Qu'est ce que la Précocité? L’enfant intellectuellement précoce : un élève hors normes

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Qu'est ce que la Précocité? L’enfant intellectuellement précoce : un élève hors normes

Comment détermine-t-on qu’un enfant est intellectuellement précoce ? Actuellement ce sont les tests de QI (actuellement, le WISK IV) qui déterminent la précocité intellectuelle ou non d’un enfant. L’enfant est reconnu comme précoce quand son QI est supérieur à 125-130, c'est le psychologue qui, suite au passage du test et à ses observations, déterminera la précocité. Au-dessus de 145 de QI on estime que l’enfant est hautement surdoué et son fonctionnement intellectuel en est d’autant plus éloigné de la moyenne qui est à 100. Seuls les psychologues font passer ces tests (dans le cadre scolaire ou dans des cabinets libéraux ou encore dans des structures telles que les CAMSE, CMP...).

L’enfant précoce est-il simplement en avance sur les autres ? Le terme « précoce » peut porter à confusion car ces enfants là ont avant tout un mode de fonctionnement intellectuel différent et c’est la spécificité de leur fonctionnement intellectuel qui fait qu’ils vont plus vite que les autres. Ils garderont ce fonctionnement toute leur vie, ils appréhendent le monde et la connaissance par des biais différents, avec une sensibilité différente.

Quelles sont les grandes caractéristiques de fonctionnement intellectuel des enfants EIP ? Ces enfants ont une organisation de pensée qui ne correspond pas aux règles et fonctionnements habituels Cette pensée active simultanément plusieurs canaux de réflexion, d’association d’idées. Une pensée qui se déploie sans cesse, des idées qui s’enchaînent sans fin Une pensée puissante mais sans limites qui a besoin d’un cadre pour s’organiser Une pensée créative et intuitive capable d’associer des idées qui appartiennent à des domaines éloignés les uns des autres. Une pensée globale qui a des difficultés à découper, développer, justifier, argumenter. Une pensée qui ne peut se construire si le sens n’est pas exactement défini.

Pourquoi ces enfants veulent-ils toujours « tout savoir » ? C’est leur mode de pensée qui leur impose ce fonctionnement. Les enfants précoces souffrent euxmêmes de ce fonctionnement qui ne laisse pas de place au doute et au lâcher-prise. Ne pas savoir pour eux est très angoissant. Comme ils ont toujours absorbé les connaissances sans savoir comment, le vide du «je ne sais pas» leur renvoie la peur de l’effondrement. Le savoir étant profondément lié à leur être (puisqu’ils n’ont pas eu à faire appel à des méthodes extérieures d’apprentissage) le non savoir les renvoie à une profonde dépréciation de leur être profond. D’où l’importance pour l’entourage et les enseignants de les aider à sortir de ce schéma de «toute puissance/impuissance» par l’apprentissage de méthodes de travail adaptées DOCUMENT AFEP01- 2013


Comment ce fait-il que ces enfants paraissent ne pas comprendre des choses évidentes pour les autres ? Ceci est lié à leur différence de fonctionnement sur le fond qui fait que ces enfants là n’ont pas les mêmes implicites que les autres. L’enfant précoce dépourvu de ces implicites communs ne peut pas anticiper et se préparer à ce qu’on attend de lui. Un exemple vécu pour illustrer : Paul dit à sa sœur précoce Julie : « tu demandes aux parents si ils veulent jouer à la belote (jeu qui se joue à 4) ? » Julie va voir ses parents et leur dit « Paul veut savoir si vous êtes d’accord de jouer à la belote ? » les parent disent oui et sortent le jeu. Au moment de s’installer les parents voient Julie quitter la pièce et lui disent « mais tu ne joues pas ? ». Et Julie répond « Non, je n’ai jamais dit que je voulais jouer ». Cet exemple montre bien tous les malentendus qui peuvent naître entre ces enfants sans implicite et l’entourage qui en utilise très souvent.(A aucun moment son frère ou ses parents ne lui avaient demandé explicitement si elle voulait jouer). La deuxième raison est liée au fait que pour l’enfant précoce chaque mot a un sens précis et une valeur en soi, il souffre donc souvent des approximations de son entourage. En classe, les réponses à côté, hors sujet, étranges procèdent souvent du processus de mot à mot. Exemple d’un sujet de géométrie de CM2 : « Faites les figures géométriques suivantes : un triangle isocèle de telle dimension, un carré de tant de côté…. ». L’enfant précoce va en déduire qu’il faut fabriquer ces figures (sens de « faire ») et non les dessiner comme cela est implicitement demandé. Il va donc les découper et rendre à l’enseignant surpris un travail qui peut paraître une provocation. Ceci doit nous faire prendre conscience de l’incompréhension qui peut vite s’installer entre ces enfants et leur entourage (parents, enseignants, copains…) et si on veut éviter les incompréhensions il faut toujours vérifier auprès de ces enfants ce qu’ils avaient compris et nous serons souvent très étonnés de voir que nos propos pouvaient avoir pour eux un sens très différent mais jamais erroné.

