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Librairie Lardanchet

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23 - CROS


Livres et Documents du

XVIe au XXe siècle

Paris 2011


1. ROJAS (F. de). Celestine en laquelle est traicte des deceptions des serviteurs envers leurs Maistres et des Macquerelles envers les Amoureux. Paris, Oudin Petit (Imprimé par Nicolas Barbou), 1542, in-8° de 176 ff. non chiff., sign. A4, B-Y8, Z4, vélin souple ivoire, tranches lisses (reliure de l’époque). La Célestine est le texte de la littérature hispanique le plus largement diffusé et célébré après Don Quichotte. Cervantès le qualifiait de livre divin... Fruit d’une expérience psychologique née d’une observation aiguë de la réalité, cette composition dramatique est à l’origine du théâtre moderne. Elle fut traduite dans toutes les langues européennes. Publié pour la première fois à Burgos vers 1499, le texte fit l’objet d’un remaniement, portant définitivement le nombre d’actes à un total de vingt-deux. Une première traduction italienne vit le jour à Milan en 1514, puis une version française en 1527. Anonyme, cette traduction fidèle, réimprimée en 1529 et 1542, fut fort goûtée à la cour de François Ier. Elle était estimée de Clément Marot. Quelle qu’en soit sa version, toutes les éditions sont devenues rares de nos jours. Partagée entre Pierre Sergent, Maurice de La Porte, Madeleine Boursette, veuve de François Regnault ou encore Oudin Petit, à l’adresse duquel est notre exemplaire, cette édition, imprimée en caractères gothiques, est parcourue de 8 figures interprétées sur bois. Sept sont composées de deux bois accolés, elles représentent les personnages de la tragédie. Exemplaire très pur, à belles marges, parfaitement conservé dans sa première reliure, condition très rare. Raymond Foulché-Delbosc, le plus grand hispaniste français de la fin du XIXe siècle, en possédait un relié à la fin du XIXe siècle par Joly. Aucun des exemplaires de ce texte décrits à son catalogue par Georges Andrieux n’était en reliure de l’époque. Dimensions : 149 x 100 mm. Provenance : mention manuscrite ancienne en fin de volume que nous n’avons pas pu déchiffrer ; ex-libris non identifié (Oiseau posé sur une branche). Brunet, I, 1721 ; E. Picot, Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. Le Baron James de Rothschild, IV, n° 3059 (éd. de 1527) ; Jacob, Bibliothèque dramatique de Monsieur Soleinne, IV, 4811 ; Andrieux, Catalogue de la bibliothèque hispanique de M. R. Foulché-Delbosc, 107 (« Édition extrêmement rare, pour un exemplaire relié par Joly »).

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2. […]. Portefeuille en cuir de vache gratté ; Florence début XVIe siècle (circa 1510). Superbe spécimen de reliure portefeuille ornée d’un important décor de fers à froid. Cet objet servait aux commis de banque. Il a été fabriqué dans les échoppes de Giovanni Fiori, son décor étant une signature, dans ce cas (Fiori ; Fleurs). Giovanni Fiori tenait boutique au Porcellino et avait ses ateliers dans les rues avoisinantes ; il travailla principalement pour les Medici. Les documents se montaient sur les attaches intérieures, présentes ici, mais très rarement conservées. Ce portefeuille est maintenant vide. Le galon qui protège les coupes toujours à bords vifs est ici partiellement conservé, ce qui est également peu commun. L’état de conservation est tout à fait exceptionnel. Dimensions : 470 x 320 x 65 mm. Alexandro Cesarivi, Les Peausseries du Porcellino, Florence, 1890 ; Professore Pietri, Le Facturier des Medici, Florence, 1905.

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3. [...]. C’est l’ordre qui a este tenu à la nouvelle et ioyeuse entrée que treshaut, tresexcellent, & trespuissant Prince, le Roy tres chrestien Henry deuxieme de ce nom à faicte en sa bonne ville & cité de Paris, à faicte en sa bonne ville & cité de Paris, capitale de son Royaume le seizieme iour de Iuin M.D.XLIX. Paris, Jehan Dallier sur le pont sainct Michel à l’enseigne de la Rose Blanche, [1549], in-8° de 38 ff. sign. a-g4, A4, B6, et 2 pl. dont une double, maroquin bleu, filets dorés autour des plats, dos à nerfs orné, roulette dorée intérieure, tranches dorées (Cuzin). Édition originale. L’Entrée royale est un rite politique majeur. Il connut son âge d’or au XVIe siècle où la Fête-Roi devint une véritable fête humaniste qui puisait son inspiration dans la culture antique. Pour cette occasion qui liquida la succession de François Ier, institutions royales et municipales resserrèrent leurs liens de fidélité, le roi et sa famille pouvant se faire connaître physiquement aux Parisiens en un temps où l’image était rare. L’entrée de 1549 fut l’une des plus réussies par sa splendeur et son originalité stylistique. Elle inspira celle de 1660, l’entrée de Louis XIV à Paris après son mariage avec Marie-Thérèse d’Autriche. Un contexte artistique bouillonnant en cette année 1549. Alors que se clôt la première session du Concile de Trente, aucune solution n’a été trouvée à la question religieuse qui déclenchera les guerres de religion (1562-1598). Pendant cette relative accalmie, 1549 fait figure d’année charnière. Du Bellay (1491-1543) publie L’Olive et la Défense, manifeste de la Pléiade, Ronsard livre au public Les Amours de Cassandre ; Jean Goujon (1510-1572) sculpte les six nymphes de la fontaine des Innocents à Paris, Serlio (1475-1554) achève Ancy-le-Franc, un anonyme peint Diane chasseresse ; et Jean Cousin l’Ancien (1490-1560) représente Eva prima Pandora, premier nu de l’histoire de la peinture française. Un manifeste de l’école néo-classique. Les meilleurs artistes français collaborèrent à ce laboratoire de l’architecture contemporaine, Jean Martin (15..-1553?) en qualité de maître d’œuvre de la cérémonie, Philibert Delorme (1510-1570), Jean Cousin (1500-1589), Charles Dorigny (?-1551) et Jean Goujon. Ce fut pour eux l’occasion de s’affranchir de l’influence italienne. Venant de l’abbatiale de Saint-Denis, Henri II se présenta devant la porte Saint-Denis, pour se rendre après avoir traversé la Seine au pont Notre-Dame, à la cathédrale puis au palais, où un souper musical fut donné. L’itinéraire fut marqué de neuf stations symbolisées par des arcs de triomphe, une fontaine, un portique... Une déffence et illustration de la Langue Françoyse, à plusieurs plumes, Jean Martin, traducteur, Hardouin Chauveau, prosateur, Thomas Sébillet (1512-1589), poète. Cette relation officielle, rédigée dans une prose élégante par Hardouin Chauveau, intègre des cartels ou cartouches valorisant distiques virgiliens en langue latine ou quatrains en langue française aux rimes embrassées, composés par l’ingénieur et poète Thomas Sébillet, artiste polyvalent dont l’Art poétique français, a inspiré, sous la protection du chancelier Michel de l’Hospital, Du Bellay pour sa Défense. Sébillet fut l’ami du mémorialiste et « politique » Pierre de l’Estoile. Par modestie et tradition, les écrivains qui participaient à une œuvre collective conservaient leur anonymat. L’un des chefs-d’œuvre de l’illustration du XVIe siècle. Publiée par Étienne Roffet, libraire et relieur du roi, cette plaquette officielle constitue par son iconographie un manifeste, une défense de l’esthétique de la Renaissance qui faisait de l’architecture la création absolue. Onze bois l’illustrent. Les dessins en ont été attribués aux plus grands artistes ; aujourd’hui, on les donne à Jean Goujon. Par leur finesse de trait, ils sont emblématiques du style Henri II. Les bois sont ici d’un très beau tirage ; celui de l’obélisque a été conservé dans toute sa hauteur, il n’a pas été coupé puis collé. Exemplaire très bien établi par Francis Cuzin (1836-1890), à grandes marges. 8



Selon Rahir, le rédacteur du catalogue de la collection Dutuit, il appartient à la seconde émission (B) ; comme les exemplaires Dutuit, Guyot de Villeneuve et Rothschild, le titre ne porte que le seul nom de Dallier et la marque rectangulaire, et non pas ovale, de Roffet. Il apporte la précision suivante : « Les deux éditions A et B sont entièrement semblables et ont été publiées en même temps, le titre seul diffère ». Rahir distingue quatre états. Dimensions : 245 x 174 mm. Provenance : Thévenin (Cat., 1903, n°20) ; Descamps-Scrive (Cat., 1925, n° 20 « Livre remarquable, chef-d’œuvre de la gravure en France au XVIe siècle » - « Superbe exemplaire très grand de marges » - « Petites déchirures ff. 19 et 22 ») ; P.M.G. (ex-libris). Brunet, II, 997-998; Mortimer, French 16th Century Books, 202 (“The designs for these illustrations are the work of a major artist, Jean Goujon”) ; Davies, Catalogue of a collection of Early French Books, I, n° 150 : E. Picot, Rothschild, IV, 3114 ; Vinet, 471 (« Voici une véritable œuvre d’art ») ; A. Labitte, Catalogue des livres rares et précieux composant la bibliothèque de M. E.-F.D. Ruggieri ; 248 (« Le plus beau livre d’Entrée des rois de France qui ait été publié ») ; Firmin-Didot, Cousin, p. 134 ; Didot, Essai, pp. 177-178 ; Du Colombier, Goujon, pp. 67-73 ; Pierre Berès, Des Valois à Henri IV, 103 (« Pour un exemplaire avec 2 ff. en fac-similé » ) ; R. Cooper, « Jean Martin et l’entrée de Henri II à Paris », dans Jean-Martin, un traducteur au temps de François Ier et de Henri II, Cahiers V.-L. Saulnier, 1999, pp. 86-96 ; H. Visentin, French ceremonial entries in the sixteenth century : Event, image, texte, Université de Toronto, Centre for Reformation and Renaissance Studies, 2010, pp. 189 et sq.

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4. [...]. Horae in laudem beatissime Marie ad usum Romanum. Paris, Thielman Kerver, 1550, petit in-8°, réglé, de 172 ff. n. ch. signés A-X8 et Y4, veau fauve, plats ornés d’un décor d’entrelacs courbes et droits, et de rinceaux, peints en noir, bleu et vert, dos lisse orné de filets s’entrecroisant, formant ainsi des losanges, tranches dorées (reliure de l’époque). Intéressant modèle de livres d’heures, sorti des presses de Thielmann II Kerver en 1550, année charnière dans l’histoire de la Renaissance française, Henri II venant d’être sacré roi des Français (1547 à 1559). L’ouvrage est très rare. Le livre d’heures : livre de prières pour les fidèles. Formé de diverses pièces tirées de l’Office et de l’Écriture, nous lui connaissons deux formes, soit manuscrite soit imprimée. Le domaine des imprimés connut une grande vogue au XVIe siècle, phénomène étroitement lié à l’édition parisienne qui les destinait à des diocèses de province et de l’étranger. Une dynastie d’imprimeurs, les Kerver. Thielmann II Kerver appartient à une grande famille de libraires-imprimeurs au même titre que les Estienne ou les Bade ; il fut actif de 1544 à 1566, sous Henri II puis sous Charles IX. Il a acquis le stock des Tory-Mallard qui furent successivement imprimeurs du roi, Tory (ca 1480-1533) de 1530 à 1533, et Olivier Mallard, de 1536 à 1542. Thielmann II, qui mourut en 1572, année de la Saint-Barthélémy, eut quatre frères dont Jacques (...-1583). Ce dernier est l’éditeur du Songe de Poliphile dans la traduction de Jean Martin. 18 bois gravés sortant de l’atelier de Tory. Appartenant au cycle iconographique des fameuses Heures de 1529, il serait un travail à deux mains selon Mortimer, ce dernier attribuant neuf des bois à Tory. Pour les neuf autres, l’attribution demeure incertaine. Le reste de l’ornementation consiste en encadrements, réduction de ceux que Tory employa pour ses Heures in-quarto de 1529, connus sous le nom d’encadrements dits « à la moderne ». Ils sont formés d’oiseaux, de fleurs, d’insectes, de fruits, de putti et des emblèmes de François Ier et sa mère, Louise de Savoy. Impression en lettres rondes. Reliure attribuable à l’atelier « À l’arc de Cupidon », l’une des plus importantes officines parisiennes des années 1550. À partir de 1547, Jean Grolier, à la recherche de nouveaux talents, fit appel à ce dernier, date qui correspond au départ de Jean Picard et à la pleine activité de l’atelier de Fontainebleau. Il utilisa un matériel très proche de celui de Gomar Estienne, privilégiant les fers évidés et azurés, mais les dessins en sont dans l’ensemble moins élégants que ceux du relieur du roi ; ses réalisations passent pour être moins équilibrées. Il travailla, semble-t-il, au moins une fois pour Henri II, et façonna quelques reliures pour Catherine de Médicis, Anne de Montmorency, Lewis de Sainte-Maure et Marc Lauryn. Le décor d’entrelacs courbes est typique de cette période. Grolier et Mahieu en ont fait fréquemment réaliser par leurs ateliers favoris. C’est à Howard M. Nixon que l’on doit la découverte de cette officine qu’il nomma The Cupid’s Bow Binder. Il identifia une centaine de fers utilisés par ce dernier ; seuls ceux frappés sur les reliures de Grolier furent publiés (Nixon, Bookbindings from the library of Jean Grolier, pl. G à I, fers n° 1 à 63a). Pour notre reliure les fers 9­a, 9b et 45a, 45b, 48a, 48b, ici peints et non azurés comme dans la liste, furent frappés.

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Exemplaire réglé à très belles marges, d’un tirage vigoureux et contrasté. Coiffes et dos anciennement restaurés. Dimensions : 150 x 97 mm. Provenance : Librairie Lardanchet (Cat., 48, n° 2870, « Précieux exemplaire revêtu d’une ravissante reliure à la cire...») ; Collection particulière ; M. Breslauer (Cat. 110, Fine Books and Manuscripts in fine Bindings, Préface By Paul Needham, n°41, “A unique copy in a magnificent early binding by one of Jean Grolier’s favorite parisian book-binders”). Lacombe, 441 (« Pour l’exemplaire de la Bibli. Sainte-Geneviève, incomplet de 3 ff. ») ; Bohatte, 1236 (Édition de Mallard) ; R. Mortimer, French 16th Century Books, II, 313 (Édition de 1556 de Kerver... “Pollard considers the 1529 blocks an exemple of Tory’s work at the best. Kerver used the set earlier in 1550 and 1552”) ; A. Bernard, Geofroy Tory, 2e édition, pp. 281 et 312-313 ; Brunet, V, 333 ; Didot, Catalogue raisonné, 1867, n° 733 ; Nixon, Sixteenth Century Gold Tooled book-bindings, pp. 129-140 ; M. P. Lafitte ; F. Le Bars, Reliures royales de la Renaissance, pp. 150-151 ; Hobson, Humanists and Bookbinders, pp. 267-272.

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5. BILLON (F. de). Le fort inexpugnable de l’honneur du sexe féminin… Paris, Jean d’Allyer, 1555, grand in-4° réglé, de [6], 256 mal chiffré 257, [3] ff. sign. A4, C2, A-TTt4, maroquin rouge, dos lisse orné, tranches dorées (reliure du XVIIIe siècle). Édition originale de ce panégyrique, le plus enthousiaste, le plus passionné qui ait été jamais écrit en l’honneur des femmes. Avec Guillaume Postel, François de Billon est, au milieu du XVIe siècle, le principal théoricien du féminisme. Composé à Rome pendant que l’auteur était au service de Jean du Bellay en qualité de secrétaire, ce livre est écrit sur le mode de l’allégorie. Il évoque Martin le Franc, Gratien du Pont, Rabelais, qu’il associe au courant gaulois misogyne, rappelle la querelle des Amyes, dresse une liste de femmes remarquables depuis l’Antiquité, citant ainsi Pernette du Guillet, Louise Labé, Hélisenne de Crenne, relève les noms des auteurs qui les ont défendues, Vauzelles, Héroët, Salel, les poètes de la Pléiade, et utilise le vocabulaire militaire pour développer son argumentation. Ainsi compare-t-il l’honneur des femmes à un château fort imprenable et pourtant menacé, leurs qualités étant représentées par quatre doubles et bien emparés bastions : force et magnanimité, chasteté et honnêteté, clémence et libéralité, dévotion et piété. Chacun est dédié à une grande dame de la cour de France.

