Précocité et autorité QU'EST-CE QUE L'AUTORITE? Autorité: Droit, pouvoir de commander, de prendre des décisions, de se faire obéir Autoritaire: Qui impose, fait sentir son autorité d'une manière absolue, sans tolérer la contradiction. Avoir de l'autorité et être autoritaire ne sont donc pas du tout la même notion. L'autorité est « absolue » dans son principe, mais pas dans son application: j'ai de multiples manières d'exercer mon autorité sur quelqu'un sans avoir besoin de passer par la contrainte autoritaire. Autorité et soumission sont souvent confondues et associées : alors que la soumission est définie comme: l'action de s'abaisser, d'obéir, de se soumettre. La soumission est donc une forme particulière d'autorité, ce n'est pas L'AUTORITE. L'autorité est l'exercice d'une contrainte sur quelqu'un. Elle n'implique pas que celui qui est contraint n'est aucun droit, et notamment pas le droit de réagir à cette contrainte. La contrariété, la mise en cause de la règle, la colère qui peuvent découler d'une décision prise d'autorité ne sont en rien la remise en cause de cette autorité mais bien la preuve que l'enfant a intégré qu'il va devoir respecter cette contrainte et donc traverser la frustration ou le sentiment d'injustice qui en découlent. Le but de l'autorité n'est pas que l'enfant se soumette, mais bien qu'il apprenne à traverser cette frustration nécessaire à toute vie en groupe et en société. L'autorité est indispensable pour créer un environnement social aux limites précises et aux règles claires et pour poser face à l'enfant des adultes fiables et consistants sur lesquels il peut s'appuyer pour son développement. Mais n'oublions pas que l'autorité n'est pas un simple exercice de pouvoir, elle est là pour structurer le développement de l'enfant, ce qui veut dire qu'une autorité qui ne serait là que pour contraindre et frustrer l'enfant sans tenir compte de ses besoins profonds pourra être extrêmement destructrice. L'autorité est là pour servir le développement de l'enfant et son intégration sociale.
L'ENFANT PRECOCE ET L'AUTORITE L'enfant précoce est en besoin d'autorité qui le rassure mais a du mal à se soumettre. Voilà peut-être toute la difficulté pour trouver un mode d'autorité adapté.... C'est un enfant avec lequel l'autorité /soumission va droit dans le mur, pas parce que ces enfants auraient un irrespect inné de l'autorité et de l'adulte mais simplement parce que leur pensée associative et en arborescence les emmène tout le temps là où on ne voudrait pas, leur besoin de sens et de justice sont d'un absolu qu'ils ne peuvent abandonner si facilement....alors ils luttent. Si on comprend dès le départ que les réactions de certains enfants précoces par rapport à l'autorité ne sont pas une agression caractérisée de l'adulte mais la réponse à un conflit interne, alors on aura déjà fait un grand pas. Si on peut mettre des mots sur ce conflit alors on aidera l'enfant à le dépasser. Et c'est dans cette résolution de conflit interne et la confiance et bienveillance avec laquelle on pourra tenir le cadre que notre autorité pourra prendre tout son sens et accompagner l'enfant dans sa construction interne et sociale. Notre fonction de tuteur sera de définir le cadre, tenir bon, et assumer l'organisation d'un monde stable et rassurant .Cela libérera l'enfant de la responsabilité et l'obligation d'assumer lui-même les contradictions et incohérences de notre monde.
