Rubens

Page 1


^

THE LIBRARY ËHIGHAM YOUNG UNIVERSIW PROVO, UTAH


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LES GRANDS ARTISTES

RUBENS


LES GRANDS ARTISTES COLLECTION

d' EN SEI G N

Placée sous

EMEN T ET DE VULGARISATION le

Haut Patronage DE

L'ADMINISTRATION DES BEAUX-ARTS

*

Volumes parus

:

Raphaël, par Eugène Muntz. Albert Durer, par Auguste iMarguillier.

Watteau,

par Gabriel Séailles.

Titien, par Maurice Hamel. Léonard de Vinci, par Gabriel Séailles.

Eugène

Delacroix, par Maurice Tourneux.

J.-F. Millet, par Henry Marcel. Pierre Puget, par Philippe Auquier.

Ingres, par Jules Momméja.

Poussin, par Paul Desjardins.

Van Dyck,

par Fierens-Gevaert.

Velaz.quez, par Élie Faure.

Chardin, par Gaston "Sc^î^fer. La Tour, par Maurice Tourneux.

Fragonard, par Camille. Mauclair. Louis David, par Charles Saunier. Volumes à paraître

:

Ruysdael, par Georges Riat. Gainsborough, par Gabriel Mourey. Claude Lorrain, par Raymond Bouyer.

Hogarth, par François Benoit.

1379-04.

— Corbeil.

Imprimerie Ed. Crété>


LES GRANDS ARTISTiES LEUR VIE

LEUR ŒUVRE

R U B

E

N

S

PAR

GUSTAVE GEFFROY BIOGRAPHIE CRITIQUE ILLUSTRÉE DE VINGT-QUATRE REPRODUCTIONS HORS TEXTE

V PARIS LIBRAIRIE RENOUARD

HENRI LAURENS, ÉDITEUR 6,

RUE DE TOURNON

(VI®)


1 THE LIBÏIARY BRIGHAM YOUNG UNIVERSITY PROVO, UTAH .fe:o^-


RUBENS — RUBENS CHEZ

I.

faut aller visiter

II

le

maître de la

loge,

LUI.

Rubens à Anvers.

ville. C'est lui

C'est lui le roi,

qui vous accueille, qui vous

qui vous conduit à travers les places, les boule-

vards, les avenues.

Il

vous

les

fait

honneurs du pavé

des rues, des nuages, de l'espace, de la verdure des jardins et de l'eau du fleuve.

vous mène vers

Il

drale, vers les églises, vers le et à la

musée, à

maison Plantin. Sur tous

la cathé-

l'hôtel de ville

les seuils,

il

est pré-

sent pour vous recevoir. Partout son image multipliée

vous accompagne. x\nvers, ville.

A

quelconque,

tout de le

toujours son logis et sa

peine êtes-vous arrivé que sa statue, dressée sur

la place Verte,

est

c'est

vous

geste de bienvenue. L'œuvre

fait le

officielle

et

banale, mais c'est

même, en son costume

d'artiste

Rubens

grand seigneur,

pourpoint aux manches tailladées, la culotte bouf-

fante, le

main

grand manteau retombant de l'épaule.

11

a la

droite ouverte, l'autre sur la hanche. Sa palette est

à ses pieds. C'est

un géant de quatre mètres

et

demi

sur un piédestal de près de six mètres. Sa tête aux che-


RUBENS.

6

veux bouclés, à toits.

barbe

un

salut

ou un

repas du soir,

le

la place le regardent,

d'intelligence. L'été,

petit signe

le

mercredi

à dix heures, on lui donne

un

Tout près, en passant par

à la hauteur des

est

frisée,

Tous ceux qui passent sur

lui font

après

la

et le

samedi, de huit

concert.

le

Marché aux OEufs ou

le

Marché aux Souliers, vous entrez Place de Meir, qui une rue parallèle devant

la

à la

Longue^Rue-Neuve,

maison de Rubens,

auprès du palais du Roi, qui

celle

est

et

vous êtes

qui porte

au n° 50

est

le

n''

52,

et qui fut bâti

en 1755 pour un bourgmestre d'Anvers. Cette maison de

Rubens

n'est plus la

maison de Rubens,

celle qu'il acheta

remania en 1611, étant son propre architecte

et

propre décorateur. Elle a été refaite en 1864

et,

du

n^ 7,

le

son

pour re-

trouver quelques vestiges de l'habitation primitive,

tourner

et

il

faut

coin de la rue Rubens, entrer dans le jardin

oi^i il

reste des fragments de l'ancienne construc-

un portique avec les sculptures de Faydherbe. C'est là que Rubens a vécu, c'est là qu'il est mort.

tion,

est enterré à l'église Saint- Jacques,

dans

la

Il

quatrième

chapelle ornée du tableau délicieux de la Vierge entourée des Saints^ plus oii

connu sous

le

nom

de Saint Georges^

l'on a cru voir les portraits de l'artiste, de son père,

de ses deux femmes, de ses enfants, selon une tradition incertaine, mais contre laquelle,

raisonnement ne peut

Rubens et la

d'habitude, le

rien.

est à la cathédrale,

Descente de Croix,

comme

avec l'Érection de la Croix


IlUBENS. est

Il

Coup de

au musée,, avec

le

7

Baptême de

lance r Adoration des Mages ^

le

^

Jupiter et Antiope^ Saint Thomas^ la

Jésus-Christ^ le

Christ à la paille^

Communion de

saint

François^ Sainte Thérèse^ la Vierge au Perroquet^ les portraits

de Gevaert^ de Rockox^ d'autres encore, les esquisses

des arcs de triomphe élevés en 1635 par Anvers rece-

vant l'archiduc Ferdinand d'Autriche.

Rubens, pourtant, qui et glorifié, est

est ici chez lui, maître

Rubens dont l'image

dans toutes

encore sa maison de ville

Rubens

est partout, dont le

conversations

les

et

habitait

s'il

son château des champs,

— L AVENTURE DE

JEAJN

Pierre-Paul Rubens n'est pas

voir,

comme

nom

n'est pas né à Anvers.

II.

pas

honoré

RUBENS.

né à Anvers.

non plus né à Cologne, malgré que

Il

l'on

n'est

puisse

sur une vieille maison de la Sternengasse, deux

plaques en marbre noir portant, en lettres dorées, deux

longues inscriptions

Rubens,

le

:

l'une relate la

venue au monde de

29 juin 1877, et l'autre la mort de Marie de

Médicis, le 3 juillet 1642. Ces deux événements se seraient

passés dans la

terminé sa vie

même chambre, la reine exilée aurait là même où son peintre aurait commencé

la sienne. Il

est possible

maison de

la

que

la famille

Sternengasse, et

de Rubens il

est à

ait

habité la

peu près certain


RUBENS.

8

que Marie de Médicis y mourut; mais Rubens 29 juin 1577, à Siegen, en Westphalie. Des

événements dramatiques

est né, le

romanesques pré-

et

cèdent cette naissance, expliquent Thésitation relative

au berceau de Rubens, Terreur longtemps commise. Ce sont les événements qui ont forcé ses parents à fuir les Flandres, à se réfugier à Cologne, d'abord, puis sur les rives de la Sieg.

Le roman de Rubens a son premier chapitre avant sa naissance. Il

faut regarder l'état des

Flandres vers 1560 pour

comprendre l'aventure arrivée au père de Rubens.

La grande réforme religieuse prèchée par Luther

est

en voie d'accomplissement. Charles-Quint vient d'abdiquer,

de céder l'empire à son frère

royauté à son

fils

Philippe

II,

II

La

la

confie le gouverne-

à Marguerite de Parme, qui s'adjoint

Guillaume de Nassau, prince d'Orange, velle.

P'\

tous deux profondément,

violemment catholiques. Philippe

ment des Pays-Bas

Ferdinand

liberté de conscience,

refusée par Philippe

II

et le cardinal

Gran-

réclamée par l'opinion, est

qui édicté des ordonnances contre

les hérétiques. C'est le signal

gentilshommes, ayant à leur

de la révolte. Trois cents

tête le

comte de Berlaimont,

entraînent le peuple, qui attaque les églises, les monastères, chasse les prêtres catholiques.

La répression la

marque

est

sauvage, atroce, laisse sur

ineffaçable.

d'Espagne vingt mille

L'année 1567, Philippe

hommes commandés

II

par

le

pays

envoie le

duc


Cliché Alinari,

PORTRAIT DE RUBENS. (Florence.)



nUBENS. armé

d'Albe,

Troubles, vite

pouvoirs

de

nommé

Conseil du Sang,

le

gueux de

Taciturne,

veut,

pays.

à la

tête

fait

bois,

hommes du

mer, gentilshommes, bourgeois, le

Le Conseil des

illimités.

dix-huit mille têtes de gueux,

terreur règne sur

ii

tomber

gueux de

peuple. La

Guillaume d'Orange, d'une troupe

de

dit le

hasard,

défendre son pays, résister aux bourreaux d'Espagne qui brûlent, qui pendent,

réfugier en Allemagne.

forcé de se

vaincu,

qui égorgent, qui violent.

vainement des appuis à Désespéré,

gleterre.

néanmoins

les

armes

An-

reprend

il

grâce à la faiblesse d'organisa-

tion, à l'éparpillement forcé de l'armée il

cherche

l'étranger, en France, en

héroïque, volontaire, et,

Il

est

Il

du duc d'Albe,

obtient çà et là quelques succès, finit par

conclusion du traité connu sous

le

nom

Gand, en vertu duquel catholiques

forcer

la

de Pacification de

et

luthériens

s'en-

gagent à s'affranchir du joug espagnol.

au cours de

C'est

cette

guerre pour Findépcndance des

Flandres que Jean Rubens,

docteur en droit, échevin

d'Anvers, soupçonné de complicité avec

nettement dénoncé à Philippe IL devant

le

conseil communal

II

et, libre

le

Taciturne, est

parvient à se disculper

de circuler, s'empresse

de fuir avec sa famille à Cologne. Le prince d'Orange

prend pour conseiller,

du prince rapacité

et

et

Jean Rubens défend

de sa femme,

Anne de

Saxe,

le

les intérêts

contre la

du duc d'Albe.

Lorsque Guillaume

se fut j-emis

en campagne,

la

prin-

cesse se trouva seule avec son conseiller, lequel devint


RUBENS.

12

bientôt son amant. Passion ou plaisir, sensualité ou sensait.

Pour Anne de

un renom de débauche

et d'ivrognerie,

timent chez Jean Rubens, on ne Saxe, elle a laissé et aussi de

laideur. Qu'il y ait eu ceci

ou

cela,

ce fut

chez tous deux la frénésie de vivre qui n'est pas rare aux

époques de mort. L'imagination s'exalte chez ceux qui sont en proie au danger, et nous pouvons croire, sans

que l'hypothèse

soit trop

hasardée, qu'il y eut, au moins

pendant un instant, chez l'échevin d'Anvers, épris de

femme

de son maître, une bravade au destin. Quel qu'il

doive être,

Anne

il

va au-devant.

se fait

seiller, puis, sa

accompagner dans

ses

voyages par

le

con-

fortune amoindrie par la guerre, forcée de

restreindre ses dépenses, elle confie à Jean

femme, Marie Pypelincx, ses

la

le

Rubens

et à sa

soin de surveiller sa maison,

enfants, les domestiques de

ceux-ci, et se

à

retire

Siegen, où Jean Rubens a de fréquentes occasions d'aller la retrouver.

Sans cesse sa cliente

le

réclame. Tant et

si

bien que la famille d'Anne constate la grossesse de la

femme dont

l'époux est absent. Celui-ci est averti

jour de mars 1571 maîtresse,

il

oii

et,

un

Jean Rubens se rend à l'appel de sa

est arrêté et

emprisonné dans

la citadelle

de

Dillenbourg.

Une mise en jugement,

c'est la

mort de l'homme

l'adultère est puni de la peine capitale le

scandale pour la noble famille,

le

;

mais

nom

et

:

c'est aussi le

blason

souillés.

Le droit d'avoir des bâtards existe pour

les

princes,

non pour leurs femmes. Après

on

réflexion,


LA DESCEiNTE DE CROIX (Anvers.)



RUBENS.

15

décide donc de ne pas faire le procès. Jean Rubens,

mais

11

en termes matois

essaie,

et

premier,

que

je

dit-il

textuellement,

il

De

«

:

dire qui fut

faut bien

présumer

n'aurais jamais eu la hardiesse d'approcher,

j'eusse eu crainte d'être refusé.

peu recommandable,

il

si

»

Heureusement pour Jean Rubens, tresse

avoue sa faute^

Il

ambigus, de rejeter

rinitiative de la faute sur sa complice le

faut

n'a pas le courage, l'impassibilité qu'on lui vou-

il

drait.

après avoir été arrêté.

faiblit

le dire,

il

avait

s'il

avait

une maî-

une femme admirable^

toute de courage et de mansuétude. Marie Pypelincx, dès qu'elle

apprend

cause qui pas

le jette à la prison, et

un mouvement

de suite à

son

sort de

le

la pitié,

au pardon,

Je ne pensais que vous

ment.

vous

Gomment

affliger,

et la

peut-être à la mort, n'a

et à l'action. Elle

répond

:

me

croiriez tant de ressenti-

pousserais-je la rigueur au point de

quand vous

tions et inquiétudes,

que

même

en tirer? Lors

»

d'indignation. Elle est acquise tout

à la lettre d'aveu de son mari «

indigne mari

«

êtes

dans de

je sacrifierais

qu'une longue

si

grandes tribula-

ma

vie

pour vous

aff'ection

n'aurait

pas précédé ces malheurs, devrais-je vous montrer tant

de haine qu'il

me

fût impossible de

faute envers moi... Elle termine «

vous pardonner une

»

:

Et n'écrivez plus

pardonné. Votre

fidèle

\:otre

indigne mari^ puisque cela est

épouse, «

Marie Ruebbens.

»


PtUBENS.

16

La bonne créature ne s'en

met en campagne, Jean de Nassau

mence,

s'agite

et

de

tient pas

somme le

elle se

de sa mcre; celle-ci, encline à la cléqu'enfin les portes de la

fac^on

telle

moyennant

le

dépôt

de six mille thalers, destinée à garantir

respect des clauses, très dures, de la libération

qui eut lieu

:

des démarches auprès du comte

fait

prison s'ouvrent devant JeanRubens,

d'une

au pardon

le

du prévenu,

10 mai 1573.

La famille Rubens fut autorisée à habiter Siegen, après que le docteur eut comparu devant un nouveau tribunal pour renouveler son juges.

Il

lui était

aveu

et

implorer

Si

ne pouvait ni se

il

Même,

la ville,

la raison

lui

que

sa

des gens vertueux, lesquels, tendres.

la

roue lui serait

sous la surveillance d'un agent

de la famille de Nassau,

pour

supplice de

le

la faculté qui lui avait été laissée de se

promener hors de

reprises,

droit.

ces prescriptions était enfreinte, les portes du

cachot se rouvriraient et appliqué.

des

la ville,

au commerce, ni donner de consultations de

Tune de

Cette autorisation

mouvement, mais on ne

lui

plusieurs

fut

retirée

vue

excitait l'indignation

comme on lui fut

sait,

à

ne sont pas

rendue de temps à

autre, lorsque sa santé altérée exigeait

rait

pitié

défendu de se montrer dans

raccès des églises lui était interdit, livrer

la

un peu

d'air et

de

dissimula pas que sa vie cou-

de graves dangers au dehors, car certains

membres

de la famille d'Anne de Saxe avaient juré sa perte.

La famille Rubens ne possède alors pour vivre que modeste rente de

trois

la

cents thalers, représentant les


ClichĂŠ Eyre et Spottiswoode.

LE COUP DE LA^CE. (Anvers.)



RUBENS. son dépôt.

intérêts de

Et

19

faut

il

subvenir, avec cette

somme, aux besoins de quatre personnes mère, deux enfants d'abord, Jean-Baptiste puis

un

père,

le

:

la

et Blandine,

troisième, Philippe, né le 27 avril 1S74, onze mois

environ après

mise en

la

onfm un quatrième, auquel Pierre-Paul, venu au monde Peu de mois après

la

29 juin 1577.

le

naissance de Pierre-Paul, Jean

recopie sa

un

entière liberté.

femme

Jean de Nassau. Jean Rubens distingué et

droit, et

ces pages sont consacrées,

Rubens essaye de recouvrer son

un plaidoyer que

du docteur en

liberté

et

un avocat

était peut-être

ampoulé

rédige

qui est envoyé à

et

jurisconsulte éminent, mais

médiocre écrivain, diffus

11

:

était

il

un

des citations de

l'Evangile complètent ses louanges à l'adresse du comte; il

adjure Nassau d'

qui rassura

«

imiter la clémence du Fils de

protégea l'épouse infidèle

et

»

THomme, il

;

fait

des

allusions aux législations grecque et romaine sur le crime

d'adultère

;

il

cite

Justinien, etc.

