Librairie Lardanchet 100, rue du Faubourg-Saint-Honoré 75008 Paris Tél. : 01 42 66 68 32 - Fax : 01 42 66 25 60 E-mail : meaudre@online.fr www.lardanchet.fr
Références bancaires Monte Paschi Banque Compte n° 00001 05342497001 47 Crédit Coopératif Compte n° 2100792760689
Photographies : © Studio Baraja Impression : Drapeau-Graphic © 2006 - Librairie Lardanchet Catalogue rédigé par Marie Meyer
Le n° 27 est reproduit en couverture
LIVRES DES
XIXe ET XXe SIÈCLES
9 - APOLLINAIRE (G.)
LIVRES DES
XIXe ET XXe SIÈCLES
Paris 2006
LIBRAIRIE LARDANCHET
2 - VERLAINE (P.)
4
LIBRAIRIE LARDANCHET
1. VERLAINE (P.). Mes Hôpitaux. Paris, Léon Vanier, 1891, in-8°, demi-maroquin aubergine à coins, dos à nerfs finement orné, couverture et dos, tranches dorées, étui gainé de même maroquin (Huser). Edition originale. Il a été tiré à quelques exemplaires sur Hollande. A partir de 1886, Verlaine fit des fréquents séjours dans les hôpitaux parisiens, à Tenon, Broussais, Cochin, L’Asile des convalescents à Saint-Maurice... On l’y soigna d’une vieille arthrite, favorisée par l’abus d’alcools et les traces d’une maladie vénérienne. Durant ses convalescences forcées, le poète continua de travailler et reçut même ses amis. Ses déconvenues lui inspirèrent ce petit texte en prose, enjoué et railleur, qui lui servit probablement d’exutoire et fut publié par Léon Vanier, son éditeur attitré : «On s’habitue à cette vie monastique, sans hélas, l’oraison et la règle suivie pour elle-même. Le lit vous pénètre. On y vit tout à fait». Portrait de Verlaine en tenue d’hôpital dessiné par F.-A. Cazals et tiré en sanguine. Il rencontra le jeune dessinateur en avril 1886 et lui voua une amitié passionnée au point de l’instituer son héritier en 1889 et de rédiger un testament en sa faveur. Bel exemplaire sur papier d’édition. On a joint une curieuse fiche d’admission d’urgence du poète à l’hôpital Broussais datée du 8 juillet 1889. Le poète vivait alors au 4 rue Vaugirard, à l’hôtel de Lisbonne avec Cazals et sa femme, Marie. Il fit son entrée à Broussais, salle Lasègue, lit 31. Cazals, qui fut alité à la même période, occupait le lit 24. Ce long séjour fut interrompu par une cure thermale à Aix-les-Bains, décrite dans le livre. Elégante reliure de Huser. Pro v e n a n c e : Heilbrun (Cat., Verlaine, n° 8 4). E x p o s i t i o n : «Dix siècles de Livres français», 1949, n° 257. Carteret, II, p. 429 ; Verlaine, Œuvres poétiques complètes, La Pléiade, pp. xv-xlvi ; F. Montel, Bibliographie Paul Verlaine, pp. 78-81.
2. VERLAINE (P.). Elégies. Paris, Léon Vanier, 1893, in-12°, broché, couverture, non rogné. Edition originale. Le recueil est dans la continuité des Chansons et Odes de Verlaine. Ecrit en l’honneur de sa maîtresse Philomène Boudin, une prostituée qui devint sa compagne pendant quelques années, i l mêle l’anecdote et le récit d’amours crapuleuses à une véritable recherche poétiques. Le titre Elégies n’est pas seulement la marque ironique d’une élévation des sentiments, c’est aussi l’indication d’un travail précis sur le vers, le poète s’étant proposé d’imiter l’élégie tibullienne. L’un des 15 premiers exemplaires sur Japon, bien complet de la pièce autographe, ici le poème «Quand tu me racontes les frasques...», signé par Verlaine. Le poème n’appartient pas au présent recueil, mais au précédent, Odes en son honneur, dont il constitue la quinzième pièce. Il est conforme à l’édition originale. Les détails de sa prépublication sont précisés en bas du feuillet d’une main autre que celle de Verlaine : paru sous le titre Hand ignaro mali. Ermitage 15 août [18]9 2. Ce titre initial est d’ailleurs une
5
LIBRAIRIE LARDANCHET
citation inexacte de Virgile, Eneide , I, 630 : Non ignora mali, miseris succurrere disco. Exemplaire en parfaite condition, conservé dans une chemise-étui.
3. VERLAINE (P.). Epigrammes. Paris, Bibliothèque artistique et littéraire, 1894, in-16 carré, broché, couverture, non rogné. Edition originale. Selon Verlaine, ce recueil n’aurait eût d’autres buts que de le distraire. Le poète est alors en convalescence à l’hôpital Saint-Louis, au pavillon Gabrielle, lit 2. Ses vers sont des épigrammes au sens strict, c’est à dire de courtes pièces de vers sur un sujet quelconque. Parfois l’auteur se moque, mais l’intention parodique ne prévaut pas toujours, et c’est surtout par sa fraîcheur, sa spontanéité et ses vues poétiques, que ce recueil reste exemplaire. Sa principale caractéristique est un retour vers le Parnasse. Portrait-frontispice de Verlaine, vu de dos, avec son ombre, par F.-A. Cazals. C’est la reprise en noir d’un croquis de 1893. Le dessin parut également dans La Plume, au numéro spécial consacré à Paul Verlaine du 1-28 février 1896. La revue fut aussi à l’origine de la publication des Epigrammes. L’un des 20 premiers exemplaires sur Japon. Il est enrichi d’un billet autographe de Verlaine à Léon Vanier, daté 22 mars 1894, avant son hospitalisation, à propos d’un rendez-vous manqué. Le poète vit avec Eugénie Krantz, dont il est question dans le billet, et l’état de sa jambe empire. Son correspondant, Léon Vanier, libraire au quai Saint-Michel, est son éditeur depuis 1884. Ce dernier le soutint de diverses manières et, malgré une brouille, fut son ami jusqu’à sa mort, dont il mena avec le dessinateur Cazals, le cortège. Exemplaire en parfaite condition, conservé dans une chemise-étui. Carteret, II, p. 433 ; F. Ruchon, Verlaine, Documents iconographiques, p. CXXXV ; F. Montel, Bibliographie de Paul Verlaine, pp. 97-100.
