Laurent Durieux

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T N E R U X A U L E I R DU

DjF du Marais


Photo: Š Jean-Jacques Beineix


LAURENT DURIEUX

Ancien étudiant de l’atelier de communication Visuelle à L’ENSAVLa Cambre. Il vit et travaille à Bruxelles comme graphiste et illustrateur free lance depuis 1994. En tant que directeur artistique indépendant, il travaille essentiellement pour l’édition jeunesse (Spirou, Dargaud) ainsi que pour la communication institutionnelle. Depuis 1998, il enseigne le dessin, le graphisme et la typographie dans une école privée de Bruxelles. Il a participé à plusieurs expositions collectives sur des thèmes aussi différents que : Tribu Savignac (hommage à Raymond Savignac), Bibendum&co (hommage aux mascottes publicitaires) Tati and friends (hommage à Jacques Tati), l’enlèvement d’Europe,… Depuis 2004, il travaille sur un thème qui l’habite : le rétro-futur.


Le RÉTROFUTUR

Un passé qui aurait pu être et un futur qui n’a pas eu lieu : le terme « rétro-futurisme » recouvre un courant esthétique apparu au début des années 1980, au fort accent post-

Arthur Radebaugh, 1906-1974

moderne et aux ramifications fictionnelles portant les noms de steampunk, dieselpunk et atompunk. Dernière esthétique produite par l’imaginaire futuriste américain, aux côtés du cyberpunk, le rétro-futurisme s’est imposé comme l’une des grandes tendances culturelles des années 2000, révélant notamment une nostalgie pour un passé où l’Amérique créait le futur. Les représentants de ce courant se plaisent à revitaliser l’imaginaire

les

vieux

populaire

rêves

futuristes

américain

de

(pulps,

serials, etc.). Une fascinante ré-imagination, fertile et exubérante.

Buick Streamliner, 1948

BMW R7, jamais produite, 1934

Junior Space Ranger, 18 Avril 1953


Auteur inconnu , campagne publicitaire pour al société BOHN, Août 1947




Ce que j'aime dans ce film, c'est cette

vision

d'un

mélangeant

des

avenir bagnoles

volantes et des objets qui datent des années 1940. Les machines à écrire restent des machines à écrire, les téléphones restent des téléphones... Il y a encore une petite dizaine d'années, je n'étais même

pas

concient

que

ça

existait, le rétrofutur. Un jour on m'a demandé de faire un travail pour un grand chocolatier, et on m'a

donné

un

livre

de

chez

Taschen : Future Perfect. Et là ma tête à explosée... C'étais tout ce que j'aimais dans les arts visuels, dans le cinéma, dans la mode. Ca correspondait à toute mon imagerie personnelle. C'étais

la

passion

jonction pour

entre

Star

ma

Wars,

Moebius, Schuilten, ou les films noirs

des

années

1950.

J'ai

découvert toutes sortes d'artistes désigners Raymond

formidables Loewy,

ou

: Bel

Geddes, qui avaient un talent de dingue.

RÉTROFUTUR

RÉTROFUTUR

Je

n'avais

jamais

réalisé

que

c'étais exactement ce qu'il y avait En fait je ne suis pas un historien

dans mon film favori : Blade

ni

Runner.

un

grand

connaisseur

du

rétrofutur, mais je me suite vite univers-là

Blade Runner au passage ce n'est

parce qu'il liait deux choses que

pas le rétrofutur naïf et positif de

j'aimais : la science-fiction et les

l'Amérique glorifiée. C'est destroy

années 1930, 40 et 50.

c'est post-cataclysmique.

retrouvé

dans

cet

Interview réalisée pour le bimenstriel : AAARG ! N° 1 – Novembre, décembre 2013



J'étais face à une espèce de

jouant, que tu pouvais t'amuser

Et je crois que c'est ça qui est

contraction de tout ce que j'aime

avec un vieux jouet et imaginer

fort dans ce thème-là, ce sont

dans le graphisme et le design et

que c'était une fusée.

ces

dans

le

graphisme :

streamline,

peu

évanouis

aujourd'hui : on est toujours sur

est

Je crois que mon rétrofutur, en

le sol, on n'a pas encore de

recherche

de

tout cas, c'est la possibilité de

bagnoles

objets

rêver. C'est le rêve de l'enfance

toujours tributaire de ce putain

super esthétiques, des fringues

magnifié. Toutes les choses que

de pétrole ; on en est toujours

super

,

j'ais eu la chance de pouvoir

là, quoi.

graphiquement, ce savoir faire-

dessiner étaient celles que j'avais

J'ai un peu envie d'y retourner à

américain

ou

en

toujours.Le

cette

période

ambiances

pulp,

couleurs

rétrofutur c'est la manière dont

fait...

