J.-F. Raffaëlli, 1909

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Directeur

:

Armand DAYOT

L'Art et les Artistes TOME IX (Avril-Septembre 1909)

io,

RUE SAINT-JOSEPH, 10 1909


J.-F. RAFFAÈLLI

L'Art et les Artistes, il" 51.



BANLIEUE D HIVER

JJ.-F.

1AFFAËLL1

LES Égyptiens avaient l'admirable cérémonie du jugement des morts ; nous avons institué, en art, le jugement des vivants. Certes, c'était une belle pensée qui inspirait cette revue des mérites et des faiblesses de celui qui s'en allait ; mais il était le seul (c'est nous du moins qui le croyons) à ne pas pouvoir profiter des critiques ni recueillir le fruit des louanges. Avec ce moderne jugement du vif qu'est l'exposition générale des oeuvres d'un artiste, celui qui comparaît peut du moins revivre tout son effort passé et recevoir cette récompense enviable, quand cet effort est certifié méritoire : voir projeter son oeuvre entière dans l'avenir. Ces expositions modernes sont, à la vérité, de fraîche date. Au siècle dernier — que c'est étrange d'écrirecesmots, quand, il y a si peu d'années encore, le « siècle dernier » était pour nous celui de Watteau, de Diderot, de Fragonard, de Voltaire ! — les premiers qui prirent la redoutable initiative de se présenter eux-mêmes d'ensemble, devant le public, furent Ingres et Courbet ! Singulière rencontre de deux hommes qui semblaient exclusifs l'un de l'autre, et que maintenant nous gratifions d'une admiration égale. Et il est non moins remarquable qu'une des plus importantes expositions d'un vivant ait été, après celles-là, celle d'un peintre aussi éloigné de l'un que de l'autre comme tempérament, J.-F. Raffaëlli, qui n'a ni l'académisme d'Ingres, ni le réalisme absolu de Courbet. L'exposition que Raffaëlli fit de ses oeuvres

en 1884 dans une boutique de l'avenue de l'Opéra avait donc des précédents d'importance, mais elle avait toute la valeur d'une innovation, car ses devanciers étaient précédés d'une réputation considérable, tandis que lui était en pleine lutte, et de la réputation ce n'était là que le début. Depuis, l'exemple qu'il donna ne fut que trop suivi. Sans doute nous avons pu voir se développer dans son ampleur le labeur de quelques-uns de nos plus beaux

maîtres. Mais bien des entrepreneurs exhibèrent leurs « oeuvres complètes » tous les deux ou trois ans. Raffaëlli, tout en prenant part prépondérante aux expositions annuelles, tout en montrant parfois des ensembles spéciaux, sculptures ajourées, gravures en couleurs, n'a pas attendu moins de vingt-cinq ans avant de nous appeler à le juger de nouveau intégralement. C'est-à-dire que depuis 1884 il a accompli encore une longue, magistrale, décisive évolution ; que c'est un nouvel artiste qui s'est ajouté au premier, un peintre qui s'est donné en épanouissement comme il s'était, de 1870 à 1884, donné en concentration et en intensité, et ces deux Raffaëlli n'en forment qu'un seul, de qui la vie trace une belle et noble courbe, que nous pouvons mesurer du regard et de la pensée,, dans toute sa grandeur et toute son originalité, à la galerie Georges Petit, en entier occupée par ses multiples travaux dans tous les domaines des arts graphiques. En 1884, lorsque s'ouvrit cette exposition de

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L'ART ET LES ARTISTES moins implacables et ravagés par d'aigres . bises ; des plaines aux maigres végétations ; des campagnes de gravât et de poussière, où de pauvres ânes, mis on ne peut dire au vert, mais au gris, ne

