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ÉCOLE DE CONDÉ PARIS

MASTER DESIGN GLOBAL, RECHERCHE ET INNOVATION SPÉCIALITÉ MODE

Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. # 01

PAULINE KATAN 2015 MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES Sous la direction de Tiphaine Kazi-Tani & Anastasia Olszak.



-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #1 /-

- / Remerciements /-

Merci À Tiphaine Kazi-Tani, Anastasia Olszac, Cyrielle Leclère, Dominique Beccaria & Lionnel Hager pour leurs enseignements. À Matthieu & Emmanuelle pour leurs relectures et leurs conseils syntaxiques. À Alain, Héloïse, Justine, Clarisse, Delphine, Anais, Noémie, Maud, Romain, ainsi qu’à mes camarades de classe pour leurs encouragements et leur soutien. Et à tous ceux avec qui j’ai échangé et qui m’ont aidée à construire mon raisonnement en acceptant de partager leur expérience.

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[3/a]

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AVANT-PROPOS

Enfant, l’expérience d’une pratique religieuse, quelle qu’elle soit, est intimidante. Silence et méditation dans les lieux de culte, solennité et somptuosité de leur architecture, magie des textes et musiques sacrées, décors somptueux, envoûtement de ses rites et de ses mystères, nous voilà plongés dans une adoration qu’on dit être la Grâce. Le temps passe et l’adolescent qui estimait que la foi en un dieu était le chemin du salut des humains, se remet en question. Il perd ses illusions et rejette les simulacres de divinités qu’il croyait miséricordieuses. C’est qu’en leur nom, des adultes affament, tortionnent et anéantissent leurs semblables. Il découvre alors qu’au nom de la foi, l’humanité animée de piété a commis et commet autant d’abominations que de prodiges. En prenant comme sujet le sacré, la foi, le divin, cet enfant devenu adulte use du design pour s’emparer et bousculer un thème chargé d’incertitude et auréolé de spiritualité. Il utilise le corps comme sujet et lieu d’expression pour interroger l’identité sous toutes ses formes. Il questionne l’interculturalité de son éducation, ses fondements, ses références, les composants d’une construction personnelle et intime.

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[1/a] - Vue sur les colonnes circulaires de la Cathédrale Notre Dame de Paris, 6 Parvis Notre-Dame,75004 Paris. [1/b] - Vue sur les vitraux de la rosace ouest de la Cathédrale Notre Dame de Paris. [2/a] - Vue sur le minaret de la grande mosquée de Paris depuis sa cour, 2 Place du Puits de l’Ermite, 75005 Paris. [2/b] - Vue sur la fontaine d’ablutions de la grande mosquée de Paris. [3/a] - Détail d’un vitrail de la Synagogue de la Victoire, 44 Rue de la Victoire, 75009 Paris. [3/b] - Vue sur la lampe éternelle de la Synagogue de la Victoire. _


-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

ciment social, la religion avait un rôle structurant. Cette théorie est développée par Marcel Gauchet dans son ouvrage intitulé Le désenchantement du Monde (1985). La religion influençait fortement la politique mais aussi l’économie ou les valeurs sociétales – d’où son rôle structurant. Évolution majeure, la loi de séparation des Églises et de l’État fêtera son cent-dixième anniversaire en décembre prochain. Cette loi se définit à travers deux grands aspects d’importance égale. Elle garantit d’une part la laïcité de l’État en France, tout en assurant d’autre part la liberté de culte pour tous. Dans Un Monde désenchanté ? (2004), Marcel Gauchet exprime l’idée selon laquelle la religion n’a plus, dans les sociétés modernes, le rôle structurant sur les plans sociaux, politiques et économiques qu’elle pouvait avoir dans les religions polythéistes de l’Antiquité ou même au Moyen-Age. Cependant, l’auteur ajoute que la modernité politique oblige la religion à se réinventer. Cela conduit à une influence mutuelle entre modernité politique et modernité religieuse, de sorte que la religion, même si elle n’est plus structurante, conserve une place propre et essentielle dans nos sociétés occidentales modernes.

Ce projet prend pour question initiale la place du religieux dans l’espace collectif. Il ne s’agira pas d’évoquer la manifestation de la religion au travers de rassemblements publics (JMJ, prières de rue, défilés festifs de Pessah etc.), mais d’étudier la place de la religion et de l’identité religieuse lorsque ces valeurs se manifestent sur ou à travers les corps.

# 01 - Quelle est la place du corps dans l’affirmation de son identité religieuse ? # 02 - Comment se mêlent mise en conformité et appartenance, norme et exercices religieux, dans le rapport au corps ? # 03 - Le vêtement, voire la mode, peuventils être des outils pour débattre des relations entre une société laïque contemporaine et la pratique religieuse de certains de ses citoyens ?

Je choisis de cristalliser mon travail autour de trois religions abrahamiques inscrites dans le panorama religieux de la France, les religions musulmane, juive et catholique.

Depuis 1905, l’espace public français est animé par un débat parfois véhément, traduction de l’existence, en droit français, de deux normes fondamentales mais contradictoire, d’une part la laïcité, d’autre part la liberté religieuse. Dans un pays qui revendique la laïcité comme une pierre angulaire de son identité sociale et politique, l’expression de l’identité religieuse dans l’espace public peut-elle être perçue comme une provocation ? La religion doit-elle, dans notre société moderne, s’adapter pour répondre à un impératif de discrétion dans l’espace public et dans la vie collective ?

Enjeux de création. • Comprendre et défendre l’identité de chacun au travers du vêtement. • Réaffirmer la place du vêtement dans l’affirmation de son identité sociale. Enjeux sociaux. • Réinterroger la place occupée par la religion dans la société française sécularisée. • Améliorer par le vêtement l’insertion des différentes communautés religieuses dans la société laïque. • Estomper leur aspect communautariste. Enjeux politiques. • Réinterroger l’avènement croissant de la laïcité au sein des sociétés occidentales. • Remettre en question le désir de normaliser les civilisations.

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- / Introduction /-

Les cités antiques plaçaient la religion au centre des valeurs sociétales. Véritable


-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

- / Sommaire /Avant-propos .............................................................. P.07 Introduction ................................................................ P.10 Enjeux du projet ............................................................ P.10

1 _ CORPS & RELIGION À L’ECHELLE DE L’INTIME ............................... P.14 A : Le corps, instrument à part entière de la pratique religieuse ............ P.16 B : À chacun son degré de pratique : L’extrémisme ............................. P.20 C : À chacun son degré de pratique : Le relativisme .......................... P.28

2 _ CORPS & RELIGION À L’ECHELLE DE LA COMMUNAUTÉ ............. P.34 A : L’expression de soi au sein de la collectivité .......................... P.36 B : Les marqueurs d’appartenance religieuse : Le Costume .................... P.40 C : Les marqueurs d’appartenance religieuse : La gestuelle .................. P.44

3 _ CORPS & RELIGION À L’ECHELLE DE LA SOCIÉTÉ ......................... P.50 A : Regards sur les signes religieux dans l’espace public ....................... P.52 B : Des signes tolérés par l’opinion publique ................................. P.56 C : Des signes contestés par l’opinion publique ............................... P.62 Conclusion ................................................................. P.66 Bibliographie ............................................................... P.68

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#1 Corps & Religion à l’échelle de l’intime.

Pourquoi s’intéresser au corps pour évoquer la question de l’identité religieuse, sinon parce que le corps est ce qui se donne à voir en premier? Avant même que la parole ne soit prononcée ou échangée, c’est à dire avant même d’entrer dans une relation sociale, la première chose qu’on révèle de soi et qu’on perçoit de l’autre, c’est l’apparence physique.

A : Le corps, instrument à part entière de la pratique religieuse _

L’aspect physique d’abord, qui renseigne sur une classe d’âge, une identité sexuée, une origine géographique ou ethnique ; mais aussi le vêtement, les parures et les accessoires qui l’accompagnent (bijoux, insignes, coiffures) lesquels habillent et dissimulent le corps autant qu’ils le désignent à l’attention ou le dévoilent; la gestuelle enfin, la façon de se mouvoir dans l’espace permet elle aussi de situer socialement, professionnellement, culturellement, voire religieusement, quelqu’un.

B : À chacun son degré de pratique : L’extrémisme _

Le corps est donc une interface, un médiateur entre soi et les autres.

Huguette Caland, Self Portrait, 1973, huile sur toile. Œuvre composant l’affiche de l’exposition «Le Corps découvert» à l’Institut du monde arabe de Paris.

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C : À chacun son degré de pratique : Le relativisme

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Les religions rythment la vie du croyant par des rites de passage, de la naissance à la mort. Toutes les religions s’intéressent au corps et ce dernier jouit d’une place fort importante dans la littérature théologique : les textes sacrés et leurs interprétations, les rites religieux, les différentes tendances et écoles théologiques dissertent sur le corps, le blâment ou le glorifient, l’accusent d’être le siège des vices ou le purifient, etc. Elles invitent les fidèles à affirmer leur allégeance religieuse par l’intermédiaire du corps. Les religions cherchent ainsi à maîtriser le corps et à en faire un outil de dialogue avec la divinité. Généralement, elles cherchent à contrôler ses principales fonctions, la sexualité et la nourriture, qui revêtent toujours une signification sacrale. Le sacrifice est un acte commun à toutes les religions de l’Antiquité. Au départ, sa signification n’est pas la privation et le dépouillement mais au contraire le don le plus généreux possible à une divinité dont on veut obtenir la récompense, la grâce ou le pardon. Le sacrifice du fils, événement essentiel et fondateur dans l’histoire d’Abraham, constitue un épisode essentiel pour les trois religions : c’est l’acte de foi parfait demandé par Dieu à Abraham, qui lui vaut dans la Bible d’être dépositaire de l’Alliance entre l’homme et Dieu, et dans le Coran d’être le premier des musulmans, le modèle par excellence du vrai croyant, « celui qui se soumet », qui « s’abandonne » à Dieu. L’ascèse par exemple est une forme de sacrifice, un ensemble d’exercices physiques et moraux pratiqués en vue d’un perfectionnement spirituel. Il s’agit de s’imposer une discipline et d’exercer ainsi sa volonté contre certaines tendances naturelles du corps. Les religions préconisent chacune des formes d’ascèse très encadrées telles que le jeûne (alimentaire ou sexuel), les prières rituelles ou les veillées nocturnes. Ces exercices ont pour but de fortifier la volonté du croyant en l’amenant à maîtriser les pulsions les plus basiques du corps (faim, soif, sommeil etc.).

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Par ailleurs, dans certaines religions ou certaines versions fondamentalistes de celles-ci, une idéologie de la soumission inflige un ensemble de rituels extrêmement contraignants; Tellement qu’il est légitime de se demander comment il est possible de se mettre dans un tel état de servitude volontaire, à surveiller chacun de ses faits et gestes jusqu’aux plus intimes et aux plus anodins ? Comment peut-on ainsi aliéner sa liberté d’être, de penser, d’agir, en se conformant en permanence à des normes et des interdits aussi nombreux? Le judaïsme et l’islamisme sur ce point se ressemblent, en ce qu’ils canalisent l’individu dans un carcan dense de prescriptions et d’interdits. De même que la vie musulmane est régie par la Charia, loi canonique islamique, la vie juive est marquée par l’attachement à un Peuple, une Terre et à une Loi, la Torah et ses 613 commandements constituant la Halakha, lesquels comportent : 248 Mitzvot Assè (prescriptions positives) et 365 mitzvot lo taasè (prescriptions négatives). Dans la religion catholique, les péchés capitaux sont l’acédie (ou la paresse spirituelle), l’orgueil, la gourmandise, la luxure, l’avarice, la colère et l’envie. Leur définition incite elle aussi à un meilleur contrôle des pulsions du corps. ___

[ Purifier le corps ]

[ Nourrir le corps ]

L’appropriation et la purification du corps sont des notions communes à toutes les religions monothéistes. Cet idéal passe principalement par le contrôle de la sexualité du croyant. La sexualité est vue comme une pulsion immorale qui éloigne le croyant de Dieu et des préceptes religieux. Il convient donc de brider cette pulsion en édictant des interdictions et des limites. Sont ainsi interdites certaines pratiques jugées répréhensibles (adultère, homosexualité, inceste, sodomie, masturbation) tandis que l’activité sexuelle est généralement tolérée au sein du couple marié dans un but procréatif. Là encore, la religion pose des limites, par exemple en interdisant certaines positions sexuelles.

L’absorption de la nourriture revêt également une signification sacrale qui se traduit dans la pratique par l’établissement de disciplines alimentaires justifiées par des raisons spirituelles ou parfois à cause de théories diététiques. Ces prescriptions alimentaires peuvent passer par des codes alimentaires permanents (viande halal, cacherout, végétarisme, ect.), périodiques (interdiction de manger de la viande le vendredi chez les chrétiens) ou temporaire (Carême, Neufs jours de la religion juive, Ramadan). Les restrictions alimentaires temporaires ou périodiques sont ainsi un moyen de commémorer un événement religieux important tandis que les restrictions alimentaires permanentes contribuent à purifier le corps du croyant. Ainsi, les musulmans ne mangent pas de porc car le Coran considère cet animal comme impur parce qu’il se nourrit de déchets. De même chez les juifs, certains animaux sont considérés impurs et de ce fait impropres à la consommation, tel que le lapin.

___ [ Habiller le corps ] Il est fréquent que les hommes revendiquent leur religion par leurs habits et accessoires. On distingue alors deux fonctions à l’habit religieux. Il peut s’agir d’abord d’un vêtement permettant de revendiquer l’appartenance à tel ou tel ordre ainsi que le rang de celui qui le porte. Ainsi, les cardinaux de l’Église de Rome portent une calotte rouge bien particulier qui leur permet de revendiquer leur droit de préséance dans n’importe quel lieu de culte chrétien. Mais l’habit religieux peut également, notamment dans le judaïsme et l’Islam, exprimer l’orthodoxie de celui qui le porte ou souligner un type de dévotion particulière. Hidjab, niqab, tchador, burqa en illustrent la diversité.