Enfin,

pétantes et ces vaisseaux qui me

nos grands parents imaginaient

tendance à penser que « c'était

ramènent à l'enfance – quand tu

l'An 2000. Avec beaucoup de

mieux avant », mais évidemment

inventais

naïveté et beaucoup d'espoir.

on sait bien que non, quand on y

cette

ce

un

qui

chromé,

tout

le

espoirs

l'aérodynamisme,

des

élégantes

et

anglais,

des

ces

ces

choses

complétement délirantes en

tête

depuis

réfléchit.

qui

volent,

on

d'espérences on

a

est

en

parfois

















JEAN GIRAUX alias MOEBIUS J'ai

grandi

Métal

avec

Hurlant

le

magazine

durant

toute

cette période, fin 1970 début

librairies

c'était

dans

l'espoir

secret de trouver un nouveau livre de lui.

1980. Et petit à petit quand j'ai commencé graphisme, Mon

grand

frère

venait

de

j'ai

études un

laissé

des artistes aussi talentueux que

recevoir L'Incal de Moebius (et

toujours resté là, dans un coin de

à s'en détacher parce qu'ils ont

Jodorowsky, ndlr), pour Noël.

ma tête, et je dois bien avouer

un

Un livre fabuleux. Quand il l'a

que si je rentrais dans des

puissant qu'il en est unique...

tout a commencé. J'ai appris à dessiner

en

décalquant

les

planches de l'Incal, je devais avoir 10 ans. Je voulais tenter de saisir ce talent monstre. Je me suis

dit

qu'il

n'y

avait

qu'en

décalquant ses planches que je pouvais me fondre dans son trait et essayer de le comprendre, de l'apprivoiser. Et

puis

ça

n'a

plus

arrêté.

J'achetais tous ses bouquins, je les regardais à deux centimétres des

pages

pour

essayer

de

comprendre comment c'était fait –

sans

jamais

réellement

y

arriver d'ailleurs … Après L'Incal j'ai découvert ses autres

bouquins.

évidemment,

même

Blueberry, si

c'était

autre chose. Il a vraiment été mon idole et mon guide pendant de très très longues années. Lui et François Schuiten. Et puis pour moi la BD ça signifiait dessin réaliste, donc je suis vraiment passé

à

côté

Franquin, etc...

de

l'école

Mais

La difficulté d'être influencé par Moebius – ou Bilal c'est d'arriver

plongeant dans ses images que

Moebius.

peu

de est

ouvert j'ai explosé. C'est en me

tomber

des

il

univers

visuel

tellement


Cet auteur est très lié à mon

Il n'y en a pas beaucoup qui

On n'a presque pas besoin de

enfance une fois encore, parce

peuvent se permettre ça. Lui le

parleret ça c'est exceptionnel.

qu'à

je

peut parce que je sais qu'il me

Quand je lui fait une remarque,

demandais un Moebius, à Noël je

connaît par cœur, qu'il a l'oeil

très souvent je me rends compte

demandais

aiguisé. Il sent tout de suite

qu'il l'avait déjà grifonnée sur un

quand

une

bout de papier. Donc, Jack, c'est

image, je ne peux pas mentir

la personne dont je ne peux pas

avec lui.

me passer. Je pourrais travailler

mon

voulais pour

anniversaire un

avoir un

Moebius, une

si

je

récompense

quelconque

résultat

scolaire, c'était encore pareil...

je

m'ennuie

sur

Tout ne tournait qu'autour de cet

chez moi, seul, mais ce n'est pas

auteur-là. Quand il a disparu,

Il

une partie de mon enfance s'est

beaucoup

la

chose. J'ai besoin de son regard,

évaporée. Maintenant, j'ai moins

gestion et la communication avec

j'ai besoin de son énergie, de ses

besoin

les

commentaires, même si parfois

de

librairies.

rentrer

Quelque

dans chose

les s'est

cassé.

m'apporte

son

de

fans

choses.

aux

exemple,

aide

pour

Pour

États-Unis

parce

que

par c'est

extraordinaire et

graphiste ;

il

C'est

très

agréable

manière unilatérale. On le fait côte à côte, il me montre, on rebondit...