rencontraient même pas un chardon ; peut-être n'en avaient-ils même jamais vu, s'ils étaient nés en ces lieux. Pour horizons, point de vivifiantes forêts, mais des toits et des cheminées d'usines dont les noires fumées renforçaient l'hostilité . du ciel. Pour fraîches rivières, la partie la plus déshéritée des rives de la Seine, ne rappelant en aucune façon les « prés fleuris » de Mme Deshoulières. Les somptuosités de ces régions, c'étaient les villas de petits rentiers, ou les mairies qui n'étaient pas encore d'ambitieux « Hôtels de Ville », mais bien des bicoques signalées seulement par des affiches et un drapeau français. Or, toutes ces choses hargneuses, tous ces gens farouches, malingres ou. mornes, toute cette nature trop pauvre pour sourire, et en même temps trop peu sauvage Musée du ÏMxembour CHEZ LE FONDEUR pour qu'on la pût qualifier de maudite ; tout cela ne donnait pas une impression l'avenue de l'Opéra, qu'était ce Raffaëlli qui, si auda- de tristesse, mais, quel que fût l'accent de mélancocieusenient,appelait le public à le juger, et qui côn- lie qu'on y sentît régner, constituait un spectacle qmérâit la célébrité en un tour de-main? d'art d'une délicatesseet d'une beauté remarquables. H'avait,- en somme, pour lui, d'avoir été assez C'était, impérieusement interprétée, de la vie vraie fréquemment refusé'au Salon, d'avoir encouru les qu'on avait jusque-là dédaigné de regarder. Les foudres -d'Edmond, About, le célèbre homme-d'es- paysagistes s'étaient hâtés de traverser de telles prit,, alors-très écouté- connue-critique, enfin'd'avoir zones poudreuses pour s'en aller bien vite vers, les été TCtïiarqué par deux on trois chercheurs d'oeuvres Barbizon et les bords de l'Oise éternellement ïmdép6'mebn.tès,r et'd'avoir exposé avec les Impres- exploités, et qu'ils n'avaient même pas eu le mérite de découvrir. Les peintres de figures réalistes . Rontir conquérir Paris-, il faut antre chose que cela. croyaient trouver dans les ouvriers de Paris,. ou Ce «qpelkpiie chose fut l'exposition de l'avenue de dans les paysans que Millet leur avait désignés, ]l"(0)[pôra.. Cita y vit, en somme, sans-que-l'artiste eût les uniques modèles qu'on pouvait opposer aux larië gare,, ma ensemble singulier, original, éloquent, dieux de l'QIyjhpe ou aux seigneursdes quatre Louis BMS wsssfflsMmt â rien de ce qui' s'était-lait'-a (XIII, XIV," XV, XVI). ï'éjWMpie,, OE.1 -raninie peinture de Réaliste, le nouvel arrivant se défendait de l'être, moeurs, ni comme jawaaigies, et-il ne l'était pas en effet, car dans son art il entrait lites *i pefâfe gens », bourgeois végétatifs -de la plus de composition que de copie, plus de sélection Ikaiii&emiÊ' la-pins mhEocte, étaient racontés dans que d'acceptation. Dans un écrit qui suivait le faiiir* îTimeMjpiiïmes occugatioDS, dans leur vie banale catalogue, il expliquait comment l'art moderne, lymmh m impartante poor eux !) des rôdeurs, des tel qu'il le comprenait, devait être aussi éloigné ; èèms fagffls& et itwis, étaient étudiés, dans leurs al- des conventions académiques que des brutalités Eamnec dte toêttes traquées ou ayant toujours peur de de procès-verbal qu'affectaient les lourds contiTêts® ;; Ses ckîfkmnigm» race sauvage, inconnue, nuateurs de Courbet, sans avoir sa magnifique et âifflisat fflt(®Btirés clam» leur contrée ingrate, ren- grandiloquente nature. Que s'agissait-il donc de tasffii dto «t tetmdl », se rendant â leurs demeures dégager dans l'oeuvre d'art nouvelle? Le caractère «Je lattes et êe jwpfer goudronné. Et la, nature où des êtres et des choses, et d'y trouver les éléments €iêa se passait i! Des cfefe bas, tristes, de pays sans de beauté du monde en évolution. -iGaaieai» et isàos espoir ; ou tien vastes, mais non Il lançait, pour désigner cet art, le vocable 122


L'ART ET LES ARTISTES

Musée du Luxembourg.