Billon confia l’impression de son manuscrit publié à compte d’auteur à l’imprimeur Pierre Gautier et la vente de l’ouvrage à Jean Dallier. Afin d’éviter toute contrefaçon, il parapha de sa main chaque exemplaire, faisant ainsi de cet ouvrage le premier livre en date systématiquement signé par son auteur. L’illustration comprend un portrait de l’auteur, alors âgé de trente-trois ans, répété, une figure à pleine page, six fois répétée, représentant un château défendu par des femmes, et une autre, l’Allocution à la plume que l’on trouve en trois endroits du texte. En regard de ces images, est imprimée une bordure gravée sur bois, formée des attributs militaires. D’autre part, chaque point important du texte est souligné en marge, par un canon surmonté du mot canonnade. Superbe exemplaire relié au XVIIIe en maroquin rouge, dont la façon rappelle les productions de Derome. Dimensions : 244 x 165 mm. Provenance : Antoine de Sève, conseiller et aumônier du roi, prieur de Champdieu et abbé de l’Isle-en-Barrois, au diocèse de Verdun, qui vécut au milieu du XVIIe. Avec son chiffre formé des lettres A. D. E. S. V. sur la page de titre ; Cigongne (Cat., 1867, n° 2195). Rothschild, 1837 ; Gay, II, 945 ; Brun, Livre illustré en France au XVIe siècle, p.156 ; Erdmann, Women in the Mirror of the 16th Century printing in Western Europe, p. 159 ; Albistur, Histoire du féminisme français, pp. 102-106 ; Annie Charon-Parent, Le monde de L’imprimerie humaniste : Paris, Histoire de l’édition française, T. I, pp. 238-239. 16



6. [...]. BLASON (Le) des Fleurs où sont contenus plusieurs secrets de médecine... Lyon, Rigaud, 1587, in-16 réglé de 8 ff. sign. A8 chiffr. 3 à 16, maroquin rouge, couronne de laurier au centre, dos à nerfs, roulette dorée intérieure, tranches dorées (E. Thomas). Très rare édition du Blason des fleurs inconnue de Brunet, Rothschild... Seul Baudrier la cite. Le Blason des fleurs, anonyme, dédié à Marguerite de France, réunit 25 huitains qui décrivent les vertus des végétaux ; ils sont précédés d’un quatrain qui célèbre la Marguerite. Un genre littéraire apparu en France au XVe siècle. Il s’agit d’une poésie descriptive, vouée à l’éloge du corps ou d’une partie du corps, d’un objet, d’un végétal, d’un animal... En 1535, Clément Marot en relance la mode. Son Blason du Beau Tétin est ainsi le premier d’une longue lignée au XVIe siècle qui prend la Femme pour objet et divise son corps en autant de merveilles à célébrer, voire à critiquer, comme le Contreblason du Laid Tétin. Marot magnifie ainsi un genre oublié issu du Dit médiéval, qui est considéré comme l’équivalent de notre « poème » moderne. Le Dit ne suit pas de règle fixe, mais il est défini par ces trois traits qui caractérisent le blason : la brièveté, le recours à l’apostrophe (adresse directe aux présents ou aux absents) et le sens conféré à l’objet qu’il décrit. Une dédicace à Marguerite de Savoie, muse de la Pléiade. Le Blason des fleurs est originellement dédié à l’une des Marguerite d’ascendance royale que compte le XVIe siècle : Marguerite de France, fille de François Ier, duchesse de Savoie (Saint-Germain-en-Laye 1523–Turin 1574), unique sœur d’Henri II à cette date, comme l’indique la dédicace (ses trois autres sœurs étant décédées en bas âge avant 1537). Elle est restée longtemps dans l’oubli, entre la glorieuse Marguerite de Navarre (1492-1549), sœur de François Ier et Marguerite de Valois (1553-1615), la célèbre Reine Margot, fille d’Henri II, sœur d’Henri III. On a redécouvert Marguerite de France, figure de l’humanisme, en même temps que son rôle de mécène auprès des poètes de son temps, notamment du groupe de la Pléiade. À la mort de sa tante et jusqu’à son mariage tardif, en 1559, avec Philibert-Emmanuel, duc de Savoie, elle fut leur principale protectrice. Belle autant que vertueuse, savante et lettrée, elle fut célébrée par les plus grands poètes de son temps ; au premier rang desquels, Ronsard, qu’elle défendit contre toutes les attaques. Il lui dédia des poèmes et composa son tombeau. Dans une de ses Odes, « À Marguerite » (livre II, XIII), il cite trois fleurs, la rose, la marguerite, le soucy, que l’on retrouve dans le même ordre dans ce Blason. Les éloges poétiques dédiés à Marguerite de Savoie se succèdent de 1550 à 1558 (Ronsard, du Bellay, Jodelle... ). Le Blason des fleurs (1re édition 1555) s’inscrit dans la filiation poétique prestigieuse de cette célébration royale. Éloge de la Marguerite des marguerites. Le Blason des fleurs, dédié à une princesse de sang royal, se doit d’être respectueux et ne pas prendre pour objet une partie du corps. Le choix des fleurs est adapté à un discours dévolu à la sœur de François Ier. L’association de la symbolique des fleurs et de leur vertu curative est emblématique de la pensée de la Renaissance, ainsi le lys « signifiant virginité », la pervenche « contre venin fort singulière ». Toutes les fleurs mentionnées n’ont cependant pas de vertus médicinales. Il s’agit d’un prétexte poétique visant à célébrer avec délicatesse la fleur des fleurs de la royauté française. Le Blason propose un discours fondé sur l’analogie entre le nom de la dédicataire et celui de la fleur, jeu fort prisé à la Renaissance : « Elle est des fleurs la plus élite/Sortant de tant Royale race,/Des Marguerites Marguerite ». D’une Marguerite l’autre. Benoist Rigaud s’est attaché à éditer les œuvres poétiques et historiques françaises, ainsi que certains travaux sur la médecine. Ce Blason des fleurs date de 1587. Il fait partie des quelques éditions qui s’échelonnent de 1555 à 1614, dont certaines sont illustrées de petits bois gravés. Ce Blason des fleurs n’en comporte pas mais présente en revanche, en page de titre, un portrait gravé de femme : dans un cadre ovale, de profil, avec une coiffure emperlée très élaborée. 18



C’est la seule édition connue présentant cette particularité. La raison est à chercher dans la date de la parution. La duchesse de Savoie, sœur d’Henri II étant morte depuis treize ans, Rigaud saisit l’opportunité de la dédicace qui, par son intitulé (« Sœur unique du très-puissant Roy Henry de Valois »), reste toujours valable : en 1587, Henri III n’a plus qu’une seule sœur, Marguerite (ses quatre autres sœurs étant décédées entre 1556 et 1575). Rigaud redonne ainsi une actualité à son édition. La Marguerite des marguerites dépeinte peut alors être identifiée à Marguerite de Valois, sœur de Henri III et épouse de Henri IV, qu’Alexandre Dumas a légué à l’histoire sous le nom de la Reine Margot. Un genre poétique renouvelé par Éluard. Paul Éluard (1895-1952) crée le Blason des fleurs et des fruits en 1940. Il le diffuse sous forme de 15 copies autographes, qu’il tint à illustrer par un bois gravé de Valentine Hugo. Le Blason paraît pour la première fois en 1941 dans Choix de poèmes. Il est dédié à Jean Paulhan, l’ami et l’éditeur (Gallimard), qui qualifie Éluard de « Pétrarque moderne ». Il s’agit d’un exercice surréaliste virtuose. Selon André Gide (préface à l’Anthologie de la poésie française, 1949), Éluard se situe en dehors de la signification, ses mots ont un « pouvoir incantateur » issu d’une « combinaison de sons » : « Marguerite l’écho faiblit/Un sourire accueillant s’effeuille ». Exemplaire unique (?) réglé, le seul cité par Baudrier. Dimensions : 116 x 76 mm. Provenance : Joseph Renard (Cat., 1881, « De Clément Marot à Ronsard », n° 623), bibliophile lyonnais, à qui l’on doit une bibliographie du père Ménestrier qui a longtemps fait référence : Catalogue des œuvres imprimées de Claude-François Menestrier, 1883 ; Comte de Salverte. Blasons : poésies anciennes, réunies par D. Martin Méon, Paris, 1807, pp. 289-298 ; Ronsard, Œuvres complètes, Paris, T. 3, « Les Odes », 1923, p. 381 ; Poètes du XVIe siècle, Paris, « La Pléiade », 1953, pp. 293-294 ; Bibliographie lyonnaise, III, p. 175 ; Paul Éluard, Œuvres complètes, Paris, « La Pléiade », 1968, pp. 1084-1090, 1576-1578 ; Culture et pouvoir au temps de l’Humanisme et de la Renaissance, Paris-Genève, 1978, pp. 192-193, pp. 207-232 ; Monique Léonard, Le Dit et sa technique littéraire des origines à 1340, Paris, 1996 ; Dictionnaire du littéraire, « Blason », Paris, 2002, pp. 40-42.

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7. FONTANA (D.). Della Trasportatione dell’obelisco vaticano et delle fabriche di Nostro Signore Papa Sisto V dal Cavalier Domenico Fontana, architetto di sua Santita... Roma, Domenico Basa, 1590, in-folio de [1], 112 ff. chiff. 108, et 4 ff. n. ch., maroquin rouge, double encadrement de filets dorés autour des plats, motif floral en angles, dos à nerfs très finement orné, tranches dorées (reliure du début du XVIIe siècle). Édition originale. Domenico Fontana (1543-1607), un architecte au service de Sixte V. Natif de Lugano, Fontana reçut une formation de mathématicien. Après divers travaux d’architecture, il rencontra le cardinal Felice Peretti, futur Sixte Quint (1585-1590), s’installa à Rome au service de ce dernier qui l’imposa en qualité d’architecte en chef et participa ainsi à son ambitieux projet : reconstruire la Ville éternelle. Sixte, ayant décidé de déplacer l’obélisque mal placé au ras de l’abside du nouveau Saint-Pierre, confia à Fontana, muni des pleins pouvoirs, la réalisation de ce tour de force. L’un des événements majeurs de la Rome du cinquecento. Envisagé dès le milieu du XIVe siècle, ce vieux rêve fut rapidement abandonné faute de moyens techniques suffisants. Il fallut attendre 1583, l’année où Camillo Agrippa publia son Di Trasportar la guglia in su la piazza di san Pietro, pour relancer ce projet. Le 24 août 1585, Sixte créa une commission chargée d’organiser un concours, Fontana l’emporta malgré l’avis défavorable de cette dernière qui le trouvait relativement inexpérimenté. Les travaux débutèrent, notamment celui de la tour qui permit le transport de l’obélisque, étape commencée le 30 avril 1586. La phase la plus délicate, celle de l’élévation, requit 800 hommes, 140 chevaux et 40 treuils, travaillant au rythme des sons de cloches et de trompettes, alors que la foule, massée derrière un cordon de police, restait silencieuse. Gravures de Natale Bonifacio (1537-1592) d’après les dessins de Fontana. Il interpréta sur cuivre un portrait de l’architecte, 35 planches simples, 2 doubles et une dépliante. Douze concernent l’opération en elle-même, les 26 autres représentent les travaux de Fontana pour Sixte Quint : la Villa Montalto, résidence du Pape sur le mont Quirinal, la chapelle de Santa Maria Maggiore, l’érection dans l’abside de cette chapelle d’un obélisque augustinien, description de la cathédrale San Giovanni, et diverses portes conçues pour le programme d’urbanisation et de sécurisation de Sixte V à Rome. Sorti des presses de l’imprimerie vaticane, dirigée alors par Domenico Basa, l’ouvrage fut réédité à Naples en 1604, édition augmentée d’un livre II, en rien comparable à celle que nous présentons. Exemplaire de qualité, à belles marges, ayant appartenu à un bibliophile connu pour son exigence, H.F. Norman (1915-1996). Ce dernier, dont la bibliothèque scientifique et médicale n’a pas connu d’équivalent, avait la réputation de n’acquérir que ce que le marché offrait de mieux et ce à une époque où le choix était plus large. Deux gravures, datées 1591, ont été placées entre la fin du texte et les feuillets de table, la planche 11 a été contre-collée sur un feuillet, l’ensemble au moment de la reliure. Datant du tout début du XVII e siècle, cette dernière a fait anciennement l’objet de discrètes restaurations. Dimensions : 412 x 269 mm. Provenance : Thomas Anson of Shugborough (ex-libris), frère de George Anson (1697-1762) connu pour son voyage publié à Londres en 1748, A Voyage Round The World ; Rufford Abbey, avec son étiquette concernant l’usage des livres en salle de lecture ; Haskell F. Norman (Cat. I, 1998, n° 95 “Fine Copy”). Brunet, I, 1329 ; Mortimer, Italian XVIth Century Books, 193 ; Fowler, 124 ; Dibner, Heralds of Science, 174 (“One of the most famous stories in engineering history”) ; Olschki, 16955 ; University of St Thomas, Builders and Humanists, The Renaissance Pops as Patrons of the Arts, B, 96 (“It was one of the memorable engineering feats of western civilization”) ; F. H. Kissner, The Franklin H. Kissner of Books on Rome, n° 147 (pour un exemplaire en vélin moderne) ; F. Pouillon, Architecture et beaux livres anciens, n° 56 (pour un exemplaire en vélin du XIXe siècle). 22



8. [CALLOT (J.)]. Guerra di Belezza. Festa a cavallo fatta in Firenze per la venuta del serenissimo Principe d’Urbino. Florence, Zanobi Pignoni, 1616, in-4°, vélin ivoire, filets et roulette dorés autour des plats, large motif floral au centre, fer en angle, dos lisse, tranches lisses (reliure de l’époque). Une fête équestre donnée à Florence pour l’arrivée du prince d’Urbin (1605-1623) à l’occasion de ses fiançailles avec Claudia de Medici (1604-1648), rapportée par Andrea Salvadori (1591-1635), et dont la chorégraphie fut imaginée par Agniolo Ricci avec des décors et des chars par G. Parigi (1571-1625). L’ouvrage commence avec la dédicace au prince d’Urbin datée du 8 octobre 1616, qui nous renseigne sur la fête organisée en son honneur à la demande du grand duc de Florence ; suivent 28 stances chantées pour le prince d’Urbin, cinq autres chantées par l’une des Heures, au nom du Soleil, pour les très belles dames de Florence, en l’honneur desquelles une nymphe marine, Galatée, chante également cinq stances. L’amour, de son côté, chante 16 stances pour mettre un terme au combat. L’ouvrage s’achève par la description du Carrousel qui eut lieu sur la place Sainte-Croix. Iconographie de Jacques Callot (1592-1695). Une gravure originale au burin figurant les armes du prince d’Urbin De La Rovere, connu d’après un seul état, et 5 eaux-fortes originales figurant le Char du Mont Parnasse, le Char de Thétis, le Char du Soleil, le Char de l’Amour et une grande vue d’ensemble de la fête. Nous avons relevé ici sur la planche du Char de Thétis le filigrane du roi, papier sur lequel les épreuves de premier tirage sont généralement tirées. Exemplaire du dédicataire, le prince d’Urbin, très bien conservé. Le volume spécialement imprimé pour ce dernier présente un état unique du titre et de la dédicace, dont les caractères sont en or et en argent. Dimensions : 220 x 160 mm. Provenance : chiffre [LD] frappé au dos non identifié ; V. de Gobbis avec sa devise « Je fus sage, je fus fou » (ex-libris) ; P.M.G. (ex-libris). Lieure, 177-182 (« Les gravures de Callot étaient insérées dans l’ouvrage, il est extrêmement rare de les y rencontrer ») ; Vinet, 792 ; Ruggieri, 774 ; Berlin, 3042 ; Nagler, Theatre Festivals of the Medici, 1964, p. 130 “The riders guided their horses through intricate manoeuvers, Fama vowed to promulgate through all the cites of Europe the perfection which the Feste a cavallo had attained at the court of the Grand Duke of Tuscany”.

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9. CALLOT (J.). Capricci di varie figure di Iacopo Callot all Illmo & Eccmo S. Principe don Lorenzo Medici. Florence, [1617], in-12 oblong, maroquin rouge, au centre des plats, décor aux petits fers formé de fleurs de lys, de couronnes, de fleurettes, en bordure, large roulette reprenant le même vocabulaire ornemental, dos à nerfs orné, tranches dorées (reliure anglaise du XVIIIe siècle). Première édition. Cette suite a donc été publiée pour la première fois à Florence, en 1617, bien que cette date reste encore mal établie. À son retour à Nancy en 1621, Jacques Callot la grava à nouveau, n’étant plus en possession des cuivres florentins ou ceux-ci étant trop usés. On ne connaît qu’un seul état de la suite italienne ; il y en a deux pour celle de Nancy : le premier avant les numéros, le second avec les numéros, de 1 à 48, ajoutés par Fagnani sur les 48 compositions. Les cuivres des deux séries sont perdus, les dessins conservés sont peu nombreux. Un genre nouveau, les Capricci. Jacques Callot (1592-1635) est le premier artiste qui ait employé le terme de Capricci pour une suite de gravures, genre qui connut aux XVIIe et XVIIIe siècles une fortune considérable tant dans le domaine de la musique que dans celui des arts visuels ; Tiepolo, Rabel, Goya s’y essayèrent. Le terme désigne « des œuvres de fantaisie, irrégulières, sur des thèmes variés, inclassables dans aucun genre et propres à l’imagination créatrice personnelle de l’auteur ». Une date importante dans l’histoire de la gravure. « C’est là, en effet, qu’apparaissent pour la première fois réunies les importantes innovations techniques de Callot : vernis dur des ébénistes (remplaçant le traditionnel vernis « mol » ou tendre, selon Félibien), « taille simple » remplaçant les tailles croisées, emploi de l’« échoppe couchée », au lieu de la pointe pour réaliser des pleins et des déliés, c’est-à-dire pour écrire comme le dessinateur avec sa plume, ou du moins en donner l’illusion : bref, tout ce qui permet à l’aquafortiste de rivaliser avec les burinistes... » La suite des Caprices, l’une des plus célèbres de Callot. Elle comprend 50 eaux-fortes dont un frontispice, une dédicace au prince Laurent de Médicis, frère du grand-duc Cosme II, et 48 scènes. Elles représentent toutes sortes de sujets : danseurs grotesques de la Commedia dell’Arte (« Les Deux Pantalons »), nains bossus ou gobbi, paysans, mendiants, soldats, vues et fêtes de Florence... Certaines, gravées dans un souci pédagogique pour ceux qui veulent apprendre à dessiner, comportent une figure répétée, au trait ombré. Suite d’un beau tirage, luxueusement établie au début du XVIIIe siècle en Angleterre. Les eaux-fortes présentent ici toutes les remarques décrites par Jules Lieure. Nous n’avons relevé aucune marque de filigrane. La reliure, au riche et varié vocabulaire ornemental (fleurs de lys, fleurette, chardon...), offre plusieurs fois au centre et en bordure des plats une couronne royale répétée. Un mors fendu. Exemplaire conservé dans une boîte-étui de maroquin prune réalisée par l’atelier Devauchelle. Dimensions : 84 x 103 mm. Provenance : Mention manuscrite au verso du frontispice « Metcalf Robinson 1726 bought of Gamberini compleat 50 plates » ; ex-libris « Wrest Park ». Jules Lieure, Jacques Callot, Catalogue raisonné de l’Œuvre gravé, 214-263 ; Auclair, La Licorne, 2004, p. 69, pp. 81-100 ; Musée historique lorrain Nancy, Jacques Callot, 1592-1635, pp. 196-226 ; [...], Jacques Callot, 1592-1635, Actes du colloque organisé par le service culturel du musée du Louvre et de la ville de Nancy, Paris, Klincksieck, 1993.

