Les peintres impressionnistes, 1878

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THEODORE DURET LES

PEINTRES IMPRESSIONNISTES CLAUDE MONET — SISLEY — G. PISSARRO RENOIR — BERTHE MORISOT AVEC UN DESSIN DE RENOIR

PAEIS

LIBRAIRIE PARISIENNE H.

38,

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BEYMAWi &

J-

PEROIS

AVENUE DE l/OPÉRA, Mai

4

878

38


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THE

LIBRiÀRY

SRIGHAM YOUNG UNIVERS»! PROVO, UTAH

à


LES

PEINTRES IMPRESSIONNISTES


DU MEME AUTEUR

LES

PEINTRES FRANÇAIS EN Dentu, Palais-Royal.

Poissy.

Typ.

S.

Lejay

et Cie.

1867


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2012 with funding from

Brigham Young University

http://archive.org/details/lespeintresimpreOOdure



THÉODORE DURET LES

PEINTRES IMPRESSIONNISTES **

CLAUDE MONET - SISLEY — G. PISSARRO RENOIR — BERTHE MORISOT AVEC UN DESSIN DE RENOIR

PARIS

LIBRAIRIE PARISIENNE H.

38,

HEYMANN &

J-

PEROIS

AVENUE DE L'OPÉRA, Mai

4

878

38


Ok

cherchaient

tout,

ils

foule.

En somme

tapage pour ameuter

le

la

Impressionnistes acquirent à

les

leur exposition la réputation des gens dévoyés, et les plaisanteries

que

la critique,

la

caricature, le

théâtre continuent à déverser sur eux prouve que cette opinion persiste.

Que

si

on

se hasarde à dire

alors

Vous savez

«

:

est pourtant des amateurs qui

les

il

f

apprécient, »

Tétonnement grandit. Ce ne peuvent

être,

répond-on, que des excentriques. La candeur m'o-

me

blige à déclarer que cette épithète

premier chef. Oui, j'aime Impressionnistes, et

pour expliquer

de

mon

le lecteur n'aille

un enthousiaste

isolé.

Fart des la

point croire que

petite secte,

constituons aujourd'hui une église, notre

nous faisons des prosélytes. Et

vous assure qu'on se trouve en gnie dans notre société. tels

Il

plume

goût.

Je ne suis point seul.

Nous avons d'abord formé une

s'accroît,

du

revient

j'admire

justement pris

les raisons

Cependant que je sois

j'ai

et

fort

nous

nombre

même

je

bonne compa-

y a d'abord des critiques

que Burty, Castagnary, Ghesneau, Duranty qui

n'ont jamais passé dans

mauvais juges,

le

monde

phonse Daudet, d'HerviHy, Zola tionneurs. Car

des arts pour de

puis des littérateurs

ici

il

;

comme

Al-

enfin des collec-

faut que le public qui

rit


—9— fort

si

en regardant

encore davantage

samment pour

s'étonne

cette peinture s'achète.

Il

suffi-

leur permettre de se construire des

mais enfin

ont autrefois

les Impressionnistes,

n'enrichit point ses auteurs

est vrai qu'elle

hôtels,

t

hommes

Des

elle s'achète.

qui

leurs preuves de goût en réunis-

fait

sant des Delacroix, des Corot, des Courbet se for-

ment aujourd'hui des collections d'impressionnistes dont

ils

pour n'en

se délectent;

uns bien connus

MM.

:

citer

que quelques-

d'Auriac, Etienne Baudry,

de Belio, Charpentier, Choquet

,

Deudon, Dollfus

,

Faure, Murer, de Rasty.

Eh bien quoi !

?

prétendez-vous parce que vous

vous êtes réunis quelques douzaines, faire revenir le

public de son opinion?

le

temps nous avons

On

a discuté

— Vous l'avez

dit

avec

!

cette prétention.

longuement pour savoir jusqu'à quel

point le public était capable déjuger par lui-même les

œuvres

d'art.