4. APOLLINAIRE (G.). Alcools. Poèmes. 1898-1913. Paris, Mercure de France, 1913, in-12, maroquin rouge janséniste, dos à nerfs, roulette dorée intérieure, couverture et dos, tranches dorées (Alix). Edition originale. Premier grand recueil de vers d’Apollinaire, qui fit sa gloire. Le projet remontait à loin, puisqu’il songea dès 1904 à faire une plaquette de ses poèmes rhénans. Annoncé pour 1910 sous le titre d’ Eau de vie, le recueil parut trois ans après, passablement enrichi par l’influence des avant-gardes, sa relation à Marie-Laurencin à partir de 1907 et ses fréquentes flâneries parisiennes. Ses vers, d’une fantaisie charmante alliée à une rare virtuosité, inaugurèrent une nouvelle ère poétique, loin des rigueurs du Parnasse et des sophistications symbolistes. L’innovation la plus discutée fut peut-être la suppression de la ponctuation, spontanément décidée par Apollinaire au cours des corrections d’épreuves. 6
LIBRAIRIE LARDANCHET
4 - APOLLINAIRE (G.) Portrait de l’auteur par Pablo Picasso. Ami du peintre, Apollinaire devint le défenseur du mouvement cubiste, très critiqué au salon de 1911, dont il représenta les principales figures, Picasso, certes, mais aussi Braque, Metzinger et Gleizes, dans ses Méditations esthétiques, parues la même année que son recueil poétique. Exemplaire relié par Henri Alix, dont la période d’activité s’étend de 1948 à 1959.
5. ROUSSEL (R.). Locus Solus. Paris, Lemerre, 1914, in-12, broché, couverture, non coupé. Edition originale. Paru en 1914, Locus Solus connut le même insuccès que les précédents livres de l’auteur, La Doublure, La Vue et Impression d’Afrique. Il fut adapté au Théâtre Antoine par Pierre Frondaie. L’acharnement de la critique, qui le baptisa «Loufocus Solus», «Locus Saoulus» ou «Blocus Solus», lui valut une célébrité de scandale, mais le reconnaissance des surréalistes fit bien davantage pour la postérité grandissante du 7
LIBRAIRIE LARDANCHET
roman. Du nom de la propriété du génial savant Mathias Canterel, Locus Solus, est une sorte de parcours initiatique, artistique et littéraire, au cours duquel le lecteur découvre des œuvres imaginaires commentées par leur acquéreur. Ce dernier est inspiré de Jules Verne, auquel Raymond Roussel vouait une grande admiration. Lors de la visite, les figures représentées s’animent, rejouant souvent l’acte ou l’aventure qui marqua leur existence. Le style occupe, dans ce récit fantastique, une place prépondérante. Toujours à l’affût de nouveaux procédés poétiques et narratifs, l’auteur déploie ici toute son astuce et son inventivité. Ses techniques furent d’ailleurs l’objet de son dernier texte, Comment j’ai écrit certains de mes livres. L’un des quelques exemplaires sur Japon, papier dont on ne connaît pas le tirage Bien conservé, il est complet de La Critique et Raymond Roussel qui manque souvent.
6. RIMBAUD (A.). Les Mains de Jeanne-Marie. Paris, Au Sans Pareil, 1919, in-12, broché, couverture illustrée. Edition originale. Notice de Paterne Berrichon. Portrait du poète par Jean-Louis Forain, couverture et page de titre illustrées d’une vignette d’André Derain. L’un des 42 exemplaires (n° I) sur papier japon des manufactures impériales, deuxième papier après 8 Chine. Il est conservé dans une chemise-étui à dos et rabats de maroquin bleu. Parfaite condition. Fouché, Au Sans Pareil, n° 1 .
7. RILKE (R.M) & BALTHUS. Mitsou. Quarante images par Baltusz. Erlenbach-Zürich & Leipzig, Rotapfel-Verlag, 1919, in-4°, broché, cartonnage d’éditeur avec couverture rempliée. Edition originale. Amusant texte de Rainer Maria Rilke sur les chats, rédigé en faveur de son protégé. Ils se connurent dans le cadre de l’amitié amoureuse que le poète entretint à sa mère, Baladine Klossowska, de 1919 jusqu’à sa mort, en 1926. Le projet atteste de la générosité de Rilke, qui non content d’associer son nom aux dessins d’un jeune garçon de onze ans, effectua les démarches nécessaires auprès des éditeurs. Mistou est l’histoire d’un chat trouvé au château de Noyon, adopté par un enfant. Animant la vie quotidienne de ces facéties, il parvient un jour à échapper à la vigilance de son jeune maître et disparaît. La précocité de Balthus apparaît dans les déformations expressives du trait. Elles le 8
LIBRAIRIE LARDANCHET
8 - TITGAT (E.)
rapprochent de l’Unheimlich nordique et des cruelles caricatures d’E.T.A. Hoffmann en marge des Contes. L’ouvrage sera réédité en 1988 par la Librairie Séguier. 40 images de Balthus hors-texte. Première apparition de la figure du chat dans l’œuvre du peintre. Il deviendra son animal de prédilection et sera soumis à toutes sortes de métamorphoses successives, tantôt figure onirique ou mystérieuse veillant des jeunes filles assoupies, tantôt cruel et carnassier, en partie anthropomorphisé, tantôt associé au thème des vanités, comme dans la série du Chat au Miroir II et III des années 1986-1989 et 1989-1994. Parfois aussi, les modèles du peintre empruntent à l’animal ses poses félines ou son agressivité. Exemplaire en belle condition. Dos légèrement épidermé. Tirage non précisé. J. Clair- V. Monnier, Balthus. Catalogue raisonné de l’œuvre complet, pp.480-484 («Les dessins originaux qui auraient, selon l’artiste, appartenu à Rainer Maria Rilke, n’ont pu être retrouvés.») 9
LIBRAIRIE LARDANCHET
8. TITGAT (E.). Carrousels et baraques. Contes. Gravés. Londres, Cyril Beaumont, 1919, in-4° oblong, en ff., chemise illustrée et rubans grenat d’éditeur. Edition originale. Charmant ouvrage, qui témoigne de la prédilection d’Edgard Tytgat pour la littérature enfantine, les contes et le folklore, auxquels il consacra l’essentiel de sa production. Il fut entièrement conçu par lui, tant du point de vue du texte et de l’imagerie, que, vraisemblablement, de la typographie. Cette dernière présente d’évidentes affinités avec celle mise au point par l’artiste en 1915 et pour la première fois appliquée au Petit Chaperon Rouge et à Quelques images de la vie d’artistes, tous deux publiés en 1917 lors de son exil londonien. C’est également durant ce séjour de quatre années, qu’il choisit d’évoquer des souvenirs d’enfance heureux, à travers la figure centrale et magique du carrousel. Le texte a été imprimé sur la presse à main de l’éditeur. 6 gravures (bois, linoléum et cliché) hors-texte sur Chine et 10 illustrations (cliché) in-texte. Si le texte s’intéresse exclusivement à l’enfance, l’iconographie élargit les perspectives, avec trois images inspirées des fêtes foraines de la commune native de l’auteur, La procession à Watermael, La baraque, Le Carroussel de Watermael, et trois autres des foires anglaises , Morry go-round, Swings et Caravan... Passé et présent sont ainsi mélangés au service d’un même thème, celui du monde forain, dont
l’atmosphère festive et bruyante est en partie rehaussée par les couleurs. Chaque image traduit bien «cette naïveté naturelle» recherchée par l’artiste, laquelle explique aussi sa préférence pour la technique de la gravure sur bois. L’un des 110 exemplaires numérotés de 41 à 150 ; celui-ci est signé par l’éditeur. Tirage limité à 153 exemplaires, tous sur Chine. P. Taillaert, Edgard Tytgat. Catalogue raisonné de l’œuvre gravé, n° 40 et 41.
