2014 baumann elise neues museum chipperfield

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NEUES MUSEUM Berlin, David Chipperfield Architects

Elise Baumann UEM 123 A05 Projeter avec l’existant D. LAROCHE JUIN 2014


I/ Bâtiment d'origine Le Neues Museum, située sur le MuseumInsel (l'île des musées à Berlin) a été inauguré en 1859. Il a été construit entre 1841 et 1850 d'après les plans de Friedrich August Stühler. La commande a été effectuée par le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV dans le but d'agrandir les collections de l'Altes Museum, celui-ci ne suffisant plus à exposer les collections de manière adéquate. Après neuf ans de travaux, le musée abrita dans un premier temps, les collections égyptiennes et le Cabinet des estampes. En 1855, La collection d'art, une collection de meuble, verre et céramique, des maquettes d'architecture et une collection de plâtre sont ajoutées. Trois ans plus tard, la collection ethnographique du musée vient compléter la collection du Neues Museum. Le musée fermera ses portes en 1939 à cause du début de la Seconde guerre mondiale.

A/ MuseumInsel, « un sanctuaire d'arts et de siences »

a

Illustration 1: Île aux musée d'apprentissage à l'image d'une Acropolis moderne.

D'abord appelé SpreeInsel, l’île aux Musées a été créée à l'initiative du roi FrédéricGuillaume III au début du XIXe siècle. Elle témoigne d'un siècle de politique culturelle qui abouti à la constitution d'une des plus riches collections d'œuvres d'art au monde. La construction de musée à l'initiative du Kaiser reflète une politique éducative du peuple influencée par les idées des lumières. L'idée du Kaiser Prussien Friedrich Wilhelm IV était de concevoir un sanctuaire public de culture et

C'est ainsi à partir de la renaissance et grâce à un intérêt ravivé pour l'antiquité que l'idée de « museum » est en vogue en Europe. On trouve ainsi les premières galeries privées en Italie au XVI siècle. L'idée de collection publique s'est popularisée grâce à la pensée des lumières. On retrouve ainsi dans la seconde moitié du XIIX ème siècle les premières collections publiques en Angleterre avec l'ouverture du british Museum. Quelques années plus tard, l'inauguration de collections publiques au Louvre à Paris déclenchera l'ouverture de plusieurs collections privées dans toute l'Europe. C'est une quarantaine d'année plus tard que le premier musée ouvrira à Berlin pour être le premier d’un remarquable complexe. La muséologie au XIXème siècle est bien différente de celle que l'on connait de nos jours. Ainsi, si aujourd'hui, on favorise la neutralité des espaces d'exposition, à l'époque le décor de la pièce était en adéquation parfaite avec le sujet exposé de la pièce . L'ambiance était ainsi celle des tableaux romantiques de Karl Schinkel où des citadins du XIX ème se


baladaient dans des décors fantasmés de l'antiquité. L'Altes Museum construit par l'architecte Karl Friedrich Schinkel a été a c h e v é e n 1828. En mars 1841, Friedrich Wilhelm IV demande à son architecte royale Friedrich August Stühler de concevoir un plan pour le terrain derrière l'Altes Museum afin d'agrandir les collections du musée. En juin 1841, les plans de Stühler sont jugés satisfaisants et la construction débute. Les collections de ce musée qui était, comme évoqué plus haut, composéIllustration 2: Ambiance du musée de Stühler d'art et d'archéologie, avait pour but d'exacerber « l e s intérêts les plus élevés du peuple»1 (« the most elevated interests of the people » New York Time, 11 mars 2011) d'après les mots de l'architecte. La construction du Neues Museum a été suivie de celle de l'Alte National galerie en 1876, du Bode Museum en 1904 et enfin du Pergamon Museum en 1930. Alors que le dernier musée de l'île n'a ouvert qu'en 1930, la guerre qui a débuté neuf ans plus tard a forcé l'ensemble de musées de l'île à fermer. Friedrich August Stühler (1800 Thüringe-1865 Berlin) est un architecte prussien élève de Karl Friedrich Schinkel. Il devient inspecteur des bâtiments de la cour de Prusse en 1832 et directeur de la commission des châteaux. Il est nommé architecte du roi en 1841 et travaillera aussi en Russie et en Angleterre.

