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Sciences, sectes et religion - 31/01/2003
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atrick Tort vous présente ce dossier : L’intensification de l’activité des sectes n’apparaît aujourd’hui comme une évidence qu’à la faveur de faits divers dramatiques qui traduisent la désadéquation des anciennes formes de l’association sectaire beaucoup plus qu’ils n’incitent à la reconnaissance des versions modernes et intégrées du phénomène.
au processus de formation et au mode initial d’existence et de recrutement, entre la plus petite secte et la plus grande religion. Pour que l’association tienne face à ce dont elle se dissocie, il faut qu’elle réalise en son sein la plus grande conformité possible entre ses membres, unifiés par le devoir de cultiver et de reproduire en eux-mêmes le modèle de la dissociation fondatrice.
L’intensification de l’activité des sectes n’apparaît aujourd’hui comme une évidence qu’à la faveur de faits divers dramatiques qui traduisent la désadéquation des anciennes formes de l’association sectaire beaucoup plus qu’ils n’incitent à la reconnaissance des versions modernes et intégrées du phénomène. La nouveauté propre à la fin du XXe siècle réside en effet dans le brouillage méthodique des signes qui permettaient auparavant de reconnaître le phénomène de secte à son double caractère dissimilatif et clonal (association de copies d’un modèle dissociatif) ( La logique de secte est une logique de clone. Le généticien Philippe Lherminier a développé cette idée dans P. Tort (dir.), Darwinisme et société, Paris, PUF, 1992.)
La réaction récente des démocraties au phénomène sectaire – à cause des violences envers les individus, des abus de pouvoir, des malversations économiques, des manipulations psychologiques, voire des pratiques criminelles mises en œuvre ou encouragées au sein de tels groupements – a déterminé de la part de ces derniers un remaniement sensible des stratégies d’auto-présentation. Ordinairement, une secte recrute en excluant : l’individu recruté s’exclut du monde, et rejette le monde qui n’accepte pas de le rejoindre dans son auto-exclusion, ce qui pour autant n’empêche nullement la secte de vivre par cet extérieur qu’elle rejette, et dont elle a pourtant fondamentalement besoin comme d’une polarité obscure, comme d’un espace à conquérir, comme d’une ressource, d’un réservoir ou d’un vivier. Une secte est une nasse. Une fois l’individu capturé, il sert d’appât pour en attirer d’autres. Le totalitarisme interne, qui exige l’adhésion absolue de chacun à la croyance de la secte et à ce qu’elle commande de pratiques différentes quant à la régulation de la vie individuelle, est l’opérateur constant de la distinction entre la secte et ce dont elle entend significativement se dissocier. Dans la représentation courante, une secte ne saurait tolérer en son sein d’espaces d’autonomie critique ni de remise en cause de ce qui la fonde dans sa volonté affichée de différence. Si l’on peut imaginer une fusion entre groupements proches reconstituant une homogénéité de croyances et de pratiques, il n’a guère été possible jusqu’ici de penser comme vraisemblable la constitution d’une « fédération » incluant des
Dans sa version traditionnelle la seule médiatiquement reconnue et présentée, une secte se caractérise par un enseignement homogène, resserré autour d’une personnalité inspiratrice centrale, source ou relais d’une vérité et d’une règle dont l’acceptation conditionne l’appartenance de chaque membre à la communauté, en même temps qu’elle trace la frontière qui sépare celle-ci du monde extérieur. Suivant un schéma qui a l’âge de la domination politique – donc des religions –, une secte est un ensemble d’assujettis qui s’identifient dans et par une obéissance commune, et à l’intérieur duquel une croyance spirituelle traduite en doctrine et en préceptes de comportement fonde le pouvoir temporel de ses interprètes institués. Il n’y a, hormis le nombre des assujettis, aucune différence, quant
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croyances diverses ou opposées, et pratiquant une politique d’ouverture et de débat.
