Louise Abbema 1858-1927

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PEINTRES ET SCULPTEURS Notices par Georges Lecocq

Avec Dessins originaux des Artistes

PREMIÈRE LIVRAISON

LOUISE ABBEMA

Prix

:

2

francs

PARIS LIBRAIRIE DES BIBLIOPHILES RUE SAINT-HONORÉ, 338 M DCCC LXXIX




SARAH 1)KRN11ARDT par Louise Abbcma AlédailLon

Salon de 1678

Jfc

Héliocj

.

P.

Dujardm


PRÉFACE Chaque

année

le

Salon nous révèle des

ou consacre

talents jusqu'alors inconnus,

des

renommées qui

s

justement admirés

tête des peintres illustres et

figurent

les

maîtres

ajoutent à leur

En

affirment avec éclat.

dont

les

toiles

nouvelles

œuvre de glorieuses pages. Au-

dessous d'eux, et presque à côté de ces vieux

combattants, brille tout un jeune et nombreux

état-major d'artistes ardents au travail, pleins

de force

et

bition et

servées

de courage, animés d'une noble am-

rêvant de conquérir

aux vainqueurs de

Plus d'un, franchissant posaient à sa course, suivi.

Sans doute,

il

s'est

les

palmes

ces luttes pacifiques. les obstacles

qui s'op-

approché du but pour-

a laissé

aux

aux ronces du chemin quelques

broussailles et illusions;

quelles satisfactions procure le succès, et

on oublie vite lées!

les

ré-

mais

comme

heures pénibles à jamais écou-

que de joies sont contenues dans l'amertume


PRÉFACE

2

du désespoir! avec quel plaisir

et quel légitime

aux sommets,

orgueil on se rappelle, étant arrivé les

dures fatigues et

les

longues lassitudes de

la

route!

Tous cependant ne sont pas entrés dans

la

carrière depuis longtemps, et beaucoup, quoique

ayant marché à grands pas, ne doivent cesser de regarder en avant

mais ce

et

de voir non ce qu'ils ont fait,

qu'il leur reste

à accomplir. Déjà leurs

noms sont connus,

et ils n'en sont

premiers essais!

Ils n'ont

fourni que quelques

œuvres, mais remarquables tention.

Avec

encore qu'à leurs

et qui ont forcé l'at-

des défauts qu'ils ne songent pas à

nier, ils ont des qualités

que nous nous plaisons à

reconnaître, et c'est bien quelque chose que d'a-

voir composé un de ces tableaux, modelé une de ces statues devant lesquels

chacun

ne peuvent s'entendre adresser

s'arrête, et qui le

sanglant et

cruel reproche de banalité.

Laissons donc aux esprits chagrins

pousser chaque année ce cri périodique se

meurt!

l'art est

mort!» parce que

d'une seule année ne renferme pas

les

soin de

le

«

L'art

le

Salon

:

merveilles

du Louvre, chefs-d'œuvre de plusieurs

siècles.

Loin de nous désoler, cherchons avec confiance si l'exposition

des beaux-arts, fidèle à son but,

renferme d'intéressants envois

et

nous donne

la


PRÉFACE

3

seule chose que nous soyons en droit de lui de-

mander pour

:

un ensemble satisfaisant, de dans

l'avenir, et,

le

présent,

gnages d'un esprit qui ne doit

l'espoir

témoi-

les

rien à personne.

Ce que nous exigeons, nous le trouvons sans peine dans ces bles,

toiles

tour à tour émouvantes ou agréa-

passionnées ou charmantes, ces groupes

harmonieux,

ces statues et ces bustes qui frappent

le visiteur et

s'imposent à son souvenir. Ils vien-

nent

nombreux sous

tistes

jeunes

la

plume,

les

noms

des ar-

récompensés de leurs efforts

et déjà

par une notoriété laborieusement acquise.

Ce

sont surtout ces peintres et ces sculpteurs

que nous aimons à suivre dans

le

développement

auxquels nous consacrerons des

de leur talent,

et

monographies

spéciales. Ils les méritent

sont dignes à tous égards pour

les

travaux

en

et

qu'ils

ont terminés, pour les heureuses promesses dont ils

sont si riches.

Les

notices que nous publierons

beau volume

illustré

artistes.