On peut concéder

qu'il est apte à

sentir et à goûter lorsqu'il est en présence de

acceptées et de procédés traditionnels.

frement est

fait, tout le

prendre. Mais

s'il

monde peut

s'agit d'idées

nières de sentir originales,

veloppent

les idées, si

le

si

la

formes

Le déchiflire et

com-

nouvelles, de

forme dont s'en-

moule que prennent

œuvres sont également neufs

ma-

les

et personnels, alors i.


l'inaptitude saisir

-

10

du grand public à comprendre

d'emblée

La peinture

et à

est certaine et absolue.

qui,

pour être comprise, demande

une adaptation de l'organe de

l'œil et l'habitude

découvrir, sous les procédés

du métier,

ments intimes de

un des

l'artiste, est

facilement accessibles à

la foule.

de

les senti-

arts les

moins

Schopenhauer a

classé les professions artistiques et littéraires d'a-

près le degré de difficulté qu'elles avaient à faire

comme

les

plus

facilement admis et les plus vite applaudis

les

sau-

reconnaître leur mérite;

il

a placé

teurs de corde, les danseurs, les acteurs

;

il

a mis

tout à fait en dernier les philosophes et immédiate-

ment avant eux

les peintres.

Tout ce que nous avons vu à notre époque prouve la

parfaite justesse de cette classification.

quel dédain

n'a-t-on

Avec

pas traité à leur appari-

tion les plus grands de nos peintres ? Qui n'a en-

core les oreilles pleines des sornettes qui formaient

fond des jugements de

à leur égard

le

du public

A-t-on assez longtemps prétendu que

?

la critique et

Delacroix ne savait pas dessiner et que ses tableaux n'étaient

que des débauches de couleur? A-t-on

assez reproché à Millet de faire des paysages igno-

bles et grossiers et des dessins impossibles à pendre

dans un salon

? Et

que n'a-t-on pas

dit

de la pein-


— Ce

ture de Corot?

que des ébauches,

11

n'est c'est

pas assez

ce ne sont

fait,

d'un gris sale,

avec des raclures de palette.

Il

peint

c'est

est avéré

que long-

temps, lorsqu'un visiteur s'aventurait par extraordinaire dans l'atelier de Corot et que celui-ci,

timidement,

offrait

lui

une

peu soucieux de

refusait,

toile,

le

quidam

la

se charger de ce qui lui

semblait une croûte et de faire les frais d'un cadre. Si

Corot n'eût vécu jusqu'à quatre-vingts ans,

mort dans l'isolement peut dire que

la

et le dédain,

critique a ramassé

injures qu'elle déversait depuis ses devanciers,

pour

il

fût

Et Manetf on toutes les

un demi-siècle sur

les lui jeter à la tête

en une

seule fois. Et cependant la critique a depuis fait

amende honorable, mais que de temps

comme

le

public

s'est pris

et d'efforts

cela s'est fait

peu

d'admiration

;

ont été nécessaires,

à peu, péniblement,

par

conquêtes successives.

Ah

ça

moner

!

me dit

le lecteur,

prétendez-vous

et disserter ainsi à perte

me parler

ture en général,

ou

pressionnistes ?

— C'est vrai.

de vue sur

me la

ser-

pein-

spécialement des Im-

Tournons

le feuillet.


CHAPITRE OU L ON ETABLIT LE POINT DE DEPART ET LA RAISON D'ÊTRE DES IMPRESSIONNISTES

Les Impressionnistes ne se sont pas faits toutseuls, ils

n'ont pas poussé

sont

le

comme

des champignons»

Ils

produit d'une évolution régulière de l'école

moderne

française.

Natura non fecit saltum pas plus

en peinture qu'en autre chose. Les Impressionnistes descendent des peintres naturalistes,

ils

ont pour

pères Corot, Courbet et Manet. C'est à ces trois

maîtres que

l'art

de peindre doit

les

facture les plus simples et cette touche tière,

procédant par grands

traits et

procédés de

prime sau-

par masse, qui

seule brave le temps. C'est à eux qu'on doit la

peinture claire, définitivement débarrassée de la litharge,

du bitume, du chocolat, du jus de chique,


— du graillon l'étude

et

du

du plein

13

gratin. C'est à

eux que nous devons

non plus seule-

air; la sensation

ment des couleurs, mais des moindres nuances des couleurs, les tons, et encore la recherche des rap-

ports entre l'état de l'atmosphère

qui éclaire

le

tableau, et la tonalité générale des objets qui s'y

trouvent

peints.