9. APOLLINAIRE (G.). L’Hérésiarque & Cie. Paris, Stock, 1919, in-12, papier peint à la bradel, dos lisse, couverture et dos (reliure de l’époque). Edition originale. Recueil de contes, l’un des deux livres préférés d’Apollinaire avec Alcools. Il intronise ce sens du merveilleux développé plus tard par Aragon, où le fantastique et l’insolite surgissent de la réalité quotidienne des villes que le poète aimait tant à visiter : Prague, Munich, Nice, Paris.... La culture juive et la question de l’illusoire jouent un rôle prépondérant, cette dernière notamment mise en exergue par le premier titre du recueil, Phantasmes, inspiré d’une obscure divinité grecque, fils du Sommeil, qui mettait une liqueur sur les yeux de celui auquel elle mentait. 10
LIBRAIRIE LARDANCHET
10 - ÉLUARD (P.) & ERNST (M.)
L’ouvrage fut pressenti pour le Prix Goncourt grâce au soutien d’Elémir Bourges, membre du jury, également à l’origine de la publication du recueil chez Stock, mais la récompense échût finalement à Louis Pergaud. Exemplaire offert par Apollinaire au poète normand Fernand Fleuret : 11
LIBRAIRIE LARDANCHET
Apollinaire et Fleuret se rencontrèrent à la Bibliothèque nationale, où ils dressèrent le catalogue de L’Enfer, plaisant inventaire de tous les livres auxquels les lecteurs n’avaient accès qu’avec l’autorisation du directeur pour des raisons de bonnes mœurs. Fleuret introduisit son nouvel ami auprès d’Othon Friesz et Raoul Dufy, deux animateurs du Cercle d’art moderne du Havre, qui l’invitèrent à prononcer une importante conférence, «Les trois vertus plastiques», qui résumait l’essentiel de sa vision artistique. C’est également sur ses conseils qu’Apollinaire choisit Dufy pour illustrer le Bestiaire ou le cortège d’Orphée, paru quelques mois après L’Hérésiarque. Membre-fondateur des Soirées de Paris, revue dirigée par le poète, Fleuret lui conserva sa vie durant son amitié, et quand il dut quitter Paris pour des raisons de santé, les deux amis continuèrent de s’écrire. Fleuret a joint à l’exemplaire une carte commémorative de la mort du poète, et une « feuille de chêne cueillie au pied du monument de Guillaume à Stavelot» , toutes deux datées 23 juin 1935. Petite ville ardennaise, qui accueille aujourd’hui le musée Apollinaire, Stavelot fut un lieu important, celui de la première idylle, et de l’ouverture du poète à « de nouvelles contrées évocatrices de légendes et de nouveaux types d’humanité ». A. Parinaud, Apollinaire, 1880-1918, p. 466 ; P. M. Adéma, G. Apollinaire, p. 139 ; J. Hartwig, Apollinaire, p. 105 ; Guillaume Apollinaire, 1880-1918, Bibliothèque Historique de la ville de Paris, pp. 11 et 90 ; Apollinaire, Bibliothèque nationale, p. 81 ; Le Livre et l’Estampe, n°132, pp. 177-195-226-261. Voir reproduction en frontispice
10. ÉLUARD (P.) & ERNST (M.). Répétitions. Paris, Au Sans Pareil, 1922, in-12, broché, couverture rouge illustrée. Edition originale. Il n’y a pas eu de tirage sur grand papier. Premier livre d’Eluard et Max Ernst. C’est le fruit d’une collaboration spontanée, le poète et le peintre ne s’étant encore jamais rencontrés au moment où Eluard s’attela à la composition du recueil. Il visita Max Ernst à Cologne à l’automne 1921, sans doute curieux de connaître l’auteur des déconcertants collages exposés dans les locaux de la librairie de René Hilsum, Au Sans Pareil, quelques mois auparavant. Dans l’euphorie de cette première rencontre, l’artiste invita Eluard à choisir dans ses cartons des collages pour ses œuvres poétiques en cours. Le choix judicieux de ce dernier donna le sentiment d’une collaboration concertée, pleinement maîtrisée, qu’ils concrétisèrent quelques mois après avec Le malheur des immortels et plusieurs autres livres. 11 collages de Max Ernst. Ils reflètent les deux types de collages mis au point par l’artiste à l’époque : les «synthétiques» et les analytiques». Les premiers rassemblent des éléments disparates, tandis que les seconds sont l’ajout de pièces à un décor fixe. Les livres d’instruction technique, avec notamment les revues La Nature et Le Livre des inventions, restent une source majeure d’inspiration. Exemplaire en belle condition. Edition limitée à 350 exemplaires, tous sur papier couché. P. Fouché, Au Sans Pareil, p. 158 ; W. Spies, Max Ernst, les collages, inventaires et contradictions, p. 107-112 ; J.-C. Gateau, Paul Eluard ou le frère voyant, pp. 93-99 ; Paul
12
LIBRAIRIE LARDANCHET
11 - PÉRET (B.) & TANGUY (Y.)
13
LIBRAIRIE LARDANCHET
Eluard, Œuvres complètes, La Pléiade, T. 1, pp. 1341-1352.