B/ Neues Museum, 1850 / 1939 Co nçu pa r Stü hl er, le N eu e s Museum était le premier musée à trois étages. Le musée de forme rectangulaire contient des cours intérieures. Proche du plan de l'Altes Museum, la rotonde centrale et la coupole de celui-ci ont été remplacées par un escalier droit magistral qui lie tous les étages et occupe l'entière largeur du bâtiment. Le musée est un exemple d'architecture néoclassique du XIXème siècle. Les intérieurs classiques de la glyptothèque et de la pinacothèque de Munich ayant été complètement détruits c'est un des dernièrs exemples de cette période de la muséographie en Allemagne. Illustration 3: Escalier magistral du XIXeme siècle. 1

http://www.nytimes.com/2009/03/12/arts/design/12abroad.html?pagewanted=all&_r=1&


Le sol sableux de l'île est à l'origine d'innovations techniques pour la construction de ce musée. Au temps de la construction du Neues Museum, l'Altes Museum qui ne s’élevait qu'à un étage de haut, avait déjà des problèmes de fondation. Le Neues Museum, avec trois étages sur un sous-sol, est cependant beaucoup plus grand. Il a été construit le plus léger possible sur des pieux en bois. Le sol de pierre a été construit sur des voûtes peu profondes de pot de terre cuite entre une grille de ferronnerie supportée par des colonnes. Alors que les espaces principaux étaient en pierre, les colonnes du troisième étage étaient en fer habillée de zinc orné pour respecter le style néoclassique de l'édifice. Les fermes du toit étaient en fonte avec des liens dorés en fer forgé. En raison de son utilisation du fer et de la fonte, le Neues Museum était à la pointe de la technologie de l'époque.

C/Destruction et déclin du Neues Museum Pendant la deuxième guerre mondiale, Berlin a été massivement détruit par les bombardements alliés. L e Neues Museum n'a pas échappé à ce sort. Les dommages causés par les incendies et les re fro id issemen ts bru taux provoqués par les moyens déployés pour éteindre l'incendie ont brisé la structure en fonte. Durant les cinquante ann ée s q ui sui viren t, l e bâtiment fut laissé à l'abandon sans toiture. Les priorités de la reconstruction d'aprèsIllustration 4: Vestiges du musée guerre étaient dans le relogement des milliers de sans-abris. Les autorités de la république démocratique allemande ont ainsi pris de mesures insuffisantes pour sauvegarder les ruines du musée et le bâtiment a continué à se dégrader. Il a fallu attendre les années 1980 pour qu'un programme important « d'entretien » des ruines soit lancé pour permettre la restauration de l'édifice. En raison de mauvaise fondation et de la nature sableuse de sol, le bâtiment s'était enfoncé d'un mètre dans le sol. Avant de pouvoir être soutenue avec un radier en béton, la superstructure devait être étudiée, réparée et renforcée. Au cours de ce processus beaucoup de stuc et finitions ayant survécus ont été perdus. En 1985, un accident lors d'une opération de sauvegarde visant à conserver la ruine a détruit l'extrémité sud anciennement surmonté d'une magnifique coupole qui avait survécu aux bombardements et aux ravages du temps. Au début des années 90, les deux tiers du musée ont survécu, mais la structure porteuse a été presque entièrement détruite et le tiers de la décoration d'origine a survécu. L'absence de toit a beaucoup fragilisé les voûtes en terre cuite, La cage d'escalier, pièce magistrale de l'édifice, a été entièrement détruite, ainsi que la coupole sud du bâtiment.