Nous

ne pouvons

formeront un de dessins originaux des

— on

le

comprend de

reste

promettre de faire paraître nos études à date fixe; mais, sans garantir l'exactitude de riodicité,

laisser entre elles

En

la

pé-

nous nous efforcerons de ne jamais

un trop long espace de temps.

écrivant ces quelques pages, nous ne pou-


PRÉFACE

4

vous cependant nous défendre d'un regret

voudrions

gnées d'un

les voir sortir

nom

;

nous

d'une plume habile,

si-

qui fasse autorité. Il est témé-

raire à nous de tenter cette étude; notre excuse

sera dans la sympathie que nous inspirent ceux qui,

abandonnant

les

chemins sans cesse rebattus,

ont, dès leurs premiers pas, la routine. S'ils

mieux que

rompu en

visière

avec

ne font pas toujours aussi bien ou

leurs anciens,

du moins

ils

ment, et partout laissent empreinte

font autrela trace de

leur originalité, don rare et précieux sans lequel il

n'est point de véritable artiste.


LOUISE ABBEMA « Si les

femmes

de crânerie

,

que peignent

les

mettent à peindre avec tant Dieu! comment faudra-t-il

se

mon

hommes?

(O. Merson,

le

»

Monde

illustré.)

BBEM A (M

llc

marquée,

qui en quelque sorte

et

s'impose à

même,

en

Louise) a sa place

l'avance et d'elletète

de cette étude,

non pas que Tordre alphabétique, suivi rigoureusement, lui réserve

seul le

premier rang

:

elle

y a

,

Dieu merci

d'autres titres plus sérieux et désormais incontestables, sinon incontestés.

A de

la fin

du

siècle dernier et

celui-ci, le

au commencement

Théâtre-Français comptait parmi

ses meilleures actrices

une comédienne éminente


LOUISE ABBEMA

6

dont

nom

le

célèbre

est resté

Louise

c'était

:

Contât, qui avait su, par son talent, sa grâce

et

conquérir une grande autorité sur

le

son

esprit,

public

Son salon

suffrages des délicats.

et les

réunissait tous ceux qui, dans Paris, éprouvaient

quelque charme pour

Au nombre figurait le

choses de l'intelligence.

les

M

des plus assidus chez

lle

Contât

comte Louis de Narbonne leur arrière:

petite-fille est

M

Louise Abbema,

lle

aux

instincts aristocratiques,

nues avec

la

Comédie

lons ainsi l'origine de

fait

peintre aux

relations bien con-

française. Si nous rappe-

M

lle

Abbema,

remontons dans sa généalogie, trouvons dans ce

le

c'est

et si

nous

que nous

double explication de

la

ses goûts, de ses préférences et de ses amitiés.

Nous n'insisterons pas, car rien ne nous répugne tant

que de chercher dans

tiste

de quoi satisfaire

tresse

,

du

et

faire

publique; nous exception à

que nous nous imposons à

égard, pénétrer dans Laffitte

vie privée de l'ar-

la curiosité

pouvons cependant, sans règle rigoureuse

la

le

charmant

atelier

de

apprendre au lecteur ce que

logis

veut bien

Traversons quelques tures curieuses; jetons

lui

la

la

la

cet

rue

maî-

en laisser connaître.

salles

décorées de pein-

un coup

d'œil, trop rapide

à notre gré, sur les tableaux de Lepic; regardons

en passant une

Marine de

M

lle

Sarah Bernhardt;


LOUISE ABBEMA

J

arrêtons-nous un instant devant le portrait de me Abbema, une des premières toiles de sa fille,

M

qui Ta peinte avec tout son talent

tout son

et

cœur. Nous voici arrivé dans une pièce riche simple à

la fois,

mille objets divers là, le

ce côté

et

un

pelle le

des bibelots, des faïences;

rapportée de Venise l'hiver dernier; de lierre,

— jadis vigoureux, — nous rap-

Déjeuner dans

reviendrons

M

ici,

disparaissent sous

Lion de Saint-Marc, sculpture enlevée à une

gondole

lle

:

murs

les

et

plus

la serre, sur lequel

un

Voici

loin.

portrait

de

une aqua-

Groizette avec son autographe,

relle éclatante

nous

de lumière, souvenir du Tréport

\

des gravures, des dessins; enfin, disséminées de toutes parts, accrochées

ou par

dant ou retournées contre

le

terre,

nous regar-

mur, des

esquisses,

des ébauches nombreuses qui suffiraient à nous

apprendre,

si

sommes dans

nous ne l'atelier

du

Laissons-la travailler

répandus sur

la table.

savions déjà, que nous

le

peintre.

et

parcourons

11

en

amusant à

est

un

et

série très

complète des photographies de

Bernhardt, dans

les

poses

feuilleter

et les

:

c'est

M

costumes

variés, parfois les plus inattendus.