11. PÉRET (B.) & TANGUY (Y.). Dormir, dormir dans les pierres. Paris, Les Editions Surréalistes, 1927, in-8°, broché, couverture illustrée. Edition originale. En 1947, les cinq poèmes de Dormir, dormir sous les pierres, seront repris dans le recueil collectif Feu central. Ils connurent une pré-publication en novembre 1926 dans la revue Cahier du Sud. Accompagnés des dessins d’Yves Tanguy l’année suivante, ils constituent, dans la forme et l’inspiration, un ouvrage typiquement surréaliste, d’autant qu’ils furent auto-édités par le groupe qui venait tout juste de fonder sa propre maison d’édition. On retrouve les thèmes du sommeil et de l’inconscient, très sérieusement expérimentés en 1922 par Péret lors de ses séances d’hypnose avec Desnos et Crevel. Pour l’auteur, le livre s’inscrit dans le cadre de ses autres activités, dont la direction de La Revue Surréaliste, «la plus scandaleuse du monde», et la collaboration aux divers tracts et déclarations initiés par Breton. Pour Tanguy, en revanche, plus récemment agrégé au groupe en 1925, ce travail d’illustration fut l’occasion de faire ses preuves et de s’affranchir «des vestiges de la vieille méthode figurative». Illustration d’Yves Tanguy. 14 dessins à la finesse coupante reproduits au trait sous forme de pleine page, de bandeaux et culs de lampe. Il semble avoir justement interprété Péret, transposant «dans le domaine plastique, la fulgurance des images [...], germinationm toujours renouvelée, abolissant les barrières entre contenant et contenu, soulignant leur mutuelle puissance génératrice». L’un des 20 exemplaires sur Hollande van Gelder dont les pleines pages (couverture, page de titre et les trois hors-texte) ont été rehaussées à la gouache par Yves Tanguy. Edition limitée à 210 exemplaires , tous signés par l’auteur et l’illustrateur. Exemplaire en parfaite condition. G. Sebbag, Les Editions Surréalistes, n° 7 ; Y. Peyré, Peinture et poésie, p.122 («Ce livre est une perfection...») ; Castelman, A Century of Artists Books, Museum of Modern Art, p. 179 ; Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs, p. 397 ; La Révolution Surréaliste, Centre Pompidou, pp. 56-57.
12. CENDRARS (B.). Petits contes nègres pour les enfants des blancs. Paris, Les Éditions des Portiques, 1928, in-12, broché, couverture. 14
LIBRAIRIE LARDANCHET
13 - BRASSAÏ - MORAND (P.) Édition originale. L’auteur exprime de nouveau sa fascination pour l’Afrique, après avoir publié un premier recueil de contes africains en 1921, Anthologie nègre. Ardent défenseur des arts primitifs, Blaise Cendrars fut le premier à collecter ces récits de la tradition orale auprès des missionnaires et explorateurs, pour les offrir au public. Ils connurent beaucoup de succès dans ce contexte des années folles marquées par l’exposition des Arts Décoratifs en 1925, et l’Exposition coloniale en 1931. L’auteur se plut à créer un style proche de l’oral, à faire office de griot, le conteur africain traditionnel. Il familiarisa ainsi durablement les enfants d’Europe à la culture noire et son folklore. L’un des 20 premiers exemplaires sur Madagascar.
15
LIBRAIRIE LARDANCHET
Parfaite condition. Dimensions : 187 x 120 mm.
13. BRASSAÏ - MORAND (P.). Paris de Nuit. Paris, Arts et Métiers Graphiques, 1933, in-4°, cartonnage illustré à spirales d’éditeur. Edition originale. Préface de Paul Morand. Premier livre de Brassaï. 60 photographies en noir et blanc, imprimées en héliogravures. Paris fut, dans les années 30, un sujet de prédilection pour les artistes : Abbott, Moï Ver ou Ilya Ehrenburg..., beaucoup photographièrent la ville dans ses moindres recoins. L’originalité de Brassaï (1899-1984), noctambule infatiguable, fut de la présenter de nuit. Publié en 1932 par la maison d’édition Arts et Métiers graphiques, ce premier album est le fruit de ses fréquentes pérégrinations. Tout en continuant d’écrire des articles pour des journaux hongrois ou allemands, le jeune exilé sillonait depuis deux, trois années, les rues parisiennes avec un Voïtglander récemment acquis. Le lourd et lent appareil interdisant toute improvisation, les photos de Brassaï, lieux, monuments et faune interlope, sont le fruit d’une patiente mise en scène. C’est au moment du tirage, dans le secret de sa chambre d’hôtel transformée en laboratoire, qu’il opère, jouant sur l’éclairage, le cadrage..., pour reconstruire la vision initiale. Brassaï poursuivit dans cette veine avec deux autres albums, Voluptés de Paris en 1934 et Le Paris secret des années trente en 1976. Si le livre n’apporta pas d’emblée à son auteur le succès escompté, ce dernier s’orientant alors vers divers magazines illustrés, il exerça une influence considérable. Les vues d’une ville de nuit devinrent presque un poncif dans l’histoire de la photographie, tant furent nombreux les artistes qui, comme Bill Brandt, lui emboîtèrent le pas. Exemplaire de qualité, dont la couverture est ici bien préservée, état rare. Il est conservé dans une chemise de Thérèse-Treille, non signée. A. Roth, The Book of 101 books, pp. 76-77 ; A. Sayag-A. Lionel Marie, Brassaï, Centre Pompidou, pp.19-21 ; The Open Book, pp. 18-19 ; M. Parr- G. Badger, The Photobook, A History , vol. 1, pp. 134-135 ; B. Govignon, La petite encyclopédie de la photographie, pp. 110-111 .
14. MALRAUX (A.). L’Espoir. Paris, Gallimard, 1937, in-4°, maroquin rouge janséniste, dos lisse orné, doublure et gardes de daim rouge serties de box gris-souris, couverture et dos, tranches dorées, chemise et étui gainés de maroquin rouge (C. et J.P. Miguet). Edition originale de ce roman-reportage, l’un des livres pivots dans l’œuvre de Malraux, couvrant la période de juillet 1936 au 20 mars 1937 pendant la guerre civile espagnole. Il restitue avec lyrisme l’explosion fraternelle de ce peuple, contre la misère. Montherlant avouera que parmi tous les livres parus depuis vingt ans, c’est celui que l’on aurait 16
LIBRAIRIE LARDANCHET
15 - DELAGRAVE (A.) & DELAUNAY (R.) voulu le plus avoir vécu et écrit. L’un des 12 exemplaires sur Japon impérial. Exemplaire de qualité dans une reliure parfaitement exécutée par C. et J.P. Miguet.