A

ce que les

impressionnistes

tenaient de leurs devanciers, est venue

s'ajouter

l'influence de l'art japonais. Si

vous

Seine,

à

vous

promenez sur

Asnières

par

embrasser d'un coup d'œil,

bord de

le

toit

le

muraille éplatante de blancheur

rouge

bleu de

vous

la

rivière.

apparaîtra

A

et la

d'un chalet,

vert tendre d'un peuplier, le jaune de le

la

pouvez

vous

exemple,

le

route

la

midi, en été toute cou-

crue,

sans

dé-

gradation possible ou enveloppement dans

une

leur

demi-teinte générale.

Eh

bien! cela peut sembler

étrange, mais rien n'est pas l'arrivée

intense,

moins

vrai,

il

a fallu

parmi nous des albums japonais pour que

quelqu'un osât s'asseoir sur

pour juxtaposer sur une

le

bord d'une

toile,

un

hardiment rouge, une muraille qui

toit

rivière,

qui

fût blanche,

fût

un

peuplier vert, une route jaune et de l'eau bleue.

Avant

le

Japon

toujours.

La

c'était

impossible,

le

peintre mentait

nature avec ses tons francs lui crevait


-u— les

yeux; jamais sur

on ne voyait que des

la toile

couleurs atténuées, se noyant dans une demi-teinte générale.

Lorsqu'on a eu sous

les

yeux des images japo-

naises sur lesquelles s'étalaient côte à côte les tons les

plus tranchés et les plus aigus, on a enfin

pris qu'il y avait,

com-

pour reproduire certains effets de la

nature qu'on avait négligés ou supposé impossibles à rendre jusqu'à ce jour, des procédés qu'il était

nouveaux

bon d'essayer. Car ces images japonaises

que tant de gens n'avaient d'abord voulu prendre que pour un bariolage, sont d'une pante. Qu'on

pon.

demande

A chaque

fidélité frap-

à ceux qui ont visité le Ja-

instant,

pour

ma

part,

il

m'arrive

de retrouver, sur un éventail ou dans un album, la sensation exacte des scènes et

du paysage que

j'ai

vus au Japon. Je regarde un album japonais et je dis le

:

Oui, c'est bien

Japon;

c'est

comme

cela

que m'est apparu

bien ainsi, sous son atmosphère lu-

mer s'étend bleue

mineuse

et transparente,

colorée

voici bien les routes et les

;

de ce beau cèdre, dont

les

que

la

et

champs bordés

branches prennent toutes

sortes de formes anguleuses et bizarres, voici bien le

Fousyama

le

plus élancé des volcans, puis encore

bambou

les

masses du léger

et

enfin le peuple grouillant et pittoresque des

qui couvre les coteaux,


— villes et

15

des campagnes. L'art japonais rendait des

aspects particuliers de la nature par des procédés

de coloris hardis

nouveaux,

et

quer de frapper des t-il

les

ne pouvait man-

artistes chercheurs, et aussi a-

fortement influencé

Lorsque

il

les

Impressionnistes.

Impressionnistes eurent pris à leurs

ma-

devanciers immédiats de l'École française la nière franche de peindre en plein air,

du premier

coup, par l'application de touches vigoureuses, qu'ils eurent

compris

les

procédés

hardis du coloris japonais,

et

et si

partirent de ces

ils

points acquis pour développer leur ginalité

neufs et

si

propre ori-

s'abandonner à leurs sensations per-

sonnelles.

L'Impressionniste s'assied rivière,

l'heure

selon

l'état

du jour,

mosphère,

le

l'eau

du

sur

le

bord d'une

l'angle de la vision,

ciel,

calme ou

de

l'agitation

prend tous

les

tons,

l'at-

peint

il

sans hésitation sur sa toile de l'eau qui a tous les tons.

