Catalogue Lardanchet Février 2010

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I A T R E B H I C L N A D R LA


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Le n° 15 est reproduit en couverture

nous remercions Guillaume daban et thomas rossignol pour leur participation à la rédaction du catalogue


Cent Livres Choisis 1900 - 2000


79 - LONGUS & CHAGALL


Cent Livres Choisis 1900 - 2000

Paris


1. FREUD (S.). Die Träumdeutung. Leipzig and Vienna, Franz Deuticke, 1900, in-8°, demi-toile bleue à la bradel, dos lisse, doublure et gardes de papier à décor à répétitions, tranches marbrées (reliure de l’époque). Édition originale. « C’est par le rêve que la psychanalyse se révèle art d’interprétation. » Die Träumdeutung fut en effet le livre fondateur de la science psychanalytique à laquelle Sigmund Freud, neurologue réputé, travaillait depuis des années. Achevé pour l’essentiel en 1896, il parut le 4 novembre 1899, bien que l’éditeur l’ait antidaté 1900. Les ventes furent sans grand rapport avec l’immense retentissement qu’il connut par la suite : sur les 600 exemplaires, 123 partirent dans les deux mois qui suivirent la publication et 228 les deux années suivantes. L’ouvrage fut réédité une première fois en 1909 et une seconde en 1911. Il fut ensuite traduit en plusieurs langues. Récusant la conception du rêve comme un simple désordre cérébral ou une activité quelque peu surnaturelle, Freud le traduit de manière rationnelle, comme la réalisation déguisée d’un désir refoulé. Tout son travail d’analyse repose sur le postulat de l’inconscient, notion révolutionnaire dont il se fait le brillant interprète. Des concepts aussi célèbres que celui du complexe d’Œdipe sont ici exposés. Cette étude rigoureusement scientifique rend, paradoxalement, le rêve plus fascinant encore. Conscient d’être un pionnier, Freud compare son aventure à la descente aux Enfers de L’Énéide. Exemplaire charmant dans une reliure viennoise de l’époque, très bien conservé. Garrison-Morton, 4980 ; Grinstein, 277 ; Grolier/Horblit, 32 ; Grolier Medicines, 87 ; Jones I, ch. 16 ; Norman, F33 ; Stanford, 23 ; J. Carter-P. H. Muir, Printed and the mind of man, 389 ; M. D. Haskell-F. Norman, One hundred books famous in Medecine, 87 (« The first edition of the work consisted of six hundred copies »).

2. RENARD (J.) & VALLOTON (F.). Poil de Carotte. Paris, Flammarion, 1902, in-12, demi-maroquin bleu à coins, dos à nerfs orné, couverture et dos, tête dorée, non rogné (V. Champs). Première édition illustrée, en partie originale, de ce récit autobiographique composé de 48 chapitres. Publié pour la première fois en 1894, l’ouvrage fut réédité par Flammarion. À cette occasion, l’auteur ajouta cinq nouveaux chapitres : Le Pot, La Mie de pain, La Mèche, Lettres choisies de Poil de Carotte et quelques réponses de M. Lepic à Poil de Carotte et Les Idées personnelles. 50 dessins de Félix Valloton (1865-1925). Jules Renard admirait l’artiste, auquel il confia un jour : Vous avez une troublante manière d’être simple. Collaborant tous deux à La Revue blanche, ils entreprirent ensemble quelques livres illustrés, La Maîtresse et Histoires naturelles en 1896, et Poil de Carotte. Celui-ci est certainement le plus abouti et le dernier d’une association à laquelle Félix Valloton ne donna pas suite, malgré la proposition de l’écrivain pour L’Écornifleur. Sa mise en chantier fut des plus simples. Mon cher Valloton, lui écrivit le 21 juin 1902 Jules Renard, 1° Est-ce que ça vous amuserait d’illustrer – en toute liberté – Poil de Carotte (le roman), pour Flammarion ? 2° Feriez-vous ce travail pour la rentrée prochaine ? Rapidement exécutés, ces dessins donnèrent entière satisfaction à l’éditeur, comme le lui répéta l’écrivain, qui lui demanda, dans le courant du mois d’octobre, cinq dessins supplémentaires correspondant aux chapitres ajoutés. Le 21 janvier 1903, l’écrivain annonçait à Louis Merclet : Vous recevrez prochainement un Poil de Carotte nouveau avec de curieux dessins de Valloton. L’un des 20 premiers exemplaires sur papier japon. Victor Champs exerça à son compte à partir de 1868. Ses reliures étaient appréciées pour la qualité du corps de l’ouvrage. Il mourut en 1912. J. Renard, Lettres retrouvées, 1884-1910, pp. 174-176 ; Jules Renard, Journal, 1887-1910, La Pléiade, p. 1374.


2 - RENARD & VALLOTON

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3. HUYSMANS (J.-K.) & LEPÈRE (A.). À Rebours. Paris, E. Féquet pour Les Cent

Bibliophiles, 1903, in-4°, maroquin lavallière, sur les plats, en encadrement, listel droit ou contourné de maroquin havane, en angles, motif floral de maroquin vert et bleu, couverture et dos, chemise demi-maroquin vert, étui (Marius Michel). Première édition illustrée contenant une longue préface inédite où l’auteur explique la genèse d’À Rebours. L’ouvrage, emblématique du symbolisme et du mouvement décadent qui l’accompagne, est nourri de culture classique. La sensualité mêlée de spiritualisme qui parcourt le texte et le style neuf de Huysmans lui conférèrent une place à part dans l’histoire littéraire de la fin du XIXe siècle.Valéry lut À Rebours pendant l’été 1889 et s’émerveilla du style de l’ouvrage qui avait à ses yeux le grand mérite de lui faire connaître les Décadents, Verlaine, Mallarmé et les Goncourt. 220 gravures sur bois de Lepère. Ce dernier a puisé son inspiration aux sources les plus diverses, se souvenant d’Odilon Redon, Gustave Moreau, de Georges Rivière et d’autres et interprétant même de surprenante manière La Vague d’Hokusaï.Toutes ces influences se fondent en une suite originale de bordures, de vignettes et de motifs, imprimés en couleurs. Exemplaire d’Édouard Rahir (1862-1924). Imprimé au nom d’Eugène Le Senne, c’est un des rares livres modernes que posséda le célèbre collectionneur-libraire. Élégante et discrète reliure mosaïquée de Marius Michel, dont le vocabulaire ornemental est typiquement Art déco. Le relieur s’est ici affranchi du traditionnel décor qu’il dessina pour ce livre et que le goût entendu a depuis canonisé. Tirage limité à 130 exemplaires, tous sur papier filigrané au nom de la société des Cent Bibliophiles. Provenance : Eugène Le Senne (1846-1938), qui constitua une collection considérable spécialisée sur l’histoire de Paris. En marge de ce thème, il rassembla une importante bibliothèque de livres modernes aux reliures luxueuses signées Carayon, Canape, Charles Meunier, Lortic... Il fit don de l’ensemble de sa bibliothèque à la Bibliothèque nationale en 1924, actuellement accessible sous le fonds Le Senne ; Édouard Rahir (Cat. VI, 1937, n° 1983) ; N. C. Zervudachi (ex-libris gravé) ; un ex-libris non-identifié [MC]. Jacques Parrot, Auguste Lepère, illustrateur d’Érasme et de J.-K. Huysmans, Le Livre et ses amis, n° 10, p. 12-21 ; Ray, The art of the french illustrated book, 1700 to 1914, n° 328. 4. MARX (R.) & ROCHE (P.). La Loïe Fuller. Évreux, C. Hérissey, 1904, in-4°, veau raciné

à la Bradel, dos lisse orné des noms de l’auteur et du titre de l’ouvrage, doublure et gardes de papier à décor floral, couverture, non rogné (E. Carayon). Premier livre décoré de gypsotypie. Édition originale de cet hommage à Loïe Fuller, artiste d’origine américaine qui s’est faite en France, comme elle aimait à le souligner. Soucieuse d’un certain esthétisme, elle apporta aux arts du spectacle plus par ses jeux de couleurs et de lumière que par sa danse. Artistes, poètes et écrivains tels Mallarmé, Rodenbach, Jean Lorrain ou Auguste Rodin, assistaient régulièrement aux représentations qu’elle donnait. Pour accompagner son texte, l’auteur confia à l’élève de Rodin, Pierre Roche (1855-1922), de son vrai nom Fernand Massignon, le soin de l’illustrer. Ce dernier réalisa, avec un certain raffinement, une série de gypsotypies, estampes légèrement colorées sur fond nacré, obtenues grâce à un procédé d’impression utilisant des matrices en métal, technique qu’il avait mise au point à partir de ses gaufrages japonisants. Ainsi créa-t-il 19 gypsotypies, procédé qui ne fut réemployé que pour un seul autre ouvrage. Le texte est imprimé avec les caractères italiques dessinés par G. Auriol, dont c’est ici leur première utilisation. 6


3 - HUYSMANS & LEPÈRE

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Exemplaire soigneusement monté sur onglets et relié à l’époque par Émile Carayon, qui se fit remarquer surtout pour le choix des matériaux qu’il employait, relevant tous d’un goût très sûr. C’est à la fin du XIXe siècle qu’il s’installa en tant que relieur, après une carrière de peintre-décorateur, et exerça cet artisanat jusqu’à sa mort en janvier 1909. Tirage limité à 130 exemplaires numérotés, tous sur vélin. Provenance : Léon Schuck (Cat., 1931, n° 425). 5. SCHNITZLER (A.). Die Hirtenflöte. Vienne, Deutsch-Osterreichischer Verlag, 1912, in-12,

chagrin vert, décor architectural sur les plats, dos lisse orné, tête dorée, non rogné ([Joseph Hoffmann]). Édition originale. Arthur Schnitzler (1862-1931), l’éminent représentant de l’impressionnisme littéraire viennois. Membre du cercle Jung Wien (« La jeune Vienne »), médecin, psychologue, il fut l’un des premiers écrivains influencés par la psychanalyse de Freud qui l’admirait. Il publia des poèmes, des nouvelles, des dialogues et des pièces de théâtre qui furent les plus jouées avant la Première Guerre mondiale dans les pays de langue allemande. Non moins célèbres sont ses nouvelles, notamment Le Lieutenant Gustel, dans laquelle est utilisée pour la première fois dans un pays germanique la technique du monologue intérieur. Ferdinand Schmutzer (1870-1928), peintre et graveur viennois. Fils du sculpteur animalier du même nom, il fit ses études à l’Académie de Vienne, chez le graveur William Unger, puis à Paris, chez le peintre Cormon et Humbert. Membre de la Sécession viennoise, il en fut le président de 1914 à 1917. Il succéda comme professeur à son maître Unger à l’Académie. En 1904 il réalisa Joachim Quartett, probablement la plus grande plaque jamais gravée, d’une largeur de 1 m 50. En qualité d’illustrateur, il travailla principalement pour Schnitzler et Anton Wildgans. 8 hors-textes dont un portrait, tous protégés par une serpente à décor perlé qui rappelle le vocabulaire ornemental de la reliure, et une vignette de Schmutzer. Intéressant spécimen de reliure commandé par une maison d’édition. Reliure dessinée par Josef Hoffmann (1870-1956), l’architecte et fondateur de la Wiener Werkstätte en 1903, qui a conçu plusieurs modèles pour ce mouvement. Édition limitée à 400 exemplaires. Schweiger, Wiener Werkstätte, pp. 30-32.

6. ROUSSEL (R.). Locus solus. Paris, Lemerre, 1914, in-12, broché, couverture, non coupé. Édition originale. Paru en 1914, Locus solus connut le même insuccès que les précédents livres de l’auteur, La Doublure, La Vue et Impressions d’Afrique. Il fut adapté au Théâtre Antoine par Pierre Frondaie. L’acharnement de la critique, qui le baptisa « Loufocus solus », « Locus saoulus » ou « Blocus solus », lui valut une célébrité de scandale, mais la reconnaissance des surréalistes fit bien davantage pour la postérité grandissante du roman. Du nom de la propriété du génial savant Mathias Canterel, Locus solus est une sorte de parcours initiatique, artistique et littéraire, au cours duquel le lecteur découvre des œuvres imaginaires commentées par leur acquéreur. Ce dernier s’inspire de Jules Verne, auquel Raymond Roussel vouait une grande admiration. Lors de la visite, les figures représentées s’animent, rejouant souvent l’acte ou l’aventure qui marqua leur existence. Le style occupe, dans ce récit fantastique, une place prépondérante. Toujours à l’affût de nouveaux procédés poétiques et narratifs, l’auteur déploie ici toute son astuce et son inventivité. Ses techniques furent d’ailleurs l’objet de son dernier texte, Comment j’ai écrit certains de mes livres. Un des quelques exemplaires sur japon, papier dont on ne connaît pas le tirage. Bien conservé dans une chemise à rabats et étui gainés de maroquin bleu, il est complet de La Critique et Raymond Roussel qui manque souvent. 8


5 - SCHNITZLER

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7. ELSNER (O.). Festschrift zum 33 jährigen Firmenjubiläum. Berlin, Elsner, 1914, grand

in-folio, broché et plié à la japonaise, cartonnage de toile à la bradel, premier plat orné de la marque de l’imprimeur. Rare catalogue de l’imprimeur berlinois Otto Elsner (1893-1956). Il est, à ce jour, considéré comme l’un des plus luxueux et spectaculaires, et fut conçu par l’illustrateur Wihlem W. Deffke (1887-1950 ?), adepte de la « nouvelle typographie ». Elle naquit de la redécouverte de l’alphabet gothique en Allemagne à partir de 1887, passablement enrichie des influences, plus récentes, de l’Art nouveau, qui révolutionnait alors le monde du livre, de l’architecture et du design. Deffke approcha concrètement cette esthétique lors de son année d’apprentissage en 1909-1910 chez Peter Behrens, célèbre graphiste et architecte, l’une des grandes figures de ce courant. Il collabora ensuite deux ans avec Otto Elsner, de 1912 à 1914. Ce catalogue fut précédé entre autres en 1913 d’un livre de souvenirs intitulé Imperator of See. On sait aussi que Deffke s’établit à son compte à Berlin, réalisant des logos, affiches et autres produits à l’intention des entreprises et des éditeurs. On peut s’interroger sur les deux dates du catalogues, 1871-1914, qui correspondent peut-être à la période d’activité de l’imprimerie d’Otto Elsner ici représentée. 8 doubles pages sur fond palladium ou noir, à encadrement bleu et noir, et 11 plaquettes publicitaires contre-collées sur un feuillet blanc brodé d’un imprimé sur fond palladium, chacune précédée d’une serpente de soie imprimée. Exemplaire en belle condition.

8. CENDRARS (B.) & LÉGER (F.). La Fin du monde filmée par l’Ange N.-D. Paris, La Sirène, 1919, in-4°, maroquin orange, sur les plats, grand décor par la lettre (nom de l’auteur et titre de l’ouvrage) mosaïqué de box de diverses couleurs, doublure de papier argenté, couverture et dos, tête dorée (J. Antoine Legrain). Édition originale. « La Fin du monde filmée par l’Ange N[otre]-D[ame] avait été le scénario prévu par Cendrars pour paraître dans Le Livre du cinéma en 1918. Il paraît séparément cette année, illustré par Fernand Léger dans un mélange de typographie foisonnante et d’illustrations très colorées. Le volume est reconnu comme un modèle de la production de la Sirène mais aussi de la production éditoriale de cet immédiat après-guerre, en particulier pour sa modernité. Rachilde en rendra compte de façon amusante dans le Mercure de France du 15 avril 1920 : « Un ange se mord férocement le doigt sur la couverture, comme s’il regrettait de s’y compromettre [...] Ça coûte 20 fr., et c’est pour rien, étant donné la somme de couleurs très rares dépensée. » (Pascal Fouché, La Sirène, p. 71). Illustration de Fernand Léger. Son amitié pour Cendrars avec lequel il partageait l’amour du cinéma, l’amena à collaborer avec le poète en illustrant ses textes, en 1918, avec J’ai tué, en 1919, avec La Fin du monde filmée par l’Ange N.-D. « Pour ce dernier, il conçut têtes de chapitres sur double page et illustrations de façon à faire date dans l’édition moderne. Les illustrations étaient des reproductions de dessins dont les couleurs furent ajoutées au pochoir d’après les indications précises du peintre… » (L. Saphire, Fernand Léger, L’Œuvre gravé, p. 11). 23 pochoirs en couleurs, 7 dessins reproduits au trait et un dessin, selon la même technique, sur la couverture. Intéressante reliure décorée de Jacques-Antoine Legrain, qui exerça des années 1930 à 1950. Les exemplaires de ce livre en reliure ancienne décorée et signée sont rares. Exemplaire sur papier Registre Vélin Lafuma. P. Fouché, La Sirène, n° 38 ; Y. Peyré, Peinture et Poésie, p. 116 (« Ce livre hors norme (son tirage excessif, ses moyens d’exécution) retentit très haut… Leur livre, si incompris, si merveilleux, est bien une production de magicien »). 10


7 - ELSNER

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9. TYTGAT (E.). Carrousels et baraques. Contes. Gravés. Londres, Cyril Beaumont, 1919, in-4° oblong, en ff., chemise illustrée et rubans grenat d’éditeur. Édition originale. Charmant ouvrage, qui témoigne de la prédilection d’Edgard Tytgat pour la littérature enfantine, les contes et le folklore, auxquels il consacra l’essentiel de sa production. Il fut entièrement conçu par lui, tant du point de vue du texte et de l’imagerie, que, vraisemblablement, de la typographie. Cette dernière présente d’évidentes affinités avec celle mise au point par l’artiste en 1915 et pour la première fois appliquée au Petit Chaperon rouge et à Quelques images de la vie d’artistes, tous deux publiés en 1917 lors de son exil londonien. C’est également durant ce séjour de quatre années, qu’il choisit d’évoquer des souvenirs d’enfance heureux, à travers la figure centrale et magique du carrousel. Le texte a été imprimé sur la presse à main de l’éditeur. 6 gravures (bois, linoléum et cliché) hors-texte sur chine et 10 illustrations (cliché) in-texte. Si le texte s’intéresse exclusivement à l’enfance, l’iconographie élargit les perspectives, avec trois images inspirées des fêtes foraines de la commune native de l’auteur, La Procession à Watermael, La Baraque, Le Carrousel de Watermael, et trois autres des foires anglaises, Morry-go-round, Swings et Caravan... Passé et présent sont ainsi mélangés au service d’un même thème, celui du monde forain, dont l’atmosphère festive et bruyante est en partie rehaussée par les couleurs. Chaque image traduit bien « cette naïveté naturelle » recherchée par l’artiste, laquelle explique aussi sa préférence pour la technique de la gravure sur bois. L’un des 110 exemplaires numérotés de 41 à 150 ; celui-ci est signé par l’éditeur. Tirage limité à 153 exemplaires, tous sur chine.