15. DELAGRAVE (A.) & DELAUNAY (R.). Clefs des pavés. Paris, s.é., 1939, in-8°, couverture de rhodoïd transparent ou orange, brochage de fil de nylon orange. Edition originale. Réalisation la plus atypique de Robert Delaunay dans le monde du livre. Une composition originale gravée à la pointe sèche sur le premier plat, une fluoenluminure ou collage composé de deux éléments collés sur rhodoïd transparent et une eau-forte en bistre, la tour Eiffel, forment l’iconographie. Texte ronéotypé sur papier de différentes couleurs. Exemplaire signé par l’auteur. Brochage avec manque. 17
LIBRAIRIE LARDANCHET
Sonia et Robert Delaunay, Bibliothèque nationale, 1977, n° 204 (le chiffre réel du tirage fut inférieur aux cent exemplaires annoncés à la justification).
16. JOUVE (P.-J.). Le Bois des Pauvres. Fribourg, W. Egloff, 1943, in-4°, broché, couverture à rabats. Edition originale de ce poème que Pierre Jean Jouve affectionna particulièrement. Il fut publié la première fois en 1943 par W. Egloff à Fribourg. L’exil de l’écrivain de 1941 à 1945 à Genève, et la censure, qui se serait certainement exercée sur ce texte hautement patriotique, explique cette première parution en terre étrangère. L’année suivante, l’éditeur publia, toujours à Fribourg, une édition partielle du recueil auquel le poème appartenait, La Vierge de Paris, réunissant des textes écrits entre 1939 et 1944. La fin de la guerre rendit possible une seconde publication, très remaniée, à Paris en 1946. Marqué par l’Histoire et les circonstances douloureuses qui présidèrent à sa rédaction, le recueil occupe une place particulière dans la production poétique de l’auteur, et son poème Le Bois des Pauvres, plus encore. Signe d’élection, c’est le seul littéralement cité par Jouve dans son essai critique et autobiographique, En miroir. Journal sans date, publié en 1954. Exemple le plus abouti de cette «poésie armée» qu’il s’efforça de développer durant l’exil, Le Bois des pauvres est aussi la juste intuition de ce que vivaient ses compatriotes : « Peut-être le Bois des pauvres est-il plus que le cri du combat, une expression permanente de la chose en France. » (En miroir. Journal sans date. Mercure de France, pp.81-95). L’un des 43 exemplaires sur papier Montval vergé ; celui-ci a été offert à Samuel Silvestre de Sacy (1905-1975), directeur du Mercure de France qui publia En miroir : « A Samuel de Sacy ce poème repris dans en Miroir sous sa première forme avec mon amitié Pierre Jean Jouve» Joint : le tapuscrit du poème, Genève, avril 1943, 2 p. in-4°, celui de la version imprimée, et une photographie en noir et blanc, s.d., Edition E. Mignon, représentant l’abside de l’église Saint-Mathurin à Larchant, lieu cité par le poète («Elancé de Larchant l’oiseau tirait son v o l...»). Edition limitée à 315 exemplaires. P.-J. Jouve, Œuvre, T.1, p. 569 ; R. Micha, Pierre Jean Jouve, Poètes d’aujourd’hui, pp. 58-63 (ne cite pas cette édition) ; B. Conort, Pierre-Jean Jouve, Mourir en poésie, pp. 187-209 (ne cite pas cette édition).
17. DUBUFFET (J.). Ler dla Canpane. Paris, L’Art Brut, 1948, in-12, agrafes, couverture. Ler dla canpane apparaît comme le premier véritable livre de Dubuffet, si l’on excepte les livres de Pierre Seghers, Paul Eluard, et André Frénaud, lesquels sont seulement accompagnés d’une ou deux lithographies extraites de l’album Matière et Mémoire. Le texte, dont l’orthographe phonétique est propre au peintre, est reproduit au stencil sur papier journal. Six gravures sur fond de boîte de camembert ou sur linoléum tirées en noir, l’accompagnent. La publication d’un tel livre marque une rupture dans l’édition, quelque peu traditionnelle, des livres illustrés de cette époque. C’est l’un des premiers livres de l’Art brut. Bien que le tirage soit non annoncé, il serait de 165 exemplaires, tous sur papier journal. 18
LIBRAIRIE LARDANCHET
18 - ÉLUARD (P.) La fragile couverture est ici bien conservée. Noël Arnaud, Jean Dubuffet : gravures et lithographies, n° 96-105 ; Jean Dubuffet, Prospectus et tous écrits suivants, 1, pp. 475-478 ; Antoine Coron, 50 livre illustrés depuis 1947, n° 6 ; Castleman, A Century of artists books, p. 46.
18. ÉLUARD (P.). Grèce ma rose de raison. [Paris, L’Artiste, 1949], in-4°, en ff., couverture. Edition originale. Eluard conçut ses poèmes après son voyage en Grèce, en juin 1949. Depuis quelques années, i l sillonnait les pays luttant contre le fascisme. La révolte des paysans-soldats, partisans du général Markos, qui résistaient dans les montagnes l’émut considérablement. Une seconde édition succéda cette même année à la première; l’auteur rajouta deux autres poèmes publiés en-tête du recueil, un poème inédit et des vers traduits avec Melpo Axioti des 19
LIBRAIRIE LARDANCHET
poètes grecs Yannopoulos et Asteris, tous deux condamnés après plusieurs années d’emprisonnement pour leur lutte en faveur de la démocratie. Livre entièrement gravé, illustré de 6 bois en couleurs de H. Srnitch. Ce dernier escorta les poèmes d’Eluard de xylogravures dans le goût rustique. Toutes s’inspirent du combat libertaire mené dans les maquis grecs : une paysanne tenant un enfant par la main, un portrait de paysanne, un Christ montrant les souffrances engendrées par la guerre, un berger des montagnes, trois résistants et un couple se tenant amoureusement la main. Exemplaire en parfaite condition, conservé dans une chemise-étui de demi-maroquin rouge. Tirage unique à 50 exemplaires sur vélin d’Angoumois, numérotés et signés par l’auteur et l’artiste. Eluard, Œuvres complètes, La Pléiade, T. 2., pp. 114-117 ; J.-C. Gateau, Paul Eluard ou le frère voyant, p. 331.
