Digitalarti Mag #13 (Français)

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#13 Le Magazine International de l'Art Numérique et de l’Innovation

www.digitalarti.com

JEFFREY SHAW

avril-mai-juin 2013 - 6 € / 8 $ US

d i g i t a l a r t i # 13

CINÉMA ÉLARGI ET INTERACTIVITÉ

L'ATELIER ARTS/SCIENCES - CEA ART CINÉTIQUE FUTUROTEXTILES NORBERT HILLAIRE - PHOTOMOBILES WOLF LIESER - DIGITAL ART MUSEUM LA MACHINE Â RÊVES DE LEONARDO DA VINCI LES NOUVELLES FRONTIÈRES DU MAPPING ARTS, TECHNOLOGIES ET ÉVÈNEMENTS GUIDE ART NUMÉRIQUE



AVRIL/MAI/JUIN 2013 Robert Lepage / Ex Machina, Fragmentation (ReACTOR), 2011. © D.R.

SOMMAIRE 03 EDITO 04 DIGITALARTI.COM infos, blogs et liens

05 ART-LAB résidences, workshops et événements

#13 EDITO

FRONTIÈRES INTERACTIVES NOUVELLES FRONTIÈRES

06 NEW YORK expositions, lieux et initiatives

07 CHRONIQUES Ariel Kyrou, Pierre Carniaux & Thierry Fournier

08 NICOLAS CLAUSS & JEAN-JACQUES BIRGÉ La machine à rêves de Leonardo da Vinci

10 L'ATELIER ARTS/SCIENCES - CEA un laboratoire de recherche et d'expérimentation

12 FUTUROTEXTILES design, mode et innovation

14 ART CINÉTIQUE Galerie Denise René

16 JEFFREY SHAW cinéma élargi et interactivité

20 NORBERT HILLAIRE Photomobiles

24 WOLF LIESER Digital Art Museum

26 SUNDANCE FESTIVAL les nouvelles frontières du mapping

28 TRANSMEDIALE arts, technologies et événements

31 RESSOURCE Droit d’inventaire

32 AGENDA expositions, festivals…

Les artistes contemporains qui travaillent en alliant l’art et la science explorent un nouveau monde, un "monde de paquet" selon l’expression d’Albertine Meunier, déterminé par de nouvelles unités de mesure: comment mesurer la vitesse de l’Internet? Comment ces paquets de données transforment-il notre vie quotidienne, entre connexion et déconnexion, micro-actions et actions collectives? Dans ce numéro, deux pionniers de l’art numérique nous livrent leurs réflexions sur la convergence entre art et science qui délimite de nouveaux horizons de création: Jeffrey Shaw, avec ses dispositifs de «Future Cinema» ou sa dernière œuvre interactive conçue avec Sinan Goo: "Fall Again, Fall Better" (titrée selon la formule de Samuel Beckett). Norbert Hillaire nous livre ici ses notes de travail, ses "photomobiles", série réalisée avec son iPhone qui joue d’un "rapport entre temps extatique et arrêté, et un temps des flux, de la mobilité et du mouvement perpétuels, d’un rapport entre lenteur et vitesse". Au sommaire également, une interview de Wolf Lieser du Digital Art Museum de Berlin, précurseur de l’intégration des œuvres numériques dans le marché de l’art, le compte-rendu de la Transmediale et le CTM Festival, événements qui se focalisent sur les recherches ou pratiques entre arts et technologies, la visite guidée de l’atelier Arts-Sciences à Grenoble… "New Frontier" c’est aussi l’intitulé de la programmation du Sundance festival consacrée à l’art numérique, aux expériences immersives, au mapping…, et ce pourrait être le sous- titre de l’exposition Futurotextiles consacrée aux applications et aux vêtements intelligents. Géolocalisation: Digitalarti inaugure en avril un site Internet bilingue pour mettre en valeur le réseau des structures françaises dédiées à la création numérique et au multimédia, réalisé à partir du Guide des Ressources et des Lieux publié par MCD avec le soutien de la Direction générale de la création artistique (Ministère de la culture et de la communication: www.guideartnumerique.fr Une nouvelle cartographie à découvrir…

33 DIGITALARTI rendez-vous, infos…

ANNE-CÉCILE WORMS

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DIGITALARTI NEWS

DIGITALARTI.COM Dernières news de la communauté Informations, blogs, liens et news à retrouver sur le site la chaîne de l'Art numérique. Reportages, interviews, Art video, teasers… Découvrez l’installation monumentale FLUX de Stéphane Perraud à la Gare de l’Est à Paris. Dans la lignée de Lueur — une précédente création présentée lors de la Nuit Blanche 2008 — Stéfane Perraud poursuit sa représentation symbolique des cycles de vie, des flux démographiques et urbains : en montrant aux voyageurs une cartographie des flux de la gare de l'est, j'essaie de mettre en relation à la fois les passagers entre eux — en proposant une conscience collective des déplacements — et de poétiser cette cartographie par un symbole très simple : un point lumineux/un homme, une femme. La vidéo a été réalisée par Bijan Anquetil.

< www.digitalarti.com/fr/blog/digitalarti_services/flux_installation_monumentale_de_st_fane_perraud_dans_la_gare_de_lest >

Focus

Focus

FESTIVAL EXIT

FESTIVAL GAMERZ

Témoin de la création contemporaine, la Maison des Arts et de la Culture de Créteil est un lieu de production et de diffusion pluridisciplinaire et généraliste. Elle présente largement les œuvres de référence, soutient et favorise les formes exploratoires en art, particulièrement les collaborations artistiques hybrides. À ce titre, à Créteil, une troisième salle, le Satellite, permet d’accompagner de jeunes artistes dans leur travail d’exploration sur des formes artistiques largement diffusées lors du festival EXIT, une manifestation portée par la volonté de relier spectacle vivant et arts numérique.

Consacré au jeu et au détournement dans la création contemporaine, Gamerz réunit chaque année à Aix-enProvence des artistes, des chercheurs, des professionnels de la création, français et étrangers. Issus de différents réseaux européens, les artistes se joignent au festival pour partager leurs pratiques et leurs réflexions. Expositions, performances, workshops, conférences et rencontres professionnelles alimenteront une programmation riche, novatrice et ludique à la frontière des arts et des nouvelles technologies.

< www.digitalarti.com/fr/blog/exit >

< www.digitalarti.com/fr/blog/gamerz >

Agenda Extension, croisements sonores du 2 au 29 mai Incontournable pour les curieux des arts sonores contemporains, Extension a lieu du 2 au 29 mai en Île de France. Il est porté par la Muse en Circuit, centre national de création musicale créé autour de Luc Ferrari en 1982, et dirigé depuis 1999 par David Jisse qui signe cette année avec émotion sa dernière programmation. Lire la suite… < www.digitalarti.com/m13_1 >

Videoformes du 20 mars au 7 avril Pour sa 28ème édition, Videoformes se déploie dans Clermont-Ferrand du 20 mars au 7 avril. Le festival s'ouvre sur la traditionnelle remise des prix de la création Videoformes, qui récompense des vidéos inscrites dans une recherche artistique. Lire la suite… < www.digitalarti.com/m13_2 >

d'un futur distant qui examineraient une collection d'objets de notre époque, et au milieu duquel il y aurait une section "Antonin Fourneau" (ou plutôt du genre "EUFRCG-2013-09- AF"), que dirait notre équipe ? Que feraient-ils de tout cela ? Lire la suite… < www.digitalarti.com/m13_3 >

La fiancée du Tigre, tournée Amérique Centrale L’énergie des contacts physiques entre les deux danseurs induisent musique et lumière en temps réel. Lire la suite… < www.digitalarti.com/m13_4 >

Festivals, Centres d’Art Visages du monde

Antonin Fourneau / Interfaces, pop-culture et hybridations frénétiques

La ville de Cergy se dote d'un nouvel équipement culturel qui réunit mairie, médiathèque, locaux associatifs, maison de quartier, salle de spectacle, espace multimédia, salle de danse et lieux de rencontres artistiques. La programmation de Visages du Monde est particulièrement tournée vers la danse, les arts urbains et numériques.Lire la suite…

(…) Si on se met dans la peau d'archéologues

< www.digitalarti.com/m13_5 >

Artistes

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Photos du Festival Gamerz 08 Retrouvez les images de la dernière édition du festival Gamerz. Lire la suite…

< www.digitalarti.com/m13_6 >

Innovation Le 1er épisode des" Hello World !" sur Processing Après la sortie de quelques teasers assez inspirés, nous étions impatients de découvrir la série de documentaires Hello World ! (en anglais, réalisée par l'Ultra-Lab) sur les langages de programmation créatifs, comme Processing ou encore openFrameworks. Lire la suite…

< www.digitalarti.com/m13_7 >

MYO, détecteur de la force, qui est avec vous Myo est un simple bracelet à porter entre le poignet et le coude. Plusieurs capteurs se logent dans sa structure, ainsi qu'une alimentation et un transmetteur Bluetooth. Lire la suite…

< www.digitalarti.com/m13_8 >


DIGITALARTI ARTLAB

by

Dernières news du Artlab Focus Si le Artlab concentre de nombreuses ressources techniques, sa valeur vient des personnes qui le composent, des visiteurs qui le renforcent et des échanges riches se créant entre tous ses contributeurs. Cette synergie des compétences et des imaginaires permet au Artlab d’être un foyer de créativité et de recherche. Petit tour d'horizon de ce que cette émulation humaine rend possible. < www.digitalarti.com/fr/blog/artlab/que_fait_on_au_artlab_en_ce_moment >

Recherche

Projet

Workshop

Exposition

RASPBERRY SUSHI

LES CRÉATIONS POUR ESCALIERS DU ARTLAB

WORKSHOP AU ARTLAB POUR LES ÉTUDIANTS DE PARIS 8

EXPOSITION "MELODIANE" AU ARTLAB

Le Artlab est aussi un lieu de recherche et développement. Notre attention est actuellement tournée vers l'ordinateur monocarte open source Raspberry Pi (lien wikipédia). Tous les mois, nous avons le plaisir d'accueillir plusieurs développeurs expérimentés pour des sessions Raspberry Sushi : durant toute une après-midi et une soirée, le matériel du Artlab est mis à leur disposition pour essayer, tester, chercher de nouvelles applications au Raspberry Pi puis développer les fruits des premiers essais concluants. Lire la suite…

< www.digitalarti.com/artlab13_1 >

Après Hall effect de Jason Cook qui illumine de différentes couleurs la montée de chaque personne dans l’escalier, l’imagination des résidents du Artlab se déchaine autour de cet espace commun. Grâce à un transmetteur radio, les informations de passage sont transmises à un serveur qui permet de les utiliser pour connecter différents dispositifs. Lire la suite…

< www.digitalarti.com/artlab13_2 >

Du 15 au 18 janvier, Antonin Fourneau (résident au Artlab) animait un workshop pour un groupe de 6 étudiants de Paris 8 au Artlab de Digitalarti. Il était assisté par Alexandre Saunier, technicien permanent du Artlab. Plus qu'un simple workshop, ces quelques jours étaient une préparation en vue du 13ème Eniarof (8 et 9 novembre 2013 à Aix-en-Provence), le projet de fête foraine numérique développé par Antonin. C'était également l'occasion d'inaugurer la toute nouvelle salle de workshop. Lire la suite…

Depuis fin novembre, Nicolas de Melodiane expose à l'entrée du Artlab trois œuvres de son projet Melodiane. Melodiane est un projet de société future utopique. Dans ce travail de long terme, Nicolas imagine, dessine et écrit pour décrire la vie de 900, cette cité sphérique évoluant dans les nuages et qui renferme une civilisation entière. Architecte d'un rêve précis, organisé et détaillé, il se penche à la fois sur le système d'éducation, les instances juridiques ou encore l'agriculture des habitants de 900, les Mélodiens. Lire la suite…

< www.digitalarti.com/artlab13_4 >

< www.digitalarti.com/artlab13_3 >

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IN SITU NEW YORK

DES JEUX CONSERVÉS À L’ART AUGMENTÉ © PHOTO D.R.

Entre le très renommé Museum of Modern Art (MoMA) à Midtown Manhattan et une minuscule galerie à Williamsburg, Brooklyn, l’art numérique casse les murs — physiques, virtuels, institutionnels et technocratiques… et ce, bien au-delà de New York.

dée par des artistes/musiciens et dédiée aux interactions entre art, science, design et nouvelles technologies, Mark Skwarek a ouvert son exposition personnelle et rétrospective AR Intervention. AR comme "Réalité Augmentée", "Intervention" comme la quinzaine de juxtapositions scénographiées par l’artiste utilisant cette technologie en guise d’actions activistes. Ainsi, on retrouve accrochées aux murs comme des tableaux des captures d’écran prises d’un smartphone ou tablette où l’on voit des images numériques superposées à la scène réelle vue par la caméra de l’appareil, positionnées et affichées grâce à la géolocalisation. Ce sont ces visions de la réalité “augmentée” par ces images en contrepoint qui cherchent la provocation : une vue aérienne de la foire Art Basel Miami 2012 inondée ; le corps d’un employé de Foxconn suicidé par terre à l’intérieur d’un Apple Store à Manhattan ; des enfants de minorités ethniques dansant sur les îlots de Small World à Disneyland ; des avatars manifestant pour Occupy Wall Street devant la bourse de New York, à Shanghai et à Tokyo ; la Statue de la Liberté, le mur séparant Israël de la Palestine, toutes les traces de la Zone Démilitarisée (DMZ) séparant les deux Corées… effacées.

AR Intervention @ Devotion Gallery. Le 2 mars 2013, le fameux MoMA a ouvert une exposition inédite qui inaugure le premier aperçu public de sa collection en herbe de jeux vidéo. Façon de dire que le statut artistique de ces œuvres ludiques est une évidence. Intitulée Applied Design, l’exposition propose de contempler, sinon de jouer, 14 jeux classiques (entre autres objets d’art physiques et œuvres numériques) distingués pour leur exceptionnel “design d’interaction”. Le design donc, et pas seulement graphique. Il s’agit du code utilisé comme matière première pour sculpter une expérience, peindre des comportements, définir l’interaction entre le joueur et l’univers du jeu. On parlerait de la qualité de cette interaction numérique comme on parlerait de la synthèse entre le fond et la forme d’une œuvre physique. Ce premier choix sans nostalgie de 14 jeux à l’honneur au vernissage fait désormais partie de la collection permanente du département d’architecture et design, une sélection qui devrait s’élargir à une quarantaine de jeux dans les années à venir. Incrustés dans les murs noirs, les jeux sont exposés de manière relativement sobre, soit accompagnés d’un contrôleur/casque, soit en version démo. Ainsi, on peut s’amuser à jouer à Passage pendant cinq minutes colorées, musicales

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et émouvantes, puis se plonger dans la vidéo démonstrative muette de Dwarf Fortress tout en ASCII RVB. Parmi d’autres merveilles, on retrouve Vib-Ribbon, l’un des premiers jeux japonais propulsés par la musique, et les incontournables PacMan et Tetris (version originale en ASCII) des années 1980, tout à fait jouables. Histoire de mettre en valeur la pertinence historique et culturelle de ces jeux, il est intéressant de les (re)découvrir parmi d’autres artefacts de “design appliqué”, qu’il s’agisse d’une carte dynamique de vols aériens, de chaises imprimées en 3D ou d’un détonateur éolien biodégradable muni de GPS. Dans un paysage institutionnel où les jeux vidéo ont souvent du mal à trouver leur place entre œuvre d’art interactif et exploit techno-ludique, le MoMA les recadre dans un contexte de culture générale. Mais si ce musée d’art moderne respecté dans le monde entier ouvre effectivement la porte à cette avalanche d’art des jeux vidéo (selon Paola Antonelli, commissaire de l’expo), elle pose aussi la problématique très sérieuse de la conservation muséale d’œuvres numériques interactives. En même temps dans la petite Devotion Gallery de Williamsburg à Brooklyn, fon-

Mais le vrai vernissage AR est celui de l’application creatAR, réalisée par Skwarek et son équipe, qui permet à n’importe quel technophobe de faire apparaître et de positionner une image de son choix en réalité augmentée. Il suffit de télécharger l’appli sur son smartphone ou tablette, puis de saisir un nom de fichier (ou un mot à rechercher dans la base de données) pour appeler l’image désirée; ensuite on peut soit saisir une adresse physique exacte, soit voir l’objet virtuel se télécharger sur place, et le déplacer à volonté, dans l’écran de son appareil mobile. Et voilà les fantômes de Code source, le roman de William Gibson, d’autant plus accessibles au grand public. Réalité augmentée : techno-gimmick ou terrain artistique ? On se rappelle que dès 2010, les artistes Mark Skwarek et Sander Veenhof n’ont pas attendu l’invitation du MoMA pour y exposer leurs œuvres invisibles. Car la toute première intervention, We AR in MoMA, qui s’emparait des coordonnées GPS des galeries du musée, ouvrait grandes les portes à une avalanche d’art dit augmenté. CHERISE FONG

+ D’INFO :

Applied Design, exposition au MoMA, New York, jusqu’au 31 janvier 2014 < www.moma.org/applieddesign > creatAR < http://creatarapp.blogspot.fr > Devotion Gallery < http://areyoudevoted.com > Mark Skwarek < www.markskwarek.com >


CHRONIQUES LIVRES - DVD

LAST ROOM / DÉPLI Dans Buzz, Frank Roze attirait notre attention sur l'industrie du divertissement qui développe de plus en plus des projets protéiformes et multimédias [cf. Digitalarti mag #12]. Cette tendance à la déclinaison sur plusieurs plans semble (enfin ?) contaminer la création artistique "pure". Preuve en est, en un sens, avec Last Room / Dépli. Un coffret (DVD + Appli + Livre) qui réunit Pierre Carniaux et Thierry Fournier. À l'origine de ce "tryptique" : Last Room, un film de Pierre Carniaux qui fut présenté en avant-première au FIDMarseille 2011. C'est un documentaire tourné au Japon sur ces minuscules espaces proposés par des hôtels, qui n'en ont que le nom, aux salarymen et autres citadins en perdition dans les mégapoles tentaculaires. Ces "hôtels capsules" mettent ainsi à la disposition de leur client quelques mètres carrés qui tiennent plus du sarcophage que de la suite, avec néanmoins tout le confort aux normes nippones (télé, accès internet, bain…).