Mon

frère

jumeau avec qui je partage tout, depuis toujours. Ça à commencé dans le ventre de ma mère, c'est tout

dire.

Je

ne

vais

pas

prétendre que c'est mon seul ami parce que j'en ai d'autres, mais c'est le plus important. Et puis surtout

c'est

collaborateur,

un quelqu'un

sacré qui

m'aide à faire des jugements et que je ne peux pas tromper. Je peux lui dire « T'as vu comme c'est beau ce que j'ai fait ? » et lui me répondre « Attend tu te fous de ma geule ? C'est une grosse merde, tu recommences » Il ne va jamais me dire que c'est bien pour me faire plaisir.

un

très

bon

un autre « débat »...

un

parce qu'on ne le fait pas de

frère.

C'est

quelque

c'est

affiches.

mon

manquerait

dessinateur aussi, mais ça c'est

m'aide sur beaucoup de mes

C'est

négatifs.

il

beaucoup de travail. Et surtout, typographe

JACK DURIEUX

pareil,




mon

C'était pour moi une première

attention. C'est un ferry, un ferry

découverte de ce que pouvait

à la New Yorkaise, et là pour le

être l'illustration américaine des

coup,

s'y

années 1940, dans l'entre-deux-

de

guerres, et je suis tombé fou

manière complétement fortuite.

suite les références dans mon

amoureux de son travail. J'ai tout

J' étais aux états-Unis avec mon

travail ! Je m'en suis beaucoup

de suite été emballé par cette

frère Jack, on était chez un petit

inspiré. Donc je tombe sur cette

manière de travailler, un peu

antiquaire et je tombe sur la

image et je commence à faire

sérigraphique, utilisant très peu

couverture d'un magazine que je

une recherche avec Jack pour

de couleurs.

ne connaissais pas à l'époque,

découvrir qui est ce Pettruciani.

ANTONIO PETRUCCIANI

J'ai

découvert

November 1935

son

travail

de

Fortune,

les

interesseront

qui

capte

gens verront

qui tout



Dans mon bureau, j'ai beaucoup de

posters

des

illustrateurs

formidables de cette époque là.

RAYMOND LOEWY

Leur influence sur moi à été

C'est

énorme. Toute une période de

industriel. Il a imaginé beaucoup

ma vie j'ai travaillé à l'acrylique,

d'objets. C'est lui qui a redesigné

je

la bouteille de Coca, qui a fait le

privilégiais

les

matières ;

le

pape

design

lorsque j'ai découvert Petrucciani,

paquet

qui est mort en 86 ou 87 je crois,

presque tout inventé en terme de

je me suis rendu compte que je

design. Ils étaient trois ou quatre

faisais fausse route et que j'étais

à l'époque aux états-Unis, ou

quelqu'un « du trait ». Plus tard,

rien n'avait été fait, à avoir créé

je suis rentré en contact avec un

le

gars qui a un site en Angleterre,

l'école streamline, c'est eux. La

qui est professeur à l'Université

recherche

d'histoire du graphisme et de

aérodynamique,

l'affiche. Son site s'appelle Full

rétrofutur quelque part, et bien

Table et c'est une mine d'or. Je

c'est tous ces mecs-là.

crois

qu'il

y

couvertures

a

toutes

de

Lucky

du

design

Strike.