Pourquoi ces enfants sont là sont- ils souvent si émotif et paraissent parfois immatures ? La dimension émotionnelle est essentielle dans leur fonctionnement intellectuel. L’affectif est associé à tous les actes de la vie. Cette ingérence permanente de la sphère émotionnelle dans tous les actes cognitifs et d’apprentissage est une spécificité majeure de ces enfants à prendre en compte dans la compréhension du fonctionnement intellectuel et scolaire de l’enfant précoce. Cette émotivité est liée à son fonctionnement en arborescence : L’enfant précoce fonctionne toujours en arborescence ce qui implique une mobilisation de toutes les sphères, aussi bien intellectuelles, émotives, qu’intuitives. Cette activation incessante de réseaux associatifs crée une pensée puissante mais sans limites épuisante pour ces enfants. Ce fonctionnement crée une difficulté de communication entre ces enfants et leur entourage car ils ne savent pas comment expliquer quelque chose qu’ils savent sans avoir suivi de raisonnement linéaire. A l’école, leur mode de pensée en réseau est à la fois une force et une faiblesse : Une force car elle leur permet d’avoir des connaissances étendues et précises Une faiblesse car le raisonnement linéaire permettant une structuration logique de la pensée qui va leur être demandé est tellement éloigné du leur qu’ils ne voient pas où il y aura point de rencontre.

Les problèmes que peuvent rencontrer ces enfants dans l’apprentissage à l’école Depuis son plus jeune âge l’enfant précoce a toujours absorbé les connaissances sans aucun travail d’élaboration. Il ignore donc souvent les procédures métacognitives que les autres utilisent et ne voit pas leur intérêt. Normalement l’apprentissage requiert trois étapes : DOCUMENT AFEP01- 2013


- Reconnaître l’existence d’un problème - Anticiper les stratégies à activer et les réguler - Produire un résultat et le contrôler. Ces trois étapes sont étrangères à l’enfant précoce. Pour lui, il sait ou il ne sait pas mais n’a aucune conscience des stratégies autres que les siennes qui pourraient l’aider puisque jusque là il s’est très bien débrouillé tout seul sans vraiment savoir comment. Que l’enfant précoce soit en difficulté ou non à l’école il parait donc essentiel de lui apprendre des méthodes de travail qui ne viennent pas invalider son propre fonctionnement mais le reconnaître pour pouvoir le faire évoluer. L’enseignant qui doutait alors de ce qu’il pouvait apporter à ces enfants différents retrouvera tout le sens de son rôle qui consiste d’avantage à aider l’enfant précoce à structurer sa pensée plutôt qu’à lui transmettre les connaissances d’un programme donné que cet enfant a souvent déjà grâce à sa très grande capacité de mémorisation L’enfant apprendra ainsi à prendre conscience de son propre fonctionnement métacognitif, de ses différences et apprendra à communiquer plus facilement.

Comment favoriser l’intégration de l enfant précoce à l’école ? Reconnaître sa différence est une étape essentielle. Reconnaître l’autre dans la réalité de ce qu’il est et non pas selon nos propres projections est la base de toute possibilité de construction identitaire. Respecter le double système Le système scolaire avec ses lois, ses exigences…. Celui de l’enfant avec ses modalités de fonctionnement, d’apprentissage…. Les deux systèmes sont aussi éloignés l’un de l’autre que 2 systèmes solaires ! L’enjeu consiste à : - Permettre aux deux systèmes de fonctionner sans entrer en compétition. - Admettre que le système scolaire n’est pas le seul à être performant. Dans la réalité scolaire de l’enfant précoce les messages envoyés sont « tu ne dois pas faire comme ça » « ce n'est pas ce qu'on te demande »…l’enfant en déduit que son mode de pensée est nul, inadapté, inquiétant (suis-je fou ?).Si l'enseignant prends le temps de dire à cet enfant « explique moi comment tu sais ça, pourquoi tu as répondu cela alors que ce n’est pas ce qu’on te demandait »... il pourra alors mieux connaître le mode de raisonnement de cet enfant pour mieux l'aider à faire le lien entre son mode de pensée et les attentes de l'école. Un message simple devrait pouvoir réconcilier ces enfants et l’école : « Tout en gardant ton système de pensée tu dois comprendre le système scolaire et faire en sorte avec les possibilités de ton intelligence et les méthodes que te donneront les enseignants de fournir au système scolaire les ingrédients nécessaires pour ta réussite. »

