 à i85i et

«

:

ne

Vé don note gas François;

<(

Millet revint à Paris en 1842. trait et

je

alors riait de toutes ses forces,

exaltée par les paroles de son petit-fils; et la mère, quille, disait tout bas

il

m'ordonner

et

de faire un Saint François possédé du démon, jamais ferais. »

et

tromper.

la

conscience, jamais

«

faunes

les

bien de contredire sa grand'mère, mais

les faunesses, se gardait il

-j-j

tente de les

il

comprendre.

il

il

vit

son cœur les inter-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

78

Le modelé,

l'occupe sans cesse,

l'air,

de

cet accent sculptural

sa transformation;

et c'est la

forme noyée dans

la

première phase qui signale

Tétudie chez Corrège,

il

le

magicien de

chair, le peintre de la grâce naturelle, de la vie puissante.

aura de tout cela plus tard dans Millet, mais génie à lui

la

:

main

robustesse de sa

Il

y

y aura aussi son

il

la

et

la

tendresse de son

cœur.

De 1842 de

logis

la

à 1844, Millet travaille sans bruit dans son petit

rue Princesse, n°

5.

Il

peint beaucoup,

repeint d'autres sujets sur ses toiles.

La

jamais, car Millet a charge d'âme,

souffre

il

le

témoin de

seul

ou

détruit

vie est plus dure

que

pour deux; mais

personne ne l'entend se plaindre. MaroUe, qui courage, est presque

il

le visite et l'en-

cette perpétuelle bataille

contre la nécessité.

mal de

Millet n'a pas le

comprend

rien

Paris,

le

mal de

la politique;

aux phalanstériens qui veulent

aux révolutionnaires qui prêchent à exercer son état

et

Il

ne

à eux,

l'attirer

l'action et la lutte.

il

se

borne

à se déclarer obtus pour toutes ces nou-

veautés. Millet n'exposa point en 1843.

deux

sujets

la Laitière, peinture

:

ainsi et qui n'est autre lait, et

Leçon l'un

un

monte sur et

le

et

de promesses

l'autre. C'est

un nouveau qui

qui a

un peintre!

»

le

et

:

la

dont

une grande composition

Eugène Tourneux signalent à tous

et

envoie

que MaroUe a voulu désigner

groupe d'enfants qui jouent au cheval

dos de

voudrais bien avoir

il

qu'une paysanne portant une cruche de

Enfin, dit Diaz, en voilà

sion; voilà

Salon de 1844,

lumineux, plein de vie

d'équitatiou,

que Diaz «

pastel

Au

mouvement,

Et tous deux

les

artistes.

a la science que

je

la couleur, l'expres-

se

demandaient quel

pouvait être cet inconnu qui apparaissait avec une œuvre aussi


JEAN-FRANÇOIS MILLET. éclatante

et aussi délicate

homme

nouveau, un cœur tendre

avaient

;

qui

et

recherche du nouvel éclos.

mari

alla

Il

la

et

on ne

Tourneux

sait

femme où.

le

pauvre

commença

La

Il

Il

les

sa misère,

le

mais

il

est

morte

,

petit et

le

ne désespéra pas de

rue Princesse que Millet

la

fut réellement

y

il

il

passa

des jours

n'en paria jamais qu'avec

accepta toutes

il

la il

les

un

malheu-

et

des nuits

reste de terreur et

plus minimes;

qui

un

Millet,

pour

se

le

hasard

lui

payer

les

connut des gens qui exploitèrent

est peut-être le la

un combat

faire

lassèrent de leurs refus, et qui

le

Laitière et

s'arrête

il

pour

besognes que

eut des difficultés sans fin

Théophile Thoré

remarqua

dans

femme

vie matérielle fut, à cette époque,

sommes

de 1844,

deux dans un

étaient

oppressé par un passé qu'il voulait oublier.

apportait.

I.

son pastel

donner à une moribonde, sans ressources,

soins à

de chaque jour;

comme

artiste.

sans relations, sans autorité,

de douleur.

croyait y

il

;

»

à se transformer; mais

Tout aux

heureux

la

:

pendant son séjour dans

C'est

comme

« Ils

:

rue Princesse et

s'en revint affligé,

trouver plus tard

reux.

répondit

lui

mari

est parti

poésie inconsciente

la

peintre et poète, se mit à la

était

trouver un artiste à son travail, gai

le

est

'.

Eugène Tourneu.x, qui

du Salon. On

dans

dans leur passion bruyante,

la vie,

avec ce charme qui s'ignore

du premier âge

mouvements

les

c'étaient de vrais enfants surpris

évolutions ordinaires de

logement,

amoureux. Les enfants

et

gaucherie gracieuse de leur âge,

la

de leur nature animale les

devinaient dans ce pastel un

ils

:

79

premier critique qui

allèrent jus-

ait parlé

de Millet.

Il

Leçon d'équitation. Dans son compte rendu du Salon

instant devant

sentiment de Boucher

et

«

M.

Millet, l'auteur d'une

d'un grand pastel très harmonieux

petite ».

(M.)

esquisse


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

8o

qu'aux plus terribles duretés. serment d'Annibal contre

Un

autre que lui aurait

cette société

il

y a de méchantes gens, mais

il

console de bien des mauvais. secourables,

et je

ne

me

y en a de bons,

et

se bor-

Il

manière de correctif

:

«

Oui,

un bon vous

trouvé parfois des mains

J'ai

plains pas.

un

inhumaine, contre ce

Paris féroce; mais Millet n'en conservait nulle haine. nait à conter le fait, et disait, par

fait

»


CHAPITRE IX MILLET RETOURNE

CHERBOURG.

A

PORTRAIT DE m"= ANTOINETTE FEUARDENT.

MANIERE

FLEURIE

«

SECOND MARIAGE. — UNE ANNEE AU HAVRE. EXPOSITION DE SES TABLEAUX. MYTHOLOGIES ET PORTRAITS. RETOUR A PARIS. •

Quand Millet se nait en il

Normandie. La

connu que

n'avait

naient.

sentait trop étreint

exposition avait

Son

talent,

fait il

plus appréciable

famille, l'air natal,

quelque

son

bruit,

dessin

quoique un peu maniéré; saillante; des

pour Cherbourg,

1844,

il

y

fut

la

était

couleur

harmonies aériennes,

Il

passer aujourd'hui pour

en

lui

des la

une

telle

toiles,

froide

s'imposa

que

raison. le cilice

coin de terre où

et,

comme

un

exécutait avec

Plus tard,

du dessin

le

persuasif,

des tons,

plus

un mode

œuvres une

sorte

entrain qui pourrait

un peu trop sans gène; mais

le

son

accueilli.

était alors sa qualité la

la richesse

de peindre

rasséré-

le

d'un charme

exubérance de forces, une le plaisir

retour-

une forme beaucoup

tout particulier de gris rosés donnaient à ses

de chaleur attractive.

il

chaudement

faut le dire, avait acquis :

le

des siens

la pai.x et l'affection

en

partit,

Il

parla douleur,

telle

il

y avait

passion de couvrir

dominait aux dépens de

calma ces élans de jeunesse,

il

plus arrêté; mais, en ce temps,

il

il


,

JEAN-FRANÇOIS MILLET.

83

Muse de

était tout entier « à la

peinture

la

», et

peignait sans

il

autre guide que son tempérament passionné. diviser par époques la carrière d"un

Ceux qui aiment à peintre pourront dire

que

c'est là le

de Millet, car sa peinture a tout

une couleur

harmonieuse,

fois trop visible

netteté.

y a chez

le

cette

gammes

qui rappelle les lui

les

une propension quelqueet incertaines,

mais

il

y

sourire.

fleurie de Millet,

C'est

à s'affirmer dès 1841.

Feuardent que

et

vers les formes faciles

a aussi la séduction et

La manière

il

manière fleurie

de sa vie, un laisser-aller attrayant

la fleur

plus fraîches. Sans doute

la

charme d'une jeunesse pleine

le

de prémices. C'est riche,

temps de

dans

nous l'avons le

dit,

portrait de M"*" Antoinette

tendance se caractérise avec

L'harmonie générale

le

plus

de

lumineuse même;

brillante,

est

commence

l'ensemble n'a point encore

le

beau ton de nature que Millet

possédera plus tard; Fatelier,

la

palette s'y voient trop encore;

mais

cette jolie peinture a

d'invention

et

une grâce de

laisser-aller,

d'exécution qui en imposent

là,

:

une souplesse il

y a déjà un

vrai peintre. C'est

une

une enfant de

six ans, les pieds

glace, elle se regarde et

dure du miroir, plaît à faire

la tète

rit.

nus

;

à

genoux devant

Les mains appuyées sur

couverte d'un foulard rose,

de petites grimaces. Ce morceau

(toile

la bor-

elle se

com-

de 40), a été

enlevé de verve. Tout y est peint sur une préparation rouge

avec une sûreté de main, un brio en harmonie avec de

la gaieté

la scène.

En

présence d'une

si

belle

œuvre,

bourg proposa à Millet de professer ville.

était

Les refus répugnaient à Millet antipathique

:

il

garda sa

le ;

liberté.

le

sous-préfet de Cher-

dessin au collège de

mais un professorat

la

lui


83



JEAN-FRANCOIS MILLET. Le premier mariage de Millet avait Cependant

l'artiste n'était

pas né pour

le

83

été bien

célibat.

malheureux.

Son caractère

.^_^%,;fc^fe^ï:

PORTRAIT DE (Dessin de

la

retenu, fermé parfois par

en

lui

M""'

collection de

le

MILLET.

M. Georges

Petit.)

plus absolu mutisme, avait refoulé

une puissance mystérieuse.

Il

n'était

pas de ceux qui


.

JEAN-FRANÇOIS MILLET.

84

une jeune

peuvent vivre seuls

;

par

épousa

savoir,

le

enfants Ils

et

il

partirent

pour Paris en novembre 1845,

au Havre, où plusieurs amis des travaux.

Il fit,

en

effet,

long cours, d'armateurs, de voire

même

costume de

toute sa vie

de matelots.

11

les attendaient.

de tout

:

il

ses

'

et ils

s'arrêtèrent

Là, on

lui

promit

commandants ou employés du une

peignit, entre autres,

port,

seiiora en

nonchalamment sur un

recommandée

lui avait

finit

portraits de capitaines au

soie rose et bleue, étendue

canapé, qu'un capitaine

;

mère de

celle qui devait être la

compagne dévouée de

et la

l'aimait en silence

fille

tout spéciale-

ment. Cette peinture plut à tous. Millet eut un instant de vogue.

M. Vanner, consul de naturelle; d'autres

Ouitre,

Suisse,

fit

son portrait de grandeur

faire

amis suivirent ce bon exemple.

son camarade de village,

était

alors

Millet peignit aussi son portrait que nous avons

un marchand le

pianiste.

et

:

vu depuis chez

qu'on voulait faire passer pour celui de Chopin,

Toutes ces peintures ont bien

tons séduisants

au Havre

et forts,

mais

elles sont

cipitation qui nuit à la finesse

du

le

côté brillant et les

exécutées avec une pré-

dessin.

Millet peignit également des tableaux de genre et des pastels,

une répétition du Vert- Vert, Enfant dénichant des nids

une Couseuse, la

Vieille femme et enfant repenant de faire

Veillée prolongée, Couseuse endormie, to'ÛQ de 6

par

la

M. Vanner, une Bacchanale

mi-corps ai'ec enfant ; Bohémiens

Moissonneurs ; Pécheurs, 11 fit

I.

du Havre, mise en

Société des amis des arts

gagnée par

aussi

ou

;

8,

(pastel)^

du

bois,

achetée

loterie et

d'enfants; Jeune Fille à

Tentation de saint Antoine,

etc., etc.

un charmant

tableau,

M"' Catherine Lemaire, de Lorient

(A. S.)

Daphnis

et

Chloé, qu'on


OFFRANDE

A

PAN.

(Tableau du musĂŠe Je Montpellier.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

86

appelait

au Havre Tiras

et

Nous avons vu

Annette.

des Ventes, en 1873, cette scène antique qui a toute et la

pudique jeunesse de

une ligne

qu'il

la

à

1"

Hôtel

fraîcheur

la

pastorale de Longus. Daphnis tient

passe à Chloé, assise sur

bords d'un ruisseau.

les

Rien de plus verdoyant, de plus tranquille, de plus doux que le

où vivent heureux

bois

mal. Le groupe est jeune

deux

ces

et naïf;

on sent déjà combien Millet

assigner à chaque âge la forme qui

sait

morale du

Un

de tout

êtres ignorants

devient l'expression

sujet.

autre tableau est encore de cette époque

à Pan, qui appartient à tère est tout opposé.

Pan

statue de

mouvement

elle

;

c'est Y Offrande

M. Bruyas, de Montpellier. Là,

Une jeune

à

fille

qui n'est pas celui de l'air

carac-

le

demi nue couronne une

s'approche du dieu de

d'une faunesse vivant à

:

la chasteté

nature avec un

la

même.

des forêts. Curieuse,

Elle a

elle

le

corps

va toucher

au mystère de l'amour, à ce vieux ricaneur de Pan, dont

mauvais tours en maître,

du Corrège

le

attirent et effrayent la jeunesse. Millet a

corps de

la

de Clodion tout à

et

jours, frais et enivrant; la tête

cher

et,

iille

pagne avec

le

à travers

cette figure est

;

Le bois

la fois.

pendant que

de Pan, on entrevoit d'autres

et assistent,

les'

la

une charmante

Leçon de

toile,

de l'école

se

tou-

pose sur

qui n'osent appro-

fillettes

arbres,

modelé,

comme

est,

couronne

au colloque de leur com-

dieu des mystères champêtres

Millet peignit aussi la C'était

jeune

les

'.

Jlûte, inspirée

pleine d'innocence

et

de Chénier. de candeur.

D'autres peintures succédèrent à celles que nous venons de noter.

Au Havre, on

aimait

la

mythologie de Millet.

On

poussait à cet art sensuel que les jeunes gens préféraient à I.

Ce

tableau,

qui appartient

aujourd'hui à

la

ville

de Montpellier, a

le

la été'

lithographie par Jules Laurens dans V Album de la galerie Bruyas. Paris, 1875. (M.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET. endormie de

fable classique et

demandes de

ses amis.

Il

fille

Millet se prêtait

l'Institut.

Homme

un Jeune

:

visage de son bien-aimé endormi

;

ivre et soutenue par

un

les

tirait

proposaient

lui

de tout par

enfm

deux jeunes bacchants. Tout

comme un

les sujets les

déli

plus scabreux. Millet se

de son invention, par

l'attrait

mouches du

Sacrifice à Priape,

cela était enlevé en quelques coups de pinceau

à ceux qui

faisant boire

près de la statue de Bacchus ; deu.\ amoureux

devisant ou dormant; une Jeune Fille chassant

une Bacchante

aux

dessinait de belles scènes païennes avec

tout Tentrain de son orij^inalité

une jeime

87

le

charme des

formes féminines.

On Havre,

organisa une exposition publique de et

il fit

œuvres au

encore quelques portraits. Enfm, quand

non sans peine, rassemblé 900 sa

ses

francs,

il

il

eut,

pour Paris avec

piartit

femme. Là,

Fétreindre,

le

discuter,

devra à sa famille tudes,

il

joyeuse de Millet. Paris, sombre

finit la vie

il

;

le

combattre. Bientôt,

tiendra dans sa tour d'Ugolin, d'aller

embrasser

aux habitants du

ses

toujours

pauvres

comme un

et

sa

et

ne

lui

on

lui

captif.

«

Je sentais bien,

cloué à un rocher

sans

fin, et

pourtant j'aurais tout oublié, le

pays.

»

et

si

se

des inquiéParis

même

le

plus

il

lettres tou-

se considérera

me

disait

condamné aux travaux

j'étais

il

va

Récrira souvent

répondra des

que

à autre, revoir

permettra

de résignation, mais

et

et

grand'mère.

vieilles nourrices.

village natal;

chantes de tendresse

sera père;

il

n'aura que du pain noir

ne reverra plus sa mère

et rétif,

j'avais pu,

Millet,

forcés

de temps


CHAPITRE X INSTALLATION

DIAZ ET TOURNEUX.

A PARIS.

LES MARCHANDS.

LA

«

TENTATION DE SAINT JEROME

MILLET REFUSÉ AU SALON DE 1846. SALON DE 1847.

Millet et

décembre

femme

sa

1845.

Ils

«

ŒDIPE DETACHE DE l'aRBRE.

arrivèrent à Paris dans

s'installèrent

».

DIVERS TABLEAUX.

le

»

mois de

provisoirement rue Roche-

chouart, dans un modeste garni, en attendant qu'ils pussent se

chambres mansardées,

loger dans trois

où Millet disposa un pour tout mobilier que de son logement, et,

tout

à

d'artistes,

pirer rait

l'air,

atelier

l'entour,

d'élèves

un vaste

un

chevalet.

n° 42 bis^

Au-dessous

du sculpteur Toussaint,

terrain,

le soir,

deviser ou discuter de le

omnire

peintre.

scibili.

une colonie

Séchan

et Diéterle,

Eugène Lacoste

et

les

Azevédo,

le

En face, demeu-

Charles Jacque, l'habile gra-

veur à Teau-forte, habitait un peu plus haut;

les

autres voisins

savants décorateurs de théâtre

;

critique musical.

Aussitôt débarqué, Millet se met au travail.

Jérôme

au

d'employés, de jeunes gens, se répandaient pour res-

Joseph Guichard,

étaient

rue,

des plus sommaires, qui n'avait

trois chaises et

était l'atelier

même

Il fait

un

SaÎ7-it

tenté par des femmes. C'est toujours à Paris qu'il songe^


,r.f.

SAINT JEROME EN MÉDITATION. (Sanguine de

la

collection de

M"« Marguerite

Sensier.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

90

à la grande ville impudique, où tout

démon de

concupiscence

la

homme

les

filles

Une

de Satan.

la

le

pinceau à

voir ce

Couture l'admirait

morceau étonnant

de sa grand'mère

lettre

Mon

«

main,

allait

la

mouvement, et

envoyait

ne nous

a

pas dit

Tu nous

gémissant sur

la place

reçut

une

Nous ne pouvons comprendre pourailleurs un plus

du collège de Cherbourg. Vois-tu

dis

dangers

les

».

fais les

homme

amis?...

tes

faire le portrait

de saint Jérôme,

trouvé exposé dans sa jeunesse.

s'était

oii il

de

tes parents,

que tu vas travailler à

Suis l'exemple de cet

Léternité

il

revenu quelque avantage de ces quantités de

s'il t'était

cher enfant, à son exemple,

profit.

les artistes

:

grand avantage à Paris qu'au milieu de

mon

d'une

cher enfant, tu nous dis que tu vas travailler pour l'Exposition.

quoi tu as refusé

«

était

».

tableaux que tu as exposés au Havre.

«

dans

Pendant que Millet peignait son Saint Jérôme,

Tu

«

:

solitaire

passion.

Cette peinture, très juste d'effet et de

exécution superbe

malédiction

et crie

d'elles étreint le

Fardeur d'un brûlant baiser. Millet, quelquefois jusqu'au bout de

le

de Torgueil. Son saint Jérôme

et

cherche à se dégager des caresses féminines contre

a près de lui

mêmes

de ton

Pour quelque raison que

état

réflexions

qui disait

ce puisse être,

ne

en

et :

«

te

tire

un

Ah

!

saint

Je peins pour

permets jamais

de faire de mauvais ouvrages, ne perds pas la présence de Dieu; avec saint

Jérôme, pense incessamment entendre

la

trompette qui doit nous appeler

est

une

au Jugement «

Ta mère

Pour moi.

est

Je suis

bien souffrante, elle

incommodée de

partie

plus en plus,

et

du temps dans son

moi-même

je

lit.

ne peux

presque plus marcher

Nous

«

tions

du

velles;

te

souhaitons une bonne

ciel les

plus abondantes.

Ne

et

heureuse année remplie des bénédic-

tarde pas à nous donner de tes

nous avons bien envie de savoir quelle

bien qu'elle soit avantageuse

;

est ta position.

Nous

nous t'embrassons avec amitié sincère,

Ta grand'mère, « "

A

Gréville,

le

lo janvier

ifï^fî.

»

LOUISE JUMELIN.

nou-

désirons


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Le Salon de 1846

allait

s'ouvrir.

Le jury refusa

91 le

Saint

LE N O U V E A U - N E. (Dessin de

Jérôme,

et

la collection de

M. Georges

Petit.)

Millet^ à court de toiles, peignit plus tard, sur cette


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

92

composition, Œdipe détaché de l'arbre.

mier tableau que

Tourneux Il

Taborda

œuvres

ou moins mo-

se retrouvent, plus

quelques attributs du saint.

comme une qu'il

vieille

il

avait découvert

connaissance,

énumé-

lui

avait suivies à la piste,

on

se lia;

désormais. Millet compta au nombre des membres de

du

famille des peintres

voir. Diaz n'était pas

comme

un

leuse, poussant les

peinture de

fit,

Il

froid admirateur; le talent de Millet,

pour

amateurs

l'artiste,

la

quartier. Diaz était tout près et vint le

de Rousseau, avait

celui

rendre éloquent.

la

et

ne reste plus du pre-

n'avait pas perdu son temps, et

rant toutes ses et,

bas,

de mort

difiés, la tête

Millet.

le

Il

le

Millet, et les

don de l'animer

et

de

le

une propagande merveil-

marchands à

au risque de passer à

pourvoir de

se ses

yeux pour

des aveugles ou des incapables. C'est alors

que Millet peignit de charmants pastels pour

Schroth, pour Durand-Ruel, pour Deforge s'ouvrait volontiers et

pour Baroilhet,

dont

aux œuvres nouvelles. Pour il

fit

de délicieuses peintures

:

le

magasin

xM.

Dugleré

femmes

des

nues, innocentes, joyeuses, où des enfants étaient les principaux acteurs de ces idylles. Millet peignit, en cette année (1846), seul a

dans

pu rêver; des Dénicheurs de

lin bois,

Parmi citer

encore

une Jeune Fille

lui

assise

:

qui roule une brouette d'herbes

un enfant que son

branches d'arbre

Une Jeune bien des fois

que

peintures qui datent de cette époque, on peut

Un Homme dort

d'or,

presque nue.

et

les

nids ;

un Age

;

frère

embrasse;

la

:

sur

le

gazon

jeune mère écarte les

;

Fille portant

un agneau, pensée

qu'il a répétée


JEAN-FRANCOIS MILLET.

93

Des Baigneuses couchées dans d'agrestes paysages

Une Femme vue de dos Une

autre

faune dont

Femme

la tête

sur un

lit

(pour

nue dormant

apparaît entre

:

M.

auprès

branches

les

Dugleré)

et

d'elle

qui

la

;

;

est

un

regarde.

BAIGNEUSE. (Dessin de

la

collection de

M"" Marguerite

Sensier.)

Diaz, entraîné, s'empara de la dormeuse au détriment et

il

la

possède encore

du faune

;

Une Réunion de jeunes femmes

et

de jeunes hommes' au

repos sous des arbres, groupe naïf de créatures heureuses dans

un paradis

primitif.

Jusqu'en 1847, Millet peignit

la

vie extérieure, la nudité


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

94

ce qu'elle a de plus inconscient, la vie quasi végé-

humaine dans

comme

tative des êtres laissant écouler l'existence l'oubli;

plus

fit

avec

le

non l'àme

peignit

il

mais

tard,

les

comme

tourments, ainsi qu'il

ses

formes vivantes,

charme attrayant de

vement

et

de

flot

le

et

la beavtté matérielle,

dans leur repos. Les

les

il

le

exprimait

dans leur mou-

artistes l'appelaient

le

maître du nu.

Pour que

le

nom

Tout

Œdipe détaché de

:

monde

le

veilleusement des années.

homme les

,

le et

se tient

De

là,

vu

le petit

Œdipe

le

Un

attaché à

maîtresses branches.

et les

se joue

réussissait

Il

coupe

la

au pied de est

;

mer-

pendant bien

une femme, un

Le ber-

arbre, est déjà

monté

corde, tandis qu'une

pour recevoir

linge

l'enfant.

un chien

l'arbre. C'est

superbe de forme

Une

vieille

fantastique,

une peinture et

de modelé,

bras du berger sont parfaitement peints.

est élégante et jeune.

drame

il

enfant,

un

nues.

les figures

retint

le

dans l'ombre pour prêter son aide

jambes

dans

sont toute la pensée de ce tableau.

fortement empâtée. L'enfant

femme

scène qui n'a d'antique

l'arbre. Cette peinture avait sur-

naquit V Œdipe.

sorte de chimère, aboie

les

^^^'^^

où son tempérament

femme tend un

jeune

^^

poussait dans cette voie où

un chien

et

ger, qui a

dans

il

objet de faire paraître son talent

pour

tout

Salon de 1847,

le

Le paysage

au fond des

est

noyé dans l'ombre,

bois».

Et pourtant on reste assez froid devant cette peinture. sent

que ce

n'est,

en

effet,

La

qu'un beau morceau,

ec

que

On

l'artiste,

en praticien consommé, a songé surtout à l'exécution. C'est ce

I.

été

D'après une note de

donné par

de M. Faure, l'illustration

Millet à

le 7 juin

Sensier,

l'Œdipe

(haut.

M. Bodmer. Nous ajouterons 1873.

du catalogue.

Il

Il

i"',35;

larg. o^^-jô)

qu'il a fait partie

a été gravé à l'eau-forte par

de

la

aurait

vente

Edmond Hédouin pour

appartient aujourd'hui à M. Edouard Otlet. (M.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET. qiren disait Millet

:

«

C'était

un

prétexte

ŒDIPE DÉTACHÉ DE (Tableau de

le

les

nu

et le

la

collection Je

95

pour m'exercer dans

L'a R B R E.

M.

Otiet.)

modelé lumineux, un morceau

compagnons du Devoir pour aborder

comme

la maîtrise.

en faisaient »


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

En

réalité,

maître, mais

il

VŒdipe n

pas autre chose. Millet

est

passé

est

encore ni poète, ni penseur.

n'est

Depuis, nous avons revu cette page à a perdu de son éclat, et les empâtements,

vente Faure. Elle

la

comme

les

ombres,

se

sont trop mélangés et atténués; mais en 1847 la peinture fut jugée tout à

nouveau,

«

fait

M.

Elle avait véritablement

un accent

saluée et discutée par la critique.

et elle fut

Théophile Gautier, nous montre, ou plutôt

Millet, disait

il

nous

entrevoir, car sa peinture est des plus ténébreuses, sous des dimensions

un

restreintes,

berger. Cela

une

fait intéressante.

sujet historique et grec

est

pâte épaisse

touché avec une audace

comme du

Cependant,

reculant

,

on

finit

Œdipe

détaché de l'arbre par

une

et

et

grenue, avec

et

recouvert d'effroyables ombres.

en se penchant à droite

en avançant, en

à gauche,

et

par trouver un jour à peu

près convenable

démêle une espèce de grappe humaine composée du berger qui sur le tronc de l'arbre

Œdipe

qui glisse sur

pour détacher

un pan de

aux pieds

l'enfant

linges, et de la

les bras pour recevoir le marmot.

En

le

furie incroyables, à travers

mortier, sur une toile râpeuse

des brosses plus grosses que le pouce «

:

se

Ton

courbe

du

enflés,

femme du

et

,

petit

berger qui tend

quelque

bas, grouille dans l'ombre

chose de noir que nous soupçonnons fort être un chien, sans pourtant l'affirmer; car c'est peut-être «

Il

un rocher ou une

racine.

ne faudrait pas s'imaginer qu'il n'y a pas de talent sous ce truellage

de couleurs, sous cette peinture apocalyptique qui dépasse en barbarie férocité les

plus farouches esquisses du Tintoret ou de Ribera.

pas grand'chose, mais

peu qu'on

le

voit est bon.

pas.

En

c'est

un jeune

homme

attendant, pour

bien voulu laisser passer barbouillée d'ocre dit plus

limées,

et

du

VŒdipe

détaché de V arbre ;

fait,

il

devant

M.

Millet préten-

faut remercier le jury d'avoir

de noir par cette main violente

vernies,

en

d'un grand avenir. Cela ne nous étonnerait

la rareté

qu'une foule d'œuvres honnêtes, polies,

et

n'y voit

Pourquoi n'en voit-on pas

davantage? Des gens qui connaissent d'autres ouvrages de dent que

On

lesquelles

lissées,

on peut

torchon,

cette toile à

et cette

yerve brutale, en poncées,

blaireautées, refaire

le

iiœud de

sa cravate. «

pour

Nous attendons M. le

Millet à quelque ouvrage plus débrouillé

juger définitivement.

»

du chaos


JEAN-FRANÇOIS MILLET. De son intéressant

«

Un

97

Tincorruptible Thoré formule un jugement

côté,

:

excellent peintre qui sera bientôt

un peintre

M. Jeun-

célèbre, c'est

François Millet, déjà connu par ses vigoureux pastels...

Ne

jugez pas

le

UNE NYMPHE. (Dessin de

la collection

Œdipe

encore sur son jeune

de

M"" Marguerite

Sensier.)

détaché de Farbre, tableau singulier

presque

et

incompréhensible. «

L'Œdipe pose une énigme au

Sphinx.

Il est difficile

figure de l'enfant, tenu en haut par

sonnages enfouis dans il

y a dans

cette

public, au lieu de deviner celle

de débrouiller dans ce mortier de toutes couleurs

le

paysage,

un

et le

du la

pied, en bas par la tête, et les per-

chien noir qui tache

fantasmagorie un brosseur

audacieux

le terrain. et

un

Mais

coloriste

original. 7


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

98

Nous avons vu des tableaux de M. Millet qui rappellent à la fois Decamps et Diaz, un peu les Espagnols et beaucoup les Lenain, ces grands «

du xvn"

et naïfs artistes

auxquels

siècle

la

postérité n'a pas encore accordé

leur place légitime parmi les meilleurs peintres de TEcole française.

Ce qui

est

à remarquer dans

la

composition

des tableaux que nous venons de mentionner d'autres de la

de

lait

la

même

époque,

un simple

copiste.

Il

utilise

et l'exécution

dans beaucoup

avec laquelle Millet

c'est la facilité

nature vraie avec ce qui n'est pas

n'est point

et

»

la réalité

le réel,

forme. Dans ses figures nues, dans ses sujets

les

mais

il

pure. le

Il

trans-

plus amoureux,

on ne peut surprendre aucune intention malsaine. Le tableau des Enfants à la brouette semble un écho robuste de Fragonard; la

femme, une jeune paysanne comme

épaules par

et la

le soleil

ce serait

que

la

avait

âme

de mai. Sous

dences,

il

le

la

n'en existe pas, a les

cheveux au vent,

le

visage

pinceau d'un maître du Millet,

vie.

Il

en

honnête

et

est ainsi

animé

xvni'' siècle,

on ne peut voir

exhibition de la plastique, caressée par

une organisation était

les

une étude provocante. Chez

belle

temps de

gorge nues,

il

le

prin-

de toutes ses nudités. Millet

sensuelle et éprise de la chair, mais son

presque candide.

a gardé la pureté d'un

cœur

Au

milieu de nos déca-

primitif.


.

CHAPITRE —

LA FIN DE 1847.

SALON DE 1848.

LE

VANNEUR

«

CONCOURS POUR LA

«

A

MALADIE.

«

LA CAPTIVITÉ DES JUIFS.

FIGURE DE LA RÉPUBLIQUE.

LA SAGE-FEMME.

MILLKT s'apprête

".

XI

«

AGAR ET ISMAEL.

ombres sur Timagi-

avait jeté des

nation de Millet. Les aspirations politiques ;

elles le tenaient

Un

deur naturelle.

comme

celle

Charlier. C'est

d'Albert Durer

dans

portrait, je ne

mon

entrevoit

le

souvenir,

portrait de lui qu'il

portrait

au crayon, de gran-

le

est

tête

mélancolique

regard profond s'enveloppe

pas revu depuis 1847

tout

la

;

mais

confidence d'un

au moins

portrait de Millet et

le

La

'

comme

malheur ou

sus que c'était le

l'ai

;

sociales étaient

un

dessin superbe.

d'intelligence et de bonté

Ce

un

et

dans une malaria nerveuse.

Cette situation desprit est visible sur

donna à son ami

»

TRAITER DE NOUVEAUX MOTIFS.

Le mouvement de Paris

loin de l'avoir séduit

'

je

la

il

est resté

homme

qui

gravité de la vie. Je

me

décidai à connaître

modèle. I.

avons

Ce fait

portrait, qui

reproduire.

Il

appartient aujourd'hui à dit bien quelle e'tait la

M""

Sensier, est

celui

que nous

physionomie de Millet en 1847.

i^-^


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

100

donc voir au commencement de 1847.

Je Tallai

amené par Troyon, lorsque son réduit de

longs cheveux surmontés

muraille

dun

;

beaucoup.

sorte de gens qu'il n'aimait pas

jeune

fille

je lui

comme

que

dis ce

et

il

ne

faire cela

me

donc pas de Paris?

campagne.

croyait à l'intro-

Il

«

assis près

doute Daphnis

partit et

silence et

me

me

dit

«

:

Vous vous trompez,

chez nous.

mais

Si,

c'est différent,

voir.

A

et

partir de ce

me

avec son accent »

regarda encore en

pour cela que

et c'est

n'êtes

été élevé à la

j'ai

fit-il

lui

peinture. je

viens vous

moment. l'art,

Millet parla librement et

qui

me

firent sentir

que

il

me

lança

j'avais ren-

un homme, en même temps qu'un cœur expansif et géné-

contré

force,

d'une

Chloé,

— Vous

Oh! vous n'aimerez pas ma l'aime

lui

»

quelques pensées sur

reux.

laissa seul. Millet

je

je

Voilà qui serait bien beau,

comme

dit-il.

Ah! dame,

Cependant

de cantilène normande, nous pourrons un peu causer.

Troyon

Son

âge.

Il

Je vis l'ébauche d'un Semeur.

on pouvait

celui des

me regarda fixement, mais me répondit que quelques mots.

j'en pensais.

avec une timidité voilée,

dis-je, si

moyen

homme

un jeune

— c'étaient sans

endormie,

de

voyais, accrochée à son mur, une

je

qui représentait

toile,

comme

;

d'un humanitaire ou d'un politique,

duction d'un philosophe,

et,

air d'étrangeté.

un caractère qui éton-

accueil fut ouvert, mais presque silencieux.

longue

dans

fois,

une barbe épaisse

qui rappelait les peintres du

et

parlai peinture;

un

bonnet de laine

cochers, imprimaient à sa physionomie

d'abord

première

qui donnait à sa personne

et

paletot brun, couleur de

nait

la

rue Rochechouart. Millet avait alors un accou-

la

trement curieux

Un

pour

j'entrai,

J'étais

«

Tout

avec

sujet est bon,

clarté...

Dans

me

dit-il

l'art,

il

;

il

s'agit

faut avoir

de

le

rendre avec

une pensée mère,


JEAN-FRANCOIS MILLET. l'exprimer d'une façon éloquente,

la

conserver en soi

muniquer aux autres fortement comme par

PORTRAIT DE (Dessin de

la

une

broie... Je

veux pas supprimer

la

M

I I.

LET

le

et la

coin

comd'une

(1S47).

collection de M"'' Marguerite Sensier.)

médaille... L'art n'est pas

un engrenage qui

J.- F.

lOI

partie de plaisir. C'est

un combat,

ne suis pas un philosophe,

douleur,

ni

je

trouver une formule qui

ne

me


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

,02

rende stoïque

La douleur

inditFérent.

et

plus fortement exprimer

fait le

les artistes,

parla quelque temps ainsi

Il

est, peut-être,

ce qui

jj

presque intimidé par

et se tut,

Nous nous quittâmes comme deux hommes

ses propres paroles.

qui se sont reconnus

et

qui sentent bien qu'ils vont ébaucher une

sérieuse amitié.

Je revins. Je vis Millet dans son ménage, près de sa

qui cachait dignement

tout à l'œuvre,

comme

pinceau à

le

la

remettant

fin, et se

bœuf de son

le

berçant ses tout

lui,

chantant des airs sans

petits enfants et leur

lentement au travail

misère du foyer;

la

femme

pays. Je

le

vis sur-

main, exécutant avec une dexté-

rité

sans pareille de charmantes petites compositions qu'il termi-

nait

en pleine pâte avec toutes

magies du

touche pleine de sensibilité dont

cette les

les

plus légères. Je

le

il

clair obscur,

avec

marquait ses œuvres

voyais donner, d'un seul

trait,

à ses Jeunes

mères, à ses baigneuses, à ses enfants, leur regard brûlant timide à la

une

C'était

fois.

joie

et

pour moi que de voir peindre

Millet.

me

Il

semblait créé pour répandre ses idées

d'artiste aussi facilement

Enfin

fîeur.

n'avais en

je

qui sortait de sa main; et

vivifiant;

j'allais

que chante l'oiseau

et

voir la

je

quand peinture

moi

inventions

que s'épanouit

et

nulle pensée de critique

vivais la vie

de

et ses

heureux

comme

m'apportait

Millet,

et

je

pour ce

dans un air pur

des

inquiétudes,

sortais

reposé

et

consolé.

Plus tard, Millet avait,

mon

je

me

suis

pour moi,

le

enfance; j'avais aimé,

tés, ses

rendu compte de

et

attraction.

don de formuler des souvenirs de

comme

douceurs. Je retrouvais

mes sens

cette

les

lui, la

campagne,

ses âpre-

spectacles qui avaient éveillé

peuplé de vagues pensées mes impressions premières.


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Je revoyais les villages, les prés

m'avait

fait

Et

muet,

que

oublier les blés,

moisson

faisait

revivre sur une toile toutes

la

je

me

images des choses

les

prenais à dire à Millet

mêmes atmosphères

tinées; car tout ce qui sort de votre

comme un coup de votre pensée,

me

il

électrique et

comme

si

et

main,

sait si

Tenez,

est

s'il

courir les

des-

cœur

ressens au

je le

«

nous n'avons pas ensemble gardé

C'était et c'est

mêmes

nos deux âmes étaient jumelles,

Reynaud nous

avait

Il

troupeaux chez

les

»

connu Charles Jacque.

encore un esprit clairvoyant

peinture de Millet l'avait entraîné,

w

Hé! pourquoi pas?

expliquerait cela.

Je reviens à Millet en 1847.

enthousiaste

et

l'homme

devenu l'admirateur passionné de son

savait

«

:

comprends au premier choc

je le

disait moitié sérieux, moitié jovial.

Saturne, Jean

était

dans un langage

qui,

création des affinités antérieures à la vie, nos êtres ont

respirer jadis les

qui

semailles.

et les

j'avais aimées!

dans

Et

Jamais Paris ne

bois.

homme

venais de découvrir un

je

Quelquefois

la

et les

io3

l'avait

talent. Et,

;

la

séduit.

Il

comme

il

dire en termes justes et convaincus. Millet en avait été

le

touché.

Jacque le

était spirituel,

mordant, imprévu,

et

nous aimions à

pousser dans ses systèmes philosophiqvies ou ses spéculations

d'art.

gravait alors ses charmantes eaux-fortes

Il

d'Ostade.

Jacque,

A

la

comme un élève

brune, on se réunissait chez Millet

Campredon

et d'autres,

;

et

là,

avec

disparus aujourd'hui, on passait

des heures, devant un pot de bière, à parler des anciens

et

des

modernes. Dans ces conversations interminables. Millet n'intervenait qu'avec

Hercule.

Il

un bon mot ou un argument de

malmenait rudement

seurs, les politiques, ainsi

que

les

l'art

romanciers,

force d'un

la

les

contemporain.

dogmati-

On

voyait


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

104

que Tatmosphère de Paris de

mœurs

ses

et ses

modes

et

Mère

il

peignait

bavardage

le

dans un monde

le jetaient

prenait plus. Cependant la triste condition toyait;

que

aspirations, ses ambitions,

cité, sa littérature, ses

grande

la

lourde

lui était

du pauvre

aux éboulements de Montmartre,

même

Lundi de

le

l'ouprier par

rasséréner,

il

les libations,

des Ter-

;

ivre

que deu.x

pour

bras, et enfin,

malgré

formu-

Il

se

une superbe

peignait, par des frottis puissants,

Bacchante titubant sous

;

etc.

un homme

compagnons soutenaient sous chaque

banlieue

la

des Carriers tirant au treuil des moellons de Charenton

lait

l'api-

une Mère qui demande l'aumône, une autre

qui allaite son enfant près d'une masure de

rassiers occupés

ne com-

qu'il

robustes

les étais

de deux prêtres de Bacchus.

Au

printemps, Millet fut tout à coup surpris

un rhumatisme

articulaire des plus dangereux.

mit soudainement tout près de

sit et le

dans des visions effroyables conscience de lui-même.

la

à sa reils

Il

était

Séchan

fin.

et

pendant un mois,

et,

sement

La

et

et

de langueur

les

la

pieds nus

!

Il

;

;

il

pou-

d'autres lui apportèrent des

mais, dans quel état d'amaigris-

ne parlait plus,

chien moiuUé

et

n'eut plus

il

manière dont

il

respirait à peine.

jeunesse a des privilèges. Elle oublie vite

main tremblante,

tête se perdit

Dieterle s'ingénièrent à lui fournir les appa-

Millet revint à lui

comme un

fièvre le sai-

perdu. Ses amis, cependant, ne crurent pas

aussi avec la puissance vitale. Millet, «

par

n'avait ni linge suffisant, ni ressources.

Il

indispensables à sa position

secours,

La

mort. Sa

Les médecins ne disputaient plus que sur vait mourir.

et terrassé

il

peignit

»,

une

c'est

et renaît vite

un matin, secoua son expression,

Petite fillette assise sur

regardant tristement

le ciel.

3o francs aux marchands. C'est un ami qui

On lui

ne put

le

et,

mal, d'une

un

tertre,

la

vendre

acheta cette pein-


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Une

ture.

Petite Voyageuse, le bâton à la main, figurine pleine

de saveur bocagère, eut Toutefois

Vanneur

et la

Tout

libres.

le

même

le

sort.

Salon de 1848 se préparait. Millet termina un

Babylone

Captiinté des Juifs à

Le jury d'admission

position.

La

grande

la

fièvre

le

pour

le

par

le

place au salon carré

et

le

Il

s'ouvrit

la curiosité

i5

le

mars.

On

but de voir une exposition libre, où

suffrage des artistes, n'avait fonctionné que les

Millet.

propos de ces

phile Gautier a écrit

«

admis. Le

placement des œuvres. Le public put donc étudier

deux tableaux de

A

pi'it

fut

1848 n'amoindrit pas

Salon annuel.

en foule, dans

jury, élu

l'ex-

galerie.

politique de

qu'excitait alors le s'y rendait

Louvre

ce qui avait été présenté au

dans

envoya à

et les

avait été supprimé. Les arts étaient

Vanneur, figure de demi-grandeur, les Juifs

io5

d'un caractère

toiles,

une page

La peinture de M.

qu'il faut

si

différent,

reproduire

Théo-

:

Millet a tout ce qu'il faut pour faire horripiler les

bourgeois à menton glabre,

comme

disait

Petrus Borel,

le

truelle sur de la toile à torchons, sans huile ni essence, des

couleurs qu'aucun vernis ne pourrait désaltérer.

Il

lycanthrope

;

il

maçonneries de

impossible de voir

est

quelque chose de plus rugueux, de plus farouche, de plus hérissé, de plus inculte

eh bien, ce mortier, ce gâchis, épais à retenir

;

localité excellente,

d'un ton

la brosse, est

chaud quand on recule

fin et

d'une

à trois pas.

Le Vanneur, qui soulève son van de son genou déguenillé et fait monter dans l'air, au milieu d'une colonne de poussière dorée, le grain de «

sa corbeille, se

superbe

;

le

cambre de

la

mouchoir rouge

délabré sont d'un caprice

et

manière cie

sa

la

tète,

plus magistrale. les pièces

II est

bleues de son vêtement

d'un ragoût exquis. L'effet poudreux du grain,

qui s'éparpille en volant, ne saurait être mieux rendu,

regarder ce tableau. Le défaut de «

les

Nous aimons moins

la

d'une couleur

M.

Millet le sert

ici

et

l'on

éternue à

comme une

qualité.

Captivité de Babylone. Les soldats pressent

Juives qui se refusent à chanter l'hymne de Sion sur

avec plus de violence qu'il ne convient, lorsqu'il

s'agit

la

terre étrangère

seulement de vir-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

io6

tuoses récalcitrantes. Ils ne se conduiraient pas autrement dans

dans un sac de

M.

phrate est vraiment prise par

véhément de

comme

et,

;

composition,

la

un

assaut ou

Cette scène de coquetterie musicale au bord de

ville.

un

TEu-

sens trop barbare et trop

de l'exécution répond à l'énergie convulsive

la furie

il

Millet dans

s'ensuit

que

manqué rassemble

ce concert

une

à

tuerie.

Que M.

(1

diminue de quelques centimètres l'épaisseur de un

tera encore

préhensible.

Aux

donne

Millet, sans renoncer à la solidité qu'il ses

à sa peinture,

empâtements,

et

il

coloriste robuste et chaleureux avec l'agrément d'être

res-

com-

»

vient de

lignes qu'on

lire,

nos souvenirs nous per-

mettent d'ajouter quelques indications complémentaires. Si

Vanneur obtint un succès bien le

le

réel', la Captivité des Juifs laissa

public assez froid. C'était cependant une composition d'une

belle

ordonnance

et

conçue à

la

manière d'un maître que Millet

a toujours aimé, Nicolas. Po"ussin.

La

toile avait bien

deux mètres de

hauteur. Le paysage, profond large fleuve;

et,

sur

tours des murailles

disposée

:

femmes

belle, refusait

queur.

Il

femmes

me

et tranquille, était

un

et

de Babylone. La scène soldats assyriens,

l'asiatique, présentait

traversé par

était

savamment

vêtus plutôt à

assises et voilées de noir.

L'une

par un geste expressif de céder à reste bien présent à la

la

jeune et

prière

du vain-

mémoire que

bras des

les

mouvement,

que

les

un caractère émouvant

et

étaient admirables de grâce et de

Un

amateur de

Paris,

Ce tableau, plus moderne

ration superbe.

Il

M. Adolphe et

la

d'elles,

et

désespéré; les soldats, maniérés dans leurs attitudes

I.

un

avec affectation des lyres à

voiles noirs donnaient à cette scène

neur.

demi de

troisième plan, apparaissaient les hautes

un groupe de

romaine qu'à trois

le

large sur

Bellino, possède

moins farouche que

et

leurs

une variante du Van-

celui de 1848, est d'une colo-

a été lithographie par Emile Vernier. (M.l


JEAN-FRANÇOIS MILLET. costumes, atténuaient

on

C'était là le défaut d'une peinture qui,

taillé le

femmes

spectacle touchant des

le

Le succès qu'obtint

107

le sait,

juives.

n'existe plus

'.

Vanneur au Salon n'avait pas ravi-

le

budget de Millet. La révolution avait coupé court à tout

achat d'œuvres d'art;

et les artistes

en pâtissaient jusqu'à

la

plus

extrême famine. Millet

demandaient nous

femme

sa

et

rien.

alla frapper

obtint

à

l'artiste. C'était

lier, assis

plainte.

Ils

ne

Cependant, on connut leur détresse. L'un de

au musée, puis à

un encouragement décent

et

aucune

n'articulaient

Direction des Beaux-Arts

la

francs, qui fut aussitôt porté

tombée du jour

à la

sur une malle,

:

Millet était dans son ate-

dos arrondi

le

comme

quelqu'un qui

a froid.

Quand on dans ce

arriva, réduit.

triste

nonça que ces mots

:

il

On «

bonjour

dit

remit

lui

Merci

;

enfants n'aient point souffert;

nourriture.

aller acheter

mot,

et le

Puis

«

du

bois, car il

j'ai

le

En

voir et

avril, lui

il

gelait

ne pro-

mais Fimportant, ils

c'est

que

ont eu, jusqu'à présent, leur

grand

Tiens,

«

froid.

>-

Il

dit-il, je

vais

n'ajouta pas

allait

il

qu'il achetait

C'était

I.

la

un

demeurer rue prolongée du

M. Ledru-Rollin, poussé par

apporter une

commande

Jeanron, venait

de 1,800 francs.

Il

trouvait en train d'ébaucher une Charité, puis une toile pour

concours de

les

n'en parla plus.

Quelques jours après, Delta.

cent francs, et

appela sa femme.

il

lendemain

les

Il

arrivent à temps, nous n'avons

ils

pas mangé depuis deux jours;

ne se leva pas.

et

République

.

M. Ledru-Rollin

personnellement

le

T''(;77//?e//;-

lui

le le

apprenait aussi

auprix de 5oo francs.

beaucoup en 1848.

Millet s'est servi plus tard de cette toile pour peindre sa belle Tondeuse de

moutons. (A.

S.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

io8

Le concours de Diaz

réat.

la figure

fut gratifié

de

la

République n'eut pas de

d'une première mention,

secondes, Millet n'eut rien. Sa République

était

lau-

d'autres

d'une simplicité

lacédémonienne. C'était une noble figure de femme, grande douce, qui, à côté de ruches d'abeilles vail, offrait,

et

d'une main, des gâteaux de miel,

bonnet rouge,

qu'il avait

et,

de

me

aussi

l'autre, tenait

ou supprimé

remplacé par des épis de

Le symbole républicain avait semblé à pliqué;

et

d'instruments de tra-

palette et des pinceaux. Millet avait oublié

une

de

le

blé.

Millet assez

com-

chargea-t-il d'éclaircir cette question près de

l'administration des Beaux-Arts. 'Voici la note rédigée et écrite

par lui-même ((

:

Demander que

concours ne

soit

le

choix

fait

parmi

pas trop restreint

et

les

esquisses mises au

ne se borne pas à quel-

ques-unes. «

La République o\\

la Liberté est

un

sujet qui

peut être inter-

prété de tant de façons différentes et cependant compréhensibles

pour tout nation,

de

la

si

monde, que

le

on

se bornait

ce serait resserrer l'espace à l'imagi-

au choix d'un type unique. Le symbole

Liberté contient en

lui

tous

les

se pourrait varier selon sa destination

la Loi, la Justice, l'Agriculture,

ayant leur principe dans

le

autres :

et

r Égalité, la Fraternité,

Commerce,

la Liberté,

par conséquent

et

la Science, etc.,

ces divers

emblèmes,

étant protégés par elle, pourraient se placer dans les salles destinées à traiter ces hautes questions. »

Bientôt

l'insurrection

Paris. Millet était à peindre les et

de

des journées de Juin vint effrayer

une enseigne de sage-femme, lorsque

premiers coups de canon retentirent. La misère il

se voyait

cette

était

revenue,

encore sans ressources pour longtemps au milieu

guerre

civile,

quand arriva

la

bienheureuse sage-femme


.^.r^z^lAiLiif^ LA LIBERTÉ (1848). (Paslel de la collection de

M"' Marguerite

Stnsicr.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

110

qui emporta son emblème, en laissant trente francs à Millet pour prix de son tableau.

Cela nous sauva, m'a-t-il

«

dit,

car nous

pûmes vivre quinze

jours jusqu'à l'apaisement de l'insurrection suivirent.

Combien de

fois j'ai béni ce

et

des troubles qui

secours inespéré

!

»

Quelques jours après juin 1848, M'ûiet ûtun Samson endormi près de Dalila qui lui coupe les cheveux. C'était un petit tableau

d'une composition 11

peignit aussi

Mais

d'une magnifique couleur.

très équilibrée et

un Mercure enlevant

composition musicale. Millet

bravement

fit

envoya

fr.,

l'éditeur. Celui-ci le

paya d'insolence,

mation du pauvre

de

la

gauche

il

ensuite

du bonnet rouge

La première et

artiste,

composa

Millet

et

il

lui

traînait les

pierre lithographique à

la

et,

en réponse à

glaive dans la

le

cadavres des

différentes.

main

droite,

rois.

sa tâche. Assise sur

trône, la lance à la main, elle contemplait ses

entassés à ses pieds

la récla-

la porte.

dans des attitudes

La seconde semblait avoir accompli

et

cette

pastels représentant la Liberté

et figurée

Liberté courait

de

sa besogne, dont le

ferma brutalement

deux

à Millet

est-il? tel était le titre

prix était fixé à 3o

coiffée

On commanda

tout cela ne se vendait pas.

une vignette de romance. Où donc

troupeaux d'Argus.

les

un

ennemis vaincus

'.

Les Libertés ne se vendirent pas plus que

le reste.

Jacque

conseilla à Millet de faire des dessins qu'on troqua contre des

vêtements

;

six

souliers, des

I

.

beaux dessins furent échangés pour une paire de

tableaux contre un

Une note autographe

pastels appartenaient à

lit;

les

portraits

de Diaz, de

ajoutée au manuscrit nous apprend que

Alfred

Sensier.

Ils

ne

sont point mentionne's

catalogue de la collection vendue à l'hôtel Drouot en de'cembre 1877.

duisons une àts Libertés ût Millet. (M.)

ces

deux

dans

le

Nous repro-


m

JEAN-FRANÇOIS MILLET. Barye, de Victor Dupré, du ciseleur Vechte,

grandeur naturelle,

achetés vingt

furent

en buste

francs

et

de

quatre;

les

on vendit de charmants croquis depuis un franc jusqu'à cinq. Charles Jacque se mit à rassembler dans

ou d'études

toutes les feuilles de papier chargées d'indications

sur

nature.

Il

acheta

les

sauva

les

et

de Millet

l'atelier

du poêle

ainsi

qu'elles

devaient allumer.

Pendant l'insurrection, Millet, comme tout Parisien, d'un

fusil, et,

entraîné par Séchan,

l'Assemblée

et

à

chouart, où

il

vit

II

défense de

la

tomber

le

commandant

des insurgés.

revint dégoûté, indigné de nos tueries parisiennes.

ni l'esprit militaire, ni les colères

saigner

lui faisait

vengeresses, et

il

le

cœur.

armé

des barricades du quartier Roche-

prise

la

dut courir à

il

fut

Il

de

la révolte

Il

n'avait

tout ce qu'il voyait

;

ne comprenait rien à ces extrémités

s'en allait chercher le silence

dans

la

plaine de

Montmartre ou à Saint-Ouen.

Nous y je

allions souvent

ensemble

soir;

le

et, le

lendemain,

retrouvais, toutes peintes à son atelier, nos impressions de la

veille

:

des

Nageurs au soleil couchant^

des Faneuses, des Moisson-

neurs endormis, des Chevaux à V abreuvoir de lafontaine de Montmartre,

le

Trou à

l'abattoir, etc., etc.

l'herbe, le Tir à l'arquebuse, des Il

peignait ces impressions en quelques heures,

enfiévré des souvenirs sanglants de juin riait

dans sa barbe,

passe. était la

Sa

Bœufs allant à

comme

facilité était

note chantante

s'il

avait

surprenante, et l'attrait

de

;

fait

et

il

la

et,

quand

j'arrivais,

il

un bon tour de passe-

n'omettait rien de ce qui

couleur.

Joseph Guichard, élève d'Ingres, fuyait

les traditions indi-

gentes de l'école et les aridités de l'enseignement académique. Il

rêvait

ralisme,

une fusion du classique avec et,

le

romantisme

et le

natu-

tout en faisant ses réserves sur les audacieuses pein-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

112

tures de Millet,

il

ne cessait de parler de ses dons de nature, de

ses improvisations inépuisables.

que Corot,

et

trouvait déjà plus touchant

Il le

plus imprévu, plus tendre que tous les forts de

jeune école. Les rapides souvenirs peints par Millet au

notre

retour de ses promenades exaltaient Guichard

verve

une haute

lui prédisait

il

:

destinée.

et le

mettaient en

Ces notes prises sur

nature ont disparu pour la plupart sous d'autres peintures celles qui ont pu être

;

mais

sauvées diront ce qu'étaient celles que Millet

a anéanties. Toutes avaient leur distinction et leur marque.

La commande du ministère

était le Pactole,

mais

fallait

il

y

atteindre, c'est-à-dire exécuter vin tableau. choisit

Millet

pour

Agar

sujet

et

Ismaël dans

désert;

le

allusion à sa triste indigence, ainsi qu'à ce Paris qui était, pour lui, le

Sahara.

Agar, étendue à terre, protégeait ribond

;

le

regard maternel

presque nu, bronzé par clair et

était

cédé à son entraînement vers terminée,

il

la

répudia

:

avait de puissants modelés de

plus grand que nature. Millet avait

nu mais quand VAgar fut quasi

le

;

comme une

entraîné vers une idée nouvelle,

scène champêtre

corps de son enfant mo-

poignant de douleur. Le corps

était

le soleil,

d'ombre. Le tout

le

des Faneurs

et

il

pensée obscure, se

et,

subitement

mit à composer une belle

des Faneuses se reposant près de

îneules de foin.

Voici ce qui avait produit en

devant

la vitrine

de Deforge,

minant un tableau de

lui,

il

nommé

Millet qui ne fait

Ces quelques mots à

la

le

nudité à perpétuité,

Un

cette évolution.

soir,

aperçut deux jeunes gens exa-

des Baigneuses. L'un disait

nais-tu l'auteur de ce tableau?

un

lui

:

«

Oui, répondit l'autre,

que des femmes nues.

blessèrent au vif;

il

c'est

»

se crut

et sa dignité se révolta.

Con-

condamné

Rentré chez

lui,


JEAN-FRANCOIS MILLET. il

redit à sa

dit-il,

femme

jamais plus

ce qu'il venait d'entendre.

je

ne

ferai

de cette peinture;

bien plus dure, tu en souffriras, mais

m'occupe

répondit

Je suis prête, fais à ta volonté.

:

«

Si tu

«

la vie

veux,

depuis longtemps.

j'accom-

»

M"" Millet

»

lui

sera encore

je serai libre et

plirai ce qui

l'esprit

ii3

lui

Et, dès lors. Millet,

affranchi, en quelque sorte, de toute obsession, de toute servi-

tude, entra résolument dans l'art rustique.

.

\'À i

V r

^

' ,

'

(

i I

I

W'^^

LA MERIDIENNE. (Dessin de

la

collecliou de M"*^ Sensier.)


CHAPITRE

XII

SALON DE 1849. LE CHOLÉRA. DEPART POUR BARBIZON. LIAISON AVEC ROUSSEAU. LES SUJETS RUSTIQUES.

COURSES DANS LES

L'année 1849 difficile.

ne

fut

fut

BOIS.

LETTRE DE MILLET.

pour un grand nombre

Millet, à qui la

bonne fortune

était si

pas plus heureux que ses confrères. force de peindre

le loisir et la

au Salon, mais esprits,

qui, en ce

Il

une Paysanne

moment où

la

d'artistes

un temps

lente à sourire,

trouva cependant assise qu'il

envoya

politique agitait tous les

ne paraît pas avoir excité une curiosité démesurée.

vie matérielle devenait

comme un problème

qu'il fallait

La

résoudre

chaque jour. Il

ne restait à Millet d'autre espoir que la

ministère de l'intérieur ici

les

;

mais ce

travail était long,

souvenirs d'atelier ne pouvaient

devaient être de demi-grandeur, au repos, près

de «

Je ne vois

Il

suffire.

difficile, et

Les figures

milieu d'une plaine, en

d'une meule. Millet chercha longtemps aux bords

la Seine, à

femme du

commande du

Saint-Ouen, sans rien trouver qui pût

là,

me

disait-il,

terroir qu'il

me

que des faubouriennes

lui servir ;

c'est

:

une

faut. »

termina cependant son œuvre,

et

il

venait d'en toucher

le


JEAN-FRANÇOIS MILLET. quand

prix

nouveau

Paris.

depuis

installés,

1849 révolutionna de

Jacque à s'éloigner de

et

Lestés de 1,800 ils

i3 juin

Le choléra, arrivé à son maximuni

décida enfin Millet

Barbizon, où

du

manifestation

la

ii5

fr.,

ils

partirent,

la capitale.

avec leurs familles, pour

s'arrêtèrent chez le père

Ganne. Là

barricades de juin 1848,

les

d'intensité.

étaient déjà

Théodore Rousseau,

le

décorateur Hugues Martin, Belly, Louis Leroy, alors peintre

et

graveur, C'est

Clerget.

et

à ce

moment-là seulement que Millet

A

entrèrent en relation. Millet ni

Rousseau ne

s'examiner,

peine s'étaient-ils vus chez Diaz. Ni

se lièrent vite

ce ne fut

et

sans contrainte. Millet,

Rousseau

et

ils

;

furent plusieurs

que longtemps après

homme

prudent

mois à

qu'ils se parlèrent

et discret,

gardait pres-

que toujours vis-à-vis de Rousseau une réserve que son ami apprécia plus tard.

Il

faut

donc

dans quelques biographies

et

rectitier ici l'erreur

qu'on retrouve

un

d'après laquelle Millet serait

élève de Rousseau.

Tous deux

étaient de

même

force lorsqu'ils se connurent;

ils

n'avaient plus rien à apprendre que par eux-mêmes. Si, plus tard, l'un des fut,

deux

fut plus

à coup sûr, Rousseau, que

de l'entraîner vers

Tout en

la simplicité

ateliers

et ils s'en allaient

de

et

l'art

du

chez

le

talent

un

la

l'autre,

ce

sujet et la sobriété des lignes.

les

du père Ganne,

paysans,

de compagnie à

la

et

xMillet et

quels ateliers

!

découverte des champs

la forêt.

Je les visitais souvent déjà à cette époque.

à

de

de Millet préoccupa au point

restant les pensionnaires

Jacque louèrent des

impressionné par

tel

degré de surexcitation que

grande majesté des

le

Ils étaient

arrivés

travail leur était impossible

vieilles futaies, la virginité des rocs et

:

des

bruyères, ces augustes témoinsdes siècles disparus, ce cataclysme


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

ii6

devenu un centre

d'activité

humaine

avaient grisés de leurs beautés

les

et

de verdoyants paysages

et

de leurs senteurs.

étaient

Ils

véritablement possédés. ne

Il

fallait

plus songer à quitter de pareils enchantements.

campagnards au

Millet

y trouvait

lui se

dérouler toute Tépopée de son rêve;

ses

de son vrai domaine; famille.

pour chanter

en

Voici sa première lettre de Barbizon

sang de sa

restait peintre

il

champs de

sa race et ses

et glorifier

aux portes

lui le

plus que jamais

et

voyait devant

il

;

touchait

il

sentait bouillonner

il

redevenait paysan,

Il

travail

bataille.

:

Barbizon, 28 juin 1849.

«

Mon

cher Sensier, vous m'obligerez beaucoup

en avoir pris connaissance

et l'avoir

si

vous voulez, après

recachetée, remettre la lettre enfermée

son adresse aussitôt que vous l'aurez reçue. Vous trouverez

dans

la vôtre à

mon

propriétaire (de la

maison rue du Delta n"

8),

beau-père de Salmon

matin jusqu'à neuf ou neuf heures

(peintre), chez lui le

et

demie, ou

le

soir

depuis environ six heures.

Nous avons

«

quelque temps,

et

pris,

Jacque

et

moi,

la

détermination de rester

ici

pendant

nous avons conséquemment loué une maison pour chacun

de nous. Les prix sont excessivertient différents de ceux de Paris;

et,

comme,

on y a besoin, on peut s'y transporter très rapidement, et d'ailleurs le pays étant superbement beau, nous travaillerons plus tranquillement qu'à Paris

si

et

peut-être ferons-nous de meilleures choses.

désir de rester

ici

mois (midi),

la

lettre

que

reste trop vrai)

toute,

nous avons

le

quelque temps.

Vous m'obligerez donc beaucoup de

«

Somme

je

au propriétaire, ne

le

remettre, avant

et faites-lui

entendre

payerai que bien difficilement,

premier du

le

(ce si

qui

est

du

toutefois j'y

pouvais parvenir. Je vous

«

donne un bonjour assaisonné de

Jacque ne vous

dit

pas moins bonjour

et

solides poignées de main.

compte demain répondre à votre

lettre. «

Ce

((

quelque temps

dura vingt-sept ans, tout

»

J.-F.

MILLET.

»

que Millet devait passer à Barbizon

le reste

de sa

vie.


JEAN-FRANÇOIS MILLET. moment

C'est de ce

117

Rustique,

qu'il devient le

donne

et qu'il

à ses travaux cette grandeur de caractère, cette hauteur de vues qui ont

de

fait

lui

un

homme

unique dans notre

art,

un nouveau

venu qui parle un langage jusqu'alors inentendu. Ce dire

que Millet

drais faire

pensée,

il

n'est

grand de nos peintres. Mais

soit le plus

comprendre que, pour

la

saveur

de

et l'originalité

la

églogues, les durs labeurs, les

les

inquiétudes, les misères, les sérénités, les passions de sol,

il

saura tout traduire. Et

jour qu'on peut gir,

vou-

je

n'a pas eu de précurseurs.

L'écho des campagnes,

voué au

pas à

des actes

les

le

faire servir le trivial

«

plus ordinaires de

la

l'homme

citadin s'apercevra

au sublime vie,

»

un

et faire sur-

un noble

et

grand

donc

les

scènes

spectacle.

Cette première lièvre calmée. Millet peignait rustiques qui

le

frappaient

;

des scieurs de long occupés à débi-

ter des arbres gigantesques, des

bûcherons, des charbonniers,

des carriers amaigris par leur effroyable besogne, des braconniers à l'affût, des casseurs de pierres, des cantonniers, des laboureurs, des faneuses, des fendeurs de bois, etc. Il

enlevait chacune de ces scènes en

en deux heures. Et tout ce et

ou

de mouvement.

Il

qu'il créait ainsi était plein

ou bocagers, des plaines immenses, des

coins retirés où la paysanne les

fait

dindons en songeant.

campagne

lui

de vie

dessinait des ensembles de paysages riants

sévères, sinistres

garde

une journée, quelquefois

paître sa vache,

Il

absorbait en

apportait de surprises.

Il

la

lui tout

voyait tout.

fillette

ce que la Il

repro-

duisait tout.

Un peu particulier,

plus tard,

une

toute l'existence

suite

il

de

composa

et

exécuta, avec un

petits dessins qui

du paysan

:

soiji

plus

semblaient formuler

d'abord, l'homme

du

terroir en


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

ii8

blouse

et

— puis,

en sabots,

la

c'est le

paysanne, jeune, forte

sodes campagnards, depuis qu'à

pauvre

la

héros du travail,

vieille

la

et belle

mère qui

qui va couper

sur sa misérable échine

le fagot,

;

point de départ

une

ensuite

;

série d'épi-

jouer son enfant jus-

fait

le

le

bois

mort

quatre fois gros

rapporte

et

comme

elle et

qui l'écrase. Cette collection de dessins

est, je

ne crains pas de

le dire, la

révélation d'un artiste plein de génie. C'est une succession de

tableaux qui pourraient se placer à côté des compositions philo-

sophiques de Holbein. C'est

ce qu'elle a de plus expressif.

doyer ni une

satire

;

Il

Il

ne faut y chercher ni un plai-

mais seulement

heureux de pouvoir exprimer

compagnons.

de l'homme des champs dans

la vie

les

la

pensée sereine d'un

grandeurs,

y avait entre autres,

la

les

homme

misères de ses

dernière charrette de la

moisson, couronnée de son mai d'épis, rentrant au hameau entourée d'une nombreuse famille de travailleurs gesticulant

et

chantant avec une joie pantagruélique. C'était plus mouvementé, plus vrai, qu'un vieux Breughel. Mais

il

n'y avait encore

qu'un essai du grand drame où Millet voulait atteindre. C'est par

peinture qu'il

la Il

allait bientôt

s'exprimer tout entier.

logé dans une petite maison de paysan

s'était

trois

pièces basses et étroites lui servaient d'atelier, de cuisine et de

chambre pour

sa

femme

et ses trois enfants.

Plus tard, cette maisonnette s'allongea de deux autres chambres,

quand

fut construit rie et

ses enfants se

comptèrent jusqu'à neuf'.

au fond du jardin

et

Millet y

Un

atelier

annexa une buande-

une liasse-cour au milieu d'un autre jardin qui

lui fut cédé.

Mais, pendant plusieurs années. Millet dut se réduire au miniI.

le

Quatre

dernier,

le

fils

et cinq filles.

Le premier enfant do Milletest né

28 novembre i863. (A.

S.)

le

27

juillet

1846,


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

mum

d'une existence

difficile, et

119

son jardin, cultivédeses mains,

ne voyait fleurir que des plantes nécessaires à

la

nourriture des

siens.

Ce on

pas

n'était

«

Chaumine du

villageois aisé, »

durement pour

sa famille.

ne pas prendre

la

est juste

Il

demeure de

iMillet

de rétablir

il

son jardin, plantait, semait ou

entrait

Ce

Tatelier. là qu'il

dans une

de

qu'il jeta sur le

mais

ou

labou-

il

après déjeuner,

obscure qu'on appelait

partie de son

un pensée de

fut

mur dans une une Ruth

c'était

maître du champ,

œuvre,

c'est

que

comme

;

la Bible, Riith et

Booi,

rapide improvisation au crayon

et

un Booz

traduits en véritables

une scène de moissonneurs où

le

dans l'Ecriture, surprend une jeune

et

l'amène, toute honteuse, au repas des campagnards.

Quand

Millet s'était continé trop longtemps dans les limbes

glaneuse

de son obscur rielle

atelier,

il

maximum

semaines

affaissé

de violence

;

il

restait alors

des jours

et

des

dans

les

sous cet ennemi implacable.

Pour repousser

les

champs ou dévorait

les

approches du mal, espaces de

inquiétude. Bien souvent, nous

dans

pris d'une souffrance maté-

se sentait

qui dégénérait en un mai effroyable, en une migraine pous-

sée à son

la

matin,

dessins.

paysans de l'Ile-de-France

à

à la Florian.

cerveau poétique toutes ses compositions,

son

Sa première vision

;

de

réduit, plein d'ombres, ne lui déplaisait pas, car c'est

esquisses, croquis

noir

le

:

récoltait, et,

salle basse, froide et

composa une grande

sortirent

les faits et

pour un nid

Ses occupations étaient de deux sortes rait

comme

mais l'honnête demeure du pauvre qui travaille

dit,

l'a

la

le

la

forêt

il

errait

avec une fiévreuse

suivions avec quelques amis,

ses courses à travers rocs et vallées.

Le grand

air le rendait

possession de lui-même. Alors, avec une joie d'enfant,

il

esca-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

J20

ladait les rochers;

il

comme un

s'élançait

chasseurs, pour arriver,

premier

le

cerf poursuivi par les

d'un bond, au groupe do-

et

minant de ces grès erratiques, qui donnent à bleau un caractère unique

une

vieille

dré par

modelé justement à son

vait dans son élément, et la

nature avec

on

vaincu par

la

course,

!

»

il

se retrou-

et

et le

cœur d'un

des extases. il

lui

poète.

Quand,

Il

fatigué,

arrivait parfois

comme Goethe « O mon Dieu, qu'on est bien sous Et me disait « Je ne connais pas de volupté pareille :

il

:

à celle de se coucher sur 11

visage,

voyait, en quelque sorte, aspirer

se jetait à terre,

il

de s'écrier ciel

le

d'un faune

la pviissance

en avait des éblouissements

ton

Les sabots aux pieds, avec

vareuse rouge de marin, un chapeau de paille effonpluie et

la

et étrange.

de Fontaine-

la forêt

faut dire aussi

bruyère

la

et

de regarder

les

que tout ce qui poussait sur ce

nuages.

»

sol vierge

de Fontainebleau avait conservé un éclat de couleur, une richesse de vie qui éblouissait notre jeunesse. Le grès des environs de Paris avait revêtu dans cette antique forêt tous les prismes de la

lumière

et

des minéraux en fusion

l'améthyste se fondaient

et se

:

l'or, l'argent,

confondaient

comme

l'émeraude,

dans

les

plus

riches écrins de la création.

L'âge muret ses accalmies n'ont pas affaibli notre admiration

de

pour ce

sol

avec

menaces de

les

vieux rois vingiens.

la vieille Celtique, et si

serait

ses embellissements, la forêt

encore

Rousseau

et

comme au temps

Diaz

pesantisse sur ces regrets

tout devient plaine

Paris n'était là sans cesse,

et

des chasses des Méro-

l'ont assez célébrée

du

passé.

sauvage de nos

pour que

Tout s'affaisse,

ligne droite, ainsi

que

le

je

m'a-

tout s'abaisse,

prophétise

la

science géologique moderne.

Voilà donc Millet installé à Barbizon, ne pensant plus qu'à réaliser son idéal.

Le voilà dans

la

maison qui verra augmenter


JEAN-FRANÇOIS MILLET. sa famille,

maison où

la

il

mourra, parvenu

entouré du respect de tous; mais où

il

121

alors à la célébrité,

rendra

dernier soupir

le

en emportant au tombeau une cruelle inquiétude pour l'avenir

comme un paysan.

des siens. Millet, paysan, sera toujours pauvre

Et pourtant

a pris son parti de cultiver désormais ce domaine,

il

La

sans confier à personne son secret d'artiste.

jusqu'à

comme propos

pays

le

peur.

faire

lui

et

il

Il

peint des tableaux rustiques, rudes

ose tenter les ventes publiques. Lisez à ce

ses confidences

que je retrouve dans une

<i

«

Mon

cher Sensier, quand doit donc se faire

moi

parlé? Avisez

terminés

à temps, je

vous

Paris dans quinze

beaucoup de temps,

si

jours.

autres en train, et puis encore

j'ai

vente dont vous m'avez

la

moi

les

tableaux

probable que dans tous

et

puis j'en

troupeau de nègres,

les

n'aurai pas perdu

je

ai

encore trois

M. de

pas mal travaillé aux Laveuses de

comme un

:

Barbizon, ce samedi.

J'espère que

cinq tableaux terminés,

j'ai

Saint-Pierre. Je travaille

Il est

intime

lettre tout

prie, j'apporterai avec

j'achèverai les autres à Paris.

et

cas je serai à

forêt le captive

je

trouve

les jours

longs de cinq minutes. K

Mon

en

J'ai aussi

un pavsage d'hiver

désir de faire tète

est

passé a

l'état

d'idée fixe

des projets de tableaux de moutons. J'ai toutes sortes de

projets en tète. «

Si

du jour

vous voviez et

après

ma

comme journée,

la forêt est belle! J'v et j'en

cours quelquefois à

la fin

reviens à chaque fois écrasé. C'est d'un

calme, d'une grandeur épouvantables, au point, que

je

me

surprends ayant

véritablement peur. Je ne sais pas ce que ces gueux d'arbres là se disent entre eux, mais

ils

se disent

que nous ne parlons pas qu'ils font c(

la

quelque chose que nous n'entendons pas, parce

même

langue, voilà tout. Je crois seulement

peu de calembours.

C'est

demain, dimanche,

neaux, cheminées, toutes

la

fête

les casseroles et

de Barbizon.

pourrait se croire à la veille des noces de Gamache. tringle qui ne fasse service

de broche,

canards que vous avez vus

bien portants sont pour

de

rôtir,

de bouillir,

si

etc., etc., et

Tous

les fours, four-

marmites sont en activité telle qu'on

et

Il

n'est pas

une

vieille

tous les dindons, oies, poules, le

quart d'heure en train

des pâtés d'un diamètre

comme

des roues


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

122 de cabriolet

!

s'en répandre '(

énorme

Enfin, Barblzon n'est qu'une

au

tefois qu'il faille

à votre

cette vente, si

vous croyez tou-

y mettre quelque chose. Ayez la complaisance de faire doreur ordinaire

la

commande

en tout cinq bor-

ci-après

dures; tâchez qu'elles ne soient pas d'un goût trop affreux; que

moins

elles seront.

Envoyez-moi

i

flacon

i

soit

elles seront

aussi de suite quelques couleurs

de Sienne brûlée, 2 idem naturelle, 3 jaune Naples, jaune, 2 terre d'ombre brûlée,

dorure

la

Enfin

belle, cela m'est égal. Je tiens surtout à la forme.

comme

Todeur doit

loin.

Tenez-moi au courant du moment de

pour moi

cuisine, et

3 terre

:

Italie brûlée, 2 ocre

d'huile grasse... Voilà... Bonjour à

Diaz. Fortes poignées de main. « J.-K.

J'ai

tenu à copier minutieusement

tout est intéressant venant

son goût particulier pour ses couleurs.

dun les

artiste tel

Les peintres y verront

obtenait les tons superbes

tableaux.

demandes de

que

lui;

qu'il

et

Millet

:

le

choix de

ne se servait que des

moyens

les

»

on remarquera

bordures, on notera

terres les plus ordinaires. C'est avec les qu'il

les

MILLET.

les

plus simples

transparences

de ses


CHAPITRE

XIII

LE SEMEUR. SALON DE l83o-l85l AU PALAIS-ROYAL. PARIS. A VOYAGES LES BOTTELEURS. LETTRE DE MILLET. ENSEIGNE " LA VIERGE ".

:

LES QUATRE

SAISONS.

FEMMES QUI COUSENT;

RAMASSEURS DE BOIS. ET DE LA MERE DE MILLET. GRANd'mÈRE MORT DE LA

neurs, Millet

lit

de ses moisson-

les gestes

Tout en étudiant avec patience

une figure qui

surgir enfin de sa palette

le

préoc-

cupait depuis longtemps.

On

sait

quel sérieux

l'opération des semailles.

les

gens de

Le labour,

campagne apportent

la la

fumure,

le

à

hersage sont

du moins des travaux qui s'accomplissent sinon avec indifférence, sans passion héroïque

;

mais quand

Thomme

endosse

le

semoir

grains, blanc, fenroule autour de son bras gauche, l'emplit de

espérance de l'année nouvelle, cet ministère sacré.

devant par

le

mesure

ne

dit

Le

et

que

la

geste de

une

plus rien, ne parle plus,

le sillon,

et,

d'un

rythme d'un chant mystérieux,

à terre •

lui,

11

homme exerce

mouvement il

lance

le

sorte de

regarde

il

réglé

comme

grain qui retombe

herse recouvrira bientôt.

l'homme qui sème,

sa

marche cadencée sont

véritablement superbes. L'importance de l'action

est

réelle,

le


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

124

semeur

sent

reur,

saura justement équilibrer Faction de sa main avec

il

poids de sa responsabilité.

le

quantité de grains qu'il puise au semoir,

graine-mère

ment

et

vu

J'ai

jadis des

sème en bon labou-

épargnera à la terre.

la fois la

sera vrai-

Il

semeurs qui ne mettaient pas

le

la

la vie.

sol préparé, sans avoir jeté en l'air

Et, en entrant dans

il

productives de

les forces

germe générateur de

le

S'il

champ,

ils

le

une poignée de

pied sur

le

blé en croix.

prononçaient à voix basse des

paroles incompréhensibles qui ressemblaient à une prière. Millet avait depuis longtemps dans le

ne pouvait définir. Barbizon eut

qu'il

son œuvre.

Il

lui

Semeur

et si le

de Biera,

c'est

donna

toutefois

conçu

fut

avec

la

et

le

cœur

l'image flottante

don de lui faire formuler

pour théâtre lesoldela Hague,

exécuté à Barbizon, dans

préoccupation exclusive

et le

la

plaine

souvenir du

pays normand.

En l'allure les

effet, le

premier Semeur de Millet

sauvage, vêtu d'une vareuse rouge

jambes enveloppées de

par

les

intempéries.

un jeune

Ce

tresses

de paille

est

un jeune homme à

et

de culottes bleues,

et le

chapeau dévasté

un homme de Barbizon,

n'est point

c'est

gars de Gréville, qui, d'un pas fier et grave, accomplit

sa tâche sur les terres escarpées des falaises, au milieu de nuées

de corbeaux qui s'abattent sur

le

grain.

qui se ressouvient de son premier état, terrain natal. Plus tard,

semeur ayant bien geste est

de

la

ter,

le

il

fit

Millet

qui se retrouve sur

le

cachet de la famille barbizonnienne. Le

race des environs de Paris,

vieille

et

lui, c'est

plusieurs dessins ou pastels d'un

moins superbe, l'homme

Millet

— C'est

y a mis, pour cadre,

est et,

le

plus affaissé,

comme

ceux

pour qu'on n'en puisse dou-

vrai portrait

du paysage,

la

tour de la plaine de Chailly.

Le premier Semeur

(i85o) fut exécuté de verve, avec

un


LE SEMEUR. (Dessin de

la collection

de

M.

Alexis Rouarl.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

,26

emportement furieux

manquait

toile

la

:

calquant exactement

dont

ses statues,

trop courte.

était

du

lignes

enfanta

au Palais-Royal. Avec

était installé

un

viens de parler, Millet envoya

je

et

matière

la

sa figure en

refit

Il

dessin,

que

le

frère

l'exposition ouverte à la fin de i85o.

jumeau qui parut à Le Salon

les

de sa tâche, Millet

la fin

comme Michel-Ange pour

s'aperçut, lui

mais, arrivé à

;

Semeur^

le

autre tableau, les

Botteleurs.

Les

artistes et les critiques virent

un

sévère,

dans

Semeur une figure

le

menaçant, qui semblait lancer au

geste

gnées de mitraille

»,

comme pour

des poi-

ciel «

du

protester contre la misère

travailleur.

On

s'ingéniait alors à trouver

contemporaine des allusions à

dans toutes

les

la politique et

scènes de la vie

des protestations

contre Tégoïsme social.

Le second tableau de

Millet représentait l'action compli-

quée, mais très nette, de deux

qu'une jeune

d'une meule, tandis d'herbe

que

botteleurs

les

hommes ont

qui bottellent

fille

râtelle

laissées

à

le

le soleil torride, l'air

milieu du jour. Les

de leurs bras,

accent nerveux

Dans

ce

et

tableau, la

montrent leurs

brindilles

La

pieds.

longue

et

hommes

étreignent, qu'ils lient

de leurs genoux

et

en botte, avec cet

volontaire inséparable d'un pareil labeur.

l'époque des foins, où et

est

foin près

pesant de juin n'annoncent que

masse de foin

la

les

leurs

paysanne a une attitude mélancolique. Sa tâche rude, car

le

couleur les

est

belle et

morne,

comme

à

herbes des prés se décolorent, se fanent

têtes gonflées

de gramens.