industriel. de

Il

a

Vraiment

la

perfection

le

futur,

le

les

Fortune,

beaucoup de documentation, et notamment un petit historique sur

Petrucciani

dans

lequel

il

explique l'histoire de la création de certaines de ses couvertures, c'est très interessant. Je l'ai donc contacté, lui l'avait connu. On a commencé à correspondre par des mails, et pun jour je lui ai envoyé une image que j'avais faite en hommage à Petrucciani, que j'avais faite pour moi, pour ma collection personnelle, et il l'avait beaucoup aimée. Je pense qu'il

appréciat

travaille

en

qu'un

jeune

s'inspirant

des

maîtres des années 1930. On s'entend très bien, je crois qu'il apprécie mon travail. Petrucciani

fait

partie

Hugh Ferris aussi, un architecte qui a passé sa vie à dessiner des bâtiments qui n'ont jamais été construits,

des

dessins

formidables. de

ces

artistes très importants pour moi, au même titre que tous ceux dont on connaît pas les noms et qui ont fait des couvertures pulp dans les années 1930-1940. Ce sont tous mes Picasso.

C'est Loewy, c'est Bel Geddes,

Raymond Loewy est vraiment un type génial parce qu'il rejoint mes

deux

ambitions :

le

graphisme car il a fait des logos très

connus

Newman, design

comme

Exon, futuriste

conception

des

etc.,

Shell, et

dans objets,

le la des

bagnoles, des locomotives, des bateaux...


Même dans ses frigos : on est passé

d'un

frigo

sur

pieds,

rococo, une espèce de rectangle en

métal

avec

deux

grosses

poignées, à un frigo streamline avec des bords arrondis. Je connaissais Raymond Loewy comme tout le monde, je savais qu'il avait conçut de gros logos très connus, qu'il avait travaillé pour

la

NASA...

Puis

j'ai

découvert il y a une dizaine d'années ce qu'il appelait the cars of the futures, ses dessins de

voitures

dans

1930-1940,

les

années

complétement

streamline,

magnifiques.

encore ça a été un coup de foudre. A la base il est français, et il a émigré aux États-Unis dans les années 1920, ou il est devenu le Starck

de

l'époque.

Je

recommande d'ailleur son livre qui est formidable – même s'il n'est pas très bien écrit il reste facile à lire : La laideur se vend mal. Il y parle de la création, de la laideur et de la beauté. Il se demande si la laideur se vend bien ou si elle se vend mal. C'est très

intéressant

parce

que

aujourd'hui tu te rends compte que la laideur ça se vend bien, très

très

bien

contrairement

à

même,

l'époque

de

Loewy. Le livre est passionnant parce

qu'il

raconte

toute

son

histoire, son arrivé aux ÉtatsUnis, comment il a fait son trou, comment

il

s'occuper

des

Macy's, arrivé

puis

là.

a

commencé vitrines

comment

C'est

un

j'admire profondément.

à

chez il

type

est que

Août 1950



H.G. WELLS

J'ai

donné

récemment

interview

pour

magazine

français,

fantastique,

une

un

et

autre L'écran

ils

étaient

étonés de voir que tous les films dont j'avais fait des posters ou des affiches, je ne les avais découverts que récemment. C'est pareil

pour

H.G.

Wells.

Bon

évidemment je connaissais La Guerre

des

Mondes

et

ses

classiques, mais sans être un connaisseur cinéphile. Quand on m'a proposé le film Things to Come (en français Les Mondes futurs) je ne savais même pas que Wells l'avait scénarisé. Je pense que que c'est pour ça que j'arrive à faire des affiches avec une

vision

assez

personnelle,

c'est parce que j'y vais de façon décomplexée.

Je

les découvre

d'une manière presque inocente. Dans

un

autre

genre,

Frankenstein, Dracula, je ne les avais pas vus avant qu'on me propose d'en faire des affiches, curieusement.