II/ Intervention A/ Histoire du concours A f i n d'arrêter le déclin de la construction classique, un concours international d'architecture est lancé en 1993 pour la reconstruction du Neues Museum. Lors des années de la reconstruction d'après-guerre, une des options pour la reconstruction des bâtiments historiques détruits lors de bombardement étaient la reconstruction à l'identique des édifices (comme à Dresde et à Potsdam). Le concours organisé pour le Neues Museum applique les principes de la charte de Venise. « Replacements of missing parts must integrate harmoniously with the whole, but at the same time must be distinguishable from the original so that restoration does not falsify the artistic or historic evidence ». (Article 12 of The Venice Charter, 1964.) Ainsi, la reconstruction doit être la combinaison évidente de l'ancien et du nouveau. Les nouveaux éléments de la façade doivent être visuellement Illustration 5: Escalier détruit reconnaissables. Les résultats du concours n'étaient pas satisfaisant en termes de respect de la charte de Venise. Le projet Lauréat est celui de Georgio Grassi. Son projet consiste à créer une extension qui vient se rapprocher de l'eau. L'extension est cruciforme et se relie au bâtiment existant par la partie centrale. La volonté de ce geste est de donner une façade « noble » à la ville et de lier l'Altes Museum au Pergamon Museum. L'agence David Chipperfield Architects a finalement obtenu le projet en 1997 ainsi que le dessin d'un master plan pour cette partie de l'île au musée. L'île aux musées a été classé au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1999 et bénéficie depuis de vastes projets de réaménagement pour un coup de 1,2 millard d'euro. Les travaux du musée ont duré dix ans, de 1999 Illustration 6: Légende projet de G.Grassi 1993 à octobre 2009.

Illustration 7: Coupe du projet de G.Grassi. 1991


B/ Informations factuelles Date :1997-2009

Surface brute du plancher : 20,500 m² Client : Stiftung Preußischer Kulturbesitz represented by Bundesamt für Bauwesen und Raumordnung Utilisateur : Staatliche Museen zu Berlin Architectes : David Chipperfield Architects, Berlin in collaboration with Julian Harrap Partenaires : Harald Müller, Martin Reichert, Eva Schad, Alexander Schwarz Architecte, chef de projet : Jamie Fobert, Mark Randel, Martin Reichert, Eva Schad Paysagiste : Levin Monsigny Landschaftsarchitekten Scénographie de l'exposition : architetto Michele de Lucchi S.r.L. Ingénireur structure : Ingenieurgruppe Bauen Bureau d'études : Jaeger, Mornhinweg+Partner Ingenieurgesellschaft Supervisation du chantier : Lubic & Woehrlin GmbH Controleur de projet : Ernst & Young Real Estate GmbH Financement : fond de l'état à travers le bureau fédéral pour les bâtiments. Le musée a ouvert ses portes en 2009 et offre des expositions géographiquement et thématiquement liées. Le musée accueille la collection d’art égyptien du musée égyptien et des papyrus, les collections du musée préhistorique et la collection des antiquités classiques.

C/ Parti pris architectural : Restauration/conservation/réaménagement Le point de départ de la réflexion architecturale était de créer un espace d'exposition supplémentaire à l'extérieur le musée pour régler les problèmes de circulation dans le site. Initialement les musées étaient tous liés ensemble par une arcade qui était ouverte vers tous les musées. Ainsi, en été, elle permettait un passage ombragé et protégeait les visiteurs à l’aide d'un passage ombragé. Cette arcada a été recrée par david Chiperfield. Une nouvelle entrée du bâtiment a été proposée à l'ouest du bâtiment pour optimiser l'espace disponible au sein du musée et pour créer un Illustration 8: Hall d'escalier 2009. nouvel accès aux passages souterrains. L'idée de David Chipperfield Architects était de couvrir les deux cours intérieur du musée pour créer un espace supplémentaire. La question était de savoir comment traiter ses espaces existant et ceux projetés. Les parties ayant survécus étaient à conserver et à rénover un maximum, ainsi que les éléments d'architecture qui ont été sauvé après les bombardements. David Chipperfield a qualifié les ruines du musée de « tas piranésien ». Le problème était de savoir comment assembler harmonieusement les éléments d'architecture originaux tenant toujours debout, ceux étant en ruine et réutilisable et la nouvelle partie créer. Si l'idée de créer un pastiche des parties manquantes semblait inenvisageable pour DCA, les nouveaux matériaux utilisés devraient être en harmonie avec les anciens. L'idée était d'arriver à une cohérence visuelle qui n’en soit pas uniquement dans un souci esthétique mais aussi dans un souci muséographique.