Il

Pompée, Domitien, Auguste, Constantin,

termine par son propre panégyrique, met-

tant en relief ses titres de docteur en droit civil et en droit

canon, qui n'ont vraiment que faire à propos de son

aventure avec Anne de Saxe,

en remarquant,

pourvu d'un

dit

seul

un de

et

conclut définitivement

ses biographes, qu'((

diplôme

un docteur

peut rechercher

la

d'une baronne sans qu'elle se trouve humiliée

demande C'est

main de sa

».

seulement

le

10 janvier 1583 qu'un contrat fut

signé de part et d'autre, assurant à la malheureuse famille


RUBENS.

20

sa liberté. Mais douze ans de tourments et de persécutions

de toutes sortes santé

avaient ébranlé l'énergie et altéré la

de Jean Rubens.

mourut

le

mars 1587.

1^"^

Le défunt, converti au calvinisme, fin

en jour et

déclina de jour

Il

femme

de sa vie, au catholicisme. Sa

dans Téglise Saint-Pierre

une inscription bien

faite

l'équipée amoureuse.

Il

et

revenu, à la

le

fit

graver sur

fit

pour obscurcir était dit

y

était

le

enterrer

sa

tombe

souvenir de

en substance que, forcé

par la guerre civile d'abandonner sa terre natale, Jean

Rubens

s'était

réfugié à Cologne,

oii

il

était

demeuré

jusqu'à sa mort; qu'il avait eu sept enfants, et que Marie

Pypelincx, sa femme,

années dans

la

«

avec laquelle

concorde sans

plainte, a fait ériger ce

fit

le certificat

la famille

Rubens

renommée

et

la

la ville était

Lorsqu'elle quitta Cologna

le 7

juin 1587, elle obtint

du

d'usage, attestant que depuis 1569^

avait habité la ville, y avait eu bonne,

tenu excellente conduite.

LES MAÎTRES DE RUBENS.

III.

Lorsque

donner aucun sujet de

lui

».

plus.

pour retourner à Anvers, magistrat

vécut vingt-six

tombeau en l'honneur de son

excellent et bien-aimé mari

Marie Pypelincx

il

veuve loin

et ses

de leur

auraient eu tant besoin.

enfants rentrèrent à Anvers,, offrir

On y

la tranquillité

était

des troubles de la guerre civile.

dont

ils

encore sous Fémotion

Marie Pypelincx put


W

Q



RUBENS.

23

néanmoins rentrer en possession des biens de et s'installer

dans une maison de

la

la famille

rue du Couvent pour

s'occuper de l'éducation de ses enfants.

un établissement

Pierre-Paul est mis à l'école dans

laïque dirigé par Rombout-Verdouck, situé

chevet de Notre-Dame.

mande

et a

Cologne. et

Il

derrière le

connaît déjà la langue alle-

Il

reçu des notions de latin chez les Jésuites de

apprend

le

flamand

et le français

avec

études jusqu'en rhétorique.

continue ses

facilité

dessine

Il

entre temps, copie les images d'une Bible composées par

Tobias Stimmer. Sa mère trat,

mais,

comme

il

est

le

destine à la robe

encore trop jeune,

il

entre

du

page chez Marguerite de Ligne, veuve

du magis-

comme

comte

de

Lalaing, ancien gouverneur d'Anvers.

La bonne tournure du jeune homme, son instruction, l'aisance avec laquelle

il

lui valent des suffrages

tout de suite,

il

malheur.

de sa mère.

Il

autour de la grande dame. Mais,

montre une clairvoyance

Ce milieu frivole ne l'exil et le

s'exprime en plusieurs langues,

a

lui Il

et

une volonté.

convient pas. Son enfance a connu

devine les

sacrifices

et les

efforts

une répugnance pour

de cette

la vie

société paresseuse et sensuelle qui l'accueille.

Il

vivre autrement, à conquérir l'indépendance par

un

selon ses goûts.

Il

utilise

ses

irrésistible vocation et,

en

même

Il

travail

en dessinant,

loisirs

bientôt l'art l'envahit, le possède.

songe à

dit à sa

temps,

le

et

mère son

dégoût que

lui

inspire cette manière de domesticité élégante à laquelle il

est contraint.


RUBENS.

24

La mère, prudente, n'ose pas accepter seule bilité

d'une décision. Elle réunit

un

auquel Rubens expose ses projets. persuasif,

il

Il

convainc l'assistance.

démarches sont

faites

responsa-

la

conseil de famille est éloquent,

Tout de

il

suite,

est

des

auprès d'un professeur, parent de

qui jouit déjà, malgré son jeune âge, d'une

la famille,

certaine réputation, Tobie Verhaegt ou Verhaecht, né

en 1S6G,

fils

de peintre et franc-maître à la Gilde de

Saint-Luc.

Tobie Verhaegt accepta de donner des leçons au jeune

Rubens. s'était

Il

Rome

avait séjourné à

et à Florence,

surtout attaché à l'étude du paysage. Le

il

musée de

Rruxelles conserve de lui une toile. Aventure de chasse de

Maximilien P\ datée de 1615. D'autres œuvres de Verhaegt sont connues par la gravure

Quatre Éléments^

les

les

:

les

Quatre Points du Jom\

Quatre Ages de

la

Terre^

une

Tour de BabeL Ce sont des compositions chargées de détails qui ont

moins

fait

pour

le

nom

de Tobie Verhaegt

passage de Rubens dans son atelier. Car Rubens ne

que

le

fait

que passer, entre presque immédiatement chez

van Noort,

Adam

reste avec lui quelques mois, l'abandonne en

1596 pour se joindre aux élèves d'Otho van Veen.

Adam van Noort, fils de peintre comme Verhaegt, et comme lui membre de l'Académie de Saint-Luc, est également plus célèbre par ses élèves que par lui-même.

Avec Rubens, et

il

eut chez lui Sébastien Vrancx, van Ralen

Jordaëns, qui devint son gendre. Ses œuvres peintes

sont rares au point qu'un biographe de Rubens, Alfred


Cliché Hanfstaengl. I

E

COMTE

1)

ARU^DEL ET (Munich.)

SA

FEMME



RUBENS.

27

Michiels, chercheur consciencieux, historien de la pein-

ture flamande, a

pu seulement découvrir quatre morceaux

peints par lui

le

:

Malade guéri par r intercession de

la

moi

les

Vierge^ à Saint-Michel de petits

enfants^

Ghisignies

;

le

dans

d'Anvers. Çà et

là,

;

Laissez venir à

la collection

même

Sauveur descendu de

Gand

sujet, la

bruxelloise

Dubus de

au musée de Bruxelles;

le

Croix^ à Thospice des Orphelins

des qualités d'expression, de couleur^

un ressouvenir de Véronèse, mais l'ordonnance est maladroite, le caractère manque, le total, en somme, est

On

médiocre.

s'est

trompé, Fromentin

comme

les autres

dans ses Maîtres d'autrefois^ en acceptant l'attribution à

van Noort d'un tableau de Jordaëns que possède

l'église

Saint-Jacques d'Anvers, et en faisant ainsi, d'un imitateur des Italiens,

On

a dit

un

que

peintre du cru, flamand dans les moelles. c'était à

manières désagréables

cause du mauvais caractère, des et de la brutalité

de van Noort

que Rubens l'abandonna pour entrer chez Otho van Veen^ dit

Otho Venins, né à Leyde,

établi à

Anvers depuis 1592.

Celui-là fut le vrai maître de Rubens. distinction d'un et

homme

doux avec ses

Jean de Bavière, Ligne, et

Rubens

il

fit

alors qu'il

Italie.

lui

avait le ton et la

bien élevé, élégant, instruit, poli

élèves.

Il

avait été page chez le

comme Rubens

ch^z Marguerite

avait gardé les allures d'un

chez

un long

homme

séjour, ne le quitta

commençait déjà à

VanVeen

Il

être

duc de

de cour.

que tard,

lui-même.

avait voyagé en Belgique, en Allemagne, en

Le duc de Paraie Favait

nommé

ingénieur en chef


RUBENS.

28

des bâliments et peintre de Bruxelles

la

cour d'Espagne.

Il

exerça à

fonctions de surintendant des monnaies, et

[les

refusa de se rendre à Paris, où Louis XIII

charger de dessiner des cartons pour

voulait le

les tapisseries

du

Louvre. Presque tous ses tableaux sont restés dans les églises et les

Louvre

certifie

:

Otho Venins

serait intéressant de

que chacun de

un

de lui

un Galiléen descendu de

attribue II

musées de Flandre ou de Hollande. Notre et sa

la Croix,

rechercher

la

ces trois maîtres eut sur

résultat quelque

peu certain,

famille^ et lui

il

part d'influence

Rubens. Mais, pour

aurait fallu que les

œuvres de jeunesse du grand peintre eussent été conservées

On admet généralement que Verhaegt lui enseigna l'alphabet de l'art. On ne sait si van Noort eut une influence sur lui, ou s'il en exerça une sur van Noort. On et datées.

s'accorde donc généralement pour proclamer que le maître définitif et

de Rubens fut Otho Venins, intelligence élégante

ordonnée, exécutant probe

timide par

l'Jtalie,

et

sage,

Flamand rendu

mais probablement bon conseiller,

cri-

tique avisé.

Rubens, à

la suite

de ces maîtres incertains, apporte

l'originalité native, la force

d'un tempérament

et

d'une

race, la persistance de l'instinct, la volonté de l'esprit. Lui

aussi il

il

allait

l'art.

était le

Flamand mis en présence de

trouver la richesse, l'abondance,

Là,

parmi tant

il

allait

la

l'Italie.

Là,

profusion de

trouver des maîtres, et ses maîtres,

d'artistes différents, grandioses, puissants, fins,

élégants, subtils, savoureux.

Il

allait

discerner et choisir,


'

w > ^ oi H W B :â-

^^

< a

rs

j— ~



il

allait

jeune

RUBENS.

31

s'assimiler les élémeitts

qui convenaient à sa

vigoureuse nature, à son appétit de jeunesse, à

et

sa fringale de beauté et de vie. Mais le

il

restait

Flamand,

sûr continuateur de Quentin Matsys.

EN ITALIE.

IV.

Nommé,

dès 1598, franc-maître de la Gilde de Saint-

Luc, Rubens ne pouvait se dispenser d'obéir à la règle,

qui s'imposait aux artistes de son temps, d'un voyage en Italie,

vers Fart de Florence, de

Veen approuva

Rome

et

de Venise.

sa décision et voulut, avant le

Van

départ,

présenter son élève à l'archiduc Albert, gendre du roi

d'Espagne, qui gouvernait vorable, et le jeune

les

homme

Pays-Bas. L'accueil fut fa-

partit

muni de

duction auprès de plusieurs personnages.

cœur que

la tristesse

lettres d'introIl

n'avait au

de quitter sa mère âgée, mais cette

bonne mère avait l'habitude des

sacrifices

:

elle garnit

de ses économies la bourse de son Pierre-Paul et celui-ci, le 9 Il

mai 1600, monta à cheval

et se

mit en route.

traversa ime partie de la France et de la Suisse, et

s'en alla, guidé par son désir, tout droit à Venise.

Le voilà parmi les galeries le

Titien,

Il

devine,

vement, C'est

les

monuments,

les palais, les églises,

de la glorieuse République. Le voilà devant

Paul Véronèse, Tintoret, Bellini, il

apprend,

il

Giorgione.

raisonne la composition,

le

mou-

la couleur.

au cours de

ses

promenades à travers ce monde


RUBENS.

32

de chefs-d'œuvre

qu'il

fait

rencontre d'un

la

officier

du duc de Mantoue, Gonzague P^

attaché à la personne

Les deux jeunes gens se

lient. L'officier

au duc, qui apprécie son talent à

présente son ami

vue de ses copies des

la

r

maîtres et qui

le

décide à le suivre dans ses Etats. Le

séjour de

Rubens à Venise

part pour

Mantoue à

est

donc de courte durée

la fin de cette

même

:

il

année 1600.

Vincent Gonzague, à cette époque âgé de vingt-huit

une famille princière

ans, appartenait à

avait régné sur différentes parties de l'Italie.

XI® siècle,

C'était

qui, depuis le

un homme de

qui protégeait les arts, les

plaisir,

lettres et les sciences. 11

fit

sortir le Tasse de la prison

fous où le duc de Ferrare l'avait enfermé.

avec Galilée une correspondance ayant

du savant, à son exégèse de s'attachait

Fourbus,

Rubens

et

qu'il prenait

près de lui

comme

comme

entretenait

aux travaux

trait

En même temps

la Bible.

un autre

11

de

qu'il

peintre flamand, François portraitiste,

maître de chapelle

le

il

appelait au-

musicien Mon-

teverde, inventeur de l'orchestration, fondateur de l'opéra italien,

auteur à'Orfeo,

Il

donc

faisait

volontiers

sa

société des savants, des artistes et des écrivains, lorsque

son temps n'était pas pris par les

aventures galantes et

filles

soucis de la guerre,

les plaisirs

d'abord à Marguerite Farnèse,

avec l'une des

les

il

de la chasse. Marié

divorça pour convoler

du grand-duc de Toscane, Françoise

de Médicis, qui sut accepter avec une douceur résignée les caprices de son volage époux.

Pierre-Paul Rubens avait alors vingt-trois ans et pou-




UUBENS.

35

vait lutter d'élégance avec le jeune

qu'on a de

traits le

lui sont explicites

:

monarque. Les por-

la tête bien construite,

visage beau et franc, le regard assuré et spirituel, le

maintien corps

fier et aisé.

Bon

cavalier, adroit

aux exercices du

non moins bien doué au moral parlant

;

;

le

flamand,

l'allemand, l'anglais, le français, l'italien, l'espagnol et le latin

;

ouvert à

l'esprit

aux

l'art,

un grand fonds de modestie sous

lettres,

aux sciences

;

tout cela, aucune montre

de son savoir, ne portant aucun jugement sans y être invité. C'était là le tact

connaissant

dent,

le

d'un plébéien à la cour,

monde, évitant

fin,

pru-

heurts et les

les

avanies. Il

jugeait bien

Gonzague ne

fit

:

malgré toutes

jamais grand cas de

dire qu'il l'ait pressenti. Copiste il

le

les qualités

considéra toujours,

le

il

de Rubens,

On ne

lui.

peut pas

l'avait trouvé, et copiste

chargeant d'exécuter çà et

quelque reproduction de tableau destinée à compléter sa galerie.

Ayant

été,

au mois de juillet 1601, forcé de mobi-

liser

son armée pour combattre

tiste

à

Rome

musées le

les Turcs,

il

en l'invitant à choisir, parmi

et des églises, celles qu'il croirait

recommanda au

envoya

l'ar-

les toiles des

devoir imiter.

Il

cardinal Montalte, l'un des ministres

de Clément VIII, très amateur

d'art.

A Rome, où il arriva au mois d'août, al fiaynmingœ, comme on appelait Rubens, reçut un très bon accueil. Le premier soin de Montalte fut de mettre son protégé en relations avec ses confrères étrangers

Paul

Bril,

Adam

Elsheimer, avec

des

habitant

savants

Rome et

:

des


RUBENS.

3G

pas sans dépenses, et Rubens

lettrés. Cette vie n'allait

connut

la gêne,

Gonzague ne versant que des acomptes

sur la pension fixée.

dut accepter quelques travaux

Il

:

que Farchiduc Albert, gouverneur des Pays-

c'est ainsi

Bas, le chargea d'exécuter pour Tautel de la chapelle de

Sainte-Hélène, dans l'église Sainte-Croix de Jérusalem à triptyque, qui est aujourd'hui

Rome, un

la'

propriété de

l'hospice municipal de Grasse.

L'un des

trois

panneaux

peine achevé que,

était à

le

12 janvier 1601, Gonzague rappela Rubens à Mantoue.

Albert dut user de diplomatie pour obtenir du duc l'autorisation de prolonger le séjour de

que sa tache

sursis fut accordé et, dès «

copiste

dans

Rubens à Rome. Le fut terminée, le

sa rentrée au palais du Té, résidence

» fit

la capitale de la

du duc

Lombardie.