___ [ Marquer le corps ] Les hommes revendiquent également leur religion à travers leur corps. Tatouage, circoncision, scarification, excision sont autant de marques distinctives et indélébiles d’appartenance à un courant religieux. Ce rapport au corps est souvent très fort. Ainsi, la circoncision ou brith milah est un rituel obligatoire du judaïsme. Ce rituel symbolise l’alliance de l’homme à Dieu. Chez les musulmans, la circoncision est pratiquée par une majorité de croyants, bien qu’elle ne soit pas mentionnée dans le Coran. Cette pratique relève alors avant tout de la tradition religieuse.

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- / Partie 01 - Corps & Religion à l’échelle de l’intime /-

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

A : Le corps, instrument à part entière de la pratique religieuse


-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

Figurer la contrainte

[1] [3]

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[1] Le Ruban blanc, un film de Michael Haneke, 2009.

[2] Tu n’aimeras point, un film de Haim Tabakman, 2009.

[3] Yes Biological, Erwin Wurm, 2010.

Ce film redessine le carcan luthérien dans le nord de l’Allemagne avant la Première Guerre mondiale. Il illustre la vie d’une communauté soumisse à l’ordre familial, social et religieux, subissant un pouvoir patriarcal excessif et des règles de vie rigides. Le pasteur du village y éduque ses enfants dans un rigorisme corseté, leur infligeant des punitions corporelles et des sévices moraux au nom de la religion. Une angoisse sourde naît de plans-séquences où tout semble constamment caché.

Ce film porte sur la notion de désir. Il nous raconte l’histoire d’un homme marié et père de quatre enfants, juif orthodoxe, boucher, qualifié de «juste» par son entourage, nouant une relation amoureuse avec son apprenti, un jeune homme se présentant comme étudiant de Yéchiva; Une passion homosexuelle refrénée par le diktat du dogme religieux.

Dans chacune des œuvres d’Erwin Wurm on trouve le même souci de pose et d’enveloppe. Les personnages que l’artiste figure sont en prise avec leur corps et les habits qui les enferment. Il en résulte d’inconfortables mouvements associés à divers vêtements.

Ce film souligne l’inconfort d’une vie quotidienne régie par la religion et l’influence des parents sur les pratiques et opinions de leurs enfants.

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Le corps y est prisonnier. Les métamorphoses qu’il fait subir à ces objets ne sont ni de l’ordre de la contorsion ni de la torture mais plutôt de la contrainte. On a le sentiment d’une recherche de posture idéale, caractérisée par l’équilibre précaire et la tension; quête que l’on peut assimiler à celle du dévot.

Tout, dans le quotidien des personnages, s’inscrit dans la religion pieuse. Les scènes d’amour sont peu nombreuses et toujours courtes, comme des soupirs dans cet univers claustré, silencieux, où les deux hommes sont soumis au jugement et à la condamnation permanente des autres.

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Les comportements religieux sont intimes. Ils résultent d’une compréhension des textes et du choix de son influence sur nos modes de vie et modes de penser. Aussi, on distingue autant de degrés d’engagement et de pratiques religieuses qu’il n’y a d’interprétations des textes sacrés. La notion d’humilité dans les textes saints est un bel exemple de cette diversité. Si une religion demande à ses fidèles de respecter la pudeur et donc de trouver, en fonction de l’âge, des mœurs, des circonstances, les moyens de s’y conformer, certaines s’imposent, au nom de celle-ci le port d’un voile couvrant l’intégralité de leur corps, d’une perruque pour cacher leurs vrais cheveux, ou de ne pas serrer la main d’un individu du sexe opposé. La vertu morale est la même (la pudeur) mais l’une laisse à l’humain une autonomie dans la manière de l’exercer, là où l’autre, aliène sa liberté. Au sein de cette hétérogénéité d’interprétations, l’extrêmisme est la tendance à adopter des opinions, des conduites radicales, exagérées, poussées jusqu’à ses limites ou à ses conséquences extrêmes, en refusant toute concession, toute évolution dans l’essentiel comme dans l’accessoire. Le fondamentalisme en est une forme dans le domaine religieux. Par fondamentalisme on désigne, au sens large, toutes les radicalités religieuses qui défendent une conception intransigeante de la religion, au risque d’une confrontation avec la société environnante.

planche, marcher sur un sol glacé, cheminer à genoux jusqu’au temple; Une souffrance censée amener l’homme au repentir. Citons trois exemples d’instrument de rituel de dévotion extrême du corps au travers desquels le corps est soumis à une certaine forme de barbarie.

[2]

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[1] [ Les cilices ]

[ Les zanjirs ]

[ Les sheitels ]

Pour les religions abrahamiques, la maîtrise du corps contribue à la lutte contre soi et à la réalisation spirituelle. Cette aspiration peut conduire le pratiquant à la mise en acte de l’extrême ascétisme.

À l’origine, le cilice était un vêtement de tissu rugueux fait de poils de chèvre et porté sous la forme d’un maillot de corps [1] ou comme une ceinture autour des reins, dans un but de pénitence. Pendant les premiers âges du christianisme l’utilisation de ces tissus grossiers comme moyen de mortification physique pour aider ceux qui les portaient à résister aux tentations de la chair, est devenue très ordinaire, même parmi les laïcs, qui s’en servaient comme d’un antidote discret contre l’ostentation extérieure et le confort dans leur vie. La souffrance devient alors moyen de se purifier du péché.

Les mortifications, la flagellation, ou encore la castration deviennent des moyens d’effacer le corps physique et animal sous la puissance de l’âme. Ces concepts trouvent leur origine dans l’Europe du IVe siècle. Dans l’Empire romain d’alors, les chrétiens prouvaient l’intensité de leur foi en devenant des martyrs. On dénombre ainsi de nombreuses formes de sacrifice de soi: dormir sur une

L’ emploi de tels instruments est tombé un peu partout en désuétude. Il ne subsiste plus que dans certains cercles conservateurs, chez les membres de l’Opus Dei (institution de l’Église catholique romaine) par exemple, qui rappellent que la pénitence est pratiquée par amour de Dieu et désir d’imitation du Christ, et non en vertu d’un sentiment de culpabilité, de haine de soi ou d’auto-punition.

Chaque année, à l’occasion de l’Ashura, dixième jour du mois de Muharram (premier mois du calendrier islamique), les chiites du monde commémorent le martyre de l’Imam Husayn, petit-fils du Prophète, tué à Karbala en 680. Réunis en cortèges à l’occasion de rites publics, certains pénitents vont jusqu’à se fouetter le dos avec des fouets garnis de lames tranchantes, les «zanjirs» [2]. Ils souhaitent partager les souffrances de Husayn et exprimer le sentiment de culpabilité de la communauté chiite qui ne l’a pas assisté dans son combat. Ils entendent également proclamer qu’ils sont prêts à combattre pour l’avènement d’un monde meilleur.

Le mariage est marqué chez certains juifs hassidiques par une sorte de renoncement au cheveu pour la femme. En se mariant, elle passe du statut de femme vierge et désirable, qui peut montrer sa chevelure, voire l’exhiber en tant qu’atout de séduction, à celui de femme d’un homme et d’un seul, celui à qui elle est dès lors soumise. Ainsi, dès le lendemain des noces, les cheveux de la femme juive mariée sont rasés ou coupés très courts, avant d’être recouverts d’un foulard ou d’une perruque ou d’un chapeau. Cette pratique est très symbolique; en renonçant à ses cheveux, la femme accepte l’autorité de son mari. Le port de la perruque [3], dite sheitel en yiddish, est devenu pratique courante au dix-neuvième siècle chez les orthodoxes, malgré ses discours détracteurs la jugeant comme un moyen immodeste de tourner l’obligation de dissimuler sa chevelure, puisqu’une perruque peut être plus seyante encore que des cheveux naturels.

[ L’ascétisme pratiqué à l’extrême.]

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- / Partie 01 - Corps & Religion à l’échelle de l’intime /-

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

B : À chacun son degré de pratique : L’extrémisme.


-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

Corps soumis, corps meurtri - / Partie 01 - Corps & Religion à l’échelle de l’intime /-

[3/a] [2/b]

[3/b]

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[2/a]

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-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

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[1] Paradis : foi, un film de Ulrich Seidl, 2013.

[2/a] Barbed hula, Sigalit Landau, 2000.

[3/a] Ghost, Kader Attia, 2007.

[4] Persepolis, un film de Marjane Satrapi, 2007.

Ulrich Seidl s’inspire, pour sa série Paradis, des femmes dont le corps est une source constante de soucis et d’humiliation. Pour ‘‘ Paradis : foi ’’ , Il traite de la dévotion d’une catholique pour son Dieu jusqu’au déraisonnement.

Le cerceau de Sigalit Landau, comme la cage de Britlyn Doolittle-Hilton s’apparente à un objet de torture fait d’acier. Par son usage, le corps se retrouve volontairement contraint, maîtrisé.

[2/b] Cage, Britlyn Doolittle-Hilton, 2010.

Plus qu’une prison sociétale, l’héroïne de ‘‘Paradis’’ est avant tout prisonnière d’un corps. Celui-ci y est mortifié, agressé au nom d’une quête de sainteté. Le réalisateur illustre avec sarcasme la distance qui peut prendre place entre l’intensité de l’investissement physique du pratiquant et la solidité des croyances sur lesquelles celles-ci reposent.

Ces outils renvoient tous deux par leur esthétique et leur violence aux pratiques sacrificielles des origines des religions telles que les mortifications notamment les cilices faits de métal et portés en ceinture à même la chair. La représentation du corps violenté ou profané évoque l’expiation possible des corruptions de la société contemporaine; un « renoncement à soi-même » assisté par l’objet parure.

[3/b] Dieu,Valérie Mréjen, 2004.

Dans son œuvre, entre ségrégation et émancipation, le corps, en exil, est clairement un sujet politique.

Les «Ghosts» de Kadder Attia questionnent sur l’aliénation culturelle et la quête d’identité. Ils évoquent une assemblée de femmes en position de prière. Composées à partir de corps moulés avec du papier d’aluminium alimentaire, les sculptures ont un caractère froid et industriel. Laissées vides à l’intérieur, elles posent la question de la négation de l’individu. Entre dévotion et exclusion, contemplation et vulnérabilité.

Braver les interdits passe par le refus de certains codes d’obéissance. Or sa pratique de la religion est extrêmement normative, réglementée, fondée sur l’interdit. Dans ‘‘ Persepolis ’’, Marjane Satrapi souligne la difficulté de s’en détacher. Elle revient sur ses désirs d’émancipation d’adolescente; ses désirs d’indépendance comme forme d’inconscience liée à cet âge de la vie.

Une fois l’état extrême atteint, une fois son mode de vie et sa gestuelle quotidienne régie par le texte sacré, il apparait difficile pour le croyant de s’émanciper de ce carcan.

Revendiquer son individualité, sa personnalité commence alors par le vêtement lorsque sa silhouette noire revêtue des signes contestataires de l’ordre dans lequel elle s’inscrivait jusqu’alors.

Face à la caméra de Valérie Mréjen, des Israéliens disent leur rupture avec leur passé de religieux fervent. Si elle est un souffle d’air dans un discours dominant sur la montée des intégrismes religieux, cette œuvre souligne aussi la souffrance qui accompagne un tel choix après lequel tout est à reconstruire (Dieu, 2004).

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- / Partie 01 - Corps & Religion à l’échelle de l’intime /-

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-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

- / Partie 01 /- / Expérimentation /-

[ Gants joints ] Ces gants sont soudés afin de contraindre celui qui les enfile à conserver à long terme la position de prière catholique. Ces gants figurent le carcan de la religion, puisque la religion, notion spirituelle, vient créer une contrainte physique. Se dessine alors l’idée que la pratique religieuse se traduit par un lourd devoir quotidien pour les pratiquants. Cette contrainte uniquement motivée par des raisons spirituelles peut être difficile à tenir physiquement. Les gants permettent donc de rééduquer sa propre gestuelle et de se contraindre à adopter la gestuelle religieuse. Ces gants créent donc une contrainte physique pour le corps ce qui peut sembler paradoxal puisque la douceur et la chaleur de la laine évoquent confort et protection. La contrainte physique découle ainsi sur des notions positives qui symbolisent les apports bénéfiques de la religion à qui sait en suivre les préceptes et contraintes.

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- / Partie 01 - Corps & Religion à l’échelle de l’intime /-

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

C : À chacun son degré de pratique : Le relativisme

«Aujourd’hui, chacun bricole sa propre spiritualité». La religion en mouvement, Danièle Hervieu-Léger,1999.

[1] Danièle Hervieu-Léger défend l’idée que l’existence d’une identité religieuse « supérieure » qui n’est pas issue de l’individu aspire à uniformiser la spiritualité. Mais dans nos sociétés modernes, cette identité religieuse supérieure tend à être de moins en moins influente. De ce fait, chacun se sent à même de « bricoler sa propre spiritualité » c’est à dire de se détacher des grands récits et normes homologués par les institutions pour adapter la religion à sa personnalité. On assiste à une modification fondamentale de l’appréhension de la religion. Autrefois, l’individu était conditionné par la religion tandis qu’aujourd’hui chacun conditionne la religion pour l’adapter à ce qu’il est.

Pour le mouvement relativiste, on assiste à une confusion entre le rapport au corps véhiculé par la religion et celui véhiculé par la société contemporaine. Ainsi, ils considèrent que la religion est conciliable avec notre société moderne, société du plaisir, que Lipowetsky décrit comme la société du « néo-individualisme » Ce n’est plus tant le respect des rituels qui compte, mais bel et bien la croyance elle-même à travers sa philosophie et ses valeurs. La religion peut alors s’appliquer à la carte, chacun « bricolant sa propre spiritualité ». ___

Si cette notion de bricolage n’est pas nouvelle – les pratiquants religieux ont toujours cherché à adapter les dogmes – elle gagne aujourd’hui en importance puisqu’on tend à admettre que le parcours spirituel se doit d’être personnel. De ce fait, le parcours spirituel personnel est amené à prendre une place au moins aussi importante que le dogme officiel.