10. RILKE (R. M.) & BALTHUS. Mitsou. Quarante images par Baltus. Erlenbach-Zürich & Leipzig, Rotapfel-Verlag, 1919, in-4°, broché, cartonnage d’éditeur avec couverture rempliée. Édition originale. Amusant texte de Rainer Maria Rilke sur les chats, rédigé en faveur de son protégé. Ils se connurent dans le cadre de l’amitié amoureuse que le poète entretint avec sa mère, Baladine Klossowska, de 1919 jusqu’à sa mort, en 1926. Le projet n’aurait pu se réaliser sans la généreuse tutelle du poète, qui non content d’associer son nom aux dessins d’un jeune artiste de 11 ans, effectua les démarches nécessaires auprès des éditeurs. Mistou est l’histoire d’un chat trouvé au château de Noyon et adopté par un petit garçon. Animant la vie quotidienne de ces facéties, il parvient un jour à échapper à la vigilance de son jeune maître et disparaît. La précocité de Balthus apparaît dans les déformations expressives du trait. Elles le rapprochent de l’Unheimlich nordique et des cruelles caricatures d’E.T.A. Hoffmann en marge des Contes. L’ouvrage sera réédité en 1988 par la Librairie Séguier. 40 images de Balthus hors-texte. Première apparition de la figure du chat dans l’œuvre du peintre. Il deviendra son animal de prédilection et sera soumis à toutes sortes de métamorphoses successives, tantôt figure onirique ou mystérieuse veillant des jeunes filles assoupies, tantôt cruel et carnassier, en partie anthropomorphisé, tantôt associé au thème des vanités, comme dans la série du Chat au miroir II et III des années 1986-1989 et 1989-1994. Parfois aussi, les modèles du peintre empruntent à l’animal ses poses félines ou son agressivité. Exemplaire en belle condition. Dos légèrement épidermé. Tirage non précisé. J. Clair - V. Monnier, Balthus. Catalogue raisonné de l’œuvre complet, pp. 480-484 (« Les dessins originaux qui auraient, selon l’artiste, appartenu à Rainer Maria Rilke, n’ont pu être retrouvés. ») 12


9 - TYTGAT

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11. TZARA (T.) & ARP (H.). Cinéma calendrier du cœur abstrait. Maisons. Paris, Au Sans

Pareil, Collection Dada, 1920, in-4°, broché, couverture, bande annonce. Édition originale. Le Sans Pareil, « le dépositaire général des publications dada ». Maison d’édition de l’entre-deux-guerres, bien que relativement éphémère (1919-1935), elle eut un impact et une activité considérables auprès des avant-gardes. Sur 163 titres publiés, 30 font partie du patrimoine littéraire français encore vivant, des Champs magnétiques au Plan de l’aiguille. Affilié au Sans Pareil dans la « Collection Dada », Cinéma calendrier du cœur abstrait. Maisons fut en réalité publié en Suisse par Arp, le Sans Pareil se limitant au rôle de distributeur ; « En dépôt au Sans Pareil », mention imprimée dans l’ouvrage. La plus belle réussite du tandem. Seconde collaboration Tzara-Arp, le livre reprend avec une plus grande maîtrise le dialogue amorcé dans Vingt-cinq poèmes (1918), reflétant une nouvelle fois les objectifs dada. Constitué de 21 courts poèmes et d’une seconde partie intitulée Maisons, une série de poèmes dédiés aux amis du duo, le texte a malgré tout moins recours à la dislocation systématique et brutale laissant place à un certain respect de la syntaxe du vers. Renfermant quelques poèmes majeurs du dadaïsme dont Maison Flake, repris dans toutes les anthologies du mouvement, les poèmes ouvrent la voie aux nouveaux moyens de destruction imaginés par Tristan Tzara : être joyeux, exprimer son bonheur, prôner la vie. 19 bois d’Hans Arp. Répondant aux poèmes, les gravures aux formes organiques noires et contrastées témoignent du cheminement de l’artiste vers un art fondé sur l’identification de l’homme avec la nature. Après l’impression, l’ensemble des bois fut détruit. Exemplaire très bien conservé, non coupé, avec sa rare bande annonce rouge. Édition limitée à 150 exemplaires, tous sur [vélin de cuve pur chiffon d’Italie] et signés par l’auteur et l’illustrateur. Centre Pompidou, Dada, 2005, p. 96, p. 954, pp. 962-965 ; Tristan Tzara, Œuvres complètes 1912-1924, 1975, T. I, pp. 660-666 ; Yves Peyré, Peinture et poésie, 2001, p. 117, p. 232 ; Pascal Fouché, Au Sans Pareil, 1983, pp. 5-9, pp. 26-27. 12. GOLL (I.) & LÉGER (F.). Die Chaplinade. Dresde, Rudolf Kaemmerer, [1920], in-4°,

cartonnage d’éditeur. Édition originale de cette pièce de théâtre d’avant-garde, inspirée par le film américain. Elle constitue la première expérience d’introduction d’un film dans une pièce de théâtre. La pièce fut successivement traduite en français, en italien et en anglais. De Paris, où Goll s’était fixé avec son épouse, il repartit en 1919 pour Berlin, année qui marqua le début d’une carrière littéraire couronnée de succès jusqu’en 1933. Il publia alors des textes dans différentes maisons d’édition, chez Kurt Wolf à Leipzig, Fischer Verlag à Berlin, et Rudolf Kaemmerer à Dresde qui édita successivement son poème Astral, un chant et un poème cinématographique Die Chaplinade (La Chaplinade). 4 dessins de Fernand Léger datant de son époque mécanique (1919-1922) illustrent l’ouvrage. Ils représentent Charlie Chaplin comme un automate dont les mouvements sont autant de séquences de film. Léger créa à la suite de ces illustrations, le Charlot cubiste, haut-relief mobile en bois découpé, qui devait être le héros d’un film d’animation, Charlot cubiste, dont il avait écrit le synopsis. Seules deux séquences furent tournées, intégrées par la suite à son film Le Ballet mécanique de 1924. Exemplaire très frais. Y. Goll, Poète européen des cinq continents, Fondation Yvan et Claire Goll, n° 134 ; Saphire, Fernand Léger, The Complete Graphic Work, p. 299. 14


11 - TZARA & ARP

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13. VALÉRY (P.). Le Cimetière marin. Paris, Émile Paul Frères, 1920, in-8°, maroquin bleu nuit janséniste, dos à nerfs pincés, doublure de même peau et couleur, gardes de tabis bleu, couverture et dos, tranches dorées sur témoins ([Huser]). Édition originale. Ce grand poème confirma la célébrité que le poète avait acquise avec La Jeune Parque, recueil publié en 1917. Il n’était, au départ, que la transcription spontanée d’une figure rythmique vide, ou remplie de syllabes vaines, qui l’obsédait depuis quelque temps, et qu’il exprima dans un vers décasyllabique, inusité depuis Ronsard. D’inspiration personnelle et autobiographique, le texte mêlait la contemplation méditative de la mort et du changement à des souvenirs de mer, de soleil, et d’un certain lieu sur la Méditerranée, peut-être Sète, où naquit le poète. Il fit l’objet de plusieurs éditions séparées et figura, dès 1922, dans les éditions de Charmes. L’un des 49 exemplaires sur papier vélin à la forme d’Arches, après 7 sur papier de Chine. G. Karaïskakis-F. Chapon, Bibliographie des œuvres de Paul Valéry, n° 20. 14. GABORY (G.) & DERAIN (A.). La Cassette de plomb. Paris, François Bernouard, 1920,

in-4°, broché, couverture. Édition originale. Le premier recueil de l’auteur. En partie oublié, Georges Gabory (1899-1978) fut pourtant considéré entre 1917 et 1929 comme l’un des jeunes poètes les plus brillants de sa génération, promis à une grande carrière. Lecteur influent chez Gallimard, auteur d’essais sur André Gide, Marcel Proust, Moïse Kisling, il était devenu un acteur actif du milieu littéraire parisien. Titre emprunté à la scène des trois coffrets du Marchand de Venise, le recueil est constitué de 12 poèmes d’amour inspirés d’une prédiction tirée aux cartes par André Derain voyant le poète vivre une relation amoureuse avec une femme blonde. Gabory dédia certains poèmes à ses amis : André Derain, Blaise Cendrars, Fernand Léger, Ruth-Antoinette Bonabel. 2 gravures d’André Derain (1880-1954). Marquant le bois avec une pointe afin de donner un effet de pointillé, l’utilisation de cette technique lui permit de rendre une légèreté aux traits de la gravure. Cette méthode originale était pour plaire à Gabory qui trouvait généralement la typographie trop banale, manquant de fantaisie. Lié par une sincère amitié depuis 1919, lorsque le jeune poète traversait des difficultés financières, André Derain l’aida à vendre auprès de Kahnweiler un portrait qu’il lui avait offert en 1921. Les deux hommes collaborèrent une seconde fois avec Le Nez de Cléopâtre (1922). L’un des 5 premiers exemplaires sur papier de Chine, signé par l’auteur, avec une suite des gravures en bistre. Pièce ajoutée : - un sonnet octosyllabique autographe inédit sur papier gaufré orné d’une chromolithographie. Intitulé Arc-en-Ciel, il est formé de 14 vers dans l’esprit libre du recueil. Exemplaire conservé dans une chemise-étui de Devauchelle. Quelques très légères rousseurs. Tirage limité à 155 exemplaires. Provenance : Bogousslavsky (ex-libris). Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, André Derain, 1994, p. 380, p. 384 ; Gustave Arthur Dassonville, Catalogue des impressions de feu Monsieur François Bernouard, 1988, pp. 18-19. 16


14 - GABORY & DERAIN

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15. EPSTEIN (J.). Bonjour cinéma. Paris, Éditions de la Sirène, 1921, in-12, box blanc, plats

et dos ornés d’un décor à la lettre s’organisant autour des mots bonjour et cinéma, traversés par deux filets obliques noirs, dos lisse, doublure et gardes de box blanc, couverture et dos, chemise et étui gainés de même matière (Leroux, 1991). Édition originale. « L’intérêt précoce et inspiré de Cendrars pour le cinéma le pousse à publier aux éditions de la Sirène, dont il est le directeur littéraire, un des livres les plus surprenants de la période : Bonjour cinéma de Jean Epstein. Conçu comme une séance de cinéma, celui-ci allie sans discontinuité des poèmes, des proses, des compositions typographiques, des dessins, le tout mis en scène par Claude Dalbanne, camarade lyonnais du jeune Epstein, et soigneusement imprimé en 1921 par Marius Audin » (E. Toulet, Histoire de l’édition française, IV, pp. 452-453). Illustration et décor typographique par Claude Dalbanne. Exemplaire sur papier d’édition, monté sur onglets. Intéressante reliure de Georges Leroux. Fouché, La Sirène, n° 110 ; J. Andel, Avant-garde Page Design, 1900-1950, p. 294 ; Jean Toulet, Georges Leroux, p. 15 (Pour une reliure semblable datée de 1986). 16. SATIE (E.) & BRAQUE (G.). Le Piège de méduse. Paris, Galerie Simon, 1921, in-4°,

broché, couverture. Édition originale de cette comédie lyrique, la seule œuvre littéraire d’Erik Satie (1866-1925) publiée en livre, accompagnée de sa musique. Écrite en 1913, elle fut inaugurée au Théâtre Michel le 24 mai 1921. Publiée simultanément avec Ne coupez pas Mademoiselle ou les erreurs des P. T. T. et Les Pélican par D.-H. Kahnweiler (1884-1979) à la Galerie Simon, cette pièce extravagante ouvrit la voie par ses dialogues saugrenus, au théâtre de l’absurde de Samuel Beckett à Eugène Ionesco. Premier livre illustré de gravures en couleurs par G. Braque (1882-1963). Choisissant lui-même, selon son éditeur, la gravure sur bois pour ces 3 compositions cubistes, cette technique fut peu utilisée par la suite par le peintre. Il illustra en 1957, un second texte d’Erik Satie, Léger comme un œuf. L’un des 90 exemplaires sur papier de Hollande Van Gelder. Édition limitée à 112 exemplaires, tous signés par l’auteur et l’illustrateur. D.-H. Kahnweiler, Centre Georges Pompidou, p. 181; J. Hugues, 50 ans d’édition de D.-H. Kahnweiler, p. 20 ; Dora Vallier, Braque - l’œuvre gravé, 1982, p. 24 ; Geneviève Latour, Les Extravagants du théâtre, 2000, pp. 95-97.

17. RADIGUET (R.) & LAURENS (H.). Les Pélican. Paris, Galerie Simon, [1921], in-4°, broché, couverture. Édition originale de cette comédie en deux actes, que Radiguet écrivit à 17 ans. Elle fut représentée pour la première fois le 24 mai 1921 au Théâtre Michel à Paris, lors d’un spectacle de théâtre bouffe composé d’un acte de Max Jacob, La Femme fatale, d’une courte pièce lyrique d’Erik Satie, Le Piège de méduse, d’un ballet-shimmy de Darius Milhaud, Caramel mou, et d’une seconde comédie. Enchanté par la légèreté d’une pièce qu’il jugeait semblable à une « rose » et une « bulle de savon », Cocteau demanda à Auric d’en composer la musique et à Jean Hugo d’en croquer les décors. Le public, en revanche, fut déçu par cette œuvre fantasque qui se moquait de la famille, par le dialogue fait de « quiproquos », de « réponses ne correspondant pas aux questions », de « plaisanteries faciles », là où il attendait « beaucoup plus de folie » et « des personnages éblouissants ». Elle fut reprise en 1951 au cabaret d’Agnès Capri. 18


16 - SATIE & BRAQUE

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Premier livre illustré par le sculpteur Henri Laurens. Il réalisa pour l’occasion 7 eaux-fortes originales cubistes, dont une pour la couverture et deux à pleine page. Ces illustrations de dimensions très diverses courent à travers le texte, se mêlant à ce dernier avec harmonie. L’un des 90 exemplaires sur papier de Hollande Van Gelder. Édition limitée à 112 exemplaires, tous signés par l’auteur et l’illustrateur. D.-H. Kahnweiler, Centre Georges Pompidou, p. 181 ; J. Hugues, 50 ans d’édition de D.-H. Kahnweiler, p. 9 ; Victoria & Albert Museum, From Manet to Hockney, 62 ; Chapon, Le Peintre et le Livre, pp. 96-97 ; G. Latour, Les Extravagants du théâtre, pp. 87-91 ; Anisabelle Berès et Michel Arveiller, Henri Laurens, 1885-1954, n° 146-147 (« Laurens a merveilleusement utilisé l’espace dont il disposait, et il a su s’adapter à la légèreté du texte »).

18. JACOB (M.) & GRIS (J.). Ne coupez pas Mademoiselle ou les erreurs des P.T.T. Paris,

Galerie Simon, 1921, in-4°, broché, couverture. Édition originale. Bien que présenté comme un conte philosophique, Michel Leiris le définit comme « une bouffonnerie dialoguée à plusieurs personnages ». Max Jacob (1876-1944) eut pour le théâtre de bouffe une véritable passion, composant quelques pièces comiques qui connurent un certain succès dont Trois Nouveaux Figurants au théâtre de Nantes (1919), La Femme fatale (1921), Le Terrain Bouchaballe (1923). Interprétant occasionnellement des rôles de ses propres pièces, il trouvait dans cet univers un excellent moyen d’apprendre le métier d’auteur dramatique tout en s’amusant. D.-H. Kahnweiler : ami de Max Jacob et protecteur de Juan Gris. Collectionneur et marchand d’art incontournable du début du XXe siècle, découvreur et promoteur des « quatre mousquetaires du cubisme », Daniel-Henry Kahnweiler (1884-1979) connut une période plus délicate après la guerre. Les connaissances et l’appui de Max Jacob lui permirent de réintégrer le milieu artistique de l’entre-deux-guerres et découvrir une nouvelle génération d’artistes qui deviendront par la suite des familiers de sa galerie. Cette amitié entre les deux hommes se retrouve dans l’importante correspondance qu’ils échangèrent. D.-H. Kahnweiler éprouva également une affection toute particulière pour Juan Gris (1887-1927), lui apportant un soutien financier et moral. En 1922, il lui trouva un appartement à Boulogne tout proche de son domicile, resserrant ainsi leur amitié. Premier livre illustré par l’artiste de 4 lithographies originales. Chacune des lithographies est tirée dans un ton différent, bleu, vert, bistre et ocre. Des références au texte sont intégrées dans les compositions de style cubiste pour certaines. On y retrouve les personnages d’Alcofibra le géant, la demoiselle des téléphones et le général P. Dagog. L’un des 100 exemplaires sur papier de Hollande de Van Gelder, numérotés de 1 à 100. Tirage limité à 112 exemplaires, tous sur papier de Hollande de Van Gelder, signés par l’artiste et l’auteur. Provenance : ex-libris de J.-C. L. avec l’inscription « ex-cremis ». Centre Georges Pompidou, D.-H. Kahnweiler, marchand, éditeur, écrivain, 1984, pp.132-133, p. 180 ; Chapon, Le Livre et le Peintre, pp. 108-110 ; A Century of Artists Books, Museum of Modern Art, New York, p. 173 ; J. Hugues, 50 ans d’édition de D.-H. Kahnweiler, p. 6 ; Geneviève Latour, Les Extravagants du théâtre de la Belle Époque à la drôle de guerre, 2000, pp. 99-102 ; Nathalie Barberger, Michel Leiris - L’écriture du deuil, 1998, p. 242. 20


17 - JACOB & GRIS

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19. MICHAUX (H.). Fables des origines. Paris-Bruxelles, Éditions du Disque vert, [1923], in-12 carré, broché, couverture. Édition originale. Édité au Disque vert, « la meilleure jeune revue de l’époque » au dire de Francis Ponge, cette revue avant-gardiste franco-belge fondée par Franz Hellens (1881-1972) constitua une véritable plaque tournante pour les auteurs d’une nouvelle génération : Paulhan, Malraux, Cendrars, Max Jacob, Crevel, Éluard... Recueil s’insérant dans la première période de production d’Henri Michaux (1899-1984), Fables des origines est composé de 27 fables dont l’une d’elles, Origine de la peinture, forma le troisième chapitre de Cas de folie circulaire (1922), son tout premier texte. Les contes témoignent ici du premier style de l’auteur à l’influence surréaliste, à la « prose folle » susceptible de faire « injure aux belles-lettres... » comme l’évoque Paul Vanderborght, l’associé de Franz Hellens pour l’éphémère revue Écrits du Nord. Tirage non précisé. Michaux, Œuvres complètes, vol. I, La Pléiade, pp. 7-8, pp. 26-38, p. 1022, p. 1019, pp. 1032-1034 ; Jean-Pierre Martin, Henri Michaux, 2003, p. 89 ; Pascal de Sadeleer, Moureau, I, n° 404 (« Très mal diffusé à la parution. Extrêmement rare. L’édition [...] a été mise au pilon chez l’imprimeur lors de la cessation des activités du Disque vert » ; « Édition originale non justif. à [300?] ex. sur vergé crème »).

20. DINSDALE (A.). Television Seeing by Wireless. London, Sir Isaac Pitman & Son, 1926, in-12, broché, couverture, jaquette illustrée. Édition originale du premier livre consacré à la télévision. L’auteur décrit les problèmes techniques auxquels furent confrontés les premiers chercheurs comme Jan van Szczpanik, Boris Losing, Denoys von Mihaly… et ce jusqu’en 1926. Mais il s’intéresse surtout aux travaux de l’Écossais John Logie Baird (1888-1946), qui fut le premier à produire des images télévisées. En poursuivant ces recherches, ce pionnier de la télévision ouvrit des voies qui amenèrent à la télévision radiodiffusée dont les débuts pour le grand public se firent à Londres en 1936 sur la BBC, sous la direction d’Isaac Shoenberg. Un portrait de Baird et 11 planches hors-texte, dont l’une représente « the first photograph ever taken by television ». La fragile jaquette, qui est ici doublée, présente comme toujours quelques défauts.

21. GIDE (A.). Les Faux-Monnayeurs. Paris, NRF, 1925, in-4°, maroquin fauve janséniste, dos à nerfs, doublure et gardes de soie moirée de même couleur, couverture et dos, tranches dorées sur témoins, étui gainé de même peau (P.L. Martin). Édition originale. Roman de la maturité de Gide, Les Faux-Monnayeurs est un des livres les plus révélateurs de l’après-guerre. Il est au carrefour des différentes tendances de l’art narratif d’alors. L’un des 121 exemplaires de tête de format in-4° tellière sur papier vergé Lafuma-Navarre. Reliure d’une parfaite exécution de P. L. Martin. Provenance : Marcel de Merre (ex-libris). 22


20 - DINSDALE

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22. CARCO (F.). Tableau de l’Amour vénal. Paris, NRF, 1924, in-4°, maroquin noir, premier plat

orné d’un décor doré au palladium et à froid évoquant un corps féminin, sur le second, petites guirlandes de cercles concentriques dorés ou au palladium, dos lisse, doublure de maroquin terre de Sienne ornée d’une constellation de cercles concentriques dorés, gardes de daim gris, couverture et dos, non rogné, chemise et étui gainés de maroquin noir (Pierre Legrain). Édition originale. 12 lithographies originales hors-texte en noir de Luc-Albert Moreau. Tirage limité à 335 exemplaires ; celui-ci est sur vélin pur fil Lafuma-Navarre. Exemplaire d’Henri Mondor, enrichi : -  de trois dessins originaux à la mine de plomb, au format du livre, signés et légendés. -  d’une L.A.S. de Luc-Albert Moreau, qui donne quelques conseils au biographe de Mallarmé pour la reliure de son exemplaire, suggestions suivies en pointillé par Pierre Legrain. -  d’une photo de Luc-Albert Moreau en mitrailleur de 2e classe, dédicacée au grand Mondor. Achevée le 31 juillet 1928 pour Henri Mondor, cette reliure est atypique dans la production de Pierre Legrain. Son décor s’organise suivant la diagonale des plats, alors que ce dernier a pour habitude de les dessiner suivant un axe vertical ou longitudinal. Elle date de la période où le praticien est parvenu à l’absolue maîtrise. Pierre Legrain en réalisa une seconde sur cet ouvrage qui fut exposée en 1947 à New York ([...], Masterpieces of French modern bindings, 1947, n° 16 avec reproduction). Provenance : Henri Mondor ; Pierre Berès (ex-libris). […], Pierre Legrain - Relieur, n° 123 ; R. Adler, Reliures. Présenté par Rose Adler, pl. 35 avec reproduction ; Pierre Berès, Choix de livres illustrés par les principaux artistes modernes, n° 21, avec reproduction.