:

«

A

llc

une

Sarah

les

plus

Presque toutes

portentdes dédicaces d'une rare modestie,

par exemple

albums

surtout fort

agréable

assez

les

Louise Abbema,

la

celle-ci,

plus grande


LOUISE ABBEMA

8 artiste,

Sarah Bernhardt,

tiste.

»

Nous

dans

l'œil, cette fantaisie

vélée

M. Paul Mahalin dans

l'autre plus

grande ar-

voilà en pleine Société

du Doigt

joyeuse que nous a réles Jolies

Actrices de

Paris.

Ce

y a d'exagéré dans la manifestation un peu bruyante de cette amitié peut faire souqu'il

mais, à coup sûr, nous devons nous réjouir

rire;

sincèrement de l'affection qui unit

femmes, car nous

lui

sommes

vres remarquables qui, sans

vu

le

M

les

redevables d'œun'auraient pas

elle,

jour.

1Ie

Abbema

pendant

six

qu'en 1867.

ans

est

la direction

née à Étampes. Elle habita et

l'Italie,

ne revint en France

Quelques mois plus

mettait sérieusement

au dessin,

d'un ami de

lui

tard,

cement de 1870,

sous

avoir appris les preelle excelle.

longtemps après, au commen-

qu'elle

aborda

un long

lité

précieuse que ne peuvent

et utile stage,

qui la discutent

la peinture,

ayant

qui lui donna cette qua-

fait

mêmes

se

M. Devedeux,

miers éléments d'un art dans lequel n'est qu'assez

elle

et travaillait

la famille,

à qui revient l'honneur de

Ce

deux jeunes

le

lui contester

plus

:

le

ceux-là

dessin.

Mais


LOUISE ABBEMA elle avait

éclata,

9

à peine essayé sa palette que la guerre

avec ses angoisses

préoccupations.

.

.

et ses

douloureuses

C'était bien de peinture qu'alors

Portrait de Louise Abbeua par elle-même D'après son buste par Sarah Bernhardt.

il

s'agissait!

Le professeur

parti,

son élève ne

perdit pas courage, et seule, sans maître dont elle

pût recevoir

les leçons

ou suivre

les conseils, elle


LOUISE

10

se livra à

lle

mène

jusqu'en 1873.

Abbema

atelier.

se décida alors à entrer dans

Devinez lequel

dire tout de suite, car,

vous ne trouveriez de

M.

elle choisit.

Chaplin, qui l'accueille avec sa bonne grâce

perdu son temps à

d'éternelles chaplinadesl

voue une amitié

quente assidûment

Un jour,

elle

et,

Avec

faire,

et

re-

tant d'au-

sur porcelaine, elle

ne reste

reprend en hâte sa

voilà désormais qui fré-

Louvre et copie avec ardeur.

reproduisait un tableau de Velasquez,

quand un curieux proche,

le

La

comme

Cependant

que peu de mois,

lui

chère indépendance.

avis.

Mieux vaut le

.

pas... Elle va frapper à la porte

connaissante pour n'avoir pas,

chez

.

un

vous auriez beau chercher,

habituelle, et qui bientôt lui

tres,

MA

une opiniâtre étude, labor improbus...

Ceci nous

M

ABB E

s'arrête derrière elle, puis s'ap-

avec un compliment,

lui

donne un

quelle satisfaction cet avis est reçu,

avec quel soin

il

est suivi, c'est ce qu'il est facile

de comprendre, sachant qu'on avait reconnu

dans celui qui se permettait une

si

flatteuse cri-

tique Carolus Duran. Réjouie et touchée de cette bienveillance, la jeune artiste travailla sous la direction

du maître qui

son expérience

et

lui offrait le

concours de

de ses conseils. Aucune

toile

sérieuse ne fut dès lors livrée aux amateurs sans

son approbation.