Quelles raisons déterminent Gonzague à rappeler Ru-

On ne

bens?

sait.

connaît, à ce très

d'art,

La

vérité probable, c'est

moment,

préoccupé

soucis

d'autres qu'il

est

de

que

que

les

garantir

duc

le

soucis

ses

États

contre les tentatives hostiles. C'est surtout de l'Espagne,

gouvernée par Philippe redoute les

attaques.

et le

III

duc de Lerme,

Aussi veut-il,

pour

qu'il

s'attirer

les

bonnes grâces du

roi et de

une

cadeaux préparée de longue main.

collection de

son ministre, leur envoyer Il

connaît les goûts de chacun et s'attache à les contenter.

Le et

roi

recevra des chevaux,

un vase de parfums;

d'art,

une

le

un

carrosse, des arquebuses

ministre, qui aime les œuvres

série de toiles, dont

une

partie a été copiée par


RUBENS.

37

Pietro Facchetti sous la surveillance de Lelio Arrigoni,

deux vases

d'or et

un vase

d'argent. D'autres personnages

de moindre importance, la sœur du ministre, taire

chargé des affaires

d'Italie,

le

secré-

n'avaient pas été non plus

oubliés.

Comme Gonzague

est désireux de connaître l'effet

produiront ses envois,

il

que

veut les faire présenter par un

mandataire officieux, assez qualifié pour être admis à cour, assez intelligent pour se rendre

sions produites, rôle d'un

désavouer C'est

compte des impres-

un personnage, en un mot, qui jouera

ambassadeur, mais dont

il

la

le

pourra, à la rigueur,

les paroles et les actes.

Rubens

qu'il choisit

V.

pour ce

rôle.

MISSION EN ESPAGNE.

Cette étrange mission, dont la première partie consistait

à remplir

la seconde,

exigeait

un

un rôle d'entrepreneur de

non exempte de

transports, et dont

difficultés, voire

certain talent de diplomatie, fut

de périls,

accompagnée

d'une lettre de Gonzague à son résident d'Espagne, Annibal Iberti, le S

mars 1603, pour

l'aviser

du départ des

objets et peintures et pour le renseigner sur l'envoyé spécial.

Il le

définit

un

adroit portraitiste et invite Iberti à

avoir recours à son talent pour l'employer à des portraits

de

«

A

dames de la

même

qualité

date,

».

Rubens

une fausse direction,

se

met en

est forcé de

route, prend d'abord

réclamer un supplément


RUBENS.

38

aux fonds qu'on

mesurés trop chichement, met dix

lui a

jours pour arriver à Livourne, après avoir laissé en panne le carrosse, qu'il fallut faire traîner

dans les montagnes par

des bœufs, arrive enhn chez les négociants qui doivent

l'embarquer. De là

pour

lui faire part de

de son itinéraire

:

doit écrire

il

au secrétaire Chieppio

l'étonnement provoqué par

« Ils

le

choix

nous assurèrent que nous aurions

dû nous embarquer à Gênes et ne pas prendre témérairement le chemin de Livourne sans avoir reçu l'avis qu'une galère en partance se trouverait dans ce dernier port

;

tous affirmèrent que je pourrais y attendre inutilement

un

vaisseau pendant trois ou quatre mois.

question des frais de route, se plaint qu'on

la

prévu dit

:

les

ait si

mal

dépenses d'un pareil convoi. Parlant du duc,

« S'il

n'a pas en

moi pleine confiance,

beaucoup trop d'argent; il

revient sur

» 11

s'il

me

croit

tort cela

ne

m'a donné

un honnête homme,

m'en a donné beaucoup trop peu. Car

manquer, quel

il

il

ferait-il

si

je venais à en

point à sa réputa-

tion ? »

Heureusement, Rubens put se mettre d'accord avec capitaine d'un navire hambourgeois

le

en partance pour

l'Espagne. Vers la fin d'avril, le convoi

est

débarqué

h Alicante. Mais l'envoyé de Gonzague va être victime

de nouvelles tribulations. La cour a quitté Madrid,

il

faut

traverser une partie de la péninsule pour la rejoindre à Valladolid.

A

peine en route, le mauvais temps assaille

la

caravane, une pluie qui dure tout le trajet

A

Valladolid, nouvelle déception.

Philippe

:

vingt jours. III

a quitté


RUBENS. cetto résidence là, il ira

à Burgos.

à Valladolid

en

pour une autre,

le

le

39

château d Aranjuez. De

Rubens renonce à la poursuite,

il

attend

retour du souverain, qui doit avoir lieu

juillet. D'ailleurs,

il

aura de quoi s'occuper. Les

colis

déballés, les peintures apparaissent fortement détériorées

par la pluie et les chocs. Rubens met Annibal Iberti au

courant de la mésaventure,

montre inerte

et celui-ci, tout d'abord, se

et hostile. Il sait très

présenter les cadeaux avec lui, et d'instructions.

Il

artistes espagnols

Le Flamand

bien que Rubens doit il

feint de n'avoir pas

veut forcer Tartiste à s'adjoindre des

pour remettre

les peintures

en bon

du

s'y refuse et écrit à Chieppio, à la date

20 mai, une longue lettre pour expliquer son refus

me

état.

:

Je

«

sens plus enclin à satisfaire son désir qu'à l'approuver,

considérant

le

peu de temps que nous avons devant nous,

l'incroyable insuffisance et négligence de ces peintres,

qui importe

fort,

et,

ce

leur manière absolument différente de la

mienne... L'affaire, d'ailleurs, ne sera point tenue secrète ces

mêmes

tenir

peintres l'iront divulguer partout,

compte de mes

idées, de

mon

et,

:

sans

travail, s'attribueront

l'œuvre entière... Peu m'importent leurs prétentions, et je leur ferais volontiers cadeau de la

besogne étant exécutée la fraîcheur si

Ton ne

renommée, mais,

ici,

tout le mystère se dévoilera,

même du coloris

suffirapour le trahir... et puis,

fait

aucune distinction entre

les auteurs, je

trouverai défloré très mal à propos pour

mince valeur céans. »

la

et indigne

de

me

un ouvrage de

mon nom, qui n'est pas inconnu


RUBENS.

40

On

se

mit d'accord enfin pour confier à Rubens

le

soin

de restaurer les copies de Pietro Facchetti on remplacerait :

une demi-douzaine

celles qui n'étaient pas réparables par «

de choses bocagères

»,

que brosserait

escortait l'envoi, et l'on avouerait

malheur en même temps qu'on on

l'a

»

qui

au duc de Lerme

le

montrerait la façon dont

veut bien reconnaître que cette besogne de répa-

menée, que

ration a été bien

et

l'individu

réparé.

Iberti

fait

lui

«

aux morceaux endommagés

que

les toiles exécutées

Heraclite et

la

«

peintre des Pays-Bas a d'excellentes retouches »

entièrement de sa main, un

un Démocrite,

au moment de

le

sont

((

très

bonnes

».

remise des cadeaux à Philippe

Mais, III,

il

néglige de présenter l'artiste au roi, ainsi qu'il en a reçu l'ordre.

Rubens

d'égards, en

une

qu'il n'est pas

lettre

dupe

à Chieppio

plaint

se

:

il

« Iberti, dit-il,

manque

aura changé d'inten-

un motif plausible, à moins l'excitation du moment, il n'ait oublié

toutefois que, dans

ce qui venait d'être

»

Le duc de Lerme, à qui

les

tableaux furent offerts

lendemain, s'extasia pendant une heure sur fit

ce

montre, demi-plaisamment,

tion pour

convenu.

de

le

les toiles, qu'il

mettre en place par Rubens, qu'il montra les jours

suivants^ à toute la cour et que chacun admira

comme

des œuvres originales. Iberti rend compte de ces divers incidents à son souverain, avoue que l'on s'est émerveillé

de

((

ces

choses

moindres ouvrages

singulières ». «

On

et

exquises mêlées à de

peut bien

les

nommer

telles,


Cliché Diétricl>.

LE CHRIST A LA PAILLE. (Anvers.)



ÏIUBENS.

43

pour avoir été retouchées par

ajoute-t-il, car,

le

Flamand,

elles paraissent tout autres qu'elles n'étaient d abord. »

Rubens s'occupe de rechercher

Sitôt,

qualité cette

»

pour

les portraits désirés

besogne ne

lui

les

c(

dames de

par son maître. Mais

convient guère,

comme on

le

verra

préfère visiter les travaux de décoration

tout à l'heure.

Il

que

exécuter dans ses palais par des peintres

le roi fait

espagnols, les frères Garducho, Barthélémy de Cardenas,

Manuel de Molina, Juan de Chirinos,

etc.

,

presque inconnus

aujourd'hui, et dont la façon de faire donne à sourire

au Flamand.

Lerme une

alors qu'il exécute pour le duc

un

portrait équestre à propos duquel Iberti

au duc de Mantoue qu'

«

admirablement réussi

».

était «

Mais

de

série de peintures représentant des sujets de

l'Evangile et écrit

C'est

au jugement de tous

le peintre reçoit l'ordre

»

il

de se rendre en France, à

cour de Henri IV, pour y peindre de nouveaux portraits de « dames de qualité », et cette fois Rubens ne cache pas

la

son mécontentement, parle en

artiste qui

plier sa dignité à tous les ordres. «

Qu'il

ment sur

Il

écrit à

me soit permis à ce propos mon aptitude pour une telle

ne veut pas Ghieppio

de dire

mon

:

senti-

besogne. La tâche

des portraits à faire, quoique ce soit wv^ prétexte bas^

me

servirait à obtenir des travaux plus importants, n'était que,

parce genre de commission,

le

duc ne peut donner à Leurs

Majestés une opinion vraie de ce que je suis. Si Ton

permet de et plus

le

suggérer,

il

serait, à

mon

me

sens, bien plus sûr

avantageux, plus prompt et plus économique, de


RUBENS-

44

s'adresser à M. de la Brosse ou au seigneur Carlo Rossi,

pour

quelque praticien de

traiter par

les faire

la

cour

ayant déjà peint beaucoup d'images pareilles, sans que je continue à perdre à dépenser

me le

mon et

qui sont jugés vulgaires par tout

»

Quelques auteurs ont prétendu

une les

fatiguer en voyages,

mes honoraires, pour exécuter des travaux qui

semblent infimes

monde.

me

temps, à

galerie secrète

qu'il s'agissait d'enrichii^

où Gonzague

deux mots soulignés de

se délectait de nudités

la lettre

:

qui précède donnent

de la vraisemblance à cette hypothèse. Certes, Rubens fut

un glorieux

peintre du nu, et son inspiration ne connut

ni pruderie ni atténuation, mais la chair

en pleine lumière,

et

il

voulait faire apparaître

non dans

la

demi-obscurité

d'un musée secret.

Quoi

qu'il

en

le

soit,

consentit au retour de

duc de Mantoue

Rubens en

n'insista pas et

Italie.

SÉJOUR A MANTOUE ET A ROME.

VI.

L'artiste rentra à

Mantoue vers

la fin d'avril 1604. II

y trouva des nouvelles de sa famille. Son frère Philippe, qui était à

Rome où

il

s'occupait de l'éducation des enfants

du président Richardot, et lui faisait part

du

lui

désir

revoir son Pierre-Paul.

Il

annonçait sa prochaine visite

que leur mère avait exprimé de y avait quatre ans que celui-ci

avait quitté Anvers.

Gonzague

fit

vérifier le

compte des dépenses de voyage


Cliché Hanfstaengl

RUBENS ET ISABELLE BRAISDT (Munich.)


I


RUBENS. de son envoyé, se montra

ment avec

moyennant

lui

47

satisfait,

renouvela son engage-

une provision de 400 ducatons

«

à l'année, payable de trois mois en trois mois à partir du

24 mai

chargea d'exécuter la décoration du retable

», le

pour l'un des autels de après quoi,

On

alla

toiles

de la Trinité à Mantoue

l'église

peintre dut retournera ses éternelles copies.

le

même

jusqu'à lui faire recopier ses copies

:

deux

d'Antonio AUegri que désirait Tempereur d'Autriche.

Le

vif désir de

Rome,

oii se

autorisé par

A Rome,

Rubens

était

de

retourner étudier à

trouvait encore son frère Philippe.

Gonzague que vers Pierre-Paul

la fin de

n'y fut

Tannée 1605.

à la lutte

assiste

Il

d'influence

livrée par les frères Carrache au Garavage, qui

défend

volontiers ses opinions artistiques Fépée ou la dague

poing. Gonzague, qui ne le

;

sert

que

très

au

irrégulièrement

traitement de son pensionnaire, le charge cependant

d'achats, et c'est ainsi toile

que

que Rubens

de Garavage, la Vierge morte pleur ée par l'église

de

la

Scala avait

pour cause de réalisme,

que

se rend acquéreur d'une

le

et

les

Apôtres^

commandée, puis refusée

qui excita une telle curiosité

duc de Mantoue dut consentir à l'exposer publique^

ment pendant

huit jours. Gette toile, payée 220 écus, est

aujourd'hui au Louvre.

Rubens, vailler

ainsi tiraillé

pour vivre.

Il

par l'argent, est forcé de tra-

a plusieurs

d'exécution lorsque, vers la

souverain écrit à

le fait

fin

de 1606, son capricieux

rappeler à Mantoue.

Ghieppio

:

«

commandes en cours Il

demande un

Après avoir consacré tout

répit,

mon

été


RUBENS.

48

aux études de

mon

art, j'ai été contraint d'accepter lesdits

ma

travaux, ne pouvant soutenir honorablement

avec les 140 écus seulement que départ...

reçus depuis

grand autel de

s'agissait d'orner le

Il

j'ai

maison

mon

l'église dite

Sainte-Marie in Vallicella, récemment construite par les prêtres de l'Oratoire, aujourd'hui la plus célèbre et la plus

fréquentée de Rome, parce qu'elle est située au centre de la ville et

de

décorée de tableaux dus aux meilleurs peintres

l'Italie.

malgré

»

explique qu'il a obtenu cette

Il

les efforts

des premiers artistes de

que

tant, ajoute-t-il, si le besoin

n'admet aucun toute chose.

délai, je mettrai

suffisant

six

mois qui a

pas,

le

de son influence pour

Rubens

A

mon

été accordé à

le

Rubens ne

Borghèse

a

il

un voyage dans

œuvre inachevée.

une fausse les

joie

Pays-Bas,

et

il

intéressent

assiste.

Il

:

le

duc

Rubens

moment, Gon-

zague change d'avis, part pour Gênes, pour

monuments

use

prolonger de quelques jours.

devait être de sa suite. Mais, au dernier

auxquelles

Pour-

devoir au-dessus de

cardinal-ministre

son arrivée à Mantoue,

les

«

duc a de mes services

doit enfin partir, laissant son

avait projeté

Rome.

»

Le sursis de lui

le

commande

Sesti,

Rubens plus que

les fêtes

prend de nombreux croquis, plus

tard publiés en livraisons, exécute plusieurs toiles, et

même,

dit-on,

sculpte deux

bustes

sentant des aïeux d'un seigneur de

de

marbre repré-

Gênes,

Gianettino

Spinola.

Le duc revient par Milan,

oii

Rubens

fait

une copie au


Cliché Hanfstaengl.

LA

MARCHE DU VIEUX (Munich.)

SI

IN

E



RUBENS. crayon de

Cène de Vinci, laquelle fut plus tard gravée

la

par Soutman. Rentrant à Mantoue, les voyageurs trouvent

une

lettre

de rarchiduc Albert, datée du 4 août 1607,

demandant pour

peintre

le

un congé

«

afin

de mettre

ordre à des affaires que des personnes tierces n'arrangeraient pas selon son désir

l'artiste «

La réponse du duc vaut

pour sa manière impertinente,

d'être citée,

façon dont

».

et

pour

la

dispose de la liberté et de la dignité de

il

:

Depuis quelques années déjà, Pierre-Paul Rubens,

me

peintre flamand,

sert à

ma

satisfaction et à la sienne;

je ne puis croire qu'il ait la pensée d'abandonner ce service,

il

paraît entièrement se complaire. Si donc je

ne puis obtempérer au désir des

siens, qui ont

voulu

se prévaloir de votre autorité pour le rappeler dans sa famille, Votre Altesse m'excusera,

l'intention

du susdit

Pierre-Paul étant toute différente, puisqu'il désire rester, et la

mienne

aussi,

de Votre Altesse ceci en

mes

bonne

sujets

puisque je désire

me donne

le

garder. La bonté

l'assurance que vous prendrez

part, attendu

que

je

permets également à

de servir les princes étrangers, et surtout

Votre Altesse, à laquelle, pour terminer, je baise

mains

A

la

et prie fin

Dieu d'accorder toute

de l'année 1607,

retourner à Rome. il

s'aperçoit, à la

ment défectueux

Il

y achève

félicité.