23. CENDRARS (B.). Le Plan de l’aiguille. Les Confessions de Dan Yack. Paris, Au Sans Pareil, 1927-1929, [Achevé d’imprimer : 28 février 1929 - 15 septembre 1929], 2 vol. in-12, demi-maroquin havane à coins, dos à nerfs ornés et mosaïqués, couverture et dos, tête dorée, non rogné (Huser). Édition originale. Annoncé pour 1927, ce roman en deux parties ne vit le jour qu’en 1929 alors que son contrat avait été signé dès 1922. Ce retard irrita d’autant René Hilsum qu’entre-temps Cendrars avait publié en 1925 et 1926, chez Grasset, sous la direction de Louis Brun, deux ouvrages : L’Or et Moravagine. Ils furent de beaux succès de librairie. Dan Yack, roman dont la trame se déroule en Russie puis en Europe, fut en cette année 1929, en lice pour le prix Goncourt ; il n’obtint en réalité qu’une seule voix, celle de Roland Dorgelès. Exemplaire sur papier du Japon, tirage de tête. Non numéroté, il fut offert par l’auteur à son ami Louis Brun, alors directeur des éditions Grasset. Il porte un envoi autographe sur chaque volume : À Louis Brun Dan Yack son ami et son copain ce n’est ni toi, ni moi Blaise Cendrars mais, Lui Blaise Provenance : Louis Brun ; Robert Moureau (ex-libris). P. Fouché, Au Sans Pareil, 108 et 122. 24


22 - CARCO

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24. DOSTOïEVSKI (F.) & ALEXEIEFF (A.). Les Frères Karamazov. Paris, Les éditions de

La Pléiade, 1929, 3 vol. in-4°, broché, chemise, étui. Les Frères Karamazov, l’œuvre majeure de Dostoïevski, est l’une des plus significatives de la littérature européenne de la seconde moitié du XIXe siècle. L’essentiel de la trame tient à l’inimitié entre un père et ses trois fils, Mitia, Ivan et Aliocha. L’ouvrage est ici publié par le fondateur de La Pléiade, Jacques Schiffrin, traducteur et éditeur originaire d’Azerbaïdjan. 100 lithographies d’Alexeieff. Le cycle iconographique des Frères Kamarazov fut entrepris à un moment clé de sa carrière d’illustrateur, deux ans après son initiation à la gravure sur métal, que complétait une expérience signifivative de l’aquatinte. Par ces deux techniques, Alexeieff passa maître dans l’art du clair-obscur, des différentes variations de gris, et des effets de lumière. Ce livre, qui le rendit célèbre, était l’aboutissement de ses recherches plastiques et graphiques, avant qu’il ne s’oriente durablement vers l’animation. L’un des 100 exemplaires comportant une suite des illustrations sur hollande mince. Tirage unique à 118 exemplaires, tous sur papier Hollande Pannekoeck. G. Bendazzi, Alexeieff, Itinéraire d’un maître, 2001, pp. 98-115. 25. KIPLING (R.) & JOUVE (P.). La chasse de Kaa. Paris, Javal & Bourdeaux, 1930, in-4°,

en ff., couverture illustrée, emboîtage de l’éditeur. Paul Jouve (1878-1973), le portraitiste du monde animal. Ouvrage produit dans sa période de rayonnement (1920-1950), il illustra à deux reprises l’œuvre incontournable de Rudyard Kipling (1865-1936) ; une première fois en 1919 avec Le Livre de la jungle, et par la suite La Chasse de Kaa, nouvelle tirée du même livre. Peintre animalier, il se démarqua de ses homologues par une approche innovante de son sujet, peignant les animaux pour eux-mêmes. Refusant de faire une représentation idéalisée de l’animal et rompant ainsi avec la tradition dix-neuviémiste, Paul Jouve par une recherche de vérité anatomique produisit de réels portraits animaliers. Soucieux de pénétrer dans la psychologie de l’animal et d’éviter de se focaliser uniquement sur sa beauté, il mit sa technique au service d’une simplification de son dessin. Un premier contrat fut signé le 31 janvier 1927, précisé le 20 juin 1929, stipulant qu’il n’était pas prévu de rétribution ou de pourcentage pour Paul Jouve mais qu’il disposerait de la moitié des exemplaires que l’artiste devait vendre dans le cadre de ses expositions personnelles. 124 compositions de Paul Jouve, dont 10 hors-texte. Exemplaire en parfaite condition. Emboîtage à l’état de neuf. Édition limitée à 175 exemplaires dont 60 hors-commerce réservés à l’auteur, tous sur papier japon impérial à la forme. Félix Marcilhac, Paul Jouve, 2005, p. 174, p. 203, p. 379. 26. DALI (S.). La Femme visible. Paris, Les Éditions surréalistes, 1930, in-4°, broché, double

couverture rempliée, couverture aluminium et couverture transparente rouge imprimée. Édition originale. Dédié à Gala, l’ouvrage marque l’intronisation de Dali (1904-1989) dans le mouvement surréaliste et son entrée en littérature, qui se poursuivra avec L’Amour et la Mémoire (1931), Les Métamorphoses de Narcisse (1937) et de nombreux articles publiés dans diverses revues surréalistes. La Femme visible contient les premiers grands textes de la « paranoïa-critique » ; elle est le manifeste théorique et poétique de cette méthode qui intéressa Jacques Lacan, ainsi que son illustration plastique. 26


25 - KIPLING & JOUVE 27


Eau-forte ou héliogravure de Dali en frontispice, 6 illustrations à pleine page et un portrait photographique de Gala se réfléchissant sur le papier aluminium de la doublure. L’un des rares exemplaires d’auteur, il est marqué H.C. ; celui-ci est imprimé sur papier Ingres rose, papier non mentionné à la justification pour les exemplaires d’auteur. La fragile couverture présente quelques petits manques en tête et en pied du dos. Édition limitée à 204 exemplaires. Sebbag, Les Éditions surréalistes, p. 18 (Ne fait pas état de ce tirage) ; Michler-Löpsinger, 4.

27. CREVEL (R.) & ERNST (M.). Mr Knife Miss Fork. Translated by Kay Boyle. Illustrated

by Max Ernst. Paris, Black Sun Press, 1931, in-12, cartonnage noir, premier plat orné d’une plaque dorée avec, en son centre, l’esquisse d’un torse féminin, second plat orné du même décor mais à froid, dos lisse orné, tranches lisses, emboîtage à dos de maroquin (cartonnage d’éditeur). Traduction anglaise du premier chapitre Monsieur Couteau, Mademoiselle Fourchette, extraite de l’ouvrage de Crevel, Babylone, publié aux éditions Simon Kra en 1927. Dans ce court extrait on retrouve les principaux thèmes chers à l’auteur : la méditation, les digressions, la mort, les personnages défiant toute vraisemblance, l’enfance… 19 photogrammes de frottage de Max Ernst réalisés dans l’atelier de Man Ray, chacun précédé d’une serpente légendée en rouge. Réalisés d’après des frottages originaux de Max Ernst, ils furent ainsi obtenus : chacun d’eux fut appliqué sur du papier photo, la face contre le papier sensible et exposé à la lumière. Les parties dessinées retiennent ainsi la lumière et apparaissent en blanc sur fond noir (Werner Spies). Le cartonnage décoré de l’édition a été réalisé par Gonon, relieur et premier éditeur de Paul Éluard, d’après une maquette conçue selon certains par Man Ray, pour d’autres elle serait de Max Ernst. L’un des 200 exemplaires sur finest bristol paper ; celui-ci présente la particularité d’avoir le frontispice signé par Ernst, état réservé au grand papier. Coiffe supérieure épidermée. Édition limitée à 255 exemplaires. A. Roth, Seminal Photographic Books of the Twentieth Century, p.66 ; W. Spies, La Révolution surréaliste, Centre Pompidou, p. 443.

28. SCHMIED (F.-L.). Peau-Brune de St-Nazaire à La Ciotat. Journal de bord de F.-L. Schmied. S.l., Société des XXX, 1931, in-4°, en ff., couverture, chemise, étui. 121 gravures sur bois en couleurs de Schmied. « Édité par le XXX de Lyon, Peau-Brune est le journal de bord de F.-L. Schmied. C’est aussi le nom de la goélette de quatre-vingt-dix tonneaux sur laquelle, yachtman, l’artiste entreprit en compagnie de Jean Dunand une croisière de Saint-Nazaire à La Ciotat. Le bateau était très beau, une tête de bélier, laquée rouge et noir par J. Dunand, en guise de proue, un aménagement étudié par Dunand également, des voiles ocre et jaune au vent, Schmied comptant faire le tour du monde aux frais d’un groupe de bibliophiles pour en rapporter les illustrations d’un prochain livre. Malheureusement des événements imprévisibles allaient contrecarrer ce projet. » Exemplaire signé par Schmied. Tirage limité à 135 exemplaires. 28


28 - schmied 29


29. ALBIN GUILLOT (L.). Micrographie décorative. Paris, chez l’Auteur, 1931, in-folio, reliure

à spirale, premier plat estampé d’un décor de feuillages et marqué du titre en grandes lettres au palladium, chemise d’éditeur cartonnée à rabats marquée du titre et du nom de l’auteur. Édition originale. Préface de Paul Léon, directeur général des Beaux-Arts. Science et art. Figure active de la photographie d’avant-garde, adhérant au mouvement de la Nouvelle Vision des années 1930, Laure Albin Guillot (1879-1962) connut un important succès pour ses clichés consacrés au monde publicitaire et à la mode. Épouse et collaboratrice d’un chercheur spécialiste en microscopie, elle conceptualisa au sein du couple une première approche entre science et art jetant ainsi les bases expérimentales d’un style moderniste. Pour ce projet très personnel survenu après la mort de son époux, Laure Albin Guillot corréla les recherches de son mari à son travail artistique dans Micrographie décorative, afin d’y révéler par l’étude scientifique un répertoire stylistique neuf et illimité. Recherchant dans les structures moléculaires ou cristallisées, les beautés géométriques des formes proposées par la nature, l’album fut très vite rapproché des travaux des designers Art déco ; et bien que Micrographie décorative eût un tirage confidentiel n’ayant jamais été mis en commerce, il acquit rapidement un statut de classique du livre photographique d’Art déco et fut exposé dès 1939 par Beaumont Newhall au MOMA de New York. 20 microphotographies de Laure Albin Guillot. Imprimées par photogravures en différentes couleurs sur papier métallique, la vue en coupe d’une racine d’orge ou encore le cliché de l’acide margarique nous permettent d’observer la beauté insoupçonnable des formes géométriques et kaléidoscopiques proposées par la nature. Exemplaire très bien conservé. Chemise d’origine rentoilée. Édition limitée à 305 exemplaires. Martin Parr and Gerry Badger, The Photobook : A History vol. 1, 2004, p. 65, p. 80 ; Michel Frizot, Nouvelle Histoire de la photographie, 1995, p. 674.

30. HUGNET (G.) & DALI (S.). Onan. Paris, Éditions surréalistes, 1934, in-4°, monotype

rose parme sur veau blanc, pièce d’ébène noir poli en angle, doublure de nubuck havane, couverture, chemise-étui à dos de box (J. de Gonet, 1996) Édition originale. Déjà remarqué par Breton pour ses articles sur Dada, Hugnet (1906-1974) entra dans le groupe en 1932 et contribua à son renouveau, avec Maurice Henry et Marcel Jean. Très dévoué à la cause, il offrit, avec Onan paru aux éditions du groupe en 1934, un livre typiquement surréaliste, tant dans la facture, le choix du papier, le frontispice que le sujet, lié au désir et à la transgression. Du nom d’un personnage biblique, le titre fait allusion à un épisode de la Genèse : fils de Jacob et frère d’Er, Onan aurait été frappé par la justice divine pour avoir refusé d’épouser la femme de son défunt frère, toujours sans enfant, comme l’y obligeait la coutume du lévirat, et avoir « laissé sa semence se perdre dans la terre ». Les traditions juive et chrétienne condamnèrent par la suite cette sexualité « égoïste » et ce refus de la conception, rattachant durablement la figure d’Onan aux thèmes de la sexualité et de la révolte, prépondérants chez les surréalistes. Passant outre l’anathème que Breton avait jeté sur Salvador Dali quelques mois plus tôt, lors d’un mémorable « procès » rue Fontaine le 5 février 1934, Georges Hugnet lui confia l’illustration de son poème. Dali grava pour l’occasion un frontispice que seuls les 77 premiers exemplaires contiennent. 30


30 - HUGNET & DALI

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Une eau-forte originale, signée, de Dali. Il s’agit d’une héliogravure entièrement reprise au burin et, pour certains traits, à la pointe sèche. Dali la baptisa « Espasmo-grafisme », eu égard à la tache de sperme qu’il avait délibérément posée au centre, et introduisait à sa manière, ouvertement provocatrice, le sujet des vers suivants, l’onanisme. Elle a été tirée sur les presses de Roger Lacourière. L’un des 25 exemplaires hors-commerce sur papier Turner géranium. Exemplaire offert par l’auteur à Nush, la jeune compagne d’Éluard : à Nush, qui habite la principauté de Paul Éluard où se regardent sans fin des miroirs brochés avec des cheveux comme les keepsakes des feux follets. Très affectueusement. Georges Hugnet. La sortie d’Onan précéda de deux mois le mariage de Nush et d’Éluard, dont le poète souligne la félicité et l’univers onirique. Proche d’Éluard, Georges Hugnet refusa de rompre avec lui après son éviction du groupe surréaliste, et s’avéra d’une aide précieuse lorsque, durant la guerre, à partir de 1942, le couple fut tracassé par des soucis matériels et de santé. Édition limitée à 277 exemplaires. G. Sebbag, Les Éditions surréalistes, 1926-1968, 31 ; R.M. Mason, Vrai Dali / fausse gravure, l’œuvre imprimé 1930-1934, Cabinet des estampes du Musée d’art et d’histoire, XIV, pp. 20-21. 31. ÉLUARD (P.) & MAN RAY. Les Mains libres. Paris, Aux Éditions Jeanne Bucher, 1937,

in-4°, broché, couverture illustrée. Édition originale. Après Facile, recueil de 1935 célébrant Nush, Les Mains libres perpétuent l’alliance Éluard-Man Ray. Leur refus tacite et complice de la tradition est annoncé dès la page de titre (Dessins illustrés par les poèmes de Paul Éluard), puisqu’ici, c’est le poète qui illustre l’artiste et non l’inverse. Outre les 54 poèmes correspondant aux paysages, personnages et portraits de son ami, Éluard écrivit une belle préface : « Le dessin de Man Ray : toujours le désir, non le besoin » pour le catalogue d’exposition Les Dessins de Man Ray à la galerie Jeanne Bucher, du 5 au 20 novembre 1937. 66 dessins de Man Ray. Tous datés de 1936, ces dessins « extravagants mais réalistes » furent mis en chantier durant l’été. Man Ray passait alors de stimulantes vacances à Mougins, au-dessus d’Antibes, avec sa maîtresse Adrienne, Paul et Nush Éluard, Picasso, Dora Maar, Roland Penrose et Lee Miller. Picasso et la photographie furent sans conteste les principales sources de son travail. Nombreux furent les dessins exécutés d’après des clichés datant d’une dizaine d’années ou de la photographie de mode, activité poursuivie en parallèle et dont il gardait en tête les poses de certains modèles. Le subconscient et les rêves fournirent, eux aussi, matière à création : « Le soir, avant de m’endormir, si j’ai une idée, je fais le dessin tout de suite. Et le matin, quand je me réveille, si j’ai fait un rêve, je le dessine tout de suite. Beaucoup de dessins des Mains libres sont des dessins de rêve. » Exemplaire sur Chester Vergé. Conservé dans son état d’origine, l’exemplaire est en parfaite condition. Édition limitée à 675 exemplaires. Éluard, Œuvres complètes, I, La Pléiade, 555, 1505 ; M. Foresta, F. Naumann..., Man Ray, Gallimard, 225-226, 261, 264-265, 284 ; N. Lehni & C. Derouet, Jeanne Bucher, Une galerie d’avant-garde, p. 112, n° XIX. 32


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32. BARDÈCHE (M.) - BRASILLACH (R.). Histoire du cinéma. Paris, Les Éditions Denoël

et Steele, 1935, in-8°, broché, couverture. Édition originale. Parue en 1935, cette historiographie fut parmi les premières du genre. « Savante compilation », elle est aussi le journal d’impressions de deux intellectuels enchantés par la naissance d’un mode d’expression majeur : « Nous avons vu naître un art, rappelle Brasillach en guise d’avertissement. Nous sommes dans la situations des Grecs légendaires, habitants des villages perdus d’Attique et de Bertie, qui virent s’arrêter un jour... un chariot, et qui, le soir ou le lendemain matin, assistèrent à la première représentation théâtrale donnée dans la monde. » Bien des histoires du cinéma se sont succédé depuis, sans éclipser la valeur de témoignage de cette première entreprise, intéressante en raison de ses erreurs mêmes, de « ses préférences étranges » et de ses « jugements en apparence contradictoires ». Un des 25 premiers exemplaires sur vélin pur fil Lafuma. Exemplaire conservé dans une chemise-étui de Thérèse Treille, non signée.

33. PAALEN (A.) & MIRÓ (J.). Sablier couché. Paris, Éditions Sagesse, 1938, in-8°, broché,

couverture. Édition originale. Épouse de Wolfgang, Alice Paalen (1916-1987) publia trois recueils de poèmes surréalistes. Sablier couché fut édité deux ans après sa rupture avec Picasso. Suite à cette période d’écriture poétique, elle s’orienta à partir de 1939 vers la peinture, associant son activité artistique à celle de son époux. Une eau-forte, en frontispice, signée et justifiée au crayon par l’artiste. Imprimée en rouge sur papier découpé jaune contrecollé sur vergé d’Arches, il s’agit de la première gravure en couleurs produite par Joan Miró (1893-1983) pour un livre. Elle est justifiée ici 43/75. Édition limitée à 75 exemplaires (n° 69), tous sur vergé d’Arches et signés par l’auteur. Patrick Cramer, Joan Miro-Les livres illustrés, n° 5 ; Whitney Chadwick, Les Femmes dans le mouvement surréaliste, pp. 242-243.

34. HUGNET (G.) & BELLMER (H.). Œillades ciselées en branche. Paris, Jeanne Bucher,

1939, in-12, broché, couverture rose recouverte d’une dentelle de papier blanc. Édition originale. Recueil de poèmes dédiés à Germaine Hugnet et à Margaret Bellmer. L’ouvrage, réalisé selon la technique de l’héliogravure coloriée à la main en plusieurs passages, reproduit avec fidélité les poèmes calligraphiés du Parisien et les dessins de Bellmer, qui a su jouer avec les espaces laissés libres par le texte. 25 compositions en couleurs de Hans Bellmer, sur le thème des métamorphoses du corps. Le trait de Bellmer n’est pas sans rappeler celui de Beardsley. L’un des 200 exemplaires sur Rives, numérotés à la main. Édition limitée à 231 exemplaires. P. Dourthes, Bellmer, le principe de perversion, pp. 88.97 ; C. Derouet-N. Lehri, Jeanne Bucher, Une galerie d’avant-garde, p. 114, XXIII (« Couverture rose avec papier de boîte à dragées ») ; W. Spies, La Révolution surréaliste, p. 444. 34


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35. TOYEN (M.). Strelnice. Cyklus dvanacti kreseb. Praha, Fr. Borovy. 1939-1940, in-folio

oblong, cartonnage d’éditeur illustré. Édition originale préfacée par Karel Teige. Poèmes de Jindrich Heisler. 12 superbes illustrations à pleine page de Toyen appartenant au cycle des dessins évoquant les horreurs apocalyptiques de la Seconde Guerre mondiale, projetées dans un monde de choses abandonnées, de cages vides et d’animaux mutilés. Exemplaire d’auteur offert à Paul Éluard, portant un envoi autographe de Toyen (1902-1980) :

Toyen, abréviation de « citoyen », fut l’un des piliers du surréalisme tchèque, fondé en 1934, avec Vitezlav Nezval, Karel Teige et Jindrich Styrsky. En 1947, elle s’installa définitivement à Paris, devenant un membre du groupe à part entière. Lors du séjour de Breton et d’Éluard en Tchécoslovaquie en 1930, elle fit office de guide. Elle connaissait les derniers vers du poète, Mourir de ne pas mourir et L’Univers Solitude, parus dans des revues tchèques. Visiblement ravie de leur présence, elle offrit à Éluard une grande toile, sans parler « des soirées arrosées dans les tavernes, des promenades touristiques » et autres divertissements, qui vinrent agréablement ponctuer la tâche de conférencier des deux surréalistes. Tirage annoncé à 200 exemplaires. Provenance : Paul Éluard (1895-1952). 36. MICHAUX (H.). Arbres des tropiques. Paris, Gallimard, 1942, in-12, broché, couverture

illustrée. Édition originale. L’un des livres les plus atypiques de l’auteur. Conçu au cours d’un voyage au Brésil (juillet 1939-janvier 1940) qu’effectua Henri Michaux (1899-1984) pour fuir les conflits déchirant l’Europe, le livre au sujet insolite s’ouvre sur un texte-préface ; un poème métaphorique qui ne fera l’objet d’aucune réédition, accompagné d’un ensemble de dessins d’arbres exotiques découverts lors du périple. Le côté décalé de l’ouvrage permet à l’auteur, comme il n’eut de cesse dans son œuvre, de revendiquer la primauté poétique aux agitations et considérations humaines. Typographe averti amateur du livre-objet, Henri Michaux souhaitait pour sa publication une impression rapide et de qualité, et ce malgré les difficultés d’approvisionnement rencontrées durant la guerre. Cet empressement, bien que coutumier chez Michaux, fut à l’origine d’un combat féroce avec ses éditeurs, l’amenant à se brouiller avec son ami Jean Ballard des Cahiers du Sud, pour obtenir au bout du compte, au terme de longues et fastidieuses négociations, la publication chez Gallimard. 18 dessins d’Henri Michaux. Reproduits au trait, ces curieux végétaux aux formes extravagantes sont ici traités dans un langage poétique et littéraire qui préfigure de façon allégorique la nature intrinsèque de l’homme : son éternelle instabilité. Par la peinture et le dessin, Henri Michaux chercha à exprimer autrement que par des mots ses recherches sur l’être, son dessin apparaissant comme une autre forme d’écriture. 36


35 - TOYEN

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Exemplaire offert à Nina Dausset par Michaux, enrichi d’un dessin à l’encre de Chine et d’un envoi autographe : Pour Nina Dausset Henri Michaux Animatrice de la galerie d’avant-garde La Dragonne, elle exposa une série de gouaches de Michaux en 1953. Édition limitée à 350 exemplaires tous sur héliona des papeteries Navarre. Provenance : Nina Dausset. Bibliothèque nationale de France, Henri Michaux - Peindre, composer, écrire, 1999, p. 238 ; Pléiade, Michaux, Œuvres complètes, T. I, pp. 1311-1314 ; Jean-Pierre Martin, Henri Michaux, 2003, pp. 362-366.