Millet avait longtemps repeint et ravivé ses harmonies, de

manière à présenter un ensemble sous

la

plénitude de

la

fidèle

de botteleurs en action

chaleur. L'œuvre fut remarquée

;

et


JEAN-FRANÇOIS MILLET. cependant Paris, de

peinture

davantage devant

distrait, s'arrêta

si

Courbet, l'Enterrement

comme

mode

copia,

le

Senteur

fit

du bruit;

reproduisit par

la

lithographie

le

comme

souvenir des artistes

Gautier en

cette

Le Semeur, de M.

premières pages de les

le

la

il

qu'on va

lire

.I.-F.

nous

Millet,

Mare au

le

est coitTée

rappelle^,

si

;

comme

pourtant

et

la vie

Au revers du

coteau,

seul clair

un

sous

«

la

un dernier rayon de lumière forts

,

récompense sera

du tableau baigné d'une ombre

les

paysans que l'on

a

au geste violent, à

semble peinte avec «

la terre qu'il

Les Botteleurs sont un

un peu brutale pour

très juste et

au

le

ton a de

la

sa

Il

y

a

pierre ponce, ont Pair de d'essence. Certes,

mettre sa cravate

pain de l'avenir.

une couple

doux compagnons de lueur

cette

année,

du grandiose

le

et

le soc.

Semeur du

tournure fièrement délabrée,

très joli tableau,

et

stvle

qui

quoique exécuté d'une ma-

dimension. Les figures sont d'un mouvement

M. Millet

chaleur.

mourir de

comme une

est le

ne présentant aux yeux,

a

un svstème d'empâtement

soif et d"implorer les

faites

sur de la

une goutte d'huile ou

tableaux devant lesquels on peut

devant une glace,

et

qui réfléchissent votre nez

plaque de daguerréotype; mais cependant une

rugueuse

avec

et,

ensemence.

nous n'aimons pas

comme

est

il

sa tête

;

maigre, sous

laisse voir

grenu vraiment poussé trop loin. Ses peintures, qui semblent

comme une

sillon, et

la boucherie. Cette

envoyés au Salon

la

et

la terre

couvrent et

les

labourage

le

de nuages, qu'une terre noire fraîchement écorchée par

ciel_

De tous

cette figure

nière

et

triste et

de beaucoup celui que nous préférons.

dans

la terre le

l'effet

impression,

s'épand de sa large main,

de bœufs arrivés au bout de leur sillon

l'homme, dont un jour

le

osseux, hâve

est

il

répand sur

geste superbe, lui, qui n'a rien, «.

jetant le grain

de sombres haillons

d'une sorte de bonnet bizarre; de misère,

le

robuste.

Diable, de Georges Sand, sur

semeur marche d'un pas rythmé,

cette livrée

être

dans

est resté

résume bien

œuvre d'un sentiment

suivi d'un vol d'oiseaux picoreurs

est

et

travaux rustiques... La nuit va venir, déployant ses voiles gris sur

brune;

un

jeune école en parla,

la

chef-d'œuvre de Millet. Théophile

fut touché. L'article

que produisit alors

«

manifestation

la

nouvelle.

Néanmoins le

grande

la

phénomène

Ornans,

à

excentrique que sa curiosité dévora

d'une

127

toile

ne doit pas

peau de chagrin. Ce truellage n'ajoute rien à

la


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

128 solidité;

on pourrait

d'un Tintoret; dirait

que

la

le

même

Jean Bellin, quoique plus ancien, semble

fumée de dix

siècles a passé sur le Tintoret

surcharge de pâte. Avec

sa toile, l'autre la

pour son Œdipe trouvé par

M. Millet

le

condamné

Millet était

ses petites toiles.

les

11

Eugène

mina plusieurs

une

d'hier; et

fait

on

couleurs qu'il a employées

galerie.

son Semeur,

et

»

à venir souvent à Paris pour placer

achevait tantôt chez Diaz, rue Frochot,

Lavieille, rue de Navarin. C'est là qu'il ter-

compositions

belles

champs ;

travailler dans les

les

à côté

l'un couvre à peine

:

Berger, pour son Vanneur

aurait eu de quoi peindre toute

tantôt chez

un Jean Bellin

dire qu'il y nuit. Mettez

Paysan

:

Femme

Paysanne

et

broyant du

lin

allant

Ramasseurs

;

de bois dans la forêt.

La première de l'homme porte sur

ces peintures est d'une allure superbe

l'épaule la fourche, la

couverte d'un panier pour rapporter

deux ont le

la

travail

démarche

fière et

femme

tableau à Millet

commanda

et lui

jour.

Tous

robuste de deux jeunes êtres que

point encore amoindris.

n'a

s'avance la tète

du

la récolte

;

M.

même

en

Collot acheta ce

temps une Vierge

qui devait servir d'enseigne à son magasin de nouveautés.

La Vierge

fut peinte

en pleine lumière dans

que Millet

voisin, à Barbizon.

Il

de son tableau à

hauteur où

la

fallait

il

Vierge

est restée

rue Notre-Dame-de-Lorette a

pu I.

la

voir

Dans

et

en conserve

restaurée. Les successeurs de

rajeunir leur enseigne.

Quand

Elle appartient aujourd'hui h

toits,

et

de

le

souvenir'.

le

que son

la

travail s'exé-

rue Saint-Lazare

dans

;

la

tout Paris

ses bras l'entant Jésus, est repré-

croissant symbolique. Elle a été plusieurs fois

M. Collot éprouvaient de temps la

l'effet

pendant des années au coin de

cette peinture, la Vierge, tenant

sentée debout, appuyant les pieds sur

compte de

devait être placé. C'est à l'ex-

trémité d'une échelle, presque sur les cutait. Cette

se rendit

cour d'un

la

à autre le besoin de

maison changea de destination,

M. Morel, quia

fait

la

Vierge disparut.

enlever les repeints. (M.)


JEAN-FRANCOIS MILLET. C'est à ce la

mythologie

Barbizon

«

Mon

toiles, etc.,

moment que et les

ISlillet

femmes

me

29

confia son divorce avec

nues. \'oici ce qu'il m'écrivait de

:

cher Sensicr,

reçu hier, vendredi,

j\ii

que vous m'envoyez

et le

Dessin de

la

Femme

broyant

u

Paysan

et

«

3"

Ramasseurs de bois dans

Je ne sais

si

huile,

LE SOIR.

la

vente en question

:

ciu lin;

paysanne allant

ce

:

des trois tableaux pour

Voici

«

peut, vous mettrez

couleurs,

collection de M"'' Marguerite Sensier.'

«

les titres

les

tableau ébauche qui y était joint.

PLAINE DE BARBIZON'

«

1

travailler dans les cliamps

mot de Ramasseurs peut s'imprimer

Paysan

et

paysanne ramassant du

voudrez. Sachez seulement que

le

;

la forêt.

tableau se

bois.,

compose d'un

;

ou

si

ce

cela ne se

que vous

homme

liant

un


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i3o

deux femmes, Tune coupant une branche

fagot et de

brassée de bois. Voilà!

et l'autre

tenant une

...

comme vous pouvez le deviner par les titres, ni femmes nues, ni sujets mythologiques. Je veux me poser avec autre chose que ces sujetslà, que Je n'entends pas non plus qu'on me défende, mais que je ne voudrais «

n'y a,

Il

pas être forcé de faire.

Mais enfin

«

les

premiers vont mieux à

avouerai, au risque de passer encore pour

humain qui me touche

le

ou tout au moins

drais,

plus en

Ce l'ai

on

n'est

Jamais

le côté

et

ne

je

socialiste,

qui ne fût

ferais rien

connais de plus gai,

je

Vous

triste,

une pauvre

on puisse Jouir

figure

vou-

je

d'une

c'est le

calme,

oii il est, Je

le silence

ne

dont

endroits labourés,

les

c'est

toujours très

quoique bien délicieuse.

êtes assis sous les arbres

tranquillité dont

le côté

c'est

le résultat

ne sais pas

labourables ou non; vous m'avouerez que

d'une rêverie

que

vous

Je

nature, soit en paysages, soit en figures.

délicieusement, ou dans les forets, ou dans

si

qu'ils soient

rêveur

la

tempérament, car

pouvais faire ce que

joyeux qui m'apparaît;

jamais vu. Ce que jouit

un

art, et si je

le tenter, je

impression reçue par l'aspect de

mon

éprouvant tout

bien-être,

le

vous voyez déboucher d'un

;

chargée d'un fagot.

toute la

petit sentier

La façon inattendue

et

toujours

frappante dont cette figure vous apparaît vous reporte instantanément vers

condition humaine,

la triste

analogue à

celle

Dans

Cela donne toujours une impression

que La Fontaine exprime dans

sa fable

Quel

au

En

«

la fatigue.

plaisir a-t-il

eu depuis

un plus pauvre en

est-il

qu'il est la

du Bûcheron

monde

:

?

machine ronde?

quoique, quelquefois, dans certains pays

les endroits labourés,

peu labourables, vous voyez des figures bêchant, piochant. Vous en voyez

une de temps en temps

se redressant les reins,

«

front avec le revers de la main.

«

front. «

ton pain

à la

essuyant

le

sueur de ton

Est-ce là ce travail gai, folâtre, auquel certaines gens voudraient

grande poésie

I .

Tu mangeras

dit, et

T

faire croire? C'est

«

«

comme on

cependant

que

se

trouve pour moi

la

nous

vraie humanité, la

'.

Je m'arrête, car

Je

L'attitude accablée

beaucoup préoccupé

pourrais bien vous fatiguer à la

du bûcheron succombant sous

Millet.

Nous reproduisons un

essayé d'exprimer ce qu'il appelait

« la

triste

le

fin.

Il

faut

poids de son fardeau a

des dessins dans lesquels

condition

»

me

du porteur de

il

a

fagots. (M.),


LE VIEUX BUCHERON. (Dessin de

la collection

de

M. Gustave Robert.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i32

pardonner. Je suis tout seul, sans avoir à qui causer de mes impressions

me

je

suis laissé aller, sans rien apercevoir;

Ah

«

!

tandis que

pense, envoyez-moi donc de temps en temps de

j'y

du ministère, cachet en

belles lettres avec le cachet

me la

du ministère telle

est

enveloppe

plus componct

le

plus belle façon,

c'est

vous

si

du

crédit

!

«

:

C'est

du ministère

pour eux, une

car,

naturellement du ministre.

C'est

la

le

cachet

Son

repli

révèle ce qu'il aime, lettre

comme

tous

le

MILLET.

etfet

Ont-ils

r

art rustique

le

programme

est enfin

y

et

le

proclamé, ainsi

philosophie ou plutôt Testhétique de sa pensée.

comme un

bien vite

portant

pose de

»

caractère de Millet.

et,

me

quelque chose qu'une

J.-F.

Cette lettre précieuse formule à la fois

termine sa

lettre

Cela

de Rousseau produisent-ils un grand

tableaux

beaucoup de succès?

C'est

»

Poignées de mains. «

que toute

!

de Jacque marche un peu?

celle

Les

me

quelque chance d'avoir une commande? Savez-

j'aie

«

«

facteur

!...

Croyez-vous que

«

le

casquette à la main, ce qui n"a pas lieu d'habitude, puis

lettres, la

disant de l'air

cire rouge, enfin tous

voyez avec quel respect

les enjolivements possibles. Si vous

remet ces

;

ne recommencerai plus.

je

:

et,

car

de son cœur qu'il entr'ouvrc

malgré

lui, la

nous

il

;

note gaie, comique

même,

ne veut pas passer pour un larmoyeur

il

les esprits

songeurs

et

impressionnables,

ton mélancolique pour rire

un peu des

il

;

quitte

ridicules et

des naïvetés humaines.

Sa résolution bien et

d'amour tout à

prise, ce fut alors

la fois

avec

la

nature

menades solitaires, des études sans spectives, sur les lumières et les

fin

;

un mariage de raison

ce furent aussi des pro-

sur

les ciels,

ombres. Parfois,

il

sur

les

per-

m'écrivait ses

impressions. "Voici

une autre

l^ettre

curieuse.

On

verra qu'entre lui

et


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Rousseau,

commerce de

n'y avait pas encore

il

Plus tard, on se comprit

Mon

sérieuse amitié.

:

i8 décembre 1851.

«

K

i33

cher Sensier, viendrez-vous ou ne viendrez-vouspas? Les choses

actuelles changent-elles

Collot, dites-lui que

ou non quelque chose

à vos affaires? Si

vous voyez

enverrai bientôt son enseigne. Seulement,

je lui

faudrait quelques Jours de temps couvert. Je ferai effectivement pas

croquis je

mon

de morceaux d'après nature pour

et

vous garderai, ceux-là

tableau Ruth et Boo:^, que

deux ou

d'autres. J'ai

et

me

il

mal de

tableaux en train

trois

pour Deforge. «

seul

Rousseau

ici.

viendra-t-il, finalement? S'il ne vient pas, je passerai l'hiver

Sous un certain rapport, cela me

ments où

je

m'apercevrai de

pour

pas. J'aime trop

Bonjour

et

solitude

moment

de

mais

et

la

inonde à

n'en aurai

réel, je

de plus les impressions que

je

nature m'en préserveront à coup

poignées de main. Récrivez-moi. «

Nous ne

mo-

j'aurai certains

mais d'ennui

;

ma-crapaudière

de recevoir à tout

serai forcé

sûr.

cela

ma

plaît,

MILLET.

J.-F.

»

signalerons pas tous les tableaux que Millet mit au

cette

époque (i85o-i85i).

ques-uns sont introuvables. Mais

il

Ils

sont

nombreux

et

quel-

nous souvient de plusieurs

scènes touchantes.

Femmes

Jeunes

d'intérieur et sa

calme de là

la

qui cousent. Là, Millet est devenu peintre

main a su exprimer sur

pensée

et le

de

la

raconterai,

maison.

»

deux

recueillement de la famille.

des couturières de profession,

vail

ces

disait-il, c'est la

Ce tableau valut

Ce

n'est

femme au

à Millet,

une commande du ministère de

«

fillettes

comme

le

pas tra-

je

le

l'intérieur.

Les Quatre Saisons furent aussi de charmantes compositions

que Millet reproduisit dans des proportions plus importantes. C'est là qu'on trouvera la première pensée de ses Glaneuses

représenter

la fin

de

:

la

vigne

de

l'été.

Le printemps

deux hommes

lient les

était figuré

par

la

pour

culture

sarments verts aux échalas,


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i34

femme

paître ses vaches

aux

couchant tout chargé encore

de

tandis que sur la hauteur une

douces

d'un

clartés

soleil

fait

vapeurs hivernales. L'exécution de ce tableau

comme

dans une

est légère

et fine

d'Ostade.

toile

L' Homme qui répand dufumier diaXe aussi de

la

même époque.

Millet fut longtemps occupé de cette composition

le

travail

matériel acquiert une vérité frappante au milieu d'un paysage solennel déjà refroidi par les premières atteintes de novembre.

Nous avons vu que

Millet, fixé en

un

lieu qu'il aimait,

tournait toujours ses regards vers lepays, vers ses vieilles mères, affaiblies

par

par

l'âge,

Sa grand'mère, chaque

jour. Ses

les

Le

encombraient suffire

et l'inquiétude.

le

vrai chef spirituel de la famille, déclinait

yeux

s'éteignaient et elle n'avait plus la force

que des lamentations

d'écrire à son François religieuses.

maladies

blé était cher,

les

mendiants

chemins. La charité de

les

et

des exhortations les

vagabonds

la famille

ne pouvait

et

de pareilles misères. C'était un tourment pour ces

à

pauvres femmes

;

elles

ne dormaient plus

François devait souffrir

comme

elles

et

songeaient que leur

des malheurs du temps et

des troubles politiques.

La grand'mère, Louise Jumelin, qu'elle fût

presque paralysée,

elle

perdit ses forces; mais bien

gardait toute son intelligence.

C'est avec la sérénité d'une sainte qu'elle voyait la

Elle

cher.

mourut au commencement de

mort appro-

i85i, sans avoir

embrassé son Benjamin, son François, qu'elle avait vu grandir sous son Il

coup

aile et

qui occupa son

n'est besoin

aussi violent.

se sent

que sous

de dire que

La

fin

l'étreinte

cœur jusqu'à son dernier le petit-fils

fut

soupir.

abîmé sous un

d'un être vénéré se prévoit, mais ne de

la réalité.

dant de longs jours; sa muette douleur

Millet ne parla plus penfaisait

peine à voir.

II


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

r35

que des mots entrecoupés. Des larmes

iV avait

•comprimer

comme

jaillissaient,

qu'il

par bonds, de ses yeux. Toute

de cette créature, maternelle jusqu'au fanatisme, se ravi-

Ja vie

vait en lui avec la puissance d'une résurrection

pu

la

cherchait à

revoir

«Ah!

Millet n'aimait pas les démonstrations extérieures s'épanchait-il sans contrainte qu'avec sa

de

une compagne qui

lui,

Millet sentit tout destinée.

sous

la

main de

tant de

sa

femme. lait

les

ménage. Sa douleur

finit

celle qui aimait tout

de

la

Il

là,

près

de priva-

femmes

voyait allègre

nouveaux venus,

les

d'artistes.

et

robustes

courageuse,

et

sutïire à tous

et

du

aînés et par la rude besogne

par se détendre

et

il

pleura près de

lui.

songea à sa mère. Mais ce

de l'exploitation de ses

pas sans une poignante

n'était

réponse à ses questions intérieures. Elle sabilité

avait

joyeux

Ses enfants grandissaient,

besoins réclamés par

Il

Il

prix de cet attachement à sa personne et à sa

le

nourrissant de son les

femme.

aussi ne

;

l'aimait, qui acceptait sa vie

murmurer comme

tions sans songer à

triste

je n'ai

étaient ses seules paroles intelligibles.

»

!

:

était

malade

terres, l'autorité qui

:

la

respon-

manquait à

sa position, la fièvre de l'émigration vers Paris, qui s'emparait

de

ses enfants, la consumaient,

autour et

la

d'elle.

comme

La malheureuse voyait

tout allait s'écrouler

déjà la perte de sa famille

dispersion de ce groupe de laboureurs riches de leur

domaine

de leurs produits agricoles. Elle sentait qu'après

et

tout devait se morceler et se vendre

ceux

si

qu'elle avait

aimés que

la

et qu'il

elle

ne resterait plus à

ressource d'aller chercher for-

tune au pays des aventures.

Pour un cœur qui la

maternité

village

que

;

n'a

connu que

les

épreuves

pour une pauvre femme qui

craintive, ne mettant le pied à

et les joies

de

n'est sortie

de son

Cherbourg que

comme


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i36

dans une

un

de perdition, l'existence menaçait de devenir

ville

supplice. L'isolement

commençait pour

ses filles se mariaient, ses

Mon cher enfant,

B

garçons quittaient

écrivait-elle à son

nous

tu

fils,

mère de

la

aussi,

mais

Mon

mal à

l'aise.

il

paraît

Ah

!

que tu as bien envie

dis

je

mal nourri,

ici

moins; pour moi,

un

de

le

pour

fais-tu

ne sais ni vivre ni mourir, tant

temps pour tout

triste

j'ai

animaux

courant de

Et

monde

le

;

il

;

un vent qui

fait

il

souffrent la faim

ils

;

le

grain

faut payer l'impôt, les rentes

de la maison.

bien négligé de

J'ai

dans

je

à sept francs le boisseau.

et toutes les affaires h

comment

m'affecte à pensera cela, J'en suis bien

que tu viendras nous surprendre au moment où

brûle tout, on ne sait que faire des est

:

bien envie

ai

revoir

te

passe

Il se

le

moyens

tu n\is pas grands

j'espère

nous y penserons grande envie de «

que

pauvre enfant, quand

pays.

le

de venir nous voir pour passer quelque temps avec nous. J'en

vivre?

Millet

t'écrire,

mais

l'été,

vu que

le voilà

je

passé

:

m'attendais que tu viendrais

nous avonspourtant bien envie

te voir.

Je

<'

Mon

mourir. envie de

te

me

suis privée de tout,

pauvre enfant,

ne

me

reste plus qu'à souffrir et !

une grande

J'ai

revoir encore une pauvre fois. Je pense à toi plus souvent que

tu ne crois. Je suis

à ce

il

tu pouvais venir avant l'hiver

si

si

ennuyée de

que vous deviendrez tous

souffrir de corps et d'esprit,

quand

je

pense

à l'avenir, n'ayant point de fortune, je ne dors

ni repose... '<

tu

Dis nous

vends

mot de

comment

tes tableaux.

si

tu as de l'ouvrage,

Dis-nous-en quelque chose,

prendre dans tout

cela...

tu gagnes bien,

si

je

crains toujours que tu ne te fasses

Est-ce que tu viendras bientôt?...

Oh que n"ai-je des ailes pour ma lettre, récris-nous.

«

«

si

surprenant que tu ne nous écrives pas un seul

toutes ces révoltes qu'on dit qui se font dans Paris. Est-il vrai qu'il

s'en fasse?

reçu

tu vas, est

Il

!

Je finis en t'embrassant de tout

m'envoler vers

mon cœur;

toi...; sitôt

je suis,

que tu auras

avec toute l'amitié

possible, ta mère. «

Ce

n'était

V^'

MILLET.

pourtant qu'une pauvre paysanne, la

écrivait des paroles

si

»

femme

qui

touchantes; mais, créature naïve attendre.


JEAN-FRANÇOIS MILLET. un

elle jetait

de détresse avec l'accent d'une Mater dolorosa.

cri

Ne nous étonnons

pas qu'un de ses enfants

l'ardeur religieuse de l'aïeule

et la

résumé en

ait

tendresse de la mère.

rendit bientôt aussi débile qu'une octogénaire.

tait

en

par

elle

les

La

vie persis-

souvenirs de ses enfants, par l'espérance de

revoir son François, qui n'avait cessé de lui donner des

de respect la

lui

mère ne survécut pas longtemps. Un asthme suffocant

Cette la

137

et d'affection.

Elle attendit ainsi

comme

les

marques mères de

légende, «attentive au bruit de ses pas», se berçant d'une

surprise qui ne se réalisait jamais. Le pauvre François attendait aussi

pas

;

la nécessité, cette fatale

fait

consoler

d'un seul instant,

trêve et

embrasser

l'impossibilité

compagne de

la

et,

sa vie, ne lui avait

malgré son désir

pauvre malade,

il

avait

d'aller

dû reconnaître

du voyage.

La mère de

maux

Millet attendit toujours, supportant les

de son corps, nourrissant ceux de son cœur;

ans jusqu'en i853, puis

elle

expira dans

elle attendit

la prière et

dans

deux

l'espé-

rance.

Son

fils,

à cent lieues de

ments de sa mère. Le souvenir de son cœur.

Il

pensait au vieux Tobie

aussi, avaient attendu.

chante qui peint espérant

le

si

La

sur

là, traçait

Bible,

il

ses et

papier

le

les

tour-

lectures envahissait

à sa femme, qui, eux

la relisait

à cette page tou-

fortement l'inquiétude des deux vieillards

retour de leur enfant.

Il

trouvait la formule plas-

ébauchait une scène où deux

tique de sa souffrance;

il

gens interrogent

cherchant à reconnaître à l'horizon une

le ciel,

forme humaine au milieu des splendeurs d'un

On

devine de

entrevoit déjà

le

quelle

soleil

vieilles

couchant.

composition nous voulons parler; on

tableau, l'Attente, qu'il exposa quelques années

plus tard et qui fut

si

peu compris.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i38

A

mort de

la

sa mère, je reçus

de

»

Mon

«

cher Sensier,

je

vous

écris

lui ces

Lundi

soir,

quelques lignes

:

26 avril 1853.

pour vous dire que

ma

pauvre mère

vient de mourir. «

Je suis dans

travailler,

moi

et

mais

je

un

état

de tristesse que

ne puis pour cela

pour mes sœurs qui sont

en aucune façon comment chagrin

et

elles

je

ne puis vous dire; j'essaye de

me distraire. Cest un coup

restées à la

affreux

pour

maison. Je ne puis comprendre

vont s'arranger pour vivre. Je suis dans un

une inquiétude inouïs. «

Je vous serre

la

«

main.

J,-F.

MILLET.

»


CHAPITRE XIV proudhon chez

diaz.

salon de lodj aux m en us-p l a

i

si

rs

:

moissonneurs; un bergei;; une tondeuse de moutons. seconde médaille. critiques, éloges.

détresse DE millet; DIFFICULTÉ POUR PLACER SES TABLEAUX. WILLIAM HUNT ET LES AMÉRICAINS A BARBIZON. LIAISON AVEC THÉODORE ROUSSEAU.

L'art est-il

une langue naturelle

prendre? Faut-il une éducation en apprécier

beautés

les

Le

?

et

que tous peuvent com-

et

une aptitude particulière pour

vulgaire, et

même

les

plus poé-

tiques intelligences, sont-ils rebelles à la pensée des peintres et

des sculpteurs

d autres génies

le

?

Ce sont

des questions que nous laisserons à

soin d'approfondir.

Ce qui

modernes ne nous ont pas

connaissances plastiques,

et

est certain, c'est

gâtés,

protecteur né de

l'art,

au point de vue de leurs

que, parmi

beaucoup nous ont paru aveugles en

les

pasteurs d'hommes,

cette matière. L'Etat,

a longtemps divagué, soit dans les

festations publiques qu'il lui a plu de faire, soit ses acquisitions «

ou de

ses

il

me semble que

qui pouvaient tout, n'ont pas laissé choir ;

dans

le

le

mani-

choix de

commandes.

Et pourtant, disait Millet,

l'ancienne Egypte

que nos

que Périclès a eu

la

le

les

Pharaons,

génie des arts de

main heureuse en choi-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

[40

sissant Phidias

pour

le

Parthénon; qu'Alexandre n'a point imposé

d'humiliantes besognes à Praxitèle

donné de la

pour que

liberté

plus grande beauté

accessoire,

un

que

;

Antonins ont assez

les

Tart, sous leur règne, pût atteindre à

mais chez nous, Fart

;

n'est plus

qu'un

talent d'agrément, tandis qu'autrefois, et encore

au moyen âge,

était

il

une des colonnes de

ancienne,

la société

sa conscience et l'expression de son sentiment religieux. «

Qu'ont

Moins que

pour

fait

rien

les arts les

Lamartine

:

grandes

vu

l'ai

(je

prédilection au Salon de 1848)

n'était

de notre époque

têtes

choisir ses tableaux de

touché que par

correspondant à ses préoccupations politiques ou

Jamais

n'aurait placé chez lui

il

George Sand a

un tableau de Rembrandt.

prudence d'une femme

la

Alexandre

belles paroles musicales.

Delacroix

de Gœthe

;

mais et

il

le sujet

littéraires.

Hugo met au même niveau Louis Boulanger et

"Victor

?

et s'en

Dumas

est

Delacroix.

avec de

tire

sous

la

main de

ne pense pas librement en dehors du peintre

de Shakespeare. Je

n'ai

pas pu exhumer une seule

page bien sentie de Balzac, d'Eugène Sue, de Frédéric Soulié, de Barbier, de Méry, attester je

l'atelier

ou

iS5o

de Diaz, occupé à

qu'une seconde pour voir

Le

Il

comme

appuyées sur sa canne, 11

dit

et

voilà pourquoi

le

finir

une

ses amis. Millet

nouveau venu,

et se

»

un coin

toile,

quand

ne se retourna remit aussitôt

attendit.

visiteur ne parla

ignorance en art

:

i85i, Millet était dans

Proudhon, amené par un de

à son chevalet.

l'art

devant Proudhon, lorsqu'il vint voir Diaz.

vers

effet,

ombreux de vint

une page qui pût nous guider ou

une véritable compréhension de

suis resté froid

En

etc.,

il

que des misères du peuple, de son

en toutes choses. Les mains parlait lentement,

mais sans

et

la tête

s'arrêter.

deux mots de Courbet, qui ne furent pas relevés; à peine


JEAN-FRANÇOIS MILLET. un regard sur

daigna-t-il jeter

et

le

il

commentait

Proudhon

bon prince,

fut

un

à Millet la vie

parti pris de

il

tant d'autres, le sujet était

ne se laissa pas entraîner par sa

il

eut quelques traits qui semblèrent

parquer

dans

l'art

contemporaine. Millet n'aimait pas

représentation de

la

la

commande

de ceux qui comprenaient leur temps,

qu'il tut

doctrine de

paysages de

les

et

de vue.

à perte

métaphysique. Cependant

il

remué par un

livre qui parle

Ne

disait Millet.

?

du passé

?

Ce

seraient le tableau

Proudhon sur la question d'art

un plaidoyer magnitique, entraînant, mais ce

nieuses, disait Millet,

I

.

est

II

nantes que

Principe de

Proudhon a

consacre'es

rien dire.

On

A

informé de de

lire

:

«

le cite

les

véritablement surpre-

connaît pas

le

tout à

et

le

fait

comme

Discours pour

la vérité

appartenant à

cette déclaration, qui la situation

dans

Jardinier greffeur du

moins du monde.

la

rustique.

même, et

les

Quinze- Vingts!

»

du

existe

de

assuré, à celui

ce

bel

n'en puis, par conséquent,

nouvelle école, mal à propos appelée

moderne, Millet répond par

l'art

« Il

:

entendu

Je n'ai pu voir

semble prouver que Proudhon

de

livre

qu'il a

un tableau des Moissonneurs, supérieur, m'a-t-on

ouvrage, non plus que

réaliste».

les lignes

à Millet dans une note de son

de sa Desliiiatioii sociale. Le théoricien déclare

de Léopold Robert,

ingé-

qu'un discours pour

n'est

curieux de rapprocher de ce passage

Millet, écrit-il,

saillies

Salon de iS53.

parler de Millet, mais qu'il ne le

M.

C'est

«

:

la

Millet qui, retiré à Barbizon, préparait trois

le

l\irt et

de

plein

lut

il

»

Revenons à tableaux pour

Delacroix

chose lorsque, longtemps après,

publication posthume de

Quinze-'Vingts

si

»

fut bien autre

'.

est

du Trocadéro ou l'Ouver-

avait été contraint de peindre la Prise

Chambres ?

«

la

peut-on pas

des Croisés à Constautinople, la Barque du Dante,

ture des

quoi-

et,

trouva que

Proudhon pouvait aboutir au despotisme.

donc l'impression personnelle être

nymphes

Pour Proudhon, comme pour

Diaz. tout

les

141

(M.)

le

était

faiblement

mot qu'on

vient


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

142

ou

Riith et Booi,

œuvre compliquée de figures qu'il

compte du

faucille n'est

Repas des Moissonneurs,

étudier dans

du jour

affaissé

et

sous

de préciser

Le tableau

du

la

de

spécial

travail

la

mois-

poids du labeur rapide de

le

la

la

vendange. Millet

note caractéristique.

longtemps remanié,

fut

une

gestes et en tenant

leurs

pas celui des semailles ou de

s'était efforcé

était

composition comprenait une quinzaine

la

;

fallait

lieu,

L'homme

son.

plutôt le

expressions

les

des

visages furent souvent reprises et effacées. Millet voulait peindre

de vrais moissonneurs, non à

comme

élégants

excédés de

et

Quand lui

«

:

il

me

Je

fatigvie.

eut

fini, il

fais Teftet,

me

ne

mais

le

faible et

mode

sembla pas tout à

me dit-il,

d'un

fait

homme qui

L'ensemble

était

content de

chante juste,

qu'on entend à peine.

vraie critique de son tableau. ;

et

des poètes, mais de vrais rustres appesantis

mais avec une voix

rustique

Léopold Robert, beaux

la

«

C'était la

beau, neuf

de peinture n'était pas robuste

et

comme

celui qu'il trouva plus tard.

Conformément à nos habitudes, nous donnerons quelques extraits des

«

Il

jugements formulés par

n'y a pas de nature

si

puisse être relevée par le style.

neurs ne sont pas beaux, certes;

Belvédère tvpe il

y

;

a

:

grossière, disait

M. il

de

Millet en est

ne

les a

un exemple.

Ses moisson-

pas copiés d'après TApollon du tel est

leur

enveloppent leurs corps sans grâce; mais

dans tout cela une force secrète, une robustesse singulière, une rare

simplicité de ton local,

et

Théophile Gautier, qui ne

nez camards, lèvres épaisses, pommettes saillantes,

les haillons les plus rustiques

science de ligne et d'agencement,

et

la critique.

fier

;

un

sacrifice

intelligent des détails,

qui donnent à ces rustres on ne

sait

une

quoi de magistral

certains de ces patauds couchés étalent des tournures florentines

des attitudes de statues de Michel-Ange.

leur laideur,

la

Ils

ont, malgré leur misère et

majesté de travailleurs en contact avec

la

nature, .'\ulieu de

vestes et de pantalons, jetez quelques draperies sur ces torses brunis, et vous


JEAN-FRANCOIS MILLET. aurez une scène biblique. surprise,

Noémi. Et

comme un

sera facilement Booz,

Ce paysan

puis, quelle ardente

fer chauffé à la fournaise,

entende craquer

l'épi

!

143 et cette

glaneuse

chaleur dans cet horizon blanc

dans ces meules, où

La Tondeuse de moutons

et

le

semble qu'on

il

Berger

offrent les

UNE GLANEUSE FIGURE POUR LE TABLEAU DES MOISSONNEURS. (Croquis de

mêmes

qualités,

et,

il

la collection

faut le dire

arrêtés par des traits noirs, et

dénuées de

plis,

et

de

M""-'

Marguerite Sensier.)

aussi, les

une certaine

mêmes

plus semblables à des peaux qu'à

Paul de Saint-Victor

défauts

coriacité

écrivit aussi

dans

:

des contours

les étoffes,

des tissus.

trop

><

une page éloquente à

propos du tableau des Moissonneurs. Elle résume, à

elle seule,


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

144 le

caractère de la scène et Timpression que Tartiste avait voulu

faire surgir

«

M.

de ce repas primitif:

Millet

s'est fait le

poète du peuple

Son tableau des Moissonneurs Les rustres plaine,

est

une

et le

idylle

Tombre des meules de

assis à

sculpteur de

d'Homère

traduite en patois.

foin qui pyramident dans la

sont d'une laideur superbe, brute, primitive, pareille à celle des

statues éginétiques et des figures de captifs sculptées sur les tiens.

dont

On ils

la grossièreté.

les dirait

ont gardé

la

tous sortis directement du flanc de

couleur terreuse

et les

rudes arêtes.

voilà de la poésie et de la majesté populaire respect devant ces rudes paysans,

A

Cybèle,

bonne heure,

la

Vous vous

sentez pris de

compagnons des grands bœufs,

armés de faux, nourriciers des hommes.

La Tondeuse

!

tombeaux égyp-

la vieille

guerriers

»

de moutons n'était qu'une petite toile d'une

exécution affinée. C'est la première pensée de la grande Tondeuse de 1861. Celle du Salon des Menus-Plaisirs n'était encore

qu'une promesse, mais savoureuse. Cette jeune peine touché au

mouton en

lui

enlevant sa laine,

fille,

qui a à

charmante

est

avec ses précautions maladroites.

Théodore Pelloquet représenta Millet comme un peintre qui apporte

poétique

et

comme un

un élément nouveau dans d'une

savant

idée

restée

de haute stature

artiste

l'art,

et

comme

inexplorée,

jusqu'ici le

l'interprète

plus fort de notre

époque. Pelloquet, jusqu'à sa mort,

Quand presque violentes,

il

ne cessa de suivre Millet serait

un jour

Pelloquet n'était ni son ami, ni

ou l'approchèrent suite

fidèle

dans sa critique.

tous eurent retourné leurs louanges en attaques

grand peintre qui

Ala

demeura

:

il

ne

le vit

et

d'en parler

la gloire

même

comme du

de notre temps. Et

de ceux qui

le

connurent

jamais.

de l'Exposition de i853, Millet obtint une médaille

de seconde classe.


J

EAN-FRANÇOIS .MILLET,

Son Repas des Moissonneurs

145

acheté par un Amc'ricain

fut

et

deux autres tableaux par M. Hunt.

ses

M. Hunt Couture,

habitait Paris depuis plusieurs années. Élève de

s'était épris

il

des tableaux de Millet,

plus paisiblement l'homme

peintre,

menant

installation à Barbizon, y

Américain

et le

et,

pour étudier une ample

s'était fait

il

la vie agitée et

joyeuse de tout

au bon pays de France'.

fixé

D'autres étrangers

que M. Hearn-, peintre,

tels

M. Bab-

et

cock, à qui Millet avait donné quelques leçons en 1848, venaient

M. Hunt.

visiter

comme une

y eut ainsi

Il

colonie d'artistes, dis-

ciples fervents de Millet, qui, par leurs acquisitions, allégèrent

un peu

sa gène.

Mais ces bonnes fortunes comblaient à peine les

trous qu'avait creusés une existence toujours

que Rousseau, Millet avait pour

marchands, inquiets boulanger,

de

le

presque féroces,

seul de l'endroit,

supprimer

lui

et

le

se

de i853. Diverses œuvres de

l'artiste

Hunt retourna aux

retrouve dans

qu'il fallait apaiser

un

:

un

épicier était

devenu son plus

les

catalogues des Salons de iS52 et

américain ont également figuré aux Expo-

i855 et de 1867. Après avoir été longtemps des nôtres,

États-Unis. Fixé

d'abord à Newport, ensuite à Boston,

conquis

une

français,

ceux de Millet particulièrement,

place

petits

Brattleboro vers 1825, mériterait d'être

à

connu en France. Son nom sitions universelles de

un groupe de

menaçait, en l'invectivant,

le

pain quotidien;

William Morris Hunt, ne

1.

satellites

De même

difficile.

importante

dans

de son pays.

l'art

et

aimait

Il

les

en possédait plusieurs.

il

Il

il

a

tableaux peignait

des portraits, des sujets de genre, des scènes militaires. Habile dans l'enseigne-

ment, livre

il

a

formé quelques

publié en

élèves.

Au

jours de septembre 18-1).

besoin,

il

d'un

D'après des renseignements particuliers, que

les jour-

suicide ne semble pas inadmissible.

Hunt dans

\'Ac\ideinj'

On

du 27 sep-

(M.)

Richard Hearn, né à Correagh

élève de Couture.

Babcock

est l'auteur

mort à Boston dans

est

trouvera une courte notice sur William Morris

2.

Il

premiers

Hunt

naux n'ont point connus, l'hypothèse d'un tembre 1879.

savait écrire.

les

1S75, Talks on art.

Il

(Irlande), était,

a exposé à Paris en i852,

en 1857

est resté jusqu'au dernier jour le fidèle

ami de

comme William Hunt, un et

en iS5g.

Millet.

M. William

I.M.)

10


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

146

garnisaire

un

;

fournisseur parisien

lui

vente des meubles

de

l'atelier

et

envoyait

une solution toute naturelle, jour ni une heure à sirent

l'artiste

De

!

je relis les lettres

malheureux,

patient

lui apparaissait

comme un

ne voulait accorder ni

pareilles scènes se reprodui-

je

que Millet m'écrivait en ces temps

il

raconte

dignes, calmes, et

vois toutes

les

procès-verbal de ses tortures. ;

il

du

les huissiers et leur suite; la

de Millet

et

l'antipode

pendant plusieurs années.

Quand

rien

de campagne

tailleur

le fait

Il

comme un

ne cache rien, ne se plaint de

brutal, et la triste vérité n'en paraît

que

plus poignante. ses cruelles confidences se terminent invariablement

Toutes

par ces mots

«

:

mon

Tâchez,

pauvre Sensier, de battre monnaie

avec mes tableaux; vendez-les n'importe à quel prix, mais en-

voyez-moi 100 car

le

francs, 5o

ou

temps approche où

Alors

je battais

aux amateurs, naient,

les

le

même

3o,

si

vous ne pouvez plus,

»

pavé de Paris, offrant aux marchands,

mon illustre ami. Les uns ricacomme un fou les autres, beaucoup

peintures de

ou me repoussaient

;

plus rares, achetaient, mais à des-prix dérisoires. Je frappais

d'acheter en

aux portes de mes camarades. Je leur

toute

acquisition à

mon

m'engageant à reprendre leur

confiance,

compte,

si,

résolutoire

:

«

peintre

et je

moi. Je

faisais

le

tableau

Décidément,

croyaient avoir

fait

ainsi certaines ventes,

et,

plus tard,

un mauvais marché. Je terminais quelques mois après,

me

me

ils

revenait avec la condition

disait-on, je ne

préfère toute autre chose. »

iionneur à

disais

me

fais

pas à ce

Nouvel embarras pour

mes engagements, mais par des

efforts

surhumains, par des emprunts, par des combinaisons, toute série des

embarras de jeunesse. C'est

ainsi

que

j'ai

la

acquis bien


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

147

des pages de Millet, en quelque sorte malgré moi

par

et

la

force

des choses.

Plus tard, d'avoir

amateurs récalcitrants eurent regret

certains

rompu

leur

tableaux; mais

je

marché

et

vinrent

me demander

ferme, ne leur disant que ceci

tins

mon

trop tard; vos peintures sont dans

sérail, elles

mêmes

ces

k

:

nen

à Gygès.

fit

recourez à

Temps

lui

:

Au

surplus,

vous servira.

Millet

moule

le

le

sjrti-

pas détruit,

n'est

»

d'épreuves, de combats, d'humiliations, d'inventions

pittoresques pour nous tirer tous d'embarras

dans

est

comme

ront pas et tout au plus vous autoriserai-je à les voir,

Candaule

II

brouillard des jours disparus que

!

Je ne les entrevois

comme un cauchemar

qui se transforme parfois en splendides clartés

convaincu que peut preuve matérielle;

l'être

que

car

j'étais aussi

un mathématicien en présence d'une que Millet

j'avais la certitude

peintre. C'était plus

;

la

confiance qui

me

était

un grand

poussait, c'était

la

vérité palpable et sans réplique.

De l'homme,

comme

à

un

je

n'en

parle

frère aîné, qui

fions de la vie;

comme

l'accueil toujours

à

me

pas.

J'étais attaché à

Millet

révélait les beautés et les attrac-

un sage au caractère toujours

égal, à

me

débar-

encourageant qui m'apprenait à

rasser de tout bagage inutile et m'indiquait les bons sentiers.

Ces temps d'épreuves sont passés. Millet

est

mort radieux,

mais tué, avant l'heure, par ces incessantes batailles où ses forces devaient être vaincues. sa peau.

«

Dans

l'art, répétait-il,

il

faut

y mettre

»

Malgré

tout. Millet ne désespérait pas.

qu'il accomplirait

à lui manquer. ses ennemis.

Il

une

belle carrière,

n'était

pas

triste,

si le

Il

avait la conviction

pain ne venait point

mais grave

et attentif à

tous


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

,48

Rousseau, à ce moment,

guère plus favorisé

n'était

leur

:

liaison avait été très lente à se faire. Millet, encore plus gêné

ne

lui,

confiait

lui

que sous une forme enjouée toujours sur

Rousseau, défiant,

mais enfin

embarras.

ses

souvrit tard à

ses

gardes,

Tun

à l'autre, et

se confièrent

que

entrèrent

Millet

;

alors

dans une communauté d'impressions qui exerça une

ils

ils

grande influence sur Rousseau. Vers i852, celui-ci consultait déjà son lui

ami sur

ses tableaux et ses projets. Millet osait parfois

en dire nettement sa pensée, chose

Rousseau.

.<

Mon

cher Rousseau,

pourront vous

i<

Il

bons

être

mes

je placerais

que moi

même

y eut

Il

figures

à

je

je

ne sais

si

les :

deux croquis que

je

vous envoie

tout.

Vous savez mieux

ce que vous voulez.

y a eu en ces jours derniers des

de dire que Dieu seul

je

tâche seulement de montrer où

dans votre composition, voilà

ce qu'il faut faire et

à accepter pour

quelques velléités de collaboration.

quelque chose

me

essayer de vous décrire, ne terai

difficile

de givre, que

effets

sentant pas de force à

le faire.

je

Je

ne vais pas

me

conten-

pu en voir de plus extraordinairement féeriques;

a

voudrais seulement que vous

les

eussiez vus.

Avez-vous terminé vos

tableaux? C'est que vous n'avez plus qu'un mois pour faire votre forêt est très «

soit

au Salon

:

il

faut

absolument

qu'il

y

Je tâche aussi d'être prêt. Je crois qu'en travaillant, j'arriverai.

tableau il

important que ce tableau

s'agit

commence

à se faire d'ensemble,

de travailler

Rousseau,

mais

je

crains les accrocs.

plusieurs nègres. Je vous dis bonjour,

vous donne un

et

Tout

comme

tas de grosses

ceci se passait en i852 et

et

il

soit.

Mon

Enfin,

mon

cher

poignées de main.

au commencement de i853,

en avril, époque où Millet perdit sa mère. Il

fallut aller

lui

succession.

tableaux

et

au pays afin d'y régler

Heureusement il

mois de mai.

il

le

partage de

la

parvint alors à placer quelques

put quitter Barbizon dans

les

premiers jours du


CHAPITRE XV VOYAGK

GRÉVILLE EN

A

RETOUR

l853.

BARBIZON.

A

UN AMATEUR.

DESSINS.

GREVILLE AVEC LA FEMME ET LES ENFANTS (1854). l'aBBÉ LEBRISEUX. ÉTUDES SUR NATURE, PROMENADES. LE PEINTRE DE LA " SOCIALE ». OPINION DE PARIS SUR MILLET. DOCTRINES DE MILLET.

SECOND VOYAGE

A

Mardi,

(c

Mon

«

sable

que

cher Sensier, mes frères

j'aille les

ifl5j.

qu'il est indispen-

Quoique

voir pour les aider à arranger leurs affaires.

ne m'y entende guère,

il

faut

que

je sois là.

vous voir avant de monter en voiture jour, adieu et

sœurs m'écrivent

et

m.ii

j

;

Je pars jeudi;

dans tous

vous souhaite bonne santé. Je

dant une quinzaine. Je vous serre

la

ne

sais si je

les cas, je

vous

je

pourrai

dis

bon-

probablement absent pen-

serai

main. «

Millet partit seul dans Tunique

de famille. Réunis à Gruchy,

je

les

J.-F.

MILLET.

»

but d'arranger ses affaires

huit enfants de Jean-Louis-

Nicolas Millet se partagèrent l'héritage. François ne demanda,

parmi

les

meubles, que

chêne qui, depuis des père en

fils.

les livres

Sa part de maison

la

famille

ainsi

c^ui

et

l'armoire en

se transmettait indestructible

siècles,

sance à l'un de ses frères

du grand-oncle

et

de terre,

restait à

il

en laissa

Gruchy. Puis

le

la

de

jouis-

bien de

réduit en fractions minimes, Millet reprit

le


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i5o

chemin de Barbizon où

lui tardait

il

de retrouver sa

femme

et

ses enfants.

Les temps devinrent moins durs. Millet avait trouvé un

mince

filon qui lui permettait

de fournir au plus

Plusieurs amateurs aimaient ses dessins

augmenter

d'en

une vraie

faisait

pas un connaisseur médiocre.

notamment où

le

la

ne se lassaient pas

nombre. M. Atger, entre autres, ami de

le

Campredon, en

et

strict nécessaire.

Il

M. Atger

collection.

savait choisir et

il

n'était

a possédé

Gardeuse de montons, composition intéressante

crayon noir

se

mêle au crayon de couleur'. Les dessins

de Millet n'étaient pas alors ce que furent plus tard ces étonnants sujets rehaussés de pastel,

admirables qu'on

vit

après sa mort

homme

ne cessa d'être, un

qu"il

et,

mental des choses de

la

avec un style particulier

Ces dessins, pour

;

mais déjà

qui trouve

campagne et

plus tard encore, ces pages

et

le

caractère fonda-

en rend

une personnalité

l'artiste était ce

la

physionomie

saisissante.

plupart sur papier gris ou bleu relevés

la

de touches de gouache blanche, ombrés par coups d'estompé,

comme

sont exécutés vivement, sujet.

se

Presque tous,

ils

par un

artiste

maître de son

sont la pensée mère de Millet

transforment plus tard en pastels ou en peintures,

geront pas de dispositions ou

dans

la

vision de Millet

;

car,

médité, délibéré, cherché;

en quelques

était

traits

d'effets. il

et,

complète

L'image

et, s'ils

ne chan-

était fixée à

jamais

n'accomplissait rien qui ne fût

lorsque l'œuvre surgissait,

elle

et définitive.

Millet s'attristait cependant d'être réduit à fatiguait sa tête

ils

;

ce travail qui

par des inventions, toujours renouvelées, quand

Les dessins de la collection de M. Atger ont été vendus à l'hôtel Drouot mars 1874. Le catalogue n'enregistre pas moins de vingt-deux crayons ou

1.

le 12

pastels de Millet. Les prix additionnes

donnent un

total de !i,qo5 francs. (M.)


o

S


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i52 lui vint

il

une bonne fortune, à

mécomptes.

Un

sauveur.

Barbizon, jeudi, 19 janvier iBs+.

«

Mon

«

que

cher Sensier,

me

il

pourrait

il

voudrait.

en

d'après

un croquis

été, s'il

ne

l'est

venu

effet

Voici ce que

j'ai

jusqu'où vous pourrez

à

une journée ou deux

faire ce

je ferai, soit

que

et le Je

qui met du pain dois lui faire,

je

un

a

je

du attendre

si

veau toute

qui a

fils

fond de

la

le plaisir, si

d'argent depuis

somme

pour M. Atger, voyant

pour

les

s'est

me

reste juste

tard;

et

le

Hol-

mais de

;

fortes

trouvé à découvert.

l'argent, envoyez-le-

francs.

Vous me

mais encore avant-hier

la journée,

faire

deux

le

pre-

à la

pour

soit

vous

5o francs

fonds baisser, con-

le susdit

bourse

avancé

très

casuel m'absorbe...

vous demande quant à

que

vous parler m'a empêché de

le

Faites-moi

à faire des dessins

il

comme un

:

autres. Je comptais,

tout de suite, tout de suite,

étendu

que

Je vous rembourserai cette

moi

n'aurais pas

lampe, mais

la

somme quelconque

aller.

pour cinquante

vous pouvez

Femme

Ce monsieur

francs.

vous demander

migraines m'en ont empêché Si

la

Rousseau.

mière livraison de besogne que

sacrer

m'a acheté

quand quand

quoique toujours interrompu, au tableau

pouvez, de m'envoyer une

landais, soit

il

de lui indiquer

qu'il pourrait venir

autre petit tableau

pour 400

qu'il a vu,

plus, élève de

Je travaille,

hier,

un

francs, et

du Hollandais, Femme cousant à «

me demandait

voir à Barbizon. Je lui ai répondu

Il est

au four, pour 800

(1

reçu samedi dernier une lettre d'un M. Letrône,

j'ai

ne connaissais pas, dans laquelle il

je

qui n'avait jamais eu que des

amateur, un bienheureux amateur, se présenta,

comme un

fut accueilli

et

lui

je

direz

suis resté

hier la visite dont je viens de

Je vous

grand'chose

donne plusieurs

poignées de main. «

On

trouvera peut-être que

de Millet, sa misère. D'un et,

quand on

orages de le

le

la vie,

je

dévoile

MILLET.

un coin

homme comme

voit, toujours digne et

J.-F.

secret

lui tout est

on conviendra que

et

de

la

une abnégation

si

vie

précieux,

serein au milieu

répondre à tant d'inquiétudes par

calme, l'amour de son art

))

le

des

travail,

persévérante,

sa pauvreté doit le rehausser encore

dans


JEAN-FRANÇOIS MILLET. l'estime de tous. Si Millet eût été

une non-valeur, qui songerait

à soulever un pan de son manteau

Le nouvel amateur découvert,

belle

cette

il

:

passant. Rousseau l'avait

commanda deux

composition

:

Femme

poules, dont le prix fut tixé à la

un

bonnes surprises. M. Letrône ne

les

beau chemin

si

pas

?

selon son habitude discrète, l'adressait à Millet

et

Rousseau aimait en

n'était

i53

:

s'arrêta pas

autres toiles, entr'autres

manger aux

qui donne à

somme énorme

de 2,000 francs.

encore, d'une scène empruntée au trivial de

la vie,

Millet a

dégagé une action presque solennelle. La femme, du haut de ses trois

tresse

marches de

grès, jette le grain à terre

comme une

pré-

de Gérés.

Millet était riche de près de 2,000 francs

employer ce trésor

A

?

et partit

allait-il

rendre son intérieur confortable, à jouir

des douceurs d'une existence de capitaliste à son pays

Comment

!

Nullement.

?

Il

songea

en juin 1854, avec tous ses enfants, pour

la

Hague. «

Mon

«

cher Sensier,

je

pars pour

à-dire que j'arrive à Paris demain, soient pas trop fatigués en

temps de puis, ce

vous

ne

Fétre. Je

ne sera pas

revoir.

Je

faute. Je

compte

juin

pourrai vous voir

;

afin

que

comme

dans

lundi, c'estles enfants

auront bien

qu'ils

en tout

vous souhaite bonne santé

revenir

185.^.

ma Normandie, demain

pour partir mardi,

montant en diligence, vu

sais si je

ma

Dimanche, i8

cas, si je et

un mois.

ne

ne le le

au plaisir de Poignées de

mains. «

Parti pour

A

Gréville,

un mois, il

il

resta quatre

J.-F.

et

•>

mois absent.

ne retrouvait plus ni son père ni ses deux

mères. Ceux qui n"avaient point abandonné

sœur aînée

MILLET.

un de

ses frères, c'est-à-dire

le

village étaient sa

une autre génération.

Les anciens témoins de sa jeunesse reposaient sous

le

gazon du


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i54

cimetière. Les premiers jours furent tristes. vie active de la

maison

pur des

Tair

et

Mais

les

champs,

la

falaises le rendirent tout

entier à ses entraînements naturels. Il

voulut peindre,

il

dessina,

et,

reproduisit religieusement tout ce

maison,

la

le

jardin,

pâturages,

les

11

les

le

que

que par

on peut

légers frottis.

une vingtaine de quis.

Son

sa famille avait possédé

dessins,

et

Il

fit

avec une délica-

le dire,

de sa pensée, ne touchant à ainsi quatorze peintures et

remplit deux albums de cro-

il

une moisson de

village lui aurait fourni toute

L'abondance de Millet ne

rustiques.

:

chemins couverts du domaine paternel.

peignit ce coin de terre,

toile

fils, il

pressoir, les étables, les clos, les haies,

tesse filiale, n'osant dépasser la fleur la

avec Tattention d'un

pas sur

tarissait

sujets

la

terre

natale. Il

voulut aussi parcourir

landages,

les

demeures des maîtres

vieilles

fermes deux ou trois

alentours de Gruchy, revoiries

les

fois centenaires, les

d'autrefois,

dunes,

vants, les criques, les grèves, les défilés incultes territoire

de Voville.

Il

rapporta de rapides l'aquarelle, notes

y

fit

fixés

sommaires qui

mou-

les sables

et terrifiants

des excursions avec sa

dessins,

les

ensuite à

du

femme

et

en

plume

et

à

la

lui servirent plus tard

pour

ses

compositions.

Un

soir,

sonner;

revenait à son village;

se trouvait à la porte

il

Il

entra

Il

attendit, et,

;

il

il

vit

près de l'autel

quand

le

cement sur l'épaule en C'était l'abbé Jean c'est

vous,

mon

de

un

ï Angélus venait

la petite église d'Éculleville.

vieillard à

genoux qui

vieux prêtre se releva, lui

il

disant à voix basse

lui <(.

:

brassèrent en pleurant.

le petit

François!

«

priait.

frappa douFrançois.

Lebriseux, son premier professeur.

cher enfant...,

de

et

ils

«

Ah

»

!

s'em-



JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i56

Et

la

psaumes,

les

«

— je

-vous

Et

les

bréviaires, lui répondit xMillet, c'est là

que

François,

Bible,

l'avez

oubliée?

relisez-vous?

Ce sont mes

puise tout ce que

je fais.

Voilà des paroles rares pour moi en ces temps-ci,

Virgile, autrefois

— — semé,

?

Je l'aime encore.

Allons, c'est bien il

a poussé

tombée de Millet à

Le séjour de V

fit

Il

sorte d'une

:

la nuit.

Gruchy

son avenir.

fut profitable à

raviva en images plus précises

lieux, source

mon fils où j'ai mon enfant, » et ils

récolte de sujets caractéristiques qu'il n'épuisa

une ample

jamais.

suis heureux,

je

;

vous qui récolterez,

c'est

;

se séparèrent à la

11

Vous aimiez bien

mais vous en serez récompensé

l'abbé,

lit

première de ses sensations.

manière indélébile,

les

souvenir

le

en

Il

principaux

fixa,

de ces

en quelque

traits et

les ori-

l'attendai-ent

de nou-

ginalités spéciales.

Bientôt

il

reprit

le

chemin de Paris où

veaux travaux, de nouveaux mécomptes. Et cependant son

nom commençait à grandir. Le

rustique de Millet avait tion, réelle et

réfléchir la jeunesse

fait

pensive tout à

la fois, avait suscité

nation de certaines gens tout un et sociales.

frère

monde de

Les uns prétendaient que Millet

de Pierre Dupont,

de Lachambaudie,

le

le

;

nouvel art

cette traduc-

dans l'imagi-

pensées politiques était

en peinture

chantre des paysans, l'éloquent

fabuliste des misères

le

allié

du peuple. Le Semeur

maudissait, disait-on, la condition du riche, puisqu'il lançait

avec colère son grain vers de

l'artiste et essayait

le ciel.

Chacun commentait l'œuvre

de s'en faire une arme.

Millet ne se croyait ni

si

important, ni

si

révolutionnaire.


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Devenir un peintre de

la

Jacquerie, c'était trop compliqué pour

Nulle idée subversive ne bouillonnait en

lui.

sociales,

:

«

voué à

ne voulait en connaître aucune. Le peu qu'il en

il

Mon programme, la

est-il écrit

pas

!

peine

du

depuis des siècles

Ce que

tout

le

mieux, à devenir

Tu :

monde

Le

et

il

répétait sou-

car tout

homme

est

vivras à la sueur de ton front,

destinée

immuable qui ne changera

devrait faire, c'est de chercher c'est

fort et habile

son voisin par son talent la seule voie.

c'est le travail,

corps.

progrès dans sa profession,

moi

Des doctrines

lui.

avait entendu dire ne lui semblait pas clair. Et

vent

iS-

de s'efforcer à toujours

dans son métier

sa conscience

reste est ré\erie

ou

au

et

n

faire

à surpasser

travail. C'est

calcul,

le

pour


CHAPITRE XVI EXPOSITION UN'IVERSF. LI. E DE 1633. n

PAYSAN GREFEANT UN ARBRE.

THÉOPHILE GAUTIER.

>'

ACQUISITION DU TABLEAU DE MILLET PAR UN AMERICAIN CHIMÉRIQUE.

THÉODORE ROUSSEAU.

Depuis

au monde

trois ans,

entier.

"

LE HAMEAU COUSIN.

une exposition universelle

vient de la grande fête de :

France

immense concours. On

se sou-

i855.

Nos

tisans.

fois

de sa

vie,

Tous ceux de

vingt ans revinrent trèrent

le

artistes furent

Delacroix, à jamais reconnu

français, en fut le triomphateur, et

première

annoncée

était

théâtre, et la

Paris devait en être

conviait toutes les nations à cet

acclamés

LES ENFANTS.

'

le

maître des maîtres

Théodore Rousseau, pour la

ne trouva plus devant

lui

que des par-

ses tableaux qui avaient été refusés

comme

plus

les

des exilés ^•ainqueurs,

pendant

mon-

se

et

lumineux à ce Salon cosmopolite. La réaction contre

rinjustice de l'Institut

pour FÉcole de i83o

était

venue;

alla jusqu'à l'enthousiasme. C'était peut-être trop, et

qui prévoyait l'avenir, avait crainte

vement trop emporté pour

elle

Rousseau,

du contre-coup de

ce

mou-

être durable.

Millet avait préparé et

longuement étudié un

Virgile, son poète favori, lui avait inspiré

:

Insère, Diiphnc, ptrns; carpent tua prima nepotes.

sujet

que






JEAN-FRANÇOIS MILLET. une scène bien simple

C'était

un paysan

:

femme

arbre, dans son jardin, près de sa

iSg

du

livret,

motif suscitait

en

lui

famille,

pour

de son enfant.

et

Millet avait été très sobre en sa notice

paternelles pensées ce

un

greffant

mais que de

Homme

!

de

la

songeait à Tavenir des siens, au père qui travaille

il

ses successeurs.

Son oeuvre

fut

d'une description

comprise. ThéophileGautier

lui

l'honneur

fit

:

Nous commencerons notre revue champêtre par le tableau de M. JeanFrançois Millet, un Paj-san greffant un arbre. Bien ditTérent des maniè«

ristes

M.

en laid qui, sous prétexte de réalisme, substituent

le

hideux au

vrai,

Millet cherche et atteint le style dans la représentation des types et des

Son Semeur, exposé

scènes de campagne.

une noblesse

grandeur

et

manière

mais

;

le

rares,

quoique

geste par lequel le

v

il

a

quelques années, avait une

sa rusticité ne fût atténuée

en aucune

pauvre travailleur envoyait au sillon

le

si

beau, que Triptolème guidé par Cérès, sur quelque bas-

relief grec, n'eût

pas eu plus de majesté. Pourtant un vieux chapeau de feutre

blé sacré était

tout roussi et tout déteint, des haillons terreux, sière,

formaient tout son costume. Le coloris

tristesse, l'exécution solide, épaisse,

une chemise de

était sobre, austère

Mare au

la

jusqu'à

la

presque lourde, sans aucun ragoût de

touche. Cependant ce tableau faisait éprouver la

commencement de

toile gros-

même

impression que

le

Diable, de George Sand, une mélancolie

solennelle et profonde. «

Le Paysan greffant un arbre

plicité,

sont une fois fixés sur le

fond,

est

une composition d'une extrême sim-

qui n'attire pas les regards, mais elle.

Au

les

retient

longtemps, lorsqu'ils

milieu d'un verger, dont une chaumière occupe

un homme, vêtu d'un

gilet

de tricot

et

d'un pantalon de grosse

insère la greffe dans l'incision d'un jeune tronc d'arbre

avec tout

le

soin que

demande

cette délicate

coupé

opération.

A

à

côté de lui,

corbeille posée à terre contient les choses nécessaires à son travail; sa

ayant un nourrisson au bras,

femme de

n'est pas jolie, certes

la vie rurale,

mais

il

:

la

le

regarde d'un air intelligent

L'homme,

tant

il

le pli

souple

et

une

femme,

grave.

La

beauté des paysannes passe vite aux fatigues

y a dans sa

tête

dans sa pose une grandeur tranquille,

une draperie, dont

étoffe,

mi-hauteur,

et

bien

une expression pensive

et le

ce

touchante,

coin de son tablier relevé lui

jeté se

sent l'importance de

et

pourrait tailler dans qu'il

fait,

a

l'air

le

fait

marbre.

d'accomplir


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

ibo

quelque nité

rite

d'une cérémonie mystique

champêtre; son

sourde

comme

et

aux lignes

profil sérieux,

d'une sorte de grâce

et d'être le

Que

enveloppe

détail, et

une

mornes sur

ce fond grisâtre, accomplissant

vous font rêver, lorsque

il

:

exprime

les idées les

comme

laissent froid

intime des champs

est

l'art

les

s'est dit

virgilien.

-

tout cela,

traité,

Tout rustique

il

il

fait

;

le

semage,

moisson,

la greffe

des héros? Sans doute,

des Géorgiques peintes où, sous une

familière; n'avait-il

est

et grec,

une originalité des plus farouches?

»

doute à sa pensée. Le défaut

trop assourdie, dans

donnait pas assez de vie à

la

et fine

nieuse, disait

dans

Du

les

la

tons de sa robe

Pays,

fait,

un procédé qui ne

fernme !

à distance,

!

Quelle couleur

Cette peinture

«

l'efTet

harmo-

d'un tableau de

grand maître, qu'on n'apercevrait qu'à travers un crêpe... dans

la sévérité d'aspect

fortement, l'austérité

du

fut

style.

le

pas l'un des moindres.

les

a,

Il

ses admirateurs.

trouva un Américain c'était

Pactole. L'Américain resta invisible, mais

louis d'or par

y

»

qui l'achetait 4,000 francs comptant; 4,000 francs, Millet

Il

de ce tableau, quelque chose qui prend

Le Paysan greffant un arbre eut donc Rousseau ne

était

lumière; mais quel dessin grave,

quelle belle attitude que celle de

tendre

la

poésie

la

dans leurs figures

leur grandeur? Pour-

et

comme

et,

une page éloquente. Gautier n'a pas voulu formuler

gamme un peu

la

Ces deux figures

détaché de l'arbre, un sujet historique

l'objection qui se présentait sans

dans

comme un

vulgaire, vous occupent

fait

qu'il est, l'antiquité lui

Œdipe

faut l'avouer, avec

C'est là

pas

une couleur assombrie, palpite un mélancolique souvenir

et

pas débuté par un

mais

et

!

que M. Millet comprend

quoi des paysans n'auraient-ils pas du style

M. Millet

personnages

paysans qu'il représente,

sympathie pour eux

sa

un

ne sont-ils pas des actions saintes, ayant leur beauté

forme pesante

manque

une couleur

plus ingénieuses, adroitement rendues,

glace. C'est

aime

les

singulière chose

rustique.

résignées,

:

étouffée à dessein revêt cette scène de ses larges teintes

épais tissu

vous

fortes et pures, ne

tout en gardant le caractère paysan

triste,

où ne papillote pas un seul

et

prêtre obscur d'une divi-

pour

paya en

mains de Rousseau. Ce généreux étranger


1

JEAN-FRANÇOIS MILLET. voulait garder

i6r

Tanonyme. Quelques semaines plus

apprenions que

fabuleux Américain

le

était

tard,

nous

Théodore Rousseau

lui-même, qui avait voulu masquer sa bonne action'. Déjà,

Tannée précédente,

du fumier,

belle

avait acheté à Millet

il

un Paysan répandant

page où Taction de l'homme s'affirme grave-

ment, au milieu d'un grand paysage de novembre.

L'année i855

fut assez

de diminuer son passif

et

heureuse pour Millet

souvenir

époque

et

de son pays,

exact

permit

la

qu'il

vue du

Hameau

commença

à cette

qui ne fut terminé que dix-neuf ans après. L'Attente,

qui met en scène

le

père

et la

mère de Tobie,

avancée du premier coup; toutefois,

très

elle lui

de consacrer son temps à quelques

tableaux qu'il avait médités, entre autres Cousin,

;

il

fut dessinée et

suspendre

fallut

et

courir au plus pressé. Cette sorte d'aisance ne devait pas durer. Millet avait de

lourdes charges, une grande famille augmentée de deux de ses frères, qui avaient

dans

et protection

comme

abandonné la

le

pays pour

lui

demander

vocation d'artistes qu'ils voulaient suivre

Millet fut pendant longtemps leur maître

lui.

asile

et

leur

appui.

Cependant, jusqu'à

la fin

de i855, tout

alla à

peu près sans

entraves. Millet aimait à voir à sa table tous ses petits enfants, ses

amis

et

nombreuse don,

ceux qui s'intéressaient à son et

etc., s'y

vu souvent

rendaient avec plaisir,

triste

I.

ses

une réunion

toujours gaie. Rousseau, Diaz, Barye,

de gaieté tout à l'esprit;

art. C'était

dans fait

Millet,

ses lettres, prenait

entraînante. Sa

paradoxes, ses

Nous avons raconté avec

sur Théodore Rousseau, 1872,

et

p.

avec eux une pointe

pétillaient

de'tails cette

226-227. (^-

que nous avons

bonne humeur devenait de

railleries

plus de

Campre-

de

anecdote dans

traits

les

S-) 1

co-

Souvenirs


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i62

miques

et

mordants. Et quand un autre prenait

la parole,

voyait pendant des heures tracer dovicement sur la

le

nappe avec

la

hasard plaçait sous ses yeux. Millet n'interrompait

jamais son enfantement songeait ou notait

choses

les

;

:

à l'atelier,

avec ses amis,

plus ordinaires

;

et,

devant

lui el

peignait; au dehors,

il

traçait

il

machinalement

surgissait

s'il

perspective, de forme, de dessin,

comme nous

ses belles oeuvres. Aussi,

heureux, lorsqu'il partait de Paris pour Barbizon, pleines de gâteaux et de joujoux

plus ces sombres soirées où

pour

n'avait

:

«

Ah mes !

trits; et,

la

pour

le

ses enfants

les

Ce

!

voyions

le

poches

n'étaient

revenait les mains vides, et où ,

aux

il

qui

insatiables

pas de sa porte, quelque belle chose de

pauvres enfants,

marchande

les

il

pour

aux impatients

réponse

demandaient, sur

boutique de

était

suis parti trop tard, la

je

fermée.

»

Tous

rentraient con-

consoler, Millet n'avait d'autre ressource que

de leur conter des histoires Malheureiisement,

les

ciers passèrent vite, et le

et

de leur chanter des chansons.

semaines sans nuages

et

sans créan-

premier jour del'ande i8561ui apporta

tristes étrennes.

I.

C'est en i855, après avoir terminé son tableau

que Millet grava à l'eau-forte cinq sujets rustiques autres avaient été aussi gravés par les

problème

l'avait résolu'.

il

une partie de

Paris

les

une question de

avait figuré le

il

il

employa laborieusement l'année à concevoir et à préparer

Il

de

le

pointe de son couteau les images qui occupaient sa vision

on que

lui

on

publia

pas.

lui,

mais

Quelque temps auparavant,

il

il

pour l'Exposition universelle,

qu'il

fut

mit bientôt en vente. Deux

mécontent de

la

morsure

et

ne

avait tenté des essais sur cuivre et

sur zinc qui étaient trop peu importants pour être montrés. Plus tard,

il

grava

encore d'autres planches. Enfin, indépendamment des dessins qui ont été gravés par Adrien Lavieille,

il

a taillé

lui-même plusieurs

bois. (A. S.)


CHAPITRE XVII — —

l856.

LETTRES DE MILLET. LE

«

DISETTE.

ÉPREUVES.

LE BERGER.

CREATIONS NOUVELLES.

LE « BERGER AU PARC LA NUIT ». BERGER RAMENANT SON TROUPEAU LE SOIR ». — SUPPLICE. PAROLES DE MILLET. VENTE DE CAMPREDON. •

L'année

i856

suivantes peuvent être notées, pour

les

comme

maître,

l'illustre

et

des époques de famine

et

d'épreuves

extrêmes. Baibizoïi,

Mon

«

i"''

janvier 185Û.

cher Sensier, voilà décidément Theure du gâchis arrivée. Je viens

de trouver en rentrant une sommation d'iiuissier pour payer, dans quatre heures pour tout délai, à M. X..., tailleur,

Cet

homme

billet

pour

agit le

comme un

mois de mars. D'un autre

et

côté, G... a refusé

gements?

une chose acquise

Un

et

payez

!

!

— Oui,

et

tout

bon sens de

me

côté

le

60

cent.

:

lui ai dit,

je

du pain

et

a été

va passer chez moi une

manque

dans

mon

pas de gaieté.

ignorance, que

la loi

un

piège,

vous offrant

mois vous apporter

le

crédit

sa facture et

ne connaît pas toutes ces choses-là; vous

Cela m'a en grande partie expliqué

affaires et, autant qu'il

fr.

prévue. La loi n'admet donc pas des arran-

arriver au bout de six

vous forcer de payer devez,

et

fournisseur peut donc vous tendre

pour une année

Il

de créanciers, ce qui ne

Je viens de voir l'huissier

«

crédit était

somme de 607

vampire, puisqu'il avait promis d'accepter un

d'une grossièreté révoltante... Enfin ca j" est! procession d'huissiers

la

les vingt-

semble,

11

mon

faut mettre tout

pour apprendre

ce

qu'on

inaptitude aux

raisonnement droit

nomme

la

chicane, qui


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i64

de rouerie

n'est plus qu'affaire

procéder que

me

main au

la

le dire et tout

refus de paiement

moi, car

j'ai la

collet,

de suite, car ;

je

et

de subtilité. Puisque

comment

me

vont-ils

ne puis admettre

je

la

la loi a le droit

traiter

tète dure,

que peuvent

ce

vous pourriez vous révolter contre dire

disiez

:

On ne On peut :

violence de la

loi

qu'au

faire des

gens qui veulent agir en

les

par

leurs actes, car

choses qu'on peut faire avec la loi

doit pas faire cela, c'est odieux, etc.. Je veux que vous faire ceci

Rousseau, à qui

«

de ne

Je vous prie de

croyais qu'elle devait engager à la conciliation. Dites-

toute rigueur et dont la conscience ne peut être troublée

me

?

ou

j'ai

et

me

cela.

raconté les réponses de l'huissier, en est suf-

foqué «

Réponse de

suite.

Poignées de main. « J.-F.

Je ne

donne

cette lettre

que

comme un

MILLET.

B

spécimen de la triste

position de Millet et de ses inquiétudes. J"ai là sous les yeux,

par mois, par semaine, quelquefois par jour, une sorte d'invende ses tortures. Cette correspondance douloureuse,

taire

m'abstiens de

la

reproduire.

Bien d'autres tinte

sans cesse à

suivent

lettres se l'oreille

comme un

de Millet. Le mal de

corps l'assiègent sans relâche. Enfin, quand les siens,

il

jetait ainsi

cessait entre ses rares

amis

nulle fatigue ni impatience. l'on trouvait si

il

glas funèbre qui l'esprit, celui

souffre trop

du

pour

appelle au secours.

Lorsque Millet

savait

je

:

un

cri

d'alarme, toute distraction

nul commentaire, nulle explication,

On

se concertait,

une prompte combinaison pour

inhabile à faire de

l'or,

on le

s'ingéniait, et

sauver.

que nous cherchions à

le

On

le

rendre

à la paix.

Ces

lettres sont

pour moi tout un passé de grands jours

de nuits malfaisantes, où le bien

heureux

Millet, et

et le

mal

se heurtent sur le

et

mal-

ses convictions, sa religion, sa misère

sont sans cesse aux prises avec la destinée

!


JEAN-FRANÇOIS MILLET. me

Devrais-je

ensevelir dans

taire et

gnages de ce passé douloureux les

plus intimes, doit-elle être

La

?

vie,

i63

l'ombre

les

témoi-

avec ses meurtrissures

murée comme celled'un supplicié?

Et qui donc se souviendrait, après nous, des épreuves de Millet

dans

grande chronique de

la

l'histoire?

famille n'en porteront plus témoignage,

mes amis, qui donc

lirait,

homme

seulement qu'autrefois j'avais

digne

courageuse,

et

et

quand

j'aurai

de bien

et

et

sa

rejoint

cinq cents

de génie

me

époques funestes. Je

J'avais presque oublié ces

nais

femme

sa

étudierait, scruterait ces

journal d'un

lettres, véritable

Quand

?

souve-

combattu pour une âme

ma

d'autres malheurs avaient épuisé

mémoire. Ces

lettres, je les

de confidences loyales. Avais-jele droit de

les

sont-elles pas les vraies lettres de noblesse

de

religieux, pleines

Ne

confisquer? Millet

Mais

?

poraine de

retrouve éloquentes, pleines d'un souffle

serait trop cruel

il

pour notre génération contem-

publier toutes.

les

donne aujourd'hui de simples

J'en

prouvé que

je

extraits, afin qu'il soit

suis encore au-dessous de la vérité. Si je repro-

duisais in extenso la correspondance de Millet,

on

se croirait

revenu aux légendes des affamés du désert. Je n'hésite pas sacrifie la

confidence entière de ses trop longs supplices

crises sans cesse renaissantes.

«

Ah! ma

mangent avant «

J'ai le

«

Si

fin

de mois, où

tout

cœur

la

Quelques fragments

trouver? car

il

faut bien

et

:

je

de ses

suffiront.

que

les enfants

!

tout enveloppé de noir.

vous saviez

comme

Favenir,

et

non pas

très éloigné,

m'apparait de

couleur sombre! Travaillons du moins jusqu'au bout. n

ma

J'ai

une

série

de migraines qui m'interrompt à chaque instant dans

besogne. Je suis très arriéré. Si

de mois!

»

j'allais

ne pas arriver pour

ma

fin


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i66

A

chaque

instant,

croit vendre,

il

il

ou retarde son payement.

teur qui se dédit

beaux dessins de Millet

Comme

«

mon

pauvre Rousseau

une grande preuve que ceux qui ont bon cœur

je

ensorcellement.

pense à ce

je

comme un

Je travaille

{les Glaneuses]. Je ne sais II est

ce ne soit pas «

de façon que

j"ai

qu'au physique

on

;

que

ce

moral, il

je suis

y a bien

mon tableau me donne.

signifie rien.

venues m'assiéger ce mois, mais

mon

temps. Je vous assure

en pleine démolition. Vous avez

peu d'endroits qui soient un

Le temps de ma

aussi

pour désigner

dette...

le

lieu

le lieu

de

comment Dante temps

qu'ils ont

Enfin, allons jusqu'où nous

»

Et enfin, lettre

A

:

ni

!...

On comprend

a fait dire à certains de ses personnages,

passé sur la terre

peux

je

par comprendre ceux qui soupiraient après

rafraîchissement, de lumière et de paix.

pourrons.

y a là-dessous

malheureux tableau ne

eu à peine un quart d'heure de

finit

êtes

encore un mois de travail tranquille. Pourvu

petites et grandes, sont

comme au

Il

finissons, car je ne

!

nègre pour tacher d'arriver avec

raison, la vie est bien triste, et

de refuge

Bah

une chose trop honteuse

Les migraines,

Vous

font le métier de victimes.

vraiment ce qui sortira du mal que

les cas, je désirerais

!

sujet.

certains jours oii je trouve

Dans tous

les

pas conscience des tracasseries de toute sorte

ne peux m'empècher d'abuser.

je

comme un

que

n'ose dire ce «

je n'aie

vous donne, mais

quelque chose

une

Rousseau

écrit à

:

vous prépare des ennuis,

je

N'allez pas croire que

que

Il

de son côté, ne trouvait qu'indifférence ou légèreté pour

qui,

que

y a promesse d\ache-

:

comme

cri

suprême,

il

m'écrit ces seuls mots sur

Venei, veuei!

travers ces feux croisés de malaises cruels, avec sa tête

toujours prise, ayant constamment l'inquiétude

croupe, Millet préparait ses plus belles œuvres V Angélus, nait avec

:

Teffroi

et les

Glaneuses,

Y Attente. Aussitôt que sa santé revenait,

un nouveau courage

sa maison de paysan

:

le

en

il

repre-

désir de vivre chez lui, dans


JEAN-FRANÇOIS MILLET. «

Je vais décidément beaucoup mieux;

projets d'achat de

maison

m'embarquer dans des

sont,

pour

affaires

dont

pour me gêner autant,

tant que,

je

167

recommencé

j'ai

à travailler.

Mes

le

moment, suspendus.

je

ne sortirais pas facilement, d'au-

J'ai

peur de

me

plaise

assez.

Hunt

est ici

depuis

ne trouve rien qui

J'attendrai. «

Pierre,

mon

plus jeune frère,

Barbizon.

est arrivé à

quelques jours. Rousseau viendra-t-il

;

MILLET.

« J.-F.

commence

Millet truit plus

pignan

tard, et

le portrait

tableau qu'il

fit

la

femme de Rousseau, M.

termine une peinture pour

il

un Bout du

,

de

pillage de Grépille.

plus tard en grand

11

P., de Per-

Cette année i856, année infernale, n'eut cependant

souffrait, plus

du

motif

C'est le

envoya au Salon.

et qu'il

prise sur l'esprit de conception de Millet.

dé-

Il

aucune

semble que, plus

il

s'imposait la retraite pour enfanter de grandes

il

choses. C'est alors qu'il fut profondément occupé d'une figure

rustique dont Barbizon lui fournissait

ceux de son pays

Le berger

:

le

n'est

un type plus puissant que

berger.

pas un campagnard

reurs ou des autres travailleurs des

Saint-Martin, qui la

le fait

Au

humide

printemps,

agneaux.

Il

troupeau.

De

sonde

couche à

vit seul,

il

son troupeau.

la belle étoile,

un person-

c'est

:

il

les

les

il

plus, c'est

cieux

et

à la découverte des

Il

est

le

le

à la

:

temps. Toute

il

la

il

va sur

moindres végéta-

guide, l'ami,

un contemplateur

prédit

pour

dans une cahute roulante

aide les mères brebis dans

soigne.

n'a

De Pâques

gardien nocturne de ses moutons. L'hiver,

terre encore

tions.

il

il

et

à l'image des labou-

champs

nage énigmatique, un être mystérieux;

compagnons que son chien

fait

le

venue des

la

médecin du

examine vie

de

les astres,

l'air lui est

familière.

Ce

solitaire

intéressait Millet.

C'est de cette

époque que


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i68

date

Berger au parc,

le

Tombre combat avec

la

la nuit

page étonnante de vérité, où

lumière blafarde d'une lune que Millet

a su peindre dans Tespace table

;

comme un monde

bizarre et redou-

où des bruits mystérieux semblent surgir des profondeurs

;

des plaines

;

le

coassement des grenouilles

et

le cri plaintif

des chouettes interrompent la voix du berger, qu'on aperçoit

dans

le

lointain

comme un

en proie aux maléfices de

être

la

nuit.

Le Berger ramenant son troupeau au

chefs-d'œuvre, a été composé

ses plus étonnants

un de

soleil couchant, et

presque

entièrement peint de i856 à \S5j. Personne n'a été insensible à ce

morceau homérique, à

cette figure qui passe lentement,

enveloppée de son manteau, conduisant à travers trovipeau docile, qui se presse et s'attache au berger protecteur. Et

nuées

et les

le soleil

tout

la plaine

comme

le

à son

rouge descend gravement à travers

les

brumes.

Plusieurs autres Bergers succédèrent à ces deux premiers. Il

me

m'en souvient de deux qui

frappèrent vivement

plaine

terre

deux hommes en

c'était le

:

de Lucrèce, la

la

plein soleil, piochant

berger presque heureux devoir,

misère des autres;

limousine sur

les

épaules

,

l'autre,

incliné

de l'Orient. Derrière

lui,

çant pour n'est plus le

le

berger heureux de

"Virgile,

la

comme l'homme

comme un homme l'infini, le

le soleil

mais

C'est de l'art

qui

nuage qui

baisse,

et

le pasteiir

sa

mena-

lendemain. Figure d'un caractère grandiose

pour son peuple de ruminants. et réel.

durement

on entrevoit son parc

cabane, qu'il va rejoindre bientôt; car

de

appuyé sur son bâton,

observe par delà l'horizon, quoi? L'espace, vient

l'un,

regardait au fond

près d'une roche à l'ombre d'un bois, la

:

;

ce

inquiet

moderne, humain






,n,

'i V,

=

x-rà ...