L’Église en évolution Pourtant, cette évolution caractérise certaines grandes religions, au sein desquelles la durée historique et l’épreuve nécessaire de l’accommodation au progrès des conquêtes rationnelles et sociales ont déterminé un repli des attitudes dogmatiques et une ouverture aux « opinions » issues de la société civile et de la communauté scientifique. L’histoire du christianisme est, dans la période moderne, l’histoire d’une Église qui est conduite, pour maintenir sa puissance et sa crédibilité, d’une part à multiplier ses gestes d’œcuménisme, d’autre part à céder de plus en plus sur le dogme pour s’adapter aux réalités de la science et de ses pouvoirs. L’histoire des remaniements, depuis l’époque classique, de la « théologie naturelle » dont le teilhardisme est l’une des dernières grandes incarnations constitue, de ce second point, l’indéniable témoignage historique.
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La reconnaissance récente par le Vatican de l’évolution darwinienne comme étant « plus qu’une hypothèse » paraît constituer le recul dogmatique le plus significatif des dernières décennies au sein du catholicisme. Peu à peu, l’Église paraît abandonner ses comportements « sectaires ». Bien entendu, il s’agit toujours de sauvegarder l’essentiel, en l’occurrence, l’exceptionnalité de l’Homme et de la conscience morale. L’Église redevient secte lorsqu’elle exclut la reconnaissance de ce qui découle d’une assomption complète des sciences de la vie, soit : la nature biologique et évolutive de la conscience elle-même comme conséquence et partie de l’évolution du vivant. L’acceptation de la science par une religion ou une secte est ainsi, nécessairement, toujours partielle. La part – qui s’amenuise certes, mais peut en manière de compensation s’intensifier par une dramatisation appropriée – de ce qu’elle s’obstine à ne pas accepter permet à l’une
ou l’autre de protéger ce qui fonde son existence et justifie l’influence qu’elle entend conserver. Lorsqu’il accepte l’évolution et rejette le matérialisme ce qui pour un scientifique est méthodologiquement absurde On pourra lire sur ce sujet Y. Quiniou, « Darwin, l’Église, le matérialisme et la morale », dans P. Tort (dir.), Pour Darwin, Paris, PUF, 1997., le Vatican réinstalle dans son rapport à la science une frontière entre reconnaissance et exclusion qui n’a d’autre fonction que d’établir sur une seconde ligne, protégeant ainsi son repli, le principe même d’un infranchissable qui lui assure de perpétuer, là où elles sont primordiales, son action et son emprise en toute tranquillité. Il retisse un peu plus loin l’altérité radicale de la science et de la Révélation. Et il la retisse dogmatiquement, car il sait bien que le matérialisme est à ce niveau un principe méthodologique de la science, et que le seul moyen d’échapper à cette donnée de fait est de continuer à faire semblant de croire qu’il est une philosophie donc qu’il appartient au registre d’une doctrine subjective, d’ailleurs discréditée par les connotations péjoratives du terme dans ses emplois vulgarisés. Crise du dogme, certes. Repli quant à la lettre, sans aucun doute. Ouverture aux idées de la science, c’est selon. Baisse de la capacité de condamnation des propositions hérétiques, inévitablement. Modernisme sous contrainte, c’est clair. Mais parfaite réaction sophistique cependant, et préservation authentique d’une sphère de pouvoir qui, au lieu de se rétrécir, paraît aujourd’hui se régénérer autour d’un dernier, mais primordial enjeu : l’Homme comme sujet de la conscience, bien sûr. Le « principe anthropique » l’Univers centré sur l’Homme et le finalisme anthropogénétique l’Évolution orientée vers l’Homme de quelques illuminés coïncide à merveille avec les contraintes politicodiscursives actuelles de l’Église. Parallèlement, la modernisation des courants mystiques de moindre ampleur devient lisible dans le
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mouvement de renaissance spirituelle que favorise le surinvestissement symbolique lié à la coïncidence entre fin de siècle et fin de millénaire. L’échec proclamé des rationalités « matérialistes » qui sont censées régler le développement des sociétés porte à répéter comme une chose entendue la prophétie décadente de Malraux sur le XXIe siècle, qui devra fatalement être « spirituel » ou ne pas être. En même temps, le nouveau prosélytisme mystique, devenu conscient du danger de marginalisation lié à ses anciennes pratiques, pousse à l’abandon de la forme-secte comme en politique on a pu tendre vers l’abandon apparent de la forme-parti et à un pluralisme qui n’exclut nullement – ne faisant que le dissimuler – l’accord puissamment unificateur sur un noyau irréductible ou très faiblement variable, qui est, sur fond d’exaltation romantique autour d’une science porteuse de « rêve », le rejet du matérialisme « étroit ».