37. TAPIÉ (M.) & DUBUFFET (J.). Mirobolus Macadam & Cie. Hautes pâtes de Jean Dubuffet

par Michel Tapié. Paris, René Drouin, 1946, gr. in-4°, broché, non rogné, couverture imprimée rempliée. Monographie de Michel Tapié. Parfait exemple de la manière dont un artiste peut orchestrer l’exposition qui lui est consacrée. Cette monographie outrepasse en effet sa fonction de catalogue d’exposition pour devenir une œuvre à part entière. Entièrement supervisée par Dubuffet (1901-1985), elle fut publiée à l’occasion de son exposition à la galerie Drouin, du 3 mai au 1er juin 1946. Mélangeant sans retenue mastic, sable, gravier, goudron, vernis, plâtre, charbon, ficelles et verre, l’artiste avait, avec Archétypes, inauguré une nouvelle manière de peindre, qu’il déclina, de mai 1945 au 1er juin 1946, en une série de figures, soixante-quinze au total. La partie sélectionnée pour le public fut baptisée Hautes Pâtes, titre ironique évoquant à la fois la gastronomie et la « mélasse » qui les composait. S’attelant au catalogue de l’exposition, Dubuffet en confia le texte à Tapié, la mise en pages à Olga Drouin et les relectures à Paulhan, ce qui ne l’empêcha pas de veiller diligemment aux moindres détails et d’embellir le tout par une lithographie réalisée à cette occasion, Suite de visages bronzés, qui annonce l’intérêt nouveau du peintre pour les matières minérales. Il la plaça en tête du texte, des 32 reproductions photographiques des œuvres et des indications qu’il avait rédigées. Une autre variante de cette planche deviendra l’affiche de l’exposition. Peut-être parce qu’il anticipait le scandale que provoquerait sa peinture, l’artiste joignit au catalogue une brochure de son cru du même titre, Mirobolus Macadam & Cie, sorte de duplicata ou version abrégée du premier, comprenant un texte-manifeste, « L’auteur répond à quelques objections », daté du 23 mars 1946, et une nomenclature des œuvres. Alors que prédominait l’abstraction en France, les critiques et le public furent choqués par la facture des tableaux et le caractère truculent, grossier, empâté des personnages. Les plus indulgents voulurent voir en Dubuffet un farceur sans talent sérieux, tandis que la critique américaine fut des plus élogieuses. L’un des 30 premiers exemplaires sur papier vélin d’Arches à la forme, les seuls à contenir la lithographie en trois couleurs Suite de visages bronzés tirée sur Rives, signés par l’auteur, le peintre, l’imprimeur et l’éditeur. Dans ce format, le tirage de cette planche est aujourd’hui connu à 32 exemplaires. Petits défauts à la couverture. S. Webel, Jean Dubuffet, Catalogue raisonné de l’œuvre gravé, I, p. 48 ; Dubuffet, Centre Pompidou, pp. 361-363 ; Jean Dubuffet, Prospectus et tous écrits suivants, II, pp. 63-66 . 38


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38. ARTAUD (A.) & PICHETTE (H.). Xylophonie contre la grande presse et son petit public. S. l., s. é., 1946, in-8°, broché, couverture imprimée. Édition originale. Ce mince recueil comprend un écrit d’Antonin Artaud, Histoire entre la Groume et Dieu, et le premier texte publié d’Henri Pichette (1924-2000), Apoème. L’ensemble de ses Apoèmes fut publié par Gallimard l’année suivante. Les deux poèmes furent sans doute rédigés à la fin de la guerre ; celui d’Artaud reflète sa brusque aversion, à partir d’avril 1945, pour toute forme de religion. Elle succède à un délire mystique particulièrement inquiétant, les premiers mois de son internement à l’hôpital de Rodez. Façonnant la mise en pages, le poète joue sur la typographie et les espaces. Des groupes de syllabes inventés, proches du cri ou de l’incantation, n’en ressortent que mieux. Pour Henri Pichette, le patronage d’Artaud, célèbre dans le théâtre et les lettres, aboutit à la publication par Gallimard en 1947 de ces Apoèmes. Exemplaire chiffré VII. 39. HUGNET (G.) & BEAUDIN (A.). Oiseaux ne copiez personne. Paris, s. é., 1946, in-4°,

broché, couverture rempliée. Édition originale. Recueil constitué de 15 poèmes répondant tous à une forme fixe, deux quatrains à la rime embrassée, ils ont également pour point commun de tourner autour du thème de l’oiseau. Georges Hugnet (1906-1974), éditeur. Fondateur des Éditions de la Montagne, directeur de la revue littéraire L’Usage de la parole, rejoignant les publications de La Main à la plume sous l’Occupation, ses activités d’éditeur, bien que peu connues, furent importantes dans la vie du poète. Pour Oiseaux ne copiez personne, aucun éditeur n’est mentionné ; il s’agirait d’une édition à compte d’auteur qui fut imprimée « pour les amis de l’auteur et du graveur » comme le précise l’achevé d’imprimer. 6 eaux-fortes originales hors-texte d’André Beaudin (1895-1979). Peintre appartenant à l’École de Paris exposant aux principales manifestations du mouvement, soutenu et apprécié par Daniel-Henry Kahnweiler (1884-1979) ; ses représentations d’oiseaux s’inscrivent dans la veine cubiste. Exemplaire offert par Georges Hugnet et André Beaudin au collectionneur André Lefèvre (1893-1963) : à André Lefèvre parce que la poésie dirige son goût et lui donne du prix amicalement Georges Hugnet 16 juillet 46. à André Lefèvre parce que André Lefèvre André Beaudin nos mains liés 22-7-46. Enrichi d’un dessin original d’André Beaudin, exécuté au crayon de couleur sur la double page du faux-titre, il reprend le thème et le style développés dans les eaux-fortes. Un des 12 exemplaires sur papier à la main, signé par l’auteur et l’artiste, avec une suite des gravures en sanguine dans leur état définitif, sur vélin Johannot. 40


39 - HUGNET & BEAUDIN

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Tirage limité à 114 exemplaires. Provenance : André Lefèvre (Cat. II, 1965, n° 311, avec reproduction sur double page). Richard L. Admussen, Les Petites Revues littéraires 1914-1939, 1970, n° 228 ; A. Biro, R. Passeron, Dictionnaire général du surréalisme, 1982, p. 210.

40. MICHAUX (H.). Labyrinthes. Paris, Robert J. Godet, 1944, in-4°, broché, couverture à

rabats, chemise d’éditeur de papier chiffon mauve. Édition originale. La guerre vue par Henri Michaux. Face au conflit, il tenta par ce recueil d’extérioriser sa douleur en une poésie à la surenchère émotive, moyen d’exorciser sa souffrance plutôt que de la raconter, rendant acceptable la pratique de la poésie dans un tel moment. Dans la préface d’Épreuves, exorcismes (1945), recueil constitué de huit des onze textes de Labyrinthes accompagnés de deux autres publications : Exorcismes (1943) et Le Lobe des monstres (1944), Henri Michaux (1899-1984) exprima ses intentions concernant la rédaction des poèmes estimant que « leur seul raison d’être » était de « tenir en échec les puissances environnantes du monde hostiles ». Entre questionnement et interrogation, il chercha des éléments de réponse aux causes qui ont amené et amèneront les hommes à ce genre d’atrocités. 14 dessins tirés en vert d’Henri Michaux. Visages en parties effacés, têtes dénuées d’yeux, corps filiformes et fragiles, ces représentations humaines sont autant de témoignages de la souffrance éprouvée par l’auteur. L’un des 7 premiers exemplaires sur madagascar, comportant : -  un manuscrit reprenant le début du texte La Salle de délibération. -  une aquarelle (230 x 170 mm) signée au verso, titrée Le Maître de Ho, personnage tiré du poème Labyrinthe. -  une suite des illustrations. Tirage limité à 377 exemplaires. Bibliothèque nationale de France, Henri Michaux - Peindre, composer, écrire, 1999, pp. 83-84 ; Pléiade, Michaux, Œuvres complètes, T. I, pp. 773-774, pp. 1345-1347 ; Jean-Pierre Martin, Henri Michaux, 2003, p. 386.

41. ÉLUARD (P.) - MAN RAY & DORA MAAR. Le temps déborde. Paris, Éditions Cahiers d’art, 1947, in-4°, broché, couverture à rabats. Édition originale. Poignant hommage écrit après la mort de Nusch, l’égérie du poète. Ces 14 poèmes furent publiés sous le nom de Didier Desroches, pseudonyme utilisé par Paul Éluard (1895-1952) afin d’ « échapper aux formes d’écriture qui lui sont personnelles ». Le recueil structuré en deux parties se compose d’un premier ensemble de poésies écrites avant la mort de Nusch (1906-1946) où l’amour et la tendresse d’Éluard s’expriment avec lyrisme ; la seconde partie est constituée de poèmes produits en réaction à l’événement malheureux, lesquels manifestent la détresse immense du poète : « J’étais si près de toi que j’ai froid près des autres. » Deux poèmes du recueil furent pré-publiés dans la revue argentine Sur et dans Les Lettres françaises. Destiné à un cercle intime, ce livre souvenir marqua une rupture dans la vie de l’homme et de l’auteur, le poète résistant et engagé porteur de bonheur et d’espoir n’exprimant plus que sa solitude 42


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et la négation de son existence. Le soutien du couple Trutat, auquel le recueil est dédié, lui permit de reprendre goût à la vie comme en témoignent ses futurs Poèmes politiques, retraçant ce cheminement qui le mena du déchirement à l’espoir retrouvé. 10 photographies de Man Ray et Dora Maar. Les dix clichés, portraits multiples de Nusch, dévoilent la beauté séduisante de ce visage aux traits mimétiques qui inspira les artistes du surréalisme. Recueil intime, son illustration ne pouvait être confiée qu’à ses plus fidèles amis, dont Man Ray (1890-1976) avec lequel Paul Éluard s’était déjà associé pour célébrer Nusch dans Facile, recueil de 1935, et Dora Maar (1907-1997), amante et muse de Picasso, présentée en 1935 par l’entremise du poète. Après sa rupture avec le peintre, Dora Maar traversa une période douloureuse qu’Éluard s’efforça d’atténuer, prévenance ne laissant pas indifférente la photographe qui l’aida à son tour en œuvrant à cette parution. Exemplaire numéroté, sur papier couché, très bien conservé. Tirage limité à 500 exemplaires numérotés, dont quelques exemplaires sur japon. Pléiade, Œuvres complètes, T. II, pp. 1059-1063, p. 1345 ; Pléiade, Album Éluard, pp. 268-271 ; J.-C. Gateau, Paul Éluard ou Le frère voyant, 1988, pp. 309-313. 42. MICHAUX (H.). Nous deux encore. Paris, Lambert & Cie, 1948, in-16, broché, couverture

à rabats. Édition originale. Le texte le plus bouleversant d’Henri Michaux (1899-1984). Écrit peu de temps après la mort tragique de sa femme Marie-Louise, le texte témoigne de cette profonde souffrance ressentie par l’auteur après cette disparition survenue à la fin du mois de février 1948. Entre sensation de l’irréversible et sentiment de culpabilité Henri Michaux exposa les difficultés rencontrées à la perte d’un être cher ; « Lou, je parle une langue morte, maintenant que je ne te parle plus. » D’un tirage confidentiel, le recueil fut publié par son ami intime Jacques-Olivier Fourcade, l’éditeur de Mes propriétés et il ne connut aucune réédition du vivant de l’auteur, Henri Michaux ne souhaitant pas en autoriser une nouvelle publication. Tirage unique à 750 exemplaires dont 100 hors-commerce, sur vélin du Marais. Michaux, Œuvres complètes, vol. II, La Pléiade, pp. 1094-1097 ; Jean-Pierre Martin, Henri Michaux, 2003, pp. 456-458 ; Pascal de Sadeleer, Moureau, I, n° 459 (« Michaux fit arrêter la diffusion et retirer les ex. en librairie »).

43. DUBUFFET (J.). Ler dla canpane. Paris, L’Art Brut, 1948, in-12, agrafes, couverture. Ler dla canpane apparaît comme le premier véritable livre de Dubuffet, si l’on excepte les livres de Pierre Seghers, Paul Éluard et André Frénaud, lesquels sont seulement accompagnés d’une ou deux lithographies extraites de l’album Matière et Mémoire. Le texte, dont l’orthographe phonétique est propre au peintre, est reproduit au stencil sur papier journal. Six gravures sur fond de boîte de camembert ou sur linoléum tirées en noir, l’accompagnent. La publication d’un tel livre marque une rupture dans l’édition, quelque peu traditionnelle, des livres illustrés de cette époque. C’est l’un des premiers livres de l’Art brut. Bien que le tirage soit non annoncé, il serait de 165 exemplaires, tous sur papier journal. La fragile couverture est ici bien conservée. Noël Arnaud, Jean Dubuffet : gravures et lithographies, n° 96-105 ; Jean Dubuffet, Prospectus et tous écrits suivants, I, pp. 475-478 ; Antoine Coron, 50 livres illustrés depuis 1947, n° 6 ; Castleman, A Century of artists books, p. 46. 44


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44. KOVATCHITCH (I.G.) & PICASSO (P.). La Fosse commune. Paris, La Bibliothèque française, [1948], in-4°, broché, couverture. Traduction du serbo-croate par K. Stoyanovitch et S. Béraud. La Fosse commune, le plus violent réquisitoire contre les atrocités oustachies commises sur des Serbes. Élève du poète Vladimir Nazar, Ivan Goran Kavatchitch (1913-1943) s’enfuit de Zagreb en janvier 1943 pour rejoindre l’armée des partisans de Tito. Devenu combattant, il n’en resta pas moins poète, et composa, après avoir noté dans les moindres détails le récit d’un jeune homme jeté dans une fosse commune dans laquelle les Oustachi précipitaient leurs victimes, un poème en dix chants publié sous le titre La Fosse commune, pour lequel Paul Éluard écrivit Le Tombeau de Goran Kovatchitch. Ce dernier trouva la mort en 1943. La Fosse commune est précédé du texte de la conférence prononcée le 12 février 1945 au Théâtre National de Belgrade lors de la commémoration des écrivains yougoslaves tombés au cours de la lutte libératrice, et de l’article de Marko Ristitch paru en serbe dans la quotidien Politika, dans les numéros des 6, 7 et 8 janvier 1945, sous le titre « L’œuvre et la mort d’Ivan Goran Kovatchitch ». Ami de Breton, Ristitch (ou Ristic) fut le principal théoricien des surréalistes serbes. En 1945, il a été le premier ambassadeur de la nouvelle Yougoslavie en France. Une gravure au burin de Picasso signée par l’artiste. Figurant deux personnages dans une scène de combat, elle est atypique dans la production graphique du Catalan. Couverture fanée. Rousseurs éparses. Édition limitée à 110 exemplaires, tous sur vélin d’Arches. Cramer, n° 49 ; Bloch, n° 461. 45. PRINNER (A.). Le Livre des morts des anciens Égyptiens. Paris, R. J. Godet, 1948, in-folio,

en ff., couverture rempliée. Selon la tradition, Le Livre des morts accueillerait l’ensemble des formules magiques du dieu Thot pour accompagner le défunt dans son voyage dans l’au-delà. Le texte fut établi d’après la traduction de Perrin d’un manuscrit de la XVIIIe dynastie conservé au Museo Egizio de Turin. C’est sans difficulté que Robert Jean Godet, éditeur de livres illustrés, mais aussi aventurier-voyageur, judoka et grand initiateur en France du bouddhisme et de l’hindouisme, convainquit Prinner de s’atteler à une nouvelle édition de ce livre ésotérique, qui parut en 1948. Un livre entièrement gravé, texte et images, par Anton Prinner (1902-1983). Réalisées dans l’atelier de Georges Leblanc, ces 67 gravures en taille-douce sont d’une qualité exceptionnelle. Pierre Loeb les exposa dans sa galerie en novembre 1948, avec les bas-reliefs, en pierre et en marbre, de l’artiste. Il s’agit là d’une œuvre majeure, où s’exprime pleinement le goût de Prinner pour l’égyptologie, l’occulte et les sciences secrètes ; ici, sept femmes levant les bras devant un cercueil forment le signe de l’Oméga, symbole de la fin de toute chose ; là, un cercle de crocodiles se mordant la queue renvoie à la figure de l’Ourobos, symbole de l’infini... Exemplaires sur Rives royal à la main, dont les 34 illustrations ont été ici justifiées (141/200) et signées par Prinner. La justification porte les deux signatures requises, celle de Godet est de la main de Prinner. Exemplaire conservé dans une boîte à rabats de maroquin de Devauchelle. Édition limitée à 218 exemplaires, tous signés par l’artiste et l’éditeur. Anton Prinner, Panamusées, Cahiers de l’Abbaye de Sainte-Croix, n° 107, pp. 25-42. 46


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46. [..]. Poésie de mots inconnus. Paris, Le Degré 41, [1949], in-4° de 29 ff. répartis en cinq chemises portant imprimés les noms des collaborateurs représentés à l’intérieur de chacune, le tout contenu dans cinq feuillets doubles formant chemise, eux-mêmes placés dans une couverture de parchemin illustrée [par Ribemont-Dessaignes] avec la mise en garde Ne coupez pas mes pages, couverture de parchemin, enveloppe de même matière. Poésie de mots inconnus, l’un des plus célèbres recueils d’Iliazd, auquel ont participé plus de quarante poètes et artistes, rassemble, outre quelques inédits, une majorité de textes parus de 1910 à 1948. Ils sont l’œuvre de l’avant-garde russe, des principales figures du mouvement Dada, français ou allemand, et d’autres amitiés du Montparnasse des années 1920. Se présentant sous forme de feuillets libres, répartis en cinq chemises, le livre témoigne d’une grande invention typographique. Iliazd publia cette anthologie de la poésie phonétique authentique en réponse à l’ouvrage d’Isidore Isou, Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, manifeste pour une nouvelle forme de poésie. Textes d’Akinsemoyin, Albert-Birot, Arp, Artaud, Audiberti, Ball, Beaudin, Bryen, Dermée, Hausmann, Huidobro, Iliazd, Jolas, Khlebnikov, Krutchonykh, Picasso, Poplavsky, Schwitters, Seuphor, Terentiev, Tzara, ornés par Arp, Braque, Bryen, Chagall, Dominguez, Férat, Giacometti, Gleizes, Hausmann, Laurens, Léger, Magnelli, Masson, Matisse, Metzinger, Miro, Picasso, Ribemont-Dessaignes, Survage, Taeuber-Arp, Tytgat, Villon, Wols. 25 gravures originales in-texte dont 6 bois en noir et en couleurs, 6 eaux-fortes, 2 burins, 3 pointes-sèches, 5 lithographies dont 3 en couleurs, 2 aquatintes et une linogravure en une couleur, et une affiche typographique de Raoul Hausmann. L’un des très rares exemplaires non pliés ; celui-ci est du tirage à 157 sur papier Isle-de-France à la cuve. Édition limitée à 171 exemplaires numérotés et signés par l’éditeur. The Artist and the Book, n° 305 ; Iliazd, Centre Georges Pompidou, 1978, p. 113 ; Cramer, Picasso, Livres illustrés, n° 54 ; 50 livres illustrés depuis 1947, Bibliothèque nationale, n° 7.