^M :J'iy^-^'

"\i

I,?'

%

(

T. y^-'i'

LE G ARDEUR DE VACHES. {

Dijssin de la collection de M"*^

Marguerite Sensier.)

'

.


JEAN-FRANCOIS MILLET.

'/"

dessin réfléchi, serré, en font une des plus belles créations

et le

de Millet. Aussi ne loublia-t-il pas,

paysage le

l'homme

corps, la fîère attitude de

La noble proportion du

est

plus important,

fit-il

type presque consacré par

lui

figurer ce rude berger

de

le

comme

vigilance rustique.

la

que l'imagination me

pas

Et qu'on ne croie

sur des toiles où

et,

tra-

fait

duire ces oeuvres de Millet en pensées qui lui fussent étran-

Ce que

gères.

consigne à propos de ces tableaux, ce sont ses

je

paroles répétées c'est lui

faire sentir à

m'a-t-il dit

fois

«Ah

:

ceux qui regardent ce que

splendeurs de

la nuit.

On

je

!

faire

lumière qui se lèvent

et disparaissent,

joies et les

malheurs des hommes;

s'effondrera,

ce

témoin impitoyable de

Un

soleil,

la

jour, entre autres,

horreur

!

si

et,

Ils

ne

bienfaisant,

les

à

»

les détails

montrant

n'a pas reculé d'épouvante, n'a pas arrêté sa

«

Hor-

le soleil)

marche.

mais

anciens

Ces

»

Millet n'aurait pas cru à

coutumiers

:

qu'un

sera

passé dans la forêt.

s'écria Millet, et celui-là (en

astres sont implacables.

des

quand notre monde,

nous entendions raconter s'était

et

éclairent tout

désolation universelle.

d'un horrible assassinat qui

étaient

les

faut percevoir

Il

depuis des siècles

avec une impassible régularité?

siècles,

!

entendre

N'est-on pas épouvanté quand on songe à ces astres de

l'infini.

reur

terreurs et

je fais, les

pouvoir

doit

voudrais pouvoir

chants, les silences, les bruissements des airs.

nous,

mais

!

Combien de

les

traduites insuffisamment sans doute,

et

un Josué moderne

de ces

apostrophes

;

;

ils

les

prenaient

pour

confidente ou pour témoin la nature entière, qu'ils appelaient à leur secours. Millet, tout plein de l'antiquité, poète

des plus émus, devait sentir

comme

les poètes.

lui-même

et






JEAN-FRANÇOIS iMILLET. Voici encore une difficile

à

écrite

lettre

Mon

Beugniet;

cher Sensier, ils

j"ai

fait

mon

la

Je lui

lui.

me donner

voulu

prix. J"ai

voir au caissier,

pour

année

deux dessins destinés

ici,

sont assez importants, surtout un, mais, malheureusement,

qu'il n'a pas

rabattre de

vait

cette

décembre 1856.

Paris, mercredi 3

apporté, en venant

n'étais pas convenu de prix avec

ce

de

lin

:

11

«

la

171,

;

mon

de

et,

demandé 60

ai

ne pouvais pas

côté, je

les aurait volontiers pris,

comptais pour un peu d'argent,

me

promis pour dimanche prochain

à l'épicierT....

Cet argent,

restent.

qui

me

je

je

formellement

l'ai

persécute chaque fois

me voilà recevant un renfoncement au lieu d'argent. vraiment comment m'y prendre pour tenir, ce que j'ai promis et

qu'il vient, et

je vais

a

ne se réser-

s'il

vente de Campredon, de sorte que mes dessins, sur lesquels

temps vivre, puisque

je

francs de chacun,

donc remporté mes dessins, que Léon Legoux

M. Atger, qui

à

rentrer à Barbizon avec

Je ne sais

en

même ma

10 francs dans

poche. Je suis on ne peut plus contrarié de vous parler de cela, vous sachant à court d'argent;

100 ou

mais

i5o francs,

si,

par hasard,

vous voyez le

dans un immense embêtement,

pour deviner comment t-il je

vous

de m'envover suis

vraiment

reconnais n'avoir pas assez de puissance

m'y prendre pour me

pour moi des instants un peu meilleurs

me

était possible

que vous mêleriez. Je

plaisir

et je

faudrait

il

il

?

Je n'ose

tirer

me

de

flatter

Viendra-

lit.

de cette idée,

sens au contraire des atteintes de découragement, sans que pour cela

puisse ou doive plier, ce qui serait

me

mettre encore plus bas

et

je

d'une façon

irrémissible.

Les dessins dont

«1

je

vous parle sont

restés chez

Rousseau, à Paris, dans

un carton sur son canapé. «

Bonjour

et

poignée de main. '

On

voit

que tout

lui

manquait

:

J.-F.

MILLET.

Campredon

était

1

mort,

sa vente prochaine absorbait d'avance les ressources des

et

rares

amateurs de Millet'.

(1)

Un

de nos amis a retrouvé, non sans

tableaux, dessins

et

predon. La vente eut

lieu

h l'hôtel

Drouot

un exemplaire du Catalogue des

effort,

estampes qui composaient

le

cabinet de feu

les 12 et

1

3

décembre

M. Louis CamCampredon

i85t"i.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

172

mon

pris

amis

courage à deux mains, plus riches

« les

une œuvre loterie.

une bouée de sauvetage. Je

à tout prix lui jeter

fallait

11

une souscription que

pie,

me

Personne ne

demandai, pour

transformerais en une

je

questionna sur

mes

frapper chez

d'autorité, je leur

et,

»,

et j'allai

On

la destination.

ras-

sembla cent francs, pas plus. «

«

je

Mon

cher Sensier,

vous remercie dix

j'ai

ou

sais lesquelles, car

ne

trois choses

expliquera Si

(1

dit

il

certaines clioses de

les autres

pas absolument

n'ai

le

spleen,

de pensionnaire,

titre

moi

qu'il veut pousser,

languiraient trop.

que vous m'engagez

plus victime qu'une infinité d'autres

qu'il n'en soit

mon

autrement,

cher Sensier

;

je

;

et c'est

!

Du

un

et

lui, très

reste,

j'irai

à

ne pas

me

il

croyant pas

la fatigue

me

n'aura pas tenu à

à Paris.

Poignées de main.

embarrassé; mais

MILLET.

J.-F.

»

pas Millet? Rousseau

aidait-il

les

était,

gens de Barbizon avaient

Indépendamment d'un choix précieux

délicat. il

vous

pour moi une grande consolation.

«

Pourquoi Rousseau n

ne

soit,

seulement peur que

j'ai

ne sais quel jour »

Ostade,

Il

au moins un profond embête-

j'ai

prenne. Voilà près de vingt ans que cela dure

était

dont

sujet de la vente de

ment mais sans aucune rage contre qui ou quoi que ce

comme

et

au

écrire

avec raison qu'il ne faut pas tout pousser, deux

seulement, pendant que

prendre chez moi à

.\dieu,

i8$(î.

cela... je

mes amis

décembre

soir, 7

reçu les 100 francs que vous m'envoyez

Rousseau doit vous

fois...

Campredon pour vous désigner je

Dimanche

d'eaux-fortes d'Adrien

Van

possédait deux tableaux de Millet, Retour de la forêt (vendu 122 francs)

Bacchantes

rouge, une

et

Satyres (vendu 265 francs).

Femme

Il

avait en outre

un dessin au crayon

mie, et dix-sept autres dessins au crayon noir, entre autres les

portraits de Victor

Dupré

et

de Vechte. Sauf un Lever de lune, qui

200 francs, ces dessins furent adjugés à des prix dérisoires.

Un

portrait et

fut

payé

une étude

échurent à Diaz. Théodore Rousseau acheta un Garçon de ferme, un Brick en

rade

et

une

l'âge d'or

Femme

pour

les

dans un

bois.

acquéreurs. (M.)

Ces

trois dessins lui

coûtèrent 120 francs. C'était


JEAN-FRANÇOIS MILLET. entière confiance en

créancier.

Il

Monsieur Rousseau, qui

1/3

savait calmer

ne pouvait rien directement, et cependant

prêtait à soutenir les prix

de

la

vente Campredon,

un

il

s'ap-

comme

ache-

teur auquel la famille accordait crédit. Quelle époque militante et

quels assauts

!


CHAPITRE

XVIII

LIDEE DE MILLET SUR LE BEAU. LES GLANEUSES 1. — OPINION DE LA CRITIQUE. SALON DE 1857. «

INTERPRÉTATION INEXACTE DE LA PENSÉE DU MAITRE.

Je ne sais ce que Millet pouvait penser de

immenses progrès qui doute,

s'étaient

Un homme comme pour ne pas

rien, et

des

dut s'apercevoir qu'il avait franchi un grand espace

il

lui

il

l'éclairer

était

il

en possession de son

Ses travaux étaient trop écla-

lui-même. Cependant

se retirait plus solitaire

il

n'en disait

que jamais dans son

ruminant longuement, sans communiquer rien à lettres étaient rares,

et

devait comprendre que sa pensée

se dégageait lucide et puissante.

tants

et

accomplis dans sa manière. Sans

que, désormais maître de ses forces, idéal.

lui-même

mais affectueuses

et

comme

ses

atelier,

amis

;

ses

détendues par

une tendre mélancolie. Ses affaires restaient lugubres,

dussent s'améliorer de et,

sitôt.

La

et

il

ne prévoyait pas qu'elles

place de Paris

lui était

hostile,

à l'exception de quelques amateurs et de rares marchands,

tous

le

teur

des

regardaient

comme

le

peintre

du

laid et le calomnia-

campagnes. Cependant Millet n'amendait rien à ce

sens rustique qu'il prétendait développer jusqu'à sa plus haute


JEAN-FRANÇOIS MILLET. puissance. « Tant pis, disait-il,

ma

peau, «

je

ne m'en dédis pas,

Qu'on ne

drir les types

risque

je

je la laisse.

terroir; j'aimerais

me donne

des mètres de toile à couvrir à

la

du

ma façon

en paix concevoir à

Sur ce «

de maçon

travail

terrain,

il

si

et

jolies,

réside pas dans figure et

me forcera

à

amoin-

rien dire

que de

des enseignes à faire,

comme un peintre en Ton veut; mais qu'on me laisse accomplir ma tâche, journée,

i'

était intraitable.

le

disait-on.

lui

visage, elle

Oui, oui, mais

dans ce qui convient à

sillon d'aoiit, à tirer l'eau

du

l'action

puits.

du

sujet.

La gloire de maintenant,

Vos

Quand

je

ferai

une mère,

sur son enfant.

»

notre époque, l'invention de i83o, chacun

est la

manifestation éclatante

Théodore Rousseau

et

Dupré en ont

Jules

été les

premiers

Ils

avaient compris que

des

les

colorations naturelles, la vérité exacte ont

droit

au

soleil

:

c'était

sant à cette pensée, la

ils

la

le sait

du paysage moderne.

pionniers. ciels,

jolies

bois, à glaner sur le

tâcherai de la faire belle de son seul regard

beauté, c'est l'expression.

beauté ne

la

rayonne dans l'ensemble d'une

paysannes siéraient mal à ramasser du

La

mis

ai

Mais On voit des paysans qui sont beaux, des paysannes

qui sont

je

j'y

»

mieux ne

m'exprimer faiblement. Qu'on

bâtiments,

paquet;

le

croie pas, ajoutait-il, qu'on

du

175

profondeur

un nouveau monde à

et les

plans leur

révéler. Et, obéis-

avaient négligé, sans s'en rendre compte,

présence de l'homme. Leurs œuvres étaient assez téméraires

pour absorber leurs

forces,

assez vibrantes

pour passionner

l'opinion.

Millet

voulut donner à l'homme

paysage l'importance, sa création

même.

la

grandeur,

le

rôle principal et

la vérité

au

d'une création dans


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

1-6

a

Jusqu'ici, Millet

comme

été

de sa tâche. Les

effrayé

paysages qui enveloppent ses figures sont secondaires,

A

un peu lourds. file

parfois

Texception du Semeur, qui, dans l'ombre, pro-

démarche sur un

sa superbe

et

ciel

émouvant

et

de quelques

autres petites toiles. Millet est toujours resté dans la tradition des

anciens

:

sacrifier le

paysage à

la figure.

Aujourd'hui, tout change. Millet a trouvé

désormais

neuses sur un

lumineux,

ciel

de

A de la

l'effet,

qui

la vie

comme monie

sans

le

fondre

découverte?

des champs.

les

se

et

On verra

mouvoir lumi-

s'accentuer nettement

même

valeur, sans

et le jeu

A

Il

connaissait

de

la

sa connaissance profonde si

foncièrement

de

les lois

lumière, que ses figures se fondaient

autres accessoires de ses compositions dans une har-

Son savoir

universelle.

scène à l'endroit

dans

et

le

était si précis

mouvement

qui

pour peindre une

lui étaient familiers,

que l'exactitude devenait alors un élément de charme. l'air

l'arti-

secours de l'accident.

doit-il cette

perspective

sujet principal, se

une atmosphère de

tout à la fois dans fice

comme

ses figures,

le secret.

qu'il peignait, c'était

la

lumière qu'il

C'était

fixait, c'était l'invi-

sible qu'il voyait.

Mais, pour cela,

avoir la science du vrai dessin,

la

proportion justement pondérée des diverses inflexions de

la

figure

humaine

et

il

fallait

toute la prévoyance de ses mesures dès long-

temps méditées. Cette science,

immense

travail.

du

génie

mouvement dans son extrême d'intensité.

acquise au prix d'un

:

c'est

vérité

;

le geste,

l'artiste serait

homme ému,

et

le

l'attitude, le

c'est l'expression

Recherche admirable

peu au delà de sa pensée, caractère. Millet,

l'avait

Mais, ce que nul ne peut apprendre, Millet

possédait par une faveur

summum

il

à son

dangereuse

tombé dans

!

l'excès

Un du

mais toujours sage, avait imposé


JEAN-FRANÇOIS MILLET. la discipline à

'

son imagination;

^^^.

et,

quand

il

177

n"était

pas entière-

3^. ^

^tS?

:i

-'^S

^^:' ^ H-

LES GLANEUSES. (Dessin de

ment mois

satisfait

et

la

collection

de M. Alfred Lebrun.)

de sa conception idéale,

il

la laissait

reposer des

des années, jusqu'à ce qu'elle sortît enfin digne de


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

178 lui.

Parfois, cependant,

se

il

laissa

à cette pente qui

aller

vers une expression trop voulue.

portait

peur d'attenter à formula

stigmates jusqu'à l'accentuation

les

Mais ces

des races, que, malgré

la rusticité

d'un tempérament qui avait horreur de

Au

Salon de iSSy, on

lui,

plus

la

fautes, rares d'ailleurs, s'expliquent

tellement

avait

Il

nettement dans l'opinion publique,

les

ceux qui savent voir, en furent surpris rieure à tout ce qu'il avait

fait.

vaincues, tout y était réussi

:

il

en

radicale.

par l'exubérance

la banalité fade.

de Millet un tableau qui

vit

le

le

posa

Glaneuses. Les artistes,

comme d'une page

Toutes

étaient

difficultés

les

supé-

exacte des figures qu'on

la vérité

aurait cru sculptées, la profondeur des plans, la lumière blonde et

harmonieuse enveloppant

dité,

une couleur superbe

des glaneuses,

et

enfin

le

tableau de sa pénétrante limpi-

et sobre, le

le

mouvement de

Trois pauvres femmes, une sent les épis perdus

vieille

loin, le

les

charrettes et à faire des meules.

maître

d'une main

vement de mendier au

leur corps, souple et

deux et

et

deux jeunes, ramas-

dans un champ qu'on vient de moissonner.

Au

les

sévère

et

la distinction.

beau jusqu'à

courbée,

caractère grandiose

et les

gens de

la

ferme sont occupés à charger

La

vieille

femme

est à

peine

jeunes, penchées vers la terre, saisissent l'épi

de l'autre tiennent

tension, sol ces

les

glanes déjà

l'allongement des bras

et

liées.

Le mou-

du corps pour

brindilles de froment sont

véritablement

superbes.

Les Millet.

Il

artistes

admirèrent sans restrictions

Glaneuses de

virent bien tout ce que ce tableau possédait de science,

de style propre, d'air gèrent en

les

et

de modelé, mais

les critiques se

parta-

deux camps. Les uns voulurent y voir un plaidoyer

contre la misère du peuple

;

d'autres trouvèrent que ces trois


JEAN-FRANÇOIS MILLET. comme

pauvres femmes étaient Tordre social. Sur

ment en cause,

question d'art,

la

«

et celles

ici

sa

féroces

qui fût véritable-

la seule

moins

divisés.

est

Il

M. Paul de

opinions de

les

menaçant

Saint-

M. Edmond About.

de

Tandis que M. Courbet,

un peu

bêtes

juges ne furent pas

les

curieux de rapprocher Victor

des

179

disait

manière % M. Millet

est

M. de

Saint-Victor, nettoie

en train de guinder

glaneuses ont des prétentions gigantesques

;

elles

la

posent

et

corrige

sienne. Ses trois

comme

les

trois

Parques du paupérisme. Ce sontdesépouvantails de haillons plantés dans un

champ,

et,

comme

bure leur en

épouvantails, elles n'ont pas de visage

les

tient lieu.

M.

convient aux peintures de

:

une

de

coiffe

Millet paraît croire que Findigence de rexécution la

pauvreté

:

sa laideur est sans accent, sa gros-

Une teinte de cendre enveloppe du'même ton que le jupon des glaneuses;

sièreté sans relief.

les figures et le

le ciel est

il

a

paysage

;

Taspect d'une grande

loque tendue. «

Ces pauvresses ne

me

touchent pas;

ont trop d'orgueil, elles tra-

elles

hissent trop visiblement la prétention de descendre des sibylles de Michel-

Ange

et

de porter plus superbement leurs guenilles que les moissonneuses

du Poussin ne portent leurs draperies. Sous prétexte boles, elles se dispensent de couleur et de modelé.

comprends latin,

les

— sacrée

simplicité.

Il

représentations de la misère, et

me

n'est pas ainsi

chose sacrée

déplaît de voir le

Ruth

champ de Booz.

et

Noémi

«,

arpenter,

dit le

symque

M. Edmond About répondait

Millet peint avec

comme

et

les

le fin

le

droit de se

:

une austère simplicité des

étudie la nature d'assez près pour savoir

je

poète

»

ces attaques, dont notre vieille amitié avait

plaindre,

«

Ce

naive. L'art doit la peindre sans emphase, avec émotion

planches d'un théâtre,

A

«

qu'elles sont des

du

sujets simples. Quoiqu'il fin,

il

ne se laisse pas aller

I. Courbet exposait en iSS; Les Demoiselles des bords de la Sente, Chasse au chevreuil Biche forcée à la neige, les Bords de la Loue et deux portraits. Le premier de ces tableaux était une page excentrique, impudente, mais d'une maestria toute chaude; les autres, de bons morceaux, très rapidement exécutes au couteau h :

palette. (A. S.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i8o

au péché mignon des observateurs subtils; dire à la fois, et

dans

tions, ce caquetage de détails qui fatigue

Ses tableaux péchaient

même

comme un

Mais

«

Glaneuses de iSS/

les

commune

signature

de grandeur

éclat.

Tout Le

pas

n'y surprendrez

tableaux de M. Diaz est

un

opulentes

fond de

comme

talents achevés et la

qui

fait

la toile,

mais vous

qui s'ébattent dans les

ces rayons capricieux

les blés,

air

comme une

dessin est sans tache et la

le

-,

un

de loin par

attire

des écoliers en vacances

mûrit

un

spéculé sur

déclamatoire.

la toile, les

du

richesse

et la

ramassent un à ait

creuset vide.

d'août chautïe vigoureusement

un de

croire

le soleil

:

suer les

de

M.

Millet

et

qui ne

hommes,

temps à badiner.

le

Au

«

Ton pouvait

œuvres précédentes par

marque des

la

Le tableau vous

calme là-dedans

est

soleil

astre sérieux qui

perd pas

un

se distinguent des

sobriété qui est

la

des maîtres.

et

nature à sa plus simple expression, se

de sérénité. Je dirai presque qu'il s'annonce

et

peinture religieuse.

couleur sans

œuvres de M. Meissonier.

les

alchimiste imprudent, devant

abondance dans

cette

la

de tout

la tentation

lui cette multiplicité d'inten-

par un excès de sobriété,

que M. Millet, à force de réduire trouvait,

échappe à

il

vous ne trouverez jamais chez

le

Il

moissonneurs bien nourris entassent les gerbes

Sur

propriétaire.

le

premier plan,

trois glaneuses

ne crois pas cependant que M. Millet

les épis oubliés. Je

contraste et voulu frapper les esprits par une antithèse

suspendu aux épaules de

n'a pas

ses

paysannes ces haillons

pathétiques que les Troyennes d'Euripide étalaient aux yeux des Achéens; il

ne leur a prêté ni

menaçants de

gestes

la charité ni

les

la

à la haine

grimaces pitoyables de misère envieuse :

tomne,

comme

elles

pauvreté larmoyante ni

comme

femmes ne

courbées sur

elles s'en vont,

glanent leur pain miette à miette,

la

les trois

:

chaumes,

les

elles grappilleront leur

ramasseront leur bois en hiver, avec

cette

et elles

vin à l'aurésignation

active qui est la vertu des paysans. Elles ne sont ni fières ni honteuses elles

ont eu des malheurs, elles ne s'en vantent point

d'elles, elles

ne se cacheraient pas

la face;

naturellement l'aumône du hasard qui leur

Mais

il

faut bien le dire

voué aux durs travaux de I.

Nos

:

la terre,

Artistes au Sijloii de iSSj, p. io3.

du cabinet de M. Hoschedé,

est

;

si

le

20

il

la loi'.

avait sans cesse

blonde

fit

et

et

»

Paysan

au cœur

plus tard une répétition si

chaude, qu'on a revue

avril 1875. Cette re'plique a été

par Charles Courtry, pour l'illustration du catalogue. (M.)

si

vous passiez près

garantie par

— Millet si

;

empochent simplement

Millet était de son temps.

réduite des Glaneuses. C'est la belle peinture, à la vente

elles

les

font appel ni à

gravée


JEAN-FRANÇOIS MILLET. la

compassion,

la pitié

pour

les

n'était ni socialiste ni idéologue,

penseurs profonds frances des autres, il

et

lui, et

le

sans

la question à l'ordre

pourtant,

et

comme

du

tous

11

les

souffrait des souf-

il

avait besoin de les exprimer.

il

n'avait qu'à peindre

Malgré

misérables des campagnes.

aimant l'humanité,

et

i8i

Pour

cela,

vrai paysan à son travail.

le

savoir,

jour.

il

entrait ainsi

Mais on avait

tort

dans

le

vif

de

de transformer

sa pitié en rébellion et de lui imputer une doctrine

qui répu-

gnait à sa nature. Il

y eut donc

de

la

part de la critique une dénonciation

inique ou une erreur obstinée qui força Millet à traîner jusqu'à sa

mort ce boulet de partisan vaincu.

Il

eut beau répéter et

dire sans cesse qu'il était sans colère, qu'il se résignait au sort éternel des

hommes,

qu'il se bornait à

raconter ce qu'il avait

appris dans la vie, on ne voulut jamais croire à cette simplicité

de conscience. Les Glaneuses furent peu demandées par

Enfin, pré, se francs.

M.

les

amateurs.

Binder, de l'Isle-Adam, fort encouragé par Jules

décida à acquérir

Combien

le

tableau.

vaut-il aujourd'hui?

Il

le

Du-

paya deux mille


CHAPITRE XIX l'épi de blé, la paire de sabots

CONVERSATIONS ET PROMENADES.

(

i'iSSS).

l'iMMACULÉE CONCEPTION

LA COMMANDE DU MINISTERE, SON HISTOIRE. ^«

FEMME QUI FAIT PAITRE

SA VACHE.

"

Mon

«

cher Sensier, voici enfin

un peu

les faisons

Que D

«

ait

pour un des tableaux et

promptement

»

janvier 1858.

13

VÉpi de bléK Cela

peut-il remplir son

but? Est-ce que vous ne viendrez pas dimanche faire

nous

».

ROMIEU.

M.

les

Rois avec nous?

tard à cause de la maladie de M""= Rousseau...

pour qu'il

la fin

du mois,

aura à

cette affaire-là. Il

me

et

un peu avant, un des cadres

payer. Tâchez de négocier adroitement

ne faut pas qu'il

ait lieu

besoin de lui livrer des tableaux. Tâchez de deviner

mon

de croire que

intention,

j'ai

ne

si je

dis pas les choses assez clairement... Je vois venir avec crainte et tremble-

ment un de

ces instants

que vous connaissez.

C'est

même

le cas

de dire

:

Les

temps sont proches... «

Ainsi

consumait

se

inquiétude, attente

I.

L'Epi de blé

e'tait

un

trait

avait demande'

passer

un

inconnus,

«

dessin. c'était

la

vie

du créancier

de Millet

J.-F.

:

et difficulté

MILLET.

»

travail, maladie,

de se

faire

payer

un croquis que Millet m'envoyait pour une dame qui de sa main

Aux dames,

».

c'étaient

Quand

était trop sollicité,

il

des épis

;

six paires

un

salut de politesse qu'il rendait. (A. S.)

me

lui

faisait

aux hommes, plus ou moins

presque toujours une paire de sabots.

ou

il

pour des admirateurs éloignés. C'étaient

ses

II

m'en

fit

parvenir cinq

armes parlantes

et

comme


JEAN-FRANCOIS MILLET. même pour nesse,

son ouvrage livré! Si nous n'avions pas eu

cette

comme

vigoureuse force de résistance,

Escousse. Par deux

fois, j'ai

pu

malhonnête homme,

lui

ai-je

Et Millet

»

que

:

Le

«

et la

me

la jeu-

à en finir

cette

pensée

suicide est d'un

comme

entendu dire alors,

répondait à lui-même... Et, après?... succession!

c'était

croire

de suicide avait hanté Tesprit de Millet

Belle

ISJ

femme

s'il

se

et les enfants?..

Et enfin, pris

regardait'.

t-Qç

LES SABOTS. (Dessin de

la collection

d'une bouffée de vie ardente, cher du

soleil, celui-là

Et puis,

du jour

ombre les

;

:

«

elles

comme nous Voyez

ces

I.

M.

il

s'écriait

:

dans

étions

les

Allons voir

«

le

cou-

»

champs à

la

tombée

choses qui remuent là-bas dans une elles existent; ce sont

Ce ne sont pourtant que de pauvres

gens.

une femme, toute courbée sans doute, qui rapporte sa charge Cette pensée malheureuse l'avait souvent visité;

au crayon noir d'un ;

baron de Girardot.)

réconfortera...

croquis de tragiques scènes de suicidés, et

valet

le

rampent ou marchent, mais

génies delà plaine...

C'est

me

de

effet

dramatique.

une femme, voyant ce spectacle

des cris de douleur.

monde que

Il

Un

je

j'ai

possède de

vu de Millet plusieurs

lui

un

très

terrifiant, lève les bras

et

semble pousser

faut dire qu'entre la pensée et l'exécution

Millet n'aurait pas franchi. (A.

beau croquis

peintre est mort au pied de son che-

,'>.)

il

y a tout un


.

JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i84

un

d'herbe, c'est une autre qui se traîne épuisée sous

De

bois.

la fatigue, le

c'est

grand Ainsi,

crépuscule en dévore

comme un chaque

fois

trouvait retrempé

l'amateur

surgir

mystère

Rousseau

?

«

Mon

cher Sensier,

mais

je «

même

qui

le

Dimanche matin,

avril 1858.

que Rousseau

suis très content de ce

communs

monde... De

le fossé;

je

l'un

je

a conclu

M.

H...

qui osent aimer

suis diablement

le

!

tant

chacun

a

l'autre,

c'est qu'il

la

très belles choses.

la

moi, que ce

Ce qui nous

a

a tout particulièrement l'air

peinture

désir de le faire.

et

:

son impression

et

qui l'aurait

La peinture

fait

comme

enfin spontanément

Nous en causerons,

car d'écrire cela

».

Enfin se lève un jour heureux. Millet a une sérieuse et

les

heureux de

tableau de Corot

des fois raison de l'aimer beaucoup.

un grand

Ce sont deux

n'aime pas

sans l'autre,

par quelqu'un qui ignorerait

n'en finirait pas

hommes

les

toute façon,

nous trouvions, au contraire, Rousseau

Vous avez bien

aurait pu, avec

trouvée.

d'or

toujours une espérance.

vivement frappés dans

d'être fait il

est

ennuyeux d'avoir

franche.

sa parole

et

incrédules.

les

N'allez pas vous imaginer que

Prairie avec

très

se

n'y compte nullement...

choses avant tout

serait

il

faire

dessin pouvait aussi produire impression sur

C'est qu'ils ne sont pas

la chose, «

Je

la terre,

mais comment

dévouait,

s'y

«

avec M.T... Si ce

beau,

c'est

»

!

toujours consolé;

et

formes;

les

que Millet frappait du pied

des miracles parmi

faisait

balancent leurs épaules

loin, elles sont superbes, elles

sous

fagot de

pour laquelle on s'adresse à

C'est à n'y pas croire

!

lui

commande

directement.

Le pape commande

à Millet

une

Immaculée Conception pour son wagon d'honneur. Un des chefs de ses chemins de fer vient à Barbizon et s'en entretient

avec Millet.

Qui

avait

pu nouer

cette

affaire?

Nous

l'avons toujours


JEAN-FRANÇOIS MILLET. pour cela

ignoré, et

qui aimait C'est

les

M.

même

nous en soupçonnons

Trélat, architecte des

chemins de

il

me

dans

ma

dit le

cher Sensier,

j'ai

enfin reçu

une

de faire Y Immaculée Conception.

wagon pour

le

il

romains, qui

fer

2} avril ifls8.

lettre Il

de M. Trélat, dans laquelle

que tout

faut

en place

soit

35 juin. J'ai le temps d'arriver. Je m'occupe d;

composition. Rousseau m'a

causé, mais

Rousseau,

commande. «

Mon

fort

tours de bienfaisance.

dirigeait cette petite

«

i85

que M. Trélat

écrit

et lui

n'en espère pas de bien grands résultats

qui peuvent peser sur lui ne dure pas, parce qu'il

ont beaucoup

l'empreinte de ceux

;

est

d'une nature trop

élastique. Celui qui pèse le dernier détruit la précédente empreinte... «

A

bientôt, j'espère. « J.-F.

((

«

Mon

cher Rousseau,

M. Trélat

Conception immaculée dont on a tant parlé. Je

un

avant, envoyé

petit

1).

Barbizon, samedi matin (24 avril 1858).

enfin reçu de

j'ai

MILLET

avis de

commencer

la

lui avais, plusieurs jours

croquis pour lui montrer

forme générale de

la

la

composition. «

...

très

11 fait

vois, en passant

dommage que

beau temps, quel

dans

la plaine, les arbres

la terre

soit si sèche

de votre jardin, dont

faire enrager,

mais :

c'est

malheureuse, quand

bon

mon

elle verra

Millet termina son

ne peut pas s'empê-

jardin! Est-il beau! est-il beau!!

J.-F.

MILLET.

Immaculée Conception pour

une charmante, mais bien étrange page.

cherché à fuir

Sa Vierge

la banalité,

n'était ni

il

la

pelles ni la reine des cieux

pour vous

dedans! C'est M"'« Rousseau qui sera

«

fixé. C'était

On

diablement agréable à voir.

Doit-il faire

Je

les têtes sont

toutes blanches de fleurs par-dessus les murs. Je ne dis pas cela

cher de se dire

!

!

')

le

délai

S'il

avait

avait réussi.

noire mystique des anciennes cha-

du moyen âge

:

c'était

une toute


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i86

jeune

de

fille

campagne,

la

l'œil

doux

bouche ouverte

large couvert de touffes chevelues, la

étonné du mystère qui

être

l'Enfant et semblait

pourquoi d'une

si

mort sur

la

pieds,

gît

en

lumineux,

et

elle.

front

le

comme un

Elle tenait dans ses bras

couver avec amour en se demandant

le

étonnante aventure. Le serpent

boule du monde. Le

ciel

le

à ses

était

profond rayonnait

de lumière. L'esprit de Millet avait

de

litanies

la Vierge, et

il

s'était fixé

propres à formuler l'idée de Stella matutina, la

ces belles images des

dû songer à

la

Rosa mystica,

sur les tableaux

plus pure des créatures la

eburnea, la Vierge des vierges enfin

Virgo purissima,

et les

monsignori de

la

les

la

car-

cour papale. Je ne m'étonnerais

condamnée

à la prison

perpétuelle, eût été reléguée dans quelque coin obscur, car,

de

:

!

pas que notre pauvre Vierge des Gaules,

fois sortie

plus

Turris

la

Ce tableau d'un charme pénétrant dut surprendre dinaux

les

une

de Millet, nous n'en avons jamais entendu

l'atelier

parler. Il

« ...

assez

Le tableau du ministère

promptement, voici

la

il

ici

pour

en train

et

:

la

?

est

une affaire

:

chose apparaisse sponta-

Je voudrais bien en voir une

<c

Le

le faire

vous demanderai

tirer des épreuves d'Olivier de Serres, et est-ce venu

de façon à pouvoir servir

1.

je

pourrais

des dessins qu'il graverait. C'est

prétend qu'il n'en faut pas parler, afin que fait

je

o",73 1/2 sur o'",92 1/2. Adrien Lavieille

me demander

nément... Avez-vous

au cas où

mesure pour son cadre, que

de transmeure à qui de droit

venu hier

est

2 août 1858.

J.-F.

'

...

MILLET.

»

portrait d'Olivier de Serres, lithographie par Millet, a été placé en tête

d'une biographie publiée sous xvi" siècle,

le

titre

suivant

:

Olivier de Serres,

par Reisnes (Privas, typographie de Roure

Alfred Sensier. (M.)

fils,

i858).

agronome du Reisnes, c'est


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Puis,

quelques

Tadministration

m'écrit

et

mon

Je vous envoie,

«

jours après,

187

craint quelque caprice de

il

:

cher Sensier,

un

dessin que

vous prie de

je

voir au Directeur des beaux-arts ou à son secrétaire pour C'est

une

Femme

qui fait pa'itrc sa vache

faire

ma commande.

et travaille à tricoter.

Dites-moi ce

qu'on en pense aux beaux-arts, quoique, à vrai dire, un vieux bas troué ne

semble pas bien démagogique. Enfin, voyez, on ne dans

la tète

tableau...

sait

me

pas ce qui tourne

de bien des gens. J'attends votre réponse pour continuer

mon

»

Le tableau du ministère

commande donnée M. Romieu

est toute

en i852 par

était

à

la

tète

la

une

histoire

:

c'était

une

Direction des beaux-arts.

de ces importants services.

M. Romieu ne

connaissait absolument rien à la peinture, à la

sculpture, etc.

Il

le

disait

théâtre, les lettres. C'était

franchement. Sa spécialité

un

homme

bien élevé,

doux

rellement bien disposé. Je connaissais son secrétaire,

de

faire

une campagne pour

J'adressai

je

était et

natu-

résolus

iMillet.

une demande au ministre. M. Romieu, auteur du

Spectre rouge, n'était pas porté pour les peintres politiques,

malgré tout,

On

écrivit

le

tendre Millet passait pour

fut

et

morale de

que ce

champs

et les

un

Heureusement

qu'il

parler de lui en quoi

se

promener en regardant

le ciel, les

arbres.

M. Romieu C'est

fait

se renseigner sur

semblait se borner à peindre, à rester fort

soit, qu'il

calme en sa maison ou à

"

Millet.

répondu que Millet n'avait jamais

et,

un démagogue farouche.

au préfet de Seine-et-Marne pour

conduite matérielle

la

le

interrogea divers artistes sur

original, dirent les uns; c'est

dirent les autres.

»

L'enquête

n'était

le talent

un sauvage

de Millet

:

prétentieux,

pas concluante.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i88

un

Enfin,

Couturières, et

Rendez-moi

du

les

je dis

au secrétaire de M. Romieu, après avoir dans l'épaisseur de

signature

la

bordure

:

service d'accrocher ce tableau dans le cabinet

le

directeur, sans signaler le

pression des visiteurs. Si la

tableau,

petit

je

disparaître la

fait

moi un

pris avec

jour,

nom du

pemtre,

attendez l'im-

et

bonne, insistez pour obtenir

elle est

commande. Le tableau appendu

calme

comme

tout

monde y

le

l'honnête occupation de ces pauvres était attiré.

Paul Delaroche, en

jour,

Couturières

avisa les

arts,

de l'auteur.

talent

demandez donc çois Millet,

C'est

«

le

Mais

ce fut

chez

visite et

se

un paysan,

était

femmes

;

un triomphe quand, un le

Directeur des beaux-

un homme neuf qui

dit-on.

il

:

prononça nettement sur

nom du peintre...

a

le

fait cela, dit-il;

— C'est un nommé Fran-

»

— Millet,

mon

main vigoureuse. Ah

d'imagination, une plusl....

généralement apprécié

fut

!

élève,

cela

ne

une

tête

m'étonne

i>

La commande

fut aussitôt signée. Millet

toucha six cents

francs par avance et attendit. Il

s'agissait

maintenant de

faire le tableau et

de l'exposer,

et

Millet n'en était que plus pauvre. H

«

dant

Mon

la

cher Sensier,

tempête

différence

:

Au

c'est le vrai

secours,

9 août 1858, Barbizon, lundi.

moment

de crier

comme Panurge

mes amis, ^e naye, jenaye, avec

que nous nous noyons à

sec...

pen-

immense

cette

Enfin, voici le bout de Textréme

bout du rouleau... Bonjour, venez. a

«

(1

Mon

direz aussi

cher Sensier, si

les

ma demande

migraines

et

J.-F.

MILLET.

»

Mardi matin, ;+ août 1858.

toujours les migraines...

Vous me

d'ordonnancement sera écoutée au ministère, car


.

JEAN-FRANÇOIS MILLET. je

suis bien forcé de regarder,

comme

le

189

Psalmiste, wiJâ venict auxiliiiiu

mihi... J'ai lu FlVuu', hélas! hélas! «

u

Mon

Delatre,

ne faut pour l'aider à il

vous

trouver que

le

le

bonheur de

quelques épreuves sur

Laissez-les lui prendre et en disposer

a parlé.

Mort

à travailler. Je vais mettre en train la

recommencé

et le

Bû-

»

En novembre,

Millet

est

tourmenté par des migraines

incessantes qui durent des semaines.

commande du

ministère

j'oublie

ce

récrire.

»

que

comme

et

j'allais

retombe épuisé

la

un ami d'Arras une

dire

avant

:

«

illustré.

d'avoir

Ma à

eu

Petite Bergère et

Plus tard,

il

il

lui

finir sa

d'un

tête est

un point que temps de

le

pénurie revient plus menaçante,

mantes scènes qu'Adrien Lavieille

un journal

pour

se relève

Il

ma mémoire me manque

creux effroyable,

Et

les

»

l'entendra

il

« J'ai

cher oit.

MILLET.

cher Sensier, j'aurais sur la conscience d'empêcher

s'il

vieux papier dont

comme

J.-F.

il

fait

pour

dessine sur bois de char-

commande

fera les

et

grave pour

Quatre Saisons en plus

grand format, que gravera encore sur bois

le

même

artiste.


CHAPITRE XX L

CI

LE

«

BUCHERON ET LA MORT ». — LA « GAZETTE DES BEAUX-ARTS ». VIDI PR^VARIC ANTES. » JOURNAL DES VILLES ET DES CAMPAGNES ». — .MILLET A EARBIZON.

C'est en iSSg soir.

velle,

bruits «

Dans

la

SES^VISITES A .MILLET.

que Millet achève son tableau de V Angélus d'une conception vraiment nou-

cette peinture

Millet veut

de

LE

«

DECAMPS.

du

SALON DE ib^g.

ANGELUS.

LE JURY REFUSE

musical.

être

campagne

prétend faire entendre

Il

tintement

jusqu'au

et

des cloches.

de l'expression qui peut rendre tout cela

C'est la réalité

les

»,

disait-il.

Cet Angélus a été une des œuvres de prédilection de Millet. Il

y retrouvait

les

sensations de son enfance.

religieux, superstitieux pieut-être,

labeurs, d'humiliations paraître,

découverte, :

les

Ils

yeux

retraçait

l'homme

dans l'exercice de sa vie de

d'espoir.

deux paysans, un

sonner Y Angélus.

tionnelles

et

Il

A

homme

l'heure et

le

jour va dis-

une femme, entendent

se relèvent, s'arrêtent, et, debout, baissés,

ils

prononcent

les

la tête

paroles tradi-

Angélus Domini nuntiavit Mariœ. L'homme, un vrai

paysan des plaines,

la tête

protégée par des masses de cheveux


JEAN-FRANÇOIS MILLET. comme un

courts, mais droits

courbée

est

une de

verselle le

feutre, prie en silence

;

la

femme

toute au recueillement.

Le paysage chant,

191

un poudroiement de lumière au

est

embrasent d'une pourpre uni-

ces fins de jour qui

firmament

Le ton

la terre.

et

plus puissante harmonie

cou-

soleil

est

monté jusqu'à

la

Millet y a mis toutes les ressources de

:

sa palette.

Quand

pour

ce tableau

je vis

près terminé. Millet

me

dit

:

on entend fait, et

ajouta

il

que

c'est tout ce

Alors,

«

me

cloche.

la

dit-il.

Il

longuement. geliis.

se

je

me

Il

Ah

!

je

Oui,

en

Il

sarda

il

;

»

possédé.

fut

Il

revint dix fois voir

homme

Tous

de goût, auquel

acquit V Angélus. C'était

M. Van

il

ÏAn-

Deux mois

ses clients hési-

en parla, se ha-

Pract,

ministre de

'.

Pendant que Millet préparait son Salon et la

Mort

et

la

Femme

M. Letrône, l'amateur

qui

quatre

envoyait

priseurs

satis-

vous avez compris

suis content,

à des spéculateurs, à des amateurs.

Enfin un

Bûcheron

lui

il

tèrent.

Belgique

peu

— Mais,

comme un homme

regarda

vous demandais.

était à

bien cela; c'est écrit,

c'est

passèrent en visites, en pourparlers.

;

il

mon cher, faut tâcher de vendre ce tableau », me l'envoya à Paris. Arthur Stevens l'observa

l'offrit

Il

»

:

»

fois,

Qu'en pensez-vous?

«

répondis-je, c'est V Angélus!

première

la

tableaux

,

les

et les laissait aller

lui avait

à

et

achevait

le

faisant paître sa vache,

acheté cinq ans auparavant l'hôtel

commissaires-

des

à des prix qui aujourd'hui feraient

sourire.

Millet s'en attriste, I.

Ce beau tableau

Emile Vernier.

Il

a

été

il

voit

gravé

par

appartient aujourd'hui à

l'avenir Charles

compromis pour

Waltner

et

M. John Wilson. (M.)

ses

lithographie par


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

,g2

on

autres tableaux. Ses embarras se multiplient;

en janvier 1859

écrit

Cest affreux

«

Tamour-propre en

d'être

harcèle,

le

il

:

mis

souffre,

nu devant

à

non pas

ces gens-là,

que parce qu'on ne peut

se

tant parce

que

procurer ce dont on

a

Nous avons du bois pour deux ou trois jours encore et nous ne savons comment nous en procurer, car on ne nous en donnera pas sans besoin...

argent.

Ma

fi;mme va accoucher

souffrant et triste;

mois prochain

le

pardonnez-moi tout

ce

que

je

et je

vous

n'aurai rien... Je suis dis là. Je n'ai pas la

prétention d'être plus malheureux qu'une quantité d'autres, mais chacun mal... Si vous

sent directement son

peuvent quelque chose à de

le faire.

la

vous

je

Je n'y croirai véritablement que

vous l'aurez reçu, car

du mois

serai de plus

quand

je l'aurai.

Je travaille aux

les enfants

ne peuvent rester sans feu. Tant pis pour

!...

Le 20 mars,

sité est

gens qui

vous prierai de m'envoyer l'argent dès que

"

plaintes.

les

en plus obligé

je

dessins d'Alfred Feydeau, dont

la fin

pouvez un peu tanner

commande,

ce sont les

Comment

ingénieuse

;

de

le tirer je

((

mêmes

difficultés

la griffe

d'un huissier

trouve une combinaison. T'es

Pour

un homme

les

MILLET.

J.-F.

mêmes

les

et

Il

»

?...

La

m'écrit

néces:

salutaire

amis qu'en

a besoin.

[Chanson normande.)

Votre proposition

«

me

fait le

plus grand, le plus

redonne plus de cœur pour travailler. Aussi je mieux. Aussitôt l'envoi de mes tableaux, je hâterai

Ce

n'est

Il

Tun de

pas amusant,

lui

immense

la livraison

me mon

plaisir et

vais en profiter de

des dessins...

la guerre!...

vient quelques semaines de répit, mais

Mort

ses tableaux, la

et le

Bûcheron, a

il

apprend que

été refusé

par

le

jury. C'était celui sur lequel

ses plus belles créations

cœur. Millet a sa

fierté,

:

le il

il

comptait

et c'est

en

réalité

coup cependant n'arrive

voit là

un parti

p>as

une de

jusqu'au

pris de l'atteindre

dans


CROQUIS (Dessin de

A

LA PLUME.

la collection

d'Alfred Sensier.'

i3


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

194

ce qui est sa vie.

Il

se raidit contre Tinjustice.

comprend qu'une

Il

main

secrète, puissante, veut le frapper à huis

vient

homme

me

borne sa vengeance'. Et qu'on m'imposera

fera courber,

non; paysan je sens. J'ai

je

comme je

vues,

et je res-

terroir sans reculer d'un sabot et,

s'il le

faut... je

On

du tableau

refus

du couvent

Mort

la

Les protestations ne vives.

très

Dumas

:

»

fit

grand

bruit.

Ici

père

je

un véritable coup de force.

pas attendre,

firent

se

dois d'abord

paysans

constamment sous

maladive qu'y voient

détracteurs de parti pris, mais

la

l'être

tables.

I.

trivial

air de

calme, de force

il

sujets,

direz-vous, sont ordinairement

avec notre plume, qui sair

s'agit ici

pour

la

plume

première

à l'expression

(M.)

et

de

ou

les

cette souffrance

tristes,

pinceau

désolés,

lamen-

comme nous racon-

si cet artiste n'écrit

pas

les

mémoires

d'une précieuse feuille de papier sur laquelle Millet avait dessiné Alfred Sensier. C'est

et qui appartenait à

fois, la

phrase fameuse

du sublime.

n'existe plus dans son état primitif.

morceaux.

et qu'il

souffre.

sait si l'artiste qui raconte avec son

Il

yeux,

les critiques superficiels

Qui

plusieurs croquis à la lire,

un

les

vous ne trotiverez pas dans

et

Les

tons, nous,

Alexandre

qui ne se rend pas bien compte de sa souffrance ou plutôt

raison pour laquelle

«

furent

:

la stupidité

contenue de

elles

et

laisser la parole à

rend avec une grande vérité. Cherchez bien,

pu

!

Bûcheron

et le

y avait

Il

Millet habite les champs, qu'il a

«

de

Et finissant en riant

»

ne pouvait pas croire Millet assez dépourvu de talent pour

mériter cette expulsion.

ses

qu'on

les ai

Sensier, sauvons l'honneur

Le

croit

des salons, eh bien,

l'art

combattrai encore... pour l'honneur. «

On

«

:

du

sur un des-

écrit-il

dit

et

mourrai. Je veux dire ce que

je

des choses à raconter

mon

terai sur

paysan

suis né,

me

il

rede-

Il

brave ceux qui abusent de leur force

et

hasard de leur pouvon-. Vidi prcvravicantes, sin, et là se

clos.

»

Nous avons

:

«

le

Il

qu'on a

faut pouvoir faire servir le

regret de dire que ce dessin

Des mains barbares

l'ont

découpé en plusieurs


JEAN-FRANÇOIS MILLET. de son dme,

toujours

vailler

lui-même de voir

n'est pas triste et désolé

et s'il

sans

au

jamais

d'arriver

espoir

igS

calme,

les êtres tra-

au repos, au

bonheur?... *

«

homme

Tout

d'un jugement sain

impartial, sans prévention, d'un

et

esprit accessible à toutes les beautés artistiques, est aussi rare à rencontrer

qu'un grand

homme,

Cet

«

artiste.

ne

existe,

s'il

tait

presque jamais

d'un jury

partie

quelconque. «

le

Cette réflexion nous est suggérée par le tableau de Millet, la

Bûcheron «

L'artiste qui

quable

prendre

cet

Un

le

Bûcheron,

il

nous

est

sible,

impossible de com-

étrange verdict du jury...

groupe de juges

a refusé,

en masse,

le

tableau de Millet; pas un de

ces juges, pris à part et isolé, n'eût osé prendre sur lui

avec

et

exprime son sentiment avec une formule nouvelle, remar-

tableau la Alort et

le

Cl

Mort

au Salon de i85q).

surtout personnelle, ne relève que du public. Or, en conscience,

et

devant

«

(refusé

L'artiste qui a

conçu ce tableau

est

un

pareil refus...

homme

coup sur un

à

bon, sen-

compatissant, religieux, honnête, regardant les soulîrances des autres

yeux de son cœur, sans envie pour

les

absorbé

qu'il

est

dans

la

compassion que

les

jouissances

riche,

misères du

inspirent les

lui

du

pauvre. «

L'effet

de cette peinture, qui

longtemps

coloriste, est large et fixe

peu

flatté

le

cœur en

Oh

Est-ce bien de la chair?

veut

qui

soufl'rir

les détails !

pour de

Une

la chair, oui, c'est

elle.

Ce

regard,

par mettre douloufois à ce point

échappent au critique

le

de

plus obstiné.

lachair qui souffre,

encore, moins pour elle que pour la chair de sa

et

Gaiette des Beaux-Arts est indignée de ce refus scanda-

que nul ne pouvait prévoir.

Elle charge

combattants de Tavant-garde d'engager

Edmond Hédouin et

et finit

»

La leux

regard qui s'arrête sur

contact avec l'étrange tableau.

communication magnétique,

chair

le

d'abord, surmonte ce premier sentiment

reusement

mais

bien plus d'un harmoniste que d'un

est

sont désignés.

qu'aucune considération ne

Hédouin gravera

Deux

lettres

le

On les

le

feu

sait qu'ils

retiendra.

:

deux de

Paul Mantz

ses et

ne ploieront pas

Mantz

écrira,

tableau refusé.

de Millet m'arrivent à un jour d'intervalle à


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

iç)6

propos de son exposition

de

et

protestation qu'on veut faire

la

contre la décision du jury.

Toujours des demandes d'argent. « 2 avril.

Je vais faire des dessins,

«

ferai aussi bien

que

je

pourrai

essentiel de

est

l'idée.

Puisque

«

faire

tête

la

les faire,

temps voulu sur

s'arrêter le

dans

pris

temps de

le

en résumé

comme vous

rintimité de la vie; mais,

pour

c'est

Enfin,

se

c'est

ma Femme

à la vache

rapporter à

la

le

?

Est-ce

Mon

?

Qui

grâce de Dieu.

cher Sensier,

faire

je

pour moi

et

aider

Barbizon,

place,

le faut, dès

que

mon

Hédouin autant que pour que

que

avril 1859.

j

Hédouin pourrait

Hédouin comme

et

ma

lettre

je le

de

la

le

je crois qu'il

mon

saurai que

je

je

vous

très positif à

tableau

le dis

la publicité à ce refus,

décemment. Avant de rien répondre de

que pensez-vous décela, vous? Je vous

nomie voyez-vous poindre

faut s'en

tableau, à la condition qu'elle soit à peu près

aller à Paris dès

proposition qui m'est faite

moins

les il

serait

ne vois pas au premier coup d'œil d'inconvé-

mon

:

désir

entreprise,

difficile

demande pas mieux que de donner de

ce soit fait

qui

»

peut être repris de l'Exposition haut. Je ne

est-ce

inspecteurs

dans un des endroits

impossible ou de

est

chose mieux que beaucoup d'autres. Voilà donc ce que

y aurait à

s'il

?

mon

Si la chose se pouvait,

passable. Je crois qu'en l'aidant dans la mise en

que

vue

pour quelque chose, ne pourrait-on pas obtenir un

nient à la reproduction de

faire la

la

le jury?... Si les

((

«

vraiment

le

mieux.

mise hors de

d'être placé sur la ligne la plus basse et

sombres. Si

un peu de calme

est enfin acceptée, n'y aurait-il rien à

soit pas

placement plus ou moins bon

chose

je les

vient, jusqu'à ce qu'elle ait

concentrer pour ne donner que

chargé du placement de ces tableaux

la

faudrait

il

vous

de faire pour

pour empêcher qu'elle ne

des beaux-arts v étaient

et,

le dites,

l'idée qui

ressource courante,

la

autant que possible, pris dans

plus

pourvu

Hédouin,

demande, que pensez-vous de

façon dont

j'y

réponds? Quelle physio-

à celte chose-là? Dites-le-moi tout de suite,

tableau sera libre,

je

la

et,

viendrai à Paris et aiderai

pourrai. Voilà ce que

je

vous

dis

en toute hâte

puisse vous arriver ce soir... «

J.-F.

MILLET.

»

Millet, en effet, arriva quelques jours après à Paris, vint


JEAN-FRANÇOIS MILLET. chez Hédouin, qui

Bûcheron.

le

commença

l'aida

Il

197

de ses conseils

et

après sM-tre

repartit

et

assuré qu'il ne serait pas une cause de bruit

de propagande,

et

en nous recommandant de ne nous occuper de son refus qu'au

et

point de vue de la valeur d'art de son tableau,

duire dans

à Barbizon était urgent

yeux. Sa poitrine s'engage,

ses

la faiblesse le

Néanmoins

Mon

cher Sensier, quoique

que

Oh

!

si

je

crois

(je

que

c'est

un rendez-vous...

que

m'ennuie

je

mais pourtant

ma

l'en fais pas moins...

celui qui

me

marchez

!

dira

je

!

pauvre

de venir, vous

Tâchez

encore

j'aie

les

!

Si

yeux dans un

le

tableau dont

petit

ma

de mois,

fin

son nom),

le

parlais Tautre jour.

je

c'est la seule

chose

vous prie de voir

le

il

vous a parlé

trouble que

j'ai

afin

et qu'il

dans

vue

la

lui !...

ne vais pas faire avec vous dix mille jérémiades, tète a

c'est

de

du trop-plein. Ayons,

ma

part

s'il

un souhait bien

Ecrivez-moi, peu importe quoi.

comme

déplo-

état

marchand de vieux tableaux,

monsieur dont

le

vous saviez

je

comme

se peut, patience...

égoïste,

mais

Quand donc

à l'autre cul-de-jatte de l'Évangile

:

«

je

ne

viendra

Levez-vous

» a

«

la fièvre,

:

Vendredi, 27 mai 1859.

pourrai résister au travail, mais

l'obligeance de voir

ait

assigne

sang

le

mettre à travailler dès aujourd'hui pour arriver

puisse tenter pour gagner

je

M. Moreau C[u'il

me

peu importe comment,

Je ne sais pas

dut craindre

sa constitution robuste le sauve.

vais tacher de

rable, je à faire,

il

en danger de mort.

est

Il

»

«

toutes ces émotions

crache

il

mouvement.

clouent sans

:

Un moment

son organisme.

avaient ébranlé

pour

de n'intro-

et

débat aucune politique.

le

Son retour

et

Mort

à graver à reau-fortc la

Je vous apprends que

rédimé par Marolle, qui

le

le

met

pastel à

ma

J.-F.

MILLET.

»

retenu jusqu'à présent par L. disposition. D'abord,

j'ai

a été

refusé de le

reprendre, mais c'eût été à la fin désobligeant de ne pas y consentir. Je lui ai

donc

dit

que

je le

ferais

prendre à

dont vous avez ouï parlera Diaz

au cas

oti

il

toile de 40.

[la

mon

prochain voyage. C'est ce pastel

Leçon d'équitation). Parlez-lui-en donc,

pourrait soupçonner un acheteur. C'est de

Trois enfants grands

comme

nature

:

c'est

la

grandeur d'une

une chose

faite

il

y a


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

iq8 dix-huit

iins.

Cest déjà de

des choses pas trop mal. Oui, Marolle

L'article de

Mantz, sur

s'est fait le

mon

rédempteur de

pastel.»

tableau refusé au Salon, parut

le

Beaux-Arts du

la Galette des

dans

mais vous verrez qu'il y a

l'histoire très ancienne,

i5 juin

:

Pour terminer Fexamen des peintures exposées au Salon, il nous ainsi nous à écrire un nom significatif, celui de M. J.-F. Millet

«

reste

:

finissons

comme nous avons M.

jurv a traité rudement a laissé passer

qu'un,

commencé — par un maître.

Millet, puisque sur

deux tableaux envoyés,

moins intéressant peut-être;

le

que

vrai

Il est

faisant paître sa vache est au Salon, pendant que la

si

bien que

Mort

et le

la

il

le

n'en

Femme

Biicheron n'a

pas été jugé digne de figurer dans une galerie qu'encombrent tant d'œuvres

Nous ignorons

sans conscience, sans talent, sans pudeur.

pensé de

cette

aventure

pour nous,

;

elle

nous

a frappé

ce

que M. Millet

au cœur

elle a

;

a

ajouté

aux découragements qui nous viennent de toutes parts un découragement nouveau. Refuser les tableaux des fantaisistes peu sincères, des virtuoses frivoles qui jouent avec

le

pinceau,

une rigueur qui

c'est

cus qui croient encore à l'idéal,

c'est

peut concevoir; mais

culte aboli, des artistes convain-

œuvres des rares survivants d'un

rejeter les

se

une déplorable méprise,

c'est à

déses-

pérer les plus braves.

Les sujets symboliques, qui mêlent à

«

la fois l'allégorie et

qui unissent dans une étroite étreinte l'invisible

aux poètes sont

Mais

le

aux peintres

difficiles

Bûcheron

Mort

et la

et

et

le réel,

vérité et

la

ces sujets chers

ardus pour M. Millet lui-même.

n'en tiendra pas moins dans l'œuvre du maître

une place considérable. La Fontaine, inquiet d'une perfection peut-être pas atteinte, a refait

par deux

l'homme, abattu par toutes

lâcheté de

Le

qui le délivre, la vie et ses misères. vrai

contemporain de Molière,

sentiment de corriédie

:

esprit

sur

le

mode

poète, en

a laissé paraître

imbu

pas cru qu'il y eût, dans ce motif, traité

fois la fable

les tortures,

il

a

montré

mais préférant, à

homme

n'a

la

mort

de son temps, en

dans son apologue un certain

des mélancolies modernes,

le

qu'il

l'éternelle

M.

Millet n'a

plus petit prétexte au sourire,

et il l'a

grave. Je n'ai pas besoin de rappeler qu'il avait été pré-

cédé dans cette voie par Decamps, qui, dans une composition reproduite par la

gravure, a représenté aussi

terrible visiteuse.

Dans

tude, est

tombé haletant

les jours

;

il

le-

et

le

bûcheron remerciant de

tableau de

M.

Millet, le

ses

bons

offices la

vieillard, accablé de lassi-

sans force pour recommencer son combat de tous

a appelé la mort, et la

mort

est

venue, drapée d'un blanc suaire


JEAN-FRANÇOIS iMILLET. qui laisse

une faux toujours

pour

faisant la vie

épouvanté une main

vieillard

cette peinture est

dégage de de M.

symbo-

sablier

;

et

déjà elle a posé sur l'épaule

terrible à voir.

L'impression morale qui se tout ce que

:

l'intelligence le peut lire

pinceau

le

comme

dans un

d'une vérité saisissante.

li\re

«

Au

point de vue de

Bûcheron,

le

le

La grande ouvrière, qui va dé-

d'une adjnirable justesse

ou indiqué,

Millet a écrit

portant d'une main

du bûcheron,

plainte

la

et

aiguisée.

sans cesse, ne veut pas qu'on l'appelle en vain

la refaire

au sérieux

elle a pris

du

maigre ossature,

saillir sa

lique, de l'autre

199

blanche

la

pur,

il

Mort

y a beaucoup à louer dans la

plus d'une chose à reprendre.

et aussi

noblement voilée; pour de face:

l'art

La mort

éviter toute laideur, Tartiste n'a pas

son mystère;

apparition garde ainsi

est

voulu

et

sagement, la

montrer

elle reste la

grande

inconnue. Peut-être, pour demeurer absolument moderne, M. Millet aurait-il

pu

traditionnels, ce sablier dont les poètes ont tant parlé,

faux d'un svmbolisme

cette le

emblèmes

rejeter les

M.

tableau de

sement expressif par

un peu

vieilli

mais

;

Quant au bûcheron,

Millet.

je n'ai

le droit

mimique,

visage, par le geste, parla

le

pas

de refaire

merveilleu-

très vrai d'attitude et

pourrait dans

il

Les mains sont familières;

un

pareil sujet être plus sculptural et plus beau.

les

jambes, ramenées-l'une sur l'autre, manquent d'ampleur et de sérénité. Si

nous adressons

ces objections à

M.

qu'il cherche

œuvres antérieures,

que nous savons, par

Millet, c'est le

grand dessin,

les

ses

hautes allures, les

nobles balancements de lignes. Enfin l'exécution dans ce tableau, d'ailleurs si

puissant et

si

austère, n'est pas toujours au niveau de l'idée

paraître, en certaines parties, de la mollesse et satisfait «

pas

qu'il

en

nous garderons de

soit,

devra surveiller son pinceau

et

faisant paître sa vache peut, en le

M.

hardie un long

cette tentative

Millet reviendra sans doute à ses paysans; mais,

M.

:

une sorte d'indécision qui ne

le regard.

Quoi

souvenir

elle laisse

:

rapport du travail matériel.

lui

rendre un accent plus

efiet,

donner

Ce ne

viril.

encore,

La

il

Femme

prise à quelques reproches sous

sera pas

là le

meilleur tableau de

Millet, et cependant quel fier aspect a cette petite toile!

Quel mystère,

quelle sérénité silencieuse, quelle admirable élimination de tout ce qui est

mesquin dans

la réalité et

dessinateurs, cherchant

pour atteindre à pourront

se

le

de tout ce qui

grand dans

est le

vulgaire

simple

!

et

Ainsi ont

fait les

vrais

supprimant l'accident

l'universel. Les gens d'esprit pourront sourire, les académies

tromper,

les

indifl'érents

pourront passer sans regarder

et

sans

comprendre; ces moqueries, ces méprises, ces dédains ne changeront rien au résultat définitif, et, dans

un temps qui viendra

M.

comme un

déjà venu,

Millet sera salué

bientôt, qui, peut-être, est

maitre.

n


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

200

Le Journal des pour

«

Millet

A

Villes et des

se

prononça aussi

:

qui voudrait étudier

un passé

Campagnes

choses de près

les

d'ailleurs très récent,

et

comparer

serait peut-être possible

il

le

présent avec

de prouver que

peinture de genre, après s'être longtemps contentée de reproduire

dans sa

commence

réalité prosaïque,

la

à s'élever à des ambitions meilleures et

à rechercher plus sincèrement Fémotion, le caractère, la finesse... Si la

semence donne

nous croyons savoir que

récolte espérée,

la

dû, en grande partie, à un artiste de «

nous

Il

rustique,

il

a

suffit

agrandissant à la fois

labeurs

le

premier parmi

M.

J.-F. Millet...

les peintres

sentiment

le

poésie

leur

aussi

formes,

et les

montré que

a

il

héroïsme.

leur

et

bonne

ce résultat sera

avec les vulgarités d'un réalisme mesquin,

champs ont

des

plus haute valeur,

la

de rappeler que,

rompu

de

la vie

et

qu'en

les

rudes

Nous ne

croyons pas que tousceux qui font des paysanneries essayent désormais de

M.

traîner à la suite de

Millet.

nous ne serions pas contristés

Le bon vouloir ne

si,

Pendant que

la

prose ^

pas pour cela, mais

aux laideurs, à

la

pauvreté

»

journalistes

les

suffit

indépendants faisaient leur

devoir, Millet travaillait à d'autres compositions rusticjues,

pour trouver

le

se

tout en conservant la nature pour règle, les

peintres de la vie réelle s'efforçaient d'échapper

des types, aux petitesses de

la

nature

calrne dont

il

avait besoin,

il

et

s'occupait d'amé-

liorer son installation matérielle.

Nous avions lier,

les

venaient la tête

I.

«

Il

le

peine à

promeneurs

dimanche

au travers de

le

»

parisiens, les petites

regarder peindre

sa vitre.

convient de rappeler

commande

voir toujours confiné dans son ate-

le

ici

Un paysan

que

Dans un paysage

différent,

exprimé une pensée analogue

Femme /disant

et

passer

impudemment

lui construisit

Femme faisait pLiitre

dont Millet parle quelquefois dans

catalogue du Salon de iSSy indique, en

la

la

et

dames en goguette

effet,

que

boire sa vache. (M.)

crayonné

le

sj i\iche, c'est la

ses lettres de cette le

époque. Le

tableau appartenait à l'État.

avec certaines modifications de

lorsqu'il a

un second

détail,

Millet a

dessin que nous reproduisons,


a

^

S

Q


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

202

au premier

atelier

De

étage.

là,

pouvait apercevoir toute

il

la

plaine, la forêt et les ciels. «

La vue sera superbe,

«

grande

Rousseau

utilité.

2

est

M.

J"ai dit à

de migraines...

5oo francs,

ne

je

Un

!

de

détail

X...

que l'Angelus

au

3, 000

2,000 francs. Le Berger,

être, car cela

était

mais

juste,

me

sera d'une

vendu 2,000 francs ou n'ai

je

pas

dit

moins de

francs; le petit tableau d'Alfred Feydeau, un

Le

francs.

vôtre, /a

Si mes dessins pouvaient

la

septembre 1859.

parti ce matin pour Besançon... Je suis dévoré

pas

sais

Repos de Faneurs, 1,200 i,5oo francs. Voilà

grande envie d'y

j'ai

2tî

Femme

qui berce son enfant,

se placer! »

vie de Millet qui est presc^ue ignoré de tous,

ce sont ses relations avec

Decamps, qui demeurait depuis plu-

sieurs années à Fontainebleau.

Decamps très

n'était

occupé de

la

pas un

homme

peinture de Courbet,

s'en était éloigné bien vite. L'art

étonne pour

d'un

qu'il désirât faire

il

de Millet

avait

vu l'homme

et

l'avait, parait-il, assez

encore une expérience sur

le

vif

artiste.

Un

jour, Millet, en son atelier, entendit frapper à sa porte.

Un monsieur barbu entra et lui dit et je

viens vous voir,

longtemps.

faites

«Je suis Decamps, lepeintre,

comme un homme

qu'on connaît depuis

— Millet, surpris, ne répondit que par un visage — Votre peinture me plaît beaucoup, vous y allez «

franchement

vous

:

»

accueillant.

?

de Decamps

et »

sans fatigue.

Millet

fit

et, celui-ci,

comme un homme bon,

facilement sociable. D'abord

c'est peint

Voulez-vous

passer devant lui tout ce qui

redevenu presque silencieux,

qui souffre regarde

comme

me montrer

je

un heureux,

ce

était

que

digne

le

regardait

a

Ah

1

c'est

voudrais peindre; vous ne savez pas

quel mal on a pour se débarrasser d'une mauvaise éducation

J'aime voir

la

peinture robuste, saine, jeune

;

Courbet en

!

fait


JEAN-FRANÇOIS MILLET. manque de

souvent de bien étonnante; mais l'homme

mun.

11

ne saura jamais faire un tableau...

Decamps

était

à l'entrée

braconnier vous surprendre,

voir aucun artiste;

moi.

Et

»

il

je

du

il

s'entretint des

évoquant

le

Jamais dit

de venir

village, était passé

Je suisvenu

«

disait-il;

souvenir des il

le

chaque année

moment de

heures

je

neveux

sa

et

toujours dans

mort

(1860) et tou-

avec Millet, parlant peinture

artistes

n'entra dans la

et

de son temps.

maison de Millet

;

jamais

il

ne

lui

voir à Fontainebleau.

restait à Millet la

Il

Il

repartit content.

ce quasi-incognito, jusqu'au

jours

Millet.

viens vous voir, vous, vous seul pour

revint ainsi plusieurs fois

Il

com-

»

derrière les jardins pour ne rencontrer personne.

comme un

sens

venu presque en cachette chez

donné en garde son che\al

avait

2o3

pensée que Decamps

était

un

esprit très

original, très lucide, jugeant sainement les maîtres et l'art con-

temporains, mais un

homme

inquiet qui doutait de lui et qui,

sous une dure écorce de sous-ofîicier de cavalerie, cachait une faiblesse profonde,

un égarement dans

poursuite d'un but défini <(

Jamais

je

ne

lui ai

:

la pein-

entendu dire une parole sortie du cœur.

même à propos de comme un homme qui

très juste,

c'était,

la

l'exécution était son idéal.

avait des bons mots cruels,

frait

spéculations de

une constante préoccupation des moyens plutôt que

ture,

Il

les

un sarcasme écrasant, une critique sa peinture.

cherche

et

On

voyait qu'il souf-

s'égare toujours.

en somme, un esprit supérieur dans une

âme en

Mais

peine.

»


,

CHAPITRE XXI EXPOSITION CHEZ MARTINET.

L

AVENIR ASSURE POUR TROIS ANS.

LES GRANDES

THORÉ.

ŒUVRES DE MILLET.

« l\iTTENTE », « LA TONDEU"SE FEMME FAISANT MANGER SON ENFANT ». CRITIQUES A M ÈRE S. PROMENADES ET CONVERSATIONS. INTÉRIEUR DE FAMILLE.

SALON DE 1861

)>

:

«

Malgré tous

ses efforts,

parvenu à placer dans

passaient

cherchait d'or;

et,

si

ni

Arthur Stevens

r Angélus

l'abstinence.

ni le

n'était

Bûcheron,

Rousseau

se

pas encore

mois

les

et

multipliait

;

se

Diaz

quelque Castillan n'apparaîtrait pas avec un lingot

en attendant,

il

se débattait

avec ses ventes publiques

aux commissaires-priseurs, où chaque année

envoyait ses

il

tableaux. L'attente

Diaz arrive et les

«

fut

longue

comme

le

et

cruelle. Enfin, jour

Cid victorieux.

Il

mémorable,

a trouvé six cents francs

prête à Millet.

Vive Diaz! vive

la chair! vive le soleil,

core

du temps de gagné

plet

découragement, arrivé

vais pas de sauté.

»

m'écrit Millet

C'est en-

J'étais revenu de Paris porteur d'un assez ici

comme

j'étais parti,

et voici

com-

encore un mau-


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Quelques jours après,

27 janvier 1860. Râteleuse, avec lequel 9 février.

^

je

«

J'ai

à peu près terminé

Il

est

muet

?

soir.

petit

le

:

tableau de

la

»

Détrimontou chez

tableau que

je

pour

fais

mon tableau soit livre et pqj-c pour la mon Bûcheron continue-t-il à demeurer

indispensable que

L'acquéreur de

fin dudit mais.

demain

lettres

petit

le

d'aller tout de suite chez

Marchand commander un cadre pour

M. Doria.

de nouvelles

je reçois

dois partir pour Paris

Obligez-moi

2o5

»

Le tableau du Bûcheron avait

été

exposé à Paris, dans

l'atelier

de Charles Tiliot,

dans

local de Martinet, et, après bien des pourparlers et des

le

hésitations,

il

et

ensuite,

avait été acheté par

C'est vers cette époc^ue,

Italiens,

un amateur.

au mois de mars 1860,

venirs sont exacts, c]ue Millet signa il

au boulevard des

un

traité

si

mes sou-

aux termes duc|uel

s'engageait à livrer à M.... tous les tableaux, tous les dessins

qu'il pourrait "faire

par mois. Millet

pendant

trois ans.

Il

devait toucher mille francs

maître de choisir librement

restait

dimension de ses œuvres.

Un compte

piration de la période fixée dans

le sujet et la

devait être dressé à l'ex-

contrat.

le

Voilà donc Millet assuré de douze mille francs par an.

11

n'a plus vis-à-vis de lui qu'un unic|ue acquéreur. Quel soula-

gement pour

même

lui

1

il

semble que

lui

c'est

Paix,

la

la

Paix

elle-

qui vient d'entrer dans sa demeure.

C'est alors c^ue, libre de sa pensée, libre de ses inventions, il

peint ces admirables pages c[ui seront les plus éclatants témoi-

gnages de son talent

manger son enfant;

:

le

Tonte des moutons;

pommes

de terre;

la

Tondeuse; l'Attente;

Berger au parc par

l'Homme

à

Femme portant

petite G.irdeusc d'oies,

et

la

la

Femme

le clair

houe;

les

des seaux; les

bien d'autres encore.

qui fait

de lune; la

Planteurs

de

Corbeaux:

la


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

2o6

comme

Millet travaillait heureux,

longtemps rêvé. Vivre de son travail,

imprudemment

s'il

c'était

avait,.

la

vie était à peu près assurée

pour

idéal

toute son ambition

!

Cependant

peut-être, engagé sa liberté.

Il

un

réalisait

trois ans, et cette

pensée

lui

permit d'entreprendre des œuvres importantes, des œuvres d'un tel

caractère d'originalité

pu

les

mener

En

1860,

à fin,

avait été seul livré à lui-même.

enfant, dont

la

nuit au clair de lune, a été acclamé

le

assise, emplit

oiseaux

;

enfants

et les

enfants, assis sur

vaille

est

appartenu à

avait

une scène délicieuse

pas d'une porte, ouvrent

de soupe

pour sa couvée

des moutons est

becquée aux

père,

le

qui tra-

une charmante composition que la

cour d'une vaste ferme, on

un troupeau de moutons dont un la laine

la

'.

peu de personnes ont vue. Dans

rognent

trois

:

bouche que leur

la

comme on donne

au fond d'un jardin, on aperçoit

La Tonte

voit

homme

et

une femme

avec l'impassibilité ordinaire en pareil

cas.

Quel-

ques-uns des moutons attendent encore, tout chargés de leurs sons;

I.

les autres,

Ce tableau

est

La Becquée: H. ger à

il

Knyflf.

La Mère mère,

et

que nous considérons

deux ventes après 1870; ce tableau

M. de

qui

des pages admirables.

Le Berger au parc, dans

Femme

nous parlerons tout à l'heure,

peignit en outre plusieurs compositions

comme

qu'il n'aurait

de force d'expression

exécuta la Tondeuse, r Attente, la

il

manger son

fait

s'il

et

dépouillés, dénudés, bêlent

au musée de

Le catalogue de iSjS

o"',74; L. o"',6o, toile.

la cuiller à ses trois

mari, placé sur

Lille.

un plan

comme

enfants assis sur

inquiets de

décrit ainsi

:

— Une femme accroupie donne à manle seuil

d'une porte, pendant que son

plus éloigné, travaille à la terre. Signé

en 1871 par M. G. Marracci. (M.)

le

toi-

:

J.-F. Millet.

Donné




o :=>

o

Q



LA FEMME PORTANT DES SEAUX. (

Dessin de la collection de

M. Georges

Petit.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

2o8

leur nouvel état.

J'ai

«

voulu,

disait Millet,

espèce d'hébétement qui surprend ces animaux-là, fait

leur tonte, et la précaution qu'on

campagne.

cette toile

:

située constitue aussi

est

et les

J'ai

«

»

la

un des

les

pitto-

attraits

derrière

et,

vaches paissent à travers

les

Saint-Jean d'août.

la

cherché à

dans sa rudesse. Millet.

de

cépées d'ormeaux; enfin, Tatmosphère douce, tiède

de

et clariliée

le lieu

amples constructions du temps passé

ferme, des collines vertes où

ajoncs

à cette opération

ce que disait Millet; mais

bien

était

resque où cette ferme

la

quand on a

»

L'effet

de

met

voir cette

faire

faire

Un

un endroit heureux où une

air pur,

L'exécution

est

très

bonne

la vie est

belle journée d'août, disait

serrée

l'harmonie blonde

,

et

claire.

La Femme

quiporte des seaux a eu

vue chez Martinet, chez Francis admirée par

femme

les

la

la

femme,

la

justement

un motif bien ordinaire

tension des bras,

marche, sont d'une frappante

monieux.

les

verdures d'un

bien subtil.

la

lierre créent

femme de

L'idée a-t-elle été comprise

est significatif?

La

tête,

yeux, clignotants à cause du farouche inutile au

sujet.

?

pour nous, soleil,

le

une

:

la

est

riche

un contraste harnon une servante, maison.

Qu'importe,

»

C'était si

l'en-

est le seul défaut.

donnent au visage un

Mais l'exécution rachète

belle réalité des choses est peinte

mouvement

La couleur

vérité.

«J'ai voulu, disait Millet, peindre là,

une femme de journée, mais

semble

;

vient de puiser de l'eau dans des seaux et les porte à son

avec un fond où

Nul

Petit, elle a été fort

connaisseurs. C'est

ménage. L'aplomb de de

un grand retentissement

avec

la

Les air

tout. Ici, la

plus franche simplicité.

effort, nulle fatigue.

Lorsque ces tableaux furent exposés à

la salle

du boulevard


JEAN-FRANCOIS MILLET.

20f)

des Italiens, Thoré, qui voulait écrire un article intéressant, crut

devoir interroger Millet sur ses intentions

De

secrète.

a

Mon

•^ur trois

là la lettre

suivante

et

:

cher Sensier, voici, à peu de chose près, ce que

de

sa pensée

sur

mes tableaux de chez Martinet

écrit à

j"ai

Thoré

:

i.r.Ati

LES TONDEURS. (

«

Dans

hi

Femme

vient de puiser Peau et à ses

lourd que qui

est

le

Alfred Lebrun.

qui vient de jniiser de l'eau,

ne soit ni une porteuse d'eau, ni

son mari

M.

Dessin de la collection de

même une

pour l'usage de

enfants; qu'elle

ait

sa

j'ai

servante,

tâché de faire que ce

mais

maison, l'eau pour

bien

l'air

la

femme

faire la

qui

soupe

à

de n'en porterai plus ni moins

poids des seaux pleins; qu'au travers de l'espèce de grimace

comme

forcée à cause

du poids qui

lui tire

sur les bras

et

du cligne14


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

210

ment d'veux que

qui pourrait regarder vers

le

accomplisse avec simplicité corvée,

un

sentimental

voulu, au contraire, qu'elle

j'ai

:

bonhomie,

et

air

toujours avec une espèce d'horreur, ce

et

acte qui est, avec les autres travaux

les jours et

sans

comme une

considérer

le

du ménage, un

travail de tous

l'habitude de sa vie. Je voudrais aussi qu'on imagine la fraî-

cheur du puits, elle

comme

J'ai évité

un

lumière, on devine sur son visage

lui fait faire la

de rustique bonté.

que son

et

air d'ancienneté fasse bien voir

que beaucoup avant

y sont venus puiser de l'eau. Je voudrais que, dans la

«

Femme faisant

déjeuner ses enfants, on ima-

gine une nichée d'oiseau.x à qui leur mère donne

pour nourrir

vaille

Dans

('

mer cette quand on

les

L'homme

becquée.

la

tra-

ces ètres-là.

Moutons qu'on

espèce d'hébétement

est en train et

de tondre,

cherché à expri-

j'ai

de confusion qu'éprouvent

vient de les dépouiller, et aussi

la

curiosité

et

moutons

les

l'ébahissement de

ceux qui ne sont pas encore tondus, en voyant revenir parmi eux des êtres nus. J'ai tâché de faire que l'habitation ait bien

aussi

paisible

;

qu'on puisse supposer

herbe qui

en

le clos

plantés les peupliers qui doivent l'abriter: entin,

un

rustique

air

ou sont

est derrière et

que

cela ait

un

et

air d'an-

tique fondation qui appelle le souvenir.

Je lui dis encore qu'au cas où

«

croirait

il

je

tâche de faire que les choses n'aient pas

et

pour

bon d'en

l'occasion, mais qu'elles aient entre elles

remarque,

faire la

amalgamées au hasard

l'air d'être

une liaison indispensable

et

forcée. «

Je voudrais que les êtres que

représente aient

je

l'air

voués à leur

position, et qu'il soit impossible d'imaginer qu'il leur puisse venir à l'idée d'être autre chose.

Gens

choses doivent toujours être

et

désire de mettre bien pleinement crois qu'il vaudrait presque

fortement ce qui

mieux que

pas dites, parce qu'elles en sont la

et

comme

les

pour une

Je

car je

choses faiblement dites ne fussent

déflorées et gâtées, mais

plus grande horreur pour les inutilités

fin.

est nécessaire,

(si

professe

je

brillantes qu'elles soient) et les

remplissages, ces choses ne pouvant donner d'autre résultat que

la distraction

et l'affaiblissement. «

Je ne sais

si

tout cela ^•alait la peine d'être dit, mais le voilà

'Vous m'en direz votre avis.

presque décidé à parait diminuer

le faire?

comme

Viendrez-vous samedi Ici,

rien

de neuf.

tel

La coqueluche

des enfants

un peu. «

Bonjour de chez nous chez vous. «

J.-F.

quel.

vous paraissiez

MILLET.

»


JEAN-FRANÇOIS MILLET. L'année 1860

fut

un temps de calme

des petites dettes

libéré

relisait

Serres

content

je serais

et

m'en envoyait des

superbes sur

nature

la

pour

être utiles

tous,

m'en envoyait

tableaux

lettres,

su

On

le

il

la

et,

fait

formuler

comme un

les

la

rassuré.

le

était

Millet

»

de

(31ivier

Nos

pro-

de

et

des traits

avait

pouvaient

disais qu'ils

les écrire à la

hâte et

son modèle.

toujours

une raison

avec

exquise

seul de tous les artistes

principes

cette

dureté du grand peintre normand,

conçus

où, peut-être

Millet

je lui

résumé. Poussin

tous

,

peinture.

quand

lettres,

des bourgeois naïfs

riait

prenait la peine de

Le caractère loyal jusqu'à ses

tout à

et

extraits applicables à Tart.