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10. KESLAR (Fr.). Espargne-bois, c’est à dire, nouvelle er parci-devant non commune, ni mise en lumière, invention de certains et divers fourneaux artificiels, par l’usage desquels, on pourra annuellement espargner une infinite de bois, & autres matières nourrissantes le feu, & neantmoins entretenir es poiles une chaleur commode, & plus salubre, escrite premierement en Allemand, pour le bien & le profit de l’Allemagne, & declaré par Figures representantes les dits fourneaux. Maintenant publiee en François pour le bien & profit public de la France, & de tous ceux qui usent de ceste langue. Oppenheim, Jean Théodore de Bry, 1619, in-4, maroquin rouge, dos lisse orné, triple filet doré encadrant les plats, coupes filetées or, dentelle intérieure, doublures et gardes de soie bleue, tranches dorées (reliure du XVIIIe siècle). Première et unique (?) édition en français. Elle a été éditée par le graveur sur cuivre et éditeur Jean Théodore de Bry (1561-1623) : né à Strasbourg, il s’établit à Oppenheim en 1609. Le livre a paru en allemand l’année précédente, chez le même éditeur, sous le titre d’Holtzsparkunst. Premier livre sur le chauffage individuel au moyen de poêles. Peintre de Francfort, Franz Keslar ou Kessler (vers 1580 - vers 1630) décrit plusieurs modèles de chauffage alors inédits en France. “In 1619 Franz Keslar, a painter from Frankfurt-am-Main, published at Oppenheim, in French, his Espargne-bois (‘Wood-saver’), in which he set out the merits of what was, in France, still an invention for the future. It was a way to keep warm in cold weather while economising on wood, and so to bring relief to the poor and the mass of the people. In France, following Germany, the public good was involted in this new still at guiding fire and capturing heat, getting rid of smoke through pipes made of earthenware or metal, and warming rooms both large and small. The model advocated by Keslar was a wood-burning furnace such as is still used today, several tiers high and ‘magnificently’ decored, probably to make up for the loss of decoration due to the disappearance of the fireplace”. 5 planches gravées sur cuivre, dont une dépliante. Intéressante illustration figurant les différents types de poêles, dont deux des chauffages individuels richement décorés, du type des kochelofen alsaciens. Reliure faite avec soin, de la seconde moitié du XVIIIe siècle, en maroquin, dans la lignée de celles exécutées avec élégance par Derome pour le duc de La Vallière. Plusieurs cahiers brunis. Dimensions : 195 x 141 mm. Provenance : Yemeniz, avec son ex-libris (Cat., 1867, n° 894 : « Livre extrêmement curieux et pour le texte et pour les figures dont il est enrichi et qui représentent des systèmes de chauffage, dont quelques-uns, malgré les progrès de ces derniers temps, ne seraient pas à dédaigner »). Denis Roche, A History of everyday things, the birth of consumption in France, 1600-1800, p. 128.

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11. [...]. Le magnifique carousel fait sur le fleuve de l’Arne à Florence, pour le mariage du grand duc. À Paris, Chez Balthazar Moncornet, [circa 1624-1631], in-8°, demi-maroquin bleu à coins, dos à nerfs, tête dorée, tranches rouges (reliure du XIXe siècle). Première édition, très rare. Elle est dédiée au Sieur de Beaulieu, « Commissaire ordinaire et contrôleur provincial de l’Artillerie de la ville d’Aras et du pais d’Artois, ingénieur et géographe du roi ». Il s’agit de Sébastien Pontault de Beaulieu (vers 1612-1674). On connaît 3 éditions de cette suite, qui sont toutes très rares. La première, la nôtre, publiée par B. Moncornet, entre 1624 et 1631, la seconde par Nicolas Bouquet, la dernière en 1664, par Pierre Giffart ou Jean Sauvé, le gendre de Balthazar Montcornet avec lequel il fut associé de 1662 à 1666. Dans les bibliographies, on trouve cette suite sous le nom des éditeurs successifs, mais sans aucune identification de graveur. Aujourd’hui certains historiens avancent le nom de Nicolas Cochin le vieux (Troyes 1610 - Paris 1686), qui réalisa d’autres travaux pour Beaulieu selon le même principe. Un titre et 18 planches, numérotées de 1 à 18, sans indication de graveur.

Une fête navale sur l’Arno à Florence. Réduction des compositions gravées en 1608 par Remiggio Cantagallina (vers 1582-1635), ces planches mettent en scène la Bataille navale dont le sujet était l’expédition des Argonautes pour la conquête de la Toison d’or, fête organisée sur l’Arno à Florence à l’occasion du mariage entre Côme II de Médicis (1590-1621), grand duc de Toscane, et Marie Madeleine d’Autriche (1589-1631), le 3 novembre 1608. Les bateaux ont été conçus pour la plus grande partie par Giulio Parigi (15), mais aussi Jacopo Ligozzi (2) et Lodovico Cigoli (1). Chacun d’eux est dirigé par un dieu : Hercule, Amphion, Castor et Pollux, Thétis, Polyphemus et Palaemon, Cupidon… L’ensemble a été publié dans un double dessein : perpétuer le souvenir d’une des grandes fêtes florentines, et fournir une source d’inspiration possible pour des fêtes à la cour de France. Exemplaire cité par Guilmard. D’un très beau tirage, il est à très belles marges. Provenance : A. Berard ; P.M.G. (ex-libris). Dimensions : 142 x 186 mm. Guilmard, Les Maîtres ornemanistes, p. 55 (Collation d’après cet exemplaire) ; Le Blanc, Manuel de l’amateur d’estampes, n° 120-38 (Ed. Moncornet) ; Lipperheide, 2743. Berlin Katalog, n° 3039 ; Weigert, Inventaire du fonds français : graveurs du XVIIe siècle, vol. 4, n° 396 (titre seul) ; Ruggieri, n° 760 bis (Édition italienne). 30



12. HEINSIUS (D.). Herodes infanticida. Ex officina Elzeviriana, Lugd. Batavorum, 1632, in-12 de 56 ff. sign. A-G8, maroquin rouge, filet et roulette dorée autour des plats, chiffre au centre, dos à nerfs orné, en-pied, marque de rangement en lettres dorées, tranches lisses (reliure de l’époque).

Édition originale, dédiée à Constantin Huygens (1596-1687). Une tragédie à l’origine d’une polémique littéraire (1632-1646), contemporaine de la bataille du Cid (1637). L’Herodes infanticida [Hérode infanticide] (1632) est une pièce biblique en vers latins dont le sujet est tiré des Antiquités judaïques (II, 9) de Flavius Josèphe. Cette tragédie en cinq actes, ponctuée par des chœurs, semble venir du siècle précédent. Elle met en scène de violentes passions affectives et politiques : amitié, amour, haine, soif du pouvoir absolu... Celles-ci expliquent le Massacre des Innocents dont la fête est celle de l’Épiphanie. Un ange parle. Joseph médite. Hérode est rongé par ses affres de tyran. L’épouse, adorée mais assassinée, accourt, telle une Furie des Enfers et le roi de Judée, qui veut la mort de l’Enfant-Roi, sombre, pour conserver le trône, dans une folie meurtrière. Les mères de Bethléem fuient. Ce lyrisme eschyléen, osant mêler profane et sacré, fit naître un débat. On fit grief à Heinsius de l’absence d’intrigue, de drame, de psychologie, d’une composition à la manière des Anciens plus qu’à celle des classiques. Daniel Heinsius (1580-1635), Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654) et Nicole-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637), trois « Princes » européens des Belles-Lettres franco-hollandaises. Heinsius fut professeur d’histoire et de politique à Leyde, dans les Provinces-Unies protestantes. Ce fut l’un de ses anciens élèves, l’académicien français Balzac, qui déclencha, en 1636, la polémique par un Discours. L’universitaire, mis en cause, répondit à l’attaque par une lettre en latin (Epistola...). Le débat ne s’acheva qu’en 1646. Peiresc, savant et bibliophile aixois, qui n’avait pas lu la tragédie, s’efforça d’en acquérir le texte. Comme le précise Raymond Lebègue, de l’Institut, le conseiller du Parlement de Provence voulait juger du bien-fondé de la bataille littéraire (Cf. Néophilologus, 1938, pp. 388-399). Elzevir transmit à Peiresc deux exemplaires de la réponse heinsienne. Le Parisien Jacques Dupuy lui fit envoyer le Discours (1636) balzacien ainsi que trois exemplaires de l’ Herodes infanticida (1632). La correspondance, active et passive, de Peiresc, datée des années 1636-1637, atteste ces envois successifs. Petit papillon de papier en tête de la page de titre. Est relié avec : a - HEINSIUS (D.). Epistola quae dissertationi D. Balzaci... Lugduni. Batavorum, Ex officina elzeviriana, 1636, in-12 de 4 et 128 ff. sign. * 4, A-Q 8, R4. Édition originale. Il s’agit de la réplique d’Hensius au Discours de Guez de Balzac, elle est précédée d’une dédicace à Constantin Huygens rédigée par l’éditeur Marcus Zverius Van Boxhorn. L’Epistola est à replacer dans le cadre d’une vaste polémique qui mit aux prises des savants de l’Europe, presque tous latinisants, opposant anciens et modernes.

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b - BALZAC (Guez de). [Discours sur une tragédie de Monsieur Heinsius intitulée Herodes infanticida. Paris, Pierre Rocolet, 1636], in-8° de 4 et 68 ff., sign. a iv, a-h8, i2, k8 et l4. Édition originale. La dissertation polémique de Balzac, ou « contention », un « livret » qui éveilla la curiosité de Peiresc. Ce Discours met l’accent sur la soi-disant « irrégularité » de la pièce, sur sa « bigarrure », mêlant avec indécence paganisme des Furies et christianisme des Anges. Il n’en oublie pas pour autant les indéniables charmes de la tragédie. Ces derniers seront relevés par Corneille dans l’Avertissement de son Polyeucte (1642). L’écrit de Balzac interroge en définitive, alors que l’institution politico-littéraire de l’Académie française cherche ses marques, la définition même du genre « baroque » (« Romain ») de la tragédie, héritage de l’antiquité grecque. Balzac, dont le Prince (1631) est un panégyrique de Louis XIII et de Richelieu, enrôla dans son propre camp, celui des censeurs, nombre de belligérants, Claude Saumaise et Gilles Ménage entre autres. Sans la page de titre. Une édition critique avant la lettre, établie par Peiresc à la façon d’Heinsius. Autant Boisrobert (1592-1662) peut être considéré comme l’éditeur scientifique du Discours puisqu’il en rédigea la dédicace à Séguier, autant Peiresc peut être considéré comme l’éditeur scientifique de la querelle de l’Hérodes en réunissant ces trois textes. Il confia à son relieur et doreur d’origine parisienne Simon Corberan, le soin d’habiller ces trois ouvrages. Ainsi « l’ingeniosus glutinator », sobriquet dont l’affubla Gassendi, para de maroquin ces trois livres, en un volume avec en son centre le monogramme du maître. La reliure est typique du deuxième groupe identifié par Isabelle de Conihout, qui réunit celles exécutées après 1626. Dimensions : 157 x 101 mm.

Provenance : Jean Ballesdens (1595-1675) dont l’ex-libris manuscrit figure comme à son habitude sur la page de titre. Avocat au parlement de Paris, éditeur et bibliophile français, il fut le secrétaire de Séguier, le second protecteur de l’Académie française. Ballesdens passe pour avoir relancé la mode des reliures de Grolier ; on sait aujourd’hui qu’il en posséda plus de 25 ; une cote manuscrite (XVIIIe siècle ?) au premier contre-plat QQ 21 in-12° répétée au dos en lettres dorées, non identifiée ; au verso de la page de titre des Hérodes, cachet avec initiales [EAR] entrelacées, non identifiées.

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13 - [BALLET]


13. [BALLET]. Recueil de 18 aquarelles. [1750]. Ensemble contre-collé sur des feuillets montés dans un volume de maroquin rouge ancien. Collection probablement réunie par Rudolf Ritter von Gutman figurant neuf couples de danseurs, évoquant des pays (Chine, Turquie, Espagne...), des saisons et des personnages. L’ensemble a été réalisé par une seule et même main, peut-être française ou d’Europe centrale (Vienne), pour un seul et même spectacle, probablement un spectacle de cour. Les aquarelles ont été réalisées soit pour un opéra soit pour un ballet ; on note de nombreux rehauts d’argent sur les costumes, marque d’une attention et d’un soin tout particulier, laissant penser qu’elles ont été conçues afin de pérenniser un spectacle, donc après celui-ci et non avant comme c’était l’usage. Dimensions : 225 x 175 mm. Provenance : Rudolf Ritter von Gutmann (1880-1966), fils de Wilhelm qui hérita par la branche viennoise des Rothschild le droit d’exploiter les dépôts de charbon et de fer de Witzkowitz en Bohème. Développée conjointement par les deux familles, la ville devint la plus importante de l’Empire austro-hongrois pour l’industrie sidérurgique. Leur activité s’étendit à la banque. L’ensemble fut saisi par le régime communiste en 1945. Alors que son frère aîné Max s’occupait des affaires familiales, Rudolf lui se destina à l’art, réunissant d’importantes collections qui furent exposées à Vienne et Francfort en 1987, avant d’être dispersées par Kornfeld (Cat. 201, Juin 1989, n° 131).

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14. LA FONTAINE (J. de). Contes et nouvelles en vers... Amsterdam, 1762, 2 vol. in-8°, maroquin rouge, dentelle dorée autour des plats avec rosaces en angles, l’ensemble serti de filets droits ou festonnés, dos lisses ornés, doublure et gardes de papier à fond étoilé, tranches dorées ([Louis Douceur]). Premier tirage. L’une des plus célèbres illustrations du XVIIIe siècle. Elle s’inscrit dans le courant initié par Watteau, l’art galant, genre dans lequel les Contes trouvèrent leur juste équivalent. Commandée par les Fermiers Généraux, puissants financiers, cette édition apparaît comme l’une des plus parfaites productions d’imprimerie du XVIIIe siècle. Ils sollicitèrent Eisen (1720-1778), alors professeur de dessin de la marquise de Pompadour, pour en assurer l’illustration. Ce dernier s’acquitta de cette tâche avec talent, et devint le dessinateur du XVIIIe siècle qui sut « adapter au mieux les Contes de La Fontaine à l’esprit de son époque ». Il fut précédé dans cet exercice par Larmessin (circa 1740) et Charles-Nicolas Cochin (1742), et devança Fragonard (1795), qui sut s’en souvenir quelques années plus tard. Pour José de Los Llanos, il est évident que l’édition des Fermiers Généraux servit de référence à ce dernier. Son format longtemps incertain, puisque l’idée première était de publier une édition des Contes équivalente à celle des Fables illustrées par Oudry, fut finalement l’in-8°, choix qui contraignit l’artiste à revoir la disposition des dessins, que les Goncourt comparèrent à des émaux (« Ces petits tableaux, pareils à des émaux dans les ciselures d’un cadre enrubanné »). Ils sont aujourd’hui conservés au musée Condé de Chantilly. Un portrait de La Fontaine interprété par Ficquet d’après Rigaud, un portrait de l’illustrateur gravé par le même d’après Vispré, et 80 figures d’Eisen interprétées par Aliamet, Baquoy, Choffard, de Longueil, 4 vignettes et 53 culs-de-lampe par Choffard. Les figures sont ici d’un tirage contrasté, le Diable de Papefiguière et Le Cas de conscience sont de l’état couvert, tirage le plus rare. « Autant certaines figures découvertes sont rares autant celles pour le Diable... et le Cas de conscience sont communes », dit Cohen. Exemplaire de grande qualité, relié dans le goût du temps par Louis Douceur (?-1769). Contemporaines de l’ouvrage, ces deux reliures au décor avant-gardiste pour l’époque présentent une palette de fers typiques de la dernière manière de ceux employés par Douceur. Reçu maître le 14 octobre 1721, puis titulaire de la charge de relieur du roi par décret royal, il s’occupa du dépôt des Affaires étrangères. Il travailla notamment pour le duc de Penthièvre (1725-1793), Charles de Rohan, prince de Soubise (1715-1787). On lui confia la reliure de quelques exemplaires des Fables illustrées par Oudry, pour lesquels il dessina une série de fers spéciaux à sujet animalier. L’exemplaire présente des marges équilibrées. Dimensions : 182 x 120 mm. Provenance : Barthou (Cat. I, 1935, n° 85 avec reproduction, « riches reliures à dentelle, très caractéristiques du XVIIIe siècle »), avec son ex-libris. Louis Barthou (1862-1934), homme politique au destin tragique, fut assassiné à Marseille en compagnie du roi Alexandre de Yougoslavie. Auteur de nombreux ouvrages, sur Mirabeau, Hugo... il fut l’un des bibliophiles en vue des années trente, dont les catalogues de ses quatre ventes reflètent les tendances de l’époque. Cohen, I, 558-559 ; Portalis, 1877, pp. 190-213 (« Le Chef-d’œuvre d’Eisen », p. 196) ; José de Los Llanos, Les Illustrateurs des Contes de La Fontaine au XVIIIe siècle, BNF-Seuil, pp. 74-95 ; Gordon N. Ray, The Art of the French Illustrated Book , pp. 51-62 ; E. Thoinan, Les Relieurs français (1500-1800), p. 261.

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15. BALBASTRE (Cl.). Recueil de noëls formant quatre suites, avec des variations pour le clavecin et le forte piano... Paris, Chez l’auteur, [1770], in-4° oblong, maroquin rouge, dentelle dorée autour des plats, dos à nerfs orné, tranches dorées (reliure de l’époque). Édition originale dédiée à la duchesse de Choiseul. Composés pour les fêtes de la Nativité, ces airs étaient, entre autres, destinés à certains cantiques pendant la messe, avant ou après le Salut. C’est vers le XVIII e siècle qu’apparurent des versions instrumentales des chants religieux français pour la plupart issus du répertoire profane. Principalement écrits pour l’orgue, leur structure devint très libre, appelant l’usage de la variation et de développements virtuoses comme en témoigne le présent recueil. Notons que c’est vers 1770 que le terme de forte piano fit son apparition à côté de celui de clavecin. Originaire de Dijon, Claude Balbastre (1724-1799), élève de Jean-Philippe Rameau, fut nommé à la cathédrale Notre-Dame, partageant les claviers avec Couperin, Daquin et Jolage. En 1766, il devint l’organiste de Monsieur, puis maître de clavecin de Marie-Antoinette et du duc de Chartres et, dix ans plus tard, celui du comte de Provence. Dans la lignée des Daquin, Corette ou Dandrieu, à la fois organistes et clavecinistes, Claude Balbastre connut un succès considérable avec ces Noëls en variations composés pour l’église Saint-Roch, et qu’il exécutait tous les ans à la messe de minuit à Notre-Dame, provoquant la cohue parmi la foule. Imprimé par François Montulay, éditeur du Castor et Pollux de Rameau en 1754, ce recueil fut gravé par Marie-Charlotte Vendôme dite mademoiselle Vendôme, l’un des graveurs de musique les plus importants du XVIIIe siècle qui grava en 1759 les Pièces de clavecin de Claude-Bénigne Balbastre, frère cadet de l’auteur, puis, en 1779, les Sonates en quatuor de ce dernier. Luxueuse reliure emblématique de l’époque, décorée d’une fine dentelle marquée des attributs de la musique. Dimensions : 322 x 247 mm. Aucune marque de provenance. B. Gustafson et D. Fuller, A Catalogue of french Harpsichord Music (1699-1780), pp. 35-36 ; J.-E. Doussot, Musique et société à Dijon au siècle des Lumières, pp. 159-165 ; J. Saint-Arroman, Recueil de Noëls, pp. 6-21 ; Musica et memoria, 20 (74), juin 1999, pp. 8-17 ; A. Devriès-Lesure, L’édition musicale dans la presse parisienne au XVIIIe siècle, p. 26 ; C. Hopkinson, A Dictionary of Parisian Music Publishers (1700-1950), pp. 116-117.

