Parle avec elles

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TITRE DE TRAVAIL

PARLE AVEC ELLES UN DOCUMENTAIRE DE SERGIO G. MONDELO



PEDRO ALMODOVAR ET CASTING DE VOLVER, 2004

NOTE D’INTENTION

En observant la filmographie de Pedro Almodovar, une évidence s’impose : les femmes sont partout. Elles portent l’oeuvre, soutiennent le casting, embellissent l’affiche. Plusieurs époques se dessinent, chacune correspondant à une muse : les débuts fracassants et osés avec Carmen Maura, l’explosion sensuelle avec Victoria Abril, les années de la maturité avec Marisa Paredes, celles du succès planétaire avec Penelope Cruz. Pour autant, une muse ne chasse pas l’autre. Au contraire, ces actrices cohabitent dans la filmographie du réalisateur composant un étrange gynécée cinématographique. Ce documentaire sera un film de « femmes ». Pour dresser le portrait de Pedro Almodovar, évoquer la puissance émotionnelle qui émane de son œuvre, nous allons partir à la rencontre de ces divas typiquement espagnoles. Chacune nous racontera le cinéaste à sa manière. Leurs témoignages porteront sur la trajectoire de l’homme autant que sur son œuvre, éclairant la personnalité de cet enfant de l’Espagne franquiste, dont les les visions artistiques vont s’épanouir dans l’Espagne moderne et démocratique de la Movida. Ces femmes ont aussi été des compagnes de voyage, les parfaits témoins d’un parcours cinématographique qui, de la Mancha à Hollywood, va changer l’image de l’Espagne dans le monde. A travers leurs propos, c’est également le récit de ce succès exceptionnel qui se dessinera. En épilogue du film, nous inviterons Pedro Almodovar à conclure lui-même ce portrait brossé par les principales protagonistes de son œuvre et de sa vie.

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CASTING Dans ce film documentaire apparaîtront par ordre d’inspiration (en interviews ou archives) Paquita, la mère. Carmen Maura, la complice. Alaska, la punkette. Pénélope Cruz, l’égérie. Marisa Paredes, la fidèle Victoria Abril, la fantasque Rossy de Palma, la « gueule ». Bibiana Fernandez, la sulfureuse. Chus Lampreave, la « grand-mère ». Cecilia Roth, la sensible. Agrado, la vibrante. et enfin, les hommes interprétants des rôles de femmes. Javier Camara, Miguel Bosé, Gael Garcia Bernal, Toni Canto 2 - ©program33