Cela ne se fait pas sans difficulté car comme vous le savez l'enfant précoce aime la maîtrise et vous la
laisser lui demande de traverser une grande angoisse, il va donc trouver plein de bonnes raisons pour essayer de reprendre la main et vous démontrer que vous n'êtes vraiment pas assez fiable pour qu'on vous laisse gérer ( tu m'as menti...tu m'avais promis que...). Se trouve alors l'enjeu majeur : celui pour vous de ne pas lâcher, oui vous avez pu avoir un empêchement, oui vos contraintes ont pu vous empêcher de tenir une promesse mais être fiable, ce n'est pas avoir aucune faille, c'est accepter de les regarder, être fort ce n'est pas avoir aucune faiblesse, c'est pouvoir les reconnaître et les accepter et le cas échéant les dépasser. LE ROLE DU CADRE Le fonctionnement précoce implique un conflit interne très fort par rapport au cadre, cadre qui protège mais cadre qui enferme.... Quelle représentation auriez-vous du cadre si vous deviez le définir en un mot? Le cadre c'est ce qui borne, limite l'action de Quelqu'un, circonscrit un sujet. Mais pour beaucoup de précoces le cadre est vécu comme ce qui empêche. Ceci va s'inscrire très tôt pour ces enfants dont la pensée puissante et sans fin va vite se heurter à la réalité qui elle est « finie » et incarnée. Pour l'enfant précoce, la frustration face à cette réalité qui ne veut pas coller à l'imaginaire va être un conflit très fort qui durera. L'école, va malheureusement souvent venir imposer un cadre qui ne prendra pas en compte le fonctionnement de l'enfant précoce et ses besoins et va très vite lui imposer un cadre inadapté de manière absolue. Dans ce cas l'enfant n'aura plus que le choix de se soumettre ou de déranger, la notion de Co-existence entre ses besoins et le cadre n'étant pas possible. Très souvent, le premier cadre extérieur et socialisant qu'est l'école, ne va avoir comme soucis, que de faire entrer l'enfant dans « le moule », à structurer ou réorganiser son mode de pensée en fonction seulement des objectifs et critères scolaires, sans se soucier de son mode de pensée. Quel parent n'a pas entendu « qu'il fasse d'abord ce qu'on lui demande et ensuite on verra ce qu'on peut faire! »? Le recours à l'autorité lorsqu'elle touche à la conformation de la pensée peut être alors très nocif, jusqu'à la dépression pour certains ou les troubles de comportement pour d'autres. L'enfant qui dérange à l'école, est un enfant qui n'est pas reconnu dans ses besoins fondamentaux, à qui on impose le choix impossible pour lui de se soumettre en se reniant fondamentalement ou d'être exclu du groupe, rejeté du cadre qu'on lui avait présenté comme bon pour lui, donc ce serait lui qui ne serait pas « bon » pour le groupe. Certains diront, donc il ne faut pas mettre nos enfants à l'école..... Ce n'est pas si simple car l'enfant précoce a lui aussi besoin de certaines méthodes de travail que l'école demande et propose, parce que vivre en société c'est accepter de partager des codes communs que l'école donne. Encore une fois, le problème ne se situe pas au niveau des principes « il doit ou non aller à l'école » mais du COMMENT. Si l'école accepte de voir la complémentarité qu'il peut y avoir entre l'intelligence précoce et l'intelligence scolaire, si les deux modes de pensées peuvent être vus comme non opposés, si les méthodes proposées à l'école peuvent être vues comme des compléments et non des substituts à leur propre méthode et leur mode de pensée personnelle, alors, elles ouvrent l'enfant précoce à d'autres modes de pensée que le sien, elles l'enrichissent, au lieu de s'opposer et être destructrices. Mais pour mettre en place cette démarche de CO-EXISTENCE, il faut que nous aussi parents, puissions être intimement persuadés qu'elle est la solution....car bien souvent soit : -notre vécu traumatique de l'école nous ferait vite reculer et rejeter le système scolaire. -ou à l'inverse, un vécu sur-adapté au système scolaire avec réussite à la clef nous ferait nier les besoins de l'enfant en lui disant qu'il peut très bien s'adapter.
Là encore, le juste milieu n'est pas simple à trouver, et les oscillations peuvent être fréquentes....réconciliation avec le système scolaire après une réunion où nous nous sommes sentis compris.....envie de sortir notre enfant de ce système après une discussion avec l'enseignant qui décidément n'a rien compris.... L'enfant précoce trouvera sa place dans le système scolaire si celui-ci accepte de ne pas venir d'emblée s'opposer à son fonctionnement interne. Cela me paraît être l'enjeu pour que le cadre scolaire ne soit pas vécu comme répressif mais lieu de rencontre. Pour que l'autorité ne soit pas que sanction mais aussi espace de construction de soi. Et nous, en tant que parents allons avoir la lourde tâche de mettre des mots sur ces besoins, de favoriser la rencontre, de dépasser nos propres griefs vis à vis d'un système qui a pu nous faire souffrir nous même. Ca ce sera notre gros travail! Que ce soit à l'école ou à la maison, une autorité rigide et qui n'intègrerait pas les spécificités de l'enfant précoce ne peut être que néfaste et destructrice. Elle coupera l'enfant de ses ressources propres. L'ENFANT PRECOCE ET L'INSOLENCE L'enfant précoce est souvent vu et décrit comme insolent. Certains parents me disent « a 5 ans il me reprend si je n'utilise pas le bon mot, c'est quand même pas lui qui va faire la loi ». La plupart des réactions des enfants doués ne sont pas perçues sur un plan strictement cognitif mais partent très vite sur un plan affectif et moral Ex: une maman dit à sa fille de 6 ans « ferme la porte stp » et la fille répond »c'est pas une porte, c'est une porte fenêtre ». Sur un plan purement cognitif, cet enfant rectifie une donnée qui était imprécise, et le fait à haute voix. Sur un plan affectif, la maman se sent reprise par sa fille et estime qu'à 6 ans on ne reprend pas un adulte. Si on demande à l'enfant précoce il vous répondra que lui il se situait purement sur un plan cognitif: je rectifie pour que ce soit juste et ne pouvait même pas imaginer que l'autre en soit blessé car qu'est-ce qui peut être blessant dans le fait de donner une info juste à l'autre? On voit tous les malentendus qui peuvent extrêmement tôt se mettre en place et comment la sanction morale permanente (insolence, indiscipline, refus des règles...) peut venir bloquer les besoins cognitifs de base de l'enfant précoce. Vous allez me dire oui mais il va bien falloir apprendre à ne pas reprendre les gens, oui, mais sans opposer ses besoins aux règles de la vie en société/ Tu as besoin de rectifier, je le respecte un adulte n'aime pas être repris, tu le respectes tu peux rectifier dans ta tête principe de co-éxistence: l'enfant respecte la contrainte sociale tout en ne bridant pas ses besoins profonds mais en les validant intérieurement. Au lieu d'enfermer l'enfant dans une sanction morale par rapport à ses besoins cognitifs fondamentaux, accueillons ses besoins cognitifs comme tels sans y mettre toujours de l'affect et donnons lui les repères sociaux pour qu'il ne se retrouve pas en difficulté. Un enfant qui est respecté dans ses besoins fondamentaux respectera les besoins des autres. Et cela ne marche pas dans l'autre sens!
