—
HANDBOUND AT THE
JEAN-FRANÇOIS MILLET
LA VIE ET L^OEUVRE DE
J.-F.
MILLET PAR
ALFRED SENSIER MANUSCRIT PUBLIÉ PAR PAUL MANTZ AVEC DE NOMBREUSES ILLUSTRATIONS
PARIS A.
QUANTIN, IMPRIMEUR-ÉDITEUR 7,
RUE SAINT-BENOIT
M DCCC LXXXI
i<b3,\-
SS3,
ALFRED SENSIER
Alfred Sensier, dont nous publions
posthume, a toujours pensé que ennoblie
et
charmée par
la
aux choses de
l'histoire
des dessins,
des estampes,
dévouement
le
de
fort
plus
la vie n'est rien
si
Il
a
l'esprit.
;
et
a
il
Il
s'est
curieusement
aimé
et
combattu avec eux
et
25
décembre
Alfred Sensier
levé
s'était
artistes
de
le
nom
de Sensier
se
trouve
aux noms de Théodore Rousseau, de
maîtres ayant disparu,
le
le
pour eux. Les années pour-
Diaz, de Millet. Sensier leur est resté fidèle jusqu'à
faut dire, en
inté-
défendu, avec
avec un zèle qui
ront désormais s'enfuir dans l'oubli,
Il
pas
a eu la passion des tableaux,
il
infatigable,
associé pour toujours
livre
elle n'est
bonne heure, quelques-uns des plus grands
ce temps.
le
contemplation des œuvres de Fart,
par l'étude des créations de ressé
aujourd'hui
il
les
a suivis dans
deux mots, ce que
i8i5, et
fils
la
la fin
ces
mort.
fut sa vie.
Né
d'un notaire qui aimait
entendit parler,
:
dès son enfance,
à Paris, les livres,
des belles
éditions à vignettes et des austères séductions de la jurisprudence.
ALFRED SENSIER.
H Il
montra pour
thousiasme
les
fort
choses qu'on célébrait autour de
Bien qu'il
inégal.
ait
un en-
lui
une étude
passé dans
d'avoué quelques-unes des années de sa jeunesse, Sensier ne
Tout en
cessa pas d'aimer les images.
du
faisant
droit,
assistait
il
avec une attention passionnée aux grandes batailles de
moderne fêtes
;
en
et
à ses triomphes
même
originaux.
A
temps,
il
un
vingt et
son romantisme
:
était
de toutes
il
avait déjà réuni les
les
documents
étudiait l'histoire dans les
ans,
l'art
commence-
ments d'une collection d'autographes.
Lorsque nous avons connu Alfred Sensier, peu après clamation de
seconde République,
la
Du
avec Jeanron. les
1848 à
i" avril
venait d'entrer au
la
de i85o,
fin
il
Louvre remplit
fonctions de chef de bureau des musées. C'est surtout à cette
époque
montra curieux de
qu'il se
moment de
bien étudié ce
lorsqu'il causait des
recueillir les pièces
hommes
tiques sur les faits et sur les
la
il
pro-
la
de
l'histoire, et
la
Révolution.
il
était
grands politiques de
authen11
bon à entendre
Constituante
la
avait
et
de
Convention nationale. Tous ceux qui ont eu à s'occuper de
cette période historique savent ce
ingénieuses découvertes
et les
que valaient sa
souvenirs que
collection, ses
lui avait
transmis
sa famille.
En
quittant l'administration des musées, Sensier entra au
ministère de l'Intérieur.
époque à laquelle quelque temps
altérée,
la liberté qu'il avait
à
l'état
de rêve
il
:
on
Il
fut
ne
y demeura jusqu'au i" juin 1873,
admis à lui
Sa santé, depuis
permit pas d'utiliser complètement
reconquise. sait
la retraite.
Beaucoup de
ses projets restèrent
qu'Alfred Sensier est mort à Paris,
le
ALFRED SENSIER.
III
7 janvier 1877, dans son modeste appartement de
dont
avait
il
Aux
un
fait
militants
il
trouvé mêlé au groupe
s'était
noua des
il
:
relations particulièrement
avec ceux qui allaient introduire dans
étroites
rue Chaptal,
musée.
petit
heures de sa jeunesse,
des artistes
la
le
paysage
la
d'un nouvel idéal. Sensier, qui n'aimait pas beaucoup démies,
dès l'origine, de
fut,
libre
la
époque où l'éminent paysagiste hérétique, dont
était
fut,
c'est-à-dire
œuvres suspectes auraient pu, d'après
les
le
Sensier a connu,
a
il
aimé
phalange de peintres qui ont
du paysage moderne.
stant de
qui
vaillant artiste
le
Barye,
et
Il
et
la victoire est
venue
si
vons
le
et
et l'historien.
et
11
au combat, M. Jules
a été l'ami
maître robuste
tard.
victimes de l'ancien jury officiel colères et leur fièvre;
Diaz.
le
:
Tous
le
:
pour
ces artistes étaient des
Sensier partageait leurs belles à ses amis.
ne calma pas ses ardeurs guerroyantes.
dire aujourd'hui
plus con-
et délicat
soutfrait de l'injure faite
il
il
ou qui sont encore l'honneur
a vu, à l'œuvre
Troyon,
dont
meilleurs de cette glorieuse
les
été
Jean-François Millet,
L'âge vint
les
Salon du Louvre.
devait être plus tard l'exécuteur testamentaire
et
un
dès lors, associé à toutes les péripéties de la bataille,
à toutes les luttes qu'eut à soutenir
Dupré,
Il
une
à
encore un proscrit,
sentiments d'un jury bizarre, déshonorer
Sensier
les aca-
académie de Barbizon.
avec Théodore Rousseau en 1846,
se lia
poésie
Nous pou-
un
batailleur
hésita
longtemps
Sensier a été plutôt
qu'un critique. Il
à faire
se déliait
cependant de ses forces,
œuvre de
lettré.
En
i858,
il
et
il
publiait, en déguisant son
ALFRED SENSIER.
,v
mince pla-
intéressante notice sur Olivier de Serres,
nom, une
quette que les bibliophiles devront conserver,
non seulement en
raison des documents qu'elle renferme, mais aussi parce qu'elle a
pour frontispice une des plus rares lithographies de
Sensier et
fit
ensuite une excursion dans
annota
il
les
et
sur
peinture moderne;
la
homme
de combat
constamment, dans sa
fit
(i865).
il
:
Il
traduisit
écrivit
pseudonyme de Jean Ravenel, divers
expositions
toujours resté un il
xvni* siècle
Journal de Rosalba Cavriera
le
y Époque, sous le
sur
le
critique,
et qu'il
le
plus acti^'e à
porte-parole la
;
enfin
il
une large place à
Revue internationale de
l'art et
fondée en i86g avec Ernest Feydeau
qu'il avait
il
est
un drapeau,
avait
collabora de
dans
articles
comme
et,
ses amis,
à ce groupe sympathique de l'école de Barbizon dont
volontiers
Millet.
il
était
manière
la
la
de la curiosité
et
dont
la publi-
cation fut interrompue par les événements de 1870.
dans
C'est
cette
revue que Sensier
principale, les Souvenirs sur récit,
où
l'intimité se
fit
Théodore Rousseau.
mêle au lyrisme. Ces
révélations personnelles sur l'artiste et
réunis en 1872 et forment
graphie
la
imprimer son œuvre
plus détaillée
un volume qui
du grand
On
connaît ce
articles, pleins
de
sur l'homme, ont été restera
comme
la bio-
paysagiste. L'année suivante,
Sensier publiait son Étude sur Georges Michel, travail difficile et
véritablement nouveau, car en 1873 celui qu'on a appelé
le
a
Ruysdael
de Montmartre
presque légendaire, a
pu
éclairer
mystérieuse.
les
et
»
était
déjà
un personnage
ce n'est pas sans efforts que l'historien
points obscurs de son état civil
et
de sa vie
ALFRED SENSIER.
vait écrire,
yeux
:
entreprit
il
eu
le
les lettres
de son camarade,
livre
il
lui seul
Millet.
11
pou-
avait sous
savait sur ses origines,
les particularités
touchantes
livre.
Le jour de l'enterrement de Sensier, la
que
public n'a point connues. L'écrivain est mort sans avoir
temps d'achever son
le
un
une biographie de Jean-François
sur ses travaux, sur ses luttes toutes
que
et
avant l'heure, voulut donner un pendant à ses Soiti'cm'rs
sur Théodore Rousseau
les
malade
cette enquête, Sensier, déjà
Après avoir terminé vieilli
v
convenu, avec
fut
il
famille et avec les amis, que son manuscrit, mis en ordre et
terminé, prendrait
dont Sensier nous avait lu
cette biographie,
pitres, présentait
forme solennelle du volume. Et, en
la
une saveur particulière.
de Millet, un noble
et
les
effet,
premiers cha-
s'agissait, d'ailleurs,
Il
puissant artiste dont
est
il
bon de savoir
la vie.
Le manuscrit qui nous
remis
fut
n'était
pas dans un
état très
rassurant. Sensier avait raconté la biographie de Millet jusqu'à la fin
de 1864; mais, quant aux dix années suivantes,
à recueillir des documents
et
des notes. Çà
pour quelques épisodes, un vague dans
les parties
essai
il
s'était
et là, et
borné
seulement
de rédaction. Et même,
terminées, bien des à-peu-près, bien des pages
restées imparfaites, et dont l'écrivain, troublé par la maladie,
avait renvoyé la revision à des jours plus calmes, à des jours qui
ne sont pas venus. point,
d'achèvement
altérer la pensée
dû
Il
y avait et
de
là
pour nous un
ciselure.
du rédacteur
Nous
primitif,
travail
l'avons
de mise au fait,
sans
mais sans nous priver
droit de corriger quelques erreurs historiques
;
nous n'avons
ALFRED SENSIER.
V,
pas manqué, d'ailleurs, d'utiliser les notes que l'auteur avait recueillies
ainsi
et,
s'est
manuscrit que Sensier considérait lection,
amis
sinon parfait,
trouvé complété,
comme
le
son œuvre de prédi-
sans doute parce qu'elle célébrait
le
plus cher de ses
*.
Alfred Sensier a lui-même tracé son portrait dans quelques lignes qui servent
Rousseau. il
Il
de préambule à ses Souvenirs sur Théodore
avoue
qu'il n'est point
critique
de profession
;
déclare qu'il ne sait pas analyser, qu'il obéit à des entraîne-
ments
irrésistibles, qu'il lui est
que, lorsqu'il a été conquis, là,
un
en
effet,
son défaut
:
il
a
impossible d'admirer à demi, «
la foi
du charbonnier
c'est aussi sa qualité
ses illustres amis, à des disputes d'école
peu haut pour
être
entendu; persuadé,
«.
et
C'est
suprême. Mêlé, avec
où
il
comme
fallait
parler
un
eux, que la vic-
toire est le prix des convictions persistantes, Alfred Sensier a été le
dernier enthousiaste.
PAUL MANTZ.
Un document
I.
Millet
Lebrun, qui nous et
pour
livre.
est d'ailleurs
l'illustration
nouveau
—
le
Ce catalogue
est
dû
intéressant et
— a été ajouté h ce
venu en aide pour
du volume.
catalogue de l'œuvre grave' de à la
un ami de
Sensier,
M. Alfred
recherche de certaines dates
PRÉFACE
Le grand peintre
John Constable,
anglais
paysage moderne, mourait en iSSy.
admirateur de son talent
et
Un
le
rénovateur du
ami, artiste lui-même,
témoin de toute sa
donna
vie, se
la
tâche de rassembler sa correspondance, ses écrits, ses conversations,
et
notes sous
de le
publier
les titre
:
avec
des éclaircissements
Mémoires de John Constable,
Charles Leslie mit en lumière l'existence laborieuse
de son camarade,
et les
et
des
peintre.
et difficile
idées nouvelles, les pensées intimes, les
systèmes ingénieux, que pouvait
honnête du grand travailleur.
lui
fournir la carrière calme
raconta, dans
Il
ternel, les mélancolies, les doutes, les joies
un
livre
et
fra-
du meunier devenu
paysagiste.
Nous n'avons Leslie
,
homme
ni
de savoir
sommes guère moins lettres,
le talent ni
et
en souvenirs.
du peintre Charles
de compétence
riche que lui
de notes, de réflexions
Tautorité
;
;
mais nous ne
nos mains sont pleines de
écrites, et notre
mémoire abonde
PREFACE.
v,n
Pendant plus de trente ans, nous avons vécu de Millet,
avons connu et,
ses confidences
nous avons reçu
ses pensées secrètes.
dans ses libres épanchements, Millet était
avant tout un
il
fort
l'aimions
:
le sentait,
il
dit.
et souffrant,
de ses convictions
sa religion et dans son art,
;
de
nous
ses plaintes,
et
nous a tout
un cœur mélancolique
homme
âme, son repos
Nous
la vie
mais
était
il
fidèle et fier
dans
leur vouait les douceurs de son
il
jusqu'à sa vie que la dureté des temps n'a que
et
trop abrégée.
Nous ses
dépositions
pareille
donc publier une enquête sur
allons
et
ses témoignages.
Tout y
existence.
n'avons pas
le
République des
Nous avons copié main de
nés de la tions,
la
pur
est sain,
droit de garder
doit profiter à la
Rien
n'est et
Millet, d'après
à cacher d'une
instructif.
Nous
pour nous seuls un fonds qui arts.
plus grande partie des documents éma-
Millet en les
de nos éclaircissements
accompagnant de
conversa-
ses
de nos réflexions personnelles.
et
Nous ne nous sommes pas permis de
juger notre ami, mais nous
avons tenté de
attaques dont
jet, et
de
le
le faire
années de notre
défendre contre voir
tel
liaison.
qu'il
les
il
a été l'ob-
nous a paru pendant
Si son talent
les trente
peut être diversement
apprécié, sa vie fut celle d'un sage, d'un travailleur courageux,
d'un père aimant
et
d'un camarade dévoué. Sa biographie
est
tellement accidentée, tellement étrangère à notre existence ordinaire que,
si
nous avions pris
pres, ce livre aurait passé
le parti
de changer
pour un roman,
les
noms pro-
tant les situations en
sont émouvantes, les résignations invraisemblables et l'action
PREFACE. mouvementée. Et pourtant autre chose que et
d'un
le
Le
artiste.
le récit
tableau réel
et
X
que nous publions
véridique de
d'un
la vie
lecteur s'en apercevra bien vite.
n'est
pas
homme
Nous n'avons
rien inventé, rien imaginé.
Millet est pour nous
des
duit
aux idées
champs
une grande
saines, à l'esprit lucide, à la
d'une pensée féconde nettement
On
«
main sûre
a cru trouver en
France qui
pour avoir
lui
fait
un
travail.
portrait et
»
du
sublime
les
je
où
le
je
de
misère
la
marques
indélébiles de son ori-
De nos
jours encore,
la tristesse et la
pauvre laboureur de nos pays.
« Si,
un
poésie
en regagnant
rencontrais quelque laboureur à l'orée d'un
champ,
m'arrêtais pour contempler cet homnie, né parmi les gerbes il
devait être moissonné,
la terre
et qui,
de son tombeau avec
le
pour
ainsi dire,
retournant
soc de sa charrue, mêlait ses
sueurs brûlantes aux pluies glacées de l'automne. Le sillon venait de creuser était
vu
le
ont montré, d'après nature,
stigmates de ses souffrances.
de son style
sort misérable
farouche de
et
est
Il
n'a point été persécuté
grand penseur. Chateaubriand, a peint avec
château,
a doté notre école
Millet n'a pas été
fin.
La Bruyère
La Fontaine
l'homme des champs, avec
le
puissante.
un révolté ou un pédant.
parlé avec force
ait
humaine. Montaigne
et les
il
;
et
la portée.
l'homme voué au
gine
un pro-
d'autres que nous en développeront plus
;
temps que ces malentendus prennent seul en
l'art,
un homme nouveau,
bienfaisants et fertiles,
a chanté sa vie, sa race et ses travaux
11
dans
ligure
les
le
monument
pyramides du désert
et
qu'il
destiné à lui survivre;
ces sillons
j'ai
abandonnés sous mes
PREFACE.
X
bruyères
Comme
»
'.
ces maîtres, Millet a cherché la beauté dans l'ex-
l'expression dans
et
autres n'attestent que les travaux
les
des jours de l'homme
et la rapidité
pression
comme
uns
les
:
le
type fondamental
Aussi bien que personne,
des champs.
des races civilisées.
la distinction
de sélection,
et
avait vu, tout
comme un
les jolies filles
de nos campagnes
ser
avec toute
son cœur,
la
la force
;
et
la
«
beaux gars
mais
il
plastique.
la »
Il
de son pays
et
cherchait à caractéri-
de son esprit, avec tous
condition pénible
où réside
n'ignorait pas les systèmes
Il
autre, les
travailleur
la régularité, la finesse
grammaires sur
avait lu les
il
savait
il
splendeur apollonienne, où apparaissent
du
les
mystérieuse de
souvenirs de
la créature
sur
cette terre.
Pour
Millet,
tout entière
le
;
l'homme de
la glèbe, c'est la famille
travailleur rustique lui fournit les traces les plus
accentuées de nos actions, de nos labeurs
paysan
n'est
humaine
pour
lui
et
de nos peines. Le
qu'un être vivant qui formule, avec une
puissance plus réelle que tout autre
homme,
l'image, la figure
presque symbolique de l'humanité. Millet n'est cependant ni
un découragé
un laboureur qui affectionne son champ, et le récolte.
c'est la
Son champ,
c'est l'art.
nature qu'il aima de toutes
le
ni
Son inspiration, les forces
admire, qui souffre
et
de son
qui
de son cœur. 1.
Souvenirs d'enfance
et
de jeunesse, 1S74,
C'est
triste.
défriche, l'ensemence
ne cherche donc dans sa pensée que celle d'un tissant et pieux, qui
un
p. i5G.
c'est la vie, être.
Qu'on
homme compa-
le dit
par
la
voix
PREFACE.
XI
Et quand, devant une peinture ou un dessin de Millet, on s'étonnera de la rudesse de sa main, de Tétrangeté l'inattendu de la composition, qu'on laisse
œuvre,
et,
comme
l'artiste,
le
du
temps
sujet,
son
faire
qu'on se prenne à contempler
plaines, les bois et le ciel; qu'on oublie,
pour un
instant,
de
les
nos
traditions et nos modes, et l'on sentira en soi l'air fortifiant qui
anima
Millet.
En voyant
vaux des champs, Tàme lent et
la
famille rustique occupée
inquiète,
l'attitude résignée,
douloureux, on reviendra vers Millet,
compris
se dira
:
Il
y a
là
humbles, un poète qui exalte de bien qui encourage
et
un les
aux
peintre qui
et celui
donne
le
geste
qui aura
la
grandeurs ignorées, un
console.
tra-
vie
aux
homme
!mti/it/ j^/y-tf-^// t/i^/'i'jt
liJi
.LFRK.D
c/uA^ t/r
/V^A.n'cr,/^/
SEMSIER
e, iijip.
JEAN-FRANCOIS MILLET
CHAPITRE PREMIER LE COTENTIN.
LE CAP DE LA HAGUE.
LE VILLAGE DE GRUCHY.
La rade de Cherbourg Fermanville, tentrionale
Vu désolé
et
cap de
le
par ceux qui sont en mer, et
Une
terrible.
sein des
abîmes dans
;
la
pointe de
Hague, extrémité sep-
l'aspect
le
pays de
la
Hague semble
des massifs de rochers noirs, soulevés âges primitifs, sortent des eaux en
les ;
des rivages couverts de pics
d'aiguilles qu'on croirait d'acier
donnent
par
ceinture de hautes falaises granitiques
figures bizarres et hérissées
lui
la
l'est
du Cotentin.
l'entoure de toutes parts
du
bornée à
est
à l'ouest par
GREVILLE.
LA FAMILLE MILLET.
ou de
fer,
et
des gouffres béants,
d'une contrée maudite où l'homme ne peut
vivre.
Cependant, quand on parvient sur de physionomie rages
où
et
tout s'anime
:
des
les
hauteurs, tout change
champs labourés, des pâtu-
paissent les bestiaux, des bois, des habitations peuplées
annoncent que ce pays
est fertile et bienfaisant.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
2
Dans le
le pli
d'une petite vallée qui descend à
hameau de Gruchy, dépendant de
mune de
reurs qui, de père en
du nom de de son
mer
et
de
se voit
la
com-
Gréville.
y a quarante ans
11
la paroisse
la
Millet,
cultivaient leur bien. Cette famille,
fils,
était
composée d'une grand'mère veuve,
de sa femme, de huit enfants
et
fils
plus vivait là une famille de labou-
et
d'un ou deux
et
domestiques.
Le grand-père, Nicolas
Millet, était
quinze ans. La grand'mère enfants avec se
trouvent
la sollicitude si
grand'mère qui la
mère
et
des étables.
bien
la
dont
les
mère avaient élevé tous nourrissons de
mais, selon
;
s'était
et
mort depuis près de
l'usage
Normandie
la
du pays,
c'est
s'occupait plus particulièrement des travaux des
champs
l'a'ieul, était
Saint-Germain-le-Gaillard, à quelques lieues de Gréville;
du pays,
famille, de la vieille race
Un
savant
meunier
tout
à
frère s'était enrôlé
chimiste,
philosophes
un
Il
.
la vallée
et
un
'
;
cœur
troisième,
Hochet, passait ses
Mémoires
de sa jeunesse, Jumelin secrets
conférence,
le
combinaison aux auteurs desquelles
(.M.)
C'était
loisirs
1745,
»
la
les fit
membres de la
il
le la
non un
et chimiste, qui fut est
aux choses de
du continuateur de Bachaumont nous
M. Jumelin, docteur en médecine,
serrurier.
Né en
s'était intéressé
24 décembre 1777, devant
destinée aux prix.
Charron.
de Jean-Baptiste Jumelin, médecin, physicien
instant le collaborateur de Spallanzani.
«
célèbre
été
comme Montaigne
s'agit ici
Au temps
tion.
le
sa
dans un ordre religieux; un autre,
presque
dans
avait la tête forte et
de
Pascal, Nicole, les écrivains de Port-Royal et aussi les
lire
I
avait
qu'il fût
la
chargée du soin de leur premier âge, car
Louise Jumelin, veuve de Nicolas Millet,
chaud.
les
la
mort en 1807. mécanique. Les
montrent
faisant
une
Société libre d'émula-
démonstration des deux serrures de
Société a partagé la
somme
Ces curiosités ne doivent pas surprendre sous
le
de 5oo livres règne d'un roi
^
s
%
2
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
4
raisonneur, mais une bonne Il
pleine de sens
tête,
avait quelquefois des discussions avec
le
curé de son village,
prêtre disait à ceux qui lui en parlaient
et le
bonhornme, car
trop se frotter à ce
grande
force.
Une
vieille
se
un des souvenirs touchants de
était
foncièrement
plus
fut
qu'on appelait Bon-
et
un dévouement qui ne
avec
enfants
les
personne ne
;
ne faut pas
Il
a des mots qui sont d'une
il
sœur nommée Bonne,
démentit jamais. Bonnotte Millet
«
:
»
soignait
notte,
de droiture.
et
que
fidèle
cette
excellente créature; elle pensait à tout et à tous, et elle s'oubliait.
Un le
autre frère Jumelin, marcheur infatigable, faisait à pied
voyage de Paris, c'est-à-dire cent
deux
nuits sans s'arrêter.
loupe,
il
Il
avait
couru
au bourg des Pieux, où
et il
A
monde.
le
devint agent d'une plantation,
de l'aisance
en deux jours
lieues,
il
et
Guade-
la
revenu avec
était
une
cultivait
petite
terre.
La grand'mère de
même que pour
parents.
C'était
la
de sa famille,
ferveur, elle
et
pour
portant
milité était
une de
le
vêtement
ses vertus.
et le
bonnet de
Toute sa force
les siens.
lutter
que
l'idéal
dans
les
Consumée par
patois
la
Hague. L'hu-
ses devoirs, le
de conscience, que action de sa vie, conseil
si
s'il
lui
modeste
survenait
tel
;
dans
les autres, elle
point
un doute au
ses
yeux
scrupules
les
sujet d'une
fût-elle, elle allait aussitôt
au curé de son village
dans
feu religieux,
bonnes œuvres, n'ayant devant
d'une sainte. Elle poussait à un
comme
le
sévère pour elle-même, douce et charitable pour passait sa vie
avec ses
se concentrait
amour de Dieu, dans l'accomplissement de
son attachement pour
raisonnement
le
pouvait
une digne paysanne, parlant
les autres,
son
tenait
demander
et elle était si rigide
dans son
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
5
rôle de grand'nière, qu'elle ne voulait jamais coder à
vement d'impatience pour
infliger
petits-enfants. Elle remettait
la
un mou-
moindre punition à
au lendemain
la
ses
réprimande ou
la
pénitence, alln de pouvoir leur expliquer à tète reposée l'impor-
tance de
la
faute et la raison
Sa charité
sans bornes. Elle avait conservé l'antique
était
du
tradition de l'hospitalité et
qu'un colporteur passait, gîte.
que
savait
Il
ouverte. Les mendiants
approcher du
faisait
respect pour les pauvres. Lors-
demander
n'avait pas besoin de la
maison des Millet
les
feu.
saluait avec
ils
et
les
Elle leur ollrait à manger, elle les puis,
;
partaient, elle remplissait leur besace.
C'était
préféré la
leurs
une révérence
hébergeait après s'être entretenue des nouvelles du pays
quand
le
toujours
était
du pays y arrivaient comme chez
La grand'mère
parents.
il
porte de
la
du châtiment.
en tous points une puritaine catholique;
mort
et
elle aurait
accepté celle des siens, plutôt que de
se dégrader. Millet
les
voir
le
sou-
conserva jusqu'à son dernier souffle
venir de cette aïeule
:
il
en parlait
comme
d'une de ces mères de
Port-Royal qui ont l'enthousiasme du devoir.
Son était le
de
fils,
Jean-Louis-Nicolas Millet,
mœurs
village,
on
pures
et fort
homme
respecté des voisins.
un peu trop
plaisantait en termes
Jean-Louis s'approchait pour entendre, on nous, 11
simple
Quand, dans grivois
se disait
:
k
que
et
Taisons-
c'est Millet. »
y avait en
lui
un
esprit
contemplateur
et
un tempérament
musical très développé. Simple chantre de sa paroisse, geait avec intelligence des choristes
entendre de plusieurs lieues à fidèles
doux,
et
la
diri-
campagnards qu'on venait
ronde.
En
ce temps-là, les
répondaient par des chants aux versets du prêtre
chantres.
il
Jean-Louis Millet discernait
les
voix
les
et
des
plus justes,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
6
dans
les instruisait
plain-chant
le
choral qui avait toute
un ensemble
et réglait ainsi
pureté des anciennes maîtrises. Millet a
la
conservé des chants d'église que son père avait notés croirait
de
main d'un
la
scribe
Le dimanche, après
du
fêtait le
il
xiv^ siècle.
;
et là,
dans sa maison, au milieu
du Seigneur comme un
jour
qu'on
messe, Jean-Louis Millet aimait à
la
recevoir ses parents et ses amis
des siens,
et
patriarche,
offrant à la réunion de famille la table copieuse et simple d'un
paysan qui veut honorer sans doute, tous
les
ses hôtes.
germes
Tabsorba jusqu'à sa mort
cette nature
une proportion
distinction avait certainement
supérieures à sa condition;
mourut sans
il
ses vertus et
de ses dons. Cependant
un
Il
par
instinct confus.
homme
il
d'une et
cet
François
:
«
Vois donc
arbre est grand
qu'une
fîeur.
terrain
:
derrière
«
le
Puis,
»
comme
par
comme
champ
bien
dessiner ainsi
!
»
modeler; puis,
Parfois
il
;
c'est
fait;
sa
Vois donc est
il
il
est
fenêtfe, cette
me
tel était le
La mère de
son
disait à
comme
beau à voir
aussi
examinant un
de
pli
maison à moitié enterrée semble qu'on devrait
prenait de l'argile
avec son couteau,
il
beau, vois donc
il
de longs cheveux noirs bouclés,
superbes,
compte de
souvent .préoccupé
et
sculptait
l'œil
la
de
essayait
dans
quelque animal ou quelque plante. Grand, élancé, verte
véritable
aimait à observer les plantes, les
bien
et
travail
une mesure bien
arbres et les animaux. Prenant des brins d'herbe, fils
si
se rendre
fut
ignorait,
Le
d'art qui vivaient en lui.
mais
;
Ce brave
le
bois
la tête
cou-
doux,
les
mains
père de Jean-François Millet.
Millet, Aimée-Henriette-Adélaïde
Henry, née
à Sainte-Croix-Hague, appartenait à une race de riches cultivateurs qui, dans le temps, passaient
appelait les
Henry du Perron.
pour gentilshommes.
On
les
Elle était toute à ses soins de
JEAN-FRANÇOIS MILLET. ménage, à
aux ouvrages de
enfants et
ses
7
maison. Pieuse,
la
mais peu portée aux exaltations des Jumelin,
dans
elle vivait
le
dans l'obéissance aux ordres de son mari.
travail et
Henry du Perron
Cette famille
enfants qui tous ont
fait
souche
était
et
composée de plusieurs
vivent au pays de Sainte-
Croix. Millet avait entendu dire à sa mère que ses parents était
demeure de
la
importante; vastes bâtiments en granit, belle
cour ombragée de grands arbres sous lesquels on voyait des
bœufs
charrettes à
On
voir.
vant, une était
que
disait
des charrues rangées autour d'un abreu-
et
cette habitation avait été,
demeure seigneuriale
tombée entre
du Perron
les
qui, par les
mains des paysans
eux-mêmes, que
n'étaient-ils,
;
les
un
siècle
aupara-
malheurs des temps,
Henry
peut-être les
descendants déchus
des maîtres d'autrefois, dernière lignée de ces petits propriétaires
de
la féodalité
les
manants de l'ancien
Un c'était
qui ont
le
messe
terroir.
grand-oncle Charles
;
la
qu'il
Millet,
Révolution,
mais quand
la loi
au
l'abbé Millet était rentré Il
manentes,
les
autre parent qu'on se rappelait toujours avec émotion,
d'Avranches. Avant la
par se confondre avec
fini
il
prêtre
du
diocèse
avait pris les ordres et dit
permit de revenir à
la vie laïque,
village.
avait voulu rester fidèle à son serment de prêtre, et quoi-
y eût danger à être
laboureur en soutane se dépouiller
son bréviaire
et
en sabots,
sur
les
il
hauts
il
redevenu
était
n'avait jamais consenti à
On
le
voyait
champs qui dominent
la
lire
mer,
charrue, ou transporter des blocs de granit pour
la
enclore les
morceaux de
"Pendant
et
devoir,
de ses vêtements ecclésiastiques.
labourer à
qui apprit à
homme du
lire
la
aux
terre appartenant à la famille. C'est lui
aînés.
Révolution, sa liberté
et
même
sa vie avaient
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
8
été
menacées plusieurs
serment à
fois
Constitution, qu'il croyait porter atteinte
la
montagnard fanatique,
Le grand-oncle de
la terreur
de son département,
homme
excellent et toujours
Millet,
fidèle à ses devoirs, passait ses jours
champs.
travail des
labourer
Quand
on
jardin,
le
le
l'abbé avait à tracer
le
un
sillon
ou à
voyait serrer son bréviaire dans sa
poche, relever sa soutane jusqu'à
la ceinture et se
mettre avec
sorte de satisfaction à retourner la terre. Il
comprenait que son neveu avait besoin d'aide, car
de famille
effort.
était
douce à Gruchy,
travaux
les
Pour
sur terre
plus âpres
les
et
sur
souvent la
mais on
mer
les
les sentiers à pic
sans cesse à épier
était
passage;
et,
diffi-
prises avec les
plus dangereux.
mer tirait
était
de
une fortune. Gruchy la
plage les fumures
de cheval ou de
jusqu'aux champs de
la
vague. Alors tout
de longs râteaux en bois, se précipitait à les
la
la culture.
les attirer
On au
après de grandes tempêtes, des bancs entiers de
varechs apparaissaient sur
sonner
aux
labour
le
épaves maritimes pour
les
si
au prix d'un constant
engrais, qu'il fallait remonter à dos
mulet par était
et
gens de Gruchy,
n'avait pas de pêcheurs, les
c'était
Les champs en pentes escarpées rendaient
cile et l'existence
et
en contemplation dans
donnait à ses petits-neveux l'exemple
Il
d'une vie sans tache.
vie
pres-
ordonné son arrestation.
avait
une
aux
Rome. Le fameux conventionnel Lecar-
criptions de la cour de pentier,
parce qu'il n'avait pas voulu prêter
la
le village,
armé
mer pour en mois-
varechs, récolte productive, mais périlleuse. D'autres
hommes de Gruchy de contrebande niers de la côte.
et
louaient leurs services à des entrepreneurs
passaient de longues nuits à éviter les doua-
Les Millet n'avaient jamais voulu
cette industrie suspecte.
<(
se prêter à
Nous n'avons jamais mangé de
ce
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
10
pain-là,
— me
malheureuse
!
disait Millet,
était
hameau. Chaque feu
de
nécessaire à la vie se faisait dans
le
s'ingéniait à fournir à la famille les hardes,
linge et les ustensiles. L'hiver, à la veillée, les la laine
en eût été trop
»
Tout ce qui
le
— ma grand'mère
ou du chanvre,
cousaient;
et elles
les
femmes
filaient
hommes,
aussi
habiles que les vanniers des villes, confectionnaient des corbeilles et des paniers.
On
on
causait,
des vieux temps; on chantait aïeux. Millet a toujours gardé
les le
répétait les récits fabuleux
noëls qu'avaient chantés les
souvenir de cet âge patriarcal.
.
CHAPITRE NAISSANCE DE
J
E A N - FR A XÇ O
I
11
—
MILLET.
S
SON ENFANCE.
ANECDOTES ET SUPERSTITIONS DU PAYS. l'École. première bataille.
SES SOUVENIRS ÉCRITS.
ENTRÉE
—
A
Millet, le peintre des paysans, est né le
hameau de Gruchy, commune de (Manche) II
Gréville, canton de
Beaumont
'
était
le
second
enfant de Jean-Louis-Nicolas
femme
cultivateur, et de sa
Henry. L'aînée des enfants
Sa grand'mère de son père,
et
fut sa
Millet,
légitime Aimée-Henriette-Adélaïde était
épousa un habitant du hameau,
nom
4 octobre 18 14, au
une
fille
nommé
(Emilie) qui plus tard
Lefèvre.
marraine. Elle
François, parce que
le
nomma
c'était
Jean, du
un grand
saint
qu'elle aimait et dont elle invoquait souvent la protection. Saint
François d'Assise, l'infatigable contemplateur des choses de nature, était, en
effet,
un patron bien
plus tard, devait être l'amant
le
choisi
la
pour l'homme qui,
plus passionné de l'œuvre de
Dieu.
I.
C'est à tort qu'on a
donné
L'acte officiel du registre de la
indiquons
— 4 octobre
le
8 octobre 181 3 pour date de sa naissance.
commune
1814. (A. S.)
de Gréville constate
la date
que nous
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
12
Toute
couva comme
Dans
vague de
le
cœur
favori de son
le
un garçon,
à élever
fière d'avoir
la
grand'mère
le
de ses entrailles.
et le fruit
l'existence enfantine, Millet l'entrevoyait tou-
jours occupée de lui,
le
berçant,
le
réchauffant de son corps en
chantant, durant des journées entières, des airs qui char-
lui
maient ses
oreilles.
vécu pendant plus de trente ans dans
J'ai
Millet, et je sais
que
bonne
cette
de
l'intimité
figure d'aïeule, de nourrice,
de consolatrice revenait toujours au cœur
et
du
à la pensée
petit-fils. Il
le
enfant qu'il entendait sa grand'mère s'approcher
était tout
matin de son François
petit
lit
si
:
oiseaux chantent
comme
l'amour de
la
comme
tu savais
la gloire
me
Millet
du bon Dieu
Tout
comme
adorait la volonté.
belle religion, puisqu'elle lui
en se détachant de tout, car sente les
pour soulager
ou
secourir J'arrive
les
Réveille-toi,
»
Et, en effet, sa religion,
sa religion se mêlait à
donnait
la
femme
force de tant aimer était
toujours pré-
pour excuser leurs
à des notes
fautes,
émanées de Millet lui-même.
pour moi
et
charmé par
ses causeries,
infligée je
;
mais
pour
de Paris, que le
temps
ne publierai de ces
me
Il
je le
ses souvenirs de jeunesse. Je possède
sa famille, à son pays, et de la souffrance et
ou
C'était là, ajoutait Millet,
son attache-
ainsi bien des pages écrites sous l'impression de
Cherbourg
les
l'œuvre du Créateur dont
«
la sainte
les autres,
donnait quand, entraîné
ment à
mon
les plaindre. »
ici
priais de fixer
«
ce qui était beau, grand, terrible
inexplicable lui apparaissait
une
!
:
y a longtemps que
il
disait plus tard,
le
nature.
elle respectait et
doucement
et lui dire
les
n'est pas récits,
mœurs
que
des villes
lui
la vie
avaient
encore venu de tout dire,
écrits
de
par Millet, que ce que
et
les
JEAN-FRANCOIS MILLET. convenances permettent d'en
livrer aujourd'hui.
i3
Quand
toute
une génération de contemporains aura disparu, on connaîtra
EMILIE MILLE T. (Dessin de
un
repli
du cœur de
la
collection de
M.
Frion.)
Millet qu'il nous est interdit de mettre à
nu, sa résignation, sa connaissance des
hommes,
et
combien
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
14
leur triste ignorance de ce qui est
bon
et
généreux
causait
lui
d'angoisse.
Voici
précieuses écrites par Millet sur son enfance;
les lignes
nous respecto-ns l'expression naïve
que
recte
parfois
a donnée à ses souvenirs
l'artiste
me
Je
«
et
rappelle m'être éveillé
médiocrement cor-
:
un matin dans mon
en entendant des voix de gens qui causaient dans
Parmi
j'étais.
voix
les
se faisait
il
le bruit
voix étaient celles des femmes qui filaient
La poussière de
nait toute seule
la fenêtre étroite et
du jour à
cette
ce rayon de soleil donner face
au
levant.
grand
lit
rouges
et
et
et
la laine.
le
un peu haute qui don-
chambre.
même
J"ai
revu bien des
la
chambre un raies
larges
retombant tout autour jusqu'à
et
fois
car la maison faisait
effet,
recouvert d'une couverture rayée de brunes,
d'un rouet
cardaient
y avait dans un des coins de
Il
chambre où
chambre venait danser dans un rayon de
la
qui entrait par
soleil
lit
une espèce de ronflement qui
s'interrompait de temps en temps. C'était les
la
petit
terre.
Il
y avait aussi une grande armoire de couleur brune adossée au
mur
entre
le
pied du
lit
et la
muraille où était
la fenêtre.
Tout
me revient comme un rêve bien vague, bien vague, et s'il fallait me rappeler, même un peu, les visages de ces pauvres
cela
fileuses, toutes
car,
quoique
monde,
je
mes
j'aie
ne peux
facultés seraient bien des fois insuiïisantes,
grandi avant qu'elles n'aient disparu de ce
me
rappeler que leurs
entendu prononcer depuis dans «
L'une
était
Jeanne. L'autre
souvent à le
la
une
était
maison
plus ancien de tous
bien petit
quand
j'ai
fileuse
les
avoir
famille.
vieille grand'tante à
une et
ma
noms pour moi qui
s'appelait
de profession qui venait
qui s'appelait
Colombe Gamache.
mes souvenirs.
très
C'est
Je devais être encore
reçu cette impression-là, car de
là
à des
J-fTJK
UNE PILEUSE. {
Dessin de
l.i
collection de
M'" Marguerite
Sensier.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i6
souvenirs un peu distincts,
me
il
semble
dû
qu'il a
se passer bien
du temps.
comme se fait
qui
me
Je ne
«
souviens que de
d'avoir entendu,
dans une maison,
chantait,
bruit
le
quand
;
m'éveillais, le va-et-vient qui
je
des oies, dans
les cris
du
sensations indescriptibles
dans
fléau
la
cour,
la
grange,
choses que mes oreilles entendaient constamment
coq
le
toutes
etc., et
dont
la
commune
il
ne
ressort rien de particulier.
Voici un petit
«
fait
un peu plus précis
:
avait fait fondre de nouvelles cloches,
deux anciennes ayant
enlevées pour faire des canons,
troisième s'étant trouvée
cassée
(comme
je l'ai
et la
Ma
ouï raconter depuis).
mère
été
avait eu la
curiosité d'aller voir les nouvelles cloches qui étaient déposées
en attendant qu'on
dans
l'église
dans
la tour, et elle
pagnée d'une
fille
m'avait
les baptisât
emmené
nommée
avec
me
voir dans
l'église,
de
qui
me
un endroit
monter
elle.
Elle était
accom-
Lecacheux, que
Julie
beaucoup connue depuis. Je me rappelle cie
les
avant de
comme
du
j'ai
reste
été frappé
j'ai
aussi épouvantablement vaste que
paraissait plus
immense qu'une grange,
et
aussi
beauté des grandes fenêtres en losanges de plomb.
la «
Nous avons vu
terre et
que
j'ai
les cloches,
aussi trouvées énormes, car elles étaient beau-
coup plus grandes que moi
;
aidé à fixer ce souvenir dans tenait à la s'était
main une
puis (ce qui a sans doute beaucoup
mon
esprit), Julie
clef très grande, sans
mise à frapper avec sur
avait rendu
qui étaient toutes trois par
la
doute
Lecacheux, qui de
celle
l'église,
plus grosse des cloches, qui
un son formidable, qui m'avait rempli d'admiration.
Je n'ai jamais oublié ce coup de clef sur la cloche. «
J'avais
beaucoup
et
un vieux grand-oncle qui
me
traînait partout
avec
était prêtre
lui.
11
;
il
m'avait
m'aimait
mené une
JEAN-FRANÇOIS MILLET. dans une maison où
fois
maison la
d'autrefois. Elle
une beurrée de miel de paon.
plume
Comme
je
comme
la
dans
mon
me
beaucoup de caresses, me donna
était âgée, et reste
dame
La dame de
assez souvent.
allait
il
x-j
fit
souvenir
marché, une
et,
par-dessus
me
souviens avoir trouvé
le
belle! J'avais été déjà émerveillé
le
type de
le
plume
belle
miel bon
en entrant dans
la
et la
cour,
car j'avais vu deux paons perchés dans un grand arbre, et
je
ne revenais pas des beaux yeux qui étaient sur leurs longues queues.
Mon
«
petite était
grand-oncle
me
commune annexée
une
sorte de
d'Eulleville.
Il
menait parfois aussi à EuUeville,
La maison où
à la nôtre.
me
il
demeure seigneuriale qu'on appelait
la
menait
maison
y avait une servante nommée Fanchon. Le chef
de cette maison, que
je
n'ai
jamais connu,
avait
goût de
le
rechercher certaines choses qui étaient alors des raretés, avait planté quelques pins. les
aurait fallu aller bien loin dans
Il
pommes
donc de temps en temps des
avait
m'arrive quelque chose, que, quand vivait pas.
me donnait qui me causait
de pin, ce
joie.
Ce pauvre grand-oncle
«
On
m'a
dit bien
une
m'étais
je
si
je n'étais
souvent tout
mençais à courir pas mal,
grande peur
qu'il
pas avec
il
cela.
lui,
Comme
sauvé une
pas,
il
la
mer.
En me
cherchant partout
avait fini par venir
du
appelé avec un et l'aperçus
sur
je
com-
fois
avec
me
mer
la
laisse
en
épouvanté, que
haut des
falaises,
je
me
me
il
au
trouvant m'avait
se retirant et
cherchais à prendre des têtards.
cri si le
ne
côté de la mer, et
aperçu penché sur des mares que dans lesquelles
et
ne
je
d'autres gamins, et nous étions descendus sur les rochers
bord de
il
en trouver autant. Fanchon
environs pour
une grande
et
Il
m'avait
redressai en sursaut
faisant les signes les plus
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i8
me
pressants de remonter au plus vite. Je ne
car
m'avait
il
une grande peur;
fait
autre endroit pour remonter que m'attendait,
il
pement des
falaises
Quand
«
m'y
je fus
forçait
une
j'avais
pu trouver un
le petit sentier
au haut duquel
si
manqué de
n'aurais pas
je
le faire
;
mais
me
lui,
voyant hors de
danger, se mit pour tout de bon en colère. Alors
chapeau à
comme
peau
et
village. «
mes
me
il
cornes
petites
suivait en
mit à taper avec sur
et se
jambes ne
me
me
tapant dans
vais t'aider à remonter
!
trois cornes.
»
il
me
pendant
la
Du
reste, ce
messe,
je
lui aie
je
donné.
me
quelque temps après,
était
genoux sous «
de
ma
comment
moindre
la
le
velléité
chose se
se réveillait à
il
été
paraît qu'une fois,
Il
de
me
taire; j'avais cessé
recommencé.
j'avais
bras pour
s'embarrassant l'acte
dedans)
fit,
est-il
me
mettre à
je
je n'ai
les
jamais eu
corrections
(mon pied sans doute
que son surplis
impie que
car
de regimber contre
qu'on m'a données; toujours
Accablé de
;
la nuit
lampe au milieu du chœur.
Je ne sais vie la
faire signe
venu me prendre par
la
je
babillais avec d'autres enfants; lui, de sa
un
instant, mais,
!
je m'affalaisais.
pour
il
Ah
pauvre oncle, toute
place, avait toussé
Alors
«
pas d'âge à bien apprécier une tendresse
je n'étais
tourment que
seul
:
par de pareils coups de chapeau, cela n'a pas
se manifestant le
disait
Cela m'avait donné une grande peur
chac[ue instant en sursaut, en criant que
Gomme
et,
ainsi jusqu'au
fit
11
suivante, eut les cauchemars les plus affreux
«
dos,
derrière tivec son cha-
le
chaque coup de son chapeau,
du chapeau à
mon
permettant pas d'aller bien
aussi rouge de colère qu'un coq.
A
prit son
il
encore très raide pour remonter jusqu'au
la falaise était
village, et vite,
trois
l'escar-
absolument. remonté,
fois
pas répéter^
le fis
se
trouva
venais de commettre,
il
déchiré.
me
laissa
JEAN-FRANÇOIS MILLET. me donner
sans
la
punition pour laquelle
retourna s'asseoir à sa place, où jusqu'à
de
fin
la
messe.
la
Je
il
monde
le
aucune
n'avais
le
une espèce de
ne balançait pas,
mon
avenir
ne serait pas possible. Le j'étais
mon
les
devenu
fait est
tout d'un
pu
trouble n'aurait pas
que
grand-
commise sur
commis
sur
un
sa
comme
à considérer
prêtre, lui
plus etïroyables choses.
Dire de quel air consterné toute la famille
«
ment
je crois,
sacrilège. \^n tel acte,
présager pour
faisait
mon
coup de son émotion) à
toute la famille l'abominable action que j'avais et qu'il
de
donc bien
fus
je
et
vif
espèce
rentré de la messe, lorsque
oncle se mit à raconter (encore sous
personne
mort que
resta plus
il
dérangé,
s'était
conscience de l'énormité que j'avais commise; étonné, tout
19
je
me
regardait
ne comprenais pas com-
coup un objet d'horreur,
être plus grand.
Là
et
que
bornent mes
se
souvenirs sur cette malheureuse affaire. Le temps a laissé tomber là-dessus sais
plus
si je
fus
"Voici ce
«
oncle
un coin du
:
voile qu'il étend sur toutes choses, et je ne
puni d'une façon ou d'une autre.
que
me
je
mon
de
c'était le frère
laboureur toute sa vie, qu'il avait, je
rappelle avoir ouï dire sur ce grand-
grand-père paternel.
et s'était fait
prêtre assez tard. Je crois
ne sais pas où, une petite cure quand
tion arriva. Je sais qu'il fut persécuté, car
venait des lequel
il
hommes
était
fouiller la
revenu,
trouvé
son
lit
«
pas eu
moyen de et
le
jour,
on
temps de
était pas, ils
Il
était
se faire
dans laquelle
Un
maison de
et qu'ils faisaient
façon la plus brutale.
il
était
j'ai
mon
la
Révolu-
ouï raconter qu'il grand-père, chez
leurs perquisitions de la
d'un esprit
très inventif.
Il
se jetait
au moment où on venait.
venu
brusquement que
:
avait
une cachette qui communiquait avec
si
se refroidir, et,
s'écriaient
avait été
Il
«
Si!
le lit
malgré qu'on leur si!
il
y
était, le
lit
n'avait
dît qu'il n'y
est
encore
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
20
chaud; mais
moyen de
aura trouvé
il
sortir! »
mirent, de rage, à bouleverser la maison,
Ils se
les entendait.
Il
après, s'en
et,
allèrent. «
disait la messe,
Il
encore
le
passée,
il
me
pouvait, dans la maison. J'ai
il
il
La Révolution
servait.
se
et faisait l'office
tous les matins à
Après son déjeuner,
«
Je
allait
le
chez son frère
était resté Il
il
plomb dont
calice en
la paroisse.
quand
de vicaire de
dire sa messe.
l'église
allait travailler
dans
champs.
les
souviens qu'il m'emmenait presque toujours avec
Arrivé au champ,
soutane,
ôtait sa
il
et restait
lui.
en chemise avec
sa culotte. «
avait été d'une force d'Hercule.
Il
Il
existe encore, et
devront durer bien longtemps, de grands murs
ils
qu'il avait faits
pour soutenir des terrains en pente. Ces murs sont d'une grande hauteur
cyclopéen. s'est
avec des pierres immenses. C'est d'un aspect
et bâtis J'ai
jamais
aider
fait
lourdes pierres,
pour
et
remuées,
être
naires, et encore « C'était
ma grand'mère et à mon père par personne, même pour placer
ouï dire à
en
il
la
est
un homme d'un
excellent cœur. la
parents ne pouvaient envoyer à l'école;
il
voisines,
Cela
latin.
plus
hommes
ordi-
leviers.
l'amour de Dieu, de pauvres enfants de
un peu de
les
ne
quelques-unes qui demanderaient,
coopération de cinq ou six
avec des
qu'il
fit
Il
instruisait,
commune que leur apprenait
crier ses confrères
des
pour leurs
même
communes
qui allèrent jusqu'à écrire contre lui à l'évèque de
Coutances. «
d'une et
lu
J'ai
autrefois,
lettre qu'il avait
dans laquelle
laboureur
;
il
dans de vieux papiers,
le
brouillon
adressée à l'évèque pour sa justification,
disait
que, dans la
chez son frère qui
qu'il vivait
commune,
il
se trouvait
était
de pauvres
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
21
enfants qui auraient été privés de toute espèce d'instruction; que la pitié qu"il
pouvait
;
en avait
l'avait
décidé à
qu'il priait l'évoque,
l'empêcher d'apprendre à
nom
au
autant qu'il
les instruire
de
de ne pas
la charité,
à ces malheureux enfants.
lire
le
Je
crois avoir ouï dire qu'enfin l'évêque avait consenti à le laisser
continuer. Belle complaisance, vraiment «
devenu
était
Il
plus vite
très pesant, et
ne voulait. Je
qu'il
entendu dire souvent
:
«
Ah
!
mort, j'avais environ sept ans.
me
!
marchait quelquefois
il
rappelle bien encore l'avoir
emporte
la
tête
11
est très
marque «
indélébile qu'elles laissent dans
mon
Toute
le
A
impressionné. choses-là. ((
Y
l'heure présente,
profondément
et
j'aime encore
Le jour que mon grand-oncle
fut
enterré,
On
j'entendais
disait qu'il fallait mettre sur le cercueil,
côté de la tête, quelques grosses pierres, et par-dessus deux
donne
d'embarras. Leur outil s'embarrasse d'abord dans foin, et, après,
il
«
Ce que
Toujours
signifiait ce
est-il
auxquels on
mon
de
tirer le
je
l'ai
de
empêche
corps hors de
langage mystérieux,
plus
la fosse.
su depuis.
qu'à dater du jour de l'enterrement, plusieurs
hommes de bonne armés de
la tête et
le
les bottes
se brise contre les pierres, ce qui les
de pouvoir crocheter
où
ces
manière dont
la
bottes de foin, car, disait-on, c'est là ce qui leur
et
toutes
crois-je? n'y crois-je pas? je n'en sais rien.
fallait l'enterrer.
du
de voir
et
enfance a été bercée de contes de revenants
qu'on parlait d'une façon toute mystérieuse de il
sa
fond du caractère.
de tout plein d'autres, qui m'ont vivement
et
A
curieux de se rendre
compte à soi-même des impressions qu'on a reçues la
!»
reste
le
volonté, joints au domestique de la maison,
faisait boire
fusils et d'outils
du cidre chaud, passaient
les nuits,
quelconques, pour surveiller
ffrand-oncle venait d'être enterré.
la fosse
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
22 a
Cette garde a duré,
temps passé,
disait-on,
toutes ces précautions
il
:
environ un mois. Après ce
je crois,
n'y a plus de danger. Voici
on
disait qu'il
y avait des gens qui
pour
saient profession d'aller déterrer les morts
savaient toujours
commune,
et ils
quand
ver de terre.
ils
On
enlevaient
le
mort hors de sa
soutenant sous
croupe
bras attachés autour de
toujours recouvert d'un
«
bien que
le
la
mon
à m'envoyer à l'école, et
jour de sa mort,
la
chemins. Avant de m'envoyer à la
me
je
la
dans une circonstance aussi grave, on ne
doute commencé à
mort en et
les
grand-oncle, on
servante de
venue m'y chercher, pour m'emmener à
les
le
se
manteau...
le
mort de
en
c'eût été
grand manteau, mais on voyait
Quelques mois avant
commencé
avait
si
du cavalier
la ceinture
pieds du mort qui passaient par-dessous
par
comme
pour l'engager à
saoul, l'apostrophant rudement,
et les
et,
déterré, recouvert
le
les bras,
mort.
fosse, sans enle-
mieux. D'autres en ont rencontré à cheval,
tenir
ils
avec une longue
était d'aller,
en a rencontré conduisant
d'un manteau, en
un homme
le
le
crocheter la tète du mort,
vis, à travers la terre et la bière,
faisant levier,
médecin;
s'empressaient de venir la nuit enlever
Leur manière de procéder
«
le
fai-
mort quelqu'un dans une
était
il
pourquoi
rappelle très
mes parents
est
maison, afin que,
me
vît
pas gaminer
on
l'école,
avait sans
maison à m'apprendre mes
lettres
et
peut-être à épeler, car les autres enfants trouvaient que j'étais
déjà bien savant. Dieu sait ce que voulait dire savant. «
midi.
Mon En
entrée à l'école eut lieu
arrivant dans la cour
la rentrée, la a
iiers
pour
où
première chose que
la
classe de l'après-
les enfants
je fis fut
de
jouaient avant
me
battre.
Les enfants déjà grandets à qui on m'avait confié étaient
d'amener à
l'école
un enfant qui
n'avait guère
que
six
ans
JEAN-FRANÇOIS MILLET. •et
demi
qui connaissait déjà ses
et
vaient grand
un de mon
avait pas
me
à
fort,
et
lettres, et,
23
de plus,
trou-
point qu'ils assuraient qu'il n'y en
tel
même un
âge, ni
ne s'en trouvait pas
11
voulu tout de
là
de sept ans, qui pourrait
ayant moins de sept ans.
suite savoir à quoi s'en tenir là-dessus;
donc amené un qu'on croyait des plus battre.
faut
Il
forts,
afin
mollement. Mais
et le
combat
je
faire battre.
On
prenait
un
Comme
une
Il
est bien
pareille insulte.
entendu que
On se
battait
fît
on eut recours au
gloire.
disaient
Ceux qui :
se battaient.
donc pour nous
»
demi
main
et
ne devait pas
Il
avaient pris parti, fallait qu'il
comme
je
me
et
il
a battu
y eût
viens de
le
couvris de
pour moi étaient joliment
Millet n'a que six ans et !
ils
fétu. Je fus le plus fort, je
étaient
de plus de sept ans
l'autre
la
donc pour tout de bon.
Les grands excitaient celui pour qui
un vainqueur. On :
qu'on
parie que tu n'oserais pas lui enlever ce fétu!
on ne séparait pas ceux qui
dire
fétu
disait à
abattait le fétu.
«
fortes rai-
on
et
on ne voulait pas passer pour peureux, on avançait
souffrir
on en a
se serait effectué assez
mettait en travers sur l'épaule d'un des deux, :
a
y avait un moyen d'intéresser l'honneur
il
de ceux qu'on désirait
l'autre
On
de nous faire
avouer que nous n'avions pas de bien
nous en vouloir,
sons de
et
me
battre. «
on
ils
fiers;
ils
un garçon
CHAPITRE
III
EDUCATION ET INSTRUCTION DE MILLET. SES TRAVAUX POUR SON PERE. SES PREMIÈRES TENTATIVES DE DESSIN. SES LECTURES. TEMPÊTES ET NAUFRAGES AU PAYS DE MILLET.
A
douze ans, François Millet
—
LA MER.
au catéchisme de
alla
l'église
de Gréville, pour se préparer à sa première communion.
Il
ne
pouvait rien apprendre par cœur, mais un jeune vicaire trouva
dans
ses réponses
un
tel
fonds de bon sens qu'il
ne voudrait pas apprendre
avec mes parents.
cela t'instruira. effet,
l'enfant alla
le
s'il
le latin
(vois-tu,
— Non,
répondit
je
veux
res-
lui disait le vicaire,
au presbytère avec plusieurs
village.
Selectœ e profanis,
le
remettre
— Viens tout de même,
demanda
»
compagnons de son sacrœ,
Avec
ne veux être ni l'un ni lautre, parce que
l'enfant, je
En
«
pourras devenir prêtre ou médecin.
petit), tu
ter
latin.
le
lui
vicaire dans le
traduisait
Il
et
il
VEpitome
petits
Jiistoriœ
arrivait souvent à l'enfant de
chemin de
la
vraie traduction, la
raison lui tenant lieu presque toujours de syntaxe. Il
eut
Les élèves
un jour une discussion à propos de et le vicaire
mort d'Argus, Junon
trouvaient que
avait
fait
don à
le
la
mort d'Argus.
texte latin disait qu'à la
ce personnage mytholo-
JEAN-FRANCOIS MILLET. gique des yeux que portait
que cela
seul, soutenait c'étaient les
comme
qu'il
les
porte encore.
plus
du paon
Une
et
que, au contraire,
autre
donna
ajoutait-il, elle les lui
mort? si
bien
petit entêté, dit le vicaire; tu
ne
bien,
nous ferons juge de cela M.
le
d'Argus,
ni
avait-il, puisqu'il était
Ah!
«
Mais l'épreuve ne
»
Argus en
preuve positive,
veux jamais céder. Eh curé.
un contre-sens
yeux d'Argus que Junon avait donnés à son paon;
car, disait-il, quel besoin
Et
paon, son oiseau favori. François,
le
était
25
pas tentée,
fut le
fois, Virgile
et
personne ne reparla
bon
vicaire se sentant vaincu.
lui
tomba sous
les
yeux. Quoique
traduit par l'abbé Desfontaines, ce livre, moitié latin, moitié français, le captiva les
A
Bucoliques ces
au point
qu'il
ombres descendent vers
comme
ceptibles
les
la lecture
Géorgiques s'étaient emparées de son
et les
beaux vers de Virgile
agité et
ne put en cesser
la
:
«
plaine
et
l'enfant
»,
pris d'attendrissement
travaux agrestes
le
les
esprit.
grandes tout
sentait
se
rendait per-
le livre lui
;
l'atmosphère au
de
milieu
âme.
laquelle grandissaient son corps et son
Quelque temps après,
où
C'est l'heure
:
vicaire, l'abbé Herpent, fut
nommé
cure d'Heauville, village situé à quelques lieues de Gréville.
à
la
Il
fut décidé
que
son instruction.
Il
le petit
irait
ne partit pas sans
s'accoutuma guère à tard, bien plus
François
cet exil. « Je
tristesse
me
perdu qu'Ovide chez
avec l'abbé continuer
du
croyais,
les
village et
me
Scythes.
disait-il
» Il
revint,
il
ne
plus
aux
Rois, chez ses parents, après avoir passé quatre ou cinq mois
chez lui
le
curé Herpent,
faire quitter la
s'éloignerait plus.
et
il
supplia tant sa grand'mère de ne plus
maison,
qu'il
Un nouveau
fut
décidé que François ne
vicaire était
survenu au
village,
l'abbé Jean Lebrisseux, qui voulut bien continuer l'instruction
de
l'enfant.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
26
Ce bonhomme aimait premier âge,
expansions
conduisait souvent chez
et le
homme doux
à le faire jaser sur ses impressions
maladif, qui
et
curé de Gréville,
le
encourageait l'enfant dans ses
confidences. L'écolier contait ainsi ses naïves
et ses
admirations pour
étonnements à
la nature, ses
vement des nuages,
ses pensées sur la
vue du mou-
la
profondeur des cieux
sur les dangers de TOcéan, ses lectures de la Bible gile
;
pauvre curé, tout ému,
et le
un cœur qui
enfant, tu as
ne sais pas
comme
donnera
te
tu souffriras
des environs, qui, passant par
un jour dans un long
vait.
nature,
la
il
et
il
dans
le prit
viens de dire,
mon
François parla,
la
campagne,
va, tu
l'homme
A
ses bras
le
poussait
Le professeur
et,
Il
à
l'emmena la
vue des
à lui confier ce qu'il éprou-
:
l'écoutait,
un moment, «
admirant
professeur l'écoutait
»
Toute
enfin,
;
il
la le
que tu journée quitta,
tout bouleversé, en disant, à son retour, qu'il avait trouvé
charmante que
la
L'instruction de Millet, continuée par
le
enfant dont l'âme
Lebrisseux,
était
était
aussi
interrompue par
souvent
P.
loin
que VAppendix
Jouvency,
être
et
il
de
Diis
et
bon
vicaire Jean
les
travaux des
pénibles soins de la culture
:
il
et se
Il
n'alla pas
Heroibiis poeticis du
dut abandonner Virgile.
un aide sérieux à son père
un
poésie elle-même.
champs, qui nécessitaient sa présence au hameau. plus
la
ravi et presque
C'est bien, tout ce
enfant; va^ va toujours.
et le
;
collège de Versailles, natif
jeune intelligence.
si
tournure poétique de ses idées. suffoqué,
Ah! mon pauvre
hameau de Gruchy,
le
l'excitait
L'enfant causait toujours
de Vir-
et
à retordre
fil
et
«
!
une grande promenade dans
choses de
dvi
«
:
entretien sur ses lectures.
fut frappé des réflexions d'une faire
lui disait
un professeur du
C'était aussi
du
Il
lui fallait bientôt
consacrer entièrement aux
était l'aîné
des
fils, et il
y avait
là
JEAN-FRANCOIS MILLET. un devoir que François accepta sans de son père
prit à travailler à côté
à faner, à le
gerbe, à battre en grange, à vanner, à répandre
lier la
un mot
la
à tous les ouvrages
des paysans. C'est ainsi qu'il passa des années,
la vie
compagnon de son père de
regret. C'est alors qu'il se
de ses serviteurs, à faucher,
et
fumier, à labourer, à semer, en
qui sont
o-
et
de sa mère dans
les
plus durs labeurs
campagne, n'ayant pour seule distraction que
de famille, sentant en
lui
un
les
réunions
nouveau qui bouil-
levain tout
lonnait dans ses veines; sans cesse occupé de tout ce qu'il voyait
devant
de mystérieux ou de sublime,
lui
de reproduire de souvenir ce qui
dans ce pays à
le
et
sa
sophie religieuse. Millet, jeune semblait sérieux, dévora la
:
prenait l'envie
charmait ou l'épouvantait,
grand'mère avaient apporté
hameau de Gruchy beaucoup de
maison paternelle
lui
paisible et terrifiant.
la fois
Son grand-oncle
lui
il
et
livres
de piété
aima à
de philo-
ardent à connaître tout ce qui
comme un
atïamé
les livres
de
la
Vie des Saitits, les Confessions de saint
Augustin, saint François de Sales, saint Jérôme, lettres qu'il
et
au
relire
toute
surtout ses
et
sa vie, puis les
philosophes
religieux de Port-Royal, et Bossuet, et Fénelon.
Quant à latin
âge
il
;
Virgile et à la Bible,
se familiarisait
livres.
Il
bien avec leur langage que, dans son
ne fut donc pas,
ignorant jusqu'à l'époque où
son instruction se
ment que par enfant
;
instruit,
et
la
toujours en
relisait
les
jamais vu de plus éloquent traducteur de ces
viril, je n'ai
deux
si
il
fit
il
comme on
l'a
vint à Paris; tout
vite, et plutôt
par
yeux
les
grammaire. L'orthographe
quand
il
arriva à Cherbourg,
rempli de lecture,
et
il
malsaine avec celle qui pouvait
il
raisonne-
familière tout
déjà
ne confondait pas lui profiter.
au contraire,
et le
lui fut
était
un paysan
écrit,
un homme
la littérature
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
28
Chez son père, au milieu de
commença
l'art
de
ses travaux, l'idée
De
à se préciser dans son esprit.
Bible lui donnèrent l'envie de les imiter,
la
pendant
le
temps du repos, après
une chambre de
le
vague de
vieilles et,
gravures
chaque jour,
premier goûter, seul dans
maison, près de son père qui sommeillait,
la
il
observait avec patience la perspective des paysages qui étaient
devant
lui. 11
dessinait le jardin, les étables,
mer pour horizon,
la
souvent
et
les
animaux qui
père, plus attentif qu'endormi, ne disait mot, redressait sur
le petit lit
dessinait François; puis
il
allait
et,
paissaient.
Le
quelquefois, se
doucement regarder
que
ce
retournait, content de l'occupation de
commençait à
enfant, qui
cet
et
champs avec
les
donner une idée nouvelle
lui
de son intelligence.
La mer
était
pour François Millet un Il
deur
lui était resté
l'épouvante.
Il
souvenir qui dura jusqu'à
la fois
son pays
que
simple
la
un de
sa vie. Je
donne
ici
C'était le jour
la
mer
de
la
une de style
était grosse, et ;
Toussaint. Le matin, nous avions vu
on
se disait qu'il
tout ruisselant d'eau
;
c'était
et
qu'il
homme du
un ancien
pour son grand courage. Aussitôt
du rivage
y aurait probable-
toute la paroisse était à l'église
messe, nous vîmes arriver un
revenait
un
:
«
la
de
pathétique l'horreur d'un sinistre qui désola
et
ment des malheurs de
et
des tempêtes de l'Océan
nombreuses impressions comme résumant dans son
ses
à
d'études
aurait voulu en reproduire la gran-
sensations profondes. et
sujei
avait
entré,
au milieu
village
matelot, il
;
:
il
était
bien connu
se mit à dire qu'il
vu plusieurs navires
qui,
poussés par un vent épouvantable, venaient infailliblement se briser à la côte. «
je
«
Il
faut leur porter secours, dit-il plus haut, et
viens dire à ceux qui sont de bonne volonté que nous
JEAN-FRANÇOIS MILLET. a
n'avons que
«
les
sauver,
le
temps de nous mettre à
grève en descendant nos
un
uns à
les
mer pour
Une cinquantaine d'hommes
w
Il
de
On
arriva à la
nous ne fûmes pas longs
falaises, et là,
spectacle épouvantable.
tâcher de
se présentèrent
vieux matelot.
suite et, sans parler, suivirent le
à voir
la
29
y avait plusieurs navires,
des autres, à une distance de trente ou qua-
la suite
rante brasses, qui
malgré eux avec une force
se dirigeaient
incalculable sur nos rochers. «
Nos hommes mirent
canots
trois
à la mer, mais
ils
n'eurent pas donné dix coups d'aviron qu'une embarcation fut
remplie d'eau
sombra une autre
et
;
fut
retournée par une vague
troisième se jeta sur la rive. Heureusement, personne ne
et la
périt et
on put regagner
On
la terre.
ne seraient d'aucun secours pour «
Pendant ce temps-là,
les
bien vite que nos canots
vit
malheureux en mer.
navires s'avançaient toujours
les
et
n'étaient plus qu'à quelques brasses de nos rochers noirs, cou-
verts de cormorans. vait
comme une
Le premier, qui
grosse masse, et tout
n'avait plus de mâts, arrile
voyait s'approcher; personne n'osait
monde
sur
la
grève
une parole.
dire
le
me
Il
semblait, à moi, tout enfant, voir la mort s'amuser à jouer avec
une poignée d'hommes pour «
les
Une vague immense
furieuse, enveloppa
le
écraser ou les engloutir. leva
se
navire
et
comme une montagne
l'apporta tout
puis une autre vague, encore plus immense,
On
à fleur d'eau. eut
mer et
un second
entendit
et le
se couvrit
le
près de nous,
lança sur
un craquement épouvantable;
navire fut à l'instant envahi par
les
y en
La
de débris de toutes sortes, de planches, de mats
Nos hommes
leur secours, et
il
eaux.
de pauvres gens qui se noyaient. Beaucoup nageaient
paraissaient.
un roc
le
se
jetèrent à la
vieux matelot à leur
tète
fit
mer pour
et dis-
aller à
de grands efforts
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3o
pour sauver
ou noyés ou
étaient «
naufragés.
les
La mer en
on
et
on
en ramena plusieurs, mais
rejeta
comme
cela plusieurs centaines, et avec
des vivres. Pendant bien des jours
et
pour
se rassemblait
tirer
déposait, toutes avariées
les
ils
brisés par les rochers.
eux des marchandises après,
On
de
la
par
mer le
ces tristes épaves,
marin, dans
sel
les
caves des maisons.
Ce
((
Il
pas
n'était
démâté. Tout
était
tout
monde
le
positivement tout plein,
un
:
et
nous
homme
vêtu de noir paraissait
que nos
falaises le
second sur
était
les
le
pont, qui en était
voyions tous à genoux
Une vague
les bénir.
porta vers nous.
navire approchait.
Il
lui
sans «
bouger.
le faire
Tout
monde
le
deux portées de et
remua
fortement qu'il ne
on
fusil
A
l'accosta.
monde. On mit
Il
nous sembla entendre une
était
à la
planches, des équipes,
comme pétrifié à
On
bon
pas à
n'était
il
put amarrer un canot
notre embarcation
mer un canot du et,
tint
sur la mer.
Teau, car
la grève.
l'instant
il
plus. Les vagues déferlaient sur
se jeta
de
un
plus grosse
secousse semblable à celle du premier navire; mais et si
et
remplie de
fut
navire,
en une demi-heure, tout
on
jeta
des
le
monde
fut
à terre. «
Ce navire
beaupré
s'était
La vague qui sa perte «
l'avait jeté sur les récifs l'avait ainsi
comme était
un hasard bien
rare
:
son
engagé avec tout son avant entre deux rochers.
Ce navire
pagnons
avait été sauvé par
préservé de
par un miracle. était anglais, et
un évêque. On
les
l'homme qui
bénissait ses
conduisit au village,
et
com-
bientôt
après à Cherbourg. «
On
revint bien vite à la grève.
en deux coups de vague
Le troisième navire
jeté .sur les brisants,
haché en
fut
éclats et
JEAN-FRANÇOIS MILLET. en débris de toute sorte.
On
ne put sauver personne,
cadavres de ces malheureux étaient «
y eut
11
comme
pas p>enser à toits,
emportait
il
en tuait
qu'il
Le vent
opposer.
lui rien les
Il
chaumes,
oiseaux
les
et
tous les
le sable.
un quatrième, un cinquième
cela
était furieuse.
sur
jetés
sixième navire, qui se brisèrent corps
La tempête
3r
biens sur les rochers.
et
ne
était si violent qu'il
enlevait il
un
et
fallait
couvertures des
les
tourbillonnait
rudement
si
jusqu'aux mouettes qui sont cepen-
et
dant accoutumées aux tempêtes.
On
«
passa
garantir nos maisons
la nuit à
les
:
uns cou-
vraient leurs toits avec de grosses pierres, les autres portaient
des échelles
et
des gaules
et
les
attachaient
maintenir. Les arbres pliaient jusqu'à terre
Tous
brisaient.
feuilles. C'était
champs
les
un épouvantable
revenus à
étaient
la
grève
;
toits
pour
craquaient
et
les
et se
étaient jonchés de branches et de fléau.
Le lendemain, jour des Morts,
«
aux
les
hommes
de
la
paroisse
couverte de morts
elle était
de
et
débris; on les emportait, on les rangeait au pied des rochers. «
On
vit
encore plusieurs navires
nos côtes. C'était une désolation, une
Les rochers
vait en sauver un. jetaient «
en miettes aux
En
mis à lever
put
comme
les brisaient
la
comme un monceau
voile et si
jusqu'à notre maison, où
«
du monde, on ne pouverre
et les
falaises.
cadavres. J'en pris une
les
fin
tous se brisèrent sur
passant près d'un renfoncement,
voile qui couvrait
pour
et
voilà que
je
je
vis
une grande
de marchandises. Je
me
une montagne
de
vis
grande peur, que
je
me
mis à courir
ma
grand'mère priaient
un navire arriva
encore. Celui-là, on
ma mère
et
naufragés.
Le troisième
sauver
une
jour,
petite
partie
de
l'équipage,
une
dizaine
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
32
d'hommes, qu'on
On
mutilés ou meurtris.
pendant plus d'un mois, «
Mais
On
mer.
les
«
les
rochers.
étaient
Ils
porta à Gruchy, on les soigna bien
les
et
sur
on
les
conduisit à Cherbourg.
pauvres malheureux ne furent pas quittes de
embarqua sur un navire qui
les
coup de mer
chercher
alla
Quant aux morts, tous
enterra en terre
au Havre, un
allait
périrent tous.
les prit et ils
pendant une semaine à
la
chevaux
occupés
furent
On
transporter au cimetière.
les
non bénie
les
on
;
les
pas bons
disait qu'ils n'étaient
chrétiens. «
une
Quelques jours après,
petite sculpture
je
me
«
que
Depuis,
je fis j'ai
aucune ne m'a de
sable
Quand ma mère me
la vit, elle
bien fort, se signa et m'ordonna de la reporter où
l'avais trovivée et larcin, ce
le
en bois qui venait bien certainement d'un
des navires perdus sur nos côtes.
me gronda
mis à ramasser sur
la petitesse
de demander pardon au bon Dieu de de suite, bien honteux de
mon
je
mon
action.
vu en mon pays bien des tempêtes, mais
laissé
comme
de l'homme
et
celle-là l'image
de
la
de
la destruction,
puissance des eaux.
»
CHAPITRE
IV
—
VISITE AU PEINTRE MOUCHEL. PREMIERS DESSINS DE MILLET. DÉCISION DU PÈRE DE MILLET. SA MORT.
LANGLOIS, LE PEINTRE DE CHERBOURG.
—
SES CONSEILS.
DE.MANDE d'uNE PENSION. LECTURES DE MILLET. CONSEIL MUNICIPAL ET DU CONSEIL GÉNÉRAL. DÉCISIONS DU
DÉPART POUR PARIS.
PAROLES DE MILLET SUR SON ÉDUCATION.
François passait ainsi sa vie au milieu des parents
cœur d\m pays qui
aimait, au et
toujours
paternelle.
devoirs de terre
dont
lisait
il
fils,
source de ses sensations,
dessinait sans songer à quitter la
et
n'avait d'autre ambition
11
la
était la
qu'il
que
celle
de tracer tranquillement son
maison
d'accomplir ses
sillon,
de remuer
senteur enivrait sa jeunesse. Sa vie, selon
lui,
la
devait
ainsi s'écouler.
Revenant un jour de dos voûté
et
Ce
fut
messe,
il
rencontra un vieillard,
retournant péniblement chez
la perspective et
vante.
la
du mouvement de
pour
d'un coup d'œil,
il
le
ou
prenant un charbon,
;
il
cette figure
fut surpris
courbée
et
de vi-
jeune paysan la découverte du raccourci
comprit
reculent, s'abaissent
lui
le
le
mystère des plans qui s'avancent,
se relèvent. il
;
11
revint vite à la maison, et,
dessina, de souvenir, toutes les lignes
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
34 qu'il avait notées
dans
parents rentrèrent de
modèle
—
et ce
l'attitude
la
homme. Lorsque
vieil
l'église, ils n'hésitèrent
premier portrait
Millet avait dix-huit ans
par
du
les
fit
pas à reconnaître
le
rire.
son père
:
ses
fut
profondément
révélation de cette aptitude imprévue.
On
agité
causa. Fran-
çois laissa compirendre qu'il aurait quelque penchant à se faire
Le père ne
peintre.
pauvre François, là; j'aurais bien
je
lui dit
et j'avais
grandissent
et je
Mon
je
ne
le
dans ce métier
pouvais; tu es l'aîné
trop besoin de toi; maintenant tes frères
ne veux pas t'empêcher d'apprendre ce que tu
Nous
as tant envie de savoir.
y gagner
te faire instruire
beau, mais
dit si
des garçons
si
«
:
vois bien que tu es tourmenté de cette idée-
voulu t'envoyer
de peintre qu'on
saurons
que ces paroles touchantes
irons bientôt à Cherbourg; nous
tu as vraiment des dispositions dans ce métier
pour
ta vie. »
François termina alors deux dessins qu'il avait imaginés.
Le premier
représentait
deux bergers,
au
l'un jouant de la flûte
pied d'un arbre, l'autre l'écoutant près d'un coteau où broutaient
des moutons;
comme ceux
les
bergers étaient en veste
de son pays;
le
coteau,
et
en sabots,
un champ avec des pom-
miers, appartenant à son père. Le second dessin représentait effet
de nuit étoilée
:
des pains qu'un autre recevoir.
non dabit
Sous illi
le
homme sortait d'une homme tout près de lui un
tatem tamen ejus surget,
On
voit
que
vu pendant
le
paysan
quod amiciis ejus et
dabit
était
illi
s'empressait de
déjà la grande portée de
sit,
Luc
:
Et
si
propter improbi-
qiiotquot habet necessarios.
presque un
lettré.
trente ans; c'est l'œuvre d'un
dirait le croquis
maison portant
dessin étaient ces paroles de saint
siirgens eo
un
l'art, ses effets
et
d'un vieux maître du xvil°
Ce
dessin, je
homme
qui connaît
ses ressources siècle.
l'ai
:
on
JEAN-FRANÇOIS MILLET. nommé
y avait alors à Cherbourg un peintre
Il
élève de l'école de David.
35
Mouchel,
donnait des leçons. Le père
Il
et le fils
deux dessins que nous venons
allèrent le voir et lui portèrent les
de signaler.
Mouchel ne «
les
eut pas plus tôt vus qu'il dit au père
Allons! vous voulez rire;
fait
je l'ai
bien qu'il y a
vu
serez
damné, pour
votre enfant
poussa
c'était
vois
je
n'a
il
Les Millet
»
je
affir-
l'ouvrage de François, que
et lui dit si
et
la carrière
:
Eh
«
bien, vous
longtemps, car
d'un grand peintre
l'étoffe
même
père
le
l'avoir gardé
Dès ce moment, l'y
père;
se résigner à le croire.
tourna alors vers
se
le
non, mais non;
impossible.
c'est
pas
là n'a
une grande maladresse de moyens, mais
là
mèrent avec tant d'énergie que
Il
qui est
répondit
IVlais si,
faire.
jamais pu composer cela;
Mouchel dut
homme
— — Mais
ces dessins à lui tout seul.
vous l'assure;
jeune
le
:
!
il
y a chez
»
de Millet
son père
fut décidée,
arrêta bientôt son entrée en apprentissage
chez Mouchel.
Ce Mouchel qu'à ce
titre,
il
mériterait
normands*.
artistes
bien
était
Il
plus étrange des originaux
le
une notice dans
avait été instruit
les
biographies des
au séminaire
marié à une bonne paysanne qui demeurait avec dans une
sur
où
vallée
petite
cultivait
il
peintre que les habitants de Cherbourg ont connu sous
«
une note
insére'e
Les beaux-arts viennent do
Dumoucel,
dit
année, samedi
bourg
ici
le
seul, sarbs
Mouchel, soir, 14
faire
dans
au Roule,
lui
Phare de
la
le
nom
Manche du
1
une perte sensible pour notre
artiste peintre, est
mars, à
et les livres
le
la suite
s'était
ne fournissant aucun
Cette notice n'ayant pas
le
nous reproduisons
et
son jardin, près d'un
I.
été' e'crite
rien
;
mort au Roule dans
d'une longue maladie.
sa
de'tail
de Mouchel, 9
mars 846 1
ville.
:
M. Bon
trente-neuvième
Il était
né à Cher-
8 octobre 1807. C'était un peintre d'un grand mérite et qui s'était formé
aucun maître que son propre génie. Esprit créateur, ne
s'inspirant
que
.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
36
moulin qui le tictac
brandt
pagne
lui appartenait, et
musical.
Il
Brauwer
et
les arts
en fanatique; Teniers,
étaient ses idoles.
animaux,
et les
à tête avec
aimait
dont on entendait de son atelier
et
il
un cochon dont
Rem-
aimait aussi la cam-
Il
passait des heures entières en tête il
prétendait
comprendre
le
dialecte
confidences.
et les Il
commençait avec une grande
facilité et
avec un certain
goût de grandes toiles qu'il n'achevait pas toujours. Les curés
de village
lui
lestement
et
demandaient des tableaux d'autel qu'il
qu'il exécutait
donnait gratis aux églises. C'était une espèce
d'anachorète au visage de saint Jean-Baptiste, illuminé
par l'amour de Il
des maîtres.
et
était dévot, puis se faisait libre-penseur, revenait ensuite
au giron de se
nature
la
l'église,
reculait
en
se
moquant des
prêtres, se
épouvanté de
ses libertés schismatiques.
mourir dans l'impénitence, ne voulant voir
Il
a
aucun
«
et se
fini
et dessinait
aucun
deux mois chez Mouchel.
conseil.
se bornait à lui
Il
il
Il
homme
copiait les gravures
Mouchel ne voulait
d'après la bosse.
de son imagination,
dire
:
«
lui
donner
Faites tout ce que
possédait au plus haut degré Fart de l'observateur et
homme, que
timent du beau. Les funérailles de cet excellent regrettent, ont eu lieu lundi matin.
Il
est cruel
le
sen-
tous ses concitoyens
de disparaître
si
jeune avec un
si
talent. »
Dans
le
numéro
publié à la
même
pas avec moins de mélancolie et
de ses
toiles à plusieurs églises
Dame-du-Roule,
il
date, le Journal de
ajoute que
Dumoucel
Cherbourg ne s'exprime «
a laissé quelques-unes
de l'arrondissement, entre autres à celle de Notre-
sa paroisse ».
Nous devons
cette
communication à l'obligeance de M. Feuardent,
et
nous ne
saurions trop l'en remercier, car, pour tout ce qui concerne la biographie de chel,
par
»
Millet resta
beau
confessait,
avec son curé, retournait au confessionnal
brouillait
noir
et affolé
nous avions vécu jusqu'à présent dans l'ignorance
la
Mou-
plus condamnable. (M.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
37
VOUS voudrez, choisissez chez moi ce qui vous à votre fantaisie, Il était
et allez
au musée.
»
occupé à copier, au musée de Cherbourg, quand domestique de
vit venir à lui le
qui
la famille,
père était dangereusement malade. Millet ne effrénée de
plaira, agissez
Cherbourg à Gruchy.
mourant d'une
que son
dit
qu'une course
fit
trouva son père à l'agonie,
11
cérébrale.
fièvre
lui
il
Il
pas
n'eut
consolation
la
d'entendre une dernière fois sa parole, de voir son regard se
tourner vers conscience;
la
même
les
plus
main.
sien
le
tête
le
:
frappée
était
était
sans voix
déjà perdue.
et
pressions brûlantes dont son
fils
d'un père qui ne touche
celle
même
de tous
pas,
les
comme
sans
et
ne sentait
Il
étreignait sa
sembla à Millet que son père mourait deux
Il
de deux morts funestes,
lui,
homme
pauvre
pour
fois
hommes,
et celle
Isaac expirant, au
vêtement de son enfant. Jean-Louis-Nicolas Millet
vembre
i835.
La
mourut
manquait à
clita.
douleur,
cet intérieur
homme
respecté
l'esprit
du
lieu n'y était plus, le fils
et l'art s'était
emparé de
s'occuper de peinture
et
Mon François, mon Jean-Louis,
«
père,
et
obéi des
:
ils
il
était
accablé de
lui. le
jeune paysan
s'ingénièrent à lui créer
un avenir. La
grand'mère eut vent de ces bruits :
no-
domestique. Tout désormais péri-
Les notables de Cherbourg ne voyaient plus
fils
29
François cependant tenta de diriger ce vieux fond patriar-
mais
cal,
le
famille n'avait plus son chef; elle ne pouvait
plus que décroître; la pensée d'un siens
Gruchy
à
et dit
un jour à son
faut accepter la volonté de
Dieu
petit;
ton
avait dit que tu serais peintre, obéis-lui
retourne à Cherbourg.
»
Plusieurs personnages lui firent dire de revenir au musée,
où on
lui
donnerait des commandes,
et ils l'assurèrent
qu'on
lui
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
38
faciliterait l'entrée
de
attendu
était
De
et fort
Langlois, premier peintre
comme
considéré
artiste'.
retour à Cherbourg, Millet suivit assidûment
conseils.
11
l'atelier
Il
y
n'avait qu'à se présenter.
il
:
Langlois qui,
de
de Gros,
la ville, élève
M.
de Tatelier de
lui aussi,
ne s'aventurait guère à
se bornait à lui faire reproduire
de
l'atelier
donner des
lui
quelques académies
de Gros, quelques copies des peintures du Louvre,
l'engageait à aller
au musée de
la ville
et
pour s'accoutumer aux
maîtres, disait-il. C'est à cette époque que Millet
un grand
fit
dessin au crayon d'un tableau de Jordaens, r Adoration des Rois.
Ce dessin
avait plus de six pieds de large sur cinq de haut.
copia aussi plusieurs toiles des peintres des xvi' cles-.
profit réel,
aucun principe
d'instruction.
Lucien-Théophile Langlois de Chevreville, né à Mortain en iSo3, fut en
1.
élève de Gros. il
avait
Comme
entra dans son atelier en 1822.
Il
voyagé en
Italie et
en Grèce. Langlois
fut
D'après Gabet,
bourg, et ville. Il
de
le
1"'
il
alla,
vers 1829, se fixer à Rouen.
octobre 1S41
il
fut
nommé
il
aimait à
le
X
et
En
de
i835
Normandie
:
en i83o,
2.
On
celle de
il
duchesse de Berry.
il
vint habiter Cher-
professeur de dessin au collège de la
exerçait encore ces fonctions lorsqu'il
on voyait h Saint-Patrice de
:
la
mourut au mois de septembre
cherchant bien, on retrouverait de grands tableaux de Langlois dans la
effet
rappeler,
d'abord un copiste déterminé
a reproduit plusieurs fois les portraits de Charles
En
et xvii" siè-
ne retira d'ailleurs de ses conversations avec Langlois
Il
aucun
Il
Mortain possédait de
Rouen un Ange
lui
1846.
les églises
une Assomption,
et
terrassant un mauvais génie. (M.)
a retrouvé dans la bibliothèque d'Alfred Sensier
un exemplaire du
cata-
logue du musée de Cherbourg (1870). Des notes marginales écrites au crayon font connaître
les
tableaux que Millet a copiés pendant cette période d'apprentissage.
Sans parler de ceux
qu'il a reproduits à l'estompe
et
souvent dans de grandes
dimensions, Millet, cherchant à se rendre compte des secrets du métier, aurait des copies d'après les peintures suivantes
:
Le Martyre de saint Barthélémy, de Schedone. La Mélancolie, de Jacob Vanloo. L' Ensevelissement du Christ, de Van Mol. La Madeleine, volet d'un triptyque attribué à Rogier Van Il
der
Weyden.
aurait en outre copié les petits anges d'une Vierge glorieuse,
école flamande, et
fait
de l'ancienne
un fragment de V Assomption de Philippe de Champaigne.
(M.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Une grande occupation pour
Millet, c'était la
lecture
il
:
depuis V Almanach boiteux de Strasbourg jusqu'à
tout,
lisait
Sg
Paul de Kock, depuis Homère jusqu'à Béranger;
aussi
lut
il
avec passion Shakespeare, Walter Scott, lord Byron, Cooper,
Faust de Goethe
le
et les
ballades allemandes. Victor
Hugo
Chateaubriand l'avaient surtout impressionné vivement. Le
emphatique de l'auteur d'Atala il
et
de René ne
trouvait sous cette forme maniérée
souvenir touchant de
tume de ses
vie
la
la famille
et
qu'il ressentait aussi.
son rythme de bronze
prophète.
11
la
Quant
mer
l'agitaient
été
nets de lecture de
lier
avec
Cherbourg passaient en
lettres.
se méfiant de dait qu'à peine
On
lui-même
était
il
déjà
un
C'était
des splendeurs
parole d'un
la
et
et
trois
entier sous ses yeux, esprit orné et fami-
de l'opinion des
aux questions qui
livres
de deux ou
pour
ne s'en apercevait guère, parce que,
qui devint son
M. Feuardent, dont un
lils
villes,
il
ne répon-
lui étaient adressées.
connu à Cherbourg un jeune commis de curait des
un
l'Homère du pays de France. Les cabi-
arriva à Paris
les
;
Hugo,
aurait voulu en rejeter toutes les exagérations
volumes, qui eût
pas
une amer-
à ^'ictor
et
style
passé,
et
comme
composer à son usage un Victor Hugo
et lorsqu'il
du
regret
le
de son pays
grandes peintures poétiques de
célestes,
lui déplaisait
et
11
avait
librairie qui lui pro-
compagnon
épousa plus tard
son ami.
et
la fille
aînée
de Millet. C'est ainsi
que
se
fit
l'instruction de François Millet, sans
autre maître que ses attractions, sans autre guide que sa logique naturelle. Voici ce qu'il
nous
disait pilus tard à
propos de sa
studieuse jeunesse. .«
on
Je n'ai jamais
dictait
:
fait
j'écrivais et
mon il
se
instruction par principes.
trouvait que
je faisais
A
l'école,
un devoir
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
40
mieux que
toujours; les mots
lire
Sans doute cela
autres.
les
et les
ma
passion de
tournures de phrases se gravaient
yeux que dans
plutôt dans les
tenait à
la
raison
et
je
les
reproduisais
instinctivement.
Je n'ai jamais suivi les
«
une leçon par cœur. Tout tres
moulées
et
aux
je
mier dessin il
encore
est
suivantes. Je calcule de tète
tel
maître
là
la
soustrac-
et
avec des
et
idées toutes faites en art,
modifier. J'ai été plus ou
les
de
telle
forme d'expliquer
l'art,
mon
pre-
au fond. Vous connaissez
rien modifié fait
au delà de
aller
ne comprends rien à
pas jugé à propos de
je n'ai
pu
ne peux pas rendre compte.
moins amoureux de mais
et je
appris
je n'ai
se passait à faire des let-
venu à Paris avec mes
Je suis
et je n'ai
temps
à dessiner. Je n'ai jamais
règles
moyens dont «
mon
mathématique
l'addition en tion
et
programmes; jamais
au pays, sans maître, sans modèle, sans guide dans
mon
atelier; je n'ai
jamais
fait
autre chose
depuis.
Vous ne m'avez jamais vu peindre que dans l'ombre
c'est la
demi-teinte dont
çante
me
et
maître.
le
me
besoin pour
cerveau
ca a
;
rendre été
:
vue per-
la
mon
meilleur
«
Le jeune la ville
débrouiller
j'ai
:
peintre de la
de Cherbourg.
On
campagne
faisait
s'entretenait
quelque bruit dans
de ses travaux
et
des
hardiesses de sa main. L'opinion générale était qu'on devait l'en-
voyer à Paris.
D'un autre
son élève
côté, Langlois voyait les progrès de
avec l'étonnement d'une poule qui a couvé un aiglon; sait s'exercer
à sa fantaisie, soit dans
composition de sujets bibliques.
Il
le
portrait, soit
il
le lais-
dans
la
se faisait quelquefois aider
par Millet pour l'exécution de tableaux religieux qui
lui étaient
commandés. On peut voir encore
Trinité, à
à l'église de
la
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Cherbourg, deux grandes scènes de Millet collabora avec Langlois, les
mains par exemple
et les
Cependant Langlois apprendre à Millet
41
pour des parties
fort délicates,
vêtements. bien
sentait
Conseil municipal de Cherbourg
pouvait
ne
qu'il
sa conscience le poussa
:
auxquelles
l'histoire sacrée,
à
:
Cherbourg, 19 août
A M.
le
maire de
de Cherbourg
la ville
et à
MM.
les
au
adresser
suivante
la pétition
rien
i8j(3.
membres
du Conseil municipal. Messieurs,
«
dessins
que
j''ai
rhonneur de vous
j'ai
placer dans la
fait
mon
dessins, faits entièrement par
prier de vouloir bien examiner trois
salle
ordinaire de vos séances. Ces
élève, François Millet, de la
commune
de Gréville, sont une première preuve de la continuation de son goût décidé
pour
les arts, et
un témoignage
d'entre vous, messieurs,
certain de ses rares dispositions. Plusieurs
connaissent déjà ce
recommandé. Votre digne président rement confié à mes soins
et,
;
rien à lui dire, ni à lui enseigner.
que notre
là.
me
Font
sous-préfet Font particuliè-
ma
encore quelques jours Il
et
mon
faudra à
direction, ses proet je
n'aurai plus
un
théâtre plus
élève
des écoles et des modèles que nous n'avons pas, enfin
cité,
laquelle sans doute
arts, sa
le
uniques de Paris pour étudier
les ressources
pour arriver
M.
depuis six mois, sous
grès ont été constants et rapides
vaste
et
homme
jeune
il
la
peinture historique, vers
appelé au nombre des pauci
est
elccti.
Mais, hélas
Millet n'a aucune ressource que son religieux
bonne conduite, une
amour
!
des
sérieuse et grave éducation et l'estime qui
entoura toujours sa famille. «
Fils de veuve,
maternelle
suffit à
nombreuse
et
et
dans
il
est
peine
et
l'aîné de huit enfants
positivement
le
secours dont
il
de
mon
et la
fortune
avec une économie infinie à alimenter cette
honorable famille. C'est eu égard
l'intérêt
en bas âge
pays que
je
à cette position, messieurs,
viens vous supplier, sinon d'adopter
jeune Millet, du moins de prendre l'initiative des premiers va avoir bientôt besoin
et
de
le
recommander
aussi à la
prochaine session du Conseil général du département, afin qu'il puisse être de cette manière demandé au Ministre de l'Intérieur une faveur particulière qui, en cette circonstance, et entourée de témoignages et de garanties aussi
honorables que
les
vôtres, messieurs, lui
serait
certainement accordée à
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
42
où
Paris, durant ses études, la fin
je
pense qu'il serait convenable de Tenvoyer à
de Tannée. 'Les premiers secours alimentaires dont le jeune Millet aurait besoin
(i
pour son
une somme de cinq ou
installation à Paris exigeraient
Mais soyez en bien
francs.
vous lui voterez,
ils
sûrs, messieurs,
ne tarderont pas à porter leurs
votre protégé lui mériteront la protection
Favenir
homme Dans
«
élève
et
vous
une place dans
d'oser vous assurer
et
pour avoir des premiers, en grand
fruits et les succès
cette occasion,
de
du Gouvernement.
Permettez-moi encore, messieurs, de soulever sans crainte
«
•
six cents
que soient ceux que
faibles
si
la
le voile
de
mémoire des hommes,
concouru à doter
la patrie
d'un
supplique aura un heureux résultat pour
mon
de plus.
l'espoir
que
ma
pour moi, veuillez
croire
à
être bien persuadés, messieurs,
notre
reconnaissance
que l'ingratitude
n'est
et
puissiez-
jamais compagne
de ceux qui consacrent leur vie à l'étude des beaux-arts et de la vérité. C'est avec la considération la plus haute et la plus distinguée
«
l'honneur
LANGLOIS,
«
Peintre d'histoire, anciea pensionnaire de l'Ecole des beau.\-arts
en Grèce
Le maire de Cherbourg faveur de Millet
I.
et
et le
M.
les six cents francs
M.
Conseil général de la
le
Manche qu'auprès du
reuse pension subit bien des péripéties
le
jeune
homme
même,
ragement ou secours, tale... »
Or
le
disait la délibération; la
au budget de
revint
la
sion et à
le
y avait
utilité
Manche, auquel on
Millet, lui avait refusé toute allocation.
des refus,
s'il
:
francs complétèrent la subvention.
«
i83S.
Cinq
Millet n'est pas
de lui accorder encoucaisse
départemen-
recommandé
la
Après bien des retours, des explications,
Conseil général accorda six cents francs pour sa part
dix voix contre dix (celle
du
avait pourtant
charge devrait en être subie par
Conseil général de
tant auprès
ministre de l'intérieur. Cette malheuelle
:
un membre
demandés. Le Conseil adopte à l'una-
maire à patronner
cents francs furent proposés, mais retranchés par la commission
de Cherbourg
ii
Puiel, président, sur-le-champ
nimité
invite en outre
en Italie',
Conseil municipal votèrent en
propose d'allouer à Millet il
et
pour servir à son éducation de peintre une
Cette lettre ayant été lue par
:
j'ai
dévoué serviteur.
d'être, messieurs, votre tout
ti
que
;
et,
après discus-
du maire étant prépondérante), quatre cents
Aux
budgets subséquents,
les
mêmes
scènes se
reproduisirent, et pendant deux ans encore, on put sauver la modeste pension de Millet.
(A. S.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
43
Manche
annuité de quatre cents francs. Le Conseil général de la
six cents francs, qui devaient se renouveler
y ajouta plus tard
jusquau complément de Finstruction du jeune Millet
m'a
de longue durée
son existence
;
subvention ne fut pas
cette
bien loin de pouvoir subvenir à
et qu'elle était
bientôt la petite pension de la ville de
même
se réduisit, et elle fut tés
que
dit plusieurs fois
artiste.
Cherbourg
supprimée en raison des nécessi-
municipales.
Ce
un grand événement pour
fut
voir partir François
qu'on
mère
disait aussi
pour vivre dans une
loin d'elle et
si
corrompue que
que de
la famille Millet
Paris.
La mère
l'accablèrent de conseils et de prières,
ville
grand'-
et la
pour que leur pauvre
enfant évitât toutes les séductions de cette Babylone
«
:
Sou-
viens-toi, lui répétait l'aïeule, des vertus de tes ancêtres; sou-
viens-toi
que
j'ai
promis sur
pompes
cerais à Satan, à ses te
voir mort,
mon
ordres de Dieu. Il
femmes à sans
la
passer,
à ses œuvres
les
la ville
((
J'ai
aux
infidèle
triste et inquiétante,
que
où
mère
et sa
comme
si
beaucoup.
un
Il
il
sa
devait Il
em-
grand'mère
à l'acompte de
se sentait
veuves
pour
années de sa vie.
sa
et qui, jointes
les
inévitable
de Cherbourg, complétaient une
six cents francs. C'était
tombé du
un but
captif, les plus riches
remirent en partant,
cette richesse,
mieux
de laisser ainsi ces pauvres
bien qu'il fût
qu'une étape
comme un
vention de
et
misères qui assiègent
portait avec lui quelques épargnes lui
j'aimerais
»
Paris,
n'était
;
que renégat
cher enfant,
merci de toutes
défense.
carrière,
et
enfiévré et désolé
partit
baptismaux que tu renon-
les fonts
la
sub-
somme
de
embarrassé par
trésor des Mille et une nuits lui était
ciel.
toujours eu devant moi
ma mère
et
ma
grand'mère
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
_,.4
mes bras
privées de
de
et
ma
pour moi un remords de
cœur
leur
me
de
savoir affaiblies
les
pu
pays, tandis que j'aurais
jeunesse. C'a été presque toujours
être leur
voir abandonner
un démon
vieillesse;
mais
maternel qu'elles n'auraient jamais supporté
était si
ma
profession pour
pas
leurs, ajoutait-il, la jeunesse n'a et
bâton de
malades au
et
me
familier
Et d'ail-
les aider.
de
la sensibilité
l'âge
mûr
poussait à Paris. J'avais l'ambition de
pour savoir tout ce qu'un peintre peut apprendre. Mes
tout voir,
maîtres de Cherbourg ne m'ayant pas gâté au point de vue de
mon et le
apprentissage, Paris était pour
Je suis parti
ma
voir sur
centre de la science
le
toutes les grandes choses.
musée de «
moi
cœur
le
route
bien enflé,
et
tout ce
que
devais
je
à Paris ne devait que m'affliger encore.
et
Voir des grandes routes droites, des arbres alignés, des plaines plates, des pâturages
me
si
riches en verdure et en bestiaux, qu'ils
semblaient plutôt des décorations de théâtre que de
nature!... Et soir, fut
Paris,
pour moi
la
enfumé,
noir, boueux,
plus pénible
comme
la
où
la
vraie
j'arrivai
un
plus décourageante
des sensations. «
Ce
fut
par la neige
;
un samedi de janvier que la
j'arrivai le soir à Paris,
lueur des réverbères presque éteints par
lard, la quantité
immense de chevaux
et
le
brouil-
de voitures qui se heur-
taient
ou
s'entrecroisaient, les rues étroites, l'odeur et l'air de
Paris,
me
portèrent à la tête
et
au cœur, au point de
quer. Je fus pris par une crise de sanglots que arrêter. Je voulais
être
plus fort que
ma
je
me
suffo-
ne pouvais
sensation et elle
me
me
au
dominait de toute sa puissance. «
Je ne parvins à arrêter
visage des poignées d'eau que «
Le
frais
me
retrempa.
mes je
pleurs qu'en
pris à
jetant
une fontaine de
Un marchand
d'estampes
la rue. était là.
•
JEAN-FRANÇOIS MILLET. je
regardais ses images en grignotant
pays. Les lithographies
me
ma
Devéria
et
Maurin en
femmes à
faisaient alors; cela
m"en
Paris
me
paraissait lugubre et fade.
à
un
hôtel garni
allai
où
filant
le
triste
soir
m'échapper à
me
nait et si
avec
en pleurant
Mais
et
mon
qu'il
était
tristesse
demeura,
et je
me
ce
avec
rituelle,
que
ma sœur
priant pour
que
trouvais
je
céleste.
ma chambre
n'était
levai et courus à l'air; la
du calme
et
de
la
volonté;
rappelai les plaintes de Job et la nuit
j'accostai
terreur de ne rien et
et
en laquelle
il
:
Que
fut
la
le
dit
:
est né.
C'est ainsi
la
pays, notre
maudit démon reve-
un nuage
me
Je
repris
et je
et
toiles,
réveil fut plus terrestre,
jour auquel je naquis périsse,
homme
le
entrée, je
semblait les voir s'enflammer
disparaître dans
venue
lumière
un
songeant à moi
me
fétide et sans jour.
mon
ma mère
grand'mère,
et
semblait
première nuit dans
revoyant
poussait devant de magnifiques
dans une gloire
qu'un trou
;
perdition de Paris. Puis
la
belles, si éclatantes,
«
ma
me
Pour mon
ma
passai
je
une sorte de cauchemar continuel
maison bien
leur toilette,
modes ou de parfumeur.
des enseignes de marchande de «
pomme du
dernière
déplurent fort; c'étaient des scènes de
grisettes décolletées; des baigneuses, des
comme
45
Paris; sans
comprendre à
le
maudire, mais
sa vie matérielle et spi-
aussi avec l'envie et la volonté de voir ces
maîtres dont on m'avait tant parlé
et
ques bribes au musée de Cherbourg.
fameux
dont j'avais entrevu quel«
CHAPITRE V SES PREMIERES IMPRESSIONS.