Illustration 9: Salle d'exposition restaurée Il était donc clair que les ruines ne devaient pas être interprétées comme un arrièreplan à une architecture « moderne » trop extravagante ou encore recréer ce qui avaient été perdu durant la guerre n'étaient pas des options envisageables. L'idée était donc de créer un unique projet qui serait capable d'intégrer une série d'éléments d'architecture contemporaine aux vestiges du Neues Museum tout en réutilisant les éléments d'architecture présent dans les ruines. Le projet de DCA est de recomposer le volume original et de restaurer les parties restantes de la seconde guerre mondiale, en accord avec la charte de Venise, les éléments d'architecture nouveaux doivent être différenciables des anciens. Le processus est une interaction entre la conservation, la restauration et la création de nouveaux composants. La restauration, presque archéologique, suit les principes de la charte de Venise en respectant l'état de préservation des différents éléments. David Chipperfield a une grande réputation pour son travail de création de musée innovant mais pour ce projet qui est un grand travail archéologique, manquait d'expérience. DCA s'est donc associé avec Julien Harrap Architects. Dns le passé JHA s'est chargé de la restauration du Soane Museum, un bâtiment qui a beaucoup en commun avec le Neues Museum. JHA a une grande expérience des bâtiments néoclassiques du 19 th s i è c l e . E n complément à l'agence Davide Chipperfield Architects et Julien Harrap Architects, l'équipe en charge du musée était le Staatliche Museen zu Berlin, les représentants des Landesdenkmalamt Berlin (l'équivalent des architectes des bâtiments de France en Allemagne) et de Bundesamt für Bauwesen und Raumordnung (l’agence chargé des bâtiments publique allemand). Des ONG et des associations de sauvegarde du patrimoine (Prussian Cultural heritage Fondation) étaient aussi représentées. Illustration 10: Salle d'exposition restaurée


Les principes de base de l'équipe étaient que le musée devait répondre à des besoins d'accueil du public et les exigences de respect du patrimoine d'un bâtiment remarquable qui a été presque détruit durant la guerre. Julien Harrap pense qu'après chaque guerre, le désire de reconstruire ce qui a été perdu est grand et difficile d'y résister. Cependant, l'équipe a eu le choix de ne restaurer que les parties du bâtiment ayant survécu à la destruction de la guerre et tous les ajouts d'architecture doivent être différenciables des anciens. Alors que les reconstructions complètes comme dans les Illustration 11: Salle d'exposition partie neuve cours intérieur ou dans les escaliers principaux peuvent être résolument moderne, la juxtaposition du neuf et de l'ancien dans un espace qui a été restauré doit rester modeste. La mise en place de principes de base a été faite afin de guider les restaurateurs et les conservateurs dans les différentes parties du musée. Le choix a ainsi été fait de restaurer tous les éléments en lien avec le publique. Ainsi, mur et plafond peuvent rester en l'état alors que sol et portes doivent être restaurés afin d'accueillir au mieux les nombreux visiteurs du musée. Seulement un tiers des sols ont survécu au temps, le choix a été fait de consolider et restaurer les parties existantes mais de combler les espaces ayant survécus avec des matériaux nouveaux afin d'obtenir un sol lisse et fonctionnel. Les surfaces indépendantes du sol, comme les murs et les plafonds, ont pu être traité avec plus de liberté et laisser tel quel tant que leur stabilité est assurée. Cette approche radicale de la restauration est bien illustrée avec la restauration de la Nordkuppelsaal située au sud du bâtiment. Le toit vouté de cette espace a été détruit en 1945 ce qui a détruit de nombreuses infiltrations d'eau qui ont détruit partiellement le décor de cette pièce. Plusieurs fresques ont pu être sauvées dans les années 1970. Le choix a ainsi été de garder la forme existante de la voûte mais de la construire en brique de récupération. Les éléments de décoration ayant pu être sauvé ont été insérés dans la voute à leurs emplacements existant. La forme existante peut être clairement identifiée sans nuire à l'intégrité ancien/nouveau. Les fresques et décors dégradés par des éclats d'obus ou par les intempéries sont laissés à l'identique et fièrement exposées. En mettant l'accent sur la restauration dans un cadre cohérent, et en adoucissant l'impact des zones nouvelles, l'histoire récente ne porte pas atteinte à ce qui a survécu.