Rubens a le travail

»

l'autorisation

de

commencé, mais

mise en place, que l'éclairage qu'il est impossible de

figures, le coloris, l'expression.

les

est telle-

distinguer les

Le peintre, à qui ce tra«


RUBENS.

52

payé 800 gros ducats, préfère perdre uns

vail devait être

partie de la

somme

2 février 1608,

écrit

il

peinture en fresque. Le

et refaire sa

à Chieppio pour le prier de faire

acheter la toile par Gonzague. Celui-ci affirme son estime

pour Fœuvre du peintre, mais refuse l'acquisition, se rejetant sur les frais d'un voyage à Turin et sur les dé-

penses du mariage de son mais, presque

en

même

fils

et des fêtes

temps,

la

du carnaval

duchesse chargeait

Rubens d'acheter à Rome un tableau de Gircignani, Pomerancio, destiné à

;

dit

la chapelle

de Mantoue. Ge rôle de

courtier auprès d'un confrère de

mérite inférieur était

un peu humiliant, qu'il était,

rancio à

A

et

Gonzague, tout protecteur des arts

ne devinait pas l'avenir en préférant un Pome-

un Rubens.

partir de cette époque,

entre la maison de froids.

Gonzague

met en route

le

Mantoue

se décide

il

et

semble que

les

rapports

Rubens deviennent plus

au voyage des Pays-Bas

et se

18 juin 1608 sans avoir proposé à son

pensionnaire de l'accompagner. Gelui-ci est toujours à

Rome, où

il

achève de peindre ses fresques pour

l'église

Sainte-Marie.

VII.

— MARIAGE

AVEC ISABELLE BRANDT,

Le 26 octobre 1608, Pierre-Paul reçoit d'Anvers une lettre lui

annonçant que sa mère

ladie grave. Qu'il fasse diligence

est atteinte

pour

d'une

ma-

la revoir. Peut-être




RUBENS.

55

respérance de son retour donnera-t-clle un sursaut de vie à la malade.

Gonzague

le

il

entend

prévenir et d'attendre sa réponse. Rubens s'adresse

donc simplement à Ghieppio. Le 28, au à cheval,

lui écrit

il

que son départ

des nouvelles très fâcheuses ((

d'où

pour Marseille, avec rentrée par Gênes. Impossible

partir

de

Fontainebleau,

est alors à

Elle est tellement

»

moment

est

déterminé

«

par

de la santé de sa mère

malade d'un asthme que,

sidère son âge de soixante-douze ans,

d'autre issue que la fin

de monter

commune

si

:

l'on con-

on ne peut espérer

à tous les

hommes...

Je supplie Votre Seigneurie illustrissime de vouloir bien

apprendre

mon malheur

auprès d'elle le

si,

à

le

me rends

emporté Marie Pypelincx fils

:

et

m'excuser

afin de rejoindre

pas d'abord à Mantoue,

chemin en toute

plus court

Un changement brusque son

Sérénissime

pour gagner du temps

Sérénissime duc, je ne

mais prends

Mme

diligence. »

de température

elle était

avait

déjà

morte au moment où

recevait la nouvelle de sa maladie. Lorsque, après

une absence de près de neuf ans, Rubens rentra à Anvers, il

ne put qu'aller pleurer, à l'abbaye de Saint-Michel,

sur la tombe de la mère n'avait pas eu la joie

si

héroïque et

si

tendre qui

suprême de revoir son

fils

bien-

aimé.

Dans sa aussi

:

«

lettre à

Ghieppio du 28 octobre, Rubens disait

De mon retour

je

ne dirai rien autre chose,

sinon que j'obéirai toujours à toutes les volontés de

Sérénissime Patron,

et

mon

m'y conformerai comme à une


RUBENS.

56

en tout lieu

inviolable,

loi

un

désir éventuel

du duc.

Celui-ci restant coi, le peintre

demeure pendant quelque temps dans monastère où reposent

un monument dont

il

Veen, promu peintre

de sa mère, lui élève

les restes

compose Fépitaphe,

officiel

fait

des visites

fait

habitué.

Il

un

Otho van

mande

de l'archiduc Albert,

son ancien élève à Bruxelles,

présente au souverain

le

accueil auquel Gonzague ne l'avait pas

toutes choses

l'interroge sur

qu'il

a vues,

sur ses travaux, la mission qu'il aremplie, ses voyages

pour la

le

garder dans

commande de son

et aussi

11

voisinage du

le

à ses parents, à ses amis, à ses anciens maîtres.

qui lui

» C'était

de son chef, retourner à Mantoue.

croit pas devoir,

ne

en tout temps.

somme, subordonnait son retour

exagéré, mais Rubens, en à

et

les

Pays-Bas, lui

fait

et,

sur-le-champ

portrait, de celui de l'infante Isabelle,

d'une Sainte Famille pour

la

chapelle du palais.

Ces bons procédés et les instances de ses parents font

que Rubens se

fixe

à Anvers,

oîi

son frère occupe

le

poste de secrétaire de la ville et peut lui aplanir les pre-

mières difficultés d'établissement.

L'exemple du souverain

est

suivi.

Les travaux

ne

tardent pas à venir dans la petite maison de KloosterStraat,

où Pierre-Paul a repris sa place. La congréga-

tion des Lettres, fondée Visitation de la

des

du

la Vie?ye

chambre des États à Mages qui

lui est

saint sacrement

par

pour sa chapelle. l'hôtel de ville,

payée

pour

Albert, lui

1

800

demande une Il

peint,

une Adoration

florins, puis la

l'église des

pour

Dominicains.

Dispute


Cliché Hanfstaengl.

SAIIST

AMBROISE ET THÉODOSE. (Vienne.)



I

sa

RUBENS.

L'archiduc avait mis à la disposition de Tartiste une vaste salie

du

Bruxelles pour y peindre les

palais de

C'est là qu'il exécute le

de grande dimension.

sujets

retable de la chapelle ducale. Ce travail achevé, la confrérie

de Saint-Ildefonse, dont Albert est

d'accord avec ce dernier,

le chef,

une bourse pleine

d'or à

envoie,

Rubens

qui ta refuse, disant qu'il se trouve suffisamment récom-

pensé par

Toutefois,

travail.

qu'on lui a montrée de son

satisfaction

la

accepte une

il

œuvre de

joaillerie,

exécutée par Robert Staes sur Tordre du souverain, et est

nommé,

23 septembre, moins d'un an

le

il

après sa

rentrée, peintre officiel de la cour, avec autorisation de

résider h Anvers, et exemption d'impôts.

Rubens acheva de se mariant.

Il

une nièce de

s'établir

chez lui, dans sa ville, en

avait rencontré, chez son frère Philippe,

la

de dix-huit ans,

femme de fille

celui-ci, Isabelle Brandt,

âgée

de Jean Brandt, secrétaire de la

régence. Rubens aima Isabelle et l'épousa.

Le mariage eut lieu

le 3

octobre 1609^ à cette

Saint-Michel où dormait

église

pour

toujours

même Marie

Pypelincx.

Dès

lors,

une vie nouvelle commence pour Rubens. Le

présent lui sourit, l'avenir s'annonce radieux. La ville

d'Anvers redevenue prospère à clue avec la Hollande, les

mée du gent.

peintre grandit.

La

la suite

commandes

La

affluent, la

ville lui off*re

société anversoise tient à

de la trêve con-

renom-

une coupe

d'ar-

honneur de recevoir

nouveaux époux. Plus de cent élèves

les

se présentent sans


RUBENS.

130

pouvoir trouver place à

Le ménage Rubens occupe dans

Il

démolir

était situé

florins

un

et reconstruire

le

grand jardin,

vaste rotonde éclairée par la Renaissance italienne,

qu'il

4 janvier 1611

hôtel que

Rubens

fait

sur ses propres plans.

l'artiste construisit

un dôme de

il

verre,

logis par

une

du goût de

plaça sa collection d'œuvres

exposa ses tableaux. Cette construction

BU corps de

mode»

sur le Wapper, rue qui est aujourd'hui la

rue Rubens. Dans

d'art et

à la

quitter Tappartement

doit

maison de Jean Brandt. Le

pour 7 600

est acquis <3n partie

la

du maître

l'atelier

un portique

était reliée

à trois voûtes.

Rubens

(environ 150 000 francs) à son

consacra 60 000

florins

installation, et la

dépense ne semble pas avoir pesé lour-

dement sur cette

ses ressources, puisqu'il a été constaté qu'à

époque

gagnait plus de 30 000 florins par an. De

il

toute façon, pour l'aisance et la

dignité de la vie,

il

n'avait pas à regretter la cour de Mantoue. Cette

même

mourut. le

année 1611,

le

28 août, son frère Philippe

eut de cette disparition

Il

un profond chagrin

et

manifesta, selon la coutume, par de splendides funé-

railles,

monument surmonté

puis par la construction d'un

d'un portrait du défunt, qu'il

fit

placer auprès du

tombeau

de leur mère.

Dès que son installation fut achevée, Rubens régla sa vie et celle des siens d'après les convenances et l'esprit

de méthode qui

était

en

lui.

racontent qu'il assistait chaque matin à piété réelle

,

il

était plutôt sceptique

,

la

du temps

Ses biographes

messe, non par

— mais pour imiter

la


RUBENS, bonne

société et le

usages.

Il

monde des

se mettait ensuite

une heure avant distraction.

61

fonctionnaires, et obéir

au

abandonnait

travail, qu'il

repas de midi pour prendre quelque

le

mangeait peu, reprenait sa palette en

Il

aux

sor-

tant de table, se faisait lire, durant qu'il travaillait, des

ouvrages nouveaux de

l'antiquité,

faire

et anciens, des

Sénèque, Plutarque, Platon, puis

une promenade à cheval dans

la belle saison. L'hiver, il

pages des philosophes,

restait

ou lorsque

les environs,

le

temps

dans sa maison, jouant avec son

allait

pendant

était mauvais,,

fils

Albert, dont

l'archiduc avait voulu être le parrain, allait visiter ses

amis ou

les recevait

dans sa rotonde.

relations suivies avec les peintres

connu en

avait

Italie,

et

Paul

Gaspard Gevaerts,

Balthazar Plantin.

Au

dehors,

Bril

son il

entretenait des-

Johann Breughel,

Nicolas Rockox; le secrétaire de la distingué,

Il

bourgmestre

le

;

commune, numismate neveu

;

l'imprimeur

suivit bientôt

pondance avec certains personnages de marque de Richelieu,

le

qu'il

duc de Buckingham,

le

une corres:

le

cardinal

comte Guzman

Olivarès, ministre d'Espagne, Fabri de Peiresc, conseiller

au Parlement d'Aix, surnommé

le «

procureur général de

la littérature ».

passait

Il

une

partie de l'été dans

un château

qu'il

acquit aux environs d'Elewyt, entre Matines et Vilvorde^

mais

il

n'y demeurait pas inactif.

Il

trouvait dans la région,

plus accidentée que celle d'Anvers, des motifs de paysage

étendus

A

et pittoresques.

Anvers,

il fit

partie de plusieurs associations,

notam-


RUBENS.

62

ment de la 1"" juillet

étant

«

Gilde des Romanistes

1613.

On

»,

dont

il

fut

éludovenlo

marquée par

aimait à se l'attacher, chaque élection le

de sa nomination

don d'une œuvre

comme

d'art.

doyen, Rubens

A l'occasion fit

une messe en musique, donna un banquet chez

exécuter lui et

fit

présent à la Gilde de deux toiles représentant saint Pierre et saint Paul, ses patrons.

Ce qui devait arriver arriva. Rubens, bientôt, ne put suffire

à ses travaux.

Il

dut en céder une partie à des

confrères, puis se décider à faire ébaucher ses tableaux

par des élèves après qu'il les avait esquissés. Des morceaux accessoires furent parfois achevés entièrement par les

collaborateurs de Rubens. Des animaux, des fleurs, des fruits ont été peints

par Snyders, des paysages par Lucas

Van Uden.

VIII.

La

LA GALERIE MÉDICIS.

brouille survenue en 1614 entre Louis XIll et sa

mère, Marie de Médicis, ayant pris

mère

étant rentrée dans son palais

fin

en 1620,

et la reine

du Luxembourg,

elle

décida d'orner la grande galerie de sa demeure d'une série de tableaux évoquant les phases de sa vie agitée. Elle confia

son projet au baron de Vicq, ambassadeur des Pays-Ras,

qui

la

détermina à s'adresser à Rubens.

Celui-ci vint à Paris en 1622. L'accord se

fit.

Le peintre

obtint d'exécuter les tableaux chez lui, à Anvers,

rentra

le 4

mars.

Il

composa

les esquisses et, dès le

oîi

il

mois


RUBENS. (le

63

septembre, vint les soumettre h

la

veuve de Henri IV,

qui les accepta, à l'exception d'une seule qui rappelait son

emprisonnement à offerte à

Rubens

Grâce à

la

La somme de 20000 écus

Blois.

et acceptée par lui.

méthode expéditive

h l'atelier de

fut

et régulière

employée

Rubens, dix-neuf sujets étaient achevés

lorsque le peintre fut invité à se trouver à Paris au com-

mencement de

février 1625.

Il

emporta

qui

les toiles,

furent beaucoup admirées, et consentit à exécuter les

Van Egmont.

autres sur place, avec l'aide de son élève

Marie

de Médicis allait souvent visiter

le

peintre,

s'asseyait auprès de lui, l'interrogeait sur différents sujets,

prenait plaisir à sa conversation. Elle le réceptions, lui

demanda son

de la cour. Rubens donna

ménée-Rohan,

et,

fit

venir h ses

avis sur la beauté des

le

dames

prix à la duchesse de Gué-

dit-on, la reine de cinquante-sept

ans

ne sut pas trop bon gré au Flamand de sa franchise admirative.

L'inauguration 8

mai 1625,

de

la

nouvelle

eut

lieu

le

à l'occasion des fiançailles d'Henriette de

France, sœur de Louis XIII, avec «

galerie

Peintures admirablement réussies

prononcée par Marie de Médicis

le

prince de Galles.

», telle fut la

et répétée

formule

par la foule des

courtisans.

Malgré cette opinion favorable, Tartiste n'a pas encore reçu,

le

travail.

13 mai, le moindre acompte sur le prix de son Il

sait

que

les

dépenses

mariage d'Henriette peuvent

occasionnées

justifier ce retard,

par

le

mais

il


RUBENS.

64

connaît la négligence des grands, ne cache pas son mé-

contentement, en

mine pas à trée

part au conseiller Peiresc, et ter-

Je suis fatigué de cette cour, et

«

:

fait

me

satisfaire la

pour

même

promptitude que

de la reine,

le service

l'on

si

il

ne met

j'ai

mon-

pourrait arriver que

je n'y revinsse pas facilement... »

Rubens ne montra donc pas grand empressement à disputer à

que voulait

galerie lui

un confrère

italien la décoration d'une

édifier

seconde

Marie de Médicis. La commande

échut néanmoins, mais elle resta dans ses cartons à

l'état d'esquisses,

-

IX.

AMBASSADES A MADRID ET A LONDRES.

-

L'archiduc

Albert,

recommandé dès lors

Rubens

le

à sa

mort

femme

13 juillet

le

Isabelle,

1621,

avait

à laquelle incombait

gouvernement des Pays-Bas, de s'adresser à

si elle

fut ainsi

qui furent trouvées à sa mort.

que

avait le

une question

délicate à résoudre.

Ce

peintre fut appelé à faire fonction de

diplomate, s'employant, pour la paix du monde, à aplanir les difficultés entre l'Angleterre et l'Espagne,

qui avaient

martyrisé sa patrie.

A Paris,

avait

il

Buckingham

connu Buckingham

lui rendit visite à

et fait

son portrait.

Anvers, lui acheta pour

100 000 florins une partie de sa collection d'œuvres d'art, après que le vendeur eut pris des moulages des sculptures,

des

pièces de

copies des

peintures,

des

empreintes

des

numismatique. On attribue à ces premières


T/ADORATrON DES MAGES (Anvers.)



RUBEN?. relations rapaisement qui se

fit

07

entre les deux nations.

