7 Jours
avec mon grand-père Weilin Choo
7 Jours
avec mon grand-père Weilin Choo
Ce livre a été réalisé en mars 2012 à l’É.S.A.Lorraine d’Épinal, dans le cadre d’un atelier édition animé par l’auteur Julia Billet, l’illustrateur Rémi Saillard, et Marie-Jo Beaugé pour la relieure.
Mon grand-père est mort lundi dernier.
Maman et Papa sont venus à l’école pour me chercher.
La veillée mortuaire a duré sept jours et mon grand-père a été incinéré après.
Le premier jour,
des gens sont venus et ont habillÊ mon grand-père d’un costume.
Ils lui ont mis aussi du maquillage.
« C’est pour que ton grand-père soit le plus beau possible pendant ses derniers jours. » a dit maman.
Mon grand-père n’avait pourtant pas l’air d’être d’accord.
Le deuxième jour,
il y avait plein de monde.
Les amis de Maman, les amis de Papa, les amis de mon grand-père et aussi des gens que je n’ai jamais vus. Ils sont tous venus pour rendre visite à mon grand-père et pour lui offrir de l’encens.
« Va chercher des boissons et le casse-croute pour nos visiteurs, » m’a dit maman.
Tout le monde s’est assis ensemble et a raconté des histoires avec mon grand-père.
Les gens parlaient très fort, pour que mon grand-père puisse les entendre dans son cercueil.
Le troisième jour,
j’Êtais de mauvaise humeur.
Je suis allé dehors et j’ai jeté des casse-croûtes de pain aux pigeons.
Je pensais : ce n’est pas juste que je ne puisse plus voir mon grand-père après ces sept jours !
Je veux que les pigeons viennent me manger pour être avec mon grand-père.
Mais leurs becs semblaint aiguisés et je n’aime pas la douleur. Alors, je suis retourné à l’intérieur pour bouder.
Le quatrième jour,
j’ai regardé mon grand-père à travers la petite fenêtre du couvercle de son cercueil.
Il avait quelques taches noires sur son visage qui n’y Êtaient pas avant.
« Il est en train de décomposer, » m’a dit maman.
J’ai appris la décomposition à l’école, C’est quand les bactéries se rassemblent pour séparer un organisme en plusieurs petits morceaux qui retourneront à la terre.
J’ai remarqué que les bactéries semblaient éviter ses lèvres couvertes de rouge à lèvres.
Le cinquième jour,
un moine est venu chanter des Êcritures saintes pour mon grand-père.
Il est obligatoire pour tout le monde de s’asseoir sur un tapis et de l’écouter pendant qu’il chante.
« Chut! » m’a dit Maman quand je lui ai demandé ce que le moine était en train de chanter.
Alors que le moine chantait, je me suis endormi et j’ai rêvé des jours où mon grand-père m’amenait à l’école.
Dans mon rêve, mon grand-père n’avait pas de maquillage sur son visage.
Le sixième jour,
le moine est revenu chanter plus d’Êcritures saintes pour mon grand-père.
Peut-être qu’il n’avait pas pu finir tout ce qu’il voulait chanter hier.
« Chut! » m’a dit maman, et pourtant je n’avais rien dit.
Chacun d’entre nous tenait un bâton d’encens dans les mains et marchait autour du cercueil de mon grand-père.
Je faisais attention à mon bâton d’encens pour qu’il ne brûle pas maman devant moi.
Le septième jour,
ils ont mis mon grand-père et son cercueil dans une petite camionnette blanche.
Nous marchions lentement en trois rangs dans la rue pendant que la camionnette nous suivait derrière. Les voitures n’ont pas klaxonné et ne nous ont pas renversés.
« C’est un cortège funèbre. » m’a dit maman.
Nous avons marché jusqu’au bout de la rue où un grand bus nous attendait. Quand le bus a démarré, je me suis un peu inquiété : et si mon grand-père ne pouvait pas nous suivre dans sa petite camionnette ?
Quand ils ont poussé mon grand-père dans le trou sur le mur, Maman a pleuré un peu. J’imaginais mon grand-père allongé dans son cercueil, et la mer de feu autour de lui.
Alors que les flammes crépitaient, il n’a jamais ouvert une seule fois ses yeux bien fermés.
C’était le soir quand nous sommes arrivés chez nous. J’ai feuilleté tous les albums photos et j’ai choisi la photo la plus belle de mon grand-père. J’ai découpé avec soin sa tête dans un petit carré et puis je l’ai bien enveloppée dans un bout de film transparent, avant de le mettre dans ma poche.