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Peindre le relativisme religieux

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[1] Between, Hussein Chalayan, printemps-été 1998

[2] Auto Ink, Chris Eckert, 2011 Tatoueur aléatoire de religion.

[3] «Le gros câlin», Vidéo de Louise Pressager, 2014.

Avec cette collection, Chalayan aborde le sujet politique du voile islamique. Il souhaite montrer comment le code religieux dé-personnifie l’humain. Il interroge la notion d’identité pouvant facilement être effacée par l’occultation du visage.

Les tatouages avec des images et des icônes d’une religion particulière sont très populaires parmi ceux qui ont une conviction profonde de leur foi.

Louise Pressager en personnifiant la croix propose une pratique religieuse contemporaine idéale faite de fraîcheur, simplicité et bonheur s’affranchissant de toute rigueur traditionnelle. Par un langage visuel simple et une grande économie de moyens plastiques l’artiste réveille la naïveté de nos habitudes et de nos espoirs.

Le final de cette collection propose six différentes longueurs de voile islamique. Il illustre parfaitement l’hétérogénéité des façons de vivre sa religion, la diversité des degrés d’interprétation.

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L’auto link tatoue un symbole religieux sur l’avant-bras. L’opérateur peut choisir lui-même son signe religieux ou bien laisser le choix à la machine. Une façon contemporaine et immédiate de définir et affirmer un engagement religieux. La tradition laisse alors place à l’aléatoire.

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Le Conformiste saisonnier Baptême sur un lit de naissance Rites de passage Communion. pour Pâ Pâqques Messe occasionnelle

Le judaïsme en héritage Circoncision sur un lit de naissance Fêtes religieuse à partager en famille Port de la Kippa à la Synagogue

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L’observant Baptême sur un lit de naissance Rites de passage Communion hehebbbdomadaire domadaire Messe en semaine Carême Port de la croix

- / Partie 01 /- / Expérimentation /-

Le Non pratiquant Baptême sur un lit de naissance Aucun acte cultuel Communion au grand jamais

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Le Dévot Baptême sur un lit de naissance Rites de passa passagggee Communion heh bbdomadaire domadaire Catéchisme Catéch hisme Messe en semaine Carême Prière en famille Appartenance à une organisation d’Église Bénévolat Port de la croix Usage du Chapelet Flagellation printanière .

[ Religions à la carte ] Inspiré de la typologie du comportement religieux du catholicisme dégagée par Gabriel Le Bras, juriste et sociologue français des religions et du droit (Étude de sociologie religieuse, 1956), je propose différentes formules à une clientèle plus ou moins fidèle. En énonçant différents critères qualitatifs et quantitatifs, je questionne ici la religion comme bien de consommation assimilée à la culture populaire.

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#2 Corps & Religion à l’échelle de la communauté.

« Si les religions sont moins qu’hier un vecteur d’encadrement de la vie sociale, elles restent un véhicule d’identité et de solidarité qui continue de jouer un rôle intégrateur pour des individus qui peuvent être en recherche de sens ou de formes anciennes ou nouvelles de lien social.» Cécile Jolly , Rapport portant sur «Religions et intégration sociale», 2005

A / L’expression de soi au sein la collectivité. _

La religion n’est pas seulement une expérience intime. Elle relie l’individu à un groupe, fonde son identité. En tant que lien social, la religion nous amène à penser la présence du corps dans le rapport à l’Autre. En effet, qu’il soit sacralisé ou asservi, le corps est un médiateur essentiel des traditions religieuses dont il est le témoin visible.

B / Les marqueurs d’appartenance religieuse : Le Costume. _ C / Les marqueurs d’appartenance religieuse : La gestuelle.

Séminariste, Erwan Venn, 2013.

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-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

A : L’expression de soi au sein la collectivité.

[1]

Dans ce que définit Lipovetsky comme «société de l’hyperconsommation», l’individu cherche à travailler son identité physique pour se distinguer, pour attirer l’attention, pour que l’on porte un intérêt à sa personne. Paradoxalement, en se distinguant des autres, il recherche l’intégration sociale. Abraham Maslow quant à lui, dans sa fameuse pyramide indique le besoin d’estime comme le quatrième besoin de l’Homme juste après les besoins d’appartenance, de sécurité et de physiologie. D’après lui, si l’individu ne comble pas ce besoin, il est dans l’impossibilité d’assouvir le sommet de la pyramide : le besoin d’accomplissement, besoin que chaque humain souhaite satisfaire. La marque est un signe distinctif qui permet au consommateur de distinguer le produit ou service d’une entreprise de ceux proposés par les entreprises concurrentes. Elle peut être matérialisée par un nom propre, un mot, une expression ou un symbole visuel. Cette distinction sociale peut tant être d’apparence ostentatoire ou plus intime. On peut aussi bien vouloir exposer la valeur du produit que l’on possède au plus grand nombre, ou bien faire partie des rares à la reconnaitre.

Le studio Martin Margiela choisit au travers de son identité de marque de ne pas exposer de « griffe» sur ses étiquettes. A la place les différents modèles des lignes du créateur sont numérotées de 0 à 23. La reconnaissance se fait par une étiquette blanche cousue avec quatre points visibles sur l’extérieur du vêtement [1].

[2] Le Tabaâ (un sceau en arabe), sous-entendu: sceau authentifiant la piété de la personne qui le porte, est la marque, forme d’hyperkératose, laissée sur le front lors de la prosternation lors des rites de prière musulmans, attestant l’assiduité religieuse de ceux qui la portent. Elle se forme sur le front à force de toucher le sol ou une surface dure, comme le veut l’usage pour les cinq prières du jour chez les musulmans. Hamadi Jebali, l’ex Premier Ministre tunisien a ainsi cette marque [2].

On retrouve ce principe de signe distinctif, vecteur d’intégration sociale, au sein des différentes communautés religieuses. Au delà de leur fonction rituelle, les vêtements religieux ont une portée sociale. Aussi, les pratiquants tendent à s’insérer par le vêtement - élément immédiatement perceptible des identités sociales et culturelles - à travers lequel, d’une part, en intégrant les codes en permanence façonnés par le groupe de référence (pairs), ils se donnent les moyens d’être identifiés, reconnus en tant que tels et, d’autre part, revendiquent cette appartenance.

Portant cette marque, le fidèle déambule fièrement, arborant la tache foncée qui le signale à l’attention de ses concitoyens. Convoitée comme signe d’inscription au sein de la communauté par certains, celleci peut être réelle ou factice; Des praticants allant jusqu’à s’écorcher la peau du front pour prétendre à un tel niveau de piété.

Parmi ces signes d’appartenance on distingue là aussi différents niveaux d’ostentation ciblant soit la société entière (par exemple la burqa) soit les plus fervents pratiquants (par exemple la tabaâ ci- après).

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[1/b]

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[1/a] Ghutra Hermès [1/b] Burqa Nike (série Converse), Podebal, 2005.

[2] The most powerful position is on your knees, Antoine Bouillot, 2011

[3] La machine à rêve, Kader Attia, 2003.

[4] «Halal», Kader Attia, 2005.

La série ‘‘Converse’’ de Podebal part d’un problème de société : l’ aversion chez la population occidentale, aux symboles orientaux. Le groupe de designer Tchèque utilise avec dérision l’objet de consommation ayant subi une transformation culturelle pour donner naissance à des marques converties culturellement. ‘‘Converse’’ est présentée comme une ligne de Produits pilotes pour la paix mondiale contribuant à une meilleure compréhension entre l’Orient et l’Occident, visant à une plus grande interconnexion de ces civilisations disjointes.

Des mains de prêtre, sorties d’un mur, tendant une hostie gravée du célèbre hologramme Louis Vuitton. Pour Antoine Bouillot la religion, devient un alibi pour inviter le spectateur à interroger sa relation compulsive à la mode.

En 2003, Kader Attia présente, à la Biennale de Venise, La machine à rêve. Il s’agit d’une installation composée d’un distributeur automatique et d’un mannequin vêtu d’un sweat-shirt griffé «Halal». Le personnage est sur le point d’acheter l’un des articles proposés par La machine à rêve proposant un ensemble d’objets symboliques, représentatifs, selon l’artiste, du rêve d’intégration.

En 2005, le travail de l’artiste occupait tout l’espace de la galerie Kamel Mennour. Celle ci était alors transformée en boutique prétendant vendre, entre autres, de gros sweat-shirts rouges floqués du logo Halal.

Depuis le commencement du projet, différentes marques ont adapté certains de leurs propres produits à l’éthique de Converse. En conséquence, les produits tels que le réveil Ramadan, le système de navigation GPS La Mecque ont intégré le marché.

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Procédant par détournement, l’artiste transgresse l’objet et sa signification première afin de traduire les déchirements de l’exil ; entre deux mondes, deux identités. Il construit un langage à la fois poétique et politique, pour affronter la difficile équation entre désir d’appartenance à une société d’accueil et préservation de valeurs traditionnelles. Kader Attia se réapproprie également la langue. En utilisant le terme «halal», il est ici question de montrer de quelle façon les mots sont vidés de leur sens quand le terme «halal» a perdu sa connotation de pureté pour devenir un mot courant signifiant «propre à la consommation».

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-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

Figurer la distinction


«Le signifié principal du vêtement [...], c’est essentiellement le degré d’intégration du porteur par rapport à la société dans laquelle il vit. [En tant que langage, le vêtement] est, au sens plein, un modèle social, une image plus ou moins standardisée de conduites collectives attendues, et c’est essentiellement à ce niveau qu’il est signifiant».

Le costume désignant une appartenance religieuse n’intéresse pas que les clercs. En effet, porté par les croyants, il affirme la foi et le distingue des praticants et d’autres religions. Il est le reflet d’une dévotion envers sa religion tout comme d’une appartenance à part entière à une communauté. Il reflète le partage d’idéaux et de pratiques communes.

«Au travers de la littérature et l’art cet outil essentiel de marquage social [le vêtement] joue souvent entre mensonges et travestissements.» La Frivolité essentielle, Monneyron Frédéric, 2001.

Histoire et sociologie du vêtement, de Roland Barthes, p. 440

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Revêtir un déguisement c’est s’accaparer une nouvelle identité qui se construit, se joue et se partage. Il permet de s’identifier à un héros, bouleverser et inverser les statuts sociaux, braver certains interdits. Dans les années soixante-dix, plusieurs artistes font du travestissement et du déguisement le thème de leur travail, changeant les codes familiaux et sociaux, prenant parfois des formes grotesques, humoristiques. Par exemple, l’œuvre de Cindy Sherman toute entière repose sur le déguisement. Pour elle, s’identifier aux autres, «c’est rester la même et être pourtant différente». Pour d’autres plasticiennes, comme Orlan il s’agit de revendications militantes. L’artiste joue ici avec le costume de nonne. Elle revêtit l’identité de «Sainte Orlan» pour pointer du doigt l’hypocrisie qu’est le déni catholique du corps-plaisir. ___

Le costume, mais aussi la façon de le porter, de le regarder et de l’interpréter, sont les reflets des normes sociales. Élément essentiel de la culture matérielle, il est l’un des marqueurs de toute société humaine, véritable langage destiné à signifier et pas seulement à protéger ou à orner. Comme le souligne Daniel Roche : « l’histoire du vêtir témoigne en profondeur sur les civilisations. Elle en révèle les codes ». Roche Daniel, 1989, La culture des apparences. Une histoire du vêtement, XXVIIeXVIIIe siècle, Paris, Fayard. Il signe un statut, une fonction, par exemple quand il se fait uniforme. Il peut aussi constituer un facteur d’intégration dans un groupe ou une classe d’âge comme celle de l’adolescence. Il endosse des dimensions : symboliques, culturelles, religieuses, sociales et politiques. Aussi il s’affiche comme le moyen le plus simple et souvent le plus efficace pour s’inscrire dans le paysage humain.

Le costume permet de revêtir un rôle pouvant être à l’opposé de l’identité qui l’habite. Il est alors outil de travestissement.

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B : Les marqueurs d’appartenance religieuse : Le Costume.

[1] Groupe de sœurs de charité défilant dans la rue portant la cornette leur uniforme marquant leur union. [2] White virgin against yellow bricks, Saint Orlan, 1983.

[2]

[1]

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[6]

[4] [2] [3]

[1]

[5] Si aujourd’hui les tenues courantes ont pris le pas sur certaines traditions il n’en demeure pas moins que le vêtement reste un signe d’appartenance visible pour tous. Seule une loi reste en observance pour la majorité des juifs, celle de ne pas porter un habit confectionné de quelque manière que ce soit en laine et en lin mélangé (le Chaatnez). Mais il est possible de porter une chemise en lin sous un pull en laine, car ce n’est que le mélange des deux textiles qui est interdit. Signe de reconnaissance vestimentaire qui perdure dans le temps et est commun à tous les croyants du judaïsme : la Kippa [1]. Ce petit chapeau que l’on porte avant d’entrer à la synagogue, que l’on soit juif ou pas, symbole de l’humilité de l’homme devant Dieu. Le Talit [2], châle de prière, est un élément essentiel de la vie du croyant, tout comme le sont les Tsitsit (ou Tzitzith), ces franges accrochées aux quatre extrémités du Talit. Cela constitue avec les Téfilins ou phylactères la base commune de la tenue de prière nécessaire à tous les pratiquants du judaïsme. Un lien entre Dieu et l’homme qui reste le même quel que soit le pays où la terre montrant aussi l’appartenance à un peuple unique.

