Darwinisme : une théorie bien vivante

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Darwinisme : une théorie bien vivante 03/12/2007

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L’imposture darwinienne », « Evolution : une théorie en crise », « Le darwinisme en question : science ou métaphysique ? ». A lire les titres des magazines ou de certains livres, on pourrait avoir l’impression que la théorie de l’évolution traverse une crise dramatique. Les biologistes seraient-ils contraints de remettre en question l’idée même d’évolution ? Cette théorie serait-elle devenue obsolète ? Et d’ailleurs peut-on confondre darwinisme et théorie de l’évolution.

Avant de chercher du côté des laboratoires des réponses à ces questions, il faut revenir aux bases de cette théorie, afin de distinguer le darwinisme

initial de la théorie actuelle, et surtout pour montrer que l’évolution n’est pas une simple opinion mais un cadre de pensée bien plus vaste qui unifie l’ensemble de la biologie d’aujourd’hui. On dit « théorie de l’évolution » mais on dit aussi « l’inspecteur avait une théorie bien à lui sur cette série de crimes ! ». Est-ce le même type de théorie ? En science, les mots n’ont pas toujours exactement le même sens que dans le langage courant. Ainsi, la « théorie » de l’inspecteur est plutôt, pour employer un terme scientifique, une hypothèse, c’est à dire une supposition qu’il va chercher à vérifier par des indices. De même le chercheur éprouve une hypothèse en observant le réel ou en mettant en œuvre des expériences. Celles-ci doivent éventuellement pouvoir être refaites par d’autres chercheurs et donner alors les mêmes résultats, ce qui en garantit la validité. Il se peut que les résultats des expériences ne vérifient pas l’hypothèse initiale. Dans ce cas, elle est rejetée, au moins provisoirement.

Insecte pris dans l’ambre : une observation qui demande une interprétation © Wikipedia

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Une théorie scientifique n’est pas seulement une hypothèse (même si elle peut en intégrer) mais un modèle explicatif plus général : la description d’un ensemble de mécanismes qui permettent de comprendre une partie de la réalité du monde. Une théorie s’appuie sur des observations, des mesures et des expériences. Elle utilise des méthodes concrètes, reproductibles par d’autres équipes de recherche. Ce n’est pas un simple échafaudage de suppositions non fondées, mais une explication globale qui unifie une foule d’observations, des faits bien connus depuis longtemps jusqu’aux découvertes les plus récentes. Par exemple, en géologie, la théorie de la tectonique des plaques a permis de lier des quantités d’observations dans le domaine des sciences de la terre, de la forme des continents à la répartition des séismes et à la localisation des pôles au cours de l’histoire de la Terre. Cette théorie ne fait d’ailleurs pas l’objet d’attaques similaires à celles que subit la théorie de l’évolution !

puisqu’elles procèdent de la conviction intime et non de preuves matérielles. La science au contraire est matérialiste : les arguments utilisés doivent en principe être étayés par des faits ou des expériences, non par des textes ou des opinions. On confond parfois théorie de l’évolution et darwinisme. Si aujourd’hui, cette théorie a intégré les résultats de plus de deux siècles de recherches dans les sciences de la nature, il est vrai qu’elle doit son succès initial au naturaliste anglais Charles Darwin (1809-1882). Dans son ouvrage « L’origine des espèces » il expose pour la première fois au grand public et aux autres naturalistes sa théorie de la « descendance avec modification », c’est à dire la façon dont de nouvelles espèces vivantes apparaissent.

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Travail de recherches sur le terrain du paléontologue

Une théorie n’est pas non plus une croyance : on ne « croit » pas à la théorie de la gravitation comme on « croit » aux extra-terrestres ou aux fées. Le domaine des croyances ne fait pas appel au même type de raisonnement que le domaine scientifique

Charles Darwin

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L’idée d’évolution (sous le nom de « transformisme ») circulait déjà dans la communauté scientifique depuis longtemps mais Darwin est le premier à proposer un mécanisme convaincant expliquant la transformation des espèces au cours du temps. Pour lui, tout repose sur la « variation » au sein des espèces et sur la sélection des individus. Qu’il s’agisse de mouches, de moutons ou d’humains, chaque individu est unique. Tous les membres d’une même espèce diffèrent les uns des autres par des « variations » de taille, de couleur, de résistance aux maladies ou de comportement. Dans l’environnement naturel des animaux, certaines variations sont avantageuses, d’autres non. Certains individus survivent et se reproduisent, d’autre non. C’est ce que Darwin a appelé « sélection naturelle ».