D/Matériaux et chantier En façade, les nouveaux volumes créés (l'aile nord-ouest, la cours égyptienne et le dôme sud) sont construits de briques de rouges recyclées. Les galeries de l'aile nord-ouest sont bordées de large pièce de béton préfabriquée. Il est d'une teinte blanche et est à base de ciment et de marbre. Ce béton à base de marbre est une prouesse technique ainsi Alexander Schwarz, design director à Berlin dans le bureau de David Chipperfield Architects dit « nous avons poussé la technique de fabrication du béton


Illustration 12: Salle d'exposition pendant travaux

à son maximum. Nous avons utilisé un mix de particule de marbre pour couler des plaques de 4m par 10m avec 5 mm de joint. Nous avons fait beaucoup de recherches et nous l'avons développé avec Dressler. Ils sont très intéressants et coopératifs. Le musée d'origine était ce que la Prusse pouvait construire de mieux, l'idée est donc d'avoir les mêmes exigences dans la partie neuve. Nous avons pensé que le béton d'aujourd’hui peut être en compétition avec les techniques du XIXème siècle ». Les fresques d'origines très partiellement restaurées marquent fortement la matérialité de l'intérieur des salles du musée. La restauration était à la charge de restaurateurs spécialistes employés par Federal Office for Building. Les éléments de béton préfabriqués sont construits par l'entrepreneur Dressler Bau. Il était en charge de la reconstruction de la Frauenkirchen à Dresde. Le coût prévu initialement était plus élevé que ce qu'ont couté les travaux. Le calendrier du chantier s'étendait sur

Illustration 13: Plan de relevé du sol. dix ans. Le client a choisi de diviser le musée en différents lots de pièces et d'assigner à chaque équipe de restaurateur un lieu. Ce choix a été fait pour un avancement homogène des travaux. Plusieurs contraintes inhabituelles sont entrées en jeu dans la restauration du bâtiment. Ainsi, les restaurateur ont dû travailler à la restauration de voûte en pot de terre, le traitement des terrazzo (béton à base marbre) est aussi une opération délicate. Les fermes de toit qui étaient initialement en fonte ont dû être effectuées en fibre de carbone pour la résistance au feu.


III/ Analyse critique Pour aborder cette analyse critique, la réflexion va d'abord s'articuler autour du rôle de la ruine d'une part dans la posture de l'architecture face aux ruines et d'autre part la place des ruines dans la ville de Berlin.

A/ Neues Museum et ruines En décrivant son travail lors d'une conférence, David Chipperfield a évoqué pour son travail au Neues Museum l'image d'un vase antique 2 que l'on aurait reconstitué, les parties manquantes sont ainsi remplacées par des morceaux blancs. Cette image exprime clairement le parti pris architectural de Chipperfield face à la Neues Galery qui est de reconstitué le volume initial sans vouloir faire un pâle pastiche de l'existant, mais effectuant un travail mesuré de précision et de patience pour arriver à une harmonie de l'ancien et du neuf.