MILLET A PARIS. SES VISITES A MM.
dans
fut
GEORGE.
,
—
SON GITE CHEZ
AVENTURES MALHEUREUSES.
SES
Ce
D
le
arriva à Paris,
—
L.
M.
MALADIE.
courant du mois de janvier iSSyque Millet porteur de plusieurs
était
11
de recom-
lettres
mandation pour des amis ou des parents d'hommes influents de Cherbourg.
Il
prendre en pension
d'éventails, qui devait le
D..., fabricant
mais on sembla
;
imposer quelques conditions assez menaçantes pour sa
lui et
d abord chez M.
rendit
se
il
en déclarant
partit
porta une seconde qui
lui
proposa de
entrer dans
faire
condition? question?
—
C'est
imposait que
prendre chez
le
un
atelier
que M.
je n'ai
pu
prends; restez chez moi, "Voilà
donc
Millet assuré
qu'à chercher
De
là,
il
du
lui,
et
grave
—
D...,
Pourquoi auquel
me
là,
—
«
si
Sans
c'est ainsi, je
m'en
com-
vous voulez, sans aucune condition.
du
travail et
gîte et
un
de
la
le
faites-vous cette
j'avais été adressé,
— Ah!
il
et établi,
de chercher à
de peintre en renom.
accepter. si
aucune. De
homme
à M." L....,
lettre
dit Millet.
lui
»
qu'il n'en accepterait
liberté,
nourriture
:
il
»
n'a plus
maître.
va chez M. George, alors expert des musées
JEAN-FRANÇOIS MILLET. royaux,
rue
auquel
Traversière-Saint-Hoiioré,
recommandé. George sait faire. Millet
47
avait
il
demande
raccueillc bien et lui
été
ce qu'il
déroule alors son grand diable de dessin, sur
papier, qui pouvait bien avoir six pieds de haut. George, étonné,
montrait à des amis
le
s'écrièrent
vince «
:
«
et
à des élèves qui se trouvaient là
Nous ne savions pas qu'on pût
C'est fort bien, répétait
vous présenterai à des
M. George
manquer
d'y obtenir
sera pas long.
vous
je
;
un
vous
artistes célèbres, je
prix, et
du
train
ferai entrer à
où vous y
ne
allez, ce
«
l'intention de revenir voir
M. George
;
Il
avait certaine-
mais en chemin,
songea à l'École des Beaux-Arts, au concours dont l'expert avait -parlé et à la discipline qui devait s'emparer de tous
lui
ceux qu'on enrôlait dans une çonnais
me
les obligations,
pouvais voir sans
combien aussi
il
me
cette façon d'étudier
école.
«
paraissait
Tout
cela,
M. George; qui
;
je
ne
je
il
serait ditîicile
de
lui faire
comprendre que
en joutant avec d'autres, inconnus à moi,
et
lui fut
en
effet,
il
»
Bref,
pour
n'y retourna plus et lui laissa son des-
renvoyé plus tard.
Le voilà donc revenu chez M.
n'avait
soup-
avec ses hésitations, Millet résolut de ne plus aller chez
finir
quième
je
une contrainte que
d'habileté et de promptitude, m'était antipathique.
sin,
dont
me disais ensuite combien M. George paraissait sur de me guider, combien
effroi
avait été accueillant,
en
musées,
vous ne pouvez
et
Millet le quitta en lui laissant son dessin.
il
en pro-
rester avec
faut
il
ferai voir les
où vous concourrez
l'École des beaux-arts,
ment
qui
»
!
moi, vous y avez un grand intérêt; je
faire cela
et
étage,
dans une
pour vue que
les
petite
L...,
où on
chambre bien
toits et les
le
casa au cin-
proprette,
cheminées d'une cour.
qui Ici
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
48
une causerie de Millet que
se place
Elle ressemblera à
Je la reproduis fidèlement.
necdote à
Quand
je
du jeune
me
peintre
commençai à entrevoir
me
:
la vie
et
en face d'une croisée
demain,
pas mesurés. Cependant
comme
glace,
la
le
je
déjeuner
une
mon
déjeuner,
part de fromage de Brie, d'un petit pain, de
semblait que «
disais
un
quart au plus
peine
:
mal
élevé,
chose,
je
cirés et relui-
mais
si je
vais
composé d'une
quelques noix
et
Il
me
je
me
repas d'un enfant.
le
le tout,
me
mets à
mourir
de
mais
comme un
Si je ne laisse rien, je serai regardé
être
Je des-
rempli de vin.
était
J'aurais bien eu l'appétit de dévorer
petite
cette
c'était à
le
l'air, le
table recouverte d'une toile cirée
aussi éclatante, et sur cette table
d'une bouteille dont
et je
dormis. Le len-
était prêt.
une chambre à carreaux
cendis, et je vis dans sants
que
la servante m'avertit
étroite,
froide et rétrécie de Paris
couchai en pensant à notre existence des champs, où
feu, le logis n'étaient
et
sorte d'a-
trouvai dans cette petite case, disait Millet,
devant une cheminée de marbre je
une
Lesage, entremêlée d'impressions brûlantes où se
la
décèle déjà l'âme «
sous sa dictée.
écrite
j'ai
glouton
demi-ration de
la
faim.
Cependant
la
réflexion l'emporta sur l'appétit et je sortis encore tout affamé. «
Comme j'avais
tins,
allant dîner
ce repas de chartreux se renouvelait tous les
une
fringale
permanente que
dans des gargotes où mangeaient
je
n'apaisais qu'en
les
cochers de fiacre
dont un m'avait un jour reconnu pour un pays entraîné dans une salle de «
Cette existence chez
marchand de
M.
L...
me
et
m'avait
vin.
pesait bien fort
;
M'"^ L...
était
une femme de mauvaise humeur, qui m'engageait à
voir
les
beaux spectacles de Paris,
des étudiants
et
me
reprochait
ma-
les belles
aller
danseuses, les bals
mes manières gauches
et
ma timi-
JEAN-FRANCOIS MILLET. dite.
me
Cet intérieur
un jour à
les quais. J'allai
me
cohue bousculante joie
de nos campagnes «
mon
Le
soir,
dégoûtèrent
lourde
la
mansarde froide
la
nue de
et
En
recourais au musée.
je
de Cherbourg, j'avais remis à
mes hardes, mon
mieux
j'aimais
:
danses de cette
les
vrais ivrognes de nos pays.
et les
lendemain
hôte, et le
trouvais bien que sur
Chaumière;
la
revenais dans
je
me
glaçait et je ne
49
arrivant
une malle qui renfermait
M'"''L...
En un
linge et quelques centaines de francs.
mois, j'en avais dépensé cinquante environ en
dîners
et
en
images. «
Un
matin,
francs. Elle
que
si
on
me
je
demandai à
répondit par une scène terrible, en
réglait
justement
qui lui devrais de l'argent tant de
une avance de cinq
M""^ L...
services qu'ils
les
;
comptes,
c'était
qu'elle et son
me
disant
assurément moi
mari m'avaient rendu
beaucoup
dépassaient de
somme
la
qu'elle avait à moi. «
que
je
— Je sais bien, madame, dois
beaucoup à
cette dette-là se «
que
que
Et
je la jetai
mains
sur
la pièce
la table
— Eh bien! maintenant nous sommes
«
Je m'en allai n'ayant sur
d'ouvriers
où
Pendant l'on
moi que
trois jours, je
voulut bien
à lui répondre,
n'avais pas l'idée que
je
«
je portais.
je
»
j'avais entre les
demandée,
iiasardai-
mais
iM. L...,
payât en argent.
comme
j'avais
me
me
de cinq francs
en disant quittes,
:
madame.
»
trente sous et les habits
me
réfugiai dans
faire crédit;
mais
je
un
garni
tenais à
payer mes repas qui ne dépassèrent pas mes trente malheureux sous.
J'attendais
m'adressa en
effet
que M.
une
avait eu lieu, et dont
que
je
lettre il
L...
où
vînt il
me
s'expliquer
lui,
11
disait qu'après la scène qui
était très affligé, je
ne pouvais revenir chez
avec" moi.
mais
devais comprendre
qu'il
ne cesserait de
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
5o
m'estimer, de s'occuper de moi
me
de
et
voir
comme
par
le
passé, et qu'il ne manquerait pas de m'indemniser de l'injustice
de M"" et
me
L..., enfin qu'il
de venir
priait
voir à son bureau
le
de ne conserver aucun mauvais souvenir de ce qui
donc trouver M.
passé. J'allai
mais ne
tions,
me
L...
renouvela ses protesta-
Il
Sa femme
rendit rien.
s'était
était
trop la maîtresse
y pût quelque chose. II parvint cependant à payer un terme de mon loyer, trois mois après, c'est-à-dire une cinquan-
pour
qu'il
taine de francs. M'"' L... ayant appris
mari,
me
bien piteux, en
déplaire à sa
Voilà
«
dant
il
malade
un
comment M.
les
sens
me
couché dans un
me
mes
visites
voir son
ce qu'il
fit,
pour ne pas
femme.
jours. Je
pensée
rompre avec moi,
priant de cesser
me
L...
Une
à toute extrémité.
et
j'étais allé
protégea.
Plus tard, cepen-
un retour de commisération. Un an
eut
perdre tous et
d'avoir à
elle lui signifia
que
j'étais
;
réveillai
lit,
et
après,
je
tombai
fièvre inexplicable m'avait fait
comme
en léthargie. Je fus ainsi vingt
dans une campagne, sous des arbres,
entouré de gens inconnus. Peu à peu
la
revint, puis après les forces, et je ressuscitai. J'étais
M.
chez un ami de
L..., qui m'avait fait transporter à
Herblay,
près de Montmorency. Je fus bien soigné; nous étions en juin,
au moment des dans
le
aussitôt
jardin,
rompu
beaucoup
:
foins.
je
et
A ma
voulus
me
première journée de promenade
mettre à faucher, mais
je
sans connaissance. Cette incapacité
je n'étais
plus un
homme
de
la
campagne
retombai
me
peina
et j'en étais
humilié. Je rentrai bien vite accablé de chagrin, mais en quel-
ques semaines
je
guéris tout à
rendu ce service. Comment su, car plus je ne « J'ai
l'ai
et
fait.
C'était
M.
L... qui m'avait
par quel moyen? Je ne
l'ai
jamais
revu.
cherché souvent à m'expliquer
la
conduite de M"" L...
JEAN-FRANÇOIS MILLET. et sa colère,
mais
je n'ai
pu y parvenir. Un jour pourtant, ayant
rencontré son domestique, voici ce
que vous avez
bon enfant
te
sieur,
«
ce qui se passait?
<(
livres bien extraordinaires.
«
pour une dame
«
blas et d'autres romans.
«
dans
!
été
madame
effet
caractère
!
me
dit
Oh
!
elle
«
:
Ali
!
mon-
Vous ne voyiez donc pas lire
un
tas
de
a de drôles d'occupations
Je trouvais tous les jours dans sa ruelle Faii-
Millet
féminin.
avait rencontré au
Putiphar.
e^u'il
n'en finissait pas de
Il
ses lectures, ajouta-t-il
En
5i
faut croire
en
que vous
la
dérangiez
riant. »
n'avait rien compris aux étrangetés de ce
On
entrevoit la vérité.
début de
la
vie
Comme
Joseph,
il
une nouvelle femme de
CHAPITRE
VI
LE LOUVRE ET LE LUXEMBOURG.
— MILLET A LA RECHERCHE d'uN MAITRE. ENTRÉE CHEZ PAUL DELAROCHE.
IMPRESSIONS ET JUGEMENTS.
Dans
«
fixe était
les
premiers jours de
de voir
le
me
moquer de moi,
faire
arrivée à Paris,
vieux musée. Je sortais dès
cette intention; mais, n'osant
de
mon
à
ma
rencontre. Je
j'errais à
me
que
la
la
beau
première
fois,
suis
musée viendrait de
je
me
je
trouvai sur
monument que
je
le
et
et la
montai
Pont-Neuf où de
comme
là j'aperçus le
grand escalier avec
l'œuvre
J'avais bien auguré de ce
que
je vis.
un magnifique
Louvre, d'après
m'y
les
précipitation de quelqu'un qui atteint «
et
médiocre. Enfin, sans savoir comment,
crus reconnaître pour
le
vis m'apparaître,
Le Luxembourg me sembla un
descriptions qui m'en avaient été faites. Je suite, et je
le
trouvai moins belle
la
mais trop régulièrement beau
d'un inventeur coquet
lui-
perdu plusieurs jours en
Notre-Dame. Je
cathédrale de Coutances. palais,
matin avec
Taventure, marchant tou-
cherchant. C'est en quête du musée que
pour
idée
demander mon chemin, de peur
jours devant moi, dans Tespoir que le
même
le
mon
les
dirigeai tout de
battements de cœur
un grand Il
but.
me sembla que
je
JEAN-FRANÇOIS MILLET. me trouvais
en pays de connaissance, dans une famille où tout
ce que je regardais m'apparaissait visions.
comme
sais; et j'y revenais sans cesse.
mon
Il
y
avait des
je
d'un saint Sébastien quand
me je
et
puissance incomparable.
Ils
vous
modelés de
:
comme
les
percé des flèches
au corps
jettent
quand
homme
Michel-Ange qui représente un autre cliose
;
charme décomposition.
des magnétiseurs;
obsèdent. Mais,
les
de ferveur
et
regardais les martyrs de Mante-
comme
douleurs qui
leur
sentais
gna. Ces maitres-Ià sont
les
unique occu-
Les primitifs m'attiraient par leur
par leur science
moments où
de mes
observais, les analy-
je les
expression admirable de douceur, de sainteté Italiens,
réalité
la
Les maîtres furent pendant un mois
pation du jour. Je les dévorais tous,
grands
53
je
ils
ont une
les joies
ou
vis le dessin de
évanoui, ce
fut
bien
l'expression des muscles détendus, les méplats, les cette figure affaissée
sous
souffrance physique,
la
me donnèrent toute une série d'impressions je me sentais comme lui supplicié p^ar le mal. J'avais pitié de lui. Je souffrais de ce même corps, de ces mêmes membres. Je vis bien que ;
celui qui avait fait cela était capable, avec
personnifier C'est
tout
le
bien
J'en avais
dire.
Cherbourg; mais de celui qui «
me
mal de l'humanité.
et le
là je
hanta
Je vis ensuite
p»ar
le
cœur
et
Tinvention
je
A l'exception
trouvai grands par les
et la richesse
du
cire,
des costumes de convention,
dans l'invention «
et
à
des
gestes,
coloris, je ne trouvai
rien de remarquable. Partout ne m'apparaissaient
de
Michel-Ange.
vie.
musée du Luxembourg.
le
de
j'entendais la parole
ma
fortement toute
tableaux de Delacroix, que
grands
C'était
figure,
vu déjà des gravures médiocres
touchais si
une seule
que des figures
une fadeur repoussante
et l'expression.
VÉlisabetli
et
les
Enfants
cf Edouard
de Delaroche y
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
54
étaient exposés.
ces tableaux ne
On me destinait à me donnèrent pas
voyais que de grandes vignettes table émotion, et partout C'est le
Luxembourg
quoique
je
pour et
que
part et je
me
j'ai
l'art
de théâtre sans véri-
pose
et la
mise en scène.
du
théâtre, et
toujours eu une répulsion décidée
peau d'un autre,
que
un peu vu
les
gens de ce
monde
à
convaincu qu'à force de chercher à se mettre
suis
personne à eux-mêmes, rôles et
la
effets
des drames célèbres qui se jouaient
fi
j'ai
des actrices. Depuis,
la
voyais
je
n'y
exagérations, les faussetés, les minauderies des acteurs
les
dans
des
tous
:
désir d'y entrer. Je
le
qui m'a donné l'antipathie
n'aie pas fait
alors, je dois dire
et
de Delaroche
l'atelier
ils
n'avaient plus conscience de leur
qu'ils
sens
la vérité, le
ne parlaient plus que
commun
et le
comme
leurs
sentiment simple de
plastique les abandonnaient. «
Il
faut fuir « Il
Paris
et
me semble le
que, pour faire de
l'art juste et
naturel,
il
théâtre.
y avait des moments où j'avais grande envie de quitter
de retourner à
mon
village, tant je
m'ennuyais de
la
vie solitaire que je menais. Je ne voyais personne, je ne parlais
à
âme
qui vive;
je
n'osais m'enquérir de rien, tant je craignais les
moqueries des gens, j'avais la gaucherie affligé lorsqu'il
chose
la
«
et
que
me
j'ai
faut
toujours gardée
et
lieues en
comme mon
je
me
sens la
donnait des visions, garni,
je
une
traite et
oncle Jumelin,
de dire à
ma famille:
c'en est fini de la peinture »; mais
m'avait accaparé. J'y revenais
mon
dont
aborder un étranger ou demander
J'avais bien envie de faire,
Je reviens,
me
et
;
plus ordinaire.
mes quatre-vingt-dix «
pourtant personne ne s'occupait de moi
et
et je
quand
je
m'y
me
le
Louvre
consolais. Fra Angelico
trouvais
le soir seul
dans
ne voulais plus penser qu'à ces doux maîtres qui
JEAN-FRANÇOIS MILLET. ont
noblement
faite si
On
«
créature
la
fait
fervente qu'elle en est belle,
si
et
a dit que j'avais été très préoccupé des maîtres
même
eu
J'ai
de
Mon
comprendre
ses
faisait
tures déshabillées
femmes de
talent,
provocants
sujets
femmes, sans songer combien tout
Boucher ne
goût n'a jamais
répulsion très prononcée pour
la
Boucher. Je voyais bien sa science, son vais
du
moi des pastiches de Bou-
de Watteau. C'est une erreur.
changé.
qui Tont
et
belle qu'elle en est bonne.
xvni" siècle, parce qu'on a trouvé de
cher
55
et
mais
ne pou-
je
voir ses
cela était d'une
tristes
pauvre nature.
pas des femmes nues, mais de petites créa:
ce n'était pas la plantureuse exhibition des
Titien, fières de leur beauté jusqu'à en faire parade,
jusqu'à se montrer nues tant elles étaient sûres de leur puissance.
A
cela
n'y a rien à répondre
il
c'est
fort,
bon. Mais
grand par
;
ce n'est pas chaste,
mais
l'attraction féminine, c'est de l'art, et
pauvres dames de Boucher, leurs jambes
les
c'est
du
fluettes,
leurs pieds meurtris dans le soulier à talons, leur taille amincie
sous
le corset,
cela
me
tant
au musée,
qu'il
repoussait.
s'était
dable
leurs
et
je
mains Devant
me
amusé
qu'il
inutiles, leurs gorges exsangues, tout
Diane de Boucher, qu'on copie
la
figurais voir des marquises de ce
à peindre
dans un but peu recomman-
déshabillées
avait
et
son atelier transformé en paysage. Je chasseresse des Antiques, distinction de formes. «
Boucher
Watteau non plus
n'était
Boucher pornographe, mais
me
belle,
si
de l'expression coulisses
et
jusqu'à
condamnés à
rire.
la
si
pas
placées lui-même
me
et
de
la
plus haute
qu'un entraîneur.
mon homme. Ce
n'était
un petit monde de
charme de
les
pas
le
théâtre qui
la palette et la finesse
mélancolie de ces
Cependant
dans
reportais à la Diane
noble
n'était
c'était
peinait. J'y voyais bien le
temps
bonshommes de
marionnettes
me
rêve-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
56
me
naient sans cesse à l'esprit et je
troupe
dans une boîte après
allait rentrer
que toute
disais
cette petite
spectacle et y pleurer
le
sa destinée. «
J'étais plutôt
parce qu'ils et je le
ma
semblaient très
Lesueur a germé en moi
forts.
comme
trouve une des grandes âmes de notre école,
le
philosophe, sans cesser
prophète,
le
sage
metteur en scène
le
plus éloquent. Je pourrais passer
Poussin en d'être
me
occupé de Lesueur, de Lebrun, de Jouvenet,
est le
vie face à face avec l'œuvre
et le
du Poussin que
je
n'en serais pas
rassasié. «
Enfin
je
Standish, aux dessins, les toiles
dans
mon
et
attention se portait toujours sur
qui expriment justement et fortement. J'ai aimé Murillo
ses
portraits,
Centaures. tout
musée espagnol, au musée
vivais au Louvre, au
J'ai
Ribera dans son Saint Barthélémy
aimé tout ce qui
était
puissant
et j'aurais
Boucher pour une femme nue de Rubens. Ce
tard que
j'ai
connu Rembrandt
m'aveuglait. Je pensais qu'il
dans
il
:
ne
fallait faire
homme.
me
n'est
ses
et
donné
que plus
repoussait pas, mais
des stations avant d'en-
connu Vélazquez,
si
recherché aujourd'hui, que par ÏInfante du Louvre. C'est
là
trer
le
génie de cet
certainement un peintre de race, ses compositions
me
« Il
il
et
du sang
le
plus chaud, mais
semblent nulles. Apollon chei Viilcain
bien faible d'invention peintre reste et
Je n'ai
;
ses
est
Dévideuses ne dévident rien. Le
est fort.
Je n'ai jamais tenté de faire
m'a semblé qu'une copie
était
une copie de tous ces maîtres.
impossible
et qu'elle
ne pouvait
avoir ni la spontanéité ni la chaleur de l'original. ti
Un
jour cependant
je
restai
Concert champêtre de Giorgione trois
heures passées
et
;
je
toute la journée devant
ne m'en lassais pas.
machinalement
je
pris
une
Il
petite
le
était
toile
JEAN-FRANÇOIS MILLET. d'un camarade
et
heures sonnèrent à
la porte,
mais
m'avait donné
j'en
On ferme un
avais ébauché
Quatre
tableau.
le
me
mit
pour
me
des gardiens
»
frottis assez net
d'une bonne partie de campagne. Giorgione
champs en son paysage
clef des
la
une copie, pas
tenter
à ébaucher «
:
pour me consoler avec
profité
de
et le terrible
comme
divertir
me mis
Je
5;
même
lui.
et j'en
avais
Depuis, point ne m'avisai de
de moi par moi
je
:
suis incapable
cette besogne.
Après Michel-Ange
«
mière inclination pour
comme
les
Poussin, j'en suis resté à
et
l'enfance, à ces expressions inconscientes, à ces êtres qui
patiemment sans
humaine que ce
pre-
maîtres primitifs, à ces sujets simples
ne disent rien, mais se sentent surchargés de frent
ma
et
soit.
n'ont
cris,
même
ou qui
la vie,
souf-
sans plaintes, qui subissent la
loi
pas l'idée d'en demander raison à qui
Ceux-là ne faisaient pas de
l'art
révolté
comme
de
nos jours. Enfin,
«
trant
dans un
gnaient
:
il
fallait se
décider à apprendre son métier, en en-
atelier. Je n'avais
Hersent, Drolling,
pas idée des peintres qui ensei-
Léon Cogniet, Abel de
Pujol, Picot,
tous professeurs qu'on recherchait alors, m'étaient indifférents,
jusqu'à Ingres, dont «
je
n'avais pas aperçu la
moindre
peinture.
J'attendis encore en allant lire Vasari à la bibliothèque
Sainte-Geneviève,
et ainsi
muni de
qu'on ne m'interrogeât sur leur personnes qui pouvaient J'avais
me
une grande crainte de
reculais toujours
la
vie des peintres, de peur
histoire, je
me
décidai à voir
les
trouver un atelier de professeur. ce futur instituteur
mes démarches. Un matin,
je
inconnu
me
et
levai
je
en
homme décidé à tout tenter... Bref, je parvins bientôt à obtenir mon admission à l'atelier de Paul Delaroche, le peintre que tout le
monde désignait comme un
des plus grands talents de l'époque.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
58 «
J'y entrai en frissonnant.
Ce monde-là
veau pour moi. Cependant je m'y habituai
était
encore nou-
et Je finis
par y vivre
sans trop de tristesse. J'y trouvai d'assez bonnes natures, un
genre desprit
et
me semblait un calembours de
enfin
je
n'avais pas soupçonnés
jargon incompréhensible l'atelier
et fatigant.
Delaroche étaient alors
la
;
cela
Les fameux
renommée des
on y parlait de tout, même politique c'était trop pour mui que d'entendre jaser sur le Phalanstère; mais
jeunes rapins fort
un langage que
j'y
;
;
pris racine et le
mal du pays
s'affaiblit
un peu.
»
CHAPITRE
VII
ATELIER DE PAUL DELAROCHE. LES COMPOSITIONS DE MILLET.
DÉPART DE MILLET.
—
—
CONCOURS.
:>
MAROLLE.
l'eST.
PREMIERS TABLEAUX.
donc alors
était
SES ELEVES.
l'hÉMICYCLE.
«
ATELIER RUE DE
VIE DE JEUNESSE.
Paul Delaroche
•
le
maître à
la
mode. Son
autorité était grande en matière d'art; son caractère
obstiné en avait
fait
homme
un
un vainqueur jaloux de sa en méfiance de lui-même, disparaître cette
fragile
et
important, ses succès du Salon,
gloire. le
morose
En
outre son esprit, toujours
mettait en crainte de voir bientôt
popularité qui était son ambition
et
sa vie. Il était
respecté et estimé de ses élèves, car malgré ses défauts
de caractère,
il
aimait ceux qu'il instruisait
tous ses efforts dans
Son
les
et
il
les protégeait
de
concours publics.
atelier était divisé
en deux classes
des commençants, celle du modèle ou de
:
celle la
de
la
bosse
nature. Millet
ou y
trouva un groupe de jeunes gens qui, plus tard, ne restèrent pas inconnus. C'étaient
:
Couture, Hébert, Cavelier
Gendron, Edouard Frère, Yvon, Frappaz, Théodore Fort,
Pollet, Antigna,
Vidal,
Bénédict
le
sculpteur,
Bonhomme,
Masson, Alfred
Arago, Devedeux, Besson, Auguste Beaubœuf, Emile Lafon,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
6o
Jalabert
Goddé
,
,
Brunel
,
Cabasson, Georges Bouet,
Roux
Louis
Jules les
et
Skoda
de
Feyen-Perrin
,
,
élèves favoris de Delaroche,
Auguste Lebouis, qui ne furent guère célèbres
et
qu'à Tatelier.
En abordant
ce
nouveau milieu, Millet s'imposa
En
et le silence.
spection
vrai paysan,
laissait
il
la
circon-
venir à
lui et
répondait peu. Son aspect, encore plus sauvage que rustique, fit
remarquer aussitôt par
compagnons
ses
ner ce campagnard énigmatique. phant, en pas,
ou bien menaçait
en Hercule, on
le
fit
le
mauvais plaisant de
de poing,
finit
en
on chercha à devi-
;
siège en Tapostro-
en l'agaçant, ce à quoi Millet ne répondait
le raillant,
volée de coups
On
le
par
le
et
comme
laisser
en
le
le
lui
administrer une
nouveau
était taillé
surnommant Vhomme
des bois.
Son premier antique.
achevé
On
le
commençait
et
le travail le
l'atelier, voit le dessin, le
:
«
Vous
pas assez.
»
Ce furent
à Millet
Couture, qui de la bosse,
!
nouveau? Eh
êtes
était
et lui dit
bien, ta figure
de «
:
original de le
bien,
vous en savez trop
l'atelier
de
la
nature, vint voir ceux
Tiens, tiens, nouveau, sais-tu que cest
sentait
où
la
déjà,
le
critiqua durement. L'aspect
science manquait encore,
étonna
l'atelier,
pas comprendre. Sauf deux ou trois élèves, tous
comme un pour
et
»
ses études,
soulïle se
regarde longtemps,
ses seules paroles.
Quelque temps après, on
où
lundi et on devait l'avoir
samedi. Le jeudi, Millet avait terminé sa figure. Dela-
roche arrive à dit
dessin fut une étude d'après le Gennanicus
être bizarre
ses excentricités
et
sans avenir,
mais ne le
mais le
fit
regardèrent
un obstiné qui
posait
camp
acadé-
de dessin, un insurgé dans
le
mique, un schismatique dans leur culte pour Delaroche.
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Quand
du modèle,
Millet passa à Tatelier
6i
épreuves. Sa première figure fut cependant un succès. à peine touché à une palette
vous avez beaucoup peint
Delaroche
et
mêmes
subit les
il
lui dit
On
«
:
avait
Il
que
voit
— Je m'étais efforcé seulement, disait
!
Millet, d'exprimer le plus fortement possible les attaches et les
muscles, sans
me
connaissais pas.
Tout bonne
voulut voir
furent encore
la figure, et
//a/z/re
maître, l'apostrophait faire
on ne manqua
et
jusqu'à en être insolente. Les suivantes
violemment
que tu vas nous
un des
discutées. Boisseau,
souvent par ces mots
encore de
tes
Ah
«
:
fameuses figures,
encore nous bâtir des
hommes
bien pourtant que
patron n'aime pas ce genre à
Caen,
que
me
fait
à qui que ce
le
défendu de
et qu'il t'a
cela
tes ligures
Au ne
des
soit.
femmes à
je
même
et
une figure vais ».
Il
poussait
homme
:
«
Là
restait
il
le
Quelquefois,
vas-tu
1
Tu
sais
mode de
— Qu'est-ce
ici
pour plaire et
des
qui sait
du
maître, qui
qui ne lui laissait pas et
qui peut enseigner.
visites
à
l'atelier,
était
professeur se bornait à dire devant
en manque,
ici c'est
trop grand,
souvent immobile devant
un soupir
la
?
est-ce
!
»
?
et
de Delaroche, lors de ses
presque muette;
toi
du
voilà tout. Est-ce que je m'occupe
fond, Millet était frappé de l'insuffisance
L'attitude
çà
y a des antiques
de miel ou de beurre, moi
l'impression d'un
séides
façon
ne viens pas
J'y viens parce qu'il et
ta
faire ainsi ta cuisine.
donnait aucun conseil sérieux
lui
sèche
et
répondait Millet;
?
modèles pour m'instruire, de
ne
chacun l'examina avec
ensuite avec l'envie de critiquer,
trouver
la
je
»
l'atelier
foi, et
pas de
préoccuper des moyens de couleur que
ici c'est
les toiles
mau-
de Millet,
plaintif et s'en allait. la
vérité éclatait en lui.
pour un concours préparatoire,
il
disait
Devant une esquisse
en montrant Millet à
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
62
un
élève qu'il corrigeait de sa composition à effet théâtral
n'est pas
tombé là-dedans,
lui
Une
«
!
autre fois, à
ne comprenait pas Fensemble d'une académie
mais regardez-le donc,
celui-là, la
lumière sur une figure nue!
c
«
Il
élève qui
Regardez donc
comme
voyez
et
:
un
:
a su voir
il
»
comme composition Un élève demandait à
Delaroche proposa un jour à ses élèves de concours
:
Promélhée sur son rocher.
comment
Millet
comprenait ce
il
mais
te dire cela, répondit-il,
sujet.
voudrais
je
que son supplice parût éternel
sorte
Prométhée écrasé par sur l'abîme
et
cri terrible
peindre de effet,
de douleur
contre la force qui l'avait vaincu. C'était et la
le
Et en
»
!
Je ne puis pas bien telle
imagina
il
foudre de Jupiter, une jambe pendante
la
poussant un
contre la brutalité
«
d'anathème
et
l'homme qui
se révoltait
violence. Plusieurs élèves furent
stupéfaits de cette peinture toute nouvelle
Quelque temps après,
c'était
comme
pour eux.
un Éole déchaînant
le vent,
esquisse que Delaroche trouvait assez remarquable pour n'oser rien dire à l'auteur. Puis,
ment en corrigeant son tinente. «
élève
;
il
Voyez-vous
faut qu'il soit
jours après, si
il
lui disait
une autre
fois,
il
travail qu'il trouvait d'une celui-là
?
:
«
Eh je
ne veux rien vous dire.
désarmé
qu'il aurait
l'attacher peut-être
Et quelques
et
;
vous
»
partial contre le
remué par
voulu discipliner à sa formule pour
comme
du
maître, et
il
il
cette nature
se
collaborateur dans ses grands tra-
vaux. Toutefois un pareil projet dut rester très vague dans prit
êtes
se renouvelait souvent, et
faut lui rendre cette justice qu'il se sentait
vigoureuse
fer. »
bien, allez à votre guise
Cet antagonisme du Delaroche sévère et
audace imper-
en désignant Millet à un autre
mené avec une verge de
nouveau pour moi que
Delaroche bienveillant
l'apostrophait dure-
n'y fut point
donné
suite.
l'es-
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Quand Delaroche
mit à peindre l'Hémicycle,
se
aux élèves de son
parfois
atelier, et volontiers
ce grand travail. Millet, assez
strophé par Tun d'eux invente ses muscles sieurs,
excellente; mais ////
»
(en
l'étude de la nature
montrant
MilletV,
poser
modèle, j'aurais
m'aperçus bien
que
vite
je
et
«
:
Mes-
indispensable,
est
mémoire.
Il
a
j'ai
cru que, faisant
de mes personnages; mais
l'attitude
n'aurais que de beaux modèles
sans cohésion entre eux. Je vis qu'il
coordonner
chic et qui
servir ses souvenirs.
fait
il
commencé mon Hémicycle,
j'ai
je
du
fait
faut aussi savoir travailler de
il
ses
époque vivement apo-
Le voilà encore qui
Lorsque le
leur signalait
il
Delaroche entrait sur ses entrefaites
aussitôt,
dit-il
raison,
!
x
:
en parlait
il
malmené par quelques-uns de
lors d'un concours, fut à cette
camarades
63
fallait
inventer, créer,
produire des figures propres aux caractères de
chaque individualité.
11
fallut
me
ma
servir de
comme lui, si vous pouvez. » En dehors de l'atelier de Delaroche,
mémoire.
Faites,
donc
une
petite
fond de
de
la
mansarde
Il
;
peu après,
peignit dans ces
des domestiques, des concierges
son ancien protecteur. bientôt Il
«
il
Il fit
il
s'installa
dans un galetas
deux logements
et la fille
du
les portraits
M.
portier de
L...
aussi celui de son charbonnier, et
quitta l'atelier Delaroche.
fut
patron
quai xMalaquais au
qu'il avait louée sur le
l'hôtel Pellaprat
rue d'Enfer.
Millet s'exerçait dans
»
un jour rencontré par Beaubœuf qui le
Millet déféra
demandait pour
le faire
aux ordres de son maître
travailler à et se
rendit
lui dit
que
le
[Hémicycle.
au Palais des
Beaux-Arts.
Delaroche
était
en travail au milieu de ses aides.
aussitôt à Millet et l'entraîna
dans une
salle voisine.
rouler silencieusement deux cigarettes, en
offrit
Il
Il
se
vint
mit à
une à Millet
et
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
64 dit
lui
«
:
Mais, monsieur,
pas
plus
je n'ai
— Vous
massier.
?
—
la cotisation
au
Pourquoi donc ne venez- vous plus à
avez
moyen de payer
le
désire -que
tort, je
vous nabandonniez
venez. C'est arrangé avec Poisson
l'atelier;
Seulement n'en
dites rien
aux
l'atelier
(le
massier).
autres, et faites tout ce
que vous
voudrez, de grands morceaux, des figures, des études, tout ce qui vous plaira, mais surtout n'en parlez à personne. J'aime à
voir votre travail je
vous
:
n'êtes pas
comme
vous parlerai de ce que vous pourrez
ne répondit pas, mais
il
fut
touché
et
monde
tout le
faire
avec moi.
retourna à
et
»
puis
Millet
l'atelier.
Delaroche avait l'habitude de préparer ses élèves au grand
Rome
prix de qu'il
et
de leur indiquer des sujets historiques pour
pût juger de leurs forces. Millet participa péniblement avec
les élèves
de
l'atelier
des exercices fort
Cependant
alors.
difficiles,
selon la formule qu'on exigeait
manqua aucune de
ne
il
comme
à ces gymnastiques qu'il considérait
s'ingéniait à dissimuler ses
ces joutes,
où chacun
dons naturels pour obéir à
la tra-
académique.
dition
Malgré
ses répugnances, Millet n'y passa point inaperçu.
Ses compositions étaient toutes empreintes d'une saveur personnelle.
Quand nous
sauvés de
restes
un
point,
décèle
trait
en voyons passer par hasard quelques
la destruction,
où
se pressent
nous y retrouvons toujours un
l'homme d'avenir; où
sous ses personnages de
déjà,
couleur sombre
et
dure,
un
peintre
l'élève
convention, sous qui
bégaye de
une
belles
choses.
L'heure Millet y fut
admis à
Delaroche par en fut un
vint
enfin de concourir la figure et l'exécuta
le parti
moment
très
pour avec
le
talent.
original qu'il en avait tiré.
émue;
il fit
venir Millet
grand prix. Il
frappa
Sa conscience
et lui dit
:
«
Vous
JEAN-FRANÇOIS MILLET. donc avoir
désirez j'ai
—
concouru.
mais
•
nommer Roux;
— Mais
de vous dire que
cela
bien,
fait
je
porterai
»
Millet fut édifié par cette déclaration;
abandonna
il
l'atelier
ne comptant plus que sur lui-même pour
et,
struire et se protéger,
alla
il
que
avant tout à faire
je tiens
vous promets que Tan prochain
je
tous mes efforts sur vous.
de Delaroche,
pour
c'est
Je trouve votre composition tout à
suis obligé
je
Rome?
prix de
le
65
s'in-
chez Suisse qui tenait une aca-
démie de modèles. Pendant
qu'il était à l'atelier
l'Homme
rapproché de
de Delaroche, un élève
des bois. C'était MaroUe,
fils
s'était
d'un fabri-
cant de vernis de la rue du Four, dont la famille aisée pouvait
à laquelle
faciliter l'existence d'art
Marolle, esprit fin
il
voulait se livrer'.
et instruit, sentit
une intelligence encore primitive, mais sources.
Il
lui
confia ses doutes
svir la
Millet répondit dans son dialecte
bien vite qu'il coudoyait pleine de res-
forte et
du
science
normand
:
me
« Il
A
maître.
quoi
semble que
nous pourrions, en bien peu de temps, en savoir plus que tous eux. et,
»
S'étant ainsi ouverts l'un à l'autre,
pour avoir plus de calme
un
petit atelier
de
la
1.
a
fait
ils
se lièrent étroitement
et travailler à leur goût, ils
rue de l'Est, n" i3, au coin de
louèrent
rue d'Enfer
la
et
rue du Val-de-Grâce-.
Le
ami de
fidèle
quelquefois
jours de
montrer
Millet,
œuvre de
au temps de ses
peintre. Les séve'rités
ses tableaux.
Au Salon
de'buts,
Louis-Alexandre M.irolle,
du jury ne
lui
permirent pas tou-
de 1846, Marolle exposait
le
Ménétrier de
village; en 1848, l'Automne, paysage, et les Restes du réveillon, nature morte; en
1849, trois tableaux; en i85i, une Tête d'étude; en iS52, une Fileuse du Bécirn. C'est la dernière fois
que
le
Nous savons par une lettre de à
Rome où 2.
il
catalogue du Salon mentionne
habitait dans la
même
ici
en note
maison.
»
:
«
nom ami
de Marolle. fit
un voyage
novembe
1861. (M.)
C'est l'atelier d'angle sous les toits.
Devedeux
rencontra Emile Diaz. Louis Marolle est mort
Sensier ajoute
le
Millet qu'au printemps de iS58 son le 2
Cette indication permet de dire que Millet quitta 5
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
66
où
petit coin fut le refuge
Ce
purent penser
ils
où
toute liberté à l'abri des lazzi de l'atelier,
où
projets d'études,
formèrent leurs
pour acquérir
s'ingénièrent
ils
ils
parler en
et
l'instruction
indispensable à leur nature réfléchie. Marolle, Parisien
imbu de
romantique
l'école
et
des vers
hauteurs de
mais
;
il
côté précieux, les tours d'es-
le
n'était
pas attiré par
les
le
ramenait sans cesse à
raison
grandes
que recherchait son ami.
la poésie
Millet subissait souvent les opinions de Marolle il
tout
des poètes nouveaux, les récitait
à Millet. Marolle sentait surtout prit, la ciselure
et
la
contemplation, à
;
toutefois
nature, à la
la
à ce bel équilibre des grands poètes anciens qui savent
et
tout dire et tout pénétrer; à
Bible qu'il considérait
comme
Homère, à le livre
trouvent sous des formes grandioses
Virgile et surtout à la
des peintres,
tableaux
les
le livre
les
plus
où
se
émou-
vants.
Musset, dans ce temps-là, jeunes gens. Marolle chait et composait
le
était le
savait par
même
le
aux poésies de l'auteur de Rolla. mais
capricieux
ne
il
sait
cœur;
que
«
air,
comme un
du
soleil
On
voit,
qu'il n'était
Musset
faire cela. C'est
chanter, désespérer ou corrompre.
sans force,
par
pas
le
les
La
;
un
de
charmant,
ne peut que désen-
il
fièvre passe et
commentaires
et les
besoin
on
reste
du grand
jugements de Millet,
paysan inculte qu'on a cru plus tard. En
effet,
encore logé rue Saint-André-des-Arcs. L'année suivante, installé rue
esprit
»
définitivement l'atelier de Delaroche en i83g.
montre
pasti-
t'enfièvre, lui disait
convalescent qui a
des étoiles.
et
le
défaut de ressembler par trop
profondément empoisonné
et
déclamait,
le
il
les
des pièces de vers qui n'étaient pas
sans mérite. Mais elles avaient
Millet,
vade-mecum de tous
l'Est,
i3. (M.)
en i838, Devedeux le
est
catalogue du Salon le
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Sans doute
prudence
la
du laboureur normand. Bien des
spection
avoir affaire
de
garda toujours
il
que Millet
choses
mille
fausses
un campagnard borné,
à
auxquelles
et
visiteurs, croyant
comme
regardait
mutisme
le
:
l'homme
essaya tout
Tu me
de jeunesse
que
et
il
La
il
tourmenté
était
et les
émotions de
la
vie devint difficile dans
il
»
;
tu as des impressions
toi,
nature
;
pas à m'inquiéter de
moi,
»
le
nouvel atelier de
—
quand
faunes
et la
Paris
— Eh bien!
c'est
—
bien insuffi-
vie des bois
que
?
— Tu
beau de mouvement.
—
—
Mais
si je
Oui, mais qui connaît
faire?
— On aime
les
ne
les
représentais des les
Boucher,
teau, les tableaux de vignettes, les "femmes nues
"
rue de
la
elle arrivait
elle était d'ailleurs
vendras pas, répondait Marolle.
tiches.
jamais senti
je n'ai
faire? se disait Millet. Si je faisais des gens qui fau-
chent ou qui fanent?
?
!
:
à vivre de son travail.
fallut s'ingénier
Que
je n'ai
Millet n'arrivait
qu'à des échéances irrégulières sante;
trouvait
souvent à Millet
disait
il
;
qui es heureux
c'est toi
La pension de
l'Est.
la
d'ébauche.
laissa tout à Tétat
faubourg Saint-Marceau.
le
ne
il
de son existence une suite de
trouves heureux, parce que
mais
la vie,
il fit
et
peintures, aquarelles, dessins, lithographies, poésies,
Improductif, «
cherchait sa voie,
il
Mécontent de lui-même,
tentatives il
plus
le
villes.
Quant à Marolle, pas.
ou
inutiles
absolu. Le paysan en savait souvent plus long que
des
circon-
et la
se lançaient à parler
n'opposait que
il
67
:
fais
faunes à les
Wat-
des pas-
»
Millet se décida enfin à subir les nécessités
du
vivre.
voulait pas initier sa famille à ses besoins en recourant à C'est alors qu'il tenta
un dernier
essai
:
un
Il
ne
elle.
petit tableau repré-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
68
sentant une Charité \ figure mélancolique allaitant trois nourrissons.
même
en offraient
ami Marolle en
moi des
pas un
lui
petit écu.
disant
:
dans ce modeste
Il
marchands qui
les
dû
et
les critiques sévères.
lutter contre la faim.
chez
tations
Ils
On
ne
les
marchands.
de Watteau
époque
Un
certain
de Boucher,
et
:
Luti-in vivant,
le
Vieillards, Soldat faisant
du Roman, l'artiste
faisait
s'étaient
et
Booi,
et
Millet portaient
marchands qui en
titres
Vert-Vert,
à
Elle est assise sur
un
datent de
la
Lecture
une Journée à Trianon. Parfois
et
la
Bible
:
il
peignait
quelques autres épisodes. ces tableaux chez les
somme et,
qu'ils
en tirèrent ne s'éleva
quand on
atteignit ce chiffre,
du bienheureux La
tête est couverte
d'une bande blanche. Le voile descend en longs
genoux; un bout du pied repose sur une pierre; deux beaux enfants
cette Charité, Millet
ration
que
Calendrier des
tertre et eiitoure'e de trois enfants.
et le front ceint
sont attache's a ses seins gonflés de
Dans
pastels, imi-
effet,
le
Millet se crut arrivé à la fortune et à la veille
plis sur les
ventes publi-
divers tableaux
et
eux-mêmes
jamais au-dessus de vingt francs;
.
pas rendu
étaient très dédaigneux, et qui ne les acceptaient
qu'en dépôt. La plus forte
I
les
nombre de
de brusques retours vers
Jacob chei Laban, Ruth
d'un voile vert
ont été repro-
une déclaration à une bonne,
la Veillée prolongée,
Marolle
lui
connaît ces petites œuvres que
Marolle baptisait à sa façon, avec des cette
de son ami,
atelier que, sur le conseil
nous voyons reparaître de temps à autre, dans ques
donne-
situation dans laquelle Millet, contraint et forcé,
compte d'une avait
;
»
improvisa un certain nombre de pastiches qui
chés depuis par
rie lui
revint tristement vers son
C'est toi qui as raison
«
sujets et je les exécuterai.
C'est il
son œuvre chez
alla colporter
Il
du type de
h. 26 mill. (A. S.)
la
semble
tête,
le
lait.
Le troisième
s'être pre'occupé
est
debout attendant son tour.
de Michel-Ange. Sans l'exagé-
tableau serait charmant.
—
Toile.
H. 39
mill.;
JEAN-FRANÇOIS MILLET. jour où
pourrait se donner entièrement aux impressions de
il
son pays qui n'avaient pas cessé de C'est également
cinq francs
et à
dans
l'agiter.
cet atelier
dix francs
qu'il
des portraits à
lit
nous aurions bien de
:
reconnaître aujourd'hui, car Il
69
il
peine à
la
les
n'osait pas les signer.
n'en poursuivait pas moins ses études. Malgré cette lutte
pénible contre la misère,
Boudin, d'après s'enfermer
à
le
modèle
^'ivant et d'après les antiques.
bibliothèque
la
ouvrages des plus
chez Suisse, chez
travaillait le soir
il
illustres
Sainte-Geneviève,
démonstrateurs de
la
Il
allait
.scrutant
les
comme
forme,
Albert Durer, Léonard de Vinci, Jean Cousin, Nicolas Poussin,
pour lequel
s'éprit
il
stante admiration.
Il
de
la
plus respectueuse
ments concernant ce grand la
Dans
plus haute expression de
les
auteurs
était le véritable trait
qui lui causait
et
Marolle acceptait attentif.
qui
et les
les
les
docu-
de considérer
l'art.
qu'il eût
peur de ce monde d'éru-
et
plus délié, à prendre
ouvrages dont
il
lui
parole
la
il
et
avait besoin. Marolle
d'union de Millet avec a toujours inspiré
le
monde
une
cette fonction et s'en acquittait
extérieur,
sorte d'effroi
avec
le
;
zèle le
Les biographes de Millet doivent un souvenir
reconnaissant à ce bon le
correspondances, qu'il n'a cessé
lisait
il
redoutât de commettre quelque maladresse,
poussait son ami, plus lettré
plus
plus con-
la
ces investigations laborieuses. Millet tenait à se faire
soit qu'il
à désigner
les
homme
accompagner de Marolle. Soit dits,
de
étudiait surtout .Michel-Ange-,
biographies, les commentaires,
comme
et
et
brave camarade sans lequel peut-être
grand peintre n'aurait pu soutenir jusqu'au bout
épreuves de son rude noviciat.
les
longues
CHAPITRE
VIII
PREiMIER ENVOI AU SALON (1840).
RETOUR DE MILLET PORTRAITS DE
A
—
LE JURY.
GRÉVILLE.
LA MUNICIPALITÉ DE CHERBOURG.
SA FAMILLE.
PORTRAIT DE FEU M. JAVAIN, MAIRE. VISITE A GRUCHY. PREMIER MARIAGE. ENSEIGNES. — DE SALON 1844. VIE DE PARIS.
—
—
C'est
en 1840 que Millet essaya d'exposer au Salon du
Louvre. La constitution du jury rendait Tépreuve redoutable.
Le jury
n'était
pas,
assemblée de pairs les ans. Il
comme au temps où nous sommes, une nommés au suffrage universel et élue tous
C'était l'Institut,
avec ses doctrines
ne relevait que de sa conscience
nouvelle
y
était,
à
peu
de
et
et
de son bon
noms
près,
ses antipathies. plaisir.
L'école
systématiquement
réprouvée. Théodore Rousseau avait renoncé aux humiliations
qu'on
annuelles
heureux
:
on
Decamps, dont connut aussi
lui
ne les
Eugène Delacroix
infligeait.
refusait
œuvres
la capricieuse
que
moitié de ses
la
étaient
si
de l'Académie,
n'arrivait
plus
tableaux;
curieusement élaborées,
rigueur de ses juges. Jules Dupré,
indigné de cette injuste omnipotence,
encore plein de respect pour
était
les
n'exposait plus. Corot,
traditions de Bertin et les arrêts
que pas à pas,
comme un
timide
.
JEAN-FRANÇOIS MILLET. écolier, à ses belles réminiscences
sa prudence,
Diaz
était
comme
se voyait,
il
conspué, mais
de Claude Lorrain. Malgré les autres,
éloigné
du Salon.
presque de force, grâce à
entrait
il
7,
son attache corrégienne. Millet osa affronter
deux
portraits
et celui
de
M.
minotaure;
le
au jugement du jury L. F., son parent.
soumit, discrètement,
il
Ce dernier
et
que
ments de
la
couleur en
l'atelier
était
le
l'artiste alla
désir de s'y tixer quelque temps
Cherbourg une existence famille.
Ce
et sa
un prodige, car
première
famille
les
de ses
et
grand'mère, qui
revoir sa
Normandie
pour tâcher de trouver
fois
qu'il
fois <i
comme
considéraient déjà
le
qu'il
fit
et
de sa
frères.
réservé sur la valeur de ses œuvres, m'a dit plusieurs
si
honteux
celui
lui.
plusieurs portraits de sa
amis, ainsi que ceux de sa mère
que, vu son âge
Il
à
d'aller respirer l'air
grand'mère, qui sont restés au pays chez l'un de ses Millet,
»,
y revenait. Pres-
journaux de Cherbourg avaient parlé de
de i838 à 1840
C'est
les erre-
quelques bonnes semaines à Gruchy,
sol natal et de passer
avec sa mère
trop
voulu passer auprès de sa
qu'il aurait
n'était point la
«
que chaque année. Millet ne manquait pas
du
moins
c'était le
et rappelait
il
Delaroche.
L'Exposition fermée,
avec
sombre,
admis;
seul fut
passa inaperçu. Millet nous disait plus tard que
bon
MaroUe
c'étaient celui de
:
et
son peu d'expérience,
il
n'en était
p)as
»
avait fait
deux
portraits de
que nous avons déjà
cité; puis,
sa grand'mère
:
d'abord
antérieurement, un dessin,
de grandeur naturelle, marqué d'un caractère tout particulier d'expression
œuvre de aïeule.
et
d'austérité.
prédilection.
Il
Millet
l'avait
soigné
comme une
voulait, disait-il, figurer l'âme de son
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
72
encore
Il fit
sa famille,
le
docteur Asselin, d'Eulleville,
Cette peinture, toute primitive, est
pénétration de Millet.
en
qui
se
bonne servante d'un ami de
portrait d'une
le
résume
Fanchon
la
Fanchon.
la vieille
un témoignage précieux de
est
une femme de
bonhomie de
la
la
campagne
sa race. L'exécution ne se
sent pas, tant elle est simple et naturelle.
avait également fait le portrait
Il
Vaudiville qui
que
les portraits
Charles
frères,
Millet surveillait
On
de
M.
et
de
la
possession de son neveu, ainsi
M™
Feuardent
et
de leurs jeunes
Joseph Feuardent.
et
donc revenu à Cherbourg. La municipalité
était
son pensionnaire avec une vague ineiuiétude voir au Musée, où
allait le
ses amis.
encore en
est
du docteur Simon de
On
en
faisait le siège
il
copiait, à
pour deviner
son
atelier,
chez
ses intentions,
on
savait déjà que l'élève de Delaroche ne s'était pas asservi au
maître
montrait des habitudes d'indépendance.
et qu'il
Millet se l'enlaçait
crible
bien compte
non moins que de
de sa critique.
sa carrière, très il
rendait
Il
du cordon
sanitaire qui
cette police qui le faisait passer
au
n'en continuait pas moins à poursuivre
peu soucieux de ce qui pouvait en advenir, car
avait prévu, depuis longtemps, les tracasseries de ses protec-
teurs.
mettre
bien à une épreuve quelconque qui devait
s'attendait
Il
le
feu
aux poudres communales. Cette épreuve,
il
ne
tarda pas à la subir.
En
1841,
le
Conseil municipal de Cherbourg voulut pos-
séder, dans la salle de ses délibérations, l'effigie de l'un de ses
maires qui venait de mourir, M. Javain. Ce s'adressa
fut à Millet
pour l'exécution de ce portrait dont
à 3oo francs.
le
qu'on
prix fut fixé
JEAN-FRANÇOIS MILLET. M. Javain
mort vieux,
étant
73
ne put fournir au peintre
011
qu'une miniature de M. Javain, jeune homme, miniature peu ressemblante,
on ne
lui
toires.
Il
jamais vu son modèle;
lui disait-on. Millet n'avait
donnait que des renseignements vagues se mit toutefois à
contradic-
et
composer un Javain ad
Del-
iisiim
phini ou plutôt du Conseil.
On
donna pour
lui
vue de tous
la
les allants et
Ah!
mairie,
disait plus tard. si
vous saviez
causé d'humiliations à le
venants,
municipaux qui ne
conseillers «
atelier le vestibule
là et
subissait la
M™
Eve,
femme du
ce portrait de
pour peindre
qui ne sont pas celles de
M.
les
été.
condamné,
chagrin pour
la
mains criminelles
Quand
il
il
homme
pour
ses
devenues
fallut se faire
Le Conseil, indigné contre
les
Javain,
de peine,
marquable
poser
fait
mairie, qui
la
faut-il
dire?
le
Quel
!
mains de M. Javain
le
ces !
»
peintre de ce qu'il ne lui avait pas
de 3oo francs. Sa délibération
seul
homme,
et
est tellement re-
qu'elle mérite d'être reproduite.
soumet au Conseil
(Javain) qui lui a été
—
demande du
la
ment d'une somme de
les
a
payer, ce fut bien uneautre difficulté.
Séance du 3o mars 1841.
sous
il
amis de savoir que
donné un Javain authentique, vota comme un rejeta le crédit
a
Millet,
avait subi trois mois de prison
famille et étaient
M. Javain
mains que vous
un garçon de bureau, un homme de peine de
avait
concierge de
Le croiriez-vous? M.
la famille!
avait été son serviteur, et cet
des
critique
épargnaient pas leurs avis.
comme
peintre, a osé faire poser,
voyez
lui
il
du Musée. Là, en
«
M.
et
maire (Noël Agnès),
sieur Millet, artiste, en paie-
trois cents francs
commandé
le
pour
le
prix
qui est mis en
du
même
yeux du Conseil. Malheureusement ce portrait
aucune ressemblance avec M. Javain,
et
portrait
temps n'offre
présente, au contraire,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
74
un
caractère de dureté entièrement opposé à la physionomie qui
honorable magistrat. Le Conseil a appris avec
caractérisait cet
peine que
M.
Millet avait eu cependant sous les
niature assez ressemblante
et
que
ne
les avis
lui
yeux une miavaient pas été
épargnés, mais qu'il avait cru devoir chercher à faire portrait, plutôt
Le
a
pas
n'est
qu'un portrait ressemblant.
Conseil, considérant que
que
atteint, et
l'artiste
but qu
le
s'en est
s'était
:
de voter l'allocation
lo mai, le Conseil passe à l'ordre
le
—
Séance du 29 mai 1841.
<(
M.
sujet, et
le
portrait de
pour
maire à verser à M. Millet une
la toile
tendu, que
du tableau par
lui offert;
fin à ce
M.
Javain.
Il
autorise
de cent francs
sous condition, bien ensans rétractation
et
arrêtés. »
Millet informe alors les
mettre
somme
ce tableau restera à la ville,
aucune des précédents
jour.
après quelques explications, qu'il
n'y a pas lieu de donner suite à cette proposition. le
du
maire présente au Con-
le
proposition de faire faire à Paris
Le Conseil décide à ce
M.
proposé
»
Millet réclame
seil la
il
volontairement écarté,
refuse à regret d'en prendre livraison et
demandée.
un beau
conflit,
il
fait
représentants de la cité que, pour
cadeau du fameux portrait à
mairie de Cherbourg. Tout s'apaise à ce mot bienheureux, Millet voit bientôt son oeuvre les
conseillers
appendue aux murs de
s'assemblent pour faire
le
la salle
la et
où
bonheur de leurs
mandants.
Ce
portrait
peinture;
il
n'est
ni
un chef-d'œuvre
ni
a des qualités incontestables, l'exécution est libre et
pleine de jeunesse.
Il
ne mérite pas
les
anathèmes dont
chargé, et bien des portraits historiques de valent pas.
une mauvaise
il
a été
Versailles ne le
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Après
cet échec
75
municipal, Tespérance qu'on avait fondée
en Millet s'évanouit. Ses envieux se levèrent; son ancien professeur, Langlois, cessa de
le
défendre,
on assure
et
qu'il alla jusqu'à
jeune artiste était un barbare,
proclamer que
le
voulait savoir
comment
ne
il
que
et
celui qui
pas peindre, n'avait qu'à
fallait
regarder ses oeuvres. Ainsi harcelé. Millet n'en continuait pas moins ses travaux; il
faisait
inspirés par le sol de
une voile ;
amis
portraits de ses
les
Cherbourg
— Pêcheurs près
seignes
;
il
qu'avec peine,
il
commande vétérinaire;
Une
matelot^ pour
Asselin,
ami de
sa famille
position importante sur
lui
paya
Un
;
un marchand
la
une
décapitation de
toile
de
sainte
la
empreinte du souvenir des maîtres, et
petite laitière,
prix de
le
cheval, pour
trois pieds.
Cette
*.
est
la
un
voilier.
docteur
le
Sainte Barbe enlevée au
:
d'en-
scène de nos campagnes
sous
trente francs en gros
La
:
exécuta aussi un tableau de sainteté pour
Il
fond
;
nature
pour un saltimbanque, qui
Un
commandes
acceptait des
pour un magasin de nouveautés d'Afrique,
—
Un Jeune homme comme ces toiles ne
¥a
l'eau.
comme
peignait grands
petits tableaux
Des matelots raccommodant
:
d'une barque ;
sauvant son compagnon tombé à se vendaient
quelques
et
ciel,
On
com-
voyait au
peinture,
encore
d'une belle ordonnance
d'un sentiment déjà très remarquable. Millet,
par
les
peintre
amis
:
désavoué
suspect, fut complètement
abandonné
gens influents qui se reprochaient d'avoir encouragé un d'enseignes
;
mais
cet
injuste
toute la jeunesse fut pour
stituait l'opinion
I.
et
Ce tableau
3oo francs. (A. S.)
est
publique,
il
dédain
lui
lui. hidiflerent à ce
n'en devint pas moins
encore conserve' dans
suscita
la famille
des
qui con-
un point de
de M. Asselin, qui
le
paya
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
76
mire pour tout ce qui aimait portraits lui furent
De
fière, Toeil très
jeune
il
n'y avait pas loin.
un grand
Millet était
doux;
il
beau garçon;
et
n'en
fallait
de Cherbourg, dont
fille
malheurs. Elle s'attacha à
ses
Millet l'épousa en
âge.
peindre
les portraits
qu'il
laissa
resté
fort
lui
il
démarche
avait la
faisait le portrait,
avec toute
novembre 1841
de sa femme,
à ce point
il
pas plus pour qu'une honnête
*
la simplicité
de son
mit aussitôt à
se
il
:
compatît à
sien et plusieurs tableaux
le
dont
à sa nouvelle famille,
pénible,
ou Topposition. Quelques
bruit
demandés.
un roman,
à
là
le
qu'il
le
souvenir
beaucoup
répugnait
lui
lui était
d'en parler.
La jeune femme
Cette union en effet ne fut pas heureuse.
de Millet
d'une constitution maladive
était
souffrir et se
consumer,
après deux ans
Quand
et elle
mourut à Paris
elle
;
le
ne
fit
que
21 avril 1844,
cinq mois de mariage.
et
femme,
Millet eut pris
il
alla
au pays natal passer
quelques jours avec son épousée.
La grand'mère parents
si
glorieuse de
de Paris, sur
mon
les
sacrifie pas
ont
imiter.
si
assistèrent
de Cherbourg. La grand'mère,
son François, l'interrogeait sur
beaux tableaux qu'on y voyait.
bel état
les
splendeurs
Souviens-toi,
«
au service des ennemis de
aux impudicités;
fait
de
beaux
il
y a eu,
ouvrages
la religion
dit-on, de
en
et
peinture
:
ne ne
grands saints faut
les
absolument pour programme
les
;
il
»
Millet, qui
I.
et
où
festin
François, que tu es chrétien avant d'être peintre,
mets pas un
qui
mère donnèrent un
amis de Greville
les
et
et la
n'avait pas
Pauline- Virginie Ono, déce'dée à Paris, très jeune et sans enfants. (A.
S.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET. sujets
de sainteté,
et
qui aimait parfois à peindre
ne voulait cependant pas «
contre
Soyez sans crainte,
ma
gnera à
la probité. » Et,
ajoutait
:
On
lui
jamais
disait-il;
ne peindrai
je
ne ferai un tableau qui répu-
je
pour convaincre
bonne femme,
la
pourrait couvrir d"or une toile
La grand'mère
il
en patois du pays
parle bien, notre garçon.
comme y préchil
—
»
un tableau qui
figures
ses
Delaroche ne
que
plein de vie, plein de
parfois
il
Mais
il
en
semble
manière que
Voyez donc comme
envoya au Salon un por-
11
le talent
de Millet se transforme
distincte.
Les noirs
laisse plus vestige sur ses toiles.
Il
les
s'aperçoit
sait
se
plaisir
le
dons
qui
et
Il
et les
peint avec une
déjà
devine
du
xviii" siècle et
de
:
la
vieux peintres de Cherbourg avaient conservée.
que sa main, trop habile, ne
Il
il
s'arrête
va au Louvre ;
il
;
il
;
il
suit
pas
des sphinx,
et
il
les
impres-
étudie Michel-Ange,
ne copie rien, mais
sature ses yeux
et
de l'éther impalpable qui règne autour de ces génies;
comme
secrets
les
souvenir de Restout, de Vanloo
dans l'atmosphère des maîtres
roge
ombres
de l'homme qui se sent
autant que les artistes
sions de son esprit. Alors
analyse Corrège.
plus tran-
disparaissent, la tradition de Tatelier
sorte d'emportement, avec
des maîtres.
comme
furent refusés.
prend une personnalité bien
opaques de
le
bié! »
C'est de 1841 à i85i et
«
:
ne
Vé don note gas François;
<(
Millet revint à Paris en 1842. trait et
je
alors riait de toutes ses forces,
exaltée par les paroles de son petit-fils; et la mère, quille, disait tout bas
il
m'ordonner
et
de faire un Saint François possédé du démon, jamais ferais. »
et
tromper.
la
conscience, jamais
«
faunes
les
bien de contredire sa grand'mère, mais
les faunesses, se gardait il
-j-j
tente de les
il
comprendre.
il
il
vit
son cœur les inter-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
78
Le modelé,
l'occupe sans cesse,
l'air,
de
cet accent sculptural
sa transformation;
et c'est la
forme noyée dans
la
première phase qui signale
Tétudie chez Corrège,
il
le
magicien de
chair, le peintre de la grâce naturelle, de la vie puissante.
aura de tout cela plus tard dans Millet, mais génie à lui
la
:
main
robustesse de sa
Il
y
y aura aussi son
il
la
et
la
tendresse de son
cœur.
De 1842 de
logis
la
à 1844, Millet travaille sans bruit dans son petit
rue Princesse, n°
5.
Il
peint beaucoup,
repeint d'autres sujets sur ses toiles.
La
jamais, car Millet a charge d'âme,
souffre
il
le
témoin de
seul
ou
détruit
vie est plus dure
que
pour deux; mais
personne ne l'entend se plaindre. MaroUe, qui courage, est presque
il
le visite et l'en-
cette perpétuelle bataille
contre la nécessité.
mal de
Millet n'a pas le
comprend
rien
Paris,
le
mal de
la politique;
aux phalanstériens qui veulent
aux révolutionnaires qui prêchent à exercer son état
et
Il
ne
à eux,
l'attirer
l'action et la lutte.
il
se
borne
à se déclarer obtus pour toutes ces nou-
veautés. Millet n'exposa point en 1843.
deux
sujets
la Laitière, peinture
:
ainsi et qui n'est autre lait, et
Leçon l'un
un
monte sur et
le
et
de promesses
l'autre. C'est
un nouveau qui
qui a
un peintre!
»
le
et
:
la
dont
une grande composition
Eugène Tourneux signalent à tous
et
envoie
que MaroUe a voulu désigner
groupe d'enfants qui jouent au cheval
dos de
voudrais bien avoir
il
qu'une paysanne portant une cruche de
Enfin, dit Diaz, en voilà
sion; voilà
Salon de 1844,
lumineux, plein de vie
d'équitatiou,
que Diaz «
pastel
Au
mouvement,
Et tous deux
les
artistes.
a la science que
je
la couleur, l'expres-
se
demandaient quel
pouvait être cet inconnu qui apparaissait avec une œuvre aussi
JEAN-FRANÇOIS MILLET. éclatante
et aussi délicate
homme
nouveau, un cœur tendre
avaient
;
qui
et
recherche du nouvel éclos.
mari
alla
Il
la
et
on ne
Tourneux
sait
femme où.
le
pauvre
commença
La
Il
Il
les
sa misère,
le
mais
il
est
morte
,
petit et
le
ne désespéra pas de
rue Princesse que Millet
la
fut réellement
y
il
il
passa
des jours
là
n'en paria jamais qu'avec
accepta toutes
il
la il
les
un
malheu-
et
des nuits
reste de terreur et
plus minimes;
qui
un
Millet,
pour
se
le
hasard
lui
payer
les
connut des gens qui exploitèrent
est peut-être le la
un combat
faire
lassèrent de leurs refus, et qui
le
Laitière et
s'arrête
il
pour
besognes que
eut des difficultés sans fin
Théophile Thoré
remarqua
dans
femme
vie matérielle fut, à cette époque,
sommes
de 1844,
deux dans un
étaient
oppressé par un passé qu'il voulait oublier.
apportait.
I.
son pastel
donner à une moribonde, sans ressources,
soins à
de chaque jour;
•
comme
artiste.
sans relations, sans autorité,
de douleur.
croyait y
il
;
»
à se transformer; mais
Tout aux
heureux
la
:
pendant son séjour dans
C'est
comme
« Ils
:
rue Princesse et
s'en revint affligé,
trouver plus tard
reux.
répondit
lui
mari
est parti
poésie inconsciente
la
peintre et poète, se mit à la
était
trouver un artiste à son travail, gai
le
est
'.
Eugène Tourneu.x, qui
du Salon. On
dans
dans leur passion bruyante,
la vie,
avec ce charme qui s'ignore
du premier âge
mouvements
les
c'étaient de vrais enfants surpris
évolutions ordinaires de
logement,
amoureux. Les enfants
et
gaucherie gracieuse de leur âge,
la
de leur nature animale les
devinaient dans ce pastel un
ils
:
79
premier critique qui
allèrent jus-
ait parlé
de Millet.
Il
Leçon d'équitation. Dans son compte rendu du Salon
instant devant
sentiment de Boucher
et
«
M.
Millet, l'auteur d'une
d'un grand pastel très harmonieux
petite ».
(M.)
esquisse
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
8o
qu'aux plus terribles duretés. serment d'Annibal contre
Un
autre que lui aurait
cette société
il
y a de méchantes gens, mais
il
console de bien des mauvais. secourables,
et je
ne
me
y en a de bons,
et
se bor-
Il
manière de correctif
:
«
Oui,
un bon vous
trouvé parfois des mains
J'ai
plains pas.
un
inhumaine, contre ce
Paris féroce; mais Millet n'en conservait nulle haine. nait à conter le fait, et disait, par
fait
»
CHAPITRE IX MILLET RETOURNE
CHERBOURG.
A
PORTRAIT DE m"= ANTOINETTE FEUARDENT.
MANIERE
FLEURIE
«
SECOND MARIAGE. — UNE ANNEE AU HAVRE. EXPOSITION DE SES TABLEAUX. MYTHOLOGIES ET PORTRAITS. RETOUR A PARIS. •
Quand Millet se nait en il
Normandie. La
connu que
n'avait
naient.
sentait trop étreint
exposition avait
Son
talent,
fait il
plus appréciable
famille, l'air natal,
quelque
son
bruit,
dessin
quoique un peu maniéré; saillante; des
pour Cherbourg,
1844,
il
y
fut
la
était
couleur
harmonies aériennes,
Il
passer aujourd'hui pour
en
lui
des la
une
telle
toiles,
froide
s'imposa
que
raison. le cilice
coin de terre où
et,
comme
un
exécutait avec
Plus tard,
du dessin
le
persuasif,
des tons,
plus
un mode
œuvres une
sorte
entrain qui pourrait
un peu trop sans gène; mais
le
son
accueilli.
était alors sa qualité la
la richesse
de peindre
rasséré-
le
d'un charme
exubérance de forces, une le plaisir
retour-
une forme beaucoup
tout particulier de gris rosés donnaient à ses
de chaleur attractive.
il
chaudement
faut le dire, avait acquis :
le
des siens
la pai.x et l'affection
en
partit,
Il
parla douleur,
telle
il
y avait
passion de couvrir
dominait aux dépens de
calma ces élans de jeunesse,
il
plus arrêté; mais, en ce temps,
il
il
,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
83
Muse de
était tout entier « à la
peinture
la
», et
peignait sans
il
autre guide que son tempérament passionné. diviser par époques la carrière d"un
Ceux qui aiment à peintre pourront dire
que
c'est là le
de Millet, car sa peinture a tout
une couleur
harmonieuse,
fois trop visible
netteté.
y a chez
le
cette
gammes
qui rappelle les lui
les
une propension quelqueet incertaines,
mais
il
y
sourire.
fleurie de Millet,
C'est
à s'affirmer dès 1841.
Feuardent que
et
vers les formes faciles
a aussi la séduction et
La manière
il
manière fleurie
de sa vie, un laisser-aller attrayant
la fleur
plus fraîches. Sans doute
la
charme d'une jeunesse pleine
le
de prémices. C'est riche,
temps de
dans
nous l'avons le
dit,
portrait de M"*" Antoinette
tendance se caractérise avec
L'harmonie générale
le
plus
de
lumineuse même;
brillante,
est
commence
l'ensemble n'a point encore
le
beau ton de nature que Millet
possédera plus tard; Fatelier,
la
palette s'y voient trop encore;
mais
cette jolie peinture a
d'invention
et
une grâce de
laisser-aller,
d'exécution qui en imposent
là,
:
une souplesse il
y a déjà un
vrai peintre. C'est
une
une enfant de
six ans, les pieds
glace, elle se regarde et
dure du miroir, plaît à faire
la tète
rit.
nus
;
à
genoux devant
Les mains appuyées sur
couverte d'un foulard rose,
de petites grimaces. Ce morceau
(toile
la bor-
elle se
com-
de 40), a été
enlevé de verve. Tout y est peint sur une préparation rouge
avec une sûreté de main, un brio en harmonie avec de
la gaieté
la scène.
En
présence d'une
si
belle
œuvre,
bourg proposa à Millet de professer ville.
était
Les refus répugnaient à Millet antipathique
:
il
garda sa
le ;
liberté.
le
sous-préfet de Cher-
dessin au collège de
mais un professorat
la
lui
83
JEAN-FRANCOIS MILLET. Le premier mariage de Millet avait Cependant
l'artiste n'était
pas né pour
le
83
été bien
célibat.
malheureux.
Son caractère
.^_^%,;fc^fe^ï:
PORTRAIT DE (Dessin de
la
retenu, fermé parfois par
en
lui
M""'
collection de
le
MILLET.
M. Georges
Petit.)
plus absolu mutisme, avait refoulé
une puissance mystérieuse.
Il
n'était
pas de ceux qui
.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
84
une jeune
peuvent vivre seuls
;
par
épousa
savoir,
le
enfants Ils
et
il
partirent
pour Paris en novembre 1845,
au Havre, où plusieurs amis des travaux.
Il fit,
en
effet,
long cours, d'armateurs, de voire
même
costume de
toute sa vie
de matelots.
11
les attendaient.
de tout
:
il
ses
'
et ils
s'arrêtèrent
Là, on
lui
promit
commandants ou employés du une
peignit, entre autres,
port,
seiiora en
nonchalamment sur un
recommandée
lui avait
finit
portraits de capitaines au
soie rose et bleue, étendue
canapé, qu'un capitaine
;
mère de
celle qui devait être la
compagne dévouée de
et la
l'aimait en silence
fille
tout spéciale-
ment. Cette peinture plut à tous. Millet eut un instant de vogue.
M. Vanner, consul de naturelle; d'autres
Ouitre,
Suisse,
fit
son portrait de grandeur
faire
amis suivirent ce bon exemple.
son camarade de village,
était
alors
Millet peignit aussi son portrait que nous avons
un marchand le
pianiste.
et
:
vu depuis chez
qu'on voulait faire passer pour celui de Chopin,
Toutes ces peintures ont bien
tons séduisants
au Havre
et forts,
mais
elles sont
cipitation qui nuit à la finesse
du
le
côté brillant et les
exécutées avec une pré-
dessin.
Millet peignit également des tableaux de genre et des pastels,
une répétition du Vert- Vert, Enfant dénichant des nids
une Couseuse, la
Vieille femme et enfant repenant de faire
Veillée prolongée, Couseuse endormie, to'ÛQ de 6
par
la
M. Vanner, une Bacchanale
mi-corps ai'ec enfant ; Bohémiens
Moissonneurs ; Pécheurs, 11 fit
I.
du Havre, mise en
Société des amis des arts
gagnée par
aussi
ou
;
8,
(pastel)^
du
bois,
achetée
loterie et
d'enfants; Jeune Fille à
Tentation de saint Antoine,
etc., etc.
un charmant
tableau,
M"' Catherine Lemaire, de Lorient
(A. S.)
Daphnis
et
Chloé, qu'on
OFFRANDE
A
PAN.
(Tableau du musĂŠe Je Montpellier.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
86
appelait
au Havre Tiras
et
Nous avons vu
Annette.
des Ventes, en 1873, cette scène antique qui a toute et la
pudique jeunesse de
une ligne
qu'il
la
à
1"
Hôtel
fraîcheur
la
pastorale de Longus. Daphnis tient
passe à Chloé, assise sur
bords d'un ruisseau.
les
Rien de plus verdoyant, de plus tranquille, de plus doux que le
où vivent heureux
bois
mal. Le groupe est jeune
deux
ces
et naïf;
on sent déjà combien Millet
assigner à chaque âge la forme qui
sait
morale du
Un
de tout
êtres ignorants
devient l'expression
sujet.
autre tableau est encore de cette époque
à Pan, qui appartient à tère est tout opposé.
Pan
statue de
mouvement
elle
;
c'est Y Offrande
M. Bruyas, de Montpellier. Là,
Une jeune
à
fille
qui n'est pas celui de l'air
carac-
le
demi nue couronne une
s'approche du dieu de
d'une faunesse vivant à
:
la chasteté
nature avec un
la
même.
des forêts. Curieuse,
Elle a
elle
le
corps
va toucher
au mystère de l'amour, à ce vieux ricaneur de Pan, dont
mauvais tours en maître,
du Corrège
le
attirent et effrayent la jeunesse. Millet a
corps de
la
de Clodion tout à
et
jours, frais et enivrant; la tête
cher
et,
iille
pagne avec
le
à travers
cette figure est
;
Le bois
la fois.
pendant que
de Pan, on entrevoit d'autres
et assistent,
les'
la
une charmante
Leçon de
toile,
de l'école
se
tou-
pose sur
qui n'osent appro-
fillettes
arbres,
modelé,
comme
est,
couronne
au colloque de leur com-
dieu des mystères champêtres
Millet peignit aussi la C'était
jeune
les
'.
Jlûte, inspirée
pleine d'innocence
et
de Chénier. de candeur.
D'autres peintures succédèrent à celles que nous venons de noter.
Au Havre, on
aimait
la
mythologie de Millet.
On
poussait à cet art sensuel que les jeunes gens préféraient à I.
Ce
tableau,
qui appartient
aujourd'hui à
la
ville
de Montpellier, a
le
la été'
lithographie par Jules Laurens dans V Album de la galerie Bruyas. Paris, 1875. (M.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET. endormie de
fable classique et
demandes de
ses amis.
Il
fille
Millet se prêtait
l'Institut.
Homme
un Jeune
:
visage de son bien-aimé endormi
;
ivre et soutenue par
un
les
tirait
proposaient
lui
de tout par
enfm
deux jeunes bacchants. Tout
comme un
les sujets les
déli
plus scabreux. Millet se
de son invention, par
l'attrait
mouches du
Sacrifice à Priape,
cela était enlevé en quelques coups de pinceau
à ceux qui
faisant boire
près de la statue de Bacchus ; deu.\ amoureux
devisant ou dormant; une Jeune Fille chassant
une Bacchante
aux
dessinait de belles scènes païennes avec
tout Tentrain de son orij^inalité
une jeime
87
le
charme des
formes féminines.
On Havre,
organisa une exposition publique de et
il fit
œuvres au
encore quelques portraits. Enfm, quand
non sans peine, rassemblé 900 sa
ses
francs,
il
il
eut,
pour Paris avec
piartit
femme. Là,
Fétreindre,
le
discuter,
devra à sa famille tudes,
il
joyeuse de Millet. Paris, sombre
finit la vie
il
;
le
combattre. Bientôt,
tiendra dans sa tour d'Ugolin, d'aller
embrasser
aux habitants du
ses
toujours
pauvres
comme un
et
sa
et
ne
lui
on
lui
captif.
«
Je sentais bien,
cloué à un rocher
sans
fin, et
pourtant j'aurais tout oublié, le
pays.
»
et
si
se
des inquiéParis
même
le
plus
il
lettres tou-
se considérera
me
disait
condamné aux travaux
j'étais
il
va
Récrira souvent
répondra des
que
à autre, revoir
permettra
de résignation, mais
et
et
grand'mère.
vieilles nourrices.
village natal;
chantes de tendresse
sera père;
il
n'aura que du pain noir
ne reverra plus sa mère
et rétif,
j'avais pu,
Millet,
forcés
de temps
CHAPITRE X INSTALLATION
DIAZ ET TOURNEUX.
A PARIS.
LES MARCHANDS.
LA
«
TENTATION DE SAINT JEROME
MILLET REFUSÉ AU SALON DE 1846. SALON DE 1847.
Millet et
décembre
—
femme
sa
1845.
Ils
«
ŒDIPE DETACHE DE l'aRBRE.
arrivèrent à Paris dans
s'installèrent
».
DIVERS TABLEAUX.
le
»
mois de
provisoirement rue Roche-
chouart, dans un modeste garni, en attendant qu'ils pussent se
chambres mansardées,
loger dans trois
où Millet disposa un pour tout mobilier que de son logement, et,
tout
à
d'artistes,
pirer rait
l'air,
atelier
l'entour,
d'élèves
un vaste
un
chevalet.
n° 42 bis^
Au-dessous
du sculpteur Toussaint,
terrain,
où
le soir,
deviser ou discuter de le
omnire
peintre.
scibili.
une colonie
Séchan
et Diéterle,
Eugène Lacoste
et
les
Azevédo,
le
En face, demeu-
Charles Jacque, l'habile gra-
veur à Teau-forte, habitait un peu plus haut;
les
autres voisins
savants décorateurs de théâtre
;
critique musical.
Aussitôt débarqué, Millet se met au travail.
Jérôme
au
d'employés, de jeunes gens, se répandaient pour res-
Joseph Guichard,
étaient
rue,
des plus sommaires, qui n'avait
trois chaises et
était l'atelier
même
Il fait
un
SaÎ7-it
tenté par des femmes. C'est toujours à Paris qu'il songe^
,r.f.
SAINT JEROME EN MÉDITATION. (Sanguine de
la
collection de
M"« Marguerite
Sensier.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
90
à la grande ville impudique, où tout
démon de
concupiscence
la
homme
les
filles
Une
de Satan.
la
le
pinceau à
voir ce
Couture l'admirait
morceau étonnant
de sa grand'mère
lettre
Mon
«
main,
allait
la
mouvement, et
envoyait
ne nous
a
pas dit
Tu nous
gémissant sur
la place
reçut
une
Nous ne pouvons comprendre pourailleurs un plus
du collège de Cherbourg. Vois-tu
dis
dangers
les
».
fais les
homme
amis?...
tes
faire le portrait
de saint Jérôme,
trouvé exposé dans sa jeunesse.
s'était
oii il
de
tes parents,
que tu vas travailler à
Suis l'exemple de cet
Léternité
il
revenu quelque avantage de ces quantités de
s'il t'était
cher enfant, à son exemple,
profit.
les artistes
:
grand avantage à Paris qu'au milieu de
mon
d'une
cher enfant, tu nous dis que tu vas travailler pour l'Exposition.
quoi tu as refusé
«
était
».
tableaux que tu as exposés au Havre.
«
dans
Pendant que Millet peignait son Saint Jérôme,
•
Tu
«
:
solitaire
passion.
Cette peinture, très juste d'effet et de
exécution superbe
malédiction
et crie
d'elles étreint le
Fardeur d'un brûlant baiser. Millet, quelquefois jusqu'au bout de
le
de Torgueil. Son saint Jérôme
et
cherche à se dégager des caresses féminines contre
a près de lui
mêmes
de ton
Pour quelque raison que
état
réflexions
qui disait
ce puisse être,
ne
en
et :
«
te
tire
un
Ah
!
saint
Je peins pour
permets jamais
de faire de mauvais ouvrages, ne perds pas la présence de Dieu; avec saint
Jérôme, pense incessamment entendre
la
trompette qui doit nous appeler
est
une
au Jugement «
Ta mère
Pour moi.
est
Je suis
bien souffrante, elle
incommodée de
partie
plus en plus,
et
du temps dans son
moi-même
je
lit.
ne peux
presque plus marcher
Nous
«
tions
du
velles;
te
souhaitons une bonne
ciel les
plus abondantes.
Ne
et
heureuse année remplie des bénédic-
tarde pas à nous donner de tes
nous avons bien envie de savoir quelle
bien qu'elle soit avantageuse
;
est ta position.
Nous
nous t'embrassons avec amitié sincère,
Ta grand'mère, « "
A
Gréville,
le
lo janvier
ifï^fî.
»
LOUISE JUMELIN.
nou-
désirons
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Le Salon de 1846
allait
s'ouvrir.
Le jury refusa
91 le
Saint
LE N O U V E A U - N E. (Dessin de
Jérôme,
et
la collection de
M. Georges
Petit.)
Millet^ à court de toiles, peignit plus tard, sur cette
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
92
composition, Œdipe détaché de l'arbre.
mier tableau que
Tourneux Il
Taborda
œuvres
ou moins mo-
se retrouvent, plus
quelques attributs du saint.
comme une qu'il
vieille
il
avait découvert
connaissance,
énumé-
lui
avait suivies à la piste,
on
se lia;
désormais. Millet compta au nombre des membres de
du
famille des peintres
voir. Diaz n'était pas
comme
un
leuse, poussant les
peinture de
fit,
Il
froid admirateur; le talent de Millet,
pour
amateurs
l'artiste,
la
quartier. Diaz était tout près et vint le
de Rousseau, avait
celui
rendre éloquent.
la
et
où
ne reste plus du pre-
n'avait pas perdu son temps, et
rant toutes ses et,
bas,
de mort
difiés, la tête
Millet.
le
Il
le
Millet, et les
don de l'animer
et
de
le
une propagande merveil-
marchands à
au risque de passer à
pourvoir de
se ses
yeux pour
des aveugles ou des incapables. C'est alors
que Millet peignit de charmants pastels pour
Schroth, pour Durand-Ruel, pour Deforge s'ouvrait volontiers et
pour Baroilhet,
dont
aux œuvres nouvelles. Pour il
fit
de délicieuses peintures
:
le
magasin
xM.
Dugleré
femmes
des
nues, innocentes, joyeuses, où des enfants étaient les principaux acteurs de ces idylles. Millet peignit, en cette année (1846), seul a
dans
pu rêver; des Dénicheurs de
lin bois,
Parmi citer
encore
une Jeune Fille
lui
assise
:
qui roule une brouette d'herbes
un enfant que son
branches d'arbre
Une Jeune bien des fois
que
peintures qui datent de cette époque, on peut
Un Homme dort
d'or,
presque nue.
et
les
nids ;
un Age
;
frère
embrasse;
la
:
sur
le
gazon
jeune mère écarte les
;
Fille portant
un agneau, pensée
qu'il a répétée
JEAN-FRANCOIS MILLET.
93
Des Baigneuses couchées dans d'agrestes paysages
Une Femme vue de dos Une
autre
faune dont
Femme
la tête
sur un
lit
(pour
nue dormant
apparaît entre
:
M.
auprès
branches
les
Dugleré)
et
d'elle
qui
la
;
;
est
un
regarde.
BAIGNEUSE. (Dessin de
la
collection de
M"" Marguerite
Sensier.)
Diaz, entraîné, s'empara de la dormeuse au détriment et
il
la
possède encore
du faune
;
Une Réunion de jeunes femmes
et
de jeunes hommes' au
repos sous des arbres, groupe naïf de créatures heureuses dans
un paradis
primitif.
Jusqu'en 1847, Millet peignit
la
vie extérieure, la nudité
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
94
ce qu'elle a de plus inconscient, la vie quasi végé-
humaine dans
comme
tative des êtres laissant écouler l'existence l'oubli;
plus
fit
avec
le
non l'àme
peignit
il
mais
tard,
les
comme
tourments, ainsi qu'il
ses
formes vivantes,
charme attrayant de
vement
et
de
flot
le
et
la beavtté matérielle,
dans leur repos. Les
les
il
le
exprimait
dans leur mou-
artistes l'appelaient
le
maître du nu.
Pour que
le
nom
Tout
Œdipe détaché de
:
monde
le
veilleusement des années.
homme les
,
le et
se tient
De
là,
vu
le petit
Œdipe
le
Un
attaché à
maîtresses branches.
et les
se joue
réussissait
Il
coupe
la
au pied de est
;
mer-
pendant bien
une femme, un
Le ber-
arbre, est déjà
monté
corde, tandis qu'une
pour recevoir
linge
l'enfant.
un chien
l'arbre. C'est
superbe de forme
Une
vieille
fantastique,
une peinture et
de modelé,
bras du berger sont parfaitement peints.
est élégante et jeune.
drame
il
enfant,
un
nues.
les figures
retint
le
dans l'ombre pour prêter son aide
jambes
dans
sont toute la pensée de ce tableau.
fortement empâtée. L'enfant
femme
scène qui n'a d'antique
l'arbre. Cette peinture avait sur-
naquit V Œdipe.
sorte de chimère, aboie
les
^^^'^^
où son tempérament
femme tend un
jeune
^^
poussait dans cette voie où
un chien
et
ger, qui a
dans
il
objet de faire paraître son talent
pour
tout
Salon de 1847,
le
Le paysage
au fond des
est
noyé dans l'ombre,
bois».
Et pourtant on reste assez froid devant cette peinture. sent
que ce
n'est,
en
effet,
La
qu'un beau morceau,
ec
que
On
l'artiste,
en praticien consommé, a songé surtout à l'exécution. C'est ce
I.
été
D'après une note de
donné par
de M. Faure, l'illustration
Millet à
le 7 juin
Sensier,
l'Œdipe
(haut.
M. Bodmer. Nous ajouterons 1873.
du catalogue.
Il
Il
i"',35;
larg. o^^-jô)
qu'il a fait partie
a été gravé à l'eau-forte par
de
la
aurait
vente
Edmond Hédouin pour
appartient aujourd'hui à M. Edouard Otlet. (M.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET. qiren disait Millet
:
«
C'était
un
prétexte
ŒDIPE DÉTACHÉ DE (Tableau de
le
les
nu
et le
la
collection Je
95
pour m'exercer dans
L'a R B R E.
M.
Otiet.)
modelé lumineux, un morceau
compagnons du Devoir pour aborder
comme
la maîtrise.
en faisaient »
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
gô
En
réalité,
maître, mais
il
VŒdipe n
pas autre chose. Millet
est
passé
est
encore ni poète, ni penseur.
n'est
Depuis, nous avons revu cette page à a perdu de son éclat, et les empâtements,
vente Faure. Elle
la
comme
les
ombres,
se
sont trop mélangés et atténués; mais en 1847 la peinture fut jugée tout à
nouveau,
«
fait
M.
Elle avait véritablement
un accent
saluée et discutée par la critique.
et elle fut
Théophile Gautier, nous montre, ou plutôt
Millet, disait
il
nous
entrevoir, car sa peinture est des plus ténébreuses, sous des dimensions
un
restreintes,
berger. Cela
une
fait intéressante.
sujet historique et grec
est
pâte épaisse
touché avec une audace
comme du
Cependant,
reculant
,
on
finit
Œdipe
détaché de l'arbre par
une
et
et
grenue, avec
et
recouvert d'effroyables ombres.
en se penchant à droite
en avançant, en
à gauche,
et
par trouver un jour à peu
près convenable
démêle une espèce de grappe humaine composée du berger qui sur le tronc de l'arbre
Œdipe
qui glisse sur
pour détacher
un pan de
aux pieds
l'enfant
linges, et de la
les bras pour recevoir le marmot.
En
le
furie incroyables, à travers
mortier, sur une toile râpeuse
des brosses plus grosses que le pouce «
:
se
Ton
courbe
du
enflés,
femme du
et
,
petit
berger qui tend
quelque
bas, grouille dans l'ombre
chose de noir que nous soupçonnons fort être un chien, sans pourtant l'affirmer; car c'est peut-être «
Il
un rocher ou une
racine.
ne faudrait pas s'imaginer qu'il n'y a pas de talent sous ce truellage
de couleurs, sous cette peinture apocalyptique qui dépasse en barbarie férocité les
plus farouches esquisses du Tintoret ou de Ribera.
pas grand'chose, mais
peu qu'on
le
voit est bon.
pas.
En
c'est
un jeune
homme
attendant, pour
bien voulu laisser passer barbouillée d'ocre dit plus
limées,
et
du
VŒdipe
détaché de V arbre ;
fait,
il
devant
M.
Millet préten-
faut remercier le jury d'avoir
de noir par cette main violente
vernies,
en
d'un grand avenir. Cela ne nous étonnerait
la rareté
qu'une foule d'œuvres honnêtes, polies,
et
n'y voit
Pourquoi n'en voit-on pas
davantage? Des gens qui connaissent d'autres ouvrages de dent que
On
lesquelles
lissées,
on peut
torchon,
cette toile à
et cette
yerve brutale, en poncées,
blaireautées, refaire
le
iiœud de
sa cravate. «
pour
Nous attendons M. le
Millet à quelque ouvrage plus débrouillé
juger définitivement.
»
du chaos
JEAN-FRANÇOIS MILLET. De son intéressant
«
Un
97
Tincorruptible Thoré formule un jugement
côté,
:
excellent peintre qui sera bientôt
un peintre
M. Jeun-
célèbre, c'est
François Millet, déjà connu par ses vigoureux pastels...
Ne
jugez pas
le
UNE NYMPHE. (Dessin de
la collection
Œdipe
encore sur son jeune
de
M"" Marguerite
Sensier.)
détaché de Farbre, tableau singulier
presque
et
incompréhensible. «
L'Œdipe pose une énigme au
Sphinx.
Il est difficile
figure de l'enfant, tenu en haut par
sonnages enfouis dans il
y a dans
cette
public, au lieu de deviner celle
de débrouiller dans ce mortier de toutes couleurs
le
paysage,
un
et le
du la
pied, en bas par la tête, et les per-
chien noir qui tache
fantasmagorie un brosseur
audacieux
le terrain. et
un
Mais
coloriste
original. 7
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
98
Nous avons vu des tableaux de M. Millet qui rappellent à la fois Decamps et Diaz, un peu les Espagnols et beaucoup les Lenain, ces grands «
du xvn"
et naïfs artistes
auxquels
siècle
la
postérité n'a pas encore accordé
leur place légitime parmi les meilleurs peintres de TEcole française.
Ce qui
est
à remarquer dans
la
composition
des tableaux que nous venons de mentionner d'autres de la
de
lait
la
même
époque,
un simple
copiste.
Il
utilise
et l'exécution
dans beaucoup
avec laquelle Millet
c'est la facilité
nature vraie avec ce qui n'est pas
n'est point
et
»
la réalité
le réel,
forme. Dans ses figures nues, dans ses sujets
les
mais
il
pure. le
Il
trans-
plus amoureux,
on ne peut surprendre aucune intention malsaine. Le tableau des Enfants à la brouette semble un écho robuste de Fragonard; la
femme, une jeune paysanne comme
épaules par
et la
le soleil
ce serait
que
la
avait
âme
de mai. Sous
dences,
il
le
la
n'en existe pas, a les
cheveux au vent,
le
visage
pinceau d'un maître du Millet,
vie.
Il
en
honnête
et
est ainsi
animé
xvni'' siècle,
on ne peut voir
exhibition de la plastique, caressée par
une organisation était
les
une étude provocante. Chez
belle
temps de
gorge nues,
il
le
prin-
de toutes ses nudités. Millet
sensuelle et éprise de la chair, mais son
presque candide.
a gardé la pureté d'un
cœur
Au
milieu de nos déca-
primitif.
.
CHAPITRE —
LA FIN DE 1847.
SALON DE 1848.
LE
VANNEUR
«
CONCOURS POUR LA
«
A
MALADIE.
—
«
LA CAPTIVITÉ DES JUIFS.
FIGURE DE LA RÉPUBLIQUE.
LA SAGE-FEMME.
MILLKT s'apprête
".
XI
«
AGAR ET ISMAEL.
ombres sur Timagi-
avait jeté des
nation de Millet. Les aspirations politiques ;
elles le tenaient
Un
deur naturelle.
comme
celle
Charlier. C'est
d'Albert Durer
dans
portrait, je ne
mon
entrevoit
le
souvenir,
portrait de lui qu'il
portrait
au crayon, de gran-
le
est
tête
mélancolique
regard profond s'enveloppe
pas revu depuis 1847
tout
la
;
mais
confidence d'un
au moins
portrait de Millet et
le
La
'
comme
malheur ou
sus que c'était le
l'ai
;
sociales étaient
un
dessin superbe.
d'intelligence et de bonté
Ce
un
et
dans une malaria nerveuse.
Cette situation desprit est visible sur
donna à son ami
»
TRAITER DE NOUVEAUX MOTIFS.
Le mouvement de Paris
loin de l'avoir séduit
'
je
la
il
est resté
homme
qui
gravité de la vie. Je
me
décidai à connaître
modèle. I.
avons
Ce fait
portrait, qui
reproduire.
Il
appartient aujourd'hui à dit bien quelle e'tait la
M""
Sensier, est
celui
que nous
physionomie de Millet en 1847.
i^-^
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
100
donc voir au commencement de 1847.
Je Tallai
amené par Troyon, lorsque son réduit de
longs cheveux surmontés
muraille
dun
;
beaucoup.
sorte de gens qu'il n'aimait pas
jeune
fille
je lui
comme
que
dis ce
et
il
ne
faire cela
me
donc pas de Paris?
—
campagne.
croyait à l'intro-
Il
«
assis près
doute Daphnis
partit et
silence et
me
me
dit
«
:
Vous vous trompez,
—
chez nous.
mais
Si,
c'est différent,
voir.
A
et
partir de ce
—
me
avec son accent »
—
regarda encore en
pour cela que
et c'est
n'êtes
été élevé à la
j'ai
fit-il
lui
peinture. je
—
viens vous
moment. l'art,
Millet parla librement et
qui
me
firent sentir
que
il
me
lança
j'avais ren-
un homme, en même temps qu'un cœur expansif et géné-
contré
force,
d'une
Chloé,
— Vous
Oh! vous n'aimerez pas ma l'aime
lui
»
quelques pensées sur
reux.
laissa seul. Millet
je
je
Voilà qui serait bien beau,
comme
dit-il.
Ah! dame,
Cependant
de cantilène normande, nous pourrons un peu causer.
Troyon
Son
âge.
Il
Je vis l'ébauche d'un Semeur.
on pouvait
celui des
me regarda fixement, mais me répondit que quelques mots.
j'en pensais.
avec une timidité voilée,
dis-je, si
moyen
homme
un jeune
— c'étaient sans
endormie,
de
voyais, accrochée à son mur, une
je
qui représentait
toile,
comme
;
d'un humanitaire ou d'un politique,
duction d'un philosophe,
et,
air d'étrangeté.
un caractère qui éton-
accueil fut ouvert, mais presque silencieux.
longue
dans
fois,
une barbe épaisse
qui rappelait les peintres du
et
parlai peinture;
un
bonnet de laine
cochers, imprimaient à sa physionomie
d'abord
première
qui donnait à sa personne
et
paletot brun, couleur de
nait
la
rue Rochechouart. Millet avait alors un accou-
la
trement curieux
Un
pour
j'entrai,
J'étais
«
Tout
avec
sujet est bon,
clarté...
Dans
me
dit-il
l'art,
il
;
il
s'agit
faut avoir
de
le
rendre avec
une pensée mère,
JEAN-FRANCOIS MILLET. l'exprimer d'une façon éloquente,
la
conserver en soi
muniquer aux autres fortement comme par
PORTRAIT DE (Dessin de
la
une
broie... Je
veux pas supprimer
la
M
I I.
LET
le
et la
coin
comd'une
(1S47).
collection de M"'' Marguerite Sensier.)
médaille... L'art n'est pas
un engrenage qui
J.- F.
lOI
partie de plaisir. C'est
un combat,
ne suis pas un philosophe,
douleur,
ni
je
trouver une formule qui
ne
me
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
,02
rende stoïque
La douleur
inditFérent.
et
plus fortement exprimer
fait le
les artistes,
parla quelque temps ainsi
Il
est, peut-être,
ce qui
jj
presque intimidé par
et se tut,
Nous nous quittâmes comme deux hommes
ses propres paroles.
qui se sont reconnus
et
qui sentent bien qu'ils vont ébaucher une
sérieuse amitié.
Je revins. Je vis Millet dans son ménage, près de sa
qui cachait dignement
tout à l'œuvre,
comme
pinceau à
le
la
remettant
fin, et se
bœuf de son
le
berçant ses tout
lui,
chantant des airs sans
petits enfants et leur
lentement au travail
misère du foyer;
la
femme
pays. Je
le
vis sur-
main, exécutant avec une dexté-
rité
sans pareille de charmantes petites compositions qu'il termi-
nait
en pleine pâte avec toutes
magies du
touche pleine de sensibilité dont
cette les
les
plus légères. Je
le
il
clair obscur,
avec
marquait ses œuvres
voyais donner, d'un seul
trait,
à ses Jeunes
mères, à ses baigneuses, à ses enfants, leur regard brûlant timide à la
une
C'était
fois.
joie
et
pour moi que de voir peindre
Millet.
me
Il
semblait créé pour répandre ses idées
d'artiste aussi facilement
Enfin
fîeur.
n'avais en
je
qui sortait de sa main; et
vivifiant;
j'allais
que chante l'oiseau
et
voir la
je
quand peinture
moi
inventions
que s'épanouit
et
nulle pensée de critique
vivais la vie
de
et ses
heureux
comme
m'apportait
Millet,
et
je
là
pour ce
dans un air pur
des
inquiétudes,
sortais
reposé
et
consolé.
Plus tard, Millet avait,
mon
je
me
suis
pour moi,
le
enfance; j'avais aimé,
tés, ses
rendu compte de
et
attraction.
don de formuler des souvenirs de
comme
douceurs. Je retrouvais
mes sens
cette
les
lui, la
campagne,
ses âpre-
spectacles qui avaient éveillé
peuplé de vagues pensées mes impressions premières.
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Je revoyais les villages, les prés
m'avait
fait
Et
muet,
que
oublier les blés,
moisson
faisait
revivre sur une toile toutes
la
je
me
images des choses
les
prenais à dire à Millet
mêmes atmosphères
tinées; car tout ce qui sort de votre
comme un coup de votre pensée,
me
il
électrique et
comme
si
et
main,
sait si
Tenez,
est
s'il
courir les
des-
cœur
ressens au
je le
«
nous n'avons pas ensemble gardé
C'était et c'est
mêmes
nos deux âmes étaient jumelles,
Reynaud nous
avait
Il
troupeaux chez
les
»
connu Charles Jacque.
encore un esprit clairvoyant
peinture de Millet l'avait entraîné,
w
Hé! pourquoi pas?
expliquerait cela.
Je reviens à Millet en 1847.
enthousiaste
et
l'homme
devenu l'admirateur passionné de son
savait
«
:
comprends au premier choc
je le
disait moitié sérieux, moitié jovial.
Saturne, Jean
était
dans un langage
qui,
création des affinités antérieures à la vie, nos êtres ont
respirer jadis les
qui
semailles.
et les
j'avais aimées!
dans
Et
Jamais Paris ne
bois.
homme
venais de découvrir un
je
Quelquefois
dû
la
et les
io3
l'avait
talent. Et,
;
la
séduit.
Il
comme
il
dire en termes justes et convaincus. Millet en avait été
le
touché.
Jacque le
était spirituel,
mordant, imprévu,
et
nous aimions à
pousser dans ses systèmes philosophiqvies ou ses spéculations
d'art.
gravait alors ses charmantes eaux-fortes
Il
d'Ostade.
Jacque,
A
la
comme un élève
brune, on se réunissait chez Millet
Campredon
et d'autres,
;
et
là,
avec
disparus aujourd'hui, on passait
des heures, devant un pot de bière, à parler des anciens
et
des
modernes. Dans ces conversations interminables. Millet n'intervenait qu'avec
Hercule.
