"Directeur : Armand
DAYOT
L'Art et les Artistes TOME VI (Octobre 1907-Mars 1908)
PARIS 10, RUE SAINT-JOSEPH, 1908
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FEMMES DE PONT-L'ABBÉ
Aux yeux de l'historien qui voudrait expliquer
s'exaltent ; les autres observent. On trouve la les révolutions de la peinture, une antithèse poésie de l'impression, de Fragonard à Renoir, à oppose la féerie changeante de la lumière au ton Besnard, à Claude Monet, et, dans le domaine supélocal de l'objet qui la reçoit. Et ce serait la lutte rieur de l'ombre profonde, de Rembrandt à Caréternelle entre la sensation vague et la tonalité rière ; grands prosateurs de la palette, au contraire, robuste : aussi bien l'impressionnisme a précédé Velazquez et Franz Hais furent les génies familes impressionnistes, et c'est peut-être en ce sens liers de la première étape énergique de Manet : tout pictural que Delacroix discernait dans son ne seraient-ils pas plus exactement ceux de art des poètes et des prosateurs, car il ne suffit Lucien Simon? Un moment de la peinture française : voilà ce pas de peindre des hamadryades ou des villageoises pour appartenir à l'une des deux familles artisti- qu'un tel nom représente depuis quinze ans et ce ques ; et, comme tout se tient, les magiciens de qu'il représentera dans l'avenir, avec Cottet, l'atmosphère ont une tendance à noyer la forme Ménard et quelques autres ; et, dans le groupe dans un rêve superficiel ou profond, tandis que les rénovateur qui personnifie la plus récente évolution observateurs du ton réel montrent toujours Un de notre sensibilité, ce nom s'est imposé vite, avec penchant plus scrupuleux pour la construction du ses ardeurs de peintre et sa réflexion d'analyste. caractère individuel, pour l'écriture ferme et forte, A l'heure déjà lointaine où nos impressionnistes, en se tenant plus près de ce qu'ils voient. Les pre- de plus en plus vaporeux, semblaient les primitifs miers sont éblouis par la surface ; les seconds riva- d'un art nouveau, qui se doutait qu'après tant de lisent de puissance avec la matière. Les uns fusées, le soir, réclamé par la sagesse, redescendrait 523
L'ART ET LES ARTISTES vingt-quatre ans qui débute, au Salon de 1885, en affirmant sa nature affectueuse autant qu'observatrice : et sa première toile est le portrait de sa mère paisiblement accoudée, bientôt suivie cle l'image d'une aïeule à papillotes; dans le calme ancien de la rue de Babylone, il a vu ces intimités rétrospectives qu'il évoquera plus tard, en 1902, pour encadrer la visite des Soeurs quêteuses. C'est un Parisien, mais un Parisien fidèle à la rive gauche, la rive studieuse et savante ; sa jeunesse s'est tout entière écoulée dans le quartier Saint-Sulpice, entre le lycée Louis-le-Grand et l'école Bossuet: et, déjà, ses dons innés d'observateur ont pu s'exercer avec profit sur le monde loi des complémentaires et coloration des ombres ; ecclésiastique, avant de le retrouver plus martial mais l'ombre ne les effrayait pas.... Fromentin au fin fond de la Bretagne ; en même temps, le dirait que ces héritiers des maîtres d'autrefois nous peintre prochain des messes bretonnes -regarde impartialement la bourgeoisie aisée dont il sort et ont ramené « de la nature, à la peinture ». Pendant la vogue du plein-air aux verdures dont il sera bientôt le miroir précis. pâlies, le clair-obscur du foyer retient un jeune C'est l'artiste moderne, qui n'a point d'histoire,
sur la palette? Ainsi le voulait, pourtant, la loi des contrastes. Tandis que l'impression tournait à la rêverie décorative et que la toile blanche était l'idéal le plus raffiné de l'art documentaire,quelques jeunes gens, issus des maîtres et des musées, s'en allaient confiants vers, la vie ; leurs yeux rencontraient un art volontairement décoloré, que la passion cle la lumière orientait vers la grisaille ; un naturalisme timide succédait à l'impressionnisme exaspéré : sans se laisser conquérir par l'un ni par l'autre, ils poursuivirent courageusement leur évolution qui parut une réaction ; ils surent se préserver des pâles couleurs de la mode, en profitant des,derniers progrès : sentiment des valeurs,
peintre
cle
UNE FAMILLE BIGOUDINE
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L'ART ET LES ARTISTES
et qui ne peut rappeler à ses biographes aucun