Illustration 14: Maquette volumétrique du projet

Illustration 15: Légende vase reconstituée par le travail des archéologues

Au-delà de la maquette volumétrique qui révèle une intention simple, le rapport à la ruine est plus compliqué qu'il n'y paraît. Le projet mêle ainsi restauration, réhabilitation et création. Dans les nouveaux espaces du projet à l'identité très « moderne » un élément est toujours présent pour rappeler que le projet vient s'insérer dans un espace ancien. Une complexité vient s'ajouter à mesure que l'on grossit l'échelle du projet. La posture de l'architecte face à ce monument semble aussi se complexifier plus on entre dans le projet. Si dans un premier temps, la posture de l'architecte peut sembler humble et discrète, on s'aperçoit vite que ce n'est qu'une façade et que l'architecture moderne créée a trouvé des endroits avec une place forte et assumée. Cependant, en visitant le musée, cette muséologie et cette abondance de détails (discrets) peut parfois effacer la collection et amener beaucoup d'informations au visiteur. Cela est peut-être dû à la forte identité du bâtiment d'origine, car en effet en plus de visiter les collections égyptiennes, le Neues Museum donne au visiteur l'occasion de voir ce qu'est un usée au XIXème siècle. En choisissant de restaurer les parties originales du projet ayant survécu à la destruction, David Chiperfield choisit ainsi d'effectuer un important travail archéologique. Pour renforcer ses équipes, beaucoup de spécialistes de l'architecture néoclassique et de restaurateurs ont été nécessaire. Chaque pièce restaurée a dû être validé par une importante bureaucratie. Pour arriver à une cohérence esthétique, historique et muséographique, David 2

http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_2855


Chiperfield Architects a ainsi dû faire preuve d'un immense travail d'équipe. Dans ce projet, l'architecte a ainsi un grand rôle de chef d'orchestre et de coordinateur devant avant tout faire appel aux connaissances des spécialistes pour réaliser ses idées. David Chiperfield dit ainsi que chaque vestige a été photographié puis réuni sur ordinateur. Avec un outil permettant la retouche autant que le dessin, «nous revenions en arrière quand nous estimions être allés trop loin»3. Interpréter le vide oui, mais donner relief, motif ou volume au gypse de façon aussi minimale que possible. Le processus de projet sur douze ans semble avoir été un continuel travail de mesure afin de savoir ou quel était le bon dosage entre ruine et nouveau projet. De plus, une telle démarche de restauration est un important travail d’artisanat et de mise en valeur de savoir-faire manuel des restaurateurs. La qualité de la restauration notamment des mosaïques situées sur le sol est un travail de pointe, d'une grande qualité architecturale. Cependant, en plus des dix ans de chantier réalisé, des travaux de restauration de ce sol sont encore en cours et atteste d'un travail de très longue haleine. La posture de l'architecte face à la ruine peut presque être qualifiée de contemplative. Une fascination pour la ruine se dégage du travail de David Chiperfield. Cette fascination est au cœur du projet, «j’étais convaincu que la beauté de la ruine ne devait pas être perdue»4. La ruine peut ainsi être vu comme l'idée forte de celui-ci, tout s'articule pour penser le projet à la fois comme un bâtiment mais surtout comme une sorte de vestige que l'on aurait voulu sauvegarder tel quel. L'intégration des ruines dans le nouveau bâtiment présente quelques similarités avec le projet du musée Kolumba. Si les deux projets utilisent un appareil de brique pour englober les parties en ruine, l'omniprésence de la ruine est beaucoup plus fort dans le projet de David Chipperfield et marque beaucoup plus l'ambiance du muése. Ainsi dans un article du New York time, le journaliste qualifie le Neues Museum « d'un bâtiment moderne hanté par un ancien »5. En mettant la ruine au cœur du projet, on peut se poser la question de la posture de l'architecture face à la destruction ? La ruine n'est plus vue comme le résultat d'une destruction mais un objet esthétique de contemplation à la manière des tableaux romantiques du XIXème siècle.

B/ Les ruines de berlin A Berlin, soixante dix ans, la posture architecturale à adopter face aux ruines et à la destruction est toujours d'actualité. Comme le chantait Marlène Dietrich, « A brand new spring is to begin Out of the ruines of Berlin ! », mais ce n'est pas seulement un nouveau printemps mais aussi de nouveaux bâtiments qui vont sortir des ruines de Berlin. Ainsi proche du Neues Museum, plusieurs exemples manifestes d'attitude face à une réhabilitation sont à souligner. Le nouveau Reichstag de Norman Forster est ainsi dans la posture d'un ajout d'une architecture high-tech sur une architecture ancienne. La partie moderne évolue ainsi indépendamment de la partie ancienne. Au regard des principes énoncés par la charte de Venise, cette posture n'est pas dans l'harmonie mais dans la distinction forte du neuf et de l'ancien.