étaient joyeuses.

commentaires sur

Millet,

Moins

tranquilles. «

fait

avec bonheur Montaigne, Bernard Palissy,

menades leurs

pour

intérieur

des soucis du ménage. Ses

et

toujours nombreuses, sont tout à

chère migraine,

211

l'art, le faisaient

cie

génie tutélaire. Enfin

était

il

,

anciens,

ses il

a

aimer de Millet

lui-même bon, grave

et

heureux dans renfantement de ses plus belles choses.

Ce grand

travail

ne l'empêchait pas de souffrir pour ses amis.

Une

lettre

était

son émotion devant un malheur de famille.

parmi toutes

celles

que nous possédons

«

u

Mon

cher Sensier, nous

nous donnez

(la

qu'elle a souffert...

qu'au moins «

elle

sommes

perte d'un enfant) et

Nous

des nouvelles que vous

nous plaignons M'"" Sensier de tout ce

attendions de meilleures nouvelles,

Ce que vous avez dû éprouver et c[ue

je

vous assure;

est aussi à sa

les

manière quelque chose

ne peuvent s'imaginer ceux qui n'ont jamais passé

par des choses de ce genre-là. Et, quoi à essayer;

juillet.

tâche de ne pas trop se chagriner...

de bien angoisseux

ment

très attristés

1"

dit bien quelle

prendrait-on?

Il

?

On

n'y a pas de consolations seule-

ne peut que faire de nouveau un

retour sur la triste condition de r homme ne de la existence n'est qu'un tissu de misères.

«

Que

femme, dont

ne suis-je mort dès

la la

si

courte

matrice!»


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

212 disait Job.

Mon

nerais au

lugubre

cher Sensier,

que

faut

il

m'arrête,' car vraiment je tour-

je

comme

mais vous n'imaginez pas

;

chaque

à

fois

que

j'apprends la nouvelle d'une profonde douleur (surtout lorsqu'elle s'adresse

que j'aime

à ceux

malheurs

aussi de

le plus), cela vient et

me

les présente tous

temps en temps autre chose vient remis sur cette pente. pas s'exciter dans

le

raviver en

tout ce que

éprouvé

j'ai

d'un bloc. Heureusement que de

faire diversion,

Ma femme

chagrin...

moi

mais

je suis

bien facilement

exhorte aussi bien fort M""' Sensier à ne

Nous vous embrassons

bien en vous souhai-

avec tout ce que nous avons de force, de vous voir sortir de vos dou-

tant,

Nous vous

leurs.

disons bon courage. «

<i

«

1

»

novembre 1800.

1

Nous avons vu hier soir, pendant cinq minutes, Thore,qui

...

Fontainebleau avec deux de ses amis. Bruxelles a paru dans

de

sition

MILLET.

J.-F.

savoir ce que

Dites-nous

c'est.

le

m'a

Il

dit

que son

venait de

article sur

journal de Charles Blanc

comment on va chez Diaz

l'Expo-

tâchez de

;

après leur grand

malheur'... L'article de

<.

le

Thoré m'arrive. Je

bon? Nous en causerons

trouve assez étrange. Quel bout

Galette des Beaux-Arls du i5 novembre 1860.

la

noncer

la

M. Diaz

mort d'un jeune

artiste

vient d'être enlevé

fils

dont

«

Nous avons

le talent faisait déjà

prématurément

nature,

et,

dès

le

début,

il

s'annonçait

regret d'an-

à sa famille et h ses amis.

comme un

Il

avait

savait voir la

il

paysagiste épris de la lumière et

couleur. Les quelques tableaux qu'il avait envoyés aux dernières expositions

la

de province faisaient concevoir avenir. 2.

»

la

meilleure

idée

de ses aptitudes

légèrement

l'article «

de Thoré, publié par

deux bouts

le travail

»

la

étaient bons, et

Gabelle des Beaii.v-Arts. il

de son défenseur, puisqu'il

Les phrases ironiques insérées au début de

faut croire s'est

un

Le tableau qui occupe le

de

son

le

i5 octolu bien

instant mépris sur sa pen-

l'article s'adressent

Thoré écrivait dans son compte rendu de l'Exposition de Bruxelles «

le

que Millet avait

visiblement aux

bourgeois obtus qui ne se plaisent qu'aux fades élégances. Quant à la

même

et

(M.)

Dans

bre 1860, les

sée.

le

mieux que des promesses.

à peine vingt-cinq ans. Grâce aux excellents conseils de son père,

de

est

Emile Diaz venait de mourir. Nous retrouvons une note publiée à ce sujet

!.

dans

le

-.

Tondeuse,

:

plus les artistes, et les critiques, et les amateurs, et

public intelligent, c'est la Tondeuse de moutons, de

M.

Millet. Cette toile,

que nous avons eu occasion de voir ébauchée, à Barbizon, près Fontainebleau,

a été


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Demani-lez à M. Niel

«

intitulé

connaît un vieux livre, imprimé en français,

s'il

Tableau des visions chrestiennes, au moins

:

des pages, l'exemplaire que livre contenait

2i3

vu n'ayant

j'ai

c'était le titre

commencement

ni

quand

des légendes qui m'ont bien effrayé

du haut

Ce

ni fin.

j'étais

enfant.

Il

contenait les opinions d'un tas de casuistes sur une infinité de choses qui se

passeront dans l'autre monde, vable?... Quelles sont les

etc.,

un

Est-ce

etc.

plus belles vieilles Bibles illustrées,

meilleure traduction? Je vous prie de

avis, la

livre facilement trou-

souhaiter

lui

et,

son

à

bonjour

le

pour moi... « J.-F.

Et toujours, vous

aux légendes de

le

voyez, fidèle à

MILLET.

la Bible,

sa jeunesse, Millet reste

aux

livres

qu'il était

tel

»

et

aux pre-

mières années.

Son repos

relatif

ne Tempèchait pas de se préoccuper de

guerre qu'on

lui faisait

discerner

amis

les

et

la

à Paris. Son instinct très délié avait su les

ennemis.

Il

avait acquis la certitude

enlevée toute chaude de l'ermitage du peintre et expédiée à Bruxelles, qui en a

la

primeur Jusqu'ici,

quoique

M.

Millet n'avait encore

manière de peindre

sa

est

sombre.

Une

de ses mains est étalée sur

dissimulé dans l'ombre, la

laine sur le poitrail de la brebis.

de

ne

la

bien ce qu'elle

fait

fait!...

poésie par la seule vertu de

sais quel

vrai...

la

Tout

Sa

tête hàlée est

sujet peut être élevé à la

l'artiste, s'il

point distraite.

Ah que

cette

!

hauteur solennelle

y met une conviction irrécusable,

je

beau

et

Millet

fait

— n'est-ce pas très singulier les

et

sa création se rattache à ce qui est

La simple Tondeuse de moutons de ^L temps qu'aux peintures

tient les ciseaux et

grave

forme, sans aucun escamotage.

élément universel, par quoi

admirables de l'antiquité,

même

brebis couchée et qu'un vieux paysan,

la

empêche de remuer. Son autre main

Sous son vêtement grossier, on sent

femme

figures de proportions réduites,

aux grandes compositions. La tondeuse de

de grandeur naturelle, vue à mi-jambe, de profil à droite, sur un fond

moutons

coupe

montré que des

se prête

et

songer aux œuvres

les

presque incroyable?

plus

— en

plus solides et les plus colorées de l'école véni-

tienne. L'art grec et Giorgione, ce sont les

deux souvenirs qu'évoque

la

nouvelle

peinture de cet artiste solitaire, qui sera bientôt classé parmi les maîtres de notre

temps,

et

qui ouvre peut-être une nouvelle époque à

aujourd'hui,

J'espère qu'en

notre ami

la

peinture,

si

défaillante

u

Thoré

convaincu que

relisant l'article de la Galette. Millet aura été

n'était pas trop

méchant.

(M.l

'


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

214

qu'une rude campagne qui disait de

lui

:

«

s'ouvrir contre

allait

C'est

un Jupiter en sabots

véritables artistes, Meissonier, Jules

Barye,

Delacroix,

Ziem

et

Rousseau

Alfred

malgré Gérome

malgré

des

l'élite

Dupré, Daubigny, Diaz,

brèche,

la

)>,

Daumier,

Ricard,

Stevens,

toujours sur

',

lui,

Belly,

d'autres de

et tant

la

jeune école.

Méryon lui-même

se ralliait à Millet et voulait étudier ses

eaux-fortes. "

Puisque décidément M. Méryon

H

d'eaux-fortes,

Mon

«

vienne

il

est si

^ dL-ccmbre 1860.

vertueux, qu'il fasse

le tirage

n'y aura pas mécompte...

tableau des Enfants qui mangent est terminé. .l'attends qu'on

le chercher...

Eeaux-Arts

;

Je verrai

y

s'il

moyen de le

a

faire voir

peut-être le trouvera-t-on bien révolté.

Méryon,

un

qui, depuis, a eu

fortes, estimait

beaucoup

si

grand succès par ses eaux-

de Millet

celles

au Directeur des

»

et se

donna

peine

la

d'en tirer lui-même des épreuves à sa presse pour en étudier toutes les qualités.

Le Salon très partagé

allait s'ouvrir

au

nous apprenons que

;

Mon

cher Sensier,

A

dessein, nous avons

une grande sympathie pour talent. «

Il le

me

petite musique. Et, 1

art

et

surmes

omis Corot parmi

sa personne, mais

disait-il,

ne m'y reconnais plus;

grande science, de

à

Mardi matin, 22

avril

1861.

juges, dans votre lettre apportée

les partisans

il

me

de Millet. Corot avait

ne comprit jamais nettement son

voyait très peu et n'était pas son ami. Je lui parlais un jour de Millet

Excellent coeur,

je

été

vous remercie des renseignements que vous

je

donnez sur mes tableaux du Salon I.

Jury a

de l'envoi de Millet.

sujet

((

«

le

l'air, si

de

mais sa peinture

je

suis trop attaché

la

profondeur

vous voulez que

je

;

est

à l'ancien. Je vois

bien

une

mais cela m'cflVaye. J'aime mieux

vous

:

pour moi un nouveau monde,

le dise, je suis

assez long à

me

ma

faire

nouveau. C'est depuis peu seulement, et après en avoir été longtemps très

éloigné que

j'ai

enfin compris

un fameux homme.

»

ik.

S.)

Eugène Delacroix, que maintenant

je

regarde

comme


JEAN-FRANÇOIS MILLP:T.

2i5

par T... J'aurais de beaucoup préféré un refus tout net à une réception qui

va permettre à ces êtres-là de montrer mes tableaux de

comme

vorable,

vous voyez que leur intention

de

est

la

façon faire.

le

plus défa-

la Il

n'y a pas à

discuter les raisons qu'ils donnent pour motiver leurs actes; mais ce n'en est

pas moins un nouveau renfoncement que

donner beau

propre,

C'est

que

je

le

l'extrême jeunesse de

ils

souffrir là-dedans,

à

S... Il

me

et

que

doivent avoir

la

Mon amourmême d'un che-

malheureusement plus

n'ai

je

une idée peut-être très

passe par la tète

vous parlerai samedi, cependant;

je

et

cependant?

faire

n'en suis pas moins ennuyé, pour des raisons d'un autre ordre.

ne suis pas tout seul,

je

mais dont

savez, n'a pas

vont

à subir, d'autant qu'ils

houspiller,

grands journaux. Quoi

les

comme vous

veu; mais

me

jeu à leurs écrivains de

main sur tous

j'ai

car,

folle,

non de

était possible,

s'il

conjurer l'orage, mais de l'atténuer par des moyens décemment praticables,

moment

ce serait le "

d'en user,

Tâchez donc de savoir au

ma

ont prise à

coup de

juste

si la

part

que Flandrinet Robcrt-Fleury

réception, est d'une absolue vérité. Cela m'intéresserait beau-

le savoir,

surtout de quelle

et

manière

ils

ont pu être pour moi;

en ont donné des raisons. Ceci n'a aucun rapport avec l'atténuation de

s'ils

l'orage dont je vous parle plus haut.

choses qui plaisent à vières peut

me

M.

Tobic à hauteur d'appui

quelque lumière, ce sera déjà

très

forcé d'apprendre aussi, lui,

choses ne vont pas toujours tout droit. Enfin,

d'un trop grand ennui,

faites

ce

dans un lieu ayant

et

beau. Et vous ne savez rien de ce mal-

sera peut-être bien

Il

faire des

de Nieuwerkerke?... Si seulement M. de Chenne-

faire placer le

heureux Jean?

Pourquoi diable aussi ne pas

et

si

ce n'est pas

que

les

pour vous

que vous pourrez pour que Tnbic

soit à

hauteur d'appui. «

Si

manquez

vous apprenez quelque chose de neuf pas de

me

le

dire,

même

tableaux de Rousseau avancent

M""

Sensier

et à

et

et

qui puisse m'intéresser, ne

avant samedi. Tillot m'a sont

très bien.

dit

à

que

vous

les

et

à

et xMillct

y

Rousseau. ><

Le Salon de

1861

s'om

parut avec trois tableaux ï Attente et

Bonjour

Une Tondeuse

:

rit

J.-F.

MILLET.

aux Champs-Elysées,

Femme

faisant

»

manger son enfant;

de moutons, la grande peinture qui

avait été exposée à Bruxelles Tannée précédente. J'étais

au premier jour de l'ouverture,

et je

me

souviens que,


JEAN-FRANCOIS MILLET.

2 ib

de

la

chaleureux. Plusieurs m'accostèrent

me

et

dirent

On

plus.

dirait

:

«

Millet s'est

comme on

surpassé; sa Tondeuse est du grand art robuste fait

un succès

part de beaucoup d'artistes, ce fut pour Millet

d'une fresque d'un vieux Florentin.

n'en

»

Charles Jacque, qui ne voyait plus Millet, l'apercevant, se dirigea vers lui, le salua et lui dit

«

:

Millet, quoi qu'il arrive,

veux vous dire que vous avez

je

un chef-d'œuvre

fait

>>

!

Les jeunes peintres furent à cette exposition très significatifs,

tout

et

avec

un

la

bataillon se déclara,

véhémence de

jeu-

la

nesse, admirateur de Millet.

Une grande tique

partie de la cri-

montra

se

hostile

et

le

public passa, sans se prononcer, s'arrêtant

Phryné^ aux Augures de

à la

Gérome

LA TONDEUSE. (Croquis de

de

la collection

M""

bien plus volontiers

aux beaux paysages

et

de Courbet.

Seiisier.)

U Attente, conscience

filiale

formes par

bons mots était

de Millet,

la caricature, et les

cette

fut surtout attaquée

par

les

page de

sous toutes

les

par

les

lazzis impitoyables,

arrêts solennels des hauts écrivains.

beau, cependant.

parlait de

Il

chant qui se comprenait soudain

:

la

la

Le tableau

lui-même un langage tou-

demeure des vieux parents

de Tobie, une réelle habitation de pauvres gens isolés de tout, vivant de le

la

solitude des

campagnes

et

de leur attente

bois, la route, d'une majesté grandiose

pour

ainsi dire peint, fixé

;

un

par une main pieuse

;

le soleil,

silence profond, ;

deux

vieillards


JEAN-FRANÇOIS MILLET. dessinés avec la science exacte de Millet

217

une exécution assu-

;

voulue, une belle page, enfin!

rée,

Et pourtant

On

elle déplut.

Paul de Saint- Victor

de

se rappelle les cruels articles

de Théophile Gautier. Je ne veux pas

et

reproduire.

les

A

ces paroles irritées, Millet ne répondit rien, sinon quel-

ques lignes qu'il m'adressa. ...A

«

le

bien prendre, J'aime mieux

me donnent

louanges creuses si

on voulait

quitte

que je

la

façon dont

me

me

cela

m'en

la

'<

embarbouille un peu

le

me

semble que j'éprouverais

pommade. J'aime donc mieux en chaussé d'escarpins,

les

Théodore Pelloquet

style,

qui ne cherche

et

qui relève et

l'esprit...

Cette composition

de grandeur; elle atteint à

sans effort apparent.

pas

On

n'y trouve pas la

qu'une

certaine

un mot

'.

Si je n'étais pas

La Tondeuse

le

la

plus

moindre

une force véritable

affectation

auquel on ne pourrait

à supprimer

les

détails,

re-

un excès

»

si

affermi dans

a été achetée

Le croquis que nous reproduisons Dans

aisé et souple,

n'avais pas quelques amis,

I.

est à la

à se montrer, une façon de peindre large, sobre,

un dessin plein d'énergie,

d'austérité, en

propos

:

grande hauteur de

je

que

crois

je

écrivait, à

trace de ces fausses habiletés de métier; mais, à la place,

procher

être

pourrais trouver

critiques cependant n'obéirent pas à ce parti pris.

Voilà du grand art

solide;

je

chemin, mais, avec des sabots,

pleine de caractère, de fermeté

fois

si

M. X...que

tirerai. »

Tondeuse

la

la

Si j'étais

Millet eut des défenseurs.

de

sensation qu'il

manger de

faire

pour un peu de bave.

Tous

et

traite

m'avait accablé de louanges. Ses longues enfilades de mots vides, ses

s'il

mes

si j'étais

idées,

disait Millet,

seul enfin, ce serait à

pour l'Amérique. Elle n'est

me

est

aujourd'hui à Boston.

qu'une première pensée encore indécise.

tableau définitif, tout s'est agrandi en se simplifiant. (M.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

2i8

demander

se

suis pas

ne suis pas

si je

dupe de

la

un rêveur. Voyons, de bonne

ma

pensée

foi, ajoutait-il,

ne

et si je

que puis-

prendre de bon, de sérieux, pour réformer mes défauts dans

je

les

invectives de ces messieurs de la critique? Je cherche

que du bruit; pas un

vois

puisse

me

traiter et disparaître

moment

Taccomplissement de ce long

nous ne sommes pas

Alors,

la critique

:

mal-

?

Souvent, quand un

pousse à peindre

devoir de

là le

n'y

de bonne raison qui

conseil, pas

Est-ce bien

servir.

et je

de répit nous survient dans

nous nous demandons

travail,

jouet d'un malicieux esprit qui

le

la réalité

si

nous

sous des couleurs trop assombries.

pour nous donner à nous-même un contrôle sévère,

nous relisons nos notes prises mois par mois, nos constatations matérielles, les journaux, les brochures, les actes bien réels en

un mot de

ces

nos

annales, nous ne

tristes

écritures

temps déjà

mêmes de

ces grandes assises

accusé. Oui,

des citoyens

un les

loin de

si

;

tout prêt à modifier

et,

pouvons que nous soumettre aux

époque

cette

nous

elles

:

sont

le

où Millet comparaissait sans

témoignage de

cesse

comme un

véritable accusé, coupable d'exciter à la haine

uns contre

les autres.

Millet sentait bien toute la cruauté de ces accusations le

devinait à son attitude extérieure,

Cette préoccupation se reflète

La photographie

la

tants.

était

contraint de

sur

un de

qu'un Millet exagéré. Une

grandi, exprimé

le

comme un

le

ses portraits.

rendre

tel

qu'il

et

dur,

photographie

faite

à

précise enfin avec vérité.

Il

pose, tantôt

Barbizon, par un de nos amis, là

même

n'avait pas encore réussi à

Tantôt raidi par

n'était

est

il

on

de ses habitudes ordinaires.

sortir

était.

quand

:

le

petite

regard fixe

il

chef de rustiques combat-


JEAN-FRANÇOIS MILLET. en pied, debout, en sabots,

est

Il

corps droit

la tète levée, le

qui

prend son aplomb,

cheveux

jetés

en arrière,

On

siastes,

chapeau à

le

regard

le

dos tourné vers un mur,

comme un

jambe avancée

et fier, la

homme

menaçante.

le

219

comme

main,

la

les

une chose

fixé sur

prendrait pour un de ces paysans enthou-

le

victime de nos guerres civiles qui, vaincu, regarde

mort sans

pâlir.

Ce

pour moi, toute

petit portrait est,

la

de

la vie

Millet.

en

11

était assez

content

et,

quand

semblez à un chef de paysans qu'on va

comme un homme Cependant

comme un

eux,

Il

que des mots de

dédommageait de

travers cette forêt qui avait

quiétudes, s'exaltait

il

aux majestés des Il

revoyait toujours

On

cherchait à

tentait

quand

((

les

ses le

réticences.

don de

futaies,

terreurs

de nuit peur,

et

Eh le

quand

ciis

les

bien

visiter

ou des paroles de

En promenade, oublier ses

1

la teinte

le

inIl

et

ces

ramures

revenaient

décroissante

avec

Il

ces antiques centrées,

la

du

lucidité

paisibles.

les

jour.

du

légendes. Il

expli-

voyant.

sabbat des sorcières, là-bas, au fond

des enfants qu'on étrangle,

ce n'est pourtant que

le

dernier cri des corbeaux. Tout la nuit, cette

à

aux écroulements des roches

venaient

populaires

N'entendez-vous pas

forcenés?

le

faire parler et

le

lui faire

l'homme du passé dans

le soleil baissait,

du Bas-Bréau,

regarda

avait des aperçus nouveaux, singuliers.

Son imagination prenait quait

de

politesse

l'homme sauvage, heureux de vivre sous Puis,

me

il

res-

souvent d'une éloquence toute primitive.

était

antédiluviennes.

fusiller »,

Vous

parleur qu'avec ses amis. Mais, avec

n'était confiant et

se

il

on

original excentrique; lui

«

:

de cette traduction.

fier

taciturne.

restait

il

on n'obtenait de glace.

presque

dis

lui

je

les rires

des

chant des oiseaux jette l'elïroi et la

grande inconnue, succède à

la

lumière.

"


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

220

Toutes

légendes ont une source de vérité. Et

les

peindre une forêt,

je

si

j'avais à

ne voudrais pas qu'on pensât aux éme-

raudes, aux topazes, à tout un écrin de couleurs précieuses,

mais à ses verdures, à ses sombrelés qui dilatent ou étreignent le

cœur de l'homme. Regardez quel effondrement que ces masses de rochers

«

jetés là

puissance des éléments! C'est un déluge antéhisto-

la

un chaos;

rique, ses

par

ce devait être effroyable, lorsqu'il broyait sous

masses des générations d'hommes, lorsque

eurent pris possession de

la terre et

La

surnageait à tant de désastres. trois

mots

:

Et

spiritus

mars 1860. Sans les

être libre,

l'expiration

du

il

traité,

son acquéreur 5,762 francs, Voilà ce

qu'il avait

fut

fécond,

il

lui,

cette

du

enfants, tous

époque.

que Millet devait à

se trouvait

payer en peinture.

qu'il s'engagea à

pu économiser.

Millet était

fatigue

en

produisit. Les pages

il

œuvre sont de

tourmentée de Rousseau^ dont

la

qu'il avait passé

son avenir, voyant autour de

grandir sa famille, n'avait pas, au moins,

Chez

un tableau en

vécut dans un constant labeur,

Millet, tout inquiet qu'il fût de lui

fait

».

aux clauses du contrat

plus remarquables de son

A

Bible en

du monde

trois années, Millet

assujetti qu'il était

que, seul, l'esprit de Dieu

Dei supevabat super aquas. Poussin seul,

peut-être, a compris cette fin

Pendant

grandes eaux

les

le

travail,

père

l'intérieur était

et le

heureux de s'approcher de

ces riens de village dont

il

vie misérable et

souvent un enter.

maître. Et quand,

voyait autour de

il

la

lui

sa

lui et

de

était si friand, alors

qu'à sa couvée, à sa crapaudière,

comme

il

il

le soir,

après

femme, lui

ses

raconter

ne pensait plus

disait.


CHAPITRE XXII MILLET MONTRE CE QU '

IL

VEUT, CE QL

IL OSE.

l"hIVER ET LES CORBEAUX, LES PLANTEURS DE POMMES DE TERRE, LE CERF, LE VIEUX MUR, l'hOMME A LA HOUE.

LETTRES DE MILLET.

»

SON ATELIER, SON JARDIN, SES AFFAIRES.

UN SUICIDE DANS LA MAISON DE ROUSSEAU.

L'année 1862 datera dans

se trouve

il

mûr

pi^ur

la vie

aborder

et

de Millet,

comme

l'époque

accomplir ses plus auda-

cieuses visées. C'est alors qu'après avoir d'abord agi avec une certaine prudence, série de

veut,

il

découvre une réserve d'inventions, une

travaux d'une conception inattendue.

ce qu'il ose,

ce

qu'il pense,

maître n'a connue avant

Corbeaux;

Planteurs de

les

paissant; la Cardeuse ;

gère

et

l'Homme

le

montre

ce qu'il

sous une forme qu'aucun

lui.

C'est en 1862 qu'il entreprend les

11

ou

qu'il

pommes

achève

de terre ;

:

l'Hiver

les

et

Moutons

Cerf; la Naissance d'un veau ; la Ber-

se reposant sur sa houe^ qui a suscité tant de

cris et indigné tant

de critiques nerveux.

Celui qui verrait réunie aujourd'hui la série de ces travaux

pendant

cette curieuse

année

se dirait

que l'auteur de

si

belles


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

222

choses a dû jouir d'une paix profonde

ment dans une

parfaite quiétude d'esprit.

La paix cependant

comme

entrevoyait

nombre de

lettres

lieu

'c

de

génie

lui.

ne de-

Il

de rafraîchissement

qu'il

»

de ses combats.

la fin

Nous avons, pour

Toutes ces pensées

pas venue pour

n'était

qu'au

vait obtenir le vrai repos

élaborer douce-

plus robustes du

sont les fruits les plus sains, les Millet.

et les

de cette période, un certain

l'histoire

qui relatent

principaux

les

de

traits

vie

la

de Millet.

On

ne sera pas étonné d'y voir souvent répété

Théodore Rousseau. l'autre; le

On

dévouement,

secourir Millet

convaincu,

et

fut,

de

quelle amitié les unissait l'un à

l'activité

que Rousseau déployait pour

adopter son

et faire

quente, Rousseau

sait

nom

le

Avec

talent.

sa parole

pour son ami, un admirateur

élo-

vaillant et

sa part est grande dans les rares bonnes fortunes

qui survinrent à Millet.

On

verra aussi qu'il

est

question dans

tableau que Millet a exécuté en 1862,

les

ces

d'un

lettres

Planteurs de

pommes

de terre. C'est une de ses plus belles œuvres, une peinture limpide, où

homme sillons

sa

et

se

le

femme

sont

pomme

Un

dans une plaine immense où

les

est

admirablement

perdent à l'horizon à l'entour d'un village dont on

maisons noyées dans

ne voit que quelques

L'homme

saisi.

calme des champs

entr'ouvre

le

de sa houe,

sol

de terre qui doit

donne l'ombre à un âne

multiplier.

se et

et

à

un

enfant,

femme y jette la Un gros pommier la

que

le

conduits avec lui aux champs. L'enfant dort dans l'àne.

Toute

la

jeune famille est

vail, car le village est la

loin,

là et

lumineux.

l'air

le

ménage

a

panier de

passera la journée au tra-

bien loin.

La

structure savante,

proportion justement équilibrée des deux figures,

la

belle


.

JEAN-FRANÇOIS MILLET. couleur grise

proche

affinée font de ce tableau

et

Il

il

Mon

ne

fait

cher Rousseau, notre enfant

que grogner

mes

travaille de toutes

me

est

est

:

Barbizon, 31 décembre 1O61.

guéri ou

à

mes Planteurs,

ce qui

fait

que sans doute

verrez arriver bientôt, mettre tout sens dessus dessous chez vous, ce

on ne peut plus

naturel.

Vous avez dû voir Eugène Cuvelier

qui

est

fait

voir quelques plrotographies très belles, prises dans son pays

dans

la forêt. C'est pris

disparaître.

avez

naire et que

aussi

dans

et

les

Bodmer, qui

ne vous décrirai pas.

je

son

cris

venant à Paris, mais

parait ravi de ce

Ils

pour

de mal qu'eux

;

je

Dites-lui

la souhaite,

que

je

les

années, ajoutant que,

que

lettres

si

vous plaindre.

à

Au

revoir,

mon

cher Rousseau

Il

Mon

apporterai en

de nouvelle

compte pas me donner

Il

"

lui

le

elle est

et à

tant

tous

comme

Ma femme

et

je

mes

moi. «

grasses

lui

eau, pour faire des choses qui ne sont

vous n'aurez pas trop

comme

enfants font

que vous

contenterai de souhaiter à vous, à M""' Rousseau

meilleure de toutes

les vôtres la

et

cela des chefs-d'œuvre. Je ne

me

d'autres

et

qu'il se calme.

suent véritablement sang

peut-être pas

m'a

givre d'une beauté extraordi-

Les enfants sont occupés depuis hier à imaginer des

année.

il

reçu une lettre de Vallardi, qui ré-

J'ai

petit tableau.

:

plus beaux endroits destinés à

Nous avons eu une matinée de

clame à grands

vous

avec goût

Vous avez vu

fait voir.

«

la

une fameuse chose. Je

passée, ce qui est déjà

forces à

peu près; seulement

qui ne laisse pas un instant de repos à

et teter, ce

mère. Enfin Tinquiétude

vous

une page sans re-

'

Maintenant, laissons parler Millet

(I

223

Barbizon, ce

;

J.-F.

5

à vous.

MILLKT.

»

janvier 1862.

cher Sensier, l'année n'est pas de celles qui s'annoncent aussi les sept

vaches du songe de Pharaon. Je crois que

je

ne clorai

pas la série des vaches maigres; car tout s'annonce assez en noir. Notre en-

Ce tableau a

1.

logue il

officiel,

a été

il

fait

partie de rExpositioii universelle de 1867. D'après le cata-

appartenait alors à

revendu 57,000 francs.

(A.

M. Soultzener. S.)

A

la suite

d'aventures diverses,


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

224

fant est guéri, c'est le

bon

trouve obligé d'attendre

moyens de

sans

une

loi,

durer. est

la

subsister

des juges pour

:

me

M. Templier nous

côté

mais

;

ne

les affaires

se

d'un procès auquel

fin

c'est

un engrenage de là? Voyez

tirer

terminent pas

je suis

horrible. et

N'y

me

donc pas

a-t-il

informez-moi

cela ne peut

;

a bien assurés de la fin certaine de ce procès.

n'en

Il

comment vivre et attendre qu'il plaise aux Salomon tu étais plus e.xpéditif. dans quelques jours à Paris, quand mes migraines m'auront

pas inquiet, mais, jusque-là,

O

juges de rendre leur jugement? J'irai

<i

quitté et

au milieu desquelles

1

je travaille

de toutes mes forces...

Tout mon temps

«

moment pour terre les

pommiers

jardin et

deux dans

Mais

Il

y en aura deux dans l'ancien

cela ne

vous gêne beaucoup de garder notre

fille

seigne de Biche

François,

c'est

raconter

boulanger,

et

qu'elle a

vu manger

les lions

!

Franfrance

aîné de Millet) se promet de lui faire bien longuement

fils

ces messieurs les lions ouvrent leur gueule

cette fonction. Dites-lui

que nous l'embrassons bien

Barbizon,

«

pour

tous...

1 1

s'acquitter

»

janvier 18CÎ2.

Les deux tableaux que M. X... ne paraissait pas désirer sont

«

Paysage normand pioché qu'il

me

houe

Quand on imagine

de son âge a déjà vu un bazar, qu'elle s'extasie sur l'en-

le

comment

les

que

s'en plaindre, d'autant

Sensier la comble de toutes sortes d'amusements.

M°"

pas eu un

mettre en

et

celui de Riboullard.

grande Marie aussi longtemps. Elle ne paraît pas

qu'une jeune

je n"ai

un jour

je vais prendre

ne pâtissent pas.

afin qu'ils

Nous craignons que

ic

que

a été pris si ric-à-ric à travailler

planter nos arbres.

»

Janvier i8j2.

(i

de

et je

étranger, et cela

et

V Homme

s'

appuyant sur sa houe; mais

j'ai

mon

tellement

trouvera peut-être à son goût, vous verrez! IS Homme à la

fera houspiller

choses d'un autre

de bien des gens qui n'aiment pas qu'on

monde que

le

les

occupe de

leur et qu'on les dérange; mais enfin

me

voilà sur ce terrain et j'y resterai... <i

...

M.

Je suis en train de faire le dessin de

Niel. Prévenez-le de cela,

afin c^ue son esprit soit préparé à l'idée de le recevoir bientôt.

ce soit trop de J'ai

demander i5o

francs? c'est

un

reçu une lettre de Pierre (frère de Milieti

population des Etats-Unis jours.

On

cent mille

dit

que

hommes

est

les Etats et le

:

Pensez-vous que

dessin colorié à l'aquarelle... il

me

transformée en soldats

dit et

que presque toute que

la

l'on recrute tou-

du Nord ont maintenant sur pied environ cinq

Sud

doit en avoir à peu près autant...

Je travaille


JEAN-FRANÇOIS MILLET. à

mon

tableau un

pourrait chose.

Homme

peut-être être

Femme plantant

une

et

assez

fait

vite

si

je

des

pommes de

voir

»

^ mars

On

!

beau avoir Fesprit préparé à croire possibles toutes

a

tions auxquelles l'humanité est sujette,

rimproviste m'obliger

désarmé à chaque

et

s'il

Pâques. Quel

vous

temps

triste

il

on n'en

fait

Tout

!

...

Le père Verdier

a apporté

ont tous

tronc frais !

et

reluisant

vous, qu'il y en

rappelle toujours d'un que

polies et

laurier

est

comme

le

comme

celui-là

Ma femme sème magnifique

et très

qu'on

ferait des

;

a

Mon

remettre.

Pour

cher Sensier,

je

Nous ne car

il

d'arbre. Je

le

me

mes pa-

Le tronc

type du laurier.

mates que

En somme,

c'est

d'un

couronnes pour Apollon...

la

lune rousse

!

le

nôtre.

Le temps

»

13 mai i8ij2.

et

dimanche

en-

de migraines. Je ne peux pas m'en

savions pas que vous aviez versé en retournant à Melun...

ce qui est de la défense

manche,

l'état

vie dans le jardin de

viens d'accomplir samedi, hier crises

apportez-

:

les feuilles étaient plutôt

mais, gare

une de mes plus fameuses

tortil-

choix des espèces peut dépendre de

Il

core,

laurier

le

des graines dans votre jardin et dans

chaud

en

des êtres qui se portent bien...

comme

homme,

ormes tout

des petits

d'un beau vert sombre.

leur couleur était

comme

et, si le

imagination

corps d'un

s'il

n

à votre première venue... Ils

connu toute ma

j'ai

mon

rents et qui reste dans

gros

et aussi

au moins un de l'espèce qui arrive à

ait

ne sais pas

27 mars ]8(ju.

Je ne suis pas modeste au point de détester

en donc autant que vous voudrez

à

en venant à

des poètes, triste! triste!...

bonne espèce, que nous planterons

le

Le laurier

comme

quelques épines; pour vous, descharmes,

des hêtres, des sauvageons, des aliziers lards de la

afflic-

sera vraiment

me manque

H

«

Ce

est gelé, confit; je

O primarcra

les

pas moins pris

est

fois qu'elles arrivent...

de m'apporter ce qui

est possible

réchappera quelque chose.

«

iSfii.

Nous avons été épouvantés par la mort de M"" J... C'est effroyable de le nombre de ceux qui sont tombés autour de nous, depuis peu de

temps

était

terre, qui

pas dérangé par autre

n'étais

«

«

225

dont vous

me

parlez,

nous en causerons di-

y aurait là-dedans une méthode à suivre

et

des matériaux à

amasser contre ces éternels aboyeurs, vu qu'il y aurait surtout à prendre gens par ce qu'ils ont

dit

et

leur jeter au nez bien tranquillement i5

et

les

à leur


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

226

demander bien humblement

mon

aussi Foreille à ce qu'on dit de

Ayez

pommes

de

tableau

des gens qui plantent des

«

terre. »

Nous avions à

explication. Causons-en sérieusement dimanche.

décidé, Rousseau

répondre aux attaques

Millet. C'était toute

attaques,

aux insinuations

et

opposer

tel était le

documents

les

«

Mon

pu

graines.

et ce sera bientôt.

l'Ascension,

je

compte

Je

aller

un peu.

Qu'il attende donc

Si

mes Planteurs de pommes de que vous

une

étiez

je

terre...

en train de faire

Ne il

lettre

même 5,

on ne peut plus

je

pour

cela,

à

ensemble...

ici

me

dites

de mes

si

M.

X... pouvait vendre

serait-ce pas le lieu de placer l'ar-

y a quelque temps

reçu dimanche dernier V Annuaire de la

du

mais

pouvais tout aussi bien m'attendreau

flatteuse. Il

hôtel de l'Europe; ce doit être

me

un

?

A

propos

Manche qui

flambant sur moi par Siméon Luce, l'auteur de

des Poirées,

à Paris

content de ce que vous

je suis très

lettre,

vous devez toujours venir

contraire qu'à ce qui arrive. Je serais bien satisfait

ticle, j'ai

mai 1862.

que nous ayons vu

un jour exprès

m'arrangerai pour que nous revenions

Je vous avoue que

article

24.

rien à l'Exposition de Martinet avant

tableaux (exposés chez Martinet^, car

ticle

les

mes sempiternelles mi-

à cause, vous le devinez bien, de

Ne donnez

d'un

plan.

cher Sensier, j'aurais répondu dès hier à votre

le faire

celle

uns aux autres, répondre à toutes

les

ensemble vos dessins, car

«

dirigées contre

hostiles et les jugements des

u

n'ai

préparer

qu'il fallait se

une défense à organiser comme

prévenu. Rassembler critiques, les

moi,

et

d'ar-

contient

la /ac^2ie?-/e, et,

un

depuis,

donnait son adresse rue

garni, ce qui

prouverait

qu'il n'habite pas toujours Paris. Je lui ai répondu... »

« 8 juin

"

...Veillez, je

vous en

prie, à ce

placés chez Martinet... J'avais écrit à

ouvrage sur Poussin dont nièrement;

il

me répond

il

1862.

que mes dessins ne soient pas trop mal Siméon Luce pour savoir l'auteur d'un

m'avait parlé à

mon

voyage à Paris tout der-

parl'envoi d'un livre intitulé

:

Mémoires

démie impériale des sciences, arts et lettres; Caen, 1860.

de l'Aca-

— Les Andelys

Nicolas Poussin, par Gandar, membre de l'Académie. Je

n'ai

pas eu

et le


JEAN-FRANÇOIS MILLET. mon

temps défaire de nouvelles recherches dans ne

s'il

A

?

fouillis de lettres

pour voir

ma mère Quand

viendrez-

en trouverait pas encore quelques-unes de

s'y

grand'mère; mais

vous

m'y mettre un de

Je vais

ces soirs...

Barbizon, 21

Mon

M.

cher Sensier,

jours passer

la

Nous sommes

qu'il a

vu dans

sa houe lui semble magnifique!

Gouvernement,

bleaux qu'il considère

de plus regretté que

mon

MILLKT.

J.-K.

Juillet

X... avec M""' X... sont

journée avec nous.

paru transporté de ce

était le

venus

il

a

y

atelier.

choses étant données,

chapitre de la

même pièce même histoire.

ne m'aient point

les circonstances

somme

ces

n'y avait pas à modifier,

il

choses-là valent aussi

la

même

dit ceci

:

Mon

a

Il

S'il

mes

tous

une

tafois

dans un autre

jeté

mais,

;

les

d'un cheveu, d'autant

peine d'être faites.

d'autres choses encore, toutes très flatteuses, mais qui feraient

m'a

Il a

U Homme se reposant sur

bien sérieusement fort (textuel).

c'est

comme un

eu hier huit

plus amis que jamais.

rassemblerait dans une

il

»

iSCa (lundi matin).

milieu où j'aurais pu recevoir des impressions plus agréables

qu'en

ma

de

et

bientôt, j'espère. «

«

227

Et bien

un volume.

Il

cher Millet, que Sensier m'aide à placer vos tableaux,

je

ma dépense, et il n'y a aucune nous ne restions pas ensemble. Cela peut durer dix ans vous aime beaucoup. Vous êtes un profond penseur

ne dis pas tous, mais de quoi rentrer dans raison pour que

Vraiment,

je

!

!

Voilà ce pauvre Adrien Lavieille arrivé là

«

mener. Je crois

«

Mon

mes

qu'il

le

Barbizon, dimanche

3

août 1862.

cher Sensier, voici ce qu'il y a à faire avec Cadart

:

s'il

veut avoir

eaux-fortes, qu'il les achète et en prenne telle quantité d'exemplaires

voudra. Seulement

donne en tout est

maladie devait

qu'il laisse plusieurs enfants, ce qui est bien triste... »

«

de

oi: sa

bon de

et

pour

faire,

je

ne

sais

quel prix

les lui

vendre.

tout, carte blanche; faites ce

ou ne

pas

faites

Encore un coup, agissez selon

ce

si

Du

reste, je

vous

que vous croirez

qu'il

vous croyez que

cela vaut

mieux.

que vous imaginez là-dedans de bon ou

de mauvais. «

M""" Rousseau paraît aller bien. Rousseau est revenu de Paris ven-

dredi soir, mais

vous.

Il

n'a

il

a été tellement pris par ses affaires qu'il n'a

vu que Feuardcnt

et

M"'° Diaz n'est pas gai, la pauvre

Alfred Feydeau...

femme

pu aller chez Ce que vous dites sur

doit bien souffrir

!


JEAN^FRANÇOIS MILLET.

228

Nous

«

désirons tous vous

M"" Sensier

revoir

voir installés

sa petite

et

fille.

Les enfants grillent de

ici.

Bonjour à vous deux, à Jeanne

et

à

bientôt. J.-F.

«

vous n'avez pas

Si

«

tant pis

bon voyage

;

temps d'arranger quelque chose avec Cadart,

le

pour

à jeudi

Ces vacances, nous

moi

ses

les

vacances.

«

passons ensemble, Millet

les

longues causeries dans son Millet écrit pour

MILLET.

et

moi, en

en promenades, en lectures.

atelier,

premières impressions

:

souvenirs

les

de son pays ont toujours sa prédilection.

Le 25 octobre, cable.

11

Millet

se désespère

bien? Le médecin

le

:

«

tombe malade d'une

Toujours

le

mal,

force à garder la

me

dit-il,

chambre

comme elle est dure parfois et comme faut (en me montrant le ciel) pour s'y rattacher. » 6

novembre au

soir.

pouvez compter là-dessus

et

— Tout

M. Hartmann

été

pour tout de bon enchanté de

me

le dire et cela lui fait

soir

pour

Novembre en

novembre

était

qu'il

malheurs avaient l'appelait, lui

ses tableaux. C'est

et

plaisir.

avait

attristé

delà à Besançon.

perdu son père sa

vie.

une tragédie

Ce mois qu'il

comme

il

a

»

et

C'est

que de grands noir,

comme

va nous raconter

chez

m'écrit

Diaz...

Rousseau part samedi

staller

:

Ainsi vous

M""

Rousseau qui vient de

à propos d'un ami de Rousseau qui

catastrophe

et cela

à Barbizon voir Rousseau, et

même

11

amis,

le

vie,

la

pour Millet un mois redoutable.

réservait

lui.

Ah!

prévenu.

est

quand

C'est bien triste.

naturellement grand

Hartmann

chez M.

aller

?

venu aujourd'hui

est

monde

«

à

venir. Dites-nous des nouvelles de

Qu'est-ce qu'on fera de Marie (Diaz) «

votre

:

les

il

«

fièvre inexpli-

était

venu

il

lui-

s'in-

sutïoqué par cette horrible


JEAN-FRANCOIS MILLET.

«

Mon

«

cher Scnsicr,

venais d'entrer.

m'a

Il

ner

comme

tage

et qu'il

avec

lui,

aperçu

est

l'avait

il

Hier matin, vers

!

mon

atelier

avancé

avait

il

moment même ou

tremblant, qu'au

appelé pour savoir

répondu, qu'alors

lit

tué

s'est

arrivé tout affairé à

tout en

dit,

d'habitude,

n'avait pas

aperçu sur son

malheureux Vallardi

chambre de Vallardi chez Rousseau, pour

venait d'entrer dans la

qu'il

le

Fouché

huit heures, Louis

les

Barbizon, ce i8 novembre 1862.

il

le friction-

dormait encore,

s'il

qu'il l'avait

tète et

la

je

tout couvert de sang, qu'il n'avait pas osé regarder davan-

me

accourait

Jugez du coup que

le dire.

j'ai

reçu. J'y ai

couru

puis Luniot que nous avons rencontré en chemin, et nous avons

malheureux

ce

noyé

tout

de sang

complètement

paraissant

et

mort.

Comment

«

J'ai alors

de doute qu'il

tué et

s'est-il

vu sur

s'était

pour quelle raison? Voilà ce qu'on

de nuit des ciseaux pleins de sang

la table

Le maire

frappé avec.

à l'entour.

sang sur raccroché

demande.

la place

il

du cœur

s'était

frappé, et

bien d'autres

et

dire l'aspect horrible de ce malheureux, la manière dont

débattu sur son

s'était

Je

Vous

se

n'y avait pas

il

médecin de Chailly, arrivés

et le

en hâte, nous avons regardé en entr'ouvrant sa chemise où

nous avons reconnu dix-sept coups portés à

et

lit

qui

était

mains imprimées en

tout bouleversé, les

partout,

les draps, l'oreiller et

rideaux du

sur les

il

lit

il

s'était

et qui en sont déchirés et ensanglantés, cela n'est guère possible;

tâcherai de vous le raconter. Les gendarmes, le procureur impérial sont

une révolution à Barbizon.

venus,

c'est

recevra

un rude

coup... Je suis

tué dans la nuit de

dimanche

si

vitement

J'ai

troublé que

à lundi.

11

je

écrit à

m'arrête

Rousseau, qui

là.

Vallardi

n'était pas tout à fait

froid

s'est

quand

nous sommes arrivés. «

A

vous, «

»

«

Je ne peux pas

me

MILLET.

I>

Barbizon, 20 novembre.

remettre de l'etîroyable impression que

j'ai

reçue de

mort accomplie dans des conditions aussi épouvantables. Ce malheureux

cette

n'éprouvait pourtant pas grandes souffrances,

ne pas avoir assez de rentes. «

les

J.-F.

La misère

approches.

!

mais

II était

d'autres amis à Paris.

le

Il

il

était

ne voulait pas de

seulement tourmenté de

la misère...

malheureux n'en a jamais vu

garçon, seul, avec un petit avoir; II

n'a jamais

connu

cette

même il

avait

de bien loin

Rousseau

chose etiroyable

et

et tout ce


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

23o

qui raccompagne... C'est la peur de pàtir qui lui a bouleversé la cervelle,

un

devait être fou et c'est pour cela que nous avons signé

Le curé y a mis obtenu de son doyen de Melun son

statait

l'autorisation de

qui lui avait d'abord

l'église, ce

lui

pouvait

qu'il

faire

et a

service de

le

Notre attestation a levé

refusé.

été

qui con-

certificat

bonne volonté

toute la

état.

il

la

difficulté.

Figurez-vous ce que serait devenue

«

de Rousseau), seule, devant ce cadavre,

moi avions

Tillot et

répondu

place,

avons gardé

été absents

En somme,

Le grotesque

étaient là et venaient.

Le convoi

se

et

se trouver,

nous n'avons pas

été inutiles. Je

ceux qui

finiraient pas d'écrire sur

mêle à

même

tout,

nous, peut-être dix

mort de l'inquiétude de mourir misérable

:

Nous

faire.

à la mort.

nombreux, deux messieurs de

n'était pas

M. Rousseau père

Didot,

pu

cela aurait

n'avons, pour ainsi dire, pas quitté la

je crois,

vous raconterai des choses qui n'en

enterré hier.

comme

indiqué ce que nous croyions bon de

à tout,

corps.

le

Nous

!

malheureuse Adèle (cousine

cette

si,

personnes.

ses connaissances

la

Il

est

Il

a été

maison bien

de Paris nous

l'ont dit. «

Cette

horrible est toujours devant moi. Figurez-vous son agonie.

fin

comment

de suivre maintenant

est facile

pas dormir encore cette nuit-là, à

manger,

son

le

marquaient assez clairement

.ver, et ne

enfin la

les

les etîorts

s'est

forces épuisées,

nez

le

heureusement

S'il avait

pu

comme

le

montraient

il

est

aux genoux. La en tombant.

Aussi

avait-il laissé

qu'il se

serait arrêté

toute la maison n'ait pas été brûlée.

dans

ses glissades lit

le

sang,

Imaginez

!

vu comme

et

cette

il s'était

de terribles traces de son agonie.

voir, avant de se frapper, la hideuse scène

éclairer, j'imagine

et

éteinte

effroyable lutte se passant dans les ténèbres. Si vous aviez !

la salle

genoux parterre comme

peine inouïe qu'il a eue à se hisser sur son

lit

dans

debout au bord de

de ce malheureux, à tâtons, pour tâcher de se rele-

pouvant pas,

débattu sur son

Il

ne pouvant

:

est allé

Il

resté

et, les

et les

contusions sur

choir la bougie qui

fait

Figurez-vous

finir.

sur l'angle de la table de nuit

passée

s'est

Rousseau; puis,

frappé autant qu'il a eu de forces,

le visage

secousse a

chose

voulu en

a

a pris les ciseaux de M""^

lit, il s'est

tombé

il

la

tout

court

;

que

c'est

le

matin devait

un miracle que

La bougie, tombée contre

les

draps

d'abord, avait ensuite roulé à terre tout juste sous les rideaux

auxquels

touchait. Quelle affaire

l'incendie ne

s'est

pas déclaré

Voyez-vous

tas

si

pour Rousseau, car l'atelier,

qui

est

c'est

de préparé

de cendres

!

et

de

fini,

incroyable

au-dessus, ne

les toiles, les dessins, les esquisses

qu'il avait et

qu'un

et

s'est

si

elle

pas enflammé.

de Rousseau en feu, tout ce

détruit à son retour!

J'en suis encore tout ahuri.

Il

n'aurait trouvé


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Venez donc dimanche,

«

remis, car

je n'ai

de suicide

est

vous

si

le

pouvez.

lourde à respirer

besoin d'être un peu

J'ai

jamais rien éprouvé de semblable.

Oh

23i

!

que

cette

atmosphère

me

Je suis entouré de cauchemars qui ne

!

quittent pas. «

MlLLIîT.

J.-F.

violente de Vallardi, ce spectacle de sang et de

La mort

une idée

torture volontaire furent, pendant plusieurs jours,

à lac|uelle Millet ne pouvait échapper. Enfin,

accès de fièvre, pable.

11

mort. Et, quand

j'allai le

souvenir effrayant

vérité

voir trois jours après,

tableau de sang, de rage

;

Quelle horreur

vitres.

désemboire

le

le 8

Expliquez-moi

« J'ai

et

prochain.

dimanche, ni d'Ulbach

;

j'ai

revoir

le

!

voulu

laisser sécher

Vous ne m'aviez point

mais

il

je

Je vien-

du Courrier du

me

les lettres

de

ma

mère. J'en

y a encore des choses bien... Je

mégarde remise avec

l'aurai par

me

ai

dis-

le bloc.

Rousseau; comment

? «

Bonne

santé à tous deux, «

un

billet à

suite. Je

J.-F.

MILLET.

ordre de mille francs que j'envoie à Marchand, en

priant de faire escompter. Passez chez lui,

fonds de

un peu mon

le livrer.

parlé

Je chercherai de nouveau. Je n'ai aucune nouvelle de

Je reçois

iSfis.

cela...

la transcrire,

va-t-on chez lui

novembre

un peu avant de

recommencé mes recherches pour

posais à vous

le

et

Mais quelle puissance de

ne suis donc pas au courant de ce que vous

je

trouvé une écrite sous sa dictée;

«

me montra

de désespoir.

et

Bai'bizon, samedi matin 28

Je n'ai, pu aller à Paris, car

donc vers

dites.

il

de

lit

!

tableau pour drai

réalité pal-

main sanglante apparaissant aux murailles

cette

X

«

pris d'un

malheureux suicidé sur son

le

ti.xe

épouvantable dont sa mémoire avait conservé un

cette relation

jusqu'aux

comme

en une

fixa cette vision horrible

il

dessina au pastel

Et partout

»

vous donne bien du

tracas.

je »

vous

prie, et

envoyez-moi

les


JEAN-FRANCOIS MILLET.

232

Il

Barbizon, mercredi

3

décembre 1862.

Mon cher Sensier, je pars demain matin, jeudi, pour aller à Paris. mon Vieux Mur auquel je souhaite les suffrages de M. X... et de entourage. Je l'ai prévenu de mon arrivée, et je le verrai sans doute dans «

J'emporte son la

journée. Si vous

pouvez, venez chez Rousseau.

le

vous, vendredi matin. Jacque est

Le Vieux Mur

était

un tableau

la forêt,

un

de

maux

qui s'effrayent

La

etc.

forêt est

repoussent

A

et les

et se

cachent

sombre. Sur

mur

le

dans son

semble en

somme

un

que

la

I

de

la

.

Ce tableau

hésite,

il

végétations

les

'.

le

public connaisseur

de

la

rue Chaptal.

M. Goupil me

la

c'est

un avantage de pouvoir recommande

réputation de sa maison 11

peut bien compter sur ce que

n'ont pas été trop vus avant d'entrer chez lui,

homme une

lection (lo

bon. Je trouve que

en ce sens que

primeur, ce que vous

l'aflfaire

d'un

très

il

Barbizon, 19 décembre \86ï.

certain point ceux qu'il y admet.

mes tableaux

comme

lui,

encore

d'autres ani-

cher Sensier, le résultat de votre entrevue avec

exposer chez Jusqu'à

écroulé,

local

Il

Mon

par

nous entrâmes en relation avec M. Goupil,

sujet d'une exposition

«

:

des grenouilles, des lézards,

:

de l'Exposition Martinet,

la suite

chez

lumière qui

;

est celle

ruines redeviennent jeunes

paraissait satisfait;

au

rumeur

cerf,

la

éclaire la frontière d'une autre contrée, la plaine bruit. Cette

voulu

très étudié, très

comme effrayé

bois, s'arrête

semble entendre un

reste,

»

ici.

une brèche du barrage d'enceinte de dans l'ombre des

du

J'irai,

gravure

lui

serait excellente,

grande publicité,

et

le

il

Haut., 49 cent.; larg. 60 cent. (M.)

flaire

si la

Le catalogue de

décrit ainsi qu'il suit

se risquer a franchir la brèche,

en aurait

vérité. Je

trouve

en ce sens qu'elle donne au

d'autant encore que,

a appartenu h Alfred Sensier.

décembre 1877)

et qu'il

pouvez assurer en toute

:

n

Cerf aux

la

nom

chose prend,

vente de sa col-

écoutes.

Avant de

avec défiance l'autre côté de l'enclos.

«


JEAN-FRANÇOIS MILLET. il

doit en résulter quelque profit matériel.

du

lui,

immédiatement, de mes tableaux,

résultat de votre

Berger

par

le

plus

vernir

les

voyage,

les

et

Planteurs de

vous

si

ferait peut-être

il

tour viendrait

le

pommes de

plus tard.

J'ai laissé,

A mon prochain M. Goupil.

la

que j'apporterai

Bonjour

'(

et

bonne santé de notre

à Paris à la fin

que

et

mon Hiver aux Corbeaux

nègre. Je termine

Je ne

destination. Rien

de plus à vous dire sinon que nous nous portons assez bien

se reposant sur sa houe,

de

en partant de Paris, cin-

quante francs pour vous à M"" Rousseau. Vous en savez

comme un

commencer

prierait Alfred

Il

terre avant de Fenvoyer.

vois rien de plus à vous dire là-dessus.

vaille

mettait chez

S'il

bien de

croyez utile, nous irions ensemble chez

le

suis très con-

je

Gens plantant des pommes de terre plutôt que par

dont

grands,

Encore un coup,

démarche auprès de M. Goupil...

tent

de

233

je tra-

VHomme

et

du mois.

M"" Sensier

part à tous, à vous, à

et

à Jeanne. <(

Mon

«

que

cher Sensier,

remets

je

Barbizon, 29 décembre 18Û2.

mon voyage

à Paris après le jour de l'an

je

tiens à passer avec

ma

«

Nous avons

en esprit au baptême de votre Jeanne,

assisté

famille...

souhaitons de renoncer autrement qu'en paroles, à Satan d'être une brave rité

de cœur

et

plus touchant «

J'ai

et

bonne

non par

et

fille.

Si

acquit,

et lui a pris l'air

comme

est

superbe,

pompes

à ses

et

cela a lieu d'ordinaire, rien ne serait

la

mèche par

sur lequel

et il

il

:

c'est

semble trop

annoncé. Naturellement

je

qui vient seulement aux rensei-

sa façon de parler de ses projets. Je

de l'empêcher d'éreinter cet enclos

projette bien des améliorations et change-

compte planter dans

verts, parce qu'il lui

l'aviez

homme

d'un

vous conseille fortement une chose

ments. D'abord,

lui

plus solennel...

gnements, mais découvrant

qui

nous

cette cérémonie-là s'accomplissait avec sincé-

vu M. M..., comme vous nous

ne savais rien,

et

et

triste

le petit

bois des pins

et

autres arbres

de ne voir en hiver que du bois mort.

Je vous parlerai de tout cela qui serait trop long à écrire, mais

il

a des idées

de bouleversement. bien envie de connaître vos causeries avec Jacque.

«

J'ai aussi

«

Nous nous réunissons

de nouvelle année qu'on

fait

tous pour faire pour vous trois tous les souhaits

pour

les

gens qu'on aime bien. «

«

I.

J.-K.

.MILLET.

Dites aux Laure que j'apporterai en venant leur dessina Il s'agit

»

du portrait de M"'' Jenny Laure, morte en février 1861.

(A. S.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

234

On

noncée pour dont lieu

il

les

embellissements de

parle et qu'un

de prédilection

beaux tableaux

:

ami venait

et

loin cette passion

le

les

les

lierres,

les

la

labeurs

et

un de

un

ses plus

Il

poussait

plus étranges dans leurs il

maison

duire jusque dans l'intérieur de son ménage.

Nous avons supprimé

coin,

donc raison d'en

n'avait tenu qu'à lui,

lui

petit

nature, qu'il ne voulait

chèvrefeuilles envahir sa

une clématite ébranchée

Ce

prétendu enjolivement.

pas qu'on touchât aux plantes S'il

avait

Il

de liberté pour

caprices de végétation.

nature.

d'acquérir, était pour lui

Printemps.

le

la

inspira plus tard

lui

il

craindre la destruction ou si

que Millet avait une antipathie pro-

voit par cette lettre

Un

aurait laissé et s'y intro-

lierre

émondé,

causaient une véritable douleur. bien des détails de cette année de

d'émotions, bien des confidences du

cœur que nous

gardons pour nous seuls. Millet, ce robuste produit des dures contrées maritimes, était une sensitive, cachée sous la figure

d'un placide penseur souffrances.

:

nous taisons encore

Nous avons voulu seulement

famille et reproduire

reprenons maintenant

un

ses le

plus faire

intimes

voir en

portrait de Millet par lui-même.

les faits

grands combats ne sont pas

de sa vie publique d'artiste

finis.

Nous :

les


CHAPITRE XXIII MILLET OSE PORTER UN G R

LE SALON DE l863. LE PAYSAN DE LA BRUYERE.

aux avec

les

fureurs des critiques

comptoir de

la

même

leurs sympathies.

peinture où tout se voit, se juge

y trouvait qui

était

mot pour

officielle, et se

n'avait

grand

vend, avec

où plus d'un

;

ses tableaux

dépaysés

et

le

rire.

presque pour Millet un

comme

lieu

de torture.

perdus dans un

ne parlait pas sa langue. La peinture nouvelle ne

provoquait que sa curiosité.

Il

voudrais que, pour donner aux critiques et

Il

ou condamne sans vergogne, cherchant

le trait d'esprit et le

Le Salon

cinq ans

étonnements du public,

promptitude qu'au carreau des Halles

plus souvent

monde

ou

les

médiocre pour l'exposition

critique applaudit

aux

ou

prises avec les indifterences

fort

Il

THÉODORE PELLOQUKT.

A

Salon!... C'est toujours là que nous retrouvons Millet

qu'un goût

la

COUP.

ND

LE PAYSAN SE REPOSANT SUR SA HOUE».

LETTRE

UN SONNET.

Le

«

.V

moins de

disait

un

jour à

artistes plus

suffisance,

réouverture qu'une ligure nue qui ne

artiste

:

«

de recueillement

on fermât

qu'on imposât à chaque

un ami

le

et

Salon pendant

de n'envoyer à

dit rien.

Je

On

la

verrait alors

'


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

236

combien de beaux le

du concours,

esprits se retireraient

défaut de savoir est notre plaie moderne.

Sans

envoya au Salon de 18G3 d'audace

un Paysan

:

dant de la laine

trois toiles,

Ce

fut ce

combien

»

courait, Millet

qu'il

dont une

se reposant sur sa

était

un coup

Femme

houe; une

car-

un Berger ramenant son troupeau K Médaillé

et

de deuxième classe en 1853, jury.

danger

illusion sur le

se faire

et

qui

le

il

pouvait impunément affronter

décida à présenter au Salon

VHomme

le

à

la houe.

Voici ce qu'il écrivait à ce sujet

:

«

Mon

«

et

qui

je suis très satisfait

cher Sensier,

jury pour TExposition. est très

Il

importante,

été refusé par

mon Berger

revenant

c'est le

moment,

et à

laquelle

pas lescardeuses de

la

le

terme des envois. Je réglerai

mon Homme

il

me

me

tiens à

vaut mieux que tout...

comme

considérant

Ah

mais

aise;

!

c'est

comme

donner une tournure

Vous

surveillerez

justiciable de ce

bon tout de

je vais être

à la houe,

page de La Bruyère «

.

je

travaille en ce

et

même

bon

cardant de

ma

notice, je

jeter

vous

de se sentir libre

et

vite

D'après

le

est

à Bruxelles. (M.)

pour

de parler à son

houspillé!... J.-F.

c'est,

MILLET.

avec l'accent moderne,

»

la terrible

:

répandus par

La Cardeuse

prie, car

par-dessus bord en

Répondez-moi

jury.

j'ai le

la laine et

L'on voit certains animaux farouches, des mâles

femelles,

I

qui, bien certaine-

un calme que n'ont

filant et

«

VHomme

travail

banlieue. J'ai encore à piocher durement, mais

peut survenir des erreurs volontaires... pour nie

les délais...

Aoi(6',

une Cardeiise que

souvenir présent de nos femmes de chez nous, cela

à /a

mon

le

dire,

jury que nous ne connaissons que trop, puis

le soir, et, j'espère, je

de n'avoir point à passer par

une chose que vous avez oubliée de me

y a

là-dessus. Je vais pouvoir exposer

ment, aurait

Barbîzon, 20 janvier 1863.

la

campagne, noirs,

et

des

livides et tout brûlés

catalogue du Salon, ces trois tableaux appartenaient à M. E. Blanc.

aujourd'hui à

New- York;

Y

Homme à

lu

houe

est

chez M. Crabbe.


°

s


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

238

du

avec une opiniâtreté invincible culée;

quand

et,

humaine,

face

et,

:

labourer

ils

en

On

hommes

ce pain qu'ils ont semé.

paysan, celle de l'écrivain note que

je n'ai

Le premier

est

un

du

Pour les

structure

deux

figures

du

une

l'aspect

du

un

spectre qui semble

temps malheureux où

comme un

la

les

danse macabre.

remords. La Bruyère

paysage.

le

Homme

épouvanter

calme au

rester

peintre. Je retrouve

sinistre,

reste de ces

C'est beau, mais c'est terrible

a supprimé

de

:

une figure

terre. C'est

et

acharnée.

bataille fut

la

injure.

et celle

plus revu

retirent la

»

poètes demeuraient fidèles au souvenir de

]J

Ils se

donne comme l'expression du moment, à

je

tableau que

de

montrent une

ils

peine de semer, de

la

cherchais à comparer

je

arti-

méritent ainsi de ne pas

et

propos de ce misérable paysan,

n'épargna à Millet aucune

sortir

hommes.

voix

vivent de pain noir, d'eau

ils

épargnent aux autres

milieu de ce fracas,

comme une

ont

sont des

effet, ils

de recueillir pour vivre,

et

manquer de

A

ils

:

se lèvent sur leurs pieds,

ils

nuit dans des tanières

racines

remuent

attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils

soleil,

les

à la houe timides

humaine

est

est aussi

et

l'ossature est puissante,

les

et solide

membres

sinistre, qui

peut

Mais voyez comme

délicats.

les

grande

une figure

la

Si le front est déprimé,

!

bien équilibrés

et

d'une

superbe proportion. Cet être peut fournir soixante ans de labeur, et sa

passion sera de piocher

C'est là sa fonction,

Mais,

ici,

il

la

terre et de

défricher la lande.

n'en ambitionnera pas d'autre.

ce qui complète

La Bruyère,

c'est le

cadre que

peintre a su donner à cette noble figure. C'est la beauté de

campagne,

la

profondeur des horizons,

lumière qui illumine

et

la

majesté

réchauffe cette scène.

et

la

le

la

grande


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Le Salon de i863 mit aux de Millet,

primer

et

le

ennemis

prises les partisans et les

procès fut chaudement débattu. Faut-il réim-

amères qui furent

pages

les

239

Non. Les

écrites alors?

passions étaient vivement excitées à cette époque,

et les

plus

doux, Théophile Gautier, par exemple, devenaient féroces. Paul de Saint-Victor ne se montra pas moins ardent. Leurs

du Moniteur

de

et

articles

Presse sont de ceux qu'on n'oublie pas.

la

Millet fut vaillamment défendu.

Pelloquet a bien posé

la

nous semble que Théodore

Il

question dans un organe improvisé

:

l'Exposition, journal du Salon de i863.

Pour moi, M. Millet

«

est

un grand

peintre,

aujourd'hui une brosse, celui qui marche

dans

la

et,

mieux

le

de tous ceux qui tiennent

du pas

et

le

plus ferme

voie des maîtres. Je sais qu'on n'est encore habitué ni aux sujets

qu"il traite, ni à la façon

dont

il

les traite, et

qu'en ces temps de

petits

niérismes, de coquetteries puériles, où on passe facilement pour

un

ma-

artiste

nourri des meilleures traditions, à l'unique condition de peindre un bibelot

orthodoxe dans un appartement de Pompéi ou d'Herculanum, l'œuvre de l'auteur des Glaneuses de i85j doit être souvent prise pour celle d'un sau-

vage.

d'ailleurs jugé fort diversement. J'ai lu

II est

à propos de

ne

je

sais plus quelle exposition,

du réalisme

tisans

tiennent au contraire pour

le

académicien, ce qui

est la

rien de

Il

hommes

tout

cela.

même

il

et sa force,

une

«

que

même

réaliste.

En

et

Les par-

pour un

réalité, Millet n'est

cherche consciencieusement, dans

spectacle

le

des

les retrouve.

très

Il

les

applique à sa façon,

grande originalité

et

une

lui, et

très

c'est là

son originalité

grande force que personne,

que personne ne possède à côté de

degré.

L'un des premiers, depuis Rembrandt, tout en cherchant autre chose

lui,

le croit,

nées

un

un romantique

chose à leurs yeux.

en France, du moins, n'a eues avant

au

dans un feuilleton belge,

c'était

des choses de son temps, les grandes lois qui ont guidé les

et

maîtres, et

lui

que

il

s'aperçut

que

la civilisation excessive n'offrait pas,

de ressources à un

était fort

et

que

le

bon goût des

souvent contraire au goût du beau dans

Voilà pourquoi

humbles, chez

artiste,

il

les

style magistral...

est

allé

prendre des modèles chez

paysans en un mot. C'est

là qu'il a

autant qu'on

sociétés très raffi-

les écoles

les

célèbres.

simples, chez les

trouvé

la

beauté

et le


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

240

se reposant sur sa houe, Millet atteint à

Dans un Paysan

«

d'éloquence poétique à être, entre tous,

il

Millet est

«

la fois,

possède

mâle, pénétrante

un caractère

attendrie, dont seul, peut-

et

le secret...

un grand

paysagiste.

Dans

sujets qu'il traite, la nature

les

occupe un rang aussi important que Thomme, et il rend ses divers aspects avec une science de valeurs, une sobriété, mais aussi une justesse d'effets, oij l'égaler, et qui

peu de peintres pourraient et

du

caractère

aux contrées

les

donnent du charme, de

plus monotones

couleur, avant tout harmonieuse, solide

et vraie,

la

portée

et les plus vulgaires.

arrive parfois à

une

La

finesse

étonnante, comme, par exemple, dans

les plaines qui forment les fonds des

deux derniers tableaux que

citer. Il est

les vrais la

je

viens de

un des grands

valeurs de tons. C'est là

connaisseurs que pour

la

secrets

maître dans

la

science des

de sa force, plus visible pour

majeure partie du public qui prend pour de

couleur une réunion plus ou moins fausse de tons éclatants.

La Cardeuse de laine

«

qui

attire...

sujet a été

donc

compris

et

et

de cette toile? Dans

manière dont

la

le

rendu.

une de

ces galeries princières qui font l'orgueil de

un Andréa

volontiers la Cardeuse de Millet entre

l'Italie, je placerais

Sarto

est le prestige

...Si je possédais

«

a je ne sais quoi de calme, d'imposant, d'élevé

del

un Raphaël. Je crois que ces deux nobles génies ne rougiraient pas

d'un pareil voisinage.

»

Cette longue bataille

des chansons, mais par Millet et inséré dans le

du Salon de i863

termina, non par

un sonnet audacieux qui

Nain Jaune

Va, laisse-leur

se

les rois, les

fut

:

nymphes,

les

héros

;

Laisse les Cabanel patauger dans la Fable.

Tout Par

Au

cela ne vaut pas ton

la

peine abruti, de

lieu

la tête

Qui, depuis

la

six mille la

ans que

moelle

l'œil éteint n'ait plus le

et

lui ses

le

monde

décharné

est à table. les os.

l'ombre de convoitise.

monstre au coin de

Soulève contre

les flots,

misère abrupte, inéluctable,

Des gueux pompe

Marque

effroyable,

aux sabots.

de ces Vénus barbotant dans

Montre-nous

Que

bonhomme

ta

rude franchise,

maigres nourrissons.

adressé à


JEAN-FRANÇOIS MILLET. seul as peint le ciel et Penfcr des moissons;

Toi

nom

Et ton

O

241

parmi

brillera

les

noms

illustres,

Dante des manants, Michel-Ange des

rustres!

ROBERT CONTAZ.

Cet

allié

qui survenait sans se faire annoncer, qui en disait

plus long, en quatorze lignes, que tant d'autres en de longs déve-

loppements, connaissait

un

était

que par

Millet

un

militaire,

ses

officier

œuvres

:

de l'armée, qui ne Tindignation l'avait

rendu poète. L'intervention de ce brave soldat dut

faire réfléchir

les critiques irrités'.

Pendant aurait pris

cette

Millet, réfugié en son

lutte.

atelier,

qu'on

pour une grange, n'avait pour tout conseil que quel-

ques plâtres antiques, quelques branches desséchées appendus à

murs,

SCS

fenêtre.

un long

et

Le

soir,

qui perçait dans

se penchait sur le

il

silence de recueillement,

illuminant et

ciel

le

les bois et les

disant en

Ce

lui-même

fut

:

La

vérité est là!

«

ses

qu'on va

lire

Mon

cher Sensier,

Le père Robin

-

est

et,

dans

couchant

le soleil

et

plus volontaire, se

Combattons toujours.

moments d'abandon ;

c'est

une

j'ai fait les

m'écrivit

qu'il

partie de son Credo.

Il

faire.

de son jardin,

regardait

plus fort

siens,

dans un de

la belle lettre

mur

hautes vitres de sa

plaines de ses vapeurs et de ses flammes,

rentrait près des

il

il

les

Barbuon, jo mai

jRrtj.

commissions que vous m'avez chargé de

bien content,

et

il

assure qu'après

le

bon Dieu

il

n'aime rien ni personne que vous.

1.

L'auteur du sonnet était

tcur, qui, ancien

mais avec 2.

le

commandant Lejosne, homme visitait

plus impassible silence. (A.

Le père Robin

téressait.

le

ami de Troyon,

e'tait

Nous avions pu

un vieux

lui faire

les ateliers

froid et observa^

avec une aimable courtoisie,

S.)

soldat

du premier empire, auquel Millet

obtenir des secours et enfin une pension. 16

s'in-

A.

S.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

242

mon Homme à la houe me semblent toujours bien me les communiquer, car ce m'est une occam'émerveiller sur les idées qu'on me prête. Dans quel club

Les on-dit sur

«

étranges

et je

vous remercie de

sion de plus de

critiques m'ont-ils rencontré? Socialiste! mais, vraiment,

mes

leur répondre ce que disait sur

vant à son pays

:

On

«

nien; cha n'est pas vrai,

On

<i

Il

ne chais pas che que

en

est

qui

me

disent

que

les petites fleurs

même, dans

dont

bien loin par delà

dans

les

la plaine, tout

rocheux, un

homme

les

qui peuvent

sueur de son

nie les charmes de la

je

Christ disait

le

les idées

sa vie à la

campagne;

«

:

Salomon

Je vous assure que

comme

auréoles des pissenlits

l'une d'elles.

et le soleil

»

qui étale là-bas,

moins

pays, sa gloire dans les nuages. Je n'en vois pas

fumants,

les

j'y

comme

d'infinies splendeurs. J'y vois tout

toute sa gloire, n"a jamais été vêtu

Je vois très bien

«

:

Chaint-Chimon-

j'étais

ch'est. »

vue de l'homme voué à gagner

la

trouve bien plus que des charmes

eux

le

cha au pays que

ne peutiJonc pas tout simplement admettre

venir dans l'esprit à

front?

je

une charge

comme

a dit

pourrais bien

je

commissionnaire auvergnat écri-

chevaux qui labourent, puis, dans un endroit

tout errené dont

on

a

entendu

han

les

!

depuis

qui tâche de se redresser un instant pour souftier. Le drame

est

matin,

le

enveloppé

de splendeurs. «

sion

«

«

mon

Cela n'est pas de le cri

Mes

peux pas

de

la terre

» est

et

il

a

y

longtemps que

critiques sont des gens instruits et de goût, j'imagine

me

mettre dans leur peau,

autre chose que les champs, et

invention,

éprouvé quand

cette expres-

trouvée.

je

et,

tache de

j'y travaillais.

;

mais

comme je n'ai jamais de ma dire comme je peux ce que

Ceux qui voudront

faire

mieux ont

je

ne

vie

vu

j'ai

vu

certes la

part belle. «

Je m'arrête, car vous savez

sur ce chapitre-là. Mais et

je

soutenu par quelques

sard, les auteurs sont

comme

je

deviens bavard quand on

veux encore vous dire que articles

je

me

que vous m'avez envoyés,

connus de vous,

je

me met

sens très et

si,

flatté

par ha-

vous charge de leur dire tout

mon

contentement. <i

Je compte que vous viendrez bientôt.

Bonjour à Rousseau. «

A

vous, «

Une

lettre,

donnera un

J.-F.

MILLET.

»

qui suivit de près celle que nous venons de citer,

état réel

de

la

situation matérielle de Millet.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

i(

Mon

«

vous

cher Sensier,

être goûtés êtes parti

:

l'un est le

de Barbizon

très textuel. Je

;

Moulin que

Je

l'autre est

un

ne dis pas qu'il en

me

soit

Vous

traîne partout.

deux derniers

compreniez, vu

la

En

gril.

le

la voiture,

de nature à

commencer quand vous

disposais à

aspect d'un endroit de

mon

meilleur pour cela, mais

je le

;

je

l'être

Sans

?

faire

pu

crois au le

placer les

que nous sommes aux que M'™

F...

voilà assez long là-dessus pour

est

ici.

que vous

sérail.

ne connais que travailler, mais ce

je

et

une complainte en

connaissance que vous avez des détours du

enjait, quoi faire? Moi,

pays

ne crois pas non plus que

abois. J'ai peur d'esclandres de toute sorte pendant

sur

186).

sais s'ils sont

règle sur notre position, je vous en dirai en substance

Nous vivons

juin

m'en direz votre avis. Avez-vous

Ceux-ci pourront-ils

?

5

deux dessins à

demain matin. Je ne

moins d'un aspect peu ordinaire en paysage Moulin

Barbiioii,

vais mettre ce soir

je

recevrez sans doute

les

243

Mais,

n'est pas

assez!... «

Nous vous souhaitons bonne

«

J'ai écrit à Pelloquet.

santé

et

bonjour à tous. J.-F.

«

Dans

la lettre

MILLET.

>>

qui précède, Millet annonce qu'il a écrit à

Pelloquet à propos des articles publiés dans

le

journal l'Expo-

sition.

Pelloquet

vados la

:

je la

imprimer

fit

reproduis.

question d'art

A M.

et

On

cette lettre

verra

ici

dans

«

Millet entendait

quelle était la virilité de sa pensée.

Th. Pelloquet, rédacteur en chef de /'Exposition. Barbizon, 2 juin 1863.

Monsieur,

Je suis très heureux de

la

manière dont vous parlez de mes tableaux

qui sont à l'Exposition. Le plaisir que j'en votre façon de parler de

nombre de ceux qui est

Moniteur du Cal-

comment

« «

le

une langue,

et

l'art

ai est

en général. Vous

croient (tant pis

qu'une langue

pour qui ne

est faite

grand, surtout à cause de

êtes

de l'excessivement

le croit

pas)

petit

que tout

art

pour exprimer ses pensées. Dites-le,


,

JEAN-FRANÇOIS MILLET.

244 puis redites-le

cela fera peut-être réfléchir quelqu'un;

:

on n'en

croyaient,

de l'habileté,

cela

ne

donc

sais plus

œuvre.

Il

appelle

quand même

et

de la vraie habi-

ce serait

employée seulement

être

en vue d'ac-

puis se cacher bien modestement derrière l'œiivre? L'ha-

le bien,

bileté aurait-elle je

foi,

ne devrait pas

leté, est-ce qu'elle

complir

On

ceux qui en font commerce en sont grandement

et

bonne

Mais, de

loués.

plus de gens le

si

verrait pas tant peindre et écrire sans but.

:

le droit

d'ouvrir

boutique à son compte?

Malheur à

l'artiste

qui montre son talent avant son

que

serait bien plaisant

le

poignet marchât

le premier...

J'ai lu,

Je ne sais

pas textuellement ce que dit Poussin dans une de ses lettres à propos du

tremblement de

main, quand

sa

posée à marcher, mais en voici à peu près (sa

main)

soit

débile,

substance

la

si

Et quoique

flatter le

mauvais goût

et les

comme

le dit

mauvaises passions à leur profit sans aucun souci du bien, si

bien Montaigne «

:

«

Au

lieu de naturaliser Fart,

Je saurais gré au hasard qui

vous; mais,

comme

cela ne peut,

au risque de vous fatiguer,

je

me

dans tous

les

choses n'aient point

je fais

une

que

ce qu'ils sont.

Une œuvre et

à

fin. tel

déflorées et gâtées

inutilités

(si

Ce

je

l'air

souhaiterais de

et

Je désire mettre bien pleinement

point que

je

crois qu'il vaudrait

;

mais

je

la

et

les représenter, et ce

sance avec lequel on s'en

la

raison qu'elles en sont

beau que

On

peut dire que tout

le

beau arrivant à contre-temps. Point d'atténuation dans Apollon,

et

Socrate, Socrate.

et,

besoin

beau, pourvu

par contre, que rien ne peut

cela arrive

à sa place,

le

degré de puis-

est

que

et

pou-

distraction et l'affaiblissement.

besoin lui-même a créé

est acquitté.

en son temps

les

professe la plus grande horreur pour les

être

soit

et

fortement ce

mieux que

brillantes qu'elles soient) et les remplissages, ces choses ne

qu'on a eu de

par

voués à leur position,

n'est pas tant les choses représentées qui font le

qu'Apollon

pourrai

doit être d'une pièce, et gens et choses doivent

vant amener d'autres résultats que «

que

le

amalgamées au hasard

choses faiblement dites ne fussent pas dites, pour

comme

et

immédiatement,

comme je

d'imaginer qu'il leur puisse venir à l'idée d'être autre chose

toujours être là pour une qui est nécessaire,

dire,

liaison indispensable et forcée.

Je voudrais que les êtres que je représente aient qu'il soit impossible

»

:

l'air d'être

occasion, mais qu'elles aient entre elles

et,

artialisent la nature.

les cas, se réaliser

veux essayer de vous

pouvoir rendre claires dans ce que

ils

donnerait l'occasion de causer avec

certaines choses qui sont pour moi des croyances,

Que

celle-ci

plus de gens croyaient ce que vous croyez,

ne s'employeraient pas aussi résolument à

ils

:

faudra pourtant bien qu'elle soit la servante de

il

Encore un coup,

l'autre, etc..

de mieux en mieux dis-

se sentait la tête

il

Ne

les

les caractères

:

mêlons point l'un dans


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Fautrc,

ils

y perdraient tous

les

ou d'un arbre tortu? Celui qui ceci

:

«

le

beau

je

ne

sais

Il

se

développer à Tintini

doit être bien entendu que

pas ce que

santeries. Je crois

plus beau d'un arbre droit

est le

mieux en

situation,

.le

conclus donc à

qui convient.

est ce

Cela pourrait

exemples.

deux. Quel

est le

245

c'est, et qu'il

que

les

qu'ils n'ont pas d'yeux

je

et se

prouver par

ne parle pas du

me semble

la

les

v,u

que

plus belle de toutes les plai-

gens qui s'occupent de cela ne

pour

ci'intarissables

beau absolu,

choses naturelles,

et qu'ils

le

font que parce

sont confits dans

Fart accompli, ne croyant pas la nature assez riche pour toujours fournir.

Braves gens! Caractériser

ils !

sont de ceux qui font des poétiques au lieu d'être poètes.

voilà

le

but. 'Vasari dit

que Baccio Bandinelli

faisait

devant représenter Eve; mais, en avançant dans sa besogne, cette figure, lui

pour son

y avoir dans

il s'est

figure

avisé

que

un peu efflanquée. Il s'est contenté de Eve est devenue une Cérès Nous pou-

rôle d'Eve, était

mettre les attributs de Cérès,

vons bien admettre,

une

comme

cette figure des

et

Bandinelli

!