L'événement qui survint alors dans

certainement son état d'esprit,

modifia

de Rubens

la vie

put

femme

chercher une nouvelle direction à son activité. Sa Isabelle aiourut à la fin de juin 1626.

auprès de sa mère, et plaça sur tableau

destiné à

l'église

Il

la

homme, qui

inhumer

fit

tombe commune

la

Sainte-Marie de Rome,

Gonzague avait refusé d'acheter. Malgré sa libre de sa

faire

lui

le

que

force, l'équi-

santé physique et de sa santé morale, cet

toucher à ses cinquante ans, eut

allait

la

sensation qu'il avait fourni une étape, que le chemin allait se raccourcissant

devant

lui.

Une

le

montre impressionné

la

pondération de langage dont

vérité, dit-il, j'ai

lettre qu'il écrit alors

malgré

et atteint, il

ne

se départ pas

:

;

point

En

d'humeur

chagrine, point de ces faiblesses de

femme, mais

de la bonté et de la délicatesse...

Une semblable

me

paraît bien sensible, et puisque le seul

les

maux

qu'engendre

c'est l'oubli

sans doute espérer de lui seul

me

«

perdu une excellente compagne... Elle

aucun des défauts de son sexe

n'avait

la correction,

mon

le

rien que

perte

remède à tous

temps,

secours

;

il

faudra

mais

qu'il

me cause sa ma vie à cette

sera difficile de séparer la douleur que

perte du souvenir

femme Dès

que

je dois garder toute

chérie et vénérée qu'il eut

Rubens

partit

rendu pour

!

»

les derniers devoirs à la défunte,

la

Hollande. Voyage de distraction

ou voyage diplomatique? Les deux versions ont cours toutes deux ont chance d'être exactes.

Rufens

et

s'arrête


HUBI^^NS.

G8

d'abord à Gouda, où

il

fait la

rencontre de Joachim San-

allemand dont

drart, le peintre-écrivain

raires n'ont été publiées qu'après sa toiles

sont peu connues

continuent

le

Jacques Block,

Honthorst

mort

les

en France. Les deux artistes à

visite

vont à Utrecbt, où Poelenbourg, Gérard

ils

Abraham Blœmaert leur Amsterdam où ils visitent

vieil

et le

litté-

dont

et

voyage de concert. Après une

accueil fraternel, à ateliers,

œuvres

les

puis à La Haye, où les deux

font

un

tolis

les

compagnons

se

séparent et d'où Rabens se dirige sur Delft.

A

Delft,

il

se rencontre avec

un agent de Charles

P""

et

du duc de Buckingham, Balthazar Gerbier, peintre de miniatures. Gerbier était parti de Londres avec un passeport pour Bruxelles, avait eu des entretiens secrets avec l'infante Isabelle,

de Spinola,

dans

les

veuve de l'archiduc Albert,

commandant général

et le

marquis

des troupes espagnoles

Pays-Bas.

Rubens

époque tout à

était à cette

plir des fonctions officielles.

A

fait qualifié

la date

du

5 juin 1624, le roi

d'Espagne, neveu de Finfante, avait accordé à

Rubens, à ses enfants

11

fut

«

Pierre-Paul

et postérité » des titres de noblesse

avec armoiries, et Isabelle l'avait sa chambre.

pour rem-

nommé gentilhomme

de

donc choisi vraisemblablement pour

conférer avec l'envoyé

anglais,

puisque

lui,

Flamand,

consentait à jouer le rôle d'agent diplomatique espagnol. Cette partie de la vie de politique.

Le but poursuivi

commencée en 1618

et

Rubens appartient

à l'histoire

était de mettre fin à la

dont

la

guerre

cause initiale était l'anta-


I

RUBENS. gonisme

GO

Le but immédiat

religieux.

était d'obtenir

une

suspension d'armes pendant laquelle on pouvait négocier les

termes d'un

L'Espagne

traité.

faisait les

premières

ouvertures, que l'Angleterre se montrait tout au moins disposée à accueillir.

Le premier acte de Rubens, revenu de Delft à Anvers, fut d'écrire les

une

lettre,

par Buckingham et approuvés par

désirs formulés

l'infante.

datée du 24 février 1627, exposant

Buckingham répondit par une

note, que dicta

Charles I", approuvant les préliminaires de la discussion. Alors

commença une

mois, en Hollande et à Paris. opposition à laquelle

P%

Charles

Ici,

Richelieu souleva une

ne fut pas étrangère sa rancune

Buckingham qui

contre

voyages qui dura sept

série de

,

à

l'occasion

du mariage de

montré trop empressé auprès d'Anne

s'était

d'Autriche. Les premiers efforts de

donc sans résultat,

et

Rubens demeurèrent

Gerbier fut rappelé en Angleterre.

Le ministre d'Angleterre répondit aux

lettres de

Rubens

d'une manière courtoise et évasive, par la voie d'un représentant. fit

Rubens fut alors appelé en Espagne, où Philippe IV

au diplomate un accueil grandiose,

et reçut

l'artiste

affectueusement, d'autant que celui-ci avait emporté huit toiles qu'il

offrit

au monarque,

et

qui furent acceptées

avec empressement. Les

négociations

28 octobre 1628, sous

en question,

mate en

la

en le

cours,

Buckingham tombe,

le

couteau de Felton tout est remis ;

mission de Rubens est suspendue. Le diplo-

profite

pour céder

le

pas au peintre, qui visite


RUBENS.

70 les ateliers

de Madrid, se

vingt-neuf ans.

Il

avec Velasquez, alors âgé de

lie

met au

se

travail, peint,

dans l'espace

de neuf mois, une quarantaine de tableaux, parmi lesquels plusieurs portraits du roi d'Espagne et de

sa famille,

copie des toiles du Titien, et ce en dépit de plusieurs

accès de goutte et de fièvre qui Tobligent parfois à sus-

pendre ses travaux.

Le

traité

de paix signé aux Tuileries

le

14 avril 1629

a pour effet de renouer les négociations diplomatiques. La

cour d'Espagne décide que Rubens, en dépit de sa profession de peintre, ou plutôt, d'un certain point de vue,

à cause de cette profession, sera employé, secret, à traiter II

se

est

nommé

agent

avec l'Angleterre et les Provinces-Unies.

secrétaire

met en route

comme

le

du conseil privé de Philippe IV,

26 avril, arrive à Paris

le

12 mai, va

prendre quelques jours de repos à Anvers, reçoit l'ordre de se rendre à Dunkerque

ments,

il

oii,

s'embarque sur

le

muni de

ses lettres et docu-

navire du roi Charles

P% à

destination de Londres.

Pour dissimuler fait faire

but du voyage du peintre,

le

son portrait, et les entretiens politiques ont lieu

au cours des séances. Charles dît à

le roi lui

son beau-père,

le

I^""

voudrait que l'on ren-

comte Palatin,

les

possessions

dont l'Espagne a disposé en faveur de Maximilien de Bavière.

Rubens a pour recommandation de ne

aucune promesse dans ce sens, nisent sur le

même

point.

faire

et les discussions s'éter-

De son

côté, Richelieu a en-

voyé un négociateur habile, Châtcauneuf, qui doit agir


RUBEiNS.

71

sur Tesprit de la reine et paralyser les efforts de Uubens. ((

Il

sème

l'or

pour acheter

dans sa correspondance,

que les

le

consciences, dit celui-ci

et raconte

dans Tentourage du roi

cardinal s'est empressé de conclure la paix avec

huguenots pour frapper plus librement

d'Autriche, et le

les

y a tout

il

Palatinat, où

lui,

lieu d'espérer qu'il lui arrachera

nous reconduirons votre beau-frère au

son des trompettes

Rubens,

maison

la

et des

tambours.

»

délégué d'une monarchie indigente,

«

n'avait pas à offrir

une

livre sterling ».

11

obtint cepen-

dant l'envoi à Madrid du chancelier de l'Echiquier, en même

temps que l'Espagne déléguait

à

Londres Carlos Coloma.

Malgré l'opposition de Richelieu, reprises à nouveau,

pagne

une trêve

les négociations furent

intervint, et la paix entre l'Es-

et l'Angleterre fut signée le 15

Charles

P% lorsque Rubens

de l'Éperon d'Or, lui

moment

fit

novembre suivant.

partit, le

don de

nomma

l'épée qu'il portait au

de la cérémonie d'investiture, et

bordon de son chapeau C'est vers la fin de

Londres. xVprès la formalité

et

chevalier

lui

offrit

le

une bague en diamant.

février 1630

un court voyage

que Rubens quitta

à Bruxelles, où l'appelait

du serment de conseiller privé,

il

vint re-

prendre ses travaux à Anvers.

X.

MARIAGE AVEC HÉLÈ.NE FOURMENT,

Isabelle Brandt avait

Fouruient. La

fille

une sœur, mariée à Pierre-Daniel

issue de ce mariage, Hélène

Fourmcnt,


RUBb:NS.

72

Rubens revint

avait seize ans lorsque trois ans,

à Anvers. Depuis

n'y avait fait que de courts séjours.

il

jeune

grande,

laissé

Hélène enfant,

belle,

épanouie, toute prête à devenir une femme.

il

la retrouvait

ému, ébloui. L'ivresse de l'amour cerveau de cet

homme

vivant.

si

et

fille,

avait

Il

Il

fut

de la vie monta au

oublia tout, ses cin-

Il

quante-trois ans, son veuvage, méprisa la médisance et la

calomnie certaines. joie la

lui fallait ce

regain de bonheur, cette

imprévue d'une seconde existence. L'oncle demanda

main de

eut lieu ((

Il

la nièce,

et

il

l'obtint.

second mariage

le

6

décembre 1630, Rubens,

Pierre-Paul

du conseil privé de Sa Majesté

chevalier, secrétaire

gentilhomme de

de

Le

S. A. la princesse Isabelle

»,

et

avec Hélène

Fourment.

Pour bien marquer que

le

mariage

consentement de chacun, que pas été

un

dépens

les

«

et les

parents prennent à leur

de la fête nuptiale, de façon à en

avoir honneur et remerciements

Marié,

son

».

peintre se partage entre son nouvel

le

art. Il

bonne harmonie n'avait

instant détruite, toute la famille assiste à la

cérémonie du contrat, charge

la

du plein

s'effectuait

a hâte de

riques qui lui ont été la salle des

mener

amour

à bien les peintures allégo-

commandées pour

la

décoration de

banquets de Whitehall à Londres,

dessiné les esquisses en Angleterre. Mais

il

et

dont

il

a

ne termine

qu'en 1635 ce travail qui lui est payé 3000 livres.

même

et

A

la

époque, Richelieu lui rappelle qu'il demeure tou-

jours chargé

des peintures

de

la

galerie

Henri

IV,


Cliché Hanfstaengl.

L

ENLEVEME^Tv DES FILLES DE LEUCIPPE. (Munich.)



RUBENS.

75

au Luxembourg. Mais, à ce moment, Riibens est plus soucieux du charme de

femme,

et c'est elle

beauté

et

de jeunesse

que, sans cesse,

fixe

il

de sa

en d'admi-

rables portraits éclatants et souples, où son art semble aussi

retrouvé une

avoir

seconde jeunesse. De de Munich

période, la pinacothèque

possède

cette

le

déli-

cieux tableau de la Promenade au jardin. Mais combien d'autres

!

Lorsqu'il songe à reprendre ses études pour l'achève-

ment des peintures de

que Marie de Médicis vient

d'être internée à

en attendant d'être conduite à

conséquence de

mais

il

sait

la

Henri IV, on annonce

la galerie

Gompiègne

la frontière. Cette

mesure,

Journée des Dupes, émeut Rubens,

exprimer son sentiment avec toutes

les

ré-

serves diplomatiques nécessaires, par la lettre qu'il écrit à Peiresc, le 27

mars 1631. Après

s'être félicité

pas poussé plus avant son travail,

il

ajoute

:

«

de n'avoir

Je considère

comme perdue

toute la peine que j'ai prise, car

craindre que,

l'on a saisi

si

est à

une personne aussi éminente,

ce ne soit pas pour la relâcher...

Il

est bien

difficile

distance de porter

un jugement assuré sur de

événements; aussi

me

mal à propos.

il

tairai-je

à

pareils

plutôt que de censurer

»

Gaston d'Orléans

était

occupé à négocier avec l'archi-

duchesse sur Taccueil qui pourrait être

fait

à la captive,

lorsque celle-ci, dans la nuit du 18 juillet 1631, prend la fuite, s'arrête à fait

en

même

Avesnes,

d'oii

elle

écrit

à Louis XIII,

temps prévenir Isabelle de son entrée


RUBENS.

7B

dans

Anvers saluer

d'aller à

marquis d'Aytona

L'infante charge le

États.

ses

la reine

mère,

et le

ministre s'ad-

joint Rubens, dont la présence pouvait être agréable à la fugitive. Celle-ci

ne se sent pas en sûreté à Anvers, part

pour Mons, puis pour Bruxelles, olferte

dans

oti

l'hospitalité lui est

des ducs de Brabant. Chacun voit

le palais

dans l'arrivée de Marie de Médicis une occasion de

vengeance de

l'attitude de

Richelieu vis-à-vis de

tirer l'Es-

pagne. Déjà Ton dénombre les forces susceptibles d'être

mises en ligne. Le prudent Rubens lui-même pressent

que

pourra en venir aux mains. Mais Philippe IV,

l'on

tout en approuvant les

((

démonstrations d'amitié avec

lesquelles Marie de Médicis devait être reçue, servie et traitée

dans ses États

»,

ne se montre nullement dési-

reux de pousser les choses plus

d'Aytona royal, et

loin.

Les propositions

de Rubens sont repoussées par

et

au mois de septembre

la reine

Anvers, y reçoit un accueil splendide, ments,

les

s'arrête

dans

ateliers la

mère revient

visite

les

des peintres, l'imprimerie

demeure de Rubens, à qui

conseil

le

elle

à

monu-

Plantin,

emprunte

de l'argent sur ses bijoux. L'existence politique de

minée. Le

mis

fin

aux

traité

Rubens

n'était pas encore ter-

de paix conclu en

pas

hostilités entre la Belgique et la Hollande.

L'infante en conféra avec Rubens,

mate

1630 n'avait

se remit

et le

peintre-diplo-

en route, escorté de l'agent Gerbier, qui,

sous prétexte de lui tenir compagnie, l'espionnait pour

le

compte de l'Angleterre. Ainsi, Marie de Médicis ayant


a w

6 I



nUBI^NS.

Rubens un

dit à

bier envoie

au

lignes suivantes

79

projet de voyage en Angleterre,

roi ((

:

Gtiarles J'ai

Ger-

un messager porteur des

P''

envoyé cet exprès à Voire Majesté

pour vous instruire d'un secret que m'a confié Rubens touchant ce voyage, quoiqu'il

exigé de moi le serment

ait

garderais le silence, promesse qui m'aurait été

que

je

fort

incommode sans

la

réserve mentale par laquelle

j'ai

excepté Votre Majesté, qui, j'espère, sera d'une discrétion

impénétrable autrement

les

;

personnes qu'elle honore de

fonctions délicates ne pourraient lui donner aucun ren-

seignement mystérieux.

»

Le rôle de Rubens, cette directement en

rapport avec

essayer d'amener une

Flandre.

11

fois, consistait

partit

trêve

prince

le

entre

la

à se mettre

d'Orange pour

Hollande

donc pour Liège, puis pour

et

la

Haye,

la

eut avec le prince d'Orange une entrevue secrète, mais

dont

il

ne

sortit

l'infante Isabelle,

rien.

mourut

La gouvernante des Pays-Bas, le 1^'

décembre 4033. Le projet

de trêve fut, sinon abandonné, tout au moins suspendu

par

l'effet

de cette mort, qui marque également la

la carrière politique et

le

cours de

sa

ses enfants sont ses modèles.

d'un

mouvement de

femme

Hélène Fourment

l'héroïne d'une série de toiles d'une sition,

vie de

Toute l'année 1634 est employée

par lui à la peinture de tableaux d'intimité. Sa et

de

diplomatique de Rubens.

Le peintre reprit avec joie famille et de travail.

fin

poésie de

est

compo-

dessin, d'une vivacité et d'une

finesse de coloris incomparables.