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ibidem http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_2855 http://www.nytimes.com/2009/03/12/arts/design/12abroad.html?pagewanted=all&_r=1&


Illustration 17: Eglise du souvenir

Illustration 16: Reichstag, Berlin, Norman Forster La Kaiser-Wilhelm-Gedächtniskirche construite à la fin des années cinquante a une posture de stigmatisation de ses ruines pour marquer la destruction. Cette église exprime la dent creuse causé par la destruction. C'est un stigmate de la seconde guerre mondiale et des bombardements. Il est intéressant de comparer cet édifice face au Neues Museum. Le discours de Chiperfield n'envisage pas la ruine comme un résultat du traumatisme de la guerre mais il semble l'envisager comme un objet esthétique et une opportunité de faire de l'architecture. « L'architecture c'est ce qui fait de belles ruines » L'aphorisme d'auguste Perret s'applique bien au Neues Museum sauf qu'ici c'est la ruine qui a fait une belle architecture. En acceptant au maximum l'état de ruine d'un bâtiment et les effets du temps sur celui-ci, Chipperfield est aux antipodes de la volonté de reconstruire un pastiche du château de Berlin. Bombardé en 1945, le château a été rasé en 1950. A son emplacement, la RDA a construit le palais du peuple, détruit pour cause d'amiante dans les murs. En 2002, la reconstruction à l'identique du château de Berlin a été voté et les travaux ont commencé en juin 2013. Ce chantier fait une grande polémique pour des raisons économiques mais peut aussi questionner d'un point de vue symbolique et esthétique. Reconstruire un bâtiment 60 ans après sa destruction est-ce réellement utile ? Quelles sont les chances de ne pas arriver à une pâle copie ? Il est intéressant de constater qu'à Berlin les postures face à la reconstruction sont très variées et différenciées et dépasse une nostalgie de la ruine qui est parfois évoqué dans les projets de travail avec l'existant. En visitant le musée, la beauté des espaces créés est parfois frappantes. La surprise créée par l'architecture moderne de David Chipperfield apparaît comme une radicale évidence. Cependant, la distinction entre l'ancien et le nouveau voulu par l'architecte est parfois flou. L'impressionant travail de restauration effectué alourdi parfois la visite.


Bibliographie thテゥmatique Description du projet, architecture http://www.wiederaufbauneuesmuseumberlin.de/ http://fr.wikipedia.org/wiki/Neues_Museum http://www.smb.museum/en/museums-and-institutions/neues-museum/home.html http://www.davidchipperfield.co.uk/downloads/projects/11/neuesmuseum_dca.pdf http://www.buildingconservation.com/articles/neuesmuseum/neuesmuseum.htm http://www.goethe.de/kue/arc/aug/en5172580.htm Description du projet, technique http://www.construction-manager.co.uk/client_media/pdfcontent/Neues_Museum.pdf Visite virtuelle http://www.neues-museum.de/nm/index.html?r=vestibuel#/griechischeer_hof/ http://sashawaltz.neuesmuseum.com/#/bacchussaal https://www.youtube.com/watch?v=M9i3J2zoQ2s Image http://www.archdaily.com/127936/neues-museum-david-chipperfield-architects-incollaboration-with-julian-harrap/ https://www.flickr.com/photos/dalbera/sets/72157627557480142/ http://www.lemonde.fr/culture/portfolio/2009/03/05/le-neues-museum-de-berlin-rouvre-sesportes_1163924_3246.html http://www.davidchipperfield.co.uk/project/neues_museum Regard Critique http://www.architectural-review.com/buildings/neues-museum-by-david-chipperfieldarchitects-berlin-germany/8601182.article http://www.nytimes.com/2009/03/12/arts/design/12abroad.html?pagewanted=all&_r=0 http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_2855 テ四es aux musテゥes http://www.linternaute.com/savoir/grands-chantiers/06/actualites/berlin-ile-auxmusees.shtml Histoire des musテゥes http://www.muuseum.ee/uploads/files/g._lewis_the_history_of_museums.pdf


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