Directeur
:
Armand DAYOT
L'Art et les Artistes TOME IX (Avril-Septembre 1909)
io,
RUE SAINT-JOSEPH, 10 1909
TERRE ANTIQUE
REN ;'É
:
«
CORINTHE
»
(Société nouvelle, 1903 )
M'EN A
Si l'on veut se former une idée exacte du talent
R
D
Elle ne peut s'expliquer que "par le fait d'influences ambiantes, longuement rcspirées avec l'air d'un milieu d'enfance, et par le concours d'impulsions
particulier d'un artiste, il convient, en premier lieu, de se remémorer les conditions générales de son art antérieurement à ses débuts, ensuite de se rendre compte de ses origines personnelles. Les critiques ont constamment noté la tendance de M. René Ménard à restituer, dans ses paysages, quelque chose de l'idéal de l'ancien « paysage historique ». Il est certain que ses évocations des solitudes aux lignes amples, aux horizons simples, aux valeurs dorées, baignées de je ne sais quelle atmosphère de légende, rompent au principe des « vues de pays » étroitement localisées. Que si, cependant, on examine d'un peu près ses oeuvres, on s'aperçoit qu'elles ne répondent nullement à une volonté,de retour en arrière et que, même, elles s'accompagnent de beaucoup de recherches proprement « modernes », au sens actuel du mot. La modalité complexe, à laquelle s'est arrêté l'auteur ne s'est point déduite d'un concept théorique et d'un dessein a priori.aboutissant à une formule.
typiques parties de l'éducation, assez nettes, assez concordantes et assez suivies pour s'être imposées aux instincts de l'enfant dès la formation de son esprit. En d'autres termes, si chargée d'éléments qu'apparaisse la production de M. Ménard, son caractère curieusement concentré est bien moins arbitraire qu'on ne pourrait croire. L'artiste ne s'asservit pas à des précédents ; il obéit librement à la loi de sa culture, ce qui est singulièrement différent. Par là même, en dehors des questions spéciales d'esthétique et de technique, il devient un sujet d'étude d'un rare intérêt.
I. — L'histoire du paysage français depuis deux
siècles a toujours été présentée si confusément qu'il est malaisé de se rendre compte des erreurs 13
L'ART ET LES ARTISTES 1824. A cette époque, les nouveauxmaîtres anglais,
les Bonington, les Constablc, en passe de s'essayer chez nous, ramènent les meilleurs d'entre nos jeunes artistes à l'étude des vieux Hollandais et vers la nature. En pleine réalité, des romantiques tels que
PORTRAIT
de direction et des longs malentendus. Au commencement du xvue siècle, Nicolas Poussin, maître profond et sensible, qu'on eût voulu seulement moins obsédé du mirage de l'antiquité, avait jeté sur la nature d'admirables regards et marqué le vivant accord entre un beau site et des personnages humains d'une expressive poésie. Son contemporain, Claude. Gellée, avait eu-le don. de sentir, et le génie de traduire l'intégrité de la forêt pénétrée d'ombre aussi bien que. la gloire du; soleil sur "la mer. Mais,. depuis, en vertu d'étranges préjugés et '. des plus fausses doctrines sur i l'antique, le terrible Le Brun s'était enhardi à refuser au paysage son rang dans la haute peinture. En vain le xvme siècle essaya de réagir- : ses bonnes intentions avortèrent. Louis David, renchérissant sur Le Brun,
n'admit l'indication d'un site qu'à l'état sommaire au fond d'un tableau héroïque, ou, isolément, qu'à l'état de manifestation idéale. Rien que des « Arcadies » et des « Vallées de Tempe », peuplées de créatures fictives, jDlantées exclusivement d'arbres « nobles », uniquement décorées de colonnades, de ruines et de tombeaux. C'est le paysage académique en toute sa pompe et en tout son vide.