obstacle plus ou moins pathétique à sa vocation de peintre, aussitôt après son volontariat. C'est l'artiste lettré, qui, discrètement, prend une palette comme il a fait ses humanités, très distant du bohème tapageur de naguère ou de jadis, de l'obscur ou triomphant rapin, resté peuple, qui peint cle fades mythologies en plaisantant grassement. A part Jules Didier, l'un des derniers survivants du paysage poussinesque, et peut-être aussi Delaunay, le portraitiste de race française, — le nom de ses maîtres, Bouguereau, Robert-Fleury, ne nous apprendrait rien sur l'orientation de,ses qualités ; il est beaucoup plus intéressant de retenir que Cottet fut l'élève de Roll. C'est à « l'école mutuelle » de l'atelier Julian que Simon dit avoir appris le meilleur de la technique indispensable, avec Georges Desvallières, Ménard et Dinet.. De 1885 à 1892, on le retrouve aux « ChampsElysées » : passés inaperçus, ces premiers Salons le reflétaient déjà tout entier, du moins dans ses voeux ; à des jurys moins aveuglés par la lumière diffuse, ils auraient pu suggérer le double avenir du jeune peintre dans l'unité de sa franchise : des portraits de famille et des choses vues, le sentiment et l'observation. Le nouvel exposant délaisse vite la fable et l'Homme qui court après la fortune afin d'étudier de ses propres yeux clairvoyants le mois de Marie dans une chapelle rustique, avec le geste de la jeune fille qui balaie les marches de l'autel, ou la victime du travail/portée chez le pharmacien : mal placé, mal vu, donc longtemps oublié par les salonniers pressés qui n'interrogent que la cimaise.... Mais Fantin-Latour avait remarqué silencieusement la supériorité de ses portraits ; et, comme Fantin-Latour, qu'il ne connaît point, Lucien Simon recherche d'instinct les portraits groupés, où la réalité se fait expressive : une Lecture entre amis, le soir, dans l'atelier, sous la lampe, ne touche point le jury des récompenses de 1888, mais rattache à la tradition française une modernité du meilleur aloi. La promesse sera tenue cinq ou six ans plus tard, au nouveau Salon, rival cle l'ancien. Quand le fils tendre, l'ami sûr est devenu le beau-frère d'André Dauchez, le peintre a bientôt d'autres belles occasions de portraits groupés : la famille qu'il s'est créée va poser devant lui. Que d'inspiration, pour qui sait la voir, dans l'évolution du home qui s'accroît avec les années, qui s'anime cle rires et de pleurs ! Que de motifs vraiment picturaux dans l'analyse attendrie de l'enfance! Il y a plus.d'un poème plastique dans les bras nus d'une jeune mère entourant la chevelure amoureusement épandue du bébé rose au sexe indécis dans sa robe ! Et la lèvre en fleur de l'enfant joufflu,
UN CARRIER BRETON
renversé vers le sourire maternel ! Poème fugitif comme la vie qui passe, mais fixé par un tendre savoir au Salon de 1894, dans le cadre intitulé les Miens. Et l'enfant grandit, la famille augmente, le groupe admiratif des parents se rapproche. En 1897, trois jeunes dames assises font cercle autour de l'aïeule heureuse, c'est-à-dire résignée à réchauffer son hiver à la jeune affection du bambin qui s'appuie contre elle ; le peintre s'estompe au second plan, songeur, effacé, discret ; l'atmosphère est saturée de sentiment ; mais, depuis Manet, la virtuosité de l'exécutant n'avait rien illuminé de plus soyeux que tel corsage rayé jaune et noir. L'idéal du peintre est si positivement affectueux que c'est encore la famille qui l'inspire en ses panneaux décoratifs : à peine si le souvenir dé Puvis de Chavannes allonge une colline sous le soir mauve qui sert de cadre à la Musique, personnifiée par une blanche violoniste, assise sur un banc de jardin ; mais l'intimité très supérieure de
L'ART ET LES
ARTISTES