LOUISE ABBEMA Enfin 1874 arrive,

Carolus Duran

et

temps d'exposer. Voilà

est

Le Salon! mot magique que

joies et d'espérances, il

le

dit qu'il

moment venu de

du Salon.

figurer sur le livret

chantements

I I

et terrible!

de désen-

d'illusions et

contient et renferme

Que de

!

L'épreuve redoutée a une issue favorable l'envoi est admis.

ner; ait

semble

il

corrigé

Il

même

:

n'y a pas lieu de s'en éton-

qu'à ce début l'amour

filial

ou du moins atténué des défauts qui

Le

éclateront tout à Theure.

bema, dont nous avons déjà faitement ressemblant

il

:

portrait de dit

un mot,

M me Abétait

par-

permit donc aux ama-

teurs de concevoir d'heureuses espérances, qui se

sont en partie réalisées.

Un

an s'écoule,

et

le

livret

de

que

1875,

nous consultons, parle d'un tableau de genre dont,

il

faut bien l'avouer,

nous n'avons con-

servé aucun souvenir. Voici, avec 1876, une

en son temps

ne passa pas sans ex-

toile

qui

citer

du tapage, mais du tapage de bon

c'est le

,

portrait de

M

,

llc

aloi

:

Sarah Bernhardt, re-

en vêtement sombre,

se

détachant vigoureusement sur un fond vert

(le

présentée de profil,

vert

Abbema!),

blic

en

même

et

qui

attirait l'attention

du pu-

temps que l'éblouissant portrait

dans lequel M. Clairin reproduisait,

lui

aussi.


LOUISE ABBE M A

12

l'éminente sociétaire de la

Sans doute,

les

du modèle; mais de

la sorte, ce

Quand on

Ta probablement voulu

celui-ci

qui a

dire à

fait

M. Ch.

se drape à dessein

dans des

lieu de dissimuler les défaillances, c'est

soi à l'heure

Quoi

qu'il

dont on

Yriarte

1

:

force avec autant de persistance son rôle d'im-

quand on

palpable,

française.

deux peintres sont tombés dans erreur en exagérant la fluidité apparente

même

la

Comédie

la vérité

en

s'est si

au

rayonne.

soit

de cette maigreur affectée

souvent occupé,

raison, le portrait

plis étroits

qu'on est bien sûr de

plus que de

et

dû au pinceau de

M

lle

Abbema

méritait à la fois des éloges et des réserves. C'est

ce que le chroniqueur de la Galette des

Arts exprimait en ces termes Tout d'abord,

j'ai

visage m'avaient fait

peu, je

je suis

revenu,

:

une tache somun manque de modelé dans juger l'œuvre trop rapidement. Peu à

été rebuté par ce portrait

maire dans l'arcade sourcilière le

j'ai

Beaux-

étudié,

:

et

j'ai

ne suis pas loin de trouver que

apprécié, c'est

et,

tout bien pesé,

un bon

portrait.

Il

y a

une certaine sincérité de vue qui finissent par convaincre. La robe est énergiquement peinte aussi.

du caractère

et

Ce jugement

fut celui

du

grand nombre

[plus

des visiteurs; d'autres cependant ont été moins sévères.

du

M 1.

I

er

llc

Le Times, notamment, dans son numéro

mai 1876, s'exprimait

Abbema

ainsi

:

expose un autre portrait de Sarah Bernhardt;

Gazette des Beaux-Arts

:

le

Salon de 1876.


LOUISE ABBEMA mais elle n'a pas vu son modèle de

la

i3

même façon que M

ce n'est pas l'actrice qu'elle a peinte, mais la

toute sa distinction. délicatesse réalité,

Le tableau tout

.

Clairin

:

femme artiste dans

entier a

une grâce, une

qu'un peintre seul n'aurait jamais atteinte

c'est,

:

en

l'œuvre de deux femmes, dont l'une a inspiré l'autre.

Avant de

quitter le Salon

de 1876, racontons

brièvement une anecdote qui donne raison au Times,

prouve bien que,

et

montré une séduisante

femme

si

M.