Les choses sont allées de la sorte jusqu'après
Paul Huet et Jules Dupré s'accointent à d'autres chercheurs, venus par d'autres chemins. Corot, par exemple, élevé, ni plus ni moins qu'Aligny et Cabat, au giron classique, a éprouvé le besoin de s'envelopper de toute la vérité des choses ; il a suivi les sentiers couverts descendant aux sources fraîches ; il a goûté, en cheminant, le ravissement des buées de l'aurore et des vapeurs du soir ; mais son art conserve à ses visions ingénument particularisées quelque chose de ce sentiment généralisateur demeuré en lui de son apprentissage primitif. Parallèlement, Th. Rousseau insiste sur l'architecture des terrains et rindividualité des arbres ; J.-F. Millet, plus humainement rustique, interprète les paysans forts et massifs comme de frustes incarnations de la glèbe et, tout ensemble aidant son esprit d'observation et son rêve poétique de l'exercice de sa mémoire,-il-sait-fixer l'atmosphère -en-ses aspects subtils. Ensuite, c'est Chintreuil, tourmenté de la perspective aérienne ; c'est Daubigny, le peintre des bords de rivière et des grasses vallées ; c'est Courbet, épris de la solidité des matières ; c'est Jongkind, frappé du mouvement de l'atmosphère et, pour ainsi dire, de la respiration du monde.-... Et demain, ce seront les impressionnistes, ardents à décomposer la lumière elle-même pour en mieux inonder leurs toiles. On conçoit qu'avec cette variété de buts, cette multiplicité de ressources et ce rayonnement de vie, il ne. soit plus question de l'académisme. Personne n'accepte plus l'emploi d'une commune formule pour rendre, indifféremment toutes- les contrées. En revanche,' les, médiocres d'idéal .et les trop habiles de technique tendent à substituer à l'abus d'abstraction un non moindre abus d'analyse locale. Les expositions commencent à fourmiller de reproductions de « petits coins » sans mirage. Tant pis, au surplus, pour qui n'a pas conscience, comme Puvis de Chavannes et comme Cazin, que le paysage est devenu l'un des éléments fondamentaux de la peinture d'histoire ; que l'expression de l'ambiance est aussi indispensable à la portée d'une composition que le dispositif du sujet ; que, pas plus aujourd'hui qu'autrefois,un vrai paysagiste ne se contente de faire de son ouvrage le sec procès-verbal de constatations matérielles et contingentes ; que le plus grand peintre, dans toute école, a toujours été et sera toujours celui qui a le mieux dégagé des changeantes apparences le trait' 14
L'ART ET LES ARTISTES
FRAGMENT D'UN PROJET DE DÉCORATION POUR LA FACULTÉ DE DROIT (exécuté en 1908)
de permanence caché, le lien d'union du local
l'universel, du fugitif
à l'essentiel !
à rejeter en bloc ni tout le passé, ni tout le présent.
Vers 1880, des réflexions de cet ordre se présentaient d'elles-mêmes aux hommes instruits et déli-
cats, appartenant aux milieux pondérés, où l'on avait le souci de comprendre. Ces hommes dédaignaient d'épouser aucune querelle, mais visitaient les Musées, fréquentaient les Salons, relisaient les vieux livres et concluaient qu'il ne convient de
Souvent le passé ménage au présent des conseils utiles. Souvent le présent, avec ses prétentions novatrices, se rajuste au passé dont il reprend sur nouveaux frais les tentatives. Le peintre René Ménard est issu d'un de ces milieux sages où l'on pensait et raisonnait ainsi.
IL — René Ménard est né à Paris, en 1862, d'une famille parisienne au moins depuis deux 15.
L'ART ET LES ARTISTES générations. Les Ménard étaient de bonne race bourgeoise, très saine et très droite. J'ai beaucoup connu le père et l'oncle du jeune artiste. Son père était un critique d'art d'un sérieux mérite, bon esthéticien, bon historien, écrivain clair et sûr. 11 remplissait, à l'École des Arts décoratifs, les
fonctions de sous-directeur et y donnait un enseignement littéraire. Point d'esprit plus ouvert ni plus franchement équilibré. S'il admirait l'antiquité et la Renaissance italienne, ses préférences allaient, en peinture, à l'École hollandaise du xvne siècle. Une de ses maximes favorites était
PÉCOR POUR' UN PES -PANNEAUX DE L'ÉCOLE DE DROlt *' ** " . . 16
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L'ART ET LES ARTISTES
LA BAIE D'ERMONÈS (Salon.de 1904).