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Les Tsitsits [3] rappellent en outre les «613 Mitsvot»(ou règle juive) de la façon suivante : Chaque « tsitsit» est formé de 4 fils doublés, soit 8 fils, et de 5 nœuds, ce qui donne un total de 13. Le tout faisant 613. Les huit fils de chaque tzitsah rappellent les sept ciels, plus notre terre : ce qui indique que Dieu règne suprêmement sur tous les cieux et sur la terre. Le double nœud représente l’union permanente avec Dieu par un double pacte d’alliance entre Dieu et le pratiquant. Les sept « anneaux» dans la partie supérieure symbolisent les sept jours de la semaine. Les «huit anneaux « de la seconde partie rappellent (en plus des sept cieux auxquels s’ajoute la terre, comme nous l’avons expliqué plus haut) la Mitsvah de Milah, la circoncision, opérée le huitième jour, qui est appelée Brith. Les 11 « anneaux « de la troisième partie symbolisent les 5 ‘Houmachim (Pentateuque) et les 6 ordres de la Michnah, c’est à dire la Torah écrite et la Torah orale. Les 13 «anneaux» de la quatrième partie symbolisent l’Unité de Dieu, car le mot hébraïque E’hade («un») équivaut à 13. Les trois premières parties totalisent «26», ce qui est égal à la valeur numérique du Nom de Dieu, et toutes les quatre parties forment un total de 39, égalant la valeur numérique de HaChem E’hade («Dieu est Un»)

On trouve l’origine du port de la barbe et des papillotes dans une interdiction citée dans la Bible qui dit que l’on ne peut se servir d’outils tranchants et coupants à destination du visage. Le sens spirituel de cette interdiction est qu’ainsi l’homme ne doit pas porter atteinte à son humilité en touchant à son visage. En cours chez les plus orthodoxes cette tradition ne s’impose pas à la plus large part des croyants qui ont adopté le rasage et la coupe de cheveux traditionnels.

La tsniout est un domaine de pensée et de loi juive, traitant au sens large de la modestie et de la pudeur et, au sens plus restreint, des rapports sociaux et sexuels entre hommes et femmes. Le terme est fréquemment utilisé en ce qui concerne les règles de tenue vestimentaire des femmes. Ainsi une femme n’aura pas le droit de découvrir ses jambes à partir du genou vers le haut, et ses bras à partir du coude vers le haut, ou encore de porter un habit tellement décolleté que l’on peut voir les os inférieurs du cou(clavicules et manubrium). Il lui sera de même interdit de faire ressortir des parties de son corps (ne pas mettre des habits moulants), ou de vêtir des habits attirants (cause de couleurs ou autres). Il sera permis de porter des sandales dans un endroit où la population est accoutumée de voir des femmes en sandales. Une femme mariée est contrainte de couvrir ses cheveux en public [6]. Le parfumage excessif est interdit.

Le phylactère [4]

(ou tephillin) est constitué de deux pe-

tites boîtes cubiques enfermant des bandes de parchemin sur lesquelles sont inscrits quatre versets de la Torah, que les juifs s’attachent au bras gauche (lié au cœur) et sur le front (lié à l’esprit) par des lanières de cuir, pendant la prière du matin. Les Hassidim juifs [5] originaires en majorité d’Europe de l’Est, vivant essentiellement en Israël et aux États-Unis ont conservé les longs manteaux noirs, les grandes chaussettes montantes et le fameux Shtraïmel, ce chapeau noir dont les larges bords sont ornés de fourrure. Le pantalon et la veste noirs portés sur une chemise blanche seront la tenue de tous les jours pour d’autres croyants qui couvriront aussi leur tête d’un chapeau toujours noir du style Borsalino.

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[ Etude de cas : le costume juif.]


Le geste: « Mouvement du corps (principalement des bras, des mains, de la tête) volontaire ou involontaire, révélant un état psychologique, ou visant à exprimer, à exécuter quelque chose. [...] Simple mouvement expressif ou caractéristique. [...] Acte, action. » Définition du Petit Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2000.

Un culte est un ensemble de gestes, de cérémonies et de prières par lequel les hommes et les femmes rendent hommage à leurs divinités et organisent la communication avec les dieux. Que ce soit à l’église, à la mosquée, à la synagogue ou sur une montagne sacrée, les croyants se réunissent pour rendre hommage à la divinité, la prier, la supplier.

Le geste, dans son sens abstrait, signifie acte ou action. On parle de geste d’autorité ou de générosité, de faire un beau geste quand on intervient en faveur de quelqu’un. Le geste peut aussi accompagner la parole, en illustrant les mots et les idées. Il peut aussi la remplacer totalement, comme le fait le langage des signes pour les malentendants. Dans son « Complément du dictionnaire italien », le célèbre designer italien Bruno Munari s’amuse à répertorier les nombreux gestes qui rythment les conversations des Napolitains. Il souligne ainsi la richesse et la précision du langage gestuel populaire.

La prière est un des phénomènes centraux de la vie religieuse. Bien qu’individuelle, exercée en collectivité elle devient ciment d’une communauté. Génuflexion, ablutions, balancement d’avant en arrière chez les juifs détachant des préoccupations terrestres : la maîtrise des signes de distinction sociale renforçant le sentiment d’appartenance à une communauté.

Pour Marcel Mauss, anthropologue et pionnier de l’ethnologie française, « Le corps est le premier et le plus naturel instrument de l’homme. Ou, plus exactement, sans parler d’instrument, le premier et le plus naturel objet technique, et en même temps moyen technique, de l’homme, c’est son corps». Marcel Mauss (1950) « Les techniques du corps », Paris, 1983, p. 372.

«Pour savoir pourquoi il ne fait pas tel geste et fait tel autre, il ne suffit ni de physiologie ni de psychologie de la dissymétrie motrice chez l’homme, il faut connaître les traditions qui l’imposent.» Mauss M., « Les techniques du corps », in Sociologie et anthropologie, p. 375.

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[1]

[ Au delà du culte.]

«Deux Juifs et un Anglais sont sur un bateau. Les Juifs, qui ne savent pas nager, commencent à se chamailler sur l’attitude à adopter en cas de naufrage. Pendant l’algarade, ils gesticulent tant que l’Anglais s’écarte pour éviter de prendre un coup. Soudain, l’embarcation commence à sombrer. Tous les passagers sauf les Juifs, trop absorbés par leur discussion pour remarquer quoi que ce soit, sautent par-dessus bord. Au terme d’une nage longue et épuisante, l’Anglais atteint enfin le rivage. Pour y retrouver les deux Juifs, qui l’accueillent jovialement. Stupéfait, il leur demande comment ils sont arrivés là. Aucune idée, répond l’un d’eux. Nous avons simplement continué de parler dans l’eau. »`

[2] les conversations de 1250 Juifs lituaniens et polonais et 1100 Italiens de Naples et de Sicile dans et autour de New York City et a produit, illustré par Stuyvesant Van Veen, deux mille esquisses de gestes spontanés. Les résultats brossent un tableau d’un stéréotype, mais un amour détaillé et spécifique. Selon Efron, les Juifs exercent des mouvements plus anguleux, piquants, complexes, et verticaux que ceux des Italiens, dont les mouvements sont plus grands, plus lisses, plus latéraux et courbes . Les Italiens touchent leur propre corps, les Juifs touchent les corps de leurs partenaires de conversation. ___ [1] Supplemento al dizionario italiano, Bruno-Munari [2] La plupart des croquis sont sous-titrés. Celui-ci se lit: «Juifs du ghetto: esquissé dans le Lower East Side, New York. Gestuelle au rayon restreint, mouvement du coude.

Une version de cette histoire est évoquée dans une thèse parue en 1941 sur « le comportement gestuel des Juifs d’Europe de l’Est et des Italiens du Sud à New York ». Son auteur, David Efron a observé

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C : Les marqueurs d’appartenance religieuse : La gestuelle.


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[1]

[3] [2]

[Le signe de croix]

Les techniques du corps jouent un rôle déterminant dans les relations d’apprentissage, au-delà de celui spécifique de la transmission par la parole, notamment chez l’enfant via l’imitation spontanée de la technique du corps de l’adulte. Il s’agit d’une forme non-verbale de la transmission. Sa maitrise renforce le sentiment d’appartenance.

présenté comme la marque du chrétien, il est le geste chrétien le plus systématique et le plus courant qui soit. Ce signe réaffirme symboliquement deux points de foi essentiels : d’une part la Sainte Trinité et le salut de l’humanité entière par la croix du Christ. Il est capital dans l’éveil de la foi des plus jeunes, ce geste rituel n’en étant pas moins un geste pédagogique pour l’enfant. Pour tracer ce signe de croix [1], il faut procéder de la façon suivante: « en portant la main droite au front, je dis: Au nom du père; en la portant à la poitrine je dis: et du Fils; et en la portant de l’épaule gauche à la droite je dis: et du Saint Esprit, ainsi soit-il ».

[Le Shuckling]

droite à gauche. La raison en est simple. Comme chez les Latins, le prêtre byzantin bénit en traçant la croix de haut en bas puis de gauche à droite. Quant au fidèle, il reçoit la bénédiction donnée par le prêtre et l’accompagne sur son corps comme un miroir. Ainsi, a été adopté l’usage d’inverser le « sens » du signe de la croix. Si en Occident, on fait le signe de la croix avec les cinq doigts, la main ouverte , ces mêmes orthodoxes et Églises de rite oriental ont une autre coutume. Au moment de se signer, ils resserrent le pouce, l’index et le majeur, liés pour représenter la Trinité, et replient l’annulaire et l’auriculaire dans la paume pour signifier la double nature du Christ.

du yiddish secouer, est le balancement rituel des fidèles lors de la prière juive [3], généralement d’avant en arrière mais aussi de gauche à droite. Cette pratique a pour but d’augmenter la concentration et l’intensité émotionnelle de la prière. Concentré sur le livre, l’environnement qui semble se balancer devient flou et donc moins susceptible de distraire. En d’autres termes, la prière n’est pas une méditation éthérée, purement spirituelle mais un réel travail sur soi. Dans la tradition hassidique, ce balancement est considéré comme une expression de la volonté de l’âme d’abandonner le corps. Le mouvement est alors semblable à une flamme se secouant pour se libérer de sa mèche ( Tanya chapitre 19).

[2] Positions des doigts de la main dans la tradition orthodoxe.

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Cependant, ce mouvement, bien rôdé chez les catholiques, connaît quelques variantes, notamment chez les orthodoxes et les chrétiens de rite oriental qui tracent le signe de croix selon un mouvement de

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La salât, ou salâh, désigne la prière islamique, second des cinq piliers de l’islam. Chaque musulman est tenu d’effectuer cinq prières quotidiennes obligatoires (farâ’idh), tourné vers la direction de la Ka’ba de La Mecque. Elle peut être faite à n’importe quel endroit propre, bien que pour les hommes, accomplir en groupe à la mosquée les cinq prières canoniques est fortement recommandé, notamment pour les prières du vendredi (les plus importantes de la semaine) et pour les deux fêtes (Aïd al-Kebir et Aïd al-Fitr). Se préparer à la prière Les ablutions mineures : il faut être propre, avoir fait ses ablutions mineures comme il faut, porter des vêtements propres, sans dessin. Les vêtements : il faut porter des vêtements qui couvrent correctement notre corps. Les filles portent des vêtements amples, couvrant l’ensemble du corps sauf le visage et les mains. Se diriger vers la «qiblah» : il te faudra un tapis (ou le sol, ou autre) propre orienté vers la «qiblah», c’est à dire la direction de la Ka’bah (Kaaba). A - Takbîratou lihrâm En levant les deux mains jusqu’au niveau des oreilles, paumes des mains vers l’avant, et en disant : Allâhou Akbar A partir de ce moment le prieur rentre en communication avec son Créateur, il faut penser à Lui seul, se concentrer sur ce qu’on dit et ne penser qu’à la prière. Aucun geste ni parole ne sont permis en dehors de ceux de la prière. Il faut concentrer son regard sur l’endroit de la prosternation, et ne jamais regarder autour de soi, penser à ce qu’on dit et à ce qu’on adresse au Seigneur. Il faut alors lire la Fatiha, la sourate d’ouverture du Coran. B - Une sourate Il faut lire une sourate, unité du Coran formée d’un ensemble de versets. C - L’inclinaison Il faut s’incliner tout en disant Allâhou Akbar. Jusqu’à ce que tu arrives à avoir le dos parallèle au sol, en étant bien droit, en posant tes mains sur les genoux. Là il faut dire trois fois : SoubHana Rabbya L’aDhîme. D - Se relever vers la position debout Il faut se relever tout en disant Sami’a

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Llâhou liman Hamidah, Rabbanê wa laka lHamd.

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-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

[ Etude de cas : la gestuelle du culte musulman.]

E - Première prosternation Il faut se pencher vers la position de prosternation tout en disant : Allâhou Akbar. En position de prosternation le front et le nez, ainsi que les dos de tes orteils, les genoux et les paumes des mains touchent le sol. Les mains sont posées au même niveau que ta tête, les doigts non-écartés, les pieds se touchent, et il faut dire trois fois : SoubHêna Rabbyal a’lê. Ensuite il faut se relever vers une position assise, s’asseoir sur la jambe gauche, qui doit rester bien plate, la jambe droite sort du côté droit de ton corps, de dos de ses orteils touchant le sol. Le pied gauche vient un peu en dessous du creux du pied droit. En disant : Allâhou Akbar. F - Deuxième prosternation (Soujoûd) Il faut refaire une deuxième prosternation identique à la première; Se pencher de nouveau vers la position de prosternation tout en disant : Allâhou Akbar. En position de prosternation le front et le nez, ainsi que les dos de tes orteils, les genoux et les paumes des mains touchent le sol. Il faut poser les mains au même niveau que ta tête, les doigts bien écartés et dire trois fois : SoubHêna Rabbyal a’lê. Ensuite tu te relèves vers une position assise, en disant : Allâhou Akbar. G -H - Tachahhoud (chahada) Cette fois il faut s’assoir sur ta jambe gauche, qui doit rester bien plate (plus besoin d’avoir le dos des orteils touchant le sol), la jambe droite sort du côté droit du corps, le dos de ses orteils touchant le sol. Le pied gauche vient un peu en dessous du creux du pied droit. Maintenant il faut plier tous les doigts de la main droite et garder l’index bien droit, pour prononcer le «tachahhoud» ou la «chahêda» (témoignage de foi en l’islam) en le bougeant doucement de haut en bas et de bas en haut, au rythme d’une fois par phrase à peu près. I - J - Taslîm Ensuite il faut tourner le visage à droite jusqu’à ce qu’une personne derrière soi puisse voir notre joue droite, en disant : Assalêmou alaykoum wa raHmatou Llâh.