CARMEN MAURA ET PENELOPE CRUZ, MÈRE ET FILLE DANS VOLVER, 2006

TOUT SUR MA MÈRE

Avant les femmes, il y a eut la mère. Rarement une mère fut aussi présente dans l’oeuvre de son fils, jusqu’à apparaître dans quatre de ses films (Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça, Femmes au bord de la crise de nerfs, Attache-moi ! et Kika), donner des interviews et multiplier les apparitions médiatiques. Et rarement un fils aura produit une œuvre si « maternelle ». Pedro a grandi auprès de sa mère, entouré de femmes (les sœurs, les voisines, les cousines...), son père travaillait et incarnait l’autorité, ne laissant guère de place à la complicité père-fils. Toute sa vie, il restera profondément attaché à sa mère dans ses films, Paquita (de son vrai prénom Francisca) interprète toujours des scènes de vie, pleines de joie et de spontanéité, souvent musicales et dansantes. Des instants de cinéma portés par un folklore hispanique, vibrant et bouleversant. La réalisation oscille entre naturalisme et satire pour aboutir à une forme pudique et tendre, comme si, par l’hommage que rend Pedro à Paquita, Almodovar rendait hommage à « La » mère espagnole et aux liens qui l’unissent à sa progéniture. Une femme soumise et dévouée mais aussi courageuse et omnipotente. Dans ce pays en noir et blanc qu’est l’Espagne de l’après-guerre, Paquita est une femme débrouillarde et emplie de gaieté qui tient à bout de bras la famille, anime les longues tertulias avec les voisines et entretient un petit commerce d’« écrivain public ». Au cœur de l’aride Mancha, à Calzada de Calatrava, le pays de Volver, Paquita lit à ses voisines illettrées les longues lettres envoyées par leurs proches qui ont quitté l’Espagne. Doué en orthographe, le jeune Pedro l’aide. Dans ce village blanc manchego, on imagine la mère et le fils, assis devant le portail de leur maison, recevant une à une les voisines venues une lettre à la main. Seulement, Paquita aimait lire ce que bon lui semblait... Plutôt que de lire fidèlement le texte des lettres qu’on lui confie, elle improvise ce que ses voisines ont envie d’entendre. C’est ainsi que Pedro découvrit le mensonge sublime de l’art. Un art qui raconte des histoires que l’on a envie d’entendre... Carmen Maura, Penelope Cruz, Cecilia Roth, Marisa Paredes ou Chus Lampreave ont toutes incarné Paquita dans la fiction. Tantôt « mères courages », tantôt « mères indignes »... Comme dans tous les mensonges, au cinéma on est libre d’affirmer ce qui nous arrange. Et en ce qui concerne sa mère, les libertés avec la réalité, Pedro va en abuser. C’est dans Volver, après la mort de Paquita que Pedro va plus particulièrement s’offrir au fantasme de la mère idéale. Dans ce film, Paquita c’est un peu Penelope, beaucoup Carmen Maura... Le village blanc, c’est Calzada de Calatrava, les voisines n’ont pas changé, ni le vent qui souffle sur la Mancha en rafales tourbillonnantes. Volver sera finalement le film derrière lequel Pedro se cache le moins, celui ou Paquita n’apparaît pas mais tient le premier rôle. C’est le véritable hommage à cette femme qui mentait si bien, qui racontait avec tant de détails un voyage imaginaire (ou pas, après tout qu’importe) qu’elle aurait fait à Madrid dans les années vingt. Cette fois, c’est Pedro, enfant, qui l’écoutait: « Elle nous racontait comme si c’était un conte de fée, que lorsqu’elle était petite, elle était venue à Madrid et s’était promené dans la rue Alcala. C’était au cours des années 1920, elle nous parlait aussi des princesses d’Espagne. Du coup, pour moi, vivre à Madrid, c’était comme vivre dans les films de Sissi Impératrice » (archives d’itw Pedro Almodovar). 3 - ©program33


BIBI, ROSSY ET LES AUTRES FILLES DE LA MOVIDA Pourtant, lorsque Pedro, devenu adulte, s’installe à Madrid, les filles qu’il rencontre ne sont pas vraiment des princesses, mais plutôt des punkettes. Nous sommes au début des années 70, c’est la nouvelle Espagne, le Madrid de la Movida, un pays qui a laissé derrière lui la dictature et se débat dans une transition politique un brin chaotique. Pedro qui commence à tourner courts-métrages et films amateurs va bientôt devenir le héraut d’un monde peuplé de Pepi, Luci, Bom et otras chicas del monton... (Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartier...). C’est une époque de mélange des genres et des sexes ; une époque de riffs et de sueurs, bruyante, grouillante, insolite et insolente, l’époque des premiers pogos à Madrid. Ce sera bientôt celle des premiers longs de Pedro. Almodovar fait du cinéma, de la bd, écrit des romans photos, chante en travesti et fait les 400 coups avec sa bande provocatrice. Dans cette effervescence, il va faire des rencontres qui marqueront sa vie. Et ce sont presque toujours des femmes qu’il remarque. Ce sont les femmes de la Movida, comme la Carmen (Maura) qu’il rencontre dès ses premières années dans une troupe de théâtre amateur, alors qu’il s’essaie à la bricole arty en super 8 et happenings à la cinémathèque madrilène. En parallèle, il jongle avec un boulot alimentaire de garçon d’étage à la Telefonica (télécoms ibériques). Carmen Maura raconte : « Dès que nous nous sommes rencontrés, au théâtre, j’ai été frappée par la fascination de Pedro pour les femmes. On jouait tous les deux dans Les Mains sales, la pièce de Sartre montée à Madrid, il faisait quasiment une figuration et il venait me voir dans ma loge. Il me regardait me maquiller, il avait l’oeil sur mes petites manies, il observait toutes mes habitudes de femme. Il était comme un petit garçon émerveillé ! ». Entre Carmen et Pedro nait une relation fusionnelle, une fraternité d’artistes, créateurs, amis et compagnons noctambules. Ensemble, on réinvente le monde, on crache sur la politique, on écrit, rature et on s’affiche – en bons excentriquespour un roman photo farfelu « Erecciones generales » (érections générales) prélude au premier long-métrage du cinéaste : Pepi, Luci, Bom et otras chicas del monton.... Ces femmes qui composent la chorale punk de Pedro Almodovar, ce sont aussi Olvido, plus connu sous le nom de scène Alaska, sorte de Nina Hagen locale, Rossy de Palma (c’est Pedro qui l’a baptisée ainsi), une beauté « particulière », serveuse dans un bar de nuit, alors rendez-vous des « modernos » madrilènes, ou encore la transsexuelle Bibiana Fernandez, alias Bibi Andersen, héroïne de la nuit espagnole dont l’ambigüité sexuelle le fascine déjà. Une équipe iconoclaste que l’on retrouve à l’affiche des premiers films, Pepi, Luci, Bom..., Le labyrinthe des passions, Dans les ténèbres, Qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça ? Et puis, au milieu de toute cette jeunesse punk, une vieille mégère acariâtre, proférant insanités sur blasphèmes : Chus Lampreave. Elle, l’actrice respectable que l’on avait découverte auprès des maitres Fellini et de Berlanga, fait avec Almodovar un coming-out artistique. En guise de provocation ultime, Pedro Almodovar fait de la typique grand-mère espagnole, la abuela qui porte le deuil, une vieille dame excentrique qui jure, qui pogote et qui fume... S’il voulait choquer l’Espagne, c’est gagné.