Avec une image presque voilée, un peu trouble et troublante, Pierre Carniaux filme donc les occupants de ces tanières high-tech. Ils y racontent leur histoire ou des histoires… Mais plus que des portraits, c'est avant tout des corps, habillés ou dénudés, que Pierre Carniaux saisit dans ces instantanés. Thierry Fournier — que nous avions interviewé pour son projet scénique interactif Seul Richard d'après Shakespeare [cf. Digitalarti mag #5] — propose en parallèle une version presque modulable à l'infini de ce film "néo-réaliste". Intitulé Dépli, cette proposition "miroir" repose sur une application pour iPad. Les plans et les rushs du films sont "dépliés", mis à disposition du "spectateur 2.0" qui est invité à recomposer une trame cinématographique en "mixant" les séquences, leur défilement, leur agencement, etc. Co-édité par Shellac & Pandore en coffret, qui offre à la fois le DVD du film de Pierre Carniaux et un lien de téléchargement ainsi qu'un numéro de série pour accéder à l'application de Thiery Fournier, cet ovni (objet visuel non identifié) est aussi "fixé" sur papier. Un livre qui offre des captures d'écran et photos de projections, des images en situation de l'iPad, des informations complémentaires sur la démarche des artistes et, surtout, des textes signés Jean-Pierre Rehm (directeur du FIDMarseille), Philippe Avril (producteur), Anne-Lou Vicente (critique d'art, commissaire d'expo et co-directrice de la revue VOLUME), Nicolas Feodoroff (critique d'art, programmateur au FIDMarseille).

Pierre Car niaux / Thierry Fournier, Last Room / Dépli (Coffret : DVD + œuvre pour iPad + Livre), Shellac & Pandore. < www.shellac-altern.org >

RÉVOLUTIONS DU NET L'accroche de la 4éme de couv' du livre d'Ariel Kyrou sur la génération et les révolutions made in Internet est particulièrement significative : Cours, avatar, le vieux monde est derrière toi ! En "remixant" le fameux slogan de Mai 68, Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi ! — par ailleurs également le titre d'un des meilleur ouvrage écrit à chaud par JeanLouis Brau sur cette année de tous les possibles… —, il nous fait mesurer mieux que n'importe qu'elle étude universitaire à quel point nous avons changé de monde. Un "changement dans la continuité" toutefois puisque que les racines de la contestation demeurent les mêmes (contre l'autorité, les lois du

marché, etc.). C'est bien évidement le mode d'expression et de diffusion qui diffère. Mais le vieux monde est toujours agissant. Variante : son cadavre bouge encore. En témoigne la spirale sans fin de la problématique "droit d'auteur versus droit à la copie" (ou au partage, selon le point de vue…), neutralité du Net, etc. C'est sur cette guerre des mondes qu'Ariel Kyrou ouvre son ouvrage. Bien que cet antagonisme ne se résume pas à un affrontement bipolaire, que de nombreuses nuances de gris soient perceptibles dans cette recomposition qui dessine aussi un nouvel individu. Un individu doué d'ubiquité et qui a la connaissance universelle à la portée de son écran ; comme l'observe avec ravissement Michel Serres dans Petite Poucette [cf. Digitalarti mag #10]. Référence récurrente pour comprendre cet individu et son imaginaire qui se perd dans le virtuel. Pour comprendre également les nouvelles formes de pouvoir et de contre-pouvoir (blogueurs influents, anonymous, etc.) qui accouchent finalement et malheureusement de révoltes aussi désincarnées (au sens strict) que désenchantées, comparées à celles de nos aînés…

Ariel Kyrou, Révolutions Du Net : ces anonymes qui changent le monde éditions Inculte / essais. < www.inculte.fr > digitalarti #13 - 07


ART NUMÉRIQUE CRÉATION

PALETTE SONORE En marge de l'exposition "Léonard de Vinci, projets, dessins, machines" à la Cité des Sciences et de l'Industrie à Paris, l'équipe des Éditions et du Transmédia a développé une application à visée contemplative. Si le peintre italien mêlait science et créativité, l'application "La machine à rêves de Leonardo da Vinci" compose un tableau visuel et sonore, numérique et interactif, autour de son univers visionnaire. Que ferait Léonard de Vinci muni d'un iPad ? Si l'on se prend à rêver de l'utilisation numérique d'artiste visionnaire aussi inventif que ce peintre italien, pourquoi ne pas faire écho à son voyage créatif en utilisant ces nouveaux outils ouvrant toujours plus les possibilités numériques. Initiée par la Cité des sciences et de l’industrie, conçue par Nicolas Clauss, créa-

teur d’œuvres interactives, Jean-Jacques Birgé, compositeur, et avec la participation notoire de Vincent Ségal (Bumcello) à l’arbalète et au violoncelle, l’application La machine à rêves de Leonardo da Vinci répond à l’exposition in situ : Léonard de Vinci, projets, dessins, machines, mais cela sans visée pédagogique. Yves de Ponsay chef de projet de l’application à la Cité des sciences explique : cette application s'inscrit dans une démarche stratégique construite, cherchant à utiliser au mieux les nouvelles écritures, avec entre autres objectifs : toucher de nouveaux publics via une médiation numérique différente. Ainsi, cette machine à rêves disponible sur iPad 2 et 3 — afin d'utiliser au mieux les possibilités offertes par la haute définition — ne fournit pas d'explications sur l'exposition, mais vient compléter l'univers de Léonard de Vinci, sans lui faire d'ombre mais en se basant sur l'énergie de l'artiste.

© D.R.

L'idée n'était pas de coller à l'exposition. Le cahier des charges était précis sur le sujet, l'aspect artistique était une donnée de base, continue Yves de Ponsay. On peut cependant entendre que l’exposition et l'application

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se répondent à travers Léonard de Vinci et sa démarche créative picturale où la peinture était science. Aujourd’hui, la peinture est ici numérique, technologique, générative. C'est une nouvelle offre numérique utilisant les ressorts de l'iPad et les softs Apple. Nicolas Clauss et Jean-Jacques Birgé se sont donc inspirés de Léonard de Vinci, et de ses réflexions plastiques sur l'interdisciplinarité, sans toutefois le copier. L'application présente d'ailleurs beaucoup moins d'images de l’œuvre du peintre qu'on ne le pense : chars, images architecturales, photographies viennent s’apposer en transparence aux images connues de l'artiste. Place à l'expérimental et à l'expérience visuelle et sonore. Pour être clair : impatients, s’abstenir. Lors de la prise en main, il est quelque peu difficile d’entrer dans l’univers de l’application, peut-être trop habitué à des vocations pédagogiques ou à des finalités clairement énoncées. Pourtant, au gré des pérégrinations interactives (et après plusieurs prises en main), on se laisse volontiers plonger dans un monde graphique et musical assez inédit provoqué par la rencontre de musiciens, développeurs et artistes qui connaissent respectivement le travail de l'autre, comme le confirme le chef de projet : je savais que le couple Jean-Jacques Birgé/Nicolas Clauss ne pouvait être que gagnant en leur donnant un minium de moyens. De plus, Jean-Jacques et Vincent Segal jouent avec plaisir ensemble et de façon régulière. La mise en musique des visuels est le résultat de cette expérience, hétéroclite et une formation très ouverte de Jean-Jacques — LouisLumière / Idhec / Femis — vers une image de la musique. Une grande liberté a été accordée au duo, tout en pointant l'importance de pouvoir lier l'application aux réseaux sociaux et répondre à des missions claires : Faire aimer, découvrir, comprendre et se poser des questions. Le projet propose une nouvelle approche de la relation à l’œuvre. À l'utilisateur ensuite, de mettre en musique l'image. En guise d’introduction, deux écrans successifs en forme d’ardoise expliquent les différents gestes à adopter pour activer la machine à rêves. Tourner, agrandir, toucher les coins, double-cliquer, une série de combinaisons digitales venant interagir avec les vidéos présentées. Puis arrive une boîte présentant des billets déchirés. À chaque toucher, une note de musique retentit créant, si on accélère, une symphonie aléatoire.


© D.R.

La machine à rêves de Leonardo da Vinci, une œuvre pour iPad de Nicolas Clauss et Jean-Jacques Birgé.

À mesure de la découverte, on comprend que le dernier billet restant est une clé pour entrer dans un univers graphique et musical. Des vidéos HD dispatchées sur quatre écrans sont dès lors activées. Avec le doigt l’on peut glisser les écrans pour se concentrer sur un seul, puis revenir, agrandir, jouer avec l’image jusqu’à ce que celle-ci se fige et laisse apparaître un hublot. Dès lors la musique se fixe sur un univers plus précis, l’on peut déformer l’image agissant du même coup sur les sons : un clic, l’image se floute, un deuxième, une nouvelle couche s’ajoute. Aigu, grave, solo, ensemble, textures d'image étranges, atmosphère inquiétante, visages déformés, images superposées, rien n'est interdit, au contraire. Si on ne sait pas très bien où l’on va, ce qui se joue sur l’écran et à nos oreilles est fascinant, à la limite du psychédélique. Les possibilités sont elles, infinies : elles répondent à un fonctionnement de combinaisons multiples et d’apparitions aléatoires, nous précise le chef de projet. C’est un mode génératif avec utilisation d’algorithmes spécifiques. Une vingtaine de petits morceaux de codex (papiers déchirés dans la boîte) déclenchent une même quantité

de "Rêves" dont les sources vont se combiner à partir de la bibliothèque d'éléments prédéfinis. Pour découvrir toutes ces possibilités, le temps peut être extensible. Yves de Ponsay parle d’une fourchette large entre une demiheure et plusieurs heures afin d'explorer les diverses combinaisons, très subjectives, entre images et sons. Des conseils ? Se laisser aller, sans a priori, chercher à s'amuser, se faire plaisir, fouiller pour découvrir avec la sensibilité de chacun, émotion et empathie. De la même façon que l'on contemplerait un ensemble d’œuvres exposées, La machine à rêves de Leonardo da Vinci se consulte comme une galerie, mêlant peintures anciennes et possibilités modernes, dont vous, utilisateurs, seriez les premiers auteurs. Une ode onirique, un tableau sonore et visuel complètement interactif qui amène à se questionner sur le statut artistique de certaines applications. Peuvent-elles devenir des œuvres d'art ? Raoul Pictor, artiste virtuel de poche sur iPod, iPad, et iPod Touch[1] délivrant des peintures, toujours uniques, à imprimer à loisir, vous répondrait positivement. Reste à laisser libre court à l'imagination de développeurs toujours plus

pointus et volontaires. Quand une tablette devient palette… CÉCILE BECKER [1] application gratuite inspirée par le travail de l'artiste Hervé Graumann, disponible sur iPod, iPad et iPod Touch > www.raoulpictor.com

+ D’INFO : < http://davincireve.surletoit.com > L'application La Machine à rêves de Leonardo da Vinci pour iPad 2 et 3 est disponible gratuitement sur l'Apple Store. Exposition Léonard de Vinci, projets, dessins, machines à la Cité des Sciences, à Paris, jusqu'au 18 août 2013 www.cite-sciences.fr

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INNOVATION LA SCIENCE DE L’ART

LA SCIENCE DE L’ART © PHOTO MAGALIE BAZI

Les projets au croisement de l’art et de la recherche portés par l’Atelier Arts Sciences s’inscrivent parfaitement dans l’idée de valorisation technologique du CEA, menée au sein du site du Polygone scientifique de Grenoble. Une dynamique qui trouve une résonance complémentaire dans le travail de médiation et d’usinage de proximité de la structure associée du CCSTI.

Les Flacons, Ez3kiel, Hexagone Scène nationale de Meylan / Rencontres-1, Biennale Arts-Sciences 2009.

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Innovation et hybridation À Grenoble, les rapports entre art, recherche, éducation et industrie semblent avoir trouvé un terreau fertile. Rivé sur sa presqu’île, le bien-nommé Polygone scientifique continue ses implantations qui en font un des pôles d’innovation technologique les plus en pointe d’Europe, avec plus de 4000 chercheurs. Au cœur de ce noyau de structures bien gardées car sensibles, parmi lesquelles le CNRS, ST Micro, le CEA – et son fameux accéléra-

teur de particules, le Synchrotron – se taillent la part du lion, une équipe travaille à une mission plus particulière. L’Atelier Arts Sciences, créé en 2007 par le CEA, le théâtre scène nationale Hexagone, et auquel s’est adjoint depuis l’an dernier le CCSTI (Centre de Culture Scientifique Industrielle et Technique), vise à rapprocher artistes et chercheurs dans la définition et la production de projets communs où les outils technologiques mis en chantier sont le gage d’une collaboration à la fois hybride et innovante. Il est important que le lien entre université, recherche et entreprises se fasse via la culture et l’art, plaide Antoine Conjard, directeur d’Hexagone et fondateur de l’Atelier, comme pour mieux poser les enjeux. Avec ses nombreux laboratoires de recherche, le CEA-LETI (Laboratoire d’Electronique de Technologie de l’Information), le CEA-LIST, plus tourné sur la réalisation de logiciels ou le CEA-LITEN, axé sur les énergies renouvelables, le CEA ainsi dispose d’une armée de chercheurs que l’Atelier s’efforce d’associer aux projets artistiques qu’il retient. Des projets développés dans des résidences réparties en périodes plus ou moins longues, mais dont on s’efforce aujourd’hui qu’elle dure au moins deux ans, comme le précise Eliane Sausse, Directrice de l’Atelier. Le temps de création — et d’échanges — entre artistes et chercheurs se situe donc dans la durée, ce qui n’empêche pas l’existence de temps-forts et de monstration, comme la biennale des Rencontres-i (prochaine édition en octobre 2013) et le salon annuel Experimenta, dont l’idée est de présenter à des professionnels des technologies amenées par des artistes et potentiellement utilisables par d’autres artistes, mais aussi des entreprises innovantes, comme le souligne Eliane Sausse.

De l’"artisanat" au transfert industriel Un chercheur comme Angelo Guiga participe ainsi depuis le début à l’Atelier et a contribué à la réalisation de nombreux projets.

Avec Yann Nguema et le groupe Ez3kiel, il a développé le ballon scénique sonore ou les Mécaniques Poétiques, celles de la madonetheremine ou des flacons aux multiples ivresses auditives. Les artistes nous amènent une autre vision, confie-t-il. Et celle-ci nous offre des pistes pour développer de nouveaux projets. Avec le compositeur italien Michele Tadini, il travaille davantage sur les rapports sons / lumière, comme dans les combinaisons de couleurs primaires du chromatophore; un dispositif synesthésique que le duo s’évertue en ce moment à transformer en un véritable outil de composition lumino-musical dans le projet La Terza Luce. Si le principe artistique sert de fil conducteur, si la conception se pense presque de façon "artisanale" (dixit Antoine Conjard), la notion de transfert industriel des technologies n’est pas occultée. C’est là qu’intervient une structure transversale au CEA du nom de SPICE (Service Pour l’Innovation Centrée Expérience utilisateur), dirigée par Jean-Luc Vallejo. Sa mission est autant de permettre le financement et la mise à disposition de chercheurs pour les projets, que d’accompagner les éventuelles déclinaisons de produits industriels à travers le support à la création de petites start-up dédiées. Cette idée se retrouve également dans le projet Pixel Motion sur lequel Angelo Guiga et Yann Nguema travaillent actuellement ; des pixels lumineux à propos desquels Jean-Luc Vallejo remarque déjà le potentiel de dérivation du produit, par exemple sous forme de dispositifs pour des salles de concert.