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#3 Corps & Religion à l’échelle de la société.

La religion est définie par un système de croyance basé sur des textes sacrés ayant une valeur de révélation. L’une des étymologies du mot qui, en général est retenue est celle de « ligere » qui signifie lié ou relié – Lié des hommes entre eux au sein d’une même communauté morale, spirituelle, culturelle.

A / Regards sur les signes religieux dans l’espace public. _

Au travers du XXe siècle, la globalisation a favorisé, pour les sociétés du monde, la rencontre et l’échange avec des sociétés qui leur sont étrangères. Ce fut aussi le siècle de la diffusion par les médias, et au plus grand nombre, d’images de corps, de couleur de peau, de vêtements, d’activités et de mouvements différenciés.

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C / Des signes constestés par l’opinion publique. Cette œuvre traite de la jeunesse musulmane et son rapport aux fondements de sa religion. Elle questionne l’excès de sérieux des rites et le maintien d’une identité religieuse d’origine ou reconstruite, dans une société occidentale qui métisse les pratiques sociales.

Mounir Fatmi, Maximum Sensation, 2010

Alors, pour introduire ce chapitre on peut citer la phrase d’ouverture de Masse et Puissance (1960) d’Elias Canetti: « Il n’est rien que l’homme redoute davantage que le contact de l’inconnu. »

B / Des signes tolérés par l’opinion publique. _

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[Le cas des juifs du 19e arrondissement de Paris.] Après m’être beaucoup documentée sur la place de la religion dans l’espace public, appréhendant le sujet de manière théorique, j’ai réalisé que le meilleur moyen d’appréhender la place d’une religion dans l’espace public était une observation sur le terrain. J’ai décidé de focaliser mon attention sur une minorité religieuse visible, à savoir les juifs pratiquants du 19e arrondissement de Paris. En effet, de nombreux indices indiquaient la présence d’une communauté juive pratiquante dans ce quartier (commerces casher, écoles juives, synagogues, symboles religieux). En partant de ces indices, je me suis ensuite fait la réflexion que, par sa simple présence, cette communauté religieuse avait influencé, et même en quelque sorte, conditionné l’espace public. Après un travail de traque et d’exploration des rues de Paris, j’ai réalisé que la pratique religieuse ne se manifestait pas uniquement à travers les signes les plus évidents que je repérais au début tels que la kippa ou les papillotes (peyot). Il existe aussi certains signes et indices beaucoup plus durs à détecter, tels que des détails vestimentaires ou comportementaux. Les détails vestimentaires et physiques m’ont particulièrement intéressée puisqu’ils permettent de détecter le degré de pratique religieuse. Ils témoignent aussi d’une manière différente d’appréhender la religion selon l’âge. J’ai donc distingué trois grandes manières, pour les pratiquants, d’appréhender la religion dans leur apparence physique et vestimentaire.

Les juifs Loubavich sont ceux qui adoptent cette posture, marquant l’espace d’une façon évidente. Ils portent la barbe, des chapeaux noirs, des chemises blanches sans cravates et des redingotes. Leur apparence tranche avec les codes vestimentaires actuels. Cette apparence bien particulière a une double fonction de distinction et de protection. Distinction parce que ces vêtements sont pour eux une véritable manière de se mettre à part de l’ensemble de la société. Protection puisque la tenue traditionnelle est entendue comme un véritable cocon protecteur ; il se veut être une barrière aux égarements individuels qui pourraient menacer tout le groupe. Cette forme poussée d’expression de l’appartenance religieuse prend une place toute particulière dans le judaïsme, sans doute parce que cette religion ne comporte aucune vie recluse et monacale. Le vêtement devient alors un substitut à cette absence, en créant la séparation, caractéristique fondamentale de la vie monastique. *** On distingue un second mode d’expression de l’identité religieuse, qui se traduit par une revendication discontinue de l’identité religieuse. Certaines personnes sont ainsi capables d’adopter tantôt une tenue parfaitement ordinaire et dénuée de revendications religieuses au quotidien, tout en portant la kippa ou le costume hassidique uniquement pour les fêtes religieuses et/ ou le samedi, jour du shabbat. C’est ici la recherche d’un compris dans la manifestation de l’identité religieuse qui prime. Celle-ci est envisagée comme une valeur mixte tantôt publique et tantôt privée. De ce fait, on constate une double appartenance du praticant, à la sphère religieuse et à la sphère publique.

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Certains se servent de leur apparence pour exprimer leur appartenance religieuse de manière visible et continue. Certains choisissent ainsi parfois de porter la kippa en permanence.

Le dernier mode d’expression est le plus discret. Il s’agit de limiter ou même de dissimuler son appartenance religieuse, par exemple en dissimulant sa kippa sous une casquette.

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La religion est alors envisagée comme une notion qui ne doit pas apparaître dans l’espace public, parce qu’elle est envisagée comme intime ou dans un souci de respect de la laïcité.

dans l’espace public; Les multiples façons dont les juifs affichent ou dissimulent leur appartenance religieuse constituant un ensemble de codes facilement identifiables pour l’initié ou le chercheur au regard aiguisé, il n’en va pas de même pour l’ensemble de la société. Cette expérience m’aura permis de comprendre la pluralité des regards qui se posent sur ces signes présents dans l’espace urbain, de mieux comprendre comment les citadins se voient, s’observent et quelles en sont les incidences sur leurs relations à «l’autre».

Il faut ici apporter une restriction, puisque, à la suite de nombreuses agressions antisémites, de nombreux juifs, en particulier parmi les jeunes, ont changé leurs habitudes en substituant la casquette à la kippa. La dissimulation des singes religieux rejoint alors un souci de protection personnelle et collective.

___

Il convient enfin d’évoquer un mode d’expression religieuse particulière qui se traduit par des usages de quartiers particuliers tels que des regroupements éphémères. La promenade est l’activité shabbatique par excellence, notamment dans les jardins publics tels que les Buttes Chaumont. Lors du shabbat, les jardins publics de cet arrondissement voient se réunir de nombreuses familles juives reconnaissables à leur kippa ou leur casquette pour les hommes, à leurs longues jupes et chapeaux pour les femmes. Mais ces regroupements ne sont pas flagrants et sont surtout visibles par la communauté juive elle-même. En effet, ils sont à même de reconnaître les comportements et signes religieux qui caractérisent leur communauté. Il est par exemple interdit au juif pratiquant d’utiliser tout objet mécanique le jour du Shabbat ou de transporter un objet du domaine privé au domaine public. Ces codes permettent, outre l’apparence vestimentaire, aux différents membres de la communauté de s’identifier comme membre de ladite communauté. Il est intéressant de constater qu’il est possible d’exprimer son appartenance et son identité religieuse au sein de la sphère publique, sans pour autant l’imposer à la société en général, grâce à un système de symboles et d’indices qui semblent anodins pour le non-initié. Mon regard ayant évolué au fil de mon exploration, je constate qu’il y a plusieurs facons de percevoir les signes religieux

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- / Partie 03 - Corps & Religion à l’échelle de la société /-

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

A : Regards sur les signes religieux dans l’espace public.


[Traque photographique dans les rues de Paris et sa proche banlieue.]

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

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[Les signes corporels religieux ayant intégré le vestiaire profane.]

[Mode & Religion : Entre provocation et sacralité mystique]

Nourris d’images pieuses, d’objets liturgiques, de représentations du divin et de motifs dérivés, les créateurs contemporains n’ont jamais autant puisé leur inspiration dans l’histoire de l’humanité vue à travers les croyances d’hier et d’aujourd’hui. Aussi, de nombreux artistes et designers se sont approprié les codes, objets et rites du divin pour en détourner la forme et le sens, transformer les symboles, déplacer les regards, interroger l’indicible.

En automne hiver 1993, Jean paul Gaultier exprime sa fascination pour l’iconographie religieuse et la beauté qui peut s’en dégager [1]. Il envoie sur le podium des silhouettes d’inspiration juifs orthodoxes. Cette collection a provoqué une gigantesque vague de protestation. Certains y ont vu une moquerie là où le créateur voulait rendre hommage à une communauté. Faire porter un vêtement masculin à une femme est un interdit religieux dans cette tradition. Toutefois il ne s’agit plus de vêtements traditionnels, le créateur a transformé les pantalons en robe et n’a conservé que le style des silhouettes à l’origine de son inspiration. Cette collection questionne les mœurs au sujet de l’appropriation culturelle d’un autre groupe. Elle désacralise la parure religieuse et en brise le statut de signe de distinction. Rappelons que les juifs orthodoxe portent ces tenues pour manifester publiquement leur appartenance religieuse, et à se séparer du reste de la société.

[1]

Déjà au milieu du 20e siècle, les maisons de mode de premier plan comme Jeanne Lanvin, Madame Grès, Coco Chanel [1] et Cristobal Balenciaga s’inspirent de plusieurs modèles de vêtements ecclésiastiques, à la suite de leur éducation religieuse. ___ Plus tard, dans les années 80, des bijoux avec des symboles religieux étaient très populaires. La reine de la pop Madonna [2] portait par exemple, la croix en collier et boucles d’oreilles. Revendiquant dans son travail ses origines italiano-américaines ainsi qu’une réelle fascination pour le décorum baroque de l’église catholique, elle y entremêle un goût pour la provocation et le blasphème. ___ La coiffure des Rastafari [3] trouve son origine dans la tradition des longs cheveux portés par les figures bibliques comme Samson ou Jesus.

[2]

[1]

Le défilé couture femme automne/hiver 2014 de Dolce et Gabbana [2] quand à lui, n’est évidement pas une forme extrémiste de religion. Il s’agit plutôt d’une instrumentalisation de l’imagerie et des symboles du christianisme sicilien du XIIème siècle.

[3]

La capuche trouve quant à elle ses origines dans le costume monastique médiéval [4].

[2]

En sexualisant ainsi une imagerie sacrée, les deux créateurs jouent avec les limites, parfois ambiguës, entre le sacré et le profane. ___ Aujourd’hui, les créateurs n’usent plus de l’iconographie religieuse, désormais omniprésente, comme outil de provocation mais l’emploient pour offrir à leur collection une part de sacralité mystique. [3] Ann Demeulemeester, défilé automne hiver 2014.

[4]

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[3]

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- / Partie 03 - Corps & Religion à l’échelle de la société /-

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

B : Des signes tolérés par l’opinion publique.


-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

- / Partie 03 /- / Expérimentation /-

[11 façons atypiques de porter le Talit.] Le Talit est le châle de prière porté par les juifs. Il est généralement posé sur les épaules. Cependant, je propose ici différentes manières de le porter autrement. J’espère ainsi, par une approche presque naïve de la religion, réussir à mêler tradition et modernité, afin de prouver qu’il est possible de concilier la tradition religieuse avec la mode et la modernité. Il s’agit ainsi de permettre au juif pratiquant d’affirmer sa croyance de manière originale, de manière à ce qu’il n’ait pas à choisir entre modernité vestimentaire et identité religieuse.

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-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

Définir et exprimer son style et son identité semble être crucial pour l’adolescent en douce transition vers la vie adulte. Toufic Beyhum prend en 2014 des photos de personnes à la sortie de la Brixton Masjid, une mosquée au fort taux de participation des jeunes.

En se rendant ainsi visibles, en accueillant le regard de l’autre, les communautés religieuses adaptent leurs idées et enrichissent la palette des normes sociales. On plonge dans un univers certes différent mais pas hostile. ____

[1] Sneakers at the mosque, Toufic Beyhum, 2014.

- / Partie 03 - Corps & Religion à l’échelle de la société /-

Le «Modest clothing» connait un essor depuis ces deux dernières années. Il consiste à créer des vêtements en accord avec nos convictions religieuses musulmanes, juives et chrétiennes. Loin d’être anecdotiques, il est désormais une réalité du marché. Le phénomène est né avec la création, par de grandes enseignes comme Macy’s ou Abayas chez Harrods, de départements dédiés au « Modest Clothing ». Récemment,le protégé de Vivienne Westwood, Barjis Chohan, a su générer une attention médiatique forte autour de ses créations. Les blogs dédiés semblent insister sur une notion d’ouverture, non dogmatique. La foi devient un levier nouveau pour développer son propre style. On peut s’interroger, est-il alors question de tenter de normaliser la tradition ?

“The mosque in Brixton attracts a lot of young Muslims who want to show off their style. Problem is – when you’re wearing a full-length dish dash – your only option to be stylish is through your trainers,” Le respect de sa religion et le désir de se distinguer ne sont pas incompatibles. Le traditionalisme est ici exercé en toute modernité. ____

[1]

[1] Barjis, collection printemps-été 2014. [2] Collection de hijab, ou voile islamique couture par la marque Noor D’Izar, 2010.

[2]

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[1]

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[1] Salat ou Autoportrait dirigé, Medhi-Georges Lahlou, 2010-2012.

Au sein de l’identité collective, la liberté de croyance constitue un droit fondamental garanti tant au niveau national, qu’international et européen, notamment par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. A l’opposé de celles orientales, la conception française de la laïcité cantonne les croyances religieuses, à la seule sphère privée des citoyens. Se confrontent alors, l’affirmation de la foi dans l’espace public et la tolérance inhérente aux systèmes démocratiques et laïques. Deux sacrés s’opposent alors : celui des religions avec la transcendance, celui des démocraties avec les droits de l’Homme.