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LA LOI DU DESIR Avec la Movida, c’est aussi l’époque du « destape », c’est-à-dire du déshabillement. La rencontre de ces femmes madrilènes s’accompagne pour Pedro de la découverte des corps et de la sensualité. Lui qui hier encore était élève dans une école catholique ultra-stricte (de celles que dépeint La Mala educacion), découvre soudain une liberté nouvelle. Dans cette Espagne encore pudibonde, où les corps féminins ne se montrent pas, une révolution bouleverse le quotidien. Le pays découvre les premières chairs et les premiers seins. Ce sont d’abord sur les plages du boom touristique, ces étrangères qui balancent le haut et se moquent qu’on ne les regarde pas dans les yeux, puis la presse qui ose ses premières couvertures topless. Les Espagnols n’ont plus besoin de cacher sous le manteau un Lui ou un Playboy d’importation, ni de traverser la frontière et gagner Perpignan pour reluquer Emmanuelle ou se laisser porter par un Dernier tango à Paris. Dans ce pays qui se dépucelle dans la honte, dès ses premiers courts-métrages, Pedro Almodovar donne le ton : Deux putes ou l’histoire d’un amour qui se finit en mariage (1974), La chute de Sodome (1975), Sexe va, sexe vient (1977) et enfin son premier long amateur Folle, folle, folleme Tim (Baise, baise, baise-moi Tim) (1978). Des provocations qu’on retrouvera tout au long de sa carrière,comme la fameuse scène de la « pluie dorée » dans Pepi, Luci, Bom ; la découverte par Victoria Abril, dans Kika, du plaisir solitaire avec un sex-toy ; le cunnilingus inattendu d’un non moins inattendu Miguel Bosé en travesti, dans Talons Aiguilles ; sans oublier l’orgie sous mescaline Les amants passagers. La sexualité filmée frontalement et avec éclat et humour par Pedro Almodovar ne l’aura pourtant pas empêché de devenir le cinéaste populaire qu’on connait.

La fameuse scène de la « pluie dorée » dans Pepi, Luci, Bom ; la découverte par Victoria Abril, dans Kika, du plaisir solitaire avec un sex-toy ; le cunnilingus inattendu d’un non moins inattendu Miguel Bosé en travesti, dans Talons Aiguilles ; sans oublier l’orgie sous mescaline (la drogue tendance de la Movida eighties) Les amants passagers, la sexualité torride filmée par Pedro Almodovar ne l’aura pourtant pas empêché de devenir le cinéaste populaire qu’on connait. En explorant la sexualité, le plaisir et le désir féminin, Pedro Almodovar vient d’inventer la comédie sentimentale des nouvelles femmes espagnoles…