Le

est

ciel

couvert, le temps pluvieux,

peint de l'eau glauque, lourde, opaque

découvert,

le

soleil brillant,

tillante, argentée,

azurée;

il

il

peint de l'eau scin-

fait

les reflets

que

couche

darde ses rayons dans

et

sio miste,

pour

du

laisse voir le clapotis

fixer ces effets,

;

il

le ciel est

vent, ;

il

peint

le soleil se

l'eau, l'Impres-

plaque sur sa

toile


— du jaune

et

16

du rouge. Alors

le

public

commence

à

rire.

L'hiver est venu, l'Impressionniste peint de la neige.

qu'au

voit

Il

soleil

sur la neige sont bleues,

ombres

ombres portées

les

peint sans hésiter des

il

bleues. Alors le public rit tout à

Certains terrains

argileux des

vêtent des apparences

des paysages

campagnes

re-

l'Impressionniste peint

lilas,

Alors

lilas.

fait.

le

commence

public

à

s'indigner.

Par

le soleil d'été,

peau

la

lette,

aux

reflets

du

feuillage vert,

vêtements prennent une teinte vio-

et les

l'Impressionniste peint des personnages sous

public se déchaîne absolu-

bois violets. Alors

le

ment,

montrent

les critiques

peintre de

«

communard

» et

le

poing, traitent

le

de scélérat.

Le malheureux Impressionniste a beau protester de sa parfaite sincérité, déclarer qu'il ne reproduit

que ce

qu'il voit, qu'il reste

public et les critiques condamnent.

de savoir

pond

à ce

la nature. les

si

la nature, le

fidèle à

Ils

n'ont cure

ce qu'ils découvrent sur la toile corres-

que

le

peintre a réellement observé dans

Pour eux

il

n'y a qu'une chose

:

ce

que

Impressionnistes mettent sur leurs toiles ne

correspond pas

à ce qui se

trouve sur

les toiles

des

peintres antérieurs. C'est autre, donc c'est mauvais.


CLAUDE MONET MONET A

(Claude-Oscar), né à

Paris le 14 novembre 1840.

exposé aux salons de 1865, 66, 68.

de 67, 69,

A

70.

nistes, sur le

exposé aux

A

été refusé

trois expositions des

aux salons

Impression-

boulevard des Capucines en 1874, chez M. Du-

rand-Ruel en 1876, rue LePeletieren 1877.

Si le

mot d'Impressionniste

a été trouvé

bon

et

définitivement accepté pour désigner un groupe de peintres, ce sont certainement les particularités de la peinture

géré.

de Claude Monet qui l'ont d'abord sug-

Monet

est lTmpressionniste

Claude Monet a réussi fugitives

que

négligées

rendre par

ou le

les peintres,

par excellence.

à fixer des

impressions

ses devanciers, avaient

considérées comm-3

impossibles à

pinceau. Les mille nuances que prend


l'eau de la

dans

mer

et des rivières, les

nuages,

les

18

le coloris

jeux de la lumière

vibrant des fleurs et les

diaprés du feuillage aux rayons d'un soleil

reflets

ardent, ont été saisis par lui dans toute leur vérité.

Peignant qu'il a

paysage non plus seulement dans ce

le

d'immobile

et

de permanent, mais encore

sous les aspects fugitifs que

phère

lui

les

accidents de l'atmos-

donnent, Monet transmet de la scène vue

une sensation singulièrement vive

et saisissante.

communiquent bien réellement des im-

Ses toiles

pressions; on peut dire que ses neiges

donnent

froid et que ses tableaux de pleine lumière chauffent et ensoleillent.

Claude Monet avait d'abord peignant

attiré l'attention

Sa Femme

la figure.

aujourd'hui

verte,

chez M. Arsène Houssaye, avait

fait

en

sensation au

salon de 1865 et on s'était plu alors à prognosti-

quer pour rière

l'artiste

quelque chose

comme

la

car-

parcourue par M. Garolus Duran. Monet a

depuis délaissé la figure, qui ne joue plus dans son

œuvre qu'un

rôle secondaire.

II

s'est

à peu près

exclusivement adonné à l'étude du plein air

et à la

peinture de paysage.

Monet

n'est point attiré

par

les scènes rustiques

vous ne verrez guère dans ses

toiles

;

de champs

agrestes, vous n'y découvrirez point de

bœufs ou


19

de moutons, encore moins de paysans. L'artiste se sent porté vers la nature ornée et les scènes ur-

baines.

peint de préférence des jardins fleuris,

11

des parcs et des bosquets.