Il
un bon mot ou un argument de
malmenait rudement
seurs, les politiques, ainsi
que
les
l'art
romanciers,
force d'un
la
les
contemporain.
dogmati-
On
voyait
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
104
que Tatmosphère de Paris de
mœurs
ses
et ses
modes
et
Mère
il
peignait
bavardage
le
dans un monde
le jetaient
prenait plus. Cependant la triste condition toyait;
que
aspirations, ses ambitions,
cité, sa littérature, ses
grande
la
lourde
lui était
du pauvre
aux éboulements de Montmartre,
même
Lundi de
le
l'ouprier par
rasséréner,
il
les libations,
des Ter-
;
ivre
que deu.x
pour
bras, et enfin,
malgré
formu-
Il
se
une superbe
peignait, par des frottis puissants,
Bacchante titubant sous
;
etc.
un homme
compagnons soutenaient sous chaque
banlieue
la
des Carriers tirant au treuil des moellons de Charenton
lait
l'api-
une Mère qui demande l'aumône, une autre
qui allaite son enfant près d'une masure de
rassiers occupés
ne com-
qu'il
robustes
les étais
de deux prêtres de Bacchus.
Au
printemps, Millet fut tout à coup surpris
un rhumatisme
articulaire des plus dangereux.
mit soudainement tout près de
sit et le
dans des visions effroyables conscience de lui-même.
la
à sa reils
Il
était
Séchan
fin.
et
pendant un mois,
et,
sement
La
et
et
de langueur
les
la
pieds nus
!
Il
;
;
il
pou-
d'autres lui apportèrent des
mais, dans quel état d'amaigris-
ne parlait plus,
chien moiuUé
et
n'eut plus
il
manière dont
il
respirait à peine.
jeunesse a des privilèges. Elle oublie vite
main tremblante,
tête se perdit
Dieterle s'ingénièrent à lui fournir les appa-
Millet revint à lui
comme un
fièvre le sai-
perdu. Ses amis, cependant, ne crurent pas
aussi avec la puissance vitale. Millet, «
par
n'avait ni linge suffisant, ni ressources.
Il
indispensables à sa position
secours,
La
mort. Sa
Les médecins ne disputaient plus que sur vait mourir.
et terrassé
il
peignit
»,
—
une
c'est
et renaît vite
un matin, secoua son expression,
—
Petite fillette assise sur
regardant tristement
le ciel.
3o francs aux marchands. C'est un ami qui
On lui
ne put
le
et,
mal, d'une
un
tertre,
la
vendre
acheta cette pein-
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Une
ture.
Petite Voyageuse, le bâton à la main, figurine pleine
de saveur bocagère, eut Toutefois
Vanneur
et la
Tout
libres.
le
même
le
sort.
Salon de 1848 se préparait. Millet termina un
Babylone
Captiinté des Juifs à
Le jury d'admission
position.
La
grande
la
fièvre
le
pour
le
par
le
place au salon carré
et
le
Il
s'ouvrit
la curiosité
i5
le
mars.
On
but de voir une exposition libre, où
suffrage des artistes, n'avait fonctionné que les
Millet.
propos de ces
phile Gautier a écrit
«
admis. Le
placement des œuvres. Le public put donc étudier
deux tableaux de
A
pi'it
fut
1848 n'amoindrit pas
Salon annuel.
en foule, dans
jury, élu
l'ex-
galerie.
politique de
qu'excitait alors le s'y rendait
Louvre
ce qui avait été présenté au
dans
envoya à
et les
avait été supprimé. Les arts étaient
Vanneur, figure de demi-grandeur, les Juifs
io5
d'un caractère
toiles,
une page
La peinture de M.
qu'il faut
si
différent,
reproduire
Théo-
:
Millet a tout ce qu'il faut pour faire horripiler les
bourgeois à menton glabre,
comme
disait
Petrus Borel,
le
truelle sur de la toile à torchons, sans huile ni essence, des
couleurs qu'aucun vernis ne pourrait désaltérer.
Il
lycanthrope
;
il
maçonneries de
impossible de voir
est
quelque chose de plus rugueux, de plus farouche, de plus hérissé, de plus inculte
eh bien, ce mortier, ce gâchis, épais à retenir
;
localité excellente,
d'un ton
la brosse, est
chaud quand on recule
fin et
d'une
à trois pas.
Le Vanneur, qui soulève son van de son genou déguenillé et fait monter dans l'air, au milieu d'une colonne de poussière dorée, le grain de «
sa corbeille, se
superbe
;
le
cambre de
la
mouchoir rouge
délabré sont d'un caprice
et
manière cie
sa
la
tète,
plus magistrale. les pièces
II est
bleues de son vêtement
d'un ragoût exquis. L'effet poudreux du grain,
qui s'éparpille en volant, ne saurait être mieux rendu,
regarder ce tableau. Le défaut de «
les
Nous aimons moins
la
d'une couleur
M.
Millet le sert
ici
et
l'on
éternue à
comme une
qualité.
Captivité de Babylone. Les soldats pressent
Juives qui se refusent à chanter l'hymne de Sion sur
avec plus de violence qu'il ne convient, lorsqu'il
s'agit
la
terre étrangère
seulement de vir-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
io6
tuoses récalcitrantes. Ils ne se conduiraient pas autrement dans
dans un sac de
M.
phrate est vraiment prise par
véhément de
comme
et,
;
composition,
la
un
assaut ou
Cette scène de coquetterie musicale au bord de
ville.
un
TEu-
sens trop barbare et trop
de l'exécution répond à l'énergie convulsive
la furie
il
Millet dans
s'ensuit
que
manqué rassemble
ce concert
une
à
tuerie.
Que M.
(1
diminue de quelques centimètres l'épaisseur de un
tera encore
préhensible.
Aux
donne
Millet, sans renoncer à la solidité qu'il ses
à sa peinture,
empâtements,
et
il
coloriste robuste et chaleureux avec l'agrément d'être
res-
com-
»
vient de
lignes qu'on
lire,
nos souvenirs nous per-
mettent d'ajouter quelques indications complémentaires. Si
Vanneur obtint un succès bien le
le
réel', la Captivité des Juifs laissa
public assez froid. C'était cependant une composition d'une
belle
ordonnance
et
conçue à
la
manière d'un maître que Millet
a toujours aimé, Nicolas. Po"ussin.
La
toile avait bien
deux mètres de
hauteur. Le paysage, profond large fleuve;
et,
sur
tours des murailles
disposée
:
femmes
belle, refusait
queur.
Il
femmes
me
et tranquille, était
un
et
de Babylone. La scène soldats assyriens,
l'asiatique, présentait
traversé par
était
savamment
vêtus plutôt à
assises et voilées de noir.
L'une
par un geste expressif de céder à reste bien présent à la
la
jeune et
prière
du vain-
mémoire que
bras des
les
mouvement,
que
les
un caractère émouvant
et
étaient admirables de grâce et de
Un
amateur de
Paris,
Ce tableau, plus moderne
ration superbe.
Il
M. Adolphe et
la
d'elles,
et
désespéré; les soldats, maniérés dans leurs attitudes
I.
un
avec affectation des lyres à
voiles noirs donnaient à cette scène
neur.
demi de
troisième plan, apparaissaient les hautes
un groupe de
romaine qu'à trois
le
large sur
Bellino, possède
moins farouche que
et
leurs
une variante du Van-
celui de 1848, est d'une colo-
a été lithographie par Emile Vernier. (M.l
JEAN-FRANÇOIS MILLET. costumes, atténuaient
on
C'était là le défaut d'une peinture qui,
taillé le
femmes
spectacle touchant des
le
Le succès qu'obtint
107
le sait,
juives.
n'existe plus
'.
Vanneur au Salon n'avait pas ravi-
le
budget de Millet. La révolution avait coupé court à tout
achat d'œuvres d'art;
et les artistes
en pâtissaient jusqu'à
la
plus
extrême famine. Millet
demandaient nous
femme
sa
et
rien.
alla frapper
obtint
à
l'artiste. C'était
lier, assis
plainte.
Ils
ne
Cependant, on connut leur détresse. L'un de
au musée, puis à
un encouragement décent
et
aucune
n'articulaient
Direction des Beaux-Arts
la
francs, qui fut aussitôt porté
tombée du jour
à la
sur une malle,
:
Millet était dans son ate-
dos arrondi
le
comme
quelqu'un qui
a froid.
Quand on dans ce
arriva, réduit.
triste
nonça que ces mots
:
il
On «
bonjour
dit
remit
lui
Merci
;
enfants n'aient point souffert;
nourriture.
aller acheter
mot,
et le
Puis
«
du
bois, car il
j'ai
le
En
voir et
avril, lui
il
gelait
ne pro-
mais Fimportant, ils
c'est
que
ont eu, jusqu'à présent, leur
grand
Tiens,
«
froid.
>-
Il
dit-il, je
vais
n'ajouta pas
allait
il
qu'il achetait
C'était
I.
la
un
demeurer rue prolongée du
M. Ledru-Rollin, poussé par
apporter une
commande
Jeanron, venait
de 1,800 francs.
Il
trouvait en train d'ébaucher une Charité, puis une toile pour
concours de
les
n'en parla plus.
Quelques jours après, Delta.
cent francs, et
appela sa femme.
il
lendemain
les
Il
arrivent à temps, nous n'avons
ils
pas mangé depuis deux jours;
ne se leva pas.
et
République
.
M. Ledru-Rollin
personnellement
le
T''(;77//?e//;-
lui
le le
apprenait aussi
auprix de 5oo francs.
beaucoup en 1848.
Millet s'est servi plus tard de cette toile pour peindre sa belle Tondeuse de
moutons. (A.
S.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
io8
Le concours de Diaz
réat.
la figure
fut gratifié
de
la
République n'eut pas de
d'une première mention,
secondes, Millet n'eut rien. Sa République
était
lau-
d'autres
d'une simplicité
lacédémonienne. C'était une noble figure de femme, grande douce, qui, à côté de ruches d'abeilles vail, offrait,
et
d'une main, des gâteaux de miel,
bonnet rouge,
qu'il avait
et,
de
me
aussi
l'autre, tenait
ou supprimé
remplacé par des épis de
Le symbole républicain avait semblé à pliqué;
et
d'instruments de tra-
palette et des pinceaux. Millet avait oublié
une
de
le
blé.
Millet assez
com-
chargea-t-il d'éclaircir cette question près de
l'administration des Beaux-Arts. 'Voici la note rédigée et écrite
par lui-même ((
:
Demander que
concours ne
soit
le
choix
fait
parmi
pas trop restreint
et
les
esquisses mises au
ne se borne pas à quel-
ques-unes. «
La République o\\
la Liberté est
un
sujet qui
peut être inter-
prété de tant de façons différentes et cependant compréhensibles
pour tout nation,
de
la
si
monde, que
le
on
se bornait
ce serait resserrer l'espace à l'imagi-
au choix d'un type unique. Le symbole
Liberté contient en
lui
tous
les
se pourrait varier selon sa destination
la Loi, la Justice, l'Agriculture,
ayant leur principe dans
le
autres :
et
r Égalité, la Fraternité,
Commerce,
la Liberté,
par conséquent
et
la Science, etc.,
ces divers
emblèmes,
étant protégés par elle, pourraient se placer dans les salles destinées à traiter ces hautes questions. »
Bientôt
l'insurrection
Paris. Millet était à peindre les et
de
des journées de Juin vint effrayer
une enseigne de sage-femme, lorsque
premiers coups de canon retentirent. La misère il
se voyait
cette
était
revenue,
encore sans ressources pour longtemps au milieu
guerre
civile,
quand arriva
la
bienheureuse sage-femme
.^.r^z^lAiLiif^ LA LIBERTÃ&#x2030; (1848). (Paslel de la collection de
M"' Marguerite
Stnsicr.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
110
qui emporta son emblème, en laissant trente francs à Millet pour prix de son tableau.
Cela nous sauva, m'a-t-il
«
dit,
car nous
pûmes vivre quinze
jours jusqu'à l'apaisement de l'insurrection suivirent.
Combien de
fois j'ai béni ce
et
des troubles qui
secours inespéré
!
»
Quelques jours après juin 1848, M'ûiet ûtun Samson endormi près de Dalila qui lui coupe les cheveux. C'était un petit tableau
d'une composition 11
peignit aussi
Mais
d'une magnifique couleur.
très équilibrée et
un Mercure enlevant
composition musicale. Millet
bravement
fit
envoya
fr.,
l'éditeur. Celui-ci le
paya d'insolence,
mation du pauvre
de
la
gauche
il
ensuite
du bonnet rouge
La première et
artiste,
composa
Millet
et
il
lui
traînait les
pierre lithographique à
la
et,
en réponse à
glaive dans la
le
cadavres des
différentes.
main
droite,
rois.
sa tâche. Assise sur
trône, la lance à la main, elle contemplait ses
entassés à ses pieds
la récla-
la porte.
dans des attitudes
La seconde semblait avoir accompli
et
cette
pastels représentant la Liberté
et figurée
Liberté courait
de
sa besogne, dont le
ferma brutalement
deux
à Millet
est-il? tel était le titre
prix était fixé à 3o
coiffée
On commanda
tout cela ne se vendait pas.
une vignette de romance. Où donc
troupeaux d'Argus.
les
un
ennemis vaincus
'.
Les Libertés ne se vendirent pas plus que
le reste.
Jacque
conseilla à Millet de faire des dessins qu'on troqua contre des
vêtements
;
six
souliers, des
I
.
beaux dessins furent échangés pour une paire de
tableaux contre un
Une note autographe
pastels appartenaient à
lit;
les
portraits
de Diaz, de
ajoutée au manuscrit nous apprend que
Alfred
Sensier.
Ils
ne
sont point mentionne's
catalogue de la collection vendue à l'hôtel Drouot en de'cembre 1877.
duisons une àts Libertés ût Millet. (M.)
ces
deux
dans
le
Nous repro-
m
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Barye, de Victor Dupré, du ciseleur Vechte,
grandeur naturelle,
achetés vingt
furent
en buste
francs
et
de
quatre;
les
on vendit de charmants croquis depuis un franc jusqu'à cinq. Charles Jacque se mit à rassembler dans
ou d'études
toutes les feuilles de papier chargées d'indications
sur
nature.
Il
acheta
les
sauva
les
et
de Millet
l'atelier
du poêle
ainsi
qu'elles
devaient allumer.
Pendant l'insurrection, Millet, comme tout Parisien, d'un
fusil, et,
entraîné par Séchan,
l'Assemblée
et
à
chouart, où
il
vit
II
défense de
la
tomber
le
commandant
des insurgés.
revint dégoûté, indigné de nos tueries parisiennes.
ni l'esprit militaire, ni les colères
saigner
lui faisait
vengeresses, et
il
le
cœur.
armé
des barricades du quartier Roche-
prise
la
dut courir à
il
fut
Il
de
la révolte
Il
n'avait
tout ce qu'il voyait
;
ne comprenait rien à ces extrémités
s'en allait chercher le silence
dans
la
plaine de
Montmartre ou à Saint-Ouen.
Nous y je
allions souvent
ensemble
soir;
le
et, le
lendemain,
retrouvais, toutes peintes à son atelier, nos impressions de la
veille
:
des
Nageurs au soleil couchant^
des Faneuses, des Moisson-
neurs endormis, des Chevaux à V abreuvoir de lafontaine de Montmartre,
le
Trou à
l'abattoir, etc., etc.
l'herbe, le Tir à l'arquebuse, des Il
peignait ces impressions en quelques heures,
enfiévré des souvenirs sanglants de juin riait
dans sa barbe,
passe. était la
Sa
Bœufs allant à
comme
facilité était
note chantante
s'il
avait
surprenante, et l'attrait
de
;
fait
et
il
la
et,
quand
j'arrivais,
il
un bon tour de passe-
n'omettait rien de ce qui
couleur.
Joseph Guichard, élève d'Ingres, fuyait
les traditions indi-
gentes de l'école et les aridités de l'enseignement académique. Il
rêvait
ralisme,
une fusion du classique avec et,
le
romantisme
et le
natu-
tout en faisant ses réserves sur les audacieuses pein-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
112
tures de Millet,
il
ne cessait de parler de ses dons de nature, de
ses improvisations inépuisables.
que Corot,
et
trouvait déjà plus touchant
Il le
plus imprévu, plus tendre que tous les forts de
jeune école. Les rapides souvenirs peints par Millet au
notre
retour de ses promenades exaltaient Guichard
verve
une haute
lui prédisait
il
:
destinée.
et le
mettaient en
Ces notes prises sur
nature ont disparu pour la plupart sous d'autres peintures celles qui ont pu être
;
mais
sauvées diront ce qu'étaient celles que Millet
a anéanties. Toutes avaient leur distinction et leur marque.
La commande du ministère
était le Pactole,
mais
fallait
il
y
atteindre, c'est-à-dire exécuter vin tableau. choisit
Millet
pour
Agar
sujet
et
Ismaël dans
désert;
le
allusion à sa triste indigence, ainsi qu'à ce Paris qui était, pour lui, le
Sahara.
Agar, étendue à terre, protégeait ribond
;
le
regard maternel
presque nu, bronzé par clair et
était
cédé à son entraînement vers terminée,
il
la
répudia
:
avait de puissants modelés de
plus grand que nature. Millet avait
nu mais quand VAgar fut quasi
le
;
comme une
entraîné vers une idée nouvelle,
scène champêtre
corps de son enfant mo-
poignant de douleur. Le corps
était
le soleil,
d'ombre. Le tout
le
des Faneurs
et
il
pensée obscure, se
et,
subitement
mit à composer une belle
des Faneuses se reposant près de
îneules de foin.
Voici ce qui avait produit en
devant
la vitrine
de Deforge,
minant un tableau de
lui,
il
nommé
Millet qui ne fait
Ces quelques mots à
la
le
nudité à perpétuité,
Un
cette évolution.
soir,
aperçut deux jeunes gens exa-
des Baigneuses. L'un disait
nais-tu l'auteur de ce tableau?
un
lui
—
:
«
Oui, répondit l'autre,
que des femmes nues.
blessèrent au vif;
il
c'est
»
se crut
et sa dignité se révolta.
Con-
condamné
Rentré chez
lui,
JEAN-FRANCOIS MILLET. il
redit à sa
dit-il,
femme
jamais plus
ce qu'il venait d'entendre.
je
ne
ferai
de cette peinture;
bien plus dure, tu en souffriras, mais
m'occupe
répondit
Je suis prête, fais à ta volonté.
:
«
Si tu
«
la vie
veux,
depuis longtemps.
j'accom-
»
M"" Millet
»
lui
sera encore
je serai libre et
plirai ce qui
l'esprit
ii3
lui
Et, dès lors. Millet,
affranchi, en quelque sorte, de toute obsession, de toute servi-
tude, entra résolument dans l'art rustique.
.
\'À i
V r
^
' ,
'
(
i I
I
W'^^
LA MERIDIENNE. (Dessin de
la
collecliou de M"*^ Sensier.)
CHAPITRE
XII
—
SALON DE 1849. LE CHOLÉRA. DEPART POUR BARBIZON. LIAISON AVEC ROUSSEAU. LES SUJETS RUSTIQUES.
COURSES DANS LES
L'année 1849 difficile.
ne
fut
fut
BOIS.
—
LETTRE DE MILLET.
pour un grand nombre
Millet, à qui la
bonne fortune
était si
pas plus heureux que ses confrères. force de peindre
le loisir et la
au Salon, mais esprits,
qui, en ce
Il
une Paysanne
moment où
la
d'artistes
un temps
lente à sourire,
trouva cependant assise qu'il
envoya
politique agitait tous les
ne paraît pas avoir excité une curiosité démesurée.
vie matérielle devenait
comme un problème
qu'il fallait
La
résoudre
chaque jour. Il
ne restait à Millet d'autre espoir que la
ministère de l'intérieur ici
les
;
mais ce
travail était long,
souvenirs d'atelier ne pouvaient
devaient être de demi-grandeur, au repos, près
de «
Je ne vois
Il
suffire.
difficile, et
Les figures
milieu d'une plaine, en
d'une meule. Millet chercha longtemps aux bords
la Seine, à
femme du
commande du
Saint-Ouen, sans rien trouver qui pût
là,
me
disait-il,
terroir qu'il
me
que des faubouriennes
lui servir ;
c'est
:
une
faut. »
termina cependant son œuvre,
et
il
venait d'en toucher
le
JEAN-FRANÇOIS MILLET. quand
prix
nouveau
Paris.
depuis
installés,
1849 révolutionna de
Jacque à s'éloigner de
et
Lestés de 1,800 ils
i3 juin
Le choléra, arrivé à son maximuni
décida enfin Millet
Barbizon, où
du
manifestation
la
ii5
fr.,
ils
partirent,
la capitale.
avec leurs familles, pour
s'arrêtèrent chez le père
Ganne. Là
barricades de juin 1848,
les
d'intensité.
étaient déjà
Théodore Rousseau,
le
décorateur Hugues Martin, Belly, Louis Leroy, alors peintre
et
graveur, C'est
Clerget.
et
à ce
moment-là seulement que Millet
A
entrèrent en relation. Millet ni
Rousseau ne
s'examiner,
peine s'étaient-ils vus chez Diaz. Ni
se lièrent vite
ce ne fut
et
sans contrainte. Millet,
Rousseau
et
ils
;
furent plusieurs
que longtemps après
homme
prudent
mois à
qu'ils se parlèrent
et discret,
gardait pres-
que toujours vis-à-vis de Rousseau une réserve que son ami apprécia plus tard.
Il
faut
donc
dans quelques biographies
et
rectitier ici l'erreur
qu'on retrouve
un
d'après laquelle Millet serait
élève de Rousseau.
Tous deux
étaient de
même
force lorsqu'ils se connurent;
ils
n'avaient plus rien à apprendre que par eux-mêmes. Si, plus tard, l'un des fut,
deux
fut plus
à coup sûr, Rousseau, que
de l'entraîner vers
Tout en
la simplicité
ateliers
et ils s'en allaient
de
et
l'art
du
chez
le
talent
un
la
l'autre,
ce
sujet et la sobriété des lignes.
les
du père Ganne,
paysans,
de compagnie à
la
—
et
xMillet et
quels ateliers
!
découverte des champs
la forêt.
Je les visitais souvent déjà à cette époque.
à
de
de Millet préoccupa au point
restant les pensionnaires
Jacque louèrent des
—
impressionné par
tel
degré de surexcitation que
grande majesté des
le
Ils étaient
arrivés
travail leur était impossible
vieilles futaies, la virginité des rocs et
:
des
bruyères, ces augustes témoinsdes siècles disparus, ce cataclysme
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
ii6
devenu un centre
d'activité
humaine
avaient grisés de leurs beautés
les
et
de verdoyants paysages
et
de leurs senteurs.
étaient
Ils
véritablement possédés. ne
Il
fallait
plus songer à quitter de pareils enchantements.
campagnards au
Millet
y trouvait
lui se
dérouler toute Tépopée de son rêve;
ses
de son vrai domaine; famille.
pour chanter
en
Voici sa première lettre de Barbizon
sang de sa
restait peintre
il
champs de
sa race et ses
et glorifier
aux portes
lui le
plus que jamais
et
voyait devant
il
;
touchait
il
sentait bouillonner
il
redevenait paysan,
Il
travail
bataille.
:
Barbizon, 28 juin 1849.
«
Mon
cher Sensier, vous m'obligerez beaucoup
en avoir pris connaissance
et l'avoir
si
vous voulez, après
recachetée, remettre la lettre enfermée
son adresse aussitôt que vous l'aurez reçue. Vous trouverez
dans
la vôtre à
mon
propriétaire (de la
maison rue du Delta n"
8),
beau-père de Salmon
matin jusqu'à neuf ou neuf heures
(peintre), chez lui le
et
demie, ou
le
soir
depuis environ six heures.
Nous avons
«
quelque temps,
et
pris,
Jacque
et
moi,
la
détermination de rester
ici
pendant
nous avons conséquemment loué une maison pour chacun
de nous. Les prix sont excessivertient différents de ceux de Paris;
et,
comme,
on y a besoin, on peut s'y transporter très rapidement, et d'ailleurs le pays étant superbement beau, nous travaillerons plus tranquillement qu'à Paris
si
et
peut-être ferons-nous de meilleures choses.
désir de rester
ici
mois (midi),
la
lettre
que
reste trop vrai)
toute,
nous avons
le
quelque temps.
Vous m'obligerez donc beaucoup de
«
Somme
je
au propriétaire, ne
le
remettre, avant
et faites-lui
entendre
payerai que bien difficilement,
premier du
le
(ce si
qui
est
du
toutefois j'y
pouvais parvenir. Je vous
«
donne un bonjour assaisonné de
Jacque ne vous
dit
pas moins bonjour
et
solides poignées de main.
compte demain répondre à votre
lettre. «
Ce
((
quelque temps
dura vingt-sept ans, tout
»
J.-F.
MILLET.
»
que Millet devait passer à Barbizon
le reste
de sa
vie.
JEAN-FRANÇOIS MILLET. moment
C'est de ce
117
Rustique,
qu'il devient le
donne
et qu'il
à ses travaux cette grandeur de caractère, cette hauteur de vues qui ont
de
fait
lui
un
homme
unique dans notre
art,
un nouveau
venu qui parle un langage jusqu'alors inentendu. Ce dire
que Millet
drais faire
pensée,
il
n'est
grand de nos peintres. Mais
soit le plus
comprendre que, pour
la
saveur
de
et l'originalité
la
églogues, les durs labeurs, les
les
inquiétudes, les misères, les sérénités, les passions de sol,
il
saura tout traduire. Et
jour qu'on peut gir,
vou-
je
n'a pas eu de précurseurs.
L'écho des campagnes,
voué au
pas à
des actes
les
le
faire servir le trivial
«
plus ordinaires de
la
l'homme
citadin s'apercevra
au sublime vie,
»
un
et faire sur-
un noble
et
grand
donc
les
scènes
spectacle.
Cette première lièvre calmée. Millet peignait rustiques qui
le
frappaient
;
des scieurs de long occupés à débi-
ter des arbres gigantesques, des
bûcherons, des charbonniers,
des carriers amaigris par leur effroyable besogne, des braconniers à l'affût, des casseurs de pierres, des cantonniers, des laboureurs, des faneuses, des fendeurs de bois, etc. Il
enlevait chacune de ces scènes en
en deux heures. Et tout ce et
ou
de mouvement.
Il
qu'il créait ainsi était plein
ou bocagers, des plaines immenses, des
coins retirés où la paysanne les
fait
dindons en songeant.
campagne
lui
de vie
dessinait des ensembles de paysages riants
sévères, sinistres
garde
une journée, quelquefois
paître sa vache,
Il
absorbait en
apportait de surprises.
Il
où
la
lui tout
voyait tout.
fillette
ce que la Il
repro-
duisait tout.
Un peu particulier,
plus tard,
une
toute l'existence
suite
il
de
composa
et
exécuta, avec un
petits dessins qui
du paysan
:
soiji
plus
semblaient formuler
d'abord, l'homme
du
terroir en
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
ii8
blouse
et
— puis,
en sabots,
la
—
c'est le
paysanne, jeune, forte
sodes campagnards, depuis qu'à
pauvre
la
héros du travail,
vieille
la
et belle
mère qui
qui va couper
sur sa misérable échine
le fagot,
;
point de départ
une
ensuite
;
série d'épi-
jouer son enfant jus-
fait
le
le
bois
mort
quatre fois gros
rapporte
et
comme
elle et
qui l'écrase. Cette collection de dessins
est, je
ne crains pas de
le dire, la
révélation d'un artiste plein de génie. C'est une succession de
tableaux qui pourraient se placer à côté des compositions philo-
sophiques de Holbein. C'est
ce qu'elle a de plus expressif.
doyer ni une
satire
;
Il
Il
ne faut y chercher ni un plai-
mais seulement
heureux de pouvoir exprimer
compagnons.
de l'homme des champs dans
la vie
les
la
pensée sereine d'un
grandeurs,
y avait entre autres,
la
les
homme
misères de ses
dernière charrette de la
moisson, couronnée de son mai d'épis, rentrant au hameau entourée d'une nombreuse famille de travailleurs gesticulant
et
chantant avec une joie pantagruélique. C'était plus mouvementé, plus vrai, qu'un vieux Breughel. Mais
il
n'y avait encore
là
qu'un essai du grand drame où Millet voulait atteindre. C'est par
peinture qu'il
la Il
allait bientôt
s'exprimer tout entier.
logé dans une petite maison de paysan
s'était
où
trois
pièces basses et étroites lui servaient d'atelier, de cuisine et de
chambre pour
sa
femme
et ses trois enfants.
Plus tard, cette maisonnette s'allongea de deux autres chambres,
quand
fut construit rie et
ses enfants se
comptèrent jusqu'à neuf'.
au fond du jardin
et
Millet y
Un
atelier
annexa une buande-
une liasse-cour au milieu d'un autre jardin qui
lui fut cédé.
Mais, pendant plusieurs années. Millet dut se réduire au miniI.
le
Quatre
dernier,
le
fils
et cinq filles.
Le premier enfant do Milletest né
28 novembre i863. (A.
S.)
le
27
juillet
1846,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
mum
d'une existence
difficile, et
119
son jardin, cultivédeses mains,
ne voyait fleurir que des plantes nécessaires à
la
nourriture des
siens.
Ce on
pas
n'était
«
Chaumine du
villageois aisé, »
durement pour
sa famille.
ne pas prendre
la
est juste
Il
demeure de
iMillet
de rétablir
il
son jardin, plantait, semait ou
entrait
Ce
Tatelier. là qu'il
dans une
de
qu'il jeta sur le
mais
ou
labou-
il
après déjeuner,
obscure qu'on appelait
partie de son
un pensée de
fut
mur dans une une Ruth
c'était
maître du champ,
œuvre,
c'est
là
que
comme
;
la Bible, Riith et
Booi,
rapide improvisation au crayon
et
un Booz
traduits en véritables
une scène de moissonneurs où
le
dans l'Ecriture, surprend une jeune
et
l'amène, toute honteuse, au repas des campagnards.
Quand
Millet s'était continé trop longtemps dans les limbes
glaneuse
de son obscur rielle
atelier,
il
maximum
semaines
affaissé
de violence
;
il
restait alors
des jours
et
des
dans
les
sous cet ennemi implacable.
Pour repousser
les
champs ou dévorait
les
approches du mal, espaces de
inquiétude. Bien souvent, nous
dans
pris d'une souffrance maté-
se sentait
qui dégénérait en un mai effroyable, en une migraine pous-
sée à son
la
matin,
dessins.
paysans de l'Ile-de-France
à
à la Florian.
cerveau poétique toutes ses compositions,
son
Sa première vision
;
de
réduit, plein d'ombres, ne lui déplaisait pas, car c'est
esquisses, croquis
noir
le
:
récoltait, et,
salle basse, froide et
composa une grande
sortirent
les faits et
pour un nid
Ses occupations étaient de deux sortes rait
comme
mais l'honnête demeure du pauvre qui travaille
dit,
l'a
la
le
la
forêt
il
errait
avec une fiévreuse
suivions avec quelques amis,
ses courses à travers rocs et vallées.
Le grand
air le rendait
possession de lui-même. Alors, avec une joie d'enfant,
il
esca-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
J20
ladait les rochers;
il
comme un
s'élançait
chasseurs, pour arriver,
premier
le
cerf poursuivi par les
d'un bond, au groupe do-
et
minant de ces grès erratiques, qui donnent à bleau un caractère unique
une
vieille
dré par
modelé justement à son
vait dans son élément, et la
nature avec
on
vaincu par
la
course,
!
»
il
se retrou-
et
et le
cœur d'un
des extases. il
lui
poète.
Quand,
Il
fatigué,
arrivait parfois
comme Goethe « O mon Dieu, qu'on est bien sous Et me disait « Je ne connais pas de volupté pareille :
il
:
à celle de se coucher sur 11
visage,
voyait, en quelque sorte, aspirer
se jetait à terre,
il
de s'écrier ciel
le
d'un faune
la pviissance
en avait des éblouissements
ton
Les sabots aux pieds, avec
vareuse rouge de marin, un chapeau de paille effonpluie et
la
et étrange.
de Fontaine-
la forêt
faut dire aussi
bruyère
la
et
de regarder
les
que tout ce qui poussait sur ce
nuages.
»
sol vierge
de Fontainebleau avait conservé un éclat de couleur, une richesse de vie qui éblouissait notre jeunesse. Le grès des environs de Paris avait revêtu dans cette antique forêt tous les prismes de la
lumière
et
des minéraux en fusion
l'améthyste se fondaient
et se
:
l'or, l'argent,
confondaient
comme
l'émeraude,
dans
les
plus
riches écrins de la création.
L'âge muret ses accalmies n'ont pas affaibli notre admiration
de
pour ce
sol
avec
menaces de
les
vieux rois vingiens.
la vieille Celtique, et si
serait
ses embellissements, la forêt
encore
Rousseau
et
comme au temps
Diaz
pesantisse sur ces regrets
tout devient plaine
Paris n'était là sans cesse,
et
des chasses des Méro-
l'ont assez célébrée
du
passé.
sauvage de nos
pour que
Tout s'affaisse,
ligne droite, ainsi
que
le
je
m'a-
tout s'abaisse,
prophétise
la
science géologique moderne.
Voilà donc Millet installé à Barbizon, ne pensant plus qu'à réaliser son idéal.
Le voilà dans
la
maison qui verra augmenter
JEAN-FRANÇOIS MILLET. sa famille,
maison où
la
il
mourra, parvenu
entouré du respect de tous; mais où
il
121
alors à la célébrité,
rendra
dernier soupir
le
en emportant au tombeau une cruelle inquiétude pour l'avenir
comme un paysan.
des siens. Millet, paysan, sera toujours pauvre
Et pourtant
a pris son parti de cultiver désormais ce domaine,
il
La
sans confier à personne son secret d'artiste.
jusqu'à
comme propos
pays
le
peur.
faire
lui
et
il
Il
peint des tableaux rustiques, rudes
ose tenter les ventes publiques. Lisez à ce
ses confidences
que je retrouve dans une
<i
«
Mon
cher Sensier, quand doit donc se faire
moi
parlé? Avisez
terminés
à temps, je
vous
Paris dans quinze
beaucoup de temps,
si
jours.
autres en train, et puis encore
j'ai
vente dont vous m'avez
la
moi
les
tableaux
probable que dans tous
et
puis j'en
troupeau de nègres,
les
n'aurai pas perdu
je
ai
encore trois
M. de
pas mal travaillé aux Laveuses de
comme un
:
Barbizon, ce samedi.
J'espère que
cinq tableaux terminés,
j'ai
Saint-Pierre. Je travaille
Il est
intime
lettre tout
prie, j'apporterai avec
j'achèverai les autres à Paris.
et
cas je serai à
forêt le captive
je
trouve
les jours
longs de cinq minutes. K
Mon
en
J'ai aussi
un pavsage d'hiver
désir de faire tète
est
passé a
l'état
d'idée fixe
des projets de tableaux de moutons. J'ai toutes sortes de
projets en tète. «
Si
du jour
vous voviez et
après
ma
comme journée,
la forêt est belle! J'v et j'en
cours quelquefois à
la fin
reviens à chaque fois écrasé. C'est d'un
calme, d'une grandeur épouvantables, au point, que
je
me
surprends ayant
véritablement peur. Je ne sais pas ce que ces gueux d'arbres là se disent entre eux, mais
ils
se disent
que nous ne parlons pas qu'ils font c(
la
quelque chose que nous n'entendons pas, parce
même
langue, voilà tout. Je crois seulement
peu de calembours.
C'est
demain, dimanche,
neaux, cheminées, toutes
la
fête
les casseroles et
de Barbizon.
pourrait se croire à la veille des noces de Gamache. tringle qui ne fasse service
de broche,
canards que vous avez vus
bien portants sont pour
de
rôtir,
de bouillir,
si
etc., etc., et
Tous
les fours, four-
marmites sont en activité telle qu'on
et
Il
n'est pas
une
vieille
tous les dindons, oies, poules, le
quart d'heure en train
des pâtés d'un diamètre
comme
des roues
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
122 de cabriolet
!
s'en répandre '(
énorme
Enfin, Barblzon n'est qu'une
au
tefois qu'il faille
à votre
cette vente, si
vous croyez tou-
y mettre quelque chose. Ayez la complaisance de faire doreur ordinaire
la
commande
en tout cinq bor-
ci-après
dures; tâchez qu'elles ne soient pas d'un goût trop affreux; que
moins
elles seront.
Envoyez-moi
i
flacon
i
soit
elles seront
aussi de suite quelques couleurs
de Sienne brûlée, 2 idem naturelle, 3 jaune Naples, jaune, 2 terre d'ombre brûlée,
dorure
la
Enfin
belle, cela m'est égal. Je tiens surtout à la forme.
comme
Todeur doit
loin.
Tenez-moi au courant du moment de
pour moi
cuisine, et
3 terre
:
Italie brûlée, 2 ocre
d'huile grasse... Voilà... Bonjour à
Diaz. Fortes poignées de main. « J.-K.
J'ai
tenu à copier minutieusement
tout est intéressant venant
son goût particulier pour ses couleurs.
dun les
artiste tel
Les peintres y verront
obtenait les tons superbes
tableaux.
demandes de
que
lui;
qu'il
et
Millet
:
le
choix de
ne se servait que des
moyens
les
»
on remarquera
bordures, on notera
terres les plus ordinaires. C'est avec les qu'il
les
MILLET.
les
plus simples
transparences
de ses
CHAPITRE
XIII
—
LE SEMEUR. SALON DE l83o-l85l AU PALAIS-ROYAL. PARIS. A VOYAGES LES BOTTELEURS. LETTRE DE MILLET. ENSEIGNE " LA VIERGE ".
—
—
:
LES QUATRE
SAISONS.
—
FEMMES QUI COUSENT;
RAMASSEURS DE BOIS. ET DE LA MERE DE MILLET. GRANd'mÈRE MORT DE LA
neurs, Millet
lit
de ses moisson-
les gestes
Tout en étudiant avec patience
une figure qui
surgir enfin de sa palette
le
préoc-
cupait depuis longtemps.
On
sait
quel sérieux
l'opération des semailles.
les
gens de
Le labour,
campagne apportent
la la
fumure,
le
à
hersage sont
du moins des travaux qui s'accomplissent sinon avec indifférence, sans passion héroïque
;
mais quand
Thomme
endosse
le
semoir
grains, blanc, fenroule autour de son bras gauche, l'emplit de
espérance de l'année nouvelle, cet ministère sacré.
devant par
le
mesure
ne
dit
Le
et
que
la
geste de
là
une
plus rien, ne parle plus,
le sillon,
et,
d'un
rythme d'un chant mystérieux,
à terre •
lui,
11
homme exerce
mouvement il
lance
le
sorte de
regarde
il
réglé
comme
grain qui retombe
herse recouvrira bientôt.
l'homme qui sème,
sa
marche cadencée sont
véritablement superbes. L'importance de l'action
est
réelle,
le
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
124
semeur
sent
reur,
saura justement équilibrer Faction de sa main avec
il
poids de sa responsabilité.
le
quantité de grains qu'il puise au semoir,
graine-mère
ment
et
vu
J'ai
jadis des
sème en bon labou-
épargnera à la terre.
la fois la
sera vrai-
Il
semeurs qui ne mettaient pas
le
la
la vie.
sol préparé, sans avoir jeté en l'air
Et, en entrant dans
il
productives de
les forces
germe générateur de
le
S'il
champ,
ils
le
une poignée de
pied sur
le
blé en croix.
prononçaient à voix basse des
paroles incompréhensibles qui ressemblaient à une prière. Millet avait depuis longtemps dans le
ne pouvait définir. Barbizon eut
qu'il
son œuvre.
Il
lui
Semeur
et si le
de Biera,
c'est
donna
toutefois
conçu
fut
avec
la
et
le
cœur
l'image flottante
don de lui faire formuler
pour théâtre lesoldela Hague,
exécuté à Barbizon, dans
préoccupation exclusive
et le
la
plaine
souvenir du
pays normand.
En l'allure les
effet, le
premier Semeur de Millet
sauvage, vêtu d'une vareuse rouge
jambes enveloppées de
par
les
intempéries.
un jeune
Ce
tresses
de paille
est
un jeune homme à
et
de culottes bleues,
et le
chapeau dévasté
un homme de Barbizon,
n'est point
c'est
gars de Gréville, qui, d'un pas fier et grave, accomplit
sa tâche sur les terres escarpées des falaises, au milieu de nuées
de corbeaux qui s'abattent sur
le
grain.
qui se ressouvient de son premier état, terrain natal. Plus tard,
semeur ayant bien geste est
de
la
ter,
le
il
fit
Millet
qui se retrouve sur
le
cachet de la famille barbizonnienne. Le
race des environs de Paris,
vieille
et
lui, c'est
plusieurs dessins ou pastels d'un
moins superbe, l'homme
Millet
— C'est
y a mis, pour cadre,
est et,
le
plus affaissé,
comme
ceux
pour qu'on n'en puisse dou-
vrai portrait
du paysage,
la
tour de la plaine de Chailly.
Le premier Semeur
(i85o) fut exécuté de verve, avec
un
LE SEMEUR. (Dessin de
la collection
de
M.
Alexis Rouarl.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
,26
emportement furieux
manquait
toile
la
:
calquant exactement
dont
ses statues,
trop courte.
était
du
lignes
enfanta
au Palais-Royal. Avec
était installé
un
viens de parler, Millet envoya
je
et
matière
la
sa figure en
refit
Il
dessin,
que
le
frère
l'exposition ouverte à la fin de i85o.
jumeau qui parut à Le Salon
les
de sa tâche, Millet
la fin
comme Michel-Ange pour
s'aperçut, lui
mais, arrivé à
;
Semeur^
le
autre tableau, les
Botteleurs.
Les
artistes et les critiques virent
un
sévère,
dans
Semeur une figure
le
menaçant, qui semblait lancer au
geste
gnées de mitraille
»,
comme pour
des poi-
ciel «
du
protester contre la misère
travailleur.
On
s'ingéniait alors à trouver
contemporaine des allusions à
dans toutes
les
la politique et
scènes de la vie
des protestations
contre Tégoïsme social.
Le second tableau de
Millet représentait l'action compli-
quée, mais très nette, de deux
qu'une jeune
d'une meule, tandis d'herbe
que
botteleurs
les
hommes ont
qui bottellent
fille
râtelle
laissées
à
le
le soleil torride, l'air
milieu du jour. Les
de leurs bras,
accent nerveux
Dans
ce
et
tableau, la
montrent leurs
brindilles
La
pieds.
longue
et
hommes
étreignent, qu'ils lient
de leurs genoux
et
en botte, avec cet
volontaire inséparable d'un pareil labeur.
l'époque des foins, où et
est
foin près
pesant de juin n'annoncent que
masse de foin
la
les
leurs
paysanne a une attitude mélancolique. Sa tâche rude, car
le
couleur les
est
belle et
morne,
comme
à
herbes des prés se décolorent, se fanent
têtes gonflées
de gramens.
Millet avait longtemps repeint et ravivé ses harmonies, de
manière à présenter un ensemble sous
la
plénitude de
la
fidèle
de botteleurs en action
chaleur. L'œuvre fut remarquée
;
et
JEAN-FRANÇOIS MILLET. cependant Paris, de
peinture
davantage devant
distrait, s'arrêta
si
Courbet, l'Enterrement
comme
mode
copia,
le
Senteur
fit
du bruit;
reproduisit par
la
lithographie
le
comme
souvenir des artistes
Gautier en
cette
Le Semeur, de M.
premières pages de les
le
la
il
qu'on va
lire
.I.-F.
nous
Millet,
Mare au
le
est coitTée
rappelle^,
si
;
comme
pourtant
et
la vie
Au revers du
coteau,
seul clair
un
sous
«
la
un dernier rayon de lumière forts
,
récompense sera
du tableau baigné d'une ombre
les
paysans que l'on
a
au geste violent, à
semble peinte avec «
la terre qu'il
Les Botteleurs sont un
un peu brutale pour
très juste et
au
le
ton a de
la
sa
Il
y
a
pierre ponce, ont Pair de d'essence. Certes,
mettre sa cravate
pain de l'avenir.
une couple
doux compagnons de lueur
cette
année,
du grandiose
le
et
le soc.
Semeur du
tournure fièrement délabrée,
très joli tableau,
et
stvle
qui
quoique exécuté d'une ma-
dimension. Les figures sont d'un mouvement
M. Millet
chaleur.
mourir de
comme une
est le
ne présentant aux yeux,
a
un svstème d'empâtement
soif et d"implorer les
faites
sur de la
une goutte d'huile ou
tableaux devant lesquels on peut
devant une glace,
et
qui réfléchissent votre nez
plaque de daguerréotype; mais cependant une
rugueuse
avec
et,
ensemence.
nous n'aimons pas
comme
est
il
sa tête
;
maigre, sous
laisse voir
grenu vraiment poussé trop loin. Ses peintures, qui semblent
comme une
sillon, et
la boucherie. Cette
envoyés au Salon
la
et
la terre
couvrent et
les
labourage
le
de nuages, qu'une terre noire fraîchement écorchée par
ciel_
De tous
cette figure
nière
et
triste et
de beaucoup celui que nous préférons.
dans
la terre le
l'effet
impression,
s'épand de sa large main,
de bœufs arrivés au bout de leur sillon
l'homme, dont un jour
le
osseux, hâve
est
il
répand sur
geste superbe, lui, qui n'a rien, «.
jetant le grain
de sombres haillons
d'une sorte de bonnet bizarre; de misère,
le
robuste.
Diable, de Georges Sand, sur
semeur marche d'un pas rythmé,
cette livrée
être
dans
est resté
résume bien
œuvre d'un sentiment
suivi d'un vol d'oiseaux picoreurs
est
et
travaux rustiques... La nuit va venir, déployant ses voiles gris sur
brune;
un
jeune école en parla,
la
chef-d'œuvre de Millet. Théophile
fut touché. L'article
que produisit alors
«
manifestation
la
nouvelle.
Néanmoins le
grande
la
phénomène
Ornans,
à
excentrique que sa curiosité dévora
d'une
127
toile
ne doit pas
peau de chagrin. Ce truellage n'ajoute rien à
la
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
128 solidité;
on pourrait
d'un Tintoret; dirait
que
la
le
même
Jean Bellin, quoique plus ancien, semble
fumée de dix
siècles a passé sur le Tintoret
surcharge de pâte. Avec
sa toile, l'autre la
pour son Œdipe trouvé par
M. Millet
le
condamné
Millet était
ses petites toiles.
les
11
Eugène
mina plusieurs
une
d'hier; et
fait
on
couleurs qu'il a employées
galerie.
son Semeur,
et
»
à venir souvent à Paris pour placer
achevait tantôt chez Diaz, rue Frochot,
Lavieille, rue de Navarin. C'est là qu'il ter-
compositions
belles
champs ;
travailler dans les
les
à côté
l'un couvre à peine
:
Berger, pour son Vanneur
aurait eu de quoi peindre toute
tantôt chez
un Jean Bellin
dire qu'il y nuit. Mettez
Paysan
:
Femme
Paysanne
et
broyant du
lin
allant
Ramasseurs
;
de bois dans la forêt.
La première de l'homme porte sur
ces peintures est d'une allure superbe
l'épaule la fourche, la
couverte d'un panier pour rapporter
deux ont le
la
travail
démarche
fière et
femme
tableau à Millet
commanda
et lui
jour.
Tous
robuste de deux jeunes êtres que
point encore amoindris.
n'a
s'avance la tète
du
la récolte
;
M.
même
en
Collot acheta ce
temps une Vierge
qui devait servir d'enseigne à son magasin de nouveautés.
La Vierge
fut peinte
en pleine lumière dans
que Millet
voisin, à Barbizon.
Il
de son tableau à
hauteur où
la
fallait
il
Vierge
est restée
rue Notre-Dame-de-Lorette a
pu I.
la
voir
Dans
et
en conserve
restaurée. Les successeurs de
rajeunir leur enseigne.
Quand
Elle appartient aujourd'hui h
toits,
et
de
le
souvenir'.
le
que son
la
travail s'exé-
rue Saint-Lazare
dans
;
la
tout Paris
ses bras l'entant Jésus, est repré-
croissant symbolique. Elle a été plusieurs fois
M. Collot éprouvaient de temps la
l'effet
pendant des années au coin de
cette peinture, la Vierge, tenant
sentée debout, appuyant les pieds sur
compte de
devait être placé. C'est à l'ex-
trémité d'une échelle, presque sur les cutait. Cette
se rendit
cour d'un
la
à autre le besoin de
maison changea de destination,
M. Morel, quia
fait
la
Vierge disparut.
enlever les repeints. (M.)
JEAN-FRANCOIS MILLET. C'est à ce la
mythologie
Barbizon
«
Mon
toiles, etc.,
moment que et les
ISlillet
femmes
me
29
confia son divorce avec
nues. \'oici ce qu'il m'écrivait de
:
cher Sensicr,
reçu hier, vendredi,
j\ii
que vous m'envoyez
et le
Dessin de
la
1°
Femme
broyant
u
2°
Paysan
et
«
3"
Ramasseurs de bois dans
Je ne sais
si
huile,
LE SOIR.
la
vente en question
:
ciu lin;
paysanne allant
ce
:
des trois tableaux pour
Voici
«
peut, vous mettrez
couleurs,
collection de M"'' Marguerite Sensier.'
«
les titres
les
tableau ébauche qui y était joint.
PLAINE DE BARBIZON'
«
1
travailler dans les cliamps
mot de Ramasseurs peut s'imprimer
Paysan
et
paysanne ramassant du
voudrez. Sachez seulement que
le
;
la forêt.
tableau se
bois.,
compose d'un
;
ou
si
ce
cela ne se
que vous
homme
liant
un
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i3o
deux femmes, Tune coupant une branche
fagot et de
brassée de bois. Voilà!
et l'autre
tenant une
...
comme vous pouvez le deviner par les titres, ni femmes nues, ni sujets mythologiques. Je veux me poser avec autre chose que ces sujetslà, que Je n'entends pas non plus qu'on me défende, mais que je ne voudrais «
n'y a,
Il
pas être forcé de faire.
Mais enfin
«
les
premiers vont mieux à
avouerai, au risque de passer encore pour
humain qui me touche
le
ou tout au moins
drais,
plus en
Ce l'ai
on
n'est
Jamais
le côté
et
ne
je
socialiste,
qui ne fût
ferais rien
connais de plus gai,
je
Vous
triste,
une pauvre
on puisse Jouir
figure
vou-
je
d'une
c'est le
calme,
oii il est, Je
le silence
ne
dont
endroits labourés,
les
c'est
toujours très
quoique bien délicieuse.
êtes assis sous les arbres
tranquillité dont
le côté
c'est
le résultat
ne sais pas
labourables ou non; vous m'avouerez que
d'une rêverie
que
vous
Je
nature, soit en paysages, soit en figures.
délicieusement, ou dans les forets, ou dans
si
qu'ils soient
rêveur
la
tempérament, car
pouvais faire ce que
joyeux qui m'apparaît;
jamais vu. Ce que jouit
un
art, et si je
le tenter, je
impression reçue par l'aspect de
mon
éprouvant tout
bien-être,
le
vous voyez déboucher d'un
;
chargée d'un fagot.
toute la
petit sentier
La façon inattendue
et
toujours
frappante dont cette figure vous apparaît vous reporte instantanément vers
condition humaine,
la triste
analogue à
celle
Dans
Cela donne toujours une impression
que La Fontaine exprime dans
sa fable
Quel
au
En
«
la fatigue.
plaisir a-t-il
eu depuis
un plus pauvre en
est-il
qu'il est la
du Bûcheron
monde
:
?
machine ronde?
quoique, quelquefois, dans certains pays
les endroits labourés,
peu labourables, vous voyez des figures bêchant, piochant. Vous en voyez
une de temps en temps
se redressant les reins,
«
front avec le revers de la main.
«
front. «
ton pain
à la
essuyant
le
sueur de ton
Est-ce là ce travail gai, folâtre, auquel certaines gens voudraient
grande poésie
I .
Tu mangeras
dit, et
T
faire croire? C'est
«
«
comme on
cependant
là
que
se
trouve pour moi
la
nous
vraie humanité, la
'.
Je m'arrête, car
Je
L'attitude accablée
beaucoup préoccupé
pourrais bien vous fatiguer à la
du bûcheron succombant sous
Millet.
Nous reproduisons un
essayé d'exprimer ce qu'il appelait
« la
triste
le
fin.
Il
faut
poids de son fardeau a
des dessins dans lesquels
condition
»
me
du porteur de
il
a
fagots. (M.),
LE VIEUX BUCHERON. (Dessin de
la collection
de
M. Gustave Robert.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i32
pardonner. Je suis tout seul, sans avoir à qui causer de mes impressions
me
je
suis laissé aller, sans rien apercevoir;
Ah
«
!
tandis que
pense, envoyez-moi donc de temps en temps de
j'y
du ministère, cachet en
belles lettres avec le cachet
me la
du ministère telle
est
enveloppe
plus componct
le
plus belle façon,
c'est
vous
si
du
crédit
!
«
:
C'est
du ministère
pour eux, une
car,
naturellement du ministre.
C'est
la
le
cachet
Son
repli
révèle ce qu'il aime, lettre
comme
tous
le
MILLET.
etfet
Ont-ils
r
art rustique
le
programme
est enfin
y
et
le
proclamé, ainsi
philosophie ou plutôt Testhétique de sa pensée.
comme un
bien vite
portant
pose de
»
caractère de Millet.
et,
me
quelque chose qu'une
J.-F.
Cette lettre précieuse formule à la fois
termine sa
lettre
Cela
de Rousseau produisent-ils un grand
tableaux
beaucoup de succès?
C'est
»
Poignées de mains. «
que toute
!
de Jacque marche un peu?
celle
Les
me
quelque chance d'avoir une commande? Savez-
j'aie
«
«
facteur
!...
Croyez-vous que
«
le
casquette à la main, ce qui n"a pas lieu d'habitude, puis
lettres, la
disant de l'air
cire rouge, enfin tous
voyez avec quel respect
les enjolivements possibles. Si vous
remet ces
;
ne recommencerai plus.
je
:
et,
car
de son cœur qu'il entr'ouvrc
malgré
lui, la
nous
il
;
note gaie, comique
même,
ne veut pas passer pour un larmoyeur
il
les esprits
songeurs
et
impressionnables,
ton mélancolique pour rire
un peu des
il
;
quitte
ridicules et
des naïvetés humaines.
Sa résolution bien et
d'amour tout à
prise, ce fut alors
la fois
avec
la
nature
menades solitaires, des études sans spectives, sur les lumières et les
fin
;
un mariage de raison
ce furent aussi des pro-
sur
les ciels,
ombres. Parfois,
il
sur
les
per-
m'écrivait ses
impressions. "Voici
une autre
l^ettre
curieuse.
On
verra qu'entre lui
et
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Rousseau,
commerce de
n'y avait pas encore
il
Plus tard, on se comprit
Mon
sérieuse amitié.
:
i8 décembre 1851.
«
K
i33
cher Sensier, viendrez-vous ou ne viendrez-vouspas? Les choses
actuelles changent-elles
Collot, dites-lui que
ou non quelque chose
à vos affaires? Si
vous voyez
enverrai bientôt son enseigne. Seulement,
je lui
faudrait quelques Jours de temps couvert. Je ferai effectivement pas
croquis je
mon
de morceaux d'après nature pour
et
vous garderai, ceux-là
tableau Ruth et Boo:^, que
deux ou
d'autres. J'ai
et
me
il
mal de
tableaux en train
trois
pour Deforge. «
seul
Rousseau
ici.
viendra-t-il, finalement? S'il ne vient pas, je passerai l'hiver
Sous un certain rapport, cela me
ments où
je
m'apercevrai de
pour
pas. J'aime trop
Bonjour
et
solitude
moment
de
mais
et
la
inonde à
n'en aurai
réel, je
de plus les impressions que
je
nature m'en préserveront à coup
poignées de main. Récrivez-moi. «
Nous ne
mo-
j'aurai certains
mais d'ennui
;
ma-crapaudière
de recevoir à tout
serai forcé
sûr.
cela
ma
plaît,
MILLET.
J.-F.
»
signalerons pas tous les tableaux que Millet mit au
cette
époque (i85o-i85i).
ques-uns sont introuvables. Mais
il
Ils
sont
nombreux
et
quel-
nous souvient de plusieurs
scènes touchantes.
Femmes
Jeunes
d'intérieur et sa
calme de là
la
qui cousent. Là, Millet est devenu peintre
main a su exprimer sur
pensée
et le
de
la
raconterai,
maison.
»
deux
recueillement de la famille.
des couturières de profession,
vail
ces
disait-il, c'est la
Ce tableau valut
Ce
n'est
femme au
à Millet,
une commande du ministère de
«
fillettes
comme
le
pas tra-
je
le
l'intérieur.
Les Quatre Saisons furent aussi de charmantes compositions
que Millet reproduisit dans des proportions plus importantes. C'est là qu'on trouvera la première pensée de ses Glaneuses
représenter
la fin
de
:
la
vigne
de
l'été.
Le printemps
deux hommes
lient les
était figuré
par
la
pour
culture
sarments verts aux échalas,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i34
femme
paître ses vaches
aux
couchant tout chargé encore
de
tandis que sur la hauteur une
douces
d'un
clartés
soleil
fait
vapeurs hivernales. L'exécution de ce tableau
comme
dans une
est légère
et fine
d'Ostade.
toile
L' Homme qui répand dufumier diaXe aussi de
la
même époque.
Millet fut longtemps occupé de cette composition
où
le
travail
matériel acquiert une vérité frappante au milieu d'un paysage solennel déjà refroidi par les premières atteintes de novembre.
Nous avons vu que
Millet, fixé en
un
lieu qu'il aimait,
tournait toujours ses regards vers lepays, vers ses vieilles mères, affaiblies
par
par
l'âge,
Sa grand'mère, chaque
jour. Ses
les
Le
encombraient suffire
et l'inquiétude.
le
vrai chef spirituel de la famille, déclinait
yeux
s'éteignaient et elle n'avait plus la force
que des lamentations
d'écrire à son François religieuses.
maladies
blé était cher,
les
mendiants
chemins. La charité de
les
et
des exhortations les
vagabonds
la famille
ne pouvait
et
de pareilles misères. C'était un tourment pour ces
à
pauvres femmes
;
elles
ne dormaient plus
François devait souffrir
comme
elles
et
songeaient que leur
des malheurs du temps et
des troubles politiques.
La grand'mère, Louise Jumelin, qu'elle fût
presque paralysée,
elle
perdit ses forces; mais bien
gardait toute son intelligence.
C'est avec la sérénité d'une sainte qu'elle voyait la
Elle
cher.
mourut au commencement de
mort appro-
i85i, sans avoir
embrassé son Benjamin, son François, qu'elle avait vu grandir sous son Il
coup
aile et
qui occupa son
n'est besoin
aussi violent.
se sent
que sous
de dire que
La
fin
l'étreinte
cœur jusqu'à son dernier le petit-fils
fut
soupir.
abîmé sous un
d'un être vénéré se prévoit, mais ne de
la réalité.
dant de longs jours; sa muette douleur
Millet ne parla plus penfaisait
peine à voir.
II
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
r35
que des mots entrecoupés. Des larmes
iV avait
•comprimer
comme
jaillissaient,
qu'il
par bonds, de ses yeux. Toute
de cette créature, maternelle jusqu'au fanatisme, se ravi-
Ja vie
vait en lui avec la puissance d'une résurrection
pu
la
cherchait à
revoir
«Ah!
Millet n'aimait pas les démonstrations extérieures s'épanchait-il sans contrainte qu'avec sa
de
une compagne qui
lui,
Millet sentit tout destinée.
sous
la
main de
tant de
sa
femme. lait
les
ménage. Sa douleur
finit
celle qui aimait tout
de
la
Il
là,
près
de priva-
femmes
voyait allègre
nouveaux venus,
les
d'artistes.
et
robustes
courageuse,
et
sutïire à tous
et
du
aînés et par la rude besogne
par se détendre
et
il
pleura près de
lui.
songea à sa mère. Mais ce
de l'exploitation de ses
pas sans une poignante
n'était
réponse à ses questions intérieures. Elle sabilité
avait
joyeux
Ses enfants grandissaient,
besoins réclamés par
Il
Il
prix de cet attachement à sa personne et à sa
le
nourrissant de son les
femme.
aussi ne
;
l'aimait, qui acceptait sa vie
murmurer comme
tions sans songer à
triste
je n'ai
étaient ses seules paroles intelligibles.
»
!
:
était
malade
terres, l'autorité qui
:
la
respon-
manquait à
sa position, la fièvre de l'émigration vers Paris, qui s'emparait
de
ses enfants, la consumaient,
autour et
la
d'elle.
comme
La malheureuse voyait
tout allait s'écrouler
déjà la perte de sa famille
dispersion de ce groupe de laboureurs riches de leur
domaine
de leurs produits agricoles. Elle sentait qu'après
et
tout devait se morceler et se vendre
ceux
si
qu'elle avait
aimés que
la
et qu'il
elle
ne resterait plus à
ressource d'aller chercher for-
tune au pays des aventures.
Pour un cœur qui la
maternité
village
que
;
n'a
connu que
les
épreuves
pour une pauvre femme qui
craintive, ne mettant le pied à
et les joies
de
n'est sortie
de son
Cherbourg que
comme
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i36
dans une
un
de perdition, l'existence menaçait de devenir
ville
supplice. L'isolement
commençait pour
ses filles se mariaient, ses
Mon cher enfant,
B
garçons quittaient
écrivait-elle à son
nous
tu
fils,
mère de
la
aussi,
mais
Mon
mal à
l'aise.
il
paraît
Ah
!
que tu as bien envie
dis
je
mal nourri,
ici
moins; pour moi,
un
de
le
pour
fais-tu
ne sais ni vivre ni mourir, tant
temps pour tout
triste
j'ai
animaux
courant de
Et
monde
le
;
il
;
un vent qui
fait
il
souffrent la faim
ils
;
le
grain
faut payer l'impôt, les rentes
de la maison.
bien négligé de
J'ai
dans
je
à sept francs le boisseau.
et toutes les affaires h
comment
m'affecte à pensera cela, J'en suis bien
que tu viendras nous surprendre au moment où
brûle tout, on ne sait que faire des est
:
bien envie
ai
revoir
te
passe
Il se
le
moyens
tu n\is pas grands
j'espère
nous y penserons grande envie de «
que
pauvre enfant, quand
•
pays.
le
de venir nous voir pour passer quelque temps avec nous. J'en
vivre?
Millet
t'écrire,
mais
l'été,
vu que
le voilà
je
passé
:
m'attendais que tu viendrais
nous avonspourtant bien envie
te voir.
Je
<'
Mon
mourir. envie de
te
me
suis privée de tout,
pauvre enfant,
ne
me
reste plus qu'à souffrir et !
une grande
J'ai
revoir encore une pauvre fois. Je pense à toi plus souvent que
tu ne crois. Je suis
à ce
il
tu pouvais venir avant l'hiver
si
si
ennuyée de
que vous deviendrez tous
souffrir de corps et d'esprit,
quand
je
pense
à l'avenir, n'ayant point de fortune, je ne dors
ni repose... '<
tu
Dis nous
vends
mot de
comment
tes tableaux.
si
tu as de l'ouvrage,
Dis-nous-en quelque chose,
prendre dans tout
cela...
tu gagnes bien,
si
je
crains toujours que tu ne te fasses
Est-ce que tu viendras bientôt?...
Oh que n"ai-je des ailes pour ma lettre, récris-nous.
«
«
si
surprenant que tu ne nous écrives pas un seul
toutes ces révoltes qu'on dit qui se font dans Paris. Est-il vrai qu'il
s'en fasse?
reçu
tu vas, est
Il
!
Je finis en t'embrassant de tout
m'envoler vers
mon cœur;
toi...; sitôt
je suis,
que tu auras
avec toute l'amitié
possible, ta mère. «
Ce
n'était
V^'
MILLET.
pourtant qu'une pauvre paysanne, la
écrivait des paroles
si
»
femme
qui
touchantes; mais, créature naïve attendre.
JEAN-FRANÇOIS MILLET. un
elle jetait
de détresse avec l'accent d'une Mater dolorosa.
cri
Ne nous étonnons
pas qu'un de ses enfants
l'ardeur religieuse de l'aïeule
et la
résumé en
ait
tendresse de la mère.
rendit bientôt aussi débile qu'une octogénaire.
tait
en
par
elle
les
La
vie persis-
souvenirs de ses enfants, par l'espérance de
revoir son François, qui n'avait cessé de lui donner des
de respect la
lui
mère ne survécut pas longtemps. Un asthme suffocant
Cette la
137
et d'affection.
Elle attendit ainsi
comme
les
marques mères de
légende, «attentive au bruit de ses pas», se berçant d'une
surprise qui ne se réalisait jamais. Le pauvre François attendait aussi
pas
;
la nécessité, cette fatale
fait
consoler
d'un seul instant,
trêve et
embrasser
l'impossibilité
compagne de
la
et,
sa vie, ne lui avait
malgré son désir
pauvre malade,
il
avait
d'aller
dû reconnaître
du voyage.
La mère de
maux
Millet attendit toujours, supportant les
de son corps, nourrissant ceux de son cœur;
ans jusqu'en i853, puis
elle
expira dans
elle attendit
la prière et
dans
deux
l'espé-
rance.
Son
fils,
à cent lieues de
ments de sa mère. Le souvenir de son cœur.
Il
pensait au vieux Tobie
aussi, avaient attendu.
chante qui peint espérant
le
si
La
sur
là, traçait
Bible,
il
ses et
papier
le
les
tour-
lectures envahissait
à sa femme, qui, eux
la relisait
à cette page tou-
fortement l'inquiétude des deux vieillards
retour de leur enfant.
Il
trouvait la formule plas-
ébauchait une scène où deux
tique de sa souffrance;
il
gens interrogent
cherchant à reconnaître à l'horizon une
le ciel,
forme humaine au milieu des splendeurs d'un
On
devine de
entrevoit déjà
le
quelle
soleil
vieilles
couchant.
composition nous voulons parler; on
tableau, l'Attente, qu'il exposa quelques années
plus tard et qui fut
si
peu compris.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i38
A
mort de
la
sa mère, je reçus
de
»
Mon
«
cher Sensier,
je
vous
écris
lui ces
Lundi
soir,
quelques lignes
:
26 avril 1853.
pour vous dire que
ma
pauvre mère
vient de mourir. «
Je suis dans
travailler,
moi
et
mais
je
un
état
de tristesse que
ne puis pour cela
pour mes sœurs qui sont
en aucune façon comment chagrin
et
elles
je
ne puis vous dire; j'essaye de
me distraire. Cest un coup
restées à la
affreux
pour
maison. Je ne puis comprendre
vont s'arranger pour vivre. Je suis dans un
une inquiétude inouïs. «
Je vous serre
la
«
main.
J,-F.
MILLET.
»
CHAPITRE XIV proudhon chez
—
diaz.
salon de lodj aux m en us-p l a
i
si
rs
:
moissonneurs; un bergei;; une tondeuse de moutons. seconde médaille. critiques, éloges.
détresse DE millet; DIFFICULTÉ POUR PLACER SES TABLEAUX. WILLIAM HUNT ET LES AMÉRICAINS A BARBIZON. LIAISON AVEC THÉODORE ROUSSEAU.
L'art est-il
une langue naturelle
prendre? Faut-il une éducation en apprécier
beautés
les
Le
?
et
que tous peuvent com-
et
une aptitude particulière pour
vulgaire, et
même
les
plus poé-
tiques intelligences, sont-ils rebelles à la pensée des peintres et
des sculpteurs
d autres génies
le
?
Ce sont
des questions que nous laisserons à
là
soin d'approfondir.
Ce qui
modernes ne nous ont pas
connaissances plastiques,
et
est certain, c'est
gâtés,
protecteur né de
l'art,
au point de vue de leurs
que, parmi
beaucoup nous ont paru aveugles en
les
pasteurs d'hommes,
cette matière. L'Etat,
a longtemps divagué, soit dans les
festations publiques qu'il lui a plu de faire, soit ses acquisitions «
ou de
ses
il
me semble que
qui pouvaient tout, n'ont pas laissé choir ;
dans
le
le
mani-
choix de
commandes.
Et pourtant, disait Millet,
l'ancienne Egypte
que nos
que Périclès a eu
la
le
les
Pharaons,
génie des arts de
main heureuse en choi-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
[40
sissant Phidias
pour
le
Parthénon; qu'Alexandre n'a point imposé
d'humiliantes besognes à Praxitèle
donné de la
pour que
liberté
plus grande beauté
accessoire,
un
que
;
Antonins ont assez
les
Tart, sous leur règne, pût atteindre à
mais chez nous, Fart
;
n'est plus
qu'un
talent d'agrément, tandis qu'autrefois, et encore
au moyen âge,
était
il
une des colonnes de
ancienne,
la société
sa conscience et l'expression de son sentiment religieux. «
Qu'ont
Moins que
pour
fait
rien
les arts les
Lamartine
:
grandes
vu
l'ai
(je
prédilection au Salon de 1848)
n'était
de notre époque
têtes
choisir ses tableaux de
touché que par
correspondant à ses préoccupations politiques ou
Jamais
n'aurait placé chez lui
il
George Sand a
un tableau de Rembrandt.
prudence d'une femme
la
Alexandre
belles paroles musicales.
Delacroix
de Gœthe
;
mais et
il
le sujet
littéraires.
Hugo met au même niveau Louis Boulanger et
"Victor
?
et s'en
Dumas
est
Delacroix.
avec de
tire
sous
la
main de
ne pense pas librement en dehors du peintre
de Shakespeare. Je
n'ai
pas pu exhumer une seule
page bien sentie de Balzac, d'Eugène Sue, de Frédéric Soulié, de Barbier, de Méry, attester je
l'atelier
ou
iS5o
de Diaz, occupé à
qu'une seconde pour voir
Le
Il
comme
appuyées sur sa canne, 11
dit
et
voilà pourquoi
le
finir
une
ses amis. Millet
nouveau venu,
et se
»
un coin
toile,
quand
ne se retourna remit aussitôt
attendit.
visiteur ne parla
ignorance en art
:
i85i, Millet était dans
Proudhon, amené par un de
à son chevalet.
l'art
devant Proudhon, lorsqu'il vint voir Diaz.
vers
effet,
ombreux de vint
une page qui pût nous guider ou
une véritable compréhension de
suis resté froid
En
etc.,
il
que des misères du peuple, de son
en toutes choses. Les mains parlait lentement,
mais sans
et
la tête
s'arrêter.
deux mots de Courbet, qui ne furent pas relevés; à peine
JEAN-FRANÇOIS MILLET. un regard sur
daigna-t-il jeter
et
le
il
commentait
Proudhon
bon prince,
fut
un
à Millet la vie
parti pris de
il
tant d'autres, le sujet était
ne se laissa pas entraîner par sa
il
eut quelques traits qui semblèrent
parquer
dans
l'art
contemporaine. Millet n'aimait pas
représentation de
la
la
commande
de ceux qui comprenaient leur temps,
qu'il tut
doctrine de
paysages de
les
et
de vue.
à perte
métaphysique. Cependant
il
remué par un
livre qui parle
Ne
disait Millet.
?
du passé
?
Où
Ce
seraient le tableau
Proudhon sur la question d'art
un plaidoyer magnitique, entraînant, mais ce
nieuses, disait Millet,
I
.
est
II
nantes que
Principe de
Proudhon a
consacre'es
rien dire.
On
A
informé de de
lire
:
«
le cite
les
véritablement surpre-
connaît pas
le
tout à
et
le
fait
comme
Discours pour
la vérité
appartenant à
cette déclaration, qui la situation
dans
Jardinier greffeur du
moins du monde.
la
rustique.
même, et
les
Quinze- Vingts!
»
du
existe
de
assuré, à celui
ce
bel
n'en puis, par conséquent,
nouvelle école, mal à propos appelée
moderne, Millet répond par
l'art
« Il
:
entendu
Je n'ai pu voir
semble prouver que Proudhon
de
livre
qu'il a
un tableau des Moissonneurs, supérieur, m'a-t-on
ouvrage, non plus que
réaliste».
les lignes
à Millet dans une note de son
de sa Desliiiatioii sociale. Le théoricien déclare
de Léopold Robert,
ingé-
qu'un discours pour
n'est
curieux de rapprocher de ce passage
Millet, écrit-il,
saillies
Salon de iS53.
parler de Millet, mais qu'il ne le
M.
C'est
«
:
la
Millet qui, retiré à Barbizon, préparait trois
le
l\irt et
de
plein
lut
il
»
Revenons à tableaux pour
Delacroix
chose lorsque, longtemps après,
publication posthume de
Quinze-'Vingts
si
»
fut bien autre
'.
est
du Trocadéro ou l'Ouver-
avait été contraint de peindre la Prise
Chambres ?
Où
«
la
peut-on pas
des Croisés à Constautinople, la Barque du Dante,
ture des
quoi-
et,
trouva que
Proudhon pouvait aboutir au despotisme.
donc l'impression personnelle être
nymphes
Pour Proudhon, comme pour
Diaz. tout
les
141
(M.)
le
était
faiblement
mot qu'on
vient
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
142
ou
Riith et Booi,
œuvre compliquée de figures qu'il
compte du
faucille n'est
Repas des Moissonneurs,
étudier dans
du jour
affaissé
et
sous
de préciser
Le tableau
du
la
de
spécial
travail
la
mois-
poids du labeur rapide de
le
la
la
vendange. Millet
note caractéristique.
longtemps remanié,
fut
une
gestes et en tenant
leurs
pas celui des semailles ou de
s'était efforcé
était
composition comprenait une quinzaine
la
;
fallait
lieu,
L'homme
son.
plutôt le
expressions
les
des
visages furent souvent reprises et effacées. Millet voulait peindre
de vrais moissonneurs, non à
comme
élégants
excédés de
et
Quand lui
«
:
il
me
Je
fatigvie.
eut
fini, il
fais Teftet,
me
ne
mais
le
faible et
mode
sembla pas tout à
me dit-il,
d'un
fait
homme qui
L'ensemble
était
content de
chante juste,
qu'on entend à peine.
vraie critique de son tableau. ;
et
des poètes, mais de vrais rustres appesantis
mais avec une voix
rustique
Léopold Robert, beaux
la
«
C'était la
beau, neuf
de peinture n'était pas robuste
et
comme
celui qu'il trouva plus tard.
Conformément à nos habitudes, nous donnerons quelques extraits des
«
Il
jugements formulés par
n'y a pas de nature
si
puisse être relevée par le style.
neurs ne sont pas beaux, certes;
Belvédère tvpe il
y
;
a
:
grossière, disait
M. il
de
Millet en est
ne
les a
un exemple.
Ses moisson-
pas copiés d'après TApollon du tel est
leur
enveloppent leurs corps sans grâce; mais
dans tout cela une force secrète, une robustesse singulière, une rare
simplicité de ton local,
et
Théophile Gautier, qui ne
nez camards, lèvres épaisses, pommettes saillantes,
les haillons les plus rustiques
science de ligne et d'agencement,
et
la critique.
fier
;
un
sacrifice
intelligent des détails,
qui donnent à ces rustres on ne
sait
une
quoi de magistral
certains de ces patauds couchés étalent des tournures florentines
des attitudes de statues de Michel-Ange.
leur laideur,
la
Ils
ont, malgré leur misère et
majesté de travailleurs en contact avec
la
nature, .'\ulieu de
vestes et de pantalons, jetez quelques draperies sur ces torses brunis, et vous
JEAN-FRANCOIS MILLET. aurez une scène biblique. surprise,
Noémi. Et
comme un
sera facilement Booz,
Ce paysan
puis, quelle ardente
fer chauffé à la fournaise,
entende craquer
l'épi
!
143 et cette
glaneuse
chaleur dans cet horizon blanc
dans ces meules, où
La Tondeuse de moutons
et
le
semble qu'on
il
Berger
offrent les
UNE GLANEUSE FIGURE POUR LE TABLEAU DES MOISSONNEURS. (Croquis de
mêmes
qualités,
et,
il
la collection
faut le dire
arrêtés par des traits noirs, et
dénuées de
plis,
et
de
M""-'
Marguerite Sensier.)
aussi, les
une certaine
mêmes
plus semblables à des peaux qu'à
Paul de Saint-Victor
défauts
coriacité
écrivit aussi
dans
:
des contours
les étoffes,
des tissus.
trop
><
une page éloquente à
propos du tableau des Moissonneurs. Elle résume, à
elle seule,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
144 le
caractère de la scène et Timpression que Tartiste avait voulu
faire surgir
«
M.
de ce repas primitif:
Millet
s'est fait le
poète du peuple
Son tableau des Moissonneurs Les rustres plaine,
est
une
et le
idylle
Tombre des meules de
assis à
sculpteur de
d'Homère
traduite en patois.
foin qui pyramident dans la
sont d'une laideur superbe, brute, primitive, pareille à celle des
statues éginétiques et des figures de captifs sculptées sur les tiens.
dont
On ils
la grossièreté.
les dirait
ont gardé
la
tous sortis directement du flanc de
couleur terreuse
et les
rudes arêtes.
voilà de la poésie et de la majesté populaire respect devant ces rudes paysans,
A
Cybèle,
bonne heure,
la
Vous vous
sentez pris de
compagnons des grands bœufs,
armés de faux, nourriciers des hommes.
La Tondeuse
!
tombeaux égyp-
la vieille
guerriers
»
de moutons n'était qu'une petite toile d'une
exécution affinée. C'est la première pensée de la grande Tondeuse de 1861. Celle du Salon des Menus-Plaisirs n'était encore
qu'une promesse, mais savoureuse. Cette jeune peine touché au
mouton en
lui
enlevant sa laine,
fille,
qui a à
charmante
est
avec ses précautions maladroites.
Théodore Pelloquet représenta Millet comme un peintre qui apporte
poétique
et
comme un
un élément nouveau dans d'une
savant
idée
restée
de haute stature
artiste
l'art,
et
comme
inexplorée,
jusqu'ici le
l'interprète
plus fort de notre
époque. Pelloquet, jusqu'à sa mort,
Quand presque violentes,
il
ne cessa de suivre Millet serait
un jour
Pelloquet n'était ni son ami, ni
ou l'approchèrent suite
fidèle
dans sa critique.
tous eurent retourné leurs louanges en attaques
grand peintre qui
Ala
demeura
:
il
ne
le vit
et
d'en parler
la gloire
même
comme du
de notre temps. Et
de ceux qui
le
connurent
jamais.
de l'Exposition de i853, Millet obtint une médaille
de seconde classe.
J
EAN-FRANÇOIS .MILLET,
Son Repas des Moissonneurs
145
acheté par un Amc'ricain
fut
et
deux autres tableaux par M. Hunt.
ses
M. Hunt Couture,
habitait Paris depuis plusieurs années. Élève de
s'était épris
il
des tableaux de Millet,
plus paisiblement l'homme
peintre,
menant
installation à Barbizon, y
Américain
et le
et,
pour étudier une ample
s'était fait
il
la vie agitée et
joyeuse de tout
au bon pays de France'.
fixé
D'autres étrangers
que M. Hearn-, peintre,
tels
M. Bab-
et
cock, à qui Millet avait donné quelques leçons en 1848, venaient
M. Hunt.
visiter
comme une
y eut ainsi
Il
colonie d'artistes, dis-
ciples fervents de Millet, qui, par leurs acquisitions, allégèrent
un peu
sa gène.
Mais ces bonnes fortunes comblaient à peine les
trous qu'avait creusés une existence toujours
que Rousseau, Millet avait pour
marchands, inquiets boulanger,
de
le
presque féroces,
seul de l'endroit,
supprimer
lui
et
le
se
de i853. Diverses œuvres de
l'artiste
Hunt retourna aux
retrouve dans
qu'il fallait apaiser
un
:
un
épicier était
devenu son plus
les
catalogues des Salons de iS52 et
américain ont également figuré aux Expo-
i855 et de 1867. Après avoir été longtemps des nôtres,
États-Unis. Fixé
d'abord à Newport, ensuite à Boston,
conquis
une
français,
ceux de Millet particulièrement,
place
petits
Brattleboro vers 1825, mériterait d'être
à
connu en France. Son nom sitions universelles de
un groupe de
menaçait, en l'invectivant,
le
pain quotidien;
William Morris Hunt, ne
1.
satellites
De même
difficile.
importante
dans
de son pays.
l'art
et
aimait
Il
les
en possédait plusieurs.
il
Il
il
a
tableaux peignait
des portraits, des sujets de genre, des scènes militaires. Habile dans l'enseigne-
ment, livre
il
a
formé quelques
publié en
élèves.
Au
jours de septembre 18-1).
besoin,
il
d'un
D'après des renseignements particuliers, que
les jour-
suicide ne semble pas inadmissible.
Hunt dans
\'Ac\ideinj'
On
du 27 sep-
(M.)
Richard Hearn, né à Correagh
élève de Couture.
Babcock
est l'auteur
mort à Boston dans
est
trouvera une courte notice sur William Morris
2.
Il
premiers
Hunt
naux n'ont point connus, l'hypothèse d'un tembre 1879.
savait écrire.
les
1S75, Talks on art.
Il
(Irlande), était,
a exposé à Paris en i852,
en 1857
est resté jusqu'au dernier jour le fidèle
ami de
comme William Hunt, un et
en iS5g.
Millet.
—
M. William
I.M.)
10
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
146
garnisaire
un
;
fournisseur parisien
—
lui
vente des meubles
de
l'atelier
et
envoyait
une solution toute naturelle, jour ni une heure à sirent
l'artiste
De
!
je relis les lettres
malheureux,
patient
lui apparaissait
comme un
ne voulait accorder ni
pareilles scènes se reprodui-
je
que Millet m'écrivait en ces temps
il
raconte
dignes, calmes, et
vois toutes
les
procès-verbal de ses tortures. ;
il
du
les huissiers et leur suite; la
de Millet
et
l'antipode
pendant plusieurs années.
Quand
rien
—
de campagne
tailleur
le fait
Il
comme un
ne cache rien, ne se plaint de
brutal, et la triste vérité n'en paraît
que
plus poignante. ses cruelles confidences se terminent invariablement
Toutes
par ces mots
«
:
mon
Tâchez,
pauvre Sensier, de battre monnaie
avec mes tableaux; vendez-les n'importe à quel prix, mais en-
voyez-moi 100 car
le
francs, 5o
ou
temps approche où
Alors
je battais
aux amateurs, naient,
les
le
même
3o,
si
vous ne pouvez plus,
»
pavé de Paris, offrant aux marchands,
mon illustre ami. Les uns ricacomme un fou les autres, beaucoup
peintures de
ou me repoussaient
;
plus rares, achetaient, mais à des-prix dérisoires. Je frappais
d'acheter en
aux portes de mes camarades. Je leur
toute
acquisition à
mon
m'engageant à reprendre leur
confiance,
compte,
si,
résolutoire
:
«
peintre
et je
moi. Je
faisais
le
tableau
Décidément,
croyaient avoir
fait
ainsi certaines ventes,
et,
plus tard,
un mauvais marché. Je terminais quelques mois après,
me
me
ils
revenait avec la condition
disait-on, je ne
préfère toute autre chose. »
iionneur à
disais
me
fais
pas à ce
Nouvel embarras pour
mes engagements, mais par des
efforts
surhumains, par des emprunts, par des combinaisons, toute série des
embarras de jeunesse. C'est
ainsi
que
j'ai
la
acquis bien
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
147
des pages de Millet, en quelque sorte malgré moi
par
et
la
force
des choses.
Plus tard, d'avoir
amateurs récalcitrants eurent regret
certains
rompu
leur
tableaux; mais
je
marché
et
vinrent
me demander
ferme, ne leur disant que ceci
tins
mon
trop tard; vos peintures sont dans
sérail, elles
mêmes
ces
k
:
nen
à Gygès.
fit
recourez à
Temps
lui
:
Au
surplus,
vous servira.
Millet
moule
le
le
sjrti-
pas détruit,
n'est
»
d'épreuves, de combats, d'humiliations, d'inventions
pittoresques pour nous tirer tous d'embarras
dans
est
comme
ront pas et tout au plus vous autoriserai-je à les voir,
Candaule
II
brouillard des jours disparus que
!
Je ne les entrevois
comme un cauchemar
qui se transforme parfois en splendides clartés
convaincu que peut preuve matérielle;
l'être
que
car
j'étais aussi
un mathématicien en présence d'une que Millet
j'avais la certitude
peintre. C'était plus
;
la
confiance qui
me
était
un grand
poussait, c'était
la
vérité palpable et sans réplique.
De l'homme,
comme
à
un
je
n'en
parle
frère aîné, qui
fions de la vie;
comme
l'accueil toujours
à
me
pas.
J'étais attaché à
Millet
révélait les beautés et les attrac-
un sage au caractère toujours
égal, à
me
débar-
encourageant qui m'apprenait à
rasser de tout bagage inutile et m'indiquait les bons sentiers.
Ces temps d'épreuves sont passés. Millet
est
mort radieux,
mais tué, avant l'heure, par ces incessantes batailles où ses forces devaient être vaincues. sa peau.
«
Dans
l'art, répétait-il,
il
faut
y mettre
»
Malgré
tout. Millet ne désespérait pas.
qu'il accomplirait
à lui manquer. ses ennemis.
Il
une
belle carrière,
n'était
pas
triste,
si le
Il
avait la conviction
pain ne venait point
mais grave
et attentif à
tous
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
,48
Rousseau, à ce moment,
guère plus favorisé
n'était
leur
:
liaison avait été très lente à se faire. Millet, encore plus gêné
ne
lui,
confiait
lui
que sous une forme enjouée toujours sur
Rousseau, défiant,
mais enfin
embarras.
ses
souvrit tard à
ses
gardes,
Tun
à l'autre, et
se confièrent
que
entrèrent
Millet
;
alors
dans une communauté d'impressions qui exerça une
ils
ils
grande influence sur Rousseau. Vers i852, celui-ci consultait déjà son lui
ami sur
ses tableaux et ses projets. Millet osait parfois
en dire nettement sa pensée, chose
Rousseau.
.<
Mon
cher Rousseau,
pourront vous
i<
Il
bons
être
mes
je placerais
que moi
même
y eut
Il
figures
à
je
je
ne sais
si
les :
deux croquis que
je
vous envoie
tout.
Vous savez mieux
ce que vous voulez.
y a eu en ces jours derniers des
de dire que Dieu seul
je
tâche seulement de montrer où
dans votre composition, voilà
ce qu'il faut faire et
à accepter pour
quelques velléités de collaboration.
quelque chose
me
essayer de vous décrire, ne terai
difficile
de givre, que
effets
sentant pas de force à
le faire.
je
Je
ne vais pas
me
conten-
pu en voir de plus extraordinairement féeriques;
a
voudrais seulement que vous
les
eussiez vus.
Avez-vous terminé vos
tableaux? C'est que vous n'avez plus qu'un mois pour faire votre forêt est très «
soit
au Salon
:
il
faut
absolument
qu'il
y
Je tâche aussi d'être prêt. Je crois qu'en travaillant, j'arriverai.
tableau il
important que ce tableau
s'agit
commence
à se faire d'ensemble,
de travailler
Rousseau,
mais
je
crains les accrocs.
plusieurs nègres. Je vous dis bonjour,
vous donne un
et
Tout
comme
tas de grosses
ceci se passait en i852 et
et
il
soit.
Mon
Enfin,
mon
cher
poignées de main.
au commencement de i853,
en avril, époque où Millet perdit sa mère. Il
fallut aller
lui
succession.
tableaux
et
au pays afin d'y régler
Heureusement il
mois de mai.
il
le
partage de
la
parvint alors à placer quelques
put quitter Barbizon dans
les
premiers jours du
CHAPITRE XV VOYAGK
GRÉVILLE EN
A
RETOUR
l853.
BARBIZON.
A
UN AMATEUR.
DESSINS.
GREVILLE AVEC LA FEMME ET LES ENFANTS (1854). l'aBBÉ LEBRISEUX. ÉTUDES SUR NATURE, PROMENADES. LE PEINTRE DE LA " SOCIALE ». OPINION DE PARIS SUR MILLET. DOCTRINES DE MILLET.
SECOND VOYAGE
A
Mardi,
(c
Mon
«
sable
que
cher Sensier, mes frères
j'aille les
ifl5j.
qu'il est indispen-
Quoique
voir pour les aider à arranger leurs affaires.
ne m'y entende guère,
il
faut
que
je sois là.
vous voir avant de monter en voiture jour, adieu et
sœurs m'écrivent
et
m.ii
j
;
Je pars jeudi;
dans tous
vous souhaite bonne santé. Je
dant une quinzaine. Je vous serre
la
ne
sais si je
les cas, je
vous
je
pourrai
dis
bon-
probablement absent pen-
serai
main. «
Millet partit seul dans Tunique
de famille. Réunis à Gruchy,
je
les
J.-F.
MILLET.
»
but d'arranger ses affaires
huit enfants de Jean-Louis-
Nicolas Millet se partagèrent l'héritage. François ne demanda,
parmi
les
meubles, que
chêne qui, depuis des père en
fils.
les livres
Sa part de maison
la
famille
ainsi
c^ui
et
l'armoire en
se transmettait indestructible
siècles,
sance à l'un de ses frères
du grand-oncle
et
de terre,
restait à
il
en laissa
Gruchy. Puis
le
la
de
jouis-
bien de
réduit en fractions minimes, Millet reprit
le
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i5o
chemin de Barbizon où
lui tardait
il
de retrouver sa
femme
et
ses enfants.
Les temps devinrent moins durs. Millet avait trouvé un
mince
filon qui lui permettait
de fournir au plus
Plusieurs amateurs aimaient ses dessins
augmenter
d'en
une vraie
faisait
pas un connaisseur médiocre.
notamment où
le
la
ne se lassaient pas
nombre. M. Atger, entre autres, ami de
le
Campredon, en
et
strict nécessaire.
Il
M. Atger
collection.
savait choisir et
il
n'était
a possédé
Gardeuse de montons, composition intéressante
crayon noir
se
mêle au crayon de couleur'. Les dessins
de Millet n'étaient pas alors ce que furent plus tard ces étonnants sujets rehaussés de pastel,
admirables qu'on
vit
après sa mort
homme
ne cessa d'être, un
qu"il
et,
mental des choses de
la
avec un style particulier
Ces dessins, pour
;
mais déjà
qui trouve
campagne et
plus tard encore, ces pages
et
le
caractère fonda-
en rend
une personnalité
l'artiste était ce
la
physionomie
saisissante.
plupart sur papier gris ou bleu relevés
la
de touches de gouache blanche, ombrés par coups d'estompé,
comme
sont exécutés vivement, sujet.
se
Presque tous,
ils
par un
artiste
maître de son
sont la pensée mère de Millet
transforment plus tard en pastels ou en peintures,
geront pas de dispositions ou
dans
la
vision de Millet
;
car,
médité, délibéré, cherché;
en quelques
était
traits
d'effets. il
et,
complète
L'image
et, s'ils
ne chan-
était fixée à
jamais
n'accomplissait rien qui ne fût
lorsque l'œuvre surgissait,
elle
et définitive.
Millet s'attristait cependant d'être réduit à fatiguait sa tête
ils
;
ce travail qui
par des inventions, toujours renouvelées, quand
Les dessins de la collection de M. Atger ont été vendus à l'hôtel Drouot mars 1874. Le catalogue n'enregistre pas moins de vingt-deux crayons ou
1.
le 12
pastels de Millet. Les prix additionnes
donnent un
total de !i,qo5 francs. (M.)
o
S
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i52 lui vint
il
une bonne fortune, à
mécomptes.
Un
sauveur.
Barbizon, jeudi, 19 janvier iBs+.
«
Mon
«
que
cher Sensier,
me
il
pourrait
il
voudrait.
en
d'après
un croquis
été, s'il
ne
l'est
venu
effet
Voici ce que
j'ai
jusqu'où vous pourrez
à
une journée ou deux
faire ce
je ferai, soit
que
et le Je
qui met du pain dois lui faire,
je
un
a
je
du attendre
si
veau toute
qui a
fils
fond de
la
le plaisir, si
d'argent depuis
somme
pour M. Atger, voyant
pour
les
s'est
me
reste juste
tard;
et
le
Hol-
mais de
;
fortes
trouvé à découvert.
l'argent, envoyez-le-
francs.
Vous me
mais encore avant-hier
la journée,
faire
deux
le
pre-
à la
pour
soit
vous
5o francs
fonds baisser, con-
le susdit
bourse
avancé
très
casuel m'absorbe...
vous demande quant à
que
vous parler m'a empêché de
le
Faites-moi
à faire des dessins
il
comme un
:
autres. Je comptais,
tout de suite, tout de suite,
étendu
que
Je vous rembourserai cette
moi
n'aurais pas
lampe, mais
la
somme quelconque
aller.
pour cinquante
vous pouvez
Femme
Ce monsieur
francs.
vous demander
migraines m'en ont empêché Si
la
Rousseau.
mière livraison de besogne que
sacrer
m'a acheté
quand quand
quoique toujours interrompu, au tableau
pouvez, de m'envoyer une
landais, soit
il
de lui indiquer
qu'il pourrait venir
autre petit tableau
pour 400
qu'il a vu,
plus, élève de
Je travaille,
hier,
un
francs, et
du Hollandais, Femme cousant à «
me demandait
voir à Barbizon. Je lui ai répondu
Il est
au four, pour 800
(1
reçu samedi dernier une lettre d'un M. Letrône,
j'ai
ne connaissais pas, dans laquelle il
je
qui n'avait jamais eu que des
amateur, un bienheureux amateur, se présenta,
comme un
fut accueilli
et
lui
je
direz
suis resté
hier la visite dont je viens de
Je vous
grand'chose
donne plusieurs
poignées de main. «
On
trouvera peut-être que
de Millet, sa misère. D'un et,
quand on
orages de le
le
la vie,
je
dévoile
MILLET.
un coin
homme comme
voit, toujours digne et
J.-F.
secret
lui tout est
on conviendra que
et
de
la
une abnégation
si
vie
précieux,
serein au milieu
répondre à tant d'inquiétudes par
calme, l'amour de son art
))
le
des
travail,
persévérante,
sa pauvreté doit le rehausser encore
dans
JEAN-FRANÇOIS MILLET. l'estime de tous. Si Millet eût été
une non-valeur, qui songerait
à soulever un pan de son manteau
Le nouvel amateur découvert,
belle
cette
il
:
passant. Rousseau l'avait
commanda deux
composition
:
Femme
poules, dont le prix fut tixé à la
Là
un
bonnes surprises. M. Letrône ne
les
beau chemin
si
pas
?
selon son habitude discrète, l'adressait à Millet
et
Rousseau aimait en
n'était
i53
:
s'arrêta pas
autres toiles, entr'autres
manger aux
qui donne à
somme énorme
de 2,000 francs.
encore, d'une scène empruntée au trivial de
la vie,
Millet a
dégagé une action presque solennelle. La femme, du haut de ses trois
tresse
marches de
grès, jette le grain à terre
comme une
pré-
de Gérés.
Millet était riche de près de 2,000 francs
employer ce trésor
A
?
et partit
allait-il
rendre son intérieur confortable, à jouir
des douceurs d'une existence de capitaliste à son pays
Comment
!
Nullement.
?
Il
songea
en juin 1854, avec tous ses enfants, pour
la
Hague. «
Mon
«
cher Sensier,
je
pars pour
à-dire que j'arrive à Paris demain, soient pas trop fatigués en
temps de puis, ce
vous
ne
Fétre. Je
ne sera pas
revoir.
Je
faute. Je
compte
juin
pourrai vous voir
;
afin
que
comme
dans
lundi, c'estles enfants
auront bien
qu'ils
en tout
vous souhaite bonne santé
revenir
185.^.
ma Normandie, demain
pour partir mardi,
montant en diligence, vu
sais si je
ma
Dimanche, i8
cas, si je et
un mois.
ne
ne le le
au plaisir de Poignées de
mains. «
Parti pour
A
Gréville,
un mois, il
il
resta quatre
J.-F.
et
•>
mois absent.
ne retrouvait plus ni son père ni ses deux
mères. Ceux qui n"avaient point abandonné
sœur aînée
MILLET.
un de
ses frères, c'est-à-dire
le
village étaient sa
une autre génération.
Les anciens témoins de sa jeunesse reposaient sous
le
gazon du
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i54
cimetière. Les premiers jours furent tristes. vie active de la
maison
pur des
Tair
et
Mais
les
champs,
la
falaises le rendirent tout
entier à ses entraînements naturels. Il
voulut peindre,
il
dessina,
et,
reproduisit religieusement tout ce
maison,
la
le
jardin,
pâturages,
les
11
les
le
que
que par
on peut
légers frottis.
une vingtaine de quis.
Son
sa famille avait possédé
dessins,
et
Il
fit
avec une délica-
le dire,
de sa pensée, ne touchant à ainsi quatorze peintures et
remplit deux albums de cro-
il
une moisson de
village lui aurait fourni toute
L'abondance de Millet ne
rustiques.
:
chemins couverts du domaine paternel.
peignit ce coin de terre,
toile
fils, il
pressoir, les étables, les clos, les haies,
tesse filiale, n'osant dépasser la fleur la
avec Tattention d'un
pas sur
tarissait
sujets
la
terre
natale. Il
voulut aussi parcourir
landages,
les
demeures des maîtres
vieilles
fermes deux ou trois
alentours de Gruchy, revoiries
les
fois centenaires, les
d'autrefois,
dunes,
vants, les criques, les grèves, les défilés incultes territoire
de Voville.
Il
rapporta de rapides l'aquarelle, notes
y
fit
fixés
sommaires qui
mou-
les sables
et terrifiants
des excursions avec sa
dessins,
les
ensuite à
du
femme
et
en
plume
et
à
la
lui servirent plus tard
pour
ses
compositions.
Un
soir,
sonner;
revenait à son village;
se trouvait à la porte
il
Il
entra
Il
attendit, et,
;
il
il
vit
près de l'autel
quand
le
cement sur l'épaule en C'était l'abbé Jean c'est
vous,
mon
de
un
ï Angélus venait
la petite église d'Éculleville.
vieillard à
genoux qui
vieux prêtre se releva, lui
il
disant à voix basse
lui <(.
:
brassèrent en pleurant.
le petit
François!
«
priait.
frappa douFrançois.
Lebriseux, son premier professeur.
cher enfant...,
de
et
ils
«
Ah
»
!
s'em-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i56
Et
la
psaumes,
les
«
— je
-vous
Et
les
bréviaires, lui répondit xMillet, c'est là
que
François,
Bible,
l'avez
oubliée?
relisez-vous?
Ce sont mes
puise tout ce que
je fais.
Voilà des paroles rares pour moi en ces temps-ci,
Virgile, autrefois
— — semé,
?
Je l'aime encore.
Allons, c'est bien il
a poussé
tombée de Millet à
Le séjour de V
fit
Il
sorte d'une
:
la nuit.
Gruchy
son avenir.
fut profitable à
raviva en images plus précises
lieux, source
mon fils où j'ai mon enfant, » et ils
récolte de sujets caractéristiques qu'il n'épuisa
une ample
jamais.
suis heureux,
je
;
vous qui récolterez,
c'est
;
se séparèrent à la
11
Vous aimiez bien
mais vous en serez récompensé
l'abbé,
lit
première de ses sensations.
manière indélébile,
les
souvenir
le
en
Il
principaux
fixa,
de ces
en quelque
traits et
les ori-
l'attendai-ent
de nou-
ginalités spéciales.
Bientôt
il
reprit
le
chemin de Paris où
veaux travaux, de nouveaux mécomptes. Et cependant son
nom commençait à grandir. Le
rustique de Millet avait tion, réelle et
réfléchir la jeunesse
fait
pensive tout à
la fois, avait suscité
nation de certaines gens tout un et sociales.
frère
monde de
Les uns prétendaient que Millet
de Pierre Dupont,
de Lachambaudie,
le
le
;
nouvel art
cette traduc-
dans l'imagi-
pensées politiques était
en peinture
chantre des paysans, l'éloquent
fabuliste des misères
le
allié
du peuple. Le Semeur
maudissait, disait-on, la condition du riche, puisqu'il lançait
avec colère son grain vers de
l'artiste et essayait
le ciel.
Chacun commentait l'œuvre
de s'en faire une arme.
Millet ne se croyait ni
si
important, ni
si
révolutionnaire.
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Devenir un peintre de
la
Jacquerie, c'était trop compliqué pour
Nulle idée subversive ne bouillonnait en
lui.
sociales,
:
«
voué à
ne voulait en connaître aucune. Le peu qu'il en
il
Mon programme, la
est-il écrit
pas
!
peine
du
depuis des siècles
Ce que
tout
le
mieux, à devenir
Tu :
monde
Le
et
il
répétait sou-
car tout
homme
est
vivras à la sueur de ton front,
destinée
immuable qui ne changera
devrait faire, c'est de chercher c'est
fort et habile
son voisin par son talent la seule voie.
c'est le travail,
corps.
progrès dans sa profession,
moi
Des doctrines
lui.
avait entendu dire ne lui semblait pas clair. Et
vent
iS-
de s'efforcer à toujours
dans son métier
sa conscience
reste est ré\erie
ou
au
et
n
faire
à surpasser
travail. C'est
calcul,
le
pour
CHAPITRE XVI EXPOSITION UN'IVERSF. LI. E DE 1633. n
PAYSAN GREFEANT UN ARBRE.
THÉOPHILE GAUTIER.
>'
ACQUISITION DU TABLEAU DE MILLET PAR UN AMERICAIN CHIMÉRIQUE.
THÉODORE ROUSSEAU.
Depuis
au monde
trois ans,
entier.
"
LE HAMEAU COUSIN.
une exposition universelle
vient de la grande fête de :
France
immense concours. On
se sou-
i855.
Nos
tisans.
fois
de sa
vie,
Tous ceux de
vingt ans revinrent trèrent
le
artistes furent
Delacroix, à jamais reconnu
français, en fut le triomphateur, et
première
annoncée
était
théâtre, et la
Paris devait en être
conviait toutes les nations à cet
acclamés
LES ENFANTS.
'
le
maître des maîtres
Théodore Rousseau, pour la
ne trouva plus devant
lui
que des par-
ses tableaux qui avaient été refusés
comme
plus
les
des exilés ^•ainqueurs,
pendant
mon-
se
et
lumineux à ce Salon cosmopolite. La réaction contre
rinjustice de l'Institut
pour FÉcole de i83o
était
venue;
alla jusqu'à l'enthousiasme. C'était peut-être trop, et
qui prévoyait l'avenir, avait crainte
vement trop emporté pour
elle
Rousseau,
du contre-coup de
ce
mou-
être durable.
Millet avait préparé et
longuement étudié un
Virgile, son poète favori, lui avait inspiré
:
Insère, Diiphnc, ptrns; carpent tua prima nepotes.
sujet
que
JEAN-FRANÇOIS MILLET. une scène bien simple
C'était
un paysan
:
femme
arbre, dans son jardin, près de sa
iSg
du
livret,
motif suscitait
en
lui
famille,
pour
—
de son enfant.
et
Millet avait été très sobre en sa notice
paternelles pensées ce
un
greffant
mais que de
Homme
!
de
la
songeait à Tavenir des siens, au père qui travaille
il
ses successeurs.