la Peinture se contente de faire poser l'enfant dont déjeuner, le cigare aux doigts ; une main dans sa la petite jambe noirerchiffonne. impitoyablement barbe fauve, le calme Charles Cottet discute avec le robuste René Ménard, ; les deux frères Saglio les la jolie jupe maternelle.... Cinq ans plus tard, en 1901, ce n'est plus l'en- écoutent ; Dauchez rêve : l'attitude même est la fance remuante, mais la vieillesse casanière, l'au- révélation du caractère, et l'individualité des phyguste douceur « des vieux époux usés ensemble sionomies ajoute à la signification du groupe : d'histoire. Les voilà par la vie », le couple assis en silence dans un inté- car cette toile est une page aonc reunis ceux ordonne, rieur qui, sans d'abord traditionnel et se connaître, ont patriarcal comhâté les destins me ses hôtes ; cela de la peinture naturellement, , française ! L'auévocation sans teur seul s'est fantastique ; et éclipsé ; mais sa sans oublier la peinture le nombroche ou le bonmé..Et "cette page net noir à rubans, magistrale, où un admirateurde s'harmonisent Balzac a pu lire les noirs, le rattout unpassédans tache à Fantinces physionomies Latour, libre hérivagues, ces mains tier de Courbet : noueuses et ' ces attitudes raidies ! vers 1864, le novateur de l'HomLa maturité des jeunes couples mage à Delacroix heureux dialone visait superbement qu'à la guait, l'année suiVérité qu'il vouvante, en la Caulait évoquer dans serie du soir, autour de la nappe ses « allégories réelles » ; trentemystérieuse où cinq ans plus l'or tremblant des tard, et sans rien bougies lutte avec évoquer, Lucien les dernières froiSimon compose deurs d'un crévolontairement, puscule vert ; la lente rivière brecar il sait qu'un portrait même se tonne reflète l'austère enchancompose, et son
naturalisme est préoccupé d'un FILLETTE DE PONT-L ABBE bleau, clans son retour au style ; omDre, exnaie la mélancolie au Donneur. L eniance mais, loin a être un aesaccord, ces nuances devinées grandissante, qui ne manque pas d'ajouter la grâce neTont^que fortifier la tacite parenté de ces deux blonde des fillettes à la très originale Soirée dans : francs' intimistes : car l'intimisme (comme, nous un atelier, s'empare d'un Jour d'été qu'elle emplit disons) a précédé l'impressionnisme, un tel rapprode ses trois frais visages aussi lumineux que la chement nous l'exprime, et l'art vigoureux que grande brise parfumée qui vient de la mer : nous l'histoireserait tentée de prendre pour une réaction sommes en 1906, et, tout à l'heure, il faudra ne fut qu'un des aspects retardés de l'évolution. Historien sans.le savoir., Fantin-Latour a peint marquer, sous la persistance de ses affections, l'évolution du peintre. la bourgeoisie laborieuse, la famille grave, l'atmoDepuis la Lecture entre amis, l'amitié n'est pas sphère en mode mineur de la lecture solitaire et la oubliée. Dès 1899, n'est-ce pas elle qui groupait maison sans enfants ; et quand le poète endormi cinq artistes contemporains dans le bel atelier du se réveilla pour conquérir.un autre idéal, il n'eut boulevard du Mont-Parnasse? On cause après qu'à se rappeler les songes de sa jeunesse wagné-
tement des longs jours ; et ce ta-
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L'ART ET LES
ARTISTES
LA MI-CAREME
tienne. Mais, en sortant, du foyer, l'analyste Lucien Simon n'a d'autre idéal, que la vie ; ce recueilli n'est pas un peintre mélomane et ce lettré n'est pas un hellénisant : il ne partage pas son âme entre Beethoven et Rembrandt, comme son voisin Charles Cottet, beau-frère d'Alfred Ernst ; il ne songe pas à l'immortalité ruinée de la Grèce, comme René Ménard, héritier d'un sage et des Rêveries d'un païen mystique.... Que trouve-t-il en dehors.des siens? La Bretagne. Une Bretagne peuplée d'apparitions, et de, feux-follets ? Non, certes ! Là-bas, dans le vent, du large, la légende, même historique, le laisse froid ; et VEmbarquement de Sainl-Gallonec,sa.première toile bretonne, médaillée au Salon de 1890,. est à peine une exception dans son oeuvre, étant une scène familiale. . Et pourquoi la Bretagne? Qui l'attira si loin, voici dix-huit ans? Les circonstances, que Gcethe apercevait à l'origine de toute création. Depuis son mariage avec une artiste, il passe la belle saison dans un petit sémaphore désaffecté, qui domine l'estuaire de l'Odet ; sous ses yeux rafraîchis s'épand l'horizon que laisse entrevoir la fenêtre
ouverte du Jour d'été. L'air salin traverse l'atelier clair. Et là, dans un isolement qui lui plaît, le peintre de la famille a continué de se découvrir, en explorant aux alentours une Bretagne si réelle qu'elle en paraît réaliste au goût parisien : de son lumineux atelier, son regard cordial et pénétrant perçoit la lande et la mer ; dehors, il rencontre une. population tassée comme le granit primitif des menhirs ombragés par les chênes.