PEDRO, SUR LE TOURNAGE DE PARLE AVEC ELLE, 2002

Carmen Maura dit : « Lorsque, nous avons tourné des courts métrages ensemble, je commençais à être un peu respectée au théâtre, et tout le monde me déconseillait de travailler avec Pedro. C’était très mal vu. Cinématographiquement et moralement. Pendant des années, personne ne parlait de nos films. Nous étions méprisés. Dans ma famille, on avait fini par accepter que je sois comédienne, mais on ne pouvait pas prononcer le nom d’Almodóvar. C’était comme une maladie honteuse ». Pedro Almodóvar ajoute : « Avec moi, les actrices devenaient des icônes de la modernité, mais être associées à ce que je représentais était dégradant pour elles socialement... Heureusement, l’Espagne a changé, et j’ai changé avec l’Espagne. Jamais, même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais cru que j’aurais un jour le succès que j’ai eu. Je pensais qu’après Pepi, Luci, Bom, je serais un cinéaste marginal toute ma vie ».

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FEMMES AU BORD DE LA CRISE DE NERF

S’il réinvente la place des femmes dans le cinéma, Pedro Almodovar ne leur confie cependant guère des rôles enviables. Pour Pedro, la femme vit un quotidien au bord de la crise de nerfs. Une vie faite de fatalité, jalousie et trahison. Où le sexe est une arme que l’on retourne contre soi. Où les hommes occupent sans cesse l’esprit féminin. Ainsi, Chus Lampreave s’adressant à Marisa Paredes dans La flor de mi secreto déclare : « Sans les hommes, nous serions comme des vaches sans cloche autour du cou, totalement déboussolées. Quand notre mari meurt ou nous quitte, ce qui revient au même, on n’a pas d’autre alternative que rentrer chez nous au village : blablater avec les voisines, prendre l’air et prier même si nous ne sommes pas croyantes ». Les femmes d’Almodovar sont des amoureuses, maîtresses d’un homme marié ou épouses, toujours délaissées et malheureuses. Que ce soit Carmen Maura quittée par son amant dans Femmes au bord de la crise de nerfs, Victoria Abril trompée avec sa propre mère dans Talons Aiguilles ou bien Marisa Paredes délaissée par son mari dans La fleur de mon secret, toutes vivent des tragédies amoureuses. Bouleversées, elles commettent des actes désespérés : la fuite, la prison ou la tentative de suicide. Et les rares femmes épanouies du cinéma d’Almodovar ne le restent pas longtemps, elles se font violer (Kika, Attache-moi) ou se révèlent serial killer (Matador) ! Voilà, les héroïnes typiquement « almodovariennes » : « Ce sont ces femmes-là qui m’inspirent et que j’aime filmer. Mais elles ont des qualités qu’on attribue généralement aux hommes ! Pour moi, l’héroïne par excellence, la femme qui fait naître la fiction, c’est celle qui lutte contre toutes les tempêtes de la vie. Les femmes que je mets en scène doivent, en fait, se comporter comme si elles étaient Indiana Jones... » (Pedro Almodovar-archive) 6 - ©program33


LA PIEL QUE HABITO Dans le cinéma d’Almodovar, la sublimation féminine est une constante. Femmes belles, fortes, désirées et désirables sont sans cesse mises sur un piédestal. Et quel plus bel hommage à la féminité que de filmer travestis et transsexuelles, ces hommes qui choisissent d’être femmes. Sans oublier La piel que habito où la transformation forcée en femme amène le personnage à devenir lui-même. Tout au long de sa carrière, Pedro Almodovar a joué à travestir et se travestir. N’oublions pas ses performances musicales en duo, à l’heure de la Movida des années 80, où il chante en travesti dans le groupe Almodovar y MacNamara. « Je les aime beaucoup. Comme personnages, ils sont révulsifs. D’un point de vue dramatique, chacun d’entre nous est obligé de prendre position... Ils intensifient l’action, l’accélèrent et la rendent plus intéressante ». Comment, en effet, ne pas s’intéresser à La Paca, dans La Mala Educacion, personnage de travesti drogué, aussi vicieux qu’il est sensible. Avec ces personnages, Almodovar ne cherche pas seulement la provocation ou l’underground. C’est bien le sublime féminin que viennent incarner les travestis et les transsexuelles dans ses films, avec les rôles éminemment tragiques qu’il compose pour eux. Femmes jusqu’au bout des ongles, les travestis d’Almodovar donnent aussi la vie, comme Miguel Bosé dans Talons Aiguilles ou Toni Canto dans Tout sur ma mère. Comme il disait : « Yo quiero ser mama »... Lorsqu’on parle des égéries trans d’Almodovar, une muse « troisième sexe » s’impose, c’est Bibiana Fernandez, autrement connu sous le pseudonyme Bibi Andersen, et qui dans les années 90 fut considérée comme la plus « belle transsexuelle de la planète ». Dès les premières années de la Movida jusqu’à Hollywood (où elle donne le bras à Pedro lors de la remise de son premier Oscar), en passant par Matador, La ley del deseo, Tacones lejanos et Kika, les deux ne se sont jamais quittés.