Showroom technologique Pour prendre conscience de cette politique de valorisation des technologies soutenue par le CEA, dans le sillage de l’Atelier Arts Sciences, mais aussi dans le cadre de ses recherches propres, une petite visite au showroom, le "catalyseur d’innovation" du site, s’impose. Dans un décor de science-fiction au design tesselisé, plusieurs objets de recherche témoignent d’une activité rayonnante.


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Les capteurs de mouvement sont évidemment bien représentés. Le chercheur Angelo Guiga travaille depuis 15 ans sur cette technologie qui a atteint aujourd’hui une miniaturisation incarnée par l’intelligence embarquée du Motion IC, un objet dont les qualités d’accéléromètre et de magnétomètre permettent une précision ultime dans la détection du mouvement, de la vitesse et du sens du déplacement. On donne la base, les brevets et ensuite les industriels prennent le relais, explique Angelo Guiga. Parmi les applications éventuelles, les capteurs intégrés dans des tissus pour créer des illuminations de LED semblent une véritable manne pour les secteurs de la mode ou de l’évènementiel. D’autres capteurs traduisent plus les ergonomies domotiques de la maison de demain. Une captation de présence peut ainsi interagir avec une baisse automatique du chauffage ou avec une augmentation de la luminosité dans une pièce. Le tout directement contrôlable grâce à un smartphone puisqu’un protocole de communication commun à tous les capteurs, via un middleware, a même été conçu. Dans cette scénographie high-tech, la partie cabinet de curiosités, qui recense quelques-uns des objets développés par l’Atelier Arts Sciences ne dépareille pas, apportant même un soupçon de poésie supplémentaire. On y retrouve la Madone, la nouvelle mouture du ballon sonore et lumineux d’Ezekiel aujourd’hui renforcé d’un déclenchement gyroscopique de lumière, le fameux chromatophore de Michele Tadini et Angelo Guiga, où la lumière des LEDs en périphérie d’un graphe converge en longueurs d’onde vers son centre, avec une superposition de couches musicales en fonction des effets. Plus étrange, l’objet baptisé Toimiva, sorte de panier en origami, semble s’animer d’une vie propre quand on le touche ou le

manipule. Il entretient parfaitement cette proximité organique avec la technologie que les créations de l’Atelier Arts Science se plaisent à entretenir.

Fablab pour tous Cette proximité dans l’idée de conception et de production de l’objet, mais également avec le public, une autre structure, soutien actif de l’Atelier Arts Sciences depuis octobre de l’année dernière, la partage : le CCSTI (Centre de Culture Scientifique Industrielle et Technique) centre ses missions autour de la médiation vers tous les publics et de la mise à disposition d’outils d’usinage numériques pour des projets personnels au sein de son fablab. Au CCSTI, nous réfléchissons aux questions de transmission, de médiation entre le culturel, le scientifique et le technologique, explique son directeur Laurent Chicoineau. Dans le cadre du projet Living Lab, par exemple, nous avons imaginé des dispositifs — principes de réalité augmentée sur smartphone, géolocalisation… — développés à destination des publics et des médiateurs. Nous mettons ensuite en place des protocoles d’évaluation et de tests pour les transférer vers d’autres domaines d’application… Il est remarquable que le culturel permette de tester ce genre de choses. Cette volonté d’ouvrir sa réflexion vers les autres est fondamentale et s’articule de façon idoine avec l’Atelier Arts Sciences puisque les dispositifs ainsi imaginés sont présentés dans le cadre du salon Experimenta, mais aussi dans des festivals extérieurs comme Muséomix. Mais, dans le fablab, l’accès au public se veut plus direct, avec une gamme de matériel qui ne dépareillerait pas dans les locaux du MIT (le CCSTI entretient d’ailleurs un rapport direct avec les laboratoires de la célèbre université américaine, à l’origine du premier

fablab, dans le cadre d’un suivi pédagogique et de l’idée de fablabs en réseau). Il est important pour nous de trouver des idées concrètes de prototypage qui soient testées avec le public, insiste Laurent Chicoineau. Nous travaillons avec des artistes comme Ezra qui vient ici pour la conception de son gant 3D, développé dans le cadre de l’Atelier Arts Sciences. Mais nous sommes aussi ouvert vers le jeune public et tout ceux qui veulent mettre en application leurs idées. Celles-ci sont d’ailleurs très larges comme en témoigne Jean-Michel Molenaar, jeune ingénieur hollandais en charge du fablab, qui se remémore cette personne venue réaliser sur fraiseuse 3D un safran pour son bateau ! Nous mettons les machines à disposition du public et faisons simplement payer le temps d’usinage, explique-t-il, tout en regrettant une certaine difficulté pour documenter toutes les réalisations passées. Nous avons créé un site Internet où les gens peuvent détailler leurs réalisations, leur méthodologie, pour aider d’autres à réaliser des travaux similaires… Il faut aussi accompagner les gens dans cette démarche. Avec 900 projets développés en à peine un an, on imagine le stock de savoir-faire potentiellement accessible. Et les idées ne manquent pas, puisque l’équipe du CCSTI réfléchit actuellement à la réalisation d’un greenlab sur son toit, un véritable jardin de végétation horssol, alimenté par des panneaux solaires et des capteurs pour la distribution de l’eau aux plantes. LAURENT CATALA

Angelo Guiga / Michele Tadini, La Terza Luce @ Experimenta 2012.

+ D’INFO : Atelier Arts Sciences < www.atelier-arts-sciences.eu > CCSTI < www.ccsti-grenoble.org >

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ART NUMÉRIQUE INNOVATION

FUTUROTEXTILES LA RÉVOLUTION DES MATIÈRES © PHOTO D.R.

Des prototypes issus de la haute couture aux nouveaux matériaux utilisés dans la construction, l'exposition "Futurotextiles" met en exergue le large spectre des applications textiles, et pointe autant l'innovation dans le domaine des biotechnologies que l'intégration des TIC dans la fibre : naturelle, synthétique ou hybride. Bio-synthétiques

Vincenzo, vêtement luminescents.

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Initiée à Lille en 2006 par la commissaire Caroline David et récemment déployée au CETI (Centre Européen des textiles innovants) dans le cadre de la manifestation Lille Fantastic en 2012, Futurotextiles revient en France à l'issue d'une tournée mondiale et s'installe à Paris, à La Cité des Sciences et de l'Industrie, jusqu'au 14 juillet 2013.

Pour entrée en matière, un système de bulles pédagogiques nous interpelle sur la diversité des composants impliqués dans la fabrication des bobines, révélant de belles perspectives pour la recherche appliquée en terme de prospective écologique, quand la caséine de lait, le café, la racine de fraisier ou la betterave rejoignent la composition des fibres, au même titre que le coton ou le lin. On y découvre notamment, le projet Mabiolac initié en 2003, qui se concentre sur la fabrication de fils constitués de polymères composites et biodégradables à base de PLA, un acide polyactique issu de la fermentation de la saccharine de betterave. Le même procédé qui réduit à néant le rejet de gaz, et d’oxydants, pourrait être décliné avec le maïs, le blé et la pomme de terre ! Alors, pourquoi ne pas utiliser les racines de fraisier ou de tomates cerise pour créer par transformations génétiques, une fibre "naturelle" aussi souple et résistante qu'un polymère issu de l'industrie pétrochimique ? C'est ce à quoi s'applique Carole Collet, enseignante chercheuse et directrice adjointe au Centre de Recherche pour les Futurs du Textile, à l'Université des Arts de Londres[1]. Comment la biologie de synthèse et les technologies du vivant peuvent-elles radicalement changer la conception et la fabrication de nos produits de consommation courante, pose t-elle, en préambule d'une recherche de solutions plus éco conscientes ?

Composites Alors que l'exposition se déploie sous forme d’îlots didactiques regroupant l'innovation textile par secteur industriel — mode, médecine, habitat, construction ou

transports, etc. —, on y retrouve à chaque fois le lin, qui semble s'imposer en tant que matériau écologique par excellence, alors que la France en est le premier producteur mondial. Particulièrement prisée dans le développement d'objets composites, sa fibre associée à un mélange de résine, supplante peu à peu les plastiques pour sa souplesse et sa résistance dans la fabrication de raquettes de tennis, de skis, de planches de surf et de casques[2], et s'immisce dans l’habillage des tableaux de bord de véhicules tels que le Twizy, le nouveau concept car de Renault. Spécialisé dans le traitement de ce matériau léger et performant, le groupe Dehondt présente dans l'exposition, son Scube®, un tricycle électrique éco conçu en 2011, entièrement carrossé en fibre de lin.

Écologiques Sur le podium dédié à la mode sont suspendus les prototypes de stylistes à la recherche d'esthétiques épurées, de fluidité et de confort, autant inspirés par des matières naturelles recyclables que des tissus techniques, sensoriels, communicants ou "intelligents", dont les capteurs embarqués, et autres substances encapsulées confèrent au vêtement de nouveaux usages. Créée par l'artiste Helen Storey et le chimiste Tony Ryan, Herself est une robe du soir "photocatalytique", dont l'étoffe à base de polyester et d'une soie imprégnée d'un curieux mélange, de ciment et dioxyde de titane (TIO2), purifie l'air ambiant sous l'effet de radiations lumineuses[3]. Un peu plus loin, une combinaison beaucoup moins glamour, développée par les laboratoires Ouvry, spécialiste des systèmes de conception NRBC[4], propose une tenue autodécontaminante pour les environnements à


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Vue du podium mode.

Tenue auto-décontaminante Ouvry.

risque nucléaire, radiologique ou bactériologique. Conçue à partir d'un média filtrant non tissé, mais composée de microbilles de carbone activé, elle fait barrage aux toxines tout en laissant passer la vapeur d'eau pour que la peau de nos super-héros contemporains puisse respirer.

Techniques Ces matières hautement techniques, développées ici dans les domaines de la protection civile et militaire, investissent de nouveaux secteurs d'applications textiles : on fait déjà référence aux "cosmétotextiles", et ou "texticaments" qui intègrent de nouveaux procédés tels que la micro ou la nano encapsulation, une spécialisation de la société Devan dont la technique vise à incorporer dans des micro-capsules, des agents actifs fragiles, susceptibles de subir des oxydations, au contact d'autres composés ou libérés par frottement lorsque le vêtement est porté. On confectionne des t-shirts qui rafraîchissent le corps des sportifs, des marques de cosmétiques planchent sur l'encapsulation de parfums alors que la recherche médicale envisage selon les mêmes processus, de libérer des produits soignants. Demain, nous dit-on, nos vêtements pourront non seulement laisser filtrer des substances chimiques curatives, mais ils pourront également surveiller la régularité de nos battements cardiaques, de notre température, de notre taux d’insuline… et pourquoi pas alerter le médecin en cas d'insuffisance critique. Et si l’ingénierie tissulaire progresse nettement quant aux possibilités de reformer des organes, voire de les substituer à la peau ou aux cartilages, les caractéristiques antibactériennes naturelles de la chitine de crabe utilisées dans la fabrication du fil chirurgical et de la peau artificielle semblent encore non égalées ! Autrement dit le bio-mimétisme a de l'avenir dans le textile.

Optiques Parmi les applications "Medtex" (médicales) ingénieuses, Philips a développé une sorte de couverture, à base de micro leds, qui se substitue au traitement actuel de la jaunisse du nourrisson et consiste à placer le nouveau-né sous une lampe de lumière bleue : la "bilirubine" permet non seulement d'envelopper toute la surface du corps du bébé mais de le porter, baignant dans une source lumineuse curative constante, qu'offre la Led. Une des rares sources de lumière artificielle que l'on peut placer aussi près de la peau. La micro Led et la fibre de verre sont aujourd'hui au cœur des recherches dans tous les domaines d'applications textiles, de la construction à l'habillement. Car si l'on connaissait déjà depuis 5000 ans les propriétés du verre en Mésopotamie, c'est seulement en 1970 que le laboratoire Corning met au point la première fibre optique à partir d'un matériau abondant, non polluant, et recyclable, qu'il "suffit" de chauffer à de très fortes températures pour le "filer" et l'enrouler sur une bobine. Composante déterminante de la révolution numérique la fibre optique intégrée dans la trame permet non seulement de jouer avec la couleur, mais de véhiculer toute sorte d'information : emblématique de l'exposition, le col de micro Leds intégré au tissu conducteur de la petite robe "saute d'humeur" (Mood swings) dessinée par Sensoree et Kristin Neidlinger, révèle par des variations du rose au bleu, des informations tangibles prises par un capteur placé dans la paume de la main. Considérés comme "techniques" car ils étaient à l'origine destinés à l'industrie — intégrés dans les moteurs d'avions, sous les rails de TGV pour en indiquer les déformations, ou sous les ponts en région sismique —, les tissus déjà prisés pour leur souplesse et leur résistance aux tem-

pératures extrêmes nous annoncent une petite révolution dans les domaines de la construction, de l'habitat et la domotique, etc., dès lors qu'ils deviennent communicants, et boostent un segment de marché en expansion depuis quelques années[5]. Complétée par quelques applications créatives dans le domaine du design, l'exposition Futurotextiles laisse clairement apparaître toutes les collaborations et synergies possibles entre savoirfaire ancestraux et technologies de pointe au sein d'une industrie dite "en crise", dont la conscience de l'étendue des applications modifie notre rapport au quotidien et à l'environnement, de façon irréversible. VÉRONIQUE GODÉ [1] www.carole collet.com - www.csm.arts.ac.uk [2] www.libeco.com [3] www.catalytic-clothing.org [4] Les laboratoires Ouvry travaillent avec l'ANR Agence Nationale pour la Recherche sur des systèmes de protection NRBC (Nucléaire, Radiologique, Biologique, Chimique et Explosif) [5] le CA de l'industrie textile est estimée à 13 milliards d'euros en France avec 70 000 salariés. La France détiendrait 40 % du marché des tissus techniques en Europe, en deuxième place derrière l'Allemagne.

+ D’INFO : Futurotextiles, du 5 février au 14 juillet à La Cité des Sciences et de l'Industrie. < www.futurotextiles.com >

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ART NUMÉRIQUE FRONTIÈRES INTERACTIVES

FRONTIÈRES INTERACTIVES Avec son exposition "Art Cinétique – Art Numérique", la galerie parisienne Denise René propose un exercice de rapprochement entre art cinétique et art numérique qui tombe sous le sens. Celui du mouvement et de l’interaction révélée à travers des œuvres où le spectateur reste plus que jamais au centre du processus artistique.

+ D’INFO : Art cinétique Art numérique, Galerie Denise René, à partir du 25 avril 2013. < http://deniserene.com >

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Exposition Julio Le Parc au Palais de Tokyo, présentation de pièces de Jesús-Rafael Soto dans les murs du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou, sans oublier deux rétrospectives plus discrètes mais tout aussi essentielles de ces deux artistes-phares au sein des deux espaces — Rue Charlot et Boulevard Saint-Germain — de la galerie Denise René, l’art cinétique a démarré l’année 2013 avec une visibilité qui n’échappera pas au grand public. Preuve en est avec la manifestation monumentale Lumineux! Dynamique! Espace et vision dans l’art, de nos jours à 1913 qui vient tout juste d’investir le Grand Palais et qui, surtout, ne s’arrête pas à la seule volonté de dresser une rétrospective des œuvres de ses grands maîtres. Dans ce contexte, la Galerie Denise René témoigne de sa spécificité avant-gardiste, fer de lance de l’art cinétique, dont elle est le lieu dédié le plus ancien d’Europe — créée par Denise René et sa sœur Lucienne en 1944 pour faire connaître les dessins et des compositions graphiques de Victor Vasarely, avant de produire l'exposition Le Mouvement, réalisée avec Pontus Hulten, et marquant la naissance de l'art cinétique proprement-dit en 1955. Pour l'exposition Art Cinétique – Art Numérique, la Galerie Denise René procède, à travers le choix des pièces présentées, à un rapprochement plutôt circonstancié entre cet art cinétique et une création numérique actuelle qui participe désormais, par ses grands principes, mais aussi par ses outils, ses pratiques et certains représentants parmi les plus talentueux de sa nouvelle génération d’artistes, au renouvellement de ses formes expressives. C’est un véritable enjeu qui se dessine là. Autant pour la capacité d’évolution de l’art cinétique, qu’en termes

d’opportunité pour l’art numérique de s’inscrire dans le sillage d’un des courants artistiques majeurs du XXème siècle.