Évidement,

La

Guerre des mondes ou bien La Machine à explorer le temps rejoignent

parfaitement

les

univers et les choses que j'ai envie de dessiner. Mais faut-il en core qu'on m'en laisse le temps ; je croule sous les commandes, presque un an à l'avance... Si bien

que

je

dégager

du

travail

plus

rétrofutur.

n'arrive temps

pas

pour

personnel,

à

mon le
















MONDO

CULTURE GEEK Les gens sont persuadés que je suis un geek. J'ai fait plusieurs interviews dans lesquelles

on

me

demandait :

« Alors, c'est quoi ton Star Trek préféré ? »

alors

que

je

n'ai

jamais vu un seul Star Trek de C'est la boite la pus prestigieuse

ma vie. Je ne suis pas du tout

aux États-Unis à travailler dans le

geek. Ce n'est pas une critique

domaine de l'affiche. Ils ont les

que je fais, je ne suis pas en

meilleurs artistes, et je dis pas ça

train de dire que les geeks sont

parce que j'y suis hein (rires).

des cons, mais simplement que

Drew

Ware,

je n'en suis pas un. Inutile de

Ken Taylor, Olly Moss... de

dire que je ne connaissais pas les

vraies star aux états-Unis !

Transformers avant qu'on me

Struzan,

Chris

demande de travailler dessus. Avant que je travaille pour eux

Cet univers ne m'interesse pas.

j'étais tombé sur leur site, et

Je

quand

de

halluciné.

Je

regarde

pas

les

films

vu

la

qualité

d'horreur non plus. Massacre à

tout

ça

j'avais

la tronçonneuse, j'en ai rien à

j'avais

graphique

ne

voulais

travailler

foutre.

avec eux. Et deux jours plus tard

J'essaie de me réappropier ces

j'ai reçu un mail de l'un des

thèmes, d'y injecter un peu de

quatre associés de Mondo me

rétrofutur,

disant qu'il avaient vu ce que

facile...

j'avais fait pour Snoopy et me

Mondo

demandant si je voulais travailler

plusieurs fois de travailler sur des

avec eux. Donc là, j'ai sauté de

films qui ne m'intéressent pas,

joie !

veut

mais j'ai besoin d'être relié aux

travailler avec Mondo, c'est un

choses que j'ai envie de dessiner.

Tout

le

monde

mais

m'a

ce

déjà

n'est

pas

demandé

peu le New Yorker des posters. Ils reçoivent des demandes tous les jours mais très peu sont choisis. meilleurs grisant.

Et

être c'est

associé

aux

extrêmement

Soundwave, édition de deux sérigraphies pour l’éditeur Acid Free Gallery







SPIELBERG Et

Robert

Qui

Enfin tout ça pour dire que Jaws

j'ai

c'était Spielberg et que c'étais

sauté en l'air et je n'ai plus pu

une top eventure. Pourtant j'ai

travailler

d'abbord

passe

Downey

derrière ! de

tellement

Jr.

Alors

la

là,

nuit.

C'était

extraordinaire

m'était

impossible

qu'il

de

me

concenter.

refusé

de

faire

ce

poster... Je m'étais dit « Jaws, non,

certainement

pas,

t'oublies » et puis je suis tombé sur cette idée-là et je me suis dit

Spielberg c'est mon enfance, c'est mon adolescence, c'est lui

Donc voilà, Spielberg c'est pour

que

qui

Les

moi LE réalisateur. Il n'a pas fait

exactement le film : le requin est

premiers films que j'ai pu aller

beaucoup de mauvais films. Je

là, mais on le voit pas.

voir au cinéma ce sont des films

suis très fier d'avoir fait Jaws, je

de Spielberg. Donc j'ai presque

suis très fier très fier d'avoir fait

envie de dire que pour moi le

une affiche qu'il a aimée, et je

cinéma, C'EST Spielberg. Après

suis très fier aussi d'avoir fait

j'ai

Scorsece,

une affiche que les gens ont

Copola, Kubrick...Y'a plein de

d'abord détestée, avant de la

grands

j'aime,

comprendre. Et ça je dois bien

mais Spielberg tient une place

avouer que c'est quelque chose

particulière dans mon cœur. Alors

qui m'excite : j'ai fait une affiche

quand on me propose de faire

de grand-mère , mais j'ai trompé

Les Dents de la mer, que c'est

les gens avec une idée cachée.

m'a

apris

à

rêver.

découvert cinéastes

que

un de mes films favoris et que tu idolâtres

le

gars,

c'est

super

casse-gueule de l'accepter.