qu'il ne faut jamais rien tenter qu'en accord.avec la nature : il en- fit la règle de conduite de son fils. L'oncle du.peintre- ne -fut autre, que Louis .Ménard, l'auteur de ce livre fameux le Polythéisme hellé-, nique. Après avoir: consumé des années, de sa vie en d'enthousiastes rêves païens, il revint avec le même lyrisme à des pensées chrétiennes. Il y avait, en lui du philosophe et du prophète. Ce qui éclate de sentiment ou, peut-être, d'illusion antique dans le talent de son-neveu sort certainement;de lui..; L'adolescent a fait ses classes suivant l'usage. On me le dépeint bon élève, sérieux et attentif, sans rien du « fort en thème » et peu tourmenté d'imagination. Lorsque sa vocation pour la peinture s'est nettement prononcée, il ne s'est paspromis de révolutionnerle domaine de l'art; il s'est simplement proposé de rendre les êtres et les choses le, mieux possible, à sa manière. Ses parents l'ont placé, pour apprendre les rudiments, dans l'un des. ateliers Julian, sous la direction de William Bouguereau. Si ce peintre est du tempérament leplus opposé au sien, pour le moment il n'importe^ guère : l'écolier n'en est encore qu'aux exercioîgjy
techniques. Le..développement esthétique lui sera ménagé tout autrement et par .ailleurs. Incidemment,- Paul Bau.dry, dont il.a fait la connaissance, lui donne-quelques conseils. A.son intervention-se rattache -un assez plaisant souvenir;:Bouguereâu, . qui en .a-pris ombrage, ;a .dit au jeune artiste : « Qu-ayez-vous, besoin de consulter Baudry? C'est un homme de grand. talent, mais.bien dangereux à suivre.. Jamais il ne termine les extrémités de ses figures. Il mourra .sur là paille,' comme Rembrandt. Prenez garde à. vous ». L'élève; a souri de ce langage assurément bizarre. Son goût n'est pas, en fin de compte, de sacrifier au formulaire de l'un;ou de l'autre de ses professeurs. En présence du modèle vivant, il s'efforce de copier fidèlement ce qu'il voit. Ce. qu'il sera un jour, nul ne saurait le deviner et il ne le pressent pas lui-même. Au demeurant,- son travail régulier le prépare à fournir une.carrière dé bon peintre de figures, apte atout entreprendre au> gré des occasions. Pour tout dire, c'est en dehors de l'atelier où se'forme sa main que ^s©n esprit s'ouvre à des influences. Entre le sang"SSoia de son père, positif, observateur, essentiel-
L'ART ET LES ARTISTES lement libéral, ma-is-ne mettant rien- au-dessus-de laL vérité nue, et l'ardeur de son oncle, fulgurant, vaticinant, 'évoquant les temps vécus et les temps à yiyrëj; exaltant en termes magnifiques la: gloire des Grecs, il est arrivé à saisir et à concilier des notions qu'on croirait inconciliables. Son père, en l'initiant,'.au Louvre, aux savantes ordonnances des vieux maîtres, lui a ouvert les yeux sur la vertu du juste rythme d'une ' composition pour en renforcer'-le caractère expressif et original. Son oncle a soulevé pour lui le voile sublime; des siècles et lui-a fait sentir la grandeur vénérable des terres où les idées se sont épanouies en hauts faits et en chefs-d'oeuvre. Qui s'étonnerait, après cela, qu'il rêvé d'un art très humain, très intimement vrai et un peu légendaire, — pris au vif de la nature et un, peu S3'rnbolique, —j'entends nourri d'observation, ennobli" de pensées nées du réel et capable de nous faire entrevoirl'au-delà des apparences? Cest à Barbizon que ses. yeux se.sont éveillés à la beauté despaysages. Chaque année, sa famille séjournait, i durant les mois de vacances, en ce charmant village où parut si souvent Corot, où Rousseau et Millet vécurent et moururent. Toutes" les pierres des chemins, tous'les" sites dû voisinagey ...parlent ' de ces grands hommes.-Leurs leçons y sontr'dans l'air. Et quelle'merveille que la forêt de ^Fontainebleau qu'on ' appellerait aussi bien' la forêt de Barbizon ! -Dans un espace limité, les horizons changent à l'infini, tantôt sauvages, tantôt tranquilles,:,'tpujourspoétiques, partout grands. L^été, le soleil et l'ombre y combinent leurs, fêtes enchantées-dansla verdure. A l'automne, pas une frondaisQnr.-pàs'.ùn-taillis- quLne s'y' revête - d'un somptueuxL.manteau.-dJorfauve à-rehauts pourprés. Le Jeune/Ménard se sent'cbmmeabsûrbéi dans.cétté immense.,majesté ;;muette, .par- cette mystérieuse opulence.; Sda'âme s'emplit, côpne celle de Corot, de. rame: deTa terre ;• ses^yeux "retrouvent, -à contempler, .les xhêmes: robustes,., aux-frissonnants et murmur.arits,brançhag"es;les sensations de Th. Rousseau ;'_ il iS-émeut.' presque de Y émotion de -Millet à yoirlaxhute du jour. Que le hasard de l'existence le transpqr;te,\surces:enfrefaites,:enla sévère; enla mélancolique,région-.dé la Lozère, Tes silhouettes énergiques des escarpements,. l'ensemble de lignes solennelles dont- s!ehcadrent les i campagnes àjou: feront à son respect, pour- le sol: auguste où'se con-! centrent, des puissances:sacrées. Unjpeu-phis tard, il .vouera-ses pinceaux à la: Bretagne; la gueuse.de granit "couronnée; dé. chênes/ penchée- sur la ;mer.: Cette.proyinçeTe;séduira sL.bien'qu-yi y.reviendrasans, cesse, il aime ces terroirs: silencieux: et; sàu-1 vages,;qui;..portefit'.eii,eux- un; principe), de 'style; et 3 commandent à l'artiste de longues méditations.