Son oeuvre
fut
d'une description
comprise. ThéophileGautier
lui
l'honneur
fit
:
Nous commencerons notre revue champêtre par le tableau de M. JeanFrançois Millet, un Paj-san greffant un arbre. Bien ditTérent des maniè«
ristes
M.
en laid qui, sous prétexte de réalisme, substituent
le
hideux au
vrai,
Millet cherche et atteint le style dans la représentation des types et des
Son Semeur, exposé
scènes de campagne.
une noblesse
grandeur
et
manière
mais
;
le
rares,
quoique
geste par lequel le
v
il
a
quelques années, avait une
sa rusticité ne fût atténuée
en aucune
pauvre travailleur envoyait au sillon
le
si
beau, que Triptolème guidé par Cérès, sur quelque bas-
relief grec, n'eût
pas eu plus de majesté. Pourtant un vieux chapeau de feutre
blé sacré était
tout roussi et tout déteint, des haillons terreux, sière,
formaient tout son costume. Le coloris
tristesse, l'exécution solide, épaisse,
une chemise de
était sobre, austère
Mare au
la
jusqu'à
la
presque lourde, sans aucun ragoût de
touche. Cependant ce tableau faisait éprouver la
commencement de
toile gros-
même
impression que
le
Diable, de George Sand, une mélancolie
solennelle et profonde. «
Le Paysan greffant un arbre
plicité,
sont une fois fixés sur le
fond,
est
une composition d'une extrême sim-
qui n'attire pas les regards, mais elle.
Au
les
retient
longtemps, lorsqu'ils
milieu d'un verger, dont une chaumière occupe
un homme, vêtu d'un
gilet
de tricot
et
d'un pantalon de grosse
insère la greffe dans l'incision d'un jeune tronc d'arbre
avec tout
le
soin que
demande
cette délicate
coupé
opération.
A
à
côté de lui,
corbeille posée à terre contient les choses nécessaires à son travail; sa
ayant un nourrisson au bras,
femme de
n'est pas jolie, certes
la vie rurale,
mais
il
:
la
le
regarde d'un air intelligent
L'homme,
tant
il
le pli
souple
et
une
femme,
grave.
La
beauté des paysannes passe vite aux fatigues
y a dans sa
tête
dans sa pose une grandeur tranquille,
une draperie, dont
étoffe,
mi-hauteur,
et
bien
une expression pensive
et le
ce
touchante,
coin de son tablier relevé lui
jeté se
sent l'importance de
et
pourrait tailler dans qu'il
fait,
a
l'air
le
fait
marbre.
d'accomplir
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
ibo
quelque nité
rite
d'une cérémonie mystique
champêtre; son
sourde
comme
et
aux lignes
profil sérieux,
d'une sorte de grâce
et d'être le
Que
enveloppe
détail, et
une
mornes sur
ce fond grisâtre, accomplissant
vous font rêver, lorsque
il
:
exprime
les idées les
comme
laissent froid
intime des champs
est
l'art
les
s'est dit
virgilien.
—
-
tout cela,
traité,
Tout rustique
il
il
fait
;
le
semage,
moisson,
la greffe
des héros? Sans doute,
des Géorgiques peintes où, sous une
familière; n'avait-il
est
et grec,
une originalité des plus farouches?
»
doute à sa pensée. Le défaut
trop assourdie, dans
donnait pas assez de vie à
la
et fine
nieuse, disait
dans
Du
les
la
tons de sa robe
Pays,
fait,
un procédé qui ne
fernme !
à distance,
!
Quelle couleur
Cette peinture
«
l'efTet
harmo-
d'un tableau de
grand maître, qu'on n'apercevrait qu'à travers un crêpe... dans
la sévérité d'aspect
fortement, l'austérité
du
fut
style.
le
pas l'un des moindres.
les
a,
Il
ses admirateurs.
trouva un Américain c'était
Pactole. L'Américain resta invisible, mais
louis d'or par
y
»
qui l'achetait 4,000 francs comptant; 4,000 francs, Millet
Il
de ce tableau, quelque chose qui prend
Le Paysan greffant un arbre eut donc Rousseau ne
était
lumière; mais quel dessin grave,
quelle belle attitude que celle de
tendre
la
poésie
la
dans leurs figures
leur grandeur? Pour-
et
comme
et,
une page éloquente. Gautier n'a pas voulu formuler
gamme un peu
la
Ces deux figures
détaché de l'arbre, un sujet historique
l'objection qui se présentait sans
dans
comme un
vulgaire, vous occupent
fait
qu'il est, l'antiquité lui
Œdipe
faut l'avouer, avec
C'est là
pas
une couleur assombrie, palpite un mélancolique souvenir
et
pas débuté par un
mais
et
!
que M. Millet comprend
quoi des paysans n'auraient-ils pas du style
M. Millet
personnages
paysans qu'il représente,
sympathie pour eux
sa
un
ne sont-ils pas des actions saintes, ayant leur beauté
forme pesante
manque
une couleur
plus ingénieuses, adroitement rendues,
glace. C'est
aime
les
singulière chose
rustique.
résignées,
:
étouffée à dessein revêt cette scène de ses larges teintes
épais tissu
vous
fortes et pures, ne
tout en gardant le caractère paysan
triste,
où ne papillote pas un seul
et
prêtre obscur d'une divi-
pour
paya en
mains de Rousseau. Ce généreux étranger
1
JEAN-FRANÇOIS MILLET. voulait garder
i6r
Tanonyme. Quelques semaines plus
apprenions que
fabuleux Américain
le
était
tard,
nous
Théodore Rousseau
lui-même, qui avait voulu masquer sa bonne action'. Déjà,
Tannée précédente,
du fumier,
belle
avait acheté à Millet
il
un Paysan répandant
page où Taction de l'homme s'affirme grave-
ment, au milieu d'un grand paysage de novembre.
L'année i855
fut assez
de diminuer son passif
et
heureuse pour Millet
souvenir
époque
et
de son pays,
exact
permit
la
qu'il
vue du
Hameau
commença
à cette
qui ne fut terminé que dix-neuf ans après. L'Attente,
qui met en scène
le
père
et la
mère de Tobie,
avancée du premier coup; toutefois,
très
elle lui
de consacrer son temps à quelques
tableaux qu'il avait médités, entre autres Cousin,
;
il
fut dessinée et
suspendre
fallut
et
courir au plus pressé. Cette sorte d'aisance ne devait pas durer. Millet avait de
lourdes charges, une grande famille augmentée de deux de ses frères, qui avaient
dans
et protection
comme
abandonné la
le
pays pour
lui
demander
vocation d'artistes qu'ils voulaient suivre
Millet fut pendant longtemps leur maître
lui.
asile
et
leur
appui.
Cependant, jusqu'à
la fin
de i855, tout
alla à
peu près sans
entraves. Millet aimait à voir à sa table tous ses petits enfants, ses
amis
et
nombreuse don,
ceux qui s'intéressaient à son et
etc., s'y
vu souvent
rendaient avec plaisir,
triste
I.
ses
une réunion
toujours gaie. Rousseau, Diaz, Barye,
de gaieté tout à l'esprit;
art. C'était
dans fait
Millet,
ses lettres, prenait
entraînante. Sa
paradoxes, ses
Nous avons raconté avec
sur Théodore Rousseau, 1872,
et
p.
avec eux une pointe
pétillaient
de'tails cette
226-227. (^-
que nous avons
bonne humeur devenait de
railleries
plus de
Campre-
de
anecdote dans
traits
les
S-) 1
co-
Souvenirs
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i62
miques
et
mordants. Et quand un autre prenait
la parole,
voyait pendant des heures tracer dovicement sur la
le
nappe avec
la
hasard plaçait sous ses yeux. Millet n'interrompait
jamais son enfantement songeait ou notait
choses
les
;
:
à l'atelier,
avec ses amis,
plus ordinaires
;
et,
devant
lui el
peignait; au dehors,
il
traçait
il
machinalement
surgissait
s'il
perspective, de forme, de dessin,
comme nous
ses belles oeuvres. Aussi,
heureux, lorsqu'il partait de Paris pour Barbizon, pleines de gâteaux et de joujoux
plus ces sombres soirées où
pour
n'avait
:
«
Ah mes !
trits; et,
la
pour
le
ses enfants
les
Ce
!
voyions
le
poches
n'étaient
revenait les mains vides, et où ,
aux
il
qui
insatiables
pas de sa porte, quelque belle chose de
pauvres enfants,
marchande
les
il
pour
aux impatients
réponse
demandaient, sur
boutique de
était
suis parti trop tard, la
je
fermée.
»
Tous
rentraient con-
consoler, Millet n'avait d'autre ressource que
de leur conter des histoires Malheureiisement,
les
ciers passèrent vite, et le
et
de leur chanter des chansons.
semaines sans nuages
et
sans créan-
premier jour del'ande i8561ui apporta
tristes étrennes.
I.
C'est en i855, après avoir terminé son tableau
que Millet grava à l'eau-forte cinq sujets rustiques autres avaient été aussi gravés par les
problème
l'avait résolu'.
il
une partie de
Paris
les
une question de
avait figuré le
il
il
employa laborieusement l'année à concevoir et à préparer
Il
de
le
pointe de son couteau les images qui occupaient sa vision
on que
lui
on
publia
pas.
lui,
mais
Quelque temps auparavant,
il
il
pour l'Exposition universelle,
qu'il
fut
mit bientôt en vente. Deux
mécontent de
la
morsure
et
ne
avait tenté des essais sur cuivre et
sur zinc qui étaient trop peu importants pour être montrés. Plus tard,
il
grava
encore d'autres planches. Enfin, indépendamment des dessins qui ont été gravés par Adrien Lavieille,
il
a taillé
lui-même plusieurs
bois. (A. S.)
CHAPITRE XVII — —
l856.
LETTRES DE MILLET. LE
«
DISETTE.
ÉPREUVES.
LE BERGER.
—
CREATIONS NOUVELLES.
LE « BERGER AU PARC LA NUIT ». BERGER RAMENANT SON TROUPEAU LE SOIR ». — SUPPLICE. PAROLES DE MILLET. VENTE DE CAMPREDON. •
—
L'année
i856
suivantes peuvent être notées, pour
les
comme
maître,
l'illustre
et
des époques de famine
et
d'épreuves
extrêmes. Baibizoïi,
Mon
«
i"''
janvier 185Û.
cher Sensier, voilà décidément Theure du gâchis arrivée. Je viens
de trouver en rentrant une sommation d'iiuissier pour payer, dans quatre heures pour tout délai, à M. X..., tailleur,
Cet
homme
billet
pour
agit le
comme un
mois de mars. D'un autre
et
côté, G... a refusé
gements?
une chose acquise
Un
et
payez
!
!
— Oui,
et
tout
bon sens de
me
côté
le
60
cent.
:
lui ai dit,
je
du pain
et
a été
va passer chez moi une
manque
dans
mon
pas de gaieté.
ignorance, que
la loi
un
piège,
vous offrant
mois vous apporter
le
crédit
sa facture et
ne connaît pas toutes ces choses-là; vous
Cela m'a en grande partie expliqué
affaires et, autant qu'il
fr.
prévue. La loi n'admet donc pas des arran-
arriver au bout de six
vous forcer de payer devez,
et
fournisseur peut donc vous tendre
pour une année
Il
de créanciers, ce qui ne
Je viens de voir l'huissier
«
crédit était
somme de 607
vampire, puisqu'il avait promis d'accepter un
d'une grossièreté révoltante... Enfin ca j" est! procession d'huissiers
la
les vingt-
semble,
11
mon
faut mettre tout
pour apprendre
ce
qu'on
inaptitude aux
raisonnement droit
nomme
la
chicane, qui
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i64
de rouerie
n'est plus qu'affaire
procéder que
me
main au
la
le dire et tout
refus de paiement
moi, car
j'ai la
collet,
de suite, car ;
je
et
de subtilité. Puisque
comment
me
vont-ils
ne puis admettre
je
la
la loi a le droit
traiter
tète dure,
que peuvent
ce
vous pourriez vous révolter contre dire
disiez
:
On ne On peut :
violence de la
loi
qu'au
faire des
gens qui veulent agir en
les
par
leurs actes, car
choses qu'on peut faire avec la loi
doit pas faire cela, c'est odieux, etc.. Je veux que vous faire ceci
Rousseau, à qui
«
de ne
Je vous prie de
croyais qu'elle devait engager à la conciliation. Dites-
toute rigueur et dont la conscience ne peut être troublée
me
?
ou
j'ai
et
me
cela.
raconté les réponses de l'huissier, en est suf-
foqué «
Réponse de
suite.
Poignées de main. « J.-F.
Je ne
donne
cette lettre
que
comme un
MILLET.
B
spécimen de la triste
position de Millet et de ses inquiétudes. J"ai là sous les yeux,
par mois, par semaine, quelquefois par jour, une sorte d'invende ses tortures. Cette correspondance douloureuse,
taire
m'abstiens de
la
reproduire.
Bien d'autres tinte
sans cesse à
suivent
lettres se l'oreille
comme un
de Millet. Le mal de
corps l'assiègent sans relâche. Enfin, quand les siens,
il
jetait ainsi
cessait entre ses rares
amis
nulle fatigue ni impatience. l'on trouvait si
il
glas funèbre qui l'esprit, celui
souffre trop
du
pour
appelle au secours.
Lorsque Millet
savait
je
:
un
cri
d'alarme, toute distraction
nul commentaire, nulle explication,
On
se concertait,
une prompte combinaison pour
inhabile à faire de
l'or,
on le
s'ingéniait, et
sauver.
que nous cherchions à
le
On
le
rendre
à la paix.
Ces
lettres sont
pour moi tout un passé de grands jours
de nuits malfaisantes, où le bien
heureux
Millet, et
où
et le
mal
se heurtent sur le
et
mal-
ses convictions, sa religion, sa misère
sont sans cesse aux prises avec la destinée
!
JEAN-FRANÇOIS MILLET. me
Devrais-je
ensevelir dans
taire et
gnages de ce passé douloureux les
plus intimes, doit-elle être
La
?
vie,
i63
l'ombre
les
témoi-
avec ses meurtrissures
murée comme celled'un supplicié?
Et qui donc se souviendrait, après nous, des épreuves de Millet
dans
grande chronique de
la
l'histoire?
famille n'en porteront plus témoignage,
mes amis, qui donc
lirait,
homme
seulement qu'autrefois j'avais
digne
courageuse,
et
et
quand
j'aurai
de bien
et
et
sa
rejoint
cinq cents
de génie
me
époques funestes. Je
J'avais presque oublié ces
nais
femme
sa
étudierait, scruterait ces
journal d'un
lettres, véritable
Quand
?
souve-
combattu pour une âme
ma
d'autres malheurs avaient épuisé
mémoire. Ces
lettres, je les
de confidences loyales. Avais-jele droit de
les
sont-elles pas les vraies lettres de noblesse
de
religieux, pleines
Ne
confisquer? Millet
Mais
?
poraine de
retrouve éloquentes, pleines d'un souffle
serait trop cruel
il
pour notre génération contem-
publier toutes.
les
donne aujourd'hui de simples
J'en
prouvé que
je
extraits, afin qu'il soit
suis encore au-dessous de la vérité. Si je repro-
duisais in extenso la correspondance de Millet,
on
se croirait
revenu aux légendes des affamés du désert. Je n'hésite pas sacrifie la
confidence entière de ses trop longs supplices
crises sans cesse renaissantes.
«
Ah! ma
mangent avant «
J'ai le
«
Si
fin
de mois, où
tout
cœur
la
Quelques fragments
trouver? car
il
faut bien
et
:
je
de ses
suffiront.
que
les enfants
!
tout enveloppé de noir.
vous saviez
comme
Favenir,
et
non pas
très éloigné,
m'apparait de
couleur sombre! Travaillons du moins jusqu'au bout. n
ma
J'ai
une
série
de migraines qui m'interrompt à chaque instant dans
besogne. Je suis très arriéré. Si
de mois!
»
j'allais
ne pas arriver pour
ma
fin
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i66
A
chaque
instant,
croit vendre,
il
il
ou retarde son payement.
teur qui se dédit
beaux dessins de Millet
Comme
«
mon
pauvre Rousseau
une grande preuve que ceux qui ont bon cœur
je
ensorcellement.
pense à ce
je
comme un
Je travaille
{les Glaneuses]. Je ne sais II est
ce ne soit pas «
de façon que
j"ai
qu'au physique
on
;
que
ce
moral, il
je suis
y a bien
mon tableau me donne.
signifie rien.
venues m'assiéger ce mois, mais
mon
temps. Je vous assure
en pleine démolition. Vous avez
peu d'endroits qui soient un
Le temps de ma
aussi
pour désigner
dette...
le
lieu
le lieu
de
comment Dante temps
qu'ils ont
Enfin, allons jusqu'où nous
»
Et enfin, lettre
A
:
ni
!...
On comprend
a fait dire à certains de ses personnages,
passé sur la terre
peux
je
par comprendre ceux qui soupiraient après
rafraîchissement, de lumière et de paix.
pourrons.
y a là-dessous
malheureux tableau ne
eu à peine un quart d'heure de
finit
êtes
encore un mois de travail tranquille. Pourvu
petites et grandes, sont
comme au
Il
finissons, car je ne
!
nègre pour tacher d'arriver avec
raison, la vie est bien triste, et
de refuge
Bah
une chose trop honteuse
Les migraines,
Vous
font le métier de victimes.
vraiment ce qui sortira du mal que
les cas, je désirerais
!
sujet.
certains jours oii je trouve
Dans tous
les
pas conscience des tracasseries de toute sorte
ne peux m'empècher d'abuser.
je
comme un
que
n'ose dire ce «
je n'aie
vous donne, mais
quelque chose
une
Rousseau
écrit à
:
vous prépare des ennuis,
je
N'allez pas croire que
que
Il
de son côté, ne trouvait qu'indifférence ou légèreté pour
qui,
que
y a promesse d\ache-
:
comme
cri
suprême,
il
m'écrit ces seuls mots sur
Venei, veuei!
travers ces feux croisés de malaises cruels, avec sa tête
toujours prise, ayant constamment l'inquiétude
croupe, Millet préparait ses plus belles œuvres V Angélus, nait avec
:
Teffroi
et les
Glaneuses,
Y Attente. Aussitôt que sa santé revenait,
un nouveau courage
sa maison de paysan
:
le
en
il
repre-
désir de vivre chez lui, dans
JEAN-FRANÇOIS MILLET. «
Je vais décidément beaucoup mieux;
projets d'achat de
maison
m'embarquer dans des
sont,
pour
affaires
dont
pour me gêner autant,
tant que,
je
167
recommencé
j'ai
à travailler.
Mes
le
moment, suspendus.
je
ne sortirais pas facilement, d'au-
J'ai
peur de
me
plaise
assez.
Hunt
est ici
depuis
ne trouve rien qui
J'attendrai. «
Pierre,
mon
plus jeune frère,
Barbizon.
est arrivé à
quelques jours. Rousseau viendra-t-il
;
MILLET.
« J.-F.
commence
Millet truit plus
pignan
tard, et
le portrait
tableau qu'il
fit
la
femme de Rousseau, M.
termine une peinture pour
il
un Bout du
,
de
pillage de Grépille.
plus tard en grand
11
P., de Per-
Cette année i856, année infernale, n'eut cependant
souffrait, plus
du
motif
C'est le
envoya au Salon.
et qu'il
prise sur l'esprit de conception de Millet.
dé-
Il
aucune
semble que, plus
il
s'imposait la retraite pour enfanter de grandes
il
choses. C'est alors qu'il fut profondément occupé d'une figure
rustique dont Barbizon lui fournissait
ceux de son pays
Le berger
:
le
n'est
un type plus puissant que
berger.
pas un campagnard
reurs ou des autres travailleurs des
Saint-Martin, qui la
le fait
Au
humide
printemps,
agneaux.
Il
troupeau.
De
sonde
couche à
vit seul,
il
son troupeau.
la belle étoile,
un person-
c'est
:
il
les
les
il
plus, c'est
cieux
et
à la découverte des
Il
est
le
le
à la
:
temps. Toute
il
la
il
va sur
moindres végéta-
guide, l'ami,
un contemplateur
prédit
pour
dans une cahute roulante
aide les mères brebis dans
soigne.
n'a
De Pâques
gardien nocturne de ses moutons. L'hiver,
terre encore
tions.
il
il
et
à l'image des labou-
champs
nage énigmatique, un être mystérieux;
compagnons que son chien
fait
le
venue des
la
médecin du
examine vie
de
les astres,
l'air lui est
familière.
Ce
solitaire
intéressait Millet.
C'est de cette
époque que
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i68
date
Berger au parc,
le
Tombre combat avec
la
la nuit
page étonnante de vérité, où
lumière blafarde d'une lune que Millet
a su peindre dans Tespace table
;
comme un monde
bizarre et redou-
où des bruits mystérieux semblent surgir des profondeurs
;
des plaines
;
où
le
coassement des grenouilles
et
le cri plaintif
des chouettes interrompent la voix du berger, qu'on aperçoit
dans
le
lointain
comme un
en proie aux maléfices de
être
la
nuit.
Le Berger ramenant son troupeau au
chefs-d'œuvre, a été composé
ses plus étonnants
un de
soleil couchant, et
presque
entièrement peint de i856 à \S5j. Personne n'a été insensible à ce
morceau homérique, à
cette figure qui passe lentement,
enveloppée de son manteau, conduisant à travers trovipeau docile, qui se presse et s'attache au berger protecteur. Et
nuées
et les
le soleil
tout
la plaine
comme
le
à son
rouge descend gravement à travers
les
brumes.
Plusieurs autres Bergers succédèrent à ces deux premiers. Il
me
m'en souvient de deux qui
frappèrent vivement
plaine
terre
deux hommes en
c'était le
:
de Lucrèce, la
la
plein soleil, piochant
berger presque heureux devoir,
misère des autres;
limousine sur
les
épaules
,
l'autre,
incliné
de l'Orient. Derrière
lui,
çant pour n'est plus le
le
berger heureux de
"Virgile,
la
comme l'homme
comme un homme l'infini, le
le soleil
mais
C'est de l'art
qui
nuage qui
baisse,
et
le pasteiir
sa
mena-
lendemain. Figure d'un caractère grandiose
pour son peuple de ruminants. et réel.
durement
on entrevoit son parc
cabane, qu'il va rejoindre bientôt; car
de
appuyé sur son bâton,
observe par delà l'horizon, quoi? L'espace, vient
l'un,
regardait au fond
près d'une roche à l'ombre d'un bois, la
:
;
ce
inquiet
moderne, humain
,n,
'i V,
=
x-rà ...
^M :J'iy^-^'
"\i
I,?'
%
(
T. y^-'i'
LE G ARDEUR DE VACHES. {
Dijssin de la collection de M"*^
Marguerite Sensier.)
'
.
JEAN-FRANCOIS MILLET.
'/"
dessin réfléchi, serré, en font une des plus belles créations
et le
de Millet. Aussi ne loublia-t-il pas,
paysage le
l'homme
corps, la fîère attitude de
La noble proportion du
est
plus important,
fit-il
type presque consacré par
lui
figurer ce rude berger
de
le
comme
vigilance rustique.
la
que l'imagination me
pas
Et qu'on ne croie
sur des toiles où
et,
tra-
fait
duire ces oeuvres de Millet en pensées qui lui fussent étran-
Ce que
gères.
consigne à propos de ces tableaux, ce sont ses
je
paroles répétées c'est lui
faire sentir à
m'a-t-il dit
fois
«Ah
:
ceux qui regardent ce que
splendeurs de
la nuit.
On
je
!
faire
lumière qui se lèvent
et disparaissent,
joies et les
malheurs des hommes;
s'effondrera,
ce
témoin impitoyable de
Un
soleil,
la
jour, entre autres,
horreur
!
si
et,
Ils
ne
bienfaisant,
les
à
»
les détails
montrant
n'a pas reculé d'épouvante, n'a pas arrêté sa
«
Hor-
le soleil)
marche.
—
mais
anciens
Ces
»
Millet n'aurait pas cru à
coutumiers
:
qu'un
sera
passé dans la forêt.
s'écria Millet, et celui-là (en
astres sont implacables.
des
quand notre monde,
nous entendions raconter s'était
et
éclairent tout
désolation universelle.
d'un horrible assassinat qui
étaient
les
faut percevoir
Il
depuis des siècles
avec une impassible régularité?
siècles,
!
entendre
N'est-on pas épouvanté quand on songe à ces astres de
l'infini.
reur
terreurs et
je fais, les
pouvoir
doit
voudrais pouvoir
chants, les silences, les bruissements des airs.
nous,
mais
!
Combien de
les
traduites insuffisamment sans doute,
et
un Josué moderne
de ces
apostrophes
;
;
ils
les
prenaient
pour
confidente ou pour témoin la nature entière, qu'ils appelaient à leur secours. Millet, tout plein de l'antiquité, poète
des plus émus, devait sentir
comme
les poètes.
lui-même
et
JEAN-FRANÇOIS iMILLET. Voici encore une difficile
à
écrite
lettre
Mon
Beugniet;
cher Sensier, ils
j"ai
fait
mon
la
Je lui
lui.
me donner
voulu
prix. J"ai
voir au caissier,
pour
année
deux dessins destinés
ici,
sont assez importants, surtout un, mais, malheureusement,
qu'il n'a pas
rabattre de
vait
cette
décembre 1856.
Paris, mercredi 3
apporté, en venant
n'étais pas convenu de prix avec
ce
de
lin
:
11
«
la
171,
;
mon
de
et,
demandé 60
ai
ne pouvais pas
côté, je
les aurait volontiers pris,
comptais pour un peu d'argent,
me
promis pour dimanche prochain
à l'épicierT....
Cet argent,
restent.
qui
me
je
je
formellement
l'ai
persécute chaque fois
me voilà recevant un renfoncement au lieu d'argent. vraiment comment m'y prendre pour tenir, ce que j'ai promis et
qu'il vient, et
je vais
a
ne se réser-
s'il
vente de Campredon, de sorte que mes dessins, sur lesquels
temps vivre, puisque
je
francs de chacun,
donc remporté mes dessins, que Léon Legoux
M. Atger, qui
à
rentrer à Barbizon avec
Je ne sais
en
même ma
10 francs dans
poche. Je suis on ne peut plus contrarié de vous parler de cela, vous sachant à court d'argent;
100 ou
mais
i5o francs,
si,
par hasard,
vous voyez le
dans un immense embêtement,
pour deviner comment t-il je
vous
de m'envover suis
vraiment
reconnais n'avoir pas assez de puissance
m'y prendre pour me
pour moi des instants un peu meilleurs
me
était possible
que vous mêleriez. Je
plaisir
et je
faudrait
il
il
?
Je n'ose
tirer
me
de
flatter
Viendra-
lit.
de cette idée,
sens au contraire des atteintes de découragement, sans que pour cela
puisse ou doive plier, ce qui serait
me
mettre encore plus bas
et
je
d'une façon
irrémissible.
Les dessins dont
«1
je
vous parle sont
restés chez
Rousseau, à Paris, dans
un carton sur son canapé. «
Bonjour
et
poignée de main. '
On
voit
que tout
lui
manquait
:
J.-F.
MILLET.
Campredon
était
1
mort,
sa vente prochaine absorbait d'avance les ressources des
et
rares
amateurs de Millet'.
(1)
Un
de nos amis a retrouvé, non sans
tableaux, dessins
et
predon. La vente eut
lieu
h l'hôtel
Drouot
un exemplaire du Catalogue des
effort,
estampes qui composaient
le
cabinet de feu
les 12 et
1
3
décembre
M. Louis CamCampredon
i85t"i.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
172
mon
pris
amis
courage à deux mains, plus riches
« les
une œuvre loterie.
une bouée de sauvetage. Je
à tout prix lui jeter
fallait
11
une souscription que
pie,
me
Personne ne
demandai, pour
transformerais en une
je
questionna sur
mes
frapper chez
d'autorité, je leur
et,
»,
et j'allai
On
la destination.
ras-
sembla cent francs, pas plus. «
«
je
Mon
cher Sensier,
vous remercie dix
j'ai
ou
sais lesquelles, car
ne
trois choses
expliquera Si
(1
dit
il
certaines clioses de
les autres
pas absolument
n'ai
le
spleen,
de pensionnaire,
titre
moi
qu'il veut pousser,
languiraient trop.
que vous m'engagez
plus victime qu'une infinité d'autres
qu'il n'en soit
mon
autrement,
cher Sensier
;
je
;
et c'est
!
Du
un
et
lui, très
reste,
j'irai
à
ne pas
me
il
croyant pas
la fatigue
me
n'aura pas tenu à
à Paris.
Poignées de main.
embarrassé; mais
MILLET.
J.-F.
»
pas Millet? Rousseau
aidait-il
les
était,
gens de Barbizon avaient
Indépendamment d'un choix précieux
délicat. il
vous
pour moi une grande consolation.
«
Pourquoi Rousseau n
ne
soit,
seulement peur que
j'ai
ne sais quel jour »
Ostade,
Il
au moins un profond embête-
j'ai
prenne. Voilà près de vingt ans que cela dure
était
dont
sujet de la vente de
ment mais sans aucune rage contre qui ou quoi que ce
comme
et
au
écrire
avec raison qu'il ne faut pas tout pousser, deux
seulement, pendant que
prendre chez moi à
.\dieu,
i8$(î.
cela... je
mes amis
décembre
soir, 7
reçu les 100 francs que vous m'envoyez
Rousseau doit vous
fois...
Campredon pour vous désigner je
Dimanche
d'eaux-fortes d'Adrien
Van
possédait deux tableaux de Millet, Retour de la forêt (vendu 122 francs)
Bacchantes
rouge, une
et
Satyres (vendu 265 francs).
Femme
Il
avait en outre
un dessin au crayon
mie, et dix-sept autres dessins au crayon noir, entre autres les
portraits de Victor
Dupré
et
de Vechte. Sauf un Lever de lune, qui
200 francs, ces dessins furent adjugés à des prix dérisoires.
Un
portrait et
fut
payé
une étude
échurent à Diaz. Théodore Rousseau acheta un Garçon de ferme, un Brick en
rade
et
une
l'âge d'or
Femme
pour
les
dans un
bois.
acquéreurs. (M.)
Ces
trois dessins lui
coûtèrent 120 francs. C'était
JEAN-FRANÇOIS MILLET. entière confiance en
créancier.
Il
Monsieur Rousseau, qui
1/3
savait calmer
ne pouvait rien directement, et cependant
prêtait à soutenir les prix
de
la
vente Campredon,
un
il
s'ap-
comme
ache-
teur auquel la famille accordait crédit. Quelle époque militante et
quels assauts
!
CHAPITRE
XVIII
LIDEE DE MILLET SUR LE BEAU. LES GLANEUSES 1. — OPINION DE LA CRITIQUE. SALON DE 1857. «
INTERPRÉTATION INEXACTE DE LA PENSÉE DU MAITRE.
Je ne sais ce que Millet pouvait penser de
immenses progrès qui doute,
s'étaient
Un homme comme pour ne pas
rien, et
des
dut s'apercevoir qu'il avait franchi un grand espace
il
lui
il
l'éclairer
était
il
en possession de son
Ses travaux étaient trop écla-
lui-même. Cependant
se retirait plus solitaire
il
n'en disait
que jamais dans son
ruminant longuement, sans communiquer rien à lettres étaient rares,
et
devait comprendre que sa pensée
se dégageait lucide et puissante.
tants
et
accomplis dans sa manière. Sans
que, désormais maître de ses forces, idéal.
lui-même
mais affectueuses
et
comme
ses
atelier,
amis
;
ses
détendues par
une tendre mélancolie. Ses affaires restaient lugubres,
dussent s'améliorer de et,
sitôt.
La
et
il
ne prévoyait pas qu'elles
place de Paris
lui était
hostile,
à l'exception de quelques amateurs et de rares marchands,
tous
le
teur
des
regardaient
comme
le
peintre
du
laid et le calomnia-
campagnes. Cependant Millet n'amendait rien à ce
sens rustique qu'il prétendait développer jusqu'à sa plus haute
JEAN-FRANÇOIS MILLET. puissance. « Tant pis, disait-il,
ma
peau, «
je
ne m'en dédis pas,
Qu'on ne
drir les types
risque
je
je la laisse.
terroir; j'aimerais
me donne
des mètres de toile à couvrir à
la
du
ma façon
en paix concevoir à
Sur ce «
de maçon
travail
terrain,
il
si
et
jolies,
réside pas dans figure et
me forcera
à
amoin-
rien dire
que de
des enseignes à faire,
comme un peintre en Ton veut; mais qu'on me laisse accomplir ma tâche, journée,
i'
était intraitable.
le
—
disait-on.
lui
visage, elle
Oui, oui, mais
dans ce qui convient à
sillon d'aoiit, à tirer l'eau
du
l'action
puits.
du
sujet.
La gloire de maintenant,
Vos
Quand
je
ferai
une mère,
sur son enfant.
»
notre époque, l'invention de i83o, chacun
est la
manifestation éclatante
Théodore Rousseau
et
Dupré en ont
Jules
été les
premiers
Ils
avaient compris que
des
les
colorations naturelles, la vérité exacte ont
droit
au
soleil
:
c'était
sant à cette pensée, la
ils
la
le sait
du paysage moderne.
pionniers. ciels,
jolies
bois, à glaner sur le
tâcherai de la faire belle de son seul regard
beauté, c'est l'expression.
beauté ne
la
rayonne dans l'ensemble d'une
paysannes siéraient mal à ramasser du
La
mis
ai
Mais On voit des paysans qui sont beaux, des paysannes
qui sont
je
j'y
»
mieux ne
m'exprimer faiblement. Qu'on
bâtiments,
paquet;
le
croie pas, ajoutait-il, qu'on
du
175
profondeur
un nouveau monde à
et les
plans leur
révéler. Et, obéis-
avaient négligé, sans s'en rendre compte,
présence de l'homme. Leurs œuvres étaient assez téméraires
pour absorber leurs
forces,
assez vibrantes
pour passionner
l'opinion.
Millet
voulut donner à l'homme
paysage l'importance, sa création
même.
la
grandeur,
le
rôle principal et
la vérité
au
d'une création dans
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
1-6
a
Jusqu'ici, Millet
comme
été
de sa tâche. Les
effrayé
paysages qui enveloppent ses figures sont secondaires,
A
un peu lourds. file
parfois
Texception du Semeur, qui, dans l'ombre, pro-
démarche sur un
sa superbe
et
ciel
émouvant
et
de quelques
autres petites toiles. Millet est toujours resté dans la tradition des
anciens
:
sacrifier le
paysage à
la figure.
Aujourd'hui, tout change. Millet a trouvé
désormais
neuses sur un
lumineux,
ciel
de
A de la
l'effet,
qui
la vie
comme monie
sans
le
fondre
découverte?
des champs.
les
se
et
On verra
mouvoir lumi-
s'accentuer nettement
même
valeur, sans
et le jeu
A
Il
connaissait
de
la
sa connaissance profonde si
foncièrement
de
les lois
lumière, que ses figures se fondaient
autres accessoires de ses compositions dans une har-
Son savoir
universelle.
scène à l'endroit
dans
et
le
était si précis
mouvement
qui
pour peindre une
lui étaient familiers,
que l'exactitude devenait alors un élément de charme. l'air
l'arti-
secours de l'accident.
doit-il cette
perspective
sujet principal, se
une atmosphère de
tout à la fois dans fice
comme
ses figures,
le secret.
qu'il peignait, c'était
la
lumière qu'il
C'était
fixait, c'était l'invi-
sible qu'il voyait.
Mais, pour cela,
avoir la science du vrai dessin,
la
proportion justement pondérée des diverses inflexions de
la
figure
humaine
et
il
fallait
toute la prévoyance de ses mesures dès long-
temps méditées. Cette science,
immense
travail.
du
génie
mouvement dans son extrême d'intensité.
acquise au prix d'un
:
c'est
vérité
;
le geste,
l'artiste serait
homme ému,
et
le
l'attitude, le
c'est l'expression
Recherche admirable
peu au delà de sa pensée, caractère. Millet,
l'avait
Mais, ce que nul ne peut apprendre, Millet
possédait par une faveur
summum
il
à son
dangereuse
tombé dans
!
l'excès
Un du
mais toujours sage, avait imposé
JEAN-FRANÇOIS MILLET. la discipline à
'
son imagination;
^^^.
et,
quand
il
177
n"était
pas entière-
3^. ^
^tS?
:i
-'^S
^^:' ^ H-
LES GLANEUSES. (Dessin de
ment mois
satisfait
et
la
collection
de M. Alfred Lebrun.)
de sa conception idéale,
il
la laissait
reposer des
des années, jusqu'à ce qu'elle sortît enfin digne de
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
178 lui.
Parfois, cependant,
se
il
laissa
à cette pente qui
aller
vers une expression trop voulue.
portait
peur d'attenter à formula
stigmates jusqu'à l'accentuation
les
Mais ces
des races, que, malgré
la rusticité
d'un tempérament qui avait horreur de
Au
Salon de iSSy, on
lui,
plus
la
fautes, rares d'ailleurs, s'expliquent
tellement
avait
Il
nettement dans l'opinion publique,
les
ceux qui savent voir, en furent surpris rieure à tout ce qu'il avait
fait.
vaincues, tout y était réussi
:
il
en
radicale.
par l'exubérance
la banalité fade.
de Millet un tableau qui
vit
le
le
posa
Glaneuses. Les artistes,
comme d'une page
Toutes
étaient
difficultés
les
supé-
exacte des figures qu'on
la vérité
aurait cru sculptées, la profondeur des plans, la lumière blonde et
harmonieuse enveloppant
dité,
une couleur superbe
des glaneuses,
et
enfin
le
tableau de sa pénétrante limpi-
et sobre, le
le
mouvement de
Trois pauvres femmes, une sent les épis perdus
vieille
loin, le
les
charrettes et à faire des meules.
maître
d'une main
vement de mendier au
leur corps, souple et
deux et
et
deux jeunes, ramas-
dans un champ qu'on vient de moissonner.
Au
les
sévère
et
la distinction.
beau jusqu'à
courbée,
caractère grandiose
et les
gens de
la
ferme sont occupés à charger
La
vieille
femme
est à
peine
jeunes, penchées vers la terre, saisissent l'épi
de l'autre tiennent
tension, sol ces
les
glanes déjà
l'allongement des bras
et
liées.
Le mou-
du corps pour
brindilles de froment sont
véritablement
superbes.
Les Millet.
Il
artistes
admirèrent sans restrictions
Glaneuses de
virent bien tout ce que ce tableau possédait de science,
de style propre, d'air gèrent en
les
et
de modelé, mais
les critiques se
parta-
deux camps. Les uns voulurent y voir un plaidoyer
contre la misère du peuple
;
d'autres trouvèrent que ces trois
JEAN-FRANÇOIS MILLET. comme
pauvres femmes étaient Tordre social. Sur
ment en cause,
question d'art,
la
«
et celles
ici
sa
féroces
qui fût véritable-
la seule
moins
divisés.
est
Il
M. Paul de
opinions de
les
menaçant
Saint-
M. Edmond About.
de
Tandis que M. Courbet,
un peu
bêtes
juges ne furent pas
les
curieux de rapprocher Victor
des
179
disait
manière % M. Millet
est
M. de
Saint-Victor, nettoie
en train de guinder
glaneuses ont des prétentions gigantesques
;
elles
la
posent
et
corrige
sienne. Ses trois
comme
les
trois
Parques du paupérisme. Ce sontdesépouvantails de haillons plantés dans un
champ,
et,
comme
bure leur en
épouvantails, elles n'ont pas de visage
les
tient lieu.
M.
convient aux peintures de
:
une
de
coiffe
Millet paraît croire que Findigence de rexécution la
pauvreté
:
sa laideur est sans accent, sa gros-
Une teinte de cendre enveloppe du'même ton que le jupon des glaneuses;
sièreté sans relief.
les figures et le
le ciel est
il
a
paysage
;
Taspect d'une grande
loque tendue. «
Ces pauvresses ne
me
touchent pas;
ont trop d'orgueil, elles tra-
elles
hissent trop visiblement la prétention de descendre des sibylles de Michel-
Ange
et
de porter plus superbement leurs guenilles que les moissonneuses
du Poussin ne portent leurs draperies. Sous prétexte boles, elles se dispensent de couleur et de modelé.
comprends latin,
les
— sacrée
simplicité.
Il
représentations de la misère, et
me
n'est pas ainsi
chose sacrée
déplaît de voir le
Ruth
champ de Booz.
et
Noémi
«,
arpenter,
dit le
symque
M. Edmond About répondait
Millet peint avec
comme
et
les
le fin
le
droit de se
:
une austère simplicité des
étudie la nature d'assez près pour savoir
je
poète
»
ces attaques, dont notre vieille amitié avait
plaindre,
«
Ce
naive. L'art doit la peindre sans emphase, avec émotion
planches d'un théâtre,
A
«
qu'elles sont des
du
sujets simples. Quoiqu'il fin,
il
ne se laisse pas aller
I. Courbet exposait en iSS; Les Demoiselles des bords de la Sente, Chasse au chevreuil Biche forcée à la neige, les Bords de la Loue et deux portraits. Le premier de ces tableaux était une page excentrique, impudente, mais d'une maestria toute chaude; les autres, de bons morceaux, très rapidement exécutes au couteau h :
palette. (A. S.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i8o
au péché mignon des observateurs subtils; dire à la fois, et
dans
tions, ce caquetage de détails qui fatigue
Ses tableaux péchaient
même
comme un
Mais
«
Glaneuses de iSS/
les
commune
signature
de grandeur
éclat.
Tout Le
pas
n'y surprendrez
tableaux de M. Diaz est
un
opulentes
fond de
comme
talents achevés et la
qui
fait
la toile,
mais vous
qui s'ébattent dans les
ces rayons capricieux
les blés,
air
comme une
dessin est sans tache et la
le
-,
un
de loin par
attire
des écoliers en vacances
mûrit
un
spéculé sur
déclamatoire.
la toile, les
du
richesse
et la
ramassent un à ait
creuset vide.
d'août chautïe vigoureusement
un de
croire
le soleil
:
suer les
de
M.
Millet
et
qui ne
hommes,
temps à badiner.
le
Au
«
Ton pouvait
œuvres précédentes par
marque des
la
Le tableau vous
calme là-dedans
est
soleil
astre sérieux qui
perd pas
un
se distinguent des
sobriété qui est
la
des maîtres.
et
nature à sa plus simple expression, se
de sérénité. Je dirai presque qu'il s'annonce
et
peinture religieuse.
couleur sans
œuvres de M. Meissonier.
les
alchimiste imprudent, devant
abondance dans
cette
la
de tout
la tentation
lui cette multiplicité d'inten-
par un excès de sobriété,
que M. Millet, à force de réduire trouvait,
échappe à
il
vous ne trouverez jamais chez
le
Il
moissonneurs bien nourris entassent les gerbes
Sur
propriétaire.
le
premier plan,
trois glaneuses
ne crois pas cependant que M. Millet
les épis oubliés. Je
contraste et voulu frapper les esprits par une antithèse
suspendu aux épaules de
n'a pas
ses
paysannes ces haillons
pathétiques que les Troyennes d'Euripide étalaient aux yeux des Achéens; il
ne leur a prêté ni
menaçants de
gestes
la charité ni
les
la
à la haine
grimaces pitoyables de misère envieuse :
tomne,
comme
elles
pauvreté larmoyante ni
comme
femmes ne
courbées sur
elles s'en vont,
glanent leur pain miette à miette,
la
les trois
:
chaumes,
les
elles grappilleront leur
ramasseront leur bois en hiver, avec
cette
et elles
vin à l'aurésignation
active qui est la vertu des paysans. Elles ne sont ni fières ni honteuses elles
ont eu des malheurs, elles ne s'en vantent point
d'elles, elles
ne se cacheraient pas
la face;
naturellement l'aumône du hasard qui leur
Mais
il
faut bien le dire
voué aux durs travaux de I.
Nos
:
la terre,
Artistes au Sijloii de iSSj, p. io3.
du cabinet de M. Hoschedé,
est
;
si
le
20
il
la loi'.
avait sans cesse
blonde
fit
et
et
»
Paysan
au cœur
plus tard une répétition si
chaude, qu'on a revue
avril 1875. Cette re'plique a été
par Charles Courtry, pour l'illustration du catalogue. (M.)
si
vous passiez près
garantie par
— Millet si
;
empochent simplement
Millet était de son temps.
réduite des Glaneuses. C'est la belle peinture, à la vente
elles
les
font appel ni à
gravée
JEAN-FRANÇOIS MILLET. la
compassion,
la pitié
pour
les
n'était ni socialiste ni idéologue,
penseurs profonds frances des autres, il
et
lui, et
le
sans
la question à l'ordre
pourtant,
et
comme
du
tous
11
les
souffrait des souf-
il
avait besoin de les exprimer.
il
n'avait qu'à peindre
Malgré
misérables des campagnes.
aimant l'humanité,
et
i8i
Pour
cela,
vrai paysan à son travail.
le
savoir,
jour.
il
entrait ainsi
Mais on avait
tort
dans
le
vif
de
de transformer
sa pitié en rébellion et de lui imputer une doctrine
qui répu-
gnait à sa nature. Il
y eut donc
là
de
la
part de la critique une dénonciation
inique ou une erreur obstinée qui força Millet à traîner jusqu'à sa
mort ce boulet de partisan vaincu.
Il
eut beau répéter et
dire sans cesse qu'il était sans colère, qu'il se résignait au sort éternel des
hommes,
qu'il se bornait à
raconter ce qu'il avait
appris dans la vie, on ne voulut jamais croire à cette simplicité
de conscience. Les Glaneuses furent peu demandées par
Enfin, pré, se francs.
M.
les
amateurs.
Binder, de l'Isle-Adam, fort encouragé par Jules
décida à acquérir
Combien
le
tableau.
vaut-il aujourd'hui?
Il
le
Du-
paya deux mille
CHAPITRE XIX l'épi de blé, la paire de sabots
CONVERSATIONS ET PROMENADES.
(
i'iSSS).
l'iMMACULÉE CONCEPTION
LA COMMANDE DU MINISTERE, SON HISTOIRE. ^«
FEMME QUI FAIT PAITRE
SA VACHE.
"
Mon
«
cher Sensier, voici enfin
un peu
les faisons
Que D
«
ait
pour un des tableaux et
promptement
»
janvier 1858.
13
VÉpi de bléK Cela
peut-il remplir son
but? Est-ce que vous ne viendrez pas dimanche faire
nous
».
ROMIEU.
M.
les
Rois avec nous?
tard à cause de la maladie de M""= Rousseau...
pour qu'il
la fin
du mois,
aura à
cette affaire-là. Il
me
et
un peu avant, un des cadres
payer. Tâchez de négocier adroitement
ne faut pas qu'il
ait lieu
besoin de lui livrer des tableaux. Tâchez de deviner
mon
de croire que
intention,
j'ai
ne
si je
dis pas les choses assez clairement... Je vois venir avec crainte et tremble-
ment un de
ces instants
que vous connaissez.
C'est
même
le cas
de dire
:
Les
temps sont proches... «
Ainsi
consumait
se
inquiétude, attente
I.
L'Epi de blé
e'tait
un
trait
avait demande'
passer
un
inconnus,
«
dessin. c'était
la
vie
du créancier
de Millet
J.-F.
:
et difficulté
MILLET.
»
travail, maladie,
de se
faire
payer
un croquis que Millet m'envoyait pour une dame qui de sa main
Aux dames,
».
c'étaient
Quand
était trop sollicité,
il
des épis
;
six paires
un
salut de politesse qu'il rendait. (A. S.)
me
lui
faisait
aux hommes, plus ou moins
presque toujours une paire de sabots.
ou
il
pour des admirateurs éloignés. C'étaient
ses
II
m'en
fit
parvenir cinq
armes parlantes
et
comme
JEAN-FRANCOIS MILLET. même pour nesse,
son ouvrage livré! Si nous n'avions pas eu
cette
comme
vigoureuse force de résistance,
Escousse. Par deux
fois, j'ai
pu
malhonnête homme,
lui
ai-je
Et Millet
»
que
:
Le
«
et la
me
la jeu-
à en finir
cette
pensée
suicide est d'un
comme
entendu dire alors,
répondait à lui-même... Et, après?... succession!
c'était
croire
de suicide avait hanté Tesprit de Millet
Belle
ISJ
femme
s'il
se
et les enfants?..
Et enfin, pris
regardait'.
t-Qç
LES SABOTS. (Dessin de
la collection
d'une bouffée de vie ardente, cher du
soleil, celui-là
Et puis,
du jour
ombre les
;
:
«
elles
comme nous Voyez
ces
I.
M.
il
s'écriait
:
dans
étions
les
Allons voir
«
le
cou-
»
champs à
la
tombée
choses qui remuent là-bas dans une elles existent; ce sont
Ce ne sont pourtant que de pauvres
gens.
une femme, toute courbée sans doute, qui rapporte sa charge Cette pensée malheureuse l'avait souvent visité;
au crayon noir d'un ;
baron de Girardot.)
réconfortera...
croquis de tragiques scènes de suicidés, et
valet
le
rampent ou marchent, mais
génies delà plaine...
C'est
me
de
effet
dramatique.
une femme, voyant ce spectacle
des cris de douleur.
monde que
Il
Un
je
j'ai
possède de
vu de Millet plusieurs
lui
un
très
terrifiant, lève les bras
et
semble pousser
faut dire qu'entre la pensée et l'exécution
Millet n'aurait pas franchi. (A.
beau croquis
peintre est mort au pied de son che-
,'>.)
il
y a tout un
.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i84
un
d'herbe, c'est une autre qui se traîne épuisée sous
De
bois.
la fatigue, le
c'est
grand Ainsi,
crépuscule en dévore
comme un chaque
fois
trouvait retrempé
l'amateur
surgir
mystère
Rousseau
?
«
Mon
cher Sensier,
mais
je «
même
qui
le
Dimanche matin,
avril 1858.
que Rousseau
suis très content de ce
communs
monde... De
le fossé;
je
l'un
je
a conclu
M.
H...
qui osent aimer
suis diablement
le
!
tant
chacun
a
l'autre,
c'est qu'il
la
très belles choses.
la
moi, que ce
Ce qui nous
a
a tout particulièrement l'air
peinture
désir de le faire.
et
:
son impression
et
qui l'aurait
La peinture
fait
comme
enfin spontanément
Nous en causerons,
car d'écrire cela
».
Enfin se lève un jour heureux. Millet a une sérieuse et
les
heureux de
tableau de Corot
des fois raison de l'aimer beaucoup.
un grand
Ce sont deux
n'aime pas
sans l'autre,
par quelqu'un qui ignorerait
n'en finirait pas
hommes
les
toute façon,
nous trouvions, au contraire, Rousseau
Vous avez bien
aurait pu, avec
trouvée.
d'or
toujours une espérance.
vivement frappés dans
d'être fait il
est
ennuyeux d'avoir
franche.
sa parole
et
incrédules.
les
N'allez pas vous imaginer que
Prairie avec
très
se
n'y compte nullement...
choses avant tout
serait
il
faire
dessin pouvait aussi produire impression sur
C'est qu'ils ne sont pas
la chose, «
Je
la terre,
mais comment
dévouait,
s'y
«
avec M.T... Si ce
beau,
c'est
»
!
toujours consolé;
et
formes;
les
que Millet frappait du pied
des miracles parmi
faisait
balancent leurs épaules
loin, elles sont superbes, elles
sous
fagot de
pour laquelle on s'adresse à
C'est à n'y pas croire
!
lui
commande
directement.
Le pape commande
à Millet
une
Immaculée Conception pour son wagon d'honneur. Un des chefs de ses chemins de fer vient à Barbizon et s'en entretient
avec Millet.
Qui
avait
pu nouer
cette
affaire?
Nous
l'avons toujours
JEAN-FRANÇOIS MILLET. pour cela
ignoré, et
qui aimait C'est
les
M.
même
nous en soupçonnons
Trélat, architecte des
chemins de
il
me
dans
ma
dit le
cher Sensier,
j'ai
enfin reçu
une
de faire Y Immaculée Conception.
wagon pour
le
il
romains, qui
fer
2} avril ifls8.
lettre Il
de M. Trélat, dans laquelle
que tout
faut
en place
soit
35 juin. J'ai le temps d'arriver. Je m'occupe d;
composition. Rousseau m'a
causé, mais
Rousseau,
commande. «
Mon
fort
tours de bienfaisance.
dirigeait cette petite
«
i85
que M. Trélat
écrit
et lui
n'en espère pas de bien grands résultats
qui peuvent peser sur lui ne dure pas, parce qu'il
ont beaucoup
l'empreinte de ceux
;
est
d'une nature trop
élastique. Celui qui pèse le dernier détruit la précédente empreinte... «
A
bientôt, j'espère. « J.-F.
((
«
Mon
cher Rousseau,
M. Trélat
Conception immaculée dont on a tant parlé. Je
un
avant, envoyé
petit
1).
Barbizon, samedi matin (24 avril 1858).
enfin reçu de
j'ai
MILLET
avis de
commencer
la
lui avais, plusieurs jours
croquis pour lui montrer
forme générale de
la
la
composition. «
...
très
11 fait
vois, en passant
dommage que
beau temps, quel
dans
la plaine, les arbres
la terre
soit si sèche
de votre jardin, dont
faire enrager,
mais :
c'est
malheureuse, quand
bon
là
mon
elle verra
Millet termina son
ne peut pas s'empê-
jardin! Est-il beau! est-il beau!!
J.-F.
MILLET.
Immaculée Conception pour
une charmante, mais bien étrange page.
cherché à fuir
Sa Vierge
la banalité,
n'était ni
il
la
pelles ni la reine des cieux
pour vous
dedans! C'est M"'« Rousseau qui sera
«
fixé. C'était
On
diablement agréable à voir.
Doit-il faire
Je
les têtes sont
toutes blanches de fleurs par-dessus les murs. Je ne dis pas cela
cher de se dire
!
!
')
le
délai
S'il
avait
avait réussi.
noire mystique des anciennes cha-
du moyen âge
:
c'était
une toute
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i86
jeune
de
fille
campagne,
la
l'œil
doux
bouche ouverte
large couvert de touffes chevelues, la
étonné du mystère qui
être
l'Enfant et semblait
pourquoi d'une
si
mort sur
la
pieds,
gît
en
lumineux,
et
elle.
front
le
comme un
Elle tenait dans ses bras
couver avec amour en se demandant
le
étonnante aventure. Le serpent
boule du monde. Le
ciel
le
à ses
était
profond rayonnait
de lumière. L'esprit de Millet avait
de
litanies
la Vierge, et
il
s'était fixé
propres à formuler l'idée de Stella matutina, la
ces belles images des
dû songer à
la
Rosa mystica,
sur les tableaux
plus pure des créatures la
eburnea, la Vierge des vierges enfin
Virgo purissima,
et les
monsignori de
la
les
la
car-
cour papale. Je ne m'étonnerais
condamnée
à la prison
perpétuelle, eût été reléguée dans quelque coin obscur, car,
de
:
!
pas que notre pauvre Vierge des Gaules,
fois sortie
plus
Turris
la
Ce tableau d'un charme pénétrant dut surprendre dinaux
les
une
de Millet, nous n'en avons jamais entendu
l'atelier
parler. Il
« ...
assez
Le tableau du ministère
promptement, voici
la
il
ici
pour
en train
et
:
la
?
est
une affaire
:
chose apparaisse sponta-
Je voudrais bien en voir une
<c
Le
le faire
vous demanderai
tirer des épreuves d'Olivier de Serres, et est-ce venu
de façon à pouvoir servir
1.
je
pourrais
des dessins qu'il graverait. C'est
prétend qu'il n'en faut pas parler, afin que fait
je
o",73 1/2 sur o'",92 1/2. Adrien Lavieille
me demander
nément... Avez-vous
au cas où
mesure pour son cadre, que
de transmeure à qui de droit
venu hier
est
2 août 1858.
J.-F.
'
...
MILLET.
»
portrait d'Olivier de Serres, lithographie par Millet, a été placé en tête
d'une biographie publiée sous xvi" siècle,
le
titre
suivant
:
Olivier de Serres,
par Reisnes (Privas, typographie de Roure
Alfred Sensier. (M.)
fils,
i858).
agronome du Reisnes, c'est
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Puis,
quelques
Tadministration
m'écrit
et
mon
Je vous envoie,
«
jours après,
187
craint quelque caprice de
il
:
cher Sensier,
un
dessin que
vous prie de
je
voir au Directeur des beaux-arts ou à son secrétaire pour C'est
une
Femme
qui fait pa'itrc sa vache
faire
ma commande.
et travaille à tricoter.
Dites-moi ce
qu'on en pense aux beaux-arts, quoique, à vrai dire, un vieux bas troué ne
semble pas bien démagogique. Enfin, voyez, on ne dans
la tète
tableau...
sait
me
pas ce qui tourne
de bien des gens. J'attends votre réponse pour continuer
mon
»
Le tableau du ministère
commande donnée M. Romieu
est toute
en i852 par
était
à
la
tète
la
une
histoire
:
c'était
une
Direction des beaux-arts.
de ces importants services.
M. Romieu ne
connaissait absolument rien à la peinture, à la
sculpture, etc.
Il
le
disait
théâtre, les lettres. C'était
franchement. Sa spécialité
un
homme
bien élevé,
doux
rellement bien disposé. Je connaissais son secrétaire,
de
faire
une campagne pour
J'adressai
je
était et
natu-
résolus
iMillet.
une demande au ministre. M. Romieu, auteur du
Spectre rouge, n'était pas porté pour les peintres politiques,
malgré tout,
On
écrivit
le
tendre Millet passait pour
fut
et
morale de
que ce
champs
et les
un
Heureusement
qu'il
parler de lui en quoi
se
promener en regardant
le ciel, les
arbres.
M. Romieu C'est
fait
se renseigner sur
semblait se borner à peindre, à rester fort
soit, qu'il
calme en sa maison ou à
"
Millet.
répondu que Millet n'avait jamais
et,
un démagogue farouche.
au préfet de Seine-et-Marne pour
conduite matérielle
la
le
interrogea divers artistes sur
original, dirent les uns; c'est
dirent les autres.
»
L'enquête
n'était
le talent
un sauvage
de Millet
:
prétentieux,
pas concluante.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i88
un
Enfin,
Couturières, et
Rendez-moi
du
les
je dis
au secrétaire de M. Romieu, après avoir dans l'épaisseur de
signature
la
bordure
:
service d'accrocher ce tableau dans le cabinet
le
directeur, sans signaler le
pression des visiteurs. Si la
tableau,
petit
je
disparaître la
fait
moi un
pris avec
jour,
nom du
pemtre,
attendez l'im-
et
bonne, insistez pour obtenir
elle est
commande. Le tableau appendu
calme
comme
tout
monde y
le
l'honnête occupation de ces pauvres était attiré.
Paul Delaroche, en
jour,
Couturières
avisa les
arts,
de l'auteur.
talent
demandez donc çois Millet,
C'est
«
le
Mais
ce fut
chez
visite et
se
un paysan,
était
femmes
;
un triomphe quand, un le
Directeur des beaux-
un homme neuf qui
dit-on.
il
:
prononça nettement sur
nom du peintre...
a
le
fait cela, dit-il;
— C'est un nommé Fran-
»
— Millet,
mon
main vigoureuse. Ah
d'imagination, une plusl....
généralement apprécié
fut
!
élève,
cela
ne
une
tête
m'étonne
i>
La commande
fut aussitôt signée. Millet
toucha six cents
francs par avance et attendit. Il
s'agissait
maintenant de
faire le tableau et
de l'exposer,
et
Millet n'en était que plus pauvre. H
«
dant
Mon
la
cher Sensier,
tempête
différence
:
Au
c'est le vrai
secours,
9 août 1858, Barbizon, lundi.
moment
de crier
comme Panurge
mes amis, ^e naye, jenaye, avec
que nous nous noyons à
sec...
pen-
immense
cette
Enfin, voici le bout de Textréme
bout du rouleau... Bonjour, venez. a
«
(1
Mon
direz aussi
cher Sensier, si
les
ma demande
migraines
et
J.-F.
MILLET.
»
Mardi matin, ;+ août 1858.
toujours les migraines...
Vous me
d'ordonnancement sera écoutée au ministère, car
.
JEAN-FRANÇOIS MILLET. je
suis bien forcé de regarder,
comme
le
189
Psalmiste, wiJâ venict auxiliiiiu
mihi... J'ai lu FlVuu', hélas! hélas! «
u
Mon
Delatre,
ne faut pour l'aider à il
vous
trouver que
le
le
bonheur de
quelques épreuves sur
Laissez-les lui prendre et en disposer
a parlé.
Mort
à travailler. Je vais mettre en train la
recommencé
et le
Bû-
»
En novembre,
Millet
est
tourmenté par des migraines
incessantes qui durent des semaines.
commande du
ministère
j'oublie
ce
récrire.
»
que
comme
et
j'allais
retombe épuisé
la
un ami d'Arras une
dire
avant
:
«
illustré.
d'avoir
Ma à
eu
Petite Bergère et
Plus tard,
il
il
lui
finir sa
d'un
tête est
un point que temps de
le
pénurie revient plus menaçante,
mantes scènes qu'Adrien Lavieille
un journal
pour
se relève
Il
ma mémoire me manque
creux effroyable,
Et
les
»
l'entendra
il
« J'ai
cher oit.
MILLET.
cher Sensier, j'aurais sur la conscience d'empêcher
s'il
vieux papier dont
comme
J.-F.
il
fait
pour
dessine sur bois de char-
commande
fera les
et
grave pour
Quatre Saisons en plus
grand format, que gravera encore sur bois
le
même
artiste.
CHAPITRE XX L
CI
LE
«
BUCHERON ET LA MORT ». — LA « GAZETTE DES BEAUX-ARTS ». VIDI PR^VARIC ANTES. » JOURNAL DES VILLES ET DES CAMPAGNES ». — .MILLET A EARBIZON.
C'est en iSSg soir.
velle,
bruits «
Dans
la
SES^VISITES A .MILLET.
que Millet achève son tableau de V Angélus d'une conception vraiment nou-
cette peinture
Millet veut
de
LE
«
—
DECAMPS.
du
SALON DE ib^g.
ANGELUS.
LE JURY REFUSE
musical.
être
campagne
prétend faire entendre
Il
tintement
jusqu'au
et
des cloches.
de l'expression qui peut rendre tout cela
C'est la réalité
les
»,
disait-il.
Cet Angélus a été une des œuvres de prédilection de Millet. Il
y retrouvait
les
sensations de son enfance.
religieux, superstitieux pieut-être,
labeurs, d'humiliations paraître,
découverte, :
les
Ils
yeux
retraçait
l'homme
dans l'exercice de sa vie de
d'espoir.
deux paysans, un
sonner Y Angélus.
tionnelles
et
Il
A
homme
l'heure et
où
le
jour va dis-
une femme, entendent
se relèvent, s'arrêtent, et, debout, baissés,
ils
prononcent
les
la tête
paroles tradi-
Angélus Domini nuntiavit Mariœ. L'homme, un vrai
paysan des plaines,
la tête
protégée par des masses de cheveux
JEAN-FRANÇOIS MILLET. comme un
courts, mais droits
courbée
est
une de
verselle le
feutre, prie en silence
;
la
femme
toute au recueillement.
Le paysage chant,
191
un poudroiement de lumière au
est
embrasent d'une pourpre uni-
ces fins de jour qui
firmament
Le ton
la terre.
et
plus puissante harmonie
cou-
soleil
est
monté jusqu'à
la
Millet y a mis toutes les ressources de
:
sa palette.
Quand
pour
ce tableau
je vis
près terminé. Millet
me
dit
:
on entend fait, et
ajouta
il
que
c'est tout ce
Alors,
«
me
cloche.
la
dit-il.
Il
longuement. geliis.
se
je
me
Il
Ah
!
je
Oui,
en
Il
sarda
il
;
»
possédé.
fut
Il
revint dix fois voir
homme
Tous
de goût, auquel
acquit V Angélus. C'était
M. Van
il
ÏAn-
Deux mois
ses clients hési-
en parla, se ha-
Pract,
ministre de
'.
Pendant que Millet préparait son Salon et la
Mort
et
la
Femme
M. Letrône, l'amateur
qui
quatre
envoyait
priseurs
satis-
vous avez compris
suis content,
à des spéculateurs, à des amateurs.
Enfin un
Bûcheron
lui
il
tèrent.
Belgique
peu
— Mais,
comme un homme
regarda
vous demandais.
était à
bien cela; c'est écrit,
c'est
passèrent en visites, en pourparlers.
;
il
mon cher, faut tâcher de vendre ce tableau », me l'envoya à Paris. Arthur Stevens l'observa
l'offrit
Il
»
:
»
fois,
Qu'en pensez-vous?
«
—
répondis-je, c'est V Angélus!
première
la
tableaux
,
les
et les laissait aller
lui avait
à
et
achevait
le
faisant paître sa vache,
acheté cinq ans auparavant l'hôtel
commissaires-
des
à des prix qui aujourd'hui feraient
sourire.
Millet s'en attriste, I.
Ce beau tableau
Emile Vernier.
Il
a
été
il
voit
gravé
par
appartient aujourd'hui à
l'avenir Charles
compromis pour
Waltner
et
M. John Wilson. (M.)
ses
lithographie par
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
,g2
on
autres tableaux. Ses embarras se multiplient;
en janvier 1859
écrit
Cest affreux
«
Tamour-propre en
d'être
harcèle,
le
il
:
mis
souffre,
nu devant
à
non pas
ces gens-là,
que parce qu'on ne peut
se
tant parce
que
procurer ce dont on
a
Nous avons du bois pour deux ou trois jours encore et nous ne savons comment nous en procurer, car on ne nous en donnera pas sans besoin...
argent.
Ma
fi;mme va accoucher
souffrant et triste;
mois prochain
le
pardonnez-moi tout
ce
que
je
et je
vous
n'aurai rien... Je suis dis là. Je n'ai pas la
prétention d'être plus malheureux qu'une quantité d'autres, mais chacun mal... Si vous
sent directement son
peuvent quelque chose à de
le faire.
la
vous
je
Je n'y croirai véritablement que
vous l'aurez reçu, car
du mois
serai de plus
quand
je l'aurai.
Je travaille aux
les enfants
ne peuvent rester sans feu. Tant pis pour
!...
Le 20 mars,
sité est
gens qui
vous prierai de m'envoyer l'argent dès que
"
plaintes.
les
en plus obligé
je
dessins d'Alfred Feydeau, dont
la fin
pouvez un peu tanner
commande,
ce sont les
Comment
ingénieuse
;
de
le tirer je
((
mêmes
difficultés
la griffe
d'un huissier
trouve une combinaison. T'es
Pour
un homme
les
MILLET.
J.-F.
mêmes
les
et
Il
»
?...
La
m'écrit
néces:
salutaire
amis qu'en
a besoin.
[Chanson normande.)
Votre proposition
«
me
fait le
plus grand, le plus
redonne plus de cœur pour travailler. Aussi je mieux. Aussitôt l'envoi de mes tableaux, je hâterai
Ce
n'est
Il
Tun de
pas amusant,
lui
immense
la livraison
me mon
plaisir et
vais en profiter de
des dessins...
la guerre!...
vient quelques semaines de répit, mais
Mort
ses tableaux, la
et le
Bûcheron, a
il
apprend que
été refusé
par
le
jury. C'était celui sur lequel
ses plus belles créations
cœur. Millet a sa
fierté,
:
le il
il
comptait
et c'est
en
réalité
coup cependant n'arrive
voit là
un parti
p>as
une de
jusqu'au
pris de l'atteindre
dans
CROQUIS (Dessin de
A
LA PLUME.
la collection
d'Alfred Sensier.'
i3
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
194
ce qui est sa vie.
Il
se raidit contre Tinjustice.
comprend qu'une
Il
main
secrète, puissante, veut le frapper à huis
vient
homme
me
borne sa vengeance'. Et qu'on m'imposera
fera courber,
non; paysan je sens. J'ai
je
comme je
vues,
et je res-
terroir sans reculer d'un sabot et,
s'il le
faut... je
On
du tableau
refus
du couvent
Mort
la
Les protestations ne vives.
très
Dumas
:
»
fit
grand
bruit.
Ici
père
je
un véritable coup de force.
pas attendre,
firent
se
là
dois d'abord
paysans
constamment sous
maladive qu'y voient
détracteurs de parti pris, mais
la
l'être
tables.
I.
trivial
air de
calme, de force
il
sujets,
direz-vous, sont ordinairement
avec notre plume, qui sair
s'agit ici
pour
la
plume
première
à l'expression
(M.)
et
de
ou
les
cette souffrance
tristes,
pinceau
désolés,
lamen-
comme nous racon-
si cet artiste n'écrit
pas
les
mémoires
d'une précieuse feuille de papier sur laquelle Millet avait dessiné Alfred Sensier. C'est
et qui appartenait à
fois, la
phrase fameuse
du sublime.
n'existe plus dans son état primitif.
morceaux.
et qu'il
souffre.
sait si l'artiste qui raconte avec son
Il
yeux,
les critiques superficiels
Qui
plusieurs croquis à la lire,
un
les
vous ne trotiverez pas dans
et
Les
tons, nous,
Alexandre
qui ne se rend pas bien compte de sa souffrance ou plutôt
raison pour laquelle
«
furent
:
la stupidité
contenue de
elles
et
laisser la parole à
rend avec une grande vérité. Cherchez bien,
pu
!
Bûcheron
et le
y avait
Il
Millet habite les champs, qu'il a
«
de
Et finissant en riant
»
ne pouvait pas croire Millet assez dépourvu de talent pour
mériter cette expulsion.
ses
qu'on
les ai
Sensier, sauvons l'honneur
Le
croit
des salons, eh bien,
l'art
combattrai encore... pour l'honneur. «
On
«
:
du
sur un des-
écrit-il
dit
et
mourrai. Je veux dire ce que
je
des choses à raconter
mon
terai sur
paysan
suis né,
me
il
rede-
Il
brave ceux qui abusent de leur force
et
hasard de leur pouvon-. Vidi prcvravicantes, sin, et là se
clos.
»
Nous avons
:
«
le
Il
là
qu'on a
faut pouvoir faire servir le
regret de dire que ce dessin
Des mains barbares
l'ont
découpé en plusieurs
JEAN-FRANÇOIS MILLET. de son dme,
toujours
vailler
lui-même de voir
n'est pas triste et désolé
et s'il
sans
au
jamais
d'arriver
espoir
igS
calme,
les êtres tra-
au repos, au
bonheur?... *
«
homme
Tout
d'un jugement sain
impartial, sans prévention, d'un
et
esprit accessible à toutes les beautés artistiques, est aussi rare à rencontrer
qu'un grand
homme,
Cet
«
artiste.
ne
existe,
s'il
tait
presque jamais
d'un jury
partie
quelconque. «
le
Cette réflexion nous est suggérée par le tableau de Millet, la
Bûcheron «
L'artiste qui
quable
prendre
cet
Un
le
Bûcheron,
il
nous
est
sible,
impossible de com-
étrange verdict du jury...
groupe de juges
a refusé,
en masse,
le
tableau de Millet; pas un de
ces juges, pris à part et isolé, n'eût osé prendre sur lui
avec
et
exprime son sentiment avec une formule nouvelle, remar-
tableau la Alort et
le
Cl
Mort
au Salon de i85q).
surtout personnelle, ne relève que du public. Or, en conscience,
et
devant
«
(refusé
L'artiste qui a
conçu ce tableau
est
un
pareil refus...
homme
coup sur un
à
bon, sen-
compatissant, religieux, honnête, regardant les soulîrances des autres
yeux de son cœur, sans envie pour
les
absorbé
qu'il
est
dans
la
compassion que
les
jouissances
riche,
misères du
inspirent les
lui
du
pauvre. «
L'effet
de cette peinture, qui
longtemps
coloriste, est large et fixe
peu
flatté
le
cœur en
Oh
Est-ce bien de la chair?
veut
qui
soufl'rir
les détails !
pour de
Une
la chair, oui, c'est
elle.
Ce
regard,
par mettre douloufois à ce point
échappent au critique
le
de
plus obstiné.
lachair qui souffre,
encore, moins pour elle que pour la chair de sa
et
Gaiette des Beaux-Arts est indignée de ce refus scanda-
que nul ne pouvait prévoir.
Elle charge
combattants de Tavant-garde d'engager
Edmond Hédouin et
et finit
»
La leux
regard qui s'arrête sur
contact avec l'étrange tableau.
communication magnétique,
chair
le
d'abord, surmonte ce premier sentiment
reusement
mais
bien plus d'un harmoniste que d'un
est
sont désignés.
qu'aucune considération ne
Hédouin gravera
Deux
lettres
le
On les
le
feu
sait qu'ils
retiendra.
:
deux de
Paul Mantz
ses et
ne ploieront pas
Mantz
écrira,
tableau refusé.
de Millet m'arrivent à un jour d'intervalle à
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
iç)6
propos de son exposition
de
et
protestation qu'on veut faire
la
contre la décision du jury.
Toujours des demandes d'argent. « 2 avril.
Je vais faire des dessins,
«
ferai aussi bien
que
je
pourrai
essentiel de
est
l'idée.
Puisque
«
faire
tête
la
les faire,
temps voulu sur
s'arrêter le
dans
pris
temps de
le
en résumé
comme vous
rintimité de la vie; mais,
pour
c'est
Enfin,
se
c'est
ma Femme
à la vache
rapporter à
la
le
?
Est-ce
Mon
?
Qui
grâce de Dieu.
cher Sensier,
faire
je
pour moi
et
aider
Barbizon,
place,
le faut, dès
que
mon
Hédouin autant que pour que
que
avril 1859.
j
Hédouin pourrait
Hédouin comme
et
ma
lettre
je le
de
la
le
je crois qu'il
mon
saurai que
je
je
vous
très positif à
tableau
le dis
la publicité à ce refus,
décemment. Avant de rien répondre de
que pensez-vous décela, vous? Je vous
nomie voyez-vous poindre
faut s'en
tableau, à la condition qu'elle soit à peu près
aller à Paris dès
proposition qui m'est faite
moins
les il
serait
ne vois pas au premier coup d'œil d'inconvé-
mon
:
désir
entreprise,
difficile
demande pas mieux que de donner de
ce soit fait
qui
»
peut être repris de l'Exposition haut. Je ne
est-ce
inspecteurs
dans un des endroits
impossible ou de
est
chose mieux que beaucoup d'autres. Voilà donc ce que
y aurait à
s'il
?
mon
Si la chose se pouvait,
passable. Je crois qu'en l'aidant dans la mise en
que
vue
pour quelque chose, ne pourrait-on pas obtenir un
nient à la reproduction de
faire la
la
le jury?... Si les
((
«
vraiment
le
mieux.
mise hors de
d'être placé sur la ligne la plus basse et
sombres. Si
un peu de calme
est enfin acceptée, n'y aurait-il rien à
soit pas
placement plus ou moins bon
chose
je les
vient, jusqu'à ce qu'elle ait
concentrer pour ne donner que
chargé du placement de ces tableaux
la
faudrait
il
vous
de faire pour
pour empêcher qu'elle ne
des beaux-arts v étaient
et,
le dites,
l'idée qui
ressource courante,
la
autant que possible, pris dans
plus
pourvu
Hédouin,
demande, que pensez-vous de
façon dont
j'y
réponds? Quelle physio-
à celte chose-là? Dites-le-moi tout de suite,
tableau sera libre,
je
la
et,
viendrai à Paris et aiderai
pourrai. Voilà ce que
je
vous
dis
en toute hâte
puisse vous arriver ce soir... «
J.-F.
MILLET.
»
Millet, en effet, arriva quelques jours après à Paris, vint
JEAN-FRANÇOIS MILLET. chez Hédouin, qui
Bûcheron.
le
commença
l'aida
Il
197
de ses conseils
et
après sM-tre
repartit
et
assuré qu'il ne serait pas une cause de bruit
de propagande,
et
en nous recommandant de ne nous occuper de son refus qu'au
et
point de vue de la valeur d'art de son tableau,
duire dans
à Barbizon était urgent
yeux. Sa poitrine s'engage,
ses
la faiblesse le
Néanmoins
Mon
cher Sensier, quoique
que
Oh
!
si
je
crois
(je
que
c'est
un rendez-vous...
que
m'ennuie
je
mais pourtant
ma
l'en fais pas moins...
celui qui
me
marchez
!
dira
je
!
pauvre
de venir, vous
Tâchez
encore
j'aie
les
!
Si
yeux dans un
le
tableau dont
petit
ma
de mois,
fin
son nom),
le
parlais Tautre jour.
je
c'est la seule
chose
vous prie de voir
le
il
vous a parlé
trouble que
j'ai
afin
et qu'il
dans
vue
la
lui !...
ne vais pas faire avec vous dix mille jérémiades, tète a
c'est
de
du trop-plein. Ayons,
ma
part
s'il
un souhait bien
Ecrivez-moi, peu importe quoi.
comme
déplo-
état
marchand de vieux tableaux,
monsieur dont
le
vous saviez
je
comme
se peut, patience...
égoïste,
mais
Quand donc
à l'autre cul-de-jatte de l'Évangile
:
«
je
ne
viendra
Levez-vous
» a
«
la fièvre,
:
Vendredi, 27 mai 1859.
pourrai résister au travail, mais
l'obligeance de voir
ait
assigne
sang
le
mettre à travailler dès aujourd'hui pour arriver
puisse tenter pour gagner
je
M. Moreau C[u'il
me
peu importe comment,
Je ne sais pas
dut craindre
sa constitution robuste le sauve.
vais tacher de
rable, je à faire,
il
en danger de mort.
est
Il
»
«
toutes ces émotions
crache
il
mouvement.
clouent sans
:
Un moment
son organisme.
avaient ébranlé
pour
de n'intro-
et
débat aucune politique.
le
Son retour
et
Mort
à graver à reau-fortc la
Je vous apprends que
rédimé par Marolle, qui
le
le
met
pastel à
ma
J.-F.
MILLET.
»
retenu jusqu'à présent par L. disposition. D'abord,
j'ai
a été
refusé de le
reprendre, mais c'eût été à la fin désobligeant de ne pas y consentir. Je lui ai
donc
dit
que
je le
ferais
prendre à
dont vous avez ouï parlera Diaz
au cas
oti
il
toile de 40.
[la
mon
prochain voyage. C'est ce pastel
Leçon d'équitation). Parlez-lui-en donc,
pourrait soupçonner un acheteur. C'est de
Trois enfants grands
comme
nature
:
c'est
la
grandeur d'une
une chose
faite
il
y a
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
iq8 dix-huit
iins.
Cest déjà de
des choses pas trop mal. Oui, Marolle
L'article de
Mantz, sur
s'est fait le
mon
rédempteur de
pastel.»
tableau refusé au Salon, parut
le
Beaux-Arts du
la Galette des
dans
mais vous verrez qu'il y a
l'histoire très ancienne,
i5 juin
:
Pour terminer Fexamen des peintures exposées au Salon, il nous ainsi nous à écrire un nom significatif, celui de M. J.-F. Millet
«
reste
:
finissons
comme nous avons M.
jurv a traité rudement a laissé passer
qu'un,
commencé — par un maître.
Millet, puisque sur
deux tableaux envoyés,
moins intéressant peut-être;
le
que
vrai
Il est
faisant paître sa vache est au Salon, pendant que la
si
bien que
Mort
et le
la
il
le
n'en
Femme
Biicheron n'a
pas été jugé digne de figurer dans une galerie qu'encombrent tant d'œuvres
Nous ignorons
sans conscience, sans talent, sans pudeur.
pensé de
cette
aventure
pour nous,
;
elle
nous
a frappé
ce
que M. Millet
au cœur
elle a
;
a
ajouté
aux découragements qui nous viennent de toutes parts un découragement nouveau. Refuser les tableaux des fantaisistes peu sincères, des virtuoses frivoles qui jouent avec
le
pinceau,
une rigueur qui
c'est
cus qui croient encore à l'idéal,
c'est
peut concevoir; mais
culte aboli, des artistes convain-
œuvres des rares survivants d'un
rejeter les
se
une déplorable méprise,
c'est à
déses-
pérer les plus braves.
Les sujets symboliques, qui mêlent à
«
la fois l'allégorie et
qui unissent dans une étroite étreinte l'invisible
aux poètes sont
Mais
le
aux peintres
difficiles
Bûcheron
Mort
et la
et
et
le réel,
vérité et
la
ces sujets chers
ardus pour M. Millet lui-même.
n'en tiendra pas moins dans l'œuvre du maître
une place considérable. La Fontaine, inquiet d'une perfection peut-être pas atteinte, a refait
par deux
l'homme, abattu par toutes
lâcheté de
Le
qui le délivre, la vie et ses misères. vrai
contemporain de Molière,
sentiment de corriédie
:
esprit
sur
le
mode
poète, en
a laissé paraître
imbu
pas cru qu'il y eût, dans ce motif, traité
fois la fable
les tortures,
où
il
a
montré
mais préférant, à
homme
n'a
la
mort
de son temps, en
dans son apologue un certain
des mélancolies modernes,
le
qu'il
l'éternelle
M.
Millet n'a
plus petit prétexte au sourire,
et il l'a
grave. Je n'ai pas besoin de rappeler qu'il avait été pré-
cédé dans cette voie par Decamps, qui, dans une composition reproduite par la
gravure, a représenté aussi
terrible visiteuse.
Dans
tude, est
tombé haletant
les jours
;
il
le-
et
le
bûcheron remerciant de
tableau de
M.
Millet, le
ses
bons
offices la
vieillard, accablé de lassi-
sans force pour recommencer son combat de tous
a appelé la mort, et la
mort
est
venue, drapée d'un blanc suaire
JEAN-FRANÇOIS iMILLET. qui laisse
une faux toujours
pour
faisant la vie
épouvanté une main
vieillard
cette peinture est
dégage de de M.
symbo-
sablier
;
et
déjà elle a posé sur l'épaule
terrible à voir.
L'impression morale qui se tout ce que
:
l'intelligence le peut lire
pinceau
le
comme
dans un
d'une vérité saisissante.
li\re
«
Au
point de vue de
Bûcheron,
le
le
La grande ouvrière, qui va dé-
d'une adjnirable justesse
ou indiqué,
Millet a écrit
portant d'une main
du bûcheron,
plainte
la
et
aiguisée.
sans cesse, ne veut pas qu'on l'appelle en vain
la refaire
au sérieux
elle a pris
du
maigre ossature,
saillir sa
lique, de l'autre
199
blanche
la
pur,
il
Mort
y a beaucoup à louer dans la
plus d'une chose à reprendre.
et aussi
noblement voilée; pour de face:
l'art
La mort
éviter toute laideur, Tartiste n'a pas
son mystère;
apparition garde ainsi
est
voulu
et
sagement, la
montrer
elle reste la
grande
inconnue. Peut-être, pour demeurer absolument moderne, M. Millet aurait-il
pu
traditionnels, ce sablier dont les poètes ont tant parlé,
faux d'un svmbolisme
cette le
emblèmes
rejeter les
M.
tableau de
sement expressif par
un peu
vieilli
mais
;
Quant au bûcheron,
Millet.
je n'ai
le droit
mimique,
visage, par le geste, parla
le
pas
de refaire
merveilleu-
très vrai d'attitude et
pourrait dans
il
Les mains sont familières;
un
pareil sujet être plus sculptural et plus beau.
les
jambes, ramenées-l'une sur l'autre, manquent d'ampleur et de sérénité. Si
nous adressons
ces objections à
M.
qu'il cherche
œuvres antérieures,
que nous savons, par
Millet, c'est le
grand dessin,
les
ses
hautes allures, les
nobles balancements de lignes. Enfin l'exécution dans ce tableau, d'ailleurs si
puissant et
si
austère, n'est pas toujours au niveau de l'idée
paraître, en certaines parties, de la mollesse et satisfait «
pas
qu'il
en
nous garderons de
soit,
devra surveiller son pinceau
et
faisant paître sa vache peut, en le
M.
hardie un long
cette tentative
Millet reviendra sans doute à ses paysans; mais,
M.
:
une sorte d'indécision qui ne
le regard.
Quoi
souvenir
elle laisse
:
rapport du travail matériel.
lui
rendre un accent plus
efiet,
donner
Ce ne
là
viril.
encore,
La
il
Femme
prise à quelques reproches sous
sera pas
là le
meilleur tableau de
Millet, et cependant quel fier aspect a cette petite toile!
Quel mystère,
quelle sérénité silencieuse, quelle admirable élimination de tout ce qui est
mesquin dans
la réalité et
dessinateurs, cherchant
pour atteindre à pourront
se
le
de tout ce qui
grand dans
est le
vulgaire
simple
!
et
Ainsi ont
fait les
vrais
supprimant l'accident
l'universel. Les gens d'esprit pourront sourire, les académies
tromper,
les
indifl'érents
pourront passer sans regarder
et
sans
comprendre; ces moqueries, ces méprises, ces dédains ne changeront rien au résultat définitif, et, dans
un temps qui viendra
M.
comme un
déjà venu,
Millet sera salué
bientôt, qui, peut-être, est
maitre.
n
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
200
Le Journal des pour
«
Millet
A
Villes et des
se
prononça aussi
:
qui voudrait étudier
un passé
Campagnes
choses de près
les
d'ailleurs très récent,
et
comparer
serait peut-être possible
il
le
présent avec
de prouver que
peinture de genre, après s'être longtemps contentée de reproduire
dans sa
commence
réalité prosaïque,
la
à s'élever à des ambitions meilleures et
à rechercher plus sincèrement Fémotion, le caractère, la finesse... Si la
semence donne
nous croyons savoir que
récolte espérée,
la
dû, en grande partie, à un artiste de «
nous
Il
rustique,
il
a
suffit
agrandissant à la fois
labeurs
le
premier parmi
M.
J.-F. Millet...
les peintres
sentiment
le
poésie
leur
aussi
formes,
et les
montré que
a
il
héroïsme.
leur
et
bonne
ce résultat sera
avec les vulgarités d'un réalisme mesquin,
champs ont
des
plus haute valeur,
la
de rappeler que,
rompu
de
la vie
et
qu'en
les
rudes
Nous ne
croyons pas que tousceux qui font des paysanneries essayent désormais de
M.
traîner à la suite de
Millet.
nous ne serions pas contristés
Le bon vouloir ne
si,
Pendant que
la
prose ^
pas pour cela, mais
aux laideurs, à
la
pauvreté
»
journalistes
les
suffit
indépendants faisaient leur
devoir, Millet travaillait à d'autres compositions rusticjues,
pour trouver
le
se
tout en conservant la nature pour règle, les
peintres de la vie réelle s'efforçaient d'échapper
des types, aux petitesses de
la
nature
calrne dont
il
avait besoin,
il
et
s'occupait d'amé-
liorer son installation matérielle.
Nous avions lier,
où
les
venaient la tête
I.
«
Il
le
peine à
promeneurs
dimanche
au travers de
le
»
parisiens, les petites
regarder peindre
sa vitre.
convient de rappeler
commande
voir toujours confiné dans son ate-
le
ici
Un paysan
que
Dans un paysage
différent,
exprimé une pensée analogue
Femme /disant
et
passer
impudemment
lui construisit
Femme faisait pLiitre
dont Millet parle quelquefois dans
catalogue du Salon de iSSy indique, en
la
la
et
dames en goguette
effet,
que
boire sa vache. (M.)
crayonné
le
sj i\iche, c'est la
ses lettres de cette le
époque. Le
tableau appartenait à l'État.
avec certaines modifications de
lorsqu'il a
un second
détail,
Millet a
dessin que nous reproduisons,
a
^
S
Q
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
202
au premier
atelier
De
étage.
là,
pouvait apercevoir toute
il
la
plaine, la forêt et les ciels. «
La vue sera superbe,
«
grande
Rousseau
utilité.
2
est
M.
J"ai dit à
de migraines...
5oo francs,
ne
je
Un
!
de
détail
X...
que l'Angelus
au
3, 000
2,000 francs. Le Berger,
être, car cela
était
mais
juste,
me
sera d'une
vendu 2,000 francs ou n'ai
je
pas
dit
moins de
francs; le petit tableau d'Alfred Feydeau, un
Le
francs.
vôtre, /a
Si mes dessins pouvaient
la
septembre 1859.
parti ce matin pour Besançon... Je suis dévoré
pas
sais
Repos de Faneurs, 1,200 i,5oo francs. Voilà
grande envie d'y
j'ai
2tî
Femme
qui berce son enfant,
se placer! »
vie de Millet qui est presc^ue ignoré de tous,
ce sont ses relations avec
Decamps, qui demeurait depuis plu-
sieurs années à Fontainebleau.
Decamps très
n'était
occupé de
la
pas un
homme
peinture de Courbet,
s'en était éloigné bien vite. L'art
étonne pour
d'un
qu'il désirât faire
il
de Millet
avait
vu l'homme
et
l'avait, parait-il, assez
encore une expérience sur
le
vif
artiste.
Un
jour, Millet, en son atelier, entendit frapper à sa porte.
Un monsieur barbu entra et lui dit et je
viens vous voir,
longtemps.
faites
«Je suis Decamps, lepeintre,
comme un homme
qu'on connaît depuis
— Millet, surpris, ne répondit que par un visage — Votre peinture me plaît beaucoup, vous y allez «
franchement
vous
:
»
accueillant.
?
de Decamps
et »
sans fatigue.
Millet
fit
et, celui-ci,
comme un homme bon,
facilement sociable. D'abord
c'est peint
Voulez-vous
passer devant lui tout ce qui
redevenu presque silencieux,
qui souffre regarde
comme
me montrer
je
un heureux,
ce
était
que
digne
le
regardait
a
Ah
1
c'est
voudrais peindre; vous ne savez pas
quel mal on a pour se débarrasser d'une mauvaise éducation
J'aime voir
la
peinture robuste, saine, jeune
;
Courbet en
!
fait
JEAN-FRANÇOIS MILLET. manque de
souvent de bien étonnante; mais l'homme
mun.
11
ne saura jamais faire un tableau...
Decamps
était
à l'entrée
braconnier vous surprendre,
voir aucun artiste;
moi.
Et
»
il
je
du
il
s'entretint des
évoquant
le
Jamais dit
de venir
village, était passé
Je suisvenu
«
disait-il;
souvenir des il
le
chaque année
moment de
heures
je
neveux
sa
et
toujours dans
mort
(1860) et tou-
avec Millet, parlant peinture
artistes
n'entra dans la
et
de son temps.
maison de Millet
;
jamais
il
ne
lui
voir à Fontainebleau.
restait à Millet la
Il
Il
repartit content.
ce quasi-incognito, jusqu'au
jours
Millet.
viens vous voir, vous, vous seul pour
revint ainsi plusieurs fois
Il
com-
»
derrière les jardins pour ne rencontrer personne.
comme un
sens
venu presque en cachette chez
donné en garde son che\al
avait
2o3
pensée que Decamps
était
un
esprit très
original, très lucide, jugeant sainement les maîtres et l'art con-
temporains, mais un
homme
inquiet qui doutait de lui et qui,
sous une dure écorce de sous-ofîicier de cavalerie, cachait une faiblesse profonde,
un égarement dans
poursuite d'un but défini <(
Jamais
je
ne
lui ai
:
la pein-
entendu dire une parole sortie du cœur.
même à propos de comme un homme qui
très juste,
c'était,
la
l'exécution était son idéal.
avait des bons mots cruels,
frait
spéculations de
une constante préoccupation des moyens plutôt que
ture,
Il
les
un sarcasme écrasant, une critique sa peinture.
cherche
et
On
voyait qu'il souf-
s'égare toujours.
en somme, un esprit supérieur dans une
âme en
Mais
peine.
»
,
CHAPITRE XXI EXPOSITION CHEZ MARTINET.
L
AVENIR ASSURE POUR TROIS ANS.
LES GRANDES
THORÉ.
ŒUVRES DE MILLET.
« l\iTTENTE », « LA TONDEU"SE FEMME FAISANT MANGER SON ENFANT ». CRITIQUES A M ÈRE S. PROMENADES ET CONVERSATIONS. INTÉRIEUR DE FAMILLE.
SALON DE 1861
)>
:
«
Malgré tous
ses efforts,
parvenu à placer dans
passaient
cherchait d'or;
et,
si
ni
Arthur Stevens
r Angélus
l'abstinence.
ni le
n'était
Bûcheron,
Rousseau
se
pas encore
mois
les
et
multipliait
;
se
Diaz
quelque Castillan n'apparaîtrait pas avec un lingot
en attendant,
il
se débattait
avec ses ventes publiques
aux commissaires-priseurs, où chaque année
envoyait ses
il
tableaux. L'attente
Diaz arrive et les
«
fut
longue
comme
le
et
cruelle. Enfin, jour
Cid victorieux.
Il
mémorable,
a trouvé six cents francs
prête à Millet.
Vive Diaz! vive
la chair! vive le soleil,
core
du temps de gagné
plet
découragement, arrivé
vais pas de sauté.
»
m'écrit Millet
C'est en-
J'étais revenu de Paris porteur d'un assez ici
comme
j'étais parti,
et voici
com-
encore un mau-
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Quelques jours après,
—
27 janvier 1860. Râteleuse, avec lequel 9 février.
—
^
je
«
J'ai
à peu près terminé
Il
est
muet
?
soir.
petit
le
:
tableau de
la
»
Détrimontou chez
tableau que
je
pour
fais
mon tableau soit livre et pqj-c pour la mon Bûcheron continue-t-il à demeurer
indispensable que
L'acquéreur de
fin dudit mais.
demain
lettres
petit
le
d'aller tout de suite chez
Marchand commander un cadre pour
M. Doria.
de nouvelles
je reçois
dois partir pour Paris
Obligez-moi
2o5
»
Le tableau du Bûcheron avait
été
exposé à Paris, dans
l'atelier
de Charles Tiliot,
dans
local de Martinet, et, après bien des pourparlers et des
le
hésitations,
il
et
ensuite,
avait été acheté par
C'est vers cette époc^ue,
Italiens,
un amateur.
au mois de mars 1860,
venirs sont exacts, c]ue Millet signa il
au boulevard des
un
traité
si
mes sou-
aux termes duc|uel
s'engageait à livrer à M.... tous les tableaux, tous les dessins
qu'il pourrait "faire
par mois. Millet
pendant
trois ans.
Il
devait toucher mille francs
maître de choisir librement
restait
dimension de ses œuvres.
Un compte
piration de la période fixée dans
le sujet et la
devait être dressé à l'ex-
contrat.
le
Voilà donc Millet assuré de douze mille francs par an.
11
n'a plus vis-à-vis de lui qu'un unic|ue acquéreur. Quel soula-
gement pour
même
lui
1
il
semble que
lui
c'est
Paix,
la
la
Paix
elle-
qui vient d'entrer dans sa demeure.
C'est alors c^ue, libre de sa pensée, libre de ses inventions, il
peint ces admirables pages c[ui seront les plus éclatants témoi-
gnages de son talent
manger son enfant;
:
le
Tonte des moutons;
pommes
de terre;
la
Tondeuse; l'Attente;
Berger au parc par
l'Homme
à
Femme portant
petite G.irdeusc d'oies,
et
la
la
Femme
le clair
houe;
les
des seaux; les
bien d'autres encore.
qui fait
de lune; la
Planteurs
de
Corbeaux:
la
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
2o6
comme
Millet travaillait heureux,
longtemps rêvé. Vivre de son travail,
imprudemment
s'il
c'était
avait,.
la
vie était à peu près assurée
pour
idéal
toute son ambition
!
Cependant
peut-être, engagé sa liberté.
Il
un
réalisait
trois ans, et cette
pensée
lui
permit d'entreprendre des œuvres importantes, des œuvres d'un tel
caractère d'originalité
pu
les
mener
En
1860,
à fin,
avait été seul livré à lui-même.
enfant, dont
la
nuit au clair de lune, a été acclamé
le
assise, emplit
oiseaux
;
enfants
et les
enfants, assis sur
vaille
est
appartenu à
avait
une scène délicieuse
pas d'une porte, ouvrent
de soupe
pour sa couvée
des moutons est
becquée aux
père,
le
qui tra-
une charmante composition que la
cour d'une vaste ferme, on
un troupeau de moutons dont un la laine
la
'.
peu de personnes ont vue. Dans
rognent
trois
:
bouche que leur
la
comme on donne
au fond d'un jardin, on aperçoit
La Tonte
voit
homme
et
une femme
avec l'impassibilité ordinaire en pareil
cas.
Quel-
ques-uns des moutons attendent encore, tout chargés de leurs sons;
I.
les autres,
Ce tableau
est
La Becquée: H. ger à
il
Knyflf.
La Mère mère,
et
que nous considérons
deux ventes après 1870; ce tableau
M. de
qui
des pages admirables.
Le Berger au parc, dans
Femme
nous parlerons tout à l'heure,
peignit en outre plusieurs compositions
comme
qu'il n'aurait
de force d'expression
exécuta la Tondeuse, r Attente, la
il
manger son
fait
s'il
et
dépouillés, dénudés, bêlent
au musée de
Le catalogue de iSjS
o"',74; L. o"',6o, toile.
la cuiller à ses trois
mari, placé sur
Lille.
un plan
comme
enfants assis sur
inquiets de
décrit ainsi
:
— Une femme accroupie donne à manle seuil
d'une porte, pendant que son
plus éloigné, travaille à la terre. Signé
en 1871 par M. G. Marracci. (M.)
le
toi-
:
J.-F. Millet.
Donné
o :=>
o
Q
LA FEMME PORTANT DES SEAUX. (
Dessin de la collection de
M. Georges
Petit.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
2o8
leur nouvel état.
J'ai
«
voulu,
disait Millet,
espèce d'hébétement qui surprend ces animaux-là, fait
leur tonte, et la précaution qu'on
campagne.
cette toile
:
située constitue aussi
est
et les
J'ai
«
»
la
un des
les
pitto-
attraits
derrière
et,
vaches paissent à travers
les
Saint-Jean d'août.
la
cherché à
dans sa rudesse. Millet.
de
cépées d'ormeaux; enfin, Tatmosphère douce, tiède
de
et clariliée
le lieu
amples constructions du temps passé
ferme, des collines vertes où
ajoncs
à cette opération
ce que disait Millet; mais
bien
était
resque où cette ferme
la
quand on a
»
L'effet
de
met
voir cette
faire
faire
Un
un endroit heureux où une
air pur,
L'exécution
est
très
bonne
la vie est
belle journée d'août, disait
serrée
l'harmonie blonde
,
et
claire.
La Femme
quiporte des seaux a eu
vue chez Martinet, chez Francis admirée par
femme
les
la
la
femme,
la
justement
un motif bien ordinaire
tension des bras,
marche, sont d'une frappante
monieux.
les
verdures d'un
bien subtil.
la
lierre créent
femme de
L'idée a-t-elle été comprise
est significatif?
La
tête,
yeux, clignotants à cause du farouche inutile au
sujet.
?
pour nous, soleil,
le
une
:
la
est
riche
un contraste harnon une servante, maison.
Qu'importe,
»
C'était si
l'en-
est le seul défaut.
donnent au visage un
Mais l'exécution rachète
belle réalité des choses est peinte
mouvement
La couleur
vérité.
«J'ai voulu, disait Millet, peindre là,
une femme de journée, mais
semble
;
vient de puiser de l'eau dans des seaux et les porte à son
avec un fond où
Nul
Petit, elle a été fort
connaisseurs. C'est
ménage. L'aplomb de de
un grand retentissement
avec
la
Les air
tout. Ici, la
plus franche simplicité.
effort, nulle fatigue.
Lorsque ces tableaux furent exposés à
la salle
du boulevard
JEAN-FRANCOIS MILLET.
20f)
des Italiens, Thoré, qui voulait écrire un article intéressant, crut
devoir interroger Millet sur ses intentions
De
secrète.
a
Mon
•^ur trois
là la lettre
suivante
et
:
cher Sensier, voici, à peu de chose près, ce que
de
sa pensée
sur
mes tableaux de chez Martinet
écrit à
j"ai
Thoré
:
i.r.Ati
LES TONDEURS. (
«
Dans
hi
Femme
vient de puiser Peau et à ses
lourd que qui
est
le
Alfred Lebrun.
qui vient de jniiser de l'eau,
ne soit ni une porteuse d'eau, ni
son mari
M.
Dessin de la collection de
même une
pour l'usage de
enfants; qu'elle
ait
sa
j'ai
servante,
tâché de faire que ce
mais
maison, l'eau pour
bien
l'air
la
femme
faire la
qui
soupe
à
de n'en porterai plus ni moins
poids des seaux pleins; qu'au travers de l'espèce de grimace
comme
forcée à cause
du poids qui
lui tire
sur les bras
et
du cligne14
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
210
ment d'veux que
qui pourrait regarder vers
le
accomplisse avec simplicité corvée,
un
sentimental
voulu, au contraire, qu'elle
j'ai
:
bonhomie,
et
air
toujours avec une espèce d'horreur, ce
et
acte qui est, avec les autres travaux
les jours et
sans
comme une
considérer
le
du ménage, un
travail de tous
l'habitude de sa vie. Je voudrais aussi qu'on imagine la fraî-
cheur du puits, elle
comme
J'ai évité
un
lumière, on devine sur son visage
lui fait faire la
de rustique bonté.
que son
et
air d'ancienneté fasse bien voir
que beaucoup avant
y sont venus puiser de l'eau. Je voudrais que, dans la
«
Femme faisant
déjeuner ses enfants, on ima-
gine une nichée d'oiseau.x à qui leur mère donne
pour nourrir
vaille
Dans
('
mer cette quand on
les
L'homme
becquée.
la
tra-
ces ètres-là.
Moutons qu'on
espèce d'hébétement
est en train et
de tondre,
cherché à expri-
j'ai
de confusion qu'éprouvent
vient de les dépouiller, et aussi
la
curiosité
et
moutons
les
l'ébahissement de
ceux qui ne sont pas encore tondus, en voyant revenir parmi eux des êtres nus. J'ai tâché de faire que l'habitation ait bien
aussi
paisible
;
qu'on puisse supposer
herbe qui
en
le clos
plantés les peupliers qui doivent l'abriter: entin,
un
rustique
air
ou sont
est derrière et
que
cela ait
un
et
air d'an-
tique fondation qui appelle le souvenir.
Je lui dis encore qu'au cas où
«
croirait
il
je
tâche de faire que les choses n'aient pas
et
pour
bon d'en
l'occasion, mais qu'elles aient entre elles
remarque,
faire la
amalgamées au hasard
l'air d'être
une liaison indispensable
et
forcée. «
Je voudrais que les êtres que
représente aient
je
l'air
voués à leur
position, et qu'il soit impossible d'imaginer qu'il leur puisse venir à l'idée d'être autre chose.
Gens
choses doivent toujours être
et
désire de mettre bien pleinement crois qu'il vaudrait presque
fortement ce qui
mieux que
pas dites, parce qu'elles en sont la
et
comme
les
là
pour une
Je
car je
choses faiblement dites ne fussent
déflorées et gâtées, mais
plus grande horreur pour les inutilités
fin.
est nécessaire,
(si
professe
je
brillantes qu'elles soient) et les
remplissages, ces choses ne pouvant donner d'autre résultat que
la distraction
et l'affaiblissement. «
Je ne sais
si
tout cela ^•alait la peine d'être dit, mais le voilà
'Vous m'en direz votre avis.
presque décidé à parait diminuer
le faire?
comme
Viendrez-vous samedi Ici,
rien
de neuf.
tel
La coqueluche
des enfants
un peu. «
Bonjour de chez nous chez vous. «
J.-F.
quel.
vous paraissiez
MILLET.