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16. POISSON (M.). Cris de Paris... Paris, Chez l’auteur, 1774-1775, in-8°, demi-veau fauve, dos

lisse orné de fleurons dorés, pièce de titre de maroquin citron, tranches mouchetées rouges (reliure de l’époque). Premier tirage de cette très rare suite complète des Cris de Paris à la fin du règne de Louis XV. Exécutée à l’eau-forte d’après les compositions de Poisson, elle réunit 72 planches numérotées réparties en 12 cahiers de 6, précédées d’un titre gravé. Le recueil est dédié à Jean-Frédéric Bignon (1737-1784), bibliothécaire du roi. Diffusé à travers l’estampe depuis le XVIe siècle parallèlement à sa veine littéraire, le thème des divers et pittoresques petits métiers parisiens connaît un grand essor au XVIIIe siècle. Il s’agit, pour cette époque, de la troisième, et numériquement la plus importante, suite gravée de Cris de Paris, après celles de Boucher (12 pl., 1736) et de Bouchardon (60 pl., 1737-1746). Chacune de ces tailles-douces représente une vendeuse ou un vendeur ambulant avec son éventaire. À chaque figure est associé un titre composé directement à partir du cri : « Parapluie là ; Marrons rôtis, Marrons boulus ; Carpes laitées, Carpes vives ; Régalés-vous, mes Dames, v’la l’plaisir ; Maquereau monsieur v’la l’maquereau ; Lapins, lapins, peaux de lapins ; Le bon Coco ; V’la du Cresson la santé du corps ; La mort aux rats mes Dames ; L’Oraison de Ste Brigitte ; Radix des raves ; Voilà le gros lot, aux derniers les bons ; Du Buis benis, pour Paques fleuri ; Pleurez, petits enfans, vous aurez des Moulins à vent », etc. Exemplaire à grandes marges d’un très beau tirage. Reliure habilement restaurée. Dimensions : 252 x 155 mm. Provenance : Louis-Pierre Parat de Chalandray (ex-libris) ; ex-dono manuscrit à l’encre brune en tête de premier feuillet blanc : « Donné par Adolphe Maussion à sa grande tante Mad. de Chalandray ». Cohen, Guide de l’amateur de livres à gravures du XVIIIe siècle, 812 ; Colas, Bibliographie générale du costume, 2405 ; Hilaire & Meyer Hiler, Bibliography of costume, p. 715.

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17. CHODERLOS DE LACLOS (P.A.F.). Les Liaisons dangereuses. Amsterdam et Paris,

Durand Neveu, 1782, 4 parties en 2 vol. in-12, demi-veau moucheté, dos lisse orné, tranches mouchetées (reliure de l’époque). Édition originale, devenue rare. L’un des chefs-d’œuvre de la littérature française. S’inscrivant dans la tradition prisée du XVIIIe siècle du roman épistolaire, Les Liaisons dangereuses connurent dès leur publication un retentissement considérable, dû en partie au parfum de scandale que l’ouvrage provoqua. Classé en second par André Gide parmi les dix plus grands romans français, l’ouvrage dépasse son genre littéraire pour acquérir un statut d’œuvre incontournable. Récit des aventures libertines de deux membres de la noblesse licencieuse, la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, la réussite du roman consiste en l’élaboration d’une double narration dans laquelle le simple jeu dévoyé des protagonistes s’altère au fil du récit en rivalité destructrice. Le libertinage, symbole de l’esprit des Lumières, permet de combattre les valeurs bien-pensantes, la vertu, la morale, la religion. L’ouvrage est en réalité un pamphlet politique dirigé contre l’aristocratie au profit de la bourgeoisie. Unique œuvre écrite par l’officier d’artillerie Choderlos de Laclos (1741-1803), composée entre 1779 et 1782 pendant ses garnisons à l’île d’Aix et l’île de Ré. Employé à la défense des côtes d’une menace britannique et désespérant de voir arriver l’ennemi, l’auteur se résolut « de faire un livre qui sortît de la route ordinaire, qui fît du bruit et qui retentît encore sur la terre après qu’il y serait passé ». Il fut adapté à l’écran à trois reprises, en 1959 par Roger Vadim, en 1988 par Stephen Frears couronné de trois oscars enfin, en 1989, par Milos Forman sous le titre de Valmont. Exemplaire à belle marges du premier tirage, dans une reliure strictement de l’époque, façonnée selon le style alors en vogue. Une coiffe restaurée. Dimensions : 174 x 105 mm. Pléiade, Œuvres complètes, pp. 1140-1141 ; Dictionnaire des lettres françaises, Le XVIIIe siècle, T. II, pp. 9-11 ; Bibliothèque nationale, En français dans le texte, p. 183 ; Max Brun, Bibliographie des éditions des Liaisons dangereuses portant le millésime 1782, 1963, pp. 6-10, pp. 40-41.

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18. [MERCIER (L.-S.)]. Tableau de Paris. Nouvelle édition. Corrigée & Augmentée. À Amsterdam [Neuchâtel], [Wittel & J. Fauche], 1782-1783, 8 vol. in-8°, maroquin rouge, triple filet doré autour des plats, dos lisses ornés, tranches dorées (reliure de l’époque). Seconde édition, en grande partie originale. L’aventure éditoriale, à la veille de la Révolution, d’un ouvrage mis à l’index. Il connut une première édition en 1781, en deux volumes, chez Samuel Fauche et Jérémie Wittel. Craignant d’être inquiété par la police, Mercier quitta Paris pour se réfugier à Neuchâtel muni d’un contrat pour une seconde édition avec ses éditeurs habituels. Un différend financier éloigna l’auteur et Wittel de Samuel Fauche, qui s’associèrent avec le propre fils de Samuel, Jonas, et prirent alors la société typographique de Neuchâtel comme imprimeur. Les quatre premiers tomes de la seconde édition sortirent de presse en janvier 1782, les quatre derniers en juin 1783, Wittel et Jonas devenant pour ces derniers les imprimeurs. Une troisième édition, formée de 12 volumes, fut publiée en 1788, sous la fausse adresse d’Amsterdam, son lieu d’impression restant encore inconnu aujourd’hui. Le parfum de scandale entourant l’ouvrage, et une demande littéraire qui ne cessait de croître, avec un lectorat toujours plus avide de nouveautés politiques et littéraires, expliquent le grand nombre de contrefaçons qui virent le jour entre 1781 et 1788. Un moraliste, Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), au siècle des Lumières. Polygraphe fécond, Mercier, après une éducation classique au collège des Quatre-Nations, fut nommé professeur au collège de Bordeaux. En proie à l’ennui, il regagna Paris, décidé à vivre de sa plume. À la fois romancier, dramaturge, lexicologue, journaliste et ardent polémiste, Mercier est un témoin irremplaçable de l’époque des Lumières et de la fin de l’Ancien Régime. Il occupa diverses fonctions, avocat au Parlement avant la Révolution, député de Seine-et-Oise à la Convention nationale, membre du conseil des Cinq-Cents, contrôleur de la caisse de la loterie de France, professeur à l’École centrale... De son ­œuvre littéraire, deux ouvrages se démarquent : L’An 2440, utopie qui appartient à la littérature d’anticipation, et dont certaines des prophéties se réalisèrent après la Révolution, et son Tableau de Paris, un document irremplaçable sur le Paris de cette époque qui rendit son auteur célèbre dans toute l’Europe. Le Tableau de Paris, une source d’inspiration pour ceux qui écrivirent sur Paris : Chateaubriand, Nodier, Stendhal, Balzac, Nerval ou encore Baudelaire... Composé à partir des notes accumulées pendant des années par un piéton sillonnant les rues de la capitale, ce tableau n’est pas sans rappeler les travaux plus contemporains de Fargue et Brassaï. C’est une réflexion urbanistique, économique et sociale, bref « philosophique », héritée des Lumières, qui a ouvert un champ d’étude nouveau, la vie quotidienne et ses cris, sujet qui ne sera repris que deux siècles plus tard. C’est l’ancêtre du reportage. Exemplaire exceptionnel, probablement unique dans cette condition. La reliure au décor épuré, dépouillé de tout ornement, est du plus pur style Louis XVI. Dimensions : 194 x 117 mm. Lacombe, 304 ; M. Schmidt, L’Édition neuchâteloise au siècle des Lumières, pp. 131-141 ; M. Delon, Paris le jour, Paris la nuit, Introduction (Mercier « invente ce qui va s’appeler un demi-siècle plus tard le reportage : à la fois chroniques parisiennes, promenades et choses vues ») ; E. Bourguinat, Les Rues de Paris au XVIIIe siècle, Musée Carnavalet, 1999.

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19. DUNKER (B.-A.). Costumes des mœurs et de l’esprit français avant la grande révolution à la fin du dix-huitième siècles. En XCVI planches gravées en caricature par un habile maître. Pouvant servir d’Appendice au Tableau de Paris. Lyon, 1791, in-4°, maroquin bleu janséniste, dos à nerfs, doublure de veau blanc sertie de filets dorés, tranches dorées (M. Lortic). Un frontispice et 95 figures gravées en taille-douce par Dunker (1746-1807). Cette suite connue sous trois titres a fait l’objet de plusieurs tirages selon les bibliographes. Lacombe cite ceux d’Yverdon (1787), et de Lyon (1791). Cohen en mentionne trois à Yverdon (1785), à Berne ou à Yverdon (1787), et enfin Lyon (1791). En revanche, il semble qu’il n’y ait pas de différence dans ces tirages, Lacombe précisant que les planches ne paraissent pas sensiblement plus usées dans cette suite [1791] que dans l’autre [1787]. De nos jours, ils sont tous devenus rares. Une anthologie simplifiée et illustrée d’une œuvre applaudie par l’Europe des lecteurs. Précédé par un Avis au public, l’ouvrage propose des notices accompagnées de gravures. Ces courts textes, extraits de l’édition avouée par Mercier, celle de 1782-1783, ont la saveur récréative de petites fables, d’anecdotes, de devinettes ou d’histoires drôles. Ils s’achèvent souvent par une exclamation ou interrogation ironique. Publié à l’insu de Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), l’opuscule fut désavoué par le polygraphe : « On a fait de nos jours un abus ridicule de la gravure... On a fait, en Suisse, pour le Tableau de Paris, des gravures à l’eau-forte, les plus plates et les plus discordantes. Vainement je m’y suis opposé... » Selon notre « moraliste », la gravure figeait et appauvrissait le récit. Elle n’était qu’un « art d’imitation », aux prétentions intellectuelles risibles, qu’il assimilait aux arts mécaniques de l’industrie. Quoi qu’il en soit, les estampes de Dunker, par leur intelligent sourire, sont autant de saynètes malicieuses que de caricatures spirituelles. Expression naïve et espiègle de la verve populaire, annonciatrices du Gavroche de Poulbot, elles évoquent pêle-mêle le monarque, les libraires, les bouquinistes, les filles publiques, les filles entretenues, les portefaix, les portes cochères... Balthasar-Anton Dunker (1746-1807), graveur et illustrateur allemand. Natif de la Poméranie suédoise, Dunker séjourna dans la capitale parisienne de 1765 à 1770 jusqu’à la disgrâce du duc de Choiseul. Il reçut les cours de Georges Wille pour la gravure et ceux de Vien et Hallé pour la peinture. À la mort de ses parents, il s’essaye à la peinture de paysage mais faute de revenus suffisants, il se consacre à la gravure à l’eau-forte, Huquier et Basan, éditeurs d’estampes bien connus, surent alors apprécier son travail. Basan l’employa à sa Galerie de tableaux du duc de Choiseul. Lors de son exil forcé, Dunker partit pour Bâle, puis Bern où il retrouva son ami Freudeberg. Il se chargea alors d’illustrer des livres, dont l’Heptamérion ou contes de la Reine de Navarre pour lequel il dessina des vignettes, travail adapté à sa pointe agile et spirituelle, traits que l’on retrouve dans ses Costumes des mœurs... Pour cet opuscule, il est clairement indiqué dans l’Avis au lecteur que Dunker en est le dessinateur. En revanche, il en a gravé lui-même, à l’eau-forte, plus de la moitié... alors que Portalis soumet l’idée que l’ensemble soit le fait d’une seule et même main, celle de Dunker, certains ayant cru reconnaître dans quelques-unes d’entre elles la manière de Mercier. Dunker organise ici son travail sur le jeu opposant lumière et ombre. L’ensemble des 96 dessins originaux à la plume lavis d’encre de Chine, réunis en un volume par le prince d’Essling, a figuré au catalogue 48 de la librairie Lardanchet sous le numéro 1776. Exemplaire d’un beau tirage, à grandes marges, avec traces de témoins. Quelques planches ont été montées sur onglets. Dimensions : 221 x 162 mm. Lacombe, 312 ; Cohen, II, 702 ; R. Portalis, Les dessinateurs d’illustrations au XVIIIe siècle, pp. 179-183 (À propos des gravures des Tableaux... «... où la finesse des intentions est remarquable... ») ; N. Ray, The Art of the French Illustrated Books, p. 116. 48



20. REPTON (H.). Observations on the Theory and practice of Landscape gardening... London, Printed by T. Bensley for J. Taylor, 1805, gr. in-4°, maroquin bleu à grains longs, roulettes, l’une crénelée, et filets dorés autour des plats, dos à nerfs orné à fond criblé, roulette perlée dorée intérieure, tranches dorées (reliure de l’époque). Seconde édition, dédiée au roi George III. Humphrey Repton (1752-1818), le premier et principal théoricien-praticien-peintre [de l’art moderne] du jardin à l’anglaise. C’est ainsi que se présentait Repton qui en fut pour ainsi dire l’arpenteur et l’inventeur. Il l’aborda relativement tard dans sa vie, la trentaine déjà passée. Repton, qui s’était essayé sans succès dans une série d’aventures professionnelles (il fut tour à tour marchand de textile, garçon d’honneur, secrétaire particulier, critique d’art, essayiste, transporteur...), eut la chance de devenir le premier secrétaire d’un lord châtelain, qui était au service du duc de Portland. Il soutint la campagne électorale de son maître Whig, c’est-à-dire libéral, puis le suivit en Irlande. Alors qu’en France tonnait la Révolution, arrachant les massifs à la française de l’« ancien » Le Nôtre, Repton prit une décision : il ferait de sa fonction d’architecte-aquarelliste-jardinier-paysagiste, un noble métier. Il se mettrait au service du paysage et des propriétaires aux soins desquels celui-ci était confié. Ainsi intégra-t-il les meilleurs cercles et séduisit-il aussitôt de très nombreux clients fortunés. Sa carrière fut, pendant trente ans, féconde, son œuvre innovante. Il avait une certaine vision de l’Angleterre, proche de celle de la romancière Jane Austen. Repton usa de red books, reliés en maroquin, « livres rouges » qui, par un ingénieux système de caches, montraient le futur du jardin sous son présent, l’après comparé à l’avant. Il avait modifié la perspective classique, rejeté les ornements gothiques, empruntés à l’Antiquité gréco-latine, qu’il jugeait inutiles. Il leur préféra le naturel, la simplicité de l’eau, des ombres et des couleurs, leur frémissement... Quoi qu’il en soit, Repton, qui domina la nature pour mieux l’imiter, sut toujours garder la mesure, en marge des agitations polémiques. Il inspira, en France, un paysagiste officiel, nommé précisément en 1805 jardinier de Joséphine de Beauharnais, Louis-Martin Berthault, maître d’œuvre du parc de la Malmaison. Repton fut également un modèle pour le comte Alexandre de Laborde qui, avant d’être guillotiné, en 1794, créa, sur le style anglais qu’il adopta, et que chanterait l’abbé Delille, le parc de Méréville et qui publia une magnifique Description des nouveaux jardins de la France. La fin de la vie de Repton fut assombrie par un accident qui le cloua dans un fauteuil roulant. Observations on the Theory and Practice... le livre programme d’une profession. Le prolifique Repton a publié successivement Sketches and Hints on Landscape gardening [Dessins et suggestions à l’usage des jardiniers paysagistes] (1795), Observations on the Theory and Practice of Landscape gardening. [Observations sur la Théorie et la Pratique du jardin paysager] (1803) et des Fragments sur la théorie et la pratique du jardinage paysagiste (1816). Les Observations, seconde de ses publications, furent plusieurs fois imprimées. La plupart de leurs textes sont extraits des red books, ou « livres rouges », étapes des pérégrinations de Repton, dans une Angleterre et une Écosse sillonnées à pied, à cheval ou en calèche. Elles optent plus d’une fois pour le point de vue de l’antiquaire, de l’historien des ruines et du paysage. Elles fondèrent, au tout début du XIXe siècle, la science paysagère. Cette éclosion artistico-littéraire, initiée par le chef de file des architectes jardiniers paysagistes, offre, au détour d’un bosquet, plus d’une surprenante fragrance. De telles Observations associent de délicates aquatintes à un exposé didactique moderne. Il magnifie les travaux des red books (« livres rouges »), ceux des jardins d’Antony House, Russell Square, Ashton Court, Bayham Abbey... et propose quinze développements. Ces derniers présentent les situations, les bâtiments, la maison, l’eau, l’aménagement du parc, le style moderne, reptonien, qui rompt avec la symétrie et l’uniformité, les affinités entre la peinture et le paysage, les parterres d’agrément que sont les massifs de fleurs (aucubas, camélias, hortensias...), souvent dessinés en forme de corbeilles tressées en fer, les maisons anciennes, le caractère inséparable du jardinage et de l’architecture, des mélanges...