Cependant l'eau

tient

la

principale place dans

son œuvre. Monet est par excellence l'eau.

Dans l'ancien paysage,

l'eau

le

apparaissait

d'une manière fixe et régulière avec sa d'eau

»,

comme un

les objets.

peintre de

couleur

«

simple miroir pour refléter

Dans l'œuvre de Monet,

couleur propre et constante,

elle n'a

elle revêt

plus de

des appa-

rences d'une infinie variété, qu'elle doit à Pétat de l'atmosphère, à la nature du fond sur lequel elle

roule ou du limon qu'elle porte avec elle

;

elle est

limpide, opaque, calme, tourmentée, courante ou

dormeuse, selon l'aspect momentané que

l'artiste

trouve à la nappe liquide devant laquelle planté son chevalet.

il

a


SISLEY

SISLEY (Alfred), né anglais.

A commencé

Gleyre.

A

à Paris le 30 octobre 1810 de parents à peindre

en 1860 dans

l'atelier

de

exposé aux salons de 1866, 68 et 70. A été refusé

au salon de 1869.

A

exposé aux trois expositions des impres-

sionnistes.

La peinture de

Sisley

communique une impres-

sion de la nature gaie et souriante.

Nous n'avons

point affaire en Sisley à un mélancolique, mais à

un

homme

qui se

d'heureuse humeur, content de vivre,

promène dans

et jouir

la

agréablement de

Sisley est peut-être

campagne pour la vie

au grand

s'y dilater air.

moins hardi que Monet,

il

n,e

nous ménage peut-être pas autant de surprises, mais, en revanche,

il

ne reste point en chemin,


— comme effets les

il

21

arrive à Monet, s'essayant à rendre des

tellement fugitifs que

saisir.

Les

toiles

de dimensions

donnée des tableaux

la

Corot

à

temps manque pour

de Sisley,

moyennes, rentrent dans que nous devons

le

et à

Jongkindt, et

comment

impossible de concevoir

elles

il

est

sont en-

core dédaignées du public. Il

puis

certain

est

longtemps

même

que Sisley eût par

accepté

le

été de-

public

s'il

eut

appliqué son savoir faire à imiter tout simplement ses devanciers,

de

la

et la

mais

montre de

s'il

parenté avec eux par

coupe de ses

toiles,

yeux une

Grand, lilas

et,

touche

et d'interpréter

Impressionniste enfin par ses pro-

cédés de coloris. Pendant que j'écris ceci, les

la

n'en est pas moins in-

il

dépendant par sa manière de sentir la nature. Il est

la similitude et

procédés de

les

horreur

j'ai

sous

de Sisley, une vue de Noisy-le-

toile !

j'y

découvre justement ce ton

qui, à lui seul a la puissance d'indigner le

public au moins autant

que

toutes

les

autres

monstruosités réunies qu'on attribue aux Impressionnistes.

Le

ciel est couvert,

lumière tamisée, qui teint néral

gris-lilas-violet.

il

laisse

les objets

Les

ombres

tomber une

d'un ton gésont

trans-

parentes et légères. Le tableau est peint sur nature et l'effet

que

le

peintre reproduit est certes d'une


parfaite vérité. Mais

n'a point tenu

Que

il est certain aussi que l'artiste compte des procédés conventionnels.

eût peint les vieilles maisons du village avec des tons terreux, que s'il eût fait ses ombres noires et

s'il

opaques pour obtenir une violente opposition les clairs, il eût été dans la tradition et tout le

avec

monde ne

alors eut applaudi

le faisait-il,

ainsi,

que de

se

il

I

Et

le

maladroit

est bien plus facile

!

que

de peindre

tourmenter pour obtenir des tons

délicats et nuancés, selon le hasard des rencontres.


G.

PISSARRO Thomas

PISSARRO

(Camille-Jacob), né

le

en France pour faire son éducation Antilles,

1855.

A

10

il

a

A

et est ensuite

commencé à peindre.

à Saint-

juillet 1830,

colonie danoise, de parents français.