80

RUBlilNS. faut citer

Il

ici

une

lettre

de Rubens qui est

un docu

ment de haute imporlance, non seulement pour

précise

ajonc, mais encore pour définir son carac

le rôle qu'il

tère et iixer la qualité de son intelligence. C'est écrite à Peiresc,

une

lettri

avec lequel Rubens renoue, par Tentre

mise de son beau-frère Picquery, négociant à Marseille Elle est datée ((

du 18 décembre 1634

Nous avons tous deux,

tudes de

dit

Rubens, éprouvé

fortune; pour moi, je

la

:

lui

parce que je puis dire sans vanité que

mes voyages en Espagne heureuse issue pour

et

mes commettants,

traiter.

obligé

suis très

mes missions

en Angleterre ont eu

la

e

plu

plus grand bien des intérêts

le

importants qui m'étaient confiés, de

les vicissi

et

s

et l'entière satisfactioi

pour ceux avec qui j'avais

Pour vous mettre tout à

fait

au courant, on

i

m';

depuis lors confié (et cela à moi seul) toutes les affaire de France, relativement à la fuite de la Reine mère et

di

duc d'Orléans hors du royaume... Je pourrais désormai fournir à

un

historien de précieux matériaux et le réci

exact des événements, bien différent de la version qui

généralement cours.

Me

trouvant engagé dans un

rinthe, assailli jour et nuit par

laby

un concours de circons

tances assez importun, éloigné de

mois

tel

i

mon

foyer pendant ncu

entiers, forcé de rester continuellement à la cour

parvenu au comble de et des plus

la

faveur de la Sérénissime Infanti

grands ministres du Roi, ayant ainsi donm

pleine satisfaction aux autres, je pris la résolution de nu faire violence à

moi-même

et

de rompre ces liens doré:


Cliché Neurdein.

LE DÉBARQUEMENT DE MARIK DE MÉDICTS. (Louvre.)



RUBENS.

83

de rambîtion pour reprendrema liberté. Considérant donc qu'il valait

qu'à

la

mieux me retirer étant encore au sommet,

descente, et abandonner la fortune pendant qu'elle

m'était encore favorable, sans attendre qu'elle

à Bruxelles pour

me

jeter

priant seulement, pour prix

ne

la

tournât

aux pieds de Son Altesse, d»e

toutes

mes

décharger à l'avenir de pareilles missions je

me

voyage secret

l'échiné, je profitai de l'occasion d'un petit

que

plutôt

peines, de et

me

de permettre

ma demeure.

serve plus que dans

la

Mais j'eus

plus de difficultés à obtenir cette grâce que je n'en avais

eu jamais pour l'emploi de n'importe quelle faveur,

et

encore ne fût-ce que sous la réserve de certaines menées

ou pratiques secrètes que je pourrais poursuivre avec un

moindre dérangement pour moi-même. Depuis ce moment, je

me

ne

suis plus

jamais je ne lution. » lettre

Il

me

occupé des

suis

signe PiETRO

Pauolo Rubens, :

«

Secrétaire de

la

Sur l'adresse de vos

maison,

Ce que je vous en

le

la

remise de vos

parvenir par l'entremise de

mon

point

de

secret

ou

parent,

le

mais

lettres,

me

de

titre

dis n'est point par vanité,

cas où vous auriez l'intention de ne

»

etc,^

Sa Majesté Catholique en son Conseil

pour assurer plus exactement

query.

termine sa

et

ayez désormais la bonté de mettre, au lieu

Gentilhomme ordinaire de

fjrivé.

France, et

de

repenti d'avoir pris cette réso-

par cette recommandation

lettres,

affaires

au

les faire

sieur Pic-


PtUBENS.

84

MALADIE, MORT, OBSÈQUES ET VENTE.

XI.

d'Espagne confie à son frère

L'infante morte, le roi

gouvernement des Pays-Bas,

Ferdinand

le

de 1635,

successeur d'Albert et d Isabelle ayant décidé

le

un voyage

à Anvers, la municipalité et

organisent un

programme de

tive est confiée à

que

Rubens.

l'on veut dresser

dessins, qui

habitants

les

fêtes dont la partie décoras'agit des arcs

Il

pour

au début

et,

le

de triomphe

régent. L'artiste fait on/e

sont fort admirés, mais

est atteint d'un

il

accès de goutte et ne peut assister à la cérémonie. Ferdi-

nand vient

le visiter et le

complimenter,

et lui

commande

son portrait, ainsi qu'une série de tableaux historiques

pour

le roi

C'est le s'abat sur

rapidité

d'Espagne.

moment lui.

pour

critique

Rubens. La maladie

Les accès de goutte se succèdent avec

pendant

les

années qui suivent. Sa main garde

sa sûreté, son dessin est d'une perfection et frémissante,

sa

Les portraits de sa cette

époque

le

Mais, hélas! son

ferme

et

Lui,

femme

est et

délicieusement

amoureux caractère

l'homme

de sérénité,

il

fleurie.

de ses enfants qu'il

montrent en travail

tants, respectueux,

l'envahit.

couleur

mouvementée

et

et avide

se

h

en progrès consdevant

modifie,

équilibré,

fait

tout

la

la nature.

mélancolie de

douceur

connaît la tristesse de quitter ce

qui a été son bonheur, cet univers qui l'entoure, cette

lumière, ces paysages, et les aspects, les apparitions des




RUBENS.

87

choses et des êtres. Et cette Hélène

charmante,

si

savoureuse, en laquelle se résument toutes

les

si

beautés

de la vie, l'éclat de la lumière, la splendeur de la chair! Cette Hélène, douceur et volupté de vivre,

que deviendra-

après lui? Toutes ces pensées de l'homme qui voit

t-elle

son déclin assombrissent l'âme paisible,

Rubens. On n'a pas prouvé pourtant

le clair esprit

qu'il

y

ait eu,

jalousie des succès des autres, et qu'il ait ravi

lui,

commande

chez

une

à Jordaëns. Le grand artiste n'aurait jamais

commis une

Môme l'organisme trouhomme d'une si belle élévation

telle indélicatesse.

blé par la souffrance, cet

de caractère, dont tout

sement,

de

monde proclamait

le

la générosité, cet

tout entier par le mal.

Il

homme

le désintéres-

ne se laissa pas dévorer

se garda avec sa bonté, sa faculté

d'admiration. Je n'en veux pour preuve que la lettre écrite

par

lui, le

17 avril 1640, au sculpteur Duquesnoy, dit

François Flamand, qui lui avait envoyé de

Rome un

souvenir. Après l'avoir remercié et avoir loué ses œuvres, il

dit

:

<(

Si

mon

âge et la goutte funeste qui

me

retenaient

de

mes yeux des choses

ici,

puisque je ne puis

du moins avoir

me

dévore ne

je partirais à l'instant et irais

me

celle

si

admirer

dignes d'admiration. Mais,

procurer cette satisfaction, j'espère

de vous revoir incessamment parmi

nous, et je ne doute pas que notre chère patrie ne se glorifie

au

me

un jour des ouvrages dont vous

l'aurez ornée. Plaise

que cela arrive avant que

mort, qui va bientôt

ciel

fermer

les

la

yeux pour jamais,

inexprimable de contempler

les

me

prive du plaisir

merveilles qu'exécute


RUBENS.

88 cette

main

cœur.

que

habile,

mon

du plus profond de

je baise

»

Le 27 mai suivant, Pierre-Paul Rubens rédige son

tament avec que

l'aide

Mœremans pour

collections.

Il

Il

désire

François Snyders, Jean Wildens

l'on consulte

Jacques

du notaire Toussaint Gayot.

tes-

la

et

vente de ses tableaux et de ses

recommande que

les portraits

de famille

soient partagés entre les enfants qu'il a eus de ses deux

femmes. Un tableau,

Petite Pelisse^ est

la

spécialement

légué à Hélène Fourment. Ses dessins iront à celui de ses fils

qui voudra se faire peintre, ou à l'une de ses

celle-ci se

marie à un

artiste

;

faute de quoi

ils

filles si

seront

vendus.

Deux jours ravagent lui

malade.

Il

le

29 mai, de violentes douleurs

sent partout d'atroces brûlures.

Il

semble qu'on broie ses os dans des instruments de

torture. est

le

après,

Sa jeune femme, enceinte de

assise à

sante.

trois

semaines,

ses côtés, attentive, douloureuse et impuis-

Pendant vingt-quatre heures,

fièvre le dévore.

le

patient étouffe, la

Enfin, le lendemain 30

mai, dans un

accès suprême, la respiration s'arrête, la puissante organisation se dissout.

Rubens

n'est plus.

Les obsèques eurent lieu

le

2 juin, au milieu

d'une

affluence énorme. Le clergé de l'église Saint-Jacques marchait, suivi de tout le chapitre,

en

cueil était escorté par des ordres

tête

du cortège. Le

cer-

mendiants prêcheurs,

augustins, mineurs, etc., et soixante orphelins portant des cierges allumés. Derrière la fauiille suivait la corporation




IIUBENS.

9J

des peintres, la magistritture, la noblesse anvcrsoise, les

corps constitués.

Le registre mortuaire do ((

Le 2 juin a

mort

mention

:

été célébré le service de messire Pierre-Paul

Uubens, enterré dans et

la paroisse porte cette

Fourment

caveau de messire

le

auparavant. Ces messieurs ont con-

trois jours

tribué tous ensemble aux dépens de transport et la quête a

produit 9 gros 10 sous. Le convoi a eu lieu avec soixante

flambeaux ornés de croix de satin rouge

Notre-Dame. Nous avons chanté

le

se sont

Les frais de

montés

musique de

Miserere avant la messe,

puis le Dies irœ et d'autres psaumes. six cierges.

et la

l'église, fixés

Il

a été exposé avec

d'abord à six livres,

à 69 gros 3 sous qui ont été payés. »

L'évêque, d'accord avec autorisa Hélène

le

Fourment

gouvernement de Ferdinand,

à élever, derrière le

chœur de

l'église Saint-Jacques, la chapelle, qui existe toujours,

oi^i

sont déposés les restes de Rubens. L'autel est décoré du Saint Georges oh l'artiste se serait représenté avec ses deux

femmes

Isabelle Brandt en Vierge Marie, Hélène Four-

:

ment en Marie-Madeleine. posée par

le

neveu de

L'inscription funéraire,

com-

Gaspard Gevaerts^ n'a

l'artiste,

été

mise en place qu'en 1755. Ce fut un des arrière-neveux de

Rubens,

le

chanoine Van Paris, qui, ayant retrouvé

de l'épitaphe, la rait

un

fit

graver dans

certain oubli

Celle-ci, qui

accoucha,

tance- Albertine,

de

part

le 3 février

quitta

(l'août 1645, date de

la

la pierre. Cela

le

nom

le texte

implique-

d'Hélène Fourment.

1041, d'une

de

fille.

Cons-

Rubens au mois

son second mariage.


RUBKNS.

92

Tous à

frais poyés, le

700 000

environ

florins.

tableaux

de

quantité

disponible de la succession s'éleva

Les

furent

dessins et une

acquis

par

grande

banquier

le

Jabach, qui, plus tard, revendit une partie de sa collection à Louis

XIV (premier

La vente

fit

fils

se

adjuger, certain

musée du Louvre).

17 mars 1642. La veuve et les deux

le

du premier

fonds du

Albert et Nicolas Rubens, se firent

lit,

en plus des portraits qui leur revenaient, un

nombre de

toiles.

Le

d'Espagne envoya un

roi

représentant qui acheta trente-deux tableaux originaux ou copies d'œuvres de différents maîtres de TEcole italienne,

pour 27100

Le

florins.

reste, qui

ne contenait pas moins

de trois cent quatorze numéros catalogués par

aux enchères. La vente eut

llerckc, fut dispersé

une auberge d'Anvers, au Souci (fOr^ dont la

veuve Snyers, reçut de

la famille

le

sieur

lieu dans

la tenancière,

474 florins pour prix

des rafraîchissements servis aux agents et amateurs, parmi lesquels se trouvaient, avec l'envoyé

du

d'Espagne,

roi

des représentants de l'empereur d'Allemagne, de l'électeur de Bavière,

du

roi de

ESSAI DE DÉNOMBREMENT.

XII.

Est-il

de

possible

i'œuvre de Rubens

de la fécondité de

Pologne.

?

dresser

le

catalogue

complet de

Evidemment non. On aura une

l'artiste

par ce seul

fait

que

la

idée

gravure

a reproduit plus de quinze cents de ses toiles.

On

qu'un nombre à peu près égal n'a pas

reproduit.

été

estime


Combien

RUBEiNS.

93

perdues,

ont disparu dans les

d'autres sont

incendies, les naufrages, les voyages?

A

Paris, à Saint-

Pétersbourg, à Madrid, à Anvers, à Londres,

chaque musée, quarante ou cinquante il

y en a quatre-vingt-quinze.

nombre

y

il

a,

dans

A Munich,

toiles.

y en a encore un certain

Il

à Bruxelles, Matines, Dresde, Vienne. S'il fallait

seulement

citer le titre de toutes ces

œuvres

et les décrire

succinctement, ce volume n'y suffirait pas.

C'est

une vue à vol d'oiseau que

en m'arrè-

tant

je puis essayer ici,

aux œuvres qui ont une histoire ou qui marquent

une étape dans Rubens, en sidère

la carrière

Italie,

comme un

chez

de le

l'artiste.

duc de Mantoue, qui

Véronèse, Michel-Ange, Raphaël,

Giôrgione,

con-

Titien,

:

le

Vinci.

pénètre leur manière, s'assimile leur facture, et n'aliène

pas sa liberté.

sort de là avec

Il

main, une prodigieuse

facilité

une extrême habileté de

de travail. Désormais,

un métier qui

sera le serviteur de sa fougue,

entreprendre.

Il

il

le

habile copiste, doit à cette situation

de pouvoir étudier les maîtres qu'il affectionne

Il

donc

ne

s'est

a

peut tout

pas borné à copier des tableaux,

a dessiné des statues et des architectures,

main à tous

il

il

il

a plié sa

les exercices.

Flandre pour

l'Italie,

Rubens avait composé plusieurs tableaux. Parmi

ces pre-

Mais déjà, avant de quitter

mières œuvres

:

une

la

Vierge soutenant

M. Wuyts a léguée à Lierre, sa vieille^

qui est au

étendu sur

les

ville natale

musée de Munich; un

genoux de Dieu

le Père,

Christ^

le ;

que

une Tête de Christ mort

qui est au

musée


RU EN S.

94

F^

d'Anvers, après avoir figuré dans la

même

l'éj^lise

Carmes de

ville.

Sa première œuvre originale, après doit être le

pour

des

commandé

tryptique

l'église

le

départ d'Anvers,

par rarchiduc Albert

Sainte-Croix de Jérnsalem à Rome, et qui

appartient aujourd'hui à l'hospice municipal de

Les trois sujets Sainte

EHène sont

est seule

trois

VEcce homo, VÉi^ection de

:

;

Croix et

la Sainte

Hélène

parée d'une poésie simple et touchante, et les

panneaux sont

En Espagne,

le

fort détériorés.

peintre

de scènes de

trouvent pour

la

fit

des portraits, et aussi quel-

le

duc de Lerme, notamment une

la vie

de Jésus et des Apôtres, qui se

ques compositions pour série

inégalement

traités

la

Grasse.

plupart au musée du Prado.

Un

Christ

seul est conservé au palais Rospigliosi.

Le retour à Mantoue

est

marqué par

la décoration de la

chapelle où était enterrée Éléonore d'Autriche, mère de

Gonzague. Les sujets étaient

le

Mystère de la sainte Tri-

nité^ le Mf/stère de la Transfiguration^ le

Baptême du Sau-

veur par saint Jean-Baptiste, Cet ensemble a été en partie détruit pendant les guerres

ayant été désaffectée

de la Révolution, l'église

occupée par

et

les troupes.

On en

retrouve des fragments aux musées de Mantoue, d'Anvers et de

De

Nancy. la

même

époque,

le

musée de Dresde possède

le

Hh'os couronné par la Vicioire et Hercule ivre escorté par des satyres.

Du

second voyage à

Rome

date le retable de

l'égliî^e


RUBENS.