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Darwin souligne deux points importants : les variations apparaissent par hasard et elles sont transmissibles aux descendants. Génération après génération, les variations avantageuses ont donc tendance à se répandre dans la population puisque leurs porteurs ont plus de descendants et leurs transmettent leurs caractéristiques favorables. Si l’environnement change, par exemple si le climat devient plus chaud, les aptitudes avantageuses ne seront pas nécessairement les mêmes et la sélection sera donc orientée d’une façon différente. Au cours des générations, l’espèce peut ainsi se transformer et finalement aboutir (provisoirement) à une nouvelle espèce, distincte de l’espèce initiale.

Panthère, Panthera pardus, Afrique, Asie (h. ép. 60 cm)Addax, Addax nasomaculatus, Sahara (h. ép. 75 cm)Coll. Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse

Tous droits réservés. Photo tirée du livre «Evolution» de Jean-Baptiste de Panafieu et Patrick Gries © Éditions Xavier Barral/Muséum National d’Histoire Naturelle Légende : les prédateurs, comme la panthère, et les herbivores, comme l’addax, ont évolué les uns en fonction des autres depuis des dizaines de millions d’années. Cette co-évolution repose sur un équilibre entre leurs populations. En effet, les prédateurs ne doivent pas éliminer toutes leurs proies, sans quoi ils mourraient de faim, et ces dernières en revanche ne doivent pas devenir trop abondantes, au risque d’épuiser les ressources de leur environnement. Pour Darwin, ces transformations ne sont pas des réponses directes aux modifications du milieu. Ainsi, ce n’est pas parce que le climat devient plus froid qu’un animal se couvre de fourrure. Darwin propose un raisonnement inverse : certains animaux

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possèdent par hasard une fourrure plus épaisse. Si le climat se refroidit, ils sont alors avantagés et ont plus de descendants que leurs congénères à poils ras. De plus, ils transmettent leurs caractéristiques à leurs descendants. Son idée initiale nous paraît aujourd’hui très simple mais elle rompt complètement avec une certaine vision du monde, selon laquelle la nature est une mère bienveillante qui prend soin de ses enfants. La sélection naturelle est un mécanisme froid et aveugle, très efficace, mais au prix de la mort de la grande majorité des individus. Les êtres vivants ne se transforment pas en fonction de leurs besoins, guidés dans la bonne direction selon un plan bien conçu. Au contraire, la sélection naturelle fonctionne toute seule, de façon totalement automatique et sans le moindre projet. Par des moyens simples mais brutaux, elle aboutit aux structures merveilleusement complexes que sont les êtres vivants.

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Bien entendu, les idées de Darwin ont eu un retentissement énorme parce qu’il était évident que ses idées sur l’évolution des animaux devaient nécessairement s’appliquer à l’homme, même s’il n’abordait pas ce sujet dans son premier ouvrage. Mais sa description d’une nature indifférente et sans pitié était peut-être encore plus choquante que la possibilité que nous ayons des ancêtres singes ! Dans sa démonstration, Darwin s’appuyait sur plusieurs sciences naturelles : la zoologie, la botanique, l’anatomie comparée, l’embryologie (l’étude du développement des individus, de la fécondation à l’âge adulte), la paléontologie (l’étude des fossiles) ou encore l’éthologie (l’étude du comportement des animaux). Ainsi la comparaison des squelettes des animaux vertébrés montre des structures identiques, même si leur taille et leurs formes varient. Si l’on compare les squelettes d’un homme et d’un guépard, on trouve des os qui ont la même forme générale, situés aux mêmes emplacements, relativement aux autre os.

On reconnaît sans peine le fémur, le tibia et le péroné du guépard qui correspondent précisément aux os de la cuisse et de la jambe de l’homme. Pour expliquer cette identité de structures entre ces deux espèces si différentes, on peut évidemment invoquer une intervention divine : « Dieu les a créés sur le même plan, selon sa volonté ».