ALMODOVAR & MCNAMARA

GAEL GARCIA BERNAL, TRAVESTI DANS LA MAUVAISE ÉDUCATION, 2004

Finalement, Pedro Almodovar, en sublimant les femmes sous toutes leurs formes, rend le plus bel hommage du septième art à ces « personnages héroïques capables

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TALONS AIGUILLES Comme le reconnaît Agrado, la transsexuelle faisant son show dans Tout sur ma mère : « ça coute cher d’être naturelle ! ». Chez Almodovar, ce qui est naturel pour une femme, c’est la sophistication extrême. La femme Aldomovar est glamour, fatale, porte du rouge, la couleur fétiche du cinéaste, et des talons aiguilles. Il faut peut-être se tourner vers les souvenirs d’enfance du réalisateur pour découvrir la genèse de ces femmes fatales qui peuplent son œuvre. « En Extremadure, les curés essayaient de former mon esprit... Heureusement, un peu plus haut dans la même rue il y avait un cinéma dans la rue de mon collège, là, bien enfoncé dans le fauteuil du cinéma, je me réconciliais avec le monde, avec mon monde. J’étais beaucoup plus sensible à la voix de Tennessee Williams, surgissant des lèvres de Liz Taylor, qu’au marmonnement pâteux et baveux de mon directeur Spirituel ». C’est l’époque des grandes comédies sentimentales américaines. Pedro découvre fasciné les actrices hollywoodiennes, sculpturales et glamour, dont il s’inspira tout au long de son œuvre. À cette esthétique « classique » des personnages féminins sophistiqués à l’extrême , Almodovar mêle une explosion de couleurs baroque et kitsch. « La culture espagnole est très baroque mais au contraire celle de la Mancha d’une sévérité terrible. La vitalité de mes couleurs est une façon de lutter contre cette austérité de mes origines. Ma mère s’est habillée de noir presque toute sa vie. Depuis l’âge de trois ans, elle était condamnée à porter le deuil pour différentes morts familiales. Mes couleur s sont comme une réponse naturelle partie du ventre de ma mère pour m’élever contre l’austérité familiale...». Si Pedro Almodovar aime les tons saturés, les explosions de couleurs, c’est aussi un héritage des années Movida où il développera un goût pour les stylistes d’avant-garde qu’on retrouvera dans son œuvre, par exemple lorsqu’il choisit de collaborer avec Jean-Paul Gaultier.

PENELOPE CRUZ, LES ÉTREINTES BRISÉES, 2009

Ces influences multiples et leur traduction dans l’œuvre almodovarienne ont définitivement créer une esthétique singulière : un pop cinéma ibérique !

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QU’EST CE QUE J’AI FAIT POUR MERITER CA ? Qu’a donc fait Almodovar pour mériter ça ? Pour mériter une telle carrière, un tel retentissement ? Et bien, vingt cinq films qui honorent et émancipent la femme espagnole, la rendant fière et la sublime ; vingt cinq films qui ont banalisé les rôles de travestis, transsexuels et marginaux, les sortant du ghetto. Vingt cinq film qui ont poussé les personnages masculins à l’arrière plan. Finalement, une œuvre singulière, pop et éclatante, mélodramatique ou hystérique. Une œuvre où les femmes incarnent le double de l’artiste. Une œuvre qui a créée un genre de femmes, les « chicas almodovar » et comme conclut Rossy de Palma : « c’est bien, qu’on continue à te traiter de chica, quand t’as plus de cinquante ans » … 9 - ©program33


NOTE DE RÉALISATION A l’image du cinéma de Pedro Almodovar, ce documentaire a l’ambition d’une richesse flamboyante d’images, de propos, de musiques et d’émotions. Sa narration reposera sur les piliers habituels des documentaires : interviews, extraits et archives. 10 - ©program33