REUNION PUBLIQUE

caractivisme, qui était très vivement discuté, et qui, en somme, impliquait une doctrine très large et ne bornait pas aux territoires de Clichy-Levallois et d'Asnières, non plus qu'à leurs populations, le domaine des artistes innovateurs. D'ailleurs, lui-même, à son exposition, montrait autre chose que des haillons et des terrains 12-

vagues. Des fleurs, des portraits d'enfants, des esquisses d'après des contemporains, militants de la littérature et de la politique, donnaient des gages de la diversité de ce talent, montraient la promesse de toute une oeuvre à venir.que l'énergie endiablée de ce peintre, graveur, écrivain, sculpteur, conférencier, promettait vaste et féconde.


L'ART ET LES ARTISTES Le succès fut considérable, Raffaëlli fut célèbre du jour au lendemain, et ce qui est beau clans cette aventure, c'est que le succès, loin de le gâter et de le spécialiser, lui fit encore étendre et enrichir son oeuvre. Cet homme de trente-quatre ans, qui montrait un si important et si complet bagage, trouvait, dans cette exposition de 1884, un point de départ, bien plutôt qu'un aboutissement. En 1885, il expose une oeuvre capitale, le Portrait de M. Clemenceau dans une réunion publique, le. plus important morceau de peinture qu'il eût exécuté depuis la Famille de Jean le Boiteux du Salon de 1877. L'année d'après encore, Chez le

VIEILLE FEMME DANS LA NEIGE -".

fondeur, portrait de Gonon, présidant à la fonte du bas-relief de Dalou. Ces deux oeuvres capitales ont superbement combattu, au Musée du Luxembourg,

pour l'art à la fois volontaire et spontané, philosophique et savamment oeuvré, plein de pensée, et non, comme on affecta naguère de le dire, littéraire, qu'instaurait Raffaëlli. Le Clemenceau est encore du Musée un des numéros les plus éloquents et les plus rares. Le Gonon est maintenant au Musée de Lyon où il s'affirme avec une surprenante vivacité.

AuSalon de 1887, Raffaëlli, soudain, montra une oeuvre qui fut jugée très différente de celles qui précédaient : la Belle matinée, page toute de volupté riante, de couleur riche et délicate. Quoi ! Le caractêriste allait-il se faire le peintre des grâces ? Certains sourirent ; d'autres, plus sensés, admirèrent l'oeuvre pour sa belle réussite sans se soucier des théories. Et tout s'expliqua lorsqu'en 1888 et 1889 on vit le Portrait de Concourt et certains portraits de jeunes filles du monde. La Belle matinée avait été simplement en même temps le prélude à de nouvelles explorations du caractère moderne, et le trait d'union entre la première manière, minutieuse, fine, acharnée, et une manière nouvelle, plus large et plus opulente, mais non moins précieuse et non moins attentive. Au surplus, l'Exposition universelle de 188g, grâce à l'intelligence d'Antonin Proust, qui aima et comprit Raffaëlli comme il avait compris et aimé Manet, fut pour notre peintre l'occasion d'un triomphe et le plaça définitivement parmi les maîtres les plus en vue du mouvement moderne. Aussi, lorsqu'en 1890 se fonda la Société nationale des Beaux-Arts, Raffaëlli ne tarda pas à en devenir un des exposants les plus importants, un de ceux dont chaque année on attendait et dont on commentait passionnément les oeuvres comme celles d'un Cazin, d'un Puvis de Chavannes ou d'un Rodin. Alors commence — recommence plutôt — une série étourdissante de travaux de toute sorte, d'une variété infinie, d'une verve jamais lasse, d'une beauté et d'une nouveauté de technique absolument personnelles. Paysages de Paris, montrant sous tous leurs aspects la structure et la vie fourmillante de l'immense cité ; tableaux de moeurs d'une grande importance philosophique comme les Vieux convalescents, autre chef-d'oeuvre du Luxembourg ; portraits délicieux comme celui de Germaine, fille du peintre, claire et virginale symphonie, un des plus beaux que notre temps aura légués à la postérité. Combattant infatigable autant qu'artiste merveilleux de création et de labeur, Raffaëlli se décidait soudain, en 1894-1895, à se rendre en Amé-