- / Partie 03 - Corps & Religion à l’échelle de la société /-

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

C : Des signes constestés par l’opinion publique.

[2] Minimal Nativity, Emilie Voirin, 2011. Emilie Voirin s’est donné pour objectif de changer les a priori surla crèche traditionnelle en réalisant une crêche minimaliste et définitivement moderne. [1]

[2]

Le débat mené en 2009 autour de l’identité nationale avait pour ambition de vouloir «réaffirmer les valeurs de l’identité nationale et la fierté d’être français». (Eric Besson, Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, en octobre 2009.) Ce débat a malheureusement mis an avant les différences entre les individus en France et ouvert la porte aux extrêmes politiques plutôt que sur l’essence du débat : chercher ce qui rassemble les citoyens même lorsque leur histoire, leurs valeurs ne sont pas les mêmes.

«Art. L. 2010-1192.-Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage.»

« A r t . L . 1 . - L a Ré p u blique assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.»

«Art. L. 141-5-1. - Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève.»

Loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905.

Loi n°2004-228 du 15 mars 2004 en vigueur le 1er septembre 2004.

____

____

Loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010. ____

Selon une enquête de l’observatoire Sociovision, réalisée auprès de 2 099 personnes âgées de 15 à 74 ans, interrogées en 2014, les Français souhaitent plus de retenue dans les pratiques religieuses dans la rue mais aussi dans les entreprises, voire sa neutralité au sein des espaces publics. A noël dernier les crêches représentant la Nativité, tradition culturelle millénaire, réinterrogeaient la place de la laïcité dans l’espace public. Au même titre que les signes d’appartenance religieuse musulmane ou juive, les crèches ne doiventelles pas se restreindre à la seule sphère privée des citoyens? Dans une France de plus en plus multiculturelle, mais aussi de plus en plus séculaire, doit-on alors à tout prix dissimuler son appartenance religieuse dans les espaces de vie collective, pour mieux vivre en société? ____

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-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

« L’intolérance religieuse constitue le nouveau racisme », commente Mark Lattimer, le directeur de MRG, expliquant que « de nombreuses communautés qui ont subi une discrimination raciale pendant des décennies sont maintenant visées pour leur religion ».

[1] Dansons, vidéo de Zoulikha Bouabdellah, 2003 Telle une deuxième peau, Zoulikha Bouabdellah porte ici les couleurs du drapeau francais et danse, exposant un corps en harmonie avec ses identités multiples. [2] Casquette ou kippa, un documentaire de Susanne Engels. Dans son village aux Pays-Bas, Bram est le seul juif. Sa religion ne lui pose pas de problème en soi, mais à l’école, il préfère garder sa kippah cachée pour ne pas être confronté aux insultes qu’il entend hurler par ailleurs. ____

En Europe, on constate qu’il existe désormais une certaine réticence de la part de certains pratiquants à arborer leur signe distinctif en public. La kippa ou le voile de par les rumeurs, préjugés, peurs, fantasmes ou stéréotypes qu’ils véhiculent, engendrent encore chez l’autre intolérance, discrimination et violence. Retirer ou dissimuler tout symbole religieux traditionnel de l’espace public, est-ce nier ses racines et oublier ses origines? Si avoir la tête couverte est une obligation religieuse, peu importe le couvre-chef, doit-on remplacer la kippa par la casquette pour éviter de se faire agresser dans la rue? Doit-on effacer son appartenance religieuse et se normaliser pour se protéger ?

«roooh les juifs ces pauvres petits victimes, »

« Pourquoi ils ne veulent pas retourner en Palestine occupée, il fait beau labas ! ils pourront même porter leur kippa librement !»

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«Dirty, Filthy, Big Nose, Ear Dangling, JEW Bastard ! You lucky you didn’t meet me that day !!!»

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« Les Juifs se considèrent en permanence comme les souffre douleurs de tout le monde (en particulier en France) ...»

____

« Jews are scumbags ha!» ____

____ Commentaire Youtube de la vidéo « 10 heures à marcher dans Paris en tant que juif », durant laquelle le journaliste Zvika Klein se filme portant une Kippah dans les rues de Paris.

«Tell us one reason to like jews?» ____

[1]

La fierté religieuse affronte plus que jamais l’opinion publique. ____

« Mais quelle debilité les feuj faudrait peut être quil se rappelle se quil cest passer dans les années 40 si il veulent pas que sa recommence !! a un moment donner y en a ras le cul de voir tout un tas de connerie comme sa» ____

[2]

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- / Partie 03 - Corps & Religion à l’échelle de la société /-

La Religion constitue un élément de différentiation entre les différentes individualités. Si elle préconise la paix, elle est souvent source de discorde et violence. Selon le rapport de l’organisation Minority Rights Group (MRG) publié en 2010, l’intolérance religieuse est devenue l’une des causes majeures des persécutions contre les minorités dans le monde, avec la montée du nationalisme religieux, la marginalisation économique des minorités religieuses et l’abus des législations.


-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

On distingue chez les pratiquants différents trois espaces d’affirmation. D’abord l’espace Intime, dans cet espace le corps est soumis aux règles prescrites par les textes et paroles sacrés (restriction alimentaire, vestimentaire, ..). L’étroitesse de ce carcan au corps dépend du degré d’implication du praticant (allant de l’extrémisme au relativisme). Ensuite l’espace communautaire : en extériorisant (par la pratique, la parure ou la gestuelle) sa dévotion religieuse le corps devient trait d’union pour les membres d’une même communauté. Il est lien social. Enfin l’espace Public : espace laïc au sein duquel se rencontrent les différentes identités et communautés aux confessions divergentes, sans doute l’espace le plus conflictuel. La fierté religieuse y affronte l’opinion publique. Aussi, les liens qu’entretiennent corps et religion sont complexes. Que ce soit à l’échelle de l’individu, de la communauté ou à celle de la société, la maitrise du corps est contraignante. Elle nécessite de la rigueur. Face à cette discipline inhérente s’efface une facette essentielle de la religion, celle de source d’épanouissement personnel. Au travers de son carcan, elle aspire au bonheur et à la joie. Une facette d ’autant plus effacée au sein du contexte politique actuel qui en fait l’instigatrice de débats et conflits.

Beaucoup de questionnement reste en suspens dans ce premier tome. Ma démarche ne cherchera pas à en proposer les réponses mais à proposer de nouveaux outils pour améliorer la compréhension et l’acceptation des pratiques religieuses. En utilisant le corps comme médiateur entre religion et opinion publique, je désire désigner des éléments allant au-delà de leur usage premier et suscitant un nouveau genre de démarche et de comportement. Je souhaite inciter à un nouveau type d’usage, hésitant, différent, afin de déclencher une réflexion sur l’être humain, sur ses habitudes, son quotidien. ____

Alors que la laïcité en France tend à l’effacement des affirmations d’identités religieuses dans l’espace public, de nouvelles questions se dessinent pour la jeunesse pratiquante.Comment extérioriser sa religion partagée entre le respect des traditions et celui des tendances vestimentaires actuelles ? Comment confronter son identité religieuse à une norme laïque? S’oppose la fierté culturelle à la discrétion imposée par la laïcité. Au sein de l’espace public, espace de débats et conflits, l’affirmation de son identité religieuse se confronte à travers le corps à l’opinion publique. Comment alors le corps peut il défendre son identité religieuse à travers l’habillement ? La religion doit ou non répondre à une demande de discrétion dans la vie collective ? ____

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- / Conclusion, /-

Le corps est un outil fondamental dans l’expression de son appartenance religieuse.


-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

Religion, transformation des quartiers populaires et recomposition des identités diasporiques. Le renouveau du judaïsme orthodoxe à Paris, Espace populations sociétés, Lucine Endelstein, 2006

Dieu(x) modes d’emploi, Elie Barnavi, 2012 Religion, Dress and the Body, Gabriella Lazaridis & Linda B. Arthur, 1999

Direct Matin du 21 Janvier 2015

Le corps decouvert-Exposition, Paris à l’Institut du monde arabe, De Philippe Cardinal & Hoda Makram-Ebeid, 2012

[ Enquêtes / Rapports ] Modest dressing: faith based fashion and the internet retail, Lewis Reina and Tarlo Emma, 2011, Project Report. University of the Arts London, London, UK. [en ligne] http://ualresearchonline.arts. ac.uk/4911/1/LCF_MODEST_FASHION_ONLINE. pdf

La religion en mouvement, Danièle Hervieu-Léger, 1999 Le désenchantement du Monde, Marcel Gauchet, 1985 Un Monde désenchanté ?, Marcel Gauchet, 2004

[ Webographie ]

Oeuvres, tome 1 : Les Fonctions sociales du sacré Broché, Marcel Mauss, 1968

Trésor de la langue française informatisé [en ligne] http://www.cnrtl.fr/definition/

La Frivolité essentielle, Monneyron Frédéric, 2001

Le marquage religieux des corps , Jean Robelin, Noesis-12, 2007 [En ligne] http://noesis.revues.org/1363

Roche Daniel, 1989, La culture des apparences. Une histoire du vêtement, XXVIIeXVIIIe siècle, Paris, Fayard. A World Apart Next Door: Glimpses into the Life of Hasidic Jews, Ester Muchawsky-Schnapper, 2012

Davie Grace, Hervieu-Léger Danièle, Identités religieuses en Europe, Revue française de sociologie, 1998, 39-1. pp. 234-236. [en ligne] http://www.persee. fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1998_num_39_1_4787 Types de comportement religieux et cadres sociaux dans deux paroisses catholiques anglaises,Reine Goldstein,Revue française de sociologie Année 1965 Volume 6 [en ligne] http://www.persee.fr/doc/ rfsoc_0035-2969_1965_num_6_1_1838

Pode Bal 1998-2008, Pode Bal, 2008 Le Sacré et le Profane, Mircea Eliade,1987 Masse et Puissance, Elias Canetti,1960

Rapport de l’organisation Minority Rights Group (MRG) publié en 2010 [En ligne] http://minorityrights.org/2010/07/01/ rise-of-far-right-in-europe-fuels-spreadof-intolerance-towards-religious-minorities-new-report/

Petit Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2000. [ Revues ] Mauss M., « Les techniques du corps », Journal de Psychologie, XXXII, n°3-4, 15 mars - 15 avril 1936

Croyants ou non, les jeunes veulent vivre la religion autrement, Matthieu Stricot, 2013 [en ligne] http://www.lemondedesreligions.fr/savoir/croyants-ou-non-lesjeunes-veulent-vivre-la-religion-autrement-06-06-2013-3154_110.php

A Theory of Human Motivation, Abraham Maslow , 1943 Histoire et sociologie du vêtement, de Roland Barthes, 1957

Les religions face à l’intolérance

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[ Films ]

- Vaincre la politique de la peur, Martha C. Nussbaum, 2013 [en ligne] https://books.google.fr/books?id=lST7AAAAQBAJ&pg=PT140&lpg=PT140&dq=casquette+kippa&source=bl&ots=_hH60mO8Dg&sig=Ta7-ZpiIQlTRLQwMHrzXtHTJozM&hl=fr&sa=X&ei=d263VJPqDInV7QbaoIDQCQ&ved=0CEcQ6AEwCDgo#v=onepage&q=casquette%20 kippa&f=false

Persepolis,un film de Marjane Satrapi,2007. Le Ruban blanc,un film de Michael Haneke,2009. Tu n’aimeras point,un film de Haim Tabakman,2009.

Rapport portant sur «Religions et intégration sociale», Cécile Jolly, 2005 [en ligne] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/religions-france/religions-integration-sociale.shtml

SAMUEL-613, un court metrage de Billy Lumby, 2015 [en ligne] https://www. youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=oT1BLg9FtNw

Les corps de la religion (judaïsme et christianisme) sur le complexe mythico-rituel, Noesis, 12, p. 63-88, André Tosel, 2007 [en ligne] http://noesis. revues.org/1303

[ Documentaire / Téléfilm ]

Les ablutions et la prière illustrées, Abou Adame [en ligne] http://mosquee-islah.net/pdf/les_ablutions_et_la_priere_ illustrees.pdf

Qui a peur de l’islam ?,co-production ON Y VA! et France 4, John Paul Lepers [en ligne] https://www.youtube.com/ watch?v=XRB95clQ3Gg

Casquette ou kippa, Arte, Susanne Engels [ Émissions ]

Code pénal, Version consolidée au 27 juillet 2015 [en ligne] http://www. legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719 Genre, normes et langages du costume., Cassagnes-Brouquet Sophie, Dousset-Seiden Christine,Clio 2/2012 (n° 36) , p. 7-18 [en ligne] www.cairn.info/revue-clio2012-2-page-7.htm La création sans créateur : le cas de maison martin margiela, Compte rendu rédigé par Sophie Jacolin, 2011[en ligne] http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CCIQFjAAahUKEwiCy_ym8fbHAhWFbRQKHSNPBmU&url=http%3A%2F%2Fwww.ecole. org%2Ftelechargement%3Fcr%3DCR131211. pdf%26type%3D2&usg=AFQjCNFlG7FB5dugw9msnRCeQHkDNW3GoA&sig2=gHN3p9Pu54DIUGAdf2jGWQ [ Vidéos ] 10 Hours of Walking in Paris as a Jew [en ligne] https://www.youtube.com/ watch?v=AltyhmrIFgo Dieu, Valérie Mréjen [en ligne] https:// vimeo.com/34852715

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- / Sources /-

[ Bibliographie ]



ÉCOLE DE CONDÉ PARIS

MASTER DESIGN GLOBAL, RECHERCHE ET INNOVATION SPÉCIALITÉ MODE

Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. # 02

PAULINE KATAN 2015 MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES Sous la direction de Tiphaine Kazi-Tani & Anastasia Olszak.