INTERVIEWS L’essentiel du propos sera construit par les interviews des actrices des films d’ Almodovar et des collaboratrices du réalisateur venues d’autres horizons artistiques : musiciennes (Luz Casal, Estrella Morante), stylistes (Sybila), muses et inspiratrices... La parole de ce film sera principalement féminine. Toutefois, la présence masculine ne sera pas écartée. Avec la participation d’acteurs ayant joués des rôles « travestis », mais également des personnalités ayant collaborées à la « féminité » de l’oeuvre, comme des stylistes tel que Jean Paul Gaultier ou des peintres-designers-créateurs, comme Mariscal, Chus Bures ou Ceesepe ou Dies Berlin impliquée dans la création des décors de ses films. Ces interviews seront toutes réalisées en studio, pour maintenir une cohérence artistique, une lumière, un dispositif similaire. Le « plateau » sera plongée dans une ambiance sombre, dans laquelle ne se découperont que les interviewés et le fond de décor, une grande fresque originale réalisée à la manière d’un collage en « papiers déchirés » composée par des fragments d’affiches de la filmographie de Pedro Almodovar. Selon la personnalité interviewée, les zones de la fresque mises en évidence par l’éclairage et les spots varieront. Nous obtiendrons ainsi une cohérence graphique avec des variations selon les entretiens. Pour l’une, il en résultera une image plus sombre, presque obscure, avec juste quelques trainées de lumières, tandis que pour d’autres une zone du collage saturée de couleurs sera mise en lumière… Par ailleurs, le même principe esthétique de « collage » sera la base d’inspiration du générique du film.

LES EXTRAITS ET MATÉRIEL « CINÉMA » Le film couvrira l’intégralité de l’oeuvre de Pedro Almodovar. Les extraits rythmeront les parties thématisées (voir séquencier). Ils seront soumis aux propos des interviews et ne seront pas proposés dans un ordre chronologique, jouant plutôt sur l’analogie et la thématisation. D’autres éléments du cinéma d’Almodovar seront présents : affiches, photos de plateau, longs extraits en séquences de making off, et enfin éléments physiques, tel que des documents de travail ( scénarii originaux raturés, récrits de la main du maître, éléments de décors qu’on filmera avec toute la délicatesse de l’évocation...). Par exemple, nous retrouverons l’épingle à cheveux « assassine » de Matador, créée par l’artiste espagnol Chus Bures.

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LES ARCHIVES La vie de Pedro Almodovar, ses influences, son quotidien dans un pays en perpétuel changement seront mis en exergue par l’utilisation des nombreuses archives de la télévision espagnole, essentiellement TVE et Canal Plus Espagne (dans la seconde partie de sa carrière). On saisira en images d’époque les bouleversements culturels du pays et les nombreuses interventions de Pedro dans cette Espagne qui s’ouvre à la modernité. En archives, nous traverserons les années 70, de la transition et du destape espagnols. Nous plongerons dans les années punk et créatives de la movida des 80’s. Nous surferons sur l’explosion économique des années 90 et enfin celle de l’arrogance « nouveaux riches » de la décennie 2000 et de sa bulle spéculative... Avant la crise. Pour toutes ces époques, on retrouve dans le cinéma de Pedro Almodovar un parallèle ; ses films captent l’air du temps.

LIEUX DE TOURNAGES Sur les lieux de vie essentiels de Pedro Almodovar, la camera ira saisir les panoramas, les points de vues, recueillir les émotions. Ces enclaves l’ont déterminé et tout au long de sa carrière, il n’a cesser d’y rendre hommage. Calzada de Calatrava, où il est né et a grandi, et Madrid, furent les décors de sa vie, ils seront les décors de son cinéma.