était

un habile homme,

morceaux d'un modelé superbe

et

qu'il devait

venant d'une

grande science; mais tout cela n'aboutissant pas à un caractère déterminé, n'en a pas moins dii faire l'œuvre la plus pitoyable.

Ce

n'était ni chair

ni

poisson. «

Pardon, monsieur, de vous en avoir

mais laissez-moi encore vous dire que, les

environs

de

dit si long, s'il

vous

et

peut-être

arrivait de

si

peu

;

rôder dans

Barbizon, vous vouliez bien vous arrêter chez moi un

instant. «

J.-F.

MILLET.

)


CHAPITRE XXIV SUJETS RELIGIEUX.

DESSINS DE MILLET.

THÉOCRITE, RUUNS ET

S

H AK ES P E .\RE.

LA

«

BERGÈRE

Le Salon de i863 fermé,

vouloir. Joué

dessins, à ces sens.

«

le

:

ma

jour, par des restés bien

il

avait, presque

sans

rôle d'un acteur trop en vue.

vie n'y suffirait pas,

moyens moins

présents de

mon

ma

amateurs repoussent

il

lents,

faut

les acheter. lui

pût

se remit à ses

mit dans

j"ai

donc que

en je

tous les sujets qui

pays ou de l'endroit que

ma

seule

peinture,

il

ressource

faut

compositions sommaires, des gens qui

peuvent

Il

compositions rustiques qui épanouissaient ses

Les dessins, en outre, sont

qu'on

sou-

Je ne pourrai jamais peindre tout ce que

disait-il

On

comme

trouva

Millet se

d'une représentation théâtrale où

lagé le

LETTRES DK MILLUT. ».

que

je

;

tête,

me

mette au

me

sont

j'habite.

puisque

les

trouve, par ces

me comprennent

et

qui

»

la

pensée de

photographier pour

faire les

quelques sujets religieux

vendre.

C'est

alors qu'il

dessina deux Fuite eu Egypte^ pleines de mystère et de bon-

homie

On voyait saint Joseph porter dans ses bras comme un trésor précieux; la nuit noire n'était

rustique.

l'Enfant- Jésus,


.

LA R E S (Dessin de

la

UR

i<

collection de

hU

r

M.

1

(

>

N

Charles Tillot.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

248 éclairée

que par

le

nimbe lumineux qui entourait Tenfant.

idée que Millet avait rendue Sortie du tombeau.

avec

bombe de son

THomme-Dieu, calme

une vertigineuse ascension, vention

superbe

était

aussi

Il fit

une

séjour de pierre, pour

gardes, aveuglés, effrayés, se jettent à terre,

le ciel; les

tandis que

primitif.

ce dessin, le Christ, glorieux, s'élance

d'une

la rapidité

gagner

Dans

comme un

Belle

la

fin

puissant, accomplit, dans

et

de son rôle terrestre.

L'in-

nouvelle.

et

Millet laissa bien vite de côté ces compositions qui n'avaient pas, selon lui,

sens assez rustique,

le

et

se jeta sur Théocrite

qu'un de ses jeunes admirateurs, M. Chassaing, Il

le

y trouva des sujets de compositions champêtres, voir critiquer

des choses de

Les

le

Monsieur,

«

crite et

pour

la

pour

qui suivent sont adressées à

M. Chassaing.

pas, à

et

que

me donnent

les

C'est d'un

charme naif

mon

au

je

me

bien souvent,

et

prendre, mais

veux,

je

d'une autre,

et,

même degré

dans Virgile. C'est par

mieux

les

fond

le

mot

à

mot que

sens

mon

cependant, tâcher

même

les

mots pour peindre, au lieu

sous une obscurcissante sonorité

cela, je parviendrais peut-être

tort

de

je

choses que dans la traduction finale.

quelquefois aussi sous une prétendue concision? Si

vous de

que

l'avoir dévoré.

particulièrement attrayant qui ne se trouve

et

les faire servir à atténuer le

part,

suis précipité sur Théocrite, et

Pourquoi donc ne tâche-t-on pas d'employer

vais causer avec

Théo-

œuvres elles-mêmes.

pour ainsi dire pas quitté avant de

sens,

1863.

vous en suis doublement reconnaissant, d'une

suis le plus pris; je vois bien

de

juillet

gracieuseté que c'est à vous d'avoir eu cette pensée-là,

l'ai

«

20

reçu les deux volumes que vous m'avez envoyés,

Je dois d'abord vous dire que

«

ne

j'ai

Robert Burns,

le plaisir

la vie et

campagne.

la

lettres

envoyé.

nous allons

et

traducteur sur son inexpérience de

« Barbizoïij

je

lui avait

d'entamer

ici

à

une question de

vous donner un

petit

me

je

faire

pou-

com-

cet ordre-là. Je

exemple de ce que

j'entends. «

Dans

l'Idylle

i,

sur

le

vase où sont sculptées tout plein de choses, on


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

une vigne chargée de grappes bonnes à manger, laquelle un

voit entre autres petit

homme

jeune

renards

:

garde, assis sur une haie

;

mais des deux côtés sont deux

l'un parcourt les rangées ravageant le raisin

que parcourant

ce

249

les

rangées ne vous

fait

bon

à manger... Est-

pas voir avec vos yeux Tinstalla-

tion d'un plant de vigne? Cela ne le rend-il pas réellement visible, et ne

voit-on pas

renard trottiner là-dedans, allant d'une rangée dans Fautre

le

Voilà une peinture, voilà une image cette vive

traducteur,

ne

il

aussi connaître

Tun

:

y

pénètre dans

vigne,

la

pas seulement de savoir

s'agit

un plan de vigne pour pouvoir

rimage de votre poète, pour que la

On

!

semble tant atténuée qu'on pourrait

Deux renards

très frappé...

O

me

image

Mais, dans

est.

le grec,

renard dans

vigne du traducteur. Je

la

le raisin...

aurait fallu

il

de

de

la vérité

employer vos

rendre! Et ainsi toujours, pour tout. Mais j'en reviens

trotter le

dévore

être frappé

cela vous incite à

sans en être

la lire

et

?

la traduction,

efforts

pour

ne vois pas

là, je

m'arrête, le papier

me

manque. Je dois vous dire que Burns

«

propre, son goût de terroir.

m'a

écrit

que vous

chainement

faire tirer des

touche,

je

travaille

et qu'il a

causerons, j'espère.

me

lui. 11

dit qu'il

l'aider à hâter.

beaucoup,

et

Mon ami

Sensier

qu'une solution

cela,

Voilà ce qu'il

me

Pour

dit.

ce qui

me prouve

de Théocrite

la lecture

bien sa saveur

va sans doute très pro-

épreuves; qu'il n'attend, pour

que vous pouvez, peut-être,

me

Nous en

chez

êtes allé

me plait infiniment,

de

plus en plus qu'on n'est jamais autant grec qu'en faisant bien naïvement les

impressions, peu importe où on les

Cela

me met donc

mon

endroit

et

Burns me

chose vous

même, de

l'endroit

j'ai

prouve

aussi.

vécu. ;

puis,

si

la

venez donc de temps en temps passer une jour-

est possible,

ici. «

«

«

Monsieur,

prochainement, le plaisir je

le

Recevez encore un coup, monsieur, mes remerciements

«

née

reçues;

ait

plus vivement en l'esprit de réaliser certaines choses de

je

J.-F.

et cela

pour double raison je

;

car,

»

Barbizon, 4 août i86j.

suis excessivement content desavoir

de vous voir,

.MILLET.

en

que vousdevez venir

même temps que

pourrai vous dire tout ce que

j'ai

j'aurai

pensé, puisque

pourrai, en causant avec vous, vous en dire plus en cinq minutes que

vous en écrirais en deux heures. Je qu'il

y a longtemps que

reille étoffe.

je n'ai lu

Quand même

me

dans

je serais

en

je

ne

hâte seulement de vous dire en bloc

les état

choses modernes une chose de pa-

de

le faire, je

ne m'amuserais pas


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

25o

à vouloir mesurer quelle taille

Shakespeare, il

etc.

mais

;

n'en est pas moins

vaut

peine.

la

Homère, Dante,

(rauteur) par rapport à

a

il

bien persuadé que, d'une taille ou d'une autre,

je suis

un individu de

Nous causerons

leur famille.

du

aussi

Nous en

causerons, cela en

volume Au

petit

village que vous

avez joint à Miréio. Je ne vous en dis donc pas plus long, aimant mieux causer qu'écrire.

Croyez donc bien au

«

l'avance

plaisir

que

j'aurai de votre visite et en recevez à

mes remerciements.

«

Monsieur Chassaing,

«

Shakespeare

bien grand

est

me

vous avez de

et

me

faites

en

m'envoyant

doublement, d'abord à cause de l'intention que

plaisir et

f^iire

»

Barhizon, 14 octobre 18C3.

que vous

plaisir

le

MILLET.

J.-F.

«

que

je

comme

considère

très

importante,

ensuite, parce qu'il était impossible de faire choix de quelque chose remplis-

mieux son

sant

me

chose

chagrine là-dedans,

pour moi. J'en

« Si

c'est

suis tout accablé et

de voir en quels

comme

frais

Mais

je

ne

prie,

me

faites

Encore un coup,

«

faites « Il

vous vous mettez

!

commencée,

déjà bien assez honteux.

frais-là, car je suis

garderai bien de vous renvoyer Shakespeare pour une pareille

opération. Je le trouve

vous

pas ces

une

honteux. Et dire que ce n'est pas

l'opération de collage de papier dans le Dante n'est pas

vous en

m'a

n'y a pas de plaisir sans peine,

il

puisque Dante doit venir se joindre à Shakespeare

tout,

je

comme

but. Mais,

bon comme

il

est et

ne m'en dessaisirai pas.

veux vous dire que

je

je

suis très touché de ce

que

pour moi.

parait

que mes pauvres bois vous donnent bien du mal,

dit Sensier.

Tâchez d'en

faire

tirer

à ce

que

seulement quelques épreuves à

la

main par Delàtre ou par Bracquemond... 'Vous en aurez sans doute causé avec Sensier « S'il

et

y a

aurez pris une détermination.

venez passer encore quelques moments avec nous

possibilité,

avant de quitter

le

pays pour tout de bon. Arrangez vosatî'aires pour cela, ce

ne doit pas être impossible.

compte presque.

«

J'y

«

Recevez, dans tous

les souhaits

que toute

dans vos entreprises,

et

les cas,

ma

une bien cordiale poignée de main

famille et

moi

que vous soyez

le

faisons

pour que vous

et

tous

réussissiez

moins possible égratigné par

ronces du chemin. «

J.-F.

MILLET.

>'

les


JEAN-FRANÇOIS MILLET. M. Chassaing

25i

avait été frappé des réflexions justes et pro-

fondes de Millet sur les grands classiques, entre autres Shakespeare et

Dante.

Hugo

envoyé

lui avait

Il

traductions de François-Victor

les

de Lamennais. Les notes de Millet, écrites en marge,

et

auraient été certainement celles d'un grand observateur.

beaucoup à

Théocrite plaisait tableaux tracés par

dans

poète grec

le

langue plastique.

la

Il

Millet.

traduisait

et qu'il

ne parlait à personne, mais qui

entend des voix

«

com-

une certaine Bergère dont

s'était

emparée de son

comme un

agreste

»,

un de

plaines. Millet enfantait en silence

il

esprit et

comme une

de son cœur, une bergère aux champs, pensive qui

des

facilement

partageait son temps entre les

positions inspirées par l'antique et

fillette

voyait

y

Il

fruit

des

beaux chefs-

ses plus

d'œuvre. Nous reparlerons de cette Bergère. Toutefois

M. Chassaing,

conseils de idylle.

revenait à Théocrite,

il

Mais

il

le

et

il

Aucun

une première

projet de publier

dut s'arrêter bientôt devant

pareille entreprise.

formait, sur les

d'une

les difficultés

éditeur ne se serait

compromis

à faire

l'épreuve de Théocrite traduit par Millet.

H

M. Chassaing

'<

est arrive ici, jeudi

main

soir vendredi, puis

avons

fait

un

vous savez, vous

que

tirage de

et

mieux pour

idylle tout

le

imprimée

de l'ouvrage,

est parti

essai de

et

il

matin,

par

la

et

il

est resté

Dans

jusqu'au lende-

Nous

voiture de sept heures.

gravure en bois,

notre tirage est très bon.

faire, j'en glisserai

le

il

mon

Barbizon, 8 novembre 1863.

le

le

Petit Bêcheur que

premier envoi que

j'aurai à

quelques épreuves pour vous. M. Chassaing croit

Théocrite serait de pouvoir présenter à un éditeur une et illustrée,

croit

comme

serait,

qu'un éditeur ne

par exemple, une livraison

résisterait

pas à cela et voudrait

continuer l'œuvre. '<

Il

m'a

dit qu'il allait

river à

pouvoir

a bien

un peu

combiner avec son ami Rollin

faire les frais nécessaires

expliqués, mais

du diable

pour arrivera

si

ces choses-là,

les

moyens

ce résultat.

que

je

Il

d'ar-

mêles

ne comprends


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

252

même la

pas pendant

mémoire

Enfin

!

croit

il

immenses

raient pas

et

que son idée

que

de

Dans tous

y a un vase dont naturellement

Une

«

putent

il

cette idylle-là,

les cas,

je

première idylle

la

y aurait à reproduire

rester

dans

quand même on

me

vous jugerez

et

suis déjà

Tircis

:

de Pan. Tircis joue de la syrinx

me

de gravure ne se-

et

va sans doute vous en écrire,

Il

a de praticable.

la grotte

explique, peuvent

d'impression

les frais

charbonner des compositions pour assis près

les

qu'on aurait toujours

ne pourrait aller plus loin. ce

me

temps qu'on

le

et

mis à

un chevrier

et l'autre l'écoute. Il

les sujets sculptés

que

je figurerais

:

belle

femme, un ciief-d'œuvre divin, que deux hommes

se dis-

;

Un homme, un

«

vieux, de dessus

un rocher, pêche au

filet

dans

la

mer;

Un

«

mais

il

enfant assis sur une haie pour garder une vigne qui

ne voit pas deux renards, déjeuner,

les trois sujets

Puis reste

«

syrinx

et

là,

près

la

à laquelle

du

l'un qui vient

:

l'autre qui mange dans

et

Voilà

«

un piège

attentionné à tresser avec de la paille

est si

la

vigne

lui

beaux

;

à cigales, qu'il

escamoter son

raisins.

vase.

que joue Tircis sur

la

Hermès, Vénus, Priape, des chevriers

et

mort de Daphnis, qui mort

pour

les plus

est à côté

assistent

est le sujet

des bergers. Cinq sujets en tout, et on ne peut guère ne pas les faire tous les

Toutes

cinq.

raient avec

les idylles n'en

un

seul sujet,

'<

Autre chose

«

Je suis heureux,

vous avez

faite

très

demanderaient pas autant; certaines s'exprime-

deux au plus.

importante

:

excessivement heureux de

en vendant mes trois dessins.

mille francs pouvait tout de

d'une seule poignée, cela

me

même

se

faire,

Si,

la

la

que

I

.

je

La

propos,

je

et le

suis en train d'épurer

Départ pour

et,

le trayait.

ma je

be-

la

entre autre be-

Veau; puis, immédiatement,

souhaite est praticable ou non. Si oui,

belle eau-forte le

l'emprunt de

ce ne serait pas

donnerait du temps pour accomplir de

Bergère de M. Tesse,

forte', et, à ce

ce

cela,

quand même

sogne, sans trop d'inquiétude pendant un certain temps, sogne,

bonne besogne que

malgré

mon

eau-

composition. Appréciez trouverai cela fameux

(A. S.)

!

si


CHAPITRE XXV VENTE POSTHUME l'art japonais. M.

"

CASTAGNARY.

M.

THÉOPHILE SILVESTRE.

EUGENE DELACROIX

D

M.

JEAN ROUSSEAU.

LE SALON DE 1864.

LA

BERGERE

«

LA NAISSANCE d'un VEAU DANS LES CHAMPS

»

.

».

SUCCÈS ET CRITIQUES.

Millet avait songé souvent Il

aux merveilles de

aimait avoir avec quelle aisance

et

l'art décoratif.

quelle somptuosité Rosso,

Primatice, Fréminet, Ambroise Dubois

et

toute l'école de Fontai-

nebleau avaient couvert de leurs peintures de vastes murailles et

de grands plafonds. Leur science profonde, leur belle brutalité

d'expression l'attiraient

comme

les

puissantes fantaisies d'une

race de géants.

L'un de nous, un ami, qui faire

l'avait

compris,

lui

proposa de

quatre grands sujets pour un hôtel du boulevard Hauss-

mann

;

ces peintures, destinées

manger, devaient figurer

les

à

décorer

une riche

salle

à

Quatre Saisons.

Millet accueillit cette proposition avec joie, tout en travaillant à sa Bergère, et

il

m'écrivit

:

«

«

Mon

cher Sensicr,

de décoration dont vous

je n'ai

me

point

dit

Barbizon, 2] janvier

du tout que

parlez. J'ai seulement dit à

je

iSrt^.

refusais le travail

Fcydeau que, considé-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

254

Timmense

rani

3o,ooo

que

travail

que

cela devrait être

on considère que

si

yeux du spectateur,

comme

et,

payé de

peu près imaginées,

effectivement, ce ne serait

très simplifiées

d'une façon plus expéditive. Les prix que

n'ont donc été donnés que

presque

ces décorations seront placées

des tableaux. Si le prix probable m'avait d'abord été

faire

25 à

que l'importance

n'imaginais pas qu'on les peignit autrement

et je

certainement imaginé des compositions

moyen de

j'avais déjà à

payé un prix ou un autre;

ce serait

si

pas un prix élevé, les

que

c'est, j'estimais

donnée à mes compositions que

j'aurais

sans penser

sous

que

J'aidit cela, prisa l'improviste et ne considérant

fr.

comme un

premier aperçu,

et

dit, j'aurais

vu

j'aurais

et

j'ai dit

le

à Feydeau

comme

pas du tout

chose absolue. Je ne demandais, au contraire, qu'à être conseillé dans une

chose où

d'ici je

ne peux guère voir

que j'entends parler de travaux de

me

lument impossible de vaguement, d'autant

clair, d'autant

ce genre.

II

que

déranger pour une chose dont

comme vous

qu'il faut,

première

c'est la

m'est parlé

si

du mois

se

tableau de M. Tesse,

et

le savez,

que

il

la fin

fasse, et qu'elle

ne

Dieu

trop de temps, surtout aussi souvent souffrant que

sait si j'ai

se

peut

qu'en finissant

faire

le

depuis longtemps. Je n'incrimine pas du tout, loin de là; mais la chose, et je

fois

m'était, d'un autre côté, abso-

je le

je

suis

raisonne

continue à trouver que cela ne m'a pas été clairement pré-

senté...

Feydeau m'a

«

dit

client

qu'une influence

ment de

n'a

qu'il

auparavant savoir mes prix

;

que

très restreinte

conseils de tout genre

faire réussir la chose.

prononcé

mon nom,

pas

;

encore

parlé

de moi

qu'il

veut

cela n'a rien de positif, qu'il n'a sur son ;

que

qu'il fera

Dans une seconde

ce client s'entoure malheureuse-

cependant ce qu'il pourra pour

lettre,

il

me

dit qu'il n'a

pas encore

voulant d'abord savoir mes prix pour ne pas

faire

de

fausses manœuvres... «

Je vous dis tout cela pour que vous ne croyiez pas que

sucré, ni

que

sentant.

La

(si

la

j'aie

voulu

faire

un bon coup, une chose comme

seule idée qui m'est venue, lorsque vous

fait le

m'en avez

parlé, c'a été

chose pouvait aboutir) un contentement de pouvoir faire un peu en

grand quelques compositions, dessus...

comme qu'on

j'aie

celle-là se pré-

;

mon

imagination j'ai

ayant montré des prétentions exorbitantes

n'ait pas

fond de

et

mais qu'on ne s'autorise pas de ce que

ma

s'est

pu

mise à

trotter là-

me

considérer

dire à

et folles.

Je regrette bien

causé de tout cela avec vous, car vous auriez pu indiquer

pensée.

n'a pas été avec

Quant au nom de Faustin Besson que

une autre intention que de montrer

j'ai

qu'il n'y a pas

beaucoup

d'apparence que des gens qui pensent à l'employer puissent pensera chose pour moi.

le

prononcé, ce

la

même


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Le tableau de M. Tessc

«

que

c'est

les

derniers jours

est

fait (la

c'est là

;

les

255

Bergère), mais vous savez ce que scrupules s'élèvent, où on cherclie

à renforcer la chose, à l'exprimer avec toutes ses forces. Je suis très souffrant,

jours

et les

et les nuits.

Tout

qu'il serait possible de fitire

que

susdits, et tandis

j'y suis, ce

bien de son tableau, février, afin

de

cela

qui

je désirerais

le revoir

me

porte à vous dire ceci

pour

est

encore

Mon

vous

ai

Barbizon, ce 27 janvier

commence par vous remercier de

18^.1.

l'ennui que je

un amateur, on

affaire avec

cela n'a pas

n'est

jamais sûr

résultat.

faudra bien que

voie

je

des œuvres

l'exposition

Vous voudrez bien m'avertir du jour où

avant sa vente.

aura

je

En entamant une

un bon

le

première huitaine de

donné pour ma demande à M. Tesse, car j'imagine que

Il

«

moi, pour

à loisir...

cher Sensier,

été tout seul.

d'avoir

la

scrupules

les

comme pour

lui

garder

le

((

«

Croyez-vous

:

comprendre à M. Tcsse que, vu

de Delacroix

cette

exposition

me

le direz, et

lieu... «

Quand vous

saurez qui doit faire

aussi à quel prix. Je crois toujours

mal trouvées

!

Enfin

mon

les

que

décorations, vous

j'aurais

eu des compositions pas trop

comme

regret ne peut pas être grand

si

la

chose

m'avait été proposée.

Le temps

« «

donc

est

sombre comme pour

la fin

du monde.

mes deux /l'Ottis. Conseillez

Je suis bien aise que vous soyez content de le

monsieur sur leur encadrement,

vrir la moitié.

c'est-à-dire qu'il n'en fasse pas recou-

Qu'on n'en recouvre pas du

mais qu'on mette des ba-

tout,

guettes autour des toiles.

Bonne amitié

«

«

«

«

Mon

cher Sensier,

remercie beaucoup.

M. Tesse voir que lettres

reçu,

avec trois cents francs. je reçois tant

bonnes, deux à

seau va à Paris, fait clair

J'ai

il

même

La

MILLET,

temps que votre

!

C'est tout de

même

une heure.

me

besogne

et je

d'intéressant.

jette à la >'

lettre,

je

vous de

celle

abasourdie d'admiration de

factrice est

d'argent. Elle m'a dit en arrivant la fois

i-

de cent francs, dont

part aujourd'hui à

aujourd'hui

que vous saurez

en

J.-F.

Barbizon, 30 janvier iG6^.

reçu votre envoi

j'ai

à tous.

Des

:

lettres, et

des bonnes lettres A-t-il fait

vite, vite

!

sombre

!

des

Rous-

hier!

Il

Dites-moi tout ce


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

256

Les craintes de Millet ne se réalisèrent pas. Alfred Feydeau, architecte de l'hôtel

du boulevard Haussmann,

auprès de ses clients

et obtint

d'eu.x:

la

insista

vivement

commande de

quatre

grands tableaux décoratifs pour lesquels Millet s'empressa de faire les

premières esquisses au pastel; c'étaient de charmantes

compositions.

D'un autre

un amateur qui possédait plusieurs pein-

côté,

tures de Millet les céda en bloc à

M. Francis

marchand

Petit,

de tableaux. Barbizon, ce

«

Mon

cher Sensier,

je

5

que vous m'apprenez.

suis très content de ce

est certain que mes tableaux une fois à Petit, son intérêt Il

en a déjà vendu, puisque Rousseau

connaît, en a acheté trois ou quatre.

me

février i8C^.

disait hier

est

de

qu'un monsieur,

Le contentement que

je

ces choses-là n'a lieu qu'en pensant à la possibilité de vivre

péniblement, car, d'un autre côté, cela vient renouveler

me demande pourquoi me

emmagasinées en moi. Je

pour enfin venir un peu à moi qu'on

un

puis, à

;

me mette de côté comme une me soit particulière, et ce que

qu'il

puisse avoir de

un peu moins

les tristesses

que

j'ai

si

longtemps

rien

n'empêche

houspiller

moment,

certain

Il

les taire valoir.

chaussette sale. Cette façon-là d'être n'a

rien qui

j'en dis n'est

qu'en pensant

comme la

vanité de beaucoup les porte à se bâtir

un monument même sur un

terrain de

cette nature,

coup,

il

il

Je veux

comme

faut se considérer

un de

en temps dans mes

vous dire

ces jours

tristesses et

vous

moignage du bien que vous m'avez bien que vous avez

quand même

les «

été,

M. Moureau

sinon

moutons

pourrais considérer cela est

»

le seul,

venu. Je dois il

doit

vous m'annonciez.

Il était là

du dessin qu'on vous

a

y a de mieux

sur une trappe. les plaisirs

que

j'ai

comme

pu avoir de temps pourrai,

je

Je veux que vous sachiez que

au moins niQn principal appui,

en troupeau viendraient de

chaque mois jusqu'à épuisement de

«

bonne construction. Encore un

laisser écrit,

fait.

que comme

Et, à partir de la fin d'avril,

aise

la

faut être content, très content des possibilités qu'il

vivre, mais «

bien peu propre pourtant à

mon

un

té-

je sais et

que,

côté, je ne

des choses et varia etfalsa. lui

faire

sept dessins

me donner deux la

somme.

quand votre

pour mille

francs.

cents francs à la fin de

Je ne lui ai rien dit de ce que

lettre est arrivée. Je suis aussi

bien

demandé.

Je n'ai point oui parler de

mon

autorisation

pour Fontainebleau.

Si


JEAN-FRANÇOIS MILLET. vous voyez Fcuardent, demanduz-Iui quelques jours en visiteur,

me

et je

s'il

Le

risation.

ma

mais

que

composition

mencer;

que

travail

pour

j'ai fait

est

s'en est occupe. J'y suis allé

suis assuré qu'il

intéressantes à voir à loisir. Je réitère

257

y a

en gros déterminée,

pas encore peint sur

je n'ai

plus avancée que

si je

la toile

un de

et je vais

com-

ces jours

du plafond, quoique

commencer par

m'étais mis à

a

ma persécution et crie, après l'automon plafond n'est passur la toile même, Ne

n'attends pour cela qu'une provision de couleurs.

je

y

il

là des choses bien

dites pas

chose soit

la

Feuardent m'a en-

là.

voyé deux catalogues Pourtalès, mais pas celui des tableaux.

MILLET.

J.-F.

«

»

Barbizon, is février i8j^.

Mon

«

bleau de

cher Sensier,

M.

Tesse, pour

demain samedi,

je

remettrai,

le

départ de six heures du soir.

sans doute dimanche matin. Je vous serai très obligé, le faire, d'aller

y

chez lui dimanche dans

la

quels yeux

il

le

il

mon

lui

de

(M. Tesse) parle de vous remettre

M. ou

le faire

à M"'= Millet. Si

comme

je

fasse des difficultés à je

M. Tesse

vous

ma femme pour

dis de garder sont

à Sainte-Croix, et l'autre partir avec

en

êtes

état

réconforter

tableau.

Qui

sait

de s'il

avec

disait qu'il il

moi pour voir

les

lui est

par

va

le reste ici,

me l'adresser,

probable que ici, je

dites-

je vais aller

ne veux pas qu'on

remettre l'argent. Les deux cents

une moitié pour Lecarpentier, notaire

Delacroix. fille,

est

n'étant pas

pour un payement

amener avec moi Louise, notre pour une éruption qui

et,

lui

envoyez-moi

et

Si,

de l'argent, prenez-le,

le reste

vous l'indique, car

à Paris pour l'exposition de Delacroix \

francs que

le

compte un peu par son aspect d'ensemble.

puis gardez deux cents francs par devers vous, adressé à

vous

le ta-

recevra

le

verra? Tâchez qu'on regarde ce tableau à assez bonne dis-

tance, car je crois qu'il

hasard,

si

M. Tesse

matinée, afin de

avait des défaillances par trop fortes à propos de

à Lejosne,

i3,

à Paris.

Il

Rousseau va sans doute

est aussi

probable que

je

vais

pour avoir une consultation de médecin

venue au visage. Rien autre chose à vous

dire,

puisque nous causerons bientôt, sinon, encore un coup, d'être un échalas

pour M. Tesse en

cas de défaillance. «

Bonjour

et

bonne santé

à

vous tous. «

I.

L'exposition publique des œuvres de Delacroix

Millet vint à Paris; et

il

il

J.-F.

MILLET.

commença

le 16 févrieriSLi4.

vit les peintures, les croquis, les aquarelles

en fut profondément touché. (M.)

»

du grand maître


.

JEAN-FRANÇOIS MILLET

258

B.irbizon,

«

Mon

«

laquelle

cher Sensier,

me

il

-t

niaru iSC-j.

reçu effectivement une lettre de Feydeau, dans

j"ai

dit qu'il travaille

pour

faire aboutir

des décorations de Thôtel du boulevard

pour moi

commande

la

Haussmann. Je souhaite que

cela

arrive.

comme

Pourrai-je,

«

Lazare', ramasser sous la table quelques miettes de

votre festin avec Forget de la vente Delacroix? Je suis bien aise que vous

ayez

le

Lara, car

Scythes que faisait suite

c'est

me

je

très belle chose.

mon

Femmes

faire faire

Goet\?

Qui donc

qui lui a

fait

sur

ma

besogne

Voilà

«

le

beaucoup de

m'a

dit

comme vous Rousseau

plaisir. Je travaille

mon Veau; termine

J'ai dit à

ici

mais,

ma

comme

très

sur le succès tout

me

dites

de

ce qui le concerne,

comme un

vrai nègre

me

les jours passent, je

pour

précipite

lettre...

temps un peu détendu

de votre jardin.

La

et

pauvre Delacroix aura une bonne

ce

plume. Je suis bien aise de ce que vous

rue de Choiseul-.

arriver à terminer

à Paris

Les phrases relevées par vous sur des croquis sont

spécial des dessins à la

ce

j'irai

a acheté les pierres lithographiques de

vraies. Tillot, qui est arrivé hiersoir,

l'exposition de la

Quand

Mais tâchez que j'aie un croquis quelconque.

M. Robert? Enfin

serait-ce

salie et

la

Spartiates, etc., etc. Si c'est sur celui-là

des fac-similés de l'album qu'il a achetés? Cet album

doit être très intéressant.

fois enfiévré Paris!

dessin de VOvide che\ les

avis, je le trouve très beau.

verrai toutes vos acquisitions.

Burtyvadonc

Le

rappelle était sur Tinstallation du milieu de

au Socrate, aux

que vous me demandez je

une

et

même

pluvieux. Je vais m'occuper

»

lettre

qui suit est

un

petit

intermède à nos préoccu-

pations. Elle signale l'entrée en scène de l'art japonais en France.

On

se rappelle

avec quel enthousiasme

artistes. Je fus le

1

premier à

Les miettes ramassées par Millet à

copieuses.

Il

trouva

le

On

fut accueilli

signaler à Millet et à

la

moyen, tout pauvre

croquis, qu'il étudia longtemps avec 2.

le

il

par

les

Rousseau

vente d'Eugène Delacroix furent assez

qu'il était, d'acquérir plus

une consciencieuse admiration.

de cinquante

(A. S.)

exposait rue de Choiseul, au Cercle des beaux-arts, les travaux des

sociétaires et aussi

des peintres contemporains.

M. Francis

exposition où .Millet eut beaucoup de peine à être admis. (A.

Petit dirigeait cette S.)


JEA.N-FRANÇOIS MILLET. qui vivaient en reclus passion.

Rousseau en

:

fut pris et

possédé jusqu'à

quand

voulait tout avoir à lui seul, et

Il

allions à la découverte et achetions quelque

étrange,

Mon

((

aussi

me

manqué

disiez ce qui

Je veux qu'à

mon

vous

pouvait s'interposer cela.

le

j'ai

contre vous de

ma

ma

part

cela soit tiré à clair, car je vie,

si

mon

Rousseau s'expliquèrent

vous m'annoncez

comme

Quant à moi, ce

et

y

me

sera

donné

a eu vraiment

en

me

lui écrivant, dit

dans

sais

C'est à

et qu'il faut

moi

venez

»

qu'une

terminé

et je

qu'il voulait.

Barbizon, 4 avril iSiî^.

la

commande que et

heu-

peu habitué à des choses

comme impossible, je n'osais de mon mieux selon le temps

à faire

que Feydeau allonge autant que possible.

mais parlez-lui-en aussi, car

je

d'ici là,

fut

fut vite

j'ai été si

chose

m'cnvovcr

les

c'est très

cela à

Il

Feydeau

important. Feydeau

dimensions exactes des pan-

puisse chercher nos compositions dans leur proportion

mes compositions

il

besogne pour

MILLET.

beaucoup de temps perdu. Je vais parler de

sa lettre qu'il va

neaux, atin que aussitôt

Deo!

la

le

autre,

qui m'a été confirmée par la lettre de Feydeau,

d'une surprise, car vraiment

pas y compter. Laiis

J.-F.

heureux de

suis excessivement

je

de cet ordre-là, que, sans considérer

qui

ma

ce ne

;

Rousseau en possession de tout ce

cher Sensier,

l'homme

tableau avant qu'il ne parte.

«

reux

sorte d'intamie.

serais

moindre nuage entre nous. Je quitte

querelle d'amoureux.

Et

attendant que

pour une cause ou pour une

«

Mon

aucune

vous n'aviez pas d'autre nouvelle de moi

Si

Millet et

En

?

très désa-

avec Rousseau, vous voudrez bien

donc dimanche chez Rousseau pourvoir

«

cet art

rapportées de Paris.

est arrivé

voyage tout

plus désolé pour le reste de

laissai

image de

Rousseau quelque chose de

d'avoir avec

commis

croire qu'il ne s'est

vous dire

ou moi

cher Sensier, quel tichu vent souffle donc sur nous du Japon j'ai

gréable à propos des images que

vous

Millet

Barbizon, 16 mars 1864.

X

moi

ki

semblait qu'on l'en avait dépouillé.

lui

il

269

et,

à peu près trouvées, de venir à Paris avec. Je ne

donc pas aujourd'hui quand

j'irai

à Paris, mais ce sera assez prochaine-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

36o

ment

car

ne veux pas

je

de modification.

le droit

veux avoir

et je

Puisqu'à présent Tours est tué, mettez-vous,

«

pour moi des épicuriens s'y rattache.

qui

compositions qui m'engagent absolument

faire des

Pour

gens aimant

instruits, des

le sujet

je

vous

en quête

prie,

le plaisir de la table et ce

qui se pourrait peindre au plafond,

je tirerai,

peut-être, quelque chose de leurs idées. Puis, aussi, quels poètes antiques fêté ces

ont

choses-là. Je sais bien qu'Anacréon et

faudrait les relire), mais

qu'en ont

y en

quels vous

Figaro

Je suis très content d'avoir

casion s'en étant présentée

Il

m'a souvent

cher Sensier

raconterai. Enfin,

sur

le

et signé.

pris les

Enfin,

!

il

m'a

Vauircjoui-,

C'est

je

fait

En

qu'il est parti le jour

veux de rage

ne serait

et

surtout l'oc-

pour

lui et et

qu'il

ne regrettait que de d'un Palissy. Oui,

écrire,

me

mais

vous

je

le

remettre une brochure

sar lequel

au-dessous

a écrit,

il

:

Et nunc

comme et

sa part. Il veut venir ici passer

que nous causions

ma

je

scmper

quelques

à fond.

ma femme me raconte que M. Pelme voir, qu'il est resté là deux jours à m'attendre, enfin même de mon retour. Il était désespéré de ne m'avoir

;

était

venu exprès,

écrit, le priant

Comme

de dire à

au cas où

il

il

che-

était

Il

accompagné d'un

M. Pelloquet ma

contrariété d'avoir été absent, et le

me

prévenir, afin qu'il

de ne m'être pas trouvé

un homme

artiste belge,

avait son adresse sur sa carte, je lui ai

devrait revenir, de

sûr. Je suis très fâché

parait

et qu'il s'en arracherait les

a laissé sa carte. 11 a dit, je crois, chez Luniot, qu'il voulait

il

M. Louis Evenepoël.

il

ceux aux-

il

Je crois l'avoir un peu

écrit.

ne peux pas tout vous

revenir dans trois ou quatre Jours.

comme

ma

revenant à minuit l'autre jour,

pas vu, disait-il, puisqu'il

coup

de compte,

je lui faisais l'effet

monter chez

un rude engagement de

loquet est venu pour

priant,

fin

mains en me disant

A François Millet,

jours, et prochainement, afin (I

livrer

naturellement, puisqu'elle a été fortuite de

si

Salon de iSSj qui a été son premier,

l'ai dit

en

pu causer avec Castagnary

ne pas m'avoir rencontré plus tôt; que

mon

ou ne pas

la publiât avant l'exposition, et à cause de

que lui-même m'avait effectivement

part, et

remué.

livrer

à qui elle boucherait peut-être cette ouverture-là d'attaque...

Jean Rousseau, «

me

(et il

Et puis, enfin, ce

les cas, faites-la lire à

la faire connaître, et

de

croiriez utile

peut-être pas mauvais que le

vous

pour

avez, bien entendu, carte blanche

au Figaro. Vous apprécierez. Dans tous

lettre

l'ont fait

de toutes époques.

dit les poètes

Vous

«

il

Horace

a peut-être d'autres encore.

acquis,

il

;

me

trouve à

mais, d'un autre côté,

vaut encore mieux que. j'aie pu causer

avec Castagnary. Je ne suis donc pas fâché d'être resté à Paris ce jour-là. Si j'étais parti la veille,

j'imaginais que

je le

comme

je

le

reverrais. Puis, à

comptais, présent,

je

trouvais Pelloquet, mais

comme

il

a

fait

une dé-


JEAN-FRANÇOIS MILLET. marche à Paris, «

très

Sa

me

empressée pour

quand visite

n'ai plus rien à

que

m'empêcherait d'nller

montrer en

de peinture,

fait

ici,

ou deux en train; mais nécessairement; mais serait d'autant plus,

si

si

fait

que

si,

venir à l'esprit que

me demander bonde mettre une chose

cela retardera les dessins d'un

vexant de ne rien avoir à montrer,

quelqu'un à venir.

plume

et

je

par hasard, quelqu'un,

vous

les

Que

peu,

et cela le

on s'occupait un peu de mes tableaux du Salon

cela engage, par hasard, faire des croquis à la

et

qu'il serait peut-être

je le fais,

c'est très

Jrouver

ne serait excité par rien à

il

donc pensé

J'ai

le

Juste.

en compagnie de quelqu'un m'a

en état d'acheter, venait

quelque chose.

voir, rien ne

ce ne serait

J'irai, et

261

et

que

dites-vous de cela? Je vais

envoyer, car nous n'avons plus un

sou, et on nous travaille de tous les côtés d'une manière bien inquiétante.

Vous verrez «

J'ai

s'il

sera possible d'en placer quelques-uns...

Ma femme

a

une douleur violenteau

eu une migraine

qui

foie

couve au moins une

et J'en

J.-K

«

Millet n'était pas

recommander aux sur ses œuvres,

Le hasard

et

le rnit

homme

critiques,

il

l'attriste

beaucoup. Moi,

autre...

MILLET.

»

à courir après les recrues, à se

mais

cherchait les

il

tout ce qui se publiait

lisait

moyens de

se faire

comprendre.

en relations avec M. Castagnary, qui,

on Fa vu, éprouva pour Millet une vive sympathie. jamais l'occasion de s'entretenir, avec tique

mordant

et instruit qui,

sympathique pour Millet

et

tait l'écrivain. Il était

sur ses jugements salonnier.

et

pendant plusieurs années,

moi à une

résolu à lui

n'eut cri-

fut

Un

peu

jour,

brasserie que fréquen-

demander des commentaires

à le critiquer lui-même dans son travail de

Mais M. Jean Rousseau ne parut

qu'il rendit plus tard justice si

Il

M. Jean Rousseau,

pour Théodore Rousseau.

Millet se décida à aller avec

comme

aux deux peintres

pas. Je dois dire qu'il avait

d'abord

froidement accueillis, «

«

tant

Barbizon, 19

Je partirai dimanche avec vous pour Paris,

mes

mon

avril iH6^.

cher Sensier, empor-

dessins à placer, trois sur quatre, puisque les Enfants qui

mangent


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

262

du oni sûrement, dites-vous, leur destination. Je ne serai pas à l'ouverture Salon

seignements sur

Puisque

«

très

arrangez-vous pour

lui,

je

donniez certains ren-

cela.

voué au rôle d'homme désagréable, voici une question

suis

ennuyeuse que

me

faudra pourtant bien que vous

c'est égal, il

;

je

fais? Serait-il possible

vous

que

je

puisse toucher les

connais100 francs du dessin que vous m'avez demandé de faire pour une samedi, sance pour vous?... Si vous le pouvez, apportez-moi ces loo francs Je n"ai mieux. encore serait ce avant ou si même vous pouviez les envoyer pas besoin de vous donner

gros que

je

le détail

m'enfonce dans l'ouvrage

se .sont écriés

sur lequel

je

:

Italiam,

me

!...

Commande! comme les compagnons d'Enée Italiam! Ce me serait au moins un bout de rocher,

Puis-je donc enfin dire

«

des ennuis qui m'obsèdent, sachez en

:

un moment, en attendant

reposerais

la reprise

de

la

dure

navigation... «

Poignées de mains. « J.-F.

C'est à cette

commence

époque

que M. Théophile

(avril 1864)

»

Si!ve.stre

dans Texistence de Millet. M. Silvestre

à paraître

avait écrit avec

MILLET.

beaucoup de

biographies d'Eugène

les

talent

de Decamps, de Corot, de Courbet, de

Delacroix, d'Ingres,

Diaz, d'Horace Vernet, de Barye, de Rude, de Préault

Chenavard. J'estimais que Rousseau, Jules Dupré

mâle imagination de M.

étaient dignes d'exciter la s'en expliqua

pour

avec moi

:

lui et Millet n'avait

Rousseau

était

pas encore

la

motiver un travail de longue haleine.

une notice dans

la vie

qu'il

se

de

Millet

Silvestre, qui

en projet, Dupré douteux notoriété suffisante 11

pour

lui réservait toutefois

proposait d'introduire au bas d'une page

de Rousseau. Pour cela,

sur Millet, ce à quoi

et

et

je lui

il

m'avait

avais répondu

:

«

demandé des

notes

Quand vous voudrez

bien faire à Millet l'honneur d'une biographie aussi étendue que celles

dont vous avez

gratifié Diaz,

Corot ou Courbet,

je

serai

à vos ordres; mais pour une note écourtée et plaçant Millet en


JEAN-FRANÇOIS MILLET. mieux vaut

second ordre,

mention honorable tout en resta

l'art

dit

«

:

Je réfléchirai »; et

Silvestre parcourut l'Angleterre et la Belgique,

des conférences, fort courues

fit

il

me

Silvestre

mérite plus qu'une

il

là.

M.

Depuis,

M.

».

s'abstenir;

263

français. Je ne

me

et fort

dignes de

que Millet y

rappelle pas

l'être,

ait été cité

sur

ou

seulement mentionné. Pourtant, Millet avait exposé des chefs-

d'œuvre Berger,

grande

la

:

La

etc.

Tondeuse,

vérité est que

Paysan à

le

houe,

la

le

hardi chercheur n'avait pas

le

encore compris, en 1864, l'homme qui

le

conquit plus tard avec

tant de puissance.

A en dis

son retour,

mon

opinion;

destiné à jouer. l'intéressa,

Damas

:

si

M.

Silvestre entendit parler de Millet. Je lui

envisager

je lui fis

Nous nous réunîmes

mais M. Silvestre

l'homme

l'avait

le

tous

n'était

rôle

que

les trois

;

Millet lui plut,

pas encore sur

séduit,

l'artiste était

le

chemin de

peintre restait toujours

le

énigmatique. Le Salon de 1864 pouvait

lui

donner une occasion

de s'expiliquer franchement sur Millet. L'histoire

du

l^eau,

dont nous parlerons, l'arrêta sans doute

dans ses bonnes dispositions. M. Silvestre ne se prononça définitivement pour Millet qu'en 1867, lors de l'Exposition universelle.

Jusqu'à cette époque,

mais un peu

il

ne fut qu'un observateur sympathique,

défiant. Ceci explique

n'apparaît pas dans les

moments

pourquoi

les

le

robuste écrivain

plus difficiles de

la vie

de

Millet.

Le Salon de 1864 senté par

deux

s'ouvrit

toiles d'égale

le

i" mai. Millet

grandeur

:

y

était ref)ré-

Bergère arec son trou-

peau ; Des paysans rapportent à leur maison un veau né dans les

champs. Laissons

la

Bergère, dont

le

succès ne fut pas discuté, pour


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

264

courir à

par

la

défense de ce pauvre Veau,

si

maltraité par

caricature et par les loustics des ateliers.

la

Toute

même

presse répéta la

la

critique

elle

:

reprocha,

presque à Tunanimité, à Millet, d'avoir représenté deux qui se permettaient de porter s'ils

portaient

retourné

et

vu il

un veau sur un brancard, comme

cette scène rustique

dans son pays, lorsqu'il y

en avait dessiné

peint l'ensemble d'après

nature. L'attitude, la démarche,

et

caractère y étaient donc scru-

le

puleusement observés. Les porteurs étaient

A veau

l'ouverture

du Salon,

pas comprise

n'était

phante, elle absorbait

d'admiration, que sans doute par

hommes

sacrement.

le saint

Millet avait était

public,

le

la

le

;

je

la

vis le

même

danger

la

:

Bergère dominait

succès.

Il

y eut un

de sa famille.

Naissance du

tout, et, triom-

tel

enthousiasme

surintendance des beaux-arts, poussée,

un beau mouvement de

réparation, écrivit à

Millet pour lui acheter sa Bergère au prix de i,5oo francs, car c'est

somme

à cette

Millet l'avait

misérable que

Bergère

la

était

estimée.

vendue plus de 2,000 francs quelques mois avant.

MINISTÈRE DE LA MAISON DE L'EMPEREUR ET DES BEAUX-ARTS SURINTENDANCE DES BEAUX-.\ RTS (I

«

si

Monsieur,

je

Palais des Tuileries,

vous prie de vouloir bien

me

le

20 mai

faire savoir

iSfi^.

immédiatement

vous consentez à céder à l'administration des beaux-arts, moyennant

prix de quinze cents francs, le tableau ayant pour sujet

:

troupeau, que vous avez exposé au Salon de cette année sous n

Recevez, monsieur, l'assurance de «

ma

Le Directeur de

l'

M.

Millet, chez «

M.

Saint-Georges.

le n°

i362.

considération distinguée.

administration des beaux-arts, <!

«

le

Bergère avec son

H.

cou RM ONT.

Alfred Sensier, 6, rue Neuve-Fontaine»


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Voici

réponse de Millet

la

:

Barbizon, 2j mai 18^4.

<(

«

Monsieur

me demander

le

directeur, vous m'avez

mon

l'achat de

265

l'honneur de m'ccrire pour

fnii

tableau, n° i362, de Texposition des beaux-

au prix de i,5oo francs. Ce tableau ne m'appartient plus;

arts,

Quelque

.acheté, dans les premiers Jours de l'exposition.

pour moi votre

otîre,

a

il

que

flatteuse

mon

ne m'est donc plus possible de disposer de

il

été soit

tableau. «

J'ai

l'honneur

monsieur

d'être,

le

directeur, votre très

humble

et très

obéissant serviteur.

Pendant ce temps rinfortuné Veau va

critique. C'est Millet qui

se

«

Mon

hommes, Apis,

portant

un veau comme

Barbizon,

portent bien,

tion, et voici ce

que

je

ne

lui

leurs

un

bras.

sion. Et,

pour

ou un

caillou,

quand même

marquer autre chose que

:

mes

hommes

de

;

admet que mes

S'il

ma satisfacdeux hommes ponant

l'expression de

ils

donneront

juste le

pend au bout de

c]ui

seraient

du poids

S'ils le

le porter,

le

loi

la

résultat d'expres-

plus pénétrés d'admiration

domine,

les

même

et

leur expression ne peut

mo-

déposent à terre pour un

du poids

se

remontrera toute

tiendront à la conservation de l'objet porté, plus

prendront une manière précautionneuse de marcher, accord de leurs pas

bœut

le

pas plus long pour

en raison du poids

ce poids.

ment, qu'ils se remettent à seule. Plus ces

est

saint sacrement ou

portent?

le

en demande

hommes

ces

ce qu'ils portent, la loi

condition

mai 186^.

le 3

poids égal, qu'ils portent l'arche sainte ou un veau,

Ainsi, à

lingot d'or

qu'ils

lui dirais

je

quelque chose sur une civière

c'était le

si

voudrait-il donc

la

défendre.

le

cher Sensier, à propos de ce que Jean Rousseau a dit sur

comment

hommes

»

en pièces par

était inis

charger de

<(

MILI, ET.

J.-F.

«

mais

l'accord,

il

faut,

dans tous

les cas et

et

chercheront

bon

le

toujours, cette dernière

que décupler

qui ferait plus

ils

la

fatigue

on

si

n'y obéissait pas. Et voici toute trouvée et toute simple la cause de cette tant

reprochée solennité. Mais

les

occasions ne

commode pas. Que M.

commissionnaires portant une ils

savent cadencer leurs

essaient d'en porter autant en voulant

manquent pas à

sur

Paris de voir

un brancard. On

Jean Rousseau

et

verra

un de

deux

comme

ses

marcher de leur pas ordinaire

amis !

Ces


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

266

manque

messieurs ne savent donc pas qu'un

rait faire sauter ce qu'on porte? Assez...

Thoré Veau de

peu près

fut à

Son

Millet.

d'accord dans

marche pour-

la

»

publié dans ï Indépendance belge,

article,

une charmante description, une paysannerie à

est

du

seul qui s'occupa sérieusement

le

George

la

Sand. Vous ne savez pas

«

même un

peu fauve

:

y a un nouveau-né. La mère

il

?

Lucine, déesse fantasque,

ou peut-être au coin d'un pré,

l'a

l'ombre d'un buisson tout

à

blonde,

est

surprise en plein

et

champ, ou près

fleuri,

d'une touffe de dictame. Est-ce que quelqu'un ne pourrait pas faire sur

Veau de Millet une églogue plus ou moins antique, aussi bien qu'on odes sur

la

naissance des princes

existences agrestes

cherche point

même

comme

charme...

le

au milieu des

fêtes

dans II

de

Est-ce

?

la vie

que

fait

le

des

poésie n'est pas dans les

la

héroïque?...

Il

est vrai

que Millet ne

conserve toujours une gravité presque solennelle, la

nature.

Au

printemps, par une belle matinée,

à

l'automne, sous un beau soleil couchant, ses bergers, ses laboureurs, ses

paysans occupés à une œuvre quelconque, ont un peu

quand

vaux

forcés,

fosse

ou qui sont absorbés dans un nihilisme rêveur.

Ce

«

ils

pour

la ferme. Il

dant

les

vaudra des écus à

deux fermiers qui

le

suit le

tristes s'ils

nouveau-né

accompagne

le

et le

la

mère,

fortifiante,

s'ils

portaient

portaient

dans tous

et

Ainsi,

on

reproduire, le

les actes

pourquoi toujours

à l'abrutissement?...

le

tra-

une bonne fortune et

cepen-

une bière

un enfant au baptême, pas à

l'enterrement.

caresse de sa langue maternelle.

convoi silencieux

et

aux

rapportent à l'étable sur un brancard impro-

Une

La vache

jeune paysanne

méthodique. Pourquoi ne court-elle pas,

rieuse, à la rencontre des petits enfants sortis de la

tous les âges

c'est

prochaine foire de Barbizon,

la

visé ne seraient pas plus recueillis

plus sourdement

d'être

ne ressemblent pas à des trappistes qui creusent leur

veau tombé des flancs de

petit

l'air

chaumière? Pourquoi,

d'une carrière laborieuse, mais saine

cette austérité

à et

concentrée qui touche presque

»

voit par les derniers

même pour

Veau né dans

les

mots que nous venons de

Fécrivain qui avait compris

champs ne

la

Tondeuse,

paraissait pas pouvoir être


JEAN-FRANÇOIS MILLET. admis sans réserve. Pour

Bergère,

la

LA (Croquis à

la

un autre

aspect.

un chaleureux

article

suite

«

plume de

A

li

R

fut

de

M.

Alfred Lebrun.)

immédiatement précisé par

de M. Castagnary s'écriait-il. C'est

droite, à gauche,

choses prirent tout de

E.

la collection

Le succès

Saluons d'abord Millet,

chef-d'œuvre.

BERG

les

267

:

un maître

au fond, vers tous

les

et sa

Bergère un

horizons,

la

plaine


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

268

immense,

s'étend

de tous côtés déborde

et

tricotant; son troupeau

ormeaux que

Ce matin,

le

La bergère marche en

cadre.

au pied des

elle était tout là-bas,

lointain rapetisse, et la voici maintenant près de nous. Ses

le

tondant l'herbe,

bêtes,

la suit.

le front

penché

amenée

s'avançant toujours, l'ont

et

Jusqu'à portée de la voix. Voulez-vous lui parler? C'est une enfant ingénue et

douce. Elle vous dira qu'elle

est

petit village

dont vous apercevez

et s'en vient

dans

est

maigre

et qu'il

les

et

ses brebis sont dociles,

d'un pas égal

le soleil a

les interstices

ou

et lent, ici

du gazon qui pousse. Elle a bien marché

aussi

;

chemin de

dans leur parc, avant que

nuit soit tout à

vous jugez de

la

la

la

humble

satisfaits cette fois

;

la

va

falloir,

moutons

venue.

profondeur de l'émotion

la

comme une

comme

des

de

plaisir, la laideur

à

jeune bergère a toute

toute la grâce rustique que comportent sa condition

détail a

Il

y a mis tout son cœur, toute

artiste

son âme. Ceux qui l'accusaient d'exagérer,

même

fait

idylle doit être regardée

importantes pages du Salon. Le grand

nos paysans, seront

de solennité.

et

oblique-

campagne d'une atmos-

métairie et rentrer les

valeur d'une œuvre par

qu'elle excite en vous, cette

lieue depuis la

ses rayons, glissant

des nuages, enveloppent la

tout à l'heure, reprendre le

au hasard des tiges

là,

une grande

fait

phère plus dorée. Le jour s'empreint de grandeur

« Si

mais que l'herbe

faut changer souvent de place. C'est pour cela qu'elle ne

matinée. Et voilà que

ment dans

maisonnettes au bout delà plaine,

les rares

champs; que

s'assied point. Elle va

tendres

bergère, que tous les jours elle quitte le

la

son importance; mais, ce qu'il faut considérer surtout

beauté

sa race.

et

et

et

Ce

louer sans

réserve, c'est l'accord, l'union intime de toutes les parties qui constituent ce

.beau paysage; les moutons sont chez eux dans cette plaine,

moutons autant

appartient aux la

scène

et les

est si parfaite,

qu'ils lui appartiennent.

tient, tout se lie.

l'impression qui en résulte

que

entier sous le

de

charme de

juste,

l'œil

ne songe

N'est-ce

même

L'esprit reste

mét^ier disparait.

produit.

L'unité

pas là

comble

le

l'art '?

M. Castagnary ne du

l'effet

si

Le

bergère

et la

terrain et le ciel,

personnages, tout s'appelle, tout se

pas à .s'enquérir des procédés d'exécution. tout

Le

Veau,

qu'il

défendit

réchauflfer les tièdes

dans toute 1.

la

Le Grand

se prononçait pas encore sur la

et

plus

tard.

C'est

alors

c]ue

pour répondre aux inquiets,

correspondance de Millet, une Journal. i5 mai 1864.

lettre

Naissance

je

,

pour

choisis,

de nature à


JEAN-FRANÇOIS MILLET. donner une

idée de son art et de son caractère. C'était la lettre

du 3o mai i863 ment beau soleil

:

citée plus

haut

'

il

dit

dans un style

si

grave-

Je vois très bien les auréoles des pissenlits et

«

qui étale là-bas, bien loin par delà

nuages

les

269

les

le

pays, sa gloire dans

».

trouver

J'allai

la

M. Bourdin, homme doux diatement faire

le

du Figaro^

rédaction

m'adressai à

et je

des plus obligeants,

et

fac-similé de la lettre,

et la

e^^ui fit

immé-

publia dans ï Au-

tographe. Cette lettre

fit

grand bruit

malveillances. Jean Rousseau,

et le

mit une sourdine à bien des

salonnier du Figaro, parla con-

venablement des deux tableaux de louange, c'était son droit; mais la

Bergère

comme un

A

fut traitée artiste

la suite

du Salon,

Millet obtint

s'agit

de

n'en

fut abattu

fit

pas

la

avec décence,

de coloration

» et

aurait

la lettre

une médaille. Ce

arts, très

Millet

si

grande place dans

fameuse qu'on

fut tout.

oublieuse du musée du

pu demander une peinture à

silence dédaigneux, et Millet fut

Il

Il

de talent et de conviction.

venait de prendre une

I-

Veau

comme « un bijou

L'administration des beaux

Luxembourg,

le

Millet.

l'école.

l'artiste

On

garda un

renvoyé à ses moutons.

a lue à la

page 241.

qui


CHAPITRE XXVI LETTRES DE MILLET. — LA MORT D UN ENFANT. TRAVAUX PRÉPARATOIRES POUR LES PEINTURES DÉCORATIVES. EXPOSITION DES ŒUVRES d'eUGÈNE DELACROIX. OPINION DE MILLET SUR LES DÉTRACTEURS DU MAITRE.

Retournons à Barhizon, au grand Millet et

sa

affaires et

de ses travaux.

se rappelle qu'il est très

quatre grandes toiles décoratives pour l'hôtel de

Colmar au boulevard Haussmann. tera cette vaste entreprise Tétroit,

il

se

homme

verais

cher Sensier,

probablement

de risquer

le

vovage,

dimanche prochain,

je

atelier rustique où, trop à et l'accomplit

qui se sent libre.

vous

Barbizon, mercredi soir ii m.ii 18154.

ai écrit

ce soir à Paris;

ce matin en vous disant

mais

je

ce qui ne

sons-là,

maison ne

mon

voyage à

soit la

que

me

laisse pas

j'arri-

ne suis vraiment pas en

dans un trop grand malaise. Puis, voici

je suis

état

la fête

beaucoup de temps, car

je

vou-

monde,

je

tiens

drais ce jour-là être ici; le pays étant plein de toute sorte de à ce que la

occupé de

C'est à Barbizon quil exécu-

dans son

Il

Mon

ses

M. Thomas de

passionne cependant pour son œuvre

avec l'entrain d'un

<t

nous de

causer avec

famille, et laissons-le

On

champs, avec

air des

pas seule. Je remets donc, pour toutes ces rai-

semaine prochaine. Je vous dirai

le jour.

S'il

y


JEAN-FRANÇOIS MILLET. avait, d'ici-Ià,

quelque chose que vous jugiez bon de me communiquer,

M. Mame;

frère et le dessin de

reau,

mon

Je vais, en attendant

faites-le.

vais le faire.

je

voyage à Paris,

puis,

si je

Une

Oies de votre

Mou-

»

Barbizon, i^ mai i8(5^.

des lettres que vous m'avez envoyées hier est de Bclly, qui

demande, de

la part

qu'elle est à

M. Tesse

d'un de ses amis,

ï Univers illustré qui

Lequel

faire les

peux en commencer pour

«

«

271

mon

est

et lui

donne son

me demande

me

prix de la Bergère. Je lui réponds

le

L'autre est du directeur de

adresse.

l'autorisation de reproduire wzon tableau.

On

tableau, sur les deux exposés?

ne peut guère,

me

il

semble, refuser cela, quoiqu'on puisse bien croire à une mauvaise reproduction. Je vous

envoyer à son adresse, faire,

vous ne voyez pas

si

vous demandant de

non plus

que vous voudrez bien

envoie une autorisation écrite

qu'il y ait inconvénient à le

On

faire selon votre appréciation.

refuser la nouvelle

rien de précis d'aucun de

demande de V Autographe; mais

mes tableaux, mais

ne peut guère il

ne

me

reste

au

fait,

ce ne doit pas être,

autre chose qu'un croquis en rappelant la composition. Je le ferai.

Tandis que

«

j'y

pense, je vous autorise

ront m'étre adressées chez vous le faire.

ouvrir les lettres qui pour-

a.

quand vous

à y répondre,

et

Je vous dis cela pendant que

je

moi toujours au courant des nouvelles.

me donne

Rousseau,

présenter

cela

pouvait

se

chose qui pourrait être d'une réelle et

à croire

que

a

tout

de

utilité.

est effectivement très

l'envie d'une rencontre avec Jean

naturellement. Il

ne

sait

le

soin,

même

faire entendre

que

même

le

les

C'est

même une

pas assez que

ne valent que par leurs qualités constitutives,

ne sont

»

Barbizon, C juin iSû^.

du Figaro, qui

curieux, ce qui, par parenthèse, si

MILLET.

J.-F.

cher Sensier,

Je vous remercie de votre envoi

«

Tenez-

Dites bonjour à Rousseau.

«

Mon

pouvoir

suis dans les autorisations.

«

a

croirez

et

il

en

choses

les

est

encore

sans but, qu'on peut mettre à faire une chose,

droit de compter.

Somme

toute,

choses ne sont qu'en raison de

il

la

serait

bon de

lui

substance qu'elles

contiennent. «

Ruminez donc comment

cela pourrait

un croquis pour V Autographe ; vous pouvez t

Blanchet m'a apporté mes

toiles

s'emmancher. Je vais

le dire

qui sont dans

à qui

il

faire

faut le dire...

mon atelier

présentement.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

272

Prions celui qui donne l'intelligence de ne pas trop nous abandonner, car

nous avons besoin de toutes nos forces pour mener à ceignons nos reins

tin cette tache.

Enfin,

marchons!

et

Viriliter agite et confortctur cor vestrum.

Auriez-vous

«

moyens de

les

savoir

M. Andrieu

si

drais à le savoir, car l'essai des couleurs de

samment

est à

Paris? Je tien-

Haro ne me renseigne pas

suffi-

voudrais pouvoir causer avec celui qui a pratiqué.

et je

Sachez cela

«

'

plus vite possible. Tenez-moi toujours au courant de

le

tout selon vos moyens.

Nous vous disons bonjour.

«

...Mes trois panneaux sont en train

«

les

je

n'ai

pas repondre absolument à ce que

et suis

tout absorbé dans

vu tout

envoie

le

ma

que

l'essai

je désirais.

mes compositions va

alors je ne sors pas n'aie

pas voulu m'embarquer sans autre sûreté

couleurs de Haro, d'autant que

taine, l'effet de

autant que j'en puis être juge,

et,

n'ont pas trop mauvaise mine. Je les peins avec les cou-

leurs à l'huile ordinaires;

dans

se décider. Je pioche

du tout; mais

je

nègre et

ne peux me donner de repos que

je

fin

qu'un de ces matins

je

vous

»

«

mon

paraît

du jour

faut pourtant

croquis pour V Autographe.

me

ne

comme un

besogne. Je travaille jusqu'à la

cela installé. Il

...Depuis

j'en ai fait

Je compte que, dans une hui-

J.-F.

«

«

)i

Barbizon, iS juin iSû^.

Il

mes compositions

MILLET.

J.-F.

<i

retour, je n'ai vécu

ici

MILLET.

Barbizon, ao

que dans

les

juillet

»

iSû.^.

malades.

Ma femme

entre autres souffre horriblement de la tète; plusieurs des enfants ont aussi été très patraques.

consultations

et

Une grande

en soins.

J'ai

partie de

mon

vu M. Comte

temps a et

été prise à aller

M. Moureau,

ce

en

que vous

devez peut-être savoir... «

I.

Quand

viendrez-vous?... J'ai entrevu

M.

le

Pierre Andrieu, élève d'Eugène Delacroix. (A.

commandant Lejosne.

S.;

»


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

15 aoûl iii6^t

«

Je

«

Nous partons

nouvelle!

rci,-ois la

vous retrouver. Courage,

si

l'instant,

ii

A

Donnez-nous donc de vos nouvelles,

monde

le

continuellement

que

tant

comme

et,

je n'ai

« J'ai

eu tantôt

la visite

de

il

a

mal

est

me

des choses bien,

il

Il

Il

m'a

dit

Il

à voir ces peintures, et

me donner

a

pas du tout

:

de l'audace que

l'air

me

triste.

plus la

tient

Au-

fort, et,

patience,

(le

propriétaire de

paru d'abord content en voyant mes et

enfin cela paraissait

verrez Feydeau, sachez donc de lui ce dit qu'il avait

beau s'attendre à trouver

qu'énormément de gens

que Il

la curiosité est très

faut

la force

lui

et

au delà,

ont déjà de-

fortement excitée à

que vous soyez réellement un

de grand goût pour avoir osé demander ces peintures à se félicite

le

ne pouvait s'attendre à cela, qui contient,

leur sujet. Certains lui ont dit

il

rend tout

M. Thomas, de Colmar,

Quand vous

ce qu'il pouvait souhaiter.

Et

migraine

trop souvent

paru content de plus en plus,

a d'effectivement vrai.

mandé

le

la

que l'impatience.

résultat

l'enthousiasme.

y

à Paris depuis votre retour.

pas une suffisante dose de vertu pour

panneaux, mais friser

mais

du boulevard Haussmann).

l'hôtel

cher Sensier, car nous dé-

passablement, moi excepté, car

je travaille,

MILLET

J.-F.

par instants, m''accable. Cet état

donc d'autre

je n'ai

qu'il

ici

peux,

je le

mon

comment vous vous trouvez

va

moi, pour

Barbiion, ç octobre i86^.

i<

Tout

et

vous,

"

sirons bien savoir

Rousseau

vous pouvez. «

«

273

M.

homme

Millet, etc., etc.

de son goût lui a donnée, car

il

n'a

de penser que Feydeau a quelque peu pesé sur son goût.

Enfin, de quelque part que son contentement vienne, acceptons-le. L'Eté surtout a paru

le

remuer.

» «

«

Barbizon, ij octobre iHO^.

A-t-on ajouté de nouvelles choses à l'exposition de Delacroix-

exposition doit-elle durer encore longtemps? Je

'i.

demande

cela

?

Cette

pour savoir

Sensier venait de perdre une charmante enfant; Millet, arrivé à Paris,

fit

le

portrait de la petite morte. (M.) 2.

L'exposition des œuvres d'Eu^^èn^ Delacroix avait été ouverte au boulevard

des Italiens le i3 août 1864. (M.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

274

quelque chance de

j'ai

si

hommes

On

de Martinet paraîtra un peu pâle après

Je ne

«

revoir encore. J'imagine que Texposition des

la

Diaz

sais si

M. Lecreux Ta

jour chez Rousseau que

l'autre

disait

l'avait décidé à faire

un panneau chez Barbey

a effectivement peint

un panneau chez Barbey,

«

«

Mon

Je retravaille à mes panneaux.

quelque temps

Mon

sinon que

ne

je

vous plains. Quel

médecin de

est le

A

telles

me

de savoir que Diaz

fait plaisir

« J'ai

sa

reçu,

prochaine

il

vous,

chainement

et

considéré

soit

«

que

comme un

un pan-

de Feydeau qui m'annonce

lettre je

commencerai

donner Taflirmation i5 novembre

le

qu'il

le

dessin de

aura son dessin pro-

comme dernier

délai.

Que

ceci

billet.

déjà vu, et connaître ce que

de Couture...,

d'agir soit

etc., etc.*,

je

Lâche

Que

La

je n'ai

lettre

sache

pas encore vu. Ce que vous

me

ne m'étonne nullement, quoique leur façon

une grande infamie. Cela me

de Hugo, sans que

1.

lui

donne

je

i8(3i.

Je veux certainement retourner à l'exposition de Delacroix, revoir ce

j'ai

dites

que

»

refusé de peindre

ait

Aussitôt qu'il sera venu,

M. Robaut. Vous pouvez

MILLET.

J.-F.

de Lecreux. Gloire à Diaz!

les sollicitations

y a quelques jours, une

visite.

triste état,

maladies?

Barbizon, 21 octobre

i(

Cela

acte inqualifiable.

quoi vous dire sur votre

sais

«

«

un

c'est

S'il

?

paysage va se reposer pendant

«

neau chez Barbey malgré

séduit et qu'il

(l'aubergiste). Est-ce vrai

l'occasion une demi-journée.

et j'y travaillerai à

pauvre Sensier,

je

celle-là.

encore à Chailly, mais nous ne Pavons point vu.

est

fait

arriver à la

mémoire deux

trouvent dans ses poésies

oii ils se

vers

:

insulte, affront vil, vaine insulte d'une heure,

fait

tout ce qui passe à tout ce qui

demeure

?

de Millet contient trois noms; nous en supprimons deux, qui

appartiennent d'ailleurs à des artistes assez peu qualifiés pour juger Delacroix.

Quant à Couture, son antipathie pour

le

peintre

de

VEntrée des Croisés à

Constanlinople a de tous temps été connue. Après l'avoir discuté verbalement,

voulu que l'écriture gardât par Couture dans

la

l'auteur parle des

Delacroix

»

«

Revue

la

trace de son dédain.

libérale

il

a

se rappelle l'article publié

du 3o mars 1867. La désinvolture avec laquelle

désirs intelligents

dépasse peut-être

On

».

les limites

des

«

efforts

malheureux

du comique ordinaire.

(M.)

»

du

«

pauvre


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Ma mémoire me

«

dans

doute mal,

sert sans

premier vers; mais en gros,

le

et

275

n'y a pas deux fois insulte

il

c'est le sens.

Ces gens-là sentent bien qu'ils n'ont pas produit pour tout de bon, car

«

avoir

plus ou moins de choses qui ne disent rien, ce n'est point avoir

fait

produit.

Il

n'y a production qu'où

plupart des infirmes,

comme vous

croire,

ils

y a expression.

il

vengent sur

se

le dites,

que

les

mieux constitués qu'eux.

masse des

la

comme

donc

font

Ils

Il

faut

bien inerte, car

artistes est

autrement ceux-ci n'oseraient pas ce qu'ils osent. Rousseau, avec qui causais de cela l'autre jour,

attaqué de partout,

on

et

les

plutôt faite pour aider les

et

ennemis de Delacroix

démolir, Silvestre n'ayant point trouvé à donner

radicalement bonnes. Vous aurez sans doute lu cela; moi, le journal de Martinet, et,

comme

j'ignore

Silvestre s'est

je

grandement

en jugeait par un numéro du journal de Martinet ou

il

trouve très mal établie

que pour

disait qu'il supposait Delacroix

défense de Delacroix par Silvestre, défense que Rousseau

une

citait

me

la

vu

c'est

Rousseau ne sachant où

ne reçois plus

je

avais mis ce

il

présenté. Enfin, d'après Rousseau,

comme

numéro, que

paraîtrait

il

du nombre

forcé à faire cela à cause

les raisons

de

et

la

vio-

lence des attaques contre Delacroix, attaques dont Rousseau est très indigné.

Croyez qu'à toute occasion,

«

un devoir de

crois

que je

je

ne manquerai point de dire ce que

je

dire, et j'en ai eu

une occasion entre

autres, la seule fois

vous dirai comment,

suis allé voir cette exposition-ci. Je

je

arrive

s'il

que

pense à vous en parler. Tenez-moi au courant de ce que vous recueillerez... «

A

vous, u

MILLET.

J.-F.

« Barbizon, S

«

...En attendant,

voudrais.

de plantés,

il

m'occupe de nos jardins

je

d'apporter

fumier

le

crois; chez et

les arbres,

un

autre,

mal qui

on

volée dans l'atelier de Jacque,

Mon

et

novembre iSC^.

et rien

mais l'a

il

empêché de

a

vendu du

ne vient pas

le

S'il

vous

était

aux attaques contre Delacroix, «

A

je

travailler,

bois,

ranger.

cher Sensier, rien n'est fort

promet

nous

Nous

comme

Feydeau m'a parlé d'un journal que va prochainement

son frère Ernest.

comme

ne va

n'y en a pas encore

n'a trouvé personne. S...

ne vient pas. D... nous

forcés de faire la besogne. «

pour

s'excuse sur je ne sais quel

une foulure,

jeté à la

je

R... a fait des trous

»

l'a

serons

l'inertie.

faire paraître

possible de faire là quelque solide réponse ce serait bon.

Nous en causerons

aussi.

bientôt; à vous et aux vôtres, «

J.-F.

MILLET.

"


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

2-6

Barbizon, ï8 novembre iS^'^.

Il

«

N'oubliez pas,

...

vous en

je

détails sur la sanctification de

donc des

duit. Dites à

Daumier que

je le

mations en son pouvoir sur

comme

très habile, et cela

Proudhon

et

sur

que

l'effet

cela pro-

prie de vouloir bien prendre toutes les infor-

perspecteur dont

le

Donnez-nous

prie, le mont-de-piété...

mon

ferait

m'a parlé.

il

pour

affaire

me

II

l'a

donné

plafond, qui sera VAti-

le

tomne, de mes quatre compositions... causé avec Rousseau des reproductions d'après Giotto dont vous

J'ai

«

m'avez parlé, mais

je

pu

n'ai rien

préciser.

sont les originaux, le

règlement pour

nombre

Salon, pour que

et

par qui publiées? Envoyez-moi

le

médite. Vous voudrez bien m'avertir quand M. Martel sera décidé à louer

son atelier;

pourrait

il

me

servir

reprise de douleurs d'estomac

inquiet de

la

voir en cet état,

le

le

Ma femme

pour mes décorations...

je

a été

de foie d'une manière assez violente. Je suis

et et,

si

cela revient encore

une

fois, j'irai

avec

elle consulter à Paris. <c

A

vous, <c

J.-F.

MILLET.

Barbizon, 27 novembre

...Ce malheureux Rousseau a été pris,

«

douleur dans une cuisse. Cette douleur

forte

pris tout entier, le bas des reins est

devenue insupportable

compris

et

monté au

bassin, qu'elle a

aussi l'autre cuisse. Cette douleur

exaspérante, ne lui laissant aucun repos, l'em-

et

debout. Voilà donc bien

pêchant de pouvoir rester ni couché, ni

assis,

des jours qu'il a passés sans repos,

nuit surtout, car

un

l'œil

instant. Tillot et

et la

moi, nous l'avons

de sorte que nous

passé les nuits avec lui,

par parenthèse, vous expliquer

doit,

M. Robaut. Et d'autant que journées consécutives de n'avait

pu que

nous ne sommes n'ai pas su

la

la favoriser.

restés

181J4.

y a c^uelque temps, d'une

il

a

»

ni

laissé le

sommes

mon retard ma part

eu pour

j'ai

il

n'a pas fermé

moins possible

et

avons

tous en pantenne, ce qui

pour l'envoi du dessin de pendant ce temps-là deux

plus violente migraine. Le

manque de sommeil

Cette nuit, nous ne l'avons pas passée entière,

que jusqu'à une heure, car

encore ce matin

s'il

a

pu

rester

il

allait

un peu en

un peu mieux. Je repos, le reste de

la nuit... "

Je

me

mets ce matin à

Couturier. Je l'enverrai en

faire le

même

croquis du dessin pour

la

temps que celui de M. Robaut

vente de et je

vous


JEAN-FRANÇOIS MILLET. de

prierai

migraine

pour

M. Couturier. Ma

remettre à

le

n'est pas loin.

Quand vous

serez en

sonne creux; une autre

tète

de

état

«

Bonne

Je remets à

la

voiture

immédiatement un croquis que

le

pourrais

dessin pour

mot pour

petit

envoie. Si

je lui

le faire, c'est

suis très gêné

le

que

le

je

ton de sa

dire

lui

18(34.

Je vous prie de lui

peut prendre chez

qu'il

vous demande

lettre est très

»

d'écrire,

lorsque

je

que

je

embarrassant

et

pour répondre sur un ton convenable. Son adresse

M. Couturier; faire;

novembre

M. Couturier.

M. Robaut

des Dames, 52, Batignolles. Le dessin de

fallait

MILLKT.

J.-F.

B.irbi/on, 29

H

écrire

voyez Daumier

santé à vous tous, «

vous

le faire,

perspecteur.

le

«

277

il

n'est pas

me

je

poussé

comme

loin,

très

est

est

joint à celui

vous m'aviez

de l'indiquer d'ensemble avec quelques

suis contenté

Nous comptons

pour consulter, car possible, «

elle

aller

Je ne sais

M. Couturier

si

c'est

un de

ces jours à Paris,

une

que son panneau

et dites-lui

illusion,

mais

m'a semblé que

il

un peu de phvsionomie.

avait

est à

ma femme

ne se remet pas. Consolez un peu Forget,

du vol de son tableau,

vous trouvez

Si

la

chose à faire

n'était aussi ridicule

de toujours

et

me

peu moi,

et

c'est

si

est

commencé.

le

dessin pour

cela aussi, ne

pourriez-vous pousser à l'acheter quelqu'un de connaissance? Je vous juge du reste de

de

dit qu'il

touches de pastel. Je souhaite qu'il puisse être content. Rousseau près remis.

rue

:

fais

m'en remets

à votre appréciation. Si ce

plaindre,

vous dirais que

je

je

ne vais

pas bien... «

A

bientôt, «

«

«

et sa

« ...

loureux

aussi en

même temps

»

Barbizon, 28 décembre iBC^.

Rousseau

qu'eux. Rousseau veut consulter pour sa

reins.

Le lendemain de mon retour

gauche gros

du

MILLF,T.

Tillot et sa famille sont partis pour passer l'hiver à Paris.

femme

douleur de

faut

J.-F.

comme une

et je

noix

et aussi

à Paris,

je

me

suis réveillé avec l'œil

rouge que du sang. C'était

très

dou-

ne voyais pas clair à travailler, d'autant que l'attention qu'il

donner à ce qu'on

fait

me

donnait un grand trouble dans toute

front et des yeux. Cela a duré plusieurs jours

et

ma vue

la partie

est restée très


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

2j8,

sensible. J'ai

pu pourtant

à la peinture de Forget'. senti l'effet

j'ai

de

coup de poignard,

l'air

travailler

Hier

soir, j'ai

sur les yeu.K,

ce matin,

et,

pour Forget ne dépassera pas vous avoir «

écrit ces

et

il

le

et je n'ai

comme

si

on me

i" janvier...

vue

J'ai la

Le tableau que

à celui

que vous avez éprouvé

A

la

noir) et

un croquis

La vente de son cabinet eut mort

de

le

année.

la

h la

lieu à l'hôtel

i3 janvier précédent. (M.)

MILLET.

J.-F.

')

M. Charles Forget, chef de

guerre, est vraisemblablement

que nous voyons figurer dans

un Jeune berger (crayon

était

très troublée

cette

la

Petite gardeuse d'oies

vente de

amateur. M. Forget possédait aussi trois dessins de Millet

Forget

d'un

retard

vous, à vous,

Millet venait de peindre pour

bureau au ministère de

i\I.

Le

tous, à tous, ce qu'on peut souhaiter à ceux

'(

indiqué.

faire

plaine, mais

les traversait

m'est douloureux de travailler.

«

(H., o'",32. L., o",i9)

la

nous prions celui que cela regarde d'éloigner de vous

malheur semblable

I.

presque plus rien à

voulu voir un peu

quelques lignes.

Nous vous souhaitons

qu'on aime bien, tout

un peu

:

la collection

un Vanneur

plume dont

le

de cet (sépia),

motif n'est pas

Drouot du 17 au 19 mars 1873.


CHAPITRE XXVIl LES PEINTURES DE l'hOTEL DE M. THOMAS (DE COLMAR) CONSEILS A UN CRITIQUE.

PREMIERS DESSINS POUR

Le manuscrit d'Alfred Sensier qu'on vient de

lire.

11

les

les

yeux, à

s'arrête

l'histoire

de

aux dernières

œuvre

la vie

et

lignes

Tiichever.

de Millet, ce ne

documents qui nous manquent. Nous avons sous l'état

rudimentaire

quelques chapitres,

les

fragments coupés dans

puisable trésor

En

il

est vrai,

et

seulement pour

notes que Sensier avait préparées, des

les

journaux, des indications crayonnées

aux marges d'un catalogue

de Millet.

GAVET.

faut continuer son

Pour mener jusqu'au bout sont pas

M.

;

nous avons aussi

et c'est là l'iné-

— des paquets, presque des montagnes de

présence de ces richesses,

le

choix de

la

lettres

méthode

ne saurait être douteux. C'est à Millet qu'il faut le plus possible laisser la parole.

écrivait

beaucoup, mais

que toutes dance de velles

je

ne surprendrai personne en disant

ses lettres n'ont pas le

l'artiste est

de son jardin

;

Il

même

intérêt.

La correspon-

absolument intime. Millet donne des nouen bon voisin,

il

s'occupe aussi de celui


JEAN-FRANCOIS MILLET.

280

de Sensier qui, sauf quelques rapides apparitions à Barbizon,

au ministère de

travaillait alors

l'intérieur

pas follement; toujours aux prises avec

pour

Millet envoie des instructions

au milieu de ces ennuis,

et,

ses angoisses,

Dans les

les

il

la fatalité

des échéances,

placement de

ses dessins;

raconte

il

lorsque son petit Charles est sauvé.

dit sa joie

premières

ne s'amusait

il

un enfant malade,

a

il

le

de i865,

lettres

multiphe

il

souffrances de Rousseau dont la santé devenait de plus en plus

chancelante; lui-même, malaises. Et cependant

il

il

a ses migraines accoutumées

travaille toujours.

achève

Il

les

tures décoratives qui devaient être placées dans la salle à

de rhôtel de M.

Thomas

nous parlera de

ses travaux.

Mon

«

cher Sensier,

...

lundi,

le

achever

pour

faire le tracé de la balustrade de

jour

et

atelier

mon

M. Mahieu...

Mon

j'ai

fait

est

venu.

Il a

ma

toile à plat

Nous avons

travaillé le

pour coucher

autant que

j'ai

pu...

cher Forget,...