Clairin nous a

mistriss Clarkson, c'est la

qui a fourni seule

le sujet

du tableau dont

nous nous occupons en ce moment. Remontons de cinq ans en arrière,

même

1871, en ce

et

reportons-nous à Tannée

palais de l'Industrie

la

fu-

ture exposante ne vient encore qu'en curieuse. Elle s'y croise un jour avec et aussitôt

une idée

faire le portrait

de

elle,

lle

Sarah Bernhardt,

se fixe en son esprit la célèbre

dessine, séance tenante,

rentrée chez

M

si

tenace

:

comédienne. Elle

un rapide croquis,

puis,

se remet à la peinture avec

une

nouvelle ardeur, un réel acharnement. Cela dure trois ans.

Alors, se sentant suffisamment pré-

parée pour cette œuvre à laquelle tant de prix,

àM

lle

l'attitude

époque, — ceci conte de fées, entre les

attache

M Ue Abbema obtient d'être présentée

Sarah Bernhardt,

ment dans

elle

deux

et fait

son portrait absolu-

du croquis de 87 1

se termine presque

1

.

Dès

cette

comme un

une profonde amitié

s'établit

artistes, et l'affection la plus sincère


LOUISE ABBE M

14

vient se joindre chez elles à l'admiration la plus vive, sans la détruire.

Au

contraire!

Le Salon de 877 nous montre le Déjeuner dans la serre, toile considérable où figurent de nom1

breux personnages au milieu d'une végétation luxuriante.

Quelques-uns louèrent

et

applaudi-

rent; d'autres ne purent s'empêcher de faire en-

tendre des plaintes, ou allèrent

même jusqu'à

critiques assez mordantes. C'est ainsi

des

que M. Du-

ranty dans les Réflexions d'un Bourgeois, s'écrie ,

:

Tandis que M llc Abbema pourrait venir à nous d'un talent ferme et observateur, modulant des colorations fraîches et animées, que veut-elle, au contraire, avec son intérieur incompréhensible, ses feuillages en zinc vert, ses figures plates, inanimées, espèce de décor où

les

valeurs sont toutes pareilles,

où le fond avance au premier plan, d'où les formes sont soigneusement bannies au profit d'une clarté générale sèche et aigre, d'une agaçante opposition de tons l'envi

durs et blafards à

?

Presque aussi sévère, mais plus dant, la Revue des

Deux-Mondes

juste cepen-

n'échappait pas

tout à fait à l'agacement éprouvé par

de

la

c'est

le

rédacteur

Galette des Beaux- Arts. Ce qui est certain,

que ce tableau

était peint très

qu'à côté des défauts signalés par

naux que nous venons de

citer

hardiment,

les il

et

graves jour-

y avait aussi


LOUISE ABBEMA des qualités non moins visibles

tel est,

de tous ceux qui parcourent

l'avis

Pau où

le

;

très

:

Déjeuner dans

le

la serre tient

du moins,

Musée de une place

honorable.

C'était

dans

disait

M. Paul Mantz,

aussi l'opinion de

Temps

le

La recherche d'un

effet

(n°

du 27 mai 1877)

Déjeuner dans

le

les jours,

ont

fait

M

,lc

Ab-

Nulle émotion poignante

la serre.

dans cette scène intime. D'honnêtes gens, désertant

manger de tous

:

exceptionnel, sinon inédit, donne

aussi de l'inte'rêt au tableau, d'ailleurs discutable, de

bema,

qui

la salle à

dresser leur table au milieu

des feuillages d'une serre qui est presque un salon. Le déjeu-

ner s'achève; voici venir l'heure où

cigarette est permise

la

y a deux philosophes une jeune fille qui, assise à l'écart, ne se mêle à la fête que pour en étudier le spectacle, et un chien, prodigieusement affairé, qui promène sur une assiette le bout de sa langue enthousiaste et rose. L'effet que l'artiste a voulu rendre, c'est l'invasion du jour qui pénètre largement par un vitrage, tombe d'en haut sur les figures et sur les choses, et va, en s'adoucissant un peu, mettre de la lumière et

conversation prend son vol.

la

dans cette composition

Il

:

partout.