« Oui. Montrer sa religion c’est automatiquement s’inscrire dans un groupe et s’opposer à un autre. Dès le premier regard, on distingue nettement un juif, un chrétien, un musulman... On est alors jugé au premier abord pour la religion que l’on pratique et non pour notre personnalité. Faisant partie du domaine spirituel, de l’intime; je pensais qu’exposer sa religion dans un pays cosmopolite peut conduire à des luttes, des oppositions. Il serait plus «préférable» de garder ce domaine privé. »

« Je pense que c’est une nécessité pour encourager la cohésion sociale et arrêter de catégoriser les gens en leur mettant des étiquettes. En même temps, la religion fait partie intégrante du croyant, de l’autre. Si la personne en face de vous doit cacher une partie d’elle même vous ne la connaîtrez jamais vraiment. De plus, contraindre les gens ne fera qu’accentuer et alimenter les problèmes sociaux et la violence. Enfin, si les gens étaient plus tolérants et moins extrémistes des deux côtés. on ne serait pas dans la situation qui est la notre aujourd’hui.»

«Tant qu’il ne s’agit pas de prosélytisme, chacun devrait être libre de s’habiller comme il/elle souhaite.»

«Non. On définit trop souvent la laïcité comme l’absence de religion dans le domaine public. Or la religion et le culte sont par définition publics, et ont vocation à s’exprimer en public. La laïcité a au départ été construite comme un espace de cohabitation et non de rejet.»

« Oui. La religion est personnelle. Si une personne veut la pratiquer, elle peut le faire chez elle ou dans les lieux de culte qui lui sont ouverts. La religion, dans la vie collective apparaît plus comme une source de conflit qu’autre chose, en outre elle n’y a pas sa place.»

«Oui. Car on est dans un pays laïc»

« Oui. Je pense que pour le vivre ensemble il est nécessaire de supprimer les différences afin de ne pas faire de distinction entre mon voisin chrétien et mon voisin musulman. Il faut supprimer les communautés au profit de la France.»

« Oui. La religion est totalement personnelle et doit le rester pour éviter les conflits qui nous amènent à des actes nuisibles. »

« Oui. Pour respecter les croyances de chacun. Et aussi éviter que certains usent la religion afin de se victimiser »

« La religion ne concerne que soi, certes. Mais elle fait partie d’une culture, d’une éducation. Porter un signe religieux n’est donc pas ostentatoire. Il fait partie de l’identité de tout un chacun. Chaque personne est libre de décider s’il veut montrer ses croyances ou non. »

«La loi est très claire: Article 18 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. On ne devrait pas avoir à cacher sa religion ou à la vivre uniquement dans la sphère privé. Le fait de porter de signes religieux n’est nullement du prosélytisme, on a le droit d’afficher ses croyances.»

«La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Montrer vestimentairement ses croyances , je dis oui mais avec modération. Par ailleurs si une communauté religieuse commence à être plus ostentatoire qu’une autre, les autres auront le sentiment de ne pas être reconnus et rejetés au profit d’une autre croyance. Cela entraîne conflits et intolérance. Il faut savoir doser, connaître le juste milieu, ne pas cacher mais être discret tout en montrant, suggérant. C’est ce que l’on appelle le respect. Lorsque l’on impose trop ses convictions aux yeux de tous c’est là que les barrières du «vouloir vivre ensemble» (définition de la nation) sont franchies. En ce cas c’est ce que l’on appelle du communautarisme.»

«Non. J’estime que chacun devrait être libre de montrer son appartenance ou chacun devrait pouvoir être discret. Je suis assez tolérante sur ce thème mais je refuse de voir une personne rejetée car elle porte tel ou tel vêtement. Si l’on peut sortir dénudé on peut sortir couvert (dans la mesure où la sécurité n’est pas en jeu).»

« Oui. J’estime que c’est personnel, que l’on n’a pas besoin de montrer à tout le monde notre appartenance religieuse. Ma foi est dans mon cœur je ne ressens pas le besoin de l’exposer. »

« Oui. Car elle déstabilise les personnes n’appartenant pas à une religion précise et amène à une guerre idéologique.»

«Oui. La religion est une partie de nous. Mais une partie très intime, peut être encore plus intime que notre enveloppe charnelle. Elle doit par conséquent être gardée dans le cercle privé. Et ne pas en sortir.»

«Il est important de rester discret pour un vivre ensemble agréable et sans oppositions entre les citoyens français. Lorsqu’on affirme être d’une religion que ce soit par le port d’une tenue traditionnelle ou un signe religieux on est perçus par les «autres» comme étant différent. Différent veut dire que nos idées sont opposées, donc notre culture aussi, notre mode de vie aussi... Cela dans la société française donne naissance au grand paradoxe d’égalité et fraternité entre tous les concitoyens.»

«Non. La religion on la vit tous les jours au quotidien, on ne vit pas sa religion que chez soit, en privé. Je suis musulmane dans ma maison mais je le suis aussi quand je me promène dans la rue.»


En mai 2015, j’ai décidé de réaliser une enquête relative à la place de la religion dans la vie collective. Cette enquête a pris la forme d’un questionnaire en ligne ouvert à des français de toutes confessions. La principale question posée était la suivante : « Selon vous, la religion doit-elle répondre à une demande de discrétion dans la vie collective ? »

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-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

personnelle. La religion relève de la conscience de chacun. Pourtant, la religion se développe et s’épanouit aussi et avant tout dans le cadre communautaire ; sa dimension collective lui est indispensable.

Selon le dictionnaire Le Trésor de la langue française informatisé la laicité et «le principe de séparation dans l’État de la société civile et de la société religieuse.» C’est aussi «la neutralité de l’État à l’égard des Églises et de toute confession religieuse.». Dans sa Note d’orientation, l’observatoire de la laïcité la définit encore comme «[non pas] une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect des principes de liberté de conscience et d’égalité des droits.». Cette valeur fondamentale de la République Française peut être perçue comme une restriction apportée à l’expression des pratiques religieuses au sein de l’espace public. L’opposition apparente qui existe entre religion et laïcité a en effet toujours soulevé, en France, un vaste débat, qui loin d’avoir une réponse unique est en revanche à l’origine de nombreux amalgames. La laïcité, loin de limiter les religions, n’est ni plus ni moins qu’une valeur essentielle au fonctionnement de la société puisque la sécularisation de la société ne saurait exister sans laïcité. C’est à juste titre que Sylvie Pouilloux, psychanalyste formatrice à l’IUFM de Créteil, qualifie le vêtement de « seconde peau » puisque celui-ci assure la transition entre l’intime et la société, c’est à dire entre le corps nu et le corps couvert. Pour certains le vêtement est un moyen de protéger son intimité, pour d’autres il s’agit d’une manière d’exprimer sa personnalité. Il en va de même pour le vêtement religieux et c’est pour cela que la possibilité de porter ou non un vêtement religieux au sein de l’espace public est aujourd’hui l’épicentre du débat qui anime notre société. Pour certains, les convictions religieuses sont à cloisonner au sein de la sphère privée. La manifestation de son orientation religieuse par quelque parure que ce soit (vêtement, ornement, bijoux) est alors vue comme une provocation directement adressée aux pratiquants d’autres religions mais aussi et surtout aux non pratiquants. Pour d’autres toutefois, les convictions religieuses sont une part entière de la personnalité de tout à chacun. Il convient donc de pouvoir exprimer cette part au même titre qu’on est libre de revendiquer d’autres aspects de sa personnalité tels que ses goûts musicaux. La parure se fait alors outil pour défendre sa personnalité et son opinion religieuse, à plus forte raison dans une société qui constate et subit -8-

un phénomène de globalisation culturelle . Ce débat est très vaste puisqu’il englobe des aspects juridiques, des aspects sociétaux ou politiques mais aussi directement la mode et le design du vêtement. Il questionne donc directement ma pratique, interrogant nos modes d’apparition dans l’espace public. Au travers de cette discipline, je souhaite faire du vêtement le médiateur entre la sphère religieuse et la sphère profane. Non plus un élément de discorde et d’incompréhension mais bien un terrain de questionnement, laboratoire de réflexion. De l’enquête évoquée ci-dessus, je dégage trois grandes manières de concevoir et d’exprimer son identité religieuse à travers le vêtement. Ces trois manières sont la discrétion, la recherche de la norme et l’excentricité. Dans ce second tome, je choisis de réviser ces processus d’expression identitaire.

# 01 - Quelle est la place du corps dans l’affirmation de son identité religieuse ? # 02 - Comment se mêlent mise en conformité et appartenance, norme et exercices religieux, dans le rapport au corps ? # 03 - Le vêtement, voire la mode, peuventils être des outils pour débattre des relations entre une société laïque contemporaine et la pratique religieuse de certains de ses citoyens-?

Non sans respect envers les pratiques religieuses, je fais preuve au cours de mes recherches, de légèreté, de provocation voire d’ironie dans un contexte qui y semble hostile avec l’ambition d’en d’atténuer la portée conflictuelle. Au travers de cette ironie, je questionne ainsi l’excès de sérieux des rites, sans pour autant les dénoncer. Je revendique l’importance de pouvoir pratiquer tout en cherchant à bâtir une critique constructive du regard que chacun porte aujourd’hui sur la religion.

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- / Introduction /-

I l est certain que la foi religieuse est avant tout une démarche volontaire et


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- / Sommaire /Avant-propos .............................................................. P.05 Introduction ............................................................... P.10

1 _ SE FAIRE DISCRET ......................................................................... P.14 A : Réduire l’apparat religieux au détail.................................... P.16 B : Un jeu d’échelle comme contour de la loi ................................ P.28 C : Un vêtement à double usage .............................................. P.32

2 _ ENTRER DANS LA NORME ............................................................ P.40 A : Rencontre des cultures ....................................................P.44 B : Fusion culturelle. ....................................................... P.64 C : Sortir de la norme ........................................................ P.68

3 _ DÉFENDRE SES DIFFERENCES .......................................................... P.72 A : Compétition religieuse affirmée .......................................... P.74 B : Masques, coiffes et outils de contestation ................................ P.80 C : Vêtements de protection .................................................. P.84 Conclusion ................................................................. P.92 Bibliographie ............................................................... P.94

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#1 Se faire discret

En restreignant les libertés vestimentaires, les lois portant sur la laïcité imposent plus de discrétion religieuse. Alors perçue comme une menace pour les pratiquants, l’humilité ou modestie est pourtant essentielle dans la plupart des religions. La modestie s’oppose à l’ostentation, attitude de celui qui cherche à tout prix à être remarqué, de ce qui est trop voyant. Elle caractérise celui qui garde la mesure, qui fait preuve de réserve et de discrétion notamment vis à vis de sa sexualité et de sa fortune. Les grandes religions monothéistes considèrent celle-ci comme une valeur essentielle à la recherche de la sainteté et de la cohésion sociale. Bien que la burqa et le niqab aient fait parler d’eux ces dernières années, l’islam est loin d’être la seule religion reliant la modestie à la foi par le biais du vêtement. Mormons, amish, juifs et chrétiens, parmi d’autres, encouragent à divers degrés eux aussi une apparence humble. Certains ont d’ailleurs édité des codes moraux portant sur cette notion complexe à l’exemple de la Tsniout chez les juifs ou encore de la déclaration officielle sur la tenue vestimentaire modeste pour les membres de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours.

A : Réduire l’apparat religieux au détail _ B : Un jeu d’échelle comme contour de la loi _ C : Un vêtement à double usage

Sous une influence laïque, je choisis de ré-exploiter la notion de discrétion, apparentée à la modestie, pour en faire au travers de nouvelles techniques ingénieuses un moyen de revendiquer son appartenance religieuse. J’établis des compromis entre expression du religieux et respect de l’ordre public. ____

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«Votre salarié porte un foulard ou une croix autour du cou au sein de votre entreprise ? Que pouvez-vous faire face à cette situation ? Nous attirons votre attention sur le fait que les juges considèrent qu’est excessive la demande d’un employeur de faire disparaitre un signe religieux en le motivant par le simple souci de l’image de l’entreprise. Vous devez motiver le refus du port du signe religieux de façon plus précise. Si vous justifiez mal le refus du port d’un vêtement qui exprime une appartenance religieuse et que vous licenciez votre salarié, vous risquez de voir requalifier le licenciement de votre salarié en licenciement nul pour - 14 -

discrimination et atteinte à la liberté de religion.»

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A : Réduire l’apparat religieux au détail

Tenue vestimentaire et religion, http://www.easycompta.eu, Article du 6 mai 2015 ___ Au sein de la collectivité, le port du vêtement est régi par des codes, notamment pour les professions de la fonction publique. Le costume, et plus souvent encore l’uniforme, révèlent l’activité professionnelle de celui ou de celle qui les porte; Existent ainsi l’uniforme militaire, la robe noire de l’avocat, la blouse grise du maître d’école ou blanche du médecin d’hôpital, le bleu de l’ouvrier, le deux pièces-cravate du cadre moderne, le trois pièces du patron, le corsage de la secrétaire, le tailleur- jupe de la femme d’affaires. Refuser ce code, c’est refuser l’intégration au groupe ou l’identification à la fonction qu’on est censé remplir. Ce n’est pourtant pas la conformité à une norme mais bien plus son unicité et sa singularité qui fondent l’individu en tant que tel. Comment alors retravailler cet uniforme, en briser la neutralité, sans prendre le risque du rejet ? ___ [1] Uniforme ou tenue archétypal dans le cadre professionnel : chemise, cravate, veste, pantalon à pinces et jupe crayon.

[1]

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Exemple de signe d’appartenance religieuse, symbole identitaire, respectant la discrétion sollicitée par le monde professionnel.