03

des Pères de TOratoire, dont une copie est conservée au

musée de Grenoble, illustrer

vers à

une

et aussi

de dessins pour

série

Vie de saint Icjnace de Loyola^ éditée à

un exemplaire de ce

;

une

livre a été légué par Mariette

qui porte en

Bibliothèque nationale, exemplaire

la

marge des corrections de flamand de

la

An-

dessins,

main de Rubens,

annotations en

des

gravures

et des

buées au maître flamand, qui sont indiquées par

la

attri-

men-

tion Buh,

La seconde période de

la vie d'artiste

de Rubens peut

être datée de 1608 à 1630. Il

Ty a précédé. La

revient à Anvers. La réputation

fortune lui sourit.

du ménage, plein

la

travail,

Il

a la sécurité matérielle, le bonheur

Son

atelier est

en

admirablement

le

confiance en son génie.

secondent

élèves

les

maître qui trace la besogne, distribue les tâches, corrige les erreurs,

marque toute œuvre de son empreinte. Les

concurrents, cependant, ne ficié

avant Rubens de

manquent pas qui ont béné-

faveur du souverain. Ce sont,

la

avec Otho Venins, maître de Rubens

:

Jean Snellinck,

Gœberger, Jean Brueghel, Sébastien Vrancx, Henrik van Balen,

mais

séjourné en

ils

n'ont

Italie,

pas,

comme

le

acquis au dehors

nouveau venu,

le

prestige

de la

célébrité.

Un

des

premiers ouvrages exécutés après

d'Italie est la Visitation de la Vierge^

de la congrégation

des

Lettrés

[Adoration des Mages, pour

la

pour

le

d'Anvers.

chambre des

le

retour

maître-autel Puis,

c'est

Etats à rhôtcl


RURENS.

90

de ville

:

on aura une idée dn prix qne

quand on saura

attachaient à ce dernier tableau offert, trois

ans après,

à

Anversois

les

qu'il fut

Calderon^ ambassadeur extraor-

dinaire du roi d'Espagne, par le magistrat de la ville, «

comme

A

peu près à

cadeau

le

la

plus précieux et

même

d'Anvers^ et Samson endormi

En

1610,

à

su?' les

composé

d'un triptyque

de

».

du

la Dispute

Saint-Paul

l'église

genoux de

Rubens signe un contrat avec

Saint- Walburge pour Texécution,

plus rare

le

époque se classe

qui est encore

sacrement^

saint

le

Dalila.

la

fabrique de

moyennant

2 600 florins,

V Érection de

la

Croix

^

le

Miracle de saint Walburge^ la Translation du corps de

par

sainte Catherine est aujourd'hui à

les

anges. Le premier de ces tableaux

Notre-Dame d'Anvers; on ignore

le sort

des deux autres et d'un panneau plus petit représentant Dieu le Père. le

En même temps, Rubens composait

tableau des Philosophes, qui orne la galerie Pitti et qui

fut dédié à son frère Philippe.

Il

y met en scène, autour

d'une table, son frère, Jean van den et

lui-même, debout, vu de

peu dégarni,

le

Wouwre, Juste

Lipse,

un

trois quarts, le front déjà

visage largement éclairé.

Un

autre trip-

tyque, qui figure tout entier à la cathédrale d'Anvers,

avec la Descente de Croix au centre, a été peint deux ans plus tard pour le compte de la corporation du Serment

des Arquebusiers. 11

existe de

Croix,

nombreuses variantes de

la

que Rubens exécuta pour différentes

musée de

Lille

en possède une

;

Descente de églises

:

le

deux autres sont dans


H T.

W o-

S I es

<



RUBENS. deux

une autre à

églises d'Arras,

Omer. Celle d'Anvers, qui en 1794, n'y

est

99

cathédrale de Saint-

la

enlevée de Notre-Dame

fut

retournée qu'en 1815, après avoir figuré

plus de vingt ans au Louvre. Jupiter et Calipso date de 1613; la Fuite en Égijpte,

dont

Louvre possède une copie abominablement restau-

le

rée, est de 1614. Ces

De 1611

à 1620,

deux

musée

au musée de Cassel.

Rubens eut à exécuter divers

pour l'imprimerie Plantin sont au

toiles sont

:

Un

Plantin.

ils

n'ont pas changé de place,

triptyque, qui ornait le tom-

beau de Moretus, est à Notre-Dame d'Anvers

pour

le

même

caveau de Nicolas Rockox,

époque

musée du Persée

et

l'autre à

se

est

Remus;

Capitole, /?om^^/^^5 et

Andromède, dont l'une Neptune

;

Berlin en 1881 pour 200 000

un

autre,

A

tableau

les répétitions

au musée de Berlin

est

et

;

au musée.

placent l'exécution d'un

TErmitage

portraits

la

du de et

Amphitrite^ acquis par

marks

;

la Bataille des

Ama-

zones^ qui est à Munich.

On

raconte que la vue d'une ménagerie de passage à

Anvers suggéra à Rubens et des

aux

tableaux de chasse

lions de la

l'idée :

de

de peindre des animaux là,

sans doute, la Chasse

pinacothèque de Munich

;

les croquis de la

collection de l'Albertine; le Daniel dans la fosse la

aux

Tigressv allaitant ses petits, de l'Académie de

lions,

Vienne

;

Chasse aux lions

et

aux

Chasse au crocodile

et

à r hippopotame, du musée d'Augs-

la

tigres,

du musée de Dresde;

la

bourg. Delacroix a dit de cette dernière toile qu'elle était la plus féroce et qu'il

en aimait

« les

formes outrées

et


RUBENS.

iOO

lâchées

aux

Par contre,

».

il

lions est confus, et

constate que l'aspect de la Chnsse il

regrette

assez présidé pour augmenter, par tion de la

lumière ou par des

d'inventions de génie

A la fin de 1616, Saint-Jean,

pour

le

l'église

cnleuse.

Il

«

que

l'art

n'y

ait

pas

une prudente distribu-

sacrifices, l'effet

de tant

».

Matines demande à Rubens, pour

l'église

triptyque de P Adoration des Mages^ puis,

Notre-Dame,

le

triptyque de la Pêche mirn-

existe plusieurs variantes des Mages^

au Louvre,

à Rouen, à Munich, à Bruxelles. Les Miracles de saint

François-Xavier et les

les

Miracles de saint Ignace^ qui, avec

esquisses, sont au

musée de Vienne, datent de 1619-

commandés à Rubens par les Jésuites d'Anvers. Le musée de Valenciennes possède un triptyque, 1620, et furent

la

Lapidation de saint Etienne^ achevé vers 1620 pour

l'abbaye de Saint-Amand.

Le Martyre de sainte Catherine, qui

est à l'église Sainte-

Catherine de Lille, date de 1622. Le Coup de lance, qui décorait autrefois le maître-autel de l'église des Récollets,

à Anvers, et qui est passé au

même et

époque.

On peut

Théodose, qui est au

musée de

de la

classer à la suite Saint Ambroise

musée de Vienne,

de compositions mythologiques

:

Vénus

et toute et

une

série

Adonis, dont

il

plusieurs variantes à l'Ermitage, aux Uffizi, à la

existe

Haye

la ville, est

;

le

Repos de Diane, l'Ealèvement des

filles

de Leucippe,

àMunich; Horée enlevant Orithye de l'Académie de Vienne; ,

Vénus dans dont

le

la grotte

de Vulcain, tableau en partie détruit

musée de Bruxelles possède un fragment.


RUBENS. La

série exécutée

101

pour Marie de Médicis,

et qui

est

maintenant logée au Louvre, dans une galerie spéciale inaugurée en 1900, comprend vingt

et

une

importante et très renseignante dans

biographie d'ar-

la

de Rubens et qu'il a été longtemps de mode, on ne

tiste

sait

toiles, série très

pourquoi, de tenir en une sorte de suspicion. Pour-

tant, si l'histoire

en allégorie,

aux élèves,

si

certaines parties ont été trop abandonnées

en

il

est quelquefois banalisée et défigurée

y

est d'autres qui sont des merveilles de

conception raisonnée, de composition décorative, de représentation des caractères. La grâce cavalière et le

féminin y régnent, exprimés par toutes dessin

le

charme

ressources du

les

plus ample, de la couleur la plus savante.

On

peut rester sans un ennui, sans une lassitude, en con-

templation

devant

Marie de Médicis^ tioîi^

devant

les

les

devant

Parques les

naïades

de

la

Destinée

de

Trois Grâces de UÈdiica-

du Débarquement.,

et

aussi

devant tant de beaux portraits en action de Marie de Médicis, de Henri IV, de Louis XIII, d'ambassadeurs, de suivantes,

tout

un personnel,

toute

une cour qui

se

trouve rassemblée par l'apothéose vraiment admirable du

Couronnement,

Pour

rester

au Louvre, je

nomme

la Kermesse^ la Vierge

entourée des saints Innocents^ le Tournoi près des fossés d'un

château

;

Baron de

une

série de portraits

Vicq^

l'ambassadeur qui fut

entre Marie de Médicis et fille

parmi lesquels celui du l'intermédiaire

Rubens Elisabeth ;

d'Autriche^

de Henri IV, épouse de Philippe IV, roi d'Espagne

;


HUBENS.

102

Jeanne

d' Autriche

Fow^ment

\

François de Médicis;

et,

et ses enfants.

C'est à la suite de la mission en Hollande

Isabelle

enfin, Hélène

demande

à

que

l'infante

Rubens quatorze cartons pour des

modèles de tapisserie ayant pour sujet

le

f Eucharistie sur P Idolâtrie^ que la régente

un couvent de Madrid

et qui furent

Triomphe de destinait à

achevés vers 1628.

Les tapisseries ont été fabriquées à Bruxelles, une partie des esquisses a été envoyée en Espagne, une autre devint la proie

des flammes, deux morceaux ont été enlevés par

l'armée française en 1808 et placés au Louvre, est à

Londres, à

la galerie

le

reste

de Grosvenor-House.

Lors du voyage en Espagne en 1628, Rubens exécute

un

assez grand

nombre de tableaux

et de portraits.

suivante, date de sa mission à

L'année rapporte la

commande

Londres,

de neuf compositions pour

il

le pla-

fond de la salle des Banquets du palais de Whitehall.

Les sujets choisis se rattachent à l'histoire du règne de

P^ père de Charles P^ pour Buckingham une série

peint pour ce dernier

Jacques

Il

et

de toiles,

notamment un

Saint Georges qui est à Buckingham- Palace, une Minerve protégeant la Paix, qui, après est

revenue en Angleterre, à

trouve également

le

nombre de

National Gallery, où se

la

Chapeau de

pérégrinations,

poil.

Le second mariage de Rubens marque

la

troisième et

dernière période de sa production. Ses idées se modifient, ou, plutôt,41 suit le cours de la vie.

avec son

art,

à l'amour qui

le

Il

se

donne tout

entier,

gouverne. C'est Hélène


RUBENS.

103

Fourment, désormais, qui inspire son génie. En des portraits et des compositions délicieuses de tendresse, ou

audacieuses jusqu'à sente sans cesse

la

sensualité, c'est elle qu'il repré-

ses portraits sont à

:

Munich, à Vienne,

Haye, à Amsterdam, dans

à Saint-Pétersbourg,

à la

collection Rothschild,

au Louvre

montrée de toutes

11 l'a

manières, habillée, costumée, demi nue, nue, seule, avec

et

lui,

avec ses enfants

nombre de compositions tableaux religieux

mandé par

:

le

;

il

Isabelle pour l'église Saint-Jacques de

au Prado;

la

dans

dans

et

et

des

triptyque de Saint lldefonse^ com-

musée de Vienne

dance^ de la collection Rothschild;

Vienne;

figurer

fait

l'a

mythologiques

berg, et qui est maintenant au

et Calisto^

la

la

Fête de

les Trois

;

Caudel'Abon-

Grâces^ Diane

Vénus^ à Madrid et

à

même

le

Promenade au Jardin^ à Munich,

et

Croc-en-jambe.

Dans

le

même

temps, Rubens peint, pour une église

de Malines, une Cène qui est maintenant au musée Rrera et

dont TErmitagè possède une esquisse

Thérèse pour les ville; les

Carmes d'Anvers, qui

ébauches pour

la galerie

;

une Sainte

au musée de

est

Henri IV;

le

la

Martyre

de saint Liévin^ à Anvers, dont Delacroix a dit qu'il était ((

le

comble de

Thomyris qui

Le

roi

la

est

maestria de Rubens

»

;

la répétition

de

au Louvre.

d'Espagne, s'étant

fait

construire aux environs de

Madrid un castelet appelé Torre de en 1636, Rubens d'en diriger

la

Parada, chargea,

la décoration,

dont

les sujets

devaient être puisés dans les Métamorphoses d'Ovide. Les


RU BEN S.

104

locaux à

orner

comprenaient huit

au

pièces

chaussée et douze au premier étage. Le maître

rez-de-

vieilli,

ne

se sentant plus la force d'effectuer à lui seul ce travail, et

Philippe IV il

le

laissant libre de choisir ses collaborateurs,

traça les esquisses et appela à lui Snyders, Jordaëns,

Vos, van Thulden,

de

C.

J.-P.

E.

Quellin,

van Hoeck,

J.

Gouwi, Th. Willeborts, J.-B. Barrekens

et J. Cossiers,

presque tous ses élèves. Les travaux, commencés

vembre 1636, furent poussés vigoureusement 21 janvier 1638.

le

sous le

nom

et

le

20 no-

achevés

Ces peintures figurent aujourd'hui

de leurs différents auteurs au musée du Prado,

et les esquisses

été réunies par

ont été éparpillées çà et

après avoir

là,

deux collectionneurs de Madrid. On

les

retrouve dans les musées de Berlin, de Bruxelles, et dans plusieurs collections particulières. Cette première série fut

complétée peu après par une autre de dix-huit

que Rubens devait peindre

seul.

La plus célèbre

Jugement de Pdris^ qui scandalisa Ferdinand. «

la

meilleure œuvre de Rubens. Je

ne

qu'un défaut, mais à propos duquel je satisfaction

quoi

:

l'artiste

mérite de

c'est l'excessive

a

répondu que

la peinture.

musée de Madrid

;

il

pu obtenir

nudité des trois déesses; à c'était là

que

femme du

dames d'Anvers

belle de toutes les

reproche

se voyait le

La Vénus placée au milieu

portrait fort ressemblant de la

est le

C'est, dit-il,

lui

n'ai

toiles

».

est

le

peintre, la plus

Le tableau

est

en existe une autre version à

au la

National Gallery et une copie au musée de Dresde.

L'une des dernières œuvres de Rubens,

les

Horreurs de




107

[iURI^NS.

au priais PiUi. On ne peut guère

la Guerre^ est

comme œuvre

postérieure, que

le

citer,

Martyre de saint Pierre^

destinée au banquier Jabach, de Cologne, et à propos de laquelle

Rubens

accordât

«

travail

un

an

répit d'un

un peu plus à son

son mieux, car la ville

avait, le 25 juillet 1637,

il

de Cologne, où

il

aise».

une

Son œuvre

l'artiste.

(Pologne

»,

«de

est désireux de faire très vive affection

la toile

posthume de Rubens, pour

Deschamps

Il

pour

a vécu jusqu'à l'âge de dix ans*».

Jabach mourut avant que frappa aussi

demi, afin de s'occuper de ce

et

a conservé

prié qu'on lui

1

ne fût

mort

livrée, et la

fut adjugée, à la vente

200

un

à

florins,

sieur

agissant pour le compte d'une personne de

«

qui

en 1642 à

l'offrit

l'église Saint-Pierre

do

Cologne, où elle est toujours.

XIII.

Rubens, dans départ d'un tionné par

CARACTÈRES DE l'œUVRE.

l'histoire de l'art

art transformé,

l'art italien.

Il

flamand, est

débordant de

est de

premier métier par leurs œuvres l'on

vie,

son pays, et

nités avec les peintres qui l'ont précédé et

;

il

le

il

point de perfec-

a des

affi-

a appris son

avec eux, et ce que

peut dire tout d'abord, c'est qu'il est fidèle à sa race.

La science ploie, selon

qu'il

rapporte de Venise et de Rome,

il

l'em-

son tempérament, grâce au don invincible

qu'il possède, à magnifier l'existence qu'il

observe auprès

de lui et les conceptions qui naissent en son esprit avec

une

facilité si

heureuse

et inépuisable.


RUBENS-

108 Il

apporte dans l'Ecole flamande une souplesse, une

une couleur pénétrée de lumière, un

vérité nouvelles,

une science qui

sens des grandes compositions, tous

s'attaquer à

sujets

les

exprimer tous

et

peut

les

as-

pects. Il

comme

est,

le

dit

Emile Montégut dans

Bas, le peintre qui donne l'expression

les

Pays-

suprême du

chris-

tianisme propre aux Flandres, christianisme charnel et populaire qui s'adresse à la sensibilité et à la pitié des foules parles images sanglantes, par la puissance dramatique, par le sentiment

de lance,

le

du pathétique. Exemples

:

Le

Coup

Christ à la paille.