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L'ART ET LES ARTISTES

LES PAYSANS DE PLOUGASNON FINISTERE)

rique, où il allait continuer la lutte par l'exposition, l'écrit et la parole. Les oeuvres étaient pleinement appréciées, placées d'emblée clans les Musées de New-York, de Chicago, de Pittsburg. Les conférences, mordantes, enjouées, pleines de bon sens,

et l'on peut dire que le missionnaire que fut alors notre peintre remporta une réelle victoire non seulement pour son oeuvre, mais encore pour l'art français. Il fit deux de ces voyages, et tous deux furent aussi décisifs que fructueux. d'aperçus ingénieux et profonds sur l'art actuel ,Çe qui frappe lorsque l'on considère l'oeuvre et sur l'avenir de l'art, étaient des plus goûtées^ ^d^BS\ son ensemble, c'est que celui qui l'accomplit


L'ART ET LES ARTISTES

L APPRENTIE

jamais ne se repose sur un succès, jamais ne se répète. Il faut toujours qu'il trouve et qu'il crée autre chose. Il pourrait devenir un spécialiste, fonction commode et lucrative ; mais il est trop passionné pour s'immobiliser dans une note heureusement trouvée. IL a besoin toujours et toujours de ces bonheurs nouveaux -de la trouvaille imprévue. Il travaille dans une perpétuelle excitation et il se conserve d'une jeunesse absolue, puisque l'on demeure jeune tant qu'on ne se répète point. C'est ainsi qu'aux Salons de 1902 et de 1904 il ouvre tout un filon de nouveaux paysages, sortes

d'interprétations delà nature, les uns sur des thèmes bretons, les autres sur des motifs flamands. C'est ainsi encore qu'aux Salons de 1907 et de 1908 nous voyons reparaître de grandes études de types humains, VApprentie, la Vieille femme dans la neige, l'Automne de la vie, le Bûcheron et son chien, quiàl'intensitépénétranted'étudesphysionomiques telles que les oeuvres de début, joignent une exécution devenue d'une souplesse et d'une richesse parfaites. Il s'en faut que toutes ces étapes qui apportent chacune avec elle des séries nombreuses de tableaux, d'esquisses, de peintures toutes significatives et d'une grande valeur, constituent à elles seules les éléments d'activité de Raffaëlli. A côté de son oeuvre proprement dite, voici qu'il fait acte d'inventeur, et qu'à son magnifique bagage de peintre, il ajoute un oeuvre de graveur qui suffirait à lui seul pour faire le renom d'une carrière. Comme inventeur, il trouve ces fameux « pastels à l'huile », bâtonnets de couleur réalisant le désir de Titien : « Si l'on pouvait peindre avec des couleurs qu'on aurait au bout des doigts ! » et il entraîne à les expérimenter et à s'en servir un grand nombre des meilleurs artistes français et étrangers. Il applique son esprit d'investigation à la mécanique, aux procédés de technique dans tous les arts, et notamment celui de la gravure en couleurs. Rien de plus spirituel et de plus raffiné que ces gravures en plusieurs tons qu'il multiplie, et montre avec un succès toujours croissant, soit seul, soit avec la Société qu'il fonde et qu'il préside, à bon droit, ayant véritablement infusé à cet art une nouvelle vie. Son oeuvre de graveur va du simple croquis d'un personnage typique ou d'un coin de pays à des planches comme le Grand-Prix de Paris, qui sont parmi les plus importantes que la gravure en couleur ait jamais produites. Enfin le voici à la tête d'un si riche et si imposant ensemble de travaux qu'en cette année 1909 la galerie Georges Petit tout entière n'est pas trop grande pour en présenter dans son ample développement la multiple et profonde évolution. J'ai forcément, clans cette rapide étude, omis bien des détails, groupé bien des oeuvres sous des indications générales. C'était d'ailleurs mon but ici, non pas de tracer une biographie ainsi qu'une étude de critique en règle, mais de situer l'oeuvre de Raffaëlli à sa vraie place qui est une des plus à part et des plus belles de notre temps. Reprenons donc, d'une façon générale, les traits les plus saillants de cet- oeuvre et de cet esprit. Un caractère tout d'abord nous frappe: c'est que, malgré son extrême diversité, l'oeuvre de Raffaëlli est d'une unité absolue et superbe. Que ce soit un des fins petits tableaux du début ou une des larges et brillantes peintures de ces dernières années,