Guépard, Acynonyx jubatus, Afrique subsaharienne,Moyen-Orient (h. ép. 70 cm) coll. MNHN.Tous droits réservés. Photo tirée du livre «Evolution» de Jean-Baptiste de Panafieu et Patrick Gries © Éditions Xavier Barral/Muséum National d’Histoire Naturelle

Légende : le squelette du guépard révèle un ensemble d’adaptations à la course. Les membres postérieurs sont formés de trois segments de même longueur (correspondant à la cuisse, à la jambe et au pied) ce qui permet d’augmenter la poussée du pied par une extension de grande ampleur. La souplesse de la colonne vertébrale et l’élasticité des ligaments lui permet d’emmagasiner l’énergie lors de la flexion, pour la restituer lors de l’extension du corps. La course est aussi facilitée par la petite taille de la tête (en comparaison de celle d’un lion, par exemple). C’est possible, mais invérifiable. Il ne s’agit donc pas d’une explication, mais d’une simple affirmation, qui ne peut être ni confirmée, ni infirmée. On sort là du domaine scientifique. Si on souhaite y rester, il faut bien chercher une explication qui s’appuie sur des preuves matérielles. Or l’idée d’une ascendance commune peut être argumentée, par exemple par le fait que les embryons des deux espèces se ressemblent bien plus que les adultes. Cela correspond aux mécanismes du développement

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: les structures les plus fondamentales, les plus anciennes, se mettent en place avant les autres, qui correspondent à une différenciation ultérieure de l’espèce. Cette similitude embryonnaire serait l’héritage d’une espèce ancestrale commune, à l’origine des hommes et des guépards.

certains cas d’anomalie du développement, ces os se développent plus et sont même parfois prolongés de deux doigts supplémentaires. Or certains chevaux fossiles possédaient justement 3 doigts à chaque membre. On peut suivre dans les archives fossiles le passage de « chevaux » archaïques à 4 et 5 doigts, à des espèces à 3 doigts, plus ou moins développés et enfin aux « chevaux » modernes (qui peuvent aussi être des zèbres ou des ânes) à un seul doigt. Pour Darwin, ces faits n’étaient compréhensibles que par l’hypothèse d’une continuité entre les fossiles et les chevaux actuels. Cependant, certaines de ses hypothèses ne pouvaient pas, à son époque, être suffisamment étayées.

Tous droits réservés. Photo tirée du livre «Evolution» de Jean-Baptiste de Panafieu et Patrick Gries © Éditions Xavier Barral/Muséum National d’Histoire Naturelle

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Légende : « Prenez le squelette de l’ homme, inclinez les os du bassin, accourcissez les os des cuisses, des jambes et des bras, allongez ceux des pieds et des mains, soudez ensemble les phalanges, allongez les mâchoires en raccourcissant l’os frontal, et enfin allongez aussi l’épine du dos, ce squelette cessera de représenter la dépouille d’un homme, et sera le squelette d’ un cheval. » (Buffon, 1753) Coll. Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse

Une des grandes difficultés rencontrées par Darwin était l’origine des variations, ces différences interindividuelles susceptibles d’être transmises aux descendants. C’est là que les découvertes effectuées dans une nouvelle discipline scientifique, inconnue à son époque, ont été décisives. La génétique, puis la biologie moléculaire, ont fourni à la théorie de l’évolution un mécanisme correspondant précisément aux intuitions de Darwin. Les variations sont aujourd’hui interprétées comme le résultat de mutations touchant les gènes des espèces. Les mutations surviennent par hasard et leurs résultats ne sont pas la conséquence de modifications de l’environnement. Cependant ils peuvent, toujours par hasard, procurer un avantage aux mutants.

L’observation du pied d’un cheval révèle d’autres indices intéressants, comme les petits os appelés stylets, qui se trouvent de part et d’autre de l’os canon du cheval. Cet os canon correspond, d’après sa position, aux os métacarpiens de la paume de l’homme (ou s’il s’agit de la patte postérieure, aux os métatarsiens de la voûte plantaire). Alors que nous avons cinq os dans la paume, le cheval n’en possède qu’un mais les deux stylets qui l’accompagnent sont les vestiges de deux autres os. Dans http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/biologie/d/darwinisme-une-theorie-bien-vivante_767/c3/221/p1/#xtor=AL-40

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ture des usines, la pollution a diminué, les phalènes noires ont retrouvé leur faible fréquence initiale.