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Les Recherches concluent sur les couleurs et les ombres faisant écho à Price et à Knight, détracteurs de Repton. En effet, l’audace originale et le caractère novateur du plus connu des écrits de Repton ne manquèrent pas de susciter un débat. C’est de ce dernier que les historiens contemporains de l’art font encore tous leurs délices. Après l’acte d’union avec l’Irlande que signa George III et qui préluda à la construction du Royaume-Uni, les peintres de la haute aristocratie se dressèrent contre Repton. Les Observations reptoniennes furent rééditées en 1840, dans le cadre d’œuvres complètes, par l’Écossais et rival John Claudius Loudon [The Landscape Gardening and Landscape Architecture of the Late Humprhy Repton Esq., Londres, 1840 ], vulgarisateur de l’inventeur de la profession et de la pratique fleurie et naturelle du jardin paysager. Un cycle iconographique plus complet que celui de l’édition de 1803. Un portrait de l’auteur par William Holl d’après Samuel Shelley, 12 aquatintes en couleurs, dont 9 avec pièces mobiles, la dernière double, 10 aquatintes en noir dont 3 avec pièces mobiles, la dernière double, 5 planches gravées dont une carte, et 11 vignettes dont deux avec pièces mobiles. Exemplaire de qualité, relié à l’époque en maroquin bleu à grains longs orné d’une intéressante roulette crénelée. Il est très frais intérieurement. Le traitement dont ont fait l’objet au début du XIXe siècle les pausseries anglaises a rendu inévitable l’intervention des restaurateurs, aussi discrète soit-elle comme c’est ici le cas. Dimensions : 343 x 270 mm. Provenance : Élisa Gulston (ex-libris) ; Charles Georges Milnes Gaskell (ex-libris) ; un ex-libris non identifié avec la devise « Semper Progrediens ». Millard, The Mark J. Millard Architectural Collection, British Books, n° 65 (avec seulement 14 pièces mobiles) ; Abbey, Scenery, 390 (Ed. de 1803) ; Tooley, pp. 209-210 (Ed. de 1803) ; Monique Mosser et Georges Teyssot, Histoire des jardins de la Renaissance à nos jours, Paris, Flammarion, 1991, pp. 11, 356, 362, 363, 372, 373, 377, 378, 380, 382 n. 7, n.8, 420, 467, 356 (illustration) ; Anne-Marie Bogaert et Jacques A. Piron, Images de jardins du XVIe siècle au XXe siècle dans les collections de la bibliothèque universitaire Moretus Plantin, « Bibliothèque universitaire Moretus Plantin ; 7 », 1996, pp. 136, 137, 189, 202, 203 et 243 ; Michel Baridon, Les jardins: paysagistes, jardiniers, poètes, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1998, pp. 827, 828, 916-922, 969, 997, 1077 et 1135.

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21. [...]. Postes impériales. État général des routes de poste de l’Empire français, du royaume d’Italie et de la confédération du Rhin... suivi de la carte géométrique des Routes desservies en poste avec désignation des relais et des distances... À Paris, De l’Imprimerie Impériale, 1811, gr. in-8°, maroquin rouge à grains longs, filets droits et perlés, et roulette dorées autour des plats, dos lisse orné des attributs de l’empire (Abeille, Aigle et N couronnés), doublure et gardes de tabis bleu, tranches dorées (reliure de l’époque). L’ancêtre de nos cartes routières. Bien que les premières routes de poste de France datent des années 1479, les premières archives imprimées conservées concernant les « listes des postes de France » remontent à 1706. Dès cette année, Alexis Hubert Jaillot grava une liste séparée qu’il transforma en petit livret à partir de 1708. L’administration des postes faisait paraître chaque année un ouvrage officiel indiquant au lecteur les routes et les relais qu’il pouvait emprunter. Édités de 1706 à 1779 par les Jaillot, puis par les imprimeurs officiels des différents régimes politiques qui se succédèrent en France jusqu’en 1859, ils sont connus sous les titres suivants : Liste générale des postes de France, État général des routes de poste..., ou Livre de poste. C’est à partir de 1772 que la carte des postes sera insérée dans ces ouvrages. Reliée en général à la fin du volume, la carte est ici exceptionnellement présentée séparément. Carte des routes de postes de l’Empire français du Royaume d’Italie et de la Confédération du Rhin... Datée de 1811, elle a été gravée par Tardieu, probablement d’après le relevé Seguin établi en 1787, selon une échelle aux alentours du 1/2.000.000.A Prenant en compte les conquêtes de l’Empire, cette carte deviendra en 1814 celle des routes de poste de toute l’Europe. Montée sur soie à l’origine, elle est ici conservée dans une boîte de l’époque, parée de maroquin à grains longs serti d’une roulette feuillagée, et frappée des armes impériales. Ce montage est aujourd’hui fragile. Exemplaire aux armes impériales, avec chiffre et pièce d’armes couronnés frappés au dos. Son vocabulaire ornemental est semblable à celui qui décore l’exemplaire, également de 1811, de la bibliothèque de Dominique de Villepin, récemment cédée aux enchères, mais malheureusement incomplet de sa carte. Habituelles rousseurs, principalement au début et fin du volume. Dimensions : 110 x 120 mm ; 249 x 180 pour l’étui. Arbellot, Autour des routes de poste, p. 20.

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22. [BRILLAT-SAVARIN (A.)]. Physiologie du goût ou méditations de gastronomie

transcendante ; ouvrage théorique, historique et à l’ordre du jour, dédié aux gastronomes parisiens, par un professeur membre de plusieurs sociétés littéraires et savantes. Paris, Sautelet et Cie, 1826, 2 vol. in-8°, veau blond raciné glacé, roulette florale et filets dorés autour des plats, dos lisses ornés, tranches dorées (reliure de l’époque). Édition originale de l’un des chefs-d’œuvre de la littérature gastronomique mondiale, dont il n’a pas été tiré de grand papier. Publié anonymement, l’ouvrage fut diversement accueilli ; Balzac loua son style et affirma que depuis le XVIe siècle, hormis La Bruyère et La Rochefoucauld, aucun prosateur n’avait su donner à la langue française un tel relief. Toujours réédité, il suscite encore aujourd’hui de l’intérêt, Jean-François Revel imputant à son style la réussite de ce chef-d’œuvre, Roland Barthes le jugeant digne d’une lecture attentive, au-delà des « joliesses de style ­». Pour lui, la langue de Brillat-Savarin est, à la lettre, gourmande : gourmande des mots qu’elle manie et des mots auxquels elle se réfère... Superbe exemplaire, du premier tirage, en pleine reliure de l’époque. Une coiffe très habilement restaurée et mors légèrement épidermés. Rare dans cette condition. Dimensions : 205 x 122 mm. Vicaire, 116 ; Carteret, I, 146 ; Oberlé, Les Fastes de Bacchus et Comus, 144 (« Rare et très recherchée »).

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23. CROS (Ch.). Vision. [Manuscrit autographe signé]. S.l.n.d., 4 pp. in-4°. [1883]. Important manuscrit autographe signé de l’un des plus beaux poèmes de Charles Cros. Ce manuscrit est celui qui a servi à l’établissement du texte de l’édition de la Pléiade des Œuvres complètes de Charles Cros. Il est également reproduit en fac-similé dans l’édition Pauvert de 1964 des Œuvres complètes du même poète. Cros l’a copié et signé sur un papier vergé et filigrané identique au second manuscrit autographe connu de Vision, celui de la bibliothèque personnelle de Pierre Berès. (La Bibliothèque de la Pléiade ne mentionne que le manuscrit que nous présentons ici). Le poème Vision avait paru en préoriginale dans Le Chat noir (n° 68) du 28 avril 1883 et fut repris par les éditeurs de Cros dans le recueil posthume Le Collier de griffes (Stock, 1908). La ponctuation du manuscrit diffère de celle du texte retenu pour l’édition originale, ainsi qu’un mot au 30e vers ; il n’a par ailleurs pas encore été divisé en trois parties, mais se termine sur deux distiques et non sur un unique quatrain. Rédigé sur quatre feuillets, ce manuscrit, tracé de la belle et large écriture de Cros et présentant quelques légères ratures, porte mention de la dédicace au peintre Puvis de Chavannes. Poète « maudit », très tôt doté d’une mauvaise réputation malgré son génie, Charles Cros se piqua également de sciences et fut inventeur (il fut à l’origine, notamment, du phonographe). On connaît de lui le fantaisiste Hareng saur et sa participation à divers cénacles de poètes, des Zutistes aux Hydropathes en passant par le Chat Noir, mais il faut surtout retenir de lui sa poésie « indépendante et primesautière », « virtuose » même, comme la vantait Verlaine, marquée par le Parnasse et le décadentisme. « Machine de guerre tournée contre la «vieillerie poétique» » (Hubert Juin), l’œuvre de Charles Cros est par essence visionnaire, ainsi que l’illustre justement ce poème, Vision, qui est l’un de ses plus beaux ; un poème dans lequel « un revolver est braqué », comme le disait André Breton. Cette « vision » semble être un souvenir de L’Espérance, tableau de Puvis de Chavannes – auquel le poème est dédicacé –, qui fut exposé au Salon de 1872 (il est conservé au Walters Art Museum, Baltimore). Une seconde version de ce tableau, réduite, est conservée au Musée d’Orsay ; l’Espérance y est peinte nue, ce qui pourrait expliquer le balancement du poème de Cros autour du vers : « Maintenant te voilà nue ». Important représentant – voire chef d’école – de l’art symboliste, Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898), auteur des fresques du Panthéon et de la Sorbonne, s’est vu consacrer un numéro de la revue La Plume en 1895 auquel collaborèrent de nombreux poètes, dont Mallarmé et Verlaine. Charles Cros a pu le rencontrer dans l’entourage de Manet ou du graveur Desboutin. Traces de papier collant à la pliure du dernier feuillet, qui est fendillé. Provenance : Jacques Bernard, descendant de Laure Bernard, nièce de Charles Cros. Charles Cros, Œuvres complètes, Pauvert, 1964, pp. 146-147 – Charles Cros, Tristan Corbière, Œuvres complètes (Pléiade), 1970, pp. 177-179 et 1148 – Charles Cros, Le Collier de griffes, Gallimard, 1972, pp. 42-46.

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24. TERRASSE (Cl.) & BONNARD (P.). Petites scènes familières. Paris, E. Fromont, [1895],

in-folio, en ff. , chemise et étui. Édition originale. Une œuvre musicale didactique pour l’usage des enfants. Composé par Claude Terrasse (1867-1923) sur un livret de Franc-Nohain (1872-1934), ce recueil de partitions de musique instrumentale profane est destiné à l’initiation de la musique aux plus jeunes. Il est constitué de 19 pièces séparées en deux parties ; 15 airs pour piano composent la première, la seconde intitulée La Fête au village comporte 4 pièces humoristiques. Chacune de ces mélodies est dédiée à une personne chère au compositeur, des membres de sa famille à ses proches amis, donnant une dimension intime et personnelle à cet ensemble. Sa publication fut annoncée en 1895 par l’intermédiaire d’un encart publicitaire publié dans La Revue blanche du 15 mai. Auteur d’opérettes, Terrasse composa en 1896 la musique pour la pièce d’Alfred Jarry (1873-1907), Ubu roi, ce qui le fit connaître auprès de l’avant-garde artistique et littéraire du moment. Proche des peintres Nabis, ami et collaborateur de Pierre Bonnard, son beau-frère, il fut en partie à l’initiative de la création du théâtre Pantins, un théâtre de marionnettes qui se révéla l’un des lieux de réunion des familiers de la Revue blanche. 20 lithographies originales en noir de Pierre Bonnard (1867-1947), dont une couverture. Seconde collaboration avec Claude Terrasse pour un livre musical didactique avec Le Petit Solfège illustré (1893), ce cycle iconographique s’inscrit dans sa période de formation de la pratique lithographique. Ces premières œuvres furent pour lui l’occasion d’améliorer sa technique et de maîtriser l’agencement de la surface d’un livre illustré lui permettant ainsi de composer une décennie plus tard Parallèlement (1900) et Daphnis et Chloé (1902), deux titres essentiels publiés par Ambroise Vollard (1866-1939). Accompagnant chaque mélodie d’une lithographie, Pierre Bonnard portraitura avec sensibilité et tendresse les membres de la famille de son beau-frère, accentuant la dimension intimiste voulue par le compositeur. À ces portraits s’ajoutent des scènes du quotidien préfigurant l’univers que le peintre dépeindra dans Quelques aspects de la vie de Paris (1899). Certaines lithographies tirées de cette série furent sélectionnées par le peintre pour représenter son œuvre à l’occasion du centenaire de la lithographie à la galerie Rapp, au Champ de Mars, de novembre à décembre 1895. Exemplaire enrichi d’une des rares suites des 19 lithographies sur chine volant tirées avant la lettre, toutes monogrammées PB au pinceau par Pierre Bonnard, soit en rouge soit en bleu. Dimensions : 364 x 275 mm. Provenance : Pierre Bonnard ; famille Terrasse. Francis Bouvet, Bonnard - L’Œuvre gravé, 1981, n° 5-24 « Il existe une vingtaine de suites avant la musique, sur chine volant, signées au pinceau du monogramme PB, tantôt en bleu, tantôt en rouge, en noir ou en violet. On ne connaît qu’une ou deux épreuves du titre [couverture] sur chine volant », n° 58-70 ; Au temps des nabis, 1990, n° 12, 19 et 25 ; Anisabelle Berès et Michel Arveiller, Les peintres graveurs 1890-1900, 2002, n° 32 ; Théodore Baker & Nicolas Slonimsky, Dictionnaire biographique des musiciens, 1995, p. 4193 ; François Chapon, Le peintre et le livre, 1987, p. 65 ; Geneviève Latour, Les extravagants du théâtre de la Belle Époque à la drôle de guerre, 2000, p. 16, p.18.

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25. VERLAINE (P.). Chair. Paris, Bibliothèque Artistique et Littéraire, 1896, in-12, maroquin

rouge, filets à froid autour des plats, dos à nerfs orné de même, doublure intérieure de maroquin rose saumon, gardes de soie moirée, couverture et dos, tranches dorées, étui (Semet & Plumelle). Édition originale. Paru l’année de la mort du poète, ce recueil contient des poèmes écrits entre 1893 et 1895. Ils furent publiés dans le numéro spécial consacré au poète du 1er - 28 février 1896 de La Plume, revue fondée par Léon Deschamps, à laquelle Verlaine collabora dès sa création. Dans la veine des derniers recueils d’inspiration érotique du poète, Chair se compose de 16 sonnets dédiés aux amours de Verlaine, de Philomène à Eugénie. Deux de ces poèmes, À Madame*** et À Madame Jeanne, furent publiés une première fois dans Dédicaces sous le titre de À une dame qui partait pour la Colombie et À Mme J... Frontispice de Rops. Représentant une espèce de sphynge androgyne à l’air féroce et mystérieux, il fut à l’origine destiné au recueil Parallèlement. L’un des 12 premiers exemplaires sur japon avec trois états du frontispice. Le volume a été sobrement relié par Semet et Plumelle qui exercèrent de 1925 à 1955. Ch. Galantaris, Verlaine-Rimbaud-Mallarmé, 176 ; Pléiade, Verlaine, Œuvres poétiques complètes, pp. 590, 630, 881.

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26. KAHN (G.). [Étude sur le vers libre]. Manuscrit autographe paraphé de la Préface aux

Premiers Poèmes. [1897], 39 ff. in-8° oblong chiffrés. Manuscrit raturé et repris en plusieurs endroits, conforme – à d’infimes divergences près – à l’édition imprimée de 1897. Quelques découpures sans atteinte au texte. Paraphe G. K. en fin de copie. Gustave Kahn (1859-1936) a succédé à Léo d’Orfer à la direction de la revue La Vogue, à laquelle il donna une coloration exclusivement symboliste en y publiant, notamment, les Illuminations de Rimbaud et la deuxième série des Poètes maudits de Verlaine. Jules Laforgue, qui était son ami proche, lui a dédié son Imitation de Notre-Dame la Lune. Les Premiers poèmes, parus au Mercure de France en 1897, rassemblent les trois premiers recueils poétiques de Gustave Kahn, Les Palais nomades (1887), Chansons d’amant (1891) et Domaine de fée (1895). L’auteur les a enrichis d’une importante préface au sujet du vers libre. Les Palais nomades sont une des premières œuvres écrites principalement selon ce procédé poétique. Kahn évoque lui-même ce recueil comme « le livre d’origine du vers libre », dans cette Préface même, laquelle constitue un MANIFESTE en faveur de ce type de vers, qu’elle théorise pour la première fois dans l’histoire de la poésie française. La querelle fit rage des années 1880 aux premières du XXe siècle pour déterminer quel poète fut le premier à se servir du vers dit libre. La thèse accordant cette priorité à Gustave Kahn pour ses Palais nomades (1887), défendue autrefois par Mondor et Arkaï, puis en 1962 par J.- C. Ireson – mais surtout par l’intéressé lui-même dès cette Préface de 1897 –, a été contestée. En effet, dans Le Livre des masques, au chapitre sur Gustave Kahn, Remy de Gourmont demandait : « À qui doit-on le vers libre ? À Rimbaud, dont les Illuminations parurent dans La Vogue en 1886, à Laforgue qui à la même époque, dans la même précieuse petite revue – que dirigeait M. Kahn – publiait Légende et Solo de Lune, et, enfin, à M. Kahn lui-même. » (Par ailleurs, le poète américain Walt Whitman avait auparavant écrit des blank verses que Laforgue avait traduits en français). Il semble en fait que ce trio de poètes soit à l’origine du vers libre, sans que l’antériorité en puisse être attribuée à l’un ou à l’autre. Mais dans un essai intitulé Le Vers libre, le même Remy de Gourmont commentera en 1899, de façon parfois critique, cette préface de Gustave Kahn, qu’il tient sans conteste pour le « théoricien » du vers libre. Dans sa récente monographie sur Le Vers libre, Michel Murat donne un point de vue décisif sur la responsabilité de Kahn dans l’élaboration du « vers-librisme », en considérant que le rôle de Gustave Kahn a été « essentiel » dans le processus de création du vers libre, non seulement en raison de ses choix éditoriaux de directeur de La Vogue, mais surtout parce qu’il a « élaboré un modèle original du vers libre » et l’a « mis en œuvre ». Dans le même ouvrage, on lit également : « Ce qu’on doit à Kahn, c’est l’idée d’un vers nouveau, assortie d’exemples. Cela suffit pour qu’il tienne en main dès 1886 tous les éléments de la chaîne ; à cette date il était le seul, et son rôle d’initiateur n’a guère été contesté. » (p. 69). Sans doute, Rimbaud avait-il déjà écrit depuis plusieurs années les poèmes Marine et Mouvement, « prototypes à contretemps » (M. Murat) qui feraient de lui le véritable inventeur du vers libre ; Gustave Kahn n’en reste pas moins l’auteur du plus fameux manifeste prônant ce mode de prosodie, et – on l’a vu – son « initiateur », au sens de celui qui est le plus responsable de son origine. On y joint : - un second manuscrit autographe de la Préface, 30 ff. in-8 oblong chiffrés, suivis d’un brouillon des « objections au vers libre », 2 ff. in-8 oblong non chiffrés. - une note manuscrite autographe sur divers poètes (dont Mallarmé et Baudelaire) et le symbolisme, 3 pp. et une blanche sur 2 ff. in-8 pliés en deux. - les épreuves corrigées des Premiers poèmes, avec la Préface, en placards, 134 ff. in-4 (Mercure de France, 1897). - les épreuves en bonnes feuilles des Palais nomades, 68 ff. in-4 (Tresse et Stock, 1887). R. de Gourmont, Le Livre des masques, Mercure de France, 1896 ; R. de Gourmont, Le Vers libre, in Esthétique de la langue française, Mercure de France, 1899 ; J.- C. Ireson, L’Œuvre poétique de G. Kahn, Nizet, 1962 ; F. J. Carmody, « La doctrine du vers libre de Gustave Kahn », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, n° 21, 1969, pp. 37-50 ; M. Murat, Le Vers français. Histoire, théorie, esthétique, H. Champion, 2000, pp. 107-126 ; M. Murat, Le Vers libre, H. Champion, 2008. 64



27. SIGNAC (P.). D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme. Paris, Éditions de la Revue Blanche, 1899, in-8°, cartonnage à la bradel de toile verte, dos lisse, couverture (Atelier Laurenchet). Édition originale, rarissime. Dédié à Georges Seurat, ce livre manifeste, qui allait jouer un rôle majeur au cours des années qui virent la naissance de l’art propre au XXe siècle, parut d’abord dans la revue des Natanson entre mai et juillet 1898, puis fut repris en volume aux Éditions de la Revue Blanche en juin de l’année suivante. Dès 1898, de larges passages furent traduits en allemand pour paraître dans la revue Pan de Munich ; l’ouvrage fit l’objet d’une édition allemande en 1903. Un texte fondateur, publié une dizaine d’années après la naissance du mouvement. En rupture avec son temps, où « l’on parle plus de «sensation d’art» » que de documents, d’histoire et de lois, ce manifeste à la gloire de la couleur influencera toute une génération d’artistes, de Matisse à Kandinsky. Couverture dessinée par Van Rysselberghe. Exemplaire bien conservé pour un livre imprimé sans soin sur un papier de petite qualité. Dimensions : 211 x 163 mm. Signac, D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme, Hermann, Introduction et notes de Françoise Cachin (« Fondateur avec Seurat du pointillisme, Signac y développe pratiquement cette pensée d’Eugène Delacroix : l’art du coloriste tient évidemment par certains côtés, aux mathématiques et à la musique ») ; G. Bernier, La Revue Blanche, ses amis, ses artistes, pp. 174-175 ; P.-H. Bourrelier, La Revue Blanche, une génération dans l’engagement 1890-1905, p. 541 (« Le manifeste de Signac aura, au tournant du siècle, la plus grande influence sur l’évolution de la peinture européenne »).