Sans aller plus loin, je dois toucher un mot des figures dont René Ménard anime et même,- parfois, domine ses motifs rustiques. Tout d'abord, il a emprunté quelques données à la Bible et à la légende: par exemple, ses Premiers astronomes de 1883, son Homère de 1884, ses Bergers observant Sirius et son Adam et Eve de 1891. A partir de cette date, il se désintéresse sensiblement de ces thèmes. On le voit bien exposer, en 1895 j„un nouvelHomère, chantant devant des bergers,, et, deux ans-après, un Jugement de Paris, petites figures-dans un; grand paysage; mais, déjà, sa préférence se montre pour, des personnifications plus générales," d'ordre lyrique ou de genre : pastoral : térhoin.sori Départ du troupeau dans, un.' bois, au TeVer de;là lune, de 1892, ses Défricheurs et ses Baigneuses au crépuscule, de 1893,; son incarnation de Y Automne, cueillant des pommes.,au-dessus du-rivage d'un lac, de. 1896, ses'Femmes dansant ai milieu '.d'une clairière, de 1898; et ses Harmqniesrdu,soir,, de-1899, exprimées par. deux jeunes femmes drapéesjctanme des prêtresses,.l'une assise,' accbudée,;"co.nsidérant l'horizon des flots, l'autre debout, tenant une lyre. La-nàtare a été scrupuleusement consultée ;. tout est parti4'elle, mais l'oeuvre s'est constituée sous les auspices .d'une;poésie intellectuelle, inférieure et grave qui entend remonter aux sourees\et veut ignorer les s contingences.. Une, seule; fois. l'.artiste .s'estinspiré d'un trait de nos: moeurs:etlkâ consacré à:nos .curiosités scientifiques,,en-18.84,.son tableau de Deux médecins:vaquant,à une analyse chimique. Mécontent de l'issue de sa-tentative ou totalement conquis à un autre orientation, plus jamais (hormis en" de-rares et profonds portraits1que'.Mous signaleronstout à l'heure),-il ne's'est asservi'à un .concept d'existence civilisée,- à-l'interprétation;d'un effort social non primitif; à là-représentation d'-une'-individualité définie. 'Son- goût n'est-guère", que de rendre dés corps nus ou - drapés d;un mode: classique", modèles -sous la - caresse dû rayon^ doré dé Claude. Rien-que des gestes élémentaires,;des mou-
f
vements, d'une signification;'quasi'- symbolique; des -types-humains aux- formes-pleines; aux actions instinctives; aux prirhordialës;~pehsées;-vrais mais séparés dé-noûs par Pespace-idéâi.--Tl'.-y-';a certainement- la :"uh' aboutissement ' particulier" des oeuvres* ..d'un Nicolas Poussin,'.—Te Pbussin.de la Mort' d!Adonis et d'Apollon etrDdphné,—^~et; plus près; -de -nous, d'un- Puvis de Chavânhes; -II- y a, aussi; l'affirmation'd'un 'talent sensible-et sincère autour- duquel ' tout-r s'est-ligué.pour réveiller,. en les-fécôhdaht;Tes songes; de'jàdisr-Etx'èstT'-âmedu paysagiste,- nourri =à-Técôle des maîtres lde:vérité et "des--poètes de Ta -càhipagne; du-grand: Claude au grand Millet et au subtil et tendre Cazin, qui guide la main du peintre dans la transcription
L'ART ET LES ARTISTES
NU SUR LA FORÊT (Société nouvelle, 1907)
L'ART ET LES ARTISTES
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L'ART ET LÉS ARTISTES
III. — Il me reste à indiquer sommairement le procédé de l'auteur et à parfaire le signalement des branches de sa production. Comme Millet, Puvis de Chavannes, Cazin et la plupart de ceux