47. BRETON (A.) & KOPAC (S.). Au regard des divinités. [Paris, Messages, 1949], 6 ff., in-12 oblong plié, broché, couverture cartonnée noire imprimée, rabats intérieurs de papier bleu illustrés. Édition originale. Illustration de l’artiste croate Slavko Kopac (1913-1993). Après des études aux Beaux-Arts de Zagreb, il enseigna le dessin. En 1943 il émigra pour Florence, puis en 1948 à Paris où il rencontra Jean Dubuffet. En même temps qu’il développa son œuvre personnelle, peinture, sculpture, collage, poésie, illustration..., il devint conservateur des collections de l’Art brut au Foyer de l’Art brut puis à la Compagnie de l’Art brut, avant de superviser le transfert du fonds à New York en 1951, puis à Lausanne en 1976. Au regard des divinités comme Tir à cible s’inscrit dans le mouvement initié par Jean Dubuffet, l’Art brut. Au dos du volume, figure sur un papillon de papier contre-collé le numéro de l’exemplaire. Tirage unique à 100 exemplaires, tous signés par Breton et Kopac. 48. KOPAC (S.). Le soleil se couche au pays des éléphants. Paris, s. é., 1951, plaquette en

accordéon, in-16 oblong, sous enveloppe illustrée. Édition originale, rare. Troisième livre-objet conçu par Kopac. Gravures tirées sur fines lamelles de bois, reliées entre elles par des ficelles. Tirage limité à 100 exemplaires numérotés et signés par l’artiste. Oterelo, André Breton, 42 rue Fontaine, n° 741 (« Un petit nombre seulement a été fabriqué »). 48


48 - KOPAC

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49. MICHAUX (H.). Poésie pour pouvoir. Paris, René Drouin, 1949, in-folio, couverture, chemise à charnières en bois rouge de Padouk, premier plat clouté (60 clous). Édition originale. Publié en février 1949 par son ami, le marchand-éditeur d’art René Drouin (1905-1979), le livre Poésie pour pouvoir fit l’objet d’une petite exposition. Régulièrement, de 1948 à 1956, le galeriste mettra en avant le caractère plastique de l’œuvre de Michaux, qui accompagne ici son texte d’un frontispice en noir et bleu pâle tiré en offset. Constitué de deux poèmes, « Je rame » et « À travers mers et désert » (auxquels Michaux ajoutera quelques mois plus tard, « Agir, je viens »), la genèse de Poésie pour pouvoir n’est pas complètement élucidée à ce jour. Selon Michel Tapié, ils auraient fait partie d’un important recueil de textes potentiellement efficaces, anéanti par l’auteur à l’exception de quelques pièces, et probablement écrit lors de son voyage en Égypte, entre janvier et avril 1947, avec sa femme convalescente. Deux textes ultérieurs, Notes sur les malédictions (1950) et Pouvoirs (1959), précisent le sujet de ces deux « poèmes attaques », créés à un moment où, impuissant face à la grave rechute de Marie-Louise, Michaux ressent le besoin d’écrire une poésie qui agisse, qui fasse effet. Conçus comme une sorte d’exorcisme, « Je rame » et « À travers mers et désert » relèvent d’une magie particulière, celle « de la malédiction » : « Grâce au rythme, écrira plus tard Michaux, le mouvement enlève le plus grave de la matière ; son poids, sa résistance. Vitesse, soulagement du mal, du bas, du lourd. Sorte d’anti-matière, idéal au premier degré. » Enthousiaste, Tapié prit l’initiative du livre, qui traduit, notamment par l’idée des soixante têtes de clous enfoncées dans la reliure en bois, toute la pugnacité et l’énergie agressive de ces textes incantatoires. Ils furent également mis en musique par Pierre Boulez le 19 octobre 1958, à Donaueschingen, en Allemagne, de manière à la fois orchestrale et électroacoustique. Illustration en linogravure et mise en pages de Michel Tapié (1909-1987). Jazzman et critique d’art, il est à l’origine de l’appellation « art informel », à laquelle il commença à réfléchir dès l’après-guerre, en fréquentant notamment la galerie Drouin et ses artistes. La lecture des poèmes de Michaux lui donna la « furieuse envie d’en faire une édition ». Tout l’enjeu fut d’imaginer un livre-objet capable de redoubler la force qui émanait des vers du poète. Les difficultés prodigieuses auxquelles lui et le galeriste René Drouin se heurtèrent alimentèrent le mythe d’un livre magique, que Tapié entretint soigneusement. L’ouvrage fut monté dans l’atelier-garage des Drouin, la fabrication de la reliure cloutée mobilisa toute la famille, son fils, Jean-Claude, coupant les clous à l’aide d’une pince, tandis que René et sa femme agençaient les différentes parties du livre. Exemplaire de Michel Tapié, enrichi d’un envoi de l’auteur : Exemplaire de Michel Tapié, en secret mon complice Henri Michaux Pudique et profond hommage à un collaborateur sans lequel cette œuvre n’aurait jamais vu le jour. Très proche de l’avant-garde artistique parisienne, Tapié se rapprocha de Michaux lorsque celui-ci, après la mort de Marie-Louise le 19 février 1948, se jeta à corps perdu dans l’aquarelle. De cette pratique convulsive, à laquelle le critique d’art assista environ deux mois quasiment jour pour jour, naquit un ensemble de 300 dessins, exposés à la galerie Drouin en avril de la même année et préfacé par Tapié qui intitula le catalogue Au pays de Michaux. L’un des rares exemplaires avec la chemise en bois rouge de Padouk, ou, comme le dit Tapié, en « bois de corail », clouté, sur fond linogravé reprenant les motifs de la couverture, avec, en plus, le nom de l’auteur. Il est de la première émission et complèterait la liste de Pascal de Saddeler, portant le nombre de ces exemplaires à 7. Non numéroté, il est signé par Michaux et Tapié. Édition limitée à 46 exemplaires. Henri Michaux, Peindre, composer, écrire, p. 93 ; Henri Michaux, Œuvres complètes, T. II, pp. 1210 et 1222-1228 ; J.-P. Martin, Henri Michaux, Biographie NRF Gallimard, pp. 445-446 ; Dubuffet-Paulhan, Correspondance 1944-1968, 197. 50


49 - MICHAUX

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50. GOLL (Y.) - PICASSO (P.) . Élégie d’Ihpétonga suivie de Masques de cendre. Paris,

Éditions Hémisphères, 1949, in-4°, en ff., couverture, chemise, emboîtage. Édition originale. Fuyant les persécutions nazies en 1939, le poète Yvan Goll et sa femme embarquèrent pour les États-Unis où ils restèrent jusqu’en 1947. Après plusieurs mois passés dans l’attente d’un permis de séjour en tant qu’émigrés, ils s’installèrent à New York, dans un coin de Brooklyn, Columbia Heights, que les Indiens Canarsie avaient nommé Ihpétonga, littéralement « haute falaise ». En baptisant ainsi son poème, Yvan Goll rendit hommage à son lieu d’inspiration et aux Indiens d’Amérique, dont il avait dès 1922 intégré les poèmes dans son anthologie de la poésie mondiale, Les Cinq Continents. Peu d’artistes firent ainsi le lien entre la vie trépidante new-yorkaise et la culture chamanique qui l’avait précédée, l’âge moderne industriel et ses racines. Yvan Goll confère à la ville une dimension mythique et primordiale qui reflète toute sa fascination mais d’une manière très différente de celle d’un Fernand Léger ou des surréalistes. À son retour à Paris, il fit paraître le poème à ses frais, auquel il joignit Masques de cendre, suite dédiée à sa femme, où se sachant atteint de leucémie depuis 1945, il exprime sa peur de la mort et de la souffrance. Le livre sortit à l’enseigne d’Hémisphères, du nom de la petite maison d’édition et de la revue qu’il anima aux États-Unis, et qui publia indifféremment écrivains et poètes français et allemands et jeunes poètes américains. Soucieux d’assurer la cohérence de son œuvre, Yvan Goll rattacha son poème à un plus vaste ensemble lié à son séjour américain, La Trilogie de la pierre, et qui comprenait, outre Élégie d’Ihpétonga, Le Char triomphal de l’antimoine, illustré par Victor Brauner, et Le Mythe de la roche percée, récit fantastique né d’une curiosité géologique entr’aperçue au Canada et point de départ du triptyque. Seule et unique illustration donnée par Picasso au poète européen Yvan Goll. Elle est composée d’une suite de quatre lithographies, dites Les quatre visages du diable. Picasso les réalisa à Metz en 1948 et les offrit à l’auteur. Sans doute leur commune admiration pour les cultures indigènes et primitives explique-t-elle la parfaite concordance entre le texte et l’image. L’un des 20 premiers exemplaires sur vélin d’Arches pur chiffon à la forme, comportant une suite à part des 4 lithographies sur japon ancien à la forme. Édition limitée à 220 exemplaires, tous numérotés. Cramer, P. Picasso, Les livres illustrés, n° 53 ; Bloch, I, 605 à 608, p. 146 ; Yvan Goll, Poète européen des Cinq Continents, pp. 33, 35, 55, 58, 86. 51. FOURRÉ (M.). La nuit du Rose-Hôtel. Paris, Gallimard, 1950, in-12, revorim originale,

premier plat avec pièce de veau gaufré et étiquette de titre en demi-lune, dos de veau gris métal, doublure de nubuck, couverture, non rogné, chemise, étui (Antonio P. N. Jean de Gonet, 1987). Édition originale. Préface d’André Breton. Premier roman écrit par Michel Fourré (1986-1959) à soixante-quatorze ans, l’ouvrage inaugura la collection Révélation dirigée par André Breton et fut son unique titre. Hôtel de passe, sa tenancière Mme Rose organise chaque soir des représentations mettant en scène les rêves de ses habitués. L’ouvrage eut un accueil attentif dès sa publication auprès des surréalistes, fascinés par l’originalité de son écriture et du bouleversement stylistique qu’il apporta, le texte changeant constamment et de façon inattendue, de tons et de genres. L’un des 55 exemplaires sur vélin pur fil Navarre. 52


51- FOURRÉ

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52. PAULHAN (J.) & DUBUFFET (J.). La Métromanie ou les dessous de la capitale. Paris, E. et J. Desjoberts, 1949, in-8°, cartonnage en toile bleue, sur le premier plat titre de l’ouvrage en lettres dorées, dos lisse, non rogné (Cartonnage d’éditeur). Édition originale. Le texte et les 59 illustrations de Dubuffet (1901-1985) ont été tracés au roseau taillé à l’encre lithographique sur du papier report, puis reportés sur pierre. De septembre à décembre 1949, Dubuffet réalisa des dessins sur le thème du métro pour accompagner le texte de Paulhan (1884-1968), La Métromanie ou les dessous de la capitale, inspiré des gouaches réalisées par le peintre en 1943. Envoûté par l’atmosphère du métro parisien, il élabora cette série d’illustrations avec un regard différent et neuf : « Je travaille assidûment à calligraphier entièrement et orner le texte de Jean Paulhan sur le métro... Ces dessins m’intéressent beaucoup et je les fais avec grand entrain... Je rôde souvent dans le métro avec grand enchantement. Quel lieu étrange. » (Lettre à J. Berne, 6 nov. [1949]. Notes P II, p. 434). Le livre sera présenté à la galerie Nina Dausset, du 4 au 24 février 1950. Exemplaire en belle édition conservée dans une boîte à dos de buffle d’Alain Devauchelle. L’un des 125 exemplaires sur papier de chiffon gris souris. Édition limitée à 150 exemplaires. Provenance : collection lyonnaise. Webel, L’Œuvre gravé et les livres illustrés par Jean Dubuffet, I, 64 à 76. 53. GUILLEVIC (E.) & DUBUFFET (J.). Les Murs. Paris, Les Éditions du Livre, 1950,

in-folio, en ff., couverture, chemise, étui. Édition originale. 15 lithographies de Jean Dubuffet tirées à pleine page en noir, dont une en regard du titre. Né en 1901, Jean Dubuffet commença à peindre dans les années 30 mais ce fut en 1942 qu’il s’engagea définitivement dans la carrière artistique. Il réalisa sa première exposition en 1944, à la galerie René Drouin. Renouvelant à la fois les conceptions de la peinture et de l’esthétique moderne sur le plan de l’expression, son approche phonétique de l’écriture, ses travaux novateurs en tant que graveur, peintre et musicien expérimental, le rendent indissociable de l’Art brut dont il fut le promoteur. « De septembre 1944 à mars 1945, Jean Dubuffet est chez Mourlot à l’école de la lithographie. Pour en apprendre les secrets et non pas, comme certains peintres de cette époque, pour seulement contrôler le travail du praticien. Ce stage produisit deux éditions : Matière et Mémoire, qui est un album précédé d’une longue préface de Francis Ponge, et Les Murs. (…) Réalisé sous l’étroite direction du peintre, mais publié par Mourlot, Les Murs paraît l’une des publications les plus sages de Dubuffet. Cependant l’emploi d’un caractère de titre ou d’affiches aux noirs profonds suffirait à singulariser ce livre dans la production de cette époque. Dessinées de janvier à mars 1945, ses lithographies s’éloignent de la représentation humaine pour s’intéresser aux traces laissées par l’occupant des villes sur les surfaces qui l’abritent, l’excluent ou l’enferment. » Édition limitée à 172 exemplaires. Exemplaire provenant de la bibliothèque de G. Limbour, non numéroté, il est imprimé sur Montval. Provenance : Bibliothèque de G. Limbour (1900-1970), avec attestation d’un de ses descendants. A. Coron, 50 livres illustrés depuis 1947, n° 11 ; Bibliothèque nationale, 1982, Jean Dubuffet, p. 5 ; Lebon, L’Œuvre gravé et les livres illustrés par J. Dubuffet, pp. 52 à 76 ; Victoria & Albert Museum, From Manet to Hockney, n° 122. 54


53 - GUILLEVIC & DUBUFFET

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54. GOETHE (W.) & MOORE (H.). Prométhée. Paris, Henri Jonquières - P.A. Nicaise, 1950, gr. in-4°, maroquin gold, sur le premier plat, large forme contournée en relief et en creux, mosaïquée de maroquin vert d’eau, sur le second plat, même type de décor, mais souligné de filets courbes dorés ou à froid, dos lisse, doublure et gardes de toile tissée verte, couverture, tranches dorées (L. Thalheimer). Premier livre illustré par Henri Moore. 15 lithographies en couleurs dont la couverture et 8 à pleine page. Tirage limité à 183 exemplaires, tous sur vélin de chiffon à la forme des Papeteries du Marais ; celui-ci est numéroté 52. Reliure de Lucienne Thalheimer, qui travailla pour les surréalistes, notamment André Breton, Georges Bataille et Benjamin Péret. Dans des notes qu’elle consacra à la reliure surréaliste (Pourquoi des reliures surréalistes ?), elle rappelle l’une des idées fortes de ce mouvement, celle de renoncer au concept conventionnel de beauté, dont elle s’imprégna. La praticienne exerça des années 20 jusqu’en 1950. Coins et coiffes épidermés. Lucienne Thalheimer, Pourquoi des reliures surréalistes ?, Bulletin du bibliophile, I, 1979. 55. LUCIEN DE SAMOSATE & LAURENS (H.). Dialogues. Paris, Tériade, 1951, in-folio,

box noir, mosaïque de box noir glacé, dessin de Laurens peint à la laque blanche, symétrique sur les deux plats, dos orné du titre en lettres blanches, doublures et gardes de daim noir, tranches dorées sur témoins, couverture illustrée, chemise et étui gainés de maroquin noir (Creuzevault). Troisième fruit de la collaboration entre Laurens et Tériade. Dialogues, recueil de quatre textes, est illustré de 24 gravures originales sur bois en couleurs, au dessin rigoureux et vivant. L’un des 25 exemplaires hors-commerce ; celui-ci, comme les 40 premiers, comporte une suite sur chine des gravures. Reliure de Creuzevault réalisée d’après une maquette de Laurens. Cette reliure fut conçue en 1952 et exécutée à 6 exemplaires en collaboration avec le sculpteur, le dessin au trait de Laurens étant reproduit à la laque et Creuzevault interprétant les motifs décoratifs des fonds (Henri Creuzevault, tome VI, n° 220, reproduit p. 522). Édition limitée à 275 exemplaires sur vergé d’Arches, tous signés par l’artiste. Rauch, Les Peintres et le Livre, n° 127 ; Chapon, Le Peintre et le Livre, pp. 220-222 ; Hommage à Tériade, p. 115 ; Victoria & Albert Museum, From Manet to Hockney, n° 125. 56. CAMUS (A.). L’Homme révolté. Paris, NRF, [1951], in-12, maroquin vert olive janséniste,

dos lisse, couverture et dos, tête dorée, non rogné, chemise et étui bordés de maroquin vert (D.-H. Mercher). Édition originale. Camus aborde, dans cet essai, l’un des problèmes majeurs, à ses yeux, du XX e siècle : celui du meurtre, du crime qui se prétend légitimé par l’idéologie ou la raison d’État. Le meurtre se justifie-t-il ? Ainsi décrit-il depuis la Bible jusqu’aux révolutionnaires de l’époque contemporaine, des figures empruntées à la religion, à la philosophie, à la politique et à la littérature. Sa condamnation du marxisme et de son totalitarisme, ainsi que le refus des idéologies absolues, lui valurent de nombreuses critiques. L’un des 40 exemplaires de tête sur hollande Van Gelder. Sobre reliure de Daniel Mercher qui exerce ses talents depuis 1964. 56


54 - GOETHE & MOORE

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57. PRÉVERT (J.). Spectacle. [Paris], Le Point du jour, 1951, in-8° carré, broché, couverture. Édition originale. À l’occasion de ce second recueil, Jacques Prévert présenta une soixantaine de textes, dont une vingtaine écrits pour la circonstance, les autres ayant été collectés avec le précieux concours de René Bertelé dans des revues et catalogues d’expositions, films et chansons. Il en résulta un curieux mélange, étonnamment varié, de sketches, saynètes, ballets, tableaux vivants, documentaires... que Prévert organisa en spectacle, poussant la vraisemblance jusqu’à insérer un programme, un intermède et un entracte à l’ensemble des pièces. Ainsi assimilée à la représentation, la lecture poétique devenait une véritable fête, susceptible de réjouir l’œil et l’oreille. L’un des 35 premiers exemplaires sur madagascar. Exemplaire conservé dans une chemise-étui de Thérèse Treille, non signée. Jacques Prévert, Œuvres complètes, La Pléiade, pp. 1117-1178.

58. KOPAC (S.). Tir à cible. Paris, L’Art brut, 1949, plaquette in-12°, en accordéon, sous couverture verte illustrée. Édition originale. Le bestiaire de Kopac. 8 gravures sur papier contrecollées sur de la toile. Tirage non mentionné. Breton, Drouot, n° 198 (Manuscrit autographe sur bois d’Au Regard des divinités).