Principes partagés À l’évidence, ce rapprochement s’impose de luimême. L’art cinétique et l’art numérique disposent dans leurs principes même d’un double point commun. Tout d’abord, l’importance du mouvement, qui peut aller jusqu’à s’exprimer chez l’un comme chez l’autre dans une même logique de déstabilisation perceptive. En dépit de leur différence, les installations audiovisuelles de Kurt Hentschläger et les jeux de miroirs de Julio Le Parc procèdent de la même radicalité physique, celles des effets stroboscopiques par exemple, pour induire l’extrême motricité des sens. Ensuite, et surtout, la notion d’interaction avec le spectateur. En art numérique, il n’y a le plus souvent pas d’œuvre sans l’intervention cruciale de l’utilisateur-spectateur. En art cinétique, il ne peut y avoir de visualisation de l’œuvre sans cette idée de déplacement aléatoire du point de vue du spectateur, constitutive par exemple du concept de "quatrième dimension" développé par l’artiste Yacoov Agam. Concrètement, on assiste depuis quelques années à une véritable réciprocité créative. Depuis les années 80, des artistes majeurs de l’art cinétique, comme Carlos Cruz Diez ou Yaacov Agam justement, ont progressivement intégré les nouvelles technologies dans leurs réalisations, réactualisant ainsi leurs stratégies optiques, modulaires et géométriques. Aujourd’hui encore, ils restent attentifs aux dernières avancées numériques, traduisant leur interrogation sur la question de la mémoire par

le biais de celle des systèmes informatiques. Dans l’autre sens, d’autres artistes issus d’une nouvelle génération plus directement formée aux nouvelles matrices des logiciels et des algorithmes, s’inspirent à leur tour des préceptes cinétiques pour faire désormais de l’ordinateur le vecteur d’une certaine continuité esthétique. L’exposition Art Cinétique – Art Numérique s’inscrit donc dans ce sémillant parallèle, puisqu’elle présente à la fois des travaux de pionniers convertis aux outils numériques et des pièces d’artistes numériques procédant de la même tentation pour le mouvement à travers la collision du regard et de l’abstraction géométrique. La tendance "manipulation numérisée interactive", un artiste référence de l’art cinétique comme Carlos Cruz Diez se l’est déjà appropriée. Sa pièce Expérience Chromatique Aléatoire Interactive se présente ainsi sous la forme d’un programme informatique qui permet à l’utilisateur de réaliser des compositions de formes et d’harmonies de couleur, à partir de matériaux virtuels appartenant au langage "Cruz Diez". Une manière de placer le programme informatique dans le rôle de médiateur entre l’artiste et le spectateur. Cette option tableau numérique transformable se retrouve dans d’autres pièces d’artistes fondamentaux du courant cinétique présentée dans l’exposition, et notamment dans les deux œuvres interactives de Yacoov Agam. Le public est invité à réorganiser tactilement un espace porté sur l’écran, en déplaçant digitalement des prismes triangulaires. Mais, ce pas vers les nouvelles technologies est évidemment encore plus marqué dans la génération d’artistes suivante. C’est ainsi qu’on la retrouve comme une évidence dans la projec-


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tion interactive Trame en temps réel de Santiago Torres, où l’artiste se sert d’un objet interactif presque familier désormais, une kinect, pour traiter la reconnaissance de mouvement dans un espace tridimensionnel.

Incidences lumineuses et chromatiques Une autre pièce de Santiago Torres révèle une autre filiation intéressante entre art cinétique et art numérique, celle tournant autour de la lumière. Réalisée à partir d’un matériau particulièrement innovant, le très contemplatif dispositif lumineux Composition Rouge de Torres renvoie à l’évidence à la série Continuel Mobiles Lumières de Julio Le Parc. On y retrouve les mêmes jeux de contraste imprévisibles, la même tentation à vouloir titiller les illusions optiques. Cette fascination convergente pour la lumière peut encore se doubler de références communes en matière de recherche chromatique par exemple. C’est notamment le cas pour la pièce environnementale m0za1que, déjà présentée à La Maison Mécatronique d’Annecy-le-Vieux, du groupe d’artistes bruxellois Lab[au]. Dans cette œuvre fascinante, où un mur carrelé soumis aux projections lumineuses de projecteurs RVB semble "libérer" par intermittence les mouvements coulissants de ses dalles frémissantes, jouant de leur mise en relief, une référence apparaît en filigrane, celle de Carlos Cruz Diez et de ses Chromointerférences. Comme dans ces dernières, où la lecture de l’intersection de différentes trames de couleurs, en fonction de la position du spectateur et donc

de la superposition apparente de ces trames, créait des variations chromatiques de ces mêmes couleurs, le dispositif des Lab[au] profite des faux prismes créés par les dalles pour instiller une idée de mutation visuelle des couleurs projetées. Il est amusant de constater que principe de mutation se retrouve dans une autre pièce de l’exposition réalisée par le groupe Lab[au], à une échelle plus générative. Leur pièce Pixflow #2 se présente ainsi sous la forme d’une sculpture-écran semblant dotée d’une vie propre, et visualisant dans une curieuse interférence des champs organiques et technologiques, des formes abstraites procédant de la fluctuation de flux de particules et de pixels.

Le renouvellement par le son Certaines pièces de l’exposition conçues par cette nouvelle génération d’artistes essayent cependant de rester conforme à l’esthétique de l’art cinétique, notamment dans une utilisation de matériaux simples, qu’il s’agisse de fil, de carton ou de petits matériels motorisés, venant se confronter à la réalité de l’expérience mathématique. Même si les mouvements sont ici contrôlés par ordinateur, cela est particulièrement vrai dans la prévalence mécanique des ballets curvilignes conçus par Elias Crespin. Qu’il s’agisse des spirales rouges et blanches de son nouveau Circuconcentricos, ou des jeux de suspension chorégraphiés de barrettes métalliques de sa création Paralela, déclinaison de sa fameuse série Parallels, on ressent dans le travail de l’artiste la même volonté d’explorer toutes les trames incertaines procédant de la

mise en mouvement de ces architectures strictes en apparence. L’intérêt de cette continuité esthétique est cependant décuplé lorsqu’elle permet d’accéder à une nouvelle "optique" de cette idée de renouvellement de l’art cinétique: en l’occurrence via le son. C’est le cas dans les pièces Moving objects n° 807 et New Ring Work de Pe Lang, où les forces mécaniques parfois contraires des dispositifs viennent semer le chaos dans un agencement de cordes et d’anneaux. Dans ces pièces, tout comme dans celle présentée par l’artiste suisse Zimoun (121 prepared dcmotors, tension springs 35 mn), les qualités acoustiques du son ont aussi leur importance. Ici, l’idée de mouvement de nature algorithmique se traduit de la même manière par la création, la répétition et la perturbation à l’infini d’un même évènement mécanisé que par la traduction simultané de ses incidences audibles. On l’entend donc aussi, l’association d’une expression sonore au mouvement des pièces est donc elle aussi susceptible de venir enrichir le vocabulaire de l’art cinétique. Une preuve supplémentaire, portée par cette exposition aux frontières mouvantes et interactives, que c’est moins par la nature technique des nouvelles pièces créées par le biais de ce rapprochement art cinétique / art numérique que par sa capacité à garder en éveil le sens du spectateur — toujours amené à être au cœur de l’œuvre — que se manifestera de façon certaine la véritable pertinence de cette convergence artistique hybride. LAURENT CATALA

m0za1que, installation variation 01, kinetic light art LAb[au], 2013 system : generative

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PROFIL JEFFREY SHAW

JEFFREY SHAW

L’ART DU CINÉMA INTERACTIF

numériques utilisant des plateformes logicielles car l’articulation du travail d’interaction est largement définie par cette architecture software, où l’interface avec l’usager intervient comme un élément de design.

Reconnu comme l’un des artistes pionniers dans le développement d’environnements numériques cinématographiques virtuels, interactifs ou faisant appel aux principes de la réalité augmentée, l’artiste australien Jeffrey Shaw a été l’un des premiers à réaliser des installations hybrides, à l’image de sa pièce "The Legible City", où l’utilisation d’un véritable vélo permettait d’explorer un paysage urbain défilant en temps réel sur écran. Depuis quelques années, il travaille sur des dispositifs de plus en plus cinématiques et technologiques, au sein d’unités de recherche comme le iCinema Research Centre de l’Université du New South Wales ou encore la School of Creative Media de l’université de Hong Kong, mais a su garder prévalent le principe fondamental de la mise du public au centre des dispositifs numériques qu’il conçoit. Entretien.

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Robert Lepage / Ex Machina, Fragmentation (ReACTOR), 2011.

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Le déploiement de moyens technologiques interactifs que les nouveaux outils numériques offrent au public sont aujourd’hui évidents mais, dans vos premiers travaux, qu’est-ce qui vous a poussé à travailler sur cette mise en

avant du public et sur cette logique d’interaction, d’immersion du public dans l’œuvre ? L’idée de focaliser sur l’interaction dans ma pratique artistique a avant tout pour origine le désir de construire un rapport nouveau et une dynamique entre l’œuvre et le spectateur. Tout est parti en fait d’une certaine désillusion concernant les modes traditionnels de production artistique — la peinture, la sculpture, etc. — qui ont semble-t-il perdu à partir des années 60 leur capacité à mobiliser le spectateur de façon profonde et attentive. Pour paraphraser Guy Debord, l’art moderne semble avoir été totalement corrompu par la "société du spectacle" ! En cherchant à établir différentes modalités d’interaction, j’ai découvert une propriété essentielle de ce genre d’installations : elles ne font pas seulement appel aux capacités visuelles du spectateur, mais elles invitent ce dernier à partir à leur découverte, à les diriger voire à les modifier par ses actions propres. Concrètement, les spectateurs se transforment en partenaires de création en devenant des agents de performances uniques. Cette propriété très intéressante et porteuse — d’un point de vue conceptuel, esthétique et expressif — a été grandement facilitée par l’apparition des nouveaux médias. Spécialement celle des médias

Votre travail a toujours été marqué par son attirance par le médium cinéma. Vos premières pièces dans les années 60 étaient très cinématographiques (Continuous Sound and Image Moments, Corpocinema, Moviemovie). Je me souviens également de l’exposition "Future Cinema", codirigée avec Peter Weibel au ZKM en 2003. Qu’est-ce qui vous attire tant dans le cinéma ? Pensez-vous qu’il s’agisse du média le plus à même d’intégrer les arts numériques ? Le cinéma est indubitablement la technique et la forme esthétique la plus audacieuse du 20e siècle. C’est le gesamtkunstwerk [NDLR : l’œuvre d’art total] de notre temps, une plateforme conceptuelle et esthétique qui s’est révélée comme le point culminant de tant d’aspirations et de pratiques artistiques à travers les siècles. Il est donc plutôt approprié, je trouve, qu’un art expérimental comme le mien ait pris le cinéma comme contexte et cadre de référence pour repousser les limites d’un "nouvel art à venir". Comme je l’ai écrit dans mon livre Future Cinema [NDLR : paru aux éditions MIT Press, 2002], la grande tradition expérimentale du cinéma, celle des réalisateurs et plus largement des artistes, s’est perdue à cause de l’hégémonie du cinéma hollywoodien, de ses modalités de production, de sa façon d’écrire des histoires. J’ai donc ressenti comme nécessaire de subvertir ce modèle et de déplacer mes propres recherches dans cette idée d’expanded cinema, de "cinéma élargi", où le génie du cinéma pourrait encore trouver de nouvelles directions artistiques expressives et améliorer l’expérience du spectateur.

L’idée de cinéma interactif est venue très tôt dans votre travail, au sein du Research Group à Amsterdam dans les années 70 puis après au ZKM de Karlsruhe où vous avez d’ailleurs initié le projet de cinéma interactif "EVE". Dans ce dernier, les spectateurs peuvent choisir ce qu’ils veulent voir d’un film dans lequel ils sont immergés, en devenant à la fois preneurs de vue et monteurs de chaque projection. Jean-Michel Bruyère ("Si Poteris


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Sarah Kenderdine & Jeffrey Shaw, ReACTOR, 2008.

narrare, licet") et Ulf Langheinrich ("Perm") ont utilisé ce dispositif. Est-ce que combiner cinéma et interaction est pour vous l’évolution logique du cinéma ? Oui. Depuis la fin des années 60, j’ai senti que la notion de cinéma interactif était l’avancée la plus logique et la plus intéressante qui pouvait procéder de cette idée d’élargissement du médium cinématographique. Elle permettait au pouvoir expressif, à l’approche idéalisée du gesamtkunstwerk, de l’art total cinématographique, d’être transposée dans un rapport plus personnel et plus intime avec le spectateur. C’était également une manière de s’affranchir de ces formes narratives, linéaires et compulsives, du cinéma traditionnel. Et de découvrir, de façonner, toute une gamme beaucoup plus intéressante de structures narratives interactives. Jean-Michel et Ulf sont des artistes qui ont su relever ce challenge et, chacun à leur manière, ils ont participé au repoussement des limites esthétiques délimitant un nouvel Youniverse, un espace narratif à la fois personnel et interactif.

Vous travaillez à de véritables plateformes créatives depuis les années 90, avec les systèmes "Extended Virtual Environment" en 1993, "PLACE" en 1995 ou "Panoramic

Navigator" en 1995. Pouvez-vous présenter le principe interactif de ces environnements ? J’ai exploré — et parfois même inventé — de nombreuses modalités d’interaction dans ma pratique artistique. Certains dénominateurs communs apparaissent de différentes manières dans ces dispositifs. Il y a ainsi une certaine pertinence dans le fait que deux de mes installations les plus anciennes s’intitulaient Viewpoint (Paris, 1986) et Points of View (Amsterdam, 1989). Parce que je cherchais à développer surtout à l’époque des systèmes optiques qui donnaient au spectateur des outils de contrôle personnalisés, pour voir et explorer les espaces de représentation qui constituaient les œuvres. Alors que dans le cinéma, nous — en tant que spectateurs —, sommes toujours rivés à l’œil de la caméra qui est dirigée par le réalisateur, des dispositifs comme EVE et PLACE ouvrent la perspective d’un cinéma élargi où le rôle plus interactif du spectateur lui permet de contrôler le mouvement d’une caméra virtuelle, mais aussi d’avoir un vrai pouvoir de décision sur le montage et la narration qui en découle. L’idée est que, nous, le public, puissions voir et expérimenter l’œuvre à travers nos propres yeux. Que nous puissions nous l’approprier, en devenir complice dans son déroulement. Ce qui est intéressant, c’est que cette réappro-

priation personnelle du principe de visionnage s’étend même aux spectateurs inactifs, ceux qui regardent juste ce que fait un autre spectateur, car il y a de fait un caractère unique, impossible à répéter, dans ce genre de performance.

"PLACE" est un dispositif particulièrement monumental, un panneau à 360° qui se matérialise sous la forme de photographies panoramiques 3D et de sources d’enregistrements spatialisés, d’origine turque sur le projet "Yer-Turkiye", ou dans des influences plus indiennes sur "Place-Hampi". Est-ce que l’idée de voyage, de connexion entre les gens à un autre champ de connaissances, est quelque chose qui a aussi une grande importance dans votre travail ? Dans une pratique artistique, il y a toujours beaucoup de "places" possibles, qui peuvent devenir autant de lieux de représentation. Comme dans le cinéma, le lieu est autant un protagoniste que le sont les acteurs. Si on va plus loin, l’histoire de l’art est une histoire de références qui s’entrecroisent, de réappropriation, car l’art opère au plus large des domaines de la culture humaine et de la mémoire. Si ma pratique artistique peut être réduite comme une stratégie pour voir et expérimenter de façon nouvelle — et à travers l’idée d’interactivité, de "découvrir à nouveau" — il n’y a donc pas de surprise à

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Jean-Michel Bruyère, La dispersion du fils (Lfks + AVIE).

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ce que la richesse de contextes culturels aussi passionnants que les cultures turques ou indiennes interagissent avec mon propre intérêt. L’imaginaire esthétique n’est pas seulement un lieu d’invention, c’est également un lieu de récupération, de reformulation et de réinterprétation.

L’orientation en 360° vous a conduit a développé l’"AVIE" (Advanced Visualisation and Interaction Environment), un système de projection en cylindre argenté composé de douze écrans vidéo, conçu pour une interaction avec un ou plusieurs usagers grâce à un joystick, un iPod ou un système de tracking visuel que les spectateurs peuvent endosser avec des lunettes polarisées spéciales. Plusieurs artistes ont utilisé ce dispositif. Vous l’avez fait vous-même avec le projet "T_Visionarium"… Est-ce important pour vous de continuer à créer des dispositifs qu’utiliseront d’autres artistes ?

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Jeffrey Shaw, AVIE (Advanced Visualisation and Interaction Environment), 2006.