!

de

Je suis très content

je suis

Barbizon, lo janvier 18C5.

en train de commencer

difficile à

Mes panneaux

à Paris, vous serez

sont pas mal avancés.

un des premiers

à qui je

Il

Mon cher

mon

plafond. C'est

accomplir à cause du peu de place que

C'aurait été bien assezdela vraie difficulté pourtant

«

il

»

une besogne matériellement

à la guerre

manger

diverses reprises,

M. Mahieu

plafond.

Il

j'ai.

pein-

partie de la soirée depuis lundi jusqu'à hier soir jeudi. J''étais

une

bien patraque, mais

«

ses

et

Barbizon, 6 janvier iBSj.

perspecteur

déménagement de mon

fallu

le

A

(de Colmar).

Il

sais

sur

les détails

!

A la guerre, comme

Comptez qu'une

demanderai de

les

fois arrivés

voir

»

Barbizon, 10 janvier 1865

Sensier, vous m'avez parlé d'un

M.Champollion ayant

je

n

quel haut emploi au château de Fontainebleau... J'aurais besoin de voir

un peu à mon aise les peintures du château... Vous m'obligeriez en lui écrivant un mot pour qu'il veuille m'aider à obtenir ce résultat. Si vous m'envoyez une lettre pour lui, et que je ne le trouve pas, c'est un voyage perdu. Ne


JEAN-FRANÇOIS MILLET. serait-il pns possible qu'il laisse,

pour me conduire ou utilement?...

en cas d'absence, des ordres aux gardiens

voudrais aller

je

et

avoir

Mon cher Sensier,

Barbizon, i6 janvier 18(35.

effectivement assez difficile de voir les peintures

c'est

de Fontainebleau. Puisqu'il faut en passer par

une pétition pour tâcher d'obtenir

prie,

cela ne soit

comme la salle

absolument

par exemple

du

tures

temps nécessaire pour voir

le

»

(1

'(

281

utile,

la salle

palais... S'il fallait

Henri

Henri

II,

vous en

je

Seulement, à moins que

cette entrée.

ne désignez pas de

faites-moi,

là,

salles à visiter spécialement,

mais une autorisation de voir

absolument désigner, ce

pein-

les

serait particulièrement

chapelle où se trouvent les peintures de Martin Fré-

II et la

minet....

Je voudrais bien avoir vu TAntonelIo de Messine dont vous

«

aussi les autres primitifs; puis, le

et

gens

et

choses pour lesquels

Claude Lorrain

je n'afficherai

me

parlez

et

les

antiques grecs,

aucun dédain.

Oi.i

tout cela va-t-il

aller 1? «

Ma femme

autres jours. '<

offres Il

est

ne va pas trop bien aujourd'hui,

Nous

Je viens d'écrire à

de service

les

M. Chassaing qui m'avait

et

Le temps

est gris et

bas; mais vous savez que

mélancolie

je

toujours à

d'une richesse de couleur qui

les

»

Barbizon, 30 janvier iSûJ.

la pluie, le ciel

me

laisse la

revu à Fontainebleau encore une fois Rosso

sont bien puissants.

création! et

Ils

comme

cette

des temps! C'est enfant des vieux âges.

germe de

ces

pour ma femme

couvert

préfère ce temps-là au soleil.

Tout

et

au plus

est

d'une

vue tranquille

et la

Il

bons géants-là

I.

Il

s'agit

Primatice. Ces êtres-

le

goût douteux, mais quelle force de

rudesse de bonhomie rappelle forcément

comme les

y a dans

l'Arioste,

et

sont de la décadence, c'est vrai. Les accoutrements de

leurs personnages souvent ridicules,

le

les

au calme « J'ai

et

fait

de bon cœur.

Il

tête

que

souffre plus

plus dévouées en cas où elle aurait dû aller à Vichy.

vraiment plein de dévouement

n

elle

irons bientôt à Paris.

contes des fées

cet art-là

du Tasse

et

et réel

comme

les

antiquités

la

bonhomie

souvenance des Lancelot, des Amadis

de Perrault.

On

resterait des

»

du cnbinet du comte de Pourtalès dont

la

vente

allait

et

heures devant

commencer.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

382

n

Mon

«

cher Sensier,

Barbizon, ii fivrier iSfij.

Rousseau qui ne

vais d'abord vous parler de

je

semble pas à beaucoup près aussi terriblement mal que Diaz vous Ta

mieux semble

prononcer

se

maintenant

il

ne pouvait pas

le

du mois

:

faire

si

temps

le

Le

permettait

le

passablement remis. Dès

serait

il

y a quelques jours.

il

vousle verrez donc

mité de Rousseau, «

les jours,

me

peut se remettre à travailler déjà longtemps d'une volée, ce

qu'il

17

convaincu que

et je suis

un peu tous

puisse sortir

et qu'il

dit.

M. Mahieu

c'est

bientôt....

doit partir d'ici le i5

Mais une bien grande

ou

infir-

de plus en plus sa femme

perspecteur vient

le

Il

provenant de mesures inexactes qui

demain pour

ici

rectifier des

erreurs

ont été données pour son tracé de

lui

balustrade. «

Je suis très content de ce que vous

mes

aussi de votre impression sur «

Qui

«

Tenez-moi au courant de

M. Gavet qui

est ce

me

frottis

dites

vous semblera en valoir

ce qui

Mon

cher Sensier,

puisque

je n'ai

puisque

je n'ai

«

pu

je

La vente de Diaz

Barbizon, p mars 18(55.

ma

j'aurais voulu. J'en suis très ftiché,

combinaison,

a-t-clle été

bonne

je crois

mieux de

Mon

Vous avez le

vous avez

cherSensier,

n

Quand

à perpétuité carte blanche.

s'il

y a

le

moment

un peu

mars 1865.

M. de Villemessant.

très bien fait avec

croquis de Bergère pour la gravure,

mais

ni'abstenir.

? »

« Barbizon,

«

la peine. »

n'enverrai rien à l'exposition de cette année,

que

faire ce

pu accomplir

et

Berger?

a acheté le

11

«

de l'exposition Choiseul

de peintures de l'autre année.

sera

venu de

d'écriture à

livrer

y ajouter,

vous m'en préviendrez «

a fait «

Je suis bien content de savoir que Rousseau va bien

J'ai

reçu une lettre de Il

me

Siméon Luce,

dit qu'il

de l'école des Beaux-Arts.

11

datée de Marseille, ou

cause souvent avec Jeanron qui

me

dit

:

«

passion de son art

des

il

«

;

il

est

et

qui en possède à fond l'histoire

au courant de tout,

merveilles

il

me

est là

est

depuis

directeur

un brave cœur qui ». Il est

parle de IWngelus dont

ï

Je ne savais pas que

il

Je ne partage pas toutes les idées, ni

toutes les tendances de cet excellent Jeanron, mais c'est

gentil

que Diaz

une bonne vente

dix-huit mois.

la

et aussi

NL de Morny

était

mort.

»

a

toujours très

on

lui a dit


JEAN-FRANCOIS MILLET. Il

«

sur

le

Mon

cher Sensier,...

Salon

'.

Barbizon, 29 mars

iSfls-

bien aise que vous ayez à faire des articles

je suis

Crovez bien que

me viendront

choses qui

283

je ferai

tout

mon

possible pour vous dire les

à l'esprit, soitsur Tart en général, soit sur des choses

particulières à Toccasion

Il

me semble qu'il y aurait peut-être à montrer, l'art a commencé à fléchir du moment qu'on

prenant d'un peu loin, que

en

le

ne

s'est

plus directement

la nature,

que

naturellement

les et

impressions venant de

vitement venue se sub-

décadence commence. La force s'en va sans

stituer à elle, et la

on

stant de la nature et les forces

naïvement appuyé sur

et

la virtuosité est tout

comme exemple

se servirait

de

cet

la fable

diminuaient quand son pied ne touchait plus

appui con-

d'Antée dont

la terre et

qui au

contraire reprenait de la vigueur à chaque fois qu'il y pouvait toucher. Cela,

autant que possible, court la

même

Et de

et plein.

raison d'abandon du naturel,

en aiguille montrer que, pour

fil

l'art est

en se débilitant. Et

allé

toujours autant que possible des exemples. Encore un coup,

que nous n'en puissions pascauser. Je vais mettre,

pour le dessin Mame, des

et

homme soit ne

se fait

peut se trouver de bonnes

il

la substance,....

ruminer là-dessus

l'esprit.

et

Le fond de

Montaigne, Palissy,

dire

comme

que de spéculation,

si

:

œs sonans

pourrai ce qui m'en :

qu'il faut

qu'un

que tout

ce qui

les autres et

habile que ce soit, ne peut atteindre ce but-

impossible que cela contienne

sion de saint Paul

je

tout est toujours ceci

touché d'abord pour pouvoir toucher

là puisqu'il est

d'emballage

son translateur Claudius Popelvn. Je tacherai d'en trouver

d'autres. Je vais

pourra venir à

dont à l'occasion

ou dont on peut prendre

citations à faire

Piccolpassi

extraits

regrette bien

je

comme choses

cymbalum

et

le souffle

tinnicns

de

vie. Citer l'expres-

»

o Barbizon, 7 avril 18Û5.

a

Mon

arrivait

cher Feuardcnt, voilà qu'enfin vous partez pour

que vous trouviez des photographies,

tout d'après les

moins connus ici,

jusqu'à Michel-Ange

et

y compris,

Chaque

que

ces choses ne se

nous nous arrangerons

endroit ou vous passerez

voyez cela à mesure. Pour ce qui

1.

;

et

est

!...

S'il

soit d'après des antiques, sur-

soit d'après des peintures à partir

prix exorbitants, prenez-les donc débarrasser.

l'Italie

a

ses

de

Cimabue

vendent pas des ici

pour vous en

choses particulières

:

des vieux maîtres, vous ne prendriez que

Sensier se préparait à publier dans l'Époque les articles qu'il a signés du

pseudonyme de Jean Ravenel.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

284

des œuvres faites directement sur les originaux

des gravures.

Ne prenez

rien d'après

mez-vous soigneusement à Naples

lanum d'art,

et

de Pompéi.

animaux. Le

moutons

fils

Dans

est

licite

ou

si

ce qui

on

Bon voyage,

humaines

figures

:

Mon

et

mort, en avait rapporté de très bien, des

humaines, prendre naturellement modèle. Enfin ce qui

et le

celles

ancien

est bien,

illicite. Suffit.

me

Autre idée qui

santé

vient

:

si

vous

y a lieu.

s'il

et plaisir. » Barhi^on, 10 avril 1865.

«

«

sur

Infor-

vous paraîtra bon d'après des œuvres

trouvez quelques livres à images, livres anciens, prenez-les

Adieu.

faites

trouve à Paris

le

vous semble bien

Envoyez-nous votre marmaille

«

:

on a reproduit des peintures d'Hercu-

les figures

moins l'académie

le

moderne,

cela

si

de Diaz, qui

entre autres.

qui sentent et

En somme,

ou d'après nature,

Raphaël

non des choses

et

cher Sensier,... Feydeau

et

M. Thomas

sont venus hier.

Ils

ont

paru assez contents «

Je ne

me

rappelle point ce que Michel-Ange a

En

Je n'ai pas de Vasari.

possède,

le

Moj-en âge

ouvrage à

feuilletant cet

Vous

d'excellentes choses

feriez bien

et la

qui donne l'historique de

de voir dans

Renaissance,

l'art français....

neur pour sa traduction de Shakespeare.

l'article

Voyez

Il

me

et

possède aussi cet ouvrage.

montrer l'abîme

qu'il

y

Mon

loisir, le

on y trouverait

volume que Rousseau

(je

le

hommes

Quoique

On

pourrait s'étayer sur toutes ces choses pour

a entre ce qui n'est

que raisonné

me

de plus en plus? Comment,

être réduit à rien,

ce ne soit pas

bonnes

créateurs sur ceux

dites

et ce

qui

si

forte tête

lui,

qu'on

est senti. »

Barbizon, 13 mai 186S.

de ce pauvre Rousseau

bien attristant. Je comprends qu'il soit en complète démolition.

ment de quoi

Le Tour-

dit d'assez

pratiquant très bien leur profession. Rousseau

cher Sensier,.... ce que vous

s'affirme-t-elle

du moins)

crois

aussi la préface de

a

«

dire surles académies.

semble qu'il

choses sur ce qui établit la réelle supériorité des

qui ne sont qu'instruits

pu

en cause-t-il ait.

?

est

La maladie Il

y a vrai-

Tenez-nous au courant.

pour nous une surprise, l'affirmation du mal n'en

donne pas moins un nouveau coup de massue «J'ai envie de voiries feuilletons de

en trouve?

Il

faudra pourtant que

prendre connaissance: "

Si

c'est

je

Jean Ravenel. Savez-vous ce qu'on

ne laisse pas passer

le

Salon sans en

toujours une curieuse constatation à

faire.

Jean Ravenel n'ose pas toujours dire dans l'appréciation des gens

tout ce qu'il pense,

je

vous prierai

(si

par hasard vous en pouvez trouver


JEAN-FRANÇOIS MILLET. le

moment) de suppléera

285

ce qu'il n'a pas dit sur les gens qui en valent la

peine pour une raison ou pour une autre. Par exemple, Courbet qui vous semblaient devant

de nature à enlever

cet

me met fond,

en grand ennui,

C'est de

«

faire l'avance

vous assure, car

dimanche prochain en huit

imprimée qui en

haut style

?

M. D*** de me

Mon

Nous sommes

cher Sensier

Commairas. Nous avons eu

et

Il

y

a

une grande

est

d'un très

»

11

«

de mois

me donner

l'annonce aux populations. Elle

fait

fin

négligermon pla-

de Barbizon.

la fête

ma

de

suis forcé de

je

épouvanté du retard que cela va

et je suis

affiche

je

Daubii^ny

public difficiles à aborder, ont-ils des tableaux

le

embarras

L'impossibilité pour

«

et

le

allés

Barbizon, 22 août iBû;.

avec Rousseau voir Corot

meilleur accueil qui soit possible. Notre

Nous avons dîné chez de Knyff où nous avons été reçus comme des princes, selon l'expression de Diaz. Pour ce qui est du service à table, Alfred Feydeau est enfoncé. Chaque plat, nouveau couvert. Vins journée a été très agréable.

fameux,

etc., etc.

Je dois avouer que

façon dediner,

cette

et

que

j'ai

j'étais

plus embarrassé que réjoui de

plus d'une fois regardé du coin de l'œil ceux

qui se servaient avant moi afin de faire à peu près de (1

Les tableaux de Corot sont beaux, mais ne révèlent rien de nouveau

«

Nous

allons assez bien. J'ai presque

mon

fini

plafond

Barbizon,

«

Mon

cher Sensier,..,

hier avec Rousseau. a

Il

j'ai

que 20, mais

35o francs par dessin de

il

faut

Il

me

disait: je

d'abord en

comment

il

j'ai

trouvé

les

comme

ai

demandé

Paris, 29 septembre 1865.

les refaire,

tampons pleins de blanc, de

s'il

venu

»

choses à l'hôtel

y aurait aussi franchement à

partout leurs

est

dit qu'il n'y

taille ordinaire, mais ceux qui se trouveront par-

excessivement éreinté par l'opération. Si c'étaient des

chement,

il

vous en demande tout

cher Sensier, voilà bientôt une semaine passée

Prusse. Voici

181J5.

M, Gavet

faire 20. Je lui

«

Mon

septembre

eu des migraines atîVeuses,

ticulièrement importants seront de 5oo. Voilà

«

$

»

m'a demandé 20 dessins d'abord, mais

pas de raison pour que cela finisse.

aussi bien 5o

est

même

sorte

:

ici

le

pour

le roi

plafond collé

de et

morceaux enlevés franmais

ils

ont

promené

que ce malheureux plafond

avait servi plusieurs jours de tapis à des maçons. J'aurai,


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

286

beaucoup de besogne à y

rien qu'à cause de ccLt,

navré

refaire. Je suis

et

désespéré «

Nous avons

quelques clous juger de rien.

semble

les

La

et

Ce

essayé de faire tenir les panneaux dans leurs cadres avec

nous

n'est

les

avons élevés à bras, mais cela ne m'a pu

qu'aujourd'hui que

quatre peintures

lettre

je vais

faire

voir ce que produisent en-

»

que nous venons de reproduire marque

d'une

la fin

entreprise dont Millet s'était occupé avec passion et qui avait nécessité de sa part des études nouvelles. Les peintures décoratives il

de

l'hôtel

Thomas

de M.

commençait ce grand

faire, avait

étaient terminées

travail, Millet, toujours

au moment où

:

curieux de bien

cru prudent de revoir à Fontainebleau

inventées par les artistes de

décadence italienne

la

ainsi sa conscience en repos, mais,

dans

la

du xvr

personnages à l'antique,

il

garda

sa

il

il

les

vaguement

ses

rusticité

spéciale qui lui appartenait. Sauf le costume,

taits,

donner

lui

siècle. S'il habilla

mit

il

:

réalité des

ne se servit guère des leçons qu'auraient pu fastueux décorateurs

les allégories

et fit

poésie

la

des Millet

agrandis.

Les quatre scènes de

l'hôtel

Saisons.

;

à

la salle

manger quatre

les

Le Printemps

et

ÏÉté, toiles de huit pieds sur quatre,

dans

la

boiserie

:

V Automne avait pris place au

VHii'er, d'une dimension

deux premiers panneaux, lités

dans

du boulevard Haussmann représentaient

étaient encastrées

plafond

qu'il avait peintes

était fixé

un peu inférieure à sur

la

celle des

cheminée. Ces inéga-

de proportion résultaient du caprice de l'architecte

et

de

la

disposition des fenêtres.

Ainsi qu'on vient

de

le

dire.

Millet,

pour symboliser

les

Saisons, avait fait appel, d'une façon assez libre d'ailleurs, aux

souvenirs de l'antiquité. Le Printemps,

c'était

Daphnis

et

Chloé


JEAN-FRANÇOIS MILLET. qui, dans la

un paysage habité par une

becquée à des oiseaux

par

le

soleil, sorte

main, figurait VÉté

ï Automne et

287

statue de Pan, donnaient

une moissonneuse aux chairs ambrées

'

;

de Cérès familière, tenant une et

faucille à la

marchait au milieu des gerbes blondes

:

une bacchanale, une assemblée de vendangeurs

était

de buveurs en

liesse

;

VHipcr représentait V Amour

enfin

mouillé d'Anacréon.

Quand

peintures de Millet eurent été mises en place,

les

Sensier prit sa bonne plume de camarade

pseudonyme de Jean Ravenel, quatre dans

rurent

dire?

le

nullement silence à son amitié pour Millet

œuvre avec une profusion raient paraître exagérés.

Un

lorsque

la

peintures de

les

M. Thomas lorsque,

Drouot,

demeure

elles

iSyS, on les revit dans

provoquèrent

quelque

un peu de désappointement. Disons de grandeur aise

le

;

scènes

et

il

n'imposa

il

parla de son

certain,

manger de

salle à

le

pour-

c'est

que,

maison de

la

furent détachées des murailles qu'elles décoraient, 16 avril

le

fait

sous

aujourd'hui,

qui,

d'éloges

écrivit,

il

longs articles qui pa-

de

l'Epoque. Ai-je besoin

et

naturelle.

Millet

symbolisme antique rustiques

discussion

la vérité

:

l'hôtel

peut-être

et

dans

pas tout à

n'était

les figures fait

a son

ému

des

point les vertus voyantes

du

gêné

l'avait

ne possédait

une vente à

le

;

peintre

décorateur ^

L'œuvre terminée, Millet

1.

Le Printemps

d'un livre où

le

7800

revenu à

V Automne,

AL R. Piquet pour

a été gravé à l'eau-fortc par

M. Alexandre Piedagnel

plafond octogone, (H.,

l'illustration

(Paris, V'" Cadart, iSjii).

4"", 85.

L.,

francs. Cette peinture appartient aujourd'hui

(io55o francs)

ses dessins.

talent de Millet est chaleureusement apprécié, J.-F, Millet; souve-

nirs de Barbi:ion, par 2.

était

est

chez M. Gérard;

furent achetés par

l'ii'fe

M. Charles Thomas.

au

(6100 francs)

3°",

72.) fut

roi des

et V

adjugée au prix de

Belges

;

le

Printemps

Amour nuiuillé [Hoooi'vancs.)


.

JEAN-FRANCOIS MILLET.

288

Barbizon,

«

(A

«

décembre 186$,

5

M. Feuardent)... Ce même amateur qui me demandait d'abord

20 dessins en veut bien d'autres

;

mais

veut de plus une ribambelle de ta-

il

bleaux, au point qu'il voudrait presque que je ne travaille que pour lui

Nous avons

passé hier notre journée à causer de cela

rangements J'ai

«

Cet amateur

un

est

vailler

moi, Il

pour

et il

liberté

Mais

d'autres.

dans

c'est

le

me

me donne

Mon

torèt était

ma

liberté

et liberté

de tra-

reste réservé

un enrage qui veut

tout ce qu'il pourra de

mille francs tous les mois à partir de la fin de celui-ci, à valoir et il

me payera la totalité du

et

cher monsieur Gavet,....

prix en lui livrant l'œuvre...

Nous avons eu

belle ainsi ornée,

comme

les

»

Barbizon, 28 décembre 186^.

des

effets

mais

je

ne

sais

de brouillard

imagination. La

des givres féeriques au delà de toute

aussi

admirablement

d'ordinaire plus modestes, et

du

suis

choix de mes sujets,

"

superbes

Gavet.

veut arranger une galerie tout exprès pour bien placer mes tableaux.

sur le prix convenu,

«

M.

pour au moins trois bonnes

à lui faire

années, en ne faisant pas autre chose. Je :

à prendre nos ar-

architecte qui s'appelle

donc des tableaux bien payés

à tous les points de vue

et

pas

les

si

choses

buissons de ronces, les touffes d'herbes

enfin les brindilles de toutes sortes, n'étaient pas, proportion gardée, les

plus belles de toutes.

revanche

et

Il

semble que

la

nature leur veuille faire prendre leur

montrer qu'elles ne sont inférieures à

rien, ces pauvres choses

humiliées. Enfin elles viennent d'avoir trois beaux jours. « J'ai

terminé

le petit

tableau de

M. Brame;

il

l'a

chez

lui.

Je vais

me

mettre à préparer votre Nuit, puis aussi quelques autres tableaux pour vous, tout en travaillant au tableau de

Vous

sition.

On Millet

I.

son

Ta vu par

commença

Ce fragment

intéressant

frères, 1880.)

M. Brame, que

je

compte envoyer à l'Expo-

recevrez plusieurs dessins dans le courant de janvier'

Ce

est

les lettres

la

qui précèdent, c'est en i865 que

nombreuse

série

de dessins qui

et

Statuaires

et

avait

romantiques. (Paris, Charavay

auquel nous ferons sans doute plus d'un emprunt, s'achève

par une notice dans laquelle l'auteur caracte'rise en quelques lignes

de l'œuvre de Millet

lui

détaché d'une lettre imprimée par M. Ernest Chesneau dans

volume Peintres livre,

»

rend au grand rustique

la justice

l'esprit

qui lui est due.

général


JEAN-FRANÇOIS MILLET. été

commandée

par

M.

Gavet. Ce travail dura plusieurs années,

car Tamateur était insatiable,

et

Millet avait

amassé

venirs que sa provision ne pouvait être épuisée. d'ailleurs par

289

une constante étude de

la

Il la

tant de sou-

renouvelait

nature, soit dans les en-

virons de Barbizon, soit dans une région un peu différente qui,

comme on

le

ses procédés pastel,

verra, lui fut révélée en 1866.

de traduction

de l'aquarelle;

langage.

De

cieuses.

Lorsque

il

:

il

se servait

Il

savait aussi varier

du crayon

semblait familier avec tous les

des dessins qui valent ses peintures la collection

de M. Gavet

fut

les

noir,

du

modes du plus pré-

exposée au mois

même

de mai 1875, Paris eut un instant de surprise. Ceux-là

qui croyaient connaître Millet s'étonnèrent ce jour-là de la nou-

veauté charmante

et

de

la

grandeur de son œuvre.

9


CHAPITRE XXVIII MORT DE LA SŒUR DE MILLET. «

LE SALON DE 1866.

UN BOUT DU VILLAGE DE GRÉVILLE.

PREMIER VOYAGE

L'année 1866 commençait à peine, travail.

Vainement

publiques dont mettre

frivolité

succès d'une

le

l'artiste doit

montrer à

de sa pensée,

et

et

l'incohérence peuvent compro-

œuvre

austère,

11

un souvenir de son pays, un Bout du nous entretiennent plus d'une

lettres

«

Mon

cher Seiisier,

Je vais bien

mence,

je crois,

me

quand

comme mon j'étais

Votre laurier

Barbizon,

enfant,

la

3

me

je

le voit

sera-t-il

janvier iSfjû,

mon

et c^est

mer.

du vent. Que souvenir

inquiétudes

de ce tableau.

supporte

de Village donnant sur

seulement soupçonner ...

je

les

avait résolu d'exposer

pas eu de migraine pour

à paraître rongé

dégager dans Tespace tant fait rêver

«

je n'ai

un peu geignant, mais

mon Bout

vaille à

ou

que

village de Gréville. Ses

fois

H

bien

sentait

il

la foule les créations

préparait son Salon.

il

déjà Millet était au

et

avait parlé avec tiédeur des expositions

il

la

»

EXCURSION EN AUVERGNE.

VICHY.

A

Mon

jour de Fan...

beaucoup. Je vieil

tra-

orme com-

voudrais bien pouvoir !

O

espaces qui

le

m'avez

jamais permis de vous faire

?

est

empaillé. Si les quelques gelées qui sont venues ne


JEAN-FRANÇOIS MILLET. lui ont point fait de mal,

pourront venir. Tillot

faut espérer qu'ainsi vêtu

il

dû vous parler du

a

il

291 supportera celles qui

Rien ne peut donner une

givre.

idée de cela. Parler à ce propos des Mille et une Nuits, ce serait banal

Ces choses-là font partie des trésors de

petiot.

du

livre de Job.

sœur Emilie

sa

:

bientôt elle est

condamnée par

est

trouvé

suis bien aise d'être

suis arrive,

me

sonne. Je

instant de plaisir à cette pauvre

Jean-Louis m'a

approché de son

suis

les

une

fois, et alors

par

et calciné

sivement dans rassembler

:

et

deux

les

pour inonder

et je l'appelais

;

je suis

moribonde. Quand

;

je

en

me nommant.

Elle

enfin, elle a ouvert

me

suis

les joues. Elle a pris

nommé

un

encore

ma main

convul-

avec autant de forces qu'elle en a pu

siennes et a dit

François! fille

!

son cœur

traverser sa triste enveloppe et se

Sensier, de l'impression

Le hameau lits.

désespéré. Je

puis ses yeux se sont emplis de larmes, mais de larmes

assez

Pauvre bonne

«

et

des tressaillements ont couru sur ce pauvre visage aminci

la fièvre,

abondantes

leurs

lit

:

ne connaissait plus per-

dit qu'elle

yeux avec une expression d'étonnement

peu

«

pitoyable

état

donné un frère

son ami

écrit à

voir encore une fois, d'autant que

quelque temps sans paraître rien entendre

est restée

très

la

et

(hameau Le Fcvre), 6 février 18GC.

pauvre sœur dans un

venu pour

Il

mon

assuré d'avoir je

ma

part

11

dangereusement malade,

médecins.

les

Grévilie

.J'ai

de s'interrompre.

après, Millet est forcé

pour Grévilie

.

bien

v

Un mois

a

et

selon une expression

la grêle,

que

est

encore assex vivant

montrer au dehors. Jugez,

aimant pour

mon

pauvre

cela dut produire sur moi...

a trente-cinq habitants, et

Et pourtant quelle admirable

viendrai plus tranquille,

et

je

et

il

yen

a plus de la moitié dans

saine situation

vous parlerai de

!

Quand

je

rede-

l'aspect de ces endroits-là

Cela a une physionomie

bonhomme et étoffée, comme au temps du

ghel.Ilya eu

courant de janvier un coup de vent tel qu'on n'en avait

pas vu depuis

nombre, et

nous.

mon Mon

ici

pauvre

(i

I

le

Tout vieil

est

lettre

février).

couvert d'arbres couchés par terre,

orme que

pauvre Sensier,

Dans une sœur

dans

1808.

du

vieux Breu-

je

je

et

comptais voir encore. Tout

dans

le

s'en va

suis bien triste... »

i3 février, Millet

annonce

la

mort de sa


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

292

Rentré à Barbizon,

acheva son tableau,

il

Bout du

le

vil-

lage de Gréi'ille. Barbizon, i6 mars

»

me

cela

mon

Je partirai d'ici lundi matin avec

«

à quelle heure

pusse garder ce tableau tout

je

l'été,

séché, y retravailler, et cela de temps en temps

me

la nécessité s'il

force de le

montrer en

n'y a point trop à en rougir,

L'Exposition

vague

;

il

se

l'état

supplémentaire

de l'Exposition, où tous

et qu'il n'a

mais

pu

Il était

le

les

me

Vous me

direz

donc

une inquiétude

avait

mal

et

Nous avons

placé.

figurait

parmi

les

:

Barbizon, 29 avril

1

qui

et

8(5(5.

est

entré dans

tableaux sont installés définitivement,

dire qu'il a cherché à

découvrir nulle part, ni à avec Mouilleron,

fau-

n'y faut pas penser,

il

est.

cher Rousseau, Bodmer, qui revient de Paris

pour

11

après qu'il aurait bien

Théodore Rousseau qui

vient de venir tout exprès

salon.

et

il

Millet

Il

les salons

près

»

préparait.

membre

jurés à titre de

Mon

;

craignait que son tableau ne fût

la lettre qu'il écrit à

«

Vous savez à peu

fera bien plaisir. Je serai bien aise d'avoir votre impression...

que

drait

tableau.

possible qu'on arrive. Si vous pouvez être là pour le voir,

est

il

i86{j.

la lettre

M,

ont mis tous

ils

voir

ni

mon

tableau

dans aucun autre

les

deux beaucoup

d'obstination à le chercher,

Vous

«

ments

?

serait-il

D'ici, Je n'y

être placé

quelque

Ma femme

«

Vichy

et

vous assure...

«

aller à

y

possible de

me donner

comprends goutte.

Si

là-dessus quelques renseigne-

mal qu'on me

place, encore dois-je

part...

ne va pas bien, être

et

le

médecin vient de déclarer

au i5 mai. Je suis en grand ennui

et

qu'il f;tut

inquiétude,

je

Les amis de Millet avaient mal cherché son tableau. Le Bout

du village de Gréville figura au Salon de 1866»,

I.

Ce tableau

(H.,o"',8i. L.,

en 1868 par cet amateur,

il

i

et

il

eut

même

mètre) appartenait alors à M. Marmontel.

a reparu le 7 juin 1873 à la vente de

connaît une petite eau-forte par M. Gaucherel.

Vendu

M. Faure. On en


JEAN-FRANÇOIS MILLET. le

don

la

reprendre à son

tableaux dont

peu

comme

pas

artiste

dans

ont parfois

faite,

tendres

de

suffira

il

:

qu'on n'accusera pas de

M. François

c'est

labourée

la terre

et

et qu'il fait

Millet.

Il

marche,

Ce que

il

cette

année

est

:

et

s'y

il

terre.

la

d'œuvres impossibles.

un grand

la toile et se

On peut les

peintre intermittent.

Fembourber demain dans une mare aux avait pris sous

Millet eut

un maître

un

les

de refroidir un peu

visite

qui

le

Mon

il

met

le

ne vaut rien,

Un

lourdement. M. Millet

entrelardée de tableaux

réunir un jour dans

oies. Je

le

même

yeux un écolier bien le

guide, et cette capri-

l'aime

sommets pour

mieux

ainsi

que

l'habitude défaire à peu près bien tous les jours.

Les observations

si

»

gaie-

gens d'esprit pouvaient avoir pour résulle

zèle des amateurs.

Il

reçut bientôt

une

consola. «

«

trompe

il

mettra à peindre un chef-

est

La nature

instant de crainte.

ment formulées par tat

artiste

un sentiment

Quand

cieuse semble prendre plaisir à l'élever aujourd'hui sur les

s'il

Aucun

et

enfonce jusqu'au cou. C'est

postérité sentira qu'elle n'a pas sous les

appris, mais

beau

le

se tromperait pas plus

dans un coin, ou retournera

la

marche, imprimant

le ciel.

magistralement raté;

d'œuvre. La production de ce maître moderne

musée

de

n'y a pas à plaider les circonstances atténuantes.

deuxième année ne

admirables

il

j'adore en lui, c'est qu'il se

des faux pas à ébranler

Son tableau de

mais rien du tout;

le jettera

un

cesse et d'épuiser

se répéter sans

levant les yeux vers

pied par hasard sur un sol dangereux,

écolier de

air

qui, cette année, écrivait le Salon dans le

plus profond de la nature réelle.

superbe.

un

l'opinion

citer

contemporain n'a des aspirations plus sincères vers

quelquefois

vernir. Or, les

la

:

son propre fonds, ses sabots

pas été

la toilette n'a

très

Petit Journal

Un

gardé de

aise, s'était bien

M. Edmond About

«

terminée, qui voulait plus tard

dans une exposition publique. Les journalistes ne

triste

furent

Le maître, qui ne con-

d'éveiller la verve des critiques.

sidérait pas sa peinture

293

cher Sensier,

M. Gavet

empressé, au moins, que jamais.

est Il

Barbizon, i8 mai 1866.

venu avant-hier

et

il

parait tout aussi

m'a parlé des critiques qu'on

fait

sur


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

294

moi;

il

trouve stupicies,

les

fois sorti

là et verni,

de

va jusqu'à prétendre e]ue

et il

un

fera

superbe

effet

fera paraître faible tout ce qui sera autour.

me

que vous, quand vous

tableau sans être verni... il

propose de

se

les

bouche

eus de moi Font beaucoup empoigné,

et les

critiques feront

On

a

malade

et

peu

VU dans que

et

il

close.

et

tout cela, et

il

prétend que

Les derniers dessins qu'il a

ceux qu'il vient de voir

et

je

le

ici et

résolument son

atelier

parti,

de Barbizon,

nouveau pour

lui.

et

il

il

Le lo

à se familiariser avec

le

trouva en présence d'un paysage

se

juin,

adresse à Sensier une première

il

génie

du

lieu,

il

écrit

cher monsieur Gavet...,

des eaux, mais j'ai

j'ai fait

me

cela va

me

faire faire

fais

les

y a

beaucoup de cours d'eau,

femmes gardent pas

et

dont

je

rette filant sa

quenouille

démêler avec Florian, sins exécutés ici; je

;

je

»

me

servir.

vous assure.

me faire une il me faut un

et

mais vous aurez, quand

je

peux

oii

et je

je serai

a des rapports avec

champs entourés de

du

haies.

y a beaucoup de moulins. Les

que

je

ne connaissais

Cela ne ressemble en rien à

des pastorales

veux

de documents,

sible

pays

il

leurs vaches en filant au fuseau, chose

compte bien

du monde

pour vous des dessins d'une nature autre

pas mal d'endroits de la Normandie, verdure et il

:

environs de Vichy,

autant de croquis que

que ceux que vous avez. Le pays, à beaucoup d'égards,

Comme

M. Gavet

suis guère occupé

un peu connaissance avec

trouvé de très jolies choses. Je

compte que

ne

je

à

commence

vichy, 17 juin iSCô.

(I

Mon

iMillet

abandonna pour quelque temps son

description de 'Vichy: quelques jours après, lorsqu'il

«

était

médecins avaient recommandé un voyage à

les

Vichy. Ce déplacement n'était pas vme milice aventure. prit

aux-

puisse vivre,

précédentes que M°"' Millet

les lettres

il

a aussi raison

des tableaux, et

même effet. Qu'à toute force d'effet sur mon amour-propre. »

ont produit

je travaille

tableau, une

ne devrais pas exposer un

je

veut toujours des dessins

ce jour-là la

quels

que

dit,

seulement,

un jour une exposition de

faire

ennemis auront

Pavez

II

II dit

mon

que, dans une galerie,

et

siècle dernier.

Ne comptez

la « berae-

Cela n'a rien à

pas beaucoup sur

les des-

provision aussi nombreuse que pos-

peu chercher, ne connaissant pas de retour,

la

le

primeur de mes impres-

sions. Les petites charrettes des paysans sont attelées de vaches. Les chariots


JEAN-FRANCOIS MILLET. dont de

ils se

hix'ufs

que

je,

servent pour rentrer les

t'oins

ont quatre roues

ou de vaches. Encore un coup,

pourrai

et

je

on

voit

les

et

sont attelés ou

veux m'approvisionner tant

vous y gagnerez'. «

Dans

295

J.-K.

iMILLET.

')

diverses lettres qu'il écrivit pendant cette saison,

que Millet

fut très

frappé

du

caractère spécial que pré-

LES LAVANDIERES. (Dessin de

sentent les paysages

femme, 1.

la collection

de

M"" Marguerite

du Bourbonnais. Les

la régularité, qui,

Sensier.)

soins à donner à sa

pour toutes les choses de

la vie,

s'impose

Cette lettre est empruntée au livre de M. Ernest Chesneau, Peintres

statuaires romantiques, 1880, p. 820.

et


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

296

conséquemment à ceux qui en ont

aux malades

et

lui laissaient

qu'un médiocre

Il

trouva cependant

le

temps de

les prairies,

il

le linge

du marché, ou de

dont on retrouvera

reposaient en s'appuyant contre

ici le

la

En

se pro-

fraîcheur cal-

faite,

les

femmes gardant

rencontrait des

celle

œuvre

encore humide; dans

des paysans revenant

comme

qui,

admirait

voyait les lavandières qui, leur

il

sur leur épaule

filant,

il

garde ne

liberté très précaire.

beaucoup.

travailler

menant au bord des ruisseaux dont mante,

une

loisir et

la

rapportent

champs

dans

et

leurs chèvres en petites bergères

croquis magistral, se

un tronc

d'arbre.

Il

donc

fut

possible à Millet, pendant ce premier voyage à Vichy, de prendre,

sur

la

nature,

un

assez grand

raconte à Sensier qu'il a d'aquarelles, et

«

il

ajoute

Le pays, en somme,

fait

nombre de

en rien des

le

:

est frais et a

ils

quelque similitude avec bien des

campagne sont bien autrement

vous assure. Les femmes ont en général

je

le

contraire de la méchanceté et qui se-

beaucoup de physionomies de Part gothique. Cette

être

L'autre jour, je m'étais

méchante.

mis à

pas de longtemps que

faire je

Ils

vous saluent en vous rencontrant.

un croquis près d'une maison,

vois

un homme en

qu'il m'apportait, prétendant qu'il ne voulait pas

de chez

lui.

Je vous parlerai de la

beaucoup à en dire

et

il

ont cette bonne béte de gaucherie qui ne sent

voisinage des eaux,

raient bien le type de

étais

juin,

:

museaux qui annoncent bien

race-là ne doit pas

Le 26

une cinquantaine de dessins ou

endroits de NormaHdie. Les habitants de la

paysans qu'à Barbizon

notes.

mine de

beaucoup plus à en

sortir avec

que

je reste

ces gens-là à

mon

et je

n'y

une chaise

debout retour

près

si il

:

y a

faire. »

Millet quitta Vichy dans la seconde semaine de juillet, mais il

ne revint pas directement à Barbizon

excursion en Auvergne, où

Clermont, Issoire jours à peine.

Le

et

la

;

l'attendait

il

alla faire

une rapide

M. Chassaing.

Il

vit

montagne. Le voyage dura quelques

19 juillet,

il

était

de retour à Barbizon,

et

il


JTA ft:^

fj££

U- DA^^.P.ir-

BERGERE AU REPOS. (Dessin de

la colleclion

de

M"" Marguerite

Sensier.)


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

2g8 écrivait à

splendeurs

Il

Tout

me

cela

sur les hauteurs

danse pêle-mêle dans

consacra

M. Gavet

par s'ordonner

finir

à

aussi

La

gloire de

plus paysagiste.

les

croquis

cette période,

ce voyage.

dans

rap-

avait

qu'il

plus en

devint de

il

cherchait la simplicité

11

»

Tannée à travailler pour

la

grandeur,

trouvait Témotion qui se dégage des solitudes et la poésie

mystérieuse des ciels lumineux ou tragiques. Ses

à

vait

M. Gavet

«

:

Le

Soleil

d'une espèce très simple,

est

d'une certaine

une

lettre

11

faut

tristes

tristesse.

adressée à

avouer que

»

dont

Quatre jours après, les

je

même

et je désirerais

Sensier les

coz<cAa;z?

il

vous

net.

transporter dans

O

tristesse

pas vous voir

I

des »

le

privé, et

et

parlé

célèbre dans

des bois

:

et

que

!

c'est

une

travailler.

on me proposait de

si

midi pour y passer

champs

ai

l'empreindre

grande compensation au peu de temps qu'on a pour

me

écri-

dehors par ces temps

choses vues

pour rien en être

il

austères beautés de l'hiver

sont d'une nature bien impressionnante

Je ne voudrais

sont

lettres

d'accord avec ses œuvres. Le 14 décembre 1866,

ici

«

calcinés,

Dieu arrêtée

ranger chacune dans son casier.

un grand souvenir de

utiliser

portés de Vichy. Pendant

il

et se

seconde partie de

la et

la cervelle; terrains

fraîcheurs.

et

Au-

d'autres hauteurs coiffées d'obscurité. J'espère que toutes

et

vont

Millet conserva toujours Il

ses

et

pleine de tout ce que nous avons vu ensemble en

roches aiguës, effondrements, aridités

ces choses-là

Mont-Dore

le

:

...J'ai la tête

vergne.

qui lui avait montré

l'ami

l'hiver, je refuserais

On

perdrait trop à ne


CHAPITRE XXIX —

EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1867. LIAISON AVEC THÉOPHILE SILVESTRE.

LE SALON.

SECOND VOYAGE

VICHY.

A

MORT DE THÉODORE ROUSSEAU.

Il

y avait dans

très frileux qui,

jardin de Sensier, à Barbizon,

Le peintre

tre

atteintes

était

de

chargé de protéger

la gelée

quand

;

le frêle

les nuits

devenir froides, on prenait des précautions. empaillé

telle

»,

tablement dans

un

laurier

au retour de chaque hiver, occupait beaucoup

Millet. les

le

est la la

«

arbuste con-

commençaient à Votre laurier

est

phrase que décembre ramène inévi-

correspondance

choses du jardinage

du

peintre

mais après

qui savait

si

assuré que tout

bien

les

était

en bon ordre chez son voisin absent, Millet rentrait dans

son atelier

:

;

s'être

deux choses importantes l'occupèrent pendant

les

premiers mois de 1867. L'Exposition universelle se préparait autorisés

par

le

règlement à envoyer au

:

les artistes étaient

Champ

de Mars un

choix des œuvres qu'ils avaient produites depuis là,

iS55.

certaines recherches. Les tableaux de Millet étaient

dispersés.

Il

fallait

insister

De

un peu

auprès des amateurs pour qu'ils

consentissent à s'en séparer pendant plus de six mois,

il

fallait


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3oo

assurer ces trésors contre

vivant dans

eu bien de

mal informé des

la retraitée!

la

d'une catastrophe. Millet,

les risques

réalités

de

la vie,

aurait

peine à résoudre des problèmes aussi compliqués.

Ses amis vinrent à son aide,

les difficultés furent aplanies.

et

Le Salon annuel devait en outre

s'ouvrir en

même

temps

que l'Exposition universelle. Millet achevait un paysage, l'Hiver, tableau, la Gardeuse d'oies. Ses lettres nous parle-

un autre

et

ront çà

et là

de ses travaux. <i

«

Mon

cher Sensier,.-.

Barbizon, 27 janvier 1867.

reçu une lettre lithographiée et signée de plu-

j'ai

Barrias, Hillemacher et d'autres noms d'artistes donner quelque chose pour une vente demande de on me

sieurs

pour Louis Duveau qui quelque «

est

malade.

J'ai

— dans laquelle qui se doit faire

donné mon adhésion. Je donnerai

petit dessin.

Je n'ai eu nulle connaissance des cérémonies faites pour l'inhumation

de Ingres, ni des discours prononcés sur sa tombe. Ce que vous m'en dites

me

à peu près imaginer la

fait «

Je suis

bien

physionomie que

content de

vu, et

ils

m'ont

fait

la

dernière fois que

de je

penser des choses analogues à celles que vous m'en

souhaite bien qu'il

dites. Je

avoir.

dites sur le tableau

Rousseau. Les fonds de montagnes étaient superbes l'ai

cela a

que vous me

ce

ait

car ce beau tableau ne peut pas

le

temps de

manquer

terminer pour l'Exposition,

le

bonnes

d'exciter de

et fortes

sen-

sations*. «

Je travaille aux Oies.

Ce

ou bien

sera bientôt fini,

plus de temps à y passer. Je voudrais que les cris de retentir

dans l'espace. Oh!

la vie! la vie

de l'ensemble!

»

«

Mon

cher Sensier,... ce que vous

à propos des on-dit sur

et

Pour

n'imagine

ce qui est de la croix, je

même

pas que

gens plus pressés que moi

I

je et

Le tableau de Rousseau,

figura au Salon de 18G7.

me

dites

fait

poussant à la

la

»

dans votre précédente

Il

lettre

universelle, l'opinion

beaucoup de

vous assure que

puisse l'avoir.

oies puissent bien

Barbizon, sa mars 18^7.

mes tableaux de l'Exposition

de Meissonier entre autres, tout cela «

me

y aurait beaucoup

il

mes

je

plaisir.

ne

me

leurre point,

ne manque d'ailleurs pas de

roue plus fortement que

Vue des Alpes prise des hauteurs de

je

ne

la Faucille.


JEAN-FRANÇOIS MILLET. me ma

sens disposé à

besogne

ayant

la

bonne

Que

part.

et

même me soit

en

tout ceci

temps, avoir les sympathies garanti et

Mon

cher Sensier,...

me

considérerai

Barbizon, i'' avril 18(57.

aujourd'hui l'ouverture de l'Exposition, suis pas sans

quelque émotion,

une question bien grave pour moi

assure, en y pensant. C'est d'autres...

c'est

programme. Je ne

rien n'est changé au

je

» a

«

Vivre de

:

élever convenablement les miens, puis produire le plus pos-

et

des gens que j'aime bien.

comme

Je continue à souhaiter seulement ceci

le faire.

mes impressions. Aussi,

sible de

3oi

je

si

vous

pour bien

et

»

Millet s'alarmait à tort.

Son exposition

avait fort grand air:

comprenait des œuvres typiques, des peintures d'un ca-

elle

ractère varié

tableau refusé par

le

jury de i85g,

le

avec son troupeau (de

Tondeuse,

Mort

puissant. C'étaient la

et

Berger,

le

de terre (du cabinet de

pommes

de terre, tableau prêté par

M.

M.

Millet n'avait pas trop mal choisi. le

peut être un

homme

cher Sensier,... ce que vous

me

nomie

cela peut prendre...

«

Diaz

tableaux

est

ici

faisaient

dessins, ce qui fait

avec Eugène.

Il

M. Gavet

bien...

que Diaz

le

et

voit,

inquiet cependant

Barbizon, 7

dites de

J'attends pourtant encore

que

M. Gavet. On

compétence de

un peu d'inquiétude. définitive

Planteurs de

qui n'a pas toujours été bien

<(

Mon

les

baron Goethals,

le

était

11

accueilli et qui n'est pas assuré de la

«

Praet), la grande

Soultzener), la Récolte des

enfin l Angélus, qui appartenait alors à

comme

Van

Parc à moutons,

pommes

Bûcheron,

le

Glaneuses, la Bergère

les

de M.

la collection

et

m'a

dit

avril 18*57.

qu'on

lui

encore

me

exposition

un peu pour voir

n'est pas

les a vus. Il

mon

ses juges.

avait

la

dit

tire

physio-

que mes

venu chercher

en a paru content, surtout de

ses

l'effet

de lampe'.

I.

pastel,

n

L'effet

dont

les

de

lampe

«,

c'est

amateurs furent

si

la

Veillée,

le

beau dessin au cravon

profondément émus en 1875

lors

et

au

de l'expo-


.

JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3o2 Votre

"

lettre,

mon

me

cher Sensier,

donc. Nous repasserons ensemble

rumine continuellement. Le prophète-roi David mente

liabid.

Un

— A vous

et

rayon de

un peu

Millet, et

dans son

Il

disait

:

Annos

mais

;

antiqiios in

dissiper ces tristesses. Théophile

nouveau,

zèle

je les

»

coup pour

hésitant d'abord, se déclara tout à

qu'il Tavait inventé

rhomme.

vôtres.

joie vint

Silvestre,

ni

aux

Venez

paraît très mélancolique.

années écoulées; car, moi aussi,

les

il

ne fut pas loin de croire

ne connaissait bien ni

il

dut s'informer,

et

c'est à

le

Sensier qu'il

maître,

demanda

des renseignements.

Les

lettres

de Silvestre

suivantes font allusion à la récente conversion

aux ardeurs de son enthousiasme.

et

H

Mon cher

n

du nouveau

et

Sensier,... ce

du

vif.

que vous m'apprenez

D'abord, ne prenez point,

fatigue, car des entrevues

comme vous

passent pas toujours avec

un

Je m'en

«

car en

;

que

c'est

démoc,

somme,

je n'ai

tel

rien

si

mon du

que vous avez pu

tout. Je repousse

de taire «

pu venir que de

la

m'en

suis pas

du cabinet de M. Gavet. On

mère

Qu'y

est

et

rus-

le

j"ai fait,

le

qu'on m'a voulu

côté

attri-

à gagner sa vie

mes manières de peindre,

occupé

et si

manières

il

y

ce serait

a, cela n'a

mon sujet, des difficomme c'est probable, ne

se rappelle le motif.

lampe fumeuse,

le

Le

soir,

dans un pauvre

père travaille à faire des paniers

occupée à quelque ouvrage de couture

avait-il

que

façon d'entrer plus ou moins dans

intérieur, sous la clarté d'une la

ce

de toutes mes forces

cultés de la vie, etc. Si je vais jeudi soir à Paris,

sition

d'appuyer sur

Je suis paysan paysan...

explications à donner sur

peut-être long, car je ne

de

cela soit dit aussi, car je n'ai jamais eu l'idée

un plaidoyer quelconque.

Quant aux

fait

l'homme voué

buer. J'aurais seulement voulu faire penser à

Que

le dites,

prie, trop

lui dire, et puisqu'il

marque pas un peu dans

qu'on Ta compris en langage de club,

à la sueur de son front.

vous en

en avez eues avec M. Silvestre ne se

vous avez bien

avis,

ce côté ne

fait

comme vous

est,

je

grand calme.

très

très bien à tout ce

vous en dire

faut aussi

tique

fie

Barbizon, 23 avril 1867.

;

l'enfant dort dans son berceau

dans ce dessin? un sentiment, une lumière à

la

Rembrandt.

;


JEAN-FRANÇOIS MILLET. pourriez-vous pas demander à M. Silvcstre

Mon

Barbizon, 30

cher Sensicr, vous imaginez bien que

une première médaille. Rousseau me "

J'ai

deux

les

comme

» «

«

courte. Si son

fort

ne peut pas attendre jusque-là, tirez-vous en tous

vous pourrez.

la

laut e"jueIquefois des

il

une conclusion

explications assez longues pour tirer article

venir chez vous, dans

'de

nous pourrions causer, car

soirée, et tous les trois,

3o3

iHfi/.

.ivril

content d'avoir

je suis très

l'avait déjà écrit...

Je ne suis pas allé l'autre jour en vous quittant à l'exposition d'Ingres.

trouvé Silvestre chez Rousseau,

l'avons quitté. Silvestre a tenu à vérifications de descriptions de

et,

comme Rousseau

m'emmener chez

mes tableaux,

avait à sortir,

pour

lui

et cela n'a

nous

faire certaines

pas été inutile.

A

part certaines choses, ses descriptions sont assez bien, mais elles inclinent

toujours dans

sens que vous lui connaissez. J'ai tâché discrètement

le

timidement d'insinuer certaines choses dans

quand

voir comprises, mais,

de faire

le difficile et

le

il

est si

sens ou

le

je les

directement question de soi, on a

dégoûté. Son paysan à lui

est

et

aimerais mieux

un peu

celui

l'air

que

voyait Proudhon. «

être

Un

détail qui n'a pas

pommes de j'ai

d'importance pour

que par rapport à mes goûts à moi, terre,

a

il

vu de

la vieille

homme

un

mouton

aurait été

public, qui n'en aurait peut-

que, dans

les

Planteurs de

peau de mouton dans

les sabots. Si

essayé d'y mettre quelque chose, cela a

endroit,

le

c'est

être

de

qui aurait mis sur ou dans ses sabots de

un objetde

risée... J'ai laissé

Dans mon

la paille.

la

pas faire plus de rectifications. Les choses qu'il m'a lues n'étaient,

que

ses notes, et

il

ne m'a rien lu de définitivement

Après avoir publié à Millet

la lettre

Cher maître,

qu'on va

je

écrit.

il

est vrai,

»

ses articles, Tliéophile Silvestre adressa lire: n

«

peau de

passer ce petit détail, n'osant

que mes

suis très content

Paris, 4 juin iSrt/.

articles

vous aient plu,

mon sujet. Gardez-les donc en souvenir très affectueux et très sincère d'un homme de bonne volonté, qui sent un homme droit et fort, et qui le dit comme il le sent. quoique

«

je

Une

sois encore bien au-dessous de

chose qui m'a

tableaux ont inspirée à tête puissante. Je l'ai

fait

hier

vif plaisir, c'est l'admiration

mon ami Barbey

accompagné

vu vos ouvrages pour

un

la

d'Aurevilly,

un

que vos

esprit rare et

une

à l'Exposition universelle, et, après avoir

première

fois,

il

m'a

dit des

choses très belles

et


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3o4 très justes

qui vous auraient profondément ému. Je ne veux pas qu'un pareil

témoignage, tout à

rendu sans vous

supérieur, quoique purement instinctif, vous ait été

fait

le faire connaître...

«

Votre dévoué, «

THÉOPHILE SILVESTKE.

»

L'intérêt qui s'attachait à l'Exposition universelle relégua

un peu au second plan

cependant représenté par deux morceaux

était

Gardeuse

IHiver. Mais

d'oies et

naux du temps,

semble que

il

assez inégal.

fut

Salon des Champs-Elysées. Millet y

le

le

La Gardeuse

comme

Millet avait voulu, vie de l'ensemble

»,

il

si

significatifs

:

la

aux jour-

l'on s'en rapporte

succès de ces deux peintures

d'oies,

le

tableau dans lequel

lui-même, exprimer

l'écrivait

ne passionna pas beaucoup

« la

la critique.

L'Hiver, silencieuse perspective empruntée aux désolations de la

plus vivement les connaisseurs.

nature, toucha

Théodore

Pelloquet, qui comptait parmi les fidèles, en parla de la façon

suivante

:

V Hiver est

(I

certainement

Une grande

voir.

le

moins compliqué qui

sujet le

fond un monticule avec des arbres dépouillés de leurs

un

leurs maigres ramures sur

ciel gris,

lourd

compositions ambitieuses des élèves de mélancolique, à

la fois

pleine de poésie

sur le spectateur attentif et compétent! point, et

il

faut la regarder à

deux

gens que captivent d'ordinaire preste si

leur

si

I.

M.

la

nature,

Le Monde

si

vraie

illustré;

Alfred Delaunev.

feuilles, silhouettant

noir;

de

Au

pour

y a loin de là aux

il

Rome. Mais

quelle

peinture produit

réalité, cette

premier aspect, la

impression

comprendre

et

elle

ne

indifférents devant l'exécution

plus ou moins insensibles à '.

la

l'attire

l'admirer. Les

d'une brosse

facile et

si

savante du maître, devant son sentiment

si

et restent

puissante et

fois

et

et

les puériles habiletés

demeurent plus ou moins

naïve, mais pourtant

fond de

se puisse

plaine labourée, des corbeaux picorant des fumiers, au

simple, si

pro-

qualité de sa cou-

»

22 juin 1867. L'Hiver a

e'té

gravé à l'eau-forte par


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Lorsque

imprimait

Pelloquct

Sa femme

quitté Barbizon.

Mon

«

cher Sensier,...

lettres intéressantes

:

Vichy, ij juin

iBrt/,

chnieur d'hier a été terrible. Si cela dure, adieu

In

Plus souvent que

les croquis!...

obéir

Nous avons

peu.

écrivit

«

fallut

il

avait

un second séjour à

faire

et

Pendant ce voyage, Millet

cependant retrouvé deux

Millet

article,

cet

n'était point rétablie;

aux prescriptions des médecins Vichy.

:^o5

jamais, sans y être forcé, dans les pays

j'irai

chauds!

Nous avons pourtant

«

fait

une

hier

excursion en voiture,

petite

et

nous avons vu des choses merveilleuses. Quel dommage de n'avoir rien pu L'endroit où nous

faire!

de Cusset.

ment et

se fera

il

faut aussi

soupçonne

Malavaux

allés s'appelle

il

n'y a pas

moyen

d'y aller sans

à

pouvoir

Mon

«

nomme

dans

le

beau monde de Vichy.

la crainte

études d'Auvergne

et

je

je

i8(j7.

remis de jour en jour à vous

J'ai

quittés, je suis allé voir

vous déclare que, tout en connaissant vos

aussi celles qui les ont précédées,

de travailler. Le catalogue de

On

que

»

est

j'ai

une

été frappé

les

dessins,

la

vente

faite

une

force dès en coni-

semble que Millet s'habitua bientôt à cette chaleur maudite

indications sur

en 1S67.

!

de vous humilier trop, vous qui n'êtes qu'à Paris...

de plus, en voyant cela réuni, qu'une force

la force

la peine.

l'Ardoisière et

Viciiy, 26 juin

Le lendemain du jour ou nous nous sommes

1. Il

cependant

en vaut

cher Rousseau, nous revoilà encore une fois en train de faire

votre exposition^... Aujourd'hui

fois

en voiture,

francs. J'irai

beau. Quel contretemps que cette chaleur'

nos embarras avec le dire

au-dessus

c'est

cela soit

travailler, car cela

(1

«

que

pour une journée, t8

:

une journée

que j'explore un endroit qu'on

très

:

en diverses physionomies, des choses impayables. Seule-

a,

y

voitures sont chères

les

quand II

II

c'est loin et

sommes

et qu'il trouva

après sa mort fournit d'utiles

véritablement très nombreux, qu'il exécuta à Vichv

n'a pas oublié ses belles aquarelles, la

doisière, les Terrains labourés

au Malavaux

Ferme sur

et la

les hjititeurs

Chapelle de

la

de l'Ar-

Madeleine près

de Cusset. 2.

Rousseau venait d'exposer au Cercle de

la

rue de Choiseul quatre-vingts

études et quelques tableaux. Voir, sur cette exposition,

Maîtres

et Petits

Maîtres, 1877,

le

volume de M. Burty,

p. 71.

20


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3o6 mençant. Dès laisse pas de

les

premières, vous montrez une fraîcheur de vision qui ne

doute sur

plaisir

le

que vous aviez à voir

qu'elle vous parlait bien directement C'est de vous et

que

je

non

comme

de Vaultruj-,

vais vous suivre morceau

seulement mentionner

homme

montre qu'un

dit

Montaigne. N'allez pas croire

morceau Jusqu'à maintenant. Je veux

à

point de départ, qui

le

de

est

on voit

la nature, et

que vous voyiez bien par vos yeux.

et

Vous

la race.

l'important, puisqu'il

est

étiez dès

en commençant

le petit

chêne qui devait devenir un grand chêne. Voilà. Je veux vous dire encore

un coup que

et

cela avec attendrissement...

souhaitons,

A

nous vous embrassons.

11

à

vu

j'ai

Nous vous

<(

semble

Rousse«u

c]u'il

y

et

à

M"" Rousseau,

vous.

ait

la

meilleure santé possible

»

deux choses dans

cette lettre

d'abord l'assurance, bien sincère

:

d'une admiration méritée,

et

ensuite

et

de Millet

bien cordiale

désir secret de consoler

le

un malade. Pendant son séjour

à Vichy, Millet ne pouvait se

rendre compte de

d'ailleurs

gravité,

la

encore, du mal dont son ami à

était atteint;

au commencement de

Barbizon,

un peu

juillet,

incertaine

c]uand il

revint

il

put constater

par lui-même des symptômes menaçants. Les médecins avaient

compris, mais

ment

ils

gardaient pour eux

croire que Rousseau,

si

de

ment

et

il

vue semblait

sa

tisme

inc]uiétant

;

Déjà,

vie, allait

la

avait

se voiler et oîi le

lendemain,

surexcitation nerveuse,

et

il

terrible secret. Et

robuste en apparence

organisé pour les combats s'éteindre?

le

il

il

et

si

combien

décliner rapide-

des jours de prostration s'enfermait dans s'agitait

en

un mu-

proie à une

retombait ensuite dans une sorte

de torpeur. Ce puissant cerveau s'endormait. Si nous impri-

mions toutes

les lettres

de

maladie.

la sinistre

de Millet, on pourrait suivre

((

n

Mon

hier n'ait

cher

Sensier,

Rousseau

les

progrès

B;iibizon, 12 août 1815.

continue

à

aller

pas été très bon. C'est bien aujourd'hui.

mieux, quoique

Le médecin

a

paru


JEAN-FRANÇOIS MILLET. content. .Lai espoir que

Alfred Stevens

«

Rousseau

guérison se

la

venu

est

annoncer

à

femme

moi, dans rescalicr.

et

de Rousseau ne content.

nommé

est

qiKiique peut-être lentement.

fera,

matin avec Puvis de Chavannes pour officier.

Nous

avons reçus,

les

priant de ne pas monter pour que

les

soit point trouble,

moi,

ai dit

lui

le

,1e

et

il

a

le

ma

calme

paru bien

»

Ce des

qu'il

ce

307

fut

de Rousseau. Assurément,

dernière joie

la

moments

d'accalmie,

et

des

il

eut

malheureusement

réveils, et

aussi des somnolences qui ne permettaient plus l'illusion. Les

médecins avaient parlé son ami

était

Deux mois

condamné,

et

déjà

il

répit,

les

:

«

Ce

n'est

eaux-fortes

regarder.

«

22

la

désirait avoir

honneur de

pendant

cette journée

l'école

fatale

«

Mon

cher Sensier,

douloureuse.

Il

a

suis

je

ce

à

lui

écrit

On

état

sait

que

française,

est

des

lettres

B.irtiizon, 1:2 Jécoinbre

tout tremblant

matin

:

à

le

de

les

grand

mort

le

que Millet

et

ifîf>7.

abimé. Notre pauvre

neuf heures. Son agonie

a été

bien

bien des fois voulu parler, tnais ses paroles ont toutes été

étouffées par son râle. écris.

«.

:

Il

Rousseau vient de mourir

pas en

n'est

il

:

décembre. Nous avons plusieurs

écrivit

chute finale

«

peine d'envoyer à Rousseau

Et, en ellét, sa iin était proche.

paysagiste, éternel

la

décembre. Millet

16

vraiment pas

e^u'il

annonçait

27 septembre, que

Kousseau avait demandé qu'on

envoyât quelques gravures. Le Sensier

le

au milieu des plus cruelles alternatives

se passèrent

moment de

dans un

dès

iMillet savait,

:

Il

est

neuf heures

et

demie au moment

011 je

vous

Prévenez tous ceux que vous croyez devoir prévenir... Tillot vient'

d'envoyer une dépèche à Besançon. «

Je préviens Silvestre en

Nous donnons en à

M. Feuardent

:

même

temps que vous.

fac-similé la

lettre

»

.

adressée par Millet


'l,(X'i.->^

ryyi^ 1/1'^ c^«-

1^

aJ.

l\o L^ J 4^,;^,.-^ eÂA-

^

e^

^

h. t-<-^^<^

.


JEAN-FRANCOIS MILLET.

(I

Barbizon, 25 décembre 1867.

Cher monsieur Chassaing, mon pauvre ami

«

mourir à Barbizon dans

la

3o9

Rousseau vient de

TIt.

maison où nous sommes

allés

une

fois le

voir

ensemble...

Sa maladie

«

«

de ce

çonné

II

agonie

«

sa fin, à

était

je n'ai

rien

encore une

Pauvre Rousseau

Quand on Ceci

pu surprendre qui

!

son travail

réfléchit,

mon et

l'a

Mon

cher Sensier,..

incapacité. Voici

Rousseau!

»

cette

Il

Il

croyait que son

je

vous

ai

moment si j'ai

si

bien!...

négligé depuis notre retour

j'ai

été

complètement absorbé

travaillé. »

Barbizon, 31 décembre ibô/.

mort de Rousseau m'obsède. La

tiennent enveloppé

pable de travail.

marque.

d'imbéciles qui se portent

vous explique comment

me

Mais moi qui ne

tué.

«

«

le

point soup-

cher monsieur Chassaing, à Tinnumérable

par ce pauvre Rousseau. C'est à peine

l'ennui

et n'a

crise.

de 'Vichy, car presque à dater de ce

et

moment

ce n'ait été à la dernière minute.

moins que

quantité de mauvais cieurs «

dernier

a gardé sa lucidité jusqu'au

pas quitté,

«

un ramollissement du cerveau.

Jugezceque nous avons eu de deuil dans le cœur en l'entendant parler e|u'il ferait dans l'avenir! Car nous savions par son médecin qu'il était

perdu.

l'ai

élail

à

me

tristesse

mettre presque entièrement inca-

va pourtant bien falloir de gré ou de force vaincre cette

déjà

aujourd'hui huit jours qu'on

l'a

enterré.

Pauvre


CHAPITRE XXX TOMBEAU DE ROUSSEAU.

TRAVAUX POUR M. HARTMANN. TROISIÈME VOYAGE A VICHY. MILLET EST NOMMÉ CHEVALIER DE LA LÉGION d'hONNEUR. EXCURSION A MUNSTER ET EN SUISSE (1868). UNE EAU-FORTE « LA PILEUSE ».

LE

:

Au

lendemain de

besogne.

Il

Rousseau. l'aida taire

qui tut et

Le

mettre un peu d'ordre dans

Sensier

pour

dans

surtout

fallut

la

employa avec un grand

s'y

élever sur la

de disparaître. Ce

la forêt

compliqué.

20 mars. Millet écrit ce jour-là les

rochers un

s'étendre.

On

petit

il

nuirait

«

pour

le

On

et

a porté en est

s'occupa

travaux

artiste

verdoyantes.

terminé

même

le

temps

de nature à bien

houx qu'après

les

Il

ordre spécial,

n'était point

chêne qui

ne pourra planter

des rochers, car place. »

joli

:

Il

Millet

de Fontainebleau

de plantations qui promettaient d'être vivaces travail parait avoir été

de

les fouilles à

tombe du puissant

monument d'un

composé de rochers empruntés à

que

zèle.

s'entassaient tant de trésors.

du monument à

triste

atîaires

les

recherche de certains papiers, pour

cet atelier

venait

mort d'un ami commence une

la

et

l'installation

leur mise

en


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Et alors de

la

du tombeau de son ami

s'occupait

qu'il

3ii

malheureuse femme que Kousseau

11

aussi

en proie

laissée

a^"ait

à une maladie incLU-able, Millet soutirait.

et

avait été repris de

mau\aise. Durant cette

ses migraines et toute l'année 1868 fut

période, ses lettres deviennent plus rares; elles nous parlent

moins de

ses

compromise. déric

travaux que de sa santé capricieuse

Hartmann, manufacturier

délicat, qui i^oûtait

bien

si

Fami de Rousseau

fut

et

à Munster.

saveurs de

les

interrompu dans son œuvre

parait

il

qu'il

peut-être

client,

M. Fré-

Pour

amateur

cet

moderne

l'art

commença

Millet

sien,

le

Malheureusement,

peintures.

un nouveau

a cependant

IVlillet

et

avoir

été

mourut sans

et

qui

plusieurs

souvent

si

terminé

a\'oir

tous les tableaux promis. K

Mon

«

que

je n'ai

des toiles de

cher Sensier,

les

M. Hartmann. Voici

Quatre

«

Préparer trois de ces

toiles

me

migraines ont continué à

pas eu jusqu'à présent

«

Barbizon, 17 avril

le

j8fîH.

tant

courage de vous envoyer

malmener mesures

les

:

mesurant r",io d'un sens toiles

d'un

de l'autre.

et o"',S5

lilas rose

foncé

l'autre en ocre

et

jaune. u

Me

les

envoyer

le

plus

promptement

possible.

«

«

Mon

cher Sensier,

est

il

la

Lessiveuse^...

des Dupré, des Fromentin

I.

M. Marmontcl

avait

et

et la

s'est vendii,

fois à l'eau-forte

pour

l'illustration

du

:

14 nuii 1II68.

mais

je suis

mon

content

direz à l'occasion les prix des Diaz,

des Daubignv.

le

sa collection les 11 et 12

mai

18(18. Elle renfoir-

Bout du yillage de Greville, adjugé au prix de

Lessiveuse, vendue 4,000 francs.

deux

M. Monican.

Vous me

vendu

mait deux tableaux de Millet, 4,900 francs,

Baibi.!or.,

bien certain que j'aurais souhaité que

Village se vendit un peu plus cher qu'il ne

du prix de

»

Ce dernier tableau a

été gravé

d'abord par M. Courtry et ensuite par M. Saint-Raymond,

livre

de M. Piédagnel. ,

En

1876, la Lessiveuse appartenait à


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3i2

vous pouvez en trouver

Si

«

m'envoyer mes

de

M. Hartmann.

toiles, car

le

temps,

vous prie de presser Blanchet

commencer

de

hâte

j'ai

je

Millet se mit en effet à l'œuvre, mais

rompre.

Il

une

fallut

proie à

encore partir pour Vichy. L'artiste ne

fois

un malaise qui l'empêchait de

promenades

et

peu de

travailler

Mon

comme

Vichy,

ici

parce que nous n'avons pu nous

a été jusqu'à présent incessante, de sorte

encore travailler... Je suis en désolation de n'avoir pu Voilà déjà hier matin huit jours que nous

Nous avons

«

belles choses.

Le pays

sur

dirai «

le

monde

un de

est

vous aurais

dit

des eaux. Si cela ne s'enfuit pas de

la

date de

mon

iSSj. Je ne peux que ressaisir certains

Mon

les dates s'y sont

ait

en voiture. Nous

beaucoup de choses

Quels paysages primitifs comptais bien que

j'v

a

pas

Si je n'avais

ces aspects cervelle, je

du pays vous

les

et

faits

une

allés

Mais

Vichy, 18

revenu.

ici,

une

»

juillet

1868.

nous avons

fois voir le

fait

deux

château de

ce qui est beau, c'est sa situation.

mélancoliques

retournerais

fois

Il

qui surnagent sur cette

noyées absolument.

sommes

et

même

»

il

y aurait à

tirer

de

!

Je

que nous séjournerions un jour

tirer le plus

ces gens-là choisissaient bien

parlerai de cela

naissance, 4 octobre.

encore beaucoup de physionomie, quoiqu'il

refaites.

dans l'endroit pour tacher d'en

Comme

ma

cher Sensier,.. dans nos premiers jours

trois sorties

Busset-Bourbon. Ce château

y

nous avons vu de

arrivée à Paris. Je crois pourtant

(c

«

pu

je n'ai

ces jours...

époque troublée, mais

ou

ma

que

!

et

mes impressions sur

Je ne peux donner à Burty que

c'est

install-er

quelque chose.

faire

partis

superbe aux environs de Cusset.

m'est impossible de préciser celle de

que

sommes

deux promenades en voiture

fait

été aussi patraque, je et

1868.

3 juillet

d'habitude...

La migraine

«

quelques

fît

il

cher Sensier, les enfants ont dû vous dire que nous avons été

un peu ennuyés en arrivant fait

:

en

était

11

dessins. «

tout à

dut bientôt s'inter-

il

de ce troisième voyage qu'un médiocre profit.

retira

«

Printemps de

le

»

de croquis possible. Mais!...

la place

de leurs demeures! Je vous


JEAN-FRANÇOIS iMILLET.

Barbizon, 24

«

Mon

«

de ter «

et

de Timmense quantité de poussière qu'il nous a fallu avaler...

Je suis désolé de la perte de

peu de chose que

c'est

Il

Millet.

1868.

que nous avons eue en chemin

fatigués de l'horrible chaleur

mon

temps. Ce que

encore chaud.

je

rapporté

j"ai

est si

seulement qu'il

ce n'est pas la peine d'en parler. Je crois

m'est entré dans l'esprit certaines choses que

que

juillet

cher Sensier, nous voici revenus à Barbizon d'avant-hier au

un peu

soir,

3i3

vais tacher de noter

pendant

»

une lacune dans

se

produit

On

sait qu'il n'avait rien

ici

correspondance de

la

envoyé au Salon

;

mais Tadmi-

nistration jugea à propos de se souvenir de l'absent, et lors de la

distribution des récompenses,

chevalier de

la

le

i3 aotât, Millet fut

nommé

Légion d'honneur. Le gouvernement, dont

les

décisions ne brillaient pas par la promptitude, avait niis dixsept ans à s'apercevoir

que Millet

était

un

maître. Les

hommes

de ce temps ne professaient qu'un goût assez tiède pour

œuvres du peintre rustique suite de longues hésitations,

qui assistèrent dans

enfin

-,

on

se

céder,

fallut

il

à

la

décida à décorer Millet. Ceux

grand salon du Louvre, à

le

et

les

la

distribution le

maréchal

Vaillant, qui présidait la cérémonie, obtint ce jour-là

un succès

des

médailles,

se

souviennent sans

tellement inespéré qu'il en resta

maréchal les

instant

que

comme

ministre des Bcau.\-Arts, mais

était

il

était

la

valeur des homines

bien loin de s'attendre à

produire.

Le nom de

que

le

Le

;

il

ignorait

croyait gouverner

manifestation qui

et

allait se

Millet avait à peine été prononcé, que les

applaudissements éclatèrent, sincères,

la

qu'il

interdit.

apportait dans

choses de son service une candeur touchante

parfaitement il

un

doute

si

vigoureux,

vénérable aréopage

et

si

énergiques,

si

son président en turent


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3i4

troublés. L'administration avait bien clioisi, sans

sans

Millet fut éclatant.

ou plutôt de

cette fête

Millet ressentit quelque orgueil, nous ne

moment de son

histoire, les lettres

quent. Tout porte à croire que

triomphe avec

la

amis

M. Hartmann Ce

conservé

modestie sereine qui convient aux philosophes.

à Munster

souvenir,

le

:

de nouveau bonne.

par lesquelles il

En

et

il

Ils

le

que

mois de

deux

les

allèrent visiter

purent entrevoir un coin de

ils

nous

est

adresse à Sensier

passage suivant

quand

pendant

si,

dont l'œuvre de Millet ne paraît pas avoir

fait,

M. Hartmann le

vaillant artiste accepta son

le

ensemble un charmant voyage.

firent

l'Alsace.

savons pas. Pour

le

n'écrivit pas à Sensier, c'est parce

il

revanche.

cette

autographes nous man-

continua à travailler en silence. Et

septembre,

presque malgré eux,

cette fois, représentaient,

au lendemain de

Si,

Il

et

sentiment public, les acclamations redoublèrent.

justice et le

Le succès de

ce

vouloir

savoir. Et devant la confusion de ces distributeurs de

le

récompenses qui, la

le

«

le

J'ai

une

que

lettre

29 octobre. Nous y lisons

J'aime à penser que

la

santé de Millet est

appris avec peine toutes

vient de passer.

reviendra.

par

révélé

Nous

le

les

épreuves

soignerons bien

ici

)^

quittant Munster, Millet

et

Sensier firent une rapide

excursion en Suisse. Le voyage dura à peine six à sept jours.

Les deux amis visitèrent d'abord Bàle.

musée qu'il

et

la

cathédrale

», écrit

Millet dans

adresse à sa femme. Ainsi l'auteur de

VAngelits

a

pu admirer en courant

d'œuvre de Hans Holbein. sion.

«

Il

les

un bout de la

Tondeuse

émouvants

le

lettre et

de

chefs-

n'a pas dit quelle fut son impres-

Les deux voyageurs étaient pressés.

milieu

Nous avons vu

des vapeurs d'une pluie

Ils

entrevirent, au

malencontreuse, Lucerne

et


JEAN-FRANÇOIS MILLET. son lac fameux, Berne

revenu à Barbizon

écrivait

»,

du lendemain

lettre

Zurich.

et

et

De

»

d'être

dans une

ajoutait

il

Le mal du pays continue.

«

:

grande envie

« J'ai

Millet,

3i5

pareilles

dispositions d'esprit n'autorisent pas de longues absences. Millet

eut bientôt

de revoir sa femme, ses enfants, sa maison.

la joie

Au.\ derniers mois de Tannée, nous

Un

cupé d'une gravure.

éditeur,

M. Lemerre, préparait

curieux ^•olume dont on se souvient

M. Burty

Une planche

recueil.

qu'on va

lire.

On

de

mission

reçu

avait

se rappelle

que

le

M. Mérat

cigognes dans

deux jeunes

l'air'

».

le

du

les lettres

et le

avec beau-

lit,

un sonnet sur une composition de

talent d'ailleurs,

représentant

Millet

de

:

poète, M.Albert Mérat,

peintre avaient négligé de s'entendre.

coup de

alors

l'illustration

surveiller

à Millet

fort oc-

Eaux-Fortes.

Soniiels et

:

demandée

fut

trouvons

le

filles

«

suivant un

un autre

Millet traita

sujet

:

vol il

de

grava,,

d'après ses souvenirs de Vichy ou de l'Auvergne, une lileuse

gardant des chèvres dans

la

campagne. Barbizon, U novembre 1968.

«

«

Mon

laqticlle je

cher Sensit-T,...

«

du même

indiquer celui que Je travaille à

moitié égratigné. Si faite à la

reçu une IcUre de

m'envoie son sonnet, déjà imjn-imé.

il

dois faire Teau-forte

et lui

j'ai

je fais.

mon la

sujet. Je vais

Sa

lettre est très

eau-forte,

et,

que

e-ela

n'est pas,

aimable.

migraine ne s'en mêle pas trop, vous

cuivre la

est

à

trouverez

Saint-Martin.

Mon

cher Sensier,..

Paris faire mordre

I.

lui dire

l'Iieure qu'il est, le

à

Il

mon

je

à la

vente de

Baibizon.

ii

novembre 1868,

pars aujourd'hui à deux heures pour aller à

eau-forte.

Le sonnet de M. Mérat semble avoir

en 1875,

Il

AL Albert Mérat dans ci'oit que j'ai fait ou que

la collection

été inspiré par

de M. Gavct

vol d'oies saiivjges. (H., o"'^5j. L., o"',42.

:

n° z^.

un dessin qu'on a revu

J:.^!iiicj

jiHes rc^\7i\i.vil un


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3,6 Si

«

ne vous vois pas ce

je

d"aller chez Burty.

vous verrai demain matin avant

soir, je

»

Baibizon, 23 décembre 1868.

ti

Mon

«

hier à Chailly. artistes,

Après

il

ne

Tout naturellement, que

s'y trouvait

le service

comme

du bout de Tan pour Rousseau

clier Sensier, le service

de

l'église,

présents l'aîné des

MM.

les Tillot et

Laine

nous sommes tous

fils

de

Bodmer

Mon

«

allés

je

<(

»

cher Sensier, voici une année de plus qui va être finie ce soir!

vous

souvenirs

Des

Barbizon, 31 décembre 1868.

Je ne vais point faire d'autres réflexions là-dessus;

que

étions.

Paris, personne.

au cimetière. J'oubliais

Babcock.

et

Il

nous tous y

Lombard. De

et

s^est fait

et

écris à la

tombée du

jour,

que

de penser à ceux qui manquent.

je suis

O

je

vous

dirai

seulement

en train de remuer mes

tristesse!

Je vous souhaite et nous vous souhaitons à tous le

moins d'ennuis

possible, et aussi le plus possible la réalisation de ce que vous souhaitez.

Puis, petits et grands, nous vous embrassons.

Cette lettre,

»

dont on remarquera

l'accent

mélancolique,

ressemble à toutes celles que Millet écrivit au dernier jour

de Tannée finissante. La périodicité

mesure

si

rapidement

le

comme

temps écoulé,

et

leur pensait

aux heures perdues, possibles, à la

année nouvelle. Le jusqu'à

la tristesse.

3i

éveillait

en

lui

un monde

des appréhensions vagues. Le travail-

de souvenirs

aux malheurs

de cette échéance, qui

le

père de famille songeait

grande énigme qu'apporte toute

décembre, Millet

fut

toujours sérieux


CHAPITRE XXXI MORT DE M""' ROUSSEAU. « LA LEÇON DE TRICOT ».

SALON DE l860«

Au

du

revers

Eaux-Fortes, on livre

du volume

faux-titre les

M.

lignes suivantes

:

CASTAGNARY

i'.

Dans

refusait de

par un

sa naïveté et

«

Il

a été

dans sa sagesse,

le

on pouvait avoir

la

»

de ce

tiré

De

cl

une

brave Millet

comprendre comment, lorsqu'un cuivre

artiste,

Sonnets

intitulé

35o exemplaires. Les planches sont détruites.

tragédie.

la

lit

TUEURS DE COCHONS

LES

a été gravé

criminelle pensée de biffer

planche pour prouver aux amateurs qu'on n'en

tirerait

plus

une seule épreuve. Tous ceux qui avaient coopéré à l'œuvre

commune

s'étaient

ou du moins, quarante Corot,

et

montrés sympathiques à ce vandalisme,

l'éditeur

du

livre possédait leur adhésion.

un graveurs, parmi

Seymour- Haden,

lesquels

Daubigny,

Jules Jacquemart,

Bracquemond,

avaient consenti à ce que leur eau-forte fût détruite.

un par

récalcitrant. Millet.

M. Burty

:

il

comprendre que

Vainement

se débattait le

d'art.

fut sollicité

comme un

maximum

supprimer une œuvre

il

Il

de

la

Déjà

Ribot, Il

restait

par l'éditeur

et

barbare qui a peine à

civilisation

consiste à

dut fmir par s'avouer vaincu.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3,8

ne voulant pas être verra

ici la

traité

moins durement que

combat.

trace de ce

Il

«

ma

Mon

et je

ne lui

rien

ai

répondu; puis Burty m'a aussi

pour me

comme

à Burty,

il

me

y a trois jours, et

doivent faire aux autres.

ils

pour en

J'ai

reçu

ma

de

«

Mon

le livre

planche, malgré

Entre nous, et

de faire à

Mon

des Sonnets.

je

j'ai

mon

donné

B.irbizon, 15 janvier iSGç.

eau-forte est bien

mon

Barbizon, 24 janvier

nous donne

iSlîç.

consentement pour

chacun une de

fait

destruction

cher Sensier,

la

mort

je sais

bien que

si

planchcs-là, elles

ces

»

Barbizon,

Cela

me

février 1869.

pauvre M""' Rousseau

terrible de cette

à tous bien de la tristesse.