C'est l'affiche dont je suis le plus content. parce

Pas que

graphiquement, c'est

c'est

pas

mes

C'est un des grands moment de

couleurs,

pas

mon

ma vie d'illustrateur ce qui m'est

ambiance, mais au niveau de

arrivé avec Speilberg. Tous les

l'idée. Le fond à pris le pas sur la

jours je remercie... Je ne sais pas

forme.

qui parce que je ne suis pas croyant... Je remercie la vie de

Il

m'avoir

histoires

américain n'apprécie pas trop ce

tellement fabuleuse à raconter.

genre de contre-pied. Il aime les

Quand j'ai fait ce poster de Jaws

choses attendues. L'ambiance qui

et que j'ai appris que Spielberg

se dégage de l'affiche est très

himself en avait acheté 25 pour

proche de celle du film, par la

lui et ses amis proches, ça m'a

suggestion,

fait l'année. Quand c'est arrivé

mais ce n'est pas ce qu'on attend

j'étais en train de travailler sur

d'un poster de Jaws. Le public

un poster et je reçois un mail de

américain veut un requin, il veut

Mondo m'annonçant la nouvelle

de la flotte, il veut du sang. Au

et m'expliquant que ça ne s'était

départ ils ont dit « Mais qu'est

jamais produit avant (parce qu'ils

que c'est que cette affiche de

avaient déjà fait des licences

merde ? ! » et finalement elle est

pour lui mais sans jamais avoir

de plus en plus demandée, les

de retours).

gens

donné

des

faut

savoir

la

que

l'aileron

le

dissimulé,

recherchent

collectionnent.

public

et

la

finalement

c'était



CHARLIE BROWN

Ça

fait

partie

des

toutes

premières commandes qu'on m' a faites aux États-Unis. L'affiche est sortie début 2011. Alors là, encore une fois, je n'avais jamais ouvert de Charlie Brown ou de Snoopy de ma vie avant ça... Je saisi c'est débile hein, mais on en revient à ces dessins réalistes et moi c'était Métal Hurlant, donc tout

ce

qui

était

dessin

humoristique, je suis passé à coté. J'ai découvert le film aussi que je ne connaissait pas non plus et qui est un best-seller aux États-Unis. Chaque année il bat des records d'audiance alors qu'il existe depuis 1964 ou 1965 je crois. Donc c'est un classique américain que j'ai découvert sur le tard, sur une commande. J'aime

travailler

autour

du

cinéma, parce qu'on est sur une approche personnelle, une vision cinématographique, pas sur une simple d'un

transcription

film.

autour

Lorsque

de

graphique tu

bosses

l'oeuvre

d'un

dessinateur, c'est plus compliqué. Et avec le recul je ne pense pas que dorénavant on pourra voir beaucoup d'affiches de Snoopy ou de Charlie Brown faites par Laurent Durieux parce que … T'as vu je parle comme Alain Delon, à la troisième personne (rires)... Parce

que

je

n'y trouve

pas

vraiment de plaisir en fait. Tu dois naviguer entre ton style, le style de l'auteur...

J'ai découvert le film aussi que je

C'est une posture d'équilibriste.

ne connaissait pas non plus et

Bon, au final je sais que la

qui est un best-seller aux États-

fondation Schultz à aimé mon

Unis. Chaque année il bat des

travail. Ils ont été très généreux

records

qu'il

parce qu'ils m'ont laissé carte

existe depuis 1964 ou 1965 je

blanche ; ce n'est pas rien car

crois. Donc c'est un classique

Schulz aux États-Unis c'est une

américain que j'ai découvert sur

institution, c'est notre Tintin à

le tard, sur une commande.

nous !

d'audiance

alors







CHRISTIAN JANICOT « HELLVILLE »

J'ai été vraiment très content de

J'en pleure encore. C'est un film

travailler avec lui, il a été très

rétrofutir

important

l'architecture, des monorails, tout

pour

moi.

J'ai

avec

rencontré des gens chouettes et

ça,

j'ai

l'animation,

pus

avoir

approche

des

l'animation.

une

première

métiers

C'était

de

une

belle

expérience, humainement.

mais

technique,

des

au de j'ai

véhicules,

niveau la

de

réalisation

souffert.