Pour AVIE comme pour le reste, le cinéma est à la fois le modèle et l’inspiration. Au cinéma, tout un appareillage technologique a été inventé : la pellicule, la caméra, le projecteur… Un nombre infini d’artistes a utilisé ces outils pour exprimer sa créativité. Je développe beaucoup de mes "machines" avec le même souci générique de les mettre à la disposition d’autres artistes. AVIE est un environnement paradigmatique contemporain qui exprime des espaces de représentation panoramique. Il suit en cela la tradition

immersive, "surround", des panoramas en peinture baroque. En tant qu’artiste, je me vois autant comme un créateur de nouveaux systèmes de représentation — que d’autres artistes peuvent d’ailleurs utiliser avec plus de talent que moi ! — que comme un créateur de systèmes permettant des temps de représentation absolument uniques.

EN 2003, vous êtes retourné en Australie pour cofonder et diriger le programme de recherche en systèmes interactifs du iCinema Research Centre de l’Université du New South Wales [NDLR : une unité de recherche tournant autour de trois axes majeurs : les systèmes interactifs narratifs, les systèmes de visualisation immersive et les systèmes avec interface connectable au réseau internet]. Est-ce que ce poste vous a permis de pousser votre réflexion et vos conceptions encore plus loin ? Ce travail dans le cadre d’iCinema que vous évoquez est la continuation complète de mes précédents projets artistiques, à Amsterdam ou au ZKM. Ce qui peut peut-être distinguer iCinema est que pour la première fois ces recherches sont conduites dans un contexte plus académique, avec donc un cadre de recherche plus rigoureux mais aussi plus de moyens financiers. C’est quelque chose de positif dans mon cas car beaucoup de mes réalisations précédentes l’ont été dans un contexte plutôt en-dehors du "marché de l’art", de sa logique économique et de ses modalités de production et de consommation. L’institut des médias visuels du ZKM et le iCinema de l’Université du New South Wales sont des lieux de création qui offrent un contexte de création différent mais innovant. C’est toujours une excellente opportunité pour saisir de nouvelles opportunités de travail et étendre mes centres de réflexion.

Quand on s’intéresse de plus près au programme de recherche d’iCinema, on y dénote des modalités collaboratives entre artistes et chercheurs qu’on peut retrouver en France, dans des structures particulières comme l’Atelier Arts Sciences de Grenoble par exemple… C’est le genre d’expérience que j’avais déjà goûtée. L’approche scientifique de la recherche

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est quelque chose de très bénéfique pour les artistes de nos jours, et le fait de s’intéresser aux nouvelles étapes de développement technologique est une source de compréhension et d’inspiration indispensable pour quiconque réfléchit à des modalités humaines dans son travail artistique. On constate une convergence de plus en plus forte entre l’art et les sciences, souvent guidée par la reconnaissance par les artistes du fait que les sciences sont un domaine de réflexion critique et esthétique particulièrement approprié. Mais je partage aussi votre point de vue sur le fait que les artistes intégrés dans des structures plutôt académiques bénéficient grandement de cette plus grande proximité avec des étudiants. Le principe de participer à l’éclosion de nouvelles générations pour délimiter de nouveaux horizons de création est d’ailleurs commun à l’art et aux sciences.

Vous avec toujours beaucoup aimé travailler en collaboration, avec Bernd Linterman, Dirk Groeneveld, Sarah Kenderdine, Ulf Langheinrich, Jean-Michel Bruyère… Est-ce parce vous aimez travailler au sein d’une équipe ou avec des amis ? Ou alors est-ce que la complexité technologique de vos dispositifs requière un certain nombre de contributeurs ? Un peu les deux. Tous ces dispositifs particulièrement techniques nécessitent un travail collaboratif car chaque membre est responsable, en fonction de ses degrés de compétence, d’une partie bien spécifique. La plupart des œuvres conduisent donc naturellement à une forme de co-écriture à partir du moment où, comme moi, on aime cette façon de partager les processus créatifs. Après, les œuvres elles-mêmes réclament l’activation d’une certaine interaction sociale dans leur proprioception. La phase de création et aussi de réalisation de mes pièces est par nature sociale. C’est un plaisir réel que de bénéficier d’une véritable plateforme artistique, que de nombreux artistes peuvent rejoindre pour apporter leur savoir-faire spécifique ou pour contribuer au succès de la coloration transdisciplinaire des projets.

Au-delà des facteurs interactifs et cinématiques, vos projets ont toujours été marqués par leur nature transdisciplinaire justement.


PROFIL JEFFREY SHAW

À mes yeux, les arts numériques sont la force la plus expressive de la culture contemporaine. Comme je disais, je peux encore être enchanté quand une pièce non-numérique exprime une force équivalente, voire supérieure. De nombreux artistes en sont encore capables. Mais c’est vers le numérique que va ma préférence — peut-être parce que ma longue expérience me permet d’être familiarisé avec toutes les possibilités qu’il induit. Il y a aussi un autre facteur. Les outils de la culture contemporaine se sont largement insinués dans notre vie quotidienne. Même à l’échelle de la communication humaine, les rapports directs et transmis par les nouveaux médias sont tellement enchevêtrés que les relations sociales — mais aussi les logiques politiques — en sont transformées. Tout cela crée les conditions d’un besoin urgent pour une critique esthétique qui exploite ce faisceau de supports médiatiques numériques dans des réflexions plus alternatives, selon des modèles sociétaux globaux qui viendraient remettre en question ceux produits par les "industries médiatiques".

De 1991 à 2003, vous avez été le directeur fondateur du ZKM de Karlsruhe. Le ZKM a récemment conduit toute une réflexion autour de la question de la conservation des œuvres numériques, à travers un programme de protection des œuvres existantes mais aussi par le biais de l’exposition Digital Art Works: The Challenge of Conservation… Est-ce une problématique dont vous étiez conscient lorsque vous avez créé vos premiers dispositifs interactifs ? Pour la plupart des gens, la présence d’un témoignage artistique du passé est un bien inestimable pour les générations suivantes. Cela perpétue à l’échelle la plus fondamentale la lignée d’une culture humaine axée sur le questionnement et l’expérience, et participe

à la connaissance et à l’enchantement de nos destinées. Si l’on s’accorde sur la valeur de l’art sur la durée, le défi de sa conservation sera relevé. Un artiste peut ensuite choisir d’intégrer ou pas cette réflexion sur la durée dans son œuvre. Quel que soit son choix, il est de la responsabilité des conservateurs de se donner les moyens de conserver les œuvres avec les méthodes les plus appropriées, qu’il s’agisse d’une fresque sur un mur abîmé ou d’une pièce numérique fonctionnant sur un système informatique obsolète. Dans la plupart de mes pièces, je privilégie davantage une stratégie de "reconstruction numérique" plutôt que celle d’une maintenance permanente en l’état du système original. Une telle méthode s’appuie tout autant sur une documentation solide et rigoureuse. Ce principe de portage vers une nouvelle plateforme informatique est donc tout autant respectueux de l’intégrité d’origine de l’œuvre. Et il a l’avantage de pouvoir être mis en action par n’importe quel technicien dans le futur.

nature métaphysique de la chute jusqu’à la servitude de l’amour, qui traverse les désastres de l’histoire ou le caractère tragicomique du personnage de Buster Keaton. En ce sens, cette œuvre peut être interprétée comme un "monument dédié à la chute". L’idée n’est pas de donner une lecture cryptée de l’état de regret, mais plutôt de proposer un regard cruel, numérique et théâtral d’une constante remise en action de cette chute. Chaque spectateur en est l’acteur interagissant, à travers lequel la morale de Beckett peut être constamment visionnée et répétée. PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT CATALA

+ D’INFO : < www.jeffrey-shaw.net >

Sarah Kenderdine & Jeffrey Shaw, Place - Hampi, 2006.

Vous avez présenté récemment à la neuvième Biennale de Shanghai une nouvelle création interactive, conçue avec Sinan Goo : "Fall Again, Fall Better". Elle se compose d’un immense écran où les spectateurs peuvent déclencher la chute de silhouettes humaines modélisées en 3D en actionnant une commande spéciale. Le commissaire de la biennale Qiu Zhijie a écrit que cette pièce "révèle un sens tragique de la tristesse…" Elle a effectivement un côté très tragique ! Autant par son expressivité que par l’usage que peut en avoir le public. Dans cette installation, deux lignes de réflexion se conjuguent. L’une est directement tirée de la formule désenchantée de Samuel Beckett : Try Again. Fail again. Fail better. Et l’autre repose sur les multiples façons dont les notions de chute et les déclinaisons du mot Fall [tomber] interfèrent avec nos vies, notre littérature, nos mythologies et nos conversations du quotidien. Failure et Falling [l’échec et la chute] sont synonymes en termes d’anxiété quand ces mots expriment les ruptures d’environnement, les ruptures sociales qui hantent les consciences globales de la modernité. C’est une vaste thématique qui part de la

Sarah Kenderdine & Jeffrey Shaw, Place - Turkey, 2010.

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Je pense à ce cochon gonflable qui surplombait la station électrique de Battersea à Londres, utilisé pour la pochette d’album de Pink Floyd, à l’utilisation de textes en trois dimensions, aux collaborations avec Peter Gabriel… Pensez-vous que l’heure est venue pour les arts numériques d’être véritablement au centre de la création artistique… ?

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PROFIL NORBERT HILLAIRE

PHOTOMOBILES LA FIN DE LA MODERNITÉ SANS FIN Les fragments qui suivent ont été écrits comme autant de notes de travail accompagnant la réalisation en 2012 de mes photomobiles — série "lignes de fuite" —, photos réalisées avec mon iPhone, en conduisant parfois, et nécessitant ensuite un long travail de montage — mais pas de retouche — sous forme de diptyques ou de triptyques, avant d’être parfois "rehaussées" à l’or (comme le faisaient les enlumineurs au Moyen Âge), puis imprimées. C’est cette "connaissance par le montage" (Didi-Huberman), qui est ici explorée, comme expérience d’un retournement de la modernité sur elle-même et ses appareils de projection — de la peinture et de la perspective, jusqu’au cinéma, mais au moyen des nouveaux médias de la mobilité). © D.R.

la soutient (et qui conduit à un écrasement du temps sous les formes du direct, du live, du temps réel), produisait en retour, en une sorte d’effet boomerang qui est aussi un contrepoison, une formidable puissance de divergence artistique et esthétique, d’ouverture de l’œuvre d’art vers des régimes spatiotemporels infiniment divers.

Schifters, Norbert Hillaire, Photomobiles, série Lignes de fuite.

Les photomobiles, qui sont à peine des photos, ou des photos comme volées à travers un téléphone, semblent destinées à répondre de la fuite du temps et de cet empire de l’éphémère qui en est comme l’ombre portée aujourd’hui, par le mouvement symétrique d’une prise effectuée sans aucun souci de pause, ou de construction organisée de l’image. Une prise en mouvement, comme l’objet même qu’elle tente de saisir. Il s’agit dès lors de se laisser (sur)prendre, à travers le mouvement et la vitesse asynchrones de ces divers mobiles, de laisser ce temps qui nous échappe s’ouvrir sur lui-même dans le prisme de ces appareils. Comme si la fameuse convergence des médias, et la puissance de synchronisation mondiale des images et des opinions qui

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Ainsi, là où l’on peut constater avec les progrès constants du numérique, le devenir pictural d’une certaine photographie dans l’art contemporain, comme fascinée par l’immobilisme de la grande peinture d’Histoire, le téléphone portable serait comme un appareil de photo incertain, qui, outre qu’il contribue à une étrange redéfinition des rapports entre image et société, ouvrirait vers de nouveaux horizons et nous renverrait paradoxalement à ce tremblement du temps caractéristique de la photo des origines. Ce qui est en jeu, c’est ce qui se passe, comme dit Rancière, entre un voir et un savoir, un regard et une action (revoir la question du maître ignorant, en un sens, ces photos posent aussi la question de l’amateur). Ce qui se passe entre l’œuvre et le spectateur, et qui n’appartient ni à l’auteur ni au spectateur (est-ce ce que Duchamp appelle coefficient d’art ?).

Cela pose la question de ces médiations, entre les deux polarités du regard (celui de l’artiste qui sait, qui est lui-même son premier spectateur), et le spectateur qui ne sait pas (mais qui partage avec l’artiste) ce machin, ce mana, qui se déplace de l’un à l’autre, qui leur est commun, qui s’interpose entre l’un et l’autre, comme une grille, un hors-champ, qui vient scander le champ construit de l’image. Ces objets intermédiaires peuvent être par exemple des essuie-glaces dans la série des essuie-glaces. Ils servent à dessiner l’espace en dehors de l’espace. Ce qui conduit à un autre aspect de ce projet, et qui touche à la porosité du dedans et du dehors : il s’agit d’articuler un point de vue du dedans (des intérieurs) et des extérieurs, de tracer de l’un à l’autre, comme des lignes de fuite, de manière à ce que chacune de ces lignes apparaisse comme ces energons dont parle Deleuze à propos de Kafka. Mes tableaux/dessins /peintures sont aussi des musiques pour l’œil (dès lors qu’ils sont photographiés et recyclés dans mes photomobiles), au sens de ces tableaux-rouleaux chinois qui inspirèrent Eisenstein dans l’invention de son art du montage.


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Ce qui est premier, c’est la ligne, la ligne de fuite — qui est le lieu de l’insistance d’une forme et d’une énergie à s’imposer à travers quelque figure que ce soit, quelque matière, ou même quelque point de vue, ou quelque référent. Ce serait comme si cette ligne était la carte d’un territoire énergétique, dont les objets qui le peuplent importent moins que l’énergie qui va de l’un à l’autre, qui les traverse, et qui transgresse, en s’imposant au delà de tout référent, contre le référent, des signes sans référent, en somme. Et donc, en effet, il faut "sauver le contour" (Deleuze), mais contre lui-même ou ce qu’il tente de retenir, et qu’il ne réussit pas à retenir. Et qui échappe. Ou comme ce qui laisse voir que quelque chose échappe dans le mouvement de sa rétention même. C’est pour cela que ce sont des diptyques ou des triptyques, mais qui ne rassemblent pas tant en leur centre, qu’ils ouvrent un hors champ, qui ouvrent vers d’autres images potentielles, hors celles qui sont retenues dans le champ et l’espace des trois images. Ce serait en ce sens des iconostases, au sens de Ouellet (il y a quelque chose de l’idiot et du Dieu, qui doit circuler entre ces images). […/…] Chercher quelles peuvent être ces intermédiations, qui prennent place comme des machines de vision entre le spectateur et nous et qui seraient comme une délégation de compétence à des objets mobiles, qui introduisent une vitesse, un rythme à la fois voulu et hasardeux, intentionnel et aléatoire (ce serait une manière, avec les essuie-glaces par exemple, de réintroduire l’aléatoire dans l’art, comme ont voulu le faire les compositeurs de l’âge moderne en musique). Les essuie-glaces rythment, comme une partition, ils introduisent aussi des signes qui ne sont pas sans évoquer les signes et le mouvement du pinceau dans l’art et l’écriture calligraphique de l’extrême Orient. Mais aussi, ils sont comme des shifters, des embrayeurs, ils sont à la fois énoncé et source énonciatrice dans l’espace du "tableau", entre

l’espace construit et l’espace perçu, ils sont sujets et objets, instruments de dessin et partie du dessin, cartes et territoires, référents et signes servant la représentation. Comme pourraient l’être en un sens d’autres objets qui viennent suturer, scander, rythmer un espace et qui sont des instruments, mais empruntés au monde commun de l’industrie – en un sens, cette démarche s’inscrit dans la continuité du transfert de César, avec ses machines industrielles à compresser utilisées comme des instruments de sculpture (ou qui sont une forme de transfert de l’industrie, ou de détournement de machines ou d’appareils qui ont d’abord leur sens dans d’autres contextes, leur usage).