été

envoyé

retourné aux

Est revenu à Paris en

exposé aux salons de 1859, 66, 68, 69 et 70.

fusé plusieurs fois,

notamment en 1863, année où

salon des refusés.

A

il

A

été re-

exposa au

exposé aux trois expositions des Impres-

sionnistes.

Pissarro est celui des Impressionnistes chez le-

quel on retrouve, de la manière la plus accentuée, le

point de vue des peintres purement naturalistes.

Pissarro voit la nature en la simplifiant,

il

est porté

à la saisir par ses aspects permanents. Pissarro est

le

peintre

pleine campagne.

Il

du paysage

agreste, de la

peint d'un faire solide,

les


24

champs labourés ou couverts de moissons,

ar-

les

bres en fleurs ou dénudés par l'hiver, les grand'-

routes avec

les

bordent,

les

ormeaux ébranchés

les

et les haies qui

chemins rustiques qui s'enfoncent

sous les arbres touffus.

aime

Il

les

maisons de

vil-

lage avec les jardins qui les entourent, les cours

de ferme avec barbottent

les

animaux de labour,

les oies et les

canards.

introduit dans ses tableaux

paysan rustique et

le

est

les

mares où

L'homme

qu'il

de préférence

le

laboureur caleux.

Les toiles de Pissarro communiquent au plus

haut degré tude,

il

la

s'en

sensation de l'espace et de la soli-

dégage une impression de mélan-

colie. est vrai

Il

contre

le

qu'on vous dira que Pissarro a commis

goût d'impardonnables attentats. Ima-

ginez-vous qu'il

s'est

abaissé à peindre des choux

et des salades, je crois

même

aussi des artichauds.

Oui, en peignant les maisons de certains villages* il

a peint les jardins potagers qui en dépendaient,

dans ces jardins et

il

les a,

il

comme

y avait des choux et des salades le reste,

Or, pour les partisans

un

du

«

reproduits sur la toile.

grand

art, »

il

y a dans

pareil fait quelque chose de dégradant, d'atten-

tatoire à la dignité de la peinture, quelque chose

qui montre dans

l'artiste

des goûts vulgaires, un


,

— oubli complet de

25

un manque absolu

l'i déal,

d'as-

pirations élevées, et patati, et patata. Il

bon de

serait pourtant

s'entendre,

toutes, sur cette expression de «

pour

Si l'on

italien,

fois

art. »

désigne par là une certaine époque deVart qui correspond, dans

à la période

épique dans

grand. Mais

si

de

l'art

domaine

le

on peut attacher spécialement

tion,

une

grand

la peinture,

littéraire, oui,

à cet art, Tépithètede

vous entendez simplement

aux époques subséquentes

et jusqu'à

la répéti-

nos jours,

des vieilles formes italiennes par des procédés traditionnels et d'école,

il

faut au contraire refuser à

de semblables productions non-seulement l'épi thète

d'œuvres de

«

grand

tion d'œuvres d'art.

art, »

mais

la

simple appella-

Ce sont purs pastiches, miè-

vres copies, partant choses sans vie et sans valeur. L'art ne doit point s'isoler de la vie, et être

il

ne peut

compris séparé d'un sentiment personnel

prime

sautier.

Or*

entendu

l'art,

toutes les manifestations de

la

ainsi,

vie,

et

embrasse

tout ce que

contient la nature. Rien n'est noble et bas en soi et l'artiste, selon ses aspirations et

droit

de promener

du monde

visible,

pour

les

C'est encore ici question

Tant que

l'artiste est

son caprice, a

yeux sur toutes

ses

le

les parties

reproduire sur la

toile.

de moment et d'habitude.

vivant et contesté, les gens


du bel

air, s'il les

mène dans un offensés.

