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CHE-MAIN DE VIE
Che-main de vie est une rubrique qui vise à déco rir, au travers d’un chef d’entreprise, les personnes qui ont infl uencé ou marqué sa vie professionnelle.
« Promis, après je vous parlerai un peu de moi ! » Quand on rencontre Marc Aebi, le directeur du Garden Center Aebi-Kaderli à Guin, la conversation dévie très rapidement vers les vivaces, les rosiers, les fruitiers ou les grimpants. À la visite de la pépinière familiale, qui fournit de nombreux professionnels en Suisse, succède celle du Garden Center à proprement parler. « Les 90% de notre assortiment sont cultivés sur place, avec des traitements entièrement naturels et non toxiques. Une philosophie coûteuse, mais à laquelle nous sommes très attachés. »
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« Biberonné à la botanique »
Cela en étonnera plus d’un, mais les Aebi et les Kaderli n’ont aucun lien de parenté. Tout commence en 1933, quand un certain Fritz Kaderli achète trois hectares de terrain dans la Stockera et y développe, notamment, une pépinière d’arbres fruitiers et de rosiers. Lorsqu’il décède en 1951, Albert Aebi – le père de Marc, aujourd’hui âgé de 95 ans – est engagé pour la pépinière, qu’il rachète dix ans plus tard avec sa femme Rosmarie. « Mes parents n’avaient pas le cœur à effacer le nom du fondateur, d’où le choix d’Aebi-Kaderli ! » L’entreprise de paysagisme Kaderli SA, fondée en 1965 par Fritz junior, a par ailleurs repris le logo des trois sapins, rajoutant encore à la confusion. « Nous partageons les mêmes valeurs », sourit Marc Aebi, qui a baigné dès son plus jeune âge dans ce milieu très végétal. « J’ai été biberonné à la botanique. À table, mes parents ne parlaient que de plantes et me réveillaient tôt le samedi pour aller aider. » Alors que son frère Kurt et sa belle-sœur Dora – « présidente des pépiniéristes suisses », précise-t-il fi èrement – gèrent la pépinière, Marc dirige le Garden Center avec sa femme Elisabeth et sa fi lle Nathalie. « En résumé, disons qu’elles s’occupent surtout des chiffres et moi des plantes… à chacun son rôle ! Une complémentarité facile à gérer, d’autant qu’il y a de l’espace ici. »
Marc « Quelle est ta plante préférée ? » « Deux employés de mes parents m’ont beaucoup marqué : Jean-Marc Polien, un pur Fribourgeois de la ville, qui fut leur premier apprenti, et Hans-Ruedi Beyeler, un Bernois engagé comme chef de pépinière. Ils m’ont transmis la passion des plantes, à un âge – j’avais une dizaine d’années – où je ne pensais guère cela possible. Beyeler me demandait toujours : ‘Quelle est ta plante préférée ? Moi, c’est le cèdre de l’Himalaya.’ Son béret et sa 2CV trahissaient son amour pour la France, lui qui parlait aussi très bien la langue de Molière. Je me souviens de son ouverture d’esprit. ‘Il faut voir le monde’, me disait-il. »
Aebi
Un conseil que Marc Aebi s’est efforcé d’appliquer. Après son école de commerce à Berne, doublée d’un apprentissage de pépiniériste, le jeune homme n’hésite pas à quitter ses terres natales pour plusieurs stages successifs. D’abord en France, pendant une année, puis près du lac de Constance. « C’est là qu’on m’a parlé de Bruce Brundret, propriétaire australien d’une rose farm, une pépinière spécialisée dans les rosiers. En 1978, à l’âge de 20 ans, je suis parti six mois pour travailler chez lui, dans la région de Melbourne. Payé au greffage de rosiers, j’allais cinq ou six fois plus vite que les Australiens, grâce à une technique spéciale apprise en France. Au début, ils étaient tous contre moi, mais j’ai fi ni par leur apprendre », rigole le sexagénaire, qui en a profi té pour voir du pays. « Je voyageais à l’œil, en faisant de l’autostop et en logeant chez l’habitant. C’est à cette période également que j’ai développé mon intérêt pour les animaux. » Si les kangourous font le bonheur des enfants, lors de leur passage à Guin, ce n’est donc pas un hasard…
« Une périence riche en enseignements »
Australie, Nouvelle-Zélande, Tahiti… puis les Etats-Unis, dans le Wisconsin. « Pour mon dernier stage à l’étranger, j’ai débarqué chez un riche propriétaire qui s’était mis en tête de produire la variété de bouleaux la plus blanche du monde. Il n’avait pas de formation technique, mais de gros moyens et des contacts à l’Université de Chicago. Le succès ne s’est pas fait attendre, dans ce marché énorme de déjà 200 millions de personnes. Une expérience riche en enseignements, tant dans le positif –certaines méthodes de production et cette façon de voir grand – que le négatif –une obsession malsaine pour l’herbicide Roundup. » « Il nous faisait apprendre le nom latin de chaque plante » À son retour en Suisse, en prévision de la reprise de l’activité familiale, Marc Aebi fréquente pendant deux ans l’École d’horticulture d’Oeschberg (BE). « Le professeur Fritz Steiner, fervent passionné des plantes vivaces, nous emmenait dans le parc et nous faisait apprendre le nom latin de chaque plante. Partout dans le monde, le latin permet aux professionnels de se comprendre. Cela m’est resté. » Combien de plantes Marc Aebi peut-il nommer dans la langue antique ? « Entre 5’000 et 6’000, sans parler du français et de l’allemand. Aujourd’hui, j’estime qu’il faut connaître au moins 800 plantes du jardin, c’est la base du métier. »