Phalène du bouleau © Wikipedia

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Biston betularia f. carbonaria (Linnaeus, 1758) - forme mélanique © wikipedia

Les biologistes ont observé de multiples exemples de mutations avantageuses dans certaines conditions. L’un des plus connus concerne la phalène du bouleau : ce papillon aux ailes grises tachetées passe inaperçu s’il se pose sur des troncs d’arbres couverts de lichen. On connaît dans les populations naturelles de phalènes l’existence de mutants « mélaniques », c’est-à-dire complètement noirs, qui sont rapidement repérés par les oiseaux prédateurs et restent donc très peu nombreux. Dans les régions industrielles du sud de l’Angleterre, la pollution a tué les lichens et noirci les troncs. La forme mélanique est devenue dominante car, les conditions ayant changé, elle était avantagée par rapport à la forme tachetée. Lorsqu’avec la ferme-

L’un des exemples les plus célèbres de Darwin est un groupe d’oiseaux propres à l’archipel des Galápagos, les fameux « pinsons de Darwin ». Il en existe une douzaine d’espèces différentes, qui diffèrent par leur taille, par la forme de leur bec et par leur alimentation. Darwin avait émis l’hypothèse que tous ces pinsons provenaient d’une espèce unique arrivée par hasard du continent sud-américain. Les descendants des premiers arrivants s’étaient dispersés dans les îles et avaient évolué en fonction de leur environnement, se partageant les ressources disponibles. Certains étaient par exemple devenus des mangeurs de graines, et d’autres des chasseurs d’insectes. Après Darwin, les zoologistes ont utilisé les caractéristiques anatomiques des différents pinsons pour reconstituer leur arbre « généalogique » (les biologistes parlent en fait d’arbres « phylogénétiques »). Les progrès de la biologie moléculaire ont par la suite permis de comparer les gènes de ces oiseaux et de construire un « arbre génétique » qui a pleinement confirmé l’arbre anatomique. Ainsi, des observations de nature totalement différente,

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anatomiques puis moléculaires, ont abouti aux mêmes résultats. Poussant plus loin leurs recherches, les zoologistes ont mesuré les individus d’une des espèces pendant plusieurs dizaines d’années et ont observé des variations liées au climat. En effet, en période de sécheresse, les plantes à grosses graines survivent mieux que les autres. Les oiseaux à gros bec, capables de consommer ces graines, ont alors été avantagés par rapport à leurs congénères à bec plus petit. L’espèce entière a alors évolué vers des formes à bec plus gros. Les chercheurs ont aussi repéré les gènes mis en cause dans ces changements. Il s’agit notamment d’un gène qui agit sur le développement de la mâchoire de l’oiseau, au cours de sa vie embryonnaire.

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Ce type d’étude, qui relie anatomie et gènes pour comprendre l’évolution d’un groupe, est de plus en plus couramment mise en œuvre dans les laboratoires, qu’il s’agisse d’oiseaux, de mouches ou de poissons. Aujourd’hui, les biologistes qui travaillent dans les domaines de la zoologie, de l’embryologie, de l’écologie, du comportement animal ou de la génétique le font dans un cadre évolutionniste. Pour eux, il ne fait aucun doute que les espèces se sont transformées au cours du temps et qu’à partir des êtres unicellulaires qui peuplaient les océans il y a environ un milliard d’années sont apparues des algues et des petits animaux qui ont peu à peu donné naissance à des espèces de plus en plus diverses. Bien entendu, s’ils n’étudient pas directement l’évolution, cette histoire du vivant n’est pas au centre de leurs préoccupations, mais elle constitue un arrière-fond pour leurs travaux. C’est aussi le cas en médecine, lorsque l’on étudie les maladies génétiques héréditaires ou la résistance des bactéries pathogènes. Cette résistance est d’ailleurs un exemple frappant de sélection naturelle : des souches par hasard résistantes à un antibiotique prennent la place des souches sensibles à ce médicament.