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28. VERLAINE (P.) & BONNARD (P.). Parallèlement. Paris, Imprimerie Nationale, Vollard,

1900, in-4°, broché, couverture. Les débuts de l’aventure éditoriale d’Ambroise Vollard (1866-1934). Coup d’essai de l’éditeur, Parallèlement se révéla par sa mise en page inventive et sa typographie élégante un chef-d’œuvre incontesté. Verlaine (1844-1896) regroupa dans ce recueil, comme il le fit précédemment dans Jadis et Naguère, des pièces écrites à des moments très différents et qui ne relèvent pas de la même inspiration. Ainsi, il évoque sa vie de prisonnier (Autre, Réversibilités), Mathilde (À Madame**), son ami Rimbaud (Laeti et errabundi), songe aux amies de passage rencontrées au hasard (À la princesse Roukhine), et exalte avec liberté les jeux de l’amour. 109 lithographies originales de Pierre Bonnard (1867-1939). Le peintre inventa une nouvelle forme de composition en disposant de façon très libre ses illustrations, son innovation reçut lors de sa parution un accueil difficile, lui reprochant cette liberté excessive. Bonnard estimait que le tirage en rose sanguine lui « permettait de mieux rendre l’atmosphère poétique de Verlaine », nouant ainsi un parfait dialogue entre image et texte où se mêlent originalité iconographique et texte poétique. Texte imprimé en Garamond, comme le seront les Fêtes galantes illustrées par Laprade. L’un des 170 exemplaires sur vélin de Hollande. Conservé dans sa condition d’origine, état le plus rare, la plupart étant passés dans les mains de relieurs et ce depuis Marius Michel. Ces derniers ont été contraints de rogner les tranches où viennent mourir les lithographies, amputant ainsi l’image de quelques millimètres. Le tirage des lithographies est ici de grande qualité, couverture et page de titre sont du premier état avec la mention Imprimerie Nationale. Le premier feuillet de garde présente quelques brunissures. Édition limitée à 200 exemplaires. Dimensions : 300 x 249 mm. Provenance : Pierre Berès (Cat., Le Cabinet des livres, n° 138). Fr. Bouvet, Bonnard, L’Œuvre gravé, 1981, pp. 106-139 ; Victoria & Albert Museum, From Manet to Hockney, n° 17 ; A. Berès - M. Arveiller, Les Peintres graveurs, 1890-1910, n° 54 ; Ed. H. Fischer - Ch. Galantaris, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, n° 98 (« Première édition illustrée ») ; Pléiade, Verlaine Œuvres complètes, pp. 467-482.

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29. BOYLESVE (R.) & BONNARD (P.). La Leçon d’amour dans un parc. Paris, La Revue Blanche, [1902], in-12, maroquin turquoise, filets dorés autour des plats, feuillage doré aux angles, dos à nerfs orné, doublure et gardes de box gris souris, couverture illustrée et dos, tranches dorées, non rogné, chemise et étui (Semet & Plumelle). Édition originale. Philosophe et romancier, élu membre de l’Académie française en 1918, René Boylesve (1867-1926), pseudonyme de René Tardiveau, fit preuve à travers son œuvre romanesque d’un certain talent pour brosser avec subtilité et dérision les mœurs de la vie provinciale dont il était issu. Dans ce récit se déroulant au XVIIIe siècle, Ninon, épouse dévouée d’un marquis ligérien, malgré les avances de plusieurs pages, souhaite rester fidèle à ses vœux. Mais rêvant de s’adonner aux plaisirs, elle fait élever une statue de l’Amour symbolisant son désir caché. Entre scènes cocasses et dramatiques se déroulant autour de cette statue, le charme de ce récit tient à cet ensemble de péripéties en forme de leçons publiées par les éditions de l’avant-garde culturelle du moment, la Revue Blanche. La Revue blanche, la tribune de l’intelligentsia culturelle de l’entre deux siècles. Fondée à Liège en 1889 et dirigée par les frères Natanson, la revue s’installe à Paris en 1891 pour disparaître en 1903, en raison d’importantes difficultés financières. La publication de textes engagés, son parti pris pour le capitaine Dreyfus, ou la découverte et collaboration de l’ensemble des grands artistes de l’époque, Bonnard, Vuillard, Lautrec, Redon, Maurice Denis... font de ce périodique une référence incontournable, tant littéraire qu’artistique. Ami de longue date de Thadée Natanson (1868-1951), Pierre Bonnard fut probablement à l’origine de la rencontre de Boylesve avec ce dernier, permettant ainsi la publication de son roman. Nous connaissons un exemplaire du tirage courant dédicacé par Boylesve à Thadée Natanson. Couverture de Pierre Bonnard (1867-1947). Représentant la statue de l’Amour, cette illustration rappelle par son style classique, le cycle iconographique des Pastorales de Longus (1902) qu’il entreprit au même moment. La Leçon d’amour dans un parc fut par son sujet, permettant l’étude du nu, un ouvrage illustré à de nombreuses reprises, dont René Lelong (1923), Carlègle (1929), Umberto Brunelleschi (1933), Sylvain Sauvage (1939)... L’un des 3 premiers exemplaires hors-commerce sur papier de Chine, celui-ci offert par l’auteur à Pierre Bonnard :

Il est enrichi d’un dessin aquarellé original signé de Pierre Bonnard, la seule étude préparatoire connue pour la couverture. Intitulée L’Éducation amoureuse, cette esquisse permet de prendre connaissance d’un des premiers titres imaginés pour l’ouvrage. Provenance : Pierre Bonnard ; famille Terrasse. Georges Bernier, La Revue blanche - ses amis, ses artistes, 1991, p. 113, p. 148 ; Paul-Henri Bourrelier, La Revue blanche - une génération dans l’engagement 1890-1905, 2007, p. 117. 70



30. PROUST (M.). À la recherche du temps perdu : Du côté de chez Swann. À l’ombre des

jeunes filles en fleurs. Le Côté de Guermantes. Sodome et Gomorrhe. La Prisonnière. Albertine disparue. Le Temps retrouvé. Paris, NRF, 1918-1927, 8 tomes en 13 vol. in-4° tellière, broché, couverture, chemise et étui. Édition originale, à l’exception Du côté de chez Swann publié par Grasset en 1913. Une pierre angulaire de la littérature du XXe siècle. Constitué de huit tomes, le roman fut rédigé entre 1908 et 1922 avec comme modèle d’architecture narrative La Comédie humaine d’Honoré de Balzac. Itinéraire d’un jeune homme issu de la bourgeoisie parisienne, les diverses périodes de l’existence, depuis l’enfance jusqu’à la maturité sont relatées par le narrateur à la première personne, mélangeant fiction et autobiographie. Bien que le roman soit dans sa forme similaire aux grandes fresques sociales du XIX e siècle français, À la recherche du temps perdu se démarque par son objectif littéraire. Si Zola ou Balzac ont choisi de dépeindre la société de leur époque, Marcel Proust (1871-1922) a souhaité rendre compte de la fuite du temps et de ses conséquences sur le quotidien, faisant de ce texte à la fois un roman initiatique, psychologique et sociologique. Couronné du prix Goncourt en 1919 avec À l’ombre des jeunes filles en fleurs, il fut plusieurs fois adapté au cinéma (Un amour de Swann par le réalisateur Volker Schlöndorff en 1984 ou encore Le Temps retrouvé de Raoul Ruiz en 1999).

L’un des 133 exemplaires réimposés in-4° tellière sur Lafuma Voiron pur fil (Tomes I et II), et sur vergé pur fil Lafuma Navarre (Tomes III à VIII), imprimé spécialement pour Maurice Heine, les volumes portant tous le même numéro (89 ou LXXXIX), état rare. L’exégète du marquis de Sade, Maurice Heine. Écrivain et poète, conseiller de l’éditeur Ambroise Vollard et co-fondateur en 1935 avec Georges Bataille du groupe « Contre Attaque », Maurice Heine se lia aux surréalistes en participant à la revue Le Surréalisme au service de la Révolution ainsi qu’au Minotaure. Chargé par le comte de Noailles de l’achat auprès d’un collectionneur allemand du manuscrit des 120 Journées de Sodome du marquis de Sade (1740-1814), la transcription qu’il effectua minutieusement permit de réhabiliter l’œuvre du Marquis. Il effectua également les transcriptions de manuscrits inédits dont les Contes, Historiettes, Fabliaux, Justine, Les Infortunes de la Vertu... Il est en cela le devancier de Gilbert Lely. Dimensions : 220 x 165 mm. Provenance : Maurice Heine (1884-1940). Henri Bonnet, Marcel Proust de 1907 à 1914, pp. 119-130 ; collection Bouquins, Proust, À la recherche du temps perdu, T. I, p. 773, p. 809, T. II, p. 903, p. 955, T. III, p. 845, p. 865, p. 877 ; A. Biro & R. Passeron, Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs, pp. 203-204.

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31. COLIN (P.). Le Tumulte noir. Paris, Succès, [1927], in-folio, en ff., portefeuille d’éditeur

avec premier plat gaufré. Préface de Rip et fac-similé d’une lettre de Joséphine Baker. Le testament artistique de l’affichiste Paul Colin. Publié en 1927, « ce portfolio est un hommage rendu par Colin aux artistes noirs qui, après la vague déferlante de la Revue nègre de New York menée par Joséphine Baker, en 1925, devinrent la tête de pont de la culture noire à Paris pendant la seconde moitié des années 1920 ». 43 illustrations de Paul Colin dessinées par l’artiste directement sur pierre lithographique à l’imprimerie Henri Chachoin à Paris puis coloriées au pochoir, et 2 calligrammes. Ces planches figurent Joséphine Baker avec pour tout vêtement une ceinture de bananes, des artistes noirs depuis le danseur de charleston aux musiciens seuls ou en orchestre, leurs admirateurs et émules. Exemplaire sur papier vélin teinté des Papeteries Aussedat. Parfaite condition. Bien que le tirage annoncé soit de 520 exemplaires dont 500 sur vélin, il est rare de rencontrer aujourd’hui cet album bien complet de toutes ses illustrations. Dimensions : 495 x 320 mm. Alain Weill - Jack Rennert, Paul Colin, Affichiste, p. 12 (« Certains considèrent qu’il s’agit là de son chef-d’œuvre ­») et pp. 41-53.

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32. ÉLUARD (P.). Défense de savoir. Paris, Les Éditions Surréalistes, 1928, in-4°, maroquin vert, premier plat orné d’un soleil irradiant encadré par un listel de maroquin noir, dos lisse orné, bordure intérieure de maroquin de même couleur ornée de filets droit ou ondulé, couverture et dos, tête dorée, non rogné (A. J. Gonon Rel 1929). Édition originale. Les prémices de la forme éluardienne. Recueil composé dans une période de transition par Paul Éluard (1895-1952), abandonnant le mouvement Dada en 1923 et adhérant au Parti communiste en 1926. Son style s’affranchit de l’influence surréaliste pour trouver une écriture de la simplicité, rejetant une forme poétique complexe fondée sur la rhétorique. Exprimant les sensations humaines par une poésie imagée ouverte à tous, c’est l’éclosion de la poésie éluardienne. Helena Dmitrievna Diakonova dite Gala (1894-1982), plus qu’une muse, participa activement à la mise en page du recueil constitué de 15 poèmes réunis en deux parties. Bien qu’éternelle inspiratrice et glorifiée une nouvelle fois par le poète dans Défense de savoir, ils se séparèrent l’année suivante, Gala lui préférant Salvador Dali. Les poèmes seront publiés une seconde fois en 1929 ; ils composeront la quatrième partie de L’Amour la poésie. Une édition incarnant l’esprit surréaliste. Réservées aux membres du groupe surréaliste, Les Éditions Surréalistes se définirent comme une auto-édition gérée et entièrement financée par l’ensemble de ses acteurs, imprimeurs, poètes, illustrateurs. De sa fondation en 1926 à sa disparition en 1968, près de 60 ouvrages aux thèmes variés virent le jour, du manifeste politique et culturel à l’expérimentation littéraire. Situé au début de l’aventure éditoriale, Défense de savoir est un parfait exemple de l’ingéniosité des Éditions Surréalistes qui, avec peu de moyens, obtinrent une publication innovante et de qualité. Un frontispice de Giorgio de Chirico (1888-1978). À l’occasion de l’inauguration de la seconde Biennale romaine en novembre 1923 au Palais des beaux-arts, le couple fit le déplacement de Paris afin de rencontrer le peintre qui y exposait un important ensemble d’œuvres. Plusieurs compositions furent acquises par le poète, dont ce grand dessin réalisé en 1913, une étude préparatoire de la toile du même nom intitulée Le poète et le philosophe datant de 1914-15, actuellement conservée dans une collection particulière genevoise. Exemplaire imprimé sur papier vert offert par Paul Éluard à Gala. De ce tirage, non mentionné à la justification, nous connaissons un deuxième exemplaire, incomplet de son frontispice. « Ex. unique sur papier vert non justif. ni numéro., [...] Le fac-s. du dessin de Chirico qui fait office de frontisp. n’a pas été joint. » De Sadeleer (Cat. I, R. Moureau & M. de Bellefroid, 2003, n° 210.) Une commande du poète à Aristide Gonon, pour sa muse. Ami d’Éluard, cette figure montmartroise fut tour à tour bouquiniste, relieur et éditeur. Il influença le jeune écrivain dont il sera l’un des principaux correspondants pendant la Première Guerre, et publiera son deuxième recueil de poésie, Le devoir et l’inquiétude, en 1917. Crauzat a jugé nécessaire de reproduire la reliure dans son ouvrage de référence. (La Reliure française de 1910 à 1925, T. 2, p.189). Tirage limité à 100 exemplaires. Provenance : Bibliothèque Éluard (ex-libris par Ernst, avec la devise « Après moi le sommeil »). Pléiade, Œuvres complètes, T. I, pp. 1398-1401 ; Pléiade, Album Éluard, pp. 28-29 ; J.-C. Gateau, Paul Éluard ou Le frère voyant, 1988, p. 151 ; Sylvie Gonzalez, Paul, Max et les autres, 1993, p. 36, p. 48 ; Jean-Charles Gateau, Paul Éluard et la peinture surréaliste, 1982, p. 97 ; Georges Sebbag, Les Éditions Surréalistes 1926-1968, 1993, pp. 7-10, pp. 37-39 (« Éluard a dédicacé Défense de savoir sur la page de justification du tirage [...] cet exemplaire spécialement imprimé sur papier vert est sans doute unique. ») ; Julien Flety, Dictionnaire des relieurs français ayant exercé de 1800 à nos jours, 1988, p. 83 ; Paolo Baldacci, Chirico la métaphysique 1888-1919, 1997, pp. 284-289 ; Adam Biro & René Passeron, Dictionnaire général du surréalisme, 1982, pp. 178-179. 76


“ Aristide Gonon, beaucoup plus âgé que lui [Éluard], curieux et sympathique figure de bouquiniste montmartrois, habitué du Chat Noir, devenu relieur puis éditeur. Gonon influencera beaucoup le jeune écrivain de dix-neuf ans dont il sera, pendant la guerre qui va commencer, l’un des principaux correspondants. Il éditera d’ailleurs, en juillet 1917, la plaquette de Paul Éluard : Le Devoir et l’inquiétude ”. (Album Pléiade,

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33. GUÉRIN (M. de) & LINOSSIER (Cl). Le Centaure. Lyon, Audin pour le Cercle Gryphe,