Répons, Norbert Hillaire, Photomobiles, série Lignes de fuite.

sont mouvement, battement artériel ou rythme du temps routier, et en même temps, ils sont à l’arrêt, jambes scandant les pas à pas internes de l’image, ou de l’enchaînement des images ; sans que ces enchaînements et ces superpositions rythmiques aient pu être calculées entre la vitesse de l’automobile, celle des essuie-glaces, celle de la reconstruction ou de la reconnaissance : ce sont comme des temporalités divergentes, qui ouvrent sur des points de vue euxmêmes divergents (mais que chacun peut s’approprier car ils sont le commun, sorte d’iconostase temporelle, qui laisse perler le temps diffracté que nous vivons, les ruptures de rythmes qui sont notre lot commun). […/…]

"Je hais le mouvement qui déplace les lignes" (Baudelaire) Mais les automobiles et les Smartphones sont aujourd’hui des machines de vision, des machines à travers lesquelles le réel s’offre à nous de manière quasi permanente (ces appareils rythment notre propre machine de vision interne). Les essuie-glaces dégagent l’horizon de notre champ de vision et ils sont comme l’équivalent de la fenêtre chez Matisse, mais celle-ci est à l’arrêt chez Matisse, alors que nous vivons aujourd’hui en automobile, en avion, dans des transports rapides. Il y a aussi cette idée de balayage, d’une image qui participe de ce mode particulier de structuration de la mémoire et du temps que Lyotard appelle le balayage, qui n’est plus du tout le frayage des anciennes cultures, et qui pourrait, à certaines conditions — se subsumer, se « relever » en une temporalité plus dense, que le philosophe nomme passage. Évidemment, ils sont aussi une forme de mise en abîme de la question de la mobilité, car ils

Ces images sont en ce sens (et pour reprendre la formule de Lautréamont) "faites par tous, non par un" (et doivent reposer la question de l’amateur et du professionnel photographe). Leur beauté, ou leur efficacité tient à ce qui, en elle, échappe à la maitrise de celui qui les a produites : ce sont comme des ready-made, mais temporels et rythmiques, qui introduisent, mais par condensation, et repliement interne, ou mise en abyme des rythmes, une spatialité autre qui ne serait faite que de strates temporelles divergentes. Des mouvements asynchrones, mais qui sont beaux, non parce qu’ils témoigneraient de la possibilité de restituer le mouvement à l’arrêt (comme l’ont fait les futuristes), car dans ce cas là, il n’y aurait plus qu’à faire du cinéma, mais parce qu’ils témoigneraient au contraire de la possibilité d’arrêter le flux, de contempler le temps dans les arts de l’espace, mais le temps à l’arrêt (comme chez les impressionnistes), le retenir dans sa fuite

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Le vecteur des archives, Norbert Hillaire, Photomobiles, série Lignes de fuite.

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+ D’INFO : < www.norbert-hillaire.com > < www.m2icm.fr >

(sans doute) ; en somme, ce qui est intéressant, c’est l’impossibilité d’arrêter le flux et le temps, tout en l’arrêtant quand même, comme les forcados interrompant la charge du toro dans la corrida portugaise. C’est donc aussi un éloge de la lenteur : une manière d’ek-stasis temporelle, comme ces réactions en chaîne dont parle Eisenstein, mais qui sourdent l’une de l’autre — sauf que dans le cas d’Eisenstein, cela produit une profondeur qui s’ouvre dans la continuité même du temps cinématographique et ses effets de coïncidence avec le temps réel pour produire un récit, alors que ce qui m’intéresse, c’est de condenser le mouvement, le laisser vivre et même sourdre comme un irrésolu, une extase, mais visible, perceptible à l’arrêt — des compteurs, des mesures, des médiations techniques diverses qui jalonnent notre espace temps (le GPS peut être un instrument intéressant de ce point de vue, ainsi que les autres outils d’orientation que l’homme invente chaque jour pour se déplacer, s’aider dans ses déplacements, et qui introduisent une temporalité nouvelle). Les GPS sont intéressants aussi de ce point de vue (en un sens, je pourrais appeler ces travaux "l’écriture en suspens", en référence à mon premier mémoire de recherches dans lequel j’expliquais que les objets, les décors sont de quasi-personnages dans les contes de Flaubert : « des éclats de langage », comme me dit Barthes un jour). La dernière idée, au delà de celle de l’arrêt du flux et du mouvement (comme si ces essuieglaces étaient l’équivalent de la saisie que nous avons aujourd’hui de ces personnages à l’arrêt à Pompéi, arrêtés par l’accident, la catastrophe — et l’accident, au sens de Virilio est aussi sousjacent à ces photomobiles), donc du temps, c’est celle de l’espace. Ces photomobiles de la série 2011 (je hais le mouvement qui déplace les lignes), sont, doivent aussi entrelacer un point de vue surplombant, panoptique (celui du cartographe qui voit le

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monde d’en haut, ou à travers les outils et instruments de la représentation objective), et le monde en perspective cavalière, ou le monde vu depuis un point de vue local, ou subjectif. Le point de vue objectif et le point de vue subjectif doivent se coupler s’hybrider : l’essuie-glace, en tant qu’objet qui a été arrêté dans sa course échappe au contrôle de l’observateur : il est la trace d’une réalité spatio-temporelle objective, objectivé dans et par l’œil de l’objectif du smartphone. […/…] On peut dire aussi que chaque "œuvre" est non une photo, un dessin, une peinture, mais une "source", qui se décline de manière multimodale sur plusieurs formats et plusieurs objets. Chaque œuvre est une "modèle trouvé", ou une abstraction trouvée. Un "ready modèle" (à rapprocher de mon idée d’un duchampisme généralisé). […/…] Si le paysage que nous voyons se projetait luimême dans un miroir et que nous ayons vue sur ce miroir en le traversant, nous verrions le paysage mais inversé. Je veux travailler sur cette idée que le paysage devient l’agent du tableau, qu’il est lui même l’artiste en se représentant et se contemplant dans un miroir. Au sens ou l’on dit que l'art invente la nature - mais là, ce serait plutôt un chiasme; l’art invente la nature (la nature est écrite en langage mathématique et artistique) et la nature invente l'art. […/…] Dans certains triptyques, il s’agit donc de rehausser, comme le faisaient les enlumineurs du Moyen Âge, les traits et les lignes de fuite les plus saillantes d’une figure ou d’un paysage, à l’or, mais ces lignes tracées au pinceau ou au fusain doré sont l’image inversée de celles qui figurent et scandent le paysage réel photographié à l’arrière plan. On joue ainsi d’un rapport paradoxal – et en un sens conflictuel - entre une esthétique médiévale et une esthétique du Smartphone et de la mobilité, d’un rapport entre temps extatique et arrêté (l’or souligne ce rap-

port au temps), et un temps des flux, de la mobilité et du mouvement perpétuels, d’un rapport entre lenteur et vitesse. […/…] Il y a aussi cette idée que, le paysage se réfléchissant en lui même, on est à la fois dans le régime de l’actuel (écrans, remix, sample du paysage, le paysage réduit dans sa mise en abîme même, dépaysé), et dans un espace très classique : le paysage à l’arrêt, comme les tableaux de la renaissance. […/…] Peut-on imaginer de faire dialoguer des appareils hétérochroniques entre eux, des appareils qui ne relèvent pas du même régime de destination époquale ? Certains appareils relèvent de normes très différentes (par exemple, pour les normes de révélation (incorporation ou incarnation), l’interdit de la représentation privilégiera la calligraphie, le géométrisme non figural appliqué aux décors architecturaux. Pour les normes de délibération, qui définissent le sujet et l’être-ensemble modernes, ce sont les appareils de projection qui portent le sens d’une destination époquale commune (de la carte, au globe terrestre, ou au cinéma). Ces appareils "traduisent et font époque, ils créent pour la singularité et l’être ensemble une destination" (voir ici les thèses de Jean-Louis Déotte). Mais la question se pose de savoir si une coexistence de normes hétérogènes est possible (dans nos sociétés comme dans mes photomobiles) : par exemple la norme de révélation (les enluminures du Moyen Âge), et la norme de délibération (disons Le déjeuner sur l’herbe). Mais, la perspective est un appareil qui fait lien entre ces deux normes, qui libère (et qui assujettit au sens de Lyotard). Il faut donc continuer à s’intéresser à la perspective, et c’est ce que je tente de faire dans mes photomobiles. Mais après l’appareillage du cinéma, après l’appareillage de l’époque et des autres arts par le cinéma, et ses emprunts à d’autres appareils (en particulier pour le montage), de manière à me trouver confronté à un conflit d’époques et d’appareils… de normes.


PROFIL NORBERT HILLAIRE "

Ma photo est "mobile", non seulement dans le sens de la mobilité voulue et imposée par les portables, mais aussi par l'impossibilité d'assigner à ma pratique (ou le refus de ma part), une résidence (dans la photo plasticienne par exemple et ses diverses tendances : que ce soit la forme tableau à la Jef Wall, que ce soit l'art du métissage à la Fleischer, ou encore les tendances post-conceptuelles). […/…] Le monde de l'art se partage clairement aujourd'hui entre deux mondes, un monde appareillé encore à la modernité et aux avant-gardes (une volonté de dépassement des tentatives précédentes), et un autre au post-modernisme. Par leur appartenance à la sphère des questions

Bibliographie • Art Press 2, L’art numérique et après ? (direction éditoriale) [à paraître le 13 mai 2013] ; • Arranger le monde, éditions Scala [à paraître] ; • La fin de la modernité sans fin, L’Harmattan, coll. Ouverture philosophique Esthétiques, février 2013 ; • Double vue, 50 fragments pour Julien Friedler, éditions Somogy, 2012 ; • La Côte d’azur après la Modernité, éditions Ovadia, 2010 ; • L’expérience esthétique des lieux, L’Harmattan, coll. Ouverture philosophique Esthétiques, 2008 ;

les plus actuelles, l'amateur et le professionnel, l'importance prise par les nouveaux médias de la mondialisation, ce travail est paradoxalement moderne : il postule le mouvement de l'histoire, et le fait que nous n'en avons pas fini avec les récits d'émancipation. Nous sommes bien alors dans une modernité sans fin, qui n'en finit pas de se réinventer. Mais, en un autre sens, c'est bien la fin de la modernité : et dans ce constat, se dessine alors la possibilité d'une relecture, d'une citation, d'une réappropriation des formes de l'art du passé, un art envisagé comme retraitement de cet inépuisable répertoire de formes qui nous précède et qui nous suit (à la trace) : mais là aussi, il n'y a pas une seule postmodernité en photographie. Ce serait alors cela peut-être, la fin de la modernité sans fin. […/…]

TEXTE : NORBERT HILLAIRE

L’artiste et l’entrepreneur (dir.), éditions de la Cité du design, Saint-Etienne, 2008 ; • L’art numérique, comment la technologie vient au monde de l’art (en coll. avec Edmond Couchot) Flammarion, coll. Champs, 2005 ; • Œuvre et Lieu, essais et documents (en collaboration avec Anne-Marie- Charbonneaux), Flammarion, octobre 2002 ; • Internet All over. L’art et la Toile (dir.), Art Press +, (1999) ; • Nouvelles technologies, un art sans modèle ? (dir.), Art Press Hors-Série (1991). •

Théoricien, professeur à l’université de Nice-Sophia Antipolis où il dirige le master "ingénierie de la création multimédia", artiste, Norbert Hillaire s’est imposé comme l’un des initiateurs de la réflexion sur les arts et les technologies numériques, à travers de nombreuses publications, directions d’ouvrages et missions prospectives pour de grandes institutions (ministère de la Culture, Centre Pompidou, Datar). Son ouvrage, coécrit avec Edmond Couchot, L’art numérique (Flammarion), fait aujourd’hui référence. Comme artiste, ses photomobiles interrogent les relations entre peinture, photographie et cinéma et sont régulièrement exposées en France et à l'étranger

Expositions • Photomobiles, série Lignes de fuite, exposition collective, Galerie Gourvennec Ogor, Marseille, du 29 juin au 30 août. > www.galeriego.com • Photomobiles, série Lignes de fuite, exposition collective, Galerie SAS, 372 Sainte-Catherine Ouest, suite 416, Montréal (Québec) Canada, du 30 août au 6 octobre. > www.galeriesas.com • Exposition personnelle au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains [en préparation]

La noyade de l'eau, Norbert Hillaire, Photomobiles, série Lignes de fuite.

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Et mieux encore, ou pire encore, s’il s’agit de faire coexister "appareils" et "moyens de communication".

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PROFIL WOLF LIESER

WOLF LIESER DIRECTEUR DE LA GALERIE DAM

Le grand public, aujourd’hui, n’est-il pas définitivement prêt à accueillir des œuvres numériques ?

Wolf Lieser

Quand vous travaillez dans ce domaine depuis un certain moment, vous avez connu une période où elles étaient refusées. Les gens ne comprenaient pas les nouvelles technologies, ils ne comprenaient pas l’importance et l’influence qu’elles auraient sur la culture et l’art contemporains. Je fais ça depuis 20 ans, et maintenant on entre dans une période différente, ce qui m’a poussé à changer la stratégie de DAM. Cette nouvelle période est "post-Internet"; selon le terme défini par Rachel Greene de Rhizome. Elle parlait de ces "digital natives" qui ont grandi avec Internet et ce genre de technologies qui font partie de leur vie quotidienne, de leur pratique artistique. Cela se voit dans la façon dont les gens se servent des applications ou de petites choses ludiques sur leur iPads ou autre, des choses comme celles réalisées par l’artiste autrichienne Lia. S’agit-il d’art ou ne s’agitil pas d’art ? Cela n’a pas d’importance. Ils le téléchargent, ils pensent que c’est génial, ils aiment bien jouer avec. C’est cela qui m’intéresse maintenant. Les peintres qui font des paysages dans un nouveau format ne m’intéressent pas.

Mais qu’en est-il des institutions muséales et du marché de l’art ? J’ai toujours un pied du côté du marché, avec les gens qui n'y connaissent rien, et un pied du côté des gens qui réalisent des œuvres numériques. Je fais le pont entre les deux, et je trouve que le monde artistique

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en général, arrive tout juste à comprendre l’importance du numérique. C’est ma perception. Je vois que les musées implémentent des commissaires qui ont une petite idée (ceux d’avant n’en avaient aucune), qui essaient d’en apprendre plus et d’approfondir. Je réussis actuellement à trouver des collectionneurs qui commencent vraiment à comprendre et à voir l’avenir.

l’avait déjà commencé à l'origine avec quelqu’un d’autre… Ça n’a jamais marché. On payait chaque mois ; lui gagnait de l’argent en faisant des sites web, et moi je gagnais ma vie avec la galerie près de Francfort en vendant des supports traditionnels (peintures, photographies). Mais à l’époque je réfléchissais à un concept et à la possibilité de développer quelque chose autour des œuvres numériques pour le marché de l’art. C’est alors que j’ai eu l’idée du musée en ligne. Nous avons développé ce site web afin de faire connaître aux gens l’histoire de l’art numérique, de leur montrer que l’histoire a commencé dans les années 1960 et qu’il existe des pionniers qui travaillent encore, qui ont une carrière qui persiste depuis 30 ou 40 ans. Voilà pour le début. La deuxième étape a toujours été d’avoir une galerie pour développer le marché, parce tous ces artistes n’ont presque rien vendu.

Comment est née l’idée de créer un musée virtuel en ligne ? Quand j’ai commencé DAM, j’avais déjà une deuxième galerie à Londres en parallèle à celle que j’avais à Francfort, qui était consacrée à l’art numérique, de 1999 à 2002. La galerie londonienne n’était pas très connue. Je l’ai fait avec un associé, qui

Aram Bartholl, Olia Lialina, 2012.

Comment gérer la question de l’original, donc de la rareté, quand il s’agit d’œuvres que l’on peut copier, coller ou télécharger ? © PHOTO COURTESY DAM GALLERY / D.R.

© PHOTO ISABELLA WIRTH

Wolf Lieser est l’initiateur du projet DAM - pour Digital Art Museum - qui regroupe un musée virtuel en ligne, un prix en partenariat avec la Kunsthalle de Brême et une galerie à Berlin. Sa stratégie : l’intégration des nouveaux médias dans l’art.

Nous savons tous qu’il n’existe pas d’original, puisque la copie est identique. Donc, les artistes ont adopté les stratégies habituelles du marché. Par exemple, Casey Reas ne réalise qu’une seule œuvre de logiciel. S’il réalise une nouvelle œuvre, elle est produite et vendue une seule fois. D’autres font 3 ou 5 éditions de l’œuvre, ce qui est la norme. Tout cela à cause du marché. Évidemment, ce serait facile d’en faire des centaines. Il y a d'ailleurs un nouveau site web qui commence à commercialiser des


© PHOTO COURTESY DAM GALLERY / D.R.

Casey Reas, Signal to Noise, 2012. formats numériques dupliqués 500 ou 200 ou 300 fois. Mais d’après ce que je vois, c’est toujours plus facile de vendre une bonne œuvre d’art pour 5000 euros plutôt que de la vendre 200 fois pour 100 euros… L’évolution du marché fera émerger de nouvelles façons de marchander l’art logiciel, ce qui revient essentiellement à des œuvres logicielles, parce qu’elles seront disponibles à un public plus large et seront diffusées sur d’autres réseaux, comme cela a été le cas avec la musique. Je pense qu’il se passera la même chose avec les expériences et œuvres visuelles qui reposent également sur le logiciel, à travers Internet et d’autres réseaux de distribution. Mais cela se passera probablement en parallèle au marché. Le marché de l’art existera toujours, parce que les gens ne voudront dépenser de grosses sommes d’argent que s’ils ont au moins la sensation d’une certaine d’exclusivité.