ACCEPTER L'AUTORITE, QUELS RENONCEMENTS QUELLES DECOUVERTES? Pour l'enfant précoce, accepter l'autorité c'est renoncer: renoncer à la toute puissance: cognitive: mon intelligence me suffit, en plus je passe mon temps à me mettre au défi seul, je n'ai pas besoin des autres affective: si c'est moi qui décide, je ne dépends pas des fluctuations et incohérences des autres qui bien souvent ne comprennent rien à mon monde. C'est accepter : que d'autres interviennent dans mon monde intérieur, viennent le perturber, l'insécuriser, le désorganiser. Et comme pour moi tout est en lien, laisser entrer l'autre c'est risquer le cahos....parce que l'autre n'a pas forcément perçu ma sensibilité, mes besoins spécifiques....alors le laisser avoir autorité sur moi c'est lui ouvrir un espace protégé, que j'avais appris à cacher et à ne pas partager. C'est découvrir: D'autres modes de pensée L'échange et le respect de la différence Le dépassement de soi Qu'il a toute sa place dans ce monde
L'enfant précoce va demander une autorité bienveillante, une autorité qui intègre ses besoins spécifiques tant cognitifs qu'affectifs dans le but de l'aider à trouver sa place parmi les autres avec ce qu'il est fondamentalement. En conclusion, l'autorité est nécessaire pour l'enfant précoce comme pour tout enfant, elle va l'aider à se construire, à grandir entouré d'adultes rassurants. Mais cette autorité ne pourra être normalisatrice ou autoritaire, au risque de pour l'enfant de se couper de lui-même. Elle devra être là encore, créative et attentionnée, validante, faite de respect et compréhension mutuelle. L'autorité met en jeu au moins deux personnes, et c'set cet enjeu du « être deux » qui me paraît essentiel pour l'enfant précoce. L'autorité tolérante autorise dans un cadre donné qu'il y ai plusieurs chemins pour atteindre l'objectif. C'est dans ce « plusieurs chemins» et cet espace de liberté à l'intérieur du cadre que l'enfant précoce pourra trouver toute sa place, avec sa singularité, sans conflit, ni avec lui-même, ni avec les autres. Alors qu'il avait pris l'habitude de refouler son mode de pensée ou ses besoins et de les garder cachés bien précieusement au fond de lui, cette forme d'autorité va lui permettre de les mettre au monde, sans risque de reproche ou de rejet. L'autorité tolérante trouve sa place aussi bien dans le travail cognitif (il peut y avoir plusieurs chemins pour arriver au même résultat) que dans le besoin de sécurités affectives (tu dois aller à tel endroit, qu'est-ce qui serait le plus confortable pour toi et on va voir si on peut) Que ce soit à la maison, ou dans le travail scolaire, c'est cette autorité là qui aidera nos enfants à se construire dans le respect d'eux-mêmes et des autres, dans un juste équilibre, dans une recherche de coexistence, et de connaissance de soi et des autres et non plus d'opposition. C'est une forme d'autorité beaucoup plus vivante et intéressante que les autres, beaucoup plus créative aussi, qui permet à l'intérieur du cadre et de la contrainte de découvrir un espace de liberté et de créativité existentiel. Je ne doute pas que vous-même allez explorer cet espace dans votre vie de tous les jours et si vous faites découvrir cet espace de liberté intérieure à votre enfant, il n'aura pas besoin que les autres changent, lui, il gèrera la contrainte totalement différemment et ne se sentira plus remis en cause par les injonctions des autres qu'il respectera tout en respectant ses besoins profonds.