19. CENDRARS (B.) & DOISNEAU(R.). La Banlieue de Paris. Lausanne, La Guilde du livre, 1949, in-4°, cartonnage d’éditeur. Edition originale, publiée simultanément à Lausanne et à Paris. Texte de Blaise Cendrars. Contrairement au Paris de Nuit de Brassaï, où le patronnage littéraire de Paul Morand fut imposé par l’éditeur, celui de Blaise Cendrars fut volontaire et enthousiaste. Véritable initiateur du projet, ce fut lui qui le fit publier et choisit une partie des photographies représentées. Cette collaboration heureuse éclaire la concordance parfaite entre les textes et les images. Familier du reportage pittoresque, Blaise Cendrars apprécie les nouvelles perspectives qu’offre la photographie : Seule la photo peut donner aux gens cet air de famille qu’il est quasi impossible de rendre par l’écriture. Il y a là un art nouveau, gros d’avenir - mais qui me rappelle les enluminures des Livres d’Heures, qui seules donnent, dans ces atours de fêtes, de travaux de saison, la vie des petites gens de métier, de la naissance à la mort. Cette représentation du quotidien est comme accentuée par le découpage thématique de Doisneau, Gosses, Amour, Décors, Dimanches et fêtes, Loisirs, Travail, Terminus, Habitations. Pour cet artiste qui grandit à Gentilly et vécut à Montrouge, le reportage prend parfois des allures autobiographiques. Premier livre de Robert Doisneau. 130 photographies de Doisneau, dont plusieurs proviennent de ses reportages pour le magazine Regards : les usines de Renault et de gaz d’Aubervilliers, le mariage sur les bords de la Marne. D’autres furent réalisées pour le livre. Exemplaire en parfaite condition. M. Parr-G. Badger, The Photobook, A History, vol.1, pp. 187 et 201-204 («Doisneau’s best book», édition Pierre Seghers) ; A. Roth, The Book of 101 Books, pp. 132-133 (Edition Pierre Seghers) ; Sinibaldi-Couturier, Regards sur un siècle de photographie à travers le livre, n° 94 (jaquette repliée illustrée uniquement pour l’édition parisienne).
20. HERNANDEZ (M.). Evolucion. [Paris], L’art brut. Febrero 1949, in-8°, agrafé, couverture illustrée. Ce petit livre est le fruit d’un amusant projet éditorial initié par Dubuffet, alors fondateur de la 20
LIBRAIRIE LARDANCHET
21 - DUBUFFET (J.)
21
LIBRAIRIE LARDANCHET
Compagnie de l’Art Brut, auquel participèrent Miguel Hernandez (1893-1957) et trois autres artistes de l’association : Gaston Chaissac, Jean l’Anselme et Slavko Kopac. En 1948, se souvint l’instigateur, le petit institut de l’Art Brut […] inaugurait la publication de menus livres illustrés par leurs auteur et imprimés aussi de leurs propres mains avec des moyens de fortune. [T]irés fort modestement à l’aide de dispositifs dérisoires dans un petit format et sur un papier à journal de la plus vulgaire sorte […], ces opuscules prenaient en tout le contrepied des rites bibliophiliques. Miguel Hernandez assuma ainsi de bout en bout la réalisation de ce livre-manifeste, auquel il ajouta, par ses vers légers et la fraîcheur de l’illustration, quasi-expressionniste, tout le charme de ses origines castillanes. 25 gravures sur bois. Tirage non précisé. Exemplaire en parfaite condition. Joint : DUBUFFET ( J . ) . Miguel Hernandez. [Paris], L’Art Brut [1949], in-12, broché, agrafé. Courte notice rédigée par Dubuffet, qui s’employa activement à promouvoir ses artistes, obscurs pour la plupart. Anarchiste espagnol, Miguel Hernandez se consacra à la peinture après une jeunesse particulièrement aventureuse et son exil à Paris. Destinée aux Cahiers de la Pléiade, elle parut au numéro 6 de la revue (automne 1948-hiver 1949 ) et fut obligeamment réimprimée quelques mois plus tard par son directeur et ami de Dubuffet, Jean Paulhan, afin de servir de brochure à l’exposition du peintre au Foyer d’Art Brut en 1949 : « Est-ce que tu crois, [écrit Dubuffet à Paulhan] que ce serait possible, aux imprimeurs des Cahiers de La Pléiade de faire un petit tirage à part de 220 exemplaires de mon article sur Hernandez en profitant de la composition du texte pour la revue, sur du mauvais papier journal, à peu de frais ? (ce serait bien entendu aux frais de l’Art Brut) . Sans couverture (on imprimerait nous même la couverture)… Soit au format des Cahiers de la Pléiade, soit (préférablement au format de la présente feuille…) « (Mercredi 2 février [1949]). Webel, Jean Dubuffet, Catalogue raisonné de l’œuvre gravé, T.1, pp. 57-58 ; Dubuffet, Centre Georges Pompidou, 2001, pp. 350-448 ; Dubuffet, Dubuffet-Paulhan, Correspondance, 19441968, pp. 575-576.
21. DUBUFFET (J.). Honneur aux valeurs sauvages. [1951], tapuscrit, in-4°, 22 p., agrafé, couverture. Texte, à ce jour inédit, de la conférence de Jean Dubuffet à la faculté de Lettres de Lille, le mercredi 10 janvier 1951. Il fut prononcé à l’occasion du vernissage de l’exposition du libraire Marcel Evrard, «Cinq petits inventeurs de la peinture». On comprend aisément que Dubuffet ait accepté de parrainer ces cinq artistes aliénés. Là encore, c’est en vue d’une exposition qu’il rédige son deuxième texte théorique à valeur de manifeste, le premier étant De l’art brut préféré aux arts culturels, en 1949. A cet instant, son expérience des milieux artistiques parisiens, dont il dénonce l’institutionnalisation galopante, le maniérisme et le snobisme, l’a plus que jamais convaincu de la nécessité d’un art spontané et intègre. «Une œuvre d’art n’a d’intérêt, à mon sens, qu’à la condition qu’elle soit une projection très immédiate et directe de ce qui se passe dans les profondeurs d’un être ; et, naturellement, qui a pris naissance dans cet être, et pas qu’on y a fourré». Dubuffet est ici dans la continuité de toutes ses autres activités en faveur de l’Art Brut depuis
22
LIBRAIRIE LARDANCHET
23 - FRANK (R.)