Si l'histoire est juste, elle nommera Simon, le révélateur du pays bigoudin : les gens de Penmarch, de Benodet et de Pont-1'Abbé furent ses
modèles inconscients ;. leur humanité fruste a posé devant son trait rapidement lavé d'aquarelle. Son dessin de maître a saisi sur le vif les Bretons chevelus sous, le feutre enrubanné, les Bretonnes, femmes 011 fillettes, toutes casquées d'énormes béguins sur les cheveux tirés ; il a noté la courte veste masculine ou les tailles épaissies par le tablier droit ; et quand le vent fauche cette fin du monde où l'heure et l'histoire s'arrêtent, le peintre aime à voir jouer les rubans versicolores sur les fonds limoneux ; la moindre nuance éclate sous la
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L'ART ET LES ARTISTES naturalisme original : en 1893, le nouvel ami de la Bretagne passe au Salon du « Champ de Mars » ; et bientôt sociétaireà la « Nationale », il y rencontre une cimaise où disposer ses cadres à son gré. Dès 1893, une Messe à Perguet (Finistère) devance les grandes compositions de la Messe en Bretagne de 1904 et de la Grand'Messe si naturellement composée de 1907 ; c'est à leur premier plan
mélancolie du ciel mouvant qui tache d'ombre et la race et la terre : heureux pays perdu, dont la laideur est picturale, où la couleur locale maintient encore une tradition pittoresque! Enfin,le portraitiste a si fortement marqué le portrait de. son empreinte que celui qui s'inspire dorénavant de la région semble imiter son art. Jusqu'à lui, la triste Armorique n'avait guère
LES QUILLES
inspiré que des paysages verts ou des pardons enjolivés ; l'intimiste y déploie librement son observation. Simon laisse à Cottet la sombre grandeur des repas d'adieux ou des deuils marins « au pays de la Mer » ; à Dauchez, les longues perspectives qu'embrasse le trait du peintre-graveur ; à Ménard, la paix des beaux jours qui semble évoquer, sous les pins rougis cle l'anse crépusculaire, la tiédeur du Midi grec ; ce qui le retient, c'est la brutalité morose qui se devine, comme une eau lointaine et stagnante, au fond de l'âme obscure de ces gens, aussi bien dans la bestialité du Bal breton que dans la religiosité des fêtes. Autre circonstance favorable à la genèse de ce
d'ombre que se massent, debout, ces noirs descendants chevelus du moyen âge : ils suivent l'office, obstinés, résignés, figés ; et leur lenteur ne s'anime que dans le déroulement de la Procession. Qui sait si, devant cette toile, honneur du Luxembourg, le Renan de la Prière sur l'Acropole n'aurait pas invoqué les Panathénées de Phidias? A seule fin, seulement, de mesurer la distance entre l'expansive douceur d'Athènes et la violence contenue de ces derniers croyants de 1901.... Comme le petit troupeau se presse encore autour de son pasteur autoritaire et de ses blêmes acolytes en surplis ! Comme ce porte-bannière émacié se hâte résolument sous la bourrasque ! Encore des portraits
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L'ART ET LES ARTISTES groupés dans une composition patiente ; mais une seule âme accorde les individualités les plus disparates, une âme visible et consubstantielle à la forme. Ici, l'analyse atteint la synthèse. Aussi bien, le regard de M. Henry Marcel, qui sympathise avec la loyauté du peintre, a-t-il vu dans la Pro-