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L'ART ET LES ARTISTES l'accent, est le même, et il n'y a pas eu de ces hésitations déconcertantes, de ces volte-face qui montrent chez un artiste un arrêt dans la volonté. Un Raffaëlli de 1882 est analogue à un Raffaëlli de 1909 : c'est la même incisive pensée, le même beau métier, imprévu avec chaque oeuvre, et constant avec lui-même à travers toutes. De même, parenté absolue entre une figure isolée et un paysage, entre une peinture et un dessin, entre une sculpture et une gravure à l'eau-forte. Ce qu'on a appelé l'universalité chez un artiste, ce n'est autre chose que la persistance d'une volonté ; et en ce sens notre artiste est universel comme les beaux maîtres d'autrefois. Il ne songe même pas au moyen qu'il emploie, car il prend immédiatement celui qui convient le mieux à la pensée et à l'émotion du moment. Comme sa technique, son émotion est universelle : il reviendra aux pauvres gens avec la même sympathie qu'il va aux élégances et aux grands caractères. Une belle jeune fille le rendra aussi attentif et aussi beau peintre qu'un homme d'action comme Clemenceau, qu'un homme d'art comme Edmond de Concourt, ou enfin qu'une pauvre et âpre épave de la vie comme la Vieille femme dans la neige. Comme il avait peint les banlieues misérables, il compose de fraîches et éclatantes symphonies de fleurs. Il aura tour à tour la note de drame et la note d'enjouement.

Bref c'est un artiste absolument spontané, et qui ne travaille que dans l'ardeur de la pensée, clans la griserie de la besogne de bel ouvrier. Si de là je passe à la conception même, c'est-à-dire si je remonte de l'aspect immédiat des oeuvres et de la commotion qu'elles procurent à la pensée et à l'émotion qui les ont inspirées, je discerne que c'est un idéal très élevé de justice et de bonté qui a présidé à la carrière de ce beau philosophe et peintre. Rien de ce qui est humain ne lui fut étranger. L'au teur des Vieux convalescents est tendre pour les abandonnés, et en même temps la nature, aussi bien dans ses ingratitudes que dans

LE BUCHERON ET SON CHIEN

ses plus suaves caresses, le trouve interprète vi-

brant, observateur à la fois dominateur et attendri.

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L'ART ET LES ARTISTES

Je regrette de n'avoir pas'la place nécessaire pour citer quelqu'un de ses nombreux écrits sur l'art, sur la philosophie. On y verrait un esprit sans cesse en éveil, d'une indépendance absolue, se dressant aussi fièrement contre un privilège que résistant à une revendication injustifiée. Dans ses Promenades au Louvre, Raffaëlli a donné une théorie remarquable de la façon dont il entendait que l'on

peignît le peuple : avec sympathie, mais sans servilité ; en lui donnant les moyens de s'élever jusqu'aux esprits éclairés, mais non en contraignant ceux-ci de s'abaisser vers lui. Il n'y a pas à dire : une beUe pensée est créatrice d'une beUe oeuvre d'art.' Que chaque artiste pense à sa manière, soit. Qu'il ne puisse s'exprimer que

par les moyens matériels de son art, c'est non seulement naturel, mais c'est nécessaire. Mais que l'on ne soutienne pas qu'il faut ne pas penser pour faire de belles oeuvres, ou même simplement que c'est inutile. Tous les grands artistes de tous les temps, aussi bien Raphaël que Rembrandt, Chardin' que Watteau, Corot que Puvis de Chavannes, ont été à leur façon des poètes ou des penseurs. J.-F. Raffaëlli, épris de pensée, ardent contemplateur de la nature et de la vie, se classera parmi les plus vaillants et les plus originaux artistes de notre époque, et ce « jugement clés vivants » dont nous parlions au début, et qui s'instruit en ce moment à la galerie Georges Petit, est déjà prononcé, et sans appel, en sa faveur. ARSÈNE ALEXANDRE.

LE DEMENAGEMENT (gravure en couleurs)

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