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En fait, l’effort d’assez nombreux mouvements sectaires modernisés est d’investir le champ des disciplines scientifiques pour y inscrire de l’intérieur la dérive de la quête spirituelle. Il s’agit toujours de contrôler la science but constant de la théologie naturelle, mais cette fois en gommant l’affrontement avec son matérialisme inhérent, et en la contaminant depuis l’intérieur de la communauté scientifique par la sollicitation permanente de ce qui, dans le sujet de la pratique scientifique, est en même temps sujet de l’idéologie, de la politique, de la philosophie, de la croyance, du rêve, etc. L’amalgame des déterminations cohabitantes dans la conscience du chercheur permet à la nouvelle pensée sectaire de s’adresser à ce sujet global, tensionnel et contradictoire, mais professionnellement déterminé comme scientifique, pour le convier à faire précéder toute spéculation extra-scientifique de sa qualité de savant. Les médias ont cultivé cette coutume sous le prétexte d’intéresser le « public » en « humanisant » le traitement des questions
jugées trop théoriques ou trop abstraites. En réalité, la livraison au public du « rêve » subjectif de tel ou tel scientifique a dramatiquement remplacé aujourd’hui l’information directe du public sur les positivités réelles des sciences, ce qui constitue, sans que les plus concernés aient évidemment l’idée ou le pouvoir de s’en plaindre, une atteinte des plus graves au droit démocratique d’accéder à la culture et au savoir. C’est ainsi que certains chercheurs réellement éminents ou simplement bien médiatisés dans un domaine de la science ‘citons pêle-mêle, en laissant à chacun la liberté d’assigner les personnes en question à l’une ou à l’autre de ces catégories, Ilya Prigogine, Hubert Reeves, Edgar Morin, etc., flattés d’être considérés, sur la foi de quelques réussites sectorielles, comme capables de s’exprimer sur tous sujets avec le même bonheur, ont prêté leur nom et une part de leur prestige à des tentatives qui rassemblaient autour d’eux, suivant la technique éprouvée de la crédibilisation par contact, différentes composantes regroupées de mouvements mystiques et spiritualistes dont la provenance directe laisse pensif. Un regroupement de ce type s’intitule, dans la période récente, Université Interdisciplinaire de Paris (UIP). Son animateur principal, un personnage au profil très adaptable nommé Jean Staune, ancien étudiant en sciences politiques, s’est signalé par la publication dans le Figaro-Magazine, en octobre 1991, d’un dossier particulièrement inepte intitulé « L’évolution condamne Darwin », dans lequel apparaissaient déjà quelques idées-forces de la future organisation, qui fera de l’anti-darwinisme sommaire un motif dominant de sa stratégie. On notera qu’avec ce dossier, le Figaro-Magazine passait sans transition d’une défense militante de la sociobiologie (présentée pendant des années, d’une manière gravement falsificatrice, comme un ultra-darwinisme) à celle de positions absolument opposées, en syntonie parfaite avec les mouvements d’opinion
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qui, sur ce sujet, divisaient l’Amérique de Reagan. Ce tissu de contre-vérités était tel que les spécialistes de biologie de l’évolution qui eurent vent de ce forfait étaient partagés entre le désir de réagir et la tentation plus confortable de hausser les épaules en songeant que telle serait évidemment la réaction de la communauté scientifique compétente. Mais la stratégie de fond leur échappait. L’instigateur de ce dossier savait parfaitement que telle serait cette réaction, et il y a toujours paré, depuis comme alors, en affichant la présence, parfois sans lendemain, mais parfois insistante, de tel ou tel prix Nobel