1947. Mais cet énergique discours est aussi un retour sur soi. En cette année de crise marquée par la dissolution de la Compagnie de l’Art Brut, il lui est nécessaire de réaffirmer ses convictions personnelles et les orientations à venir de sa quête artistique. Tapuscrit offert par le peintre à son ami Alfonso Ossario (1916-1990), lequel a rajouté de sa main les circonstances de cette attention : «les sentiments d’affectueux attachements de Jean Dubuffet» «February 1951 given me by Jean in Paris, after his visit to Lille for the exhibition». 23
LIBRAIRIE LARDANCHET
Peintre et collectionneur américain, Alfonso Ossario était le descendant d’une riche famille philippine. Il commença à exposer à New-York en 1941 et s’enthousiasma pour l’Art Brut dès sa rencontre avec Dubuffet à Paris en 1949, allant jusqu’à composer des toiles à partir de débris et matériaux de récupération, les congregations. Les mois qui suivirent la conférence de Lille, Dubuffet s’attela à la rédaction d’une monographie à son intention, Peintures initiatiques d’Alfonso Ossario. De son côté, le peintre lui proposa d’accueillir provisoirement ses tableaux collectés depuis 1947 dans sa vaste résidence d’East Hampton, près de New-York. Elle y resta onze ans, période qu’Alfonso tenta de mettre à profit pour introduire, sans succès, l’Art Brut dans les milieux new-yorkais. Lui-même possédait une prestigieuse collection mêlant les plus grands noms de la peinture américaine contemporaine à des curiosités : ex-voto mexicains,boîtes d’esquimaux, défenses d’animaux... D’autres tapuscrits de cette conférence sont aujourd’hui conservés à la Fondation Dubuffet. Dubuffet, Paulhan-Dubuffet, Correspondance, 1944 -1968 , pp. 640 et746 ; Dubuffet, Prospectus et tous écrits suivants, pp. 509-510 ; Dubuffet, Centre Pompidou, p. 373.
22. ARTAUD (A.) & PICASSO (P.). Autre chose que de l’enfant beau. [Paris], Louis Broder, [1957], in-12 carré, en ff., couverture, chemise-étui d’éditeur. Edition originale de trois textes posthumes d’Artaud. Ils furent rédigés en 1947, un an avant sa mort. Interné depuis 1943, le poète vivait à cette époque dans une clinique privée d’Ivry, grâce au secours de ses amis. Figure du surréalisme, Artaud fut l’un de ceux qui renouvela le plus en profondeur la poésie et le théâtre. Aussi Louis Broder choisit-il de le publier dans une collection de prestige, «Miroir du poète», aux côtés de Char, Desnos, Crevel... Par un heureux hasard, Picasso concrétise ici l’occasion manquée en 1947 de travailler sur un de ses textes, Artaud le Momo. C’est leur seule œuvre commune, si l’on excepte la pièce de Cocteau, Antigone, en 1922, à laquelle tous deux contribuèrent, Picasso comme décorateur et Artaud comme acteur-interprète du rôle de Tirésias. Une gravure au burin et à la pointe-sèche de Pablo Picasso, la seule en couleurs selon cette technique, que l’artiste ait faite pour un livre. A l’évidence, le peintre se souvint d’un bonhomme réalisé sur celluloïd pour le livre de PAB, «Autre chose», publié en 1956. Il s’amusa à découper dans le cuivre un petit rond blanc correspondant à la tête de son personnage. Avec ses membres désarticulés en forme de béquille, celui-ci emblématise la tragédie vécue par Artaud, dont Picasso contribua à adoucir les dernières années en souscrivant à l’«Association des amis de l’œuvre d’Antonin Artaud», créée en 1946. Tirage unique limité à 120 exemplaires sur Japon ancien, tous signés par l’illustrateur.
23. FRANK (R.). Les Américains. Paris, Robert Delpire Editeur, 1958, in-12 carré, cartonnage d’éditeur. Edition originale, qui connut l’année suivante une édition américaine avec une préface de Jack Kerouac publiée par Press Grove à New-York. Textes réunis par Alain Bosquet. D’Alexis de Tocqueville à Simone de Beauvoir, ce livre de photographies consacré à la sousculture américaine des années cinquantes, donne la parole à une douzaine d’écrivains célèbres. Cette approche, française et littéraire, fut ajoutée à la demande de l’éditeur, Robert Delpire, qui fut le premier à introduire le travail de Frank Robert en France, en publiant en 1956 son
24
LIBRAIRIE LARDANCHET
25 - CHAR (R.) & MIRO
reportage pour le magazine Life, Indiens pas mort s. Elle confère au livre un aspect sociologique, absent de l’édition américaine. 83 photographies de Robert Frank imprimées en héliogravures à pleine page. Elles forment une sorte de manifeste esthétique de l’artiste, qui fréquenta dans le quartier newyorkais de la dixième rue les principaux tenants de l’expressionnisme abstrait, et obtint pour ce projet qu’il voulut mener en toute liberté, une bourse de la Fondation Guggenheim. Frank Robert parcourut les Etats-Unis d’avril 1955 à juin 1956 et collecta une grande diversité de portraits : jeunes noirs, cammionneurs, étudiants, starlettes hollywoodiennes, politiciens... Entre ces personnes si distinctes, certaines concordances s’établissent : une geste repris, une attitude similaire... La couverture est plastifiée et illustrée d’après un dessin de Saül Steinberg . Exemplaire en belle condition. Couverture fraîche. M. Parr-G. Badger, The Photobook, A History, vol.1, p. 247 ; A. Roth, The Book of 101 Books, p. 150 (version américaine); Open Book, pp. 176-177 (version américaine) ; A. Sinibaldi - J-L. Couturier, Regards sur un siècle de photographie à travers le livre, 120 25
LIBRAIRIE LARDANCHET
(version française).
24. ERNST (M.). Le poème de la femme 100 têtes. Paris, Jean Hugues, 1959, in-12, broché, couverture. Edition originale. Tirage à part des légendes de La femme 100 têtes, célèbre roman-collage de Max Ernst réalisé en 1929. Loin d’appauvrir une œuvre dépourvue de toute logique narrative, cette publication isolée permit de mieux apprécier le texte, l’un des plus beaux poèmes surréalistes qui se puissent concevoir, selon Patrick Waldberg. Le mérite en revint à Jean Hugues, figure incontournable de l’histoire bibliophilique du surréalisme. Il parut dans une petite collection baptisée le Cri de la fée, identifiable à sa couverture représentant Mélusine d’après un bois gravé du XVe siècle. Particulièrement élégants, ces livres au format modeste et à la typographie raffinée doivent certainement beaucoup aux productions du typographe Jacques Haumont (1899-1975). L’un des 52 premiers exemplaires, contenant une double eau-forte de Max Ernst, signée par lui. Edition limitée à 365 exemplaires, tous sur vergé de pur chiffon. [...], Jean Hugues, Libraire-éditeur, Le Point cardinal, p. 31 ; W. Spies, Max Ernst, Les collages, inventaires et contradictions, pp. 129-131
25. CHAR (R.) & MIRO (J.). Nous avons. Paris, Broder, 1959, in-8° oblong, en ff., couverture, emboîtage d’édition. La réponse de Broder à Pierre André Benoit : une réussite. Nouvelle édition de Nous avons, contenant les quatre poèmes de la première édition publiée par PAB en février 1958, et 9 inédits. Ils seront repris dans La Parole en Archipel. Une gravure sur bois et 5 eaux-fortes et aquatintes en couleurs de Miro. L’un des 90 exemplaires numérotés de 41 à 130. Edition limitée à 170 exemplaires, tous sur Auvergne-Richard-de-Bas, signés au crayon par l’auteur et l’artiste. Cramer, Joan Miro, Les Livres illustrés, n° 53; [...], L’Herne, R. Char, 250c ; Fr. Chapon, Le Peintre et le Livre, pp. 252-253 avec reproduction.