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NOTE MUSICALE

Dans le cinéma de Pedro Almodovar, la musique est une actrice à part entière. Identificatrice, elle n’est pas une simple illustration mais participe pleinement à l’émotion, au drame, à la gaieté ou aux provocations du maître. Peu de réalisateurs peuvent se targuer d’avoir une bande-originale aussi typée, hormis peut-être Quentin Tarantino et son rock’n’roll « Reservoir Dog ». Il est donc primordial de préciser que ce documentaire sera musical autant que narratif. Les grands genres latinos seront ainsi omniprésents tout au long du film. Bolero, flamenco ou zarzuela, la musique aldomovarienne est féminine, mélodramatique, hispano-américaine. On ne peut évoquer la BO almodovarienne sans réentendre les mélodies originales du compositeur Alberto Iglesias, ni le tube d’Ismael Lo, dans « Tout sur ma mère », ou les chansons de Caetano Veloso… Et bien sûr, les covers latinos, grands classiques de l’Espagne des années 50 et 60 qui marquent et nous replongent à la moindre écoute dans l’univers émotionnel du réalisateur espagnol. Des standards comme « Un ano de amor » du célèbre latin-lover mexicain Agustin Lara, « Quizas, Quizas, Quizas » de la folklorique star des années franquistes Sara Montiel ou « La bien paga » rengaine qui fait dire à la grand-mère, Chus Lampreave, dans « Qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça » : « Qu’est ce qu’elles étaient jolies les chansons à mon époque »..., Des classiques qui ont fait découvrir à la planète ce folklore latino. Et la palme revient sans conteste à « Volver », standard écrit par le prince du Tango, Carlos Gardel. Pour le film épynome, Volver fut ré-orchestré et interprétée en flamenco par le père et la fille, Estrella et Enrique Morente. Le documentaire sera donc porté par ces mélodies et comptera (en pré-générique) sur l’enregistrement original du tube de Joaquin Sabina « Quiero ser una chica Almodovar », chanté par une voix féminine déjà tout à fait identifiée à l’univers d’Almodovar : Estrella Morente. 13 - ©program33


SÉQUENCIER PRÉ-GÉNÉRIQUE « Quiero ser una chica almodovar » (« je veux être une chica almodovar ») Ré-interprétation( spécialement enregistrée pour le film) de cette chanson espagnole composée par le célèbre chanteur Joaquin Sabina. Pour la circonstance, elle sera interprétée par Estrella Morente, chanteuse flamenco qui prête sa voix au play-back de Penelope Cruz dans « Volver » avec la chanson éponyme. La chanson sera illustrée par un montage clippé d’extraits des films de Pedro Almodovar mettant en évidence l’importance primordiale des principales actrices de l’univers d’Aldomovar

GÉNÉRIQUE « Almodovar en VF ». Inspiration collage à la manière « Papiers collés ».

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TOUT SUR MA MÈRE De l’importance de Paquita, dans le cinéma et l’univers de Pedro Almodovar. Des premières années aux apparitions exceptionnelles de sa mère dans son œuvre. Mise en exergue de la « mère » dans l’oeuvre de Pedro Almodovar. Focus sur « Volver », film hommage à son enfance, l’importance maternelle, tournée après la mort de Paquita et véritable propulseur mondial de Pedro Almodovar. Principales interviews : Paquita Caballero – en archives Penelope Cruz, Carmen Maura. Cecilia Roth, la mère courage dans « Tout sur ma mère ». Marisa Paredes. Tournage séquences « illustrations-évocations » sur les lieux d’enfance, sur les pas de Pedro Almodovar à Calzada de Calatrava. Tournage « illustration-évocation» du cimetière de « Volver », à Granatula de Calatrava. illustrations : extraits-séquence apparition de Paquita dans « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça », « Femmes au bord de la crise de nerfs», « Attache-moi! » et « Kika » Extraits « Volver » Extraits « Tout sur ma mère » Making off « Volver » et « Tout sur ma mère ».

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BIBI, ROSSY, CARMEN ET AUTRES FILLES DE LA MOVIDA. Les premières années « cinéma » à Madrid de Pedro. Madrid et les années movida dans l’oeuvre de Pedro Almodovar.

Principales interviews : Carmen Maura, Rossy de Palma, Olvido Alaska et Bibiana Andersen. Et Chus Lampreave.

illustrations : Archives TVE- « les années movida ». Extraits archives concert Pedro y Mac Namara. Extraits films : Pepi, Luci, Bom et otras chicas del barrio... », « Le labyrinthe des passions », « Dans les ténèbres », « Qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça ? ». Banc-titrage de la bd-roman photos « Erecciones Generales ». Tournages images « illustrations » du Madrid d’hier et d’aujourd’hui (time-laps sur le ciel de la capitale espagnole, vue panoramiques, etc..).

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LA LOI DU DÉSIR La sexualité et la sensualité -et ses transgressions- dans l’univers Almodovar. Ou quand le désir guide le réalisateur et porte la filmographie. Et ceux des premières années de la provocation quasi-pornographique à l’esthétisme torrides des « grands classiques » du réalisateur espagnol.