conduit au cabaret ou

les

pro-

potager, font les dédaigneux et les

Enlevez-moi ces magots,

disait

Louis XIV

en parlant des Buveurs de Téniers. Louis XVI collectionnait au contraire avec passion ces

mêmes

Buveurs. Pour l'unies tableaux sortaient des mains

d'un artiste vivant et discuté, pour l'autre

étaient

ils

dus à quelqu'un mort et consacré, auquel on ne croyait plus pouvoir rien reprocher. Qui songe à

trouver mauvais que Rubens, fasse

commettre à

gruités qui

ses

dans sa Kermesse,

Flamands toutes

incon-

suivent l'abus des potations et de la

mangeaille? Quand Millet a peint sa

les

toile

Novembre

un simple guéret fraîchement labouré

le

public est passé sans regarder, et les critiques,

pour

la plupart,

ont trouvé

le

rustre et grossier; aujourd'hui

si

tableau par trop l'on veut

une idée du génie naïvement grandiose de c'est cette toile

choux vieilli,

qu'on

cite

et les salades des

donner Millet,

de préférence. Lorsque

les

potagers de Pissarro auront

on leur découvrira du

style et

de

la poésie.


RENOIR RENOIR

(Auguste-Pierre) né à Limoges,

Élève de Gleyre. 78,

A

été refusé

A exrosé

le

25 février 1811.

aux salons de 1864,

65, 68, 69, 70 et

aux salons de 1873

et 75.

A

exposé aux trois

expositions des Impressionnistes.

Renoir, au contraire de Monet, Sisley et Pissarro, est

avant tout un peintre de figures,

le

paysage ne

joue dans son œuvre qu'un rôle accessoire. Renoir a peint des toiles importantes par leurs sions, qui ont et

montré

qu'il était

de vaincre de grandes

telles

dimen-

capable d'affronter

difficultés d'exécution,

sont sa Lise, du salon de 1868, dont

donnons en

tête la

nous

reproduction; son Bal à Mont-

martre, exposé en 1877, rue Le Peletier; mais sur-

tout

son

Amazone galoppant

dans un parc, au-


Rouard. Renoir assemble sur

jourd'hui chez M. toile

la

des personnages de grandeur nature et géné-

ralement reproduits à mi-corps, qu'il

fait lire et

converser ensemble, ou qu'il place dans une loge écouter au théâtre. C'est quelque chose

,

comme

à la

peinture de genre développée et sortie de ses proportions restreintes.

Renoir excelle dans il

portrait.

le

saisit les traits extérieurs,

Non-seulement

mais, sur les

traits,

caractère et la manière d'être intime

fixe le

il

du

modèle. Je doute qu'aucun peintre ait jamais interprété la

femme d'une manière

plus séduisante. Le pinceau

de Renoir rapide

et

plesse, l'abandon,

rend

léger

donne

la grâce, la

la chair transparente,

sou-

co-

lore les joues et les lèvres d'un brillant incarnat.

Les femmes de Renoir sont des enchanteresses. Si

vous en

introduisez une

chez vous,

personne à laquelle vous jetterez en sortant

et le

le

elle

sera la

dernier regard

premier en rentrant. Elle prendra

place dans votre vie. Vous en ferez un maîtresse.

Mais qu'elle maîtresse

I

Toujours douce, gaie, sou-

riante, n'ayant besoin ni

sachant se passer de idéale

!

de robes ni de chapeaux,

bijoux

;

la

vraie

femme

I


BERTHE MORISOT MORISOT

(Berthe), née à Bourges.

1864, 60, 66, 67, 68. 70, 72 et 73.

A

A

exposé aux salons de

exposé aux

trois

exposi-

tions des Impressionnistes.

La peinture de

M me

Morisot

est

bien

de

la

peinture de femme, mais sans la sécheresse et la timidité qu'on reproche généralement aux œuvres

des artistes de son sexe.

Les

couleurs,

sur

les

toiles

de

M me

Morisot,

prennent une délicatesse, un velouté, une morbidesse singulières. Le blanc se nuance de reflets qui le

conduisent à

cendré,

le

la

nuance rose thé ou au

gris

carmin passe insensiblement au ton

pêche, le vert du feuillage prend tous les accents et toutes les pâleurs. L'artiste termine ses toiles en


—130 donnant de

ci

de là, par-dessus

coups de pinceau,

les fonds,

comme

c'est

si

de légers effeuillait

elle

des fleurs.

Pour

les

bourgeois,

«

guère que des esquisses, si

vous

les

ne sont pas

embrassez du regard

semble, vous les

ses tableaux

»

ils

les

en saisissez

Mais l'en-

trouverez pleins d'air, vous verrez

plans s'espacer et

Les êtres que

et

ne sont

finis.