59. CHAR (R.) & STAËL (N. de). Poèmes. Paris, Aux dépens de l’artiste, 1952, in-folio, en ff., couverture rempliée en gouttière, chemise, étui noirci et aux reliefs frottés d’agathe. L’un des rares livres « entièrement assumé » par son illustrateur, Nicolas de Staël, papier, caractères, impression des bois, étui, tous relevant de son propre choix. Conception et réalisation s’écoulèrent de juin à novembre 1951. 14 bois originaux à pleine page et une lithographie originale en couleurs pour la chemise. Pour ce premier livre illustré, Nicolas de Staël réalisa ses bois sans connaître les textes qui les accompagneraient. Char, en voyant les gravures, associa à chacune d’elles une pièce de son recueil Poème pulvérisé, qui avait déjà fait l’objet d’une publication, ne sacrifiant ainsi en rien à son habitude qui consistait, pour ses grands livres illustrés, à les constituer de poèmes anciens, qu’il modifiait ou qu’il assemblait différemment. L’ouvrage, construit sur l’opposition noir-blanc, que l’on retrouve non seulement dans les bois, mais aussi dans l’architecture du livre, où illustration et texte ne sont jamais face à face, semble être unanimement apprécié. L’un des 15 exemplaires de tête, avec deux suites des bois, sur vélin et sur japon ancien, signé par le poète et l’artiste. Étui restauré. Le tirage total annoncé est de 120 exemplaires, tous sur vélin d’Arches. A. Coron, 50 Livres illustrés depuis 1947, n° 14 ; Nicolas de Staël, L’Œuvre gravé, Bibliothèque nationale, 2-16 ; Chapon, Le Peintre et le Livre, pp. 270 à 273 (« Peu de livres où l’intrication soit aussi serrée que dans les Poèmes de R. Char illustrés par Nicolas de Staël. Deux génies dont l’impulsion animatrice coïncide ») ; Peyré, Peinture et poésie, p. 150 (En 1951 vient donc au jour ce volume très émouvant... L’affection qui unit les deux créateurs est à l’origine de cette publication qui entend le manifester clairement, le livre sera ainsi le monument le plus à même de saluer un sentiment) ; Castleman, A Century of Artists Book, New York Museum of Modern Art, n° 148 ; Victoria & Albert Museum, From Manet to Hockney, 127. 58


59 - CHAR & STAテ記

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60. MARTEL (A.) & DUBUFFET (J.). La Djingine du Théophélès. Saint-Maurice d’Etelan,

L’Air du Temps, 1954, in-12 carré, broché, couverture rempliée. Édition originale. Un texte important en langue paralloïdre. Rédigé dans un jargon inventé par André Martel (1893-1976) et composé de néologismes issus du français, le texte s’assimila aux recherches de l’Art brut par sa dimension loufoque et enfantine. Secrétaire de Jean Dubuffet qui l’introduisit dans les milieux littéraires, il fut membre du collège de Pataphysique. L’écrivain et l’artiste collaborèrent une seconde fois avec Mirivis des Naturgies (1963). Pierre Bettencourt, un éditeur peu conventionnel. Écrivain et plasticien, Pierre Bettencourt (1917-2006) fut connu auprès des bibliophiles comme un éditeur-imprimeur talentueux et inventif. Achetant une presse à main en 1941, il imprima dans sa commune normande de Saint-Maurice-d’Etelan ses premiers livres dont ceux d’Henri Michaux, Jean Dubuffet, Antonin Artaud... Typographe passionné mais discret, il travailla toujours en dehors des cercles littéraires à la mode, imprimant rarement ses livres à plus de 300 exemplaires. 13 photolithographies de Jean Dubuffet (1901-1985). Jean Dubuffet par ces Corps de dames souhaita souligner la complexité humaine. S’attaquant au nu féminin, symbole le plus sacré de la peinture occidentale où ne s’expriment que beauté, symétrie et perfection, Jean Dubuffet agresse l’image de la femme dans une représentation monstrueuse au corps obscène. Par cette vision, le peintre exprime la complexité de l’être en dévoilant ses tensions cachées derrière cette apparence parfaite. Reproduisant 13 encres sur chine empruntées à une série de 16 produites par l’artiste en décembre 1950, la série complète ne fit l’objet d’aucun tirage. Exemplaire offert par Jean Dubuffet à Gabrielle Neumann : à la chère Gabrielle Neumann mon sauveur Jean Dubuffet janvier 55 Directrice des éditions du Sagittaire pendant la Seconde Guerre mondiale, Gabrielle Neumann succéda à Léon-Pierre Quint (1895-1958), dont elle fut le bras droit depuis 1923. Quittant définitivement l’entreprise en mai 1950, elle devint la secrétaire particulière de Jean Dubuffet, chargée de l’ensemble de ses affaires à Paris, quand celui-ci s’installa à Vence en janvier 1955 pour raison de santé. La charge de travail qu’elle géra seule, permet de comprendre le terme de « sauveur » employé par l’artiste à son encontre. Édition limitée à 75 exemplaires, tous sur Arches. Provenance : Gabrielle Neumann. J. Dubuffet, Prospectus et tous écrits suivants, T. 2, pp. 74-75 ; Centre Pompidou, Dubuffet, 2001, p. 114 ; Webel, 2001, T. I, pp. 94-95 ; Lucien Desalmand, Jean Dubuffet-les livres illustrés, 1992, n° 16 ; François Laurent & Béatrice Mousli, Les éditions du Sagittaire 1919-1979, 2003, p. 227, p. 413 ; Pierre Bettencourt, Les Désordres de la mémoire, 1998, pp. 110-111, pp. 188-194.

61. MICHAUX (H.). Face aux verrous. Paris, Gallimard, 1954, in-12, broché, couverture. Première édition collective. Rassemblant plusieurs textes précédemment parus : « Agir, je viens », « Adieux d’Anhimaharua », « Quelques jours de ma vie chez les insectes », ou encore « Poésie pour pouvoir », le recueil se présente comme un journal fantasmatique où s’exprime le caractère extrême de l’écriture d’Henri Michaux (1899-1984). Sa parution en 1954 coïncide avec le début de la période mescalinienne de l’auteur, donnant à cette publication un rôle transitoire dans son œuvre. L’un des 45 exemplaires sur vélin pur fil Lafuma-Navarre, deuxième papier après quinze sur hollande. Michaux, Œuvres complètes, vol. II, la Pléiade, pp. 1218-1220 ; Jean-Pierre Martin, Henri Michaux, 2003, pp. 508-510 ; Pascal de Sadeleer, Moureau, II, n° 469. 60


60 - MARTEL & DUBUFFET

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62. SAGAN (F.). Bonjour tristesse. Paris, René Julliard, 1954, in-12, maroquin gris souris, dos à nerfs, doublure et gardes de box rose, couverture et dos, tranches dorées, chemise et étui bordés de même peau (Devauchelle). Édition originale. À sa parution, ce mince roman fit grand bruit. On s’étonna beaucoup de ce mélange de clairvoyance, de cruauté et de désinvolture chez une jeune fille de dix-huit ans. Récompensé par le Grand Prix de la Critique, l’ouvrage fut traduit dans une vingtaine de langues, imprimé à plusieurs milliers d’exemplaires et mis en scène en 1958 par Otto Preminger (1906-1986). Désormais connue sous le pseudonyme qu’elle s’était choisie à cette occasion, inspiré du personnage proustien Hélie de Talleyrand-Périgord, le prince de Sagan, Françoise Quoiriez mena de front une vie de bohème et un travail d’écriture, avec de nombreuses incursions du côté du théâtre, de la chanson et du cinéma, occultées, aujourd’hui encore en France, par la notoriété de ce premier roman. L’un des rares exemplaires hors-commerce sur vélin Alfa de Navarre, premier papier, réservés à l’auteur. Le feuillet de justification porte une intéressante mention manuscrite de René Julliard : « L’éditeur soussigné certifie que le nombre d’exemplaires hors-commerce qui a été tiré pour l’auteur est de vingt, passe et défaits compris. » Dos légèrement plus clair. 63. REVERDY (P.) & GRIS (J.). Au soleil du plafond. Paris, Tériade, 1955, in-folio, en ff.,

couverture, chemise, emboîtage. 20 poèmes de Reverdy reproduits en fac-similé. Cet ouvrage fut publié trente ans après sa conception ; l’idée en revient à Léonce Rosenberg qui élabora le projet de faire imprimer sur des grands panneaux des poèmes manuscrits de Reverdy illustrés de gouaches de Juan Gris. L’aventure ne put être menée à son terme. À la mort du marchand de tableaux, Reverdy récupéra ses textes et proposa la publication à Tériade sous une forme plus classique. 11 lithographies en couleurs de Juan Gris d’après des gouaches datant des années 1920. Édition limitée à 205 exemplaires, tous sur vélin des papeteries d’Arches et signés par l’auteur. 64. HENRY (M.). Les Métamorphoses du vide. Paris, Éditions de Minuit, [1955], in-4°,

cartonnage d’éditeur illustré, dos toilé. Édition originale. Un album à transformations au service du rêve. Titre tiré d’un jeu de mots par référence aux Métamorphoses d’Ovide. Maurice Henry (1907-1984) ne s’employa pas à illustrer les avatars des dieux Grecs, mais évoqua sur le ton de l’humour, le thème du dédoublement, de la transformation de soi par le rêve. S’intéressant à cet univers et à ses interprétations comme moyen d’accéder à l’exploration des limites, il fut sensible aux recherches menées par Sigmund Freud (1856-1939) sur le sommeil, faisant ainsi écho à l’Introduction à la psychanalyse (1916) du neurologue : « Je pourrais vous dessiner un rêve, dit souvent le rêveur, mais je ne saurais le raconter. » Le cycle iconographique le plus abouti du dessinateur composé de 32 planches, dont 16 ajourées. Par un ingénieux système de découpages et de fenêtres perforées, le lecteur plongé dans un voyage onirique en trois dimensions, explore les rêves d’Adrien, le personnage central du livre. Nelly Feuerhahn, Maurice Henry - La révolte, le rêve et le rire, 1997, pp. 100-113 ; Jacques Desse, Livres animés, 2002, n° 574 « ... parfois considéré comme l’un des livres illustrés les plus originaux du XXe siècle ». 62


64 - HENRY

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65. ARTAUD (A.) & ERNST (M.). Galapagos. Les Îles du bout du monde. Paris, Broder, 1955,

in-8°, en ff., couverture illustrée, chemise, étui. Édition originale de ce texte écrit pour Voilà, l’hebdomadaire du reportage. Des ouvrages publiés par Broder, il est le plus réussi et le plus significatif. De la collection Écrits et gravures. 11 eaux-fortes originales de Max Ernst dont une en couleurs pour la couverture rempliée, 4 hors-texte dont 2 en couleurs et 6 in-texte en couleurs. L’emboîtage est illustré de 2 compositions de Max Ernst reproduites en noir. Tirage limité à 135 exemplaires tous sur vélin de Rives, signés par Ernst. A. Coron, 50 Livres illustrés depuis 1947, n° 17 ; Chapon, Le Peintre et le Livre, pp. 251-258 ; The Artist & the Book, n° 101.

66. CAMUS (A.). La Chute. Paris, Gallimard, 1956, in-12, broché. Édition originale. L’un des 35 premiers exemplaires sur vélin de Hollande. Exemplaire broché, parfaitement conservé. Condition rare. 67. BACHELARD (G.). Lettre autographe adressée à Pierre Jean Jouve, signée, datée Paris,

25 juillet [19]56, 1 p. in-8°, enveloppe jointe. Lettre de remerciement pour En Miroir, essai personnel de Jouve publié deux ans auparavant, en 1954 au Mercure de France. S’excusant du retard, Bachelard explique : Votre livre participe pour moi d’un drame de méthode. Dans mon nouveau livre, que je voudrais donner à l’éditeur en octobre, j’exprime une réticence à l’égard de mes habitudes psychanalytiques. Je voudrais définir une zone de sublimation pure, d’une sublimation qui n’a rien à sublimer, qui s’est libérée de la pensée. À cet égard, Jouve l’a devancé : Vos pages 15.16.17.109.112, entre autres, ne quittent pas ma pensée, mon drame technique. De manière générale, il le considère comme l’un des rares artistes à avoir atteint ce dépouillement, et il poursuit, enthousiaste, des ondes de destin partent de vos poésies, la plongée et le surgissement alternent, trouvant, pour décrire le livre de son correspondant, des accents à la fois lyriques et psychanalytiques. L’ouvrage en cours auquel Bachelard fait allusion est certainement La Poétique de l’espace, paru en 1957 aux PUF et dans lequel il cite le poète.

68. CORNEILLE (C.) - DOTREMONT (Ch.). Petite géométrie fidèle. [Paris], Atelier Patris, [1958], in-4° de 14 ff. dont 2 blancs, en ff., couverture, chemise et étui d’éditeur. 6 lithographies et 9 sérigraphies, dont une en brun pour la couverture. Exemplaire présentant les particularités suivantes : - les 5 des 6 lithographies sont justifiées, signées et datées 58. - une lithographie supplémentaire encartée, justifiée, signée et datée 1959. Édition limitée à 75 exemplaires, tous sur papier de Rives, signés par l’artiste et l’auteur. Donkersleoot-Van Den Berghen, Corneille, L’œuvre gravé de 1948-1975, pp. 77-78. 69. SIMON (C.). Le Vent. Tentative de restitution d’un retable baroque. Paris, Éditions de

Minuit, 1957, in-12, broché, couverture. Édition originale du premier ouvrage de l’auteur publié par les éditions de Minuit. L’un des 35 premiers exemplaires sur pur fil, dont 5 hors-commerce, tous illustrés de deux photographies. Condition parfaite. 64


66 - CAMUS

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70. FRANK (R.). Les Américains. Paris, Robert Delpire Éditeur, 1958, in-12 carré, cartonnage illustré d’éditeur. Édition originale. L’année suivante, une édition américaine avec une préface de Jack Kerouac fut publiée par Press Grove à New York. Textes réunis par Alain Bosquet. D’Alexis de Tocqueville à Simone de Beauvoir, ce livre de photographie consacré à la culture populaire américaine des années cinquante, donne la parole à une douzaine d’écrivains célèbres. Cette approche, française et littéraire, fut ajoutée à la demande de l’éditeur, Robert Delpire, qui fut le premier à introduire le travail de Robert Frank en France, en publiant en 1956 son reportage pour le magazine Life, « Indiens pas morts ». Elle confère au livre un aspect sociologique, absent de l’édition américaine. 83 photographies de Robert Frank imprimées en héliogravures à pleine page. Elles forment une sorte de manifeste esthétique de l’artiste, qui fréquenta dans le quartier new-yorkais de la 10e rue les principaux tenants de l’expressionnisme abstrait, et obtint pour ce projet qu’il voulut mener en toute liberté, une bourse de la Fondation Guggenheim. Robert Frank parcourut les États-Unis d’avril 1955 à juin 1956 et collecta une grande diversité de portraits : jeunes Noirs, camionneurs, étudiants, starlettes hollywoodiennes, politiciens... Entre ces personnes si différentes, certaines concordances s’établissent : un geste repris, une attitude similaire... La couverture est plastifiée et illustrée d’après un dessin de Saül Steinberg. Exemplaire en parfaite condition. Rare. M. Parr-G. Badger, The Photobook I, p. 247 ; A. Roth, 101 Books, p. 150 (version américaine) ; Open Book, pp. 176-177 (version américaine) ; A. Sinibaldi - J.-L. Couturier, Regards sur un siècle de photographie à travers le livre, 120 (version française). 71. DUCHAMP (M.). Marchand de sel. Paris, Le Terrain Vague, 1959, in-8°, broché,

chemise-étui d’éditeur. Édition originale collective. Publié en 1959, Marchand de sel regroupe les divers écrits de Marcel Duchamp (1887-1968). Inaugurant la collection « 391 » de Michel Sanouillet, du nom de la revue créée et animée par Francis Picabia de 1917 à 1924, le recueil éclaire une œuvre cérébrale et fondamentale pour l’art du XXe siècle, d’autant plus difficile à appréhender que son auteur a toujours répugné à la commenter. C’est ici avec son concours que Michel Sanouillet sélectionna et ordonna les textes, commençant par les notes et croquis relatifs au grand verre, La Mariée mise à nu par ses célibataires mêmes, auquel Duchamp travailla de 1913 à 1924. Jamais achevé, son impact sur le monde de l’art fut immense ; Duchamp était sans doute le premier peintre à prendre la science pour sujet de ses œuvres, rejoignant une autre grande figure de l’art, Léonard de Vinci, dans cette fascination pour les innovations scientifiques. Succèdent ensuite les écrits de Rrose Sélavy, identité d’emprunt inventée en 1920 (après que l’artiste se fut maquillé et déguisé en femme, plaisanterie immortalisée par Man Ray) et qui devint une sorte d’alter ego, de double féminin de Duchamp, bien connu des dadaïstes. On trouve aussi les Jugements et critiques de ses contemporains et des textes divers signés par l’auteur sous son nom ou celui de Rrose Sélavy. Ayant officiellement arrêté de peindre en 1923, Marcel Duchamp a exercé sur l’art une influence décisive, détruisant, par chacune de ses créations et concepts, dont le ready-made est peut-être le plus connu, les règles séculaires de la peinture sur chevalet. L’illustration comporte une couverture illustrée du portrait de Duchamp, une reproduction photographique de la Mariée imprimée sur rhodoïd transparent dépliant, en frontispice, et 23 planches de reproductions photographiques hors-texte en noir. L’un des 50 premiers exemplaires sur auvergne à la forme, dont 10 hors-commerce, signés par Duchamp, Sanouillet et Poupard-Lieussou. 66


71 - DUCHAMP

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72. LECUIRE (P.) - LANSKOY (A.). Cortège. Paris, P. Lecuire, 1959, in-folio, en ff.,

couverture illustrée à rabats, chemise, étui. Premier livre illustré par André Lanskoy (1902-1976). 24 planches en couleurs du peintre, exécutées au pochoir par Maurice Beaufumé, accompagnent ce poème inédit de Pierre Lecuire. À la fois poète et éditeur, Lecuire avait une conception mallarméenne du livre, où l’emprise du poète était un droit. L’un des 125 exemplaires sur grand vélin d’Arches. Édition limitée à 150 exemplaires, tous sur grand vélin d’Arches, numérotés et signés par le peintre et l’auteur. A. Coron, 50 Livres illustrés depuis 1947, 23 ; Chapon, Le Peintre et le Livre, 299 ; Grolier Club, The Books of Pierre Lecuire, 8 ; Bibliotheca Wittockiana, Livres de Pierre Lecuire, 1984, n° 6. 73. DEBORD (G.-E.). Mémoires. Structures portantes d’Asger Jorn. Copenhague, Permild

& Rosengreen pour l’Internationale situationniste, 1959 (décembre 1958), in-4°, broché, couverture rigide en papier de verre. Édition originale, imprimée en lithographie. 50 pages de texte et d’images dispersées, ornées de structures portantes d’Asper Jorn en couleurs, forment l’ouvrage. Tout comme Fin de Copenhague édité deux ans auparavant, ce livre expérimental est né d’un travail réunissant Guy Debord et Asger Jorn, tous deux membres de l’Internationale situationniste. Fondé en juillet 1958, le mouvement regroupait des écrivains et des artistes venant du groupe Cobra et du Lettrisme. À propos de ce livre aussi intéressant que novateur, on peut citer ces lignes de L’Internationale situationniste (Revue n° 3) : « (...) la signature du mouvement, la trace de sa présence et de sa contestation dans la réalité culturelle d’aujourd’hui, puisque nous ne pouvons en aucun cas représenter un style commun, quel qu’il soit, c’est d’abord l’emploi du détournement. On peut citer, au stade de l’expression détournée, les peintures modifiées de Jorn ; le livre “entièrement composé d’éléments préfabriqués” de Debord et Jorn, Mémoires (dans lequel chaque page se lit en tout sens, et où les rapports réciproques des phrases sont toujours inachevés). » La volonté de négation du livre, même en tant qu’objet, est soulignée par l’emploi d’une couverture en papier de verre, proscrivant la proximité d’autres livres, et toute « assimilation ». Parfaite condition. 74. NERVAL (G. de) & BEAUDIN (A.). Sylvie. Paris, Tériade, 1960, gr. in-4°, en ff.,

couverture, chemise, étui d’éditeur. Nouvelle tirée du recueil Les Filles du feu (1854), elle fut publiée dans un premier temps dans La Revue des Deux Mondes en 1853. « Poème tissé de songes et de vie réelle », Sylvie explore le thème de la quête de l’idéal et de sa cruelle désillusion. 34 lithographies originales en couleurs d’André Beaudin (1895-1979). Les illustrations furent confiées au peintre par Tériade (Efstratios Eleftheriades, 1897-1983) qu’il considérait comme « l’un des peintres les plus importants de la nouvelle génération ». L’un des 20 exemplaires hors-commerce réservés aux collaborateurs. Édition limitée à 200 exemplaires, tous sur vélin d’Arches et signés par l’artiste. Centre National d’Art Contemporain, Hommage à Tériade, 1973, pp. 81-82. 68


72 - LECUIRE & LANSKOY

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75. [ARSAN (E.)]. Emmanuelle. Emmanuelle l’anti-vierge. [Paris, Éric Losfeld, 1959-1960],