Chez ce catholique,

et

chez ce catholique daté de son

temps, dont l'œuvre a pour fond un décor d'architecture jésuite,

il

y a un païen, par un assemblage qui n'est pas

rare à la suite de la Renaissance du xvi® siècle.

Son

Christ

a souvent la santé, la tenue sereine et paisible d'une sorte

de Jupiter flamand. Parfois aussi,

il

a l'encolure d'un

Hercule. Les Vierges de ses Saintes Familles évoquent la

féconde Gérés. Et toute cette mythologie antique et catholique fait

bon ménage dans

le

décor luxueux des cortèges

des fêtes où toutes les forces naturelles se manifestent

et

avec tous les dehors, toutes les pompes d'une cérémonie et

d'un culte. Il

est

le

frénésie du

peintre

de

mouvement

toutes se

les circonstances

donne

carrière,

la

oii

rage de

vivre et de mourir s'exhale en cris, en gestes, en actes. est

un peintre de

batailles

:

la Bataille de Tunis, le

la

Il

Combat


Cliché Neurdein.

H É L É|N E

F

URME Nï

ET SES ENFANTS.

(Louvre.)



RUBENS. dei>

Amazones.

lion., la Il

est

Il

^^l

un peintre de chasses

la

:

Chasse au

Chasse au sanglier.

un paysagiste de premier

est

étageant

terrains,

exprimant d'une ivresse

plans,

les

ordre, établissant les

panthéiste la force obscure, grasse, sourde, de la végédes marécages, des forêts, éclairant l'espace de

tation,

pure lumière. Ainsi

l'Automne^ l'Arc-en-ciei^ la Chasse

:

(ï Atalanle, Il il

un grand

n'est pas

devant

laisse passer

portraitiste lui les

;

Fromentin

a raison

:

personnages de son temps

sans fixer leur particularité, les représente en leur apparat

de costume, avec

n'emploie

les

la

seule ressemblance superticielle.

types variés de l'humanité que pour les

subordonner a ses conceptions. auprès de

lui

ses

:

Il

a

fait

des

portraits

deux femmes, ses enfants, qui ont

une autre signification que ses portraits

certainement ofhciels

Il

d'hommes

et

de femmes,

mais

qui

semblent

encore des comparses, des fragments, dans l'ensemble de

son œuvre. C'est le

et

rencontré

la

Là,

tentait.

façon

courant général a

il

large d'existence qui le

femme pour

incarner de

définitive l'amour, la passion de la vie, qui ani-

maient en

lui

l'homme

et l'artiste.

Personne

comme

lui

n'a peint la carnation fine, la chair transparente, la che

vclure d'or

fin

;

personne n'a pénétré un corps d'une plus

vive lumière. Guido Reni a pu dire de

nement sous

la

il

Rubens que

certai-

mêlait du sang à ses couleurs. Ce sang court

peau; on

le voit

aux joues, aux coins des yeux.


RUBKNS.

112

aux narines, aux S'il

vu

a

cette

lumière de

mouvements de

grâce des

son épanouissement,

une

vérité,

jusqu'au bout des doigts rosés.

oreilles,

la

femme,

a

il

vérité qui

lui

a

excès. Mais quel prodigieux

été

reprochée

harem de

robustes, ou débordantes, dont

peinture

oii

la

Andromède^ Neptune

il

nymphes,

et

il

a dressé dans la

s'est

belles,

fines,

emparé en une

les

naïades de Persée

Amphitrite^ Erichtomis dans sa

Quatre Parties du Monde,

Chute des réprouvés, Vénus

et

le

Jugement

Andromède, Suzanne, l'Offrande à

et satyres^ Bellisabée,

Vénus,

Médicis,., Je m'arrête. C'est toute l'œuvre de

faudrait presque inscrire est théâtral.

11

dernier^

Adonis^ Ixion trompé par

Junon, Vénus chez Vulcain, Nymphes

Il

a ras-

il

sa violence se fait caresse, pour en faire les

héroïnes, les déesses, les

corbeille^ les

sa force,

comme un

peintre

Songez à toutes ces créatures

lumière.

la

n'y a rien de secret et de caché

il

chez Rubens, quel magnifique Olympe

et

vu aussi

vu

a

s'il

a voulu la peindre dans toute sa

il

semblé, ou plutôt, car

féminine,

la chair

la

Galerie

Rubens

qu'il

ici.

campe

ses personnages

avec

un

aplomb, une pose, une sorte d'ostentation qui en font des acteurs sur une scène plutôt que des

rellement

aune

humains mêlés natu-

action de la vie. Reaucoup, qui ne sont

que des figurants dans

la pièce

ainsi représentée,

sont

com-

installés

au premier plan, pour remplir un vide

poser

tableau, avec des attitudes qui les changent en

le

et

grands premiers rôles. Cette comparaison du théâtre vient

souvent à

y

l'esprit

devant une œuvre de Rubens, pièce à


Cliché Hanfstaeiigl.

LES FILS DE RUBENS (Vienne.)



RUBKNS.

115

gcrand spectacle, féerie de couleur et de lumière, défilé et

apothéose de cinquième acte.

Mais ce théâtral devient drame dans l'Érection de la Croix, par exemple, où le tableau, tout ordonné qu'il soit, tous les

mouvements accomplis dans

d apparition tumultueuse et terrible, sur l'arbre du supplice qui barre les

bourreaux soutenant,

grossière de

manœuvres

le

même

le le

Christ ballotte

panneau en diagonale,

tirant, s'agitant

attelés à

sens, est

avec une fureur

une tâche,

les cavaliers

aux gestes de commandement. La Descente de au contraire, est calme,

mineure

triste,

conçue en une harmonie

en un riche coloris sombre

mouvenrent

Croix,

et sourd,

en un

recueilli, doux, patient, anxieux, de tous les

personnages qui aident

la

descente du cadavre au long

du linceul. Mais ce thmtral devient expression dans une quantité

d'œuvres où Ainsi Il

:

les caractères se révèlent

Saint Amhroise

n'est pas

a dit qu'il

n'allait pas

mouvement, que

mêmes les

types reparaissaient sans cesse

mêmes

effets

de couleur et de

l'expression chez lui n'était pas rélléchie

mais improvisée

et superficielle.

ne manque pas de noblesse, car

vie, et sa

facilité

sans vulgarité, que son éloquence avait de

dans ses œuvres, avec

Il

d'effets

un observateur de sentiments.

manquait de noblesse, que sa

l'emphase, que les

et profonde,

Théodose.

seulement un metteur en œuvre

pittoresques, mais

On

et

de façon saisissante.

il

a la noblesse de la

magnificence ne va pas sans une grâce.

Il

est


RUHENS.

116

certain qu'il a de la beauté peuple, mais la beauté n'est

jamais vulgaire.

peut avoir excès et emphase^ mais

Il

a sûrement l'équilibre, et

il

excelle à remettre d'aplomb

il

ce qui semblait désordonné et vacillant. Lui reprocher la

fréquence des

et

de

sa

manière,

mêmes

types et Tidentité de son coloris

forme en mouvement,

même

la raison

c'est

contester sa

lui

pour laquelle

Rubens.

est

il

Eugène Delacroix, dans son Journal^ répond admirable-

ment

à

ce reproche

:

d'un artisan qui exécute cher à sait,

l'infini

par

est, dit-il,

« ... 11

le

métier qu'il

des perfectionnements.

Il

dans

la situation

sans cher-

sait,

avec ce qu'il

fait

conséquent sans gêne pour sa pensée.,. Ses

sublimes idées sont traduites par des formes que superficiels accusent de

autres griefs

cette

;

qui a sondé les

formes est à temps,

gens

monotonie, sans parler de leurs

monotonie ne déplaît pas

à

l'homme

secrets de l'art. Ce retour aux

la fois le

la suite

les

cachet du grand maître

et,

mêmes

en

même

de l'entraînement irrésistible d'une main

savante et exercée.

Il

en résulte l'impression de

la facilité

avec laquelle ces ouvrages ont été produits, sentiment qui ajoute à la force de ces ouvrages... tier la

forme,

il

«

a,

cette

dit

châ-

perdrait cet élan et cette liberté qui donnent

l'unité et l'action. 11

En voulant

»

encore Delacroix, la science des plans,

science l'élève

dessinateurs;

quand

ils

et

au-dessus de tous les prétendus les

rencontrent,

chez eux ce soit une bonne fortune

dans ses plus grands écarts, ne

les

;

lui,

il

semble que

au contraire,

manque jamais

».


.

Cliché Hanfstaengl.

LE

CHAPEAU DE POIL. (

Lond res)



RUBKNS. Il

«

a aussi la

« saillie »,

prodigieuse vie

ronde bosse, c'est-à-dire

Et Delacroix ajoute

».

point de grand artiste

mêmes, qui viennent

».

et qui

l'harmonie, pour accorder

mentin en écrivain qui

le

est

cause du parti que

le

tableau. Écoutons parler Fro-

un

technicien

Ces couleurs

«

compliquées qu'à

si

jouer. Rien n'est plus réduit quant au

prévu que

la

nombre

des

façon dont

il

oppose; rien n'est plus simple aussi que l'habitude en

vertu de laquelle

que

:

peintre en tire et du rôle qu'il leur

teintes premières, n'est plus les

les

reviennent pour commander

sont très sommaires et ne paraissent

fait

Sans ce don,

«

:

la

avec quelques couleurs, toujours

est coloriste

11

la

119

le résultat

deux ou

trois

il

les

nuance,

et rien

de plus inattendu

qui se produit... Des dessous bruns avec

couleurs

actives

pour

faire

croire à

la

richesse d'une vaste toile, des décompositions grison-

nantes

obtenues par des mélanges

intermédiaires du gris entre

le

blafards,

grand noir

tous

et le

les

grand

blanc; par conséquent, peu de matières colorantes et

plus grand éclat de couleilrs,

peu de rité

frais,

il

faste

obtenu

à

de la lumière sans excès de clarté, une sono-

extrême avec un

vier dont

un grand

le

petit

nombre d'instruments, un

cla-

néglige à peu près les trois quarts, mais qu'il

parcourt en sautant beaucoup de notes et qu'il touche

quand

il

le

faut à ses deux extrémités

:

telle est,

en

langage mêlé de musique et de peinture, l'habitude de ce grand praticien.

»

Cette simplicité et cette force, c'est la peinture

même.


RUBbîNS.

120

Que Ton ^'étonne ensuite de exercée.

tellement peintre qu'il a connu, accepté

^tait

Il

que Rubens a

l'influence

presque tout ce qui avait été sur presque tout ce qui a été

a\aTit lui, et qu'il a agi

fail

après

fait

lui.

Après l'influence des anciens peintres flamands, du vieux Brueghel, dont son atelier, Titien,

il

eut jusqu'à sa fin des œuvres dans

a reçu l'influence des

il

maîtres de Venise

:

A Mantoue,

a

Giorgione, Véronèse.

Tintoret,

il

connu Mantegna, Jules Romain. A Rome, Micliel-Ange, Raphaël,

A Parme,

Caravage.

le

le

Corrège.

les

Il

a

tous étudiés, copiés, et aussi le Vinci. Dans son inventaire,

on trouve 19 TiLicn, 17 Tintoret, Raphaël, Ribera, avec

Van Eyck,

Véronèse

7

sa main,

copies de

on trouve

Holbein, Lucas de Leyde,

Quentin Massys, Brouwer, Brueghel ^^2

;

Vieux.

le

parmi lesquelles

y a

Il

21 portraits

du

Titien. Voilà qui renseigne sur ses origines et ses goûts.

qu

L'influence

Avec

exerce

à son tour est

ses élèves et contemporains,

Van Dyck

célèbres sont les

il

deux pôles de son

relèvent

de

et

parmi lesquels

talent, Téniers,

sa Kermesse, Terburg

et

le

le xvii^ siècle

il

Metzu ont con-

paysage anglais de

français auquel

son antiquité empanachée. C'est tout

auquel

et

Brouwer, Ostade

de Constable qui continue l'Automne et

f Arc-en-cieL C'est

çais

les plus

Jordaëns, qui représentent

templé son Jardin d'amour. C'est

Gainsboroug

considérable.

il

impose

le xviii® siècle

fran-

apprend à peindre, selon l'observation

admirablement développée par

les

Concourt

:

c'est

Le-

moyne, Watteau, Boucher, Fragonard, Greuze, La Tour,




RUBENS. dont

les « préparations »

123

ressemblent

si

curieusement aux

dessins du maître d'Anvers. Et c'est Delacroix au xix^ siècle

Et c'est toute

la

peinture

qui

redevable d'un

est

lui

magnifique enseignement. 11

ordonne

le

tumulte.

Il

a le sens du

mouvement

à

un

degré qui n'a pas été dépassé. Il

introduit la réalité dans l'allégorie avec

merveilleuse

ses

:

rameuses de

de Marie de

galère

la

une aisance

Médicis, ses pêcheurs de la Pêche miraculeuse^ ses sirènes, ses

nymphes.

Et pour

sens de son œuvre, Rubens est optimiste,

le

scientifique, indifférent

sentiment les

et

devant toutes les manifestations du

de la passion devant tous les événements, tous ,

comme

drames, c'est-à-dire indifférent

comme

Shakespeare,

Balzac, c'est-à-dire qu'zV cAoz^zY lout^

ardent, enthousiaste

devant tout ce

c'est-à-dire

qui existe.

Il

est

curieux de rapprocher l'opinion de Rubens de celle de

Renan, remerciant

le sort

du

«

charmant voyage quïl

a été donné d'accomplir à travers la réalité

Rubens,

c'est la fête

de

l'esprit

la

Kermesse^

un de

caractéristiques. J'ai entendu

au Louvre une femme

dire,

pour

un tableau de Rubens

soleil,

ses tableaux

jusqu'à plus

joli,

jour de

même

les

d'un raot elle

qui

jusqu'aux délices de

l'amour, jusqu'aux extases sensuelles, et de

L'œuvre de

la vie, la fête vive, violente,

va des fastes héroïques de

l'ivresse

».

lui

profond et expressif, qui contiep.t tout, que était

un

«

dimanche

»,

de luxe et de régal. C'est toute la joie,

un la

santé, la lumière sur les verdures, sur les étoffes, sur la


RUBENS.

124

profusion

de chairs éclatantes,

une œuvre qui donne

l'envie de vivre, de respirer, d'être soi. se

Son

art pourrait

symboliser par une corne d'abondance. C'est

complète.

la vie


TABLE DES GRAVURES

Rubens Florence]

9

La Descente de Croix (Anvers)

13

Le Coup de lance (Anvers)

17

Le Combat d'Amazones (Munich)

21

Portrait de

(

Le Comte d'Arundel et sa

Adam

et

Femme

(Munich)

Eve (La Haye)

25 29

La Fuite de Loth (Louvre)

33

Le Christ à

41

Rubens

la paille

et Isabelle

(Anvers)

Brandt (Munich)

45

La Marche du vieux Silène (Munich)

49

La Chasse aux

53

lions (Munich)

Saint Ambroise et Théodose (Vienne)

57

L'Adoration des Mages (Anvers)

65

L'Enlèvement des

73

La Guirlande de

Filles de

Leucippe (Munich)

fruits (Vienne)

Le Débarquement de Marie de Médicis (Louvre)

77 81


TABLE DES GRAVURES.

126

Le Couronnement de Marie de Médicis (Louvre)

85

La Kermesse Louvre)

89

Le Massacre des Innocents (Munich)

97

\^

La Promenade au Jardin (Munich) Hélène Fourment

et ses

Enfants (Louvre)

.

105

109

Les Fils de Rubens (Vienne)

113

Le Chapeau de

117

poil (Londres)

Les Horreurs de

la

Guerre (Florence)

121


TABLE DES CHAPITRES

— Rubens chez lui — L'aventure de Jean Rubens. m. — Les maîtres de Rubens

5

1.

II.

En

.

7

20 31

IV.

-

V.

Mission en Espagne

37

VI.

Séjour à Mantoue et à Rome.

44

VU. - Mariage avec Isabelle Brandt

52

Italie

VUI.

La

IX.

Ambassades à Madrid

X.

Mariage avec Hélène Fourment

71

Maladie, mort, obsèques et vente

84

dénombrement

92

XL — XII.

Xlll.

— —

galerie Médicis

Essai de

62 et à

Londres

Caractères de l'œuvre

1379-04.

CoRHEiL. Imprimerie ho. Crétï

64

107







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