la discipline importe peu, humaniste attristé par le « désenchantement du monde », ou de tel ludion médiatique gagné par le grand vertige des espaces infinis – affichage propre à lui servir ensuite grâce à l’inévitable piège de la « photo de famille », sur laquelle il n’oublie jamais de figurer de caution ineffaçable auprès du véritable destinataire, le « public », trop souvent négligé avec mépris par le haussement d’épaules des véritables « spécialistes » du domaine concerné. En fait, tout commence avec une association nommée UPP « Université Populaire de Paris », titre doublement usurpé , créée à la fin des années 70, et qui organise des cycles de conférences sur le but de l’Univers, le Karma, Dieu, le « Nouvel Âge » (annoncé par un certain Peter Roche de Coppens, un Américain de Pennsylvanie), l’anthroposophie, la Kabbale, la Bible, les mystères, la sophrologie, la méditation, les rites sacrés, la supra-conscience, la réincarnation. Cette curieuse association s’est dotée d’une « chaire Rudolf Steiner » le fondateur autrichien de l’« anthroposophie », dont le programme mystique de spiritualisation de l’Univers est littéralement recopié et d’une « chaire Teilhard de Chardin ». On y découvre également un intérêt pour l’accompagnement du mourant, trace de la mainmise du mouvement New Age sur les soins palliatifs, et des liens plus ou moins organiques avec Patrice Van Eersel, chantre de la « Source noire » et de la vie après la mort, et rédacteur en chef de la revue Nouvelles clés.
L’association loue des amphithéâtres en Sorbonne, et organise en 1987 une visite payante à l’Unesco, qui abrite aujourd’hui encore les manifestations de l’UIP, laquelle ne néglige rien pour faire apparaître, sur la couverture des brochures annonçant les colloques qu’elle organise récemment en compagnie de l’étrange « Club de Budapest », présidé par Ervin Lazslo, les noms des plus hauts responsables de l’Organisation internationale. Le choix préférentiel des locaux prestigieux de la République comme le Sénat ou des institutions internationales continuera à caractériser la stratégie de l’organisation lorsque celle-ci aura changé de nom et de faciès. La composante à peu près exclusivement mystique des programmes de l’UPP désigne le caractère du mouvement avec une clarté qui en écarte naturellement tout intellectuel sérieux, mais voici que Jean Staune, conscient du « manque de discernement » d’une telle présentation, entreprend de la rénover en tant que directeur du programme de sa nouvelle mouture, l’UEP ‘« Université Européenne de Paris », qui sous sa conduite réaliste (vers 1989) comprend qu’il faut aujourd’hui, modernisation oblige, « rationaliser la quête du sens », devenir « crédible », et pour cela recruter des scientifiques. Quelque temps après, une branche de l’UEP se spécialise dans les secteurs liés à l’environnement et devient « Environnement sans frontière » (ESF), que l’on retrouve au sein des activités du « Salon Marjolaine », où se côtoient les étalages de produits naturels et les stands d’ésotérisme. L’UIP est créée en 1995 – pour des raisons que l’on comprend mal, car rien apparemment ne la distingue de l’association antérieure – afin de rassembler tous ceux (« adhérents, personnalités scientifiques, décideurs du public et du privé ») qui adhèrent au projet, suffisamment flou pour être fédérateur, de la « nouvelle vision du monde » que Staune entend combiner avec la « rationalité scientifique ». L’Oréal et Auchan ainsi que Nature et Découvertes seront parmi les partenaires financiers du « Nouveau Paradigme ». Y figureront aussi Synthélabo, France-Télécom et AirFrance. EDF, un moment circonvenu, supprimera
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son mécénat à la suite d’une intervention explicative de ses personnels.