1929, in-4°, maroquin havane, premier plat orné d’une plaque de cuivre rectangulaire à patine figurant un paysage sur fond irradiant, sur le second, plaque de cuivre triangulaire à décor géométrique, dos à nerfs, doublure de maroquin fauve sertie d’un triple filet palladium, gardes au pochoir à décor répétés de triangles palladium et noir, tranche palladium, couverture et dos, étui décoré ([Claudius Linossier] - Germaine Cart). L’œuvre majeure d’un romantique oublié. N’ayant rien publié de son vivant, Maurice de Guérin (1810-1839) fut révélé de façon posthume par George Sand (1804-1876) qui édita en 1840, par l’intermédiaire de La Revue des Deux Mondes, ce texte poétique en prose. Considéré dès sa parution comme un authentique chef-d’œuvre qui était selon Remy de Gourmont « à mettre parmi les plus belles et les plus précieuses pages de la langue française », il exprime avec une rare sensibilité, entre romantisme et modernité stylistique, les joies et sensations rencontrées lors d’une communion faite avec la nature. Le premier livre publié par le Cercle Gryphe. Société de bibliophiles lyonnais constituée en 1927 par le professeur Alain Pauphilet, leur idée était d’innover dans l’art du livre en s’attachant davantage à la décoration dans ses rapports avec la typographie, qu’à l’illustration. Ce cercle d’amateurs, à qui l’on doit des publications d’une grande originalité, disparut rapidement après le départ de son fondateur. Un frontispice et 37 gravures par Claudius Linossier (1893-1953) pour son unique livre. Mettant l’illustration au service de la typographie, l’artiste s’attacha uniquement à l’ornementation du texte. Développant un cycle iconographique mêlant symboles et abstractions géométriques, chaque dessin apparaît de façon symétrique dans la double page. L’esthétique Art déco de cet ensemble évoque les décors qu’il appliqua à ses dinanderies. Les pages, rehaussées au palladium où le noir, le gris et le rouge dominent, rappellent la technique utilisée et initiée par Gustave Miklos (1888-1967) puis F.- L. Schmied (1873-1941). Deux années furent nécessaires à la réalisation de l’ouvrage, l’interprétation sur bois fut confiée à Philippe Burnot (1877-1956), un graveur et illustrateur originaire de la région lyonnaise. Il réalisa par ailleurs de nombreux ex-libris. Inspirant de nombreux artistes, ce texte fut illustré entre autres par Georges d’Espagnat (1900), H. Bellery-Desfontaines (1901), P.-E. Vibert (1919), Raphaël Drouart (1921), Adolphe Giraldon (1925) et Marius Barret (1929). Édition limitée à 133 exemplaires, tous sur vélin fort à la forme. Reliure de Claudius Linossier ornée de deux dinanderies signées. Témoignage de son art de dinandier, les plaques à la patine multicolore sont repoussées au marteau à la manière de ses vases. Elles figurent un paysage et une composition géométrique annonçant l’iconographie de l’ouvrage. Proche de Jean Dunand (1877-1942), travaillant plusieurs fois dans son atelier en 1920, il s’exerça à l’art de la reliure. Linossier fut probablement inspiré par les fameux laques décorant les reliures de son ami F.-L. Schmied exécutés par Dunand. Gustave Miklos (1888-1967), autre artiste du métal, qui conçut une partie des cartons du laqueur et certaines planches de l’illustrateur, s’intéressa également à cette pratique et collabora avec Paul Bonet (1889-1971) à des reliures avec incrustation de sculpture, rappelant ses bas-reliefs en bois et ses sculptures métalliques. Dimensions : 285 x 230 mm. Provenance : Louis Dupont (ex-libris réalisé par Philippe Burnot, signé PB.). Jean Gaillard, Claude Linossier, Dinandier, pp. 123-126 « Le Centaure [...] représente un extraodinaire ouvrage Art déco, peut-être le plus caractéristique dans l’art de la bibliophilie du moment. » et pp. 139-141 ; Talvart & Place, VII, pp. 333-338 ; Félix Marcilhac, Jean Dunand - Vie et œuvre, 1991, p. 38, pp. 71-72 ; Félix Marcilhac, Gustave Miklos - Joseph Csaky, 2010, pp. 5-7, pp. 20-21 ; Laffont-Bompiani, Le Nouveau Dictionnaire des œuvres, 1994, T. I, p. 933 ; Marcus Osterwalder, Dictionnaire des illustrateurs 1890-1945, 2001, p. 203. 78



34. APOLLINAIRE (G.) & CHIRICO (G. de). Calligrammes. Paris, Gallimard, 1930, in-4°, en ff., couverture, chemise et emboîtage décorés d’éditeur. Première édition illustrée. Une œuvre placée par Guillaume Apollinaire (1880-1918) au sommet de toute sa production. Suite poétique d’Alcools (1913), Calligrammes, recueil publié en 1918, contient ses plus beaux poèmes écrits entre 1912 et 1917, atteignant l’apogée du style apollinarien. Agencés par ordre plus ou moins chronologique, les textes se répartissent en 6 parties : Ondes, Étendards, Case d’Armons qui fit l’objet d’un tiré à part de 25 exemplaires, Lueurs de tirs, Obus couleur de Lune et la Tête étoilée. L’ensemble des poèmes s’accompagne d’idéogrammes surnommés par le poète « calligrammes », des combinaisons d’écriture et de dessin imaginées par le poète afin d’« ajouter de nouveaux domaines aux arts et aux lettres en général ». Apollinaire souhaita rivaliser avec les artistes, intention manifeste au vu d’une plaquette de 1914, qui ne put voir le jour, rassemblant ses premiers textes calligrammatiques, qu’il titra Et moi aussi je suis peintre. Le défenseur le plus ardent de l’artiste. Auteur de nombreux articles élogieux à son sujet et particulièrement sensible à son esthétisme où « l’étrangeté des énigmes plastiques [...] échappe encore au plus grand nombre », il considéra Giorgio de Chirico (1888-1978) comme l’un des peintres les plus remarquables de sa génération. Ainsi, les deux hommes entretinrent une sincère relation d’amitié jusqu’à la mort prématurée du poète. Apollinaire possédait trois toiles de l’artiste ; l’une d’elles, son portrait peint en 1914 et gravé sur bois par Pierre Roy afin de figurer en frontispice de Et moi aussi je suis peintre se révéla prémonitoire, Chirico avait dessiné un demi-cercle blanc au-dessus de l’œil gauche, zone précise où le poète recevra quelques années plus tard un éclat d’obus durant la Grande Guerre. Apollinaire lui dédia un poème, Océan de terre, publié dans Calligrammes. 68 lithographies originales en noir de Giorgio de Chirico, dont deux répétées. Réalisé en 1929 pendant sa période de maturité, ce cycle iconographique représentatif de sa peinture dite métaphysique, propose une imagerie nouvelle qui enrichira l’art des surréalistes. Donnant à ces illustrations une impression d’apaisement, cette orientation esthétique contraste avec les poèmes qui expriment par moments les douloureuses expériences de la guerre, faisant par ce jeu d’équilibre un exemple réussi de livre de dialogue. Sur l’exemplaire de René Gaffé, le peintre explique les sources de son inspiration : « ... J’ai suivi un souvenir qui me conduisait aux années 1913 et 1914 ; je venais de connaître Apollinaire. Je lisais ses poèmes où il est souvent question d’étoiles, de lunes… en même temps je pensais à l’Italie et à ses villes et à ses ruines ; étoiles et soleils émigrés sur la terre ; éteints dans le ciel, rallumés dans les maisons ; ruines et portiques… voici la source de mon inspiration. » L’un des 88 exemplaires sur papier de Chine, signé par l’artiste. Il est conservé dans son état d’origine, condition rare, l’ouvrage ayant été souvent relié. Quelques habituelles rousseurs éparses. Édition limitée à 131 exemplaires. Selon Chirico, un certain nombre d’entre eux disparurent pendant la guerre. Dimensions : 340 x 260 mm. Pléiade, Apollinaire-Œuvres poétiques, pp. 1074-1078, 1192-1193 (« Cette édition “monumentale”...») ; Rauch, Les Peintres et le livre, 159 ; Victoria & Albert Museum, From Manet to Hockney, n° 84 ; Castleman, A century of artists books, p. 180 ; Yves Peyré, Peinture et poésie, 2001, p. 128 ; Laffont-Bompiani, Le Nouveau Dictionnaire des œuvres, 1994, I, p. 117, p. 817 (« La nouveauté formelle de Calligrammes est encore supérieure à celle d’Alcools. ») ; Julia Hartwig, Apollinaire, 1972, p. 88, p. 164, pp. 271-272 ; Michel Décaudin, Guillaume Apollinaire, 1986, p. 169 ; Robert Flynn Johnson, Artist’s Books in the Modern Era 1870-2000, 2001, p. 180 ; A. Biro, Dictionnaire général des surréalistes, 1982, p. 120 ; Bibliothèque nationale, Apollinaire, 1969, pp. 114-115, p. 155. 80



35. MIKLOS (G.) & [ANDRÉ (J.)]. Correspondance autographe avec Jacques André, son mécène. 1930-1966. In-4°, chagrin rouge, dos lisse, étui. Gustave Miklos (1888-1967), un proche des artisans du livre, redécouvert tardivement. Participant activement à l’avant-garde artistique des années folles, l’esthétisme Art déco de ses sculptures aux formes synthétiques et pures lui attira l’amitié de François-Louis Schmied (1873-1941) et de Jean Dunand (1877-1942) qui formèrent ainsi un trio au service du livre-objet. Dessinant pour les ouvrages de Schmied certaines planches mais également culs-de-lampe, lettrines, bandeaux et frontispices, comme en témoignent les carnets conservés par son épouse, il souhaita ne pas faire apparaître sa signature pour être exclusivement considéré comme un sculpteur auprès des collectionneurs. La contribution de Miklos est surtout visible dans Le Livre de la vérité et de la parole (1929) ou Le Paradis musulman (1930). Il réalisa également pour Dunand des cartons pour ces fameux laques ornant les plats de reliure. Paul Bonet (1889-1971), qui engageait les meilleurs artisans pour les décors de ses reliures, fit appel à Miklos, très certainement à la demande de Jacques André, qui conçut trois bronzes, deux pour Le Martyre de l’obèse d’Henri Béraud, la première reliure de Paul Bonet avec incrustation de sculpture, le troisième pour Le Cirque de l’étoile filante de Georges Rouault. Toutes trois furent commandées par le célèbre mécène. Terminant ses jours dans l’oubli à Oyonnax où il avait accepté en 1940, par manque de ressources, un poste de professeur d’art, ses créations jouissent actuellement auprès des collectionneurs et des institutions d’une reconnaissance et d’une attention particulières. Il travailla pour un nombre réduit d’amateurs qui s’accaparèrent rapidement sa production, aussi les œuvres présentées sur le marché sont peu courantes et disputées. La Jeune Fille, un bronze de 1927, fut adjugée 1,6 million d’euros en 2005, acquisition faite par le musée privé des Arts Décoratifs du château de Gourdon. Il est également présent au musée d’Art moderne de la ville de Paris avec le Grand Masque, un bronze de 1931. Jacques André (1882-1970), un mécène de l’Art déco. Fils du fondateur de la Standard Oil, vice-président et trésorier de la Chambre de commerce de Paris, membre actif des grandes sociétés de bibliophiles, son goût pour la période Art déco l’amena à soutenir ces artistes ; il devint ainsi le mécène de F.-L. Schmied et de Gustave Miklos. Amateur de belles reliures, il fut l’un des premiers à s’intéresser à Pierre Legrain, confia certains décors à Rose Adler, et fit travailler Robert Bonfils, Marot-Rodde, J. Langrand, G. Schrœder. Sa bibliothèque comportait plusieurs réalisations signées Cretté, Jacques-Anthoine Legrain, Marius-Michel... Trente années de relation entre un artiste et son mécène révélées par leur correspondance. Il arriva à Paris en 1909. Sa présence au Salon des Indépendants en 1920 fut l’occasion de rencontrer Jacques Doucet (1853-1929) qui deviendra son premier commanditaire. À la mort du grand couturier, F.-L.Schmied lui présenta son propre mécène qui lui commanda une sculpture (L.A.S. du 6.8.30), initiant une longue collaboration et amitié qui se prolongèrent jusqu’à la mort de l’artiste. Multipliant les demandes à Miklos, la relation initialement professionnelle prit au fur et à mesure de la correspondance un tour plus proche et personnel. Des doutes aux joies qui traversent la vie d’un créateur, les lettres éclairent les rapports particuliers que peuvent entretenir un amateur d’art et son protégé. Aidé par Jacques André pour promouvoir son art auprès des institutions, il poursuivit son travail avec la même passion malgré les nombreuses difficultés financières rencontrées. Les lettres écrites par son épouse après sa mort, montrent une femme seule et inquiète de la postérité de l’œuvre de son mari face au désintérêt des instances muséales. Elle n’aura d’autre choix que de vendre certaines pièces à des marchands. Sont reliés : - Un ensemble de 51 lettres autographes signées, à l’encre noire ou bleue, à Jacques André, dont 31 au format in-4° et 20 au format in-8°. 42 d’entre elles sont montées sur onglets ou contrecollées sur papier vergé. - Une lettre autographe signée de Gustave Miklos à Mme André. - Deux cartes postales, dont l’une reproduit la sculpture du Prométhée. - Une lettre tapuscrite du ministère de l’Éducation nationale, concernant la candidature de Miklos en qualité de professeur titulaire à l’École nationale professionnelle d’Oyonnax. - 2 dessins originaux signés. 82



- 6 photographies originales dont 5 d’œuvres et un portrait de l’artiste. - 2 coupures de presse annotées par l’artiste. Jointes dans une enveloppe séparée : - 5 lettres autographes signées de Mme Gustave Miklos à Jacques André. - 3 lettres autographes signées de Mme Gustave Miklos au fils de Jacques André. - une lettre tapuscrite de Jean Marquis, conservateur adjoint du musée de l’Ain, pour effectuer l’inventaire de l’Œuvre sculpté de Miklos afin d’en rédiger le catalogue raisonné. Une transcription de chaque lettre est disponible. Provenance : Jacques André. Félix Marcilhac, Jean Dunand, Vie et Œuvre, 1991, p. 39, pp. 71-72, p. 186 ; Félix Marcilhac, Gustave Miklos - Joseph Csaky, 2010, pp. 3-7 ; Alastair Duncan & Georges de Bartha, La Reliure en France Art Nouveau - Art Déco 1880-1940, 1989, p. 23 ; Paul Bonet, Carnets 1924-1971, 1989, n° 473, n° 486 ; Félix Marcilhac, François-Louis Schmied, 1975, p. 30 ; Thierry Roche, Dictionnaire biographique des sculpteurs des années 1920-1930, 2007, pp. 306-307 ; Blaizot, Bibliothèque Jacques André, 1951, pp. [1-3].

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36. MALLARMÉ (S.) & MATISSE (H.). Poésies. Lausanne, Albert Skira, 1932, in-4°, en ff., couverture, chemise et étui. Première véritable œuvre de Matisse en tant qu’illustrateur. Matisse fut sollicité par Albert Skira, qui venait de se lancer dans le livre illustré et avait obtenu une première collaboration de Picasso sur les Métamorphoses d’Ovide. Le peintre signa un contrat d’un trentaine d’estampes, destinées à l’origine aux Amours de Psyché de La Fontaine, que l’éditeur suisse remplaça par Poésies de Stéphane Mallarmé (1842-1898) sans que la teneur du contrat en fût modifiée. S’engageant à 61 ans dans un domaine qu’il n’avait jamais pratiqué, Matisse (1869-1954) déploya librement son talent, remplissant les pages de ses compositions au gré de son inspiration et sans être asservi au texte. C’est ainsi que l’entendait Mallarmé, pour qui l’illustration ne devait pas être un simple ornement, et qui refusa, au nom de ce principe, les culs-de-lampe, fleurons et bandeaux de Théo Van Rysselberghe prévus pour la seconde édition de Poésies chez Edmond Deman en 1899. Le livre fut exposé à New York du 3 au 10 décembre 1932 à la galerie Marie Harriman, cette dernière détenant l’exclusivité de la vente de l’ouvrage aux États-Unis et aux Américains vivant hors d’Europe, et début février de l’année suivante à la galerie Pierre Colle à Paris. 29 eaux-fortes de Matisse, dont 23 à pleine page. Pour la première fois, l’artiste s’impliqua réellement dans l’élaboration d’un livre, allant jusqu’à exécuter, durant l’été et l’automne 1931, une soixantaine d’eaux-fortes pour un projet qui n’en nécessitait que la moitié. Fort de son expérience de la lithographie et de la gravure, il poursuivit, sur ce mode, ses recherches formelles et artistiques, privilégiant toujours au sujet représenté, faune, nymphe ou bateaux, l’harmonie de la composition et la pureté de l’ensemble. Sa gageure fut de créer « un trait régulier, très mince, sans hachures » qui laissait « la feuille imprimée presque aussi blanche qu’avant l’impression ». L’un des 95 exemplaires sur vélin à la forme fabriqué spécialement par les papeteries d’Arches. Édition limitée à 145 exemplaires numérotés, signés par l’artiste. Dimensions : 330 x 249 mm. Claude Duthuit, Henri Matisse, n° 5 ; Chapon, Le Peintre et le livre, pp. 150-152 ; Victoria & Albert Museum, From Manet to Hockney, n° 95 ; R.-F. Johnson-D. Stein, Artist’s books in the Modern Era, 1870-2000, n° 101 ; Marie-Anne Sarda-Vincent Lecour, Matisse et Mallarmé, pp. 28-39 (Pour une genèse très détaillée de l’ouvrage) ; Y. Peyré, Mallarmé. 1842-1898, pp. 109-116.

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37. [...]. A mi életünkböl. A Munka Elsö Fotokönyve. [Budapest, Munka, 1932], in-8° de 32 ff., broché, couverture d’éditeur bicolore, premier plat, typographie rouge sur fond noir, second plat, typographie noir sur fond rouge, dos rouge. Édition originale, très rare. L’ouvrage est resté inconnu des bibliographies spécialisées. L’un des livres de « photos » les plus importants de l’avant-garde hongroise. Publié par Lajos Kassák à l’occasion d’une exposition-meeting à Szolnok le 2 avril 1932 rassemblant intellectuels et artistes anticonformistes, cet ouvrage collectif fut saisi puis détruit par les autorités locales qui venaient d’interdire la poursuite de la manifestation, d’où sa très grande rareté. 43 photos en noir et blanc de Bass Tibor, Bergmann Teréz, Bruck Lázlo, Frühoff Sandor, Haar Ferenc, Schmiett Anna, Lengyel Lajos, Tabãk Lajos. Textes de Kassak Lajos et Ludwig Kassak. Mise en page de Lajos Lengyel. Des exemplaires que nous avons rencontrés, tous présentaient une couverture plus ou moins discrètement restaurée, comme c’est le cas ici. Dimensions : 236 x 170 mm. Aucune marque de provenance. Graphic Modernism, From the Baltic to the Balkans, 1910-1935, pp. 34-35.