La plupart des artistes numériques se sont passés du marché, allant de résidences en festivals, de workshops en conférences. La mission essentielle du galeriste n’estelle pas de les accompagner pour que leurs œuvres pénètrent le marché dont on sait la position dominante actuellement ? C’est évident. Un bon exemple est Aram Bartholl, un artiste que je connais depuis des années à Berlin, j’ai suivi tout son développement. C’est comme ça qu’il vit : invité à des conférences, voyageant là-bas, résidences, bourses, et ainsi de suite. Il gagnait sa vie ainsi. Après tout, ce n’est pas une vie facile, et vous ne gagnez toujours pas assez, en fin de compte. Vous êtes toujours en

train de bouger, de voyager, et en plus il faut que vous pondiez des idées extraordinaires entre les deux pour assurer que ça continue. Aram était doué pour ça, et il a fait de très bons projets qui l’ont rendu célèbre sur le plan international. Dès le moment où vous arrivez à vous établir sur le marché de l’art, et c’est comme ça que ça fonctionne, les prix monteront au fur et à mesure que vous vendez vos œuvres, ce qui vous permettra de sortir de cette phase de voyage non-stop et de vous concentrer enfin sur votre travail artistique. Voilà qui est, évidemment, une bien meilleure prospective. Je n’ai rien contre le fait de donner une conférence, mais beaucoup de ces rencontres ou festivals n’ont finalement absolument aucune importance pour votre carrière.

J’imagine alors, quant à cet accompagnement vers d’autres territoires, que les artistes réagissent diversement ? Certes, la meilleure façon de s’y prendre c’est d’avoir une bonne galerie qui travaille dur pour vous présenter aux collectionneurs. C’est ce qui s’est passé avec Aram. On a vendu plusieurs de ses œuvres, et ça va continuer, il fait du bon travail. On n’a rien changé sur ce qu’il fait, parce qu’il a déjà produit des œuvres qui se vendent. D’autres ne se vendent pas, mais ça va aussi. Je pense que c’est important de laisser les artistes faire leur travail, ce qu’ils veulent faire, même si c’est risqué. Actuellement on fait une expo avec Casey Reas. Il a tout simplement abandonné l’esthétique de ses œuvres logicielles précé-

dentes. Jusqu’à 2010-2011. Ses nouvelles pièces sont très dures visuellement, accompagnées d’une esthétique totalement différente. Il avait décidé de faire ça pour la prochaine exposition et il travaillait jusqu’au dernier moment, donc je ne savais pas ce qui allait venir, et je savais que ça pouvait être risqué : il se pourrait que le client, ses collectionneurs, disent, je n’aime pas ça, vous n’avez pas quelque chose d’avant ?

Récemment, j’ai vu une fresque murale de Casey Reas à l’Art Institute de Chicago. Mais c’était au sein des salles dédiées à l’architecture et au design. Est-ce la place d’un artiste numérique ? Casey est très sensible à tout cet aspect design. Il essaie de l’éviter si possible. Mais d’un autre côté, il a eu tellement d’influence avec son Processing et tout ce qu’il a développé dans ce domaine, il est tellement renommé pour cela, qu’ils y reviennent toujours. Mais même s’il avait cette influence, à la fin ce ne sera pas important qu’il a commencé par influencer le monde du design. Je connais beaucoup, beaucoup d’artistes qui travaillent avec Processing. À un certain moment dans l’avenir, il ne restera plus que ça. Cela n’a aucune importance à la fin. Maintenant il est parfois un peu mal à l’aise, mais à la fin, ce qui compte, c’est que son œuvre persistera. Vous avez vu sa longue fresque murale, c’est une pièce numérique qui a été réalisée sur place. On s’en fiche si quelqu’un déclare qu’il s’agit de design ou qu’il s’agit d’art. Les gens adorent la pièce. L’art, c’est ça.

+ D’INFO : < www.dam.org >

PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MOULON

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FEEDBACK FRONTIÈRES NOUVELLES

FRONTIÈRES NOUVELLES Dans ce sanctuaire du "storytelling" qu’est le Festival du Film de Sundance, "New Frontier" est une section entièrement dédiée aux arts numériques. Tout en défiant radicalement les modes de narration traditionnels, ces installations, ces apps, ces projections 3D sont à leur tour mises au défi de raconter, de parler aux sens, de saisir, d’émouvoir.

© PHOTO D.R. / COURTESY SUNDANCE FESTIVAL.

Rafael Lozano-Hemmer Pulse index.

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exposition. A peine arrivé devant le bâtiment, la façade, c’est le film qui commence. Installations et projections cohabitent dans un espace très décloisonné, qui se présente comme un parcours Un pavillon de pixels dans immersif, un grand récit. la neige Dans l’espace intérieur du Le mapping a clairement Yard, une fois franchie une fait l’objet d’une attention porte de pixels de Rivera, la particulière cette année. première bande-son renconCette technique excelle à trée est celle des drones manipuler, à même le réel musicaux conçus par Thodevenu media, l’espace et le mas Vaquié (antiVJ) pour temps, dans une sorte Cityscape 2095, un dessin d’augmentation des sens AntiVJ, Cityscape augmenté de Mandril, archipar des perceptions géné2095. tecture urbaine entre cyber rées par des algorithmes. punk (Bruce Sterling est fan À la tombée du jour, le bâtid’AntiVJ), et manga façon Ghost in the ment abritant New Frontier — The Yard, Shell. Eyjafjallajökull, du même jeune label un entrepôt anonyme de tôle ondulée à bruxellois (Joanie Lermercier), est l’étrange l’écart de Main Street —s’anime. Ricardo contemplation d’un volcan numérique en Rivera (Klip collective), un "vétéran" du éruption, une visualisation qui parvient à festival, a conçu un impressionnant mapretrouver une émotion à la fois primitive et ping 3D, projeté sur trois côtés du bâtiinédite, celle du témoin d’un tremblement ment (et sur le toit). Sa pièce, intitulée de terre digital. On touche plus quelque chose What is he building in there ? — inspirée qui est de l’ordre du poème, raconte Thomas par un texte de Tom Waits — dématérialiVaquié. Joannie est plus dans la matière, et se intégralement les façades extérieures. l’écriture se fait plus à partir de la matière Des pans de murs disparaissent - comme elle même, confirme Nicolas Boritch, prosi le spectateur était instantanément équiducteur pour le label. pé de lunettes Google à Rayon X, et laisLa technologie mobile fait maintenant partie sent voir à l’intérieur des mécaniques intégrante de notre vie, nous passons beaucomplexes et inquiétantes, et les déambucoup de temps, à créer, à nourrir des réalités, lations d’un homme filmé en stop motion. des identités virtuelles sur petit écran, mais L’idée du "pavillon pixellisé" c’est que chaque en même temps il n’y a que les mains, les salle, que l’architecture entière, chaque mur yeux et le cerveau qui travaillent, le reste du devienne le média. C’est le principe de cette munication. C’est une chose nouvelle dans notre culture. C’est cette conversation qui forme l’œuvre. nous confie Shari.

© PHOTO YANNICK JACQUET

Depuis trente cinq ans, fin janvier, la foule "indie", déferle de Los Angeles ou Brooklyn dans les rues enneigées de la sinon paisible ville de Park City, Utah. Depuis toujours, Sundance parle "storytelling", "character development" un peu, beaucoup, passionnément, avant chaque projection, dans chaque panel, dans les conversations, ou dans les workshops très courus de l’Institut Sundance. Or avec la montée en charge des nouveaux médias, les programmateurs du festival ont décidé d’arpenter ces territoires où le fameux "storytelling" était bousculé : New Frontier était né. Depuis 2007, Shari Frilot, curatrice du programme, propose à la foule festivalière de sonder — hors compétition — ce territoire mouvant des œuvres numériques. Avant, nous étions des consommateurs des récits. Aujourd’hui les histoires ne sont plus consommées à proprement parler. Nous utilisons plutôt les histoires comme une sorte de langage entre nous, comme un outil de com-


© PHOTO CREATIVE COMMONS) : ORK.CH

AntiVJ, Cityscape 2095. Danluck (North of South, West of East), avec un polyptique pour les quatre murs de l’espace de projection. Sur chaque écran, un récit autonome, que le spectateur, en pivotant sur sa chaise, est invité à suivre en alternance avec les trois autres. L’immersion dans cette œuvre ambitieuse, dense, chorale, n’est pas tant de chercher le récit rhizomatique, que de créer une perspective où les personnages vont se développer en profondeur. New Frontier accueillait enfin Quentin Dupieux (aka Mr Oizo), qui projetait pour quelques happy few survoltés les premiers chapitres de Wrong Cops (Marylin Manson

en adolescent malmené par un ripoux à moustache de la LAPD). Le film, tourné façon commando, commencera sa carrière en ligne (sur elevision.com), pour la finir dans les salles en 2014, une idée du producteur Grégory Bernard, un pied de nez aux modes de diffusions classiques. Ces frontières nouvelles forment un vaste horizon, à la fois proche et constamment en mouvement : un vrai paysage de l’ouest américain. IVAN BERTOUX

+ D’INFO : < www.sundance.org/festival/ >

AntiVJ, Eyjafjallajökull.

© PHOTO JOANIE LEMERCIER

corps en est comme absent. Donc cette exposition tente de créer cette situation où le spectateur est intégralement immergé dans un univers artistique, dans une narration digitale, qui en fait s’adresse au corps tout entier, qui engage tout le corps. C’est le passage de l’étape homme de Cro-Magnon à celle de la position droite. Surtout avec l’arrivée des lunettes Google qui vont nous permettre de nous relever et ouvrir de nouvelles modalités de narration, s’enthousiasme Shari. Dans la lounge occupée par Rafael Lozano-Hemmer (Pulse index), et Yung Jake, un inclassable geek-artiste hip hop de Los Angeles, les images se font enveloppantes, omniprésentes (avec le dispositif HTML5 très invasif et virulent de Yung Jake). L’image de la peau des visiteurs, captée sur place en même temps que leur rythme cardiaque, forme sur les murs autour d’eux un continuum au rythme lent, organique, une sorte de membrane digitale palpitante. Le visage du jeune rappeur, traité au data mosh s’affiche lui sur tous les écrans alentours, et son corps sublimé surgit en 3D sur les portables des visiteurs : son personnage a totalement effacé la notion d’espace, il incarne bien cette situation où nous sommes : la réalité digitale et le monde physique ont complètement fusionné, explique Shari.

Expérimentations dans la narration comme dans la diffusion des œuvres Le showcase proposait aussi les nouvelles formes de narration cinéma de Meredith

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FEEDBACK BERLIN

BERLIN ARTS, TECHNOLOGIES ET ÉVÉNEMENTS

© PHOTO JONAS FRANKKI. HTTP://TELEKOMMUNISTEN.NET

En Hiver, à Berlin, deux événements se focalisent sur les recherches ou pratiques entre arts et technologies : la Transmediale et le CTM Festival. Mais c’est aussi l’occasion d’appréhender quelques œuvres au sein des expositions de la Hamburger Bahnhof, de l’institut KW pour l’art Contemporain, du LEAP ou laboratoire pour les arts électroniques et performatifs avant de terminer par la DAM Gallery.

tiples conférences de cette Transmediale 2013. Mais théoriciens et chercheurs ne peuvent ignorer le gigantesque octopus de plastique jaune que les membres du collectif Telekommunisten ont installé à l’intérieur de la HKW. OCTO P7C-1 est un dispositif tubulaire à air pulsé évoquant les postes pneumatiques qui se sont développés durant la deuxième moitié du XIXe siècle. On mesure ainsi le pouvoir absolu des opérateurs qui établissent les connexions. Dans un monde où quelques rares puissances, essentiellement privées, veillent sur nos données et communications personnelles.

Telekommunisten, OCTO P7C-1, 2013.

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Un cabinet de curiosité Le festival Transmediale Je me souviens du festival Transmediale 2006. C’était à l’Akademie der Künste, quand il était encore question de pratiques artistiques émergentes. La planète Pluton, alors reconsidérée par l’Union Astronomique Internationale, devenait naine et Internet se faisait de plus en plus participatif. Les caractères B,W,P,W,A et P (Back When Pluto Was A Planet) qui ornent la Haus der Kulturen der Welt font référence à ce passé immédiat en nous incitant à mesurer l’impact grandissant du numérique sur nos sociétés. Les problématiques sociétales sont en effet au cœur des mul-

C’est aux artistes Matsuko Yokokoji et Graham Harwood que l’organisation de l’exposition Evil Media Distribution Centre a été confiée. Conçue en réaction au livre Evil Media récemment publié par Matthew Fuller et Andrew Goffey, elle a les allures d’un cabinet de curiosité. On y découvre les contributions de 66 artistes au travers d’autant de descriptions textuelles d’objets de “média gris”, un concept emprunté aux auteurs du livre Evil Media. Graham Harwood y décrit le commutateur téléphonique automatique inventé par Almon Strowger en 1891. Ce dernier, alors entrepreneur de pompes funèbres aux États-

Unis, avait eu l’idée de cette innovation après avoir suspecté l’opératrice du central téléphonique local, qui n’était autre que l’épouse de son concurrent direct, de le priver de clients potentiels. Ses commutateurs automatiques, nous apprend Graham Harwood, n’ont été remplacés que très récemment par les technologies du numérique. Celles-là même qui permettent aujourd’hui à quelques entreprises du Nasdac d’épier les moindres de nos échanges.

À la Hamburger Bahnhof Il faut traverser la rivière Spree pour aller de la HKW à la Hamburger Bahnhof où se tient l’exposition consacrée aux 9 Evenings: Theatre and Engineering organisée à New York en octobre 1966 par l’artiste Robert Rauschenberg et l’ingénieur du Bell Labs Billy Klüver. La performance intitulée Open Score que Rauschenberg y conçoit avec la complicité de l’ingénieur Jim McGee commence par un match de tennis opposant Mimi Kanarek à Frank Stella. Mais les raquettes ont été préalablement augmentées de microphones sans fil par Bill Kaminski afin qu’elles résonnent au sein de l’Armory du 69e régiment originellement dédié à la pratique de ce même sport. Sans omettre la lumière qui diminue graduellement, impact après impact, jusqu’à l’obscurité totale. Quand près de cinq cent per-


© PHOTO UWE WALTER. YOKO ONO : WWW.YOKO-ONO.COM

© PHOTO JUAN QUINONES. HTTP://YOHA.CO.UK

Graham Harwood & Matsuko Yokokoji, Evil Media Distribution Centre, 2013.

Un laboratoire pour les arts électroniques et performatifs Le LEAP (Lab for Electronic Arts and Performance), localisé à quelques pas de l’Alexanderplatz, est un projet associatif se situant dans la continuité de l’Experiments in Art and Technology, une organisation qui fait elle-même suite aux 9 Evenings. Associé pour l’occasion aux festivals Transmediale et CTM, le LEAP présente une exposition portant sur les “Mondes Abstraits”. C’est l’occasion de découvrir Transducers de Verena Friedrich. Cette installation qui a déjà fait le tour du monde s’articule autour de bien peu de chose : juste quelques cheveux. Des cheveux provenant de différents individus, aussi insignifiants les uns que les autres bien que témoignant tous des singularités qui nous sont propres. Or c’est précisément ces singularités qui s’expriment au sein des tubes de verre où ils vibrent pour résonner dans l’espace entier de la galerie. Les sons vibratoires s’accordant, c’est une musique à vivre comparable à celle de La Monte Young qui s’étire sans fin dans les moindres recoins de l’environnement qui fait œuvre.

9 Evenings, Opening, 1966.

À l’institut KW L’exposition One on One du KW Institute for Contemporary Art regroupe 17 installations ne pouvant être appréciées que par un seul spectateur à la fois. Elles sont, pour la plupart, à l’intérieur de petites pièces bien qu’il y ait aussi ce téléphone filaire sur une table blanche. Une ligne directe avec l’artiste Yoko Ono nous dit-on et la médiatrice de préciser qu’elle va appeler sans mentionner quand ! Elle ajoute toutefois que Yoko appelle tous les jours, une ou deux fois. Alors il est des spectateurs qui attendent l’appel de celle qui compte aussi plus de trois millions de followers sur Twitter. Étrange situation muséale, par l’absence, que ce possible échange non contrôlé quand nous sommes tous convaincus d’être, en permanence, connectés au monde entier. Mais cette œuvre, de par sa relative obsolescence, n’est-elle pas plus étrange aujourd’hui qu’elle ne l’était hier, alors que "Pluton était encore une planète", quand nous ne pouvions imaginer devenir les amis de toutes les Yoko Ono de Facebook ? Avant même qu’une notoriété promise ne nous soit enfin accessible à tous.