Laboratoire : recherche sur les mutations qui rendent les moustiques résistants aux insecticides

Les mécanismes de l’évolution sont l’objet de recherches de nombreuses équipes de chercheurs, dans le monde entier. Comme pour toute théorie scientifique, ils ne sont pas nécessairement d’accord entre eux : ils émettent des hypothèses, tentent de les vérifier et en réfutent d’autres. De nombreux points restent à éclaircir : s’il est certain que les espèces se transforment et donnent naissance à plusieurs espèces différentes, les mécanismes de cette spéciation semblent divers et ne sont pas tous bien élucidés. Par exemple, les souris domestiques semblent se séparer en plusieurs espèces alors qu’elles vivent au même endroit, par des mécanismes mettant en jeu les chromosomes. La question des rythmes de l’évolution soulève aussi de nombreuses questions : à quelle vitesse les espèces évoluent-elles ? Cette vitesse est-elle constante ? Certaines espèces fossiles semblent ne pas évoluer pendant de longues périodes, puis donner brusquement naissance à une nouvelle espèce, différente, alors que d’autres se modifient graduellement, sans ruptures nettes. Quelle est l’importance relative de chacune de ces modalités d’évolution ? L’adaptation des espèces à leur milieu est aussi une question toujours vivante : quels sont les

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poids respectifs de l’adaptation et de l’héritage génétique de l’espèce dans l’adaptation d’un organe. Par exemple, le fait que certaines espèces de rhinocéros aient une corne ou deux est-il le fruit d’une adaptation spécifique à leurs milieux ou un hasard lié aux modalités de leur développement, mais sans signification adaptative ?

Cependant, cela ne remettra pas en cause l’idée de base que certains de ces humains archaïques sont nos ancêtres ! « Sur la question de l’évolution, le débat n’est pas tranché sur la façon dont Dieu créa la Terre. » (George W. Bush). « Les spécimens de fossiles, vieux de millions d’années, déclarent : «Nous n’avons jamais subi d’évolution; nous avons été créés». » (Harun Yahya). Plus d’un siècle après la mort de Darwin, l’idée que l’homme descend d’un singe reste toujours aussi scandaleuse, du moins dans certains milieux religieux. Les créationnistes s’opposent radicalement à la théorie de l’évolution : ils s’en tiennent à la lettre de la Bible et soutiennent que tous les animaux (et l’homme) ont été créés par un acte divin, sans évolution ultérieure (le créationnisme). Qu’ils soient chrétiens ou musulmans, les fondamentalistes n’ont pas renoncé à combattre l’idée même d’évolution.

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Modèle ancien de l’évolution de l’homme, aujourd’hui abandonné.

Tous ces travaux aboutissent parfois à remettre en cause des idées anciennes, ce qui est tout-à-fait normal dans le domaine de la recherche scientifique. C’est ainsi que les nombreux fossiles d’hominidés trouvés ces dernières années ont rendu obsolète le modèle traditionnel de transformation d’un singe de type australopithèque en Homo sapiens par une évolution simple, en ligne droite. Ce modèle est remplacé par un autre, un « buisson » complexe comprenant de nombreuses espèces d’hommes archaïques, dont on ne sait pas pourquoi une seule a survécu. De même, l’homme de Néandertal est actuellement considéré comme une espèce distincte de la nôtre, les analyses de son ADN semblant montrer qu’il n’y a pas eu d’hybridations entre les néandertaliens et les hommes modernes parvenus par la suite en Europe. Mais ces modèles pourraient dans le futur être réfutés, que ce soit par la découverte de nouveaux fossiles ou par de nouvelles analyses génétiques.