Une

pareille

œuvre

n'était

pas facile

:

M Ua

Abbema

n'y a

réussi qu'à moitié; elle a presque mis de l'outrance dans ses clairs, et,

bien que son tableau présente des parties d'une exé-

cution très hardie qu'il lui

manque

lui aussi, sert

et très virile,

il

demeure incomplet, parce

grande unité enveloppante. Véronèse, qui, à boire et à manger, fait déjeuner ses convives la

dans des milieux plus tranquilles. être intérêt à discipliner son exacte

La modération ne va pas mal à son dans sie.

le

portrait de

M mc

Mettant à profit

bema

est

un regard.

parvenue

le

M

110

Abbema

aurait peut-

recherche du ton talent, et elle le

local.

prouve

D... Ici, l'œuvre est délicate et réus-

Thomas Laurence, M 110 Abnon seulement des yeux, mais

conseil de

à peindre


LOUISE ABBEMA

i6

qualités

une nouvelle preuve des

fournir

S'il fallait

du Déjeuner dans

verions dans

la serre,

bruit qui se

le

nous

la trou-

autour de

fit

Être discuté, n'est-ce pas, pour un

artiste,

lui.

chose

cent fois préférable à l'éloge banal qu'on lui jette

comme une

trop souvent,

d'un la

pour ne pas

article,

sorte d'aumône, au bas l'attrister?

N'est-ce pas

reconnaissance du talent, d'autant plus précieuse

et vraie qu'elle est

en effet,

moins directe?

du bien

la part

et

On y

cherche,

du mal, du mal surtout,

sur lequel on insiste volontairement dans l'intérêt

du

Dans

peintre.

soit le

motif qui

dans l'excès

et

ce cas, et quelque louable que

fait agir,

de

s'écrier,

que nous pourrions tableau de

M

lle

citer

il

faut éviter de

tomber

avec certain journaliste :

ce

Ne

Abbemaî » Une

regardez pas

telle

le

phrase pour-

même quand elle aurait comme cela eut lieu, en dépit

rait être désobligeante,

pour résultat

,

peut-être de son auteur, la toile tous les

quoi

il

fallait

faire arrêter

devant

badauds désireux de savoir pour-

ne pas

Nous avons

— de

la regarder.

assisté jusqu'ici à des essais qui,

n'étant plus des tâtonnements, ne sont pas encore

l'œuvre d'un peintre en pleine possession de soi-

même. L'année 1878 va nous apporter

le

gnage de progrès considérables,

messager

de cette bonne nouvelle sera

et le

la gracieuse

témoi-

Renée


LOUISE ABBEMA de

P... J...

ï

dans Lilas blanc. Ce tableau,

y

comme

le fait

justement observer M. Eug. Véron dans

l'Art,

«

gaieté

dans

laisse

souvenir une note d'une

le

charmante; mais ce

n'est

pas

faut surtout féliciter la jeune artiste

temps

été

remarquée pour

:

là ce elle

dont

il

a de tout

la finesse et le

charme

desatonalité; mais on pouvait, jusqu'à ce jour,

reprocher à ses figures de manquer de

Elle

relief.

voulait absolument modeler dans la lumière, et cette

ambition

renoncé pour cela, vérance de son sage de jeune

mal;

lui réussissait

effort a été

fille,

tablement modelé, à

n'ait plus rien

et elle

n'y a pas

elle

a eu raison

:

la

persé-

récompensée. Son vi-

tout éclairé qu'il est, est vériet

lui

il

s'en faut de bien

peu qu'on

demander. C'est un succès

dont seront heureux tous ceux qui s'intéressent à

son

talent, et qui

pouvaient craindre qu'elle ne

parvînt pas à triompher de cette difficulté.

avouer cependant qu'on sent trop sur la

poudre de

riz et qu'il

peu agréables

»

encore plus net Portrait de froid,

M

lle

M

et

mc

mêmes

le

succès sera

très

beau, mais un peu

singulièrement avec

Jeanne Samary.

réunir les

peau

plus incontestable. L'excellent

du i7 ...,

contraste

faut

y a au cou des tons jaunes

Enfin, cette année,

.

la

Il

Il

est

qualités

celui de

impossible de mieux

dans deux œuvres

aussi dissemblables, et de conserver à celles-ci,


LOUISE ABBEMA

i8

dans leur différence, ce la

marque

et

comme

ne sais quoi qui est

je

la véritable

signature de

l'artiste.

