Devenir conservateur Les boursiers de l’Inp racontent ... Le choix de l’Ecole du Louvre ne s’est pas imposé à moi comme une évidence lorsque, jeune lycéenne, je tentais d’envisager mon futur dans l’enseignement supérieur. Préparant un baccalauréat littéraire j’avais, comme la plupart de mes camarades, été relativement bien informée autour des diverses possibilités qui s’offraient à moi si j’obtenais le fameux sésame à l’issue de mon année de terminale. Il est vrai que se passionner dès l’enfance pour un domaine, qu’il soit scientifique, artistique ou autre est un atout pour tout étudiant puisqu’il donne un but vers lequel tendre. Cette passion s’avère être précieuse au moment de choisir sa filière. Dans mon cas, elle s’est développée sous le signe de l’archéologie. Malheureusement, je me suis vite aperçue qu’aucun cursus ne préparait réellement au métier d’archéologue et pour cause : les archéologues sont pour la plupart chercheurs ou conservateurs et ne troquent leur costume pour le chapeau d’Indiana Jones que quelques mois dans l’année, lorsque les chantiers peuvent être ouverts et que les budgets le permettent. Il me fallait donc, si je souhaitais un jour pouvoir travailler sur un chantier de fouilles, construire ma carrière en tant qu’enseignant-chercheur ou en tant que conservateur. Mon lycée ne m’offrant pas le choix d’une option « histoire de l’art » au baccalauréat, je ne pouvais pas développer mes connaissances en la matière autrement que par mes propres lectures. Arrivée en terminale, le parcours que j’imaginais devoir être le mien dans les années futures passait donc par une licence puis un master dans l’une des facultés parisiennes prodiguant des cours d’histoire de l’art et d’archéologie. La révélation, si j’ose dire, vint de mon professeur de français à qui je confiai, au cours d’une conversation, mes aspirations professionnelles. C’est elle qui, pour la première fois, m’incita à m’orienter vers l’Ecole du Louvre plutôt que vers la faculté. Je ne savais alors pas de quoi il en retournait et, renseignements pris, je décidai de tenter ma chance à l’examen d’entrée quelques mois avant de passer les épreuves qui devaient sanctionner mes études secondaires. Je ne savais pas bien à quoi m’attendre lorsque je suis arrivée à la maison des examens d’Arcueil. Pour être tout à fait honnête je ne pensais pas être prise. Après avoir échangé quelques mots avec plusieurs candidats, j’avais réalisé que je n’avais jamais consulté les annales du test (dont j’ignorais jusqu’à l’existence) et que beaucoup d’entre nous avaient déjà fait leurs armes dans les études supérieures. Toujours est-il que le sort, aidé par les quelques lectures que j’avais à mon actif ainsi qu’un goût certain pour l’expression écrite, m’a été favorable et, dès la rentrée de septembre 2003, j’intégrai l’Ecole du Louvre. Venant d’un lycée de banlieue parisienne, le changement de cadre fut radical et je n’oublierai jamais la première fois que j’ai pu admirer le carrousel du Louvre et les abords de la pyramide de verre vidés des foules de visiteurs qui peuplent l’endroit durant la journée. C’était en septembre, le premier jour de cours.
Le premier cycle de l’Ecole est consacré à un enseignement général sur l’histoire de l’art de l’Antiquité à nos jours. Le balayage artistique est large puisqu’il englobe des aires non européennes telles que l’Orient, l’Extrême Orient, l’Afrique ou encore l’Océanie. Ces cours en amphithéâtre sont accompagnés de travaux dirigés devant les œuvres, démarche spécifique à l’Ecole du Louvre qui permet aux étudiants d’exercer leur œil à l’observation détaillée et directe de l’œuvre. Ces cours ont naturellement lieu au musée du Louvre mais également dans d’autres sites patrimoniaux tels que le château de Versailles ou les divers musées et monuments historiques parisiens. A cela viennent s’ajouter des cours de spécialités (un étudiant peut éventuellement choisir de suivre plusieurs spécialités). Comme beaucoup d’enfants, ma première passion fut pour l’Egypte des pharaons, ses mystères et ses trésors. J’avais ensuite découvert la Grèce antique à travers ses mythes homériques notamment et, entre l’une et l’autre de ces spécialités, il m’était difficile de choisir. C’est une tout autre option que j’ai finalement privilégiée en m’inscrivant au cours d’archéologie chrétienne. Le programme me paraissait en effet passionnant car il s’attachait à des régions qui m’étaient chères – celles qui courent le long des côtes méditerranéennes – et couvrait une fourchette chronologique qui m’intriguait parce que je ne la connaissais pas ou très mal – entre les IIIè et IXè siècles de notre ère. Après avoir passé avec succès les examens qui sanctionnent chaque année d’études, j’ai intégré l’année de muséologie, durant laquelle j’ai rédigé un premier mémoire relativement court – une cinquantaine de pages nous était demandées – dont la problématique était centrée sur un type de production médiévale, le Moyen Âge étant devenu mon domaine de spécialité et une véritable passion. Mon année de muséologie en poche, j’ai pu intégrer la cinquième année de l’Ecole du Louvre, durant laquelle j’ai réalisé un vrai travail de mémoire autour de l’Espagne médiévale, l’occasion pour moi d’aller effectuer quelques recherches nécessaires à la bibliothèque de Madrid grâce à une allocation spécialement adressée aux étudiants de master. Cette année est cruciale dans mon parcours puisque je prépare actuellement, grâce à l’aide précieuse de la Fondation Culture & Diversité, le concours de conservateur du patrimoine. C’est à la fois l’aboutissement de plusieurs années d’études et, dans le cas d’un succès, le commencement d’un métier qui concrétise à lui seul toutes les images que je m’étais créées, parfois un peu fantasmées je dois l’avouer, autour de l’histoire de l’art depuis l’école primaire. Petit à petit et à force de travail – sur les bancs de l’école d’abord, sur ceux du Louvre ensuite – j’ai fait de mon rêve un projet et espère aujourd’hui convertir ce projet en réalité. L’une des grandes problématiques actuelles du monde de la culture est, notamment, de faire venir les jeunes dans les musées. La culture artistique des siècles passés est un patrimoine précieux qu’il nous faut préserver. Nous ne pourrons cependant y parvenir s’il demeure ignoré d’une grande partie de la population. Ce sont ces enjeux qui sont les nôtres aujourd’hui et, probablement, ceux des générations futures demain. Aussi ardue qu’elle soit, la tâche n’en est pas moins passionnante. Anne-Cécile Saillard