»
JEAN-FRANÇOIS MILLET. L'année 1860
fut
un temps de calme
des petites dettes
libéré
relisait
Serres
content
je serais
et
m'en envoyait des
superbes sur
nature
la
pour
être utiles
tous,
m'en envoyait
tableaux
lettres,
su
On
le
il
la
et,
fait
formuler
comme un
les
la
rassuré.
le
était
Millet
»
de
(31ivier
Nos
pro-
de
et
des traits
avait
pouvaient
disais qu'ils
les écrire à la
hâte et
son modèle.
toujours
une raison
avec
exquise
seul de tous les artistes
principes
cette
dureté du grand peintre normand,
conçus
où, peut-être
Millet
je lui
résumé. Poussin
tous
,
peinture.
quand
lettres,
des bourgeois naïfs
riait
prenait la peine de
Le caractère loyal jusqu'à ses
tout à
et
extraits applicables à Tart.
étaient joyeuses.
commentaires sur
Millet,
Moins
tranquilles. «
fait
avec bonheur Montaigne, Bernard Palissy,
menades leurs
pour
intérieur
des soucis du ménage. Ses
et
toujours nombreuses, sont tout à
chère migraine,
211
l'art, le faisaient
cie
génie tutélaire. Enfin
était
il
,
anciens,
ses il
a
aimer de Millet
lui-même bon, grave
et
heureux dans renfantement de ses plus belles choses.
Ce grand
travail
ne l'empêchait pas de souffrir pour ses amis.
Une
lettre
était
son émotion devant un malheur de famille.
parmi toutes
celles
que nous possédons
«
u
Mon
cher Sensier, nous
nous donnez
(la
qu'elle a souffert...
qu'au moins «
elle
sommes
perte d'un enfant) et
Nous
des nouvelles que vous
nous plaignons M'"" Sensier de tout ce
attendions de meilleures nouvelles,
Ce que vous avez dû éprouver et c[ue
je
vous assure;
est aussi à sa
où
les
manière quelque chose
ne peuvent s'imaginer ceux qui n'ont jamais passé
par des choses de ce genre-là. Et, quoi à essayer;
juillet.
tâche de ne pas trop se chagriner...
de bien angoisseux
ment
très attristés
1"
dit bien quelle
prendrait-on?
Il
?
On
n'y a pas de consolations seule-
ne peut que faire de nouveau un
retour sur la triste condition de r homme ne de la existence n'est qu'un tissu de misères.
«
Que
femme, dont
ne suis-je mort dès
la la
si
courte
matrice!»
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
212 disait Job.
Mon
nerais au
lugubre
cher Sensier,
que
faut
il
m'arrête,' car vraiment je tour-
je
comme
mais vous n'imaginez pas
;
chaque
à
fois
que
j'apprends la nouvelle d'une profonde douleur (surtout lorsqu'elle s'adresse
que j'aime
à ceux
malheurs
aussi de
le plus), cela vient et
me
les présente tous
temps en temps autre chose vient remis sur cette pente. pas s'exciter dans
le
raviver en
tout ce que
éprouvé
j'ai
d'un bloc. Heureusement que de
faire diversion,
Ma femme
chagrin...
moi
mais
je suis
bien facilement
exhorte aussi bien fort M""' Sensier à ne
Nous vous embrassons
bien en vous souhai-
avec tout ce que nous avons de force, de vous voir sortir de vos dou-
tant,
Nous vous
leurs.
disons bon courage. «
<i
«
1
»
novembre 1800.
1
Nous avons vu hier soir, pendant cinq minutes, Thore,qui
...
Fontainebleau avec deux de ses amis. Bruxelles a paru dans
de
sition
MILLET.
J.-F.
savoir ce que
Dites-nous
c'est.
le
m'a
Il
dit
que son
venait de
article sur
journal de Charles Blanc
comment on va chez Diaz
l'Expo-
tâchez de
;
après leur grand
malheur'... L'article de
<.
le
Thoré m'arrive. Je
bon? Nous en causerons
trouve assez étrange. Quel bout
Galette des Beaux-Arls du i5 novembre 1860.
la
noncer
la
M. Diaz
mort d'un jeune
artiste
vient d'être enlevé
fils
dont
«
Nous avons
le talent faisait déjà
prématurément
nature,
et,
dès
le
début,
il
s'annonçait
regret d'an-
à sa famille et h ses amis.
comme un
Il
avait
savait voir la
il
paysagiste épris de la lumière et
couleur. Les quelques tableaux qu'il avait envoyés aux dernières expositions
la
de province faisaient concevoir avenir. 2.
»
la
meilleure
idée
de ses aptitudes
légèrement
l'article «
de Thoré, publié par
deux bouts
le travail
»
la
étaient bons, et
Gabelle des Beaii.v-Arts. il
de son défenseur, puisqu'il
Les phrases ironiques insérées au début de
faut croire s'est
un
Le tableau qui occupe le
de
son
le
i5 octolu bien
instant mépris sur sa pen-
l'article s'adressent
Thoré écrivait dans son compte rendu de l'Exposition de Bruxelles «
le
que Millet avait
visiblement aux
bourgeois obtus qui ne se plaisent qu'aux fades élégances. Quant à la
même
et
(M.)
Dans
bre 1860, les
sée.
le
mieux que des promesses.
à peine vingt-cinq ans. Grâce aux excellents conseils de son père,
de
est
Emile Diaz venait de mourir. Nous retrouvons une note publiée à ce sujet
!.
dans
le
-.
Tondeuse,
:
plus les artistes, et les critiques, et les amateurs, et
public intelligent, c'est la Tondeuse de moutons, de
M.
Millet. Cette toile,
que nous avons eu occasion de voir ébauchée, à Barbizon, près Fontainebleau,
a été
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Demani-lez à M. Niel
«
intitulé
connaît un vieux livre, imprimé en français,
s'il
Tableau des visions chrestiennes, au moins
:
des pages, l'exemplaire que livre contenait
2i3
vu n'ayant
j'ai
c'était le titre
commencement
ni
quand
des légendes qui m'ont bien effrayé
du haut
Ce
ni fin.
j'étais
enfant.
Il
contenait les opinions d'un tas de casuistes sur une infinité de choses qui se
passeront dans l'autre monde, vable?... Quelles sont les
etc.,
un
Est-ce
etc.
plus belles vieilles Bibles illustrées,
meilleure traduction? Je vous prie de
avis, la
livre facilement trou-
souhaiter
lui
et,
son
à
bonjour
le
pour moi... « J.-F.
Et toujours, vous
aux légendes de
le
voyez, fidèle à
MILLET.
la Bible,
sa jeunesse, Millet reste
aux
livres
qu'il était
tel
»
et
aux pre-
mières années.
Son repos
relatif
ne Tempèchait pas de se préoccuper de
guerre qu'on
lui faisait
discerner
amis
les
et
la
à Paris. Son instinct très délié avait su les
ennemis.
Il
avait acquis la certitude
enlevée toute chaude de l'ermitage du peintre et expédiée à Bruxelles, qui en a
la
primeur Jusqu'ici,
quoique
M.
Millet n'avait encore
manière de peindre
sa
est
sombre.
Une
de ses mains est étalée sur
dissimulé dans l'ombre, la
laine sur le poitrail de la brebis.
de
ne
la
bien ce qu'elle
fait
fait!...
poésie par la seule vertu de
sais quel
vrai...
la
Tout
Sa
tête hàlée est
sujet peut être élevé à la
l'artiste, s'il
point distraite.
Ah que
cette
!
hauteur solennelle
y met une conviction irrécusable,
je
beau
et
Millet
fait
— n'est-ce pas très singulier les
et
sa création se rattache à ce qui est
La simple Tondeuse de moutons de ^L temps qu'aux peintures
tient les ciseaux et
grave
forme, sans aucun escamotage.
élément universel, par quoi
admirables de l'antiquité,
même
brebis couchée et qu'un vieux paysan,
la
empêche de remuer. Son autre main
Sous son vêtement grossier, on sent
femme
figures de proportions réduites,
aux grandes compositions. La tondeuse de
de grandeur naturelle, vue à mi-jambe, de profil à droite, sur un fond
moutons
coupe
montré que des
se prête
et
songer aux œuvres
les
presque incroyable?
plus
— en
plus solides et les plus colorées de l'école véni-
tienne. L'art grec et Giorgione, ce sont les
deux souvenirs qu'évoque
la
nouvelle
peinture de cet artiste solitaire, qui sera bientôt classé parmi les maîtres de notre
temps,
et
qui ouvre peut-être une nouvelle époque à
aujourd'hui,
J'espère qu'en
notre ami
la
peinture,
si
défaillante
u
Thoré
convaincu que
relisant l'article de la Galette. Millet aura été
n'était pas trop
méchant.
(M.l
'
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
214
qu'une rude campagne qui disait de
lui
:
«
s'ouvrir contre
allait
C'est
un Jupiter en sabots
véritables artistes, Meissonier, Jules
Barye,
Delacroix,
Ziem
et
Rousseau
Alfred
malgré Gérome
malgré
des
l'élite
Dupré, Daubigny, Diaz,
brèche,
la
)>,
Daumier,
Ricard,
Stevens,
toujours sur
',
lui,
Belly,
d'autres de
et tant
la
jeune école.
Méryon lui-même
se ralliait à Millet et voulait étudier ses
eaux-fortes. "
Puisque décidément M. Méryon
H
d'eaux-fortes,
Mon
«
vienne
il
est si
^ dL-ccmbre 1860.
vertueux, qu'il fasse
le tirage
n'y aura pas mécompte...
tableau des Enfants qui mangent est terminé. .l'attends qu'on
le chercher...
Eeaux-Arts
;
Je verrai
y
s'il
moyen de le
a
faire voir
peut-être le trouvera-t-on bien révolté.
Méryon,
un
qui, depuis, a eu
fortes, estimait
beaucoup
si
grand succès par ses eaux-
de Millet
celles
au Directeur des
»
et se
donna
peine
la
d'en tirer lui-même des épreuves à sa presse pour en étudier toutes les qualités.
Le Salon très partagé
allait s'ouvrir
au
nous apprenons que
;
Mon
cher Sensier,
A
dessein, nous avons
une grande sympathie pour talent. «
Il le
me
petite musique. Et, 1
art
et
surmes
omis Corot parmi
sa personne, mais
disait-il,
ne m'y reconnais plus;
grande science, de
à
Mardi matin, 22
avril
1861.
juges, dans votre lettre apportée
les partisans
il
me
de Millet. Corot avait
ne comprit jamais nettement son
voyait très peu et n'était pas son ami. Je lui parlais un jour de Millet
Excellent coeur,
je
été
vous remercie des renseignements que vous
je
donnez sur mes tableaux du Salon I.
Jury a
de l'envoi de Millet.
sujet
((
«
le
l'air, si
de
mais sa peinture
je
suis trop attaché
la
profondeur
vous voulez que
je
;
est
à l'ancien. Je vois
bien
une
là
mais cela m'cflVaye. J'aime mieux
vous
:
pour moi un nouveau monde,
le dise, je suis
assez long à
me
ma
faire
nouveau. C'est depuis peu seulement, et après en avoir été longtemps très
éloigné que
j'ai
enfin compris
un fameux homme.
»
ik.
S.)
Eugène Delacroix, que maintenant
je
regarde
comme
JEAN-FRANÇOIS MILLP:T.
2i5
par T... J'aurais de beaucoup préféré un refus tout net à une réception qui
va permettre à ces êtres-là de montrer mes tableaux de
comme
vorable,
vous voyez que leur intention
de
est
la
façon faire.
le
plus défa-
la Il
n'y a pas à
discuter les raisons qu'ils donnent pour motiver leurs actes; mais ce n'en est
pas moins un nouveau renfoncement que
donner beau
propre,
C'est
que
je
le
l'extrême jeunesse de
ils
souffrir là-dedans,
à
S... Il
me
et
que
doivent avoir
la
Mon amourmême d'un che-
malheureusement plus
n'ai
je
une idée peut-être très
passe par la tète
vous parlerai samedi, cependant;
je
et
cependant?
faire
n'en suis pas moins ennuyé, pour des raisons d'un autre ordre.
ne suis pas tout seul,
je
mais dont
savez, n'a pas
vont
à subir, d'autant qu'ils
houspiller,
grands journaux. Quoi
les
comme vous
veu; mais
me
jeu à leurs écrivains de
main sur tous
j'ai
car,
folle,
non de
était possible,
s'il
conjurer l'orage, mais de l'atténuer par des moyens décemment praticables,
moment
ce serait le "
d'en user,
Tâchez donc de savoir au
ma
ont prise à
coup de
juste
si la
part
que Flandrinet Robcrt-Fleury
réception, est d'une absolue vérité. Cela m'intéresserait beau-
le savoir,
surtout de quelle
et
manière
ils
ont pu être pour moi;
en ont donné des raisons. Ceci n'a aucun rapport avec l'atténuation de
s'ils
l'orage dont je vous parle plus haut.
choses qui plaisent à vières peut
me
M.
Tobic à hauteur d'appui
quelque lumière, ce sera déjà
très
forcé d'apprendre aussi, lui,
choses ne vont pas toujours tout droit. Enfin,
d'un trop grand ennui,
faites
ce
dans un lieu ayant
et
beau. Et vous ne savez rien de ce mal-
sera peut-être bien
Il
faire des
de Nieuwerkerke?... Si seulement M. de Chenne-
faire placer le
heureux Jean?
Pourquoi diable aussi ne pas
et
si
ce n'est pas
que
les
pour vous
que vous pourrez pour que Tnbic
soit à
hauteur d'appui. «
Si
manquez
vous apprenez quelque chose de neuf pas de
me
le
dire,
même
tableaux de Rousseau avancent
M""
Sensier
et à
et
et
qui puisse m'intéresser, ne
avant samedi. Tillot m'a sont
très bien.
dit
à
que
vous
les
et
à
et xMillct
y
Rousseau. ><
Le Salon de
1861
s'om
parut avec trois tableaux ï Attente et
Bonjour
Une Tondeuse
:
rit
J.-F.
MILLET.
aux Champs-Elysées,
Femme
faisant
»
manger son enfant;
de moutons, la grande peinture qui
avait été exposée à Bruxelles Tannée précédente. J'étais
au premier jour de l'ouverture,
et je
me
souviens que,
JEAN-FRANCOIS MILLET.
2 ib
de
la
chaleureux. Plusieurs m'accostèrent
me
et
dirent
On
plus.
dirait
:
«
Millet s'est
comme on
surpassé; sa Tondeuse est du grand art robuste fait
un succès
part de beaucoup d'artistes, ce fut pour Millet
d'une fresque d'un vieux Florentin.
n'en
»
Charles Jacque, qui ne voyait plus Millet, l'apercevant, se dirigea vers lui, le salua et lui dit
«
:
Millet, quoi qu'il arrive,
veux vous dire que vous avez
je
un chef-d'œuvre
fait
>>
!
Les jeunes peintres furent à cette exposition très significatifs,
tout
et
avec
un
la
bataillon se déclara,
véhémence de
jeu-
la
nesse, admirateur de Millet.
Une grande tique
partie de la cri-
montra
se
hostile
et
le
public passa, sans se prononcer, s'arrêtant
Phryné^ aux Augures de
à la
Gérome
LA TONDEUSE. (Croquis de
de
la collection
M""
bien plus volontiers
aux beaux paysages
et
de Courbet.
Seiisier.)
U Attente, conscience
filiale
formes par
bons mots était
de Millet,
la caricature, et les
cette
fut surtout attaquée
par
les
page de
sous toutes
les
par
les
lazzis impitoyables,
arrêts solennels des hauts écrivains.
beau, cependant.
parlait de
Il
chant qui se comprenait soudain
:
la
la
Le tableau
lui-même un langage tou-
demeure des vieux parents
de Tobie, une réelle habitation de pauvres gens isolés de tout, vivant de le
la
solitude des
campagnes
et
de leur attente
bois, la route, d'une majesté grandiose
pour
ainsi dire peint, fixé
;
un
par une main pieuse
;
le soleil,
silence profond, ;
deux
vieillards
JEAN-FRANÇOIS MILLET. dessinés avec la science exacte de Millet
217
une exécution assu-
;
voulue, une belle page, enfin!
rée,
Et pourtant
On
elle déplut.
Paul de Saint- Victor
de
se rappelle les cruels articles
de Théophile Gautier. Je ne veux pas
et
reproduire.
les
A
ces paroles irritées, Millet ne répondit rien, sinon quel-
ques lignes qu'il m'adressa. ...A
«
le
bien prendre, J'aime mieux
me donnent
louanges creuses si
on voulait
quitte
que je
la
façon dont
me
me
cela
m'en
la
'<
embarbouille un peu
le
me
semble que j'éprouverais
pommade. J'aime donc mieux en chaussé d'escarpins,
les
Théodore Pelloquet
style,
qui ne cherche
et
qui relève et
l'esprit...
Cette composition
de grandeur; elle atteint à
sans effort apparent.
pas
On
n'y trouve pas la
qu'une
certaine
un mot
'.
Si je n'étais pas
La Tondeuse
le
la
plus
moindre
une force véritable
affectation
auquel on ne pourrait
à supprimer
les
détails,
re-
un excès
»
si
affermi dans
a été achetée
Le croquis que nous reproduisons Dans
aisé et souple,
n'avais pas quelques amis,
I.
est à la
à se montrer, une façon de peindre large, sobre,
un dessin plein d'énergie,
d'austérité, en
propos
:
grande hauteur de
je
que
crois
je
écrivait, à
trace de ces fausses habiletés de métier; mais, à la place,
procher
être
pourrais trouver
critiques cependant n'obéirent pas à ce parti pris.
Voilà du grand art
solide;
je
chemin, mais, avec des sabots,
pleine de caractère, de fermeté
fois
si
M. X...que
tirerai. »
Tondeuse
la
la
Si j'étais
Millet eut des défenseurs.
de
sensation qu'il
manger de
faire
pour un peu de bave.
Tous
et
traite
m'avait accablé de louanges. Ses longues enfilades de mots vides, ses
s'il
mes
si j'étais
idées,
disait Millet,
seul enfin, ce serait à
pour l'Amérique. Elle n'est
me
est
aujourd'hui à Boston.
qu'une première pensée encore indécise.
tableau définitif, tout s'est agrandi en se simplifiant. (M.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
2i8
demander
se
suis pas
ne suis pas
si je
dupe de
la
un rêveur. Voyons, de bonne
ma
pensée
foi, ajoutait-il,
ne
et si je
que puis-
prendre de bon, de sérieux, pour réformer mes défauts dans
je
les
invectives de ces messieurs de la critique? Je cherche
que du bruit; pas un
vois
puisse
me
traiter et disparaître
moment
Taccomplissement de ce long
nous ne sommes pas
Alors,
la critique
:
mal-
?
Souvent, quand un
pousse à peindre
devoir de
là le
n'y
de bonne raison qui
conseil, pas
Est-ce bien
servir.
et je
de répit nous survient dans
nous nous demandons
travail,
jouet d'un malicieux esprit qui
le
la réalité
si
nous
sous des couleurs trop assombries.
pour nous donner à nous-même un contrôle sévère,
nous relisons nos notes prises mois par mois, nos constatations matérielles, les journaux, les brochures, les actes bien réels en
un mot de
ces
nos
annales, nous ne
tristes
écritures
temps déjà
mêmes de
ces grandes assises
accusé. Oui,
des citoyens
un les
loin de
si
;
tout prêt à modifier
et,
pouvons que nous soumettre aux
époque
cette
nous
elles
:
sont
le
où Millet comparaissait sans
témoignage de
cesse
comme un
véritable accusé, coupable d'exciter à la haine
uns contre
les autres.
Millet sentait bien toute la cruauté de ces accusations le
devinait à son attitude extérieure,
Cette préoccupation se reflète
La photographie
la
tants.
était
contraint de
sur
un de
qu'un Millet exagéré. Une
grandi, exprimé
le
comme un
le
ses portraits.
rendre
tel
qu'il
et
dur,
photographie
faite
à
précise enfin avec vérité.
Il
pose, tantôt
Barbizon, par un de nos amis, là
même
n'avait pas encore réussi à
Tantôt raidi par
n'était
est
il
on
de ses habitudes ordinaires.
sortir
était.
quand
:
le
petite
regard fixe
il
chef de rustiques combat-
JEAN-FRANÇOIS MILLET. en pied, debout, en sabots,
est
Il
corps droit
la tète levée, le
qui
prend son aplomb,
cheveux
jetés
en arrière,
On
siastes,
chapeau à
le
regard
le
dos tourné vers un mur,
comme un
jambe avancée
et fier, la
homme
menaçante.
le
219
comme
main,
la
les
une chose
fixé sur
prendrait pour un de ces paysans enthou-
le
victime de nos guerres civiles qui, vaincu, regarde
mort sans
pâlir.
Ce
pour moi, toute
petit portrait est,
la
de
la vie
Millet.
en
11
était assez
content
et,
quand
semblez à un chef de paysans qu'on va
comme un homme Cependant
comme un
eux,
Il
que des mots de
dédommageait de
travers cette forêt qui avait
quiétudes, s'exaltait
il
aux majestés des Il
revoyait toujours
On
cherchait à
tentait
quand
((
les
ses le
réticences.
don de
futaies,
terreurs
de nuit peur,
et
Eh le
quand
ciis
les
bien
visiter
ou des paroles de
En promenade, oublier ses
1
la teinte
le
inIl
et
ces
ramures
revenaient
décroissante
avec
Il
ces antiques centrées,
la
du
lucidité
paisibles.
les
jour.
du
légendes. Il
expli-
voyant.
sabbat des sorcières, là-bas, au fond
des enfants qu'on étrangle,
ce n'est pourtant que
le
dernier cri des corbeaux. Tout la nuit, cette
à
aux écroulements des roches
venaient
populaires
N'entendez-vous pas
forcenés?
le
faire parler et
le
lui faire
l'homme du passé dans
le soleil baissait,
du Bas-Bréau,
regarda
avait des aperçus nouveaux, singuliers.
Son imagination prenait quait
de
politesse
l'homme sauvage, heureux de vivre sous Puis,
me
il
res-
souvent d'une éloquence toute primitive.
était
antédiluviennes.
fusiller »,
Vous
parleur qu'avec ses amis. Mais, avec
n'était confiant et
se
il
on
original excentrique; lui
«
:
de cette traduction.
fier
taciturne.
restait
il
on n'obtenait de glace.
presque
dis
lui
je
les rires
des
chant des oiseaux jette l'elïroi et la
grande inconnue, succède à
la
lumière.
"
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
220
Toutes
légendes ont une source de vérité. Et
les
peindre une forêt,
je
si
j'avais à
ne voudrais pas qu'on pensât aux éme-
raudes, aux topazes, à tout un écrin de couleurs précieuses,
mais à ses verdures, à ses sombrelés qui dilatent ou étreignent le
cœur de l'homme. Regardez quel effondrement que ces masses de rochers
«
jetés là
puissance des éléments! C'est un déluge antéhisto-
la
un chaos;
rique, ses
par
ce devait être effroyable, lorsqu'il broyait sous
masses des générations d'hommes, lorsque
eurent pris possession de
la terre et
La
surnageait à tant de désastres. trois
mots
:
Et
spiritus
mars 1860. Sans les
être libre,
l'expiration
du
il
traité,
son acquéreur 5,762 francs, Voilà ce
qu'il avait
fut
fécond,
il
lui,
cette
du
enfants, tous
époque.
que Millet devait à
se trouvait
payer en peinture.
qu'il s'engagea à
pu économiser.
Millet était
fatigue
en
produisit. Les pages
il
œuvre sont de
tourmentée de Rousseau^ dont
la
qu'il avait passé
son avenir, voyant autour de
grandir sa famille, n'avait pas, au moins,
Chez
un tableau en
vécut dans un constant labeur,
Millet, tout inquiet qu'il fût de lui
fait
».
aux clauses du contrat
plus remarquables de son
A
Bible en
du monde
trois années, Millet
assujetti qu'il était
que, seul, l'esprit de Dieu
Dei supevabat super aquas. Poussin seul,
peut-être, a compris cette fin
Pendant
grandes eaux
les
le
travail,
père
l'intérieur était
et le
heureux de s'approcher de
ces riens de village dont
il
vie misérable et
souvent un enter.
maître. Et quand,
voyait autour de
il
la
lui
sa
lui et
de
était si friand, alors
qu'à sa couvée, à sa crapaudière,
comme
il
il
le soir,
après
femme, lui
ses
raconter
ne pensait plus
disait.
CHAPITRE XXII MILLET MONTRE CE QU '
IL
VEUT, CE QL
IL OSE.
l"hIVER ET LES CORBEAUX, LES PLANTEURS DE POMMES DE TERRE, LE CERF, LE VIEUX MUR, l'hOMME A LA HOUE.
LETTRES DE MILLET.
»
SON ATELIER, SON JARDIN, SES AFFAIRES.
UN SUICIDE DANS LA MAISON DE ROUSSEAU.
L'année 1862 datera dans
où
se trouve
il
mûr
pi^ur
la vie
aborder
et
de Millet,
comme
l'époque
accomplir ses plus auda-
cieuses visées. C'est alors qu'après avoir d'abord agi avec une certaine prudence, série de
veut,
il
découvre une réserve d'inventions, une
travaux d'une conception inattendue.
ce qu'il ose,
ce
qu'il pense,
maître n'a connue avant
Corbeaux;
Planteurs de
les
paissant; la Cardeuse ;
gère
et
l'Homme
le
montre
ce qu'il
sous une forme qu'aucun
lui.
C'est en 1862 qu'il entreprend les
11
ou
qu'il
pommes
achève
de terre ;
:
l'Hiver
les
et
Moutons
Cerf; la Naissance d'un veau ; la Ber-
se reposant sur sa houe^ qui a suscité tant de
cris et indigné tant
de critiques nerveux.
Celui qui verrait réunie aujourd'hui la série de ces travaux
pendant
cette curieuse
année
se dirait
que l'auteur de
si
belles
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
222
choses a dû jouir d'une paix profonde
ment dans une
parfaite quiétude d'esprit.
La paix cependant
comme
entrevoyait
nombre de
lettres
lieu
'c
de
génie
lui.
ne de-
Il
de rafraîchissement
qu'il
»
de ses combats.
la fin
Nous avons, pour
Toutes ces pensées
pas venue pour
n'était
qu'au
vait obtenir le vrai repos
élaborer douce-
plus robustes du
sont les fruits les plus sains, les Millet.
et les
de cette période, un certain
l'histoire
qui relatent
principaux
les
de
traits
vie
la
de Millet.
On
ne sera pas étonné d'y voir souvent répété
Théodore Rousseau. l'autre; le
On
dévouement,
secourir Millet
convaincu,
et
fut,
de
quelle amitié les unissait l'un à
l'activité
que Rousseau déployait pour
adopter son
et faire
quente, Rousseau
sait
nom
le
Avec
talent.
sa parole
pour son ami, un admirateur
élo-
vaillant et
sa part est grande dans les rares bonnes fortunes
qui survinrent à Millet.
On
verra aussi qu'il
est
question dans
tableau que Millet a exécuté en 1862,
les
ces
d'un
lettres
Planteurs de
pommes
de terre. C'est une de ses plus belles œuvres, une peinture limpide, où
homme sillons
sa
et
se
le
femme
sont
pomme
Un
dans une plaine immense où
les
est
admirablement
perdent à l'horizon à l'entour d'un village dont on
maisons noyées dans
ne voit que quelques
L'homme
saisi.
calme des champs
entr'ouvre
le
de sa houe,
sol
de terre qui doit
donne l'ombre à un âne
multiplier.
se et
et
à
un
enfant,
femme y jette la Un gros pommier la
que
le
conduits avec lui aux champs. L'enfant dort dans l'àne.
Toute
la
jeune famille est
vail, car le village est la
loin,
là et
lumineux.
l'air
le
ménage
a
panier de
passera la journée au tra-
bien loin.
La
structure savante,
proportion justement équilibrée des deux figures,
la
belle
.
JEAN-FRANÇOIS MILLET. couleur grise
proche
affinée font de ce tableau
et
Il
il
Mon
ne
fait
cher Rousseau, notre enfant
que grogner
mes
travaille de toutes
me
est
est
:
Barbizon, 31 décembre 1O61.
guéri ou
à
mes Planteurs,
ce qui
fait
que sans doute
verrez arriver bientôt, mettre tout sens dessus dessous chez vous, ce
on ne peut plus
naturel.
Vous avez dû voir Eugène Cuvelier
qui
est
fait
voir quelques plrotographies très belles, prises dans son pays
dans
la forêt. C'est pris
disparaître.
avez
naire et que
aussi
dans
et
les
Bodmer, qui
ne vous décrirai pas.
je
son
cris
venant à Paris, mais
parait ravi de ce
Ils
pour
de mal qu'eux
;
je
Dites-lui
la souhaite,
que
je
les
années, ajoutant que,
que
lettres
si
vous plaindre.
à
Au
revoir,
mon
cher Rousseau
Il
Mon
apporterai en
de nouvelle
compte pas me donner
Il
"
lui
le
elle est
et à
tant
tous
comme
Ma femme
et
je
mes
moi. «
grasses
lui
eau, pour faire des choses qui ne sont
vous n'aurez pas trop
comme
enfants font
que vous
contenterai de souhaiter à vous, à M""' Rousseau
meilleure de toutes
les vôtres la
et
cela des chefs-d'œuvre. Je ne
me
d'autres
et
qu'il se calme.
suent véritablement sang
peut-être pas
m'a
givre d'une beauté extraordi-
Les enfants sont occupés depuis hier à imaginer des
année.
il
reçu une lettre de Vallardi, qui ré-
J'ai
petit tableau.
:
plus beaux endroits destinés à
Nous avons eu une matinée de
clame à grands
vous
avec goût
Vous avez vu
fait voir.
«
la
une fameuse chose. Je
passée, ce qui est déjà
forces à
peu près; seulement
qui ne laisse pas un instant de repos à
et teter, ce
mère. Enfin Tinquiétude
vous
une page sans re-
'
Maintenant, laissons parler Millet
(I
223
Barbizon, ce
;
J.-F.
5
à vous.
MILLKT.
»
janvier 1862.
cher Sensier, l'année n'est pas de celles qui s'annoncent aussi les sept
vaches du songe de Pharaon. Je crois que
je
ne clorai
pas la série des vaches maigres; car tout s'annonce assez en noir. Notre en-
Ce tableau a
1.
logue il
officiel,
a été
il
fait
partie de rExpositioii universelle de 1867. D'après le cata-
appartenait alors à
revendu 57,000 francs.
(A.
M. Soultzener. S.)
A
la suite
d'aventures diverses,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
224
fant est guéri, c'est le
bon
trouve obligé d'attendre
moyens de
sans
une
loi,
durer. est
la
subsister
des juges pour
:
me
M. Templier nous
côté
mais
;
ne
les affaires
se
d'un procès auquel
fin
c'est
un engrenage de là? Voyez
tirer
terminent pas
je suis
horrible. et
N'y
me
donc pas
a-t-il
informez-moi
cela ne peut
;
a bien assurés de la fin certaine de ce procès.
n'en
Il
comment vivre et attendre qu'il plaise aux Salomon tu étais plus e.xpéditif. dans quelques jours à Paris, quand mes migraines m'auront
pas inquiet, mais, jusque-là,
O
juges de rendre leur jugement? J'irai
<i
quitté et
au milieu desquelles
1
je travaille
de toutes mes forces...
Tout mon temps
«
moment pour terre les
pommiers
jardin et
deux dans
Mais
Il
y en aura deux dans l'ancien
cela ne
vous gêne beaucoup de garder notre
fille
seigne de Biche
François,
c'est
raconter
boulanger,
et
qu'elle a
vu manger
les lions
!
Franfrance
aîné de Millet) se promet de lui faire bien longuement
fils
ces messieurs les lions ouvrent leur gueule
cette fonction. Dites-lui
que nous l'embrassons bien
Barbizon,
«
pour
tous...
1 1
s'acquitter
»
janvier 18CÎ2.
Les deux tableaux que M. X... ne paraissait pas désirer sont
«
Paysage normand pioché qu'il
me
houe
Quand on imagine
de son âge a déjà vu un bazar, qu'elle s'extasie sur l'en-
le
comment
les
que
s'en plaindre, d'autant
Sensier la comble de toutes sortes d'amusements.
M°"
pas eu un
mettre en
et
celui de Riboullard.
grande Marie aussi longtemps. Elle ne paraît pas
qu'une jeune
je n"ai
un jour
je vais prendre
ne pâtissent pas.
afin qu'ils
Nous craignons que
ic
que
a été pris si ric-à-ric à travailler
planter nos arbres.
»
Janvier i8j2.
(i
de
et je
étranger, et cela
et
V Homme
s'
appuyant sur sa houe; mais
j'ai
mon
tellement
trouvera peut-être à son goût, vous verrez! IS Homme à la
fera houspiller
choses d'un autre
de bien des gens qui n'aiment pas qu'on
monde que
le
les
occupe de
leur et qu'on les dérange; mais enfin
me
voilà sur ce terrain et j'y resterai... <i
...
M.
Je suis en train de faire le dessin de
Niel. Prévenez-le de cela,
afin c^ue son esprit soit préparé à l'idée de le recevoir bientôt.
ce soit trop de J'ai
demander i5o
francs? c'est
un
reçu une lettre de Pierre (frère de Milieti
population des Etats-Unis jours.
On
cent mille
dit
que
hommes
est
les Etats et le
:
Pensez-vous que
dessin colorié à l'aquarelle... il
me
transformée en soldats
dit et
que presque toute que
la
l'on recrute tou-
du Nord ont maintenant sur pied environ cinq
Sud
doit en avoir à peu près autant...
Je travaille
JEAN-FRANÇOIS MILLET. à
mon
tableau un
pourrait chose.
Homme
peut-être être
Femme plantant
une
et
assez
fait
vite
si
je
des
pommes de
voir
»
^ mars
On
!
beau avoir Fesprit préparé à croire possibles toutes
a
tions auxquelles l'humanité est sujette,
rimproviste m'obliger
désarmé à chaque
et
s'il
Pâques. Quel
vous
temps
triste
il
on n'en
fait
Tout
!
...
Le père Verdier
a apporté
ont tous
tronc frais !
et
reluisant
vous, qu'il y en
rappelle toujours d'un que
polies et
laurier
est
comme
le
comme
celui-là
Ma femme sème magnifique
et très
qu'on
ferait des
;
a
Mon
remettre.
Pour
cher Sensier,
je
Nous ne car
il
d'arbre. Je
le
me
mes pa-
Le tronc
type du laurier.
mates que
En somme,
c'est
d'un
couronnes pour Apollon...
la
lune rousse
!
le
nôtre.
Le temps
»
13 mai i8ij2.
et
dimanche
en-
de migraines. Je ne peux pas m'en
savions pas que vous aviez versé en retournant à Melun...
ce qui est de la défense
manche,
l'état
vie dans le jardin de
viens d'accomplir samedi, hier crises
apportez-
:
les feuilles étaient plutôt
mais, gare
une de mes plus fameuses
tortil-
choix des espèces peut dépendre de
Il
core,
laurier
le
des graines dans votre jardin et dans
chaud
en
des êtres qui se portent bien...
comme
homme,
ormes tout
des petits
d'un beau vert sombre.
leur couleur était
comme
et, si le
imagination
corps d'un
s'il
n
à votre première venue... Ils
connu toute ma
j'ai
mon
rents et qui reste dans
gros
et aussi
au moins un de l'espèce qui arrive à
ait
ne sais pas
27 mars ]8(ju.
Je ne suis pas modeste au point de détester
en donc autant que vous voudrez
à
en venant à
des poètes, triste! triste!...
bonne espèce, que nous planterons
le
Le laurier
comme
quelques épines; pour vous, descharmes,
des hêtres, des sauvageons, des aliziers lards de la
afflic-
sera vraiment
me manque
H
«
Ce
est gelé, confit; je
O primarcra
les
pas moins pris
est
fois qu'elles arrivent...
de m'apporter ce qui
est possible
réchappera quelque chose.
«
iSfii.
Nous avons été épouvantés par la mort de M"" J... C'est effroyable de le nombre de ceux qui sont tombés autour de nous, depuis peu de
temps
était
terre, qui
pas dérangé par autre
n'étais
«
«
225
dont vous
me
parlez,
nous en causerons di-
y aurait là-dedans une méthode à suivre
et
des matériaux à
amasser contre ces éternels aboyeurs, vu qu'il y aurait surtout à prendre gens par ce qu'ils ont
dit
et
leur jeter au nez bien tranquillement i5
et
les
à leur
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
226
demander bien humblement
mon
aussi Foreille à ce qu'on dit de
Ayez
pommes
de
tableau
des gens qui plantent des
«
terre. »
Nous avions à
explication. Causons-en sérieusement dimanche.
décidé, Rousseau
répondre aux attaques
Millet. C'était toute
attaques,
aux insinuations
et
opposer
tel était le
documents
les
«
Mon
pu
graines.
et ce sera bientôt.
l'Ascension,
je
compte
Je
aller
un peu.
Qu'il attende donc
Si
mes Planteurs de pommes de que vous
une
étiez
je
terre...
en train de faire
Ne il
lettre
même 5,
on ne peut plus
je
pour
cela,
à
ensemble...
ici
me
dites
de mes
si
M.
X... pouvait vendre
serait-ce pas le lieu de placer l'ar-
y a quelque temps
reçu dimanche dernier V Annuaire de la
du
mais
pouvais tout aussi bien m'attendreau
flatteuse. Il
hôtel de l'Europe; ce doit être
me
un
?
A
propos
Manche qui
flambant sur moi par Siméon Luce, l'auteur de
des Poirées,
à Paris
content de ce que vous
je suis très
lettre,
vous devez toujours venir
contraire qu'à ce qui arrive. Je serais bien satisfait
ticle, j'ai
mai 1862.
que nous ayons vu
un jour exprès
m'arrangerai pour que nous revenions
Je vous avoue que
article
24.
rien à l'Exposition de Martinet avant
tableaux (exposés chez Martinet^, car
ticle
les
mes sempiternelles mi-
à cause, vous le devinez bien, de
Ne donnez
d'un
plan.
cher Sensier, j'aurais répondu dès hier à votre
le faire
celle
uns aux autres, répondre à toutes
les
ensemble vos dessins, car
«
dirigées contre
hostiles et les jugements des
u
n'ai
préparer
qu'il fallait se
une défense à organiser comme
prévenu. Rassembler critiques, les
moi,
et
d'ar-
contient
la /ac^2ie?-/e, et,
un
depuis,
donnait son adresse rue
garni, ce qui
prouverait
qu'il n'habite pas toujours Paris. Je lui ai répondu... »
« 8 juin
"
...Veillez, je
vous en
prie, à ce
placés chez Martinet... J'avais écrit à
ouvrage sur Poussin dont nièrement;
il
me répond
il
1862.
que mes dessins ne soient pas trop mal Siméon Luce pour savoir l'auteur d'un
m'avait parlé à
mon
voyage à Paris tout der-
parl'envoi d'un livre intitulé
:
Mémoires
démie impériale des sciences, arts et lettres; Caen, 1860.
de l'Aca-
— Les Andelys
Nicolas Poussin, par Gandar, membre de l'Académie. Je
n'ai
pas eu
et le
JEAN-FRANÇOIS MILLET. mon
temps défaire de nouvelles recherches dans ne
s'il
A
?
fouillis de lettres
pour voir
ma mère Quand
viendrez-
en trouverait pas encore quelques-unes de
s'y
grand'mère; mais
vous
m'y mettre un de
Je vais
ces soirs...
Barbizon, 21
Mon
M.
cher Sensier,
jours passer
la
Nous sommes
qu'il a
vu dans
sa houe lui semble magnifique!
Gouvernement,
bleaux qu'il considère
de plus regretté que
mon
MILLKT.
J.-K.
Juillet
X... avec M""' X... sont
journée avec nous.
paru transporté de ce
était le
venus
il
a
y
atelier.
choses étant données,
chapitre de la
même pièce même histoire.
ne m'aient point
les circonstances
somme
ces
n'y avait pas à modifier,
il
choses-là valent aussi
la
même
dit ceci
:
Mon
a
Il
S'il
mes
tous
une
tafois
dans un autre
jeté
mais,
;
les
d'un cheveu, d'autant
peine d'être faites.
d'autres choses encore, toutes très flatteuses, mais qui feraient
m'a
Il a
U Homme se reposant sur
bien sérieusement fort (textuel).
c'est
comme un
eu hier huit
plus amis que jamais.
rassemblerait dans une
il
»
iSCa (lundi matin).
milieu où j'aurais pu recevoir des impressions plus agréables
qu'en
ma
de
et
bientôt, j'espère. «
«
227
Et bien
un volume.
Il
cher Millet, que Sensier m'aide à placer vos tableaux,
je
ma dépense, et il n'y a aucune nous ne restions pas ensemble. Cela peut durer dix ans vous aime beaucoup. Vous êtes un profond penseur
ne dis pas tous, mais de quoi rentrer dans raison pour que
Vraiment,
je
!
!
Voilà ce pauvre Adrien Lavieille arrivé là
«
mener. Je crois
«
Mon
mes
qu'il
le
Barbizon, dimanche
3
août 1862.
cher Sensier, voici ce qu'il y a à faire avec Cadart
:
s'il
veut avoir
eaux-fortes, qu'il les achète et en prenne telle quantité d'exemplaires
voudra. Seulement
donne en tout est
maladie devait
qu'il laisse plusieurs enfants, ce qui est bien triste... »
«
de
oi: sa
bon de
et
pour
faire,
je
ne
sais
quel prix
les lui
vendre.
tout, carte blanche; faites ce
ou ne
pas
faites
Encore un coup, agissez selon
ce
si
Du
reste, je
vous
que vous croirez
qu'il
vous croyez que
cela vaut
mieux.
que vous imaginez là-dedans de bon ou
de mauvais. «
M""" Rousseau paraît aller bien. Rousseau est revenu de Paris ven-
dredi soir, mais
vous.
Il
n'a
il
a été tellement pris par ses affaires qu'il n'a
vu que Feuardcnt
et
M"'° Diaz n'est pas gai, la pauvre
Alfred Feydeau...
femme
pu aller chez Ce que vous dites sur
doit bien souffrir
!
JEAN^FRANÇOIS MILLET.
228
Nous
«
désirons tous vous
M"" Sensier
revoir
voir installés
sa petite
et
fille.
Les enfants grillent de
ici.
Bonjour à vous deux, à Jeanne
et
à
bientôt. J.-F.
«
vous n'avez pas
Si
«
tant pis
bon voyage
;
temps d'arranger quelque chose avec Cadart,
le
pour
à jeudi
Ces vacances, nous
moi
ses
les
vacances.
«
passons ensemble, Millet
les
longues causeries dans son Millet écrit pour
MILLET.
et
moi, en
en promenades, en lectures.
atelier,
premières impressions
:
souvenirs
les
de son pays ont toujours sa prédilection.
Le 25 octobre, cable.
11
Millet
se désespère
bien? Le médecin
le
:
«
tombe malade d'une
Toujours
le
mal,
force à garder la
me
dit-il,
chambre
comme elle est dure parfois et comme faut (en me montrant le ciel) pour s'y rattacher. » 6
novembre au
soir.
pouvez compter là-dessus
et
— Tout
M. Hartmann
été
pour tout de bon enchanté de
me
le dire et cela lui fait
soir
pour
Novembre en
novembre
était
qu'il
malheurs avaient l'appelait, lui
ses tableaux. C'est
et
plaisir.
avait
attristé
delà à Besançon.
perdu son père sa
vie.
une tragédie
Ce mois qu'il
comme
il
a
»
et
C'est
que de grands noir,
comme
va nous raconter
chez
m'écrit
Diaz...
Rousseau part samedi
staller
:
Ainsi vous
M""
Rousseau qui vient de
à propos d'un ami de Rousseau qui
catastrophe
et cela
à Barbizon voir Rousseau, et
même
11
amis,
le
vie,
la
pour Millet un mois redoutable.
réservait
lui.
Ah!
prévenu.
est
quand
C'est bien triste.
naturellement grand
Hartmann
chez M.
aller
?
venu aujourd'hui
est
monde
«
à
venir. Dites-nous des nouvelles de
Qu'est-ce qu'on fera de Marie (Diaz) «
votre
:
les
il
«
fièvre inexpli-
était
venu
il
lui-
s'in-
sutïoqué par cette horrible
JEAN-FRANCOIS MILLET.
«
Mon
«
cher Scnsicr,
venais d'entrer.
m'a
Il
ner
comme
tage
et qu'il
avec
lui,
aperçu
est
l'avait
il
Hier matin, vers
!
mon
atelier
avancé
avait
il
où
moment même ou
tremblant, qu'au
appelé pour savoir
répondu, qu'alors
lit
tué
s'est
arrivé tout affairé à
tout en
dit,
d'habitude,
n'avait pas
aperçu sur son
malheureux Vallardi
chambre de Vallardi chez Rousseau, pour
venait d'entrer dans la
qu'il
le
Fouché
huit heures, Louis
les
Barbizon, ce i8 novembre 1862.
il
le friction-
dormait encore,
s'il
qu'il l'avait
tète et
la
je
tout couvert de sang, qu'il n'avait pas osé regarder davan-
me
accourait
Jugez du coup que
le dire.
j'ai
reçu. J'y ai
couru
puis Luniot que nous avons rencontré en chemin, et nous avons
malheureux
ce
noyé
tout
de sang
complètement
paraissant
et
mort.
Comment
«
J'ai alors
de doute qu'il
tué et
s'est-il
vu sur
s'était
pour quelle raison? Voilà ce qu'on
de nuit des ciseaux pleins de sang
la table
Le maire
frappé avec.
à l'entour.
sang sur raccroché
demande.
la place
il
du cœur
s'était
frappé, et
bien d'autres
et
dire l'aspect horrible de ce malheureux, la manière dont
débattu sur son
s'était
Je
Vous
se
n'y avait pas
il
médecin de Chailly, arrivés
et le
en hâte, nous avons regardé en entr'ouvrant sa chemise où
nous avons reconnu dix-sept coups portés à
et
lit
qui
était
mains imprimées en
tout bouleversé, les
partout,
les draps, l'oreiller et
rideaux du
sur les
il
lit
où
il
s'était
et qui en sont déchirés et ensanglantés, cela n'est guère possible;
tâcherai de vous le raconter. Les gendarmes, le procureur impérial sont
une révolution à Barbizon.
venus,
c'est
recevra
un rude
coup... Je suis
tué dans la nuit de
dimanche
si
vitement
J'ai
troublé que
à lundi.
11
je
écrit à
m'arrête
Rousseau, qui
là.
Vallardi
n'était pas tout à fait
froid
s'est
quand
nous sommes arrivés. «
A
vous, «
»
«
Je ne peux pas
me
MILLET.
I>
Barbizon, 20 novembre.
remettre de l'etîroyable impression que
j'ai
reçue de
mort accomplie dans des conditions aussi épouvantables. Ce malheureux
cette
n'éprouvait pourtant pas grandes souffrances,
ne pas avoir assez de rentes. «
les
J.-F.
La misère
approches.
!
mais
II était
d'autres amis à Paris.
le
Il
il
était
ne voulait pas de
seulement tourmenté de
la misère...
malheureux n'en a jamais vu
garçon, seul, avec un petit avoir; II
n'a jamais
connu
cette
même il
avait
de bien loin
Rousseau
chose etiroyable
et
et tout ce
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
23o
qui raccompagne... C'est la peur de pàtir qui lui a bouleversé la cervelle,
un
devait être fou et c'est pour cela que nous avons signé
Le curé y a mis obtenu de son doyen de Melun son
statait
l'autorisation de
qui lui avait d'abord
l'église, ce
lui
pouvait
qu'il
faire
et a
service de
le
Notre attestation a levé
refusé.
été
qui con-
certificat
bonne volonté
toute la
état.
il
la
difficulté.
Figurez-vous ce que serait devenue
«
de Rousseau), seule, devant ce cadavre,
moi avions
Tillot et
répondu
place,
avons gardé
été absents
En somme,
Le grotesque
étaient là et venaient.
Le convoi
se
et
se trouver,
nous n'avons pas
été inutiles. Je
ceux qui
finiraient pas d'écrire sur
mêle à
même
tout,
nous, peut-être dix
mort de l'inquiétude de mourir misérable
:
Nous
faire.
à la mort.
nombreux, deux messieurs de
n'était pas
M. Rousseau père
Didot,
pu
cela aurait
n'avons, pour ainsi dire, pas quitté la
je crois,
vous raconterai des choses qui n'en
enterré hier.
comme
indiqué ce que nous croyions bon de
à tout,
corps.
le
Nous
!
malheureuse Adèle (cousine
cette
si,
personnes.
ses connaissances
la
Il
est
Il
a été
maison bien
de Paris nous
l'ont dit. «
Cette
horrible est toujours devant moi. Figurez-vous son agonie.
fin
comment
de suivre maintenant
est facile
pas dormir encore cette nuit-là, à
manger,
son
le
marquaient assez clairement
.ver, et ne
enfin la
les
les etîorts
s'est
forces épuisées,
nez
le
heureusement
S'il avait
pu
comme
le
montraient
il
est
aux genoux. La en tombant.
Aussi
avait-il laissé
qu'il se
serait arrêté
toute la maison n'ait pas été brûlée.
dans
ses glissades lit
le
sang,
Imaginez
!
vu comme
et
cette
il s'était
de terribles traces de son agonie.
voir, avant de se frapper, la hideuse scène
éclairer, j'imagine
et
éteinte
effroyable lutte se passant dans les ténèbres. Si vous aviez !
la salle
genoux parterre comme
peine inouïe qu'il a eue à se hisser sur son
lit
dans
debout au bord de
de ce malheureux, à tâtons, pour tâcher de se rele-
pouvant pas,
débattu sur son
Il
ne pouvant
:
est allé
Il
resté
et, les
et les
contusions sur
choir la bougie qui
fait
Figurez-vous
finir.
sur l'angle de la table de nuit
passée
s'est
Rousseau; puis,
frappé autant qu'il a eu de forces,
le visage
secousse a
chose
voulu en
a
a pris les ciseaux de M""^
lit, il s'est
tombé
il
la
tout
court
;
que
c'est
le
matin devait
un miracle que
La bougie, tombée contre
les
draps
d'abord, avait ensuite roulé à terre tout juste sous les rideaux
auxquels
touchait. Quelle affaire
l'incendie ne
s'est
pas déclaré
Voyez-vous
tas
si
pour Rousseau, car l'atelier,
qui
est
c'est
de préparé
de cendres
!
et
de
fini,
incroyable
au-dessus, ne
les toiles, les dessins, les esquisses
qu'il avait et
qu'un
et
s'est
si
elle
pas enflammé.
de Rousseau en feu, tout ce
détruit à son retour!
J'en suis encore tout ahuri.
Il
n'aurait trouvé
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Venez donc dimanche,
«
remis, car
je n'ai
de suicide
est
vous
si
le
pouvez.
lourde à respirer
besoin d'être un peu
J'ai
jamais rien éprouvé de semblable.
Oh
23i
!
que
cette
atmosphère
me
Je suis entouré de cauchemars qui ne
!
quittent pas. «
MlLLIîT.
J.-F.
violente de Vallardi, ce spectacle de sang et de
La mort
une idée
torture volontaire furent, pendant plusieurs jours,
à lac|uelle Millet ne pouvait échapper. Enfin,
accès de fièvre, pable.
11
mort. Et, quand
j'allai le
souvenir effrayant
vérité
voir trois jours après,
tableau de sang, de rage
;
Quelle horreur
vitres.
désemboire
le
le 8
Expliquez-moi
« J'ai
et
prochain.
dimanche, ni d'Ulbach
;
j'ai
revoir
le
!
voulu
laisser sécher
Vous ne m'aviez point
mais
il
je
Je vien-
du Courrier du
me
les lettres
de
ma
mère. J'en
y a encore des choses bien... Je
mégarde remise avec
l'aurai par
me
ai
dis-
le bloc.
Rousseau; comment
? «
Bonne
santé à tous deux, «
un
billet à
suite. Je
J.-F.
MILLET.
ordre de mille francs que j'envoie à Marchand, en
priant de faire escompter. Passez chez lui,
fonds de
un peu mon
le livrer.
parlé
Je chercherai de nouveau. Je n'ai aucune nouvelle de
Je reçois
iSfis.
cela...
la transcrire,
va-t-on chez lui
novembre
un peu avant de
recommencé mes recherches pour
posais à vous
le
et
Mais quelle puissance de
ne suis donc pas au courant de ce que vous
je
trouvé une écrite sous sa dictée;
«
me montra
de désespoir.
et
Bai'bizon, samedi matin 28
Je n'ai, pu aller à Paris, car
donc vers
dites.
il
de
lit
!
tableau pour drai
réalité pal-
main sanglante apparaissant aux murailles
cette
X
«
pris d'un
malheureux suicidé sur son
le
ti.xe
épouvantable dont sa mémoire avait conservé un
cette relation
jusqu'aux
comme
en une
fixa cette vision horrible
il
dessina au pastel
Et partout
»
vous donne bien du
tracas.
je »
vous
prie, et
envoyez-moi
les
JEAN-FRANCOIS MILLET.
232
Il
Barbizon, mercredi
3
décembre 1862.
Mon cher Sensier, je pars demain matin, jeudi, pour aller à Paris. mon Vieux Mur auquel je souhaite les suffrages de M. X... et de entourage. Je l'ai prévenu de mon arrivée, et je le verrai sans doute dans «
J'emporte son la
journée. Si vous
pouvez, venez chez Rousseau.
le
vous, vendredi matin. Jacque est
Le Vieux Mur
était
un tableau
la forêt,
un
de
maux
qui s'effrayent
La
etc.
forêt est
repoussent
A
et les
et se
cachent
sombre. Sur
mur
le
dans son
semble en
somme
un
que
la
I
de
la
.
Ce tableau
hésite,
il
végétations
les
'.
le
public connaisseur
de
la
rue Chaptal.
M. Goupil me
la
c'est
un avantage de pouvoir recommande
réputation de sa maison 11
peut bien compter sur ce que
n'ont pas été trop vus avant d'entrer chez lui,
homme une
lection (lo
bon. Je trouve que
en ce sens que
primeur, ce que vous
l'aflfaire
d'un
très
il
Barbizon, 19 décembre \86ï.
certain point ceux qu'il y admet.
mes tableaux
comme
lui,
encore
d'autres ani-
cher Sensier, le résultat de votre entrevue avec
exposer chez Jusqu'à
écroulé,
local
Il
Mon
par
nous entrâmes en relation avec M. Goupil,
sujet d'une exposition
«
:
des grenouilles, des lézards,
:
de l'Exposition Martinet,
la suite
chez
lumière qui
;
est celle
ruines redeviennent jeunes
paraissait satisfait;
au
rumeur
cerf,
la
éclaire la frontière d'une autre contrée, la plaine bruit. Cette
voulu
très étudié, très
comme effrayé
bois, s'arrête
semble entendre un
reste,
»
ici.
une brèche du barrage d'enceinte de dans l'ombre des
du
J'irai,
gravure
lui
serait excellente,
grande publicité,
et
le
il
Haut., 49 cent.; larg. 60 cent. (M.)
flaire
si la
Le catalogue de
décrit ainsi qu'il suit
se risquer a franchir la brèche,
en aurait
vérité. Je
trouve
en ce sens qu'elle donne au
d'autant encore que,
a appartenu h Alfred Sensier.
décembre 1877)
et qu'il
pouvez assurer en toute
:
n
Cerf aux
la
nom
chose prend,
vente de sa col-
écoutes.
Avant de
avec défiance l'autre côté de l'enclos.
«
JEAN-FRANÇOIS MILLET. il
doit en résulter quelque profit matériel.
du
lui,
immédiatement, de mes tableaux,
résultat de votre
Berger
par
le
plus
vernir
les
voyage,
les
et
Planteurs de
vous
si
ferait peut-être
il
tour viendrait
le
pommes de
plus tard.
J'ai laissé,
A mon prochain M. Goupil.
la
que j'apporterai
Bonjour
'(
et
bonne santé de notre
à Paris à la fin
que
et
mon Hiver aux Corbeaux
nègre. Je termine
Je ne
destination. Rien
de plus à vous dire sinon que nous nous portons assez bien
se reposant sur sa houe,
de
en partant de Paris, cin-
quante francs pour vous à M"" Rousseau. Vous en savez
comme un
commencer
prierait Alfred
Il
terre avant de Fenvoyer.
vois rien de plus à vous dire là-dessus.
vaille
mettait chez
S'il
bien de
croyez utile, nous irions ensemble chez
le
suis très con-
je
Gens plantant des pommes de terre plutôt que par
dont
grands,
Encore un coup,
démarche auprès de M. Goupil...
tent
de
233
je tra-
VHomme
et
du mois.
M"" Sensier
part à tous, à vous, à
et
à Jeanne. <(
Mon
«
que
cher Sensier,
remets
je
Barbizon, 29 décembre 18Û2.
mon voyage
à Paris après le jour de l'an
je
tiens à passer avec
ma
«
Nous avons
en esprit au baptême de votre Jeanne,
assisté
famille...
souhaitons de renoncer autrement qu'en paroles, à Satan d'être une brave rité
de cœur
et
plus touchant «
J'ai
et
bonne
non par
et
fille.
Si
acquit,
et lui a pris l'air
comme
est
superbe,
pompes
à ses
et
cela a lieu d'ordinaire, rien ne serait
la
mèche par
sur lequel
et il
il
:
c'est
semble trop
annoncé. Naturellement
je
qui vient seulement aux rensei-
sa façon de parler de ses projets. Je
de l'empêcher d'éreinter cet enclos
projette bien des améliorations et change-
compte planter dans
verts, parce qu'il lui
l'aviez
homme
d'un
vous conseille fortement une chose
ments. D'abord,
lui
plus solennel...
gnements, mais découvrant
qui
nous
cette cérémonie-là s'accomplissait avec sincé-
vu M. M..., comme vous nous
ne savais rien,
et
et
triste
le petit
bois des pins
et
autres arbres
de ne voir en hiver que du bois mort.
Je vous parlerai de tout cela qui serait trop long à écrire, mais
il
a des idées
de bouleversement. bien envie de connaître vos causeries avec Jacque.
«
J'ai aussi
«
Nous nous réunissons
de nouvelle année qu'on
fait
tous pour faire pour vous trois tous les souhaits
pour
les
gens qu'on aime bien. «
«
I.
J.-K.
.MILLET.
Dites aux Laure que j'apporterai en venant leur dessina Il s'agit
»
du portrait de M"'' Jenny Laure, morte en février 1861.
(A. S.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
234
On
noncée pour dont lieu
il
les
embellissements de
parle et qu'un
de prédilection
beaux tableaux
:
ami venait
et
loin cette passion
le
les
les
lierres,
les
la
labeurs
et
un de
un
ses plus
Il
poussait
plus étranges dans leurs il
maison
duire jusque dans l'intérieur de son ménage.
Nous avons supprimé
coin,
donc raison d'en
n'avait tenu qu'à lui,
lui
petit
nature, qu'il ne voulait
chèvrefeuilles envahir sa
une clématite ébranchée
Ce
prétendu enjolivement.
pas qu'on touchât aux plantes S'il
avait
Il
de liberté pour
caprices de végétation.
nature.
d'acquérir, était pour lui
Printemps.
le
la
inspira plus tard
lui
il
craindre la destruction ou si
que Millet avait une antipathie pro-
voit par cette lettre
Un
aurait laissé et s'y intro-
lierre
émondé,
causaient une véritable douleur. bien des détails de cette année de
d'émotions, bien des confidences du
cœur que nous
gardons pour nous seuls. Millet, ce robuste produit des dures contrées maritimes, était une sensitive, cachée sous la figure
d'un placide penseur souffrances.
:
nous taisons encore
Nous avons voulu seulement
famille et reproduire
reprenons maintenant
un
ses le
plus faire
intimes
voir en
portrait de Millet par lui-même.
les faits
grands combats ne sont pas
de sa vie publique d'artiste
finis.
Nous :
les
CHAPITRE XXIII MILLET OSE PORTER UN G R
LE SALON DE l863. LE PAYSAN DE LA BRUYERE.
aux avec
les
fureurs des critiques
comptoir de
la
même
leurs sympathies.
peinture où tout se voit, se juge
y trouvait qui
était
mot pour
officielle, et se
n'avait
grand
vend, avec
où plus d'un
;
ses tableaux
dépaysés
et
le
rire.
presque pour Millet un
comme
lieu
de torture.
perdus dans un
ne parlait pas sa langue. La peinture nouvelle ne
provoquait que sa curiosité.
Il
voudrais que, pour donner aux critiques et
Il
ou condamne sans vergogne, cherchant
le trait d'esprit et le
Le Salon
cinq ans
étonnements du public,
promptitude qu'au carreau des Halles
plus souvent
monde
ou
les
médiocre pour l'exposition
critique applaudit
aux
ou
prises avec les indifterences
fort
Il
THÉODORE PELLOQUKT.
A
Salon!... C'est toujours là que nous retrouvons Millet
qu'un goût
la
COUP.
ND
LE PAYSAN SE REPOSANT SUR SA HOUE».
LETTRE
UN SONNET.
Le
«
.V
moins de
disait
un
jour à
artistes plus
suffisance,
réouverture qu'une ligure nue qui ne
artiste
:
«
de recueillement
on fermât
qu'on imposât à chaque
un ami
le
et
Salon pendant
de n'envoyer à
dit rien.
Je
On
la
verrait alors
'
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
236
combien de beaux le
du concours,
esprits se retireraient
défaut de savoir est notre plaie moderne.
Sans
envoya au Salon de 18G3 d'audace
un Paysan
:
dant de la laine
trois toiles,
Ce
fut ce
combien
»
courait, Millet
qu'il
dont une
se reposant sur sa
était
un coup
Femme
houe; une
car-
un Berger ramenant son troupeau K Médaillé
et
de deuxième classe en 1853, jury.
danger
illusion sur le
se faire
et
qui
le
il
pouvait impunément affronter
décida à présenter au Salon
VHomme
le
à
la houe.
Voici ce qu'il écrivait à ce sujet
:
«
Mon
«
et
qui
je suis très satisfait
cher Sensier,
jury pour TExposition. est très
Il
importante,
été refusé par
mon Berger
revenant
c'est le
moment,
et à
laquelle
pas lescardeuses de
la
le
terme des envois. Je réglerai
mon Homme
il
me
me
tiens à
vaut mieux que tout...
comme
considérant
Ah
mais
aise;
!
c'est
comme
donner une tournure
Vous
surveillerez
justiciable de ce
bon tout de
je vais être
à la houe,
page de La Bruyère «
.
je
travaille en ce
et
même
bon
cardant de
ma
notice, je
jeter
vous
de se sentir libre
et
vite
D'après
le
est
à Bruxelles. (M.)
pour
de parler à son
houspillé!... J.-F.
c'est,
MILLET.
avec l'accent moderne,
»
la terrible
:
répandus par
La Cardeuse
prie, car
par-dessus bord en
Répondez-moi
jury.
j'ai le
la laine et
L'on voit certains animaux farouches, des mâles
femelles,
I
qui, bien certaine-
un calme que n'ont
filant et
«
VHomme
travail
banlieue. J'ai encore à piocher durement, mais
peut survenir des erreurs volontaires... pour nie
les délais...
Aoi(6',
une Cardeiise que
souvenir présent de nos femmes de chez nous, cela
à /a
mon
le
dire,
jury que nous ne connaissons que trop, puis
le soir, et, j'espère, je
de n'avoir point à passer par
une chose que vous avez oubliée de me
y a
là-dessus. Je vais pouvoir exposer
ment, aurait
Barbîzon, 20 janvier 1863.
la
campagne, noirs,
et
des
livides et tout brûlés
catalogue du Salon, ces trois tableaux appartenaient à M. E. Blanc.
aujourd'hui à
New- York;
Y
Homme à
lu
houe
est
chez M. Crabbe.
°
s
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
238
du
avec une opiniâtreté invincible culée;
quand
et,
humaine,
face
et,
:
labourer
ils
en
On
où
hommes
ce pain qu'ils ont semé.
paysan, celle de l'écrivain note que
je n'ai
Le premier
est
un
du
Pour les
structure
deux
figures
du
une
l'aspect
du
un
spectre qui semble
temps malheureux où
comme un
la
les
danse macabre.
remords. La Bruyère
paysage.
le
Homme
épouvanter
calme au
rester
peintre. Je retrouve
sinistre,
reste de ces
C'est beau, mais c'est terrible
a supprimé
de
:
une figure
terre. C'est
et
acharnée.
bataille fut
la
injure.
et celle
plus revu
retirent la
»
poètes demeuraient fidèles au souvenir de
]J
Ils se
donne comme l'expression du moment, à
je
tableau que
de
montrent une
ils
peine de semer, de
la
cherchais à comparer
je
arti-
méritent ainsi de ne pas
et
propos de ce misérable paysan,
n'épargna à Millet aucune
sortir
hommes.
voix
vivent de pain noir, d'eau
ils
épargnent aux autres
milieu de ce fracas,
comme une
ont
sont des
effet, ils
de recueillir pour vivre,
et
manquer de
A
ils
:
se lèvent sur leurs pieds,
ils
nuit dans des tanières
racines
remuent
attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils
soleil,
les
à la houe timides
humaine
est
est aussi
et
l'ossature est puissante,
les
et solide
membres
sinistre, qui
peut
Mais voyez comme
délicats.
les
grande
une figure
la
Si le front est déprimé,
!
bien équilibrés
et
d'une
superbe proportion. Cet être peut fournir soixante ans de labeur, et sa
passion sera de piocher
C'est là sa fonction,
Mais,
ici,
il
la
terre et de
défricher la lande.
n'en ambitionnera pas d'autre.
ce qui complète
La Bruyère,
c'est le
cadre que
peintre a su donner à cette noble figure. C'est la beauté de
campagne,
la
profondeur des horizons,
lumière qui illumine
et
la
majesté
réchauffe cette scène.
et
la
le
la
grande
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Le Salon de i863 mit aux de Millet,
primer
et
le
ennemis
prises les partisans et les
procès fut chaudement débattu. Faut-il réim-
amères qui furent
pages
les
239
Non. Les
écrites alors?
passions étaient vivement excitées à cette époque,
et les
plus
doux, Théophile Gautier, par exemple, devenaient féroces. Paul de Saint-Victor ne se montra pas moins ardent. Leurs
du Moniteur
de
et
articles
Presse sont de ceux qu'on n'oublie pas.
la
Millet fut vaillamment défendu.
Pelloquet a bien posé
la
nous semble que Théodore
Il
question dans un organe improvisé
:
l'Exposition, journal du Salon de i863.
Pour moi, M. Millet
«
est
un grand
peintre,
aujourd'hui une brosse, celui qui marche
dans
la
et,
mieux
le
de tous ceux qui tiennent
du pas
et
le
plus ferme
voie des maîtres. Je sais qu'on n'est encore habitué ni aux sujets
qu"il traite, ni à la façon
dont
il
les traite, et
qu'en ces temps de
petits
niérismes, de coquetteries puériles, où on passe facilement pour
un
ma-
artiste
nourri des meilleures traditions, à l'unique condition de peindre un bibelot
orthodoxe dans un appartement de Pompéi ou d'Herculanum, l'œuvre de l'auteur des Glaneuses de i85j doit être souvent prise pour celle d'un sau-
vage.
d'ailleurs jugé fort diversement. J'ai lu
II est
à propos de
ne
je
sais plus quelle exposition,
du réalisme
tisans
tiennent au contraire pour
le
académicien, ce qui
est la
rien de
Il
hommes
tout
cela.
même
il
et sa force,
une
«
que
même
réaliste.
En
et
Les par-
pour un
réalité, Millet n'est
cherche consciencieusement, dans
spectacle
le
des
les retrouve.
très
Il
les
applique à sa façon,
grande originalité
et
une
lui, et
très
c'est là
son originalité
grande force que personne,
que personne ne possède à côté de
degré.
L'un des premiers, depuis Rembrandt, tout en cherchant autre chose
lui,
le croit,
nées
un
un romantique
chose à leurs yeux.
en France, du moins, n'a eues avant
au
dans un feuilleton belge,
c'était
des choses de son temps, les grandes lois qui ont guidé les
et
maîtres, et
lui
que
il
s'aperçut
que
la civilisation excessive n'offrait pas,
de ressources à un
était fort
et
que
le
bon goût des
souvent contraire au goût du beau dans
Voilà pourquoi
humbles, chez
artiste,
il
les
style magistral...
est
allé
prendre des modèles chez
paysans en un mot. C'est
là qu'il a
autant qu'on
sociétés très raffi-
les écoles
les
célèbres.
simples, chez les
trouvé
la
beauté
et le
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
240
se reposant sur sa houe, Millet atteint à
Dans un Paysan
«
d'éloquence poétique à être, entre tous,
il
Millet est
«
la fois,
possède
mâle, pénétrante
un caractère
attendrie, dont seul, peut-
et
le secret...
un grand
paysagiste.
Dans
sujets qu'il traite, la nature
les
occupe un rang aussi important que Thomme, et il rend ses divers aspects avec une science de valeurs, une sobriété, mais aussi une justesse d'effets, oij l'égaler, et qui
peu de peintres pourraient et
du
caractère
aux contrées
les
donnent du charme, de
plus monotones
couleur, avant tout harmonieuse, solide
et vraie,
la
portée
et les plus vulgaires.
arrive parfois à
une
La
finesse
étonnante, comme, par exemple, dans
les plaines qui forment les fonds des
deux derniers tableaux que
citer. Il est
les vrais la
je
viens de
un des grands
valeurs de tons. C'est là
connaisseurs que pour
la
secrets
maître dans
la
science des
de sa force, plus visible pour
majeure partie du public qui prend pour de
couleur une réunion plus ou moins fausse de tons éclatants.
La Cardeuse de laine
«
qui
attire...
sujet a été
Où
donc
compris
et
et
de cette toile? Dans
manière dont
la
le
rendu.
une de
ces galeries princières qui font l'orgueil de
un Andréa
volontiers la Cardeuse de Millet entre
l'Italie, je placerais
Sarto
est le prestige
...Si je possédais
«
a je ne sais quoi de calme, d'imposant, d'élevé
del
un Raphaël. Je crois que ces deux nobles génies ne rougiraient pas
d'un pareil voisinage.
»
Cette longue bataille
des chansons, mais par Millet et inséré dans le
du Salon de i863
termina, non par
un sonnet audacieux qui
Nain Jaune
Va, laisse-leur
se
les rois, les
fut
:
nymphes,
les
héros
;
Laisse les Cabanel patauger dans la Fable.
Tout Par
Au
cela ne vaut pas ton
la
peine abruti, de
lieu
la tête
Qui, depuis
la
six mille la
ans que
moelle
l'œil éteint n'ait plus le
et
lui ses
le
monde
décharné
est à table. les os.
l'ombre de convoitise.
monstre au coin de
Soulève contre
les flots,
misère abrupte, inéluctable,
Des gueux pompe
Marque
effroyable,
aux sabots.
de ces Vénus barbotant dans
Montre-nous
Que
bonhomme
ta
rude franchise,
maigres nourrissons.
adressé à
JEAN-FRANÇOIS MILLET. seul as peint le ciel et Penfcr des moissons;
Toi
nom
Et ton
O
241
parmi
brillera
les
noms
illustres,
Dante des manants, Michel-Ange des
rustres!
ROBERT CONTAZ.
Cet
allié
qui survenait sans se faire annoncer, qui en disait
plus long, en quatorze lignes, que tant d'autres en de longs déve-
loppements, connaissait
un
était
que par
Millet
un
militaire,
ses
officier
œuvres
:
de l'armée, qui ne Tindignation l'avait
rendu poète. L'intervention de ce brave soldat dut
faire réfléchir
les critiques irrités'.
Pendant aurait pris
cette
Millet, réfugié en son
lutte.
atelier,
qu'on
pour une grange, n'avait pour tout conseil que quel-
ques plâtres antiques, quelques branches desséchées appendus à
murs,
SCS
fenêtre.
un long
et
Le
soir,
qui perçait dans
se penchait sur le
il
silence de recueillement,
illuminant et
ciel
le
les bois et les
disant en
Ce
lui-même
fut
:
La
vérité est là!
«
ses
qu'on va
lire
Mon
cher Sensier,
Le père Robin
-
est
et,
dans
couchant
le soleil
et
plus volontaire, se
Combattons toujours.
moments d'abandon ;
c'est
une
j'ai fait les
m'écrivit
qu'il
partie de son Credo.
Il
faire.
de son jardin,
regardait
plus fort
siens,
dans un de
la belle lettre
mur
hautes vitres de sa
plaines de ses vapeurs et de ses flammes,
rentrait près des
il
il
les
Barbuon, jo mai
jRrtj.
commissions que vous m'avez chargé de
bien content,
et
il
assure qu'après
le
bon Dieu
il
n'aime rien ni personne que vous.
1.
L'auteur du sonnet était
tcur, qui, ancien
mais avec 2.
le
commandant Lejosne, homme visitait
plus impassible silence. (A.
Le père Robin
téressait.
le
ami de Troyon,
e'tait
Nous avions pu
un vieux
lui faire
les ateliers
froid et observa^
avec une aimable courtoisie,
S.)
soldat
du premier empire, auquel Millet
obtenir des secours et enfin une pension. 16
s'in-
A.
S.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
242
mon Homme à la houe me semblent toujours bien me les communiquer, car ce m'est une occam'émerveiller sur les idées qu'on me prête. Dans quel club
Les on-dit sur
«
étranges
et je
vous remercie de
sion de plus de
critiques m'ont-ils rencontré? Socialiste! mais, vraiment,
mes
leur répondre ce que disait sur
vant à son pays
:
On
«
nien; cha n'est pas vrai,
On
<i
Il
ne chais pas che que
en
est
qui
me
disent
que
les petites fleurs
même, dans
dont
bien loin par delà
dans
les
la plaine, tout
rocheux, un
homme
les
qui peuvent
sueur de son
nie les charmes de la
je
Christ disait
le
les idées
sa vie à la
campagne;
«
:
Salomon
Je vous assure que
comme
auréoles des pissenlits
l'une d'elles.
et le soleil
»
qui étale là-bas,
moins
pays, sa gloire dans les nuages. Je n'en vois pas
fumants,
les
j'y
comme
d'infinies splendeurs. J'y vois tout
toute sa gloire, n"a jamais été vêtu
Je vois très bien
«
:
Chaint-Chimon-
j'étais
ch'est. »
vue de l'homme voué à gagner
la
trouve bien plus que des charmes
eux
le
cha au pays que
ne peutiJonc pas tout simplement admettre
venir dans l'esprit à
front?
je
une charge
comme
a dit
pourrais bien
je
commissionnaire auvergnat écri-
chevaux qui labourent, puis, dans un endroit
tout errené dont
on
a
entendu
han
les
!
depuis
qui tâche de se redresser un instant pour souftier. Le drame
est
matin,
le
enveloppé
de splendeurs. «
sion
«
«
mon
Cela n'est pas de le cri
Mes
peux pas
de
la terre
» est
et
il
a
y
longtemps que
critiques sont des gens instruits et de goût, j'imagine
me
mettre dans leur peau,
autre chose que les champs, et
invention,
éprouvé quand
cette expres-
trouvée.
je
et,
tache de
j'y travaillais.
;
mais
comme je n'ai jamais de ma dire comme je peux ce que
Ceux qui voudront
faire
mieux ont
je
ne
vie
vu
j'ai
vu
certes la
part belle. «
Je m'arrête, car vous savez
sur ce chapitre-là. Mais et
je
soutenu par quelques
sard, les auteurs sont
comme
je
deviens bavard quand on
veux encore vous dire que articles
je
me
que vous m'avez envoyés,
connus de vous,
je
me met
sens très et
si,
flatté
par ha-
vous charge de leur dire tout
mon
contentement. <i
Je compte que vous viendrez bientôt.
Bonjour à Rousseau. «
A
vous, «
Une
lettre,
donnera un
J.-F.
MILLET.
»
qui suivit de près celle que nous venons de citer,
état réel
de
la
situation matérielle de Millet.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
i(
Mon
«
vous
cher Sensier,
être goûtés êtes parti
:
l'un est le
de Barbizon
très textuel. Je
;
Moulin que
Je
l'autre est
un
ne dis pas qu'il en
me
soit
Vous
traîne partout.
deux derniers
compreniez, vu
la
En
gril.
le
la voiture,
de nature à
commencer quand vous
disposais à
aspect d'un endroit de
mon
meilleur pour cela, mais
je le
;
je
l'être
Sans
?
faire
pu
crois au le
placer les
que nous sommes aux que M'™
F...
voilà assez long là-dessus pour
est
ici.
que vous
sérail.
ne connais que travailler, mais ce
je
et
une complainte en
connaissance que vous avez des détours du
enjait, quoi faire? Moi,
pays
ne crois pas non plus que
abois. J'ai peur d'esclandres de toute sorte pendant
sur
186).
sais s'ils sont
règle sur notre position, je vous en dirai en substance
Nous vivons
juin
m'en direz votre avis. Avez-vous
Ceux-ci pourront-ils
?
5
deux dessins à
demain matin. Je ne
moins d'un aspect peu ordinaire en paysage Moulin
Barbiioii,
vais mettre ce soir
je
recevrez sans doute
les
243
Mais,
n'est pas
assez!... «
Nous vous souhaitons bonne
«
J'ai écrit à Pelloquet.
santé
et
bonjour à tous. J.-F.
«
Dans
la lettre
MILLET.
>>
qui précède, Millet annonce qu'il a écrit à
Pelloquet à propos des articles publiés dans
le
journal l'Expo-
sition.
Pelloquet
vados la
:
je la
imprimer
fit
reproduis.
question d'art
A M.
et
On
cette lettre
verra
ici
dans
«
Millet entendait
quelle était la virilité de sa pensée.
Th. Pelloquet, rédacteur en chef de /'Exposition. Barbizon, 2 juin 1863.
Monsieur,
Je suis très heureux de
la
manière dont vous parlez de mes tableaux
qui sont à l'Exposition. Le plaisir que j'en votre façon de parler de
nombre de ceux qui est
Moniteur du Cal-
comment
« «
le
une langue,
et
l'art
ai est
en général. Vous
croient (tant pis
qu'une langue
pour qui ne
est faite
grand, surtout à cause de
êtes
de l'excessivement
le croit
pas)
petit
que tout
art
pour exprimer ses pensées. Dites-le,
,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
244 puis redites-le
cela fera peut-être réfléchir quelqu'un;
:
on n'en
croyaient,
de l'habileté,
cela
ne
donc
où
sais plus
œuvre.
Il
appelle
quand même
et
de la vraie habi-
ce serait
employée seulement
être
en vue d'ac-
puis se cacher bien modestement derrière l'œiivre? L'ha-
le bien,
bileté aurait-elle je
foi,
ne devrait pas
leté, est-ce qu'elle
complir
On
ceux qui en font commerce en sont grandement
et
bonne
Mais, de
loués.
plus de gens le
si
verrait pas tant peindre et écrire sans but.
:
le droit
d'ouvrir
boutique à son compte?
Malheur à
l'artiste
qui montre son talent avant son
que
serait bien plaisant
le
poignet marchât
le premier...
J'ai lu,
Je ne sais
pas textuellement ce que dit Poussin dans une de ses lettres à propos du
tremblement de
main, quand
sa
posée à marcher, mais en voici à peu près (sa
main)
soit
débile,
substance
la
si
Et quoique
flatter le
mauvais goût
et les
comme
le dit
mauvaises passions à leur profit sans aucun souci du bien, si
bien Montaigne «
:
«
Au
lieu de naturaliser Fart,
Je saurais gré au hasard qui
vous; mais,
comme
cela ne peut,
au risque de vous fatiguer,
je
me
dans tous
les
choses n'aient point
je fais
une
que
ce qu'ils sont.
Une œuvre et
à
fin. tel
déflorées et gâtées
inutilités
(si
Ce
je
l'air
souhaiterais de
et
Je désire mettre bien pleinement
point que
je
crois qu'il vaudrait
;
mais
je
la
et
les représenter, et ce
sance avec lequel on s'en
la
raison qu'elles en sont
beau que
On
peut dire que tout
le
beau arrivant à contre-temps. Point d'atténuation dans Apollon,
et
Socrate, Socrate.
et,
besoin
beau, pourvu
par contre, que rien ne peut
cela arrive
à sa place,
le
degré de puis-
est
que
et
pou-
distraction et l'affaiblissement.
besoin lui-même a créé
est acquitté.
en son temps
les
professe la plus grande horreur pour les
être
soit
et
fortement ce
mieux que
brillantes qu'elles soient) et les remplissages, ces choses ne
qu'on a eu de
par
voués à leur position,
n'est pas tant les choses représentées qui font le
qu'Apollon
pourrai
doit être d'une pièce, et gens et choses doivent
vant amener d'autres résultats que «
que
le
amalgamées au hasard
choses faiblement dites ne fussent pas dites, pour
comme
et
immédiatement,
comme je
d'imaginer qu'il leur puisse venir à l'idée d'être autre chose
toujours être là pour une qui est nécessaire,
dire,
liaison indispensable et forcée.
Je voudrais que les êtres que je représente aient qu'il soit impossible
»
:
l'air d'être
occasion, mais qu'elles aient entre elles
et,
artialisent la nature.
les cas, se réaliser
veux essayer de vous
pouvoir rendre claires dans ce que
ils
donnerait l'occasion de causer avec
certaines choses qui sont pour moi des croyances,
Que
celle-ci
plus de gens croyaient ce que vous croyez,
ne s'employeraient pas aussi résolument à
ils
:
faudra pourtant bien qu'elle soit la servante de
il
Encore un coup,
l'autre, etc..
de mieux en mieux dis-
se sentait la tête
il
Ne
les
les caractères
:
mêlons point l'un dans
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Fautrc,
ils
y perdraient tous
les
ou d'un arbre tortu? Celui qui ceci
:
«
le
beau
je
ne
sais
Il
se
développer à Tintini
doit être bien entendu que
pas ce que
santeries. Je crois
plus beau d'un arbre droit
est le
mieux en
situation,
.le
conclus donc à
qui convient.
est ce
Cela pourrait
exemples.
deux. Quel
est le
245
c'est, et qu'il
que
les
qu'ils n'ont pas d'yeux
je
et se
prouver par
ne parle pas du
me semble
la
les
v,u
que
plus belle de toutes les plai-
gens qui s'occupent de cela ne
pour
ci'intarissables
beau absolu,
choses naturelles,
et qu'ils
le
font que parce
sont confits dans
Fart accompli, ne croyant pas la nature assez riche pour toujours fournir.
Braves gens! Caractériser
ils !
sont de ceux qui font des poétiques au lieu d'être poètes.
voilà
le
but. 'Vasari dit
que Baccio Bandinelli
faisait
devant représenter Eve; mais, en avançant dans sa besogne, cette figure, lui
pour son
y avoir dans
il s'est
figure
avisé
que
un peu efflanquée. Il s'est contenté de Eve est devenue une Cérès Nous pou-
rôle d'Eve, était
mettre les attributs de Cérès,
vons bien admettre,
une
comme
cette figure des
et
Bandinelli
!
était
un habile homme,
morceaux d'un modelé superbe
et
qu'il devait
venant d'une
grande science; mais tout cela n'aboutissant pas à un caractère déterminé, n'en a pas moins dii faire l'œuvre la plus pitoyable.
Ce
n'était ni chair
ni
poisson. «
Pardon, monsieur, de vous en avoir
mais laissez-moi encore vous dire que, les
environs
de
dit si long, s'il
vous
et
peut-être
arrivait de
si
peu
;
rôder dans
Barbizon, vous vouliez bien vous arrêter chez moi un
instant. «
J.-F.
MILLET.
)
CHAPITRE XXIV SUJETS RELIGIEUX.
DESSINS DE MILLET.
THÉOCRITE, RUUNS ET
S
H AK ES P E .\RE.
LA
«
BERGÈRE
Le Salon de i863 fermé,
vouloir. Joué
dessins, à ces sens.
«
le
:
ma
jour, par des restés bien
il
avait, presque
sans
rôle d'un acteur trop en vue.
vie n'y suffirait pas,
moyens moins
présents de
mon
ma
amateurs repoussent
il
lents,
faut
les acheter. lui
pût
se remit à ses
mit dans
j"ai
donc que
en je
tous les sujets qui
pays ou de l'endroit que
ma
seule
peinture,
il
ressource
faut
compositions sommaires, des gens qui
peuvent
Il
compositions rustiques qui épanouissaient ses
Les dessins, en outre, sont
qu'on
sou-
Je ne pourrai jamais peindre tout ce que
disait-il
On
comme
trouva
Millet se
d'une représentation théâtrale où
lagé le
LETTRES DK MILLUT. ».
que
je
;
tête,
me
mette au
me
sont
j'habite.
puisque
les
trouve, par ces
me comprennent
et
qui
»
la
pensée de
photographier pour
faire les
quelques sujets religieux
vendre.
C'est
alors qu'il
dessina deux Fuite eu Egypte^ pleines de mystère et de bon-
homie
On voyait saint Joseph porter dans ses bras comme un trésor précieux; la nuit noire n'était
rustique.
l'Enfant- Jésus,
.
LA R E S (Dessin de
la
UR
i<
collection de
hU
r
M.
1
(
>
N
Charles Tillot.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
248 éclairée
que par
le
nimbe lumineux qui entourait Tenfant.
idée que Millet avait rendue Sortie du tombeau.
avec
bombe de son
THomme-Dieu, calme
une vertigineuse ascension, vention
superbe
était
aussi
Il fit
une
séjour de pierre, pour
gardes, aveuglés, effrayés, se jettent à terre,
le ciel; les
tandis que
primitif.
ce dessin, le Christ, glorieux, s'élance
d'une
la rapidité
gagner
Dans
comme un
Belle
la
fin
puissant, accomplit, dans
et
de son rôle terrestre.
L'in-
nouvelle.
et
Millet laissa bien vite de côté ces compositions qui n'avaient pas, selon lui,
sens assez rustique,
le
et
se jeta sur Théocrite
qu'un de ses jeunes admirateurs, M. Chassaing, Il
le
y trouva des sujets de compositions champêtres, voir critiquer
des choses de
Les
le
Monsieur,
«
crite et
pour
la
pour
qui suivent sont adressées à
M. Chassaing.
pas, à
et
que
me donnent
les
C'est d'un
charme naif
mon
au
je
me
bien souvent,
et
prendre, mais
veux,
je
d'une autre,
et,
même degré
dans Virgile. C'est par
mieux
les
fond
le
mot
à
mot que
sens
mon
cependant, tâcher
même
les
mots pour peindre, au lieu
sous une obscurcissante sonorité
cela, je parviendrais peut-être
tort
de
je
choses que dans la traduction finale.
quelquefois aussi sous une prétendue concision? Si
vous de
que
l'avoir dévoré.
particulièrement attrayant qui ne se trouve
et
les faire servir à atténuer le
part,
suis précipité sur Théocrite, et
Pourquoi donc ne tâche-t-on pas d'employer
vais causer avec
Théo-
œuvres elles-mêmes.
pour ainsi dire pas quitté avant de
sens,
1863.
vous en suis doublement reconnaissant, d'une
suis le plus pris; je vois bien
de
juillet
gracieuseté que c'est à vous d'avoir eu cette pensée-là,
l'ai
«
20
reçu les deux volumes que vous m'avez envoyés,
Je dois d'abord vous dire que
«
ne
j'ai
Robert Burns,
le plaisir
la vie et
campagne.
la
lettres
envoyé.
nous allons
et
traducteur sur son inexpérience de
« Barbizoïij
je
lui avait
d'entamer
ici
à
une question de
vous donner un
petit
me
je
faire
pou-
com-
cet ordre-là. Je
exemple de ce que
j'entends. «
Dans
l'Idylle
i,
sur
le
vase où sont sculptées tout plein de choses, on
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
une vigne chargée de grappes bonnes à manger, laquelle un
voit entre autres petit
homme
jeune
renards
:
garde, assis sur une haie
;
mais des deux côtés sont deux
l'un parcourt les rangées ravageant le raisin
que parcourant
ce
249
les
rangées ne vous
fait
bon
à manger... Est-
pas voir avec vos yeux Tinstalla-
tion d'un plant de vigne? Cela ne le rend-il pas réellement visible, et ne
voit-on pas
renard trottiner là-dedans, allant d'une rangée dans Fautre
le
Voilà une peinture, voilà une image cette vive
traducteur,
ne
il
aussi connaître
Tun
:
y
pénètre dans
vigne,
la
pas seulement de savoir
s'agit
un plan de vigne pour pouvoir
rimage de votre poète, pour que la
On
!
semble tant atténuée qu'on pourrait
Deux renards
très frappé...
O
me
image
Mais, dans
est.
le grec,
renard dans
vigne du traducteur. Je
la
le raisin...
aurait fallu
il
de
de
la vérité
employer vos
rendre! Et ainsi toujours, pour tout. Mais j'en reviens
trotter le
dévore
être frappé
cela vous incite à
sans en être
la lire
et
?
la traduction,
efforts
pour
ne vois pas
là, je
m'arrête, le papier
me
manque. Je dois vous dire que Burns
«
propre, son goût de terroir.
m'a
écrit
que vous
chainement
faire tirer des
touche,
je
travaille
et qu'il a
causerons, j'espère.
me
lui. 11
dit qu'il
l'aider à hâter.
beaucoup,
et
Mon ami
Sensier
qu'une solution
cela,
Voilà ce qu'il
me
Pour
dit.
ce qui
me prouve
de Théocrite
la lecture
bien sa saveur
va sans doute très pro-
épreuves; qu'il n'attend, pour
que vous pouvez, peut-être,
me
Nous en
chez
êtes allé
me plait infiniment,
de
plus en plus qu'on n'est jamais autant grec qu'en faisant bien naïvement les
impressions, peu importe où on les
Cela
me met donc
mon
endroit
et
Burns me
chose vous
même, de
l'endroit
où
j'ai
prouve
aussi.
vécu. ;
puis,
si
la
venez donc de temps en temps passer une jour-
est possible,
ici. «
«
«
Monsieur,
prochainement, le plaisir je
le
Recevez encore un coup, monsieur, mes remerciements
«
née
reçues;
ait
plus vivement en l'esprit de réaliser certaines choses de
je
J.-F.
et cela
pour double raison je
;
car,
»
Barbizon, 4 août i86j.
suis excessivement content desavoir
de vous voir,
.MILLET.
en
que vousdevez venir
même temps que
pourrai vous dire tout ce que
j'ai
j'aurai
pensé, puisque
pourrai, en causant avec vous, vous en dire plus en cinq minutes que
vous en écrirais en deux heures. Je qu'il
y a longtemps que
reille étoffe.
je n'ai lu
Quand même
me
dans
je serais
en
je
ne
hâte seulement de vous dire en bloc
les état
choses modernes une chose de pa-
de
le faire, je
ne m'amuserais pas
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
25o
à vouloir mesurer quelle taille
Shakespeare, il
etc.
mais
;
n'en est pas moins
vaut
peine.
la
Homère, Dante,
(rauteur) par rapport à
a
il
bien persuadé que, d'une taille ou d'une autre,
je suis
un individu de
Nous causerons
leur famille.
du
aussi
Nous en
causerons, cela en
volume Au
petit
village que vous
avez joint à Miréio. Je ne vous en dis donc pas plus long, aimant mieux causer qu'écrire.
Croyez donc bien au
«
l'avance
plaisir
que
j'aurai de votre visite et en recevez à
mes remerciements.
«
Monsieur Chassaing,
«
Shakespeare
bien grand
est
me
vous avez de
et
me
faites
en
m'envoyant
doublement, d'abord à cause de l'intention que
plaisir et
f^iire
»
Barhizon, 14 octobre 18C3.
que vous
plaisir
le
MILLET.
J.-F.
«
que
je
comme
considère
très
importante,
ensuite, parce qu'il était impossible de faire choix de quelque chose remplis-
mieux son
sant
me
chose
chagrine là-dedans,
pour moi. J'en
« Si
c'est
suis tout accablé et
de voir en quels
comme
frais
Mais
je
ne
prie,
me
faites
Encore un coup,
«
faites « Il
vous vous mettez
!
commencée,
déjà bien assez honteux.
frais-là, car je suis
garderai bien de vous renvoyer Shakespeare pour une pareille
opération. Je le trouve
vous
pas ces
une
honteux. Et dire que ce n'est pas
l'opération de collage de papier dans le Dante n'est pas
vous en
m'a
n'y a pas de plaisir sans peine,
il
puisque Dante doit venir se joindre à Shakespeare
tout,
je
comme
but. Mais,
bon comme
il
est et
ne m'en dessaisirai pas.
veux vous dire que
je
je
suis très touché de ce
que
pour moi.
parait
que mes pauvres bois vous donnent bien du mal,
dit Sensier.
Tâchez d'en
faire
tirer
à ce
que
seulement quelques épreuves à
la
main par Delàtre ou par Bracquemond... 'Vous en aurez sans doute causé avec Sensier « S'il
et
y a
aurez pris une détermination.
venez passer encore quelques moments avec nous
possibilité,
avant de quitter
le
pays pour tout de bon. Arrangez vosatî'aires pour cela, ce
ne doit pas être impossible.
compte presque.
«
J'y
«
Recevez, dans tous
les souhaits
que toute
dans vos entreprises,
et
les cas,
ma
une bien cordiale poignée de main
famille et
moi
que vous soyez
le
faisons
pour que vous
et
tous
réussissiez
moins possible égratigné par
ronces du chemin. «
J.-F.
MILLET.
>'
les
JEAN-FRANÇOIS MILLET. M. Chassaing
25i
avait été frappé des réflexions justes et pro-
fondes de Millet sur les grands classiques, entre autres Shakespeare et
Dante.
Hugo
envoyé
lui avait
Il
traductions de François-Victor
les
de Lamennais. Les notes de Millet, écrites en marge,
et
auraient été certainement celles d'un grand observateur.
beaucoup à
Théocrite plaisait tableaux tracés par
dans
poète grec
le
langue plastique.
la
Il
Millet.
traduisait
et qu'il
ne parlait à personne, mais qui
entend des voix
«
com-
une certaine Bergère dont
s'était
emparée de son
comme un
agreste
»,
un de
plaines. Millet enfantait en silence
il
esprit et
comme une
de son cœur, une bergère aux champs, pensive qui
des
facilement
partageait son temps entre les
positions inspirées par l'antique et
fillette
voyait
y
Il
fruit
des
beaux chefs-
ses plus
d'œuvre. Nous reparlerons de cette Bergère. Toutefois
M. Chassaing,
conseils de idylle.
revenait à Théocrite,
il
Mais
il
le
et
il
Aucun
une première
projet de publier
dut s'arrêter bientôt devant
pareille entreprise.
formait, sur les
d'une
les difficultés
éditeur ne se serait
compromis
à faire
l'épreuve de Théocrite traduit par Millet.
H
M. Chassaing
'<
est arrive ici, jeudi
main
soir vendredi, puis
avons
fait
un
vous savez, vous
que
tirage de
et
mieux pour
idylle tout
le
imprimée
de l'ouvrage,
est parti
essai de
et
il
matin,
par
la
et
il
est resté
Dans
jusqu'au lende-
Nous
voiture de sept heures.
gravure en bois,
notre tirage est très bon.
faire, j'en glisserai
le
il
mon
Barbizon, 8 novembre 1863.
le
le
Petit Bêcheur que
premier envoi que
j'aurai à
quelques épreuves pour vous. M. Chassaing croit
Théocrite serait de pouvoir présenter à un éditeur une et illustrée,
croit
comme
serait,
qu'un éditeur ne
par exemple, une livraison
résisterait
pas à cela et voudrait
continuer l'œuvre. '<
Il
m'a
dit qu'il allait
river à
pouvoir
a bien
un peu
combiner avec son ami Rollin
faire les frais nécessaires
expliqués, mais
du diable
pour arrivera
si
ces choses-là,
les
moyens
ce résultat.
que
je
Il
d'ar-
mêles
ne comprends
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
252
même la
pas pendant
mémoire
Enfin
!
croit
il
immenses
raient pas
et
que son idée
que
de
Dans tous
y a un vase dont naturellement
Une
«
putent
il
cette idylle-là,
les cas,
je
première idylle
la
y aurait à reproduire
rester
dans
quand même on
me
vous jugerez
et
suis déjà
Tircis
:
de Pan. Tircis joue de la syrinx
me
de gravure ne se-
et
va sans doute vous en écrire,
Il
a de praticable.
la grotte
explique, peuvent
d'impression
les frais
charbonner des compositions pour assis près
les
qu'on aurait toujours
ne pourrait aller plus loin. ce
me
temps qu'on
le
et
mis à
un chevrier
et l'autre l'écoute. Il
les sujets sculptés
que
je figurerais
:
belle
femme, un ciief-d'œuvre divin, que deux hommes
se dis-
;
Un homme, un
«
vieux, de dessus
un rocher, pêche au
filet
dans
la
mer;
Un
«
mais
il
enfant assis sur une haie pour garder une vigne qui
ne voit pas deux renards, déjeuner,
les trois sujets
Puis reste
«
syrinx
et
là,
près
la
à laquelle
du
l'un qui vient
:
l'autre qui mange dans
et
Voilà
«
un piège
attentionné à tresser avec de la paille
est si
la
vigne
lui
beaux
;
à cigales, qu'il
escamoter son
raisins.
vase.
que joue Tircis sur
la
Hermès, Vénus, Priape, des chevriers
et
mort de Daphnis, qui mort
pour
les plus
est à côté
assistent
est le sujet
des bergers. Cinq sujets en tout, et on ne peut guère ne pas les faire tous les
Toutes
cinq.
raient avec
les idylles n'en
un
seul sujet,
'<
Autre chose
«
Je suis heureux,
vous avez
faite
très
demanderaient pas autant; certaines s'exprime-
deux au plus.
importante
:
excessivement heureux de
en vendant mes trois dessins.
mille francs pouvait tout de
d'une seule poignée, cela
me
même
se
faire,
Si,
la
la
que
I
.
je
La
propos,
je
et le
suis en train d'épurer
Départ pour
et,
le trayait.
ma je
be-
la
entre autre be-
Veau; puis, immédiatement,
souhaite est praticable ou non. Si oui,
belle eau-forte le
l'emprunt de
ce ne serait pas
donnerait du temps pour accomplir de
Bergère de M. Tesse,
forte', et, à ce
ce
cela,
quand même
sogne, sans trop d'inquiétude pendant un certain temps, sogne,
bonne besogne que
malgré
mon
eau-
composition. Appréciez trouverai cela fameux
(A. S.)
!
si
CHAPITRE XXV VENTE POSTHUME l'art japonais. M.
"
CASTAGNARY.
M.
THÉOPHILE SILVESTRE.
EUGENE DELACROIX
D
—
•
M.
JEAN ROUSSEAU.
LE SALON DE 1864.
LA
BERGERE
«
LA NAISSANCE d'un VEAU DANS LES CHAMPS
»
.
».
SUCCÈS ET CRITIQUES.
Millet avait songé souvent Il
aux merveilles de
aimait avoir avec quelle aisance
et
l'art décoratif.
quelle somptuosité Rosso,
Primatice, Fréminet, Ambroise Dubois
et
toute l'école de Fontai-
nebleau avaient couvert de leurs peintures de vastes murailles et
de grands plafonds. Leur science profonde, leur belle brutalité
d'expression l'attiraient
comme
les
puissantes fantaisies d'une
race de géants.
L'un de nous, un ami, qui faire
l'avait
compris,
lui
proposa de
quatre grands sujets pour un hôtel du boulevard Hauss-
mann
;
ces peintures, destinées
manger, devaient figurer
les
à
décorer
une riche
salle
à
Quatre Saisons.
Millet accueillit cette proposition avec joie, tout en travaillant à sa Bergère, et
il
m'écrivit
:
«
«
Mon
cher Sensicr,
de décoration dont vous
je n'ai
me
point
dit
Barbizon, 2] janvier
du tout que
parlez. J'ai seulement dit à
je
iSrt^.
refusais le travail
Fcydeau que, considé-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
254
Timmense
rani
3o,ooo
que
travail
que
cela devrait être
on considère que
si
yeux du spectateur,
comme
et,
payé de
peu près imaginées,
effectivement, ce ne serait
très simplifiées
d'une façon plus expéditive. Les prix que
n'ont donc été donnés que
presque
ces décorations seront placées
des tableaux. Si le prix probable m'avait d'abord été
faire
25 à
que l'importance
n'imaginais pas qu'on les peignit autrement
et je
certainement imaginé des compositions
moyen de
j'avais déjà à
payé un prix ou un autre;
ce serait
si
pas un prix élevé, les
que
c'est, j'estimais
donnée à mes compositions que
j'aurais
sans penser
sous
que
J'aidit cela, prisa l'improviste et ne considérant
fr.
comme un
premier aperçu,
et
dit, j'aurais
vu
j'aurais
et
j'ai dit
le
à Feydeau
comme
pas du tout
chose absolue. Je ne demandais, au contraire, qu'à être conseillé dans une
chose où
d'ici je
ne peux guère voir
que j'entends parler de travaux de
me
lument impossible de vaguement, d'autant
clair, d'autant
ce genre.
II
que
déranger pour une chose dont
comme vous
qu'il faut,
première
c'est la
m'est parlé
si
du mois
se
tableau de M. Tesse,
et
le savez,
que
il
la fin
fasse, et qu'elle
ne
Dieu
trop de temps, surtout aussi souvent souffrant que
sait si j'ai
se
peut
qu'en finissant
faire
le
depuis longtemps. Je n'incrimine pas du tout, loin de là; mais la chose, et je
fois
m'était, d'un autre côté, abso-
je le
je
suis
raisonne
continue à trouver que cela ne m'a pas été clairement pré-
senté...
Feydeau m'a
«
dit
client
qu'une influence
ment de
n'a
qu'il
auparavant savoir mes prix
;
que
très restreinte
conseils de tout genre
faire réussir la chose.
prononcé
mon nom,
pas
;
encore
parlé
de moi
qu'il
veut
cela n'a rien de positif, qu'il n'a sur son ;
que
qu'il fera
Dans une seconde
ce client s'entoure malheureuse-
cependant ce qu'il pourra pour
lettre,
il
me
dit qu'il n'a
pas encore
voulant d'abord savoir mes prix pour ne pas
faire
de
fausses manœuvres... «
Je vous dis tout cela pour que vous ne croyiez pas que
sucré, ni
que
sentant.
La
(si
la
j'aie
voulu
faire
un bon coup, une chose comme
seule idée qui m'est venue, lorsque vous
fait le
m'en avez
parlé, c'a été
chose pouvait aboutir) un contentement de pouvoir faire un peu en
grand quelques compositions, dessus...
comme qu'on
j'aie
celle-là se pré-
;
mon
imagination j'ai
ayant montré des prétentions exorbitantes
n'ait pas
fond de
et
mais qu'on ne s'autorise pas de ce que
ma
s'est
pu
mise à
trotter là-
me
considérer
dire à
et folles.