pour qui la nature est un livre à commenter, c'est par des dessins élaborés en détail devant le réel qu'il prépare ses compositions longtemps avant de les peindre. Ces dessins comportent des ensembles et des fragments étudiés à vif — notamment des arbres traités, pour ainsi dire, en portraits. Ce sont ses documents essentiels, ses sûres références. Pour le reste, ayant, dès sa jeunesse, assidûment cultivé sa mémoire visuelle, il se guide sur ses indications. Ses esquisses colorées sont exécutées de souvenir, à l'huile ou, plus couramment, au pastel. Au cours de son travail, il simplifie ses dispositifs, rectifie ou complète ses effets, parfois les transfigure. L'accord de ses tons se règle entre les points clairs dûment déterminés et les masses fortes fermement rythmées. En ses colorations, où les délicatesses abondent, j'ai le regret de le voir trop volontiers s'asservir à des traditions de musées, recourant à ce qu'on appelle, en argot d'atelier, « les jus », d'où vient aux tonalités un aspect factice roussi, jauni, verdi, enfumé, vieilli par avance. Il n'est pas bon qu'un tableau nouvellement fait, tout plein de l'âme vivante de l'artiste, sacrifie sa fraîcheur. Aux impressions d'aujourd'hui nul voile d'ancienne apparence ne doit se superposer. Mais, à parler
franc, plusieurs des envois du peintre au Salon dé iCjo8'(la' Voie sacrée a Rome, ieMontCervin, etc.) nous l'ont montre en "voie de clarifier sa palette. Chez un homme deJsa cbmplexion, les évolutions ne -sont jamais brusquées. Celle-ci,- très normale, sera très progressive, mais elle aura, sans doute, de riches-conséquences. Nous avons successivement rencontré les paysages- avec ou- sans figurés et les ordonnances décoratives de M. Ménard. Une catégorie spéciale de ses ouvrages est demeurée à l'écart de nos jugements. Je ne voudrais, cependant, pour rien au. monde, ne point consigner ici le haut mérite de ses portraits. Ce paysagiste grave, aux origines duquel il nous a plu de remonter et dont la personnalité s'est révélée à nous tout entière, a été autant de fois qu'ihlui a convenu un portraitiste de la pénétration la plus aiguë. Dès ses débuts, les expositions eurent- de-lui quelques effigies d'une acuité d'exj^ression.:frappante : tels, en 1889, la Femme en blanc, et, en 1890, l'Homme aux lunettes 'noires. Or, en possession d'un don magistral de fouiller et de-restituer un caractère, jamais"il"n'a consenti à user de ce don qu'en faveur de ses proches et de ses intimes. Sa galerie ne contient pas plus d'une douzaine de demi-figures, mais du dessin le plus incisif, du modelé le plus senti, de la plus franche intensité de vie profonde et pensive etd'un absolu naturel. L'unique regret qu'on éprouve en face de ces typiques images, si précises et d'un style si résolu, naît de leur enveloppe trop ambrée, trop spécieuse.
SOIR ORAGEUX (Salon de 1904)
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L'ART
ET
LES
Encore la force de révélation humaine des visages arriye-t-elle à nous obséder si bien que nous ne prêtons plus attention à autre chose. Ce sont de significatifs portraits que ceux de Mme René Ménard et de Mme Galtier-Boissièrc,des peintres Lucien Simon et Charles Cottet, du céramiste Delaherche, de l'esthéticien André Chevrillon. Ce sont d'émouvants chefs-d'oeuvre que les portraits de la mère du peintre et de son oncle, le philosophe visionnaire Louis Ménard.
ARTISTES
J'ai dit, en définitive, du mieux que je l'ai pii, dans l'étroit esp>ace dont je dispose, mon sentiment sincère sur un talent justement honoré.
Qu'il me soit, permis de conclure en deux rhots. Celui dont nous venons de nous occuper ne s'impose j>as seulement à la haute estime des connaisseurs ; il commande leur sympathie. ..... . ; .".; i L. DE FOURCÀUD. " ri Clichés Crevaux. ;
PORTRAIT DE M. CHEVRILLON
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