Certains créationnistes ont des notions de zoologie extrêmement floues. Celui-ci confond ainsi les araignées de mer (qui sont des crabes) et les araignées-crabes, ou thomises (qui sont des araignées) ! Photo tirée de l’atlas de la création de Harun Yahya

Le sujet est à ce point sensible que plusieurs présidents américains, notamment Ronald Reagan et les deux Georges Bush, père et fils, ont estimé nécessaire de prendre position, afin que la Bible soit ensei-

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gnée au même titre que la théorie de l’évolution. Mais les tentatives des créationnistes pour obtenir un partage « équitable » du temps d’enseignement entre science et Bible ont été régulièrement rejetées par la Cour Suprême. Les magistrats ont en effet considéré que l’enseignement de la Bible était une affaire strictement religieuse, et que l’exposé de la « théorie » créationniste était donc contraire à la constitution des Etats-Unis. Ce pays n’est pas le seul dans lequel les créationnistes sont actifs. En Pologne, un ministre de l’éducation a récemment pris position contre la théorie de l’évolution. En Turquie, les fondamentalistes musulmans en ont fait un de leurs chevaux de bataille.

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Autre confusion créationniste, entre une «grenouille» (en réalité une rainette), qui est un amphibien sans queue, et une salamandre fossile (amphibien muni d’une queue). Photo tirée de l’atlas de la création de Harun Yahya

Décidés à investir l’enseignement pour propager leurs idées, les créationnistes cherchent aussi, pour convaincre, à se revêtir des habits de la science. Face à un public qui ne connaît pas du tout la biologie, leurs arguments peuvent sembler pertinents. Ils présentent ainsi l’existence de fossiles ressemblant à des animaux actuels comme une preuve de l’absence d’évolution, puisqu’il s’agit pour eux d’animaux qui sont restés inchangés pendant des millions d’années. C’est ainsi qu’ils présentent le coelacanthe, un étrange « poisson » muni de pattes et de poumons qui a été découvert vivant en 1938 alors qu’on croyait ce groupe éteint depuis 60 millions

d’années. En réalité, ce type d’animaux ne pose pas un problème insoluble aux biologistes. Les fossiles ne sont pas plus semblables aux animaux actuels que deux espèces voisines ne le sont aujourd’hui : l’éléphant d’Afrique et l’éléphant d’Asie se ressemblent et sont pourtant deux espèces parfaitement distinctes, ayant évolué différemment. Ces fossiles permettent de débattre des rythmes et des modalités de l’évolution, mais ne remettent aucunement en cause sa réalité. La plupart des créationnistes ne tiennent pas compte de la quasi-totalité des découvertes réalisées depuis un siècle et demi dans le domaine de l’évolution. Ce refus des avancées de la recherche rend évidemment difficile toute discussion, mais l’obstacle le plus important vient du mode de pensée qui fonde ce refus. En effet, à une théorie scientifique, ils opposent leur foi. Science contre croyance, le débat est totalement inutile car les mécanismes même du raisonnement ne sont pas les mêmes : la foi et la méthode scientifique ne sont pas incompatibles (de nombreux chercheurs sont croyants), mais ils ne gagnent rien à être confrontés. Certains créationnistes ont compris que leur discours ne pouvait toucher que des convaincus, tant il est éloigné de la réalité matérielle que nous pouvons observer. Ils se sont résignés à admettre que les animaux se sont transformés au cours du temps, mais attribuent ces transformations à l’intervention directe d’une « Intelligence » supérieure. C’est la position dite Intelligent design (dessin intelligent). Ses partisans américains préfèrent ne pas faire directement référence à Dieu. Ils présentent ainsi leurs idées comme scientifiques et non religieuses afin d’imposer leur enseignement dans les écoles. Pour eux, les structures biologiques sont si complexes qu’elles n’ont pas pu apparaître par hasard, par le seul jeu de la sélection naturelle. L’évolution aurait donc été guidée de l’extérieur selon un plan préétabli. Comme pour les créationnistes, leur discours sort du domaine scientifique puisqu’il est par nature ni démontrable, ni réfutable.

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ran ne reflètent en matière de science que l’état des connaissances à l’époque à laquelle ils ont été écrits, comme le montre leur analyse historique. Science et croyance sont aussi légitimes l’une que l’autre mais explorent des mondes différents, avec des méthodes différentes et des objectifs différents. Si l’on mélange ces deux modes de pensée, ni la science ni la religion n’en sortent grandies. A voir sur Futura-Sciences la galerie de photos spéciale «Evolution».