sa meilleure réalisation plastique ». Cette rudesse bretonne a fortement influencé les très rares tableaux religieux d'un observateur impartial (Jésus guérissant les malades, ou le Lavement des pieds le jeudi saint), comme elle a mis sa sourde harmonie sur l'admirable étude des Marguilliers ou la souffrance résignée d'un Asile de vieillards. Réalisme intelligent, qu'un Delacroix n'appellerait plus « l'antipode de l'art » ; et si l'étrangeté, comme l'ajoutait Baudelaire,son élève, est le condiment de toute invention d'artiste, il nous faut remonter au Pardon de Tronoan-Lanvoran pour retrouver encore plus d'exactitude farouche et cette ressemblance imprévue des types bigoudins avec les masques tirés de la race jaune, qui surprenait si fort, au Salon de 1896, le vernissage de la galerie Rapp ! Et Simon ne raconte pas seulement la vie religieuse des rustres, mais leur impénétrable plaisir dans l'enfer ténébreux et fétide du Cirque forain, si triste avec le travestissement vermillon de son trombone mélancolique, ou parmi la foule endimanchée qui contemplela nudité musclée des Luttes. Pour découvrir tout le pays bigoudin, ne faudrait-il pas suivre le peintre au bal de matelots sous les quinquets fumeux, au cabaret morne, aux dimanches sentimentaux sur les talus? Le paternel humoriste, qui déguise ses trois enfants pour la Mi-carême de 1902, nous arrêterait devant la roulotte où logent la diseuse de bonne aventure et le chien savant. Que nos souvenirs se reportent aux expositions de la Société internationale ou de la Société nouvelle depuis huit printemps ! Et la psychologie du peintre assiste aux courses, ébahissement des Bigoudines, au jeu de quilles entre les pierres primitives, pénètre dans l'intérieur du patron de pêche, ou suit l'anxiété du Débarquement clans le vent noir de la digue. Bienfaisante au développement du peintre, la Bretagne l'a conduit à l'aquarelle ; et l'aquarelle a modifié non moins à propos son exécution. Pour travailler l'hiver à Paris, il faut des notes ; et ces notes prises d'après nature au pays celtique ont toujours enfermé dans leurs traits nerveux la couleur à l'eau. Dès 1898, le salonnier qui ne craint pas la solitude des sections diverses avait remarqué d'intenses croquis "rehaussés, pour cession
«
les spectateurs pesants du Cirque forain ; dans ce
genre, on n'a pas oublié l'étonnant carton pour la Messe en Bretagne de 1904, nouvel ensemble de portraits groupés, de têtes parlantes, d'âmes rudimentaires et pensives, peut-être supérieur à
la peinture. Aussi bien ces études estivales, qui découpaient audacieusement les types et costumes de Pontl'Abbé, devinrent elles-mêmes des morceaux, puis des compositions : la crudité grenue des fonds blancs fit place au décor, le gros papier disparut sous l'atmosphère profonde des intérieurs ou des
un aquarelliste puissant prolongeait le peintre : à côté de Sargent et de ses vues de Rome, Simon se place au premier rang des virtuoses plus réfléchis de la peinture à l'eau ; témoin la Jetée de 1907, et surtout la Religieuse en prière, admirable tête absorbée dans la volupté de croire. Chez un beau peintre, aucun souci littéraire ne prime l'amour de l'exécution ; car la peinture ne peut rien sans la forme. Mais Delacroix coloriste ne remarquait-il pas profondément que l'exécution matérielle est elle-même toute sentimentale?