Je regrette bien
causé de tout cela avec vous, car vous auriez pu indiquer
pensée.
n'a pas été avec
Quant au nom de Faustin Besson que
une autre intention que de montrer
j'ai
qu'il n'y a pas
beaucoup
d'apparence que des gens qui pensent à l'employer puissent pensera chose pour moi.
le
prononcé, ce
la
même
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Le tableau de M. Tessc
«
que
c'est
les
derniers jours
est
fait (la
où
c'est là
;
les
255
Bergère), mais vous savez ce que scrupules s'élèvent, où on cherclie
à renforcer la chose, à l'exprimer avec toutes ses forces. Je suis très souffrant,
jours
et les
et les nuits.
Tout
qu'il serait possible de fitire
que
susdits, et tandis
j'y suis, ce
bien de son tableau, février, afin
de
cela
qui
je désirerais
le revoir
me
porte à vous dire ceci
pour
est
encore
Mon
vous
ai
Barbizon, ce 27 janvier
commence par vous remercier de
18^.1.
l'ennui que je
un amateur, on
affaire avec
cela n'a pas
n'est
jamais sûr
résultat.
faudra bien que
voie
je
des œuvres
l'exposition
Vous voudrez bien m'avertir du jour où
avant sa vente.
aura
je
En entamant une
un bon
le
première huitaine de
donné pour ma demande à M. Tesse, car j'imagine que
Il
«
moi, pour
à loisir...
cher Sensier,
été tout seul.
d'avoir
la
scrupules
les
comme pour
lui
garder
le
((
«
Croyez-vous
:
comprendre à M. Tcsse que, vu
de Delacroix
cette
exposition
me
le direz, et
lieu... «
Quand vous
saurez qui doit faire
aussi à quel prix. Je crois toujours
mal trouvées
!
Enfin
mon
les
que
décorations, vous
j'aurais
eu des compositions pas trop
comme
regret ne peut pas être grand
si
la
chose
m'avait été proposée.
Le temps
« «
donc
est
sombre comme pour
la fin
du monde.
mes deux /l'Ottis. Conseillez
Je suis bien aise que vous soyez content de le
monsieur sur leur encadrement,
vrir la moitié.
c'est-à-dire qu'il n'en fasse pas recou-
Qu'on n'en recouvre pas du
mais qu'on mette des ba-
tout,
guettes autour des toiles.
Bonne amitié
«
«
«
«
Mon
cher Sensier,
remercie beaucoup.
M. Tesse voir que lettres
reçu,
avec trois cents francs. je reçois tant
bonnes, deux à
seau va à Paris, fait clair
J'ai
il
même
La
MILLET,
temps que votre
!
C'est tout de
même
une heure.
me
besogne
et je
d'intéressant.
jette à la >'
lettre,
je
vous de
celle
abasourdie d'admiration de
factrice est
d'argent. Elle m'a dit en arrivant la fois
i-
de cent francs, dont
part aujourd'hui à
aujourd'hui
que vous saurez
en
J.-F.
Barbizon, 30 janvier iG6^.
reçu votre envoi
j'ai
à tous.
Des
:
lettres, et
des bonnes lettres A-t-il fait
vite, vite
!
sombre
!
des
Rous-
hier!
Il
Dites-moi tout ce
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
256
Les craintes de Millet ne se réalisèrent pas. Alfred Feydeau, architecte de l'hôtel
du boulevard Haussmann,
auprès de ses clients
et obtint
d'eu.x:
la
insista
vivement
commande de
quatre
grands tableaux décoratifs pour lesquels Millet s'empressa de faire les
premières esquisses au pastel; c'étaient de charmantes
compositions.
D'un autre
un amateur qui possédait plusieurs pein-
côté,
tures de Millet les céda en bloc à
M. Francis
marchand
Petit,
de tableaux. Barbizon, ce
«
Mon
cher Sensier,
je
5
que vous m'apprenez.
suis très content de ce
est certain que mes tableaux une fois à Petit, son intérêt Il
en a déjà vendu, puisque Rousseau
connaît, en a acheté trois ou quatre.
me
février i8C^.
disait hier
est
de
qu'un monsieur,
Le contentement que
je
ces choses-là n'a lieu qu'en pensant à la possibilité de vivre
péniblement, car, d'un autre côté, cela vient renouveler
me demande pourquoi me
emmagasinées en moi. Je
pour enfin venir un peu à moi qu'on
un
puis, à
;
me mette de côté comme une me soit particulière, et ce que
qu'il
puisse avoir de
un peu moins
les tristesses
que
j'ai
si
longtemps
rien
n'empêche
houspiller
moment,
certain
Il
les taire valoir.
chaussette sale. Cette façon-là d'être n'a
rien qui
j'en dis n'est
qu'en pensant
comme la
vanité de beaucoup les porte à se bâtir
un monument même sur un
terrain de
cette nature,
coup,
il
il
Je veux
comme
faut se considérer
un de
en temps dans mes
vous dire
ces jours
tristesses et
vous
moignage du bien que vous m'avez bien que vous avez
quand même
les «
été,
M. Moureau
sinon
moutons
pourrais considérer cela est
»
le seul,
venu. Je dois il
doit
vous m'annonciez.
Il était là
du dessin qu'on vous
a
y a de mieux
sur une trappe. les plaisirs
que
j'ai
comme
pu avoir de temps pourrai,
je
Je veux que vous sachiez que
au moins niQn principal appui,
en troupeau viendraient de
chaque mois jusqu'à épuisement de
«
bonne construction. Encore un
laisser écrit,
fait.
que comme
Et, à partir de la fin d'avril,
aise
la
faut être content, très content des possibilités qu'il
vivre, mais «
bien peu propre pourtant à
mon
un
té-
je sais et
que,
côté, je ne
des choses et varia etfalsa. lui
faire
sept dessins
me donner deux la
somme.
quand votre
pour mille
francs.
cents francs à la fin de
Je ne lui ai rien dit de ce que
lettre est arrivée. Je suis aussi
bien
demandé.
Je n'ai point oui parler de
mon
autorisation
pour Fontainebleau.
Si
JEAN-FRANÇOIS MILLET. vous voyez Fcuardent, demanduz-Iui quelques jours en visiteur,
me
et je
s'il
Le
risation.
ma
mais
que
composition
mencer;
que
travail
pour
j'ai fait
est
s'en est occupe. J'y suis allé
suis assuré qu'il
intéressantes à voir à loisir. Je réitère
257
y a
en gros déterminée,
pas encore peint sur
je n'ai
plus avancée que
si je
la toile
un de
et je vais
com-
ces jours
du plafond, quoique
commencer par
m'étais mis à
a
ma persécution et crie, après l'automon plafond n'est passur la toile même, Ne
n'attends pour cela qu'une provision de couleurs.
je
y
il
là des choses bien
dites pas
chose soit
la
Feuardent m'a en-
là.
voyé deux catalogues Pourtalès, mais pas celui des tableaux.
MILLET.
J.-F.
«
»
Barbizon, is février i8j^.
Mon
«
bleau de
cher Sensier,
M.
Tesse, pour
demain samedi,
je
remettrai,
le
départ de six heures du soir.
sans doute dimanche matin. Je vous serai très obligé, le faire, d'aller
y
chez lui dimanche dans
la
quels yeux
il
le
il
mon
lui
de
(M. Tesse) parle de vous remettre
M. ou
le faire
à M"'= Millet. Si
comme
je
fasse des difficultés à je
M. Tesse
vous
ma femme pour
dis de garder sont
à Sainte-Croix, et l'autre partir avec
en
êtes
état
réconforter
tableau.
Qui
sait
de s'il
avec
disait qu'il il
moi pour voir
les
lui est
par
va
le reste ici,
me l'adresser,
probable que ici, je
dites-
je vais aller
ne veux pas qu'on
remettre l'argent. Les deux cents
une moitié pour Lecarpentier, notaire
Delacroix. fille,
est
n'étant pas
pour un payement
amener avec moi Louise, notre pour une éruption qui
et,
lui
envoyez-moi
et
Si,
de l'argent, prenez-le,
le reste
vous l'indique, car
à Paris pour l'exposition de Delacroix \
francs que
le
compte un peu par son aspect d'ensemble.
puis gardez deux cents francs par devers vous, adressé à
vous
le ta-
recevra
le
verra? Tâchez qu'on regarde ce tableau à assez bonne dis-
tance, car je crois qu'il
hasard,
si
M. Tesse
matinée, afin de
avait des défaillances par trop fortes à propos de
à Lejosne,
i3,
à Paris.
Il
Rousseau va sans doute
est aussi
probable que
je
vais
pour avoir une consultation de médecin
venue au visage. Rien autre chose à vous
dire,
puisque nous causerons bientôt, sinon, encore un coup, d'être un échalas
pour M. Tesse en
cas de défaillance. «
Bonjour
et
bonne santé
à
vous tous. «
I.
L'exposition publique des œuvres de Delacroix
Millet vint à Paris; et
il
il
J.-F.
MILLET.
commença
le 16 févrieriSLi4.
vit les peintures, les croquis, les aquarelles
en fut profondément touché. (M.)
»
du grand maître
.
JEAN-FRANÇOIS MILLET
258
B.irbizon,
«
Mon
«
laquelle
cher Sensier,
me
il
-t
niaru iSC-j.
reçu effectivement une lettre de Feydeau, dans
j"ai
dit qu'il travaille
pour
faire aboutir
des décorations de Thôtel du boulevard
pour moi
commande
la
Haussmann. Je souhaite que
cela
arrive.
comme
Pourrai-je,
«
Lazare', ramasser sous la table quelques miettes de
votre festin avec Forget de la vente Delacroix? Je suis bien aise que vous
ayez
le
Lara, car
Scythes que faisait suite
c'est
me
je
très belle chose.
mon
Femmes
faire faire
Goet\?
Qui donc
qui lui a
fait
sur
ma
besogne
Voilà
«
le
beaucoup de
m'a
dit
comme vous Rousseau
plaisir. Je travaille
mon Veau; termine
J'ai dit à
ici
mais,
ma
comme
très
sur le succès tout
me
dites
de
ce qui le concerne,
comme un
vrai nègre
me
les jours passent, je
pour
précipite
lettre...
temps un peu détendu
de votre jardin.
La
et
pauvre Delacroix aura une bonne
ce
plume. Je suis bien aise de ce que vous
rue de Choiseul-.
arriver à terminer
à Paris
Les phrases relevées par vous sur des croquis sont
spécial des dessins à la
ce
j'irai
a acheté les pierres lithographiques de
vraies. Tillot, qui est arrivé hiersoir,
l'exposition de la
Quand
Mais tâchez que j'aie un croquis quelconque.
M. Robert? Enfin
serait-ce
salie et
la
Spartiates, etc., etc. Si c'est sur celui-là
des fac-similés de l'album qu'il a achetés? Cet album
doit être très intéressant.
fois enfiévré Paris!
dessin de VOvide che\ les
avis, je le trouve très beau.
verrai toutes vos acquisitions.
Burtyvadonc
Le
rappelle était sur Tinstallation du milieu de
au Socrate, aux
que vous me demandez je
une
et
même
pluvieux. Je vais m'occuper
»
lettre
qui suit est
un
petit
intermède à nos préoccu-
pations. Elle signale l'entrée en scène de l'art japonais en France.
On
se rappelle
avec quel enthousiasme
artistes. Je fus le
1
premier à
Les miettes ramassées par Millet à
copieuses.
Il
trouva
le
On
fut accueilli
signaler à Millet et à
la
moyen, tout pauvre
croquis, qu'il étudia longtemps avec 2.
le
il
par
les
Rousseau
vente d'Eugène Delacroix furent assez
qu'il était, d'acquérir plus
une consciencieuse admiration.
de cinquante
(A. S.)
exposait rue de Choiseul, au Cercle des beaux-arts, les travaux des
sociétaires et aussi
des peintres contemporains.
M. Francis
exposition où .Millet eut beaucoup de peine à être admis. (A.
Petit dirigeait cette S.)
JEA.N-FRANÇOIS MILLET. qui vivaient en reclus passion.
Rousseau en
:
fut pris et
possédé jusqu'à
quand
voulait tout avoir à lui seul, et
Il
allions à la découverte et achetions quelque
étrange,
Mon
((
aussi
me
manqué
disiez ce qui
Je veux qu'à
mon
vous
pouvait s'interposer cela.
le
j'ai
contre vous de
ma
ma
part
cela soit tiré à clair, car je vie,
si
mon
Rousseau s'expliquèrent
vous m'annoncez
comme
Quant à moi, ce
et
y
me
sera
donné
a eu vraiment
en
me
lui écrivant, dit
dans
sais
C'est à
et qu'il faut
moi
venez
»
qu'une
là
terminé
et je
qu'il voulait.
Barbizon, 4 avril iSiî^.
la
commande que et
heu-
peu habitué à des choses
comme impossible, je n'osais de mon mieux selon le temps
à faire
que Feydeau allonge autant que possible.
mais parlez-lui-en aussi, car
je
d'ici là,
fut
fut vite
j'ai été si
chose
m'cnvovcr
les
c'est très
cela à
Il
Feydeau
important. Feydeau
dimensions exactes des pan-
puisse chercher nos compositions dans leur proportion
mes compositions
il
besogne pour
MILLET.
beaucoup de temps perdu. Je vais parler de
sa lettre qu'il va
neaux, atin que aussitôt
Deo!
la
le
autre,
qui m'a été confirmée par la lettre de Feydeau,
d'une surprise, car vraiment
pas y compter. Laiis
J.-F.
heureux de
suis excessivement
je
de cet ordre-là, que, sans considérer
qui
ma
ce ne
;
Rousseau en possession de tout ce
cher Sensier,
l'homme
tableau avant qu'il ne parte.
«
reux
sorte d'intamie.
serais
moindre nuage entre nous. Je quitte
querelle d'amoureux.
Et
attendant que
pour une cause ou pour une
«
Mon
aucune
vous n'aviez pas d'autre nouvelle de moi
Si
Millet et
En
?
très désa-
avec Rousseau, vous voudrez bien
donc dimanche chez Rousseau pourvoir
«
cet art
rapportées de Paris.
est arrivé
voyage tout
plus désolé pour le reste de
laissai
image de
Rousseau quelque chose de
d'avoir avec
commis
croire qu'il ne s'est
vous dire
ou moi
cher Sensier, quel tichu vent souffle donc sur nous du Japon j'ai
gréable à propos des images que
vous
Millet
Barbizon, 16 mars 1864.
X
moi
ki
semblait qu'on l'en avait dépouillé.
lui
il
269
et,
à peu près trouvées, de venir à Paris avec. Je ne
donc pas aujourd'hui quand
j'irai
à Paris, mais ce sera assez prochaine-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
36o
ment
car
ne veux pas
je
de modification.
le droit
veux avoir
et je
Puisqu'à présent Tours est tué, mettez-vous,
«
pour moi des épicuriens s'y rattache.
qui
compositions qui m'engagent absolument
faire des
Pour
gens aimant
instruits, des
le sujet
je
vous
en quête
prie,
le plaisir de la table et ce
qui se pourrait peindre au plafond,
je tirerai,
peut-être, quelque chose de leurs idées. Puis, aussi, quels poètes antiques fêté ces
ont
choses-là. Je sais bien qu'Anacréon et
faudrait les relire), mais
qu'en ont
y en
quels vous
Figaro
Je suis très content d'avoir
casion s'en étant présentée
Il
m'a souvent
cher Sensier
raconterai. Enfin,
sur
le
et signé.
pris les
Enfin,
!
il
m'a
Vauircjoui-,
C'est
je
fait
En
qu'il est parti le jour
veux de rage
ne serait
et
surtout l'oc-
pour
lui et et
qu'il
ne regrettait que de d'un Palissy. Oui,
écrire,
me
mais
vous
je
le
remettre une brochure
sar lequel
au-dessous
a écrit,
il
:
Et nunc
comme et
sa part. Il veut venir ici passer
que nous causions
ma
je
scmper
quelques
à fond.
ma femme me raconte que M. Pelme voir, qu'il est resté là deux jours à m'attendre, enfin même de mon retour. Il était désespéré de ne m'avoir
;
était
venu exprès,
écrit, le priant
Comme
de dire à
au cas où
il
il
che-
était
Il
accompagné d'un
M. Pelloquet ma
contrariété d'avoir été absent, et le
me
prévenir, afin qu'il
de ne m'être pas trouvé
un homme
artiste belge,
avait son adresse sur sa carte, je lui ai
devrait revenir, de
sûr. Je suis très fâché
parait
et qu'il s'en arracherait les
a laissé sa carte. 11 a dit, je crois, chez Luniot, qu'il voulait
il
M. Louis Evenepoël.
il
ceux aux-
il
Je crois l'avoir un peu
écrit.
ne peux pas tout vous
revenir dans trois ou quatre Jours.
comme
ma
revenant à minuit l'autre jour,
pas vu, disait-il, puisqu'il
coup
de compte,
je lui faisais l'effet
monter chez
un rude engagement de
loquet est venu pour
priant,
fin
mains en me disant
A François Millet,
jours, et prochainement, afin (I
livrer
naturellement, puisqu'elle a été fortuite de
si
Salon de iSSj qui a été son premier,
l'ai dit
en
pu causer avec Castagnary
ne pas m'avoir rencontré plus tôt; que
mon
ou ne pas
la publiât avant l'exposition, et à cause de
que lui-même m'avait effectivement
part, et
remué.
livrer
à qui elle boucherait peut-être cette ouverture-là d'attaque...
Jean Rousseau, «
me
(et il
Et puis, enfin, ce
les cas, faites-la lire à
la faire connaître, et
de
croiriez utile
peut-être pas mauvais que le
vous
pour
avez, bien entendu, carte blanche
au Figaro. Vous apprécierez. Dans tous
lettre
l'ont fait
de toutes époques.
dit les poètes
Vous
«
il
Horace
a peut-être d'autres encore.
acquis,
il
là
;
me
trouve à
mais, d'un autre côté,
vaut encore mieux que. j'aie pu causer
avec Castagnary. Je ne suis donc pas fâché d'être resté à Paris ce jour-là. Si j'étais parti la veille,
j'imaginais que
je le
comme
je
le
reverrais. Puis, à
comptais, présent,
je
trouvais Pelloquet, mais
comme
il
a
fait
une dé-
JEAN-FRANÇOIS MILLET. marche à Paris, «
très
Sa
me
empressée pour
quand visite
n'ai plus rien à
que
m'empêcherait d'nller
montrer en
de peinture,
fait
ici,
ou deux en train; mais nécessairement; mais serait d'autant plus,
si
si
fait
que
si,
venir à l'esprit que
me demander bonde mettre une chose
cela retardera les dessins d'un
vexant de ne rien avoir à montrer,
quelqu'un à venir.
plume
et
je
par hasard, quelqu'un,
vous
les
Que
peu,
et cela le
on s'occupait un peu de mes tableaux du Salon
cela engage, par hasard, faire des croquis à la
et
qu'il serait peut-être
je le fais,
c'est très
Jrouver
ne serait excité par rien à
il
donc pensé
J'ai
le
Juste.
en compagnie de quelqu'un m'a
en état d'acheter, venait
quelque chose.
voir, rien ne
ce ne serait
J'irai, et
261
et
que
dites-vous de cela? Je vais
envoyer, car nous n'avons plus un
sou, et on nous travaille de tous les côtés d'une manière bien inquiétante.
Vous verrez «
J'ai
s'il
sera possible d'en placer quelques-uns...
Ma femme
a
une douleur violenteau
eu une migraine
qui
foie
couve au moins une
et J'en
J.-K
«
Millet n'était pas
recommander aux sur ses œuvres,
Le hasard
et
le rnit
homme
critiques,
il
l'attriste
beaucoup. Moi,
autre...
MILLET.
»
à courir après les recrues, à se
mais
cherchait les
il
tout ce qui se publiait
lisait
moyens de
se faire
comprendre.
en relations avec M. Castagnary, qui,
on Fa vu, éprouva pour Millet une vive sympathie. jamais l'occasion de s'entretenir, avec tique
mordant
et instruit qui,
sympathique pour Millet
et
tait l'écrivain. Il était
sur ses jugements salonnier.
et
pendant plusieurs années,
moi à une
résolu à lui
n'eut cri-
fut
Un
peu
jour,
brasserie que fréquen-
demander des commentaires
à le critiquer lui-même dans son travail de
Mais M. Jean Rousseau ne parut
qu'il rendit plus tard justice si
Il
M. Jean Rousseau,
pour Théodore Rousseau.
Millet se décida à aller avec
comme
aux deux peintres
pas. Je dois dire qu'il avait
d'abord
froidement accueillis, «
«
tant
Barbizon, 19
Je partirai dimanche avec vous pour Paris,
mes
mon
avril iH6^.
cher Sensier, empor-
dessins à placer, trois sur quatre, puisque les Enfants qui
mangent
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
262
du oni sûrement, dites-vous, leur destination. Je ne serai pas à l'ouverture Salon
seignements sur
Puisque
«
très
arrangez-vous pour
lui,
je
donniez certains ren-
cela.
voué au rôle d'homme désagréable, voici une question
suis
ennuyeuse que
me
faudra pourtant bien que vous
c'est égal, il
;
je
fais? Serait-il possible
vous
que
je
puisse toucher les
connais100 francs du dessin que vous m'avez demandé de faire pour une samedi, sance pour vous?... Si vous le pouvez, apportez-moi ces loo francs Je n"ai mieux. encore serait ce avant ou si même vous pouviez les envoyer pas besoin de vous donner
gros que
je
le détail
m'enfonce dans l'ouvrage
se .sont écriés
sur lequel
je
:
Italiam,
me
!...
Commande! comme les compagnons d'Enée Italiam! Ce me serait au moins un bout de rocher,
Puis-je donc enfin dire
«
des ennuis qui m'obsèdent, sachez en
:
un moment, en attendant
reposerais
la reprise
de
la
dure
navigation... «
Poignées de mains. « J.-F.
C'est à cette
commence
époque
que M. Théophile
(avril 1864)
»
Si!ve.stre
dans Texistence de Millet. M. Silvestre
à paraître
avait écrit avec
MILLET.
beaucoup de
biographies d'Eugène
les
talent
de Decamps, de Corot, de Courbet, de
Delacroix, d'Ingres,
Diaz, d'Horace Vernet, de Barye, de Rude, de Préault
Chenavard. J'estimais que Rousseau, Jules Dupré
mâle imagination de M.
étaient dignes d'exciter la s'en expliqua
pour
avec moi
:
lui et Millet n'avait
Rousseau
était
pas encore
la
motiver un travail de longue haleine.
une notice dans
la vie
qu'il
se
de
Millet
Silvestre, qui
en projet, Dupré douteux notoriété suffisante 11
pour
lui réservait toutefois
proposait d'introduire au bas d'une page
de Rousseau. Pour cela,
sur Millet, ce à quoi
et
et
je lui
il
m'avait
avais répondu
:
«
demandé des
notes
Quand vous voudrez
bien faire à Millet l'honneur d'une biographie aussi étendue que celles
dont vous avez
gratifié Diaz,
Corot ou Courbet,
je
serai
à vos ordres; mais pour une note écourtée et plaçant Millet en
JEAN-FRANÇOIS MILLET. mieux vaut
second ordre,
mention honorable tout en resta
où
l'art
dit
«
:
Je réfléchirai »; et
Silvestre parcourut l'Angleterre et la Belgique,
des conférences, fort courues
fit
il
me
Silvestre
mérite plus qu'une
il
là.
M.
Depuis,
M.
».
s'abstenir;
263
français. Je ne
me
et fort
dignes de
que Millet y
rappelle pas
l'être,
ait été cité
sur
ou
seulement mentionné. Pourtant, Millet avait exposé des chefs-
d'œuvre Berger,
grande
la
:
La
etc.
Tondeuse,
vérité est que
Paysan à
le
houe,
la
le
hardi chercheur n'avait pas
le
encore compris, en 1864, l'homme qui
le
conquit plus tard avec
tant de puissance.
A en dis
son retour,
mon
opinion;
destiné à jouer. l'intéressa,
Damas
:
si
M.
Silvestre entendit parler de Millet. Je lui
envisager
je lui fis
Nous nous réunîmes
mais M. Silvestre
l'homme
l'avait
le
tous
n'était
rôle
que
les trois
;
Millet lui plut,
pas encore sur
séduit,
l'artiste était
le
chemin de
peintre restait toujours
le
énigmatique. Le Salon de 1864 pouvait
lui
donner une occasion
de s'expiliquer franchement sur Millet. L'histoire
du
l^eau,
dont nous parlerons, l'arrêta sans doute
dans ses bonnes dispositions. M. Silvestre ne se prononça définitivement pour Millet qu'en 1867, lors de l'Exposition universelle.
Jusqu'à cette époque,
mais un peu
il
ne fut qu'un observateur sympathique,
défiant. Ceci explique
n'apparaît pas dans les
moments
pourquoi
les
le
robuste écrivain
plus difficiles de
la vie
de
Millet.
Le Salon de 1864 senté par
deux
s'ouvrit
toiles d'égale
le
i" mai. Millet
grandeur
:
y
était ref)ré-
Bergère arec son trou-
peau ; Des paysans rapportent à leur maison un veau né dans les
champs. Laissons
la
Bergère, dont
le
succès ne fut pas discuté, pour
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
264
courir à
par
la
défense de ce pauvre Veau,
si
maltraité par
caricature et par les loustics des ateliers.
la
Toute
même
presse répéta la
la
critique
elle
:
reprocha,
presque à Tunanimité, à Millet, d'avoir représenté deux qui se permettaient de porter s'ils
portaient
retourné
et
vu il
un veau sur un brancard, comme
cette scène rustique
dans son pays, lorsqu'il y
en avait dessiné
peint l'ensemble d'après
nature. L'attitude, la démarche,
et
caractère y étaient donc scru-
le
puleusement observés. Les porteurs étaient
A veau
l'ouverture
du Salon,
pas comprise
n'était
phante, elle absorbait
d'admiration, que sans doute par
hommes
sacrement.
le saint
Millet avait était
public,
le
la
le
;
je
la
vis le
même
danger
la
:
Bergère dominait
succès.
Il
y eut un
de sa famille.
Naissance du
tout, et, triom-
tel
enthousiasme
surintendance des beaux-arts, poussée,
un beau mouvement de
réparation, écrivit à
Millet pour lui acheter sa Bergère au prix de i,5oo francs, car c'est
somme
à cette
Millet l'avait
misérable que
Bergère
la
était
estimée.
vendue plus de 2,000 francs quelques mois avant.
MINISTÈRE DE LA MAISON DE L'EMPEREUR ET DES BEAUX-ARTS SURINTENDANCE DES BEAUX-.\ RTS (I
«
si
Monsieur,
je
Palais des Tuileries,
vous prie de vouloir bien
me
le
20 mai
faire savoir
iSfi^.
immédiatement
vous consentez à céder à l'administration des beaux-arts, moyennant
prix de quinze cents francs, le tableau ayant pour sujet
:
troupeau, que vous avez exposé au Salon de cette année sous n
Recevez, monsieur, l'assurance de «
ma
Le Directeur de
l'
M.
Millet, chez «
M.
Saint-Georges.
le n°
i362.
considération distinguée.
administration des beaux-arts, <!
«
le
Bergère avec son
H.
cou RM ONT.
Alfred Sensier, 6, rue Neuve-Fontaine»
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Voici
réponse de Millet
la
:
Barbizon, 2j mai 18^4.
<(
«
Monsieur
me demander
le
directeur, vous m'avez
mon
l'achat de
265
l'honneur de m'ccrire pour
fnii
tableau, n° i362, de Texposition des beaux-
au prix de i,5oo francs. Ce tableau ne m'appartient plus;
arts,
Quelque
.acheté, dans les premiers Jours de l'exposition.
pour moi votre
otîre,
a
il
que
flatteuse
mon
ne m'est donc plus possible de disposer de
il
été soit
tableau. «
J'ai
l'honneur
monsieur
d'être,
le
directeur, votre très
humble
et très
obéissant serviteur.
Pendant ce temps rinfortuné Veau va
critique. C'est Millet qui
se
«
Mon
hommes, Apis,
portant
un veau comme
Barbizon,
portent bien,
tion, et voici ce
que
je
ne
lui
leurs
un
bras.
sion. Et,
pour
ou un
caillou,
quand même
marquer autre chose que
:
mes
hommes
de
;
admet que mes
S'il
ma satisfacdeux hommes ponant
l'expression de
ils
donneront
juste le
pend au bout de
c]ui
seraient
du poids
S'ils le
le porter,
le
loi
la
résultat d'expres-
plus pénétrés d'admiration
domine,
les
même
et
leur expression ne peut
mo-
déposent à terre pour un
du poids
se
remontrera toute
tiendront à la conservation de l'objet porté, plus
prendront une manière précautionneuse de marcher, accord de leurs pas
bœut
le
pas plus long pour
en raison du poids
ce poids.
ment, qu'ils se remettent à seule. Plus ces
est
saint sacrement ou
portent?
le
en demande
hommes
ces
ce qu'ils portent, la loi
condition
mai 186^.
le 3
poids égal, qu'ils portent l'arche sainte ou un veau,
Ainsi, à
lingot d'or
qu'ils
lui dirais
je
quelque chose sur une civière
c'était le
si
voudrait-il donc
la
défendre.
le
cher Sensier, à propos de ce que Jean Rousseau a dit sur
comment
hommes
»
en pièces par
était inis
charger de
<(
MILI, ET.
J.-F.
«
mais
l'accord,
il
faut,
dans tous
les cas et
et
chercheront
bon
le
toujours, cette dernière
que décupler
qui ferait plus
ils
la
fatigue
on
si
n'y obéissait pas. Et voici toute trouvée et toute simple la cause de cette tant
reprochée solennité. Mais
les
occasions ne
commode pas. Que M.
commissionnaires portant une ils
savent cadencer leurs
essaient d'en porter autant en voulant
manquent pas à
sur
Paris de voir
un brancard. On
Jean Rousseau
et
verra
un de
deux
comme
ses
marcher de leur pas ordinaire
amis !
Ces
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
266
manque
messieurs ne savent donc pas qu'un
rait faire sauter ce qu'on porte? Assez...
Thoré Veau de
peu près
fut à
Son
Millet.
d'accord dans
marche pour-
la
»
publié dans ï Indépendance belge,
article,
une charmante description, une paysannerie à
est
du
seul qui s'occupa sérieusement
le
George
la
Sand. Vous ne savez pas
«
même un
peu fauve
:
y a un nouveau-né. La mère
il
?
Lucine, déesse fantasque,
ou peut-être au coin d'un pré,
l'a
l'ombre d'un buisson tout
à
blonde,
est
surprise en plein
et
champ, ou près
fleuri,
d'une touffe de dictame. Est-ce que quelqu'un ne pourrait pas faire sur
Veau de Millet une églogue plus ou moins antique, aussi bien qu'on odes sur
la
naissance des princes
existences agrestes
cherche point
même
comme
charme...
le
au milieu des
fêtes
dans II
de
Est-ce
?
la vie
que
fait
le
des
poésie n'est pas dans les
la
héroïque?...
Il
est vrai
que Millet ne
conserve toujours une gravité presque solennelle, la
nature.
Au
printemps, par une belle matinée,
à
l'automne, sous un beau soleil couchant, ses bergers, ses laboureurs, ses
paysans occupés à une œuvre quelconque, ont un peu
quand
vaux
forcés,
fosse
ou qui sont absorbés dans un nihilisme rêveur.
Ce
«
ils
pour
la ferme. Il
dant
les
vaudra des écus à
deux fermiers qui
le
suit le
tristes s'ils
nouveau-né
accompagne
le
et le
la
mère,
fortifiante,
s'ils
portaient
portaient
dans tous
et
Ainsi,
on
reproduire, le
les actes
pourquoi toujours
à l'abrutissement?...
le
tra-
une bonne fortune et
cepen-
une bière
un enfant au baptême, pas à
l'enterrement.
caresse de sa langue maternelle.
convoi silencieux
et
aux
rapportent à l'étable sur un brancard impro-
Une
La vache
jeune paysanne
méthodique. Pourquoi ne court-elle pas,
rieuse, à la rencontre des petits enfants sortis de la
tous les âges
c'est
prochaine foire de Barbizon,
la
visé ne seraient pas plus recueillis
plus sourdement
d'être
ne ressemblent pas à des trappistes qui creusent leur
veau tombé des flancs de
petit
l'air
chaumière? Pourquoi,
d'une carrière laborieuse, mais saine
cette austérité
à et
concentrée qui touche presque
»
voit par les derniers
même pour
Veau né dans
les
mots que nous venons de
Fécrivain qui avait compris
champs ne
la
Tondeuse,
paraissait pas pouvoir être
JEAN-FRANÇOIS MILLET. admis sans réserve. Pour
Bergère,
la
LA (Croquis à
la
un autre
aspect.
un chaleureux
article
suite
«
plume de
A
li
R
fut
de
M.
Alfred Lebrun.)
immédiatement précisé par
de M. Castagnary s'écriait-il. C'est
droite, à gauche,
choses prirent tout de
E.
la collection
Le succès
Saluons d'abord Millet,
chef-d'œuvre.
BERG
les
267
:
un maître
au fond, vers tous
les
et sa
Bergère un
horizons,
la
plaine
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
268
immense,
s'étend
de tous côtés déborde
et
tricotant; son troupeau
ormeaux que
Ce matin,
le
La bergère marche en
cadre.
au pied des
elle était tout là-bas,
lointain rapetisse, et la voici maintenant près de nous. Ses
le
tondant l'herbe,
bêtes,
la suit.
le front
penché
amenée
s'avançant toujours, l'ont
et
Jusqu'à portée de la voix. Voulez-vous lui parler? C'est une enfant ingénue et
douce. Elle vous dira qu'elle
est
petit village
dont vous apercevez
et s'en vient
dans
est
maigre
et qu'il
les
et
ses brebis sont dociles,
d'un pas égal
le soleil a
les interstices
ou
et lent, ici
du gazon qui pousse. Elle a bien marché
aussi
;
chemin de
dans leur parc, avant que
nuit soit tout à
vous jugez de
la
la
la
humble
satisfaits cette fois
;
la
va
falloir,
moutons
venue.
profondeur de l'émotion
la
comme une
comme
des
de
plaisir, la laideur
à
jeune bergère a toute
toute la grâce rustique que comportent sa condition
détail a
Il
y a mis tout son cœur, toute
artiste
son âme. Ceux qui l'accusaient d'exagérer,
même
fait
idylle doit être regardée
importantes pages du Salon. Le grand
nos paysans, seront
de solennité.
et
oblique-
campagne d'une atmos-
métairie et rentrer les
valeur d'une œuvre par
qu'elle excite en vous, cette
lieue depuis la
ses rayons, glissant
des nuages, enveloppent la
tout à l'heure, reprendre le
au hasard des tiges
là,
une grande
fait
phère plus dorée. Le jour s'empreint de grandeur
« Si
mais que l'herbe
faut changer souvent de place. C'est pour cela qu'elle ne
matinée. Et voilà que
ment dans
maisonnettes au bout delà plaine,
les rares
champs; que
s'assied point. Elle va
tendres
bergère, que tous les jours elle quitte le
la
son importance; mais, ce qu'il faut considérer surtout
beauté
sa race.
et
et
et
Ce
louer sans
réserve, c'est l'accord, l'union intime de toutes les parties qui constituent ce
.beau paysage; les moutons sont chez eux dans cette plaine,
moutons autant
appartient aux la
scène
et les
est si parfaite,
qu'ils lui appartiennent.
tient, tout se lie.
l'impression qui en résulte
que
entier sous le
de
charme de
juste,
l'œil
ne songe
N'est-ce
même
L'esprit reste
mét^ier disparait.
produit.
L'unité
pas là
comble
le
l'art '?
M. Castagnary ne du
l'effet
si
Le
bergère
et la
terrain et le ciel,
personnages, tout s'appelle, tout se
pas à .s'enquérir des procédés d'exécution. tout
Le
Veau,
qu'il
défendit
réchauflfer les tièdes
dans toute 1.
la
Le Grand
se prononçait pas encore sur la
et
plus
tard.
C'est
alors
c]ue
pour répondre aux inquiets,
correspondance de Millet, une Journal. i5 mai 1864.
lettre
Naissance
je
,
pour
choisis,
de nature à
JEAN-FRANÇOIS MILLET. donner une
idée de son art et de son caractère. C'était la lettre
du 3o mai i863 ment beau soleil
:
citée plus
haut
où
'
il
dit
dans un style
si
grave-
Je vois très bien les auréoles des pissenlits et
«
qui étale là-bas, bien loin par delà
nuages
les
269
les
le
pays, sa gloire dans
».
trouver
J'allai
la
M. Bourdin, homme doux diatement faire
le
du Figaro^
rédaction
m'adressai à
et je
des plus obligeants,
et
fac-similé de la lettre,
et la
e^^ui fit
immé-
publia dans ï Au-
tographe. Cette lettre
fit
grand bruit
malveillances. Jean Rousseau,
et le
mit une sourdine à bien des
salonnier du Figaro, parla con-
venablement des deux tableaux de louange, c'était son droit; mais la
Bergère
comme un
A
fut traitée artiste
la suite
du Salon,
Millet obtint
s'agit
de
n'en
fut abattu
fit
pas
la
avec décence,
de coloration
» et
aurait
la lettre
une médaille. Ce
arts, très
Millet
si
grande place dans
fameuse qu'on
fut tout.
oublieuse du musée du
pu demander une peinture à
silence dédaigneux, et Millet fut
Il
Il
de talent et de conviction.
venait de prendre une
I-
Veau
comme « un bijou
L'administration des beaux
Luxembourg,
le
Millet.
l'école.
l'artiste
On
garda un
renvoyé à ses moutons.
a lue à la
page 241.
qui
CHAPITRE XXVI LETTRES DE MILLET. — LA MORT D UN ENFANT. TRAVAUX PRÉPARATOIRES POUR LES PEINTURES DÉCORATIVES. EXPOSITION DES ŒUVRES d'eUGÈNE DELACROIX. OPINION DE MILLET SUR LES DÉTRACTEURS DU MAITRE.
Retournons à Barhizon, au grand Millet et
sa
affaires et
de ses travaux.
se rappelle qu'il est très
quatre grandes toiles décoratives pour l'hôtel de
Colmar au boulevard Haussmann. tera cette vaste entreprise Tétroit,
il
se
homme
verais
cher Sensier,
probablement
de risquer
le
vovage,
dimanche prochain,
je
atelier rustique où, trop à et l'accomplit
qui se sent libre.
vous
Barbizon, mercredi soir ii m.ii 18154.
ai écrit
ce soir à Paris;
ce matin en vous disant
mais
je
ce qui ne
sons-là,
maison ne
mon
voyage à
soit la
que
me
laisse pas
j'arri-
ne suis vraiment pas en
dans un trop grand malaise. Puis, voici
je suis
état
la fête
beaucoup de temps, car
je
vou-
monde,
je
tiens
drais ce jour-là être ici; le pays étant plein de toute sorte de à ce que la
occupé de
C'est à Barbizon quil exécu-
dans son
Il
Mon
ses
M. Thomas de
passionne cependant pour son œuvre
avec l'entrain d'un
<t
nous de
causer avec
famille, et laissons-le
On
champs, avec
air des
pas seule. Je remets donc, pour toutes ces rai-
semaine prochaine. Je vous dirai
le jour.
S'il
y
JEAN-FRANÇOIS MILLET. avait, d'ici-Ià,
quelque chose que vous jugiez bon de me communiquer,
M. Mame;
frère et le dessin de
reau,
mon
Je vais, en attendant
faites-le.
vais le faire.
je
voyage à Paris,
puis,
si je
Une
Oies de votre
Mou-
»
Barbizon, i^ mai i8(5^.
des lettres que vous m'avez envoyées hier est de Bclly, qui
demande, de
la part
qu'elle est à
M. Tesse
d'un de ses amis,
ï Univers illustré qui
Lequel
faire les
peux en commencer pour
«
«
271
mon
est
et lui
donne son
me demande
me
prix de la Bergère. Je lui réponds
le
L'autre est du directeur de
adresse.
l'autorisation de reproduire wzon tableau.
On
tableau, sur les deux exposés?
ne peut guère,
me
il
semble, refuser cela, quoiqu'on puisse bien croire à une mauvaise reproduction. Je vous
envoyer à son adresse, faire,
vous ne voyez pas
si
vous demandant de
non plus
que vous voudrez bien
envoie une autorisation écrite
qu'il y ait inconvénient à le
On
faire selon votre appréciation.
refuser la nouvelle
rien de précis d'aucun de
demande de V Autographe; mais
mes tableaux, mais
ne peut guère il
ne
me
reste
au
fait,
ce ne doit pas être,
autre chose qu'un croquis en rappelant la composition. Je le ferai.
Tandis que
«
j'y
pense, je vous autorise
ront m'étre adressées chez vous le faire.
ouvrir les lettres qui pour-
a.
quand vous
à y répondre,
et
Je vous dis cela pendant que
je
moi toujours au courant des nouvelles.
me donne
Rousseau,
présenter
cela
pouvait
se
chose qui pourrait être d'une réelle et
à croire
que
a
tout
de
utilité.
est effectivement très
l'envie d'une rencontre avec Jean
naturellement. Il
ne
sait
le
soin,
même
faire entendre
que
même
le
les
C'est
même une
pas assez que
ne valent que par leurs qualités constitutives,
ne sont
»
Barbizon, C juin iSû^.
du Figaro, qui
curieux, ce qui, par parenthèse, si
MILLET.
J.-F.
cher Sensier,
Je vous remercie de votre envoi
«
Tenez-
Dites bonjour à Rousseau.
«
Mon
pouvoir
suis dans les autorisations.
«
a
croirez
et
il
en
choses
les
est
encore
sans but, qu'on peut mettre à faire une chose,
droit de compter.
Somme
toute,
choses ne sont qu'en raison de
il
la
serait
bon de
lui
substance qu'elles
contiennent. «
Ruminez donc comment
cela pourrait
un croquis pour V Autographe ; vous pouvez t
Blanchet m'a apporté mes
toiles
s'emmancher. Je vais
le dire
qui sont dans
à qui
il
faire
faut le dire...
mon atelier
présentement.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
272
Prions celui qui donne l'intelligence de ne pas trop nous abandonner, car
nous avons besoin de toutes nos forces pour mener à ceignons nos reins
tin cette tache.
Enfin,
marchons!
et
Viriliter agite et confortctur cor vestrum.
Auriez-vous
«
moyens de
les
savoir
M. Andrieu
si
drais à le savoir, car l'essai des couleurs de
samment
est à
Paris? Je tien-
Haro ne me renseigne pas
suffi-
voudrais pouvoir causer avec celui qui a pratiqué.
et je
Sachez cela
«
'
plus vite possible. Tenez-moi toujours au courant de
le
tout selon vos moyens.
Nous vous disons bonjour.
«
...Mes trois panneaux sont en train
«
les
je
n'ai
pas repondre absolument à ce que
et suis
tout absorbé dans
vu tout
envoie
le
ma
que
l'essai
je désirais.
mes compositions va
alors je ne sors pas n'aie
pas voulu m'embarquer sans autre sûreté
couleurs de Haro, d'autant que
taine, l'effet de
autant que j'en puis être juge,
et,
n'ont pas trop mauvaise mine. Je les peins avec les cou-
leurs à l'huile ordinaires;
dans
se décider. Je pioche
du tout; mais
je
nègre et
ne peux me donner de repos que
je
fin
qu'un de ces matins
je
vous
»
«
mon
paraît
du jour
faut pourtant
croquis pour V Autographe.
me
ne
comme un
besogne. Je travaille jusqu'à la
cela installé. Il
...Depuis
j'en ai fait
Je compte que, dans une hui-
J.-F.
«
«
)i
Barbizon, iS juin iSû^.
Il
mes compositions
MILLET.
J.-F.
<i
retour, je n'ai vécu
ici
MILLET.
Barbizon, ao
que dans
les
juillet
»
iSû.^.
malades.
Ma femme
entre autres souffre horriblement de la tète; plusieurs des enfants ont aussi été très patraques.
consultations
et
Une grande
en soins.
J'ai
partie de
mon
vu M. Comte
temps a et
été prise à aller
M. Moureau,
ce
en
que vous
devez peut-être savoir... «
I.
Quand
viendrez-vous?... J'ai entrevu
M.
le
Pierre Andrieu, élève d'Eugène Delacroix. (A.
commandant Lejosne.
S.;
»
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
15 aoûl iii6^t
«
Je
«
Nous partons
nouvelle!
rci,-ois la
vous retrouver. Courage,
si
l'instant,
ii
A
Donnez-nous donc de vos nouvelles,
monde
le
continuellement
que
tant
comme
et,
je n'ai
« J'ai
eu tantôt
la visite
de
il
a
mal
est
me
des choses bien,
il
Il
Il
m'a
dit
Il
à voir ces peintures, et
me donner
a
pas du tout
:
de l'audace que
l'air
me
triste.
plus la
tient
Au-
fort, et,
patience,
(le
propriétaire de
paru d'abord content en voyant mes et
enfin cela paraissait
verrez Feydeau, sachez donc de lui ce dit qu'il avait
beau s'attendre à trouver
qu'énormément de gens
que Il
la curiosité est très
faut
la force
lui
et
au delà,
ont déjà de-
fortement excitée à
que vous soyez réellement un
de grand goût pour avoir osé demander ces peintures à se félicite
le
ne pouvait s'attendre à cela, qui contient,
leur sujet. Certains lui ont dit
il
rend tout
M. Thomas, de Colmar,
Quand vous
ce qu'il pouvait souhaiter.
Et
migraine
trop souvent
paru content de plus en plus,
a d'effectivement vrai.
mandé
le
la
que l'impatience.
résultat
l'enthousiasme.
y
à Paris depuis votre retour.
pas une suffisante dose de vertu pour
panneaux, mais friser
mais
du boulevard Haussmann).
l'hôtel
cher Sensier, car nous dé-
passablement, moi excepté, car
je travaille,
MILLET
J.-F.
par instants, m''accable. Cet état
donc d'autre
je n'ai
qu'il
ici
peux,
je le
mon
comment vous vous trouvez
va
moi, pour
Barbiion, ç octobre i86^.
i<
Tout
et
vous,
"
sirons bien savoir
Rousseau
vous pouvez. «
«
273
M.
homme
Millet, etc., etc.
de son goût lui a donnée, car
il
n'a
de penser que Feydeau a quelque peu pesé sur son goût.
Enfin, de quelque part que son contentement vienne, acceptons-le. L'Eté surtout a paru
le
remuer.
» «
«
Barbizon, ij octobre iHO^.
A-t-on ajouté de nouvelles choses à l'exposition de Delacroix-
exposition doit-elle durer encore longtemps? Je
'i.
demande
cela
?
Cette
pour savoir
Sensier venait de perdre une charmante enfant; Millet, arrivé à Paris,
fit
le
portrait de la petite morte. (M.) 2.
L'exposition des œuvres d'Eu^^èn^ Delacroix avait été ouverte au boulevard
des Italiens le i3 août 1864. (M.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
274
quelque chance de
j'ai
si
hommes
On
de Martinet paraîtra un peu pâle après
Je ne
«
revoir encore. J'imagine que Texposition des
la
Diaz
sais si
M. Lecreux Ta
jour chez Rousseau que
l'autre
disait
l'avait décidé à faire
un panneau chez Barbey
a effectivement peint
un panneau chez Barbey,
«
«
Mon
Je retravaille à mes panneaux.
quelque temps
Mon
sinon que
ne
je
vous plains. Quel
médecin de
est le
A
telles
me
de savoir que Diaz
fait plaisir
« J'ai
sa
reçu,
prochaine
il
vous,
chainement
et
considéré
soit
«
que
comme un
un pan-
de Feydeau qui m'annonce
lettre je
commencerai
donner Taflirmation i5 novembre
le
qu'il
le
dessin de
aura son dessin pro-
comme dernier
délai.
Que
ceci
billet.
déjà vu, et connaître ce que
de Couture...,
d'agir soit
etc., etc.*,
je
Lâche
Que
La
je n'ai
lettre
sache
pas encore vu. Ce que vous
me
ne m'étonne nullement, quoique leur façon
une grande infamie. Cela me
de Hugo, sans que
1.
lui
donne
je
i8(3i.
Je veux certainement retourner à l'exposition de Delacroix, revoir ce
j'ai
dites
que
»
refusé de peindre
ait
Aussitôt qu'il sera venu,
M. Robaut. Vous pouvez
MILLET.
J.-F.
de Lecreux. Gloire à Diaz!
les sollicitations
y a quelques jours, une
visite.
triste état,
maladies?
Barbizon, 21 octobre
i(
Cela
acte inqualifiable.
quoi vous dire sur votre
sais
«
«
un
c'est
S'il
?
paysage va se reposer pendant
«
neau chez Barbey malgré
séduit et qu'il
(l'aubergiste). Est-ce vrai
l'occasion une demi-journée.
et j'y travaillerai à
pauvre Sensier,
je
celle-là.
encore à Chailly, mais nous ne Pavons point vu.
est
fait
arriver à la
mémoire deux
trouvent dans ses poésies
oii ils se
vers
:
insulte, affront vil, vaine insulte d'une heure,
fait
tout ce qui passe à tout ce qui
demeure
?
de Millet contient trois noms; nous en supprimons deux, qui
appartiennent d'ailleurs à des artistes assez peu qualifiés pour juger Delacroix.
Quant à Couture, son antipathie pour
le
peintre
de
VEntrée des Croisés à
Constanlinople a de tous temps été connue. Après l'avoir discuté verbalement,
voulu que l'écriture gardât par Couture dans
la
l'auteur parle des
Delacroix
»
«
Revue
la
trace de son dédain.
libérale
il
a
se rappelle l'article publié
du 3o mars 1867. La désinvolture avec laquelle
désirs intelligents
dépasse peut-être
On
».
les limites
des
«
efforts
malheureux
du comique ordinaire.
(M.)
»
du
«
pauvre
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Ma mémoire me
«
dans
doute mal,
sert sans
premier vers; mais en gros,
le
et
275
n'y a pas deux fois insulte
il
c'est le sens.
Ces gens-là sentent bien qu'ils n'ont pas produit pour tout de bon, car
«
avoir
plus ou moins de choses qui ne disent rien, ce n'est point avoir
fait
produit.
Il
n'y a production qu'où
plupart des infirmes,
comme vous
croire,
ils
y a expression.
il
vengent sur
se
le dites,
que
les
mieux constitués qu'eux.
masse des
la
comme
donc
font
Ils
Il
faut
bien inerte, car
artistes est
autrement ceux-ci n'oseraient pas ce qu'ils osent. Rousseau, avec qui causais de cela l'autre jour,
attaqué de partout,
on
et
les
plutôt faite pour aider les
et
ennemis de Delacroix
démolir, Silvestre n'ayant point trouvé à donner
radicalement bonnes. Vous aurez sans doute lu cela; moi, le journal de Martinet, et,
comme
j'ignore
Silvestre s'est
je
grandement
en jugeait par un numéro du journal de Martinet ou
il
trouve très mal établie
que pour
disait qu'il supposait Delacroix
défense de Delacroix par Silvestre, défense que Rousseau
une
citait
me
la
vu
c'est
Rousseau ne sachant où
ne reçois plus
je
avais mis ce
il
présenté. Enfin, d'après Rousseau,
comme
numéro, que
paraîtrait
il
du nombre
forcé à faire cela à cause
les raisons
de
et
la
vio-
lence des attaques contre Delacroix, attaques dont Rousseau est très indigné.
Croyez qu'à toute occasion,
«
un devoir de
crois
que je
je
ne manquerai point de dire ce que
je
dire, et j'en ai eu
une occasion entre
autres, la seule fois
vous dirai comment,
suis allé voir cette exposition-ci. Je
je
arrive
s'il
que
pense à vous en parler. Tenez-moi au courant de ce que vous recueillerez... «
A
vous, u
MILLET.
J.-F.
« Barbizon, S
«
...En attendant,
voudrais.
de plantés,
il
m'occupe de nos jardins
je
d'apporter
fumier
le
crois; chez et
les arbres,
un
autre,
mal qui
on
volée dans l'atelier de Jacque,
Mon
et
novembre iSC^.
et rien
mais l'a
il
empêché de
a
vendu du
ne vient pas
le
S'il
vous
était
aux attaques contre Delacroix, «
A
je
travailler,
bois,
ranger.
cher Sensier, rien n'est fort
promet
nous
Nous
comme
Feydeau m'a parlé d'un journal que va prochainement
son frère Ernest.
comme
ne va
n'y en a pas encore
n'a trouvé personne. S...
ne vient pas. D... nous
forcés de faire la besogne. «
pour
s'excuse sur je ne sais quel
une foulure,
jeté à la
je
R... a fait des trous
»
l'a
serons
l'inertie.
faire paraître
possible de faire là quelque solide réponse ce serait bon.
Nous en causerons
aussi.
bientôt; à vous et aux vôtres, «
J.-F.
MILLET.
"
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
2-6
Barbizon, ï8 novembre iS^'^.
Il
«
N'oubliez pas,
...
vous en
je
détails sur la sanctification de
donc des
duit. Dites à
Daumier que
je le
mations en son pouvoir sur
comme
très habile, et cela
Proudhon
et
sur
que
l'effet
cela pro-
prie de vouloir bien prendre toutes les infor-
perspecteur dont
le
Donnez-nous
prie, le mont-de-piété...
mon
ferait
m'a parlé.
il
pour
affaire
me
II
l'a
donné
plafond, qui sera VAti-
le
tomne, de mes quatre compositions... causé avec Rousseau des reproductions d'après Giotto dont vous
J'ai
«
m'avez parlé, mais
je
pu
n'ai rien
préciser.
Où
sont les originaux, le
règlement pour
nombre
Salon, pour que
et
par qui publiées? Envoyez-moi
le
médite. Vous voudrez bien m'avertir quand M. Martel sera décidé à louer
son atelier;
pourrait
il
me
servir
reprise de douleurs d'estomac
inquiet de
la
voir en cet état,
le
le
Ma femme
pour mes décorations...
je
a été
de foie d'une manière assez violente. Je suis
et et,
si
cela revient encore
une
fois, j'irai
avec
elle consulter à Paris. <c
A
vous, <c
J.-F.
MILLET.
Barbizon, 27 novembre
...Ce malheureux Rousseau a été pris,
«
douleur dans une cuisse. Cette douleur
forte
pris tout entier, le bas des reins est
devenue insupportable
compris
et
monté au
bassin, qu'elle a
aussi l'autre cuisse. Cette douleur
exaspérante, ne lui laissant aucun repos, l'em-
et
debout. Voilà donc bien
pêchant de pouvoir rester ni couché, ni
assis,
des jours qu'il a passés sans repos,
nuit surtout, car
un
l'œil
instant. Tillot et
et la
moi, nous l'avons
de sorte que nous
passé les nuits avec lui,
par parenthèse, vous expliquer
doit,
M. Robaut. Et d'autant que journées consécutives de n'avait
pu que
nous ne sommes n'ai pas su
la
la favoriser.
restés
181J4.
y a c^uelque temps, d'une
il
a
»
ni
laissé le
sommes
mon retard ma part
eu pour
j'ai
il
n'a pas fermé
moins possible
et
avons
tous en pantenne, ce qui
pour l'envoi du dessin de pendant ce temps-là deux
plus violente migraine. Le
manque de sommeil
Cette nuit, nous ne l'avons pas passée entière,
que jusqu'à une heure, car
encore ce matin
s'il
a
pu
rester
il
allait
un peu en
un peu mieux. Je repos, le reste de
la nuit... "
Je
me
mets ce matin à
Couturier. Je l'enverrai en
faire le
même
croquis du dessin pour
la
temps que celui de M. Robaut
vente de et je
vous
JEAN-FRANÇOIS MILLET. de
prierai
migraine
pour
M. Couturier. Ma
remettre à
le
n'est pas loin.
Quand vous
serez en
sonne creux; une autre
tète
de
état
«
Bonne
Je remets à
la
voiture
immédiatement un croquis que
le
pourrais
dessin pour
mot pour
petit
envoie. Si
je lui
le faire, c'est
suis très gêné
le
que
le
je
ton de sa
dire
lui
18(34.
Je vous prie de lui
peut prendre chez
qu'il
vous demande
lettre est très
»
d'écrire,
lorsque
je
que
je
embarrassant
et
pour répondre sur un ton convenable. Son adresse
M. Couturier; faire;
novembre
M. Couturier.
M. Robaut
des Dames, 52, Batignolles. Le dessin de
fallait
MILLKT.
J.-F.
B.irbi/on, 29
H
écrire
voyez Daumier
santé à vous tous, «
vous
le faire,
perspecteur.
le
«
277
il
n'est pas
me
je
poussé
comme
loin,
très
est
est
joint à celui
vous m'aviez
de l'indiquer d'ensemble avec quelques
suis contenté
Nous comptons
pour consulter, car possible, «
elle
aller
Je ne sais
M. Couturier
si
c'est
un de
ces jours à Paris,
une
que son panneau
et dites-lui
illusion,
mais
m'a semblé que
il
un peu de phvsionomie.
avait
est à
ma femme
ne se remet pas. Consolez un peu Forget,
du vol de son tableau,
vous trouvez
Si
la
chose à faire
n'était aussi ridicule
de toujours
et
me
peu moi,
et
c'est
si
est
commencé.
le
dessin pour
cela aussi, ne
pourriez-vous pousser à l'acheter quelqu'un de connaissance? Je vous juge du reste de
de
dit qu'il
touches de pastel. Je souhaite qu'il puisse être content. Rousseau près remis.
rue
:
fais
m'en remets
à votre appréciation. Si ce
plaindre,
vous dirais que
je
je
ne vais
pas bien... «
A
bientôt, «
«
«
et sa
« ...
loureux
aussi en
même temps
»
Barbizon, 28 décembre iBC^.
Rousseau
qu'eux. Rousseau veut consulter pour sa
reins.
Le lendemain de mon retour
gauche gros
du
MILLF,T.
Tillot et sa famille sont partis pour passer l'hiver à Paris.
femme
douleur de
faut
J.-F.
comme une
et je
noix
et aussi
à Paris,
je
me
suis réveillé avec l'œil
rouge que du sang. C'était
très
dou-
ne voyais pas clair à travailler, d'autant que l'attention qu'il
donner à ce qu'on
fait
me
donnait un grand trouble dans toute
front et des yeux. Cela a duré plusieurs jours
et
ma vue
la partie
est restée très
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
2j8,
sensible. J'ai
pu pourtant
à la peinture de Forget'. senti l'effet
j'ai
de
coup de poignard,
l'air
travailler
Hier
soir, j'ai
sur les yeu.K,
ce matin,
et,
pour Forget ne dépassera pas vous avoir «
écrit ces
et
il
le
et je n'ai
comme
si
on me
i" janvier...
vue
J'ai la
Le tableau que
à celui
que vous avez éprouvé
A
la
noir) et
un croquis
La vente de son cabinet eut mort
de
le
année.
la
h la
lieu à l'hôtel
i3 janvier précédent. (M.)
MILLET.
J.-F.
')
M. Charles Forget, chef de
guerre, est vraisemblablement
que nous voyons figurer dans
un Jeune berger (crayon
était
très troublée
cette
la
Petite gardeuse d'oies
vente de
amateur. M. Forget possédait aussi trois dessins de Millet
Forget
d'un
retard
vous, à vous,
Millet venait de peindre pour
bureau au ministère de
i\I.
Le
tous, à tous, ce qu'on peut souhaiter à ceux
'(
indiqué.
faire
plaine, mais
les traversait
m'est douloureux de travailler.
«
(H., o'",32. L., o",i9)
la
nous prions celui que cela regarde d'éloigner de vous
malheur semblable
I.
presque plus rien à
voulu voir un peu
quelques lignes.
Nous vous souhaitons
qu'on aime bien, tout
un peu
:
la collection
un Vanneur
plume dont
le
de cet (sépia),
motif n'est pas
Drouot du 17 au 19 mars 1873.
CHAPITRE XXVIl LES PEINTURES DE l'hOTEL DE M. THOMAS (DE COLMAR) CONSEILS A UN CRITIQUE.
PREMIERS DESSINS POUR
Le manuscrit d'Alfred Sensier qu'on vient de
lire.
11
les
les
yeux, à
s'arrête
l'histoire
de
aux dernières
œuvre
la vie
et
lignes
Tiichever.
de Millet, ce ne
documents qui nous manquent. Nous avons sous l'état
rudimentaire
quelques chapitres,
les
fragments coupés dans
puisable trésor
En
il
est vrai,
et
seulement pour
notes que Sensier avait préparées, des
les
journaux, des indications crayonnées
aux marges d'un catalogue
de Millet.
GAVET.
faut continuer son
Pour mener jusqu'au bout sont pas
M.
;
nous avons aussi
—
et c'est là l'iné-
— des paquets, presque des montagnes de
présence de ces richesses,
le
choix de
la
lettres
méthode
ne saurait être douteux. C'est à Millet qu'il faut le plus possible laisser la parole.
écrivait
beaucoup, mais
que toutes dance de velles
je
ne surprendrai personne en disant
ses lettres n'ont pas le
l'artiste est
de son jardin
;
Il
même
intérêt.
La correspon-
absolument intime. Millet donne des nouen bon voisin,
il
s'occupe aussi de celui
JEAN-FRANCOIS MILLET.
280
de Sensier qui, sauf quelques rapides apparitions à Barbizon,
au ministère de
travaillait alors
l'intérieur
pas follement; toujours aux prises avec
pour
Millet envoie des instructions
au milieu de ces ennuis,
et,
ses angoisses,
Dans les
les
il
la fatalité
des échéances,
placement de
ses dessins;
raconte
il
lorsque son petit Charles est sauvé.
dit sa joie
premières
ne s'amusait
il
un enfant malade,
a
il
le
où
de i865,
lettres
multiphe
il
souffrances de Rousseau dont la santé devenait de plus en plus
chancelante; lui-même, malaises. Et cependant
il
il
a ses migraines accoutumées
travaille toujours.
achève
Il
les
tures décoratives qui devaient être placées dans la salle à
de rhôtel de M.
Thomas
nous parlera de
ses travaux.
Mon
«
cher Sensier,
...
lundi,
le
achever
pour
faire le tracé de la balustrade de
jour
et
atelier
mon
M. Mahieu...
Mon
j'ai
fait
est
venu.
Il a
ma
toile à plat
Nous avons
travaillé le
pour coucher
autant que
j'ai
pu...
cher Forget,...
!
de
Je suis très content
je suis
Barbizon, lo janvier 18C5.
en train de commencer
difficile à
Mes panneaux
à Paris, vous serez
sont pas mal avancés.
un des premiers
à qui je
Il
Mon cher
mon
plafond. C'est
accomplir à cause du peu de place que
C'aurait été bien assezdela vraie difficulté pourtant
«
il
»
une besogne matériellement
à la guerre
manger
diverses reprises,
M. Mahieu
plafond.
Il
j'ai.
pein-
partie de la soirée depuis lundi jusqu'à hier soir jeudi. J''étais
une
bien patraque, mais
«
ses
et
Barbizon, 6 janvier iBSj.
perspecteur
déménagement de mon
fallu
le
A
(de Colmar).
Il
sais
sur
les détails
!
A la guerre, comme
Comptez qu'une
demanderai de
les
fois arrivés
voir
»
Barbizon, 10 janvier 1865
Sensier, vous m'avez parlé d'un
M.Champollion ayant
je
n
quel haut emploi au château de Fontainebleau... J'aurais besoin de voir
un peu à mon aise les peintures du château... Vous m'obligeriez en lui écrivant un mot pour qu'il veuille m'aider à obtenir ce résultat. Si vous m'envoyez une lettre pour lui, et que je ne le trouve pas, c'est un voyage perdu. Ne
JEAN-FRANÇOIS MILLET. serait-il pns possible qu'il laisse,
pour me conduire ou utilement?...
en cas d'absence, des ordres aux gardiens
voudrais aller
je
et
avoir
Mon cher Sensier,
Barbizon, i6 janvier 18(35.
effectivement assez difficile de voir les peintures
c'est
de Fontainebleau. Puisqu'il faut en passer par
une pétition pour tâcher d'obtenir
prie,
cela ne soit
comme la salle
absolument
par exemple
du
tures
temps nécessaire pour voir
le
»
(1
'(
281
utile,
la salle
palais... S'il fallait
Henri
Henri
II,
vous en
je
Seulement, à moins que
cette entrée.
ne désignez pas de
faites-moi,
là,
salles à visiter spécialement,
mais une autorisation de voir
absolument désigner, ce
pein-
les
serait particulièrement
chapelle où se trouvent les peintures de Martin Fré-
II et la
minet....
Je voudrais bien avoir vu TAntonelIo de Messine dont vous
«
aussi les autres primitifs; puis, le
et
gens
et
choses pour lesquels
Claude Lorrain
je n'afficherai
me
parlez
et
les
antiques grecs,
aucun dédain.
Oi.i
tout cela va-t-il
aller 1? «
Ma femme
autres jours. '<
offres Il
est
ne va pas trop bien aujourd'hui,
Nous
Je viens d'écrire à
de service
les
M. Chassaing qui m'avait
et
Le temps
est gris et
bas; mais vous savez que
mélancolie
je
toujours à
d'une richesse de couleur qui
les
»
Barbizon, 30 janvier iSûJ.
la pluie, le ciel
me
laisse la
revu à Fontainebleau encore une fois Rosso
sont bien puissants.
création! et
Ils
comme
cette
des temps! C'est enfant des vieux âges.
germe de
ces
pour ma femme
couvert
préfère ce temps-là au soleil.
Tout
et
au plus
est
d'une
vue tranquille
et la
Il
bons géants-là
I.
Il
s'agit
Primatice. Ces êtres-
le
goût douteux, mais quelle force de
rudesse de bonhomie rappelle forcément
comme les
y a dans
l'Arioste,
et
sont de la décadence, c'est vrai. Les accoutrements de
leurs personnages souvent ridicules,
le
les
au calme « J'ai
là
et
fait
de bon cœur.
Il
tête
que
souffre plus
plus dévouées en cas où elle aurait dû aller à Vichy.
vraiment plein de dévouement
n
elle
irons bientôt à Paris.
contes des fées
cet art-là
du Tasse
et
et réel
comme
les
antiquités
la
bonhomie
souvenance des Lancelot, des Amadis
de Perrault.
On
resterait des
»
du cnbinet du comte de Pourtalès dont
la
vente
allait
et
heures devant
commencer.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
382
n
Mon
«
cher Sensier,
Barbizon, ii fivrier iSfij.
Rousseau qui ne
vais d'abord vous parler de
je
semble pas à beaucoup près aussi terriblement mal que Diaz vous Ta
mieux semble
prononcer
se
maintenant
il
ne pouvait pas
le
du mois
:
faire
si
temps
le
Le
permettait
le
passablement remis. Dès
serait
il
y a quelques jours.
il
vousle verrez donc
mité de Rousseau, «
les jours,
me
peut se remettre à travailler déjà longtemps d'une volée, ce
qu'il
17
convaincu que
et je suis
un peu tous
puisse sortir
et qu'il
dit.
M. Mahieu
c'est
bientôt....
doit partir d'ici le i5
Mais une bien grande
ou
infir-
de plus en plus sa femme
perspecteur vient
le
Il
provenant de mesures inexactes qui
demain pour
ici
rectifier des
erreurs
ont été données pour son tracé de
lui
balustrade. «
Je suis très content de ce que vous
mes
aussi de votre impression sur «
Qui
«
Tenez-moi au courant de
M. Gavet qui
est ce
me
frottis
dites
vous semblera en valoir
ce qui
Mon
cher Sensier,
puisque
je n'ai
puisque
je n'ai
«
pu
je
La vente de Diaz
Barbizon, p mars 18(55.
ma
j'aurais voulu. J'en suis très ftiché,
combinaison,
a-t-clle été
bonne
je crois
mieux de
Mon
Vous avez le
vous avez
cherSensier,
n
Quand
à perpétuité carte blanche.
s'il
y a
le
moment
un peu
mars 1865.
M. de Villemessant.
très bien fait avec
croquis de Bergère pour la gravure,
mais
ni'abstenir.
? »
« Barbizon,
«
la peine. »
n'enverrai rien à l'exposition de cette année,
que
faire ce
pu accomplir
et
Berger?
a acheté le
11
«
de l'exposition Choiseul
de peintures de l'autre année.
sera
venu de
d'écriture à
livrer
y ajouter,
vous m'en préviendrez «
a fait «
Je suis bien content de savoir que Rousseau va bien
J'ai
reçu une lettre de Il
me
Siméon Luce,
dit qu'il
de l'école des Beaux-Arts.
11
datée de Marseille, ou
cause souvent avec Jeanron qui
me
dit
:
«
passion de son art
des
il
«
;
il
est
et
qui en possède à fond l'histoire
au courant de tout,
merveilles
il
me
est là
est
depuis
directeur
un brave cœur qui ». Il est
parle de IWngelus dont
ï
Je ne savais pas que
il
Je ne partage pas toutes les idées, ni
toutes les tendances de cet excellent Jeanron, mais c'est
gentil
que Diaz
une bonne vente
dix-huit mois.
la
et aussi
NL de Morny
était
mort.
»
a
toujours très
on
lui a dit
JEAN-FRANCOIS MILLET. Il
«
sur
le
Mon
cher Sensier,...
Salon
'.
Barbizon, 29 mars
iSfls-
bien aise que vous ayez à faire des articles
je suis
Crovez bien que
me viendront
choses qui
283
je ferai
tout
mon
possible pour vous dire les
à l'esprit, soitsur Tart en général, soit sur des choses
particulières à Toccasion
Il
me semble qu'il y aurait peut-être à montrer, l'art a commencé à fléchir du moment qu'on
prenant d'un peu loin, que
en
le
ne
s'est
plus directement
la nature,
que
naturellement
les et
impressions venant de
vitement venue se sub-
décadence commence. La force s'en va sans
stituer à elle, et la
on
stant de la nature et les forces
naïvement appuyé sur
et
la virtuosité est tout
comme exemple
se servirait
de
cet
la fable
diminuaient quand son pied ne touchait plus
appui con-
d'Antée dont
la terre et
qui au
contraire reprenait de la vigueur à chaque fois qu'il y pouvait toucher. Cela,
autant que possible, court la
même
Et de
et plein.
raison d'abandon du naturel,
en aiguille montrer que, pour
fil
l'art est
en se débilitant. Et
allé
toujours autant que possible des exemples. Encore un coup,
que nous n'en puissions pascauser. Je vais mettre,
pour le dessin Mame, des
et
homme soit ne
se fait
peut se trouver de bonnes
il
la substance,....
ruminer là-dessus
l'esprit.
et
Le fond de
Montaigne, Palissy,
dire
comme
que de spéculation,
si
:
œs sonans
pourrai ce qui m'en :
qu'il faut
qu'un
que tout
ce qui
les autres et
habile que ce soit, ne peut atteindre ce but-
impossible que cela contienne
sion de saint Paul
je
tout est toujours ceci
touché d'abord pour pouvoir toucher
là puisqu'il est
d'emballage
son translateur Claudius Popelvn. Je tacherai d'en trouver
d'autres. Je vais
pourra venir à
dont à l'occasion
ou dont on peut prendre
citations à faire
Piccolpassi
extraits
regrette bien
je
comme choses
cymbalum
et
le souffle
tinnicns
de
vie. Citer l'expres-
»
o Barbizon, 7 avril 18Û5.
a
Mon
arrivait
cher Feuardcnt, voilà qu'enfin vous partez pour
que vous trouviez des photographies,
tout d'après les
moins connus ici,
jusqu'à Michel-Ange
et
y compris,
Chaque
que
ces choses ne se
nous nous arrangerons
endroit ou vous passerez
voyez cela à mesure. Pour ce qui
1.
;
et
est
!...
S'il
soit d'après des antiques, sur-
soit d'après des peintures à partir
prix exorbitants, prenez-les donc débarrasser.
l'Italie
a
ses
de
Cimabue
vendent pas des ici
pour vous en
choses particulières
:
des vieux maîtres, vous ne prendriez que
Sensier se préparait à publier dans l'Époque les articles qu'il a signés du
pseudonyme de Jean Ravenel.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
284
des œuvres faites directement sur les originaux
des gravures.
Ne prenez
rien d'après
mez-vous soigneusement à Naples
lanum d'art,
et
de Pompéi.
animaux. Le
moutons
fils
Dans
est
licite
ou
si
ce qui
on
Bon voyage,
humaines
figures
:
Mon
et
mort, en avait rapporté de très bien, des
humaines, prendre naturellement modèle. Enfin ce qui
et le
celles
ancien
est bien,
illicite. Suffit.
me
Autre idée qui
santé
vient
:
si
vous
y a lieu.
s'il
et plaisir. » Barhi^on, 10 avril 1865.
«
«
sur
Infor-
vous paraîtra bon d'après des œuvres
trouvez quelques livres à images, livres anciens, prenez-les
Adieu.
faites
trouve à Paris
le
vous semble bien
Envoyez-nous votre marmaille
«
:
on a reproduit des peintures d'Hercu-
les figures
moins l'académie
le
moderne,
cela
si
de Diaz, qui
entre autres.
qui sentent et
En somme,
ou d'après nature,
Raphaël
non des choses
et
cher Sensier,... Feydeau
et
M. Thomas
sont venus hier.
Ils
ont
paru assez contents «
Je ne
me
rappelle point ce que Michel-Ange a
En
Je n'ai pas de Vasari.
possède,
le
Moj-en âge
ouvrage à
feuilletant cet
Vous
d'excellentes choses
feriez bien
et la
qui donne l'historique de
de voir dans
Renaissance,
l'art français....
neur pour sa traduction de Shakespeare.
l'article
Voyez
Il
me
et
possède aussi cet ouvrage.
montrer l'abîme
qu'il
y
Mon
loisir, le
on y trouverait
volume que Rousseau
(je
le
hommes
Quoique
On
pourrait s'étayer sur toutes ces choses pour
a entre ce qui n'est
que raisonné
me
de plus en plus? Comment,
être réduit à rien,
ce ne soit pas
bonnes
créateurs sur ceux
dites
et ce
qui
si
forte tête
lui,
qu'on
est senti. »
Barbizon, 13 mai 186S.
de ce pauvre Rousseau
bien attristant. Je comprends qu'il soit en complète démolition.
ment de quoi
Le Tour-
dit d'assez
pratiquant très bien leur profession. Rousseau
cher Sensier,.... ce que vous
s'affirme-t-elle
du moins)
crois
aussi la préface de
a
«
dire surles académies.
semble qu'il
choses sur ce qui établit la réelle supériorité des
qui ne sont qu'instruits
pu
en cause-t-il ait.
?
est
La maladie Il
y a vrai-
Tenez-nous au courant.
pour nous une surprise, l'affirmation du mal n'en
donne pas moins un nouveau coup de massue «J'ai envie de voiries feuilletons de
en trouve?
Il
faudra pourtant que
prendre connaissance: "
Si
c'est
je
Jean Ravenel. Savez-vous ce qu'on
ne laisse pas passer
le
Salon sans en
toujours une curieuse constatation à
faire.
Jean Ravenel n'ose pas toujours dire dans l'appréciation des gens
tout ce qu'il pense,
je
vous prierai
(si
par hasard vous en pouvez trouver
JEAN-FRANÇOIS MILLET. le
moment) de suppléera
285
ce qu'il n'a pas dit sur les gens qui en valent la
peine pour une raison ou pour une autre. Par exemple, Courbet qui vous semblaient devant
de nature à enlever
cet
me met fond,
en grand ennui,
C'est de
«
faire l'avance
vous assure, car
dimanche prochain en huit
imprimée qui en
haut style
?
M. D*** de me
Mon
Nous sommes
cher Sensier
Commairas. Nous avons eu
et
Il
y
a
une grande
est
d'un très
»
11
«
de mois
me donner
l'annonce aux populations. Elle
fait
fin
négligermon pla-
de Barbizon.
la fête
ma
de
suis forcé de
je
épouvanté du retard que cela va
et je suis
affiche
je
Daubii^ny
public difficiles à aborder, ont-ils des tableaux
le
embarras
L'impossibilité pour
«
et
le
allés
Barbizon, 22 août iBû;.
avec Rousseau voir Corot
meilleur accueil qui soit possible. Notre
Nous avons dîné chez de Knyff où nous avons été reçus comme des princes, selon l'expression de Diaz. Pour ce qui est du service à table, Alfred Feydeau est enfoncé. Chaque plat, nouveau couvert. Vins journée a été très agréable.
fameux,
etc., etc.
Je dois avouer que
façon dediner,
cette
et
que
j'ai
j'étais
plus embarrassé que réjoui de
plus d'une fois regardé du coin de l'œil ceux
qui se servaient avant moi afin de faire à peu près de (1
Les tableaux de Corot sont beaux, mais ne révèlent rien de nouveau
«
Nous
allons assez bien. J'ai presque
mon
fini
plafond
Barbizon,
«
Mon
cher Sensier,..,
hier avec Rousseau. a
Il
j'ai
que 20, mais
35o francs par dessin de
il
faut
Il
me
disait: je
d'abord en
comment
il
j'ai
trouvé
les
comme
ai
demandé
Paris, 29 septembre 1865.
les refaire,
tampons pleins de blanc, de
s'il
venu
»
choses à l'hôtel
y aurait aussi franchement à
partout leurs
est
dit qu'il n'y
taille ordinaire, mais ceux qui se trouveront par-
excessivement éreinté par l'opération. Si c'étaient des
chement,
il
vous en demande tout
cher Sensier, voilà bientôt une semaine passée
Prusse. Voici
181J5.
M, Gavet
faire 20. Je lui
«
Mon
septembre
eu des migraines atîVeuses,
ticulièrement importants seront de 5oo. Voilà
«
$
»
m'a demandé 20 dessins d'abord, mais
pas de raison pour que cela finisse.
aussi bien 5o
est
même
sorte
:
ici
le
pour
le roi
plafond collé
de et
morceaux enlevés franmais
ils
ont
promené
que ce malheureux plafond
avait servi plusieurs jours de tapis à des maçons. J'aurai,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
286
beaucoup de besogne à y
rien qu'à cause de ccLt,
navré
refaire. Je suis
et
désespéré «
Nous avons
quelques clous juger de rien.
semble
les
La
et
Ce
essayé de faire tenir les panneaux dans leurs cadres avec
nous
n'est
les
avons élevés à bras, mais cela ne m'a pu
qu'aujourd'hui que
quatre peintures
lettre
je vais
faire
voir ce que produisent en-
»
que nous venons de reproduire marque
d'une
la fin
entreprise dont Millet s'était occupé avec passion et qui avait nécessité de sa part des études nouvelles. Les peintures décoratives il
de
l'hôtel
Thomas
de M.
commençait ce grand
faire, avait
étaient terminées
travail, Millet, toujours
au moment où
:
curieux de bien
cru prudent de revoir à Fontainebleau
inventées par les artistes de
décadence italienne
la
ainsi sa conscience en repos, mais,
dans
la
du xvr
personnages à l'antique,
il
garda
sa
il
il
les
vaguement
ses
rusticité
spéciale qui lui appartenait. Sauf le costume,
taits,
donner
lui
siècle. S'il habilla
mit
il
:
réalité des
ne se servit guère des leçons qu'auraient pu fastueux décorateurs
les allégories
et fit
poésie
la
des Millet
agrandis.
Les quatre scènes de
l'hôtel
Saisons.
;
à
la salle
manger quatre
les
Le Printemps
et
ÏÉté, toiles de huit pieds sur quatre,
dans
la
boiserie
:
V Automne avait pris place au
VHii'er, d'une dimension
deux premiers panneaux, lités
dans
du boulevard Haussmann représentaient
étaient encastrées
plafond
qu'il avait peintes
était fixé
un peu inférieure à sur
la
celle des
cheminée. Ces inéga-
de proportion résultaient du caprice de l'architecte
et
de
la
disposition des fenêtres.
Ainsi qu'on vient
de
le
dire.
Millet,
pour symboliser
les
Saisons, avait fait appel, d'une façon assez libre d'ailleurs, aux
souvenirs de l'antiquité. Le Printemps,
c'était
Daphnis
et
Chloé
JEAN-FRANÇOIS MILLET. qui, dans la
un paysage habité par une
becquée à des oiseaux
par
le
soleil, sorte
main, figurait VÉté
ï Automne et
287
statue de Pan, donnaient
une moissonneuse aux chairs ambrées
'
;
de Cérès familière, tenant une et
faucille à la
marchait au milieu des gerbes blondes
:
une bacchanale, une assemblée de vendangeurs
était
de buveurs en
liesse
;
VHipcr représentait V Amour
enfin
mouillé d'Anacréon.
Quand
peintures de Millet eurent été mises en place,
les
Sensier prit sa bonne plume de camarade
pseudonyme de Jean Ravenel, quatre dans
rurent
dire?
le
nullement silence à son amitié pour Millet
œuvre avec une profusion raient paraître exagérés.
Un
lorsque
la
peintures de
les
M. Thomas lorsque,
Drouot,
demeure
elles
iSyS, on les revit dans
provoquèrent
quelque
un peu de désappointement. Disons de grandeur aise
le
;
scènes
et
il
n'imposa
il
parla de son
certain,
manger de
salle à
le
pour-
c'est
que,
maison de
la
furent détachées des murailles qu'elles décoraient, 16 avril
le
fait
sous
aujourd'hui,
qui,
d'éloges
écrivit,
il
longs articles qui pa-
de
l'Epoque. Ai-je besoin
et
naturelle.
Millet
symbolisme antique rustiques
discussion
la vérité
:
l'hôtel
peut-être
et
dans
pas tout à
n'était
les figures fait
a son
ému
des
point les vertus voyantes
du
gêné
l'avait
ne possédait
une vente à
le
;
peintre
décorateur ^
L'œuvre terminée, Millet
1.
Le Printemps
d'un livre où
le
7800
revenu à
V Automne,
AL R. Piquet pour
a été gravé à l'eau-fortc par
M. Alexandre Piedagnel
plafond octogone, (H.,
l'illustration
(Paris, V'" Cadart, iSjii).
4"", 85.
L.,
francs. Cette peinture appartient aujourd'hui
(io55o francs)
ses dessins.
talent de Millet est chaleureusement apprécié, J.-F, Millet; souve-
nirs de Barbi:ion, par 2.
était
est
chez M. Gérard;
furent achetés par
l'ii'fe
M. Charles Thomas.
au
(6100 francs)
3°",
72.) fut
roi des
et V
adjugée au prix de
Belges
;
le
Printemps
Amour nuiuillé [Hoooi'vancs.)
.
JEAN-FRANCOIS MILLET.
288
Barbizon,
«
(A
«
décembre 186$,
5
M. Feuardent)... Ce même amateur qui me demandait d'abord
20 dessins en veut bien d'autres
;
mais
veut de plus une ribambelle de ta-
il
bleaux, au point qu'il voudrait presque que je ne travaille que pour lui
Nous avons
passé hier notre journée à causer de cela
rangements J'ai
«
Cet amateur
un
est
vailler
moi, Il
pour
et il
liberté
Mais
d'autres.
dans
c'est
le
me
me donne
Mon
torèt était
ma
liberté
et liberté
de tra-
reste réservé
un enrage qui veut
tout ce qu'il pourra de
mille francs tous les mois à partir de la fin de celui-ci, à valoir et il
me payera la totalité du
et
cher monsieur Gavet,....
prix en lui livrant l'œuvre...
Nous avons eu
belle ainsi ornée,
comme
les
»
Barbizon, 28 décembre 186^.
des
effets
mais
je
ne
sais
de brouillard
imagination. La
des givres féeriques au delà de toute
aussi
admirablement
d'ordinaire plus modestes, et
du
suis
choix de mes sujets,
"
superbes
Gavet.
veut arranger une galerie tout exprès pour bien placer mes tableaux.
sur le prix convenu,
«
M.
pour au moins trois bonnes
à lui faire
années, en ne faisant pas autre chose. Je :
à prendre nos ar-
architecte qui s'appelle
donc des tableaux bien payés
à tous les points de vue
et
pas
les
si
choses
buissons de ronces, les touffes d'herbes
enfin les brindilles de toutes sortes, n'étaient pas, proportion gardée, les
plus belles de toutes.
revanche
et
Il
semble que
la
nature leur veuille faire prendre leur
montrer qu'elles ne sont inférieures à
rien, ces pauvres choses
humiliées. Enfin elles viennent d'avoir trois beaux jours. « J'ai
terminé
le petit
tableau de
M. Brame;
il
l'a
chez
lui.
Je vais
me
mettre à préparer votre Nuit, puis aussi quelques autres tableaux pour vous, tout en travaillant au tableau de
Vous
sition.
On Millet
I.
son
Ta vu par
commença
Ce fragment
intéressant
frères, 1880.)
M. Brame, que
je
compte envoyer à l'Expo-
recevrez plusieurs dessins dans le courant de janvier'
Ce
est
les lettres
la
qui précèdent, c'est en i865 que
nombreuse
série
de dessins qui
et
Statuaires
et
avait
romantiques. (Paris, Charavay
auquel nous ferons sans doute plus d'un emprunt, s'achève
par une notice dans laquelle l'auteur caracte'rise en quelques lignes
de l'œuvre de Millet
lui
détaché d'une lettre imprimée par M. Ernest Chesneau dans
volume Peintres livre,
»
rend au grand rustique
la justice
l'esprit
qui lui est due.
général
JEAN-FRANÇOIS MILLET. été
commandée
par
M.
Gavet. Ce travail dura plusieurs années,
car Tamateur était insatiable,
et
Millet avait
amassé
venirs que sa provision ne pouvait être épuisée. d'ailleurs par
289
une constante étude de
la
Il la
tant de sou-
renouvelait
nature, soit dans les en-
virons de Barbizon, soit dans une région un peu différente qui,
comme on
le
ses procédés pastel,
verra, lui fut révélée en 1866.
de traduction
de l'aquarelle;
langage.
De
cieuses.
Lorsque
là
il
:
il
se servait
Il
savait aussi varier
du crayon
semblait familier avec tous les
des dessins qui valent ses peintures la collection
de M. Gavet
fut
les
noir,
du
modes du plus pré-
exposée au mois
même
de mai 1875, Paris eut un instant de surprise. Ceux-là
qui croyaient connaître Millet s'étonnèrent ce jour-là de la nou-
veauté charmante
et
de
la
grandeur de son œuvre.
•
9
CHAPITRE XXVIII MORT DE LA SŒUR DE MILLET. «
LE SALON DE 1866.
UN BOUT DU VILLAGE DE GRÉVILLE.
PREMIER VOYAGE
L'année 1866 commençait à peine, travail.
Vainement
publiques dont mettre
frivolité
succès d'une
le
l'artiste doit
montrer à
de sa pensée,
et
et
l'incohérence peuvent compro-
œuvre
austère,
11
un souvenir de son pays, un Bout du nous entretiennent plus d'une
lettres
«
Mon
cher Seiisier,
Je vais bien
mence,
je crois,
me
quand
comme mon j'étais
Votre laurier
Barbizon,
enfant,
la
3
me
je
le voit
sera-t-il
janvier iSfjû,
mon
et c^est
mer.
du vent. Que souvenir
inquiétudes
de ce tableau.
supporte
de Village donnant sur
seulement soupçonner ...
je
les
avait résolu d'exposer
pas eu de migraine pour
à paraître rongé
dégager dans Tespace tant fait rêver
«
je n'ai
un peu geignant, mais
mon Bout
vaille à
ou
que
village de Gréville. Ses
fois
H
bien
sentait
il
la foule les créations
préparait son Salon.
il
déjà Millet était au
et
avait parlé avec tiédeur des expositions
il
la
»
EXCURSION EN AUVERGNE.
VICHY.
A
Mon
jour de Fan...
beaucoup. Je vieil
tra-
orme com-
voudrais bien pouvoir !
O
espaces qui
le
m'avez
jamais permis de vous faire
?
est
empaillé. Si les quelques gelées qui sont venues ne
JEAN-FRANÇOIS MILLET. lui ont point fait de mal,
pourront venir. Tillot
faut espérer qu'ainsi vêtu
il
dû vous parler du
a
il
291 supportera celles qui
Rien ne peut donner une
givre.
idée de cela. Parler à ce propos des Mille et une Nuits, ce serait banal
Ces choses-là font partie des trésors de
petiot.
du
livre de Job.
sœur Emilie
sa
:
bientôt elle est
condamnée par
est
trouvé
suis bien aise d'être
suis arrive,
me
sonne. Je
instant de plaisir à cette pauvre
Jean-Louis m'a
approché de son
suis
les
une
fois, et alors
par
et calciné
sivement dans rassembler
:
et
deux
les
pour inonder
et je l'appelais
;
je suis
moribonde. Quand
;
je
en
me nommant.
Elle
enfin, elle a ouvert
me
suis
les joues. Elle a pris
nommé
un
encore
ma main
convul-
avec autant de forces qu'elle en a pu
siennes et a dit
François! fille
!
son cœur
traverser sa triste enveloppe et se
Sensier, de l'impression
Le hameau lits.
désespéré. Je
puis ses yeux se sont emplis de larmes, mais de larmes
assez
Pauvre bonne
«
et
des tressaillements ont couru sur ce pauvre visage aminci
la fièvre,
abondantes
leurs
lit
:
ne connaissait plus per-
dit qu'elle
yeux avec une expression d'étonnement
peu
«
pitoyable
état
donné un frère
son ami
écrit à
voir encore une fois, d'autant que
quelque temps sans paraître rien entendre
est restée
très
la
et
(hameau Le Fcvre), 6 février 18GC.
pauvre sœur dans un
venu pour
Il
mon
assuré d'avoir je
ma
part
11
dangereusement malade,
médecins.
les
Grévilie
.J'ai
de s'interrompre.
après, Millet est forcé
pour Grévilie
.
bien
v
Un mois
a
et
selon une expression
la grêle,
que
est
encore assex vivant
montrer au dehors. Jugez,
aimant pour
mon
pauvre
cela dut produire sur moi...
a trente-cinq habitants, et
Et pourtant quelle admirable
viendrai plus tranquille,
et
je
et
il
yen
a plus de la moitié dans
saine situation
vous parlerai de
!
Quand
je
rede-
l'aspect de ces endroits-là
Cela a une physionomie
bonhomme et étoffée, comme au temps du
ghel.Ilya eu
courant de janvier un coup de vent tel qu'on n'en avait
pas vu depuis
nombre, et
nous.
mon Mon
ici
pauvre
(i
I
le
Tout vieil
est
lettre
février).
couvert d'arbres couchés par terre,
orme que
pauvre Sensier,
Dans une sœur
dans
1808.
du
vieux Breu-
je
je
et
comptais voir encore. Tout
dans
le
s'en va
suis bien triste... »
i3 février, Millet
annonce
la
mort de sa
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
292
Rentré à Barbizon,
acheva son tableau,
il
Bout du
le
vil-
lage de Gréi'ille. Barbizon, i6 mars
»
me
cela
mon
Je partirai d'ici lundi matin avec
«
à quelle heure
pusse garder ce tableau tout
je
l'été,
séché, y retravailler, et cela de temps en temps
me
la nécessité s'il
force de le
montrer en
n'y a point trop à en rougir,
L'Exposition
vague
;
il
se
l'état
supplémentaire
de l'Exposition, où tous
et qu'il n'a
mais
pu
Il était
le
les
me
Vous me
direz
donc
une inquiétude
avait
mal
et
Nous avons
placé.
figurait
parmi
les
:
Barbizon, 29 avril
1
qui
et
8(5(5.
est
entré dans
tableaux sont installés définitivement,
dire qu'il a cherché à
découvrir nulle part, ni à avec Mouilleron,
là
fau-
n'y faut pas penser,
il
est.
cher Rousseau, Bodmer, qui revient de Paris
pour
11
après qu'il aurait bien
Théodore Rousseau qui
vient de venir tout exprès
salon.
et
il
Millet
Il
les salons
près
»
préparait.
membre
jurés à titre de
Mon
;
où
craignait que son tableau ne fût
la lettre qu'il écrit à
«
Vous savez à peu
fera bien plaisir. Je serai bien aise d'avoir votre impression...
que
drait
tableau.
possible qu'on arrive. Si vous pouvez être là pour le voir,
est
il
i86{j.
la lettre
M,
ont mis tous
ils
voir
ni
mon
tableau
dans aucun autre
les
deux beaucoup
d'obstination à le chercher,
Vous
«
ments
?
serait-il
D'ici, Je n'y
être placé
quelque
Ma femme
«
Vichy
et
vous assure...
«
aller à
y
possible de
me donner
comprends goutte.
Si
là-dessus quelques renseigne-
mal qu'on me
place, encore dois-je
part...
ne va pas bien, être
et
le
médecin vient de déclarer
au i5 mai. Je suis en grand ennui
et
qu'il f;tut
inquiétude,
je
Les amis de Millet avaient mal cherché son tableau. Le Bout
du village de Gréville figura au Salon de 1866»,
I.
Ce tableau
(H.,o"',8i. L.,
en 1868 par cet amateur,
il
i
et
il
eut
même
mètre) appartenait alors à M. Marmontel.
a reparu le 7 juin 1873 à la vente de
connaît une petite eau-forte par M. Gaucherel.
Vendu
M. Faure. On en
JEAN-FRANÇOIS MILLET. le
don
la
reprendre à son
tableaux dont
peu
comme
pas
artiste
dans
ont parfois
faite,
tendres
de
suffira
il
:
qu'on n'accusera pas de
M. François
c'est
labourée
la terre
et
et qu'il fait
Millet.
Il
marche,
Ce que
il
cette
année
est
:
et
s'y
il
terre.
la
d'œuvres impossibles.
un grand
la toile et se
On peut les
peintre intermittent.
Fembourber demain dans une mare aux avait pris sous
Millet eut
un maître
un
les
de refroidir un peu
visite
qui
le
Mon
il
met
le
ne vaut rien,
Un
lourdement. M. Millet
entrelardée de tableaux
réunir un jour dans
oies. Je
le
même
yeux un écolier bien le
guide, et cette capri-
l'aime
sommets pour
mieux
ainsi
que
l'habitude défaire à peu près bien tous les jours.
Les observations
si
»
gaie-
gens d'esprit pouvaient avoir pour résulle
zèle des amateurs.
Il
reçut bientôt
une
consola. «
«
trompe
il
mettra à peindre un chef-
est
La nature
instant de crainte.
ment formulées par tat
artiste
un sentiment
Quand
cieuse semble prendre plaisir à l'élever aujourd'hui sur les
s'il
Aucun
et
enfonce jusqu'au cou. C'est
postérité sentira qu'elle n'a pas sous les
appris, mais
beau
le
se tromperait pas plus
dans un coin, ou retournera
la
marche, imprimant
le ciel.
magistralement raté;
d'œuvre. La production de ce maître moderne
musée
de
n'y a pas à plaider les circonstances atténuantes.
deuxième année ne
admirables
il
j'adore en lui, c'est qu'il se
des faux pas à ébranler
Son tableau de
mais rien du tout;
le jettera
un
cesse et d'épuiser
se répéter sans
levant les yeux vers
pied par hasard sur un sol dangereux,
écolier de
air
qui, cette année, écrivait le Salon dans le
plus profond de la nature réelle.
superbe.
un
l'opinion
citer
contemporain n'a des aspirations plus sincères vers
quelquefois
vernir. Or, les
la
:
son propre fonds, ses sabots
pas été
la toilette n'a
très
Petit Journal
Un
gardé de
aise, s'était bien
M. Edmond About
«
terminée, qui voulait plus tard
dans une exposition publique. Les journalistes ne
triste
furent
Le maître, qui ne con-
d'éveiller la verve des critiques.
sidérait pas sa peinture
293
cher Sensier,
M. Gavet
empressé, au moins, que jamais.
est Il
Barbizon, i8 mai 1866.
venu avant-hier
et
il
parait tout aussi
m'a parlé des critiques qu'on
fait
sur
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
294
moi;
il
trouve stupicies,
les
fois sorti
là et verni,
de
va jusqu'à prétendre e]ue
et il
un
fera
superbe
effet
fera paraître faible tout ce qui sera autour.
me
que vous, quand vous
tableau sans être verni... il
propose de
se
les
bouche
eus de moi Font beaucoup empoigné,
et les
critiques feront
On
a
malade
et
peu
VU dans que
et
il
close.
et
tout cela, et
il
prétend que
Les derniers dessins qu'il a
ceux qu'il vient de voir
et
je
le
ici et
résolument son
atelier
parti,
de Barbizon,
nouveau pour
lui.
et
il
il
Le lo
à se familiariser avec
le
trouva en présence d'un paysage
se
juin,
adresse à Sensier une première
il
génie
du
lieu,
il
écrit
cher monsieur Gavet...,
des eaux, mais j'ai
j'ai fait
me
cela va
me
faire faire
fais
les
y a
beaucoup de cours d'eau,
femmes gardent pas
et
dont
je
rette filant sa
quenouille
démêler avec Florian, sins exécutés ici; je
;
je
»
me
servir.
vous assure.
me faire une il me faut un
et
mais vous aurez, quand
je
peux
oii
et je
je serai
a des rapports avec
champs entourés de
du
haies.
y a beaucoup de moulins. Les
que
je
ne connaissais
Cela ne ressemble en rien à
des pastorales
veux
de documents,
sible
pays
il
leurs vaches en filant au fuseau, chose
compte bien
du monde
pour vous des dessins d'une nature autre
pas mal d'endroits de la Normandie, verdure et il
:
environs de Vichy,
autant de croquis que
que ceux que vous avez. Le pays, à beaucoup d'égards,
Comme
M. Gavet
suis guère occupé
un peu connaissance avec
trouvé de très jolies choses. Je
compte que
ne
je
à
commence
vichy, 17 juin iSCô.
(I
Mon
iMillet
abandonna pour quelque temps son
description de 'Vichy: quelques jours après, lorsqu'il
«
était
médecins avaient recommandé un voyage à
les
Vichy. Ce déplacement n'était pas vme milice aventure. prit
aux-
puisse vivre,
précédentes que M°"' Millet
les lettres
il
a aussi raison
des tableaux, et
même effet. Qu'à toute force d'effet sur mon amour-propre. »
ont produit
je travaille
tableau, une
ne devrais pas exposer un
je
veut toujours des dessins
ce jour-là la
quels
que
dit,
seulement,
un jour une exposition de
faire
ennemis auront
Pavez
II
II dit
mon
que, dans une galerie,
et
siècle dernier.
Ne comptez
la « berae-
Cela n'a rien à
pas beaucoup sur
les des-
provision aussi nombreuse que pos-
peu chercher, ne connaissant pas de retour,
la
le
primeur de mes impres-
sions. Les petites charrettes des paysans sont attelées de vaches. Les chariots
JEAN-FRANCOIS MILLET. dont de
ils se
hix'ufs
que
je,
servent pour rentrer les
t'oins
ont quatre roues
ou de vaches. Encore un coup,
pourrai
et
je
on
voit
les
et
sont attelés ou
veux m'approvisionner tant
vous y gagnerez'. «
Dans
295
J.-K.
iMILLET.
')
diverses lettres qu'il écrivit pendant cette saison,
que Millet
fut très
frappé
du
caractère spécial que pré-
LES LAVANDIERES. (Dessin de
sentent les paysages
femme, 1.
la collection
de
M"" Marguerite
du Bourbonnais. Les
la régularité, qui,
Sensier.)
soins à donner à sa
pour toutes les choses de
la vie,
s'impose
Cette lettre est empruntée au livre de M. Ernest Chesneau, Peintres
statuaires romantiques, 1880, p. 820.
et
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
296
conséquemment à ceux qui en ont
aux malades
et
lui laissaient
qu'un médiocre
Il
trouva cependant
le
temps de
les prairies,
il
le linge
du marché, ou de
dont on retrouvera
reposaient en s'appuyant contre
ici le
la
En
se pro-
fraîcheur cal-
faite,
les
femmes gardant
rencontrait des
celle
œuvre
encore humide; dans
des paysans revenant
comme
qui,
admirait
voyait les lavandières qui, leur
il
sur leur épaule
filant,
il
garde ne
liberté très précaire.
beaucoup.
travailler
menant au bord des ruisseaux dont mante,
une
loisir et
la
rapportent
champs
dans
et
leurs chèvres en petites bergères
croquis magistral, se
un tronc
d'arbre.
Il
donc
fut
possible à Millet, pendant ce premier voyage à Vichy, de prendre,
sur
la
nature,
un
assez grand
raconte à Sensier qu'il a d'aquarelles, et
«
il
ajoute
Le pays, en somme,
fait
nombre de
en rien des
le
:
est frais et a
ils
quelque similitude avec bien des
campagne sont bien autrement
vous assure. Les femmes ont en général
je
le
contraire de la méchanceté et qui se-
beaucoup de physionomies de Part gothique. Cette
être
L'autre jour, je m'étais
méchante.
mis à
pas de longtemps que
faire je
Ils
vous saluent en vous rencontrant.
un croquis près d'une maison,
vois
un homme en
qu'il m'apportait, prétendant qu'il ne voulait pas
de chez
lui.
Je vous parlerai de la
beaucoup à en dire
et
il
ont cette bonne béte de gaucherie qui ne sent
voisinage des eaux,
raient bien le type de
étais
juin,
:
museaux qui annoncent bien
race-là ne doit pas
Le 26
une cinquantaine de dessins ou
endroits de NormaHdie. Les habitants de la
paysans qu'à Barbizon
notes.
mine de
beaucoup plus à en
sortir avec
que
je reste
ces gens-là à
mon
et je
n'y
une chaise
debout retour
près
si il
:
y a
faire. »
Millet quitta Vichy dans la seconde semaine de juillet, mais il
ne revint pas directement à Barbizon
excursion en Auvergne, où
Clermont, Issoire jours à peine.
Le
et
la
;
l'attendait
il
alla faire
une rapide
M. Chassaing.
Il
vit
montagne. Le voyage dura quelques
19 juillet,
il
était
de retour à Barbizon,
et
il
JTA ft:^
fj££
U- DA^^.P.ir-
BERGERE AU REPOS. (Dessin de
la colleclion
de
M"" Marguerite
Sensier.)
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
2g8 écrivait à
splendeurs
Il
Tout
me
cela
sur les hauteurs
danse pêle-mêle dans
consacra
M. Gavet
par s'ordonner
finir
à
aussi
La
gloire de
plus paysagiste.
les
croquis
cette période,
ce voyage.
dans
rap-
avait
qu'il
plus en
devint de
il
cherchait la simplicité
11
»
Tannée à travailler pour
la
grandeur,
trouvait Témotion qui se dégage des solitudes et la poésie
mystérieuse des ciels lumineux ou tragiques. Ses
à
vait
M. Gavet
«
:
Le
Soleil
d'une espèce très simple,
est
d'une certaine
une
lettre
11
faut
tristes
tristesse.
adressée à
avouer que
»
dont
Quatre jours après, les
je
même
et je désirerais
Sensier les
coz<cAa;z?
il
vous
net.
transporter dans
O
tristesse
pas vous voir
I
des »
le
privé, et
et
parlé
célèbre dans
des bois
:
et
que
!
c'est
une
travailler.
on me proposait de
si
midi pour y passer
champs
ai
l'empreindre
grande compensation au peu de temps qu'on a pour
me
écri-
dehors par ces temps
choses vues
pour rien en être
il
austères beautés de l'hiver
sont d'une nature bien impressionnante
Je ne voudrais
sont
lettres
d'accord avec ses œuvres. Le 14 décembre 1866,
ici
«
calcinés,
Dieu arrêtée
ranger chacune dans son casier.
un grand souvenir de
utiliser
portés de Vichy. Pendant
il
et se
seconde partie de
la et
la cervelle; terrains
fraîcheurs.
et
Au-
d'autres hauteurs coiffées d'obscurité. J'espère que toutes
et
vont
Millet conserva toujours Il
ses
et
pleine de tout ce que nous avons vu ensemble en
roches aiguës, effondrements, aridités
ces choses-là
Mont-Dore
le
:
...J'ai la tête
vergne.
qui lui avait montré
l'ami
l'hiver, je refuserais
On
perdrait trop à ne
CHAPITRE XXIX —
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1867. LIAISON AVEC THÉOPHILE SILVESTRE.