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38. MAN RAY - ÉLUARD (P.). Facile. Paris, G.L.M., 1935, in-4°, révorim original « mur

de brique », assemblage de pièces de veau irisé bronze et de veau métallisé canon de fusil gaufrés « lignes larges et petits carrés ». En gouttière, étiquette de titre à l’œser rouge. Cousu sur deux lanières gaufrées petits carrés, dos en veau lisse irisé. Gardes de nubuck taupe et papier noir, couverture, chemise et étui (Jean de Gonet). Édition originale. Livre icône, né de l’inspiration conjointe de trois artistes : un poète, Paul Éluard, un photographe, Man Ray, et un typographe, Guy Lévis Mano, l’ouvrage contribue au réveil de l’érotisme dans l’art des années 1930, phénomène que l’on observera plus tard dans l’imprimé de grande diffusion. Après Au défaut du silence, où Gala est omniprésente, Éluard compose pour Facile, 5 poèmes évoquant Nusch, faisant écho, par un subtil jeu de mise en page, aux photographies de nus de Man Ray, où le corps n’apparaît jamais dans sa totalité selon un procédé propre à l’« Homme-Lumière ». La tête entière ne se montre qu’une seule fois, les yeux jamais. Guy Lévis Mano, « l’ouvrier total », ainsi que le salue Bachelard, signe en cette année 1935, avec Nuits partagées et La Sauterelle arthritique de Gisèle Prassinos, son entrée dans l’édition surréaliste. 12 photographies de Man Ray reproduites en héliogravure. Exemplaire sur vélin, numéroté en chiffres arabes. La fragile couverture est ici très bien conservée. Dimensions : 240 x 178 mm. Provenance : Fred Feinsilber (Cat. I, 2006, n° 240). Nicole Boulestreau, Le Photopoème “Facile” : un nouveau livre, dans les années 1930, Mélusine, pp. 163-177 ; Carine Picaud, Des livres rares depuis l’invention de l’imprimerie, 1941 (Ex. n° 1 de G. Lévis Mano) ; A. Roth, The Book of 101 Books, Seminal Photographic Books of the Twentieth Century, pp. 86-87 ; A. Sinibaldi - J.-L. Couturier, Regards sur un siècle de photographie à travers le livre, 48.

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39. MALRAUX (A.). L’Espoir. Paris, Gallimard, 1937, in-8°, maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos à nerfs orné, doublure de maroquin jaune, gardes de soie rouge, tranches dorées, couverture et dos, étui bordé de maroquin rouge (A. & R. Maylander). Édition originale. Un texte essentiel dans l’œuvre d’André Malraux (1901-1976). Combattant aux côtés des républicains contre l’armée franquiste durant la guerre civile espagnole, André Malraux souhaita retracer avec réalisme le conflit dans lequel il venait de s’engager sans omettre d’en retirer une réflexion humaine. Roman inclassable où l’intrigue est absente, il fut rédigé sous la forme de chronique qu’il inséra en trois parties : L’Illusion lyrique, Le Manzanares et Les Paysans, le tout couvrant la période du 18 juillet 1936, date du début des combats, à mars 1937, la fin de la bataille de Guadalajara, la dernière grande victoire républicaine. Utilisant un style saccadé où les événements se suivent sans ordre apparent, l’auteur voulut retranscrire l’urgence quotidienne régnant en temps de guerre et bien que la forme s’apparente au roman-reportage, la pensée qu’en dégage Malraux — l’espoir de l’homme viendra par la fraternité — ne saurait réduire le texte à ce simple genre. Le roman reçut un succès unanime dès sa parution. André Gide, qui ne partageait pourtant pas les mêmes idées politiques, lui affirma : « Vous n’avez jamais rien écrit de meilleur ; ni même d’aussi bon. Vous atteignez, et comme sans effort, un épique de simple grandeur. Vous avez été servi par les événements, sans doute. » André Malraux adapta son roman pour le cinéma en 1939, réalisant lui-même le film ; il l’intitula Espoir, sierra de Teruel. Il sortit dans les salles en 1945. L’un des 23 exemplaires sur vélin de Hollande, celui-ci hors-commerce marqué E. Exemplaire offert par l’auteur à Jean Pépin (1924-2005) : Pour Monsieur le docteur Jean Pépin André Malraux 1962 « Il se peut que l’une des fonctions les plus hautes de l’art soit de donner conscience aux hommes, de la grandeur qu’ils ignorent en eux » 1934 Philosophe français spécialisé dans l’histoire de la philosophie antique, admis en 1950 au CNRS, Jean Pépin créa une équipe de recherche sur l’« Histoire des doctrines de la fin de l’Antiquité et du haut Moyen Âge » (UPR76) en 1969, qui fut à n’en pas douter, un sujet digne d’intérêt pour André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles. Parallèlement à ses travaux de recherche, Jean Pépin enseigna à partir de 1963 à l’École Pratique des Hautes Études. La seconde partie de l’envoi est un extrait tiré de la préface du Temps du mépris (1935). Dimensions : 207 x 140 mm. Provenance : Jean Pépin ; André Péraya (ex-libris). Olivier Todd, André Malraux-Une vie, 2001, pp. 262-265 ; Jacques Chanussot et Claude Travi, Dits et écrits d’André Malraux, 2003, 185-189.

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40. DELAGRAVE (A.) & DELAUNAY (R.). Clefs des pavés. Paris, s.é., 1939, in-12, couverture de rhodoïd, premier plat fuchsia, second plat orange, brochage de fil de rhodoïd orange. Édition originale. Un livre innovant fidèle à la pensée d’Anatole Jakovsky (1909-1988). Critique d’art et essayiste d’origine moldave, il fut un acteur majeur pour la reconnaissance de l’Art naïf en tant que mouvement artistique à part entière. Rassemblant l’un des plus grands fonds d’œuvres naïves, il légua cet ensemble à la ville de Nice, qui constitue actuellement une partie du Musée international d’Art naïf Anatole Jakovsky créé en 1982. Publié sous le pseudonyme d’Anatole Delagrave, Clefs des pavés, texte poétique d’inspiration surréaliste, progresse autour de supports typographiques originaux. Feuillets de couleurs différentes, mise en page insolite, impression ronéotypée, l’ensemble donne un des livres les plus inventifs parus pendant la première moitié du XXe siècle. L’illustration la plus atypique de Robert Delaunay (1885-1941) dans le domaine du livre. Une composition originale gravée à la pointe sèche sur le premier plat, une fluoenluminure ou collage original sur rhodoïd transparent et une eau-forte en bistre, La Tour Eiffel, forment l’iconographie. Assemblage abstrait de formes géométriques, le collage témoigne des recherches artistiques menées par Delaunay sur les liens possibles entre mouvement et couleur. Quant à l’eau-forte, il s’agit probablement d’une variante d’une étude préparatoire effectuée par Delaunay pour décorer le pavillon de la Société des artistes décorateurs, esquisse reprise sous la forme d’une lithographie pour illustrer Allô ! Paris ! (1926). Exemplaire offert par l’auteur à Rogi André (1905 -1970). À Rogi André qui sait (mieux que les autres) lire dans la lumière noire très cordialement Anatole Jakovski 20-V-XXIX Épouse d’André Kertesz auprès duquel elle s’initie à la photographie, Rosa Klein dite Rogi André, hongroise d’origine comme son mari, fait partie aux côtés de Germaine Krull et Bérénice Abott des femmes qui exploreront à partir des années 1920 l’art du portrait par cette technique encore peu exploitée. Photographiant essentiellement des artistes et écrivains, dont Bonnard, Picasso, Chagall, Cocteau, elle les saisissait dans leur cadre familier donnant une sensibilité particulière à son travail. Autodidacte, elle apporta à son tour une aide précieuse à Lisette Model (1901-1983), qu’elle rencontra en 1930 peu de temps après sa rupture avec Kertesz, contribuant ainsi à sa formation. Signé par l’auteur, le livre comporte à la page 23 un ajout autographe, le sixième vers « les plaintes vagues s’exhalent d’un » est complété par les mots « temps aboli ». Exemplaire très bien conservé, condition rare pour ce livre très fragile et délicat. Dimensions : 182 x 140 mm. Provenance : Rogi André (1894-1985). Bibliothèque nationale, Sonia et Robert Delaunay, 1977, n° 204 « Le chiffre réel du tirage fut inférieur aux cent exemplaires numérotés annoncés à la justification et les exemplaires complets, avec la couverture gravée et le collage sont très rares » ; Centre Pompidou, La Donation Sonia et Charles Delaunay, 2003, p. 61 ; Brigitte Govignon, La petite encyclopédie de la photographie, 2004, p. 83, p. 267 ; Christian Bouqueret, Les Femmes photographes de la nouvelle vision en France 1920-1940, 1998, pp. 14-15, p. 135. 94



41. MATISSE (H.). Jazz. Paris, Tériade, 1947, in-folio, décor des plats organisé selon la lettre Z, de box mastic, formant une mosaïque de triangles de box vert-pomme, fuchsia, bleu ciel, moutarde pour le premier plat, orange, bleu foncé, moutarde et bleu clair pour le second plat, chaque triangle orné de cercles concentriques pouvant évoquer la balle du jongleur ou la roue rayonnée du vélo de l’équilibriste, dos muet, doublure de daim vert, gardes de daim fuchsia, couverture et dos, tranches dorées sur témoins, chemise et étui gainés de box mastic (Renée Haas – Renaud Vernier – E. D. Claude Ribal, 1983). L’un des livres cultes de la bibliophilie du XXe siècle. Vingt planches en couleurs exécutées au pochoir « d’après les collages et sur les découpages d’Henri Matisse » : cinq à pleine page et quinze sur double page. Plusieurs modes de reproduction furent expérimentés, lithographie, zinc découpé, gravure sur bois en couleurs, mais seule la technique du pochoir put rendre la fraîcheur et l’éclat des gouaches de Linel, que Matisse avait utilisées. Texte manuscrit, succession de confidences de Matisse, gravé et imprimé par les Draeger. Édition limitée à 270 exemplaires, tous sur vélin d’Arches, signés par l’artiste. Exemplaire monté sur onglets, dont les pochoirs sont d’une exceptionnelle fraîcheur, condition rare pour ce livre si difficile à conserver. Les blancs sont vierges de report (noir). Reliure rythmée, à trois mains : Renée Haas, la créatrice, R. Vernier et Cl. Ribal, les précieux et habiles doigts qui donnèrent naissance à cette dernière. Renée Haas (1920-) réserva ses talents seulement à quelques heureux collectionneurs, d’où la rareté de ses reliures aujourd’hui sur le marché. Aidée à ses débuts par Alexandre Lœwy (1906-1995), elle se vit confier certains livres marquants du XXe siècle, dont Jazz, pour lequel elle dessina au moins trois reliures. L’une fut acquise par Pierre Berès à la vente Lagonico. Elle avait pour habitude de travailler avec René Desmules, Jean-Paul Miguet et aujourd’hui Renaud Vernier. Rigoureuse dans son dessin, H. Loyrette évoque chez elle une sensibilité picturale et une résonance musicale qui orchestrent son style. Dimensions : 450 x 325 mm. Provenance : Jean Bloch. Duthuit, Henri Matisse, Les Ouvrages illustrés, pp. 160-183 ; A. Coron, 50 livres illustrés depuis 1947, 2 ; Victoria & Albert Museum, From Manet to Hockney, n° 114 ; Lagonico (Cat., Livres illustrés modernes, 1979, n° 80).

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42. BATAILLE (G.). L’Abbé C. Paris, Éditions de Minuit, 1950, in-8°, demi-maroquin havane à la bradel, plats de papier gris anthracite, couverture et dos, tête dorée, non rogné (P. L. Martin, 1963). Édition originale, du premier roman de l’auteur. Texte essentiel de la pensée de Georges Bataille (1897-1962), L’Abbé C. développe de façon encore plus prononcée que Madame Edwarda (1941) la nouvelle « religion » qu’il inventa, l’athéologie, mettant en avant une conception du sacré par l’hédonisme. Récit érotique centré sur trois personnages, le roman analyse la recherche du plaisir par la complicité avouée-inavouable du trio pour la transgression et l’interdit. Pour L’Abbé C. dont il attendait un franc succès, il mit en place un jeu typographique entre chaque partie, passant de l’impression en italique, au caractère romain gras ou maigre. Évoquant un « désir de silence » dès les premières phrases de son roman, il plaça un certain nombre d’espaces blancs tout au long du texte. Les Éditions de Minuit n’ont pas conservé le dactylogramme de l’ouvrage. Exemplaire offert par Georges Bataille à Robert Chatté : à Robert Chatté affectueusement Georges Bataille et, je voudrais espérer, à bientôt « Spécialiste de l’érotique » selon J.-J. Pauvert, Robert Chatté (1910-1982) (ou Jean Legrand) fut une figure importante de la libraire clandestine. Exerçant à l’abri des regards indiscrets, les passionnés de curiosa, dont Paulhan, Bataille... se donnaient rendez-vous à son appartement montmartrois. Imprimeur des tracts Contre-Attaque de Georges Bataille, on lui attribua longtemps l’impression de l’édition originale de Madame Edwarda, avant qu’il ne soit confirmé qu’elle fut éditée par les soins de Robert et Élisabeth Godet. Provenance : Robert Chatté. Dimensions : 187 x 125 mm. La Pléiade, Georges Bataille, Romans et récits, p. 1139, p. 1127, pp. 1257-1258, pp. 1286-1287 ; Michel Surya, Georges Bataille, la mort à l’œuvre, 2007, p. 375, p. 671. 43. QUENEAU (R.). Zazie dans le métro. Paris, Gallimard, 1959, in-12°, broché. Édition originale. Le roman qui révéla Raymond Queneau (1903-1976). Derrière l’un des textes les plus burlesques et inventifs que l’auteur ait écrit, se cache un roman initiatique. Au travers des pérégrinations de Zazie, une petite fille de province rejoignant son oncle dans la capitale, est évoquée l’agitation du monde adulte dans une ville bloquée par la grève. Face à cette animation effrénée, l’oncle Gabriel donne sa vision du monde : L’être ou le néant, voilà le problème. Monter, descendre, aller, venir, tant fait l’homme qu’à la fin il disparaît. L’apprentissage de Zazie prend fin par la réponse qu’elle donne à la question de sa mère - Alors qu’est-ce que t’as fait ? - J’ai vieilli, mots clôturant le roman. Au-delà du thème de l’initiation, l’intérêt du roman réside dans le renouvellement linguistique effectué à l’aide d’ingénieux néologismes par le co-fondateur du mouvement Oulipo. Le réalisateur Louis Malle (1932-1995) adapta le roman au cinéma l’année suivante de sa parution. L’un des 40 exemplaires de tête sur vergé de Hollande Van Gelder. Dimensions : 186 x 119 mm. 98



44. YOURCENAR (M.). Mémoires d’Hadrien. Paris, Librairie Plon, [1951], in-8°, broché, couverture. Édition originale. Le texte fut prépublié dans les numéros 43 à 45 de la revue La Table ronde (juillet-septembre 1951). Le projet des Mémoires d’Hadrien remonte à 1924 et à une visite que Marguerite Yourcenar fit cette année-là avec son père à la villa Adriana. En 1926, l’éditeur Fasquelle lui refusa un premier texte intitulé Antinoos. Puis, dans une malle personnelle qu’elle reçut en novembre 1948, elle retrouva quelques pages d’une rédaction du texte datant de 1937-1938 et décida de reprendre le sujet. Elle rédigea la première partie du texte lors d’un voyage au Nouveau-Mexique, et la suite au cours d’un congé pris entre juin 1949 et mai 1951 — trois années « à ne faire que cela, à vivre en symbiose avec le personnage ». Ce projet, Marguerite Yourcenar l’explicite dans ses carnets de notes en reprenant cette phrase de Flaubert : « Les dieux n’étant plus, et le Christ n’étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l’homme seul a été ». Marguerite Yourcenar veut donner à voir et à sentir l’existence du « prince et [de] l’homme » Hadrien (76-138) — selon cette clef de lecture qu’elle confie à Malraux sous le faux-titre de l’exemplaire qu’elle lui adresse —, en adoptant la forme de pseudo-Mémoires que l’empereur aurait écrits après la mort de son amant Antinoos et alors qu’il « commence à apercevoir le profil de [sa] mort ». Ces Mémoires, développant une passionnante méditation sur la condition humaine, proposent un dépassement de l’histoire dans la littérature, l’objectif étant de « refaire du dedans ce que les archéologues du XIXe siècle ont fait du dehors », en mettant l’érudition au service de la vérité existentielle. Œuvre au succès mondial, ces Mémoires fictifs de l’empereur Hadrien valurent à Marguerite Yourcenar la consécration en tant qu’écrivain. Elle fut, en 1980, la première femme élue à l’Académie française. Exemplaire du service de presse offert par l’auteur à André Malraux : à André Malraux hommage admiratif, Mémoires d’Hadrien le prince et l’homme Marguerite Yourcenar Dans le recueil d’entretiens Les Yeux ouverts, paru en 1980, Marguerite Yourcenar dit admirer beaucoup Malraux, bien qu’il fût « un grand acteur », qui ne lui a jamais donné l’impression d’être « un homme convaincu ». « Souvent superbe », dit-elle, Malraux n’a cependant « jamais été très sûr de son fait avant de trouver de Gaulle ». C’était bien sûr chose faite en 1951, quand elle a envoyé à l’auteur de La Condition humaine — qui était alors chargé de la propagande en RPF gaulliste et faisait paraître Les Voix du silence —, cet exemplaire des Mémoires d’Hadrien, en témoignage de son admiration. 2 corrections manuscrites de la main de Yourcenar, p. 318. Exemplaire conservé dans une chemise-étui de Devauchelle. Provenance : André Malraux (1901-1976). Pléiade, Œuvres romanesques de Marguerite Yourcenar, Carnets de notes des Mémoires d’Hadrien ; Marguerite Yourcenar, Les Yeux ouverts, p. 121, pp. 145-162 ; J. Savigneau, Marguerite Yourcenar. L’invention d’une vie, 1990 ; M. Sarde, Vous, Marguerite Yourcenar : la passion et ses masques, 1995.

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NOTES


La Librairie Lardanchet sera prĂŠsente aux Salons du Livre Ancien et Moderne de : New York - Armory du 8 au 10 avril Stand C3

Paris - Grand Palais du 28 avril au 1er mai Stand P8

Londres - Olympia du 9 au 11 juin Stand 32


Photographies : © Studio Baraja Impression : Drapeau-Graphic Ouvrage imprimé sur papier labellisé “ développement durable ” © 2011 - Librairie Lardanchet

Le n° 13 est reproduit en couverture

Nous remercions Gisèle Lequepeys, Isabelle Bouvrande, Guillaume Daban et Thomas Rossignol pour leur participation à la rédaction du catalogue



LIBRAIRIE LARDANCHET


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