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ciels
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ETUDE SUR LE QUAI
L'ART ET
LES
ARTISTES
LE DEBARQUEMENT
éclaire un Jour d'été, comme elle enveloppait plus chaudement la Soirée dans un atelier : compositions à retenir, où l'atmosphère se fait docile à la transposition de la vie. La couleur s'affine en son nouveau cadre. Procédés et sujets se transforment. L'artiste a regardé le monde qui l'entoure. Jusqu'à présent, le Paris du plaisir ne l'a pas plus ému que le bois sacré des Muses ; le peintre de la famille et de la Bretagne, est resté très insensible au voisinage de n'ont pas seulement confirmé la probité cle son Bullier. Son regard, profond comme sa couleur et dessin, la rigueur de sa construction, le courage comme ses sujets, ne s'est jamais égaré clans la de son savoir dans un temps d'anarchie plastique foule aux jupes insidieuses, aux désinvoltures et morale ; à la force expressive cle l'attache et empanachées : Simon l'observateur ne marche des masses, elles ajoutent la clarté colorée de point sur les brisées du .noctambule Toulousel'enveloppe et la fluidité du véhicule : heureuse Lautrec ; Simon le familial inédite encore moins influence sur la palette allégée ! Sans rien perdre de ravir à Degas la danseuse avec sa vulgaire de sa largeur lumineuse et de sa touche fière jus- famille. Il n'est point spontanément le peintre qu'à la brutalité, le peintre a laissé la couleur de la nonchalance féminine et de la volupté limpide conspirer tout récemment avec ses préoccu- molle il ; ne continue pas le Manet de l'Olympia pations de poésie plus respirable et d'élégance naïvement lascive, ou du Bar des Folies-Bergère, inavouée. Voilà donc pourquoiles yeux clairvoyants ni l'érotisme de M. Ingres, narrateur très orienentrevoyaient un avenir nouveau devant la Cau- tal du Bain turc ! Il longtemps qu'il ne peint y a serie du soir ! plus de charnelles fantaisies comme Rarahu, la Une harmonie neuve, toujours solide et robuste, petite Vénus bronzée du Salon cle 1896 ; et,
On ne pose pas une touche sans dire inconsciemment quelque chose. Et des sentiments nouveaux, ou plutôt renouvelés, accompagnent les métamorphoses cle la facture. Intimiste affectueux ou rigoureux spectateur, le peintre des Soeurs quêteuses ou des Marguilliers a toujours montré ses dons d'harmoniste, excellant à fleurir une bouche dans la guimpe, à colorer une toque noire dans le jour blond du vitrail ; et ses aquarelles plus transparentes
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L'ART ET LES ARTISTES d'autre part, la personnification,même idéalement possède l'inquiétude qui cherche et la décision qui familière, de la Musique est exceptionnelle en réalise ; du recueillement de la rue de. Babylone à la discrétion de la rue Cassini, l'élève est passé son oeuvre. Cependant, le soir le hante, avec son ombre maître, sans rien abdiquer de ses curiosités. Il aérienne et son mystère vrai ; c'est vers l'obscure est resté lui-même, ironique et tendre, un peu clarté du soir que se trouve attiré secrètement taciturne, réconciliant la fougue du virtuose avec le portraitiste des causeries prolongées ou des la sagacité de l'observateur. soirées amicales : c'est là que son émotion se « Ne forçons point notre talent », dirait sa moretrempe, en même temps que sa finesse d'ana- destie qui s'analyse, à l'écart des visionnaires gâtés lyse, pour donner d'utiles conseils à sa franchise par la littérature ; mais que de volonté sous son de pinceau. Non moins que les jours cle l'été apparence délicate ! On la devine aussitôt dans son breton, les soirs cle l'hiver parisien ne manque- oeuvre comme en ses portraits par Jacques Blanche, ront pas de lui proposer des délicatesses nouvelles Ménard ou Cottet. Et, dans cette pâleur méditative et des éclairages inédits ; la couleur lumineuse et sérieuse, comme le regard devient aigu sous ie et ses innovations lui réservent de nouveaux sourcil froncé, dès qu'il interroge la nature et la accords, sans jamais amollir son indépendante vie ! Quand ce regard de peintre se plonge à son vigueur dans la surnaturelle magie des reflets : tour dans la réalité d'un spectacle ou le miroir d'un la personnalité de Simon n'est-elle pas « une des visage, il y découvre sans illusion le reflet de la plus, belles espérances de notre école » ? Il se peut pensée ; il tendra toujours à l'approfondir, cherque l'audacieuse mise en toile du Balcon de chant de plus en plus le style sous l'apparence et théâtre ait paru moins réussie dans son jour incer- l'âme sous la forme. tain ; mais il faut beaucoup attendre de celui qui RAYMOND BOUYER. Cl. Crevaux.
COURSES A PONT-L ABBE
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