LE SALON.
SECOND VOYAGE
VICHY.
A
MORT DE THÉODORE ROUSSEAU.
Il
y avait dans
très frileux qui,
jardin de Sensier, à Barbizon,
Le peintre
tre
atteintes
était
de
chargé de protéger
la gelée
quand
;
le frêle
les nuits
devenir froides, on prenait des précautions. empaillé
telle
»,
tablement dans
un
laurier
au retour de chaque hiver, occupait beaucoup
Millet. les
le
est la la
«
arbuste con-
commençaient à Votre laurier
est
phrase que décembre ramène inévi-
correspondance
choses du jardinage
du
peintre
mais après
qui savait
si
assuré que tout
bien
les
était
en bon ordre chez son voisin absent, Millet rentrait dans
son atelier
:
;
s'être
deux choses importantes l'occupèrent pendant
les
premiers mois de 1867. L'Exposition universelle se préparait autorisés
par
le
règlement à envoyer au
:
les artistes étaient
Champ
de Mars un
choix des œuvres qu'ils avaient produites depuis là,
iS55.
certaines recherches. Les tableaux de Millet étaient
dispersés.
Il
fallait
insister
De
un peu
auprès des amateurs pour qu'ils
consentissent à s'en séparer pendant plus de six mois,
il
fallait
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3oo
assurer ces trésors contre
vivant dans
eu bien de
mal informé des
la retraitée!
la
d'une catastrophe. Millet,
les risques
réalités
de
la vie,
aurait
peine à résoudre des problèmes aussi compliqués.
Ses amis vinrent à son aide,
les difficultés furent aplanies.
et
Le Salon annuel devait en outre
s'ouvrir en
même
temps
que l'Exposition universelle. Millet achevait un paysage, l'Hiver, tableau, la Gardeuse d'oies. Ses lettres nous parle-
un autre
et
ront çà
et là
de ses travaux. <i
«
Mon
cher Sensier,.-.
Barbizon, 27 janvier 1867.
reçu une lettre lithographiée et signée de plu-
j'ai
—
Barrias, Hillemacher et d'autres noms d'artistes donner quelque chose pour une vente demande de on me
sieurs
pour Louis Duveau qui quelque «
est
malade.
J'ai
— dans laquelle qui se doit faire
donné mon adhésion. Je donnerai
petit dessin.
Je n'ai eu nulle connaissance des cérémonies faites pour l'inhumation
de Ingres, ni des discours prononcés sur sa tombe. Ce que vous m'en dites
me
à peu près imaginer la
fait «
Je suis
bien
physionomie que
content de
vu, et
ils
m'ont
fait
la
dernière fois que
de je
penser des choses analogues à celles que vous m'en
souhaite bien qu'il
dites. Je
avoir.
dites sur le tableau
Rousseau. Les fonds de montagnes étaient superbes l'ai
dû
cela a
que vous me
ce
ait
car ce beau tableau ne peut pas
le
temps de
manquer
terminer pour l'Exposition,
le
bonnes
d'exciter de
et fortes
sen-
sations*. «
Je travaille aux Oies.
Ce
ou bien
sera bientôt fini,
plus de temps à y passer. Je voudrais que les cris de retentir
dans l'espace. Oh!
la vie! la vie
de l'ensemble!
»
«
Mon
cher Sensier,... ce que vous
à propos des on-dit sur
et
Pour
n'imagine
ce qui est de la croix, je
même
pas que
gens plus pressés que moi
I
je et
Le tableau de Rousseau,
figura au Salon de 18G7.
me
dites
fait
poussant à la
la
»
dans votre précédente
Il
lettre
universelle, l'opinion
beaucoup de
vous assure que
puisse l'avoir.
oies puissent bien
Barbizon, sa mars 18^7.
mes tableaux de l'Exposition
de Meissonier entre autres, tout cela «
me
y aurait beaucoup
il
mes
je
plaisir.
ne
me
leurre point,
ne manque d'ailleurs pas de
roue plus fortement que
Vue des Alpes prise des hauteurs de
je
ne
la Faucille.
JEAN-FRANÇOIS MILLET. me ma
sens disposé à
besogne
ayant
la
bonne
Que
part.
et
même me soit
en
tout ceci
temps, avoir les sympathies garanti et
Mon
cher Sensier,...
me
considérerai
Barbizon, i'' avril 18(57.
aujourd'hui l'ouverture de l'Exposition, suis pas sans
quelque émotion,
une question bien grave pour moi
assure, en y pensant. C'est d'autres...
c'est
programme. Je ne
rien n'est changé au
je
» a
«
Vivre de
:
élever convenablement les miens, puis produire le plus pos-
et
des gens que j'aime bien.
comme
Je continue à souhaiter seulement ceci
le faire.
mes impressions. Aussi,
sible de
3oi
je
si
vous
pour bien
et
»
Millet s'alarmait à tort.
Son exposition
avait fort grand air:
comprenait des œuvres typiques, des peintures d'un ca-
elle
ractère varié
tableau refusé par
le
jury de i85g,
le
avec son troupeau (de
Tondeuse,
Mort
puissant. C'étaient la
et
Berger,
le
de terre (du cabinet de
pommes
de terre, tableau prêté par
M.
M.
Millet n'avait pas trop mal choisi. le
peut être un
homme
cher Sensier,... ce que vous
me
nomie
cela peut prendre...
«
Diaz
tableaux
est
ici
faisaient
dessins, ce qui fait
avec Eugène.
Il
M. Gavet
bien...
que Diaz
le
et
voit,
inquiet cependant
Barbizon, 7
dites de
J'attends pourtant encore
que
M. Gavet. On
compétence de
un peu d'inquiétude. définitive
Planteurs de
qui n'a pas toujours été bien
<(
Mon
les
baron Goethals,
le
était
11
accueilli et qui n'est pas assuré de la
«
Praet), la grande
Soultzener), la Récolte des
enfin l Angélus, qui appartenait alors à
comme
Van
Parc à moutons,
pommes
Bûcheron,
le
Glaneuses, la Bergère
les
de M.
la collection
et
m'a
dit
avril 18*57.
qu'on
lui
encore
me
exposition
un peu pour voir
n'est pas
les a vus. Il
mon
ses juges.
avait
la
dit
tire
physio-
que mes
venu chercher
en a paru content, surtout de
ses
l'effet
de lampe'.
I.
pastel,
n
L'effet
dont
les
de
lampe
«,
c'est
amateurs furent
si
la
Veillée,
le
beau dessin au cravon
profondément émus en 1875
lors
et
au
de l'expo-
.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3o2 Votre
"
lettre,
mon
me
cher Sensier,
donc. Nous repasserons ensemble
rumine continuellement. Le prophète-roi David mente
liabid.
Un
— A vous
et
rayon de
un peu
Millet, et
dans son
Il
disait
:
Annos
mais
;
antiqiios in
dissiper ces tristesses. Théophile
nouveau,
zèle
je les
»
coup pour
hésitant d'abord, se déclara tout à
qu'il Tavait inventé
rhomme.
vôtres.
joie vint
Silvestre,
ni
aux
Venez
paraît très mélancolique.
années écoulées; car, moi aussi,
les
il
ne fut pas loin de croire
ne connaissait bien ni
il
dut s'informer,
et
c'est à
le
Sensier qu'il
maître,
demanda
des renseignements.
Les
lettres
de Silvestre
suivantes font allusion à la récente conversion
aux ardeurs de son enthousiasme.
et
H
Mon cher
n
du nouveau
et
Sensier,... ce
du
vif.
que vous m'apprenez
D'abord, ne prenez point,
fatigue, car des entrevues
comme vous
passent pas toujours avec
un
Je m'en
«
car en
;
que
c'est
démoc,
somme,
je n'ai
tel
rien
si
mon du
que vous avez pu
tout. Je repousse
de taire «
pu venir que de
la
m'en
suis pas
du cabinet de M. Gavet. On
mère
Qu'y
est
et
rus-
le
j"ai fait,
le
qu'on m'a voulu
côté
attri-
à gagner sa vie
mes manières de peindre,
occupé
et si
manières
il
y
ce serait
a, cela n'a
mon sujet, des difficomme c'est probable, ne
se rappelle le motif.
lampe fumeuse,
le
Le
soir,
dans un pauvre
père travaille à faire des paniers
occupée à quelque ouvrage de couture
avait-il
que
façon d'entrer plus ou moins dans
intérieur, sous la clarté d'une la
ce
de toutes mes forces
cultés de la vie, etc. Si je vais jeudi soir à Paris,
sition
d'appuyer sur
Je suis paysan paysan...
explications à donner sur
peut-être long, car je ne
de
cela soit dit aussi, car je n'ai jamais eu l'idée
un plaidoyer quelconque.
Quant aux
fait
l'homme voué
buer. J'aurais seulement voulu faire penser à
Que
le dites,
prie, trop
lui dire, et puisqu'il
marque pas un peu dans
qu'on Ta compris en langage de club,
à la sueur de son front.
vous en
en avez eues avec M. Silvestre ne se
vous avez bien
avis,
ce côté ne
fait
comme vous
est,
je
grand calme.
très
très bien à tout ce
vous en dire
faut aussi
tique
fie
Barbizon, 23 avril 1867.
;
l'enfant dort dans son berceau
dans ce dessin? un sentiment, une lumière à
la
Rembrandt.
;
JEAN-FRANÇOIS MILLET. pourriez-vous pas demander à M. Silvcstre
Mon
Barbizon, 30
cher Sensicr, vous imaginez bien que
une première médaille. Rousseau me "
J'ai
deux
les
comme
» «
«
courte. Si son
fort
ne peut pas attendre jusque-là, tirez-vous en tous
vous pourrez.
la
laut e"jueIquefois des
il
une conclusion
explications assez longues pour tirer article
venir chez vous, dans
'de
nous pourrions causer, car
soirée, et tous les trois,
3o3
iHfi/.
.ivril
content d'avoir
je suis très
l'avait déjà écrit...
Je ne suis pas allé l'autre jour en vous quittant à l'exposition d'Ingres.
trouvé Silvestre chez Rousseau,
l'avons quitté. Silvestre a tenu à vérifications de descriptions de
et,
comme Rousseau
m'emmener chez
mes tableaux,
avait à sortir,
pour
lui
et cela n'a
nous
faire certaines
pas été inutile.
A
part certaines choses, ses descriptions sont assez bien, mais elles inclinent
toujours dans
sens que vous lui connaissez. J'ai tâché discrètement
le
timidement d'insinuer certaines choses dans
quand
voir comprises, mais,
de faire
le difficile et
le
il
est si
sens ou
le
je les
directement question de soi, on a
dégoûté. Son paysan à lui
est
et
aimerais mieux
un peu
celui
l'air
que
voyait Proudhon. «
être
Un
détail qui n'a pas
pommes de j'ai
d'importance pour
que par rapport à mes goûts à moi, terre,
a
il
vu de
la vieille
homme
un
mouton
aurait été
public, qui n'en aurait peut-
que, dans
les
Planteurs de
peau de mouton dans
les sabots. Si
essayé d'y mettre quelque chose, cela a
endroit,
le
c'est
dû
être
de
qui aurait mis sur ou dans ses sabots de
un objetde
risée... J'ai laissé
Dans mon
la paille.
la
pas faire plus de rectifications. Les choses qu'il m'a lues n'étaient,
que
ses notes, et
il
ne m'a rien lu de définitivement
Après avoir publié à Millet
la lettre
Cher maître,
qu'on va
je
écrit.
il
est vrai,
»
ses articles, Tliéophile Silvestre adressa lire: n
«
peau de
passer ce petit détail, n'osant
que mes
suis très content
Paris, 4 juin iSrt/.
articles
vous aient plu,
mon sujet. Gardez-les donc en souvenir très affectueux et très sincère d'un homme de bonne volonté, qui sent un homme droit et fort, et qui le dit comme il le sent. quoique
«
je
Une
sois encore bien au-dessous de
chose qui m'a
tableaux ont inspirée à tête puissante. Je l'ai
fait
hier
vif plaisir, c'est l'admiration
mon ami Barbey
accompagné
vu vos ouvrages pour
un
la
d'Aurevilly,
un
que vos
esprit rare et
une
à l'Exposition universelle, et, après avoir
première
fois,
il
m'a
dit des
choses très belles
et
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3o4 très justes
qui vous auraient profondément ému. Je ne veux pas qu'un pareil
témoignage, tout à
rendu sans vous
supérieur, quoique purement instinctif, vous ait été
fait
le faire connaître...
«
Votre dévoué, «
THÉOPHILE SILVESTKE.
»
L'intérêt qui s'attachait à l'Exposition universelle relégua
un peu au second plan
cependant représenté par deux morceaux
était
Gardeuse
IHiver. Mais
d'oies et
naux du temps,
semble que
il
assez inégal.
fut
Salon des Champs-Elysées. Millet y
le
le
La Gardeuse
comme
Millet avait voulu, vie de l'ensemble
»,
il
si
significatifs
:
la
aux jour-
l'on s'en rapporte
succès de ces deux peintures
d'oies,
le
tableau dans lequel
lui-même, exprimer
l'écrivait
ne passionna pas beaucoup
« la
la critique.
L'Hiver, silencieuse perspective empruntée aux désolations de la
plus vivement les connaisseurs.
nature, toucha
Théodore
Pelloquet, qui comptait parmi les fidèles, en parla de la façon
suivante
:
V Hiver est
(I
certainement
Une grande
voir.
le
moins compliqué qui
sujet le
fond un monticule avec des arbres dépouillés de leurs
un
leurs maigres ramures sur
ciel gris,
lourd
compositions ambitieuses des élèves de mélancolique, à
la fois
pleine de poésie
sur le spectateur attentif et compétent! point, et
il
faut la regarder à
deux
gens que captivent d'ordinaire preste si
leur
si
I.
M.
la
nature,
Le Monde
si
vraie
illustré;
Alfred Delaunev.
feuilles, silhouettant
noir;
de
Au
pour
y a loin de là aux
il
Rome. Mais
quelle
peinture produit
réalité, cette
premier aspect, la
impression
comprendre
et
elle
ne
indifférents devant l'exécution
plus ou moins insensibles à '.
la
l'attire
l'admirer. Les
d'une brosse
facile et
si
savante du maître, devant son sentiment
si
et restent
puissante et
fois
et
et
les puériles habiletés
demeurent plus ou moins
naïve, mais pourtant
fond de
se puisse
plaine labourée, des corbeaux picorant des fumiers, au
simple, si
pro-
qualité de sa cou-
»
22 juin 1867. L'Hiver a
e'té
gravé à l'eau-forte par
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Lorsque
imprimait
Pelloquct
Sa femme
quitté Barbizon.
Mon
«
cher Sensier,...
lettres intéressantes
:
Vichy, ij juin
iBrt/,
chnieur d'hier a été terrible. Si cela dure, adieu
In
Plus souvent que
les croquis!...
obéir
Nous avons
peu.
écrivit
«
fallut
il
avait
un second séjour à
faire
et
Pendant ce voyage, Millet
cependant retrouvé deux
Millet
article,
cet
n'était point rétablie;
aux prescriptions des médecins Vichy.
:^o5
jamais, sans y être forcé, dans les pays
j'irai
chauds!
Nous avons pourtant
«
fait
une
hier
excursion en voiture,
petite
et
nous avons vu des choses merveilleuses. Quel dommage de n'avoir rien pu L'endroit où nous
faire!
de Cusset.
ment et
se fera
il
faut aussi
soupçonne
Malavaux
allés s'appelle
il
n'y a pas
moyen
d'y aller sans
à
pouvoir
Mon
«
nomme
dans
le
beau monde de Vichy.
la crainte
études d'Auvergne
et
je
je
i8(j7.
remis de jour en jour à vous
J'ai
quittés, je suis allé voir
vous déclare que, tout en connaissant vos
aussi celles qui les ont précédées,
de travailler. Le catalogue de
On
que
»
est
j'ai
une
été frappé
les
dessins,
la
vente
faite
une
force dès en coni-
semble que Millet s'habitua bientôt à cette chaleur maudite
indications sur
en 1S67.
!
de vous humilier trop, vous qui n'êtes qu'à Paris...
de plus, en voyant cela réuni, qu'une force
la force
la peine.
l'Ardoisière et
Viciiy, 26 juin
Le lendemain du jour ou nous nous sommes
1. Il
cependant
en vaut
cher Rousseau, nous revoilà encore une fois en train de faire
votre exposition^... Aujourd'hui
fois
en voiture,
francs. J'irai
beau. Quel contretemps que cette chaleur'
nos embarras avec le dire
au-dessus
c'est
cela soit
travailler, car cela
(1
«
que
pour une journée, t8
:
une journée
que j'explore un endroit qu'on
très
:
en diverses physionomies, des choses impayables. Seule-
a,
y
voitures sont chères
les
quand II
II
c'est loin et
sommes
et qu'il trouva
après sa mort fournit d'utiles
véritablement très nombreux, qu'il exécuta à Vichv
n'a pas oublié ses belles aquarelles, la
doisière, les Terrains labourés
au Malavaux
Ferme sur
et la
les hjititeurs
Chapelle de
la
de l'Ar-
Madeleine près
de Cusset. 2.
Rousseau venait d'exposer au Cercle de
la
rue de Choiseul quatre-vingts
études et quelques tableaux. Voir, sur cette exposition,
Maîtres
et Petits
Maîtres, 1877,
le
volume de M. Burty,
p. 71.
20
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3o6 mençant. Dès laisse pas de
les
premières, vous montrez une fraîcheur de vision qui ne
doute sur
plaisir
le
que vous aviez à voir
qu'elle vous parlait bien directement C'est de vous et
que
je
non
comme
de Vaultruj-,
vais vous suivre morceau
seulement mentionner
homme
montre qu'un
dit
Montaigne. N'allez pas croire
morceau Jusqu'à maintenant. Je veux
à
point de départ, qui
le
de
est
on voit
la nature, et
que vous voyiez bien par vos yeux.
et
Vous
la race.
l'important, puisqu'il
est
étiez dès
en commençant
le petit
chêne qui devait devenir un grand chêne. Voilà. Je veux vous dire encore
un coup que
et
cela avec attendrissement...
souhaitons,
A
nous vous embrassons.
11
à
vu
j'ai
Nous vous
<(
semble
Rousse«u
c]u'il
y
et
à
M"" Rousseau,
vous.
ait
la
meilleure santé possible
»
deux choses dans
cette lettre
d'abord l'assurance, bien sincère
:
d'une admiration méritée,
et
ensuite
et
de Millet
bien cordiale
désir secret de consoler
le
un malade. Pendant son séjour
à Vichy, Millet ne pouvait se
rendre compte de
d'ailleurs
gravité,
la
encore, du mal dont son ami à
était atteint;
au commencement de
Barbizon,
un peu
juillet,
incertaine
c]uand il
revint
il
put constater
par lui-même des symptômes menaçants. Les médecins avaient
compris, mais
ment
ils
gardaient pour eux
croire que Rousseau,
si
de
ment
et
il
où
vue semblait
sa
tisme
inc]uiétant
;
Déjà,
vie, allait
la
avait
se voiler et oîi le
lendemain,
surexcitation nerveuse,
et
il
terrible secret. Et
robuste en apparence
organisé pour les combats s'éteindre?
le
il
il
et
si
combien
décliner rapide-
des jours de prostration s'enfermait dans s'agitait
en
un mu-
proie à une
retombait ensuite dans une sorte
de torpeur. Ce puissant cerveau s'endormait. Si nous impri-
mions toutes
les lettres
de
maladie.
la sinistre
de Millet, on pourrait suivre
((
n
Mon
hier n'ait
cher
Sensier,
Rousseau
les
progrès
B;iibizon, 12 août 1815.
continue
à
aller
pas été très bon. C'est bien aujourd'hui.
mieux, quoique
Le médecin
a
paru
JEAN-FRANÇOIS MILLET. content. .Lai espoir que
Alfred Stevens
«
Rousseau
guérison se
la
venu
est
annoncer
à
femme
moi, dans rescalicr.
et
de Rousseau ne content.
nommé
est
qiKiique peut-être lentement.
fera,
matin avec Puvis de Chavannes pour officier.
Nous
avons reçus,
les
priant de ne pas monter pour que
les
soit point trouble,
moi,
ai dit
lui
le
,1e
et
il
a
le
ma
calme
paru bien
»
Ce des
qu'il
ce
307
fut
de Rousseau. Assurément,
dernière joie
la
moments
d'accalmie,
et
des
il
eut
malheureusement
réveils, et
aussi des somnolences qui ne permettaient plus l'illusion. Les
médecins avaient parlé son ami
était
Deux mois
condamné,
et
déjà
il
répit,
les
:
«
Ce
n'est
eaux-fortes
regarder.
«
22
la
désirait avoir
honneur de
pendant
cette journée
l'école
fatale
«
Mon
cher Sensier,
douloureuse.
Il
a
suis
je
ce
à
lui
écrit
On
état
sait
que
française,
est
des
lettres
B.irtiizon, 1:2 Jécoinbre
tout tremblant
matin
:
à
le
de
les
grand
mort
le
que Millet
et
ifîf>7.
abimé. Notre pauvre
neuf heures. Son agonie
a été
bien
bien des fois voulu parler, tnais ses paroles ont toutes été
étouffées par son râle. écris.
«.
:
Il
Rousseau vient de mourir
pas en
n'est
il
:
décembre. Nous avons plusieurs
écrivit
chute finale
«
peine d'envoyer à Rousseau
Et, en ellét, sa iin était proche.
paysagiste, éternel
la
décembre. Millet
16
vraiment pas
e^u'il
annonçait
27 septembre, que
Kousseau avait demandé qu'on
envoyât quelques gravures. Le Sensier
le
au milieu des plus cruelles alternatives
se passèrent
moment de
dans un
dès
iMillet savait,
:
Il
est
neuf heures
et
demie au moment
011 je
vous
Prévenez tous ceux que vous croyez devoir prévenir... Tillot vient'
d'envoyer une dépèche à Besançon. «
Je préviens Silvestre en
Nous donnons en à
M. Feuardent
:
même
temps que vous.
fac-similé la
lettre
»
.
adressée par Millet
'l,(X'i.->^
ryyi^ 1/1'^ c^«-
1^
aJ.
l\o L^ J 4^,;^,.-^ eÂA-
^
e^
^
h. t-<-^^<^
.
JEAN-FRANCOIS MILLET.
(I
Barbizon, 25 décembre 1867.
Cher monsieur Chassaing, mon pauvre ami
«
mourir à Barbizon dans
la
3o9
Rousseau vient de
TIt.
maison où nous sommes
allés
une
fois le
voir
ensemble...
Sa maladie
«
«
de ce
çonné
II
agonie
«
sa fin, à
était
je n'ai
rien
encore une
Pauvre Rousseau
Quand on Ceci
pu surprendre qui
!
son travail
réfléchit,
mon et
l'a
Mon
cher Sensier,..
incapacité. Voici
Rousseau!
»
cette
Il
Il
croyait que son
je
vous
ai
moment si j'ai
si
bien!...
négligé depuis notre retour
j'ai
été
complètement absorbé
travaillé. »
Barbizon, 31 décembre ibô/.
mort de Rousseau m'obsède. La
tiennent enveloppé
pable de travail.
marque.
d'imbéciles qui se portent
vous explique comment
me
Mais moi qui ne
tué.
«
«
le
point soup-
cher monsieur Chassaing, à Tinnumérable
par ce pauvre Rousseau. C'est à peine
l'ennui
et n'a
crise.
de 'Vichy, car presque à dater de ce
et
moment
ce n'ait été à la dernière minute.
moins que
quantité de mauvais cieurs «
dernier
a gardé sa lucidité jusqu'au
pas quitté,
«
un ramollissement du cerveau.
Jugezceque nous avons eu de deuil dans le cœur en l'entendant parler e|u'il ferait dans l'avenir! Car nous savions par son médecin qu'il était
perdu.
l'ai
élail
à
me
tristesse
mettre presque entièrement inca-
va pourtant bien falloir de gré ou de force vaincre cette
déjà
aujourd'hui huit jours qu'on
l'a
enterré.
Pauvre
CHAPITRE XXX TOMBEAU DE ROUSSEAU.
TRAVAUX POUR M. HARTMANN. TROISIÈME VOYAGE A VICHY. MILLET EST NOMMÉ CHEVALIER DE LA LÉGION d'hONNEUR. EXCURSION A MUNSTER ET EN SUISSE (1868). UNE EAU-FORTE « LA PILEUSE ».
LE
:
Au
lendemain de
besogne.
Il
Rousseau. l'aida taire
qui tut et
Le
mettre un peu d'ordre dans
Sensier
pour
dans
surtout
fallut
la
employa avec un grand
s'y
où
élever sur la
de disparaître. Ce
la forêt
compliqué.
20 mars. Millet écrit ce jour-là les
rochers un
s'étendre.
On
petit
il
nuirait
«
pour
le
On
et
a porté en est
s'occupa
travaux
artiste
verdoyantes.
terminé
même
le
temps
de nature à bien
houx qu'après
les
Il
ordre spécial,
n'était point
chêne qui
ne pourra planter
des rochers, car place. »
joli
:
Il
Millet
de Fontainebleau
de plantations qui promettaient d'être vivaces travail parait avoir été
de
les fouilles à
tombe du puissant
monument d'un
composé de rochers empruntés à
que
zèle.
s'entassaient tant de trésors.
du monument à
triste
atîaires
les
recherche de certains papiers, pour
cet atelier
venait
mort d'un ami commence une
la
et
l'installation
leur mise
en
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Et alors de
la
du tombeau de son ami
s'occupait
qu'il
3ii
malheureuse femme que Kousseau
11
aussi
en proie
laissée
a^"ait
à une maladie incLU-able, Millet soutirait.
et
avait été repris de
mau\aise. Durant cette
ses migraines et toute l'année 1868 fut
période, ses lettres deviennent plus rares; elles nous parlent
moins de
ses
compromise. déric
travaux que de sa santé capricieuse
Hartmann, manufacturier
délicat, qui i^oûtait
bien
si
Fami de Rousseau
fut
et
à Munster.
saveurs de
les
interrompu dans son œuvre
parait
il
qu'il
peut-être
client,
M. Fré-
Pour
amateur
cet
moderne
l'art
commença
Millet
sien,
le
Malheureusement,
peintures.
un nouveau
a cependant
IVlillet
et
avoir
été
mourut sans
et
qui
plusieurs
souvent
si
terminé
a\'oir
tous les tableaux promis. K
Mon
«
que
je n'ai
des toiles de
cher Sensier,
les
M. Hartmann. Voici
Quatre
«
Préparer trois de ces
toiles
me
migraines ont continué à
pas eu jusqu'à présent
«
Barbizon, 17 avril
le
j8fîH.
tant
courage de vous envoyer
malmener mesures
les
:
mesurant r",io d'un sens toiles
d'un
de l'autre.
et o"',S5
lilas rose
foncé
l'autre en ocre
et
jaune. u
Me
les
envoyer
le
plus
promptement
possible.
«
«
Mon
cher Sensier,
est
il
la
Lessiveuse^...
des Dupré, des Fromentin
I.
M. Marmontcl
avait
et
et la
s'est vendii,
fois à l'eau-forte
pour
l'illustration
du
:
14 nuii 1II68.
mais
je suis
mon
content
direz à l'occasion les prix des Diaz,
des Daubignv.
le
sa collection les 11 et 12
mai
18(18. Elle renfoir-
Bout du yillage de Greville, adjugé au prix de
Lessiveuse, vendue 4,000 francs.
deux
M. Monican.
Vous me
vendu
mait deux tableaux de Millet, 4,900 francs,
Baibi.!or.,
bien certain que j'aurais souhaité que
Village se vendit un peu plus cher qu'il ne
du prix de
»
Ce dernier tableau a
été gravé
d'abord par M. Courtry et ensuite par M. Saint-Raymond,
livre
de M. Piédagnel. ,
En
1876, la Lessiveuse appartenait à
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3i2
vous pouvez en trouver
Si
«
m'envoyer mes
de
M. Hartmann.
toiles, car
le
temps,
vous prie de presser Blanchet
commencer
de
hâte
j'ai
je
Millet se mit en effet à l'œuvre, mais
rompre.
Il
une
fallut
proie à
encore partir pour Vichy. L'artiste ne
fois
un malaise qui l'empêchait de
promenades
et
peu de
travailler
Mon
comme
Vichy,
ici
parce que nous n'avons pu nous
a été jusqu'à présent incessante, de sorte
encore travailler... Je suis en désolation de n'avoir pu Voilà déjà hier matin huit jours que nous
Nous avons
«
belles choses.
Le pays
sur
dirai «
le
monde
un de
est
vous aurais
dit
des eaux. Si cela ne s'enfuit pas de
la
date de
mon
iSSj. Je ne peux que ressaisir certains
Mon
les dates s'y sont
ait
en voiture. Nous
beaucoup de choses
Quels paysages primitifs comptais bien que
j'v
a
pas
Si je n'avais
ces aspects cervelle, je
du pays vous
les
et
faits
une
allés
Mais
Vichy, 18
revenu.
ici,
une
»
juillet
1868.
nous avons
fois voir le
fait
deux
château de
ce qui est beau, c'est sa situation.
mélancoliques
retournerais
fois
Il
qui surnagent sur cette
noyées absolument.
sommes
et
même
»
il
y aurait à
tirer
de
là
!
Je
que nous séjournerions un jour
tirer le plus
ces gens-là choisissaient bien
parlerai de cela
naissance, 4 octobre.
encore beaucoup de physionomie, quoiqu'il
refaites.
dans l'endroit pour tacher d'en
Comme
ma
cher Sensier,.. dans nos premiers jours
trois sorties
Busset-Bourbon. Ce château
y
nous avons vu de
arrivée à Paris. Je crois pourtant
(c
«
pu
je n'ai
ces jours...
époque troublée, mais
ou
ma
que
!
et
mes impressions sur
Je ne peux donner à Burty que
c'est
install-er
quelque chose.
faire
partis
superbe aux environs de Cusset.
m'est impossible de préciser celle de
que
sommes
deux promenades en voiture
fait
été aussi patraque, je et
1868.
3 juillet
d'habitude...
La migraine
«
quelques
fît
il
cher Sensier, les enfants ont dû vous dire que nous avons été
un peu ennuyés en arrivant fait
:
en
était
11
dessins. «
tout à
dut bientôt s'inter-
il
de ce troisième voyage qu'un médiocre profit.
retira
«
Printemps de
le
»
de croquis possible. Mais!...
la place
de leurs demeures! Je vous
JEAN-FRANÇOIS iMILLET.
Barbizon, 24
«
Mon
«
de ter «
et
de Timmense quantité de poussière qu'il nous a fallu avaler...
Je suis désolé de la perte de
peu de chose que
c'est
Il
Millet.
1868.
que nous avons eue en chemin
fatigués de l'horrible chaleur
mon
temps. Ce que
encore chaud.
je
rapporté
j"ai
est si
seulement qu'il
ce n'est pas la peine d'en parler. Je crois
m'est entré dans l'esprit certaines choses que
que
juillet
cher Sensier, nous voici revenus à Barbizon d'avant-hier au
un peu
soir,
3i3
vais tacher de noter
pendant
»
une lacune dans
se
produit
On
sait qu'il n'avait rien
ici
correspondance de
la
envoyé au Salon
;
mais Tadmi-
nistration jugea à propos de se souvenir de l'absent, et lors de la
distribution des récompenses,
chevalier de
la
le
i3 aotât, Millet fut
nommé
Légion d'honneur. Le gouvernement, dont
les
décisions ne brillaient pas par la promptitude, avait niis dixsept ans à s'apercevoir
que Millet
était
un
maître. Les
hommes
de ce temps ne professaient qu'un goût assez tiède pour
œuvres du peintre rustique suite de longues hésitations,
qui assistèrent dans
enfin
-,
on
se
céder,
fallut
il
à
la
décida à décorer Millet. Ceux
grand salon du Louvre, à
le
et
les
la
distribution le
maréchal
Vaillant, qui présidait la cérémonie, obtint ce jour-là
un succès
des
médailles,
se
souviennent sans
tellement inespéré qu'il en resta
maréchal les
instant
que
comme
ministre des Bcau.\-Arts, mais
était
il
était
la
valeur des homines
bien loin de s'attendre à
produire.
Le nom de
que
le
Le
;
il
ignorait
croyait gouverner
manifestation qui
et
allait se
Millet avait à peine été prononcé, que les
applaudissements éclatèrent, sincères,
la
qu'il
interdit.
apportait dans
choses de son service une candeur touchante
parfaitement il
un
doute
si
vigoureux,
vénérable aréopage
et
si
énergiques,
si
son président en turent
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3i4
troublés. L'administration avait bien clioisi, sans
sans
Millet fut éclatant.
ou plutôt de
cette fête
Millet ressentit quelque orgueil, nous ne
moment de son
histoire, les lettres
quent. Tout porte à croire que
triomphe avec
la
amis
M. Hartmann Ce
conservé
modestie sereine qui convient aux philosophes.
à Munster
souvenir,
le
:
de nouveau bonne.
par lesquelles il
En
et
il
Ils
le
que
mois de
deux
les
allèrent visiter
purent entrevoir un coin de
ils
nous
est
adresse à Sensier
passage suivant
quand
pendant
si,
dont l'œuvre de Millet ne paraît pas avoir
fait,
M. Hartmann le
vaillant artiste accepta son
le
ensemble un charmant voyage.
firent
l'Alsace.
savons pas. Pour
le
n'écrivit pas à Sensier, c'est parce
il
revanche.
cette
autographes nous man-
continua à travailler en silence. Et
septembre,
presque malgré eux,
cette fois, représentaient,
au lendemain de
Si,
Il
et
sentiment public, les acclamations redoublèrent.
justice et le
Le succès de
ce
vouloir
savoir. Et devant la confusion de ces distributeurs de
le
récompenses qui, la
le
«
le
J'ai
une
que
lettre
29 octobre. Nous y lisons
J'aime à penser que
la
santé de Millet est
appris avec peine toutes
vient de passer.
reviendra.
par
révélé
Nous
le
les
épreuves
soignerons bien
ici
)^
quittant Munster, Millet
et
Sensier firent une rapide
excursion en Suisse. Le voyage dura à peine six à sept jours.
Les deux amis visitèrent d'abord Bàle.
musée qu'il
et
la
cathédrale
», écrit
Millet dans
adresse à sa femme. Ainsi l'auteur de
VAngelits
a
pu admirer en courant
d'œuvre de Hans Holbein. sion.
«
Il
les
un bout de la
Tondeuse
émouvants
le
lettre et
de
chefs-
n'a pas dit quelle fut son impres-
Les deux voyageurs étaient pressés.
milieu
Nous avons vu
des vapeurs d'une pluie
Ils
entrevirent, au
malencontreuse, Lucerne
et
JEAN-FRANÇOIS MILLET. son lac fameux, Berne
revenu à Barbizon
écrivait
»,
du lendemain
lettre
Zurich.
et
et
De
»
d'être
dans une
ajoutait
il
Le mal du pays continue.
«
:
grande envie
« J'ai
Millet,
3i5
pareilles
dispositions d'esprit n'autorisent pas de longues absences. Millet
eut bientôt
de revoir sa femme, ses enfants, sa maison.
la joie
Au.\ derniers mois de Tannée, nous
Un
cupé d'une gravure.
éditeur,
M. Lemerre, préparait
curieux ^•olume dont on se souvient
M. Burty
Une planche
recueil.
qu'on va
lire.
On
de
mission
reçu
avait
se rappelle
que
le
M. Mérat
cigognes dans
deux jeunes
l'air'
».
le
du
les lettres
là
et le
avec beau-
lit,
un sonnet sur une composition de
talent d'ailleurs,
représentant
Millet
de
:
poète, M.Albert Mérat,
peintre avaient négligé de s'entendre.
coup de
alors
l'illustration
surveiller
à Millet
fort oc-
Eaux-Fortes.
Soniiels et
:
demandée
fut
trouvons
le
filles
«
suivant un
un autre
Millet traita
sujet
:
vol il
de
grava,,
d'après ses souvenirs de Vichy ou de l'Auvergne, une lileuse
gardant des chèvres dans
la
campagne. Barbizon, U novembre 1968.
«
«
Mon
laqticlle je
cher Sensit-T,...
«
du même
indiquer celui que Je travaille à
moitié égratigné. Si faite à la
reçu une IcUre de
m'envoie son sonnet, déjà imjn-imé.
il
dois faire Teau-forte
et lui
j'ai
je fais.
mon la
sujet. Je vais
Sa
lettre est très
eau-forte,
et,
que
e-ela
n'est pas,
aimable.
migraine ne s'en mêle pas trop, vous
cuivre la
est
à
trouverez
Saint-Martin.
Mon
cher Sensier,..
Paris faire mordre
I.
lui dire
l'Iieure qu'il est, le
à
Il
mon
je
à la
vente de
Baibizon.
ii
novembre 1868,
pars aujourd'hui à deux heures pour aller à
eau-forte.
Le sonnet de M. Mérat semble avoir
en 1875,
Il
AL Albert Mérat dans ci'oit que j'ai fait ou que
la collection
été inspiré par
de M. Gavct
vol d'oies saiivjges. (H., o"'^5j. L., o"',42.
:
n° z^.
un dessin qu'on a revu
J:.^!iiicj
jiHes rc^\7i\i.vil un
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3,6 Si
«
ne vous vois pas ce
je
d"aller chez Burty.
vous verrai demain matin avant
soir, je
»
Baibizon, 23 décembre 1868.
ti
Mon
«
hier à Chailly. artistes,
Après
il
ne
Tout naturellement, que
s'y trouvait
le service
comme
du bout de Tan pour Rousseau
clier Sensier, le service
de
l'église,
présents l'aîné des
MM.
les Tillot et
Laine
nous sommes tous
fils
de
Bodmer
Mon
«
allés
je
<(
»
cher Sensier, voici une année de plus qui va être finie ce soir!
vous
souvenirs
Des
Barbizon, 31 décembre 1868.
Je ne vais point faire d'autres réflexions là-dessus;
que
étions.
Paris, personne.
au cimetière. J'oubliais
Babcock.
et
Il
nous tous y
Lombard. De
et
s^est fait
et
écris à la
tombée du
jour,
que
de penser à ceux qui manquent.
je suis
O
je
vous
dirai
seulement
en train de remuer mes
tristesse!
Je vous souhaite et nous vous souhaitons à tous le
moins d'ennuis
possible, et aussi le plus possible la réalisation de ce que vous souhaitez.
Puis, petits et grands, nous vous embrassons.
Cette lettre,
»
dont on remarquera
l'accent
mélancolique,
ressemble à toutes celles que Millet écrivit au dernier jour
de Tannée finissante. La périodicité
mesure
si
rapidement
le
comme
temps écoulé,
et
leur pensait
aux heures perdues, possibles, à la
année nouvelle. Le jusqu'à
la tristesse.
3i
éveillait
en
lui
un monde
des appréhensions vagues. Le travail-
de souvenirs
aux malheurs
de cette échéance, qui
le
père de famille songeait
grande énigme qu'apporte toute
décembre, Millet
fut
toujours sérieux
CHAPITRE XXXI MORT DE M""' ROUSSEAU. « LA LEÇON DE TRICOT ».
SALON DE l860«
Au
du
revers
Eaux-Fortes, on livre
du volume
faux-titre les
M.
lignes suivantes
:
CASTAGNARY
i'.
Dans
refusait de
par un
sa naïveté et
«
Il
a été
dans sa sagesse,
le
on pouvait avoir
la
»
de ce
tiré
De
cl
là
une
brave Millet
comprendre comment, lorsqu'un cuivre
artiste,
Sonnets
intitulé
35o exemplaires. Les planches sont détruites.
tragédie.
la
lit
TUEURS DE COCHONS
LES
a été gravé
criminelle pensée de biffer
planche pour prouver aux amateurs qu'on n'en
tirerait
plus
une seule épreuve. Tous ceux qui avaient coopéré à l'œuvre
commune
s'étaient
ou du moins, quarante Corot,
et
montrés sympathiques à ce vandalisme,
l'éditeur
du
livre possédait leur adhésion.
un graveurs, parmi
Seymour- Haden,
lesquels
Daubigny,
Jules Jacquemart,
Bracquemond,
avaient consenti à ce que leur eau-forte fût détruite.
un par
récalcitrant. Millet.
M. Burty
:
il
comprendre que
Vainement
se débattait le
d'art.
fut sollicité
comme un
maximum
supprimer une œuvre
il
Il
de
la
Déjà
Ribot, Il
restait
par l'éditeur
et
barbare qui a peine à
civilisation
consiste à
dut fmir par s'avouer vaincu.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3,8
ne voulant pas être verra
ici la
traité
moins durement que
combat.
trace de ce
Il
«
ma
Mon
et je
ne lui
rien
ai
répondu; puis Burty m'a aussi
pour me
comme
à Burty,
il
me
y a trois jours, et
doivent faire aux autres.
ils
pour en
J'ai
reçu
ma
de
«
Mon
le livre
planche, malgré
Entre nous, et
de faire à
Mon
des Sonnets.
je
j'ai
mon
donné
B.irbizon, 15 janvier iSGç.
eau-forte est bien
mon
Barbizon, 24 janvier
nous donne
iSlîç.
consentement pour
chacun une de
fait
destruction
cher Sensier,
la
mort
je sais
bien que
si
planchcs-là, elles
ces
»
Barbizon,
Cela
me
février 1869.
pauvre M""' Rousseau
terrible de cette
à tous bien de la tristesse.
1(5
fait
remuer pour ma
part
malmenée par
bien des choses du passé. La pauvre créature a été rudement les
la
de plus barbare. Je ne suis pas assez fort en combinaisons
Il
Mon
»
désir de la garder...
seraient anéanties. Assez là-dessus.
«
triste.
trouve cette destruction de planches tout ce qu'il y a
Ostade avaient
et
planche
préféré prendre
j'ai
commerciales pour comprendre à quoi cela aboutit, mais
Rembrandt
ma
finir. »
cher Sensier,...
de plus brutal
ai dit
semblait que cela leur donnerait
Il
«
me
ne veux point leur
je
les diables, et
Il
«
en
faire traiter exceptionnellement,' je lui
me
Il
l'occasion de faire des embarras de tous ce parti
Comme
consentir au biffage.
grâces, ni avoir l'air de
demander des répondu
faire
écrit
bonnes ou mauvaises, mais toutes
faisant valoir des tas de considérations
j'ai
Baibizon, 9 janvier 1869.
cher Sensier, rédiieur Lemerre m'a écrit au sujet du biffage de
planche,
faites
On
les autres.
événements. «
Je ne peux pas penser sans attendrissement qu'elle a eu quelquefois
bien soin de
moi quand
j'étais souffrant...
sur son compte que ce qu'elle m'a
fait
Dieu
sait
que
je
de bien! Je souhaite
ne
la
me
rappelle
béatitude à sa
pauvre âme. «
à
Il
faudra que
Charenton.
je sois
bien souffrant
si
vous ne
trouvez pas demain
» Il
«
me
Barbizon, 17 février 1869.
Chère madame Fcuardent,... Sensier vous aura sans doute appris
mort de
cette
pauvre M""' Rousseau. Je voulais tout naturellement
la
aller
JEAN-FRANÇOIS MILLET. à son entcrremcnl; mais la mit;raine s'en est nièlce
comme
matin
je
comptais
Mon
«
cher Sensier,.--
splendide
très
je
trouve
l'humain qui sont ordinairement
qui,
pour moi, rentre dans
mieux
j'aimerais
ce que
pauvre
le
m'y
l'album que vous m'avez
du
bel assortiment des
point
plaît. Je n'y vois
fond de
l'art
pour
la curiosité, et
le
cou-
naturel
Japonais. C'est
une chose
me
coûterait,
le
prix qu'il
d'autres dessins japonais, plus naturels
l'occasion en
(si
fait
xv' siècle...
m'est impossible de rien envoyer à Bordeaux. Je travaille de tout
Il
«
partir ce
à la disparition de ce
comme vous
ou quelques gravures en bois du
découvrir)
pu
Barhizon, 25 leviicr 1869.
riche sous le rapport
et
leurs; mais c'est à peu près tout ce qui et
n'ai
je
»
«
envoyé
et
J'en suis tout attristé et navré. J'aurais
le faire.
voulu qu'on ne me puisse pas croire indifférent débris de Rousseau.
Brg
j'ai
de force pour terminer,
si c'est
possible, la
Femme
qui montre à
tricoter à sa petite fille, et l'envoyer au Salon. Si je ne peux arriver à peu près
comme
que
ce tableau a
l'entends,
je
je
ne l'enverrai point, bien entendu... Je
gagné depuis que vous ne l'avez vu.
u
«
la
Mon
pellier.
Il
chargé de
cher Sensier,...
où
les
si
je
voudrais m'en charger,
dire,
le
Je crois que j'aurai terminé
la
cite.
tombe de Rousseau
J'enverrai voir
«
si
me
mon
Le
insignifiant.
de
exposée
M. Bruyas
a
voir
transcrirai le
C'est très formel...
a des fleurs.
tableau pour
le
20.
Il
est
des jours
Aujourd'hui,
je
:
a
Mon
tableau
me
paraît nul,
»
Ce sentiment ne
La Leçon
de
»
mars^ Millet écrivait
i5
j'ai,
j'attends à le
et
je suis très mécontent, et dans certains autres, moins.
passable.
mais
musée de Mont-
le
commande. Je vous
conditions de cette
de M. Bruyas que Silvestre
lettre
«
le crois
fut
jamais pensé à vous
n'y a rien d'arrêté encore, car c'est Silvestre que
me demander
pour déterminer bout de
je n'ai
figure
Barbizon, 10 m.us 1869.
M. Bruvas, une commande importante pour
part de
me
»
tricot,
le
i''''
fat
pas partagé par
qui appartenait à
mai
18(39, séduisit
M.
la critique intelligente.
F. Bischofsheim
au contraire
seurs par l'intimité de l'expression, la vérité de
la
les
et
qui
connais-
lumière inté-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
320 rieure.
à
convient, à propos de ce tableau, de laisser
11
un bon
M. Castagnary
juge,
François Millet,
«
le
ses meilleurs tableaux, la
:
peintre des
Leçon de
mœurs
et
la simplicité
qui gouvernent
ficile
d'écrire
Rien
n'est
monde
le
le
oublié
et
n'y a pas
il
un
trait
A
moyenne dimension.
la justesse
de leur geste
la vérité
maître à qui n'échappe aucune des
des esprits
une pensée avec plus de
un de
sont deux figures à mi-corps,
de leur attitude, à
de leur physionomie, on reconnaît
lois
rustiques, nous envoie
Ce
tricot.
de grandeur naturelle, dans un cadre de de leurs proportions, à
parole
la
et le
monde
des corps.
vigueur
netteté, de
est dif-
II
d'harmonie.
et
qui ne concoure à l'expression.
A
peine avez-vous regardé, que l'intention de l'auteur se révèle à vous tout entière.
a
Il
pas la grâce
voulu nous montrer que l'enveloppe exquise de
moins analysés au
maternité.
la
Au
village, les sentiments
la plus grossière n'exclut
contraire; peut-être, pour être
qui constituent
le
fond
de la
nature humaine y sont-ils plus vivement ressentis. Est-elle assez mère, cette
paysanne
à qui le soleil a fait le teint hâlé et le travail les
Elle
de tout
l'est
yeux;
elle l'est
mouvement de son
le
depuis
chevreau embarrassé, aussi
une
vrai sauvageon des
est-elle assez
vierge
atteint.
D'où vient cela? De
traire
a des airs de rester là
chaque
fois j'ai
été plus
pro-
beauté des lignes assurément,
la
puissance du modelé, du charme de
moi, delà vérité de nature. Rien sortis
main qui voudrait
gauche? Vous pouvez
et
force plus pénétrante. J'y suis revenu, et
la
la
champs qui
longtemps que vous voudrez, peu de tableaux s'imposent autant, ont
fondément de
fille,
mains calleuses?
de toute l'attention de ses
et
regard qui dirige jusqu'à
le
exécuter. Et cette petite
corps
la
couleur, mais surtout, croyez-
n'est factice ici; ce
ne sont pas des modèles
de leurs habitudes pour venir devant nous prendre une pose arbi:
ce sont des êtres
vivants, envisagés dans leur cadre
naturel, et se
manifestant à nous avec leurs costumes, leurs habitudes, leurs sentiments, leurs idées, dans les conditions normales et ordinaires de leur champêtre existence.
La Leçon se rattache
de
tricot,
le
si
bien parlé,
dans l'œuvre du peintre de Barbizon, à une famille
de tableaux inspirés par
lumine
dont M. Castagnary a
rayon voilé
pas seulement
le
poète
le
sentiment de
d'une
la vie
intime
lumière discrète.
du labeur en
plein air
:
il
et
Millet
qu'iln'était
savait dire
le.
JEAN-FRANCOIS MILLET, charme du
dans
travail
nombre de
la
maison.
11
du foyer
ces peintures
:
reste
de
32i
un assez grand
lui
malheureusement,
avait
il
compositions
la
mauvaise habitude de ne point dater
les
biographes de l'avenir éprouveront sans doute quelque em-
barras quand
ses
et
voudront introduire un peu de chronologie
ils
dans l'analyse de son
talent.
Pour nous, nous avons
regret
le
de ne pouvoir assigner une date certaine à un de ses plus
charmants tableaux,
la
Femme
partie de la collection de
M. Georges
Petit
Bien que
au rouet, qui, après avoir
M. Hecht,
appartient aujourd'hui à
'.
première pensée de ce tableau
la
ait été
notamment par
on a vu
la
n'est point
le
croquis qui représente sa sœur
reproduction à
marmotte dont
les
lui.
La
demi-teintes.
pieds posés
blancs grisâtres bleuissent
fileuse
;
un peu dans
sur son
rouet.
modeste chambre de paysan, dans
une grande armoire dont vaisselles rangées en
le
:
d'elle,
M. Piédagnel sur
Millet.
M.
une
corbeille
les colorations neutres,
avec
laisse voir des
bon ordre.
la sérénité
o'",2(j.)
des
Le fond nous montre une
est
le
dans
calme
et
l'attitude
Ce tableau, dont nous donnons une héliogravure,
(H., o"*,37; L.,
reflets et
quenouille à la main,
panneau entr'ouvert
L'impression générale respire familier
la
Auprès
filées.
les
large tablier dont les tona-
assise,
est
emplie de pelotons de laines
I.
dont
Elle est jeune, avec la coiffure en
blanches sont largement modifiées par des
travail
et
page i3 du présent volume, ce
la
ombres. Corsage d'un rouge passé
les
pater-
une femme de Gréville, mais une femme de Barbi-
zon qui a posé devant
lités
fournie à
maison
Millet par les souvenirs de sa jeunesse et de la nelle,
fait
Félicien Rops
l'a
sérieux du
le
de
est
la fileuse
peint sur
gravé à l'eau-forte pour
;
bois.
le livre
de
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
322
dans l'assoupissement du ton
elle est aussi
L'exécution est attentive
Fombre de qu'il
de
et
la
lumière.
caressée. Je ne voudrais pas irriter
et
une algarade semblable à
Millet et m'attirer
celle
à Thoré, qui aimait tant à chercher des points de compa-
fit
raison entre les œuvres modernes et les peintures anciennes je
de dire, puisque cela
suis pourtant forcé
y a dans l'esprit
Femme
la
le
souvenir de l'école
transparence de
la
lumière intérieure,
chaleureuses, mais amicales
touche se dissimule
et
certains tableaux de
groupe. La ajovitera
Femme
le
c'est aussi
;
qui est souple
Terburg
au rouet
et
n'est
et
qu'il
éveille
dans
d'abord
C'est
exécution où
cette
veloutée
comme
la
dans
de quelques maîtres de son
une peinture à laquelle
est
la
silence des colorations
et
son émail, une peinture où
s'enveloppe de charme Il
hollandaise.
vrai,
est
au rouet quelque chose qui
;
la
le
temps
gravité de l'intention
de tendresse.
pas inutile d'ajouter que, pendant cette période de
sa vie. Millet, qui n'eut jamais la prétention de se faire passer
pour un
coloriste, s'occupa
chercha parfois vente qui fut
la
faite
beaucoup du mariage des tons
et
Le catalogue de
la
note intense ou vive. à l'hôtel
Drouot après
nous apprend que son tableau,
les
la
mort de
l'artiste
Tueurs de cochons, a
été
exécuté de 1867 à 1869. Le motif n'est nullement héroïque: est pris,
sans vergogne, aux réalités
aux cruautés de
—
la vie rurale.
se sont introduits
leurs efforts,
ils
tirent
on
Des paysans,
le dirait
—
la
de
cahute où
malheureux cochon qui vient
d'être
il
volontiers,
des bourreaux,
cour d'une ferme,
dans la
et,
il
et,
réunissant
poursuivait son rêve
condamné à mort
et
un qui
devine la catastrophe prochaine. Vainement une femme, capable de toutes
les
perfidies,
d'une nourriture persuasive;
montre à l'animal un seau plein la
victime comprend,
elle
résiste,
JEAN-FRANCOIS MILLET.
323
i
elle
pousse des
cris lamentables,
si
bien que, dans
le
fond de
la
cour, deux enfants sont frappés d'épouvante au spectacle de ces préliminaires de mort.
Ce coquette
n'est :
énergique
il
et
pas
là
un tableau
dans
où
la
boudoir d'une
vérité parle très haut.
d'ailleurs de la force en raison de la qualité
venirs ne nous
le
bien galant, mais c'est une
n'a rien de
robuste,
à placer
du ton
:
peinture
L'œuvre a si
nos sou-
trompent pas. Millet a trouvé l'occasion d'y
introduire de très beaux rouges. C'est une couleur dont
point abusé dans sa vie. notes tempérées. Mais
il
Il
aimait mieux les nuances éteintes,
En
dessinant des pastels,
renouvelé ce qu'on a appelé sa manière fleurie, pas,
comme
scientifique,
il
et
Delacroix, un coloriste absolu,
a eu bien souvent, dans
reuses trouvailles
et
n'a les
aimait aussi les harmonies claires, les
fraîcheurs, les délicatesses.
fût
il
le
il
avait
bien qu'il ne
un
coloriste
choix des tons, d'heu-
de surprenantes fortunes.
CHAPITRE XXXII OPINION DE MILLET SUR THORÉ.
—
LE SALON DE
187O.
—
NOVEMBRE « LA FEMME BATTANT LE BEURRE ». LA GUERRE ET l'iNVASION. — MILLET A CHERBOURG. «
Le
1)
i5 juillet 1869, Sensier avait
commencé dans
internationale des Arts et de la Curiosité la articles
qui, réunis, ont
Théodore Rousseau. contrait
de
A
formé
le
volume
récit, l'écrivain
despotisme de l'Académie, lorsque
restaient closes
devant
les
les
s'était
dévoué de grand matin au service de
Plus tard, lorsque, vers 1860,
il
Dans un
livre sur
l'art
du Salon il
y avait
Rousseau. Thoré la
revint de l'exil,
parler hardiment, préférant Tart libre à traditionnel.
portes
hardiesses des novateurs,
certes quelque courage à prendre le parti de
bonne cause. il
continua à
prétentieusement
Rousseau, Thoré avait droit
léger crayon.
Pour ter
ren-
première heure, Théophile Thoré. Dans un temps où sé-
la
un
Souvenirs sur
une personnalité étrangement vivante, un romantique
vissait le
à
Repue
publication des
intitulé
chaque page de son
la
tracer ce portrait, Sensier ne voulut pas s'en rappor-
seulement à ses propres souvenirs.
qui ne pouvait plus être consulté,
il
A
défaut de Rousseau,
demanda des informations
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
SaS
à son ami, à Millet lui-même, et c'est avec les renseignements
qui lui furent envoyés qu'il rédigea
lume
mais
;
le
ne donna qu'un fragment de
il
nous rétablirons aujourd'hui
de
cher Sensier,
me
ne
il
:
cette lettre
singulière
:
Barbizon, i" Kvrier 1870.
Il
Mon
de Millet
la lettre
texte authentique
le
de son vo-
li
connu Thoré, paraîtra peut-être
qui, à ceux qui ont
«
chapitre
guère possible de résumer en quel-
serait
ques mots nos causeries avec Thoré. Je vais vous en dire bien plus que vous ne m'en demandez,
dans
qu'il
y
prendre, vous prendrez
ait à
le tas. «
Thoré, que
bien plus la
vous trouvez
et si
me parut s'occuper de que comme un homme
n'avais jamais connu,
je
comme un
catalogueur savant
la
touché par
même quand il s'agissait de Rembrandt qui son homme ». Il disait d'un tableau particulièrement
portée de l'œuvre,
était tout
'<
jusqu'à certaine époque,
Memling, découverte Rousseau me
«
Rousseau eut une certaine
Thoré
Rembrandt,
et
disait à part
lui disait
il
«
:
Il
n'y est plus
ses
le
:
maintenant
les savants l'ont gâté. »
de ce que,
irritation
Tiens, celui-ci
:
expliquait
Et Rousseau croyait que
s'appelait
importante du savant X...
«
tableaux,
peint en
maître avait signé
tel
comment après. Que Hemling
très
pourtant
:
année; peint en pâte, ou autrement; comment
telle
peinture
est
en regardant ses
comme tel tableau de comme un tel, etc., etc.
peint
procédé. Cet autre
ici
tableaux auraient bien pu susciter quelque autre
meilleure chose à dire.
Nous eûmes pour
«
la fin
croyait que le sujet était
d'une œuvre; Rousseau qui
était
mais
je
comme
une discussion assez vive sur
pour beaucoup dans et
moi
je
suis trouvé pris
trouvais que
la
que Thoré
plus ou moins d'élévation
étions contre lui. Je laissais parler Rousseau,
bien de force à répondre,
me
le
ce
et
d'autant que
dans l'engrenage.
grandeur
dans
était
je
la
ne connaissais pas Thoré tâché de montrer à
J'ai
pensée
même,
;
Thoré
que tout
et
devenait grand employé pour un grand but. «
ribles,
Un
prophète vient menacer une population de fléaux, de dégâts hor-
et voici
comment Dieu
enverrai les hannetons
phète
fait
une
et
telle description
une plus grande désolation sur paraîtrait plus
grande
si,
qui l'envoie parle par sa bouche
les sauterelles,
ma
grande armée,
etc.
:
Je vous
Et ce pro-
de leurs ravages que jamais on n'a imaginé la terre.
Et
je lui
demandais
au lieu de hannetons,
le
si la
menace
lui
prophète eût parlé des
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
326
chariots de guerre d'un roi quelconque; car ce dégât
complet qu'il s'étend à tout. La terre
champs
car la moisson des
Et
ont crié, parce qu'il n'y a plus d'herbe!
grandement
mais
s'il
si
ânes sauvages
Voilà donc
le
et toutes les bêtes
but de désolation bien
l'imagination en est frappée.
a été
convaincu
pouvait y avoir du vrai là-dedans,
qu'il
a été apaisé.
il
Vous
«
ce
atteint, et
Je ne sais
«
les
grand,
si
mise à nu! Hurlez, laboureurs,
est-elle
est périe!
est
ici
qu'il
vu du
reste
vous a raconté.
J'ai
l'avez
à son retour à Paris
toujours cru qu'il
et
était
vous vous rappelez revenu
un peu
d'ici
piqué.
Voici
«
plantera.
le
dégel. Dès qu'il sera possible de planter vos arbres, on les
»
Après avoir
mander
si
lu cette lettre étrange,
Millet était
un
on
gayer des maniaques innocents la vérité historique
donner à Memling un
nom
—
on peut
et si utiles d'ailleurs
et
qui ne fut jamais
de s'apercevoir que
comme
exécutée
les
vérifier les dates est
naïveté
brave Thoré
tions, le
la
grand
très
Tous
plus coupable.
la
les
les
le
sien
Leçon d'anatomie ;
velle le
;
il
lui servaient à
n'a jamais dit
art, c'est faire
armée de Spartiates mal religieux pelle
et
le sujet fut
un
la
ces péchés, toutes ces incorrec-
comprendre
contraire, lui qui préférait
pas
n'est
preuve de
commettait chaque jour
que
un
c'est
;
croire que l'art de
mais
;
savants ne l'avaient pas gâté, loin delà; ses études sur
anciennes
— qui
Rembrandt
peintures de
Syndics des drapiers
un
s'é-
qui refusent absolument de
et
crime aussi de regarder comment sont faites
se de-
portraitiste impeccable. L'effigie qu'il
vient de dessiner n'est guère ressemblante. Certes,
cherchent
de
est tenté
les
les écoles
à défendre l'école noutout et
bel ivrogne
il
a
même
écrit
de Van Ostade aune
peints, lui qui a parfois parlé des motifs
ou symboliques avec un sans-façon dont on
se rap-
l'impertinence. Alors donc qu'on entend l'honnête Millet
s'exprimer
comme
il
vient de
le faire
à propos de l'écrivain ro-
JEAN-FRANÇOIS MILLET. mantique, on
de croire à une méprise, aux souvenirs
est tenté
altérés d'une discussion confuse où, tout le fois, les
327
opinions s'embrouillent
monde
parlant à la
On
n'y voit pas
et s'exagèrent.
toujours clair dans l'exaltation du combat.
mois de l'année 1870 à prépa-
Millet consacra les premiers rer son
Salon.
Novembre,
Femme
un motif
et
qu'il
reproduit plusieurs
a
Mon
cher Sensier, ayez
Salon dernier sur
la
notice
n'ai point je
la
fois,
battant le beurre. Barbizoïij
K
«
un grand paysage,
avait résolu d'exposer
11
de
les dates
les voir. Je
mars 1870.
complaisance de recueillir sur
la
des médailles,
qu'il est besoin de
etc.,
livret
le
du
mentionner
accompagnant l'envoi des tableaux au palais de ITndustrie. Je livret, et je
ne sais pas
oti je
vous demande, d'autant que peut-être
moment « Mes
16
tableaux sont dans
l'atelier
trouverais les renseignements que
je
de de Knyff où
ne suis point fâché d'avoir pu
plus vaste que
grande distance
mon ;
atelier.
luais
il
n'arriverai à Paris qu'au dernier
supportent,
Ils
que
faut dire
là le
il
a
voir dans
les
est
beaucoup
lieu
convenablement une
je crois,
jour
voulu absolument
un
bon
détestable
et qu'il est
à l'Exposition. «
Si vous ne le savez point, je
Batteuse de beurre.
Quelques jours après, à voter pour constituer
Sur dix-huit jurés à précédente,
il
vous l'apprends
:
le
le
24 mars,
les peintres étaient
jury de l'Exposition qui
élire.
avait obtenu
Millet arriva le sixième. L'année
un
certain
nombre de
voix, mais
les
œuvres avaient
été refusées,
mière jeunesse, mais et la
membres
1S70. C'était une sorte de consécration tardive
sulfrage des artistes élevait à la dignité de juge celui
ron
appelés
allait s'ouvrir.
pas assez pour être élu. Millet siégea donc parmi
du jury de
Mort.
ma
de Knyff a acheté
»
même
dont
:
le
les
non seulement au temps de
sa pre-
en 1859, lorsqu'il
Bûche-
^^o\s,na\i le
:
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
328
La vembre
deux tableaux, No-
critique parla diversement de ses
Femme
et la
battant le beurre.
d'un connaisseur signala, dans mollesse d'exécution.
le
On
que plus
se rappelle
paysage surtout, une certaine
M. René Ménard
écrivait
dans
la Gaiette
Ces mottes de terre du premier plan sont cotonneuses,
«
et cet
instrument de labour, qui devrait du moins présenter quelques accents, est aussi
de grand
air et
mou que le comme c'est
reste
Nous
allâmes
Millet, la
Femme
battant
un tableau d'une grande tournure
beurre. C'est
;
la
femme
de visage, selon l'habitude du peintre, mais
est assez laide est
pourtant quelle saveur
bien l'automne!...
voir ensuite l'autre tableau de iM. le
et
;
elle
bien plantée, bien accentuée dans ses formes générales,
tout l'ensemble présente naître. Derrière
chef-d'œuvre'.
et
une ampleur qu'on ne saurait mécon-
moi, des jeunes gens disaient que
c'était
un
»
Au sentiment d'Alfred Sensier, l'hésitation n'était pas possible. La Femme battant le beurre présentait, comme Novembre^ des qualités de premier ordre. chaleur ordinaire dans Il
un
Il
s'en expliqua avec sa
faut en citer quelques extraits, et plus particulièrement
qui donnent la description des œuvres de Millet
Novembre, qui
«
de
de la Nature.
article sur les Peintres
figure
:
un champ que
le
:
un grand paysage austère comme une Journée et
des inhospi-
laboureur a tout à Theure hersé après
la semaille,
Toussaint, a toutes les âpretés de
la
talités
ceux
monte en sinuosités régulières jusqu'au
la saison des
faîte
tempêtes
d'un endroit où apparaissent de
maigres pommiers à peu près dépouillés de leurs feuilles; un chasseur passe sous
les
arbres
et
va descendre à
jusqu'aux horizons infinis.
masse compacte
I.
et
De
la
plaine qui se découvre claire
gros nuages se heurtent,
innombrable de corbeaux
Galette des Be.utx-Arts, i" juin 1870.
se jette, en
et,
sur
et
profonde
le ciel,
une
tourbillonnant comme
JEAN-FRANÇOIS MILLET. une trombe, sur encore
est
son
engagée dans
là
vous
office,
grain des sillons...
le
que
dit
la terre et,
Au pied du champ, la herse pesante comme l'agent passif qui a accompli champs
des
le travail
829
terminé
est
et
que l'hiver va
bientôt suivre les pesanteurs de novembre.
Ce paysage
«
ceau de y
Il
fait
terre,
qui engendre
de
comme une
banal
chose sans vie,
les colères
les effrois
et
terrible de la nature.
Il
une grande science
faut
rustique pour intéresser à ce point à ce lopin d'argile labourée
la vie
campagne,
la
le cri
de l'hiver.
parvenir à exprimer, par sa configuration
de
Millet a su dégager de ce mor-
jours néfastes de brumaire, aux jours du mois noir
comme aux
froid
M.
est vaste et solennel, et
majesté
la
et ses
et
alentours, la grande poésie
terreur des ciels, les modelés réguliers des
et la
terrains, la pauvreté des végétations et
la
lumière blafarde des mauvais
jours
La Batteuse de
«
la
en
femme
forte qui travaille
rude,
est
èez»v<? est
comme
la race
une scène toute rustique, où Millet
pour
le
pain
et
l'épargne de
mode gris et roux des belles du mouvement sont fermes, aux pieds, comme l'acte le commande;
dement présentée dans
le
fresque; les accentuations s'étend de l'occiput la fatigue l'a
Tout cision
'.
A
colorations de la
souples; la
le
geste
tête est courbée,
Le peintre volon-
la
sculpter avec pré-
les critiques discutaient ainsi
sur les œuvres
de lui n'a pas dédaigné de
taire et sûr
Le type
est très soli-
depuis longtemps appesantie sur sa besogne de chaque jour.
naturel, jusqu'au vêtement, jusqu'aux sabots.
ici est
la famille.
vouée au labeurdes champs.... Elle
a figuré
la
modeler
et
de
»
où
l'heure
de Millet sinistres
et
où
l'artiste
événements
songeait à de
se préparaient.
nouveaux tableaux, de
Les questions
pour bien longtemps, disparaître voilées dans bataille, et l'on
les
d'art allaient,
fumées de
la
put croire, en pleine civilisation, à un brusque
retour de la barbarie.
I.
de
la
sujet.
Revue internationale de
Batteuse de beurre,
Un
quis de
il
l'Art et de la Curiosité, i5
faut rappeler
que Millet a
mai 1870.
— A propos
traité plusieurs fois le
même
des exemplaires (bois, H., o^SSô; L., o'°,36) a paru h la vente du mar-
La Rocheb. en mai
1S73.
Il
a été gravé par
M. Martial pour
l'illustration
du catalogue. L'eau-fortc de AL Edmond Hédouin a été faite d'après un autre tableau. Ici, une porte entr'ouverte laisse voir un intérieur d'étable où une femme est
occupée à
traire sa vache.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
33o
fut
pas de ceux qui s'en-
délégation
du ministère de Tin-
L'ennemi approchait. Sensiér ne fermèrent dans Paris térieur,
avec
où
Millet quitta Barbizon,
le travail
de la famille,
la vie matérielle
allaient
la
envoyé d'abord à Tours, ensuite à Bordeaux.
fut
il
:
bientôt faire
lui
il
les
oi!i
des taches
paysage pacifique. Le 27 août, nant avec
et
eût été impossible et aussi
uniformes des uhlans
partit
pour Cherbourg, emme-
toute la maisonnée'. Ses premières lettres, adres-
sées les unes à Sensier, les autres à
à Londres, disent bien vrante période où
le
M. Feuardent, qui était alors
désarroi
et
le
trouble de cette na-
France, d'abord accablée, essaya de lutter
la
contre la rage froide d'un ennemi redoutable
avoir sur
les
au milieu du
désagréables
qui paraissait
et
questions de droit des idées très particulières.
Nous donnerons quelques
extraits
de
la
correspondance de
peu
Millet pendant la guerre. Inutile de dire qu'il travailla sérénité de l'esprit lui
des églogues
manquait
comme
du
Mon
cher Sensier,
17. Je suis bien aise
rapport de
la
temps
le
était passé. «
«
à nous tous, et
:
la santé,
je reçois
Cherbourg, 22 septembre 1870.
seulement aujourLi'hui votre
lettre
datée
de vous savoir à Tours plutôt qu'à Paris. Sous
nous allons bien, mais nous sommes
Toute correspondance paraît
arrêtée. Hélas! jusqu'à quel
le
très inquiets...
moment? Et quand
on aura des nouvelles, que seront-elles? Nous avons tous
la
tête et le
cœur
pris dans un étau. «
venir.
On parle beaucoup ici On arme autant qu'on
défendu du côté de le
la
mer, ne
de l'intention que les Prussiens auraient d'y le
peut; mais Cherbourg,
l'est
formidablement
si
point du côté de la terre.
On
doit inonder
Cotcntin... «
Il
dehors
I.
mann
:
m'est de toute impossibilité de faire seulement je serais
immédiatement écharpé ou
un
trait
de crayon
fusillé. J'ai été arrêté et
Millet avait eu soin d'emporter les tableaux qu'il peignait pour et divers
conduit
M. Hart-
paysages de Rousseau qui appartenaient au mC-me amateur.
JEAN-FRANÇOIS MILLET. à
un bureau
militaire
j'ai été
:
sur moi à la mairie; mais
relâché après qu'on a pris des informations
m'a
il
été
simulacre de tenir un crayon...
le
recommandé de ne pas même
bien
A M.
—
Feuardent.
Mon
«
ici,
Comme
11)70.
on pouvait enlever
l'horrible cause de
nous ne nous trouverions pas bien malheureu.x de notre
comme nous pouvons c<
Cherbourg, + octobre
pauvre ami, nous sommes campés dans
votre maison de la rue Hervieu. Si notre venue
faire
»
«
«
33i
».
lèvent d'affliction nous a tous dispersés
mon
démembrés,
et
pauvre ami! Tenons-nous à quatre pour ne pas nous répandre en lamentations, car
il
vraiment
faut
violence pour ne pas être en cet état-là
faire
se
continuellement. Et dire que ceux qui sont les causes de nos misères ne sont pas atteints rien n'était! «
Oh! pour
tête est
travail, c'est la
ne voie pas quand
vous qu'on
si
je sors,
fait
on
et
de
tristesse...
si
campagne,
Ce qui m'aurait
soit la
de
l'air le
ma
canne seulement,
plus farouche.
Tout
le
ma cer-
moyen que
mer, mais figurez-
moins,
le
tant
ici,
qu'il n'y a pas
vu seulement avec un calepin
était
de
six fois, et cela
comme
la vie
depuis notre séjour
vue des choses
soit la
reste sans calepin visible et avec
de
luxe de
le
immédiatement empoigné, pour
serait
en morceaux
même
eux, toutes les malédictions!
bourrelée d'inquiétude
tainement excité au je
donnent
Je n'ai pour ainsi dire rien
...
pauvre
qu'ils se
et
un
et
j'ai
peut-être mis
et
crayon...
Du
été interrogé plus
monde
est
monté
à
un
haut diapason de terreur, plus encore que de résolution.... «
que
J'en reviens à
je fais
mon
au troisième
Vraiment notre pays le
travail. J'ai en train trois petits tableaux de
oit le
est
beau,
jour et
est
bon, pourvu qu'on bouche une fenêtre.
comme
je
sens tout
voir en d'autres circonstances! mais réellement,
m'oublier un peu choses,
je
me
et
que
me
je
trouve égoïste
et je
m'en
u
Mes pauvres amis, nous vous embrassons
il
j'aurais à
m'arrive de la
vue des
est ici et aussi les Silvestre....
tous à grands bras.
A
vous,
»
On
voit,
par
les
confidences qui précèdent, que Millet
pas un cœur froid
grand désastre. pensée
quand
que
veux....
La famille Barye
n'était
le plaisir
surprends à avoir du plaisir à
«
à vous.
mer
On
lui laissaient
et qu'il sentait
vivement l'angoisse du
voit aussi que, lorsque les agitations de sa
quelque
répit,
il
essayait de reprendre son
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
333
pinceau
et qu'il
peignait des
provisoire, assez
aimé
la
mer
:
il
mal
installé
les fenêtres
au troisième
étage.
en comprit de bonne heure
rieuses, et, tout enfant, les falaises
mannes par
il
s'était plu, lors
les
Il
de ses promenades sur
de Gréville, à étudier l'énigme de l'enchanteresse
gent pour être tout à
lors et
fait sentis
II
pouvait comprendre
la
mer
:
les
vague exi-
l'infini
d'esprit
de plus
qu'il
a su, aussi bien
marinistes de profession, exprimer la
sérénité des
perspectives lointaines,
limpides
jeu
et le
;
divers tableaux exposés
de sa vente posthume ont montré
souvent mieux que
la
une certaine maturité
de cœur. Millet touchait à l'âge où Ton voit
près.
avait toujours
séductions mysté-
mais ces grands spectacles où l'horizon joue avec
et
d'un atelier
du rayon sur
la
profondeur des
l'eau lumineuse.
ciels
CHAPITRE XXXIII UNE LETTRE DE THEOPHILE SILVESTRE. I.
PROMENADES ET TRAVAUX.
aux approches de rennemi, avait
Millet qui, la
pensée d y revenir bien
à Cherbourg.
attendait.
Il
douloureux pour devenues
étaient
route.
il
lui
beaucoup de
a
lettres
se perdaient
en
du ministère de
l'intérieur.
Au commencement
de
reçut des nouvelles de son camarade.
Mon
«
1870 furent
Les correspondances
tous.
Il
nous
plus d'une année
Les derniers mois de
comme pour
dilîiciles;
vite, resta
quitté Barbi-
ignora longtemps que Sensier avait quitté Tours avec
Il
la délégation
1871,
LA PAIX.
VOYAGE A GRÉVILLE. RETOUR A BARBIZON.
l'insurrection de paris EN 187
zon dans
—
—
fait
Cherbourg, 9 fanvier 1871.
cher Sensier, vous ne vous imaginez pas
de recevoir une
de vous. Je
lettre
me
le
plaisir
figurais bien
que
cela
que vous
deviez être à Bordeaux...
Quand? comment
«
j'ai
la
haine de ce qui
La malédiction m'en
reste, je
et la
sortirons-nous de notre horrible état?
est
Ah
!
comme
allemand! Je suis en une ébuUition perpétuelle.
ruine sur eux
!
Je
me
sens à bout de forces, mais ce qui
l'emploie à vous souhaiter de ne point être, ni les vôtres, trop
violemment heurtés par
cette
immense
secousse. La mort est-elle en train de
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
334
bonne moisson
faire
de
finir et celle
qui
Les deux bonnes années pour
!
commence
!
(I
Mon
<(
cher Sensier,...
il
vient d'arriver
rellement vous connaissez bien pas et
les
elle
que
celle qui vient
»
Cherbourg, 27 février 1871.
une dépêche que tout natu-
ici
l'annonce de
:
On
la paix.
comme
conditions, ce qui aide encore à imaginer
ne nous en
dit
elles sont gentilles
douces... C'est toujours
«
une
petite
chance que Barbizon
et
nos maisons n'aient
Allemands à
Paris, ni à tout ce
pas été dévastées... Je n'ose pas penser à l'entrée des
«
qu'ils y peuvent faire. Quand ce pauvre Paris reprendra-t-il une allure un peu régulière? car il nous reste à très fort craindre ce que vont faire les partis,
puisque rien ne
la faveur des
pu
Je n'ai
«
santé y a été
les arrête et qu'ils
Oh
misères de tous. travailler
pour
!
cherchent au contraire à arriver à
haute scélératesse
!
beaucoup depuis notre séjour
ma
sa part et aussi le trouble de
tète.
ici.
Ma
mauvaise
Puis l'impossibilité
moindre croquis pour ne pas être déchiré comme Prussien. J'imagine que cela ne va pas durer et que je vais pouvoir un peu dessiner. de
faire
le
Qu'il y a de belles choses à faire
si
envoyé dernièrement deux tableaux
Nous vous embrassons
tous bien
on à
n'avait pas l'esprit
si
à l'envers
Durand-Ruel, un grand
un
et
!
J'ai
petit...
fort. »
Des deux tableaux que Millet venait d'envoyer à Londres, il.
en
est
un qui nous
phile Silvestre.
fait
lettre inédite
Il
en
fut
dans une
de Théo-
représentait la mer. L'écrivain passionné qui et
qui se montrait tout
guéri de ses froideurs premières, avait
bleau. suit
connu par une
venu retrouver Millet à Cherbourg
était
à
Il
est
véritablement transporté.
lettre qu'il
toujours à la recherche
adresse à
M.
du document
11
vu peindre ce
ta-
le décrit ainsi qu'il
Asselin
et
dont Sensier,
significatif, s'était
procuré
une copie. Cherbourg, 25 février 1871. «
Cher monsieur Asselin, vous avez trouvé Millet
femme, assez
ses
neuf enfants
bon tableau
de massacres.
et ses
patriarcal en 1871 et par ce
à table
avec
sa
fait
un
temps de honte, de ruine
et
deux gendres (retour du
siège), ce
qui
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
;^;^5
Je regrette que vous ne soyez pas passé deux jours plus tôt chez notre
«
mer
cher grand maître. Vous auriez été frappé du tableau de Londres... Voulez-vous savoir ce
d'envoyer à
que
c'est,
qu'il vient
ou du moins
connaître l'impression qu'il m'a faite? Voici
«
dans
un souvenir intense
c'est
:
environs du Caslcl
les
;
c'est
la
expansif de
et
mer,
de Gruchy
la falaise
haute mer, vue de haut
la
et
grandement vue par-dessus des roches surplombantes, son intumescence tranquille
lumière
son étendue
et
ciel
à perte de vue sature
de
de vapeur...
et
Les aspirations de
«
sous un
infinie
petit
morceau de
plus
prestigieuse,
émouvante. Ces
la
nature
qui
toile peinte,
ramenée à
et
de
la religion
de
est
de
trois solitudes
complexité
la
la simplicité la terre,
vivent ensemble dans ce
du
plus subtile,
la
plus élémentaire
la
la
plus
la
et
de l'eau sont rendues
ciel et
plus sensibles par quelques êtres vivants à peine perceptibles, voiles lointaines perdues dans les vaporisations nébuleuses, mouettes criant et tour-
noyant dans
le vent,
moutons
aux anfractuosités de
raissent
errants dont la croupe et la tête seules appa-
pacage épineux
ce
désert
et
:
voilà les points
de rappel de la vie dans l'immensité nue de ce paysage d'Ossian, où l'âme a besoin d'être seule, excédée qu'elle
aujourd'hui surtout, par
est.
plus
les
cruelles et les plus stériles agitations.
Ce
«
sition. Il
tableau, senti, exprimé
Quoique
le
est tout espace, tout
nalité
si
puissante,
l'étude, ne relevant
nature
et liée
Homère,
comme un psaume,
n'est
pas une
consommé,
c'est
«
travail de l'art y soit
si
compo-
une effusion
».
lumière, tout âme, ce cantique peint, d'une origi-
calme, originalité achevée
non pas
et
altérée
par
que d'elle-même, quoique profondément soumise à
par parenté spirituelle à tout ce qui
est
beau, à
la
la Bible, à
à Dante, à Michel-Ange, à Ostade, à Ruysdaël et à Claude.
Ce
tableau de Millet devrait s'appeler Terre, ciel et mer. C'est le triple portrait
ému
de ces trois éléments. Millet
est arrivé à
arrivé à tirer le grand d'un rien. c'est-à-dire
Du
un homme, un
haut de «
cette
poète
et
Il
un
est
me
que
vrai
peintre. Plus
roche de Gruchy, quel vol
Je n'ai plus de papier pour
l'apogée de sa carrière,
il
11
me
serait impossible,
lui-même,
simplifie, plus
il
touche.
dire tout à vous.
Il
...
ce rien, c'est
est
prend! Qui dat pcnnas?
«
«
il
il
mon
TH. SILVESTRE.
Cherbourg,
i<j
»
mars 1871.
cher Sensier, de vous dire l'époque
de notre retour à Barbizon. Je ne serais pas étonné que nous restions
ici
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
336
une
absolue qu'il y a pour moi
L'impossibilité
partie de Fêté.
que
d'après nature quoi
vue de tant de choses
ce soit et la
de faire
que
belles
Je
ne
serais pas sûr de retrouver plus tard et qu'il est bien précieux de noter, tout
cela va
me
D'un autre
forcer à rester encore.
s'occuper de choses d'art... tâcher que le
Comme
je suis
ne va pas de
côté, Paris
tout porté
me
mauvais temps qui m'y a poussé
si
tôt
veux au moins
ici, je
fasse faire
comme
bien
souvent aux enfants qui profitent d'une chute pour ramasser quelque chose par terre.
«
(I
Mon
«
En
Barbizon. vais
même
sommes
cher Sensier, nous
je
avril 1871.
tous bien contents de vous savoir à
quel terrible gâchis nous
pas en causer, car
Cherbourg, p
sommes
trouve que
Où
!
allons-nous
?
Je ne
Bicêtre féroce remplaçant
c'est
l'intelligence... «
mon
Prenez,
cher Sensier, autant de plaisir que vous
toujours là
choses de la nature, car
c'est
d'écarter (mais je ne le
peux pas
auxquelles
ne peux rien, pour
je
heureusement
me demande
beaucoup. J'en ai en train
tout naturellement faisant de
impressionnant
et a
je vais
mon
part,
esprit toutes ces horreurs
jeter
dans
le
mener
Durand-Ruel
travail.
n'ai
je
pu
d'autrefois.
On
est
en envoyer
lui
à fin aussi vite
mieux. Ce pays-ci
beaucoup d'aspects
ma
mon
des tableaux, mais
que
Je tâche, pour
le solide.
de
assez)
me
pourrez aux
le
que possible,
réellement bien
se croirait
(quand on
veut éviter certaines modernités) du temps du vieux Breughel. Beaucoup des villages font penser à ceux qu'on voit représentés sur les vieilles tapisseries.
Quand
il
!
pensait ainsi
Millet était loin allait,
aux
tapisseries
rusticités
fut
de Paris
de Tancienne école
de songer qu'un groupe
Un numéro
nullement et
il
de Cherbourg
fier
de la France
ne
du souvenir que
lui
au Gaulois une
lettre
mais que nous devons reproduire.
et
flamande,
d'artistes parisiens
lui apprit
nom
sur
son aventure.
envoyaient
les agités
notamment à
la Vigie
dont on connaît
le texte,
adressa à divers journaux, et
vaches
du vieux Breughel
dans leurs conciliabules bizarres, arborer son
leur affiche.
ne
les
»
aux paysages des
11
Quel dommage que
Les belles verdures veloutées!
sachent pas peindre
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
Clierbourg, 25 avril 1871.
<i
Monsieur
«
de ce mois
23
rcuacteur,
le
me tombant
d'une commission
le
numcro du journal
sous
d'artistes dite
yeux,
les
33/
la
France du dimanche
nomme membre
m'y trouve
je
Fédération des artistes de Paris.
:
Je refuse l'honneur qu'on m'a voulu faire.
«
Veuillez, monsieur le rédacteur, insérer ce simple
«
journal
agréer d'avance tous
et
mes remerciements
et
mot dans votre
mes
salutations très
distinguées.
MILLET.
« J.-F.
Clicrbourg, 2 mai 1H71.
(I
Mon
«
vu que donc
la
J'ai
?
cher Sensicr,... Est-ce
répondu
On
«
«
se
ces gens-là
!
Courbet
est
pourra appeler notre époque l'époque de
de s'écrier avec
jamais!...
tout de
qui
»
le
prophète
:
«
O
Mon
par ces temps d'horreur.
Ce sont
Vandales étaient des conservateurs.
chez
les autres
dans
les
monuments
publics
cher Sensier,...
où nous n'étions pas
mois de novembre, bien
!
Que
te
reposeras-tu se fait
Cherbourg, 27 mai 1871.
dirait-il
triste
et je
Nous sommes
?
<>
deux journées à Gré-
deux jours tout seul au
n'y étais pas retourné. C'est pour
lettre adressée à
Feuardent
et
la
le
dû savoir que
:
d'enthousiasme
ma fameuse nommation
a
maison où
sont morts.
M. Fcuardcat
lignes suivantes
« M""-'
Clierbourg, 20 juin 1871.
allés passer
émotion de revoir en étranger
Dans une
ne ravageaient-ils que
tenait tant à faire des peintures
allés tous. J'y avais passé
monde, où mes parents ont vécu
I.
tuerie.
du printemps qui
Au moins
Ce pauvre Delacroix qui
!
«
et
grande
'.
serait
des monstruosités sans précédent. Auprès de ceux-ci,
les
Mon
la
Ce
cher Sensier,... Est-ce assez horrible ce que ces misérables ont
de Paris!
«
Avez-vous prennent-ils
»
fait
ville
me
président, bien entendu
Je n'ai pas le courage de vous parler
même
Paris!
qui
épée du Seigneur, ne
(I
«
fait à
nommé? Pour
Je n'accepte point l'honneur qu'on m'a voulu faire.
:
Quels misérables que tous
le cas
triste ce
Fédération des artistes m'avait
1)
a dû être insérée dans plusieurs journaux.
10 je
des artistes de »
moi une grande je
suis
En approchant
venu au de cette
mai 1871, on retrouve n'ai pas la
les
accepté avec trop
Commune. Ma
réponse
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
338
me sens le cœur si gros que je n'y peux pas tenir. Oh tout ce que cela me fait venir à l'esprit J'ai aussi parcouru les champs où je travaillais autrefois. Où sont ceux qui y travaillaient avec moi ? Où sont pauvre maison,
je
!
!
les
pauvres yeux qui regardaient avec moi l'immense .étendue de
Ces champs sont à des étrangers qui ont maintenant
«
demander pourquoi mélancolie rien autre
et
j'entre
de tristesse,
pour
de m'en faire
là et
mon
me
où
Cette lettre,
de
me
Je suis tout gonflé de
sortir.
pauvre Sensier. Aussi
l'instant, tout ceci
mer?
la
le droit
ne vous parlerai de
je
tient et m'étreint. »
du cœur
la sincérité
parle avec
un accent
qui ressemble à de Téloquence, est une inspiration naturelle,
d'une
le cri instinctif
âme hantée par
souvenir. Hélas
le
de grands poètes, beaucoup ont pu, en revoyant
être
où
prairies
les
ont aimé,
ils
refaire
redire
et
sans
!
bois et
les
Tristesse
la
d'Olympio. Dans sa promenade aux champs paternels, Millet sans
le
vouloir, retrouvé
Ma
vers mélancolique
le
maison me regarde
et
ne
me
Mon
«
cher Sensier,...
longtemps prends séjour pluie
:
les
pour dans
maintenant par
trouvé dans c'était
la
à Grévil'e
(à
mon
Dans
les
désire depuis
mon
grande chaleur
avait soufflé
je désirerais
et
ce bord-là avec
le
la
du nord,
donner à
mon
vent qui m'a cela
se
tableau
du
flot et
Tempèchent de
se soulever.
Le vent
serait ;
mais
me rappeler ce que j'ai tant de voudrais, mon cher Sensier, qu'il vous pour
endroit natal avec côtés et
est resté
une persistance incroyable. J'espère pourtant bien
consentira enfin à se mettre au nord, ne fut-ce qu'un instant,
je
notre
par
toujours des vents du sud-ouest qui, soufflant de terre, viennent juste-
à rencontre
suffira
et
par l'éblouissement du
encore
Si
si
endroit. Je
commencements de
travail sur place par le vent
difficilement.
commencements
physionomie que
l'auberge) depuis
je
partie des rivages de
ce]a.
la
que mes yeux supportent
contrarié dans les
ment
utiles
été très arrêté
je le suis
;
soleil
Grôville, 12 août 1871.
voudrais enfin réaliser ce que
une vue de quelque
faire
documents
ici, j'ai
Nous sommes
:
connaît plus.
Il
déjà quelque temps. Je
a,
moi
!
fois et si
et
que
de
qu'il
cela
longtemps vu. Oh! que
fût possible
de voir un peu
mon
J'imagine que ce pays vous plairait par bien des
que vous comprendriez combien
je
m'y sens de plus en plus
attaché.
JEAN-FRANCOIS MILLET. J'ai sans
doute pour cela des raisons que tout
comme moi que
sa
:
le
souvenir de mes parents
physionomie seule
serait
pour recevoir des impressions. endroit
!
suffisante !
de
monde
ma
ne peut pas avoir
jeunesse; mais je crois
pour attacher un
comme
encore un coup,
homme fait de mon
je suis
»
Certes, lettres.
Oh
et
le
339
aimait son pays, celui qui écrivait de pareilles
il
Toute
sa vie,
il
avait dit
le
charme de son paysage nor-
LE HAMEAU DE GRUCIIY VU DU COTE DE LA MER. (Dessin de
mand;
il
collection
y pensait à Barbizon,
porte avec les
la
lui
le
trésor de ses
de M. Alfred Lebrun.)
comme un homme qui emavait, même dans souvenirs, et,
il
environs de Vichy, trouvé des coins verts qui
laient le village natal.
à un ami cjue
Son bonheur
les falaises
eût été de faire
de Grévillc étaient
le
lui
rappe-
comprendre
plus beau lieu du
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
340
monde.
Le
Cette joie lui fut donnée.
arrivait à
Dès
3 octobre 1871, Sensier
Cherbourg. le
lendemain,
série d'excursions
vons abréger
dont Sensier avait ébauché
ses notes.
series sans fin,
deux camarades commencent une
les
Dans
et
a
l'artiste
fantômes
les
ressuscites par les spectacles de la
Sensier virent Beaumont, Jaubourg
de Vauville, dont
de-
promenades coupées de cau-
interrompues par des entr'actes où
du passé revenaient toujours nature, Millet
ces
Nous
le récit.
fait
un dessin à
et le
prieuré
plume. Le 6 oc-
la
tobre, les voyageurs rentraient à Cherbourg. Mais, quatre jours
après,
ils
Gréville, le
recommençaient une nouvelle excursion. ils
voyaient
hameau de Gruchy où
maison paternelle et
l'église et le
Millet
jardin
et le
où
cimetière fit
que des étrangers possèdent aujourd'hui.
Millet était obligé de faire
un
un peu plus
loin,
son camarade
la
En
douloureux
efibrt
revoyant ces et
charmants,
héroïque pour ne pas écla-
en sanglots.
Ls peintre
12 octobre,
un dessin
Cousin dent.
Ils
on
s'arrêta
caractérisé,
Le lendemain,
maîtres.
et,
visiter à
allaient à
avait joué dans son enfance
il
lieux, consacrés par des souvenirs
ter
et,
Ils
»,
un paysage qui deux amis
les
le village
après une nouvelle
se quittèrent. Sensier avait Il
«
hameau
M. Feuar-
d'ÉcuUeville, la vallée de la Sabine
croyait s'être
là, le
peintre et son futur historien
conservé de ce voyage
promené dans (I
Mon
visitèrent le
promenade au prieuré de Vauville, on
rentra à Cherbourg. Mais
«
rappelle les anciens
motif d'un tableau que Millet a peint pour
virent aussi
souvenir.
au Lieu-Bailly, qui a inspiré au
le
plus vif
tableaux de Millet.
les
Cherbourg, 26 octobre 1871.
cher Sensier,... Avec quelle activité
la
point beaucoup connu ce pauvre Grangedor, mais
Mort il
me
travaille!
.le
n'ai
semblait très sym-
JEAN-FRANCOIS MILLET. pathique. Je vous en
m'en
à Toccasion,
ai
comme
toujours oui parler
même
a dit la
chose
Mon
cher Sensier, nous comptons partir
Si le train n'a pas trop de retard,
(
les
P.islel
A
I.
bientôt donc,
s'occupa
n
il
I
-
BA
s
Barye,
novembre 1871.
mardi soir
à 5 heures 20.
à Paris mercredi
I
L L
matin vers
1
à
nous devrons arriver cher Sensier.
à
Rarbizon dans
ClLi-mont (Oise), en
iSiS,
moit
commencé
à
Paris
par
la
ma-
le
24 oc-
peinture,
l'application de la photographie à l'enseignement
devint professeur dans
la
»
eu plusieurs manières. Après avoir
ardemment de
Plus tard,
et
mon
Joly-Grangedor, ne
tobre 1R71,
ei
de l'ancienne collection d'Alfred Sensier.)
quatre ou cinq heures
tinée...
L EU
Chcibourg,
d'ici
nous serons
LA FERME DU
d'un bon cœur
»
'.
Il
<i
34'
du
une école professionnelle de jeunes
il
dessin. filles,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
342
Le tait
7
novembre
1871, Millet rentrait à Barbizon.
plusieurs tableaux terminés ou mis en train.
sédons pas peintures
la
liste
Nous
Cherbourg
indépendamment de plusieurs marines ou de vues hauteurs de
côte
la
normande,
ques scènes rustiques. Dans
il
les
s'était
complu
dont nous reproduisons
prises des
notes qu'il a laissées, Sensier
le
croquis'.
traire
Porteuse
Beaucoup
d'autres
:
tableaux n'étaient que des préparations ou des études. Millet
termina à Barbizon ou
comme
s'en servit,
il
ses
c'est la
vaches, porte sur l'épaule un vase de cuivre lait
:
à retracer quel-
mentionne une figure de femme qui, revenant de
de
n'en pos-
nous savons cependant à peu près quelles
:
avait faites pendant son long séjour à
il
rappor-
Il
les
point de départ,
pour l'exécution de peintures nouvelles. Barbizon, i"" diicembre 1871.
11
Mon
«
cher Sensier,... J'ai fouillé toute
pu retrouver
petit portrait
le
bouleversé qu'il
me
de M">= Sensier.
grande armoire sans avoir
Tout
a été
sera impossible de rien retrouver
pièce à pièce. Je vais «
ma
employer mes
si
complètement
que par un épluchage
soirées à ce débrouillement
du chaos.
Je serais bien aise d'avoir aussi vite que possible la bordure pour
mes
Falaises.
mes tableaux
«
Je n'ai pas osé déballer
«
Je suis en train de préparer
ma
roulés.
maison de Nacqtieville.
Vieille
Barbizon, 12 décembre 1871.
(I
Mon
c(
M'"« Sensier.
cher Il
très difficile à «
Si
Sensier,
J'ai
enfin
»
retrouvé
le
petit
dessin
d'après
était placé au milieu d'un cahier de papier, ce qui le rendait
découvrir.
vous voyez Detrimont,
conférencier et écrivain.
On
dites-lui
que
je travaille
à son petit Berger.
se rappelle les articles qu'il a publiés
dans
la
Revue
inlernationale que dirigeait Sensier et dans la Galette des Beiiux-Arts. I.
par M. et
a
Une Porteuse de lait, très différente de Edmond Hédouin. Le tableau original
été
vendu avec
sa collection au
ce dessin, a été gravée à l'eau-forte
appartenait h
mois de mai 1878.
M. Laurent Richard
JEAN-FRANCOIS MILLET. Seulement
les jours
qui donne
comme
sont
si
résultat
courts et
si
tristes!
On
343
n'y voit presque pas, ce
peu de besogne...
PORTEUSE DE LAIT. (Croquis de la collection de
«
Je
M.
Alfred Lebrun.)
viens de recevoir une lettre de
demande d'envoyer quelque chose pour une
Beugniet dans laquelle vente qui doit se faire
il
me
au com-
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
344
mencement de
janvier prochain au profit d'Anastasi devenu aveugle. Avez-
vous ouï parler de «
Un
des tableaux que
n'est ni l'église
préparé
J'ai
pour Brame
je fais
de Gréville, ni
petite vallée près de «
vente?
cette
mal avancé. Ce
déjà pas
est
Lieu-Bailly;
le
c'est
une chose
prise dans
une
Cherbourg. la
maison de Nacqueville qui aura,
Vieille
crois,
je
quelque physionomie.
«
les
dire
!
me
S'il se
Vous
acquis par
que
le
le
Musée
Femme
lui
pour me
écrit
ses enfants, a été
Femme
qui fait
manger
ses
enfants,
a été parlé au chapitre xxi de ce livre.
il
qu'il a été
Une
a été donné.
le
catalogue d'Edouard
acquis par
tableau est en lieu sûr la vie
le
Musée de
et
:
Lille,
dans
pareille divergence
pas pour nous arrêter longtemps
scène de
m'a
Lille
manger
qui fait
?
tableau, la
non
du Musée de
directeur
que nous l'avons rappelé, assure,
bordure dont vous avez
sens aucune envie d'envoyer à l'Exposition de Nantes, mais
ai-je dit
dont
celui
la
trouve qu'on y envoie pour moi, j'en serai fâché.
qu'un de mes tableaux, ime
Ce
mes Falaises
travailler à
mesures à Durand-Ruel.
Je ne
aucune <i
pour
J'attends
«
donné
Ainsi
Reynart
mais
les textes
ce qui importe, c'est
qu'on peut
le
est
qu'il
n'est
que
le
voir à son aise. Cette
de famille appartient à une
série
de dessins que Millet a consacrés à célébrer
de peintures
les
et
enfants, leur
gaucherie charmante, leurs belles gourmandises, Tallure empê-
chée de leurs premiers pas,
et
leur
sommeil qui ressemble
à
celui des fleurs.
Millet avait eu neuf enfants, l'heure approchait être Il
grand-père
;
les petits
modèles ne
l'heure delets,
où ils
ils
viennent au
commencent
monde
allait
les
marmots, depuis
jusqu'au jour où, déjà gran-
à apprendre à
tion à la fois paternelle et
il
ont jamais manqué.
lui
a toujours aimé à peindre ou à dessiner
où
lire.
C'est à cette inspira-
campagnarde que
Millet a obéi
quand
s
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
346 il
de
a
fait
plusieurs des dessins qu'on admirait dans la collection
M. Gavet,
la Veillée,
la Petite Fille
V Enfant malade,
gardant des
oies et les
scènes familières étaient bien naïves parlé des enfants, de la maison,
le
Jardin de paysan,
Premiers pas. Toutes ces et
bien émues
:
Millet a
du foyer avec des tendresses
inconnues aux célibataires parisiens.
.
CHAPITRE XXXIV —
LANNEE 1872. «
MALADIE.
—
«
LEGLISE DE GREVILLE
LE VACHER RAPPELANT SES VACHES
Nous touchons aux
dernières années. Millet est installé à
Barbizon, qu'il ne quittera plus. Sa situation leure;
les
commandes ne
tableaux de
l'artiste
».
))
est
devenue meil-
se font plus attendre, et lorsque les
paraissent dans les ventes,
prix de plus en plus élevés
enfin la critique,
;
ils
atteignent des
désarmée sinon
convaincue, a mis une sourdine à ses plaintes. Millet semble arrivé au but. Malheureusement, sa santé s'altère de jour en
jour; Tàpre volonté cesse d'être la souveraine toujours obéic
bien des
fois, le travail
va devenir
difficile.
«
«
Mon
cher Sensier,...
que vous n'ayez que
comme
la
Nous sommes
Barbizon, 8 ianvier 1873.
bien grandement attristés de voir
maladie pour vous remettre de vos
le croient certains chrétiens,
Dieu
et,
afflige surtout
afflictions. Si
ceux qu'il aime
et
leur prépare par là une place plus haute, vous devrez avoir dans le paradis
un
siège bien élevé en gloire... « J'ai
vu M. Durand-Ruel
faire autant
de toutes
de tableaux que
tailles...
il
y a peu de temps.
je le
pourrais,
et,
Il
comme
m'a demandé de vous
me
lui
l'aviez dit,
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
348
Un
<(
monsieur
sont venus,
il
y
leur en faire un.
de
une dame américains, M.
et
Ils
comme
ont choisi
Shaw, de Boston,
M""=
et
me demander un
quelque temps, pour
a
le
Prieuré
Vaui'ille.
Detrimont
«
femme
et sa
sont venus chercher
Berger que vous
le petit
Detrimont m^a demandé un nouveau tableau...
savez.
Un
«
monsieur, employé chez Durand-Ruel,
nom, mais que vous connaissez tableaux.
n'ont
Ils
Ainsi
Bruyas,
les
aucun
mal...
commandes
bien, est
et
dont
venu hier
A M.
Alfred Bruyas.
demande que vous me J^ii
seulement
arrivaient de toutes parts
l'artiste
que vous désirez, depuis «
M.
:
mon
retour
à cause des
de ses
Malade
et
Barbizon, 25 avril 1872.
— Monsieur, croyez-moi
faites
lui.
Alfred
dut réclamer un délai.
par votre
lettre
du 8
très
honoré
et flatté
de
avril.
grand regret de ne pouvoir
le
le
déroulé mes
»
11
«
ne sais pas
a
qu'il connaissait déjà et qui possédait plusieurs
surchargé de besogne,
<c
je
et
œuvres, demanda à Millet de travailler pour
la
tableau. Je dois
dans mes dessins,
sujet,
faire
immédiatement
demandes nombreuses qui
ce
m''ont été faites
ici.
Vous pouvez bien compter cependant que je n'oublierai point l'objet demande et que je m'en occuperai très activement aussitôt que
de cette
j'aurai la possibilité de le faire. «
Vous pouvez bien
sion qui «
ment, taillés «
me
fera faire
Ce que vous me et c'est
croire aussi
que
je serai très
heureux de toute occa-
personnellement votre connaissance.
œuvres de Barye ne m'est point un étonne-
dites des
bien ainsi que
je
pense de
lui. C'est
un des
artistes les
mieux
pour l'accomplissement des grandes choses. Je suis très heureux de vous voir faire quelque cas des petites choses
que vous avez de moi. «
Recevez,
considération
1.