2 vol. in-8°, broché, couverture à rabats. Édition originale de ce chef-d’œuvre de la littérature érotique, paru clandestinement en 1959 et l’année suivante. Il n’y a pas eu de tirage sur grand papier. L’histoire éditoriale du livre commence en 1957, lorsque l’éditeur indépendant Éric Losfeld reçut de Bangkok un manuscrit narrant l’initiation sexuelle d’une jeune femme. Son auteur, Marayat Andrianne, était à peine âgée de vingt ans. D’origine thaïlandaise, mariée à un diplomate français, elle garda longtemps son identité secrète sous le pseudonyme d’Emmanuelle Arsan, pour protéger la carrière de son mari mais aussi par stratégie littéraire. L’ouvrage parut clandestinement et fut, par surcroît de précautions, scindé en deux parties, Emmanuelle et L’Anti-Vierge. Sa condamnation n’intervint que dix ans après, suite à sa réédition et première publication officielle, l’éditeur ayant porté sur la page de titre son enseigne et le pseudonyme de l’écrivain. L’« érotisme radieux » qui émanait du monde d’Emmanuelle fut la cause de son succès. Ce monde « sans obstacle, timidité ou hésitation » ne se réclamait pas des romans libertins, ni de la pensée parfois morbide d’un Sade et d’un Bataille. Il intronisait une nouvelle forme d’utopie sexuelle qui conquit rapidement l’intelligentsia parisienne ; Breton le signala en première page de La Revue des Arts et Mandiargues écrivit un élogieux article dans la Nouvelle Revue francaise. L’ouvrage connut par la suite un succès planétaire, fut traduit en plusieurs langues et accéda au mythe grâce au cinéma, avec l’adaptation de Just Jaeckin en 1974, la première d’une longue série. Exemplaire conservé dans une chemise-étui de Thérèse Treille. J.-P. Dutel, Bibliographie des ouvrages érotiques publiés clandestinement en français entre 1920 et 1970, n° 1470 (il donne pour auteur d’Emmanuelle, « Louis Jacques Rollet ». 76. BRANDT (B.). Perspective of nudes. Londres, The Bodley Head, 1961, gr. in-4°, cartonnage

et jaquette illustrée à rabats d’éditeur. Édition originale. Préface de Lawrence Durell. Premier livre de Bill Brandt (1904-1983) consacré aux nus. Présenté à Man Ray en 1929 par l’intermédiaire de son ami Ezra Pound, le photographe prit Bill Brandt comme assistant. Profondément marqué par cette expérience, il emprunta au mouvement surréaliste cette conception nouvelle et anticonformiste de l’art. Fruit d’une quinzaine d’années d’expérimentation (1947-1960), Perspective of nudes comporte deux parties chronologiquement distinctes ; dans un premier temps est présenté le travail que le photographe effectua dans les années 1940 où les corps nus féminins sont déformés par un objectif grand angle, inspiration suggérée par les prises de vues révolutionnaires de Citizen Kane (1941) d’Orson Welles. Dans un second temps est exposée une série prise une décennie plus tard abordant les recherches d’une vision nouvelle aux formes esthétiques influencées par Hans Arp (1886-1966) et Henry Moore (1898-1986). Recueil renouvelant l’art du nu. Recomposant l’atmosphère inquiétante du film noir dans la première partie du livre par l’utilisation d’un éclairage contrasté, les modèles aux postures voluptueuses et sensuelles s’intègrent à un décor intérieur austère de style victorien afin d’y suggérer un sentiment mêlant fantasme et angoisse, provoqué par les effets de profondeur amplifiés de l’objectif grand angle. La seconde série prise sur les plages du nord de la France et de la côte anglaise, expose les nus ou fragments de corps selon des prises de vues sculpturales, donnant aux modèles un aspect minéral se confondant avec les éléments du cadre, repoussant ainsi les limites de la perception. L’ensemble iconographique est formé de 90 photographies en noir et blanc. Exemplaire en parfaite condition, bien complet de la jaquette. Andrew Roth, The Book of 101 Books, 2001, pp. 160-161 ; Martin Parr and Garry Badger, The Photobook : A History vol. 1, 2004, p. 216 ; Alessandro Bertolotti, Livres de nus, 2007, pp. 150-151. 70


76 - BRANDT

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77. FRENAUD (A.) & ESTÈVE (M.). Tombeau de mon père. Paris, Éditions Galanis, 1961,

in-4°, en ff., sous couverture imprimée, étui-chemise cartonnée recouvert de toile grise. Édition originale. Parmi les principaux poètes français de la seconde moitié du XXe siècle, André Frénaud fut également un amoureux du livre illustré. Il en connut rapidement les artisans et amateurs et réalisa dès l’après-guerre, à côté de la publication régulière de ses recueils chez Gallimard, un certain nombre d’éditions illustrées par Dubuffet, Miro, Raoul Ubac, Jean Bazaine, Jacques Villon, Jean Fautrier... Le Tombeau de mon père vit le jour grâce à Sylvie Galanis. Poursuivant le dialogue entamé avec Maurice Estève en 1955 (C’est à valoir), Yves Frénaud médite ici sur la relation filiale et la figure du père, amplifiée par l’absence. « Long poème d’adieu qui n’en est pas un », Tombeau du père serait plutôt, selon Yves Peyré, « la persistance d’un regret balbutié jusqu’au retour ». 7 eaux-fortes originales de Maurice Estève. « Lithographe surdoué », l’artiste a délibérément choisi la sobriété, s’en remettant au noir et à l’eau-forte. Les surfaces, harmonieusement disposées, sont entre abstraction et figuration. Leur coloration subtile oscille entre le gris, le bistre, le marron sourd, et une touche de bleu. L’un des 79 exemplaires sur papier d’Auvergne à la main de Richard-de-Bas ; celui-ci est l’un des 10 exemplaires numérotés de 22 à 31, auxquels on a joint une suite complète des gravures sur auvergne vert céladon. Chaque planche est ici signée. Édition limitée à 100 exemplaires, tous signés par l’auteur et l’artiste. Y. Peyré, Peinture et poésie, Le dialogue par le livre, p. 169 et cat. 79.

78. VAN DER ELSKEN (E.) & HOSOE (E.). Otoko to Onna. Man and woman. Tokyo, Camer Art Inc, 1961, in-8°, couverture jaune à la bradel, jaquette illustrée, bande annonce et emboîtage. Édition originale. Poèmes de Taro Yamamoto, textes d’Ed van der Elsken et de Tatsuo Fukushima. Le premier s’intitule Eikoh Hosoe et le second Image and Idea. Rédigés à la demande de l’artiste, ils mettent en avant le caractère innovant de son travail, dans un domaine où le corps est souvent traité de manière romantique, esthétisante ou pudibonde. L’ouvrage fut récompensé par le prix du jeune photographe de l’Association des critiques de la photographie en 1961, l’année de sa parution. 33 photographies en noir et blanc d’Eikoh Hosoe. D’une grande intensité graphique, ces photographies sont d’une rare élégance et confinent progressivement à l’abstraction. Hosoe croit au dialogue entre les sexes, à la fusion de ces corps diaphanes, presque abstraits, symboles pour lui de l’essence de la vie. Le goût de l’artiste pour la mise en scène s’exprime notamment à travers les accessoires : une pomme, une fleur, un poulpe. Né en 1933, Eikoh Hosoe fut l’un des principaux photographes japonais de l’après-guerre. En 1959, il fonda l’agence Vivo avec Shomei Tomatsu et Ikko Narahara. Le livre qu’il consacra en 1963 à l’univers baroque de l’écrivain Yukio Mishima, Ordeal by roses, fut salué dans le monde entier. La maquette de la couverture fut réalisée par Minoru Araki. Exemplaire bien complet de la bande annonce et du texte original en anglais de Van der Elsken. M. Parr-G. Badger, The Photobook, A History volume I, p. 279 ; B. Govignon, La Petite Encyclopédie de photographie, p. 241 ; Japon 1945-1975, Un renouveau photographique. Paris, Marval, 2003, pp. 10, 92-96, reproduit. 72


78 - VAN DER ELSKEN & HOSOE

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79. LONGUS & CHAGALL (M.). Daphnis & Chloé. Paris, Tériade, 1961, 2 vol. in-folio,

en ff., couverture rempliée, étui-chemise d’éditeur. Auteur grec dont on ne connaît que peu de choses, Longus rédigea cette célèbre pastorale entre le IIe et le IIIe siècle après J.-C. Utilisant toutes les particularités du genre bucolique, il brossa un tableau idyllique de la campagne grecque dans lequel Daphnis et Chloé, deux enfants trouvés, font leur éducation sentimentale en s’éprenant l’un de l’autre. Tériade (Efstratios Eleftheriades, 1897-1983), l’éditeur privilégié de Marc Chagall (1887-1985). Occupant une place de premier plan parmi les éditeurs de talent du XXe siècle, il fut auprès d’Albert Skira (1904-1973) directeur artistique de la revue Minotaure de 1932 à 1936 avant de fonder en 1937 les éditions Verve qui publieront entre 1943 et 1975, 27 livres illustrés parmi lesquels des références incontournables de la bibliophilie, Jazz (1947) d’Henri Matisse ; Le Chant des Morts (1948) de Pierre Reverdy & Pablo Picasso et Paris sans fin (1969) d’Alberto Giacometti. Tériade eut une longue et fructueuse collaboration avec Marc Chagall, voyant en lui l’illustrateur le plus fidèle des textes qu’il souhaitait publier. Cinq livres naquirent de cette sincère complicité, Les Âmes mortes (1948), les Fables (1952), la Bible (1956), Daphnis et Chloé (1961) et le Cirque (1967). Tériade eut pour Daphnis et Chloé un attachement tout particulier, l’histoire se déroulant sur son île natale, Lesbos. 42 lithographies originales en couleurs. Réalisant les premières esquisses en 1952 au cours d’un voyage en Grèce, c’est en 1954 lors d’un second périple qu’il produisit l’ensemble des gouaches ; les lithographies, elles, furent exécutées entre 1957 et 1960. Fasciné par la luminosité baignant les paysages champêtres qu’il eut l’occasion de traverser, il souhaita retranscrire avec des teintes éclatantes aux multiples variations, l’impression de sérénité qu’il ressentit sur place, faisant de ce livre où l’utilisation de la couleur et de la lumière est des plus prononcées et maîtrisées, l’un des sommets de l’illustration chagallienne. Édition limitée à 270 exemplaires sur vélin d’Arches, tous signés par l’artiste. Exemplaire offert par Tériade à un proche, non signé et non numéroté. François Chapon, Le Peintre et le Livre, 1987, p. 219, pp. 234-235 ; Centre National d’Art Contemporain, Hommage à Tériade, 1973, p. 86, pp. 94-98 ; Patrick Cramer, Marc Chagall-Catalogue raisonné des livres illustrés, 1995, pp. 154-162 ; Charles Sorlier, Chagall-Le livre des livres, 1990, p. 86 ; Bibliothèque nationale, Le Livre et l’Artiste 1967-1976, 1977, p. 137.

80. HÉSIODE & VILLON (J.). Les Travaux et les Jours. Paris, Tériade, 1962, in-folio, en ff., couverture, chemise, étui d’éditeur. Poème composé à la fin du VIIIe siècle av. J.-C., Hésiode narre l’histoire de deux figures mythologiques de la Grèce antique, Prométhée et Pandore. Il donne également une description précise des travaux agricoles de ces contrées, apportant ses conseils sur les techniques à employer. 23 eaux-fortes originales de Jacques Villon (1975-1963), dont 4 en couleurs. Tériade (Efstratios Eleftheriades, 1897-1983) à la vue du sujet à illustrer, porta son choix sur le peintre pour la qualité reconnue de ses gravures et pour son « génie classique ». L’un des 20 exemplaires réservés aux collaborateurs. Très légères rousseurs sur la couverture. Édition limitée à 200 exemplaires, tous sur vélin de Rives et signés par l’artiste. Centre National d’Art Contemporain, Hommage à Tériade, 1973, p. 147. 74


79 - LONGUS & CHAGALL

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81. BOUVIER (N.). L’Usage du monde. Récit. Genève, Droz, 1963, in-8°, broché, couverture illustrée. Édition originale. L’Usage du monde de Nicolas Bouvier, illustré par Thierry Vernet, est le récit du voyage mené par les deux amis de Genève à Kaboul entre juin 1953 et décembre 1954. La route, effectuée au volant d’une vieille Fiat Topolino, les conduit de la Yougoslavie à la Turquie, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan, où s’achève leur périple. Il s’agit du récit ébloui et douloureux à la fois, d’un parcours initiatique « qui tient plus d’Une saison en enfer et de Kerouac que d’un reportage comme en publiait, pour nos arrière-grands-pères, la revue Le Tour du monde ». Pour Nicolas Bouvier en effet, le voyage n’est pas une parenthèse dans la vie, c’est la vie même. « On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait », écrit-il. Cette philosophie du voyage est servie par une prose magnifique et fluide, où le sens du détail donne du relief à chaque scène... L’Usage du monde, publié dans l’indifférence générale et à compte d’auteur chez Droz en 1963 à deux mille exemplaires, et dont la réédition en 1985 établira enfin la renommée littéraire de Bouvier, est devenu au fil des années un véritable classique. Il suscite un intérêt croissant et des lecteurs fervents, comme en témoigne l’édition récente chez Gallimard, de ses œuvres complètes. 48 dessins de Thierry Vernet. La fragile couverture présente de petits défauts.

82. PRÉVERT (J.). Histoires et d’autres histoires. Paris, Le Point du jour, Gallimard, 1963, in-8°, maroquin bleu ciel orné sur les plats de deux reproductions de collages de Jacques Prévert montées sous plexiglas, titre mosaïqué en maroquin bleu ciel sur pièce de maroquin noir disposée à cheval sur le dos et les plats, dos lisse, doublure et gardes de papier japon bleu, couverture et dos, chemise et étui (Daniel-Henri Mercher, 1996). Édition en partie originale, publiée par René Bertelé. Le livre d’une vie. Édité à trois reprises entre 1946 et 1949, il est ici dans sa version définitive revue, corrigée et augmentée de 40 textes n’ayant fait l’objet d’aucune édition antérieure. Avec près d’une centaine de textes réunis, ce recueil permet de retracer l’ensemble de l’œuvre du poète, de ses années surréalistes à sa période Saint-Germain-des-Prés. L’ouvrage, en deux parties, se compose d’un premier ensemble intitulé « Histoires » regroupant les textes précédemment publiés accompagnés de 13 nouveaux poèmes, et d’une seconde partie entièrement inédite titrée « D’autres histoires » dont le contenu donne à découvrir l’inclination de l’auteur pour les contes d’enfants, mais à la morale peu conforme aux lois des bonnes mœurs. Cette parution est l’occasion d’éditer les premières compositions de Jacques Prévert (1900-1977), dont Les animaux ont des ennuis écrit en 1928 qui semble être son plus ancien texte connu. Exemplaire imprimé pour René Bertelé, sur vélin d’Arches Arjomari, premier papier. Prévert l’a enrichi de trois collages originaux et d’un laconique et discret envoi autographe, adressé à celui qui publia son premier recueil poétique, Paroles. pour René Jacques son ami. Printemps 1963 La pratique du collage fut, dès 1943, omniprésente dans le processus créatif du poète qui la mettait en lien direct avec ses compositions poétiques. Les assemblages acquirent un véritable statut d’image-poème par leur singularité et leur fantaisie, et de nombreux galeristes dont Adrien Maeght en 1957 les exposèrent comme des œuvres à part entière. Prévert apporta un soin tout particulier aux compositions destinées à son ami René Bertelé, ce dernier lui rendant hommage par la publication en 1966 de Fatras, ouvrage regroupant 57 collages. Provenance : René Bertelé (Cat., 1997, n° 295). 76


81 - BOUVIER

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83. CREVEL (R.). Feuilles éparses. Paris, L. Broder, 1965, in-8°, en ff., couverture, chemise, emboîtage. Édition originale collective publiée par Broder. L’éditeur célèbre le souvenir de Crevel. Ces textes ont été écrits entre 1923 et 1932. 14 gravures et lithographies originales, dont certaines en couleurs, d’Arp, Bellmer, Bryen, Dominguez, Ernst, Giacometti, Hayter, Hugo, Lam, Man Ray, Masson et Miro, illustrent ce recueil. La lithographie unique de Wols et l’eau-forte de Dominguez sont leurs dernières œuvres gravées. Tirage unique limité à 150 exemplaires sur vélin de Rives, tous signés par les artistes à l’exception de Dominguez et Wols. Chapon, Le Peintre et le Livre, pp. 251-252. 84. MIRÓ (J.). Sous le soleil. Paris, Maeght, 1965, in-4°, en ff., couverture illustrée, chemise

illustrée, étui. Suite de 10 eaux-fortes et aquatintes en couleurs, dont une pour la couverture, et de 2 eaux-fortes pour la chemise et la page de titre. L’un des 50 exemplaires, numérotés de 26 à 75. Édition limitée à 75 exemplaires, tous sur auvergne Richard-de-Bas, et signés par l’artiste. Miró, Les Livres illustrés, n° 98 ; Maeght, De l’écriture à la peinture, p. 115. 85. REVERDY (P.) & PICASSO (P.). Sable mouvant. Paris, Louis Broder, 1966, grand in-folio,

en ff., couverture, chemise, étui. Édition originale. Ouvrage posthume et troisième texte de Reverdy accompagné des dessins de Picasso. Ce texte était initialement destiné à un collectif de douze poèmes réunis par René Char, lequel ne parut jamais. Publié suite à la disparition du poète en 1960, il témoigne, par son langage dépouillé et dépourvu d’artifices, de cette recherche du « lyrisme de la réalité », caractéristique de son œuvre poétique. 10 aquatintes de Picasso. Elles furent choisies parmi la grande série graphique « Le peintre et son modèle », à laquelle il travailla pendant l’hiver 1963-1964 et les mois de février-mars 1965. Certaines furent retouchées à la pointe-sèche et au grattoir. La plupart représentent le modèle et l’artiste en vis-à-vis, ce dernier peignant ou sculptant. À ce thème traditionnel, se superpose celui du regard et de la représentation, qui crée la dynamique d’un personnage à l’autre et du spectateur à l’œuvre. Édition limitée à 255 exemplaires, tous sur vélin de Rives (n° 136) et signés par l’artiste. Cramer, Pablo Picasso, Les Livres illustrés, n° 136 ; Geiser-Bauer, T. V. n° 1152-1161. 86. DEBORD (G.). La Société du spectacle. Paris, Buchet - Chastel, 1967, [Achevé d’imprimer

le 14 novembre 1967, par l’imprimerie Floch à Mayenne], in-12, broché, couverture, bande annonce. Édition originale. Divisé en neuf chapitres, l’ouvrage se présente sous forme de 221 thèses offrant une étude critique de la société moderne, aboutissement des travaux de l’Internationale situationniste. Ce livre a joué un rôle clé dans les événements de mai 1968. Debord a donné une version cinématographique de son œuvre en 1973. Petite trace de pli à la couverture. 78


85 - REVERDY & PICASSO 79


87. [WARHOL (A.)]. Bomb Hanoï. New York, David Antin-Jérôme Rothenberg, Hiver 1966, in-12, broché, couverture, étui. « Vietnam Assemblage » est le premier numéro de la revue Some / Thing. Typiquement new-yorkaise, elle fut fondée en 1965 par David Antin et Jérôme Rothenberg et compte parmi ses collaborateurs Charles Bukowski, Allen Ginsberg, Gérard Malanga, Robert Kelly... Il s’agit ici d’un collectif contre la guerre du Vietnam. L’esthétique adoptée est typiquement journalistique. La ligne directrice de la revue reflète bien l’impopularité du conflit dans l’opinion américaine. D’abord initiée par la culture rock et les artistes, sa virulente condamnation ne tarda pas à devenir, avec la célèbre marche des vingt-cinq mille personnes sur Washington ou la protest song de Joan Baez et Bob Dylan, un véritable phénomène de société. Couverture originale d’Andy Warhol constituée d’une plaque de 12 timbres autocollants en jaune et noir « Bomb Hanoï », en parfaite condition. Tout en s’exprimant une nouvelle fois sur l’actualité immédiate, Warhol poursuit l’exploration des techniques de reproduction de l’image, et s’amuse à détourner le timbre de sa fonction utilitaire première pour lui conférer une dimension artistique et politique. P. Dupuy & L. Desalmand, Les Livres de Warhol, Galerie Arenthon, 2000, n° 17. 88. CHAR (R.) & PICASSO (P.). Les Transparents. Alès, PAB, 1967, in-4°, broché,

couverture. Premier livre illustré par Picasso de cartalégraphies. La technique de la cartalégraphie, nouvelle pour Picasso, lui a été suggérée par son inventeur, Pierre André Benoit, qui la résume ainsi : « La matrice est constituée par un carton plus ou moins épais, déchiré à la main, ou, le plus souvent, découpé avec des ciseaux… Enfin encrée, elle donne par l’impression une empreinte originale où les à-plats peuvent révéler de légères variations dues à la matière du carton qui reste vivante… chaque épreuve est presque unique. Cette technique permet une grande spontanéité… la fragilité, par contre, empêche des tirages importants. » 4 cartalégraphies à pleine page de Pablo Picasso accompagnent ces poèmes extraits des Matinaux. Édition limitée à 60 exemplaires, tous sur vélin de Rives, signés par Picasso et l’éditeur. P. Cramer, Pablo Picasso, Les Livres illustrés, n° 138 ; Bloch, Catalogue de l’œuvre gravé et lithographié, 1236-1239 et 1369 ; A. Coron, Le Livre et l’Artiste, 1977, 25 ; R.F. Johnson-D. Stein, Artist’s books in the Modern Era, 1870-2000, n° 90 ; D. Fourcade, L’Herne, René Char, 351.