J'ai

présenté ce film ici au festival Anima de Bruxelles et quand les gens m'ont demandé ce que j'en

Maintenant,

graphiquement,

artistiquement,

autre

comme quand tu appelles un

chose... On peut voir mon film,

baby-sister : parfois ça se passe

C'est lui qui m'a fait travailler

Helville, dans la saison 2 de

très bien et tu retrouves ton

dans

Laboratoire d'images. C'est un

enfant

d'animation. Pour une exposition

film

parfois tu le retrouves avec des

en homage à Jacques Tati, ici à

seulement huit semaines... Mais

bleus.

Bruxelles, j'avais fait une affiche

le truc était tellement ambitieux

l'impression d'avoir laissé mon

qui

à

que quand j'ai vu le résultat final,

enfant à un baby-sitter un petit

je

je l'ai vécu comme un foirage

peu violent.

le

domaine

s'appelle

l'américaine.

du

cinéma

François Et

un

jour

reçois un coup de téléphone de Christian

Janicot

me

disant

qu'il avait vu mon affiche et qu'il aimerait me rencontrer. Il avait comme

projet

de

faire

un

programme produit par Canal+ qui

s'appelait

Le

laboratoire

d'images et dont le concept était de prendre des univers de graphistes, de les transcrire en animation 3D, et d'en faire des courts,

voire

métrages.

Lui

artistique.

Un

vraiment même,

des

très

était

directeur

type

cultivé, avec

courts brillant,

artiste

lui-

beaucoup

d'élégance. Il est passioné par le rétrofutur années

et qu'il

ça

faisait

des

essayait

de

développer un tel projet.

total.

qui

a

c'est

pensais, j'ai répondu que c'est

été

réalisé

en

très Voila,

content, j'ai

et un

puis peu













LYMAN FRANK BAUM

Le Magicien d'OZ, d'office fait partie de mes films d'enfance favoris. C'est pour moi l'un des plus beaux

métrages

de

tous

les

temps. J'aime tout dans ce film. Quand on m'a proposé de faire ce poster-là, j'ai tout de suite accepté.

Et

comme

mon

employeur n'avait pas la licence officielle du film, je me suis basé sur le roman de Baum, ce qui m'arrangeait plutôt. J'ai pu faire quelque chose à ma sauce, avec une ville rétrofutur. Par contre, chez Mondo ils ont fait la geule parce qu'il s'est avéré qu'ils l'avaient, eux, la licence

du

film

et

travaillais déjà pour eux.

que

je

Chicago and New York: George M. Hill Company, 1900. First edition





JACQUES TATI

Quand on m'a demandé de faire un hommage à Jacques Tati, je connaissais très peu son travail. Je crois que j'avais vu un film, enfin des bouts de film parce que ça m'avait... Bon je vais dire un truc qui n'est absolument pas politiquement correct, mais ça m'avait endormi... Je sais que je vais me faire des ennemis avec ça... Si tu as le culot de dire ça à des

gens

qui

sont

dans

le

cinéma, tout de suite ils vont te dire « Mais enfin ! Comment estce possible de dire ça ! C'est honteux ! » endormi.

Moi

Par

ça

m'avait

contre

l'univers

graphique et visuel est fabuleux. J'ai tout de suite adoré. Je me suis demandé comment j'allais bien pouvoir lier Jacques Tati et mon univers, et puis j'ai fait François à l'américaine. En tout cas

c'est

un

poster

qui

m'a

ouvert des portes. Et sans le vouloir, dans le film que j'ai fait, Hellville, il y a du Jacques Tati. Mais je jure que c'est pas fait exprès ! Les gens ont dit que c'était un mélange de Lynch et de Tati parce que c'est un film un peu absurde ou on est dans le mime,

dans

cette

espèce

d'humour particulier : un humour à la Jacques Tati.