26. [ARSAN (E.)]. Emmanuelle. Emmanuelle l’anti-vierge. [Paris, Eric Losfeld, 1959-1960], 2 vol. in-8°, broché, couverture à rabats. Edition originale de ce chef-d’œuvre de la littérature érotique, paru clandestinement en 1959 et l’année suivante. Il n’y a pas eu de tirage sur grand papier. L’histoire éditoriale du livre commence en 1957, lorsque l’éditeur indépendant Eric Losfeld reçut de Bangkok un manuscrit narrant l’initiation sexuelle d’une jeune femme. Son auteur, Marayat Andrianne, était à peine âgée de vingt ans. D’origine thaïlandaise, mariée à un diplomate français, elle garda longtemps son identité secrète sous le pseudonyme 26
LIBRAIRIE LARDANCHET
28 - MISHIMA (Y.) & HOSOE (E.) d’Emmanuelle Arsan, en partie pour protéger la carrière de son mari mais aussi par stratégie littéraire. L’ouvrage parut clandestinement et fut, par surcroît de précautions, scindé en deux parties, Emmanuelle et L’Anti-Vierge. Sa condamnation n’intervint que dix ans après, suite à sa réédition et première publication officielle, l’éditeur ayant porté sur la page de titre son enseigne et le pseudonyme de l’écrivain. L’«érotisme radieux» qui émanait du monde d’Emmanuelle fut la cause de son succès. Ce monde «sans obstacle, timidité ou hésitation» ne se réclamait pas des romans libertins, ni de la pensée parfois morbide d’un Sade et d’un Bataille. Il intronisait une nouvelle forme d’utopie sexuelle qui conquit rapidement l’intelligentsia parisienne ; Breton le signala en première page de la revue des Arts et Pieyre de Mandiargues écrivit un élogieux article dans la Nouvelle Revue Française. L’ouvrage connut par la suite un succès planétaire, fut traduit en plusieurs langues et accéda au mythe grâce au cinéma, avec l’adaptation de Just Jaeckin en 1974, la première d’une longue série. Exemplaire conservé dans une chemise-étui de Thérèse Treille. J.-P. Dutel, Bibliographie des ouvrages érotiques publiés clandestinement en français entre 1920 et 1970, n° 1470 (il donne pour auteur d’Emmanuelle, «Louis Jacques Rollet», le mari de 27
LIBRAIRIE LARDANCHET
29 - ISHIUCHI (M.) Marayat Andrianne, «diplomate, membre de la représentation française à l’UNESCO, après avoir été un certain temps en poste à Bangkok»).
27. WARHOL (A.) & DIVERS. 1 ¢ Life. Bâle, E. W. Kornfeld, 1964, in-folio, en ff., couverture, étui d’éditeur. Edition originale. Le livre d’une génération. A la fin de l’année 1962, Walasse Ting, un artiste d’origine chinoise aux talents multiples, eût l’idée de ce livre lors de la soirée inaugurale de son ami Sam Francis, à Manhattan. Il l’entreprit avec l’accord de l’éditeur E. W. Kornfeld et réunit autour d’un texte de son crû, «Raunchy Pidgin English», de nombreux artistes du milieu d’avant-garde. On trouve ainsi des peintres issus du mouvement international Cobra, mais aussi du Pop Art ou de l’expressionnisme abstrait. Walasse Ting veilla jalousement à la qualité de l’impression, passant dix mois à Paris pour superviser le tirage des textes, des lithographies et des sérigraphies. Achevé à la fin de juin 1964, le livre devint un manifeste de la peinture américaine. Son caractère inhabituel, éclectique et audacieux surprit beaucoup le public parisien. 66 lithographies de 28 artistes : Pierre Alechinsky, Karel Appel, Enrico Baj, Alan Davie, Jim Dine, Oyvind Fahlström, Sam Francis, Robert Indiana, Alfred Jensen, Asger Jorn, Alan Kaprow, Kiki Kogelnik, Alfred Leslie, Roy Lichtenstein, Joan Mitchell, Claes Oldenburg , Mel Ramos, Robert Rauschenberg, Reinhoud, Jean-Paul Riopelle, James Rosenquist, Antonio Saura, Kimber Smith, K. R. H. Sonderborg, Walasse Ting, Bram van Velde, Andy Warhol, Tom Wesselman. 28
LIBRAIRIE LARDANCHET
30 - GOCHO (S.)
Un des exemplaires hors commerce, sur grand papier, signé à la justification par Walasse Ting, Sam Francis et E. W. Kornfeld, contenant les lithographies originales signées ou avec cachet des artistes. Il a été enrichi d’un poème autographe de Ting adressé à un certain Bob, daté 4 février 1966. A. Coron, 50 Livres illustrés depuis 1947, p. 32 ; Victor & Albert Museum, From Manet to Hockney, n° 135 ; Johnson-Stein, Artists’ Books in the Modern Era, 1870-2000, pp. 242243. Voir reproduction en couverture
28. MISHIMA (Y.) & HOSOE (E.). Barakei Shinshuban. Killed by roses. Tokyo, Shueisha, 1963, in-folio, toile illustrée, jaquette acétate transparente, boîte d’éditeur. Edition originale. Texte de Yukio Mishima. 42 photographies de Hosoe, dont deux imprimées sur des pages à rabats et 4 compositions de Kohei Suigiura imprimées sur papier japon transparent. Mishima admirait en Eikoh Hosoe le photographe du célèbre danseur Tatsumi Hijikata. Il le sollicita en 1961 pour illustrer son recueil d’essais critiques, L’Assaut de la beauté. De cette première collaboration naquit le livre de portraits de l’écrivain, qui confia plus tard avoir été physiquement transporté dans un monde étrange. Le tour particulièrement théâtral qu’Hosoe conféra aux images rendit l’ouvrage célèbre. Tout d’abord, il fit appel à d’autres modèles : les deux danseurs Hijikata et Motofuji et l’actrice 29