'.
je
vous en
prie,
monsieur, l'assurance de
ma
très
grande
»
Cette lettre a été reproduite en fac-similé à
la
fia
sement inachevé, que Théophile Silvestre devait publier sur
du
livre,
la galerie
malheureuBruyas.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
Barbùon,
«
.
de
Mon
«
cher Scnsier,... Tillot m'a remis votre
vente Carlin, dont
la
remis aussi
pour
suis content
ma plume. A samedi ou
Mon
«
guère
mon
lit
et je suis si agité
Oh que
dimanche...
!
je
contenant
me
les prix
concerne'.
J'ai
plus geint que
que
je
ne peux
m'a
Il
faire aller
ne suis pas remis
!
Barbizon, û août 1872.
cher Sensier,... Je n'ai point terminé
peu de besogne.
fait
lettre
ce qui
Il
J'ai fait
mai 1872.
i"'
volume de Constable.
le
Je vous écris dans
"
je
349
je n'ai
mon
Eglise de Gréville.
puisque
travaillé,
qu'une ébauche de tableau. Vous en connaissez
le
je n'ai
sujet
Un
:
vacher rappelant ses vaches au son de sa corne. Fin de jour-. J'ai aussi travaillé à
«
Barye
«
est ici.
Je ne
ma Femme
cousant à
ne sort pas encore, quoique allant mieux.
En
1872
tableaux à
promis à M. Hartmann
et
la fois.
tra-
Il
Sans parler des paysages
toujours attendus,
et
de
la
Jeune
berçant son enfant dans ses bras (figure de grandeur na-
turelle),
M. Shaw Il
peignait
il
et
s'agit
le
Prieuré de Vaupille pour l'Américain
bien d'autres tableaux encore. Malheureusement,
de
la
vente
C,
que pur un tableau,
senté
il
»
commencées à Cherbourg.
qu'il avait
vaillait à plusieurs
1.
le voir, car
en 1873, Millet s'occupa d'achever quelques-
et
unes des peintures
Mère
la lampe...
point vu encore. Je vais aller
l'ai
le
qui eut lieu
le
29 avril 1S72. Millet n'y
Clair de lune (H., o™,46
;
L.,
o"',64).
était repré-
Théophile
Gautier en parlait avec enthousiasme dans l'introduction du catalogue. aussi, disait-il,
un
Millet magnifique,
le
«
y a
Il
plus beau Millet qui soit assurément,
pur chef-d'œuvre, un Clair de lune sur un pare à moutons.
un
L'impression est
grande, solennelle, et jamais on n'a revêtu de plus de majesté une simple scène
de
la vie rustique. 2.
de
la
«
Le Vacher rappelant
vente de
tion, rappelant
presse dans
un
l'atelier
ses vaches est décrit ainsi qu'il suit dans le catalogue
de Millet
:
«
N»
au son d'une trompe pli
du
42. le
—
Le vacher
est
debout sur une éléva-
troupeau qui arrive de toutes parts
terrain. EiTet de soleil couchant. (H., 0^,92; L., o°',66.)
et se »
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
35o
une
nerveux
sorte de malaise
et le
fréquent retour de doulou-
reuses migraines diminuaient étrangement les heures que Millet
pouvait consacrer au travail. Parmi
tableaux qui l'occu-
les
paient alors, plusieurs restèrent inachevés
ce sont ceux qu'on
:
a vus lors de sa vente posthume. D'autres furent terminés,
mais Millet
les
conservait encore, dans la pensée de les re-
prendre plus tard
de
fois,
croyait,
il
de
et
les
comme
tableau n'est jamais
fini.
retoucher, car, ainsi qu'il
l'a dit
tant
son ami Théodore Rousseau, qu'un
Au nombre
de sa mort, garnissaient son
moment
des œuvres qui, au
atelier, figurait V Eglise
de Gréville.
C'est la peinture qui fut achetée par l'État et qui se retrouve
aujourd'hui au Luxembourg.
Nous donnons
dessin qui a
ici le
servi de type à Millet'. L'église, bâtie sur la falaise,
mer qu'on tion, des
voit bleuir à Thorizon.
Autour de
la vieille
bandes d'oiseaux voltigent dans un
domine
la
construc-
printanier et
ciel
vaporeux. u
«
Mon
votre très lit
où
cher Sensier,
bonne
j'étais
lettre
m'a
il
du
été
Baroizon, 25 novembre 1872.
impossible jusqu'à présent de répondre à
17 de ce mois. Louise
couché depuis deux jours déjà
me
et j'y ai
Ta lue au bord de passé presque tout
mon mon
temps depuis... «
Vous avez évidemment
à toucher bien
en parlant de
des choses
Michel ^ «
A
propos de
l'article
de
***, j'avais
montrer un signe quelconque d'existence connais nullement
1.
les
usages de
Indépendamment de
acheter à la vente
un tableau qui
la
demandé à et il
Tillot
si j'étais
tenu à
m'a répondu que non. Je ne m'en rapporte donc absolu-
presse; je
l'Eglise de Gréville (H., o^jSg; L., C'jyS), l'Etat
de Millet une autre peinture du maître,
se rattache à son
ancienne manière.
On
les
voit aussi
quatre dessins de Millet, Bergère tricotant. Bergère assise,
les
fit
Baigneuses. C'est
au Luxembourg Couseuses
et
une
Église près de Cusset. 2.
Sensier travaillait alors
Georges Michel.
au
volume
qu'il
a
publié en
1S73,
Etude sur
S
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
353
ment à
ce
que vous croyez bon
Vous savez toujours
qu'il soit fait.
pense à propos de ces choses-là
:
me
ne point
ce
que
jeter à la tête des gens,
je
pas
plus que de jouer à Tindifférence.
Vous me
«
beaucoup, sur lequel
mon
de votre
dites vers la fin
lettre
des choses qui
cher Sensier. Elles viennent remuer
je suis établi
et
me
le
sur cette pente-là...
Mon
«
cher Sensier,...
gauche. Mais
beaucoup.
je suis
Mon
le
je
ne
sais
jusqu'où
J'ai
sang
Barbizon, 31 décembre 1^72.
eu effectivement très mal aux yeux... Je vais
me
rougisse encore de temps en temps l'œil
accablé de malaises. Je travaille peu, ce qui m'afflige
Prieuré
Les mesures pour
(t
fond de mélancolie
»
Il
bien mieux, quoique
touchent
remettre à Fesprit les années écoulées. Je ne
m'étends point là-dessus davantage aujourd'hui, car j'irais
me
est resté tel la
croix
que vous
le
connaissez...
du tombeau de Rousseau seront exactement
prises. «
Voici l'année 1872 qui est allée où vont toutes les années!
vous embrassons tous, vous
et
peut souhaiter à ce qu'on aime
Marguerite, le plus. »
et
— Nous
vous souhaitons tout ce qu'on
CHAPITRE XXXV LETTRE
A M.
CAMILLE LEMONNIER (1873).
RECHERCHE DU TYPE. LE VIGNERON AU REPOS ». VENTE DE M. L A U R E N T - R LES DERNIÈRES « BERGERES ». LA
«
En un
1873,
critique
Lemonnier nous tous,
C
H A RD.
y avait à Bruxelles
il
vaillant,
M. Camille
heureusement pour
qui, est
I
encore de ce monde.
M. Lemonnier a toujours combattu pour Tart
^
dans de
la
collection de M"^' sonsicr.)
petit livre
la vie
l'accent
moderne. Le critique belge
chure
intitulée
lâyo.
Il
Camille Lemonnier
:
Suloii dc Paris ;
eut ridée d'envoyer son
et
pour exprimer en quelques phrases
la
il
fut très touché.
profita
Millet
de l'occasion
pensée qui, au point de
vue de son propre
idéal, lui paraissait
nante dans toutes
créations de
les
a toujours aimé
œuvres de peinture
au peintre de Barbizon qui en
remercia M.
il
avalt parlé de Millet dans une bro-
TÊTE DE FEMME. (Croquis de
les
libre,
devoir rester domi-
l'art.
23
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
354
Barbizon, 15 fcvrier 187},
Il
Monsieur,
«
vous
je
me
je
trouve très
de
flatté
que vous m\idressez,
la lettre
mes remerciements pour m'avoir
fais
et
connaître vos œuvres de
fait
critique d'art.
La récompense
«
plus enviable pour ceux qui se donnent
la
de faire de leur mieux,
c'est d'exciter la
Ceci revient à dire que
je suis très
d'exprimer certaines vérités de choses que
Ce
posséder.
ment
;
mais
trouve
que
n'est point
j'ai
heureux de vous avoir
l'art.
je
solide.
que
vite à l'écart
intelligents.
une occasion
mon
sujet des
la certitude
de votre juge-
pour que je
je
puisse vous dire (sans
vous loue
très fort
le seul
loin de le prendre par là, semblent croire
peut être seulement une sorte de montre d'habiletés profession-
Vous comprenez
comment
qu'il faut de nécessité à l'artiste
Comment un
pas
C'est
?
chien de chasse courrait-il après
donc en raison de
y a à s'occuper de
«
une
visée qui doit
sa visée et de la
êtes bien
dans
qu'il
un
cela,
ne soupçonne
gibier qu'il ne sent
manière dont
il
l'a
atteinte
l'artiste.
Je vous assure, monsieur, que,
merais bien fortement
Vous
pour arriver à un endroit
ferait-il des efforts
pas?
qu'il
pour
côté vrai,
dans un sens ou dans un autre, d'une signification étendue. Sans
être,
peine
croire assuré de les
choses par leur côté fondamental. C'est
Beaucoup de gens, bien
l'art
nelles.
les
la
moi-même.
défiance de
rencontrer dans mes propres jambes) que
considérer
me
n'ose
mette en doute
je
été
Seulement, vous dites à
souhaitables, que
si
Mais mettons-moi bien
«
me
je
hommes
sympathie des
le
type qui
s'il
est, à
n'en tenait qu'à
mon
ma
en m'attribuant l'intention de
le vrai
volonté, j'expri-
sens, la plus puissante vérité.
m'aperçois que je m'engage dans des chemins d'un bien
le faire.
difficile
Mais
ne veux point y aller plus avant. Si vous venez quelquefois à Paris
et je
que de
là
je
parcours, et
vous puissiez joindre Barbizon, nous pourrons un peu causer de
tout cela. Si jamais pareille idée vous venait, je vous serais bien obligé
de m'en prévenir, car bien que vaise chance pourrait Il
en «
qui
est arrivé ainsi
me
plusieurs
Vous m'excuserez
s'y
ne sorte point ordinairement, une
je
forcer à n'être pas là le jour
si
je
mau-
que vous voudriez.
fois.
découpe au haut de votre
trouve, mais je ne suis point sûr de la bien
lettre
lire, et je
votre adresse
risquerais de la
transmettre tout de travers. «
Recevez,
je
vous en
mes plus sympathiques
prie,
monsieur, mes remerciements réitérés
salutations. « J.-F.
MILLET.
»
et
JEAN-FRANCOIS MILLET. On
recherche du type, laccentuation de
le voit, la
sionomie, c'étaient
là,
à ce
préoccupations de Millet. et,
dans
cette recherche,
qu'aux maîtres primitifs en poursuivant tère,
avait,
il
le
lui
reproché
il
et
dire,
lui était
il
principales
y avait pensé toujours,
même
arrivé la
aux peintres sincères du
aventure
xvi''
siècle
;
la lai-
—
et
a certes assez
—
que, systé-
aux
matiquement
hostile
idéalisations
banales,
ne
A vrai
les
phy-
son
sur
deur. Je veux dire le
moment du moins,
la
carac-
chemin, rencontré
on
355
craignait
donner place
il
point
de
dans
ses
compositions rustiques à des figures d'un aspect rude, d'une individualité
quelque peu grossière ou
du moins mal d'une
dégrossie,
qui
expression
semble avouer que
humain
n'est
pas
PETITE MENDIANTE DE BARBIZÛN.
l'être
(Dessin de
la collection
de
M"°
Sensier.)
tou-
jours prodigieusement au-dessus de l'animal. C'est la tendance, peut-être trop peu dissimulée, qui exerça tant de fois la verve
de Théophile Gautier
même veau.
signalée par
Dans
terre a
et
de Paul de Saint-Victor,
et
qui fut
Thoré à propos des Paysans rapportant un
VHommc
à la houe,
la tète
quelque chose d'inquiétant
:
du
elle
terrible ouvrier
n'est
de
pas non plus
la
très
embellie, la Petite Alendiante de Barbi^on, dont nous donnons
le
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3b6
croquis le
enfin,
;
il
d'une beauté tout à
n'est point
Vigneron au repos, qu'on a vu à dont on retrouvera
M. Gavet
et
M. Burty
a bien compris
écrit
Quoi de plus
«
:
le
terrible
fait
avenante,
vente des dessins de
la
une reproduction
ici
fidèle.
sens de cette figure lorsqu'il a
que
Vigneron au repos,
le
assis,
suant, les bras pendants entre les jambes écartées, les mains
ayant pris des nodosités de ceps de vigne, la
bouche ouverte,
demande un
dur
si
front presque incapable d'assembler des
le
celles qui se rapportent à cette
que
idées autres
pieds poudreux,
les
effort'. » Millet était
vigne qui
convaincu que
lui
l'ex-
pression sauve tout. (I
«
Monsieur Hartmann,... Vous pouvez compter que vous remporterez
votre tableau, intitulé
le
Printemps
mai). J'aurai aussi avancé les les
Meules
:
je
Mon
tils est
vous
le
promets absolument (pour
et travaillé à tous.
tableaux de Rousseau. Je n'ai point «
Barbiron, i8 février 1873.
ce
fait
que
j'y
comptais
emploiera de son mieux. de
aise) le désir
«
il
jeter
de
Il
la
poudre aux yeux des gens
:
j'en suis
bien
fait ce qu'il
peut,
(et
il
peut.
un tableau pour Durand-Ruel
au commencement de
la
;
je
tâché de faire
vue de dos
«
A
le
et
un peu
reculé dans le tableau.
quelques dindons.
terrain et sur
vous,
mon
J'ai aussi
un plan plus
Mon
J'ai
tait
figures,
et
le
la fin.
que
j'ai
une femme le
village
bas...
cher monsieur Hartmann.
cher Sensier,...
Comme
tâché de faire deviner
u
«
compte
semaine prochaine, au plus tard à
C'est un terrain avec un seul arbre presque dépouillé de feuilles
derrière
Il
bien croire qu'il s'y
n'a point eu jusqu'à présent
Je travaille à terminer
lui livrer
faire...
bien content d'avoir à faire deux tableaux pour vous.
va s'occuper à chercher ses compositions. Vous pouvez
comme
Laissez-moi encore
»
Barbizon, i" avril 1873.
un dessin pour
la
vente Giraud,
un
Berger. «
I.
M.
***
m'a remis dimanche dernier
Burty, Maîtres
et
le
de la vente Laurentcatalogue 5'-
Petits Maîtres. 1S77, p. 304.
fiuf^es
I.
A
BERGERE AVEC SES MOUTONS.
(Dessin rehaussé de
la
collection de
M. Georges
Petit.)
A'
ff-iTflJt'r
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
358 Richard...
m'a
Il
dit
que
un
c'était
très
beau catalogue. J'avais besoin d'une
assurance pour en être convaincu.
telle
Comme
«
chose
est
la salle
que deux tableaux à
je n'ai
possible, que
cette vente, je souhaiterais, si la
deux tableaux ne soient point placés au bout de
ces
pourquoi
d'exposition. Je ne sais
le
jour m'a toujours paru là moins
bon que sur les longs côtés. C'est là que votre beau tableau de Rousseau, les
Sables du Jean de Paris, se trouvait placé à sa vente,
place a
un peu empêché son
Je m'en
«
fie
La vente qui
à la lampe. Je suis inquiet,
je
suis inquiet
se préparait et qui mettait Millet
du maître
:
M. Laurent-Richard la
Femme
Lessiveuse atteignit
(celle
était
vendait
se
vendue
qui a été gravée par
M.
si
nullement
38, 5oo francs; la
Du
venu pour
reste, le
2 5, 000
francs,
et
mo-
Quelques
Millet.
du marquis de La Rocheb.,
jours après, à la vente d'oies
fut
prix de i5,35o francs.
le
!
possédait alors deux tableaux
Lampe
à la
ment des grandes enchères
Troupeau
cette
dans une
belle inquiétude eut lieu le 7 avril 1873. Elle ne fut
désastreuse.
que
que vous pourrez obtenir de mieux. Demandez aussi
à ce
ma Femme
qu'on vernisse
et je crois
bel aspect de se produire.
le 5
mai,
le
Baratteuse
la
Martial), 14,000. Si Millet avait
eu de Tamour-propre, ces prix retentissants l'auraient consolé
de ses infortunes anciennes. Barbizon, 18 mai 1873.
Mon
«
cher Sensier,...
il
faut
inquiétantes, puisque la vente
logue «
et
autres qui ont été
Silvestre
m'a envoyé
Je vous en dirai
mon
est
les
choses politiques sont
remise, malgré les frais du cata-
faits.
les
avis
deux premiers
quand
articles
j'en aurai lu
de son Salon au Pays.
plus long, car
je
suppose
m'enverra tout.
qu'il «
Mon
Printemps, pour M. Hartmann,
bientôt l'en avertir et lui
M. Durand. bien
supposer que
Faure
me
demander
s'il
est à
consent à
peu près terminé. Je vais le laisser
voir
Si les choses politiques étaient trop troublantes,
le dire, car je
m'abstiendrais de montrer
mon
vous voudriez
tableau en de telles
circonstances. «
N'aurez-vous point senti l'odeur des galettes de
un peu chez
la fête
? »
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
«
Mon
«
fert.
cher Sensier,... depuis que
La toux nVa
mence
à aller
Cette
ment un
assassiné. Voici
mieux.
«
.Te
»
bien réel.
mois qui suivirent,
Au
j'ai
l'artiste
beaucoup soufje
et
durant
et
d'un accident que ses
toute énergie.
plusieurs tableaux.
les
ou moins malade.
beaucoup. Une toux malencontreuse
des semaines, toute vigueur
»
malheureuse-
d'une hémorrhagie terrible
fut pris
com-
vous assure.
était
avait été plus
il
commença
je
printemps de \8j3
n'e.xpliquent pas,
il
vu,
ai
dont parle Millet
juin, à la suite
moins,
ne vous
seulement quelques jours que
Par une nuit de
l'aïfaiblit
Barbizon, 2a septembre 187J.
suis en bien grande démolition,
démolition
fait
je
BSg
lui ôtait, Il
On
lettres
qui
et
pendant
travailla néan-
a vu, lors de
vente de son atelier, quelques-unes des peintures
de
la
cette
époque, esquisses ou compositions qui, au grand regret de ses amis, sont restées à moitié chemin. train
deux tableaux
projets, qu'il
différents,
Il
avait
notamment mis en
deux Bergères. Dans
n'acheva pas, on voyait à l'horizon
la
l'un de ces
tour du
mou-
je crois, fut
poussée
plus loin, la bergère rentrait avec son troupeau. Déjà
le soleil
lin
de Chailly; dans l'autre peinture qui,
était
couché
:
une jeune
fille
dont un chien, placé sur un
marchait suivie de ses moutons
tertre, surveillait le défilé hàtif.
Le
paysage s'enveloppait de vapeur. Millet a toujours bien compris les
mélancolies du soir
premières
étoiles.
et
l'heure silencieuse
où s'allument
les
CHAPITRE XXXVl LES TABLEAUX DE M. HARTMANN (1874). LA CHAPELLE SAINTE-GENEVIEVE AU PANTHÉON.
MORT DE
DERNIÈRE PROMENADE.
La correspondance de
J.-F.
MILLET (iSjS)
Millet, déjà ralentie en iSyS, s'ar-
brusquement au printemps de Tannée suivante.
rête
dent que récriture,
une
fatigue.
camarade faisait
si
facile jadis
au vaillant
Il
artiste, est
est
évi-
devenue
Assurément, l'amitié que Millet avait vouée à son
restait
aussi
des progrès
:
vivace qu'autrefois; mais
la
maladie
pour 1874, nous n'avons retrouvé qu'une
lettre. Barbizon, 18 mars 1874.
«
Comme
il
J'en suis arrivé à
y a longtemps que
un
état
de santé
faudrait faire d'un jour à
un
pensé à vous tout de même. Si
je
si
ne vous
écrit,
corps
mon
cher Sensier!
remets ce qu'il
me
vous prie de bien croire que
j'ai
languissant que
autre... Je
mon
ai
est
je
devenu plus
faible,
mon cœur
n'est pas refroidi... «
M. Hartmann m'a
visite vers la fin
miné a
et je suis
Tout
On se était
le
écrit,
il
y
a
quelque temps, pour m'annoncer
de ce mois»ci. Son tableau des Meules
est à
peu près
sa
ter-
occupé à donner une bonne poussée à celui des Batteurs...
monde
d'ici
vous embrasse.
»
rappelle que, pendant les années
où
le talent
de Millet
dans toute sa force, l'administration des Beaux-Arts n'avait
JEAN-FRANÇOIS MILLET. montré pour
36i
aucune ferveur exceptionnelle. Les applaudis-
lui
sements qui éclatèrent en i86S, lorsque
l'artiste fut si
tardive-
ment décoré, auraient peut-être pu faire soupçonner aux ministres et
à leurs collaborateurs que Millet représentait quelque chose
dans
moderne.
l'art
s'acharnèrent à ne pas comprendre,
Ils
ne voulurent pas savoir bizon,
un
qu'il
ils
y avait, très loin de Paris, à Bar-
une main savante qu'on aurait pu em-
esprit grave,
La République essaya de
ployer à une grande œuvre.
réparer
ce long oubli. L'administration des Beaux-Arts, dirigée alors par à qui l'honneur de l'art français fut toujours pré-
un écrivain cieux,
M. de Chennevières,
corer de peintures
avoir
l'air,
réparti.
une
M.
On
église.
que
paraît
il
sait
conçu
du Panthéon ou de
Panthéon
le
comment
pensée de faire dé-
la
murailles
froides
les
Sainte-Geneviève, car
avait
immense
cet
Chennevières, que ce choix
de
jours, n'eut garde d'oublier Millet.
Le
12
sans en
est,
travail fut
honorera
mai 1874,
le
tou-
ministre
somme
de
5o,ooo francs pour l'exécution des peintures décoratives de
la
signa
un
arrêté qui allouait
au poète rustique une
chapelle Sainte-Geneviève.
Hélas! cette
gramme,
commande
arrivait bien tard. D'après le pro-
Millet devait peindre
le
Miracle des ardents,
cession de la châsse de sainte Geneviève,, en tout
quatre grands
et
quatre
petits. 11
chargé d'un
si
Il
à
était
beau
la fois
travail...
huit
Pro-
sujets,
commença immédiatement
chercher dans des croquis au fusain compositions.
la
le
plan
et
épouvanté
La mort ne
à
l'économie de ses
heureux
et
d'être
permit pas de
lui
l'exécuter.
Millet, visite
de
— on
l'a
vu par
M. Hartmann
qu'il faisait
pour
lui.
la lettre
à qui
il
précédente,
— attendait
la
voulait montrer les tableaux
Trois mois s'écoulèrent
et
l'amateur ne
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
362
venait pas. Enfin,
le
juillet
9
Une
arrivèrent à Barbizon.
1874,
M. Hartmann
note trouvée dans
et
Sensier
papiers de
les
Sensier nous apprend qu'à cette date Millet était occupé à ter-
miner
Prieuré de Vaupille destiné à l'Américain M. Shaw.
le
Quant aux tableaux commandés par M. Hartmann et qui devaient célébrer les Saisons
par
représentation de
la
empruntées au calendrier de fini.
Millet travaillait
et
aux Batteurs de
quatrième motif.
était
sarrasin.
En parcourant
son attention se porta ailleurs.
Fatelier,
Nous vîmes
«
le
Printemps
la vie agricole, le
aux Meules
Sensier ne mentionne pas
quatre scènes
là,
écrit-il,
un autre
sujet,
déjà
presque
achevé, qui promettait de devenir une magnifique page. C'était
un souvenir du pays de
Millet,
une vue de
la
mer, encadrée
entre les montants de porte d'une barrière ouverte sur des terrains descendant vers le rivage. l'enclos et
dont on ne
d'exprimer couleur
le
était
vo3'ait
mouvement
que
Quelques vaches paissant dans la tète
des pentes
avaient permis à Millet
et la
d'une puissance extraordinaire.
virent sans doute
même
un des derniers tableaux de
Millet,
une lande.
On
rocailleux,
un âne qui
se rappelle le motif. brait.
Sur
la
du
sol.
La
»
le
Les deux visiteurs auraient pu voir
ciel
structure
jour
et ils
VAne dans
pente d'un terrain
Au-dessus du paysage, un grand
printanier où, poussés par la brise, s'enroulent en spirales
des nuages lumineux.
On
a admiré, à la vente de
l'artiste,
ce
tableau étrange et éclatant. Sensier resta une semaine avec son ami; on se promenait
lentement autour du village, on causait. Millet «
Un
jour cependant,
le
lendemain de
Millet se trouva plus dispos. étaient
réunis.
On
Tous
la
était
grave.
Notre-Dame
d'août,
ses entants et petits-enfants
décida que, tous ensemble, nous ferions
JEAN-FRANÇOIS MILLET. une longue promenade dans
La
jeunesse
Millet, sa
On
la forêt.
femme
et
nombreuse
moi nous
et
étions dans
dans
les
lignée.
encouragé ((
eut
Il
Les amis,
Vous et
la vie; :
était
limpide. Millet, lui sa
ou
s'abstiennent
beaucoup meurent ou
dis-
vous m'avez toujours soutenu,
»
La promenade dura longtemps. Nous revîmes ensemble
Bellecroix, la vallée de la Solle, les vieilles futaies, les
veilles
petite calèche, et
lassent
disait-il, se
êtes resté
compris.
;
pour moi des paroles pleines de bonté
dures occasions de
« paraissent. «
une
causeur, semblait heureux de voir autour de
et d'affection. « «
partit plein d'entrain.
en avant dans une grande voiture découverte
était
nous formions Farrière-garde. La journée expansif
363
de
le
mont Chauvet,
Calvaire,
le
rochers de Saint-Germain, toutes
les
mer-
aux inépuisables enchantements. Et Millet
cette forêt
revenait toujours sur les souvenirs des années écoulées, sur les
splendeurs de cette nature vivante dont
à rompre avec
les
vieilles
le
charme
l'avait
décidé
mythologies. Je n'oublierai jamais
cette journée. « il
Je revis plusieurs fois Millet à Barbizon et à Paris; mais
ne devait plus retrouver cet éclair de gaieté
souffrait sans cesse;
approchait.
il
comprenait que
fut
triste.
déjà bien affaibli, mais
Prieuré de Vainnlle,
il
Au mois
Il
jour du grand repos
et qu'il
améliorait ses projets.
de novembre, Millet
travaillait. C'est alors qu'il
l'envoya en Amérique.
souvent à ses décorations pour Il
la
esquissa la
un
termina Il
le
songeait
Leçon de couture qu'on
célébré à l'égal d'une poésie,
entr'ouverte, laisse apercevoir
était
chapelle de Sainte-Geneviève;
a vue à sa vente, paisible intérieur rustique où, le travail est
de lumière.
»
L'automne
il
le
et
et
comme
qui, par
toujours,
une
fenêtre
jardin plein de verdure.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
364
Au mois
amenant
quente, là
de décembre,
devint de plus en plus fré-
la fièvre
délire et de longues prostrations.
le
11
y eutçàet
des journées de calme pendant lesquelles Millet eut conscience
de son
état.
se sentait
Il
perdu.
femme
à sa
Il fit
les
recomman-
dations suprêmes, parlant beaucoup de ses enfants, suppliant sa
une mélancolie déchirante
famille de rester unie, et disant avec
mourait trop
qu'il
tôt, qu'il
mençait à voir clair dans
disparaissait
nature
la
et
>
Parfois,
malades, Il
il
retrouvait
voulut se faire
aimé
qu'il avait
dans
jadis.
com-
comme tous
les
une guérison possible.
un roman de Walter
lire
il
l'art.
sérénité, et,
feignait de croire à
critique
l'esprit
l'âge,
ou
croyait
il
un peu de
au moment où
Scott, Redgauntlet,
Mais l'impression morale change avec se développe
retrouva pas dans cette lecture
et Millet
ne
avait éprouvé
au
s'affine,
et
le plaisir qu'il
temps de sa jeunesse. Vers
la
de décembre,
fin
il
s'alita;
il
ne devait pas se
relever.
Sensier a consigné dans une note l'indication d'un détail
Aux
navrant.
premiers jours de janvier 1875,
et
alors
que
les
médecins ne cachaient plus leur inquiétude, Millet s'était endormi entre
deux accès de
fièvre.
Il
fut
subitement réveillé par un bruit
tragique où des coups de fusil se mêlaient aux aboiements d'une
meute.
Un
folle, avait
cerf,
traqué par
franchi les clôtures
d'un voisin. La
malheureuse
Millet, qui n'avait jamais
drame.
«
les
C'est
aimé
un pronostic,
chasseurs et s'était
bête les
dit-il
fut
et
pris d'une terreur
réfugié dans le jardin
cruellement égorgée.
chasseurs, resta frappé de ce :
ce pauvre animal, qui vient
mourir auprès de moi, annonce sans doute que, moi vais mourir. Il
aussi, je
»
disait vrai
:
il
ne devait plus vivre que pendant quelques
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Le grand peintre François
jours.
Millet
que
les
provoqua partout
Millet
On
regret profond.
rendit
sentiment d'un
le
un volume en réunissant
ferait
dernier
le
du matin.
soupir, le 20 janvier 1875, à six heures
La mort de
365
les articles
journaux consacrèrent au maître disparu. Les amis, ceux
qui depuis longtemps avaient compris, exprimèrent éloquem-
ment
sincérité de
la
s'émurent,
et ils
leur deuil
comme une
temps des
inditïérents,
eux-mêmes,
devinèrent que l'école française venait de faire
une perte irréparable. parisiens
les
:
vieilles
se produisit
Il
alors
explosion de sympathie
récriminations
était passé,
dans et
les
de
ateliers
justice.
et les
Le
ironiques
devinrent tout d'un coup sérieux. Le 6 avril 1875, s'ouvrit, au profit
la famille
de Millet, l'exposition de 46 dessins choisis
la collection
de
M. Gavet; au mois de
mise en vente,
et
dans
dans fut
de
Drouot
les
peintures,
l'intervalle
pour
pastels, les aquarelles, les croquis
ment de
On
la
vit là
mort de
l'artiste,
on avait adjugé à
plupart à
la
juin, cette collection
l'état
l'hôtel
d'esquisses, les
au crayon noir qui, au mo-
emplissaient l'atelier de Barbizon.
jusqu'où pouvait aller
la
pensée du maître
et
quelles
étaient la variété de sa manière, l'intensité de sa conviction, la
force de sa
main
et sa grâce.
Millet fut dignement loué.
Ceux qui gardent
bonnes pages de critique n'ont oublié
M.
Philippe Burty, dans
travail publié
la
ni les
deux
articles
de
République française, ni l'excellent
tant
d'amis,
et
où, grâce à
Stevens, ses œuvres avaient été admises dans
fameuses à l'heure où
les
M. Arthur
les collections
amateurs français conservaient un
reste de froideur, la Belgique ne le
souvenir des
dans ÏArt par M. Charles Yriarte. La Belgique,
où Millet comptait
éloges que
le
manqua
peintre de Barbizon
avait
pas de s'associer aux si
bien mérités.
Et
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
366
l'Amérique elle-même nous envoya un témoignage de son estime
M. Edward Wheelwright
de son regret. L'article inséré par
et
dans
la
revue the Atlantic Monthly de septembre 1876,
une
est
des études les plus instructives et les plus personnelles qui aient été publiées sur Millet.
Une plète.
pareille
énumération doit nécessairement
même
que Fromentin a
dans
la restriction qu'elles laissent paraître,
écrites à
propos de Millet
cœur bon, une nature vraiment sur
et
les
:
«
une âme assez haute, un
ginal de notre temps,
incom-
toutefois oublier les quelques phrases,
Nous ne saurions
sympathiques
rester
campagnards, sur
Un
peintre ori-
esprit triste,
rurale, a dit sur la
les duretés,
les
un
campagne
mélancolies
et
la
noblesse de leurs travaux, des choses que jamais
un Hollandais
a dites dans
un langage un
ne se serait avisé de trouver.
peu barbare et
et
les
Il
dans des formules où
de netteté que n'en avait
la
de compte,
Sa forme, sa langue, laquelle les
ou non,
a-t-il,
je
œuvres de
qualités qu'il faudrait
l'esprit
pour
on
le
compare à Terburg
et
infini
comme comprendre. En
de beaux tableaux?
ne sont ni ne vivent,
a-t-elle
consacrer un beau peintre
le
Cuyp
un gré
enveloppe extérieure sans
cette
bien assurer qu'il vivra longtemps? C'est côté de Paul Potter et de
a su
se faire
fait et laissé
veux dire
lui
peinture française,
la
d'un Burns moins habile à
la sensibilité
fin
On
main.
de ses tendances; on y a vu, dans
pensée a plus de vigueur
la
;
c'est
les
et le
un penseur profond à
un rêveur attachant quand
à Metsu
;
il
a
je
ne sais quoi d'in-
contestablement noble, lorsqu'on songe aux trivialités de Steen,
d'Ostade ou de Brouwer; rougir tous
I.
:
comme
comme homme,
peintre, les vaut-il
Les Maîtres d'autre/ois
;
2'
'
?
il
»
édition, 1876, p. 2o5.
a de quoi
les faire
JEAN-FRANÇOIS MILLET. Notre ami Fromentin, qui poussait l'inquiétude, vient de poser
répondra.
Nous
appartenant à
un
même
la
écrivain qui se
pensée.
Temps du
le
faire
les
d'un maître
y a dans toute œuvre années.
2
mars 1875 quelques
comprendre pourquoi
lire.
une
d'art
Millet
servira de
sera la dernière,
conclusion au volume qu'on vient de
les
y
les
parfois jusqu'à exprimer notre
compromet
trouvera dans
s'évapore avec
pour
génération qu'eux avait été entrevue par
fut cher. Cette citation, qui
« II
la dilîiculté
déiinitif le talent
titre
où Tauteur a essayé de
lignes
nous
On
indiscrète. L'avenir
que
devons dire toutefois
contemporains de juger à
clairvoyance jusqu'à
la
une question
36/
Un nouveau
sorte de
parfum qui
soufïle passe sur l'esprit;
générations qui surviennent, en quête d'un autre idéal,
restent parfois indécises et troublées
devant
tel
tableau ou
tel
dessin qui, à l'heure où l'artiste les acheva, ont éveillé dans
l'àme des contemporains tout un
Quelque chose de il
n'est
monde de
sentiments
et d'idées.
pareil arrivera peut-être à l'œuvre de Millet
:
pas impossible qu'on s'étonne un jour de l'extrême cha-
leur avec
laquelle sa cause a été défendue, lorsque tant de
résistances retardèrent son avènement.
véritablement dans
l'art
moderne
la
Ce rustique
occupait-il
grande place que notre
estime lui a faite? Pourquoi pas? Qu'on se rappelle à
quel
maigre régime nous étions condamnés, combien peu de spectacles consolants
rique qui
s'est
nous étaient
offerts
!
Pendant
la
période histo-
achevée en 1870, on a pu assister au travail
pénible de quelques artistes qui, sous prétexte de style, vraient dans
un monde
suprême. La vie
n'était
nements du début,
il
artificiel
pas
là.
et
à
l'ennui
Aussi, lorsque, après les tâton-
a été permis
simplicité saine et la franchise,
aboutissaient
manœu-
de saluer dans Millet
la
une certaine grandeur rayonnant
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
368
sur des types qui n'avaient rien de chimérique,
un ressouvenir
presque inconscient des méthodes chères aux vieux maîtres,
nous avons applaudi à son de
cette poésie
l'avenir le l'école
forme,
dira.
effort,
recommencée. Il
Si
nous sommes
au-devant
nous nous sommes mépris,
nous semble que Millet a apporté dans
un élément nouveau, une manière la
allés
généralise
et
l'agrandit.
reprocher d'avoir svipprimé
le
On
qui, en abrégeant la
serait
malavisé à
détail et éliminé l'accident
lui :
il
trouvé. Millet avait son idéal, et alors
cherchait l'essentiel,
il
même
pas toujours réussi à l'atteindre, son hon-
neur
qu'il n'aurait
est
l'a
d'avoir lutté avec une indomptable énergie pour rester
fidèle à la vérité
en échappant aux petitesses de
la prose,
»
CATALOGUE DE
L'OEUVRE GRAVÉ DE
existe
II
deux
essais
graphiées par Millet.
dans fait
de catalogue des œuvres gravées ou litho-
Le premier, qui est dû à
Galette des Beaux-Arts du
la
partie des
MILLET
J.-F.
i"'
M. Burty,
septembre i8bi
documents que M. Piedagnel
a
a été publié
second
le
;
ajoutés à son livre,
J.-F. Millet ; souvenirs de Ba?'bi{on (iSyôJ.
Les renseignements contenus dans ces deux catalogues ne nous ont pas été inutiles; toutefois nous avons dû les compléter rectifier
au besoin à
l'aide
et
les
des indications qui nous avaient jadis été
fournies par Alfred Sensicr et des informations nouvelles transmises
par et
la famille
et les
amis de
l'artiste.
Certaines eaux-fortes de Millet
quelques-unes de ses gravures sur bois sont tellement rares
pas été possible à nos prédécesseurs de
Toutes
les
les
connaître
et
de
qu'il n'a
les décrire.
pièces que nous enregistrons nous appartiennent.
I
E.\UX-FORTES I. file
— UN
PETIT NAVIRE. —
Le vent gonfle les voiles et le navire légèrement agitée. Nuages et oiseaux.
La mer est Deux épreuves connues. Tune
vers la gauche.
tirée
en bleu
et l'autre
en noir par Tar24
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3/0
avec des couleurs de sa palette.
liste
— Trait
à gauche
et
en bas
;
les autres
côtés sont restés sans le trait.
Etat unique. Haut., Gn millim.; larg., 52 millim.
— FEMME ÉTENDANT DU
2.
d'un corsage sans manches
La
par derrière.
et
LINGE.
d'un tablier dont
tournée à gauche
tète
et
— Elle
les
est
cordons relèvent
coiffée
A
un panier; dans
droite,
l'herbe,
un
battoir.
jupe
la
d'un bonnet blanc;
visage dans Tombre. Les bras nus jusqu'au coude, elle étale haie.
debout, vêtue
Au
le
linge sur
le
une
fond, maison couverte
de chaume. Cette pièce a été tirée, par Millet, avec de l'encre d'imprimerie.
Le
trait
manque
la
couleur plutôt qu'avec de
à droite. Haut., 92 millim.; larg., 94 millim.
3.
—
PETIT BECHEUR AU REPOS.
la droite, les
par un sillon; au fond, à
Dans
haut de
le
Petite figure tournée vers
planche, quelques lignes, de droite à gauche, indiquent
la
Imprimé par
le ciel.
—
manche de la bêche. Le terrain est relevé gauche, une femme s'éloigne suivie d'une vache.
bras appuyés sur le
Premier
le maître.
Eau-forte pure.
état.
Epreuve unique avec un croquis au
verso.
Deuxième
état.
Voir ci-après
le
n" 7. Haut., 40 millim.; larg., 70 millim.
4.
—
L'HOMME APPUYÉ SUR SA BÊCHE.
vers la gauche, la tête inclinée dans
manche de
sent sur le
devant traits; le
le
bêche
;
la
jambe droite
bêcheur, une large tranchée. Le
dans
haut de
Un
la
le
la
fond, lisière de bois
planche pour dessiner
—
l'attitude de la réflexion.
et toits
est
Debout, tourné Les bras repo-
passée sur la gauche
terrain est
;
indiqué à grands
de maisons. Quelques
traits
dans
le ciel.
seul état, eau-forte pure. Haut., 85 millim.; larg., GS millim.
5.
—
LES DEUX VACHES.
—
Paysanne entre deux vaches, qu'elle
Le groupe est tourné vers la gauche. A droite, un pommier du premier plan. Terrain accidenté dans le fond, avec bouquet de peupliers, près d'une échancrure du sol vers la gauche. Le ciel
fait
paître.
derrière la vache
en lignes allongées
Premier
état.
Deuxième
et parallèles.
Sans signature.
état.
Avec
la
signature J.-F. Millet.
CATALOGUE DE L'ŒUVRE GRAVÉ. Troisième
Quatrième Les
trois
A
Avec signature.
état.
qui ramasse des
Ces
fruits.
— MOUTON
PAISSANT.
Terrain
rasant Therbe.
Ch. Jacquc, dans
—
iji
La
à
i53 millim.
tournée vers
tête
de droite
incliné
inilliin.; larg.,
la
Sous
gauche.
gauche
et
signature
la
haut à gauche, un berger appuyé sur un bâton entre
le
deux moutons. Dans
le
bas à gauche, sous de larges
Jackson invenit etfecit. La planche a 184g.
la plancfie.
ont été imprimés par Millet.
états
Haut.,
6.
pommier, uue femme
droite, sous le
trois états sont très rares.
Des passages de roulette à travers
état.
premiers
871
été
traits,
on peut
lire
:
passée à la roulette.
Pointe sèche.
Premier
état.
Deu.xième
Celui qui
a été bitïée.
La signature de Charles Jacque pour assurer
la
vente de
Très rare.
est décrit ci-dessus.
La planche
état.
mise que par plaisanterie
n'a été
gravure qui fut
la
faite le soir,
sur
le
et
non
coin d'une
l'imprimeur Auguste Deldtre.
table, chez
La planche
biffée appartient à
M. Mouilleron. Haut., 4G millim.; larg., ii8 millim.
—
7.
timents 1°
CROQUIS.
—
La
planche
a
partagée
été
en
trois
compar-
:
La Femme étendant du linge un paysan
{n° 2
haut, se trouve, à gauche,
du présent cuisse
assis, la
catalogue).
Dans
gauche relevée
le
et les
bras croisés sur le genou; des traits de roulette en tous sens. 2»
Le Petit Bêcheur (N"
3"
Un
paysan
Roulette
pour
et traits
3).
s'appuyant sur
assis,
biffer la
bras gauche
le
et
regardant au loin.
planche.
Tiré à dix épreuves, sur vieux vergé. Rare. Haut.,
8.
M. Juéry,
contre un tertre. Elle
tombant sur
A
—
CROQUIS DIVERS.
l'adresse de
la
est coitîée
Devant
femme nue debout. Sur
bonhomme
Au
se dirige
derrière d'une planche, qui porte
une Tricoteuse, appuyée
d'un mouchoir; mante avec capuchon, jupe elle,
indication d'un grand arbre.
planche, une épaule avec l'avant-bras. Petit arbre au
milieu de griffonnements.
Dia\ delineavit.
le
millim.; larg., i52 millim.
27, rue de la Huchette, Paris,
les sabots.
gauche de
Sur
(ji
Deux
la droite,
dessous,
indications de narines et
une
tète.
A côté,
l'envers
un tronc d'arbre avec une branche; un
sous l'arbre. Griffonnages dans
Tiré à dix épreuves.
un croquis de
une signature à le
bas de
la
:
petit
planche.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
372
à
La Tricoteuse a été tirée à M. Hector Giacomelli et Fautre
part à deux à
épreuves
Fune appartient
:
M. H. Heymann. Haut., 191 niillim.; larg,, iigmillim.
9.
—
RAMASSEURS DE VARECH.
un homme, vu de
dos.
Il est
au bord de
la
—
mer,
Au
de
inilieu
planche,
la
pied droit appuyé sur
le
rocher, et tire avec force le varech à l'aide d'une gaffe. Sur sa gauche, à
plan plus éloigné, une petite figure
d'homme penché
légèrement indiquée. Planche préparée gauche, roulette passant sur
nage
le petit
en
un un
du rivage. L'eau non terminée. A
près
croquis
et
A
ramasseur de varech.
droite, griffon-
de pointe et roulette grise et noire.
Tiré à dix épreuves. Haut., 99 miUini.; larg., I23 millim.
—
10.
face par
—
LA COUSEUSE.
une fenêtre
Elle est assise sur
une
chaise, éclairée de
en losanges. Sur une planche, du linge
vitrée
et
une
pelote à épingles.
La
tète
enveloppée d'une marmotte
coudre un vêtement qui
est placé sur le
voir les sabots. Derrière panier.
Un
Au mur,
la
à gauche,
et
penchée, elle
genou gauche. Jupon
est
occupée à
relevé, laissant
couseuse, un buffet, sur lequel on distingue
deux
un
fers à repasser.
seul état. Eau-forte pure (i855).
La première épreuve
comme
a été tirée par le maître
essai.
Haut., loi millim.; larg., 74 millim.
11.
—
LA FEMME QUI
B.A.T
loppée d'une marmotte, bat
le
lait
manches
le
vêtement de
la baratteuse
Debout, tournée
retroussées, la tète enve-
déposé dans une baratte. Sa jupe
couverte d'un tablier retombant jusque sur
des rayons
—
LE BEURRE.
vers la droite, une robuste paysanne, les
en relevant
la
le
sabot;
queue.
A
où sont rangés des pots de beurre. Dans
un
gauche le
est
chat se frotte contre et
dans l'ombre,
fond, deux sacs
et
un
banc.
Premier
état.
Deuxième
Sans signature (i8551.
état.
Avec
l'adresse de Delàtre. Haut., 170 millim.; larg., 119 millim.
12.
précède
—
PAYSAN RENTRANT DU FUMIER.
le verger,
un paysan,
coiffé
d'un chapeau;
dans l'ombre. Bras noueux, dans des manches en
—
la
tricot.
Dans
la
cour qui
figure, de profil, est Il
pousse, à travers
une brouette chargée de fumier. A l'intérieur du verger, on aperçoit des ruches. Des arbres retombent sur le mur au dessus de la porte d'entrée; la porte,
dans
le fond, à droite,
un
puits recouvert d'arbustes et de branches.
CATALOGUE DE L'ŒUVRE GRAVÉ. Premier
Signé à droite
état.
a été tirée par le maître
Deuxième
état.
comme
La première épreuve
J.-F. Millet (t855).
:
378
essai.
Avec Tadresse d'Auguste
Delàtre.
Haut., iG5 millim.; larg., i35 millim.
—
—
LES GLANEUSES. i3. Dans un champ de hlé, trois glaneuses. La plus âgée, debout, à droite, se présente de dos, légèrement penchée. Celle du milieu, plus jeune, est baissée et, de sa main droite, saisit un épi. La troisième, à droite, a la main gauche posée sur ses reins et, de l'autre main, elle ramasse à terre un épi abandonné. Au fond, des meules, une voiture attelée, des femmes, des botteleurs; le fermier, sur un cheval, donne des
—
ordres aux travailleurs; plus loin, à droite,
un nuage
léger; au-dessus des meules,
Premier
ferme entourée d'arbres. Ciel
d'oiseaux.
Sans signature.
état.
Deuxième
la
état.
Avec
l'adresse d'A. Delàtre. Haut., 190 millim.; larg., 25o millim.
14. tète
—
—
LES BÊCHEURS.
A
droite,
tournés vers
nue, deux bêcheurs sont occupés à retourner
Celui de droite
presque debout.
est
qui laisse voir sa poitrine. La
bêche,
il
appuie sur
Plus jeune
et
Devant eux,
vêtu de
la terre
fer
le
de
même,
remuée.
Au
fond,
Deux chapeaux et gauche, une femme fait brûler des au dessus,
Dans
et la
friche.
manche de
la
son pied droit, chaussé d'un sabot.
le
est
penché,
et
il
relève sa bêche.
champ, en ligne ondulée, descend Dans le fond, à
des vêtements sur le sol.
herbes, dont la fumée
fond de village. Dans
le
coin à droite^
monte vers le ciel. un petit nuage, et,
signature J.-F. Millet.
la
épreuves du premier
les
mal essuyé
et
en
vêtu d'une grosse chemise ouverte
paysan
l'autre
gauche,
resté
droite serrant fortement le
l'outil
vers la gauche.
Groupes d'arbres
Il est
main
la
un champ
deux grands
et
traits
état,
on trouve
partant du
le
rebord de
haut du terrain
la
planche
jusqu'à la
signature.
Premier
état.
Avec
la signature à droite.
Très
rare.
Deuxième état. Le ciel complètement effacé et la signature enlevée. Dans cette opération, le charbon a laissé une teinte qui part de la tête du jeune bêcheur, se prolonge jusqu'à celle du plus âgé, suit son bras gauche et
va se perdre à droite. Très rare.
Troisième
état.
aperçoit à peine
Quatrième
Pour
les
un état.
Le
ciel
petit
refait et
plus fin que dans
le
premier
état.
On
nuage à droite. Sans signature.
Avec
l'adresse d'A. Delàtre.
cinq pièces portant les n°* 10, 11, 12, i3
et
14,
le
premier
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
374
papier à la forme, chine collé (demi-colombier). Les
été fait sur
tirage a
autres épreuves ont toujours été tirées sur vergé, sur chine ou sur japon. Haut., 240 millim.; larg., 340 millim.
—
Deux femmes cousent à la lueur d'une lampe est dans l'ombre. À gauche, un lit avec chambre La bâton. un suspendue coucou. Un panier long est accroché un distingue haut, on rideaux. Dans le
LA VEILLÉE.
,5.
à
avec quatre cordes au plafond.
lumière sur
sur
la tète,
tabouret; l'autre femme, le
la
les
(zinc).
un
la
main gauche. Près
un
deux mains rapprochées, dans
nombre
très petit
reçoit d'elle,
poitrine et sur la
reste du corps dans l'ombre. Planche trop mordue et que
été tiré
L'une des femmes, à gauche,
l'acide a fait crever par
d'épreuves
et
Millet a
fait
la
demi-teinte et
endroits.
Il
en a
détruire la planche
Très rare (i856). Haut., i5i millim.; larg., 110 millim.
_
i5
LA CARDEUSE.
cardeuse a
Assise à gauche, tournée vers la droite,
enveloppée d'une marmotte,
la tête
Manches en
—
tricot, sortant
la figure
presque de
d'un corsage boutonné, mouchoir sur
gros tablier de laine sans plis
;
de
sa
main gauche,
elle tient
la
profil.
le
cou,
une carde
genou et, de la droite, elle démêle la laine entre les dents de l'instrument. Près du pied gauche, une corbeille de laine cardée; qu'elle appuie sur son
un panier renversé, des rouleaux de laine dans le fond, à une maie où sont posées des balances. A gauche, derrière la
à droite, sur droite,
;
cardeuse, la roue à balustres d'un grand rouet.
Eau-forte pure
voirie jour. Millet (Par inadvertance,
et
la il
— Sans signature.
jamais dû
belle pièce n'aurait
sans retouche. Cette
trouva trop mordue,
et
il
avait laissé la planche toute
n'a
pas voulu
une nuit dans
la publier. le bain.)
Haut., 255 millim.; larg., 176 millim.
17.
—
LA GARDEUSE
gauche appuyée sur un arbre, Elle est sur
le talus
—
D'OIES.
la droite
sur
la
Paysanne debout,
hanche
et
la
main
cachée par un linge.
d'une mare, où se précipitent des oies. Dans
le
fond,
à gauche, des toits de maisons et des arbres.
Pointe sèche sur cuivre; vergé.
La planche
quelques épreuves sur chine
a été détruite.
Très
Haut.,
18.
— LA FEMME
jeune mère
est assise,
genoux un jeune
et
sur vieux
rare. 14.1
millim.; larg., 122 millim.
FAISANT MANGER SON ENFANT.
la tête
tournée à gauche,
et
—
La
tenant allongé sur ses
enfant, dont elle soutient la tète avec le bras gauche.
Le
CATALOGUE DE L'ŒUVRE GRAVE. maillot
du bébé
pieds touchent
est
ouvert
le billot,
et laisse
375
voir ses deux jambes nues; ses petits
placé à gauche,
où
se
trouve l'écuelle fumante.
LA CARDEUSE.
Coiffée laisser
d'une marmotte,
paraître son
vêtue
d'un
cou ombré à larges
cuillère, qu'elle tient de sa
main
droite.
au dessus, une corbeille chargée de linge
corsage tailles,
Dans et
le
assez
la
mère
dégagé
pour
souffle sur
la
fond, à droite, une armoire;
une pelote.
—
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
376
Épreuve
du cuivre de
de
la tête
gauche, deux indications de
mère, un peu inclinée
la
nez, des
grandie,
comme pour la
(Foeil
largement ébauché); sur
à côté,
une autre
l'étudier; à droite, tailles en hachures,
De
pointe.
est
;
plus
la
marge
bas de la
le
superposées, une indication
têtes
noires pour biffer cet essai
tailles
essayer
avec croquis dans
d'essai, eau-forte pure,
à
:
grande rareté
:
tête
serrées
épreuves,
quatre
le
un peu pour
d'après
M. Ph. Burty. Premier le
cou de
état.
la
Les croquis sont
Quelques épreuves.
Deuxième
état.
à gauche. Rare.
Retouche à
effacés.
mère, pour boucher des
tailles
pointe sèche dans
la
Très
trop larges.
rare.
—
Pas de signature.
Avec
signature J.-F.
la
A
Millet 1S61.
pointe,
la
— Épuisé.
Troisième état. Tirage de la Ga\ette des Beaux-Arts. Cette planche accompagnait une étude sur les eaux-fortes alors connues et suivie d'un essai de catalogue de onze pièces, par
M. Ph. Burty.
[Galette V" septembre 1861.)
Haut., 23o millim.; larg., i58 millim.
19. le
— LA GRANDE
dos appuyé contre
gauche,
elle a la tête
un
BERGÈRE. tertre
—
Adroite, une bergère, debout,
couvert de jeunes arbres. Tournée vers
chon, d'où sortent ses deux mains. Elle tricote un bas qui pend sur Sabots aux pieds, un bâton
quelques rayons,
mante
et le
la
enveloppée d'un mouchoir. Lourde mante avec capu-
le
long du
tertre. Cette figure est
sa jupe.
dans l'ombre;
branches, éclairent du côté gauche
filtrant à travers les
jupon. Le troupeau répandu dans
la
la
plaine inondée de soleil;
un chien noir surveille les moutons. Quelques lignes à gauche pour Dans le fond, indication de village. Signé à gauche. J.-F. Millet.
le ciel.
Cette belle pièce devait être publiée par la Société des aqua-fortistes (Cadart). l'artiste
Mais
l'éditeur ayant
renonça à
faire partie
demandé de
la
à Millet d'abandonner
planche,
la
Société (1862). Haut., 317 millim.; larg., 230 millim.
20.
—
LE DÉPART POUR LE TRAVAIL.
jeune paysan se rendant aux champs
le
et
sabots. L'anse
bras gauche pend
le
du panier
long du corps
Le paysan, en chapeau de
est
et tient
paille,
et
sorte de
éclairé
est coiffée
et
d'un
jouent surîe visage.
passée dans la
une
est
Jeune paysanne
femme
matin. La
panier; les rayons du soleil passent à travers l'osier
Jupe courte
—
main
droite; le
bidon en grès.
de gauche. Vêtu d'une
blouse, pantalon dessinant les jambes; les pieds dans des sabots, une fourche
sur l'épaule; la main gauche, dans
la
poche du pantalon, soutient
plaine de Barbizon inondée de lumière.
sons qui bordent
la
Dans
le
grande rue du village; dans
fond, les
le
la
houe. La
derrière des mai-
champs, une charrue
e *^-Çîfffye
I
LA FEMME FAISANT
MANGER SON ENFANT.
JEAN-FRANCOIS MILLET.
378
attend le laboureur qui arrive avec deux chevaux
et
monté sur
celui de
gauche.
Premier
état.
Deuxième
Sans signature. Très
étitt.
Avec signature
W^^'i^Sf^:
à
rare.
gauche J.-F. Millet. Rare.
= LA GRANDE BERGERE.
Troisième état. Avec signature et l'adresse d'A. Delàtre vend chez Moureaux, rue Fontaine-Saint-Georges, 26.
Quatrième de
la
état.
Les adresses ont disparu. Dans
le
à gauche, et se
coin à droite, au bas
planche, trois points entre deux traits qui se rejoignent.
i863. Planche exécutée pour la Société des dix'.
I.
Cette Société, formée par Scnsier, se composait de dix souscripteurs, qui versaient
^
7. T.
AùfUu
LE DEPART POUR LE TRAVAIL.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
38o
Elle a été tirée sur vergé, sur chine
Moureaux.
_
21.
et
sur parchemin avec l'adresse de
Haut., 385 millim.; larg., :)jo miUim.
—
LA PILEUSE.
gauche à droite. Elle
est coiffée
La gardeuse de chèvres d'un chapeau de paille
de l'Auvergne. La quenouille chargée de laine
main gauche levée roule la
gauche, tenant
le
le
fuseau.
un chemin creux où
fond,
fil
en s'avançant de
comme
est attachée
ii
les
paysannes
son côté
:
la
Le bras droit est étendu vers relevée sur un jupon court. Dans le
entre ses doigta.
La robe
les
file
est
chèvres, montées sur le talus, broutent l'herbe.
Ciel léger à droite.
Dans
à droite, la signature J.-F. Millet.
le bas,
Une épreuve la
d'essai.
En
rendre borgne.
marque de
dans
l'étau
L'œil droit de
la fileuse n'est
haut, cinq traits à la pointe dans le ciel
adroite
et
le
et
semble
coin de gauche;
la
pas d'astérisque au dessus de l'ombre
portée de la fileuse. Les bords de la planche à la
pas terminé
non nettoyés
;
l'épreuve
signée
mine de plomb, J.-F. Millet. Premier
état.
L'œil terminé avec
les
cinq traits dans
le ciel à
gauche
et
Tastérisque.
Deuxième
état.
Les cinq
ont disparu
traits
et l'astérisque reste
au tirage
ordinaire. Cette gravure est celle qui a paru dans le
Sonnets
et
volume publié par M. Lemerre,
Eaux-fortes (1869). La planche
volume, page
3 18, les intéressantes lettres
a été effacée.
Voir dans ce
de Millet.
Haut., 198 millim.; larg., 129 millim.
A
l'exception des planches qui ont été détruites et de celle qui appar-
Galette des Beaux-Arts, M'"^ Millet possède
tient à la les
les
cuivres de toutes
gravures que nous avons cataloguées.
II
LITHOGRAPHIES 22.
— OU
DONC
EST-IL
?
—
Titre d'une romance.
—
Musique de
Frédéric Lebel.
Une rasse
;
jeune
femme
vêtue de noir, appuyée sur
deux enfants sont près
ses
et
Millet et le
balustrade d'une ter-
d'elle.
et qui avaient droit à un certain nombre d'épreuves sur papier de chine, sur vélin. L'épreuve du premier état portait la signature autographe de
chacun 5o francs sur vergé
la
nom du
souscripteur.
CATALOGUE DE L'ŒUVRE GRAVE. Alfred Sensier a raconté (voir p.
i
lo) la
mésaventure de
1848.
Nous
38.
Tartiste, qui ne
reçut jamais le prix de son travail.
Cette lithographie doit dater de
la
décrivons d'après
les
renseignements conservés par Sensier; mais nous n'avons jamais vu la planche et nous croyons savoir qu'elle n'existe pas à la Bibliothèque nationale.
(Département des imprimés; musique).
—
figure dans
LE SEMEUR. — La tète coiffée d'un l'ombre, un homme s'avance à droite,
main pleine du grain
laine, la
jambes sont entourées de
assure, dans
son
M.
catalogue, qu'elle est signée J.-F.
23.
M. Burty
qu'il
chapeau de
feutre, la
vêtu d'un vêtement de
va lancer. Culotte de gros drap;
paille roulée en cordes.
A
les
gauche, nuage noir, d'où
s'échappe une volée de corbeaux qui s'abattent sur
le
champ.
laboureur conduisant sa charrue attelée de deux bœufs dont
A
droite,
la
silhouette
un
s'enlève sur le ciel clair. Sans trait carré.
Cette lithographie, exécutée en i85i
et
destinée au
journal Y Artiste,
1879 seulement qu'on en a
n'a jamais été publiée. C'est en
tiré
quelques
épreuves.
La
pierre appartient à M'"" Millet. Haut., 191 millim.; larg., 156 millim.
24.
—
OLIVIER DE SERRES.
yeux pleins de malice,
— Visage
cheveux
long,
moustaches recouvrant légèrement
la
ras,
les
bouche,
grand col blanc sur un pourpoint noir. Ce portrait a exécuté d'après l'original sur vélin, dessiné par Daniel de Serres, fils du
barbiche en pointe été
les
—
grand agronome.
Au
;
Trait ovale.
bas de la planche les mots
:
Imp. Lemercier, Paris,
et l'inscription
:
OLIVIER DE SERRES SEIGNEUR DE PRADEL NÉ EN l53g, MORT LE 2 JUILLET lÔlg. Sur ce les
portrait, publié en i858, en tête
renseignements consignés à
la
d'une brochure de Sensier, voir
page i86. La pierre a été effacée. Haut., g8 millim.; larg-, 78 millim.
M. Burty
fait
mention d'un
lithographie vers 1849; mais
mentionne
la
il
portrait de
Chateaubriand que Millet aurait
déclare qu'il ne Ta point vu.
pièce en ajoutant qu'elle est de
«
nous, nous ne connaissons pas cette lithographie;
nos recherches,
et
nous croyons que Millet n'en
M. Piedagncl ». Pour
plus grande rareté
la
elle a
toujours échappé à
a jamais parlé à Sensier.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
382
III
HÉLIOGRAPHIES SUR VERRE
MATERNELLE.— Au seuil
25.— LA PRÉCAUTION
un
vigne, une mère se baisse tenant par dessous les bras elle relève
avec soin
le
vêtement. Debout
d'une maison
ouverte qu'encadre
de paysan, dans Fembrasure d'une porte
et la tète
petit
un pied de garçon dont
un peu penchée, Tenfant
innocemment son ventre rebondi et, sans respecter les convenances, il comme un des buveurs qui, dans les tableaux de David Téniers, tournent contre les murailles. A gauche, près de la porte, une petite fille,
étale
se conduit se
coiffée
d'un béguin d'où s'échappent des cheveux ébouriffés, paraît
resser au spectacle.
A
droite, par terre,
signature J.-F. Millet.
un
panier d'enfant
s'inté-
dans l'angle
et
la
— Trait carré. Haut., 285 millim.; larg., 225 niillim.
26.
— FEMME
VIDANT UN SEAU.
—
Figure penchée
et
de profil,
manches de chemise retroussées jus-
tête couverte d'une marmotte, et qu'aux coudes. Elle tient des deux mains un seau, qu'elle soulève pour
la
en verser
le
contenu dans deux cannes (vases de cuivre qui, en Normandie,
servent à traire les vaches).
un
Une
petite
mare dans
le bas,
à gauche.
fond,
un mur
toit est
un
bas, laissant voir
escalier conduisant
à la
A droite,
dôme. Dans
le
maison dont
le
puits en pierre, dont la partie supérieure est terminée en
soutenu par deux poutrelles.
Signé à gauche,
et à l'envers
J.-F. Millet.
Trait carré. Haut., 285 millim.
Dans une
pour dessiner sur verre
un seau
:
«
C'est
mon
Les premiers essais leau d'imprimerie,
poudrer ensuite
Précaution maternelle
la
père et
une couche
223 millim.
à Sensier
(Thomery,
procédé dont Millet
le
non pas moi qui consistaient à étendre sur un
cette
pouvoir distinguer
larg.,
que M. Eugène Cuvelier adresse
lettre
9 août 1876), nous trouvons quelques mots sur servi
;
et la
Femme
s'est
vidant
a eu l'idée de ce procédé. verre, au
très égale d'encre
moyen d'un rou-
d'imprimerie,
et
à sau-
première couche de blanc de céruse en poudre, afin de
les traits. »
La description de
ces
épreuves retouchées dans
deux les
pièces, qui sont très rares, est faite sur
ombres par
le
maître en i863.
deux
FEMME VIDANT
L'
N SE
AI,'.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
384
IV GRAVURES SUR BOIS 27.
—
PAYSAN ASSIS AU PIED D^UN ARBRE.
—
assis
est
Il
adossé à un arbre", en pleine lumière; coiffé d'un chapeau, vêtu d'une blouse, le bras pendant le long terre,
Le
du
corps, la
jambe droite étendue sur
la
gauche relevée.
et la
enlevé
pas été
bois n'a
autour
de
la
figure.
Sans
carré.
trait
Signé Millet.
Ce
imprimé par
bois a été
l'artiste.
Haut., 68 millim.; larg., C6 milliin.
28.
—
TÊTE DE FEMME COIFFÉE D'UNE MARMOTTE.
Le visage tourné C'est
—
vers la droite.
l'un des
premiers essais
Imprimé par lui-même.
— Sans
de gravure sur bois par J.-F.
Millet.
trait carré.
Haut., 25 millim.; larg., 23 millim.
29. le
—
—
PETITE BERGÈRE ASSISE
Elle est assise à droite, sur
rebord du chemin, adossée à un groupe d'arbres.
tronc d'arbre.
La
tête
large tablier et jupon.
encapuchonnée
Un
Le terrain est indiqué carré. Imprimé par Millet. tons.
Nous
bâton
est
et
le
Un
peu plus
loin,
un
corps enveloppé d'une mante;
posé près
d'elle.
A
gauche, des
à larges traits. Ciel à grandes raies.
mou-
— Sans
trait
n'en connaissons qu'une épreuve, tirée en bleu. Cette épreuve
porte au verso une figure de paysan. Croquis à la
mine de plomb.
Haut., 52 millim.; larg., 53 millim.
30.
—
d'un tricot
BÊCHEUR AU TRAVAIL. et
sur le haut du
—
Il est tourné à droite, vêtu d'un pantalon, chaussé de sabots. Le bras droit porte la main
manche de la bêche. Le pied gauche un chapeau.
est
posé sur
le
fer,
pour
l'enfoncer. Derrière,
Autour du Bêcheur le bois n'est pas dégrossi. Figure sans fond. Il existe une épreuve avec des retouches au crayon noir; un sillon indiqué dans i863.
le terrain.
Imprimé par
le
maître. Haut., 100 millim.;
larg.,
g8 millim.
est
CATALOGUE DE L'ŒUVRE GRAVÉ. 3i.
seau
—
(décrit
Paysan
CROQUIS. sous
assis (n» 27),
d'homme
—
Sur
le n" 28) se
une
le
tète
du bois de
revers
trouvent
:
d'homme
Femme
la
une autre
moitié est quadrillée
rayée de lignes verticales, des essais de gouges,
un
tète
et l'autre
etc., etc.
épreuve, tirée à Haut.,
riJaiit
à la marmotte, le
à peine dégrossie,
avec un chapeau; un carré, dont
Nous ne connaissons qu'une
Lt
Femme
de
Li tête
385
titre
i44milUm.;
de curiosité. larg.,
o5 millim.
DECHEUR AU TRAVAIL.
32.
— FEMME
VIDANT UN SEAU.
côté d'un puits, elle vide
un seau dans
mur, avec une ouverture
laissant voir
derrière, des arbres. Signé, à droite
:
un
Debout,
le
dos tourné du
escalier conduisant à
J.-F. Millet.
Dessiné sur bois par Millei, en 1854,
comme
—
deu.x cannes de cuivre;
et
au fond, un
une maison;
— Trait carré.
gravé par son
frère
Pierre
étude de gravure. Haut., 144 millim.; larg., g5 millim.
33.
—
LA BERGERE.
droite, la tête coiffée d'une
—
La jeune bergère est assise sur un tertre à marmotte et avec une mante à capuchon sur les 25
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
386
La
épaules. est
exprime un sentiment de calme absolu. La main gauche
figure
posée sur
gazon,
le
petits monticules.
Le
Dans
carré
trait
:
A
droite, le troupeau
fond à gauche, deux groupes d'arbres
le
de gauche à droite
ciel à larges traits
entre deux nuages. Signé
Le
un bâton noueux.
droite tient
la
de moutons broutant.
et
de
un oiseau
et
J.-F. Millet.
manque dans
bas à gauche,
le
ne reprend qu'à l'angle
et
de droite.
Premier crayon
sans
état,
le ciel et
Deuxième
ciel
:
sur la première épreuve, Millet a ajouté
état, le ciel est
Cette pièce, dans
le
gravé.
goût des
vieilles
images, a été dessinée par
maître
Haut., 270 millini.; larg., 220 millim.
I
— BÊCHEUR
AU REPOS.
—
inclinée, regardant le sillon creusé,
tête
le
sur bois par son frère J.-B. Millet.
et taillée
34.
au
un laboureur conduisant deux bœufs.
main gauche sur celui de gauche nu
bêche
et la
sabot
et
tracé par la bêche,
maisons Signé P.
et
sa ;
Debout, tourné vers
Au-dessus du sillon
un chapeau. Dans
et
dans
le
haut,
J.-F.
droite;
à
fond à gauche,
le
nuages arrondis.
arbres, terrain ondulé, ciel indiqué en gros
Millet
sa
pied droit dans son
le
terrain rempli d'herbes.
un vêtement
paume de
bras droit sur la
le
manche de chemise;
la droite, la
dans
Millet,
le
bas à
gauche.
Gravé en 1874 sur
le
dessin de
.T.
-F. Millet, par son frère Pierre Millet
Trait carré. Haut., igg millim.; larg., i32 millim.
A
ces bois qui ont été graves, les premiers par Millet et les trois der-
niers par ses frères,
il
convient peut-être d'ajouter
les
quelques gravures dans
lesquelles Adrien Lavieille a rendu avec une tidélité relative la
maitre.
Nous voulons
parler des
Travaux des champs
et
pensée du
des Quatre
Heures
du jour.
LES
TRAVAUX DES CHAMPS.
types de paysans,
—
En
gravés par Adrien Lavieille, qui était alors bois.
—
Ils
i852. Millet
occupés à des travaux champêtres; ces
parurent dans
dessina dix
derniers furent
un des premiers graveurs sur
le
journal Ylllustratinn
le
Botteleur,
du
7
février
i853
(n" 5 19, vol. xxi).
Page 92. Le Faucheur, le
Page 93. La Tondeuse de moutons, de
le
Scieur de
blé, la
Râteleuse,
Batteur en grange.
lin, le
Faiseur de fagots,
la
Brojreuse de
lin,
VArracheuse
la Filcuse.
Plus tard, Adrien Lavieille, réunissant ces bois,
les
fit
imprimer sur
CATALOGUK chinc,
et les
I;(1':UV1U':
1)K
(ÎKAVl-:.
publia sous une couverture verte, portant pour
38; litre
de J.-F. Millet, gravés par Adrien Lavieille. Paris, impriincric
:
J.
Dessina Claye,
rue Saint-Benoît. i855.
LES
QUATRE HEURES DU
.lOUR.
—
Le
Matin.
—
Paysanne
un âne les pieds dans un panier, elle est suivie d'uu paysan qui marche la fourche sur Tépaule et la binette sur le bras. Le Midi. A Tombre des meules, un moissonneur aux pieds nus, son assise sur
;
—
chapeau rabattu sur son est sa
dort
visat^e,
bras relevés sous sa tète. Près de lui
les
compagne, également endormie.
Le Soir. de sa veste
;
il
—
La lune
se lève
regarde à droite
:
un
les
homme
toits
est
debout, passant
fumeux du
village.
la
Dans
manche le
fond,
un laboureur et deux chevaux qui s'éloignent. La Nuit. Intérieur de paysans l'âtre brille; un chat frileux dans le coin. Le père, assis sur un escabeau, tresse un panier; Penfant est dans un berceau; à la clarté d'une lampe, la mère, assise, raccommode les hardes.
—
:
Haut., i5o
inilliai.; larg.,
220 iniUiin.
Ces quatre pièces furent gravées par Adrien Lavieille. Elles
ont été
Les Quatre Heures du Jour. Scènes rustiques, gravées par Adrien Lavieille, d'après les dessins originaux de J.-F. Millet. publiées sous ce
Epreuves de
J.
titre
:
d'artiste tirées
—
sur chine, avant toute
Claye, rue Saint-Benoit,
lettre.
Paris, de l'imprimerie
7. iStJo.
ALFRED LEBRUN.
DOCUMENTS
ACTE DE NAISSANCE DE Extrait des registres de
l'état civil
de
MILLET
J.-F.
la
commune de
canton de Beaumont, département de
L'an mil huit cent quatorze,
du matin, en
d'octobre, huit heures
Jean Le Nepveu, maire,
officier
mercredi cinquième Jour du
le
la
mois
mairia-de Gréville, par devant nous,
de Tétat
canton de Beaumont, département de
Grcvillc,
Manche.
la
la
civil
de
Manche,
commune
la
est
de Gréville,
comparu Millet
(Jean-
Louis-Nicolas), âgé de vingt-deux ans, cultivateur, domicilié à Gréville, lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né d'hier à huit heures
du
soir,
et
auquel
de lui déclarant il
a
et
d'Aimée-Henriette-Adélaïde Henry, son épouse,
déclaré vouloir donner les
dittes déclaration et présentation faites
prénoms de Jean-François,
les
en présence de Jean-Charles Millet,
âgé de soixante-sept ans, prêtre,
et de Marin Feuardent, âgé de cinquantequatre ans, cultivateur, tous deux domiciliés audit Gréville et ont, les père et
témoins, signé avec nous
le
présent acte de naissance, après qu'il leur en a
été fait lecture.
Signé au registre
:
Millet,
Extrait certifié
p"-«;
conforme
Millet; Le Nepveu
et littéral
et
M. Feuardent.
par nous, maire de Gréville, soussigné.
Audit, ce 8 juin 1875.
Le Maire, J.-F.
CANOv'iLLE.
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
3qo
11
ACTE DE DÉCÈS DE
J.-F.
Extrait des registres des actes de
l'état civil
de Chailly-en-Bière, pour L'an mil huit cent soixante-quinze,
MILLET
le
l'année
la
commune
la
vingt janvier
matin, devant nous, Jean-Baptiste Lemcrle, maire de
de
commune
i8y5. à onze heures
et officier
de
du
l'état civil
de Chailly-en-Bière, canton sud de Melun, département de
Seine-et-Marne, sont comparus
les sieurs
Jean-Baptiste Millet, artiste peintre,
William Babcock, artiste peintre, âgé de quarante-neuf ans, ami dudit défunt, tous deux témoins majeurs, demeurant à Barbizon, commune deChailly, lesquels nous âgé de quarante-quatre ans, frère du défunt ci-après
nommé,
et
ont déclaré que Jean-François Millet, artiste peintre, chevalier de Tordre de la Légion d'honneur, âgé de cinquante-neuf ans, demeurant audit Barbizon,
né à Gréville, canton de Beaumont (Manche), fils majeur de Jean-LouisNicolas Millet et de Aimée-Henriette-Adélaïde Henry, son épouse, tous deux décédés, époux de Catherine-Marie-Joseph Lemairc, sans profession, âgée
de quarante-sept ans, demeurant avec son mari, est décédé en son domicile cejourd'hui, ;i six heures du matin, et après nous être assuré du décès, nous
avons dressé
le
présent acte que -les déclarants ont signe avec nous, après
lecture faite.
Ont signé au
registre
:
J.-B. Millet,
W°> B.\bcock
et
Pour copie conforme Ce
l"'
Lemerle, maire. à l'original,
août 1879.
Le Maire de Chailly -en-Bière,
lemerle.
111
[NOTES SUR L'ART'
Quand Poussin ne lui
dit
point
:
envoie son tableau de
Voyez
la
belle
pâte,
la
Manne à M. de Chantelou, il comme c'est crâne, voyez
voyez
Millet de mettre par écrit les réflexions qui lui I. Sensier avait souvent sollicité venaient à l'esprit sur les questions d'art. Millet n'était pas écrivain et il croyait que son
DOCUMENTS. comme
troussé
c'est
!
ni
391
aucune des choses de
auxquelles tant de
ce genre,
peintres paraissent attacher du prix,
et je
ne sais pourquoi.
vous souvenez de
que
je
ment des
figures
la
que
première je
considériez ce tableau,
je
Trop peu de vu
se
permet de
produise
Si
vous
mouve-
que tout ensemble vous qui font action de
pitié,
se repaître de consolation et autres
main gauche vous diront
même
la
«
:
tout ce qui est
le
:
ici
étoffe. »
peintres font attention à Teffet que doit produire
à la distance qui
Qu'un tableau
faire, et
admirent, celles qui ont
car les sept premières figures à
de
Il dit
écrivis touchant le
que facilement vous reconnaîtrez quelles sont
crois
de grande nécessité, de désir, de
écrit, et tout le reste est
vous
vous promettais d"y
celles qui languissent, qui
charité,
lettre
un tableau
voir d'un seul coup d'œil en son entier.
comme
il
le
doit,
vous en entendrez qui vous
diront Oui, mais quand on le voit de près, il n'est pas exécuté. Puis, d'un qui ne produit aucun effet à la distance où il en devrait produire Voyez-le de près, comme c'est exécuté! Rien ne compte que ce qui est fondamental. Quand un tailleur essaye un paletot, il se recule jusqu'à la distance qui lui :
:
permet d'en bien juger soin des détails; mais
tournure.
la
S'il
celui qui se
quand
nières et autres compléments,
en
est
content,
il
peut alors prendre
contenterait de faire de belles bouton-
même
ils
eux-mêmes
seraient
d'œuvre, sur un paletot inal tourné, n'en aurait pas moins pitoyable. N'en est-il pas ainsi pour un
quoi que ce soit? C'est d'abord,
et
le
mode de
les
des chefs-
une besogne
d'architecture et
pour
conception d'une œuvre qui doit marquer
rien n'a le droit de sortir
en dehors de laquelle
monument
fait
du mode. C'est comme une atmosphère
choses ne peuvent exister.
On
est
dans un milieu
d'un caractère ou d'un autre, mais celui qu'on adopte doit primer.
Comme
confirmation que
les détails
choses constitutives. Poussin dit
d'eux-mêmes,
il
se faut bien
:
«
ne sont que
le
Etant cannelés (des
complément des
pilastres) et riches
garder de gâter leur beauté par
confusion
la
des ornements, car tels incidents ou parties accessoires ne doivent être adaptés
aux œuvres dont prudence
douceur
et
les parties principales
un bon Jugement,
et
afin
sont déjà belles,
que par iceux
il
si
ce n'est avec de la
leur soit apporté de
de la grâce, les ornements n'ayant été inventés que pour
la
mo-
dérer une certaine sévérité qui constitue l'architecture simple. » On devrait être habitué à ne recevoir que de la nature ses impressions
de quelque sorte qu'elles soient être
imprégné
et saturé d'elle, et
faut croire qu'elle est assez riche
sinon à
œuvre
la
quelque tempérament qu'on
pour fournir à
source? Pourquoi donc
à perpétuité
tout.
ait.
fait
Il
faut
penser.
Il
Et où pui.serait-on,
proposer aux gens,
comme
pour une expression suffisamment claire de sa pensée et de ou deux cependant, il consentit à prendre la plume. On lira avec note autographe que nous avons retrouvée dans les papiers de son ami.
d'artiste pouvait passer
son rêve. Une intérêt la
et
ne penser que ce qu'elle vous
fois
JEAN-FRANÇOIS MILLET.
392
but suprême à atteindre, ce que de hautes intelligences ont découvert en elle, parce qu'elles ont fouillé « les entrailles d'icelle avec constance et labeur », dit Palissy, mais qui pourtant ne peuvent avoir le droit de devenir, pour les hommes, un exemplaire à jamais en son lieu et place. Voilà donc qu'on rendrait les productions de quelques-uns le type et le but de toutes
comme
productions à venir...?
les
Les gens de génie sont découvrent que, dans
que
cette idée
sant de voir,
la nature,
Un
la
flair.
quand
baguette divinatoire; les uns
Leurs productions vous assurent
celui-là trouve qui est fait
pour trouver; mais
trésor est déterré et enlevé,
le
perpétuité gratter à cette place-là. truffes.
de
se trouve cela, les autres, autre chose
ici
tempérament de leur
ailleurs, selon le
dans
comme doués
chien qui n'a pas de
Il
flair
faut savoir découvrir
ne peut que
ne va qu'en voyant chasser celui qui sent
il
est plai-
que des gens viennent à
où
il
y a des
faire triste chasse, puisqu'il
qui naturellement va
la bête, et
le
premier. Et, quand on n'a d'autre raison pour agir qu'une singerie, on ne peut courir bien ardemm^ent, car on ne se passionne pas pour rien. En somme, les gens de génie ont mission de montrer, des richesses de la nature, la
portion qu'il leur
soupçonnées
servent de truchement
tement son langage.
mon
choses en
comme nous
permis d'en enlever, à ceux qui ne
est
trouvées,
alors
ni
auraient pas le
comme
pourraient dire,
Ils
Ils
fait,
Palissy
pourraient aussi dire
:
:
Vous
goût
et
pour
ils
hommes
les
elle,
elle t'en laissera aussi emporter selon ta force.
Un immense à certains
verrez ces
Si tu te livres à
seulement une intelligence de bonne volonté. orgueil ou une immense sottise seulement peut
te faut
Ils
faire.
d'interprète à ceux qui n'entendent pas assez direc-
et
cabinet.
l'avons
les
n'ayant pas les facultés de
qu'ils sont de force à redresser les
II
faire croire
prétendus manques de
erreurs de la nature. Sur quelle autorité ces gens s'appuieraient-
le faire?
On comprend
qu'avec ceux-là, qui ne l'aiment pas davan-
tage et qui ne se confient pas plus en elle, elle ne se laisse guère deviner et rentre dans sa coquille. Elle et
ne peut manquer
sur la réserve. Aussi doivent-ils dire
:
Ils
d'être avec
eux en contrainte
sont trop verts. Puisque nous
pouvons aveindre, vengeons-nous à en mesdire. On pourrait appliquer ici l'expression du Prophète Deus resistit superbis, sed gratiam dat
n'y
:
humilibus.
La nature d'elle,
mais
se livre
elle
ce n'est qu'à
cause qu'elles procèdent
œuvres pédantes >
On
bien à ceux qui
se
donnent
la
peine de s'enquérir
veut être aimée exclusivement. Les œuvres que nous aimons.
et
d'elle.
Les autres ne sont que des
vides.
peut partir de tous les points pour arriver au sublime,
et
tout est
on a une assez haute visée. Alors ce que vous aimez avec le plus d'emportement et de passion devient votre beau à vous, et qui s'impose aux autres. Que chacun apporte le sien. L'impression force propre
à l'exprimer,
si
DOCUMENTS. l'expression,
veut surtout ce qui
et clic
puissamment. Tout Tarsenal de forts,
leur génie leur a
et
convenu d'appeler place.
est
3g3
propre à
montrer
la
plus
le
hommes
nature a été à la disposition des
la
y prendre, non pas les choses qu'on mais celles qui allaient le mieux à
fait
plus belles,
les
Exemple. Est-ce qu'à son heure
et
à
est la
une certaine place chaque
pomme
chose n'a pas son rôle? Qui oserait décider qu'une
de terre
est
une grenade?
inférieure à
La décadence
a
commencé formé,
elle (la nature) avait
pour modèle
pour
et
On
choses infinies.
dès qu'on a pu croire que
que
but, sans songer
disait bien
que pourtant
l'art,
but suprême; on se proposait
était le
encore
«
la
nature
artiste
tel
eu ses regards sur
lui avait
les
mais on entendait cela
»,
surtout en parlant du modèle vivant, dont on se servait et avec lequel on
n'accomplissait
que des
plus
conventions.
représenter une chose de plein le
modèle
on
air,
Si,
on
par exemple,
copiait tout de
avait
même, pour y
éclairé par le jour d'atelier, sans avoir l'air de penser
que
à
servir,
cela ne
répondait en rien à l'universalité lumineuse du dehors. Preuve qu'on n'était
guère plein d'une émotion bien profonde, qui aurait empêché de
se contenter
si
peu. Car,
mensonge physique
Du moment ture,
une chose
annihilait tout.
qu'on
faisait acte
sances anatomiques,
il
s'amusait à
de
Il
leur plus grande vérité d'aspect, ce n'y a pas de vérité isolée.
de maîtrise dans
était déclarée bien.
les artistes
l'immatériel ne se peut exprimer qu'avec
des objets dans
observation
la vraie
comme
Si
les
procédés de
la
pein-
quelqu'un avait de grandes connais-
les faire valoir
exclusivement
et
en
était
grandement loué. Sans songer que ces si belles connaissances-là auraient dû servir, comme du reste toutes les autres, à exprimer les pensées qui pouvaient venir à l'esprit. Puis, au lieu de pensées, on se faisait un programme. On recherchait
un
sujet qui donnait lieu à la
qu'on avait plus volontiers dans savait
le très
humble
valet
de
la
la
mise en œuvre de certaines choses
main. Enfin, au lieu de rendre ce qu'on
pensée qu'on avait,
c'était
au contraire
pensée qu'on étouffait sous l'étalage d'une habileté fanfaronne. sur son voisin,
Mon
et
^des tas
que
j'ai dit.
j'ai
eu
Ce que
pas été assez médité au je
d'écrire, et d'autant plus
que
je
ne
sais pas,
me
font
d'omissions qui deviennent des obscurités. Tâchez donc
de deviner ce que lettre ce
la
regardait
on s'enthousiasmait pour une manière.
peu d'habitude
commettre
On
l'intention de dire, sans peut-être prendre à la j'ai
voulu commencer
moment
tâcherai d'y revenir et de faire
de
le dire. Il
moins à
à dire sur cette
n'y a pas assez de choses. Mais
la hâte.
J.-K.
FIN
page n'a
MILLET.
TABLE DES MATIERES
Pages
Alfred Seksier
'
Préface de l"Auteur I.
'^"
de — Le Hague. — Le Cotendn. — de — Gruchy. La — Son enfance. — Ses souvenirs — Naissance de Jean-François — Anecdotes du pays. — Entrde recelé. — Pre-
— Le cap
village
Gréville.
la
famille Millet
II.
Millet.
à
et superstitions
écrits.
I'
mière bataille
IH.
i
— Éducation
et instruction
de Millet.
Ses premières tentatives de dessin. pêtes et naufrages
—
Ses travaux pour son père.
— Ses
lectures.
—
— La mer. — Tem24
au pays de Millet
— — Premiers dessins de au peintre Mouchel. — Décision — peintre de Cherbourg. — Langlois, Sa mort. du père de — Demande d'une pension. — Décisions du con— Lectures de général. ~ Paroles de Millet sur son édudu municipal — Départ pour Paris à — Ses premières impressions. — Ses — Millet à — Ses aventures malchez M. M. D... — George. — Son heureuses. — ALaladie jugements. — Millet Luxembourg. — Impressions VL — Le Louvre Dclaroche — Paul chez Entrée recherche d'un maître. à — Les compositions de \\l_ _ Atelier de Paul Delaroche. — Ses — — L'Hémicycle. — Concours. — Départ de — Premiers — Marolle. — Vie de jeunesse. Atelier rue de Millet.
IV.
Visite
le
Millet.
Millet.
et
seil
conseil
cation.
\'.
33
visites
Paris.
gîte
L...
4°
et
et le
la
52
élèves.
Millet.
»
»
l'Est.
bleaux
Millet.
ta-
^9
TABLE DES MATIERES.
3g6
Pages.
— Premier envoi au Salon — Portraits de sa
VIII.
Gréville.
Portrait
de M.
Visite à
Gruchy.
—
IX.
— Le jury. — Retour de Millet à — La municipalité de Cherbourg. — — Enseignes. — Premier mariage. —
(1840). famille.
Javain, maire.
— Vie de
Millet retourne à Cherbourg.
—
dent.
Manière
—
Havre.
Mythologies
—
—
k
fleurie
«
—
Paris.
Salon de 1844
70
Portrait de M"'' Antoinette
Second
—
et portraits.
—
mariage.
Feuar-
Une année au
—
Exposition de ses tableaux.
Retour à Paris
81
Tourneux. — Les marchands. — La — — Millet refusé au Salon de Jérôme Tentation de — — Salon de 1847. Œdipe détaché de Divers tableaux. de 1847. — Maladie. — Salon de 1848. — Le XI. — La Vanneur — Concours pour — La Captivité des Figure de — La sage-femme. — Agar Ismaël. — Millet République
X.
—
Installation à
—
Paris.
Diaz
saint
Il
et
».
184.6.
l'arbre.
«
fin
la
»
».
la
«
et
«
88
.
t.
«
juifs.
«
»
»
s'apprête à traiter de nouveaux motifs
— Salon de
XII.
1849.
— Le choléra. — — Les
avec Théodore Rousseau.
— Lettre de
bois.
pp
— Liaison
Départ pour Barbizon.
—
sujets rustiques.
Courses dans
les
Millet
1
— Salon de 1850-1851 au Palais-Royal. — Le Semeur. — Les Botte— Voyages — Enseigne — Lettre de Vierge — Les Quatre Saisons. — Femmes qui cousent. — Ramasseurs — Mort de grand'mère de mère de Millet de XIV. — Proudhon chez Diaz. — Salon de 1853. — Moissonneurs; Un Une Tondeuse de moutons. — Critiques, Eloges. — Seconde Berger médaille. — Détresse de Millet; pour placer tableaux. —
14
XiII.
à Paris.
leurs.
«
:
la
».
Millet.
bois.
et
la
la
123
;
difficulté
William Hunt
XV.
et les
ses
Américains à Barbizon
139
— Voyage Gréville en 1853. — Retour à Barbizon. — Dessins. — amateur. — Second voyage à Gréville avec femme enfants promenades. — L'abbé Lebriseux. — (1854). — Etudes sur à
Un
et les
la
nature,
Opinion de Paris sur Millet. trines
XVI.
—
—
-
— Le
peintre de la
«
Sociale
»
.
— Doc-
de Millet
149 P'iysan un arbre. 1855. — — Acquisition du tableau de Millet par un — Théodore Rousseau. — Le Hameau Cousin.
Exposition universelle de
Théophile
greffant
"
»
Gautier.
Américain chimérique.
«
»
— Les enfants — Épreuves. — Lettres de — Le Berger. XVII. — 1856. — — Créations nouvelles. — Le Berger au parc, — Le Berger — — Supplice. — Paroles de ramenant son troupeau Disette.
Millet.
la nuit ».
<
le soir.
«
Millet.
»
Vente de Campredon
XVIII.
—
158
L'idée de Millet sur
163 le
beau.
—
Salon de 1857.
—
«
Les Gla-
TABLE DES MATIÈRES.
397 Piges.
neuses.
—
»
Opinion de
—
critique.
la
Interprétation inexacte de
la
pensée du maître
174
— L'Épi de La Paire de sabots (1858). — Conversations prome— L'Immaculée Conception. — La commande du ministère; — Romieu. — Femme qui son vache. XX. — L'Angelus. — Salon de 1859. — Le jury refuse Bûcheron — Vidi prœvaricantes. — La Gazette des Beaux-Arts Mort — Le Journal des — Millet à Barbizon. des campagnes — Decamps. — Ses à Millet XXI. — Exposition chez Martinet. — L'avenir assuré pour ans. — — Salon de 1861. — Thoré. Les grandes œuvres de — La Tondeuse. — Femme manger son L'Attente. — Critiques amcres. — Promenades conversations. — enfant. XIX.
blé,
nades.
et
«
>
histoire.
I\L
paître sa
fait
•:
».
€
».
t
»
villes et
€
182
et
le
«
la
1
».
visites
190
trois
Millet.
«
f
faisant
i
»
Inté-
et
»
204
rieur de famille
XXII.
— Millet
montre ce
qu'il veut, ce qu'il ose.
beaux, les Planteurs de à la houe.
— XXIII. de
—
Un
—
»
pommes de
Lettres de Millet.
—
«
L'Hiver
— Son
atelier,
et les
Cor-
Mur, l'Homme
terre, le Cerf, le ^'ieux
son jardin, ses
affaires.
22
suicide dans la maison de Rousseau
—
—
— Le paysan — Un sonnet.
Le Salon de 1 863. Millet ose porter un grand coup. La Bruyère. Le Paysan se reposant sur sa houe « Lettre à Théodore Pelloquet
—
«
.
23c
— Dessins de — Théocrite, Burns — Sujets — La Bergère — Lettres de XXV. — Vente posthume d'Eugène Delacroix. — L'art japonais. — — M. Castâgnary. — M. Jean Rousseau. — M. Théophile — — d'un veau Naissance La Le Salon de 1864. Bergère La — Succès dans champs — Travaux prépara— La mort d'un XXVI. — Lettres de pour peintures décoratives. — Exposition des œuvres d'Eugène détracteurs du maître Delacroix. — Opinion de Millet sur XX\'lL — Les peintures de de M. Thomas (de Colmar). — Conseils — Premiers dessins pour M. Gavet un — Le Salon en 1866. — Un bout XXVIII. — Mort de sœur de — Premier voyage Vichy. — Excursion en du de Gréville XXIV.
et
religieux.
Millet.
Shakespeare.
Millet.
r
t
«
246
Silvestrc.
».
«
les
»
«
et critiques
.
enfant.
Millet.
toires
253
les
les
270
l'hôtel
à
critique.
Millet.
la
village
»
«
à
.
290
Auvergne
XXIX.
—
Exposition universelle de 1867.
Théophile Silvestre.
—
—
—
Liaison avec Le Salon. Mort de Théodore
Second voyage à Vichy.
—
Rousseau
XXX.
— Le
279
293 tombeau de Rousseau.
— Travaux pour M.
Hartmann.
— Troi-
TABLE DES MATIÈRES.
398
—
neur. j
la
XXXL — tricot.
chevalier de
en Suisse (1868).
et
—
la
Légion d'hon-
Une
eau-forte
oio
— M.
vembre.
:
«
M™
Mort de »
nommé
est
—
Rousseau.
Castagnary.
—
a
Salon de 1869.
—
La Leçon de
»
Les Tueurs de cochons.
317
»
— Opinion de Millet sur Thoré. — Le Salon de 1870. — — La Femme battant beurre. — La guerre
XXXIL
—
Excursion à Munster
Fileuse
Pages
— Millet
sième voyage à Vichy.
»
le
Il
«
No-
et l'invasion.
»
Cherbourg
Millet à
XXXIIL — Une
lettre
de Paris en 1871.
324
de Théophile Silvestre.
— Voyage à
Gréville.
— La —
paix.
— L'insurrection travaux. —
Promenades
et
Retour à Barbizon
XXXIV.
3^3
— L'année 1872. —Maladie. —
Vacher rappelant
ses vaches.
«
L'Église de Gréville.
»
—
Le
«
347
»
XXXV. — Lettre M. Camille Lemonnier (1873). — ^^ recherche du — Le Vigneron au repos. — Vente de M. Laurent-Richard. — Les type.
à
»
dernières
XXXVI.
Bergères
«
— Les
»
tableaux de
Geneviève au Panthéon. Millet,
353
M. Hartmann
—
(1874).
—
Dernière promenade.
La
—
chapelle Sainte-
Mort de J.-F. 360
1875
Catalogue de l'oeuvre gravé de Documents.
—
J.-F.
Millet
Acte de naissance; acte de décès; note sur
369 l'arc.
.
.
.
389
.
TABLE DES GRAVURES CONTENUES DANS LE VOLUME
GRAVURES HORS TEXTE Pages.
Portrait d^ Alfred Sensier. (Cliché de Laverdct
Portrait de
M"'
;
reproduction Amand-Durand.)
Antoinette Feuardent, tableau de la collection de
i
M. Feuar-
dent père, (Héliogravure Dujardin.) Portrait
de
Millet
dessin
;
82
au crayon noir
de
la
collection
de M"' Sen-
sier. {Idem.)
99
Le Vanneur; tableau de
la collection
M. Adolphe
de
Paysan greffant un arbre; tableau de
la collection
Bcllino. {Idem,).
de
M.
.
Frédéric
.
.
Hart-
mann. {Idem.)
Le Berger au parc
158 la
nuit; tableau de
la
collection de
M. Adolphe
Rel-
168
lino. {Idem.)
Parc à moutons
:
clair
L'Angelus; tableau de
La Tonte
106
de lune; pastel de la collection
de
la collection
M. John Wilson.
des moutons; tableau delà collection de
La Femme au rouet; tableau de
la collection
Les Tueurs de cochons; tableau de
Le Vigneron au repos;
de
de
la collection
pastel de la collection de
M.
M. Templaere.
{Id.).
190
(We//;.)
Fanien. {Idem.).
M. Georges
M. Georges
.
.
Petit. {Idem.).
de M. Georges
169
.
.
Petit. {Idcm.\
Petit. {Idem.}.
.
206 320 322
356
1
TABLE DES GRAVURES.
400
GRAVURES DANS LE TEXTE PROCÉDÉ YVES ET BARRET Pages.
Maison où
est
né Millet. (Pastel de
Ramasseurs de
Les
M. Georges
varech.
la collection
(Dessin
au crayon
Fileuse.
noir,
de
la
.
collection de
9
(Dessin à
la
la
collection de
mine de plomb, de
M.
Frion.).
collection de
la
...
15
Portrait de M"'' Millet. (Dessin au crayon noir de la collection de
AL Georges 83
Petit.)
Saint
à
Pan. (Tableau du musée de Montpellier. Collection Bruyas.).
Jérôme en méditation. (Sanguine de
la collection
.
.
8p
Le Nouveau-Nc. (Dessin au crayon
noir,
de
la
collection de
M. Georges 9!
Petit.)
Baigneuse. (Dessin au crayon noir de
de M"" Marguerite Sen-
la collection
sier.)
93
(Kdipe détaché de l'arbre. (Tableau de la collection de
de l'eau-forte de
Une Nymphe.
M
Edmond
.
AL
Otlet; reproduction
Hédouin.)
(Dessin au crayon noir, de
la
95 collection de
M"° Marguerite
Sensier.)
97
Portrait de J. -F. Millet (1847). (Dessin au crayon de la collection de
M"" Mar-
guerite Sensier.)
'
.
Liberté (1848). (Pastel de
La Méridienne.
(Dessin à
la
la collection
plume de
de M"" Marguerite Sensier.).
la collection
.
.
10
109
de M"° Marguerite Sen-
113
sier.)
Le Semeur. (Dessin à Plaine de Barbizon M"''
85
de M"° Marguerite
Sensier.)
La
13
M"" Margue-
rite Sensier.)
Offrande
3
.
Petit.)
Emilie Millet. (Dessin au crayon noir, de
Une
de M. Feuardent père.)
:
la
plume de
la collection
de
Le Soir. (Dessin au crayon
M.
Alexis Rouart.)
noir,
de
la
.
.
.
collection de
Marguerite Sensier.)
Le Vieux Bûcheron. (Dessin au crayon Robert.)
125
129 noir, de
la collection
de
M. Gustave 131
TABLE DES GRAVURES.
401 Pages.
Une Glaneuse, noir,
de
pour
figure
la collection
Gardeuse de Moutons. Les Etables de
M.
le
tableau des Moissonneurs. (Croquis au crayon
de M"" Marguerite Sensier.)
(Pastel
delà collection de M. Georges Petit.)
mai.son de
la
143
(Gruchy). (Pastel de
Millet
...
.
de
la collection
Feuardent père.)
151
Le Gardeur de vaches. (Dessin au crayon
M"' Mar-
noir, de la collection de
guerite Sensier.)
169
Les Glaneuses. (Dessin au
crayon noir, de
M.
de
collection
la
Alfred
Lebrun.)
Les Sabots
.
177
(Dessin au crayon noir, de la collection de
M
.
le
baron de Gi-
rardot.)
Croquis à
Femme
la
18 j
plume. (Dessin de l'ancienne collection d'Alfred Sensier.).
faisant boire sa vache. (Dessin rehaussé de la collection de
.
.
201
La Femme portant des Georges
seau.x.
au crayon noir, de
(Dessin
la collection
de
Petit.)
207
Les Tondeurs. (Dessin au crayon noir, de
La Tondeuse. (Croquis de
L'Homme
à la houe.
la collection
la collection
deM"°
(Dessin au crayon
M.
de
Alfred Lebrun.)
Marguerite Sensier.)
noir, de
la collection
de
.... M.
209 216
'N'er-
dier.)
237
La Résurrection.
(Dessin au crayon noir,
de
collection de
la
.M. Charles
Tillot.)
La
193
^L Alfred
Lebrun.)
I\L
151
247
Bergère. (Dessin à la plume, de
la collection
Les Lavandières. (Dessin au crayon noir, de
de >L Alfred Lebrun.)
la collection
.
.
267
de M"" Marguerite
295
Sensier.)
Bergère au repos. (Dessin au crayon noir de
la collection
de M"' Sensier.)
.
.
308
Fac-similé d'une lettre de Millet (1867)
Le Hameau de Gruchy vu du côté de collection de
M.
.Alfred
la
mer. (Dessin au crayon noir de
la
Lebrun.)
339
La Ferme du
Lieu-Bailly. (Pastel de la collection de
Porteuse de
lait.
(Croquis au crayon noir de
M"'
Sensier.)
la collection
de
341
AL
Alfred
Lebrun.) Les Premiers Pas. (Dessin
297
343 reliau.ssé
de
la collection
de
.AL
Georges
Petit.).
26
.
345
TABLE DES GRAVURES.
402
Pages.
(Dessin
de Gréville.
Eglise
M. François
plume
et
au crayon de
la collection
de
351 la collection
de M'^° Sensier.)
(Dessin au crayon
Mendiante de Barbizon.
M"*
la
Millec.)
Tête de Femme. (Croquis de Petite
à
noir
353
de
la collection
de
Sensier.)
La Bergère avec
355
ses
moutons. (Dessin rehaussé de
la collection
de
M. Georges
Petit.)
357
La Cardeuse. La Femme
(Eau-forte.)
faisant
manger son
La Grande Bergère. Le Départ pour
Femme
375 enfant. (Eau-forte; épreuve d'essai.)
377
(Eau-forte.)
378
le travail. (Eau-forte.)
375
vidant un seau. (Héliographie sur verre.)
Le Bêcheur au
....
travail.
(Gravure sur
bois.)
383
385
1
REPRODUCTIONS
L'OEUVRE DE MILLET PHOTOGRAPHIES AU CHARBON En vente chez MM.
Au.
BRAUN
43, avenue de l'Opéra. Paris
PROPRIETAIRES DES ORIGINAUX.
Vache
à Tabreuvoir.
Paysage.
Parc à mouton.s. Bergère gardant
ses
moutons.
Pâturage au bord de
la
mer.
Troupeau de moutons au pâturage.
La Rentrée des pommes de
terre.
L'Agneau nouveau-né. Paysannes se chauffant en gardant leur troupeau.
10
Jeune Baigneuse.
1
Danse d'amours.
12
La Leçon de
I ->
L'Etendage.
'
>
tricot.
'4
Le Répandeur de fumier.
'5
La Fin de
i6
Le Fendeur de
•7
La
.8
Le Retour à
9
Femme
20
Le Tueur de cochons.
la journée.
bois.
Baratceuse. la
ferme.
à la lampe.
& C"
PROPRIETAIRES ORIGINAUX.
DES
21
Dll^li/ii^>^ «^h-v^
553
Sensier, Alfred La vie et l'oeuvre de J. F.
M6S-;
Millet
ND
PLEASE
CARDS OR
DO NOT REMOVE
SLIPS
UNIVERSITY
FROM
THIS
OF TORONTO
LIBRARY
I
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