BIGFOOT

C'est une autre société qui m'a contacté

un

jour

parce

qu'ils

faisaient une exposition sur les monstres et les mythes. J'ai failli refuser

parce

que

j'aime

pas

dessiner les monstres, c'est pas ma came. Et puis je me suis dit que si je devais en faire un, ce serait le Bigfoot car je suis amoureux de la nature. J'aime les grands espaces, les forêts, les séquoias, la lumière très peu dégagée,

avoir

cette

espèce

d'ambiance à la Goonies... Et puis le poster un peu travel, j'adore ça aussi, on est toujours dans ce besoin d'imaginaire et de voyage. Les gens évoquent également un hommage à Tintin au Tibet. C'est tout à fait voulu. Quand tu es Belge et que tu aimes la BD, c'est difficile de pouvoir faire abstraction de Tintin. J'ai pas pris le bouquin pour copier mais c'est là. Et puis je devais faire un Bigffot, alors comme c'est un mythe, l'idée de le mettre de dos dans la pénombre, c'est un peu logique tout ça. La deuxième version par contre c'est un peu le même principe que Jaws : pas de Bigffot, juste le marcheur, et tu peux

apercevoir

le

profil

du

monstre dans l'eau. Comme c'est une encre phosporescente, quant tu met le poster dans le noir, tu as juste le profil du Bigfoot qui se dégage.






James Matthew Barrie

Sur l'affiche de Peter Pan, j'ai essayé de raconter une histoire ; j'essaye

toujours

de

raconter

quelque chose dans mes affiches. Il y a un phénoméne récurrent

Samuel Armstrong (Etats-Unis 1893-1971) - Peter Pan, 1952

dans mon trvail, même si je le fais de manière inconsciente : je me

retrouve

très

souvent

au

niveau du sol, comme quelqu'un qui observe d'en bas, comme un enfant.

Tout

finalement

ce

que

me

je

ramène

fais à

l'enfance : les robots, les gros avions, portes

l'envie du

de

rêver.

possible ;

tout

Les est

possible. Et c'est vrai que Peter Pan c'est un peu moi – enfin je ne suis pas le seul, y'a plein de gens chez qui ça résonne de la même manière, évidement. En tout

cas

c'est

un

travail

de

commande que j'ai tout de suite accepté

parce

que

Peter

Pan

m'avais fait rêver. La version de Disney mais le bouquin aussi. C'est vraiment une belle histoire.

Peter Pan (Paramount, 1924)

Walt Dysney's - Peter Pan (RKO, 1953)





LE NEW YORKER

J'adorerais. Mais je ne leur ai pas

J'en suis conscient, c'est une

envoyé ma fausse couverture en

chance de vivre de sa passion, de

hommage à Loewy, que j'avais

vivre de ce qu'on a envie de

faite pour une exposition sur le

construire.

logotype. Je ne pense pas qu'il

travaillent un an sur un album et

l'ait

gagne tripette.

vue.

Je

suis

ami

Facebook

avec

la

artistique

du

New

Françoise

Mouly,

d'Art

Spiegelman.

sur

Beaucoup

d'auteurs

directrice la

Yorker,

Moi je fais des affiches, je gagnes

femme

relativement bien ma vie, je fais

Donc

elle

ce que j'ai envie de faire, on me

aurait pu la voir, mais je ne l'ai

fait confiance, on me donne carte

pas publiée non plus.

blanche,

c'est

quand

même

scandaleusement chanceux. Y'a Faut pas stresser pour faire les

99% des gens qui vont au boulot

couvertures du New Yorker, faut

le matin pour se faire chier, pour

pas aller trop vite. Il faut sentir le

fréquenter des cons.

sujet,

être

pertinent ;

il

faut

aussi avoir le temps, et ça je ne

D'un autre coté, je suis victime

l'ai pas actuellement. Et puis

de mon boulot, je travail quasi

surtout, il faut être choisi (rires).

jour et nuit, je suis enfermé...

Pour l'instant j'ai beaucoup de

Mon boulot c'est ma maîtresse.

chance quand même, et il faut

Et pour ça, pour la famille, c'est

que je surfe sur cette chance.

pas facile. Il faut que je fasse

Bien sur je travaille dur, mais y'a

gaffe. Pourtant, ce n'est pas une

beaucoup de gens qui travaillent

souffrance pour moi. Simplement

et qui non pas de chance ni de

parce que je fais ce que j'aime.

réussite. Interview réalisée pour le bimenstriel « AAARG » ! N° 1 – Novembre, décembre 2013

















FIN



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