Concrètement que faire pour ces enfants là dans une classe hétérogène ? Il y a différentes façons d’aider ces enfants à trouver un intérêt dans le travail scolaire. Pour cela il faut accepter que pour eux le pire ennemi est l’ennui…mais ne serait-ce pas le notre aussi si on nous obligeait à travailler des choses que l’on sait déjà ? Ces enfants n’ont pas besoin de la répétition et ont besoin de complexité pour « mettre en route » leurs circuits d’apprentissage et éviter l’ennui. Le mot « ennui » cache en fait un problème plus grave qui est le désinvestissement allant parfois jusqu’au décrochage. La notion d’ennui ne porte pas seulement sur le contenu mais DOCUMENT AFEP01- 2013


aussi sur la forme qui souvent ne fait pas sens pour eux. Ce ne sont pas les compétences sur le savoir de l’enseignant ni l’intérêt du savoir lui-même qui sont impliqués mais la façon dont est proposé et structuré l’apprentissage. Eux qui ont besoin de partir de la complexité pour raisonner sont face à un système qui part de la notion simplifiée, notion qui pour eux, ne fait pas sens isolée du reste.

Les établissements qui ont réfléchi à des pédagogies mieux adaptées à ces enfants proposent tous d’éviter à ces élèves la répétition, de proposer des exercices complexes dès qu’il a été vérifié qu’un concept était acquis et de leur proposer des formes variées d’approche d’un sujet ( exposés, recherche précise mais en autonomie, lecture, travail de groupe….). Le propos n’est pas ici de détailler les solutions pédagogiques mais bien de redire qu’il y en a qui existent et qu'entre autres, l’AFEP (Association Française pour Enfants Précoces), agréée par le Ministère de l'Éducation Nationale, propose des formations aux établissements scolaires qui souhaiteraient avancer sur le sujet. CONCLUSION Si nous sommes un petit groupe de parents à avoir essayé d’écrire ce résumé de beaucoup de nos lectures pour mieux comprendre et faire comprendre le fonctionnement singulier de nos enfants c’est avant tout pour essayer d’établir un dialogue simple et vrai avec l’école. Nous avons pleinement conscience de l’hétérogénéité des classes mais touchons aussi du doigt la difficulté qu’ont nos enfants à trouver vraiment leur place, avec leur différence au sein du système scolaire. Même ceux de ces enfants qui sont dits « très bons élèves » ont du mal à être fiers d’eux-mêmes car ils savent qu’ils n’ont fourni aucun effort et cela ne les aide pas à se construire. Nous pensons que l’école pour eux aussi doit être un lieu d’apprentissage et de travail, nous ne voulons pas qu’ils aillent plus vite mais qu’ils apprennent à travailler avec ce qu’ils sont dans un cadre structuré. Le saut de classe donne une solution en termes de connaissances nouvelles mais ne touche pas au fond du problème : comment aider ces enfants à utiliser leur intelligence singulière dans un système autre que le leur?

Voilà pourquoi nous pensons que ces enfants ont besoin d’une pédagogie adaptée non pas basée sur l’acquis d’un socle de connaissances mais bien sur l’acquis de méthodes de travail leur permettant d’être confrontés à un réel effort intellectuel, à leurs limites, et devenant ainsi gratifiant pour eux comme pour l’enseignant. Ces enfants ont peut être, comme le disait une psychologue « une boîte à outils bien remplie » mais ils ont autant que les autres besoin d’aide pour se construire et grandir, de la référence exigeante et rassurante des adultes, de la compréhension de leur singularité qui est parfois un handicap social fort. La plupart des parents d’enfants précoces vous le dirons, ces enfants sont différents dans leur approche du monde et se sentent souvent étrangers à ce monde, nous pensons essentiel que l’école nous aide à ce qu’ils trouvent leur place avec ce qu’ils sont. Si vous souhaitez poursuivre votre réflexion nous vous mettons ci-dessous les références des livres qui nous ont servis pour notre travail : « L’enfant surdoué, l’aider à grandir, l’aider à réussir » de Jeanne Siaud-Facchin Ed Odile Jacob « Enseigner à des élèves à haut potentiel intellectuel dans une classe hétérogène » de Susan Winebrenner Ed Creaxion « L'enfant doué, l'intelligence réconciliée » A.Adda et H.Catroux Ed.Odile Jacob

« L'élève intellectuellement précoce protocole d'accompagnement des scolarités difficiles »F.Ramond SCEREN CRDP Bourgogne Vous pouvez aussi contacter l'association par téléphone ou internet:www.afep.asso.fr DOCUMENT AFEP01- 2013


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