1(5

fait

remuer pour ma

part

malmenée par

bien des choses du passé. La pauvre créature a été rudement les

la

de plus barbare. Je ne suis pas assez fort en combinaisons

Il

Mon

»

désir de la garder...

seraient anéanties. Assez là-dessus.

«

triste.

trouve cette destruction de planches tout ce qu'il y a

Ostade avaient

et

planche

préféré prendre

j'ai

commerciales pour comprendre à quoi cela aboutit, mais

Rembrandt

ma

finir. »

cher Sensier,...

de plus brutal

ai dit

semblait que cela leur donnerait

Il

«

me

ne veux point leur

je

les diables, et

Il

«

en

faire traiter exceptionnellement,' je lui

me

Il

l'occasion de faire des embarras de tous ce parti

Comme

consentir au biffage.

grâces, ni avoir l'air de

demander des répondu

faire

écrit

bonnes ou mauvaises, mais toutes

faisant valoir des tas de considérations

j'ai

Baibizon, 9 janvier 1869.

cher Sensier, rédiieur Lemerre m'a écrit au sujet du biffage de

planche,

faites

On

les autres.

événements. «

Je ne peux pas penser sans attendrissement qu'elle a eu quelquefois

bien soin de

moi quand

j'étais souffrant...

sur son compte que ce qu'elle m'a

fait

Dieu

sait

que

je

de bien! Je souhaite

ne

la

me

rappelle

béatitude à sa

pauvre âme. «

à

Il

faudra que

Charenton.

je sois

bien souffrant

si

vous ne

trouvez pas demain

» Il

«

me

Barbizon, 17 février 1869.

Chère madame Fcuardent,... Sensier vous aura sans doute appris

mort de

cette

pauvre M""' Rousseau. Je voulais tout naturellement

la

aller


JEAN-FRANÇOIS MILLET. à son entcrremcnl; mais la mit;raine s'en est nièlce

comme

matin

je

comptais

Mon

«

cher Sensier,.--

splendide

très

je

trouve

l'humain qui sont ordinairement

qui,

pour moi, rentre dans

mieux

j'aimerais

ce que

pauvre

le

m'y

l'album que vous m'avez

du

bel assortiment des

point

plaît. Je n'y vois

fond de

l'art

pour

la curiosité, et

le

cou-

naturel

Japonais. C'est

une chose

me

coûterait,

le

prix qu'il

d'autres dessins japonais, plus naturels

l'occasion en

(si

fait

xv' siècle...

m'est impossible de rien envoyer à Bordeaux. Je travaille de tout

Il

«

partir ce

à la disparition de ce

comme vous

ou quelques gravures en bois du

découvrir)

pu

Barhizon, 25 leviicr 1869.

riche sous le rapport

et

leurs; mais c'est à peu près tout ce qui et

n'ai

je

»

«

envoyé

et

J'en suis tout attristé et navré. J'aurais

le faire.

voulu qu'on ne me puisse pas croire indifférent débris de Rousseau.

Brg

j'ai

de force pour terminer,

si c'est

possible, la

Femme

qui montre à

tricoter à sa petite fille, et l'envoyer au Salon. Si je ne peux arriver à peu près

comme

que

ce tableau a

l'entends,

je

je

ne l'enverrai point, bien entendu... Je

gagné depuis que vous ne l'avez vu.

u

«

la

Mon

pellier.

Il

chargé de

cher Sensier,...

les

si

je

voudrais m'en charger,

dire,

le

Je crois que j'aurai terminé

la

cite.

tombe de Rousseau

J'enverrai voir

«

si

me

mon

Le

insignifiant.

de

exposée

M. Bruyas

a

voir

transcrirai le

C'est très formel...

a des fleurs.

tableau pour

le

20.

Il

est

des jours

Aujourd'hui,

je

:

a

Mon

tableau

me

paraît nul,

»

Ce sentiment ne

La Leçon

de

»

mars^ Millet écrivait

i5

j'ai,

j'attends à le

et

je suis très mécontent, et dans certains autres, moins.

passable.

mais

musée de Mont-

le

commande. Je vous

conditions de cette

de M. Bruyas que Silvestre

lettre

«

le crois

fut

jamais pensé à vous

n'y a rien d'arrêté encore, car c'est Silvestre que

me demander

pour déterminer bout de

je n'ai

figure

Barbizon, 10 m.us 1869.

M. Bruvas, une commande importante pour

part de

me

»

tricot,

le

i''''

fat

pas partagé par

qui appartenait à

mai

18(39, séduisit

M.

la critique intelligente.

F. Bischofsheim

au contraire

seurs par l'intimité de l'expression, la vérité de

la

les

et

qui

connais-

lumière inté-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

320 rieure.

à

convient, à propos de ce tableau, de laisser

11

un bon

M. Castagnary

juge,

François Millet,

«

le

ses meilleurs tableaux, la

:

peintre des

Leçon de

mœurs

et

la simplicité

qui gouvernent

ficile

d'écrire

Rien

n'est

monde

le

le

oublié

et

n'y a pas

il

un

trait

A

moyenne dimension.

la justesse

de leur geste

la vérité

maître à qui n'échappe aucune des

des esprits

une pensée avec plus de

un de

sont deux figures à mi-corps,

de leur attitude, à

de leur physionomie, on reconnaît

lois

rustiques, nous envoie

Ce

tricot.

de grandeur naturelle, dans un cadre de de leurs proportions, à

parole

la

et le

monde

des corps.

vigueur

netteté, de

est dif-

II

d'harmonie.

et

qui ne concoure à l'expression.

A

peine avez-vous regardé, que l'intention de l'auteur se révèle à vous tout entière.

a

Il

pas la grâce

voulu nous montrer que l'enveloppe exquise de

moins analysés au

maternité.

la

Au

village, les sentiments

la plus grossière n'exclut

contraire; peut-être, pour être

qui constituent

le

fond

de la

nature humaine y sont-ils plus vivement ressentis. Est-elle assez mère, cette

paysanne

à qui le soleil a fait le teint hâlé et le travail les

Elle

de tout

l'est

yeux;

elle l'est

mouvement de son

le

depuis

chevreau embarrassé, aussi

une

vrai sauvageon des

est-elle assez

vierge

atteint.

D'où vient cela? De

traire

a des airs de rester là

chaque

fois j'ai

été plus

pro-

beauté des lignes assurément,

la

puissance du modelé, du charme de

moi, delà vérité de nature. Rien sortis

main qui voudrait

gauche? Vous pouvez

et

force plus pénétrante. J'y suis revenu, et

la

la

champs qui

longtemps que vous voudrez, peu de tableaux s'imposent autant, ont

fondément de

fille,

mains calleuses?

de toute l'attention de ses

et

regard qui dirige jusqu'à

le

exécuter. Et cette petite

corps

la

couleur, mais surtout, croyez-

n'est factice ici; ce

ne sont pas des modèles

de leurs habitudes pour venir devant nous prendre une pose arbi:

ce sont des êtres

vivants, envisagés dans leur cadre

naturel, et se

manifestant à nous avec leurs costumes, leurs habitudes, leurs sentiments, leurs idées, dans les conditions normales et ordinaires de leur champêtre existence.

La Leçon se rattache

de

tricot,

le

si

bien parlé,

dans l'œuvre du peintre de Barbizon, à une famille

de tableaux inspirés par

lumine

dont M. Castagnary a

rayon voilé

pas seulement

le

poète

le

sentiment de

d'une

la vie

intime

lumière discrète.

du labeur en

plein air

:

il

et

Millet

qu'iln'était

savait dire

le.




JEAN-FRANCOIS MILLET, charme du

dans

travail

nombre de

la

maison.

11

du foyer

ces peintures

:

reste

de

32i

un assez grand

lui

malheureusement,

avait

il

compositions

la

mauvaise habitude de ne point dater

les

biographes de l'avenir éprouveront sans doute quelque em-

barras quand

ses

et

voudront introduire un peu de chronologie

ils

dans l'analyse de son

talent.

Pour nous, nous avons

regret

le

de ne pouvoir assigner une date certaine à un de ses plus

charmants tableaux,

la

Femme

partie de la collection de

M. Georges

Petit

Bien que

au rouet, qui, après avoir

M. Hecht,

appartient aujourd'hui à

'.

première pensée de ce tableau

la

ait été

notamment par

on a vu

la

n'est point

le

croquis qui représente sa sœur

reproduction à

marmotte dont

les

lui.

La

demi-teintes.

pieds posés

blancs grisâtres bleuissent

fileuse

;

un peu dans

sur son

rouet.

modeste chambre de paysan, dans

une grande armoire dont vaisselles rangées en

le

:

d'elle,

M. Piédagnel sur

Millet.

M.

une

corbeille

les colorations neutres,

avec

laisse voir des

bon ordre.

la sérénité

o'",2(j.)

des

Le fond nous montre une

est

le

dans

calme

et

l'attitude

Ce tableau, dont nous donnons une héliogravure,

(H., o"*,37; L.,

reflets et

quenouille à la main,

panneau entr'ouvert

L'impression générale respire familier

la

Auprès

filées.

les

large tablier dont les tona-

assise,

est

emplie de pelotons de laines

I.

dont

Elle est jeune, avec la coiffure en

blanches sont largement modifiées par des

travail

et

page i3 du présent volume, ce

la

ombres. Corsage d'un rouge passé

les

pater-

une femme de Gréville, mais une femme de Barbi-

zon qui a posé devant

lités

fournie à

maison

Millet par les souvenirs de sa jeunesse et de la nelle,

fait

Félicien Rops

l'a

sérieux du

le

de

est

la fileuse

peint sur

gravé à l'eau-forte pour

;

bois.

le livre

de


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

322

dans l'assoupissement du ton

elle est aussi

L'exécution est attentive

Fombre de qu'il

de

et

la

lumière.

caressée. Je ne voudrais pas irriter

et

une algarade semblable à

Millet et m'attirer

celle

à Thoré, qui aimait tant à chercher des points de compa-

fit

raison entre les œuvres modernes et les peintures anciennes je

de dire, puisque cela

suis pourtant forcé

y a dans l'esprit

Femme

la

le

souvenir de l'école

transparence de

la

lumière intérieure,

chaleureuses, mais amicales

touche se dissimule

et

certains tableaux de

groupe. La ajovitera

Femme

le

c'est aussi

;

qui est souple

Terburg

au rouet

et

n'est

et

qu'il

éveille

dans

d'abord

C'est

exécution où

cette

veloutée

comme

la

dans

de quelques maîtres de son

une peinture à laquelle

est

la

silence des colorations

et

son émail, une peinture où

s'enveloppe de charme Il

hollandaise.

vrai,

est

au rouet quelque chose qui

;

la

le

temps

gravité de l'intention

de tendresse.

pas inutile d'ajouter que, pendant cette période de

sa vie. Millet, qui n'eut jamais la prétention de se faire passer

pour un

coloriste, s'occupa

chercha parfois vente qui fut

la

faite

beaucoup du mariage des tons

et

Le catalogue de

la

note intense ou vive. à l'hôtel

Drouot après

nous apprend que son tableau,

les

la

mort de

l'artiste

Tueurs de cochons, a

été

exécuté de 1867 à 1869. Le motif n'est nullement héroïque: est pris,

sans vergogne, aux réalités

aux cruautés de

la vie rurale.

se sont introduits

leurs efforts,

ils

tirent

on

Des paysans,

le dirait

la

de

cahute où

malheureux cochon qui vient

d'être

il

volontiers,

des bourreaux,

cour d'une ferme,

dans la

et,

il

et,

réunissant

poursuivait son rêve

condamné à mort

et

un qui

devine la catastrophe prochaine. Vainement une femme, capable de toutes

les

perfidies,

d'une nourriture persuasive;

montre à l'animal un seau plein la

victime comprend,

elle

résiste,






JEAN-FRANCOIS MILLET.

323

i

elle

pousse des

cris lamentables,

si

bien que, dans

le

fond de

la

cour, deux enfants sont frappés d'épouvante au spectacle de ces préliminaires de mort.

Ce coquette

n'est :

énergique

il

et

pas

un tableau

dans

la

boudoir d'une

vérité parle très haut.

d'ailleurs de la force en raison de la qualité

venirs ne nous

le

bien galant, mais c'est une

n'a rien de

robuste,

à placer

du ton

:

peinture

L'œuvre a si

nos sou-

trompent pas. Millet a trouvé l'occasion d'y

introduire de très beaux rouges. C'est une couleur dont

point abusé dans sa vie. notes tempérées. Mais

il

Il

aimait mieux les nuances éteintes,

En

dessinant des pastels,

renouvelé ce qu'on a appelé sa manière fleurie, pas,

comme

scientifique,

il

et

Delacroix, un coloriste absolu,

a eu bien souvent, dans

reuses trouvailles

et

n'a les

aimait aussi les harmonies claires, les

fraîcheurs, les délicatesses.

fût

il

le

il

avait

bien qu'il ne

un

coloriste

choix des tons, d'heu-

de surprenantes fortunes.


CHAPITRE XXXII OPINION DE MILLET SUR THORÉ.

LE SALON DE

187O.

NOVEMBRE « LA FEMME BATTANT LE BEURRE ». LA GUERRE ET l'iNVASION. — MILLET A CHERBOURG. «

Le

1)

i5 juillet 1869, Sensier avait

commencé dans

internationale des Arts et de la Curiosité la articles

qui, réunis, ont

Théodore Rousseau. contrait

de

A

formé

le

volume

récit, l'écrivain

despotisme de l'Académie, lorsque

restaient closes

devant

les

les

s'était

dévoué de grand matin au service de

Plus tard, lorsque, vers 1860,

il

Dans un

livre sur

l'art

du Salon il

y avait

Rousseau. Thoré la

revint de l'exil,

parler hardiment, préférant Tart libre à traditionnel.

portes

hardiesses des novateurs,

certes quelque courage à prendre le parti de

bonne cause. il

continua à

prétentieusement

Rousseau, Thoré avait droit

léger crayon.

Pour ter

ren-

première heure, Théophile Thoré. Dans un temps où sé-

la

un

Souvenirs sur

une personnalité étrangement vivante, un romantique

vissait le

à

Repue

publication des

intitulé

chaque page de son

la

tracer ce portrait, Sensier ne voulut pas s'en rappor-

seulement à ses propres souvenirs.

qui ne pouvait plus être consulté,

il

A

défaut de Rousseau,

demanda des informations


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

SaS

à son ami, à Millet lui-même, et c'est avec les renseignements

qui lui furent envoyés qu'il rédigea

lume

mais

;

le

ne donna qu'un fragment de

il

nous rétablirons aujourd'hui

de

cher Sensier,

me

ne

il

:

cette lettre

singulière

:

Barbizon, i" Kvrier 1870.

Il

Mon

de Millet

la lettre

texte authentique

le

de son vo-

li

connu Thoré, paraîtra peut-être

qui, à ceux qui ont

«

chapitre

guère possible de résumer en quel-

serait

ques mots nos causeries avec Thoré. Je vais vous en dire bien plus que vous ne m'en demandez,

dans

qu'il

y

prendre, vous prendrez

ait à

le tas. «

Thoré, que

bien plus la

vous trouvez

et si

me parut s'occuper de que comme un homme

n'avais jamais connu,

je

comme un

catalogueur savant

la

touché par

même quand il s'agissait de Rembrandt qui son homme ». Il disait d'un tableau particulièrement

portée de l'œuvre,

était tout

'<

jusqu'à certaine époque,

Memling, découverte Rousseau me

«

Rousseau eut une certaine

Thoré

Rembrandt,

et

disait à part

lui disait

il

«

:

Il

n'y est plus

ses

le

:

maintenant

les savants l'ont gâté. »

de ce que,

irritation

Tiens, celui-ci

:

expliquait

Et Rousseau croyait que

s'appelait

importante du savant X...

«

tableaux,

peint en

maître avait signé

tel

comment après. Que Hemling

très

pourtant

:

année; peint en pâte, ou autrement; comment

telle

peinture

est

en regardant ses

comme tel tableau de comme un tel, etc., etc.

peint

procédé. Cet autre

ici

tableaux auraient bien pu susciter quelque autre

meilleure chose à dire.

Nous eûmes pour

«

la fin

croyait que le sujet était

d'une œuvre; Rousseau qui

était

mais

je

comme

une discussion assez vive sur

pour beaucoup dans et

moi

je

suis trouvé pris

trouvais que

la

que Thoré

plus ou moins d'élévation

étions contre lui. Je laissais parler Rousseau,

bien de force à répondre,

me

le

ce

et

d'autant que

dans l'engrenage.

grandeur

dans

était

je

la

ne connaissais pas Thoré tâché de montrer à

J'ai

pensée

même,

;

Thoré

que tout

et

devenait grand employé pour un grand but. «

ribles,

Un

prophète vient menacer une population de fléaux, de dégâts hor-

et voici

comment Dieu

enverrai les hannetons

phète

fait

une

et

telle description

une plus grande désolation sur paraîtrait plus

grande

si,

qui l'envoie parle par sa bouche

les sauterelles,

ma

grande armée,

etc.

:

Je vous

Et ce pro-

de leurs ravages que jamais on n'a imaginé la terre.

Et

je lui

demandais

au lieu de hannetons,

le

si la

menace

lui

prophète eût parlé des


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

326

chariots de guerre d'un roi quelconque; car ce dégât

complet qu'il s'étend à tout. La terre

champs

car la moisson des

Et

ont crié, parce qu'il n'y a plus d'herbe!

grandement

mais

s'il

si

ânes sauvages

Voilà donc

le

et toutes les bêtes

but de désolation bien

l'imagination en est frappée.

a été

convaincu

pouvait y avoir du vrai là-dedans,

qu'il

a été apaisé.

il

Vous

«

ce

atteint, et

Je ne sais

«

les

grand,

si

mise à nu! Hurlez, laboureurs,

est-elle

est périe!

est

ici

qu'il

vu du

reste

vous a raconté.

J'ai

l'avez

à son retour à Paris

toujours cru qu'il

et

était

vous vous rappelez revenu

un peu

d'ici

piqué.

Voici

«

plantera.

le

dégel. Dès qu'il sera possible de planter vos arbres, on les

»

Après avoir

mander

si

lu cette lettre étrange,

Millet était

un

on

gayer des maniaques innocents la vérité historique

donner à Memling un

nom

on peut

et si utiles d'ailleurs

et

qui ne fut jamais

de s'apercevoir que

comme

exécutée

les

vérifier les dates est

naïveté

brave Thoré

tions, le

la

grand

très

Tous

plus coupable.

la

les

les

le

sien

Leçon d'anatomie ;

velle le

;

il

lui servaient à

n'a jamais dit

art, c'est faire

armée de Spartiates mal religieux pelle

et

le sujet fut

un

la

ces péchés, toutes ces incorrec-

comprendre

contraire, lui qui préférait

pas

n'est

preuve de

commettait chaque jour

que

un

c'est

;

croire que l'art de

mais

;

savants ne l'avaient pas gâté, loin delà; ses études sur

anciennes

— qui

Rembrandt

peintures de

Syndics des drapiers

un

s'é-

qui refusent absolument de

et

crime aussi de regarder comment sont faites

se de-

portraitiste impeccable. L'effigie qu'il

vient de dessiner n'est guère ressemblante. Certes,

cherchent

de

est tenté

les

les écoles

à défendre l'école noutout et

bel ivrogne

il

a

même

écrit

de Van Ostade aune

peints, lui qui a parfois parlé des motifs

ou symboliques avec un sans-façon dont on

se rap-

l'impertinence. Alors donc qu'on entend l'honnête Millet

s'exprimer

comme

il

vient de

le faire

à propos de l'écrivain ro-


JEAN-FRANÇOIS MILLET. mantique, on

de croire à une méprise, aux souvenirs

est tenté

altérés d'une discussion confuse où, tout le fois, les

327

opinions s'embrouillent

monde

parlant à la

On

n'y voit pas

et s'exagèrent.

toujours clair dans l'exaltation du combat.

mois de l'année 1870 à prépa-

Millet consacra les premiers rer son

Salon.

Novembre,

Femme

un motif

et

qu'il

reproduit plusieurs

a

Mon

cher Sensier, ayez

Salon dernier sur

la

notice

n'ai point je

la

fois,

battant le beurre. Barbizoïij

K

«

un grand paysage,

avait résolu d'exposer

11

de

les dates

les voir. Je

mars 1870.

complaisance de recueillir sur

la

des médailles,

qu'il est besoin de

etc.,

livret

le

du

mentionner

accompagnant l'envoi des tableaux au palais de ITndustrie. Je livret, et je

ne sais pas

oti je

vous demande, d'autant que peut-être

moment « Mes

16

tableaux sont dans

l'atelier

trouverais les renseignements que

je

de de Knyff où

ne suis point fâché d'avoir pu

plus vaste que

grande distance

mon ;

atelier.

luais

il

n'arriverai à Paris qu'au dernier

supportent,

Ils

que

faut dire

là le

il

a

voir dans

les

est

beaucoup

lieu

convenablement une

je crois,

jour

voulu absolument

un

bon

détestable

et qu'il est

à l'Exposition. «

Si vous ne le savez point, je

Batteuse de beurre.

Quelques jours après, à voter pour constituer

Sur dix-huit jurés à précédente,

il

vous l'apprends

:

le

le

24 mars,

les peintres étaient

jury de l'Exposition qui

élire.

avait obtenu

Millet arriva le sixième. L'année

un

certain

nombre de

voix, mais

les

œuvres avaient

été refusées,

mière jeunesse, mais et la

membres

1S70. C'était une sorte de consécration tardive

sulfrage des artistes élevait à la dignité de juge celui

ron

appelés

allait s'ouvrir.

pas assez pour être élu. Millet siégea donc parmi

du jury de

Mort.

ma

de Knyff a acheté

»

même

dont

:

le

les

non seulement au temps de

sa pre-

en 1859, lorsqu'il

Bûche-

^^o\s,na\i le


:

JEAN-FRANÇOIS MILLET.

328

La vembre

deux tableaux, No-

critique parla diversement de ses

Femme

et la

battant le beurre.

d'un connaisseur signala, dans mollesse d'exécution.

le

On

que plus

se rappelle

paysage surtout, une certaine

M. René Ménard

écrivait

dans

la Gaiette

Ces mottes de terre du premier plan sont cotonneuses,

«

et cet

instrument de labour, qui devrait du moins présenter quelques accents, est aussi

de grand

air et

mou que le comme c'est

reste

Nous

allâmes

Millet, la

Femme

battant

un tableau d'une grande tournure

beurre. C'est

;

la

femme

de visage, selon l'habitude du peintre, mais

est assez laide est

pourtant quelle saveur

bien l'automne!...

voir ensuite l'autre tableau de iM. le

et

;

elle

bien plantée, bien accentuée dans ses formes générales,

tout l'ensemble présente naître. Derrière

chef-d'œuvre'.

et

une ampleur qu'on ne saurait mécon-

moi, des jeunes gens disaient que

c'était

un

»

Au sentiment d'Alfred Sensier, l'hésitation n'était pas possible. La Femme battant le beurre présentait, comme Novembre^ des qualités de premier ordre. chaleur ordinaire dans Il

un

Il

s'en expliqua avec sa

faut en citer quelques extraits, et plus particulièrement

qui donnent la description des œuvres de Millet

Novembre, qui

«

de

de la Nature.

article sur les Peintres

figure

:

un champ que

le

:

un grand paysage austère comme une Journée et

des inhospi-

laboureur a tout à Theure hersé après

la semaille,

Toussaint, a toutes les âpretés de

la

talités

ceux

monte en sinuosités régulières jusqu'au

la saison des

faîte

tempêtes

d'un endroit où apparaissent de

maigres pommiers à peu près dépouillés de leurs feuilles; un chasseur passe sous

les

arbres

et

va descendre à

jusqu'aux horizons infinis.

masse compacte

I.

et

De

la

plaine qui se découvre claire

gros nuages se heurtent,

innombrable de corbeaux

Galette des Be.utx-Arts, i" juin 1870.

se jette, en

et,

sur

et

profonde

le ciel,

une

tourbillonnant comme


JEAN-FRANÇOIS MILLET. une trombe, sur encore

est

son

engagée dans

vous

office,

grain des sillons...

le

que

dit

la terre et,

Au pied du champ, la herse pesante comme l'agent passif qui a accompli champs

des

le travail

829

terminé

est

et

que l'hiver va

bientôt suivre les pesanteurs de novembre.

Ce paysage

«

ceau de y

Il

fait

terre,

qui engendre

de

comme une

banal

chose sans vie,

les colères

les effrois

et

terrible de la nature.

Il

une grande science

faut

rustique pour intéresser à ce point à ce lopin d'argile labourée

la vie

campagne,

la

le cri

de l'hiver.

parvenir à exprimer, par sa configuration

de

Millet a su dégager de ce mor-

jours néfastes de brumaire, aux jours du mois noir

comme aux

froid

M.

est vaste et solennel, et

majesté

la

et ses

et

alentours, la grande poésie

terreur des ciels, les modelés réguliers des

et la

terrains, la pauvreté des végétations et

la

lumière blafarde des mauvais

jours

La Batteuse de

«

la

en

femme

forte qui travaille

rude,

est

èez»v<? est

comme

la race

une scène toute rustique, où Millet

pour

le

pain

et

l'épargne de

mode gris et roux des belles du mouvement sont fermes, aux pieds, comme l'acte le commande;

dement présentée dans

le

fresque; les accentuations s'étend de l'occiput la fatigue l'a

Tout cision

'.

A

colorations de la

souples; la

le

geste

tête est courbée,

Le peintre volon-

la

sculpter avec pré-

les critiques discutaient ainsi

sur les œuvres

de lui n'a pas dédaigné de

taire et sûr

Le type

est très soli-

depuis longtemps appesantie sur sa besogne de chaque jour.

naturel, jusqu'au vêtement, jusqu'aux sabots.

ici est

la famille.

vouée au labeurdes champs.... Elle

a figuré

la

modeler

et

de

»

l'heure

de Millet sinistres

et

l'artiste

événements

songeait à de

se préparaient.

nouveaux tableaux, de

Les questions

pour bien longtemps, disparaître voilées dans bataille, et l'on

les

d'art allaient,

fumées de

la

put croire, en pleine civilisation, à un brusque

retour de la barbarie.

I.

de

la

sujet.

Revue internationale de

Batteuse de beurre,

Un

quis de

il

l'Art et de la Curiosité, i5

faut rappeler

que Millet a

mai 1870.

— A propos

traité plusieurs fois le

même

des exemplaires (bois, H., o^SSô; L., o'°,36) a paru h la vente du mar-

La Rocheb. en mai

1S73.

Il

a été gravé par

M. Martial pour

l'illustration

du catalogue. L'eau-fortc de AL Edmond Hédouin a été faite d'après un autre tableau. Ici, une porte entr'ouverte laisse voir un intérieur d'étable où une femme est

occupée à

traire sa vache.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

33o

fut

pas de ceux qui s'en-

délégation

du ministère de Tin-

L'ennemi approchait. Sensiér ne fermèrent dans Paris térieur,

avec

Millet quitta Barbizon,

le travail

de la famille,

la vie matérielle

allaient

la

envoyé d'abord à Tours, ensuite à Bordeaux.

fut

il

:

bientôt faire

lui

il

les

oi!i

des taches

paysage pacifique. Le 27 août, nant avec

et

eût été impossible et aussi

uniformes des uhlans

partit

pour Cherbourg, emme-

toute la maisonnée'. Ses premières lettres, adres-

sées les unes à Sensier, les autres à

à Londres, disent bien vrante période où

le

M. Feuardent, qui était alors

désarroi

et

le

trouble de cette na-

France, d'abord accablée, essaya de lutter

la

contre la rage froide d'un ennemi redoutable

avoir sur

les

au milieu du

désagréables

qui paraissait

et

questions de droit des idées très particulières.

Nous donnerons quelques

extraits

de

la

correspondance de

peu

Millet pendant la guerre. Inutile de dire qu'il travailla sérénité de l'esprit lui

des églogues

manquait

comme

du

Mon

cher Sensier,

17. Je suis bien aise

rapport de

la

temps

le

était passé. «

«

à nous tous, et

:

la santé,

je reçois

Cherbourg, 22 septembre 1870.

seulement aujourLi'hui votre

lettre

datée

de vous savoir à Tours plutôt qu'à Paris. Sous

nous allons bien, mais nous sommes

Toute correspondance paraît

arrêtée. Hélas! jusqu'à quel

le

très inquiets...

moment? Et quand

on aura des nouvelles, que seront-elles? Nous avons tous

la

tête et le

cœur

pris dans un étau. «

venir.

On parle beaucoup ici On arme autant qu'on

défendu du côté de le

la

mer, ne

de l'intention que les Prussiens auraient d'y le

peut; mais Cherbourg,

l'est

formidablement

si

point du côté de la terre.

On

doit inonder

Cotcntin... «

Il

dehors

I.

mann

:

m'est de toute impossibilité de faire seulement je serais

immédiatement écharpé ou

un

trait

de crayon

fusillé. J'ai été arrêté et

Millet avait eu soin d'emporter les tableaux qu'il peignait pour et divers

conduit

M. Hart-

paysages de Rousseau qui appartenaient au mC-me amateur.


JEAN-FRANÇOIS MILLET. à

un bureau

militaire

j'ai été

:

sur moi à la mairie; mais

relâché après qu'on a pris des informations

m'a

il

été

simulacre de tenir un crayon...

le

recommandé de ne pas même

bien

A M.

Feuardent.

Mon

«

ici,

Comme

11)70.

on pouvait enlever

l'horrible cause de

nous ne nous trouverions pas bien malheureu.x de notre

comme nous pouvons c<

Cherbourg, + octobre

pauvre ami, nous sommes campés dans

votre maison de la rue Hervieu. Si notre venue

faire

»

«

«

33i

».

lèvent d'affliction nous a tous dispersés

mon

démembrés,

et

pauvre ami! Tenons-nous à quatre pour ne pas nous répandre en lamentations, car

il

vraiment

faut

violence pour ne pas être en cet état-là

faire

se

continuellement. Et dire que ceux qui sont les causes de nos misères ne sont pas atteints rien n'était! «

Oh! pour

tête est

travail, c'est la

ne voie pas quand

vous qu'on

si

je sors,

fait

on

et

de

tristesse...

si

campagne,

Ce qui m'aurait

soit la

de

l'air le

ma

canne seulement,

plus farouche.

Tout

le

ma cer-

moyen que

mer, mais figurez-

moins,

le

tant

ici,

qu'il n'y a pas

vu seulement avec un calepin

était

de

six fois, et cela

comme

la vie

depuis notre séjour

vue des choses

soit la

reste sans calepin visible et avec

de

luxe de

le

immédiatement empoigné, pour

serait

en morceaux

même

eux, toutes les malédictions!

bourrelée d'inquiétude

tainement excité au je

donnent

Je n'ai pour ainsi dire rien

...

pauvre

qu'ils se

et

un

et

j'ai

peut-être mis

et

crayon...

Du

été interrogé plus

monde

est

monté

à

un

haut diapason de terreur, plus encore que de résolution.... «

que

J'en reviens à

je fais

mon

au troisième

Vraiment notre pays le

travail. J'ai en train trois petits tableaux de

oit le

est

beau,

jour et

est

bon, pourvu qu'on bouche une fenêtre.

comme

je

sens tout

voir en d'autres circonstances! mais réellement,

m'oublier un peu choses,

je

me

et

que

me

je

trouve égoïste

et je

m'en

u

Mes pauvres amis, nous vous embrassons

il

j'aurais à

m'arrive de la

vue des

est ici et aussi les Silvestre....

tous à grands bras.

A

vous,

»

On

voit,

par

les

confidences qui précèdent, que Millet

pas un cœur froid

grand désastre. pensée

quand

que

veux....

La famille Barye

n'était

le plaisir

surprends à avoir du plaisir à

«

à vous.

mer

On

lui laissaient

et qu'il sentait

vivement l'angoisse du

voit aussi que, lorsque les agitations de sa

quelque

répit,

il

essayait de reprendre son


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

333

pinceau

et qu'il

peignait des

provisoire, assez

aimé

la

mer

:

il

mal

installé

les fenêtres

au troisième

étage.

en comprit de bonne heure

rieuses, et, tout enfant, les falaises

mannes par

il

s'était plu, lors

les

Il

de ses promenades sur

de Gréville, à étudier l'énigme de l'enchanteresse

gent pour être tout à

lors et

fait sentis

II

pouvait comprendre

la

mer

:

les

vague exi-

l'infini

d'esprit

de plus

qu'il

a su, aussi bien

marinistes de profession, exprimer la

sérénité des

perspectives lointaines,

limpides

jeu

et le

;

divers tableaux exposés

de sa vente posthume ont montré

souvent mieux que

la

une certaine maturité

de cœur. Millet touchait à l'âge où Ton voit

près.

avait toujours

séductions mysté-

mais ces grands spectacles où l'horizon joue avec

et

d'un atelier

du rayon sur

la

profondeur des

l'eau lumineuse.

ciels


CHAPITRE XXXIII UNE LETTRE DE THEOPHILE SILVESTRE. I.

PROMENADES ET TRAVAUX.

aux approches de rennemi, avait

Millet qui, la

pensée d y revenir bien

à Cherbourg.

attendait.

Il

douloureux pour devenues

étaient

route.

il

lui

beaucoup de

a

lettres

se perdaient

en

du ministère de

l'intérieur.

Au commencement

de

reçut des nouvelles de son camarade.

Mon

«

1870 furent

Les correspondances

tous.

Il

nous

plus d'une année

Les derniers mois de

comme pour

dilîiciles;

vite, resta

quitté Barbi-

ignora longtemps que Sensier avait quitté Tours avec

Il

la délégation

1871,

LA PAIX.

VOYAGE A GRÉVILLE. RETOUR A BARBIZON.

l'insurrection de paris EN 187

zon dans

fait

Cherbourg, 9 fanvier 1871.

cher Sensier, vous ne vous imaginez pas

de recevoir une

de vous. Je

lettre

me

le

plaisir

figurais bien

que

cela

que vous

deviez être à Bordeaux...

Quand? comment

«

j'ai

la

haine de ce qui

La malédiction m'en

reste, je

et la

sortirons-nous de notre horrible état?

est

Ah

!

comme

allemand! Je suis en une ébuUition perpétuelle.

ruine sur eux

!

Je

me

sens à bout de forces, mais ce qui

l'emploie à vous souhaiter de ne point être, ni les vôtres, trop

violemment heurtés par

cette

immense

secousse. La mort est-elle en train de


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

334

bonne moisson

faire

de

finir et celle

qui

Les deux bonnes années pour

!

commence

!

(I

Mon

<(

cher Sensier,...

il

vient d'arriver

rellement vous connaissez bien pas et

les

elle

que

celle qui vient

»

Cherbourg, 27 février 1871.

une dépêche que tout natu-

ici

l'annonce de

:

On

la paix.

comme

conditions, ce qui aide encore à imaginer

ne nous en

dit

elles sont gentilles

douces... C'est toujours

«

une

petite

chance que Barbizon

et

nos maisons n'aient

Allemands à

Paris, ni à tout ce

pas été dévastées... Je n'ose pas penser à l'entrée des

«

qu'ils y peuvent faire. Quand ce pauvre Paris reprendra-t-il une allure un peu régulière? car il nous reste à très fort craindre ce que vont faire les partis,

puisque rien ne

la faveur des

pu

Je n'ai

«

santé y a été

les arrête et qu'ils

Oh

misères de tous. travailler

pour

!

cherchent au contraire à arriver à

haute scélératesse

!

beaucoup depuis notre séjour

ma

sa part et aussi le trouble de

tète.

ici.

Ma

mauvaise

Puis l'impossibilité

moindre croquis pour ne pas être déchiré comme Prussien. J'imagine que cela ne va pas durer et que je vais pouvoir un peu dessiner. de

faire

le

Qu'il y a de belles choses à faire

si

envoyé dernièrement deux tableaux

Nous vous embrassons

tous bien

on à

n'avait pas l'esprit

si

à l'envers

Durand-Ruel, un grand

un

et

!

J'ai

petit...

fort. »

Des deux tableaux que Millet venait d'envoyer à Londres, il.

en

est

un qui nous

phile Silvestre.

fait

lettre inédite

Il

en

fut

dans une

de Théo-

représentait la mer. L'écrivain passionné qui et

qui se montrait tout

guéri de ses froideurs premières, avait

bleau. suit

connu par une

venu retrouver Millet à Cherbourg

était

à

Il

est

véritablement transporté.

lettre qu'il

toujours à la recherche

adresse à

M.

du document

11

vu peindre ce

ta-

le décrit ainsi qu'il

Asselin

et

dont Sensier,

significatif, s'était

procuré

une copie. Cherbourg, 25 février 1871. «

Cher monsieur Asselin, vous avez trouvé Millet

femme, assez

ses

neuf enfants

bon tableau

de massacres.

et ses

patriarcal en 1871 et par ce

à table

avec

sa

fait

un

temps de honte, de ruine

et

deux gendres (retour du

siège), ce

qui


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

;^;^5

Je regrette que vous ne soyez pas passé deux jours plus tôt chez notre

«

mer

cher grand maître. Vous auriez été frappé du tableau de Londres... Voulez-vous savoir ce

d'envoyer à

que

c'est,

qu'il vient

ou du moins

connaître l'impression qu'il m'a faite? Voici

«

dans

un souvenir intense

c'est

:

environs du Caslcl

les

;

c'est

la

expansif de

et

mer,

de Gruchy

la falaise

haute mer, vue de haut

la

et

grandement vue par-dessus des roches surplombantes, son intumescence tranquille

lumière

son étendue

et

ciel

à perte de vue sature

de

de vapeur...

et

Les aspirations de

«

sous un

infinie

petit

morceau de

plus

prestigieuse,

émouvante. Ces

la

nature

qui

toile peinte,

ramenée à

et

de

la religion

de

est

de

trois solitudes

complexité

la

la simplicité la terre,

vivent ensemble dans ce

du

plus subtile,

la

plus élémentaire

la

la

plus

la

et

de l'eau sont rendues

ciel et

plus sensibles par quelques êtres vivants à peine perceptibles, voiles lointaines perdues dans les vaporisations nébuleuses, mouettes criant et tour-

noyant dans

le vent,

moutons

aux anfractuosités de

raissent

errants dont la croupe et la tête seules appa-

pacage épineux

ce

désert

et

:

voilà les points

de rappel de la vie dans l'immensité nue de ce paysage d'Ossian, où l'âme a besoin d'être seule, excédée qu'elle

aujourd'hui surtout, par

est.

plus

les

cruelles et les plus stériles agitations.

Ce

«

sition. Il

tableau, senti, exprimé

Quoique

le

est tout espace, tout

nalité

si

puissante,

l'étude, ne relevant

nature

et liée

Homère,

comme un psaume,

n'est

pas une

consommé,

c'est

«

travail de l'art y soit

si

compo-

une effusion

».

lumière, tout âme, ce cantique peint, d'une origi-

calme, originalité achevée

non pas

et

altérée

par

que d'elle-même, quoique profondément soumise à

par parenté spirituelle à tout ce qui

est

beau, à

la

la Bible, à

à Dante, à Michel-Ange, à Ostade, à Ruysdaël et à Claude.

Ce

tableau de Millet devrait s'appeler Terre, ciel et mer. C'est le triple portrait

ému

de ces trois éléments. Millet

est arrivé à

arrivé à tirer le grand d'un rien. c'est-à-dire

Du

un homme, un

haut de «

cette

poète

et

Il

un

est

me

que

vrai

peintre. Plus

roche de Gruchy, quel vol

Je n'ai plus de papier pour

l'apogée de sa carrière,

il

11

me

serait impossible,

lui-même,

simplifie, plus

il

touche.

dire tout à vous.

Il

...

ce rien, c'est

est

prend! Qui dat pcnnas?

«

«

il

il

mon

TH. SILVESTRE.

Cherbourg,

i<j

»

mars 1871.

cher Sensier, de vous dire l'époque

de notre retour à Barbizon. Je ne serais pas étonné que nous restions

ici


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

336

une

absolue qu'il y a pour moi

L'impossibilité

partie de Fêté.

que

d'après nature quoi

vue de tant de choses

ce soit et la

de faire

que

belles

Je

ne

serais pas sûr de retrouver plus tard et qu'il est bien précieux de noter, tout

cela va

me

D'un autre

forcer à rester encore.

s'occuper de choses d'art... tâcher que le

Comme

je suis

ne va pas de

côté, Paris

tout porté

me

mauvais temps qui m'y a poussé

si

tôt

veux au moins

ici, je

fasse faire

comme

bien

souvent aux enfants qui profitent d'une chute pour ramasser quelque chose par terre.

«

(I

Mon

«

En

Barbizon. vais

même

sommes

cher Sensier, nous

je

avril 1871.

tous bien contents de vous savoir à

quel terrible gâchis nous

pas en causer, car

Cherbourg, p

sommes

trouve que

!

allons-nous

?

Je ne

Bicêtre féroce remplaçant

c'est

l'intelligence... «

mon

Prenez,

cher Sensier, autant de plaisir que vous

toujours là

choses de la nature, car

c'est

d'écarter (mais je ne le

peux pas

auxquelles

ne peux rien, pour

je

heureusement

me demande

beaucoup. J'en ai en train

tout naturellement faisant de

impressionnant

et a

je vais

mon

part,

esprit toutes ces horreurs

jeter

dans

le

mener

Durand-Ruel

travail.

n'ai

je

pu

d'autrefois.

On

est

en envoyer

lui

à fin aussi vite

mieux. Ce pays-ci

beaucoup d'aspects

ma

mon

des tableaux, mais

que

Je tâche, pour

le solide.

de

assez)

me

pourrez aux

le

que possible,

réellement bien

se croirait

(quand on

veut éviter certaines modernités) du temps du vieux Breughel. Beaucoup des villages font penser à ceux qu'on voit représentés sur les vieilles tapisseries.

Quand

il

!

pensait ainsi

Millet était loin allait,

aux

tapisseries

rusticités

fut

de Paris

de Tancienne école

de songer qu'un groupe

Un numéro

nullement et

il

de Cherbourg

fier

de la France

ne

du souvenir que

lui

au Gaulois une

lettre

mais que nous devons reproduire.

et

flamande,

d'artistes parisiens

lui apprit

nom

sur

son aventure.

envoyaient

les agités

notamment à

la Vigie

dont on connaît

le texte,

adressa à divers journaux, et

vaches

du vieux Breughel

dans leurs conciliabules bizarres, arborer son

leur affiche.

ne

les

»

aux paysages des

11

Quel dommage que

Les belles verdures veloutées!

sachent pas peindre


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

Clierbourg, 25 avril 1871.

<i

Monsieur

«

de ce mois

23

rcuacteur,

le

me tombant

d'une commission

le

numcro du journal

sous

d'artistes dite

yeux,

les

33/

la

France du dimanche

nomme membre

m'y trouve

je

Fédération des artistes de Paris.

:

Je refuse l'honneur qu'on m'a voulu faire.

«

Veuillez, monsieur le rédacteur, insérer ce simple

«

journal

agréer d'avance tous

et

mes remerciements

et

mot dans votre

mes

salutations très

distinguées.

MILLET.

« J.-F.

Clicrbourg, 2 mai 1H71.

(I

Mon

«

vu que donc

la

J'ai

?

cher Sensicr,... Est-ce

répondu

On

«

«

se

ces gens-là

!

Courbet

est

pourra appeler notre époque l'époque de

de s'écrier avec

jamais!...

tout de

qui

»

le

prophète

:

«

O

Mon

par ces temps d'horreur.

Ce sont

Vandales étaient des conservateurs.

chez

les autres

dans

les

monuments

publics

cher Sensier,...

où nous n'étions pas

mois de novembre, bien

!

Que

te

reposeras-tu se fait

Cherbourg, 27 mai 1871.

dirait-il

triste

et je

Nous sommes

?

<>

deux journées à Gré-

deux jours tout seul au

n'y étais pas retourné. C'est pour

lettre adressée à

Feuardent

et

la

le

dû savoir que

:

d'enthousiasme

ma fameuse nommation

a

maison où

sont morts.

M. Fcuardcat

lignes suivantes

« M""-'

Clierbourg, 20 juin 1871.

allés passer

émotion de revoir en étranger

Dans une

ne ravageaient-ils que

tenait tant à faire des peintures

allés tous. J'y avais passé

monde, où mes parents ont vécu

I.

tuerie.

du printemps qui

Au moins

Ce pauvre Delacroix qui

!

«

et

grande

'.

serait

des monstruosités sans précédent. Auprès de ceux-ci,

les

Mon

la

Ce

cher Sensier,... Est-ce assez horrible ce que ces misérables ont

de Paris!

«

Avez-vous prennent-ils

»

fait

ville

me

président, bien entendu

Je n'ai pas le courage de vous parler

même

Paris!

qui

épée du Seigneur, ne

(I

«

fait à

nommé? Pour

Je n'accepte point l'honneur qu'on m'a voulu faire.

:

Quels misérables que tous

le cas

triste ce

Fédération des artistes m'avait

1)

a dû être insérée dans plusieurs journaux.

10 je

des artistes de »

moi une grande je

suis

En approchant

venu au de cette

mai 1871, on retrouve n'ai pas la

les

accepté avec trop

Commune. Ma

réponse


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

338

me sens le cœur si gros que je n'y peux pas tenir. Oh tout ce que cela me fait venir à l'esprit J'ai aussi parcouru les champs où je travaillais autrefois. Où sont ceux qui y travaillaient avec moi ? Où sont pauvre maison,

je

!

!

les

pauvres yeux qui regardaient avec moi l'immense .étendue de

Ces champs sont à des étrangers qui ont maintenant

«

demander pourquoi mélancolie rien autre

et

j'entre

de tristesse,

pour

de m'en faire

là et

mon

me

Cette lettre,

de

me

Je suis tout gonflé de

sortir.

pauvre Sensier. Aussi

l'instant, tout ceci

mer?

la

le droit

ne vous parlerai de

je

tient et m'étreint. »

du cœur

la sincérité

parle avec

un accent

qui ressemble à de Téloquence, est une inspiration naturelle,

d'une

le cri instinctif

âme hantée par

souvenir. Hélas

le

de grands poètes, beaucoup ont pu, en revoyant

être

prairies

les

ont aimé,

ils

refaire

redire

et

sans

!

bois et

les

Tristesse

la

d'Olympio. Dans sa promenade aux champs paternels, Millet sans

le

vouloir, retrouvé

Ma

vers mélancolique

le

maison me regarde

et

ne

me

Mon

«

cher Sensier,...

longtemps prends séjour pluie

:

les

pour dans

maintenant par

trouvé dans c'était

la

à Grévil'e

mon

Dans

les

désire depuis

mon

grande chaleur

avait soufflé

je désirerais

et

ce bord-là avec

le

la

du nord,

donner à

mon

vent qui m'a cela

se

tableau

du

flot et

Tempèchent de

se soulever.

Le vent

serait ;

mais

me rappeler ce que j'ai tant de voudrais, mon cher Sensier, qu'il vous pour

endroit natal avec côtés et

est resté

une persistance incroyable. J'espère pourtant bien

consentira enfin à se mettre au nord, ne fut-ce qu'un instant,

je

notre

par

toujours des vents du sud-ouest qui, soufflant de terre, viennent juste-

à rencontre

suffira

et

par l'éblouissement du

encore

Si

si

endroit. Je

commencements de

travail sur place par le vent

difficilement.

commencements

physionomie que

l'auberge) depuis

je

partie des rivages de

ce]a.

la

que mes yeux supportent

contrarié dans les

ment

utiles

été très arrêté

je le suis

;

soleil

Grôville, 12 août 1871.

voudrais enfin réaliser ce que

une vue de quelque

faire

documents

ici, j'ai

Nous sommes

:

connaît plus.

Il

déjà quelque temps. Je

a,

moi

!

fois et si

et

que

de

qu'il

cela

longtemps vu. Oh! que

fût possible

de voir un peu

mon

J'imagine que ce pays vous plairait par bien des

que vous comprendriez combien

je

m'y sens de plus en plus

attaché.


JEAN-FRANCOIS MILLET. J'ai sans

doute pour cela des raisons que tout

comme moi que

sa

:

le

souvenir de mes parents

physionomie seule

serait

pour recevoir des impressions. endroit

!

suffisante !

de

monde

ma

ne peut pas avoir

jeunesse; mais je crois

pour attacher un

comme

encore un coup,

homme fait de mon

je suis

»

Certes, lettres.

Oh

et

le

339

aimait son pays, celui qui écrivait de pareilles

il

Toute

sa vie,

il

avait dit

le

charme de son paysage nor-

LE HAMEAU DE GRUCIIY VU DU COTE DE LA MER. (Dessin de

mand;

il

collection

y pensait à Barbizon,

porte avec les

la

lui

le

trésor de ses

de M. Alfred Lebrun.)

comme un homme qui emavait, même dans souvenirs, et,

il

environs de Vichy, trouvé des coins verts qui

laient le village natal.

à un ami cjue

Son bonheur

les falaises

eût été de faire

de Grévillc étaient

le

lui

rappe-

comprendre

plus beau lieu du


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

340

monde.

Le

Cette joie lui fut donnée.

arrivait à

Dès

3 octobre 1871, Sensier

Cherbourg. le

lendemain,

série d'excursions

vons abréger

dont Sensier avait ébauché

ses notes.

series sans fin,

deux camarades commencent une

les

Dans

et

a

l'artiste

fantômes

les

ressuscites par les spectacles de la

Sensier virent Beaumont, Jaubourg

de Vauville, dont

de-

promenades coupées de cau-

interrompues par des entr'actes où

du passé revenaient toujours nature, Millet

ces

Nous

le récit.

fait

un dessin à

et le

prieuré

plume. Le 6 oc-

la

tobre, les voyageurs rentraient à Cherbourg. Mais, quatre jours

après,

ils

Gréville, le

recommençaient une nouvelle excursion. ils

voyaient

hameau de Gruchy où

maison paternelle et

l'église et le

Millet

jardin

et le

cimetière fit

que des étrangers possèdent aujourd'hui.

Millet était obligé de faire

un

un peu plus

loin,

son camarade

la

En

douloureux

efibrt

revoyant ces et

charmants,

héroïque pour ne pas écla-

en sanglots.

Ls peintre

12 octobre,

un dessin

Cousin dent.

Ils

on

s'arrêta

caractérisé,

Le lendemain,

maîtres.

et,

visiter à

allaient à

avait joué dans son enfance

il

lieux, consacrés par des souvenirs

ter

et,

Ils

»,

un paysage qui deux amis

les

le village

après une nouvelle

se quittèrent. Sensier avait Il

«

hameau

M. Feuar-

d'ÉcuUeville, la vallée de la Sabine

croyait s'être

là, le

peintre et son futur historien

conservé de ce voyage

promené dans (I

Mon

visitèrent le

promenade au prieuré de Vauville, on

rentra à Cherbourg. Mais

«

rappelle les anciens

motif d'un tableau que Millet a peint pour

virent aussi

souvenir.

au Lieu-Bailly, qui a inspiré au

le

plus vif

tableaux de Millet.

les

Cherbourg, 26 octobre 1871.

cher Sensier,... Avec quelle activité

la

point beaucoup connu ce pauvre Grangedor, mais

Mort il

me

travaille!

.le

n'ai

semblait très sym-


JEAN-FRANCOIS MILLET. pathique. Je vous en

m'en

à Toccasion,

ai

comme

toujours oui parler

même

a dit la

chose

Mon

cher Sensier, nous comptons partir

Si le train n'a pas trop de retard,

(

les

P.islel

A

I.

bientôt donc,

s'occupa

n

il

I

-

BA

s

Barye,

novembre 1871.

mardi soir

à 5 heures 20.

à Paris mercredi

I

L L

matin vers

1

à

nous devrons arriver cher Sensier.

à

Rarbizon dans

ClLi-mont (Oise), en

iSiS,

moit

commencé

à

Paris

par

la

ma-

le

24 oc-

peinture,

l'application de la photographie à l'enseignement

devint professeur dans

la

»

eu plusieurs manières. Après avoir

ardemment de

Plus tard,

et

mon

Joly-Grangedor, ne

tobre 1R71,

ei

de l'ancienne collection d'Alfred Sensier.)

quatre ou cinq heures

tinée...

L EU

Chcibourg,

d'ici

nous serons

LA FERME DU

d'un bon cœur

»

'.

Il

<i

34'

du

une école professionnelle de jeunes

il

dessin. filles,


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

342

Le tait

7

novembre

1871, Millet rentrait à Barbizon.

plusieurs tableaux terminés ou mis en train.

sédons pas peintures

la

liste

Nous

Cherbourg

indépendamment de plusieurs marines ou de vues hauteurs de

côte

la

normande,

ques scènes rustiques. Dans

il

les

s'était

complu

dont nous reproduisons

prises des

notes qu'il a laissées, Sensier

le

croquis'.

traire

Porteuse

Beaucoup

d'autres

:

tableaux n'étaient que des préparations ou des études. Millet

termina à Barbizon ou

comme

s'en servit,

il

ses

c'est la

vaches, porte sur l'épaule un vase de cuivre lait

:

à retracer quel-

mentionne une figure de femme qui, revenant de

de

n'en pos-

nous savons cependant à peu près quelles

:

avait faites pendant son long séjour à

il

rappor-

Il

les

point de départ,

pour l'exécution de peintures nouvelles. Barbizon, i"" diicembre 1871.

11

Mon

«

cher Sensier,... J'ai fouillé toute

pu retrouver

petit portrait

le

bouleversé qu'il

me

de M">= Sensier.

grande armoire sans avoir

Tout

a été

sera impossible de rien retrouver

pièce à pièce. Je vais «

ma

employer mes

si

complètement

que par un épluchage

soirées à ce débrouillement

du chaos.

Je serais bien aise d'avoir aussi vite que possible la bordure pour

mes

Falaises.

mes tableaux

«

Je n'ai pas osé déballer

«

Je suis en train de préparer

ma

roulés.

maison de Nacqtieville.

Vieille

Barbizon, 12 décembre 1871.

(I

Mon

c(

M'"« Sensier.

cher Il

très difficile à «

Si

Sensier,

J'ai

enfin

»

retrouvé

le

petit

dessin

d'après

était placé au milieu d'un cahier de papier, ce qui le rendait

découvrir.

vous voyez Detrimont,

conférencier et écrivain.

On

dites-lui

que

je travaille

à son petit Berger.

se rappelle les articles qu'il a publiés

dans

la

Revue

inlernationale que dirigeait Sensier et dans la Galette des Beiiux-Arts. I.

par M. et

a

Une Porteuse de lait, très différente de Edmond Hédouin. Le tableau original

été

vendu avec

sa collection au

ce dessin, a été gravée à l'eau-forte

appartenait h

mois de mai 1878.

M. Laurent Richard


JEAN-FRANCOIS MILLET. Seulement

les jours

qui donne

comme

sont

si

résultat

courts et

si

tristes!

On

343

n'y voit presque pas, ce

peu de besogne...

PORTEUSE DE LAIT. (Croquis de la collection de

«

Je

M.

Alfred Lebrun.)

viens de recevoir une lettre de

demande d'envoyer quelque chose pour une

Beugniet dans laquelle vente qui doit se faire

il

me

au com-


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

344

mencement de

janvier prochain au profit d'Anastasi devenu aveugle. Avez-

vous ouï parler de «

Un

des tableaux que

n'est ni l'église

préparé

J'ai

pour Brame

je fais

de Gréville, ni

petite vallée près de «

vente?

cette

mal avancé. Ce

déjà pas

est

Lieu-Bailly;

le

c'est

une chose

prise dans

une

Cherbourg. la

maison de Nacqueville qui aura,

Vieille

crois,

je

quelque physionomie.

«

les

dire

!

me

S'il se

Vous

acquis par

que

le

le

Musée

Femme

lui

pour me

écrit

ses enfants, a été

Femme

qui fait

manger

ses

enfants,

a été parlé au chapitre xxi de ce livre.

il

qu'il a été

Une

a été donné.

le

catalogue d'Edouard

acquis par

tableau est en lieu sûr la vie

le

Musée de

et

:

Lille,

dans

pareille divergence

pas pour nous arrêter longtemps

scène de

m'a

Lille

manger

qui fait

?

tableau, la

non

du Musée de

directeur

que nous l'avons rappelé, assure,

bordure dont vous avez

sens aucune envie d'envoyer à l'Exposition de Nantes, mais

ai-je dit

dont

celui

la

trouve qu'on y envoie pour moi, j'en serai fâché.

qu'un de mes tableaux, ime

Ce

mes Falaises

travailler à

mesures à Durand-Ruel.

Je ne

aucune <i

pour

J'attends

«

donné

Ainsi

Reynart

mais

les textes

ce qui importe, c'est

qu'on peut

le

est

qu'il

n'est

que

le

voir à son aise. Cette

de famille appartient à une

série

de dessins que Millet a consacrés à célébrer

de peintures

les

et

enfants, leur

gaucherie charmante, leurs belles gourmandises, Tallure empê-

chée de leurs premiers pas,

et

leur

sommeil qui ressemble

à

celui des fleurs.

Millet avait eu neuf enfants, l'heure approchait être Il

grand-père

;

les petits

modèles ne

l'heure delets,

où ils

ils

viennent au

commencent

monde

allait

les

marmots, depuis

jusqu'au jour où, déjà gran-

à apprendre à

tion à la fois paternelle et

il

ont jamais manqué.

lui

a toujours aimé à peindre ou à dessiner

lire.

C'est à cette inspira-

campagnarde que

Millet a obéi

quand


s


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

346 il

de

a

fait

plusieurs des dessins qu'on admirait dans la collection

M. Gavet,

la Veillée,

la Petite Fille

V Enfant malade,

gardant des

oies et les

scènes familières étaient bien naïves parlé des enfants, de la maison,

le

Jardin de paysan,

Premiers pas. Toutes ces et

bien émues

:

Millet a

du foyer avec des tendresses

inconnues aux célibataires parisiens.


.

CHAPITRE XXXIV —

LANNEE 1872. «

MALADIE.

«

LEGLISE DE GREVILLE

LE VACHER RAPPELANT SES VACHES

Nous touchons aux

dernières années. Millet est installé à

Barbizon, qu'il ne quittera plus. Sa situation leure;

les

commandes ne

tableaux de

l'artiste

».

))

est

devenue meil-

se font plus attendre, et lorsque les

paraissent dans les ventes,

prix de plus en plus élevés

enfin la critique,

;

ils

atteignent des

désarmée sinon

convaincue, a mis une sourdine à ses plaintes. Millet semble arrivé au but. Malheureusement, sa santé s'altère de jour en

jour; Tàpre volonté cesse d'être la souveraine toujours obéic

bien des

fois, le travail

va devenir

difficile.

«

«

Mon

cher Sensier,...

que vous n'ayez que

comme

la

Nous sommes

Barbizon, 8 ianvier 1873.

bien grandement attristés de voir

maladie pour vous remettre de vos

le croient certains chrétiens,

Dieu

et,

afflige surtout

afflictions. Si

ceux qu'il aime

et

leur prépare par là une place plus haute, vous devrez avoir dans le paradis

un

siège bien élevé en gloire... « J'ai

vu M. Durand-Ruel

faire autant

de toutes

de tableaux que

tailles...

il

y a peu de temps.

je le

pourrais,

et,

Il

comme

m'a demandé de vous

me

lui

l'aviez dit,


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

348

Un

<(

monsieur

sont venus,

il

y

leur en faire un.

de

une dame américains, M.

et

Ils

comme

ont choisi

Shaw, de Boston,

M""=

et

me demander un

quelque temps, pour

a

le

Prieuré

Vaui'ille.

Detrimont

«

femme

et sa

sont venus chercher

Berger que vous

le petit

Detrimont m^a demandé un nouveau tableau...

savez.

Un

«

monsieur, employé chez Durand-Ruel,

nom, mais que vous connaissez tableaux.

n'ont

Ils

Ainsi

Bruyas,

les

aucun

mal...

commandes

bien, est

et

dont

venu hier

A M.

Alfred Bruyas.

demande que vous me J^ii

seulement

arrivaient de toutes parts

l'artiste

que vous désirez, depuis «

M.

:

mon

retour

à cause des

de ses

Malade

et

Barbizon, 25 avril 1872.

— Monsieur, croyez-moi

faites

lui.

Alfred

dut réclamer un délai.

par votre

lettre

du 8

très

honoré

et flatté

de

avril.

grand regret de ne pouvoir

le

le

déroulé mes

»

11

«

ne sais pas

a

qu'il connaissait déjà et qui possédait plusieurs

surchargé de besogne,

<c

je

et

œuvres, demanda à Millet de travailler pour

la

tableau. Je dois

dans mes dessins,

sujet,

faire

immédiatement

demandes nombreuses qui

ce

m''ont été faites

ici.

Vous pouvez bien compter cependant que je n'oublierai point l'objet demande et que je m'en occuperai très activement aussitôt que

de cette

j'aurai la possibilité de le faire. «

Vous pouvez bien

sion qui «

ment, taillés «

me

fera faire

Ce que vous me et c'est

croire aussi

que

je serai très

heureux de toute occa-

personnellement votre connaissance.

œuvres de Barye ne m'est point un étonne-

dites des

bien ainsi que

je

pense de

lui. C'est

un des

artistes les

mieux

pour l'accomplissement des grandes choses. Je suis très heureux de vous voir faire quelque cas des petites choses

que vous avez de moi. «

Recevez,

considération

1.

'.

je

vous en

prie,

monsieur, l'assurance de

ma

très

grande

»

Cette lettre a été reproduite en fac-similé à

la

fia

sement inachevé, que Théophile Silvestre devait publier sur

du

livre,

la galerie

malheureuBruyas.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

Barbùon,

«

.

de

Mon

«

cher Scnsier,... Tillot m'a remis votre

vente Carlin, dont

la

remis aussi

pour

suis content

ma plume. A samedi ou

Mon

«

guère

mon

lit

et je suis si agité

Oh que

dimanche...

!

je

contenant

me

les prix

concerne'.

J'ai

plus geint que

que

je

ne peux

m'a

Il

faire aller

ne suis pas remis

!

Barbizon, û août 1872.

cher Sensier,... Je n'ai point terminé

peu de besogne.

fait

lettre

ce qui

Il

J'ai fait

mai 1872.

i"'

volume de Constable.

le

Je vous écris dans

"

je

349

je n'ai

mon

Eglise de Gréville.

puisque

travaillé,

qu'une ébauche de tableau. Vous en connaissez

le

je n'ai

sujet

Un

:

vacher rappelant ses vaches au son de sa corne. Fin de jour-. J'ai aussi travaillé à

«

Barye

«

est ici.

Je ne

ma Femme

cousant à

ne sort pas encore, quoique allant mieux.

En

1872

tableaux à

promis à M. Hartmann

et

la fois.

tra-

Il

Sans parler des paysages

toujours attendus,

et

de

la

Jeune

berçant son enfant dans ses bras (figure de grandeur na-

turelle),

M. Shaw Il

peignait

il

et

s'agit

le

Prieuré de Vaupille pour l'Américain

bien d'autres tableaux encore. Malheureusement,

de

la

vente

C,

que pur un tableau,

senté

il

»

commencées à Cherbourg.

qu'il avait

vaillait à plusieurs

1.

le voir, car

en 1873, Millet s'occupa d'achever quelques-

et

unes des peintures

Mère

la lampe...

point vu encore. Je vais aller

l'ai

le

qui eut lieu

le

29 avril 1S72. Millet n'y

Clair de lune (H., o™,46

;

L.,

o"',64).

était repré-

Théophile

Gautier en parlait avec enthousiasme dans l'introduction du catalogue. aussi, disait-il,

un

Millet magnifique,

le

«

y a

Il

plus beau Millet qui soit assurément,

pur chef-d'œuvre, un Clair de lune sur un pare à moutons.

un

L'impression est

grande, solennelle, et jamais on n'a revêtu de plus de majesté une simple scène

de

la vie rustique. 2.

de

la

«

Le Vacher rappelant

vente de

tion, rappelant

presse dans

un

l'atelier

ses vaches est décrit ainsi qu'il suit dans le catalogue

de Millet

:

«

au son d'une trompe pli

du

42. le

Le vacher

est

debout sur une éléva-

troupeau qui arrive de toutes parts

terrain. EiTet de soleil couchant. (H., 0^,92; L., o°',66.)

et se »


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

35o

une

nerveux

sorte de malaise

et le

fréquent retour de doulou-

reuses migraines diminuaient étrangement les heures que Millet

pouvait consacrer au travail. Parmi

tableaux qui l'occu-

les

paient alors, plusieurs restèrent inachevés

ce sont ceux qu'on

:

a vus lors de sa vente posthume. D'autres furent terminés,

mais Millet

les

conservait encore, dans la pensée de les re-

prendre plus tard

de

fois,

croyait,

il

de

et

les

comme

tableau n'est jamais

fini.

retoucher, car, ainsi qu'il

l'a dit

tant

son ami Théodore Rousseau, qu'un

Au nombre

de sa mort, garnissaient son

moment

des œuvres qui, au

atelier, figurait V Eglise

de Gréville.

C'est la peinture qui fut achetée par l'État et qui se retrouve

aujourd'hui au Luxembourg.

Nous donnons

dessin qui a

ici le

servi de type à Millet'. L'église, bâtie sur la falaise,

mer qu'on tion, des

voit bleuir à Thorizon.

Autour de

la vieille

bandes d'oiseaux voltigent dans un

domine

la

construc-

printanier et

ciel

vaporeux. u

«

Mon

votre très lit

cher Sensier,

bonne

j'étais

lettre

m'a

il

du

été

Baroizon, 25 novembre 1872.

impossible jusqu'à présent de répondre à

17 de ce mois. Louise

couché depuis deux jours déjà

me

et j'y ai

Ta lue au bord de passé presque tout

mon mon

temps depuis... «

Vous avez évidemment

à toucher bien

en parlant de

des choses

Michel ^ «

A

propos de

l'article

de

***, j'avais

montrer un signe quelconque d'existence connais nullement

1.

les

usages de

Indépendamment de

acheter à la vente

un tableau qui

la

demandé à et il

Tillot

si j'étais

tenu à

m'a répondu que non. Je ne m'en rapporte donc absolu-

presse; je

l'Eglise de Gréville (H., o^jSg; L., C'jyS), l'Etat

de Millet une autre peinture du maître,

se rattache à son

ancienne manière.

On

les

voit aussi

quatre dessins de Millet, Bergère tricotant. Bergère assise,

les

fit

Baigneuses. C'est

au Luxembourg Couseuses

et

une

Église près de Cusset. 2.

Sensier travaillait alors

Georges Michel.

au

volume

qu'il

a

publié en

1S73,

Etude sur


S


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

353

ment à

ce

que vous croyez bon

Vous savez toujours

qu'il soit fait.

pense à propos de ces choses-là

:

me

ne point

ce

que

jeter à la tête des gens,

je

pas

plus que de jouer à Tindifférence.

Vous me

«

beaucoup, sur lequel

mon

de votre

dites vers la fin

lettre

des choses qui

cher Sensier. Elles viennent remuer

je suis établi

et

me

le

sur cette pente-là...

Mon

«

cher Sensier,...

gauche. Mais

beaucoup.

je suis

Mon

le

je

ne

sais

jusqu'où

J'ai

sang

Barbizon, 31 décembre 1^72.

eu effectivement très mal aux yeux... Je vais

me

rougisse encore de temps en temps l'œil

accablé de malaises. Je travaille peu, ce qui m'afflige

Prieuré

Les mesures pour

(t

fond de mélancolie

»

Il

bien mieux, quoique

touchent

remettre à Fesprit les années écoulées. Je ne

m'étends point là-dessus davantage aujourd'hui, car j'irais

me

est resté tel la

croix

que vous

le

connaissez...

du tombeau de Rousseau seront exactement

prises. «

Voici l'année 1872 qui est allée où vont toutes les années!

vous embrassons tous, vous

et

peut souhaiter à ce qu'on aime

Marguerite, le plus. »

et

— Nous

vous souhaitons tout ce qu'on


CHAPITRE XXXV LETTRE

A M.

CAMILLE LEMONNIER (1873).

RECHERCHE DU TYPE. LE VIGNERON AU REPOS ». VENTE DE M. L A U R E N T - R LES DERNIÈRES « BERGERES ». LA

«

En un

1873,

critique

Lemonnier nous tous,

C

H A RD.

y avait à Bruxelles

il

vaillant,

M. Camille

heureusement pour

qui, est

I

encore de ce monde.

M. Lemonnier a toujours combattu pour Tart

^

dans de

la

collection de M"^' sonsicr.)

petit livre

la vie

l'accent

moderne. Le critique belge

chure

intitulée

lâyo.

Il

Camille Lemonnier

:

Suloii dc Paris ;

eut ridée d'envoyer son

et

pour exprimer en quelques phrases

la

il

fut très touché.

profita

Millet

de l'occasion

pensée qui, au point de

vue de son propre

idéal, lui paraissait

nante dans toutes

créations de

les

a toujours aimé

œuvres de peinture

au peintre de Barbizon qui en

remercia M.

il

avalt parlé de Millet dans une bro-

TÊTE DE FEMME. (Croquis de

les

libre,

devoir rester domi-

l'art.

23


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

354

Barbizon, 15 fcvrier 187},

Il

Monsieur,

«

vous

je

me

je

trouve très

de

flatté

que vous m\idressez,

la lettre

mes remerciements pour m'avoir

fais

et

connaître vos œuvres de

fait

critique d'art.

La récompense

«

plus enviable pour ceux qui se donnent

la

de faire de leur mieux,

c'est d'exciter la

Ceci revient à dire que

je suis très

d'exprimer certaines vérités de choses que

Ce

posséder.

ment

;

mais

trouve

que

n'est point

j'ai

heureux de vous avoir

l'art.

je

solide.

que

vite à l'écart

intelligents.

une occasion

mon

sujet des

la certitude

de votre juge-

pour que je

je

puisse vous dire (sans

vous loue

très fort

le seul

loin de le prendre par là, semblent croire

peut être seulement une sorte de montre d'habiletés profession-

Vous comprenez

comment

qu'il faut de nécessité à l'artiste

Comment un

pas

C'est

?

chien de chasse courrait-il après

donc en raison de

y a à s'occuper de

«

une

visée qui doit

sa visée et de la

êtes bien

dans

qu'il

un

cela,

ne soupçonne

gibier qu'il ne sent

manière dont

il

l'a

atteinte

l'artiste.

Je vous assure, monsieur, que,

merais bien fortement

Vous

pour arriver à un endroit

ferait-il des efforts

pas?

qu'il

pour

côté vrai,

dans un sens ou dans un autre, d'une signification étendue. Sans

être,

peine

croire assuré de les

choses par leur côté fondamental. C'est

Beaucoup de gens, bien

l'art

nelles.

les

la

moi-même.

défiance de

rencontrer dans mes propres jambes) que

considérer

me

n'ose

mette en doute

je

été

Seulement, vous dites à

souhaitables, que

si

Mais mettons-moi bien

«

me

je

hommes

sympathie des

le

type qui

s'il

est, à

n'en tenait qu'à

mon

ma

en m'attribuant l'intention de

le vrai

volonté, j'expri-

sens, la plus puissante vérité.

m'aperçois que je m'engage dans des chemins d'un bien

le faire.

difficile

Mais

ne veux point y aller plus avant. Si vous venez quelquefois à Paris

et je

que de

je

parcours, et

vous puissiez joindre Barbizon, nous pourrons un peu causer de

tout cela. Si jamais pareille idée vous venait, je vous serais bien obligé

de m'en prévenir, car bien que vaise chance pourrait Il

en «

qui

est arrivé ainsi

me

plusieurs

Vous m'excuserez

s'y

ne sorte point ordinairement, une

je

forcer à n'être pas là le jour

si

je

mau-

que vous voudriez.

fois.

découpe au haut de votre

trouve, mais je ne suis point sûr de la bien

lettre

lire, et je

votre adresse

risquerais de la

transmettre tout de travers. «

Recevez,

je

vous en

mes plus sympathiques

prie,

monsieur, mes remerciements réitérés

salutations. « J.-F.

MILLET.

»

et


JEAN-FRANCOIS MILLET. On

recherche du type, laccentuation de

le voit, la

sionomie, c'étaient

là,

à ce

préoccupations de Millet. et,

dans

cette recherche,

qu'aux maîtres primitifs en poursuivant tère,

avait,

il

le

lui

reproché

il

et

dire,

lui était

il

principales

y avait pensé toujours,

même

arrivé la

aux peintres sincères du

aventure

xvi''

siècle

;

la lai-

et

a certes assez

que, systé-

aux

matiquement

hostile

idéalisations

banales,

ne

A vrai

les

phy-

son

sur

deur. Je veux dire le

moment du moins,

la

carac-

chemin, rencontré

on

355

craignait

donner place

il

point

de

dans

ses

compositions rustiques à des figures d'un aspect rude, d'une individualité

quelque peu grossière ou

du moins mal d'une

dégrossie,

qui

expression

semble avouer que

humain

n'est

pas

PETITE MENDIANTE DE BARBIZÛN.

l'être

(Dessin de

la collection

de

M"°

Sensier.)

tou-

jours prodigieusement au-dessus de l'animal. C'est la tendance, peut-être trop peu dissimulée, qui exerça tant de fois la verve

de Théophile Gautier

même veau.

signalée par

Dans

terre a

et

de Paul de Saint-Victor,

et

qui fut

Thoré à propos des Paysans rapportant un

VHommc

à la houe,

la tète

quelque chose d'inquiétant

:

du

elle

terrible ouvrier

n'est

de

pas non plus

la

très

embellie, la Petite Alendiante de Barbi^on, dont nous donnons

le


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3b6

croquis le

enfin,

;

il

d'une beauté tout à

n'est point

Vigneron au repos, qu'on a vu à dont on retrouvera

M. Gavet

et

M. Burty

a bien compris

écrit

Quoi de plus

«

:

le

terrible

fait

avenante,

vente des dessins de

la

une reproduction

ici

fidèle.

sens de cette figure lorsqu'il a

que

Vigneron au repos,

le

assis,

suant, les bras pendants entre les jambes écartées, les mains

ayant pris des nodosités de ceps de vigne, la

bouche ouverte,

demande un

dur

si

front presque incapable d'assembler des

le

celles qui se rapportent à cette

que

idées autres

pieds poudreux,

les

effort'. » Millet était

vigne qui

convaincu que

lui

l'ex-

pression sauve tout. (I

«

Monsieur Hartmann,... Vous pouvez compter que vous remporterez

votre tableau, intitulé

le

Printemps

mai). J'aurai aussi avancé les les

Meules

:

je

Mon

tils est

vous

le

promets absolument (pour

et travaillé à tous.

tableaux de Rousseau. Je n'ai point «

Barbiron, i8 février 1873.

ce

fait

que

j'y

comptais

emploiera de son mieux. de

aise) le désir

«

il

jeter

de

Il

la

poudre aux yeux des gens

:

j'en suis

bien

fait ce qu'il

peut,

(et

il

peut.

un tableau pour Durand-Ruel

au commencement de

la

;

je

tâché de faire

vue de dos

«

A

le

et

un peu

reculé dans le tableau.

quelques dindons.

terrain et sur

vous,

mon

J'ai aussi

un plan plus

Mon

J'ai

tait

figures,

et

le

la fin.

que

j'ai

une femme le

village

bas...

cher monsieur Hartmann.

cher Sensier,...

Comme

tâché de faire deviner

u

«

compte

semaine prochaine, au plus tard à

C'est un terrain avec un seul arbre presque dépouillé de feuilles

derrière

Il

bien croire qu'il s'y

n'a point eu jusqu'à présent

Je travaille à terminer

lui livrer

faire...

bien content d'avoir à faire deux tableaux pour vous.

va s'occuper à chercher ses compositions. Vous pouvez

comme

Laissez-moi encore

»

Barbizon, i" avril 1873.

un dessin pour

la

vente Giraud,

un

Berger. «

I.

M.

***

m'a remis dimanche dernier

Burty, Maîtres

et

le

de la vente Laurentcatalogue 5'-

Petits Maîtres. 1S77, p. 304.


fiuf^es

I.

A

BERGERE AVEC SES MOUTONS.

(Dessin rehaussé de

la

collection de

M. Georges

Petit.)

A'

ff-iTflJt'r


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

358 Richard...

m'a

Il

dit

que

un

c'était

très

beau catalogue. J'avais besoin d'une

assurance pour en être convaincu.

telle

Comme

«

chose

est

la salle

que deux tableaux à

je n'ai

possible, que

cette vente, je souhaiterais, si la

deux tableaux ne soient point placés au bout de

ces

pourquoi

d'exposition. Je ne sais

le

jour m'a toujours paru là moins

bon que sur les longs côtés. C'est là que votre beau tableau de Rousseau, les

Sables du Jean de Paris, se trouvait placé à sa vente,

place a

un peu empêché son

Je m'en

«

fie

La vente qui

à la lampe. Je suis inquiet,

je

suis inquiet

se préparait et qui mettait Millet

du maître

:

M. Laurent-Richard la

Femme

Lessiveuse atteignit

(celle

était

vendait

se

vendue

qui a été gravée par

M.

si

nullement

38, 5oo francs; la

Du

venu pour

reste, le

2 5, 000

francs,

et

mo-

Quelques

Millet.

du marquis de La Rocheb.,

jours après, à la vente d'oies

fut

prix de i5,35o francs.

le

!

possédait alors deux tableaux

Lampe

à la

ment des grandes enchères

Troupeau

cette

dans une

belle inquiétude eut lieu le 7 avril 1873. Elle ne fut

désastreuse.

que

que vous pourrez obtenir de mieux. Demandez aussi

à ce

ma Femme

qu'on vernisse

et je crois

bel aspect de se produire.

le 5

mai,

le

Baratteuse

la

Martial), 14,000. Si Millet avait

eu de Tamour-propre, ces prix retentissants l'auraient consolé

de ses infortunes anciennes. Barbizon, 18 mai 1873.

Mon

«

cher Sensier,...

il

faut

inquiétantes, puisque la vente

logue «

et

autres qui ont été

Silvestre

m'a envoyé

Je vous en dirai

mon

est

les

choses politiques sont

remise, malgré les frais du cata-

faits.

les

avis

deux premiers

quand

articles

j'en aurai lu

de son Salon au Pays.

plus long, car

je

suppose

m'enverra tout.

qu'il «

Mon

Printemps, pour M. Hartmann,

bientôt l'en avertir et lui

M. Durand. bien

supposer que

Faure

me

demander

s'il

est à

consent à

peu près terminé. Je vais le laisser

voir

Si les choses politiques étaient trop troublantes,

le dire, car je

m'abstiendrais de montrer

mon

vous voudriez

tableau en de telles

circonstances. «

N'aurez-vous point senti l'odeur des galettes de

un peu chez

la fête

? »


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

«

Mon

«

fert.

cher Sensier,... depuis que

La toux nVa

mence

à aller

Cette

ment un

assassiné. Voici

mieux.

«

.Te

»

bien réel.

mois qui suivirent,

Au

j'ai

l'artiste

beaucoup soufje

et

durant

et

d'un accident que ses

toute énergie.

plusieurs tableaux.

les

ou moins malade.

beaucoup. Une toux malencontreuse

des semaines, toute vigueur

»

malheureuse-

d'une hémorrhagie terrible

fut pris

com-

vous assure.

était

avait été plus

il

commença

je

printemps de \8j3

n'e.xpliquent pas,

il

vu,

ai

dont parle Millet

juin, à la suite

moins,

ne vous

seulement quelques jours que

Par une nuit de

l'aïfaiblit

Barbizon, 2a septembre 187J.

suis en bien grande démolition,

démolition

fait

je

BSg

lui ôtait, Il

On

lettres

qui

et

pendant

travailla néan-

a vu, lors de

vente de son atelier, quelques-unes des peintures

de

la

cette

époque, esquisses ou compositions qui, au grand regret de ses amis, sont restées à moitié chemin. train

deux tableaux

projets, qu'il

différents,

Il

avait

notamment mis en

deux Bergères. Dans

n'acheva pas, on voyait à l'horizon

la

l'un de ces

tour du

mou-

je crois, fut

poussée

plus loin, la bergère rentrait avec son troupeau. Déjà

le soleil

lin

de Chailly; dans l'autre peinture qui,

était

couché

:

une jeune

fille

dont un chien, placé sur un

marchait suivie de ses moutons

tertre, surveillait le défilé hàtif.

Le

paysage s'enveloppait de vapeur. Millet a toujours bien compris les

mélancolies du soir

premières

étoiles.

et

l'heure silencieuse

où s'allument

les


CHAPITRE XXXVl LES TABLEAUX DE M. HARTMANN (1874). LA CHAPELLE SAINTE-GENEVIEVE AU PANTHÉON.

MORT DE

DERNIÈRE PROMENADE.

La correspondance de

J.-F.

MILLET (iSjS)

Millet, déjà ralentie en iSyS, s'ar-

brusquement au printemps de Tannée suivante.

rête

dent que récriture,

une

fatigue.

camarade faisait

si

facile jadis

au vaillant

Il

artiste, est

est

évi-

devenue

Assurément, l'amitié que Millet avait vouée à son

restait

aussi

des progrès

:

vivace qu'autrefois; mais

la

maladie

pour 1874, nous n'avons retrouvé qu'une

lettre. Barbizon, 18 mars 1874.

«

Comme

il

J'en suis arrivé à

y a longtemps que

un

état

de santé

faudrait faire d'un jour à

un

pensé à vous tout de même. Si

je

si

ne vous

écrit,

corps

mon

cher Sensier!

remets ce qu'il

me

vous prie de bien croire que

j'ai

languissant que

autre... Je

mon

ai

est

je

devenu plus

faible,

mon cœur

n'est pas refroidi... «

M. Hartmann m'a

visite vers la fin

miné a

et je suis

Tout

On se était

le

écrit,

il

y

a

quelque temps, pour m'annoncer

de ce mois»ci. Son tableau des Meules

est à

peu près

sa

ter-

occupé à donner une bonne poussée à celui des Batteurs...

monde

d'ici

vous embrasse.