89. [Ephémère (L’)]. Revue. Fondation Maeght, 1967-1973, 20 numéros réunis en 19 vol. in-8°, broché, couverture. L’Éphémère fut fondée à l’initiative d’André Maeght. Heureuse alternative à la disparition de la revue du Mercure de France en 1965, elle reprenait à son compte deux de ses collaborateurs, Yves Bonnefoy et Gaëtan Picon, auxquels se joignirent André du Bouchet, Louis-René des Forêts, Jacques Dupin, et un peu plus tard, Paul Celan et Michel Leiris. Ensemble, ils œuvrèrent à la publication d’une vingtaine de numéros, de l’hiver 1966 au printemps 1973. La plupart des interrogations et préoccupations de la poésie contemporaine, à la fois existentielle, lyrique et dépouillée, trouvèrent là leur champ d’expression. Elle devint également un lieu de rencontre entre la peinture et la poésie, les écrivains se prononçant ou s’inspirant régulièrement des grands maîtres et de leurs contemporains : Giacometti, Morandi, Tapiès, Michaux, Jacqueline Lamba, Hercule Seghers, Bram Van Velde, Wilfredo Lam, etc. La couverture porte, du premier au dernier numéro, une figure de femme de Giacometti, tracée sur une pierre lithographique. Nombreuses illustrations. Provenance : Samuel Silvestre de Sacy (1905-1975), rédacteur en chef du Mercure de France de 1946 à 1965. Yves Bonnefoy, Livres et documents, Bibliothèque nationale, p. 135 ; De l’écriture à la peinture, Fondation Maeght, pp. 210-211. 80


87 - WARHOL

81


90. COHEN (A.). Belle du Seigneur. Paris, Gallimard, 1968, in-8°, broché, couverture. Édition originale. L’un des romans majeurs de la littérature française de la seconde moitié du XXe siècle. Roman de la consécration, Belle du Seigneur connut dès sa parution un important succès couronné par le Grand Prix de l’Académie française et vaudra à Albert Cohen (1895-1981) d’être fait chevalier de la Légion d’honneur en 1970. Troisième volet de la trilogie des Solal initiée en 1930 avec Solal suivi de Mangeclous (1938), l’ouvrage fut achevé et publié durant les événements de mai 1968, espaçant ainsi la rédaction du triptyque sur près de quarante ans. Satire de la société bourgeoise et de sa mentalité bien-pensante, ce roman à l’écriture réaliste s’ajoute à la tradition littéraire française des grandes fresques sociales explorées par Balzac, Stendhal ou Proust. Parallèlement, Belle du Seigneur aborde le thème de la passion débordante et destructrice unissant Solal, personnage principal du roman et Ariane, femme obéissante aspirant à l’amour sincère. Leur relation malsaine n’est pas sans rappeler les péripéties amoureuses vécues entre la marquise de Merteuil et son amant le vicomte de Valmont dans Les Liaisons dangereuses (1782). L’un des 55 premiers sur vélin pur fil Lafuma-Navarre. Exemplaire dans sa condition d’origine, parfaitement conservé, généralement le dos est bruni. Laffont-Bompiani, Le Nouveau Dictionnaire des œuvres, T. I, pp. 663-664. 91. KLEIST (H. von) & BELLMER (H.). Les Marionnettes. Paris, Georges Visat, 1969,

in-folio, en ff., couverture, chemise, étui. Texte traduit de l’allemand par Robert Valençay. Un des beaux cycles iconographiques de Bellmer. 11 cuivres gravés en couleurs par l’artiste en collaboration avec Cécile Deux et Georges Visat, chacun étant signé. L’un des 150 exemplaires, bien complet de la suite ajoutée des 11 planches signées. Édition limitée à 175 exemplaires, tous sur Fabriano teinté. Denoël, Hans Bellmer, Œuvre gravé, 97 à 105 ; P. Dourthe, Bellmer, le principe de perversion, p. 258. 92. PRÉVERT (J.) & CALDER (A.). Fêtes. Paris, Maeght, 1971, in-folio, en ff., couverture,

chemise, étui. Édition originale. Ce portrait de Calder, Fêtes, avait paru en partie en février 1966 dans Derrière le miroir sous le titre « Oiseleur de fer ». Prévert fait un parallèle entre l’artiste et son œuvre, mettant en exergue cette vérité absolue qui se dégage du travail du grand sculpteur, la beauté comme résultat de l’extrême simplicité. 7 eaux-fortes en couleurs d’Alexander Calder. L’un des 150 exemplaires sur vélin d’Arches. Édition limitée à 225 exemplaires, tous numérotés et signés par Jacques Prévert et Alexander Calder. Gasegliar-Laster, Jacques Prévert, Œuvres complètes, La Pléiade, II, pp. 199-211 ; Lipman, p. 134 ; […], De l’écriture à la peinture, Fondation Maeght, n° 130 ; R.F. Johnson - D. Stein, Artist’s Books in the Modern Era, 1870-2000, n° 152. 82


90 - COHEN

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93. CROMMELYNCK (F.) & PICASSO (P.). Le Cocu magnifique. Paris, Éditions de l’Atelier

Crommelynck, 1968, in-4° oblong, en ff., couverture de parchemin remplié, emboîtage d’éditeur. Composée en 1921 par Fernand Crommelynck (1886-1970), cette pièce en trois actes évoque sur le ton de la farce, les problèmes liés à la jalousie. Privant son épouse de liberté et bien qu’aimé en retour, Bruno, par amour fou, pousse sa femme à le tromper et le quitter. Thème fréquemment abordé dans le théâtre, d’Othello de Shakespeare à L’École des femmes de Molière, Le Cocu magnifique s’intéresse à la dimension pathologique de la jalousie, forme que Sigmund Freud (1856-1939) développa dans son essai De quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité (1922). Conçu dans l’atelier de gravure des fils du dramaturge, Piero et Aldo Crommelynck, l’ouvrage fut publié deux ans avant la mort de son auteur. S’installant en 1963 à Mougins, les deux frères collaborèrent à plusieurs reprises avec Pablo Picasso, tirant ses dernières grandes séries et publiant La Célestine (1971). 12 eaux-fortes de Pablo Picasso (1881-1973). Pour ce cycle, Picasso souhaita représenter les personnages de la pièce en utilisant sa propre mythologie, le mari trompé se métamorphosant en Minotaure, figure familière de l’art du Catalan. Les illustrations, 4 pour chacun des trois actes de la pièce, furent sélectionnées parmi une série réalisée entre le 6 novembre et le 19 décembre 1966 et comportant 65 gravures environ. Une partie de cet ensemble composa l’année suivante El entierro del Conde de Orgaz (1969). Édition limitée à 200 exemplaires, tous sur vélin de Rives et signés par l’auteur et l’artiste. Patrick Cramer, Pablo Picasso - Les livres illustrés, 1983, p. 338 ; Frédéric Monneyron, L’Écriture de la jalousie, 1997, pp. 69-70 ; Pierre Daix, Dictionnaire Picasso, 1995, p. 219.

94. ISHIUCHI (M.). Yokosuka Story. Tokyo, Sashin Tsushin Co., 1979, in-4° oblong, broché, cartonnage souple d’éditeur. Édition originale. 107 photographies en noir et blanc à pleine page. Texte de Nobuyoshi Araki et conception graphique de Tsunehisa Kimura. Volet intermédiaire de la trilogie qui rendit Ishiuchi célèbre. Elle comprend Apartment et Endless night, respectivement publiés en 1978 et 1981. L’auteur rapporte ici une journée de retour à Yokosuka, la ville où elle a grandi de 1952 à 1967, située sur la péninsule de Miura face à la baie de Tokyo. À la manière du reportage, Miyako Ishiuchi insiste sur sa redécouverte progressive du site, partant des alentours pour gagner le centre-ville. Son regard légèrement nostalgique et critique enregistre les traces laissées par l’occupation américaine, laquelle a quelque peu altéré la topographie et le caractère social de la ville. Mais la photographe dénonce aussi l’ambiguïté des sentiments nippons à leur égard. Son style, vigoureux, se réclame de Provoke, la plus importante des revues avant-gardistes japonaises, avec ses images incertaines, d’aspect granuleux, très contrastées et cadrées de manière saisissante. Née dans la commune de Gumma en 1947, Miyako Ishiuchi devint l’une des principales figures féminines de la photographie japonaise contemporaine dès les années soixante-dix. Elle grandit à Yokosuka, qui fait l’objet du présent album. Sortie major de l’université de Tama Art, elle acquit très vite une certaine reconnaissance, participant régulièrement dès 1975 à des expositions collectives : Shashin Koba 3 et Shashin Koba 5, organisée par elle avec une dizaine de femmes photographes, les Hyakka Ryoran, Cry-Yokosuka Story, au Nikon Salon, avec une cinquantaine de photographes prometteurs et Photographs of Today-77 à Yakohama. En 1978, elle exposa les photographies du premier album de sa trilogie au Nikon Salon. Exemplaire signé et daté par l’auteur, conservé dans une chemise-étui, non signée, de Thérèse Treille. Sans la bande annonce. M. Parr - G. Badger, The Photobook : A history vol.1, p. 304 ; Nihon Shashinka Jiten (Dictionnaire des photographes japonais), 2000, p. 35 ; Studio Voice, n° 254, Tokyo, Infasu, février 1997, p. 39 reproduit. 84


93 - CROMMELYNCK & PICASSO

85


95. LINHARTOVA (V.). Intervalles. Paris, Mérat (pour Jean de Gonet), 1981, in-8°, plats en

lames de wenge articulées, dos en peau de truie blanche à deux nerfs fléchés d’ébène en toile d’acier, doublure et gardes en papier de synthèse brun, couverture conservée, chemise, étui (Jean de Gonet, 1981). Édition originale. 2 claires-voies de Vera Szekely tirées en sérigraphie par Kemell Major. L’un des 15 exemplaires sur japon ancien, celui-ci (n° 1) spécialement imprimé pour le collectionneur Parizel. Édition limitée à 20 exemplaires, tous dans une reliure de Jean de Gonet, signés par l’auteur et l’illustrateur. Il est probable qu’elle soit la première reliure articulée du praticien. Exposition : Jean de Gonet, Paris, Guérin, 1982, n° 27. Provenance : Parizel (Cat., Une bibliothèque contemporaine, 1990, n° 208, décrit sans l’emporte-pièce, mentionné au crayon à mine par Jean de Gonet à la justification).

96. GONET (J. de). Reliures. Paris, Chez Cl. Guérin, 1982, in-8°, couverture et dos revorim Jean de Gonet portant la mention PROTO 3 sur le premier plat, et OBJET 2000 sur le second, chemise, étui. Première exposition exclusivement consacrée à Jean de Gonet, organisée par Claude Guérin. Préface de Jean Toulet. Rédaction et description par Antoine Coron. En 1985, à la demande de Dominique Bozo, directeur, et de Daniel Abadie, alors conservateur de la bibliothèque du Musée d’Art moderne, Jean de Gonet conçut et réalisa un prototype de reliure radicalement différent des reliures habituelles de bibliothèques, par sa méthode de réalisation et par le matériau, moulé, qui constitue ses plats. Jean Toulet conseilla alors à Jean de Gonet de présenter cette reliure au Concours Objet 2000 qui se proposait de primer un objet contemporain et d’en financer l’exécution. Ce premier moule, réalisé à la marque de De Gonet Artefacts, a donc été financé par ce concours dont le praticien remporta le premier prix. Ce prototype est l’un des trois que Jean de Gonet réalisa sur son catalogue. C’est donc une des trois toutes premières reliures en RIM qui ait été réalisée, conjointement à la création de la SARL Jean de Gonet Artefacts et au dépôt du brevet. Des trois prototypes, celui-ci a été offert par le praticien à Fred…, la cheville ouvrière de ce projet. L’une des pages de garde est couverte de ce texte manuscrit, daté janvier 1986 : Mon cher Fred, la page des prototypes est terminée, et celle du concours « OBJET 2000 » aussi. Je suis heureux que celui-ci rentre dans tes « archives » puisque ton laboratoire est la cheville ouvrière de ma tentative de coup d’État au pays des reliures, des relieurs et des bibliophiles. Le « REVORIM » a fait mouche du premier coup ; tu peux t’en réjouir avec moi. Amicalement J. de Gonet. L’exemplaire est enrichi d’un frottis, maquette d’une reliure. 86


95 - linhartova

87


97. GONET (J. de). Album. Concours Objet 2000. [décembre 1985], in-4° de 38 ff., revorim

mat original avec la mention « Objet 2000 - Proto Zéro ». Document essentiel pour l’histoire de la reliure, présenté par Jean de Gonet comme étant unique (Colophon. Vendredi 13 décembre, 1985, exemplaire unique). Destiné au collectionneur Fred Feinsilber par son auteur, fraîchement auréolé du premier prix du Concours Objet 2000, cet ensemble, réalisé à la main, à l’ordinateur ou photocopié, s’articule autour de trois parties, une introduction, rapide coup d’œil sur ce qu’était la reliure à la veille de ce concours, puis suit un descriptif technique de ce que devait être une reliure pouvant répondre aux critères requis par ce dernier, un objet nouveau et suffisamment avancé sur son temps pour prendre place dans notre environnement futur, et, comme noyau central, intitulé Concours Objet 2000, la genèse et les différentes étapes qui permirent d’élaborer cette fameuse reliure semi-industrielle en « RIM » souple. L’idée première était de proposer un système nouveau, satisfaisant sur le plan de la conservation, agréable à l’œil, d’un prix abordable, en adaptant les techniques que le praticien employait déjà pour ses cuirasses de création, à un système semi-industriel, afin de produire en série des reliures de faible prix, tant pour les institutions que pour les particuliers, répondant ainsi à une nécessité, celle de pouvoir conserver les livres. Pour ses reliures artisanales ou de création, Jean de Gonet avait auparavant mis au point un système fondé sur la dissociation des plats, réglant définitivement le problème de l’ouverture d’un livre, qui était enfin totale. Le « RIM », le matériau nouveau, est un élastomètre à double composant, polyol et isocianate, qui se moule à basse pression. Il avait fait ses preuves dans l’industrie automobile. Ce projet de reliure, avant d’être présenté au Concours Objet 2000 qui permit de financer un moule à la marque « De Gonet, Artefacts », dont les premières épreuves connues, chacune avec des variantes, portent le label Proto 1, 2, 3 ou 4, ne peut être évoqué sans mentionner l’épisode Dominique Bozo, directeur, et Daniel Abadie, conservateur de la bibliothèque du Musée d’Art moderne. À sa demande, Daniel Abadie chargea le relieur d’une mission, élaborer deux prototypes, l’un destiné aux ouvrages courants du musée, le second, pour ceux de la réserve. Ce projet figure ici dans sa totalité, avec notamment la maquette du plat Beaubourg au dessin choisi par le conservateur et dont le moule fut réalisé gracieusement par l’un des fidèles du praticien. Le projet n’aboutissant pas, intervint alors Jean Toulet, conservateur à la réserve des imprimés de la Bibliothèque nationale, passionné de reliure ancienne et moderne, qui suggéra au relieur de présenter son invention au Concours Objet 2000. Puis vont se succéder le dépôt du brevet, en Europe et aux États-Unis, et la création de la SARL Jean de Gonet Artefacts. Une intéressante sous-partie traite de l’élaboration du moule, en époxy armé, depuis son étude graphique à sa réalisation à 4 empreintes, dans un souci d’économie. 9 photographies de reliures, maquettes de plats en « RIM » réalisées à l’ordinateur, et en colophon, L’homme-volant, constituent l’iconographie. Annotations et corrections manuscrites à l’encre palladium. L’Album, monté sur onglets, est conservé dans une boîte à dos de veau. La reliure est l’une des toutes premières en RIM.

98. GONET (J. de). Modèle original ayant servi à la réalisation du moule « B. N. », grand format. Cadre de Jean de Gonet. Signé « Jean de Gonet » et daté « Paris, le 30 avril 1989 ». Dimensions : 357 x 269 mm, pour le moule. 88


97 - GONET

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99. MELVILLE (H.). Pontoosuce. S. l., [Benoît de Roux], 1984, in-8° oblong, plats souples

constitués d’un assemblage de semelle « Topy » et tapis de sol caoutchouc, bordé de teck en gouttière, au mors large bordure de teck sur laquelle est attachée par deux œillets d’acier une étiquette triangulaire du même bois toilée dans la marge et titrée en noir, cousu sur deux nerfs gainés d’un fil de lin gris et noir et rivetés d’ébène, dos en veau rouge brique, gardes de nubuck acajou et brique, couverture, chemise et étui (Jean de Gonet, 1985). Édition originale de la traduction française. Traduit par Pierre Leyois, ce poème retrouvé après la mort d’Herman Melville (1819-1891) porte le nom indien d’un lac situé dans la région du Massachusetts où l’auteur acheta une ferme en 1850. Vivant une douzaine d’années dans cette maison, il y composa ses plus grandes œuvres à commencer par Moby Dick. L’un des 15 premiers exemplaires comportant chacun un dessin à la plume d’Élisabeth Leyois. Intéressante association bois-Topy. Lors de l’exposition « Jean de Gonet, relieur » organisée par la Bibliotheca Wittockiana, deux reliures en semelle de Topy ont été montrées. Elles étaient datées de 1984. Provenance : Feinsilber (ex-libris).

100. KIEFER (A.). Die Unegeborenen. Une rêverie émanée de mes loisirs VII. Paris, Lambert,

2002, in-4°, broché, couverture, boîte d’acier brossé. Collage de cendres et de plomb sur photographies numériques. « Les livres ne se contentent pas d’accompagner la création de Kiefer, comme une production secondaire ou un commentaire. Ils y occupent une place centrale en constituant à la fois un lieu d’entrecroisement pour ses autres réalisations (installations et performances, sculptures et gravures, etc), le creuset d’œuvres à venir ou l’aboutissement de réalisations antérieures. En tant que tels, ils sont un élément essentiel de son travail, un des plus significatifs et des plus fascinants. » L’un des 108 exemplaires, numérotés de 1 à 108. Édition limitée à 150 exemplaires, tous sur le même papier et signés par A. Kiefer. D. Arasse, A. Kiefer, p. 47.

90


table DES ILLUSTRATEURS

ALBIN GUILLOT (L.)

29

KOPAC (S.)

ALEXEIEFF (A.)

24

LANSKOY (A.).

ARP (H.) BALTHUS

11, 46 10

BEAUDIN (A.)

39, 74

BELLMER (H.)

34, 83, 91

BRANDT (B)

76

LAURENS (H.) LÉGER (F.) LEPÈRE (A.) LINHARTOVA (V.) MAN RAY

BRAQUE (G.)

16, 46

CALDER (A.)

92

MICHAUX (H.)

CHAGALL (M.)

79

MIRÓ (J.)

DALI (S.)

26, 30

MATISSE (H.)

DORA MAAR

41

PICASSO (P.)

DOTREMONT (Ch.)

68

PRINNER (A.)

27, 65

8, 12 3 95 31, 41, 83 46 40, 49 33, 46, 83, 84

22

MOREAU (L.-A.)

ERNST (M.)

17, 55

54

14

37, 43, 52, 53, 60

72

MOORE (H.)

DERAIN (A.)

DUBUFFET (J.)

47, 48, 58

ROCHE (P.)

44, 46, 50, 85, 88, 93 45 4

SCHMIED (F.-L.)

28

ESTÈVE (M.)

77

SCHMUTZER (F.)

5

FRANK (R.)

70

SCHWITTERS (K.)

46

GIACOMETTI (A.)

46, 83

STAËL (N. de)

59

GRIS (J.)

18, 63

SURVAGE (L.)

46 35

HENRY (M.)

64

TOYEN (M.)

HOSOE (E.)

78

TYTGAT (E.)

ISHIUCHI (M.)

94

VALLOTON (F.)

JORN (A.)

73

VERNET (T.)

81

JOUVE (P.)

25

VILLON (J.)

80

WARHOL (A.)

87

KIEFFER (A.)

100

9, 46 2



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