Au CTM Festival La principale exposition du CTM Festival, depuis déjà quelques années, se tient au Bethanien dans le Kreuzberg. Elle regroupe quelques œuvres, numériques pour l’essentiel, dont celles de Constant Dullaart qui inscrit sa pratique dans la conti-

© PHOTO MAX SCHROEDER. HTTP://HEAVYTHINKING.ORG

sonnes, filmées en infrarouge, investissent l’espace de jeu tout en respectant les directives de Rauschenberg. Cette performance désormais historique révèle l’inévitable pénétration des technologies dans l’art, dans l’attente de la reconnaissance des pratiques artistiques émergentes initiées il y a près d’une cinquantaine d’années.

© PHOTO ROBERT MCELROY / VAGA NYC

Yoko Ono, Telephone Piece, 1971-2012.

Verena Friedrich, Transducers, 2009. nuité de Marcel Duchamp. Terms of Service pouvant être considéré tel un ready made puisque c’est la page de Google qui est vidéo-projetée. Mais celle-ci prend les allures d’un visage dictant les conditions d’utilisation, datant de 2012, de l’entreprise américaine. La voix de synthèse, quelque peu autoritaire, nous dicte donc ce que nous devrions savoir, par

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© PHOTO D.R. HTTP://DOUD.OBJETS.LUMIERE.FREE.FR

© PHOTO D.R. WWW.CONSTANTDULLAART.COM

FEEDBACK BERLIN

Flavien Thery, Les contraires, 2009.

Constant Dullaart, YouTube as a sculpture, 2009.

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exemple : nous nous réservons le droit de supprimer ou de refuser d’afficher tout contenu que nous estimons raisonnablement être en violation de la loi ou de notre règlement. Mais qu’est-ce donc qu’une “estimation raisonnable” ? Ou encore : en utilisant nos Services, vous acceptez que Google puisse utiliser ces données. Les nôtres ? Toujours dans la continuité des pratiques duchampiennes, il y a une série de séquences intitulée YouTube as a subject et détournant le précédent player du géant de la vidéo en ligne.

Sujet, médium et support à la fois

Ben Coonley, 7 Responses to Constant Dullaart's "YouTube as a Subject”, 2008.

Plusieurs artistes, dès 2008, se sont appropriés l’esthétique du lecteur vidéo de YouTube, et parmi ceux-ci il y a Ben Coonley avec ses 7 Responses to Constant Dullaart's "YouTube as a Subject”. Les deux séries, au Kunstraum Kreuzberg, dialoguent et se répondent en face à face. Quant aux spectateurs, ils peuvent alors observer ce qu’ils ont pourtant vu tant de fois sans y prendre garde. A chaque détournement sa surprise. Mais toutes les séquences commencent toujours comme si de rien n’était, avant que l’interface ne semble s’émanciper, par l’animation, du design de ses concepteurs. Toutes ces pièces sont évidemment

visibles en ligne, sur le serveur de YouTube comme il se doit. C’est ainsi qu’opère une totale fusion entre le sujet, le médium et le support. Pour Constant Dullaart et Ben Coonley, le numérique offrant bien plus que des palettes d’outils ou de simples “gains de productivité”. Sans omettre l’aspect “détournement” qui est au centre de tant de tendances artistiques, de Fluxus aux Nouveaux Réalistes.

La Dam Gallery C’est à la DAM Gallery de Berlin dont il est le fondateur, que Wolf Lieser expose son cabinet de curiosités, Wunderkammer en allemand. Et il y a, parmi les œuvres numériques présentées, la pièce de Flavien Thery intitulés “Les contraires”. Une sorte de prisme coloré ayant les allures d’un écran recomposé et dont l’affichage, com-

me il se doit en sculpture, dépend du point de vue. En dissociant la source lumineuse du filtre de l’écran, l’artiste français dont le travail s’articule autour de la relation entre l’art et la science invite le spectateur à se déplacer dans l’espace. Cette pièce questionnant la vision correspond tout à fait aux constructions perspectivistes que les humanistes italiens de la Renaissance collectionnaient dans leurs studioli. "Où est l’information qui fait varier les aplats de couleurs, dans le plan, dans l’espace ou dans la source ?", se demande l’observateur en scrutant l’objet sculptural dont les qualités artistiques sont inhérentes à la pertinence des questions qu’il se pose. Car c’est le regardeur qui, se déplaçant dans l’espace, fait l’œuvre. Quand celle-ci, en retour, questionne le regardeur au travers de ses multiples réalités. DOMINIQUE MOULON

+ D’INFO :

© PHOTO D.R. WWW.TVCHANNEL.TV

Transmediale < www.transmediale.de > Hamburger Bahnhof < www.hamburgerbahnhof.de > Lab for Electronic Arts and Performance < www.leapknecht.de > KW Institute for Contemporary Art < www.kw-berlin.de > CTM Festival < www.ctm-festival.de > [DAM]Berlin < http://dam-berlin.de >

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RESSOURCE DROIT D'INVENTAIRE

DROIT D'INVENTAIRE Aussi curieux que cela puisse paraître, il n'existait pas de nomenclature des structures dévolues à la création numérique et au multimédia. C'est désormais chose faite : la revue MCD ("Magazine des Cultures Digitales") vient de publier un "Guide des Ressources et des Lieux" qui dessine une première cartographie du genre. Simultanément à cette parution, Digitalarti met en place un site dédié, offrant des infos complémentaires et réactualisées.

+ D’INFO : Guide des Ressources et des Lieux : création artistique, numérique et multimédia MCD, hors-série #07, 132 pages, avril 2013. < www.digitalmcd.com >

Réalisé avec le soutien de la Direction générale de la création artistique du Ministère de la culture et de la communication, cette première édition recense près de 150 lieux à travers la France, ainsi que quelques initiatives dans l'espace francophone (Belgique). Classé par région, chaque lieu fait l'objet d'une fiche détaillée qui indique notamment les modalités d'accueil en résidence, les disciplines et activités dominantes, les moyens techniques mis à disposition, les possibilités d'interventions, les publics visés, les espaces de travail et de diffusion, les dispositifs de soutien, les contacts administratifs… L'ensemble dessine une cartographie en réseau qui s'étend des scènes nationales aux associations indépendantes, des centres culturels aux espaces multimédia, des laboratoires aux écoles d’art… En annexe, ce guide comporte aussi un répertoire des DRAC, des contacts et adresses pour demander des aides (nationales et régionales), des références de documentation et un index des principaux festivals réservant un large volet à la création numérique dans leur programmation. Cette densité et diversité d'information font de ce guide pratique un véritable outil à destination des artistes et, plus généralement, de tous ceux qui, professionnels et amateurs de la création émergente, allient nouvelles technologies et art contemporain. Enfin, comme un tel projet ne saurait être exhaustif, ni figé dans le temps, un site

dédié permettra de référencer de nouveaux lieux et, à ceux déjà indexés, de réactualiser les informations concernant leur condition d'accueil ou initiatives en cours, par exemple. Bilingue et régulièrement mis à jour, ce site — www.guideartnumerique.fr — a été formalisé sur un mode contributif grâce aux structures qui ont accepté de répondre au questionnaire qui leur a été adressé. En outre, il est proposée une géolocalisation des lieux sur une carte de France, ainsi qu'une recherche par catégories (formation, résidence, production, diffusion, soutien, etc.), régions et mots clés. En "bonus", trois articles en forme de "case studies" autour de Nicolas Clauss (Terres Arbitraires), Ez3kiel (Mécaniques Poétiques) et Adrien Mondot (Cinématique), permettent de suivre le parcours d'une œuvre, fruit de résidence et collaboration technicoscientifique, de sa conception à sa monstration. Comme le souligne Michel Orier, Directeur général de la création artistique au Ministère de la Culture et de la communication, dans son texte de présentation de ce guide : cette visibilité nouvelle donnée aux moyens dispo-

nibles, prenant en compte la dimension territoriale, avec des données actualisées grâce à un site Internet associé, favorisera les échanges interdisciplinaires entre artistes, chercheurs, ingénieurs et techniciens d’horizons différents et contribuera à la dynamique propre de la création artistique. Nul doute qu’elle facilitera également la production transversale des œuvres dans tous les champs artistiques et à toutes les étapes du processus de création et contribuera au développement d’un secteur déjà reconnu pour son dynamisme, sa richesse et sa diversité. LAURENT DIOUF

Site Internet, www.guideartnumerique.fr

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EVENTS COMING SOON

(AGENDA) UNIVERSO VÍDEO. "PRÁCTICAS EXPERIMENTALES" Exposition au Laboral Art Center Gigon, Espagne Jusqu’au 2 juin < www.laboralcentrodearte.org >

ROKOLECTIV FESTIVAL Bucarest, Roumanie 19 au 22 avril < www.rokolectiv.ro >

SONAR SAO PAULO Sao Paulo, Brésil 24 et 25 mai < www.sonarsaopaulo.com.br >

IRL PERFORMANCES Paris 20 avril < http://i-r-l.vision-r.org >

VIDEOEX FESTIVAL Zürich, Suisse 24 mai au 2 juin < www.videoex.ch >

COMMUNIKEY 2013 FESTIVAL Boulder, Colorado - USA 25 au 28 avril < http://communikey.us >

MUTEK Montréal, Canada / Québec 29 mai au 2 juin < www.mutek.org >

ELEKTRA FESTIVAL Montréal, Canada / Québec 1er au 5 mai < www.elektrafestival.ca >

MUV Florence, Italie 29 mai au 3 juin < www.firenzemuv.com >

FESTIVAL EXTENSION Paris 2 au 29 mai < www.alamuse.com >

BIENNALE DE VENISE Venise, Italie 1er juin au 24 novembre < www.labiennale.org >

FÊTE DES 01 Orléans 6 au 12 mai < www.labomedia.net >

PANORAMA Tourcoing 1er juin au 21 juillet < www.lefresnoy.net >

NUITS SONORES Lyon 7 au 12 mai < www.nuits-sonores.com >

FUTUR EN SEINE Paris et Ile-de-France 13 au 23 juin < www.futur-en-seine.org >

BOUILLANTS #5 Vern-sur-Seiche, Rennes & autres villes de Bretagne. 7 avril au 9 juin < www.bouillants.fr >

CAPITAINE FUTUR Paris 7 au 26 mai < www.gaite-lyrique.net >

SONAR FESTIVAL Barcelone, Espagne 13 au 15 juin < www.sonar.es >

SIANA 6 au 13 avril Evry < http://siana-festival.com >

BIENNALE WRO Wroclaw, Pologne 8 au 11 mai < www.wrocenter.pl >

FESTIVAL DES NOUVEAUX CINÉMAS Paris et Ile de France 14 au 23 juin < www.cinefac.fr >

EMPREINTES NUMÉRIQUES Toulouse 10 au 13 avril < http://empreintes.toulouse.fr >

FESTIVAL ART ROCK 17 au 19 mai Saint Brieuc < www.artrock.org >

MANIFESTE 2013, L' ACADÉMIE Paris 17 au 30 juin < www.ircam.fr >

SONIC PROTEST Paris & Île de France 11 au 21 avril 2013 < www.sonicprotest.com >

IRL PERFORMANCES Paris, france 18 mai < http://i-r-l.vision-r.org >

MASHUP FILM FESTIVAL Paris Juin < http://mashupfilmfestival.fr >

FESTIVAL INTERNACIONAL DE LA IMAGEN Manizales, Colombie 15 au 19 avril < www.festivaldelaimagen.com >

LIVE PERFORMER MEETING Rome, Italie 23 au 26 mai < www.liveperformersmeeting.net >

EELCO BRAND, "THE ACT OF BRINGING TO LIFE" Exposition à la DAM Gallery Berlin, Allemagne. Jusqu’au 13 avril < www.dam-berlin.de > DU ZHENJUN, "BABEL WORLD" Exposition au ZKM Karlsruhe, Allemagne Jusqu’au 4 août < www.zkm.de > ELECTROCHOC Bourgoin-Jallieu Jusqu’au 20 avril 2013 < www.electrochoc-festival.com > SOUND:FRAME Vienne, Autriche 4 au 21 avril < http://2013.soundframe.at/index.html > EXIT Créteil 4 au 14 avril 2013 < www.maccreteil.com >

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WATER LIGHT GRAFFITI en tournée ! Après avoir traversé l'Atlantique pour le CES à

Water Light Graffiti @ Rotterdam. Antonin Fourneau.

Las Vegas, programmé ensuite pour l'ouverture de Visages du Monde à Cergy et pour la soirée d'inauguration du Mobile World Congress qui réunit plus de 70000 personnes à Barcelone, la saga Water Light Graffiti continue à travers l'Europe. Le 9 mars, l'installation conçue par Antonin Fourneau a illuminé la Nuit des Musées de Rotterdam, invitée par le New Institute, qui regroupe le Netherlands Architecture Institute, Premsela et Virtual Platform. Du 5 au 13 avril, les artistes du Cully Jazz Festival, en Suisse, interagiront avec Water Light Graffiti sur la scène du Next Step. Du 24 mai au 16 juin, il sera à Nancy Renaissance, le 25 mai au centre Saint Exupéry de Reims. Le 1er et 2 juin à la Gaîté Lyrique pour Paris Zone Dream. Suivez l'aventure de Water Light Graffiti sur notre site ! < www.digitalarti.com/fr/blog/digitalarti_services/ la_tourn_e_de_water_light_graffiti >

FLUX, installation monumentale de Stéfane Perraud dans la Gare de l'Est De décembre à mars, une installation monumentale de Stéfane Perraud a illuminé la Rosace historique de la Gare de l'Est au rythme des arrivées et des départs de voyageurs. Visibles jour et nuit, à la descente des trains comme depuis la rue, ses scintillements reflétaient les palpitations et les intensités de la Gare. Dans la lignée de Lueur — une précédente création présentée lors de la Nuit Blanche 2008 — Stéfane Perraud poursuit sa représentation symbolique des cycles de vie, des flux démographiques et urbains. Lire plus… < www.digitalarti.com/fr/blog/

Flux. Stéfane Perraud.

digitalarti_services/flux_installation_ monumentale_de_st_fane_perraud_dans_ la_gare_de_lest > digitalarti #13 - 33

© PHOTOS D.R.

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RÉDACTEURS : Cécile Becker < cecile.becker@gmail.com > Cherise Fong < cf@espionne.com > Dominique Moulon < dominique.moulon@gmail.com > Ivan Bertoux < ivanbertoux2@yahoo.fr > Laurent Catala < lcatala@digitalmcd.com > Laurent Diouf < laurentdiouf@digitalarti.com > Norbert Hillaire < norbert.hillaire@unice.fr > Sarah Taurinya < sarah@digitalarti.com > Véronique Godé < orevo@orevo.com > TRADUCTION : Cherise Fong (Français > English) < cf@espionne.com > Valérie Vivancos (English > Français) < valerie.vivancos@gmail.com > PARTENARIAT & PUBLICITÉ : Julie Miguirditchian < julie@digitalarti.com > COMMUNICATION : Sarah Taurinya < sarah@digitalarti.com > MAQUETTE ORIGINALE : Autrement le Design, Antoine Leroux, < antoine.leroux@autrementledesign.fr >

et à l’innovation, avec une communauté en ligne, des appli mobiles, et une newsletter envoyée à plus de 65 000 abonnés. < www.digitalarti.com/community > > Un média avec ce magazine trimestriel, reconnu par le Ministère

de la Culture et de la Communication comme entreprise de presse en ligne. Ce magazine est disponible en français et en anglais, en téléchargement gratuit, en version multimédia à lire en ligne augmentée de vidéos, et sur tablettes & mobiles. Il est également imprimable à la demande. < www.digitalarti.com/blog/digitalarti_mag > > Des services aux entreprises : événementiel clé en main

"art numérique et innovation", conférences et colloques, conseil en innovation, communications innovantes, contenu artistique exclusif… < www.digitalarti.com/blog/digitalarti_services >

GRAPHISTE : Yann Lobry < contact@rendez-vu.fr >

> Le ArtLab : un atelier de création ouvert spécifiquement pour les CONTACT : Digital Art International, 13 rue des Écluses Saint Martin, 75010 Paris, France. Représenté par sa gérante, Anne-Cécile Worms, directrice de la publication. E-mail: info@digitalarti.com Site: www.digitalarti.com

artistes numériques, sur le modèle des Fablab ou techshops, avec un espace informatique, un espace de fabrication et un studio d'enregistrement, dans le 10ème à Paris. En cours de réalisation, de nombreuses co-productions innovantes avec des artistes numériques. < www.digitalarti.com/blog/artlab >

Couverture © Robert Lepage / Ex Machina, Fragmentation (ReACTOR), 2011, D.R.

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