»

rappelle que, pendant les années

le talent

de Millet

dans toute sa force, l'administration des Beaux-Arts n'avait


JEAN-FRANÇOIS MILLET. montré pour

36i

aucune ferveur exceptionnelle. Les applaudis-

lui

sements qui éclatèrent en i86S, lorsque

l'artiste fut si

tardive-

ment décoré, auraient peut-être pu faire soupçonner aux ministres et

à leurs collaborateurs que Millet représentait quelque chose

dans

moderne.

l'art

s'acharnèrent à ne pas comprendre,

Ils

ne voulurent pas savoir bizon,

un

qu'il

ils

y avait, très loin de Paris, à Bar-

une main savante qu'on aurait pu em-

esprit grave,

La République essaya de

ployer à une grande œuvre.

réparer

ce long oubli. L'administration des Beaux-Arts, dirigée alors par à qui l'honneur de l'art français fut toujours pré-

un écrivain cieux,

M. de Chennevières,

corer de peintures

avoir

l'air,

réparti.

une

M.

On

église.

que

paraît

il

sait

conçu

du Panthéon ou de

Panthéon

le

comment

pensée de faire dé-

la

murailles

froides

les

Sainte-Geneviève, car

avait

immense

cet

Chennevières, que ce choix

de

jours, n'eut garde d'oublier Millet.

Le

12

sans en

est,

travail fut

honorera

mai 1874,

le

tou-

ministre

somme

de

5o,ooo francs pour l'exécution des peintures décoratives de

la

signa

un

arrêté qui allouait

au poète rustique une

chapelle Sainte-Geneviève.

Hélas! cette

gramme,

commande

arrivait bien tard. D'après le pro-

Millet devait peindre

le

Miracle des ardents,

cession de la châsse de sainte Geneviève,, en tout

quatre grands

et

quatre

petits. 11

chargé d'un

si

Il

à

était

beau

la fois

travail...

huit

Pro-

sujets,

commença immédiatement

chercher dans des croquis au fusain compositions.

la

le

plan

et

épouvanté

La mort ne

à

l'économie de ses

heureux

et

d'être

permit pas de

lui

l'exécuter.

Millet, visite

de

— on

l'a

vu par

M. Hartmann

qu'il faisait

pour

lui.

la lettre

à qui

il

précédente,

— attendait

la

voulait montrer les tableaux

Trois mois s'écoulèrent

et

l'amateur ne


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

362

venait pas. Enfin,

le

juillet

9

Une

arrivèrent à Barbizon.

1874,

M. Hartmann

note trouvée dans

et

Sensier

papiers de

les

Sensier nous apprend qu'à cette date Millet était occupé à ter-

miner

Prieuré de Vaupille destiné à l'Américain M. Shaw.

le

Quant aux tableaux commandés par M. Hartmann et qui devaient célébrer les Saisons

par

représentation de

la

empruntées au calendrier de fini.

Millet travaillait

et

aux Batteurs de

quatrième motif.

était

sarrasin.

En parcourant

son attention se porta ailleurs.

Fatelier,

Nous vîmes

«

le

Printemps

la vie agricole, le

aux Meules

Sensier ne mentionne pas

quatre scènes

là,

écrit-il,

un autre

sujet,

déjà

presque

achevé, qui promettait de devenir une magnifique page. C'était

un souvenir du pays de

Millet,

une vue de

la

mer, encadrée

entre les montants de porte d'une barrière ouverte sur des terrains descendant vers le rivage. l'enclos et

dont on ne

d'exprimer couleur

le

était

vo3'ait

mouvement

que

Quelques vaches paissant dans la tète

des pentes

avaient permis à Millet

et la

d'une puissance extraordinaire.

virent sans doute

même

un des derniers tableaux de

Millet,

une lande.

On

rocailleux,

un âne qui

se rappelle le motif. brait.

Sur

la

du

sol.

La

»

le

Les deux visiteurs auraient pu voir

ciel

structure

jour

et ils

VAne dans

pente d'un terrain

Au-dessus du paysage, un grand

printanier où, poussés par la brise, s'enroulent en spirales

des nuages lumineux.

On

a admiré, à la vente de

l'artiste,

ce

tableau étrange et éclatant. Sensier resta une semaine avec son ami; on se promenait

lentement autour du village, on causait. Millet «

Un

jour cependant,

le

lendemain de

Millet se trouva plus dispos. étaient

réunis.

On

Tous

la

était

grave.

Notre-Dame

d'août,

ses entants et petits-enfants

décida que, tous ensemble, nous ferions


JEAN-FRANÇOIS MILLET. une longue promenade dans

La

jeunesse

Millet, sa

On

la forêt.

femme

et

nombreuse

moi nous

et

étions dans

dans

les

lignée.

encouragé ((

eut

Il

Les amis,

Vous et

la vie; :

était

limpide. Millet, lui sa

ou

s'abstiennent

beaucoup meurent ou

dis-

vous m'avez toujours soutenu,

»

La promenade dura longtemps. Nous revîmes ensemble

Bellecroix, la vallée de la Solle, les vieilles futaies, les

veilles

petite calèche, et

lassent

disait-il, se

êtes resté

compris.

;

pour moi des paroles pleines de bonté

dures occasions de

« paraissent. «

une

causeur, semblait heureux de voir autour de

et d'affection. « «

partit plein d'entrain.

en avant dans une grande voiture découverte

était

nous formions Farrière-garde. La journée expansif

363

de

le

mont Chauvet,

Calvaire,

le

rochers de Saint-Germain, toutes

les

mer-

aux inépuisables enchantements. Et Millet

cette forêt

revenait toujours sur les souvenirs des années écoulées, sur les

splendeurs de cette nature vivante dont

à rompre avec

les

vieilles

le

charme

l'avait

décidé

mythologies. Je n'oublierai jamais

cette journée. « il

Je revis plusieurs fois Millet à Barbizon et à Paris; mais

ne devait plus retrouver cet éclair de gaieté

souffrait sans cesse;

approchait.

il

comprenait que

fut

triste.

déjà bien affaibli, mais

Prieuré de Vainnlle,

il

Au mois

Il

jour du grand repos

et qu'il

améliorait ses projets.

de novembre, Millet

travaillait. C'est alors qu'il

l'envoya en Amérique.

souvent à ses décorations pour Il

la

esquissa la

un

termina Il

le

songeait

Leçon de couture qu'on

célébré à l'égal d'une poésie,

entr'ouverte, laisse apercevoir

était

chapelle de Sainte-Geneviève;

a vue à sa vente, paisible intérieur rustique où, le travail est

de lumière.

»

L'automne

il

le

et

et

comme

qui, par

toujours,

une

fenêtre

jardin plein de verdure.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

364

Au mois

amenant

quente, là

de décembre,

devint de plus en plus fré-

la fièvre

délire et de longues prostrations.

le

11

y eutçàet

des journées de calme pendant lesquelles Millet eut conscience

de son

état.

se sentait

Il

perdu.

femme

à sa

Il fit

les

recomman-

dations suprêmes, parlant beaucoup de ses enfants, suppliant sa

une mélancolie déchirante

famille de rester unie, et disant avec

mourait trop

qu'il

tôt, qu'il

mençait à voir clair dans

disparaissait

nature

la

et

>

Parfois,

malades, Il

il

retrouvait

voulut se faire

aimé

qu'il avait

dans

jadis.

com-

comme tous

les

une guérison possible.

un roman de Walter

lire

il

l'art.

sérénité, et,

feignait de croire à

critique

l'esprit

l'âge,

ou

croyait

il

un peu de

au moment où

Scott, Redgauntlet,

Mais l'impression morale change avec se développe

retrouva pas dans cette lecture

et Millet

ne

avait éprouvé

au

s'affine,

et

le plaisir qu'il

temps de sa jeunesse. Vers

la

de décembre,

fin

il

s'alita;

il

ne devait pas se

relever.

Sensier a consigné dans une note l'indication d'un détail

Aux

navrant.

premiers jours de janvier 1875,

et

alors

que

les

médecins ne cachaient plus leur inquiétude, Millet s'était endormi entre

deux accès de

fièvre.

Il

fut

subitement réveillé par un bruit

tragique où des coups de fusil se mêlaient aux aboiements d'une

meute.

Un

folle, avait

cerf,

traqué par

franchi les clôtures

d'un voisin. La

malheureuse

Millet, qui n'avait jamais

drame.

«

les

C'est

aimé

un pronostic,

chasseurs et s'était

bête les

dit-il

fut

et

pris d'une terreur

réfugié dans le jardin

cruellement égorgée.

chasseurs, resta frappé de ce :

ce pauvre animal, qui vient

mourir auprès de moi, annonce sans doute que, moi vais mourir. Il

aussi, je

»

disait vrai

:

il

ne devait plus vivre que pendant quelques


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Le grand peintre François

jours.

Millet

que

les

provoqua partout

Millet

On

regret profond.

rendit

sentiment d'un

le

un volume en réunissant

ferait

dernier

le

du matin.

soupir, le 20 janvier 1875, à six heures

La mort de

365

les articles

journaux consacrèrent au maître disparu. Les amis, ceux

qui depuis longtemps avaient compris, exprimèrent éloquem-

ment

sincérité de

la

s'émurent,

et ils

leur deuil

comme une

temps des

inditïérents,

eux-mêmes,

devinèrent que l'école française venait de faire

une perte irréparable. parisiens

les

:

vieilles

se produisit

Il

alors

explosion de sympathie

récriminations

était passé,

dans et

les

de

ateliers

justice.

et les

Le

ironiques

devinrent tout d'un coup sérieux. Le 6 avril 1875, s'ouvrit, au profit

la famille

de Millet, l'exposition de 46 dessins choisis

la collection

de

M. Gavet; au mois de

mise en vente,

et

dans

dans fut

de

Drouot

les

peintures,

l'intervalle

pour

pastels, les aquarelles, les croquis

ment de

On

la

vit là

mort de

l'artiste,

on avait adjugé à

plupart à

la

juin, cette collection

l'état

l'hôtel

d'esquisses, les

au crayon noir qui, au mo-

emplissaient l'atelier de Barbizon.

jusqu'où pouvait aller

la

pensée du maître

et

quelles

étaient la variété de sa manière, l'intensité de sa conviction, la

force de sa

main

et sa grâce.

Millet fut dignement loué.

Ceux qui gardent

bonnes pages de critique n'ont oublié

M.

Philippe Burty, dans

travail publié

la

ni les

deux

articles

de

République française, ni l'excellent

tant

d'amis,

et

où, grâce à

Stevens, ses œuvres avaient été admises dans

fameuses à l'heure où

les

M. Arthur

les collections

amateurs français conservaient un

reste de froideur, la Belgique ne le

souvenir des

dans ÏArt par M. Charles Yriarte. La Belgique,

où Millet comptait

éloges que

le

manqua

peintre de Barbizon

avait

pas de s'associer aux si

bien mérités.

Et


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

366

l'Amérique elle-même nous envoya un témoignage de son estime

M. Edward Wheelwright

de son regret. L'article inséré par

et

dans

la

revue the Atlantic Monthly de septembre 1876,

une

est

des études les plus instructives et les plus personnelles qui aient été publiées sur Millet.

Une plète.

pareille

énumération doit nécessairement

même

que Fromentin a

dans

la restriction qu'elles laissent paraître,

écrites à

propos de Millet

cœur bon, une nature vraiment sur

et

les

:

«

une âme assez haute, un

ginal de notre temps,

incom-

toutefois oublier les quelques phrases,

Nous ne saurions

sympathiques

rester

campagnards, sur

Un

peintre ori-

esprit triste,

rurale, a dit sur la

les duretés,

les

un

campagne

mélancolies

et

la

noblesse de leurs travaux, des choses que jamais

un Hollandais

a dites dans

un langage un

ne se serait avisé de trouver.

peu barbare et

et

les

Il

dans des formules où

de netteté que n'en avait

la

de compte,

Sa forme, sa langue, laquelle les

ou non,

a-t-il,

je

œuvres de

qualités qu'il faudrait

l'esprit

pour

on

le

compare à Terburg

et

infini

comme comprendre. En

de beaux tableaux?

ne sont ni ne vivent,

a-t-elle

consacrer un beau peintre

le

Cuyp

un gré

enveloppe extérieure sans

cette

bien assurer qu'il vivra longtemps? C'est côté de Paul Potter et de

a su

se faire

fait et laissé

veux dire

lui

peinture française,

la

d'un Burns moins habile à

la sensibilité

fin

On

main.

de ses tendances; on y a vu, dans

pensée a plus de vigueur

la

;

c'est

les

et le

un penseur profond à

un rêveur attachant quand

à Metsu

;

il

a

je

ne sais quoi d'in-

contestablement noble, lorsqu'on songe aux trivialités de Steen,

d'Ostade ou de Brouwer; rougir tous

I.

:

comme

comme homme,

peintre, les vaut-il

Les Maîtres d'autre/ois

;

2'

'

?

il

»

édition, 1876, p. 2o5.

a de quoi

les faire


JEAN-FRANÇOIS MILLET. Notre ami Fromentin, qui poussait l'inquiétude, vient de poser

répondra.

Nous

appartenant à

un

même

la

écrivain qui se

pensée.

Temps du

le

faire

les

d'un maître

y a dans toute œuvre années.

2

mars 1875 quelques

comprendre pourquoi

lire.

une

d'art

Millet

servira de

sera la dernière,

conclusion au volume qu'on vient de

les

y

les

parfois jusqu'à exprimer notre

compromet

trouvera dans

s'évapore avec

pour

génération qu'eux avait été entrevue par

fut cher. Cette citation, qui

« II

la dilîiculté

déiinitif le talent

titre

où Tauteur a essayé de

lignes

nous

On

indiscrète. L'avenir

que

devons dire toutefois

contemporains de juger à

clairvoyance jusqu'à

la

une question

36/

Un nouveau

sorte de

parfum qui

soufïle passe sur l'esprit;

générations qui surviennent, en quête d'un autre idéal,

restent parfois indécises et troublées

devant

tel

tableau ou

tel

dessin qui, à l'heure où l'artiste les acheva, ont éveillé dans

l'àme des contemporains tout un

Quelque chose de il

n'est

monde de

sentiments

et d'idées.

pareil arrivera peut-être à l'œuvre de Millet

:

pas impossible qu'on s'étonne un jour de l'extrême cha-

leur avec

laquelle sa cause a été défendue, lorsque tant de

résistances retardèrent son avènement.

véritablement dans

l'art

moderne

la

Ce rustique

occupait-il

grande place que notre

estime lui a faite? Pourquoi pas? Qu'on se rappelle à

quel

maigre régime nous étions condamnés, combien peu de spectacles consolants

rique qui

s'est

nous étaient

offerts

!

Pendant

la

période histo-

achevée en 1870, on a pu assister au travail

pénible de quelques artistes qui, sous prétexte de style, vraient dans

un monde

suprême. La vie

n'était

nements du début,

il

artificiel

pas

là.

et

à

l'ennui

Aussi, lorsque, après les tâton-

a été permis

simplicité saine et la franchise,

aboutissaient

manœu-

de saluer dans Millet

la

une certaine grandeur rayonnant


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

368

sur des types qui n'avaient rien de chimérique,

un ressouvenir

presque inconscient des méthodes chères aux vieux maîtres,

nous avons applaudi à son de

cette poésie

l'avenir le l'école

forme,

dira.

effort,

recommencée. Il

Si

nous sommes

au-devant

nous nous sommes mépris,

nous semble que Millet a apporté dans

un élément nouveau, une manière la

allés

généralise

et

l'agrandit.

reprocher d'avoir svipprimé

le

On

qui, en abrégeant la

serait

malavisé à

détail et éliminé l'accident

lui :

il

trouvé. Millet avait son idéal, et alors

cherchait l'essentiel,

il

même

pas toujours réussi à l'atteindre, son hon-

neur

qu'il n'aurait

est

l'a

d'avoir lutté avec une indomptable énergie pour rester

fidèle à la vérité

en échappant aux petitesses de

la prose,

»


CATALOGUE DE

L'OEUVRE GRAVÉ DE

existe

II

deux

essais

graphiées par Millet.

dans fait

de catalogue des œuvres gravées ou litho-

Le premier, qui est dû à

Galette des Beaux-Arts du

la

partie des

MILLET

J.-F.

i"'

M. Burty,

septembre i8bi

documents que M. Piedagnel

a

a été publié

second

le

;

ajoutés à son livre,

J.-F. Millet ; souvenirs de Ba?'bi{on (iSyôJ.

Les renseignements contenus dans ces deux catalogues ne nous ont pas été inutiles; toutefois nous avons dû les compléter rectifier

au besoin à

l'aide

et

les

des indications qui nous avaient jadis été

fournies par Alfred Sensicr et des informations nouvelles transmises

par et

la famille

et les

amis de

l'artiste.

Certaines eaux-fortes de Millet

quelques-unes de ses gravures sur bois sont tellement rares

pas été possible à nos prédécesseurs de

Toutes

les

les

connaître

et

de

qu'il n'a

les décrire.

pièces que nous enregistrons nous appartiennent.

I

E.\UX-FORTES I. file

— UN

PETIT NAVIRE. —

Le vent gonfle les voiles et le navire légèrement agitée. Nuages et oiseaux.

La mer est Deux épreuves connues. Tune

vers la gauche.

tirée

en bleu

et l'autre

en noir par Tar24


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3/0

avec des couleurs de sa palette.

liste

— Trait

à gauche

et

en bas

;

les autres

côtés sont restés sans le trait.

Etat unique. Haut., Gn millim.; larg., 52 millim.

— FEMME ÉTENDANT DU

2.

d'un corsage sans manches

La

par derrière.

et

LINGE.

d'un tablier dont

tournée à gauche

tète

et

— Elle

les

est

cordons relèvent

coiffée

A

un panier; dans

droite,

l'herbe,

un

battoir.

jupe

la

d'un bonnet blanc;

visage dans Tombre. Les bras nus jusqu'au coude, elle étale haie.

debout, vêtue

Au

le

linge sur

le

une

fond, maison couverte

de chaume. Cette pièce a été tirée, par Millet, avec de l'encre d'imprimerie.

Le

trait

manque

la

couleur plutôt qu'avec de

à droite. Haut., 92 millim.; larg., 94 millim.

3.

PETIT BECHEUR AU REPOS.

la droite, les

par un sillon; au fond, à

Dans

haut de

le

Petite figure tournée vers

planche, quelques lignes, de droite à gauche, indiquent

la

Imprimé par

le ciel.

manche de la bêche. Le terrain est relevé gauche, une femme s'éloigne suivie d'une vache.

bras appuyés sur le

Premier

le maître.

Eau-forte pure.

état.

Epreuve unique avec un croquis au

verso.

Deuxième

état.

Voir ci-après

le

n" 7. Haut., 40 millim.; larg., 70 millim.

4.

L'HOMME APPUYÉ SUR SA BÊCHE.

vers la gauche, la tête inclinée dans

manche de

sent sur le

devant traits; le

le

bêche

;

la

jambe droite

bêcheur, une large tranchée. Le

dans

haut de

Un

la

le

la

fond, lisière de bois

planche pour dessiner

l'attitude de la réflexion.

et toits

est

Debout, tourné Les bras repo-

passée sur la gauche

terrain est

;

indiqué à grands

de maisons. Quelques

traits

dans

le ciel.

seul état, eau-forte pure. Haut., 85 millim.; larg., GS millim.

5.

LES DEUX VACHES.

Paysanne entre deux vaches, qu'elle

Le groupe est tourné vers la gauche. A droite, un pommier du premier plan. Terrain accidenté dans le fond, avec bouquet de peupliers, près d'une échancrure du sol vers la gauche. Le ciel

fait

paître.

derrière la vache

en lignes allongées

Premier

état.

Deuxième

et parallèles.

Sans signature.

état.

Avec

la

signature J.-F. Millet.


CATALOGUE DE L'ŒUVRE GRAVÉ. Troisième

Quatrième Les

trois

A

Avec signature.

état.

qui ramasse des

Ces

fruits.

— MOUTON

PAISSANT.

Terrain

rasant Therbe.

Ch. Jacquc, dans

iji

La

à

i53 millim.

tournée vers

tête

de droite

incliné

inilliin.; larg.,

la

Sous

gauche.

gauche

et

signature

la

haut à gauche, un berger appuyé sur un bâton entre

le

deux moutons. Dans

le

bas à gauche, sous de larges

Jackson invenit etfecit. La planche a 184g.

la plancfie.

ont été imprimés par Millet.

états

Haut.,

6.

pommier, uue femme

droite, sous le

trois états sont très rares.

Des passages de roulette à travers

état.

premiers

871

été

traits,

on peut

lire

:

passée à la roulette.

Pointe sèche.

Premier

état.

Deu.xième

Celui qui

a été bitïée.

La signature de Charles Jacque pour assurer

la

vente de

Très rare.

est décrit ci-dessus.

La planche

état.

mise que par plaisanterie

n'a été

gravure qui fut

la

faite le soir,

sur

le

et

non

coin d'une

l'imprimeur Auguste Deldtre.

table, chez

La planche

biffée appartient à

M. Mouilleron. Haut., 4G millim.; larg., ii8 millim.

7.

timents 1°

CROQUIS.

La

planche

a

partagée

été

en

trois

compar-

:

La Femme étendant du linge un paysan

{n° 2

haut, se trouve, à gauche,

du présent cuisse

assis, la

catalogue).

Dans

gauche relevée

le

et les

bras croisés sur le genou; des traits de roulette en tous sens. 2»

Le Petit Bêcheur (N"

3"

Un

paysan

Roulette

pour

et traits

3).

s'appuyant sur

assis,

biffer la

bras gauche

le

et

regardant au loin.

planche.

Tiré à dix épreuves, sur vieux vergé. Rare. Haut.,

8.

M. Juéry,

contre un tertre. Elle

tombant sur

A

CROQUIS DIVERS.

l'adresse de

la

est coitîée

Devant

femme nue debout. Sur

bonhomme

Au

se dirige

derrière d'une planche, qui porte

une Tricoteuse, appuyée

d'un mouchoir; mante avec capuchon, jupe elle,

indication d'un grand arbre.

planche, une épaule avec l'avant-bras. Petit arbre au

milieu de griffonnements.

Dia\ delineavit.

le

millim.; larg., i52 millim.

27, rue de la Huchette, Paris,

les sabots.

gauche de

Sur

(ji

Deux

la droite,

dessous,

indications de narines et

une

tète.

A côté,

l'envers

un tronc d'arbre avec une branche; un

sous l'arbre. Griffonnages dans

Tiré à dix épreuves.

un croquis de

une signature à le

bas de

la

:

petit

planche.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

372

à

La Tricoteuse a été tirée à M. Hector Giacomelli et Fautre

part à deux à

épreuves

Fune appartient

:

M. H. Heymann. Haut., 191 niillim.; larg,, iigmillim.

9.

RAMASSEURS DE VARECH.

un homme, vu de

dos.

Il est

au bord de

la

mer,

Au

de

inilieu

planche,

la

pied droit appuyé sur

le

rocher, et tire avec force le varech à l'aide d'une gaffe. Sur sa gauche, à

plan plus éloigné, une petite figure

d'homme penché

légèrement indiquée. Planche préparée gauche, roulette passant sur

nage

le petit

en

un un

du rivage. L'eau non terminée. A

près

croquis

et

A

ramasseur de varech.

droite, griffon-

de pointe et roulette grise et noire.

Tiré à dix épreuves. Haut., 99 miUini.; larg., I23 millim.

10.

face par

LA COUSEUSE.

une fenêtre

Elle est assise sur

une

chaise, éclairée de

en losanges. Sur une planche, du linge

vitrée

et

une

pelote à épingles.

La

tète

enveloppée d'une marmotte

coudre un vêtement qui

est placé sur le

voir les sabots. Derrière panier.

Un

Au mur,

la

à gauche,

et

penchée, elle

genou gauche. Jupon

est

occupée à

relevé, laissant

couseuse, un buffet, sur lequel on distingue

deux

un

fers à repasser.

seul état. Eau-forte pure (i855).

La première épreuve

comme

a été tirée par le maître

essai.

Haut., loi millim.; larg., 74 millim.

11.

LA FEMME QUI

B.A.T

loppée d'une marmotte, bat

le

lait

manches

le

vêtement de

la baratteuse

Debout, tournée

retroussées, la tète enve-

déposé dans une baratte. Sa jupe

couverte d'un tablier retombant jusque sur

des rayons

LE BEURRE.

vers la droite, une robuste paysanne, les

en relevant

la

le

sabot;

queue.

A

où sont rangés des pots de beurre. Dans

un

gauche le

est

chat se frotte contre et

dans l'ombre,

fond, deux sacs

et

un

banc.

Premier

état.

Deuxième

Sans signature (i8551.

état.

Avec

l'adresse de Delàtre. Haut., 170 millim.; larg., 119 millim.

12.

précède

PAYSAN RENTRANT DU FUMIER.

le verger,

un paysan,

coiffé

d'un chapeau;

dans l'ombre. Bras noueux, dans des manches en

la

tricot.

Dans

la

cour qui

figure, de profil, est Il

pousse, à travers

une brouette chargée de fumier. A l'intérieur du verger, on aperçoit des ruches. Des arbres retombent sur le mur au dessus de la porte d'entrée; la porte,

dans

le fond, à droite,

un

puits recouvert d'arbustes et de branches.


CATALOGUE DE L'ŒUVRE GRAVÉ. Premier

Signé à droite

état.

a été tirée par le maître

Deuxième

état.

comme

La première épreuve

J.-F. Millet (t855).

:

378

essai.

Avec Tadresse d'Auguste

Delàtre.

Haut., iG5 millim.; larg., i35 millim.

LES GLANEUSES. i3. Dans un champ de hlé, trois glaneuses. La plus âgée, debout, à droite, se présente de dos, légèrement penchée. Celle du milieu, plus jeune, est baissée et, de sa main droite, saisit un épi. La troisième, à droite, a la main gauche posée sur ses reins et, de l'autre main, elle ramasse à terre un épi abandonné. Au fond, des meules, une voiture attelée, des femmes, des botteleurs; le fermier, sur un cheval, donne des

ordres aux travailleurs; plus loin, à droite,

un nuage

léger; au-dessus des meules,

Premier

ferme entourée d'arbres. Ciel

d'oiseaux.

Sans signature.

état.

Deuxième

la

état.

Avec

l'adresse d'A. Delàtre. Haut., 190 millim.; larg., 25o millim.

14. tète

LES BÊCHEURS.

A

droite,

tournés vers

nue, deux bêcheurs sont occupés à retourner

Celui de droite

presque debout.

est

qui laisse voir sa poitrine. La

bêche,

il

appuie sur

Plus jeune

et

Devant eux,

vêtu de

la terre

fer

le

de

même,

remuée.

Au

fond,

Deux chapeaux et gauche, une femme fait brûler des au dessus,

Dans

et la

friche.

manche de

la

son pied droit, chaussé d'un sabot.

le

est

penché,

et

il

relève sa bêche.

champ, en ligne ondulée, descend Dans le fond, à

des vêtements sur le sol.

herbes, dont la fumée

fond de village. Dans

le

coin à droite^

monte vers le ciel. un petit nuage, et,

signature J.-F. Millet.

la

épreuves du premier

les

mal essuyé

et

en

vêtu d'une grosse chemise ouverte

paysan

l'autre

gauche,

resté

droite serrant fortement le

l'outil

vers la gauche.

Groupes d'arbres

Il est

main

la

un champ

deux grands

et

traits

état,

on trouve

partant du

le

rebord de

haut du terrain

la

planche

jusqu'à la

signature.

Premier

état.

Avec

la signature à droite.

Très

rare.

Deuxième état. Le ciel complètement effacé et la signature enlevée. Dans cette opération, le charbon a laissé une teinte qui part de la tête du jeune bêcheur, se prolonge jusqu'à celle du plus âgé, suit son bras gauche et

va se perdre à droite. Très rare.

Troisième

état.

aperçoit à peine

Quatrième

Pour

les

un état.

Le

ciel

petit

refait et

plus fin que dans

le

premier

état.

On

nuage à droite. Sans signature.

Avec

l'adresse d'A. Delàtre.

cinq pièces portant les n°* 10, 11, 12, i3

et

14,

le

premier


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

374

papier à la forme, chine collé (demi-colombier). Les

été fait sur

tirage a

autres épreuves ont toujours été tirées sur vergé, sur chine ou sur japon. Haut., 240 millim.; larg., 340 millim.

Deux femmes cousent à la lueur d'une lampe est dans l'ombre. À gauche, un lit avec chambre La bâton. un suspendue coucou. Un panier long est accroché un distingue haut, on rideaux. Dans le

LA VEILLÉE.

,5.

à

avec quatre cordes au plafond.

lumière sur

sur

la tète,

tabouret; l'autre femme, le

la

les

(zinc).

un

la

main gauche. Près

un

deux mains rapprochées, dans

nombre

très petit

reçoit d'elle,

poitrine et sur la

reste du corps dans l'ombre. Planche trop mordue et que

été tiré

L'une des femmes, à gauche,

l'acide a fait crever par

d'épreuves

et

Millet a

fait

la

demi-teinte et

endroits.

Il

en a

détruire la planche

Très rare (i856). Haut., i5i millim.; larg., 110 millim.

_

i5

LA CARDEUSE.

cardeuse a

Assise à gauche, tournée vers la droite,

enveloppée d'une marmotte,

la tête

Manches en

tricot, sortant

la figure

presque de

d'un corsage boutonné, mouchoir sur

gros tablier de laine sans plis

;

de

sa

main gauche,

elle tient

la

profil.

le

cou,

une carde

genou et, de la droite, elle démêle la laine entre les dents de l'instrument. Près du pied gauche, une corbeille de laine cardée; qu'elle appuie sur son

un panier renversé, des rouleaux de laine dans le fond, à une maie où sont posées des balances. A gauche, derrière la

à droite, sur droite,

;

cardeuse, la roue à balustres d'un grand rouet.

Eau-forte pure

voirie jour. Millet (Par inadvertance,

et

la il

— Sans signature.

jamais dû

belle pièce n'aurait

sans retouche. Cette

trouva trop mordue,

et

il

avait laissé la planche toute

n'a

pas voulu

une nuit dans

la publier. le bain.)

Haut., 255 millim.; larg., 176 millim.

17.

LA GARDEUSE

gauche appuyée sur un arbre, Elle est sur

le talus

D'OIES.

la droite

sur

la

Paysanne debout,

hanche

et

la

main

cachée par un linge.

d'une mare, où se précipitent des oies. Dans

le

fond,

à gauche, des toits de maisons et des arbres.

Pointe sèche sur cuivre; vergé.

La planche

quelques épreuves sur chine

a été détruite.

Très

Haut.,

18.

— LA FEMME

jeune mère

est assise,

genoux un jeune

et

sur vieux

rare. 14.1

millim.; larg., 122 millim.

FAISANT MANGER SON ENFANT.

la tête

tournée à gauche,

et

La

tenant allongé sur ses

enfant, dont elle soutient la tète avec le bras gauche.

Le


CATALOGUE DE L'ŒUVRE GRAVE. maillot

du bébé

pieds touchent

est

ouvert

le billot,

et laisse

375

voir ses deux jambes nues; ses petits

placé à gauche,

se

trouve l'écuelle fumante.

LA CARDEUSE.

Coiffée laisser

d'une marmotte,

paraître son

vêtue

d'un

cou ombré à larges

cuillère, qu'elle tient de sa

main

droite.

au dessus, une corbeille chargée de linge

corsage tailles,

Dans et

le

assez

la

mère

dégagé

pour

souffle sur

la

fond, à droite, une armoire;

une pelote.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

376

Épreuve

du cuivre de

de

la tête

gauche, deux indications de

mère, un peu inclinée

la

nez, des

grandie,

comme pour la

(Foeil

largement ébauché); sur

à côté,

une autre

l'étudier; à droite, tailles en hachures,

De

pointe.

est

;

plus

la

marge

bas de la

le

superposées, une indication

têtes

noires pour biffer cet essai

tailles

essayer

avec croquis dans

d'essai, eau-forte pure,

à

:

grande rareté

:

tête

serrées

épreuves,

quatre

le

un peu pour

d'après

M. Ph. Burty. Premier le

cou de

état.

la

Les croquis sont

Quelques épreuves.

Deuxième

état.

à gauche. Rare.

Retouche à

effacés.

mère, pour boucher des

tailles

pointe sèche dans

la

Très

trop larges.

rare.

Pas de signature.

Avec

signature J.-F.

la

A

Millet 1S61.

pointe,

la

— Épuisé.

Troisième état. Tirage de la Ga\ette des Beaux-Arts. Cette planche accompagnait une étude sur les eaux-fortes alors connues et suivie d'un essai de catalogue de onze pièces, par

M. Ph. Burty.

[Galette V" septembre 1861.)

Haut., 23o millim.; larg., i58 millim.

19. le

— LA GRANDE

dos appuyé contre

gauche,

elle a la tête

un

BERGÈRE. tertre

Adroite, une bergère, debout,

couvert de jeunes arbres. Tournée vers

chon, d'où sortent ses deux mains. Elle tricote un bas qui pend sur Sabots aux pieds, un bâton

quelques rayons,

mante

et le

la

enveloppée d'un mouchoir. Lourde mante avec capu-

le

long du

tertre. Cette figure est

sa jupe.

dans l'ombre;

branches, éclairent du côté gauche

filtrant à travers les

jupon. Le troupeau répandu dans

la

la

plaine inondée de soleil;

un chien noir surveille les moutons. Quelques lignes à gauche pour Dans le fond, indication de village. Signé à gauche. J.-F. Millet.

le ciel.

Cette belle pièce devait être publiée par la Société des aqua-fortistes (Cadart). l'artiste

Mais

l'éditeur ayant

renonça à

faire partie

demandé de

la

à Millet d'abandonner

planche,

la

Société (1862). Haut., 317 millim.; larg., 230 millim.

20.

LE DÉPART POUR LE TRAVAIL.

jeune paysan se rendant aux champs

le

et

sabots. L'anse

bras gauche pend

le

du panier

long du corps

Le paysan, en chapeau de

est

et tient

paille,

et

sorte de

éclairé

est coiffée

et

d'un

jouent surîe visage.

passée dans la

une

est

Jeune paysanne

femme

matin. La

panier; les rayons du soleil passent à travers l'osier

Jupe courte

main

droite; le

bidon en grès.

de gauche. Vêtu d'une

blouse, pantalon dessinant les jambes; les pieds dans des sabots, une fourche

sur l'épaule; la main gauche, dans

la

poche du pantalon, soutient

plaine de Barbizon inondée de lumière.

sons qui bordent

la

Dans

le

grande rue du village; dans

fond, les

le

la

houe. La

derrière des mai-

champs, une charrue


e *^-Çîfffye

I

LA FEMME FAISANT

MANGER SON ENFANT.


JEAN-FRANCOIS MILLET.

378

attend le laboureur qui arrive avec deux chevaux

et

monté sur

celui de

gauche.

Premier

état.

Deuxième

Sans signature. Très

étitt.

Avec signature

W^^'i^Sf^:

à

rare.

gauche J.-F. Millet. Rare.

= LA GRANDE BERGERE.

Troisième état. Avec signature et l'adresse d'A. Delàtre vend chez Moureaux, rue Fontaine-Saint-Georges, 26.

Quatrième de

la

état.

Les adresses ont disparu. Dans

le

à gauche, et se

coin à droite, au bas

planche, trois points entre deux traits qui se rejoignent.

i863. Planche exécutée pour la Société des dix'.

I.

Cette Société, formée par Scnsier, se composait de dix souscripteurs, qui versaient


^

7. T.

AùfUu

LE DEPART POUR LE TRAVAIL.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

38o

Elle a été tirée sur vergé, sur chine

Moureaux.

_

21.

et

sur parchemin avec l'adresse de

Haut., 385 millim.; larg., :)jo miUim.

LA PILEUSE.

gauche à droite. Elle

est coiffée

La gardeuse de chèvres d'un chapeau de paille

de l'Auvergne. La quenouille chargée de laine

main gauche levée roule la

gauche, tenant

le

le

fuseau.

un chemin creux où

fond,

fil

en s'avançant de

comme

est attachée

ii

les

paysannes

son côté

:

la

Le bras droit est étendu vers relevée sur un jupon court. Dans le

entre ses doigta.

La robe

les

file

est

chèvres, montées sur le talus, broutent l'herbe.

Ciel léger à droite.

Dans

à droite, la signature J.-F. Millet.

le bas,

Une épreuve la

d'essai.

En

rendre borgne.

marque de

dans

l'étau

L'œil droit de

la fileuse n'est

haut, cinq traits à la pointe dans le ciel

adroite

et

le

et

semble

coin de gauche;

la

pas d'astérisque au dessus de l'ombre

portée de la fileuse. Les bords de la planche à la

pas terminé

non nettoyés

;

l'épreuve

signée

mine de plomb, J.-F. Millet. Premier

état.

L'œil terminé avec

les

cinq traits dans

le ciel à

gauche

et

Tastérisque.

Deuxième

état.

Les cinq

ont disparu

traits

et l'astérisque reste

au tirage

ordinaire. Cette gravure est celle qui a paru dans le

Sonnets

et

volume publié par M. Lemerre,

Eaux-fortes (1869). La planche

volume, page

3 18, les intéressantes lettres

a été effacée.

Voir dans ce

de Millet.

Haut., 198 millim.; larg., 129 millim.

A

l'exception des planches qui ont été détruites et de celle qui appar-

Galette des Beaux-Arts, M'"^ Millet possède

tient à la les

les

cuivres de toutes

gravures que nous avons cataloguées.

II

LITHOGRAPHIES 22.

— OU

DONC

EST-IL

?

Titre d'une romance.

Musique de

Frédéric Lebel.

Une rasse

;

jeune

femme

vêtue de noir, appuyée sur

deux enfants sont près

ses

et

Millet et le

balustrade d'une ter-

d'elle.

et qui avaient droit à un certain nombre d'épreuves sur papier de chine, sur vélin. L'épreuve du premier état portait la signature autographe de

chacun 5o francs sur vergé

la

nom du

souscripteur.


CATALOGUE DE L'ŒUVRE GRAVE. Alfred Sensier a raconté (voir p.

i

lo) la

mésaventure de

1848.

Nous

38.

Tartiste, qui ne

reçut jamais le prix de son travail.

Cette lithographie doit dater de

la

décrivons d'après

les

renseignements conservés par Sensier; mais nous n'avons jamais vu la planche et nous croyons savoir qu'elle n'existe pas à la Bibliothèque nationale.

(Département des imprimés; musique).

figure dans

LE SEMEUR. — La tète coiffée d'un l'ombre, un homme s'avance à droite,

main pleine du grain

laine, la

jambes sont entourées de

assure, dans

son

M.

catalogue, qu'elle est signée J.-F.

23.

M. Burty

qu'il

chapeau de

feutre, la

vêtu d'un vêtement de

va lancer. Culotte de gros drap;

paille roulée en cordes.

A

les

gauche, nuage noir, d'où

s'échappe une volée de corbeaux qui s'abattent sur

le

champ.

laboureur conduisant sa charrue attelée de deux bœufs dont

A

droite,

la

silhouette

un

s'enlève sur le ciel clair. Sans trait carré.

Cette lithographie, exécutée en i85i

et

destinée au

journal Y Artiste,

1879 seulement qu'on en a

n'a jamais été publiée. C'est en

tiré

quelques

épreuves.

La

pierre appartient à M'"" Millet. Haut., 191 millim.; larg., 156 millim.

24.

OLIVIER DE SERRES.

yeux pleins de malice,

— Visage

cheveux

long,

moustaches recouvrant légèrement

la

ras,

les

bouche,

grand col blanc sur un pourpoint noir. Ce portrait a exécuté d'après l'original sur vélin, dessiné par Daniel de Serres, fils du

barbiche en pointe été

les

grand agronome.

Au

;

Trait ovale.

bas de la planche les mots

:

Imp. Lemercier, Paris,

et l'inscription

:

OLIVIER DE SERRES SEIGNEUR DE PRADEL NÉ EN l53g, MORT LE 2 JUILLET lÔlg. Sur ce les

portrait, publié en i858, en tête

renseignements consignés à

la

d'une brochure de Sensier, voir

page i86. La pierre a été effacée. Haut., g8 millim.; larg-, 78 millim.

M. Burty

fait

mention d'un

lithographie vers 1849; mais

mentionne

la

il

portrait de

Chateaubriand que Millet aurait

déclare qu'il ne Ta point vu.

pièce en ajoutant qu'elle est de

«

nous, nous ne connaissons pas cette lithographie;

nos recherches,

et

nous croyons que Millet n'en

M. Piedagncl ». Pour

plus grande rareté

la

elle a

toujours échappé à

a jamais parlé à Sensier.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

382

III

HÉLIOGRAPHIES SUR VERRE

MATERNELLE.— Au seuil

25.— LA PRÉCAUTION

un

vigne, une mère se baisse tenant par dessous les bras elle relève

avec soin

le

vêtement. Debout

d'une maison

ouverte qu'encadre

de paysan, dans Fembrasure d'une porte

et la tète

petit

un pied de garçon dont

un peu penchée, Tenfant

innocemment son ventre rebondi et, sans respecter les convenances, il comme un des buveurs qui, dans les tableaux de David Téniers, tournent contre les murailles. A gauche, près de la porte, une petite fille,

étale

se conduit se

coiffée

d'un béguin d'où s'échappent des cheveux ébouriffés, paraît

resser au spectacle.

A

droite, par terre,

signature J.-F. Millet.

un

panier d'enfant

s'inté-

dans l'angle

et

la

— Trait carré. Haut., 285 millim.; larg., 225 niillim.

26.

— FEMME

VIDANT UN SEAU.

Figure penchée

et

de profil,

manches de chemise retroussées jus-

tête couverte d'une marmotte, et qu'aux coudes. Elle tient des deux mains un seau, qu'elle soulève pour

la

en verser

le

contenu dans deux cannes (vases de cuivre qui, en Normandie,

servent à traire les vaches).

un

Une

petite

mare dans

le bas,

à gauche.

fond,

un mur

toit est

un

bas, laissant voir

escalier conduisant

à la

A droite,

dôme. Dans

le

maison dont

le

puits en pierre, dont la partie supérieure est terminée en

soutenu par deux poutrelles.

Signé à gauche,

et à l'envers

J.-F. Millet.

Trait carré. Haut., 285 millim.

Dans une

pour dessiner sur verre

un seau

:

«

C'est

mon

Les premiers essais leau d'imprimerie,

poudrer ensuite

Précaution maternelle

la

père et

une couche

223 millim.

à Sensier

(Thomery,

procédé dont Millet

le

non pas moi qui consistaient à étendre sur un

cette

pouvoir distinguer

larg.,

que M. Eugène Cuvelier adresse

lettre

9 août 1876), nous trouvons quelques mots sur servi

;

et la

Femme

s'est

vidant

a eu l'idée de ce procédé. verre, au

très égale d'encre

moyen d'un rou-

d'imprimerie,

et

à sau-

première couche de blanc de céruse en poudre, afin de

les traits. »

La description de

ces

épreuves retouchées dans

deux les

pièces, qui sont très rares, est faite sur

ombres par

le

maître en i863.

deux


FEMME VIDANT

L'

N SE

AI,'.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

384

IV GRAVURES SUR BOIS 27.

PAYSAN ASSIS AU PIED D^UN ARBRE.

assis

est

Il

adossé à un arbre", en pleine lumière; coiffé d'un chapeau, vêtu d'une blouse, le bras pendant le long terre,

Le

du

corps, la

jambe droite étendue sur

la

gauche relevée.

et la

enlevé

pas été

bois n'a

autour

de

la

figure.

Sans

carré.

trait

Signé Millet.

Ce

imprimé par

bois a été

l'artiste.

Haut., 68 millim.; larg., C6 milliin.

28.

TÊTE DE FEMME COIFFÉE D'UNE MARMOTTE.

Le visage tourné C'est

vers la droite.

l'un des

premiers essais

Imprimé par lui-même.

— Sans

de gravure sur bois par J.-F.

Millet.

trait carré.

Haut., 25 millim.; larg., 23 millim.

29. le

PETITE BERGÈRE ASSISE

Elle est assise à droite, sur

rebord du chemin, adossée à un groupe d'arbres.

tronc d'arbre.

La

tête

large tablier et jupon.

encapuchonnée

Un

Le terrain est indiqué carré. Imprimé par Millet. tons.

Nous

bâton

est

et

le

Un

peu plus

loin,

un

corps enveloppé d'une mante;

posé près

d'elle.

A

gauche, des

à larges traits. Ciel à grandes raies.

mou-

— Sans

trait

n'en connaissons qu'une épreuve, tirée en bleu. Cette épreuve

porte au verso une figure de paysan. Croquis à la

mine de plomb.

Haut., 52 millim.; larg., 53 millim.

30.

d'un tricot

BÊCHEUR AU TRAVAIL. et

sur le haut du

Il est tourné à droite, vêtu d'un pantalon, chaussé de sabots. Le bras droit porte la main

manche de la bêche. Le pied gauche un chapeau.

est

posé sur

le

fer,

pour

l'enfoncer. Derrière,

Autour du Bêcheur le bois n'est pas dégrossi. Figure sans fond. Il existe une épreuve avec des retouches au crayon noir; un sillon indiqué dans i863.

le terrain.

Imprimé par

le

maître. Haut., 100 millim.;

larg.,

g8 millim.

est


CATALOGUE DE L'ŒUVRE GRAVÉ. 3i.

seau

(décrit

Paysan

CROQUIS. sous

assis (n» 27),

d'homme

Sur

le n" 28) se

une

le

tète

du bois de

revers

trouvent

:

d'homme

Femme

la

une autre

moitié est quadrillée

rayée de lignes verticales, des essais de gouges,

un

tète

et l'autre

etc., etc.

épreuve, tirée à Haut.,

riJaiit

à la marmotte, le

à peine dégrossie,

avec un chapeau; un carré, dont

Nous ne connaissons qu'une

Lt

Femme

de

Li tête

385

titre

i44milUm.;

de curiosité. larg.,

o5 millim.

DECHEUR AU TRAVAIL.

32.

— FEMME

VIDANT UN SEAU.

côté d'un puits, elle vide

un seau dans

mur, avec une ouverture

laissant voir

derrière, des arbres. Signé, à droite

:

un

Debout,

le

dos tourné du

escalier conduisant à

J.-F. Millet.

Dessiné sur bois par Millei, en 1854,

comme

deu.x cannes de cuivre;

et

au fond, un

une maison;

— Trait carré.

gravé par son

frère

Pierre

étude de gravure. Haut., 144 millim.; larg., g5 millim.

33.

LA BERGERE.

droite, la tête coiffée d'une

La jeune bergère est assise sur un tertre à marmotte et avec une mante à capuchon sur les 25


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

386

La

épaules. est

exprime un sentiment de calme absolu. La main gauche

figure

posée sur

gazon,

le

petits monticules.

Le

Dans

carré

trait

:

A

droite, le troupeau

fond à gauche, deux groupes d'arbres

le

de gauche à droite

ciel à larges traits

entre deux nuages. Signé

Le

un bâton noueux.

droite tient

la

de moutons broutant.

et

de

un oiseau

et

J.-F. Millet.

manque dans

bas à gauche,

le

ne reprend qu'à l'angle

et

de droite.

Premier crayon

sans

état,

le ciel et

Deuxième

ciel

:

sur la première épreuve, Millet a ajouté

état, le ciel est

Cette pièce, dans

le

gravé.

goût des

vieilles

images, a été dessinée par

maître

Haut., 270 millini.; larg., 220 millim.

I

— BÊCHEUR

AU REPOS.

inclinée, regardant le sillon creusé,

tête

le

sur bois par son frère J.-B. Millet.

et taillée

34.

au

un laboureur conduisant deux bœufs.

main gauche sur celui de gauche nu

bêche

et la

sabot

et

tracé par la bêche,

maisons Signé P.

et

sa ;

Debout, tourné vers

Au-dessus du sillon

un chapeau. Dans

et

dans

le

haut,

J.-F.

droite;

à

fond à gauche,

le

nuages arrondis.

arbres, terrain ondulé, ciel indiqué en gros

Millet

sa

pied droit dans son

le

terrain rempli d'herbes.

un vêtement

paume de

bras droit sur la

le

manche de chemise;

la droite, la

dans

Millet,

le

bas à

gauche.

Gravé en 1874 sur

le

dessin de

.T.

-F. Millet, par son frère Pierre Millet

Trait carré. Haut., igg millim.; larg., i32 millim.

A

ces bois qui ont été graves, les premiers par Millet et les trois der-

niers par ses frères,

il

convient peut-être d'ajouter

les

quelques gravures dans

lesquelles Adrien Lavieille a rendu avec une tidélité relative la

maitre.

Nous voulons

parler des

Travaux des champs

et

pensée du

des Quatre

Heures

du jour.

LES

TRAVAUX DES CHAMPS.

types de paysans,

En

gravés par Adrien Lavieille, qui était alors bois.

Ils

i852. Millet

occupés à des travaux champêtres; ces

parurent dans

dessina dix

derniers furent

un des premiers graveurs sur

le

journal Ylllustratinn

le

Botteleur,

du

7

février

i853

(n" 5 19, vol. xxi).

Page 92. Le Faucheur, le

Page 93. La Tondeuse de moutons, de

le

Scieur de

blé, la

Râteleuse,

Batteur en grange.

lin, le

Faiseur de fagots,

la

Brojreuse de

lin,

VArracheuse

la Filcuse.

Plus tard, Adrien Lavieille, réunissant ces bois,

les

fit

imprimer sur


CATALOGUK chinc,

et les

I;(1':UV1U':

1)K

(ÎKAVl-:.

publia sous une couverture verte, portant pour

38; litre

de J.-F. Millet, gravés par Adrien Lavieille. Paris, impriincric

:

J.

Dessina Claye,

rue Saint-Benoît. i855.

LES

QUATRE HEURES DU

.lOUR.

Le

Matin.

Paysanne

un âne les pieds dans un panier, elle est suivie d'uu paysan qui marche la fourche sur Tépaule et la binette sur le bras. Le Midi. A Tombre des meules, un moissonneur aux pieds nus, son assise sur

;

chapeau rabattu sur son est sa

dort

visat^e,

bras relevés sous sa tète. Près de lui

les

compagne, également endormie.

Le Soir. de sa veste

;

il

La lune

se lève

regarde à droite

:

un

les

homme

toits

est

debout, passant

fumeux du

village.

la

Dans

manche le

fond,

un laboureur et deux chevaux qui s'éloignent. La Nuit. Intérieur de paysans l'âtre brille; un chat frileux dans le coin. Le père, assis sur un escabeau, tresse un panier; Penfant est dans un berceau; à la clarté d'une lampe, la mère, assise, raccommode les hardes.

:

Haut., i5o

inilliai.; larg.,

220 iniUiin.

Ces quatre pièces furent gravées par Adrien Lavieille. Elles

ont été

Les Quatre Heures du Jour. Scènes rustiques, gravées par Adrien Lavieille, d'après les dessins originaux de J.-F. Millet. publiées sous ce

Epreuves de

J.

titre

:

d'artiste tirées

sur chine, avant toute

Claye, rue Saint-Benoit,

lettre.

Paris, de l'imprimerie

7. iStJo.

ALFRED LEBRUN.



DOCUMENTS

ACTE DE NAISSANCE DE Extrait des registres de

l'état civil

de

MILLET

J.-F.

la

commune de

canton de Beaumont, département de

L'an mil huit cent quatorze,

du matin, en

d'octobre, huit heures

Jean Le Nepveu, maire,

officier

mercredi cinquième Jour du

le

la

mois

mairia-de Gréville, par devant nous,

de Tétat

canton de Beaumont, département de

Grcvillc,

Manche.

la

la

civil

de

Manche,

commune

la

est

de Gréville,

comparu Millet

(Jean-

Louis-Nicolas), âgé de vingt-deux ans, cultivateur, domicilié à Gréville, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né d'hier à huit heures

du

soir,

et

auquel

de lui déclarant il

a

et

d'Aimée-Henriette-Adélaïde Henry, son épouse,

déclaré vouloir donner les

dittes déclaration et présentation faites

prénoms de Jean-François,

les

en présence de Jean-Charles Millet,

âgé de soixante-sept ans, prêtre,

et de Marin Feuardent, âgé de cinquantequatre ans, cultivateur, tous deux domiciliés audit Gréville et ont, les père et

témoins, signé avec nous

le

présent acte de naissance, après qu'il leur en a

été fait lecture.

Signé au registre

:

Millet,

Extrait certifié

p"-«;

conforme

Millet; Le Nepveu

et littéral

et

M. Feuardent.

par nous, maire de Gréville, soussigné.

Audit, ce 8 juin 1875.

Le Maire, J.-F.

CANOv'iLLE.


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

3qo

11

ACTE DE DÉCÈS DE

J.-F.

Extrait des registres des actes de

l'état civil

de Chailly-en-Bière, pour L'an mil huit cent soixante-quinze,

MILLET

le

l'année

la

commune

la

vingt janvier

matin, devant nous, Jean-Baptiste Lemcrle, maire de

de

commune

i8y5. à onze heures

et officier

de

du

l'état civil

de Chailly-en-Bière, canton sud de Melun, département de

Seine-et-Marne, sont comparus

les sieurs

Jean-Baptiste Millet, artiste peintre,

William Babcock, artiste peintre, âgé de quarante-neuf ans, ami dudit défunt, tous deux témoins majeurs, demeurant à Barbizon, commune deChailly, lesquels nous âgé de quarante-quatre ans, frère du défunt ci-après

nommé,

et

ont déclaré que Jean-François Millet, artiste peintre, chevalier de Tordre de la Légion d'honneur, âgé de cinquante-neuf ans, demeurant audit Barbizon,

né à Gréville, canton de Beaumont (Manche), fils majeur de Jean-LouisNicolas Millet et de Aimée-Henriette-Adélaïde Henry, son épouse, tous deux décédés, époux de Catherine-Marie-Joseph Lemairc, sans profession, âgée

de quarante-sept ans, demeurant avec son mari, est décédé en son domicile cejourd'hui, ;i six heures du matin, et après nous être assuré du décès, nous

avons dressé

le

présent acte que -les déclarants ont signe avec nous, après

lecture faite.

Ont signé au

registre

:

J.-B. Millet,

W°> B.\bcock

et

Pour copie conforme Ce

l"'

Lemerle, maire. à l'original,

août 1879.

Le Maire de Chailly -en-Bière,

lemerle.

111

[NOTES SUR L'ART'

Quand Poussin ne lui

dit

point

:

envoie son tableau de

Voyez

la

belle

pâte,

la

Manne à M. de Chantelou, il comme c'est crâne, voyez

voyez

Millet de mettre par écrit les réflexions qui lui I. Sensier avait souvent sollicité venaient à l'esprit sur les questions d'art. Millet n'était pas écrivain et il croyait que son


DOCUMENTS. comme

troussé

c'est

!

ni

391

aucune des choses de

auxquelles tant de

ce genre,

peintres paraissent attacher du prix,

et je

ne sais pourquoi.

vous souvenez de

que

je

ment des

figures

la

que

première je

considériez ce tableau,

je

Trop peu de vu

se

permet de

produise

Si

vous

mouve-

que tout ensemble vous qui font action de

pitié,

se repaître de consolation et autres

main gauche vous diront

même

la

«

:

tout ce qui est

le

:

ici

étoffe. »

peintres font attention à Teffet que doit produire

à la distance qui

Qu'un tableau

faire, et

admirent, celles qui ont

car les sept premières figures à

de

Il dit

écrivis touchant le

que facilement vous reconnaîtrez quelles sont

crois

de grande nécessité, de désir, de

écrit, et tout le reste est

vous

vous promettais d"y

celles qui languissent, qui

charité,

lettre

un tableau

voir d'un seul coup d'œil en son entier.

comme

il

le

doit,

vous en entendrez qui vous

diront Oui, mais quand on le voit de près, il n'est pas exécuté. Puis, d'un qui ne produit aucun effet à la distance où il en devrait produire Voyez-le de près, comme c'est exécuté! Rien ne compte que ce qui est fondamental. Quand un tailleur essaye un paletot, il se recule jusqu'à la distance qui lui :

:

permet d'en bien juger soin des détails; mais

tournure.

la

S'il

celui qui se

quand

nières et autres compléments,

en

est

content,

il

peut alors prendre

contenterait de faire de belles bouton-

même

ils

eux-mêmes

seraient

d'œuvre, sur un paletot inal tourné, n'en aurait pas moins pitoyable. N'en est-il pas ainsi pour un

quoi que ce soit? C'est d'abord,

et

le

mode de

les

des chefs-

une besogne

d'architecture et

pour

conception d'une œuvre qui doit marquer

rien n'a le droit de sortir

en dehors de laquelle

monument

fait

du mode. C'est comme une atmosphère

choses ne peuvent exister.

On

est

dans un milieu

d'un caractère ou d'un autre, mais celui qu'on adopte doit primer.

Comme

confirmation que

les détails

choses constitutives. Poussin dit

d'eux-mêmes,

il

se faut bien

:

«

ne sont que

le

Etant cannelés (des

complément des

pilastres) et riches

garder de gâter leur beauté par

confusion

la

des ornements, car tels incidents ou parties accessoires ne doivent être adaptés

aux œuvres dont prudence

douceur

et

les parties principales

un bon Jugement,

et

afin

sont déjà belles,

que par iceux

il

si

ce n'est avec de la

leur soit apporté de

de la grâce, les ornements n'ayant été inventés que pour

la

mo-

dérer une certaine sévérité qui constitue l'architecture simple. » On devrait être habitué à ne recevoir que de la nature ses impressions

de quelque sorte qu'elles soient être

imprégné

et saturé d'elle, et

faut croire qu'elle est assez riche

sinon à

œuvre

la

quelque tempérament qu'on

pour fournir à

source? Pourquoi donc

à perpétuité

tout.

ait.

fait

Il

faut

penser.

Il

Et où pui.serait-on,

proposer aux gens,

comme

pour une expression suffisamment claire de sa pensée et de ou deux cependant, il consentit à prendre la plume. On lira avec note autographe que nous avons retrouvée dans les papiers de son ami.

d'artiste pouvait passer

son rêve. Une intérêt la

et

ne penser que ce qu'elle vous

fois


JEAN-FRANÇOIS MILLET.

392

but suprême à atteindre, ce que de hautes intelligences ont découvert en elle, parce qu'elles ont fouillé « les entrailles d'icelle avec constance et labeur », dit Palissy, mais qui pourtant ne peuvent avoir le droit de devenir, pour les hommes, un exemplaire à jamais en son lieu et place. Voilà donc qu'on rendrait les productions de quelques-uns le type et le but de toutes

comme

productions à venir...?

les

Les gens de génie sont découvrent que, dans

que

cette idée

sant de voir,

la nature,

Un

la

flair.

quand

baguette divinatoire; les uns

Leurs productions vous assurent

celui-là trouve qui est fait

pour trouver; mais

trésor est déterré et enlevé,

le

perpétuité gratter à cette place-là. truffes.

de

se trouve cela, les autres, autre chose

ici

tempérament de leur

ailleurs, selon le

dans

comme doués

chien qui n'a pas de

Il

flair

faut savoir découvrir

ne peut que

ne va qu'en voyant chasser celui qui sent

il

est plai-

que des gens viennent à

il

y a des

faire triste chasse, puisqu'il

qui naturellement va

la bête, et

le

premier. Et, quand on n'a d'autre raison pour agir qu'une singerie, on ne peut courir bien ardemm^ent, car on ne se passionne pas pour rien. En somme, les gens de génie ont mission de montrer, des richesses de la nature, la

portion qu'il leur

soupçonnées

servent de truchement

tement son langage.

mon

choses en

comme nous

permis d'en enlever, à ceux qui ne

est

trouvées,

alors

ni

auraient pas le

comme

pourraient dire,

Ils

Ils

fait,

Palissy

pourraient aussi dire

:

:

Vous

goût

et

pour

ils

hommes

les

elle,

elle t'en laissera aussi emporter selon ta force.

Un immense à certains

verrez ces

Si tu te livres à

seulement une intelligence de bonne volonté. orgueil ou une immense sottise seulement peut

te faut

Ils

faire.

d'interprète à ceux qui n'entendent pas assez direc-

et

cabinet.

l'avons

les

n'ayant pas les facultés de

qu'ils sont de force à redresser les

II

faire croire

prétendus manques de

erreurs de la nature. Sur quelle autorité ces gens s'appuieraient-

le faire?

On comprend

qu'avec ceux-là, qui ne l'aiment pas davan-

tage et qui ne se confient pas plus en elle, elle ne se laisse guère deviner et rentre dans sa coquille. Elle et

ne peut manquer

sur la réserve. Aussi doivent-ils dire

:

Ils

d'être avec

eux en contrainte

sont trop verts. Puisque nous

pouvons aveindre, vengeons-nous à en mesdire. On pourrait appliquer ici l'expression du Prophète Deus resistit superbis, sed gratiam dat

n'y

:

humilibus.

La nature d'elle,

mais

se livre

elle

ce n'est qu'à

cause qu'elles procèdent

œuvres pédantes >

On

bien à ceux qui

se

donnent

la

peine de s'enquérir

veut être aimée exclusivement. Les œuvres que nous aimons.

et

d'elle.

Les autres ne sont que des

vides.

peut partir de tous les points pour arriver au sublime,

et

tout est

on a une assez haute visée. Alors ce que vous aimez avec le plus d'emportement et de passion devient votre beau à vous, et qui s'impose aux autres. Que chacun apporte le sien. L'impression force propre

à l'exprimer,

si


DOCUMENTS. l'expression,

veut surtout ce qui

et clic

puissamment. Tout Tarsenal de forts,

leur génie leur a

et

convenu d'appeler place.

est

3g3

propre à

montrer

la

plus

le

hommes

nature a été à la disposition des

la

y prendre, non pas les choses qu'on mais celles qui allaient le mieux à

fait

plus belles,

les

Exemple. Est-ce qu'à son heure

et

à

est la

une certaine place chaque

pomme

chose n'a pas son rôle? Qui oserait décider qu'une

de terre

est

une grenade?

inférieure à

La décadence

a

commencé formé,

elle (la nature) avait

pour modèle

pour

et

On

choses infinies.

dès qu'on a pu croire que

que

but, sans songer

disait bien

que pourtant

l'art,

but suprême; on se proposait

était le

encore

«

la

nature

artiste

tel

eu ses regards sur

lui avait

les

mais on entendait cela

»,

surtout en parlant du modèle vivant, dont on se servait et avec lequel on

n'accomplissait

que des

plus

conventions.

représenter une chose de plein le

modèle

on

air,

Si,

on

par exemple,

copiait tout de

avait

même, pour y

éclairé par le jour d'atelier, sans avoir l'air de penser

que

à

servir,

cela ne

répondait en rien à l'universalité lumineuse du dehors. Preuve qu'on n'était

guère plein d'une émotion bien profonde, qui aurait empêché de

se contenter

si

peu. Car,

mensonge physique

Du moment ture,

une chose

annihilait tout.

qu'on

faisait acte

sances anatomiques,

il

s'amusait à

de

Il

leur plus grande vérité d'aspect, ce n'y a pas de vérité isolée.

de maîtrise dans

était déclarée bien.

les artistes

l'immatériel ne se peut exprimer qu'avec

des objets dans

observation

la vraie

comme

Si

les

procédés de

la

pein-

quelqu'un avait de grandes connais-

les faire valoir

exclusivement

et

en

était

grandement loué. Sans songer que ces si belles connaissances-là auraient dû servir, comme du reste toutes les autres, à exprimer les pensées qui pouvaient venir à l'esprit. Puis, au lieu de pensées, on se faisait un programme. On recherchait

un

sujet qui donnait lieu à la

qu'on avait plus volontiers dans savait

le très

humble

valet

de

la

la

mise en œuvre de certaines choses

main. Enfin, au lieu de rendre ce qu'on

pensée qu'on avait,

c'était

au contraire

pensée qu'on étouffait sous l'étalage d'une habileté fanfaronne. sur son voisin,

Mon

et

^des tas

que

j'ai dit.

j'ai

eu

Ce que

pas été assez médité au je

d'écrire, et d'autant plus

que

je

ne

sais pas,

me

font

d'omissions qui deviennent des obscurités. Tâchez donc

de deviner ce que lettre ce

la

regardait

on s'enthousiasmait pour une manière.

peu d'habitude

commettre

On

l'intention de dire, sans peut-être prendre à la j'ai

voulu commencer

moment

tâcherai d'y revenir et de faire

de

le dire. Il

moins à

à dire sur cette

n'y a pas assez de choses. Mais

la hâte.

J.-K.

FIN

page n'a

MILLET.



TABLE DES MATIERES

Pages

Alfred Seksier

'

Préface de l"Auteur I.

'^"

de — Le Hague. — Le Cotendn. — de — Gruchy. La — Son enfance. — Ses souvenirs — Naissance de Jean-François — Anecdotes du pays. — Entrde recelé. — Pre-

— Le cap

village

Gréville.

la

famille Millet

II.

Millet.

à

et superstitions

écrits.

I'

mière bataille

IH.

i

— Éducation

et instruction

de Millet.

Ses premières tentatives de dessin. pêtes et naufrages

Ses travaux pour son père.

— Ses

lectures.

— La mer. — Tem24

au pays de Millet

— — Premiers dessins de au peintre Mouchel. — Décision — peintre de Cherbourg. — Langlois, Sa mort. du père de — Demande d'une pension. — Décisions du con— Lectures de général. ~ Paroles de Millet sur son édudu municipal — Départ pour Paris à — Ses premières impressions. — Ses — Millet à — Ses aventures malchez M. M. D... — George. — Son heureuses. — ALaladie jugements. — Millet Luxembourg. — Impressions VL — Le Louvre Dclaroche — Paul chez Entrée recherche d'un maître. à — Les compositions de \\l_ _ Atelier de Paul Delaroche. — Ses — — L'Hémicycle. — Concours. — Départ de — Premiers — Marolle. — Vie de jeunesse. Atelier rue de Millet.

IV.

Visite

le

Millet.

Millet.

et

seil

conseil

cation.

\'.

33

visites

Paris.

gîte

L...

et

et le

la

52

élèves.

Millet.

»

»

l'Est.

bleaux

Millet.

ta-

^9


TABLE DES MATIERES.

3g6

Pages.

— Premier envoi au Salon — Portraits de sa

VIII.

Gréville.

Portrait

de M.

Visite à

Gruchy.

IX.

— Le jury. — Retour de Millet à — La municipalité de Cherbourg. — — Enseignes. — Premier mariage. —

(1840). famille.

Javain, maire.

— Vie de

Millet retourne à Cherbourg.

dent.

Manière

Havre.

Mythologies

k

fleurie

«

Paris.

Salon de 1844

70

Portrait de M"'' Antoinette

Second

et portraits.

mariage.

Feuar-

Une année au

Exposition de ses tableaux.

Retour à Paris

81

Tourneux. — Les marchands. — La — — Millet refusé au Salon de Jérôme Tentation de — — Salon de 1847. Œdipe détaché de Divers tableaux. de 1847. — Maladie. — Salon de 1848. — Le XI. — La Vanneur — Concours pour — La Captivité des Figure de — La sage-femme. — Agar Ismaël. — Millet République

X.

Installation à

Paris.

Diaz

saint

Il

et

».

184.6.

l'arbre.

«

fin

la

»

».

la

«

et

«

88

.

t.

«

juifs.

«

»

»

s'apprête à traiter de nouveaux motifs

— Salon de

XII.

1849.

— Le choléra. — — Les

avec Théodore Rousseau.

— Lettre de

bois.

pp

— Liaison

Départ pour Barbizon.

sujets rustiques.

Courses dans

les

Millet

1

— Salon de 1850-1851 au Palais-Royal. — Le Semeur. — Les Botte— Voyages — Enseigne — Lettre de Vierge — Les Quatre Saisons. — Femmes qui cousent. — Ramasseurs — Mort de grand'mère de mère de Millet de XIV. — Proudhon chez Diaz. — Salon de 1853. — Moissonneurs; Un Une Tondeuse de moutons. — Critiques, Eloges. — Seconde Berger médaille. — Détresse de Millet; pour placer tableaux. —

14

XiII.

à Paris.

leurs.

«

:

la

».

Millet.

bois.

et

la

la

123

;

difficulté

William Hunt

XV.

et les

ses

Américains à Barbizon

139

— Voyage Gréville en 1853. — Retour à Barbizon. — Dessins. — amateur. — Second voyage à Gréville avec femme enfants promenades. — L'abbé Lebriseux. — (1854). — Etudes sur à

Un

et les

la

nature,

Opinion de Paris sur Millet. trines

XVI.

-

— Le

peintre de la

«

Sociale

»

.

— Doc-

de Millet

149 P'iysan un arbre. 1855. — — Acquisition du tableau de Millet par un — Théodore Rousseau. — Le Hameau Cousin.

Exposition universelle de

Théophile

greffant

"

»

Gautier.

Américain chimérique.

«

»

— Les enfants — Épreuves. — Lettres de — Le Berger. XVII. — 1856. — — Créations nouvelles. — Le Berger au parc, — Le Berger — — Supplice. — Paroles de ramenant son troupeau Disette.

Millet.

la nuit ».

<

le soir.

«

Millet.

»

Vente de Campredon

XVIII.

158

L'idée de Millet sur

163 le

beau.

Salon de 1857.

«

Les Gla-


TABLE DES MATIÈRES.

397 Piges.

neuses.

»

Opinion de

critique.

la

Interprétation inexacte de

la

pensée du maître

174

— L'Épi de La Paire de sabots (1858). — Conversations prome— L'Immaculée Conception. — La commande du ministère; — Romieu. — Femme qui son vache. XX. — L'Angelus. — Salon de 1859. — Le jury refuse Bûcheron — Vidi prœvaricantes. — La Gazette des Beaux-Arts Mort — Le Journal des — Millet à Barbizon. des campagnes — Decamps. — Ses à Millet XXI. — Exposition chez Martinet. — L'avenir assuré pour ans. — — Salon de 1861. — Thoré. Les grandes œuvres de — La Tondeuse. — Femme manger son L'Attente. — Critiques amcres. — Promenades conversations. — enfant. XIX.

blé,

nades.

et

«

>

histoire.

I\L

paître sa

fait

•:

».

».

t

»

villes et

182

et

le

«

la

1

».

visites

190

trois

Millet.

«

f

faisant

i

»

Inté-

et

»

204

rieur de famille

XXII.

— Millet

montre ce

qu'il veut, ce qu'il ose.

beaux, les Planteurs de à la houe.

— XXIII. de

Un

»

pommes de

Lettres de Millet.

«

L'Hiver

— Son

atelier,

et les

Cor-

Mur, l'Homme

terre, le Cerf, le ^'ieux

son jardin, ses

affaires.

22

suicide dans la maison de Rousseau

— Le paysan — Un sonnet.

Le Salon de 1 863. Millet ose porter un grand coup. La Bruyère. Le Paysan se reposant sur sa houe « Lettre à Théodore Pelloquet

«

.

23c

— Dessins de — Théocrite, Burns — Sujets — La Bergère — Lettres de XXV. — Vente posthume d'Eugène Delacroix. — L'art japonais. — — M. Castâgnary. — M. Jean Rousseau. — M. Théophile — — d'un veau Naissance La Le Salon de 1864. Bergère La — Succès dans champs — Travaux prépara— La mort d'un XXVI. — Lettres de pour peintures décoratives. — Exposition des œuvres d'Eugène détracteurs du maître Delacroix. — Opinion de Millet sur XX\'lL — Les peintures de de M. Thomas (de Colmar). — Conseils — Premiers dessins pour M. Gavet un — Le Salon en 1866. — Un bout XXVIII. — Mort de sœur de — Premier voyage Vichy. — Excursion en du de Gréville XXIV.

et

religieux.

Millet.

Shakespeare.

Millet.

r

t

«

246

Silvestrc.

».

«

les

»

«

et critiques

.

enfant.

Millet.

toires

253

les

les

270

l'hôtel

à

critique.

Millet.

la

village

»

«

à

.

290

Auvergne

XXIX.

Exposition universelle de 1867.

Théophile Silvestre.

Liaison avec Le Salon. Mort de Théodore

Second voyage à Vichy.

Rousseau

XXX.

— Le

279

293 tombeau de Rousseau.

— Travaux pour M.

Hartmann.

— Troi-


TABLE DES MATIÈRES.

398

neur. j

la

XXXL — tricot.

chevalier de

en Suisse (1868).

et

la

Légion d'hon-

Une

eau-forte

oio

— M.

vembre.

:

«

M™

Mort de »

nommé

est

Rousseau.

Castagnary.

a

Salon de 1869.

La Leçon de

»

Les Tueurs de cochons.

317

»

— Opinion de Millet sur Thoré. — Le Salon de 1870. — — La Femme battant beurre. — La guerre

XXXIL

Excursion à Munster

Fileuse

Pages

— Millet

sième voyage à Vichy.

»

le

Il

«

No-

et l'invasion.

»

Cherbourg

Millet à

XXXIIL — Une

lettre

de Paris en 1871.

324

de Théophile Silvestre.

— Voyage à

Gréville.

— La —

paix.

— L'insurrection travaux. —

Promenades

et

Retour à Barbizon

XXXIV.

3^3

— L'année 1872. —Maladie. —

Vacher rappelant

ses vaches.

«

L'Église de Gréville.

»

Le

«

347

»

XXXV. — Lettre M. Camille Lemonnier (1873). — ^^ recherche du — Le Vigneron au repos. — Vente de M. Laurent-Richard. — Les type.

à

»

dernières

XXXVI.

Bergères

«

— Les

»

tableaux de

Geneviève au Panthéon. Millet,

353

M. Hartmann

(1874).

Dernière promenade.

La

chapelle Sainte-

Mort de J.-F. 360

1875

Catalogue de l'oeuvre gravé de Documents.

J.-F.

Millet

Acte de naissance; acte de décès; note sur

369 l'arc.

.

.

.

389


.

TABLE DES GRAVURES CONTENUES DANS LE VOLUME

GRAVURES HORS TEXTE Pages.

Portrait d^ Alfred Sensier. (Cliché de Laverdct

Portrait de

M"'

;

reproduction Amand-Durand.)

Antoinette Feuardent, tableau de la collection de

i

M. Feuar-

dent père, (Héliogravure Dujardin.) Portrait

de

Millet

dessin

;

82

au crayon noir

de

la

collection

de M"' Sen-

sier. {Idem.)

99

Le Vanneur; tableau de

la collection

M. Adolphe

de

Paysan greffant un arbre; tableau de

la collection

Bcllino. {Idem,).

de

M.

.

Frédéric

.

.

Hart-

mann. {Idem.)

Le Berger au parc

158 la

nuit; tableau de

la

collection de

M. Adolphe

Rel-

168

lino. {Idem.)

Parc à moutons

:

clair

L'Angelus; tableau de

La Tonte

106

de lune; pastel de la collection

de

la collection

M. John Wilson.

des moutons; tableau delà collection de

La Femme au rouet; tableau de

la collection

Les Tueurs de cochons; tableau de

Le Vigneron au repos;

de

de

la collection

pastel de la collection de

M.

M. Templaere.

{Id.).

190

(We//;.)

Fanien. {Idem.).

M. Georges

M. Georges

.

.

Petit. {Idem.).

de M. Georges

169

.

.

Petit. {Idcm.\

Petit. {Idem.}.

.

206 320 322

356


1

TABLE DES GRAVURES.

400

GRAVURES DANS LE TEXTE PROCÉDÉ YVES ET BARRET Pages.

Maison où

est

né Millet. (Pastel de

Ramasseurs de

Les

M. Georges

varech.

la collection

(Dessin

au crayon

Fileuse.

noir,

de

la

.

collection de

9

(Dessin à

la

la

collection de

mine de plomb, de

M.

Frion.).

collection de

la

...

15

Portrait de M"'' Millet. (Dessin au crayon noir de la collection de

AL Georges 83

Petit.)

Saint

à

Pan. (Tableau du musée de Montpellier. Collection Bruyas.).

Jérôme en méditation. (Sanguine de

la collection

.

.

8p

Le Nouveau-Nc. (Dessin au crayon

noir,

de

la

collection de

M. Georges 9!

Petit.)

Baigneuse. (Dessin au crayon noir de

de M"" Marguerite Sen-

la collection

sier.)

93

(Kdipe détaché de l'arbre. (Tableau de la collection de

de l'eau-forte de

Une Nymphe.

M

Edmond

.

AL

Otlet; reproduction

Hédouin.)

(Dessin au crayon noir, de

la

95 collection de

M"° Marguerite

Sensier.)

97

Portrait de J. -F. Millet (1847). (Dessin au crayon de la collection de

M"" Mar-

guerite Sensier.)

'

.

Liberté (1848). (Pastel de

La Méridienne.

(Dessin à

la

la collection

plume de

de M"" Marguerite Sensier.).

la collection

.

.

10

109

de M"° Marguerite Sen-

113

sier.)

Le Semeur. (Dessin à Plaine de Barbizon M"''

85

de M"° Marguerite

Sensier.)

La

13

M"" Margue-

rite Sensier.)

Offrande

3

.

Petit.)

Emilie Millet. (Dessin au crayon noir, de

Une

de M. Feuardent père.)

:

la

plume de

la collection

de

Le Soir. (Dessin au crayon

M.

Alexis Rouart.)

noir,

de

la

.

.

.

collection de

Marguerite Sensier.)

Le Vieux Bûcheron. (Dessin au crayon Robert.)

125

129 noir, de

la collection

de

M. Gustave 131


TABLE DES GRAVURES.

401 Pages.

Une Glaneuse, noir,

de

pour

figure

la collection

Gardeuse de Moutons. Les Etables de

M.

le

tableau des Moissonneurs. (Croquis au crayon

de M"" Marguerite Sensier.)

(Pastel

delà collection de M. Georges Petit.)

mai.son de

la

143

(Gruchy). (Pastel de

Millet

...

.

de

la collection

Feuardent père.)

151

Le Gardeur de vaches. (Dessin au crayon

M"' Mar-

noir, de la collection de

guerite Sensier.)

169

Les Glaneuses. (Dessin au

crayon noir, de

M.

de

collection

la

Alfred

Lebrun.)

Les Sabots

.

177

(Dessin au crayon noir, de la collection de

M

.

le

baron de Gi-

rardot.)

Croquis à

Femme

la

18 j

plume. (Dessin de l'ancienne collection d'Alfred Sensier.).

faisant boire sa vache. (Dessin rehaussé de la collection de

.

.

201

La Femme portant des Georges

seau.x.

au crayon noir, de

(Dessin

la collection

de

Petit.)

207

Les Tondeurs. (Dessin au crayon noir, de

La Tondeuse. (Croquis de

L'Homme

à la houe.

la collection

la collection

deM"°

(Dessin au crayon

M.

de

Alfred Lebrun.)

Marguerite Sensier.)

noir, de

la collection

de

.... M.

209 216

'N'er-

dier.)

237

La Résurrection.

(Dessin au crayon noir,

de

collection de

la

.M. Charles

Tillot.)

La

193

^L Alfred

Lebrun.)

I\L

151

247

Bergère. (Dessin à la plume, de

la collection

Les Lavandières. (Dessin au crayon noir, de

de >L Alfred Lebrun.)

la collection

.

.

267

de M"" Marguerite

295

Sensier.)

Bergère au repos. (Dessin au crayon noir de

la collection

de M"' Sensier.)

.

.

308

Fac-similé d'une lettre de Millet (1867)

Le Hameau de Gruchy vu du côté de collection de

M.

.Alfred

la

mer. (Dessin au crayon noir de

la

Lebrun.)

339

La Ferme du

Lieu-Bailly. (Pastel de la collection de

Porteuse de

lait.

(Croquis au crayon noir de

M"'

Sensier.)

la collection

de

341

AL

Alfred

Lebrun.) Les Premiers Pas. (Dessin

297

343 reliau.ssé

de

la collection

de

.AL

Georges

Petit.).

26

.

345


TABLE DES GRAVURES.

402

Pages.

(Dessin

de Gréville.

Eglise

M. François

plume

et

au crayon de

la collection

de

351 la collection

de M'^° Sensier.)

(Dessin au crayon

Mendiante de Barbizon.

M"*

la

Millec.)

Tête de Femme. (Croquis de Petite

à

noir

353

de

la collection

de

Sensier.)

La Bergère avec

355

ses

moutons. (Dessin rehaussé de

la collection

de

M. Georges

Petit.)

357

La Cardeuse. La Femme

(Eau-forte.)

faisant

manger son

La Grande Bergère. Le Départ pour

Femme

375 enfant. (Eau-forte; épreuve d'essai.)

377

(Eau-forte.)

378

le travail. (Eau-forte.)

375

vidant un seau. (Héliographie sur verre.)

Le Bêcheur au

....

travail.

(Gravure sur

bois.)

383

385




1

REPRODUCTIONS

L'OEUVRE DE MILLET PHOTOGRAPHIES AU CHARBON En vente chez MM.

Au.

BRAUN

43, avenue de l'Opéra. Paris

PROPRIETAIRES DES ORIGINAUX.

Vache

à Tabreuvoir.

Paysage.

Parc à mouton.s. Bergère gardant

ses

moutons.

Pâturage au bord de

la

mer.

Troupeau de moutons au pâturage.

La Rentrée des pommes de

terre.

L'Agneau nouveau-né. Paysannes se chauffant en gardant leur troupeau.

10

Jeune Baigneuse.

1

Danse d'amours.

12

La Leçon de

I ->

L'Etendage.

'

>

tricot.

'4

Le Répandeur de fumier.

'5

La Fin de

i6

Le Fendeur de

•7

La

.8

Le Retour à

9

Femme

20

Le Tueur de cochons.

la journée.

bois.

Baratceuse. la

ferme.

à la lampe.

& C"


PROPRIETAIRES ORIGINAUX.

DES

21






Dll^li/ii^>^ «^h-v^

553

Sensier, Alfred La vie et l'oeuvre de J. F.

M6S-;

Millet

ND

PLEASE

CARDS OR

DO NOT REMOVE

SLIPS

UNIVERSITY

FROM

THIS

OF TORONTO

POCKET

LIBRARY

I

.

wwk.

i.

cj

"



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.