M me

les

personnages se modeler.

Morisot met dans ses pay-

sages ou ses intérieurs sont distingués et sympathiques, quelquefois

un peu

gués de se tenir debout.

frêles et

comme

fati-


POSTFACE QUI SE TERMINE

PAR UNE PREDICTION

Les cinq peintres dont nous venons de parler ont développé une originalité suffisante et trouvé

quelque chose d'assez frappant pour qu'on besoin de

mune et

les

ait

eu

désigner par une appellation com-

nouvelle

:

ils

forment

le

groupe primor-

Nous bornerons donc

dial des Impressionnistes.

à eux notre étude, et nous ne nous étendrons point

sur quelques artistes de grand talent qui, sans être Impressionnistes^ ont exposé avec eux

:

MM.

Rouard, qui sont des naturalistes purs dehors de l'influence du Japon

;

Cals et

restés

en

M. Degas, qui se

distingue par la précision et la science du dessin.

Nous ne

faisons aussi

que mentionner

peintres qui se rattachent

miers

Impressionnistes

le

ou

le

nom

des

plus près aux pre-

sont

leurs

élèves

:


— MM.

Caillebotte,

Lamy,

Piette.

82

Cézanne,

Corday,

Guillaumin,

Ces artistes sont relativement des

nouveaux venus,

ils

n'ont encore pu donner toute

leur mesure, et ce n'est

que plus tard qu'on pourra

formuler un jugement définitif sur leur œuvre.

Le préjugé que artistes

les

Impressionnistes sont des

dévoyés et que ceux qui aiment leur pein-

ture ont

des goûts malsains est

coup sûr plus d'un lecteur

demander la

:

si

se sent

répandu, qu'à de

l'envie

me

— Mais, monsieur, puisque vous aimez

peinture des Impressionnistes, que pensez-vous

de l'ancienne peinture?

Eh! cher

que vous en pensez vous-même.

Si

lecteur, ce

vous

le

voulez

bien, je vous entraînerai

un instant au Louvre

pour vous en convaincre

et

pour essayer de

naître en vous l'heureuse

humeur

faire

qui, en partant,

nous permettrait de tomber d'accord.

Nous crois

voici devant

les

primitifs

italiens, et je

que nous aimons également leur simplicité,

leur dessin serré, leur couleur

si

claire et

si

saine.

Nous nous sentons transportés dans une sphère surhumaine lorsque nous arrivons dans de

l'art italien à

que

les toiles

la

son apogée. Nous trouvons

du Louvre, de dimensions

région

même

restreintes,

ne donnent qu'une idée incomplète de cette peinture épique, et nous nous transportons par

la


33

pensée, pour en avoir une impression souveraine,

devant

la Dispute

du Saint- Sacrement,

Jugement

le

de Milan.

dernier, la Cène

Je suppose que nous

sommes

d'accord pour

passer rapidement à travers le désert que forme l'école

de Bologne. Mais bientôt nous arrivons aux

espagnols et nous nous épanouissons de nouveau.

Nous n'avons du grand Velasquez que quelques

comme nous

petites toiles et,

nous nous transportons par

italiens,

Madrid

l'avons fait pour les

nous revoyons

et

les

la

pensée à

Lances et tous les

chefs d'œuvres qui leur forment cortège.

Avec

le

flamand Rubens,

gorie et l'épopée,

les

la

hommes

mythologie, et les

l'allé-

dieux nous

apparaissent sous une forme moins noble et moins

pure qu'en

Italie,

moins vigoureuse

mais l'imagination

et la

magie du coloris

n'est et la

pas

har-

diesse de la touche l'emportent peut-être.

Nous goûtons exprimer

le

vit tout entière

En

l'aptitude des maîtres hollandais à

sens intime des choses. La Hollande

sur les toiles de ses peintres.

traversant les salles de l'école française

trouvons une

grande noblesse au Poussin

peinture de Lesueur nous donne la

mélodieuse que Racine.

la

prose de Fénelon

même

nou et

s

la

note

et les vers

de




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