Après avoir rendu,

— trop

sommairement,

au premier de ces portraits

la justice qu'il mérite,

nous arrivons en hâte à

celui

sociétaire

robe

grise

quelques

la

Comédie

fort

simple

de

,

sur

énorme nœud de cravate

Samary

la spirituelle

française. Vêtue d'une

ornements d'acier

se détache sur

de

laquelle

que relève un

et

violet,

un fond

brillent

M

lle

Jeanne

vert (toujours

vert Abbema!). Sa figure fine et malicieuse,

le

mo-

delée en pleine lumière, est très agréable à voir.

Rien d'aimable et

et

de gai

comme

ces tons chauds

joyeux, rien qui exprime mieux la physionomie

éveillée et

remuante du modèle. La ressemblance

est frappante. fort

Les mains, élégantes

et

mignonnes,

bien traitées et parfaitement rendues, méritent

aussi les suffrages des amateurs

On comprend effort

facilement,

apparent ne permette de

bien qu'aucun

le dire,

qu'il

i. Depuis que ces lignes sont écrites, M llc Abbema a obtenu un grand et légitime succès au Salon avec ces deux portraits, et, à la Vie moderne, qui vient d'exposer quarante de ses toiles, parmi lesquelles nous avons remarqué des portraits d'une parfaite ressemblance, des fleurs, des natures mortes et des paysages qui nous montrent dans tout leur jour le talent de l'artiste, les progrès rapides, étonnants même, qu'elle a faits en quelques années.


LOUISE ABBEMA

19

a fallu une longue étude pour arriver à ce résultat

encore l'amitié

Ici

M

IIe

venue en aide au

est

— que

Abbema,

nous avons vue peintre

énergique , aquarelliste pittoresque, d'autresqualités elle :

Ses dessins à

— a encore

manie le burin et l'ébauchoir

plume

la

talent.

dune

d'une rare vigueur,

et

au pinceau sont

exactitude parfaite.

C'est ce dont les lecteurs s'apercevront facile-

ment en regardant et

les

ornements placés en

à la fin de cette notice,

et

tête

surtout son portrait,

qui offre cette singulière particularité et cet intérêt d'être dessiné

par elle-même, d'après

de sa grande amie

M

La

llc

le

buste

Sarah Bernhardt.

terre glaise n'est pas

moins bien accueillie

M

rueLaffitte qu'avenue deVilliers, et

lle

Abbema,

qui réussit dans tous les genres qu'elle essaye, a fait

en 1875 un charmant médaillon qui a figuré

avec succès au Salon de 1878. C'est... parbleu!

M

c'est le portrait de

de

l'artiste,

et

lle

SarahBernhardt Un crayon î

de ses meilleurs,

— reproduit

fidèlement par la photogravure, nous donne une idée très exacte de cette œuvre, à tous égards

digne d'attention.

M

lle

Louise

lumineuses

et

Abbema a fait aussi des vives, mais en petit

tirage restreint

dont

;

elles sont la joie

eaux-fortes

nombre

et

d'un

des amateurs

elles enrichissent les collections.


LOUISE ABBEMA

20 Telle est,

— rapidement indiquée, — l'œuvre

déjà importante d'un peintre à qui s'appliquent

mieux qu à tout autre et

de Corneille. Amiens, ce i5

Tmp. Jouaust.

avril 1879.

les

vers célèbres de Virgile



PEINTRES ET SCULPTEURS

Sous ce

titre doit

paraître une série de notices con-

sacrées à quelques peintres et sculpteurs contemporains, et

ornées de dessins originaux de ces artistes. Elles sont tirées à

5oo exemplaires sur papier

plus 35 sur papier de Hollande et i5 sur papier

vélin,

What-

man.

Nous ne pouvons finitive ni le

artistes

Le

nombre de

auxquels

titre

fixer

de

elles

à l'avance

et

d'une façon dé-

ces notices, ni les

noms

seront consacrées.

la publication sera

donné avec

la

nière livraison.

PRIX DE LA LIVRAISON Sur papier vélin

2

Sur papier de Hollande.

Sur papier Whatman.

Juin 1879.

des

fr.

3 fr.

4

.

6707

fr.

Imp. Jouaust.

der-




GETTY CENTER LIBRARY II 3 3125 00655 5409



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