Principales interviews : Victoria Abril, Penelope Cruz, Carmen Maura, Olvido Alaska, Bibiana Fernandez, Cecilia Roth, Elena Amaya. Principaux extraits : Les courts métrages des premières années : « Deux putes ou l’histoire d’un amour qui se finit en mariage » (1974), « La chute de Sodome » (1975), « Sexe va, sexe vient » (1977) Le premier long amateur « Folle, folle, folleme Tim » (Baise, baise, baise-moi Tim ») (1978). Extraits d’un court-métrage commandé par TVE : « Trailer para amantes de lo prohibido » (1985) Extraits et making-off : « Attache-moi », « La loi du désir », « Matador », « Kika », « Les amants passagers » et enfin la fameuse scène en n&b de l’homme minuscule s’introduisant dans le sexe féminin « Parle avec elle ». Archives documentaires et actualités TVE : L’irruption du « sexe » dans la société espagnole dans les années 70. Archives « actualités », les métamorphoses sociétales espagnoles (mariage homo, avortement, etc...) 17 - ©program33


FEMMES AU BORD DE LA CRISE DE NERF L’univers féminin dans le cinéma Almodovar. Le portrait psychologique de personnages de femmes passionnées et passionnelles. Le potentiel dramaturgique et romanesque de « la femme ».

Principales interviews : Pénelope Cruz , Victoria Abril, Rossy de Palma, Marisa Paredes, Blanca Suarez, Et toujours, Chus Lampreave.

Principaux extraits : « Femmes au bord de la crise de nerfs », « Talons aiguilles », « La fleur de mon secret », « Kika ». Making off « Femmes au bord de la crise de nerfs ». Making off « Femmes au bord de la crise de nerfs ».

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LA PIEL QUE HABITO Ou quand les hommes « Almodovar » s’habillent en femmes, se travestissent. L’importance du mélange des genres dans l’oeuvre de ce réalisateur à l’identité homosexuelle affirmée. Et comment une société espagnole au fort ancrage catholique a vécu ce cinema, somme toute avant-gardiste. Pedro Almodovar le plus grand directeur d’acteurs « travestis ».

Principales interviews : Bibi Andersen, Javier Camara, Miguel Bosé, Agrado, Gael Garcia Bernal (archives). Principaux extraits : Extraits et making-off : Bibi Andersen dans « Matador », « La ley del deseo », « Tacones lejanos ». Les scènes cultes d’Antonia San Juan « Agrado » , « Tout sur ma mère ». Extraits des interprétations de Toni Canto en Lola, le père transexuel, dans « Tout sur ma mère ». Extraits de « La mala education » avec les scène en travestis de Javier Camara et Gael Garcia Bernal. Extrait Miguel Bosé travesti, chantant « Un ano de amor » dans « Talons Aiguilles ». extrait « La piel que habito » (ou le transformisme est poussé jusqu’à son paroxisme). Archives TVE, les apparitions « travestis » de Pedro Almodovar (concerts et interview) à l’époque de son duo « transexuel » Pedro Y Macnamara.

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TALLONS AIGUILLES Le glamour féminin dans les films de Pedro Almodovar. Des influences « hollywoodiennes » des comédies des années 50 à l’influence des créateurs les plus avant-gardistes (Jean Paul Gaultier). Un cinéma ou se mêlent les couleurs, les imprimés, les tissus, les plus flamboyants. Le résultat, une fantaisie colorée. Mais cette chorégraphie vestimentaire (amplifié par le décor des scènes) n’est pas juste une expression « environnementale » mais aussi la meilleure façon, pour le réalisateur, d’exprimer les sentiments d’un cinéma exacerbé.

Principales interviews : Carmen Maura Penelope Cruz Victoria Abril Rossy de Palma Jean Paul Gaultier Sybila (styliste-créatrice espagnole) Principaux extraits : Extrait et making off, « Femmes au Bord de la crise de nerfs», « Talons aiguilles », « Kika », « La piel que habito ».

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QU’EST CE QUE J’AI FAIS POUR MÉRITER ÇA ? Séquence florilège et finale sur l’oeuvre de Pedro Almodovar.

Générique de fin.

Epilogue Intervention Pedro Almodovar. Son regard sur les avis de celles qui furent/sont et resteront ses muses, parfois ses créatures, en tout cas ses « filles » !

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graphisme - axinte katia


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