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Il est intéressant de noter au passage le troublant parallélisme entre la démarche de Staune et la situation qui règne aux Etats-Unis, où le vieux créationnisme fondamentaliste cède de plus en plus le terrain à un « créationnisme scientifique » qui confie la défense de ses thèses à des porteurs institutionnellement crédibles... : « Vendez de la science... Qui peut objecter à l’enseignement de plus de science ? ... N’utilisez pas le mot créationnisme. Parlez uniquement de science. Expliquez que retenir de l’information scientifique contredisant l’évolution revient à de la censure et s’apparente à un dogme religieux. Utilisez le mot « censure » comme quelqu’un qui s’élève contre toute censure à l’égard de la science. Vous êtes pour la science... » Extrait de recommandations publiées dans un journal créationniste, cité par J.-L. Hiblot dans Pour Darwin, p. 827.. Le Diable quant à lui porte toujours le même nom, celui de Darwin, et toutes les « autorités » les plus fantasques seront mobilisées pour caricaturer, dans son premier fondateur comme dans ses représentants actuels, une théorie qui a triomphé aujourd’hui des tentatives de réfutation les plus sophistiquées Voir P. Tort (dir.), Pour Darwin, ouv. cit. Le pari de l’organisateur de l’UIP repose sur une déclaration tapageuse de rupture avec ce qui constituait l’essence de ce qu’il a repris en mains pour en transformer l’image. L’UIP ne se présente évidemment pas comme une secte, mais au contraire comme « le meilleur rempart contre l’action des sectes et des charlatans ». Sans doute suivant le principe de la vaccine. Les sectaires, ce sont les autres, les « rationalistes bornés », les « scientistes », les « réductionnistes », ceux qui n’aiment pas le mélange des genres, et qu’effraient les idées nouvelles. Même petit stratagème chez l’amoureux de parapsychologie Rémy Chauvin (membre du Conseil scientifique de l’UIP, aux côtés de Michael Denton, Bernard d’Espagnat, Olivier Costa de Beauregard, Trinh Xuan Thuan – vice-président – , Jean-François Lambert – Président – , Gérard Lucotte, et de plus jeunes mais
non moins actifs, comme Gilles-Éric Séralini), Rémy Chauvin qui parle, dans des ouvrages dont chacun peut évaluer la teneur, de la « secte des rationalistes ». Cette mécanique du retournement (sectaire toimême !), du fait peut-être de son parfait infantilisme rhétorique, n’a pas encore totalement compromis ses chances de succès. Mais, sous les protestations indignées et les invectives, la contamination du discours sur la science destiné aux non-savants par la mystique religieuse (catholique, protestante, orthodoxe, juive ou islamique – cette dernière avec Abd Al Haqq Guiderdoni, astrophysicien animateur de « Connaître l’Islam » sur France 2) demeure l’axe principal d’une activité permanente et construite. On voit enfin apparaître avec régularité, au sein des programmes de l’UIP, le nom de Michel Cazenave, journaliste à France-Culture. L’œcuménisme extrême s’enveloppe ainsi d’une grande parade démocratique. Staune se rend auprès de ses adversaires, les invite à débattre. Si, conscients de la manœuvre, ils refusent, il les calomnie. S’ils acceptent, il les compromet sur une « photo de famille » et sur une brochure de présentation. La même tactique d’accueil contaminant fut employée par Alain de Benoist, l’un des chefs de file de la « Nouvelle Droite », lors du lancement de sa revue Krisis, à laquelle collaborèrent un bon nombre d’universitaires de gauche qui crurent peutêtre à sa sincérité, ou pensèrent pouvoir le mettre en difficulté sur son propre terrain. Vieilles recettes politiques, donc. Mais qui doivent leur efficacité non seulement à des compromissions individuelles et médiatiques, mais aussi au mépris mandarinal éprouvé envers le grand public et la « vulgarisation » par un trop grand nombre de représentants institutionnels des disciplines scientifiques, assujettis au seul respect de leurs « pairs », et qui n’ont pas assez réfléchi sur le précédent américain : c’est, un jour, le « public » désinstruit et manipulé qui fera voter des lois pour interdire l’enseignement d’une théorie scientifique, ou lui imposer une parité avec les mythes régénérés d’une
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Église ou d’une secte. Mieux vaut donc aujourd’hui prévenir qu’avoir demain à se résigner.
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