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Si l’on affirme que l’œil n’a pas pu apparaître par le seul jeu de la sélection naturelle, il s’agit non d’une hypothèse scientifique mais bien au contraire d’une démission de la pensée rationnelle, d’un refus de l’idée même que l’on puisse un jour comprendre les mécanismes en jeu dans l’histoire de la vie. Les scientifiques cherchent à décrire le monde réel et à en comprendre les lois. Les créationnistes et les pseudo-évolutionnistes ne s’intéressent pas particulièrement à l’histoire des animaux et des hommes car l’objet de leurs réflexions est en fait de trouver un sens à notre existence. La science ne peut trouver aucune réponse à ce type de question, pas plus qu’elle ne peut fonder notre morale. Ces questions relèvent de la philosophie, de la religion ou de la politique, mais ne peuvent être traitées par la méthode expérimentale. A l’inverse, aucun texte sacré n’a été conçu comme un traité d’astronomie, de biologie ou de paléontologie. La Bible ou le Co-

«L’homme n’est qu’un ver» : caricature de Darwin parue en 1882

Quelques sites Internet • http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/ accueil.html : Les dossiers sur l’évolution rédigés par des chercheurs du CNRS ; • http://www.isem.cnrs.fr/ : Site de l’institut des sciences de l’évolution de Montpellier, pour un aperçu sur le type de recherches menées par les scientifiques aujourd’hui dans le domaine de l’évolution ;

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• http://www.hominides.com/index.html : Site consacré à l’origine de l’homme ; • http://darwin-online.org.uk/ : Tous les livres de Charles Darwin en accès libre (en anglais) ; • http://tolweb.org/tree/phylogeny.html : Le grand arbre du vivant décrit par des chercheurs (en anglais) ; • http://www.stephenjaygould.org/ : Un site consacré au paléontologue et évolutionniste Stephen J. Gould (en anglais). Sommaire 1. Darwinisme : une théorie bien vivante 2. Théorie, hypothèses et croyances 3. L’évolution selon Darwin 4. Les arguments de Darwin 5. Darwinisme et biologie moléculaire 6. Du côté des laboratoires 7. Les anti-évolutionnistes 8. Pour en savoir plus 9. Quelques livres Voter pour ce dossier

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Le livre de Jean-Baptiste de Panafieu : EVOLUTION

Spectaculaires, mystérieux, élégants ou grotesques, les squelettes des vertébrés qui peuplent au j o u r d ’ h u i la Terre portent en eux les traces d’une évolution de plusieurs milliards d’années. La théorie de l’évo-

lution proposée par Charles Darwin au XIXe siècle a été largement confirmée et enrichie par la découverte des gènes et par les progrès des sciences de la vie, de la paléontologie à l’embryologie, de la botanique à la zoologie. Le propos développé dans ce livre est de rendre compte de cette réalité scientifique en offrant un vaste panorama du monde des vertébrés, le groupe zoologique dont nous faisons nous-mêmes partie. Cette parenté, évidente lorsque l’on observe la structure profonde des animaux, nous aide à comprendre les mécanismes de l’évolution et à en saisir toutes les facettes. Les photographies présentées agissent comme un révélateur. Au-delà de leur beauté formelle, les squelettes nous renvoient sans cesse à notre origine animale et à notre propre histoire.

A voir aussi • Charles Darwin. L’origine des espèces . GFFlammarion, Paris. 1999 • Stephen J. Gould. Darwin et les grandes énigmes de la vie. Seuil, « Point Sciences ». Paris, 1984 • Stephen J. Gould. L’éventail du vivant. Le mythe du progrès. Seuil, Paris. 1997 • Stephen J. Gould. Le pouce du panda. LGF Livre de Poche, Paris. 1986 • Stephen J. Gould. Quand les poules avaient des dents. Seuil, Paris. 1991 • Hervé Le Guyader. L’évolution. Belin, « Pour la science », Paris. 1998 • Guillaume Lecointre et Le Guyader Hervé. Classification phylogénétique du vivant. Belin, Paris. 2006 • Jean-Baptiste de Panafieu et Patrick Gries. Evolution. Xavier Barral-Muséum National d’Histoire Naturelle, 2007 • Jean-Baptiste de Panafieu. Sur les traces de Charles Darwin. Gallimard Jeunesse, 2004 • Patrick Tort. Darwin et la science de l’évolution. Gallimard, « Découvertes », Paris. 2000

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