[1] [3] [2]

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[1] Les dizainiers se présentent parfois sous forme de bague, appelée bague-chapelet, objet de prière chrétien constitué en général d’une croix et de 10 grains.La croix correspond au «Notre Père» et les créneaux au «Je vous salue Marie». Il aide à la prière et à la méditation et prend le relais du chapelet sous une forme plus simplifiée et plus discrète. Il est utilisé et porté par de nombreux scouts catholiques, soit accroché à leur ceinturon, soit enfilé sur leur foulard, au-dessus de la bague de foulard.

[2] Le port d’un mince fil de laine rouge comme talisman est une coutume folklorique juive et moyen de conjurer le malheur provoqué par le «mauvais œil». Il est associé à la Kabbale (explication mystique et ésotérique de la Torah). Il n’y a pourtant aucune mention écrite de ce fil dans la Torah, ou Halacha Kabbale. Il est de tradition ancienne d’enrouler un fil rouge sept fois autour de la tombe de Rachel, femme de Jacob. Celui ci est ensuite découpé en morceaux et porté au poignet gauche de l’utilisateur (la gauche représentant le désir de recevoir, selon une théorie kabbalistique), noué sept fois, puis sanctifié avec des bénédictions en hébreu. Dans les années 1990 ce fil rouge est devenu popularisé par de nombreuses célébrités américaines, dirigées par Madonna. Aussi discret soit-il, il est alors devenu le signe emblématique de la communauté Kabbaliste et point d’origine d’une tendance spirituelle chez les vedettes.

Un vêtement du temple ou sous-vêtement Mormon est un type de sous-vêtement porté par les adeptes du mouvement de l’Église de Jésus-Christ, des saints des derniers jours, après qu’ils aient pris part à la cérémonie de dotation. Les vêtements sont portés jour et nuit et sont nécessaires pour tout adulte pour entrer dans un temple.

[3] L’ombre du maillot de Mitt Romney est présentée sous sa chemise lors de sa campagne présidentielle de 2012.

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Les sous-vêtements sont considérés comme un rappel symbolique des alliances faites dans les cérémonies du temple et sont considérés soit comme une symbolique, soit comme une source littérale de la protection contre les maux du monde. Ils sont généralement blanc et la magie vient de symboles maçonniques brodés sur les zones de la poitrine, du nombril et des genoux. Dissimulés sous les vêtements, l’instruction est de ne pas les montrer à d’autres personnes.

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[1]

Constat : _________________________________________

Méthode : _________________________________________

Ou l’importance du détail comme élément de distinction sociale.

- Recherche autour d’éléments constituant les détails d’une chemise blanche relative au standard bureaucratique. - Définition des zones les plus propices à accueillir ces éléments pouvant être portés sans qu’ils ne soient vus au premier coup d’œil [1]. - Incorporation d’éléments inspirés des tenues religieuses, dont la charge symbolique n’est connue que des initiés. ____

Roland Barthes dans un article de l’United States Lines Paris Review de juillet 1962 intitulé « Le dandysme et la mode » souligne l’importance accordée au détail vestimentaire suite à l’éffacement des classes sociales né de la révolution. Le détail, sorte de tricherie pour contourner l’uniformité alors promue, permet de «maintenir un certain nombre de différences formelles, propres à manifester l’opposition des classes sociales». Selon Barthes, le nœud d’une cravate, le tissu d’une chemise, les boutons d’un gilet, la boucle d’une chaussure recueillent dès lors toute la fonction distinctive du costume. Les éléments de distinction sociale transformés au rang de détail, tout en conservant leur charge symbolique, semblent donc ne pas altérer l’intégration sociale et le respect de l’autre. Peut-on alors transposer cette mutation de l’ostentatoire vers la discrétion au domaine du religieux ?

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1. Un fil de laine rouge porté au poignet gauche, signe de protection de Kabbaliste, est ici brodé sur le contour de la manche. 2. Le Tsitsit ou «tresses» façonné au coin des vêtements Juifs est ici replacé sur la couture latérale de chemise. 3. Utilisé, entre autres, par les catholiques pour compter les Je vous salue Marie, les perles d’un chapelet composé de cinq dizaines de grains sont ici dissimulées dans l’ourlet intérieur droit de la chemise.

Objectif : _________________________________________ Prescrire une tenue vestimentaire acceptable pour ce que l’on appelle communément le milieu bureaucratique tout en y intégrant des signes religieux.

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était sa couleur préférée et portait souvent des habits et un turban de cette couleur. ____

Comparons par exemple l’ornementation tex-

tile catholique à celle protestante. La richesse et la profusion des couleurs de la palette catholique, évoquant la transfiguration et la puissance du divin, s’oppose à celle protestante réformée, véhiculant au contraire discrétion et sobriété en signe d’humilité et de contrition. Pour le peuple juif, les rayures bleues représentent la teinture spéciale (Techelet) utilisée durant les siècles passés sur les franges rituelles (Tsitsit). La recette de fabrication de cette tonalité très particulière de bleu-indigo s’est perdue et

l’identification exacte de l’animal utilisé n’est plus connue avec certitude.Par conséquent, il est devenu traditionnel d’avoir des rayures bleues sur leur tallit, représentant le bleu qu’il leur a été ordonné de porter sur leur franges. Le blanc et bleu azur symbolisent depuis plus récemment l’appartenance à l’État d’Israël. Les nuances d’or et d’argent évoquent le luxe et symbolisent l’attachement à respecter les commandements de Dieu de la plus belle façon possible. L’arabesque apparait comme une des caracté-

ristiques de l’art islamique. Cet entrelacement aniconique,végétal sinueux où s’enroulent tiges, feuilles et fleurs créent un rythme qui se démultiplie à l’infini. Le vert est quant à lui considéré comme la couleur traditionnelle de l’islam. L’attrait de cette couleur est simple : les Arabes étant un peuple du désert, le paradis a pour eux été décrit comme verdoyant, où des sources d’eau couleraient en abondance, où les fidèles y porteront des habits de soie verts (Coran 18:31). Par ailleurs, Mahomet aurait déclaré que le vert

1/ Détail de la peinture de Max Ferdinand Bredt, The Queen of the Harem, 1893.

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les greffer sur l’envers de cette gamme de cols. Sur l’endroit chacun d’eux ne laisse pas ou peu percevoir une quelconque partialité. Ce sont quatre cols classiques blancs amidonnés, montés sur pied de col. Pourtant leur envers nous révèle un choix tant esthétique que culturel, personnel et intime.

Au travers d’une gamme de cols de chemises réversibles, je réincorpore à l’uniforme bureaucratique, non plus des éléments entiers ou partiels de parure religieuse mais une part de leur esthétique. Aussi, j’en copie les matières et embellissement textile (couleurs, broderies,etc), riches d’histoire et chargés de symbolique, pour

2/ Détail d’une photographie de la Messe en forme extraordinaire à la paroisse personnelle de la Trinité-des-Pèlerins, 2008. 3/ Détail de la peinture de Jan Daemen Cool, Portrait of a young woman with a fan, 1636. 4/ Détail de la peinture d’Alfred Lakos, Rabbi studying Torah, 1913.

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Au delà de leur forme et fonctions mystiques (protection contre la mort, respect du divin, ..) on peut distinguer une typologie du vêtement religieux par le textile qui lui donne sa forme. Après une brève étude de ces textiles religieux (de leurs couleurs, graphismes, matières, et ornementations) on constate qu’ils retranscrivent chacun à leur manière l’histoire et les idéologies propres à chacune des religions qu’ils incarnent.




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«Les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que : le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa, ou une croix de dimension manifestement excessive.» Extrait de l’article L.141-5-1 du code de l’éducation, 15 mars 2004, portant sur les signes religieux dans les écoles publiques ____ Ce texte de la loi est muet sur la question des signes ‘‘discrets’’. Des contentieux sont donc possibles, d’autant que l’incer titude demeure sur la frontière entre le signe “ discret ” et le signe “ ostensible ”.

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Je choisis de m’inspirer d’un des symboles majeurs du mouvement Solidarnosc, syndicat devenu la principale force contre l’état communisme en Pologne. Prohibé en 1981, ses membres ont été contraints d’exprimer leurs opinions politiques d’une manière plus clandestine. Suite à l’interdiction de la station de radio de l’union, Ils ont alors commencé à porter des badges de protestation. L’un d’eux était une simple petite résistance électrique provenant d’un poste radio. Symbole de fortune, la petite taille de cet objet le rendait facilement dissimulables, et sa connotation évidente en faisait une brillante pièce de «résistance» et de soutien pour les ondes. Ce symbole a été utilisé à partir de 1981 jusqu’en 1989 lors de l’effondrement du mur de Berlin et du gouvernement communiste. Grâce à sa discrétion, il a pleinement répondu à son objectif.

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B : Jeu d’échelle,, contour de la loi. _ : «Dans les écoles, les col- Constat ________________________________________ lèges et les lycées pu- La laïcité à l’école exige que l’expresde la foi s’accompagne de pudeur, de blics, le port de signes sion retenue. ou tenues par lesquels Les signes religieux marquent l’inscripdans une communauté distincte. En les les élèves manifestent tion faisant disparaitre au nom de la laïcité, portée sociale se voit lourdement ostensiblement une ap- leur affaiblie. partenance religieuse est Objectif et Méthode ; interdit.» ________________________________________

Le premier badge est conçu par Jerzey Janiszewski, artiste polonais, montrant le mot «Solidarność». Le second est une résistance électrique provenant d’un poste radio.

Je m’inspire de cette discrétion et propose ici un alternatif aux signes d’appartenance propres à la religion juive : le Talit et la Kippa. Je re-travaille ici ces signes les redimensionnant, tournant ainsi en dérision les termes de l’article L.141-5-1 du code de l’éducation. Je prends pour repère une croix de dimension non «excessive». En proposant une gamme miniature je bâtis des marqueurs de résistance passive contre la progression de la laïcité.

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Kippa de velours synthétique noir: 2,5cm x 2,5cm Talit en fil de coton tissé main, orné de rayures bleu: 3cm x 1,4cm


Constat : ________________________________________

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C : Déploiement, vêtement à double usage.

Les pratiquants français doivent jouer un double jeu : - Respecter la législation laïque pour s’intégrer socialement (ranger leur Kippa). - Défendre leurs croyances et pratiques les plus intimes (sortir leur Kippa). Les deux semblent difficilement conciliables. Objectif : ________________________________________ Revoir les stratégies de survie de l’identité sous l’uniforme, en tant que camouflage des singularités physiques du corps. Méthode : ________________________________________ Proposer un processus de déploiement où cet uniforme se transforme en vêtement identitaire. Je dissimule une double identité aux yeux des autres et m’inspirant de l’ingéniosité des costumes des transformistes, artistes du spectacle capables de changer de vêtements en un laps de temps très court (quick change), je propose un nouveau pouvoir secret, presque magique, aux vêtements. [1] Costume «Quick Change» vendu sur Go4Costumes.com

[2]

[2] Hussein Chalayan, - Collection Automne/Hiver 2013 - Costumes du «Così Fan Tutte», aux Walt Disney Concert Hall de Los Angeles.

[1]

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< Recherche de déploiement au travers de pliage papier.

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^ Conception d’une mutation du vêtement par système de pliage. ____

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Recherche autour de superposition et effeuillage de couches de tissu.

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[1]

[2]

Les objets de cultes sont ici dissimulés derrière des poches, des fermetures éclair ainsi que par des systèmes de déploiement. Sur cette veste voulue «inter-religieuse», le tapis de prière musulman et la kippa deviennent des poches, le tallit est dissimulé derrière des boutons pressions, le chapelet est dissimulé dans l’ourlet.

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#2 Entrer dans la norme

Durant la dernière décennie, le corps est devenu le lieu d’inscription de revendication : celle de l’émancipation sociale face à la tradition religieuse patriarcale comme celle de l’émancipation politique vis-à-vis des projets et valeurs de la modernité occidentale. Je m’intéresse à la jeunesse pratiquante, aux fondements de sa religion et de la question du maintien d’une identité religieuse d’origine ou reconstruite, dans une société occidentale laïque et hédoniste, qui métisse les pratiques sociales. Je m’intéresse à son insertion dans la norme. Dans un tel cadre, la modestie se confronte socialement à l’idéologie contemporaine dominante matérialiste et narcissique. Cette tension requiert des équilibres difficiles à concilier. S’engager librement dans la voie de la liberté, dans le respect de leur identité, tel est le défi que doivent relever les nouvelles générations, en quête de leurs propres références.

A / Rencontre des cultures. _ B / Fusion culturelle. _ C / Sortir de la norme.

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____ Ces premières recherches autour du photocolage exposent une apparente incompatibilité entre exercice de la mode et exercice religieux. Mais cette incompatibilité est-elle toujours d’actualité ? ____

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Les jeunes pratiquants sont comme tous les autres, ils construisent une identité de groupe en affirmant leur identité singulière, sans trop se prendre au sérieux, voire dans la confusion. Ils aiment jouer, mais sans renier leur appartenance religieuse.

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A : Rencontre des cultures.

Ainsi, certaines jeunes filles de confession musulmane ont pour habitude de porter leur mini-jupe sur un pantalon. Cette solution permet de concilier les impératifs religieux (en l’occurrence l’interdiction de montrer ses jambes) avec les courants vestimentaires occidentaux. Cette solution me paraît être un exemple idéal de rencontre pacifique entre les valeurs modernes et les valeurs religieuses. Ces deux courants idéologiques qui semblaient, à première vue incompatibles se rencontrent ici de manière pacifique et cohabitent, permettant à ces jeunes filles tiraillés entre ces deux courants de se construire une personnalité unique qui mélange la religion et la vie dans la société occidentale. Ci après, je dérobe sur Instagram à la manière des «New Portraits» de Richard Prince une série de portraits de jeunes pratiquants dont le style vestimentaire image la rencontre de culture aux idéologies contradictoires.

#believer

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Constat : ________________________________________ Il se dessine de façon accrue en cette ère de mondialisation, une collision voire une coexistence des cultures. La spiritualité de pratiques orientales, dont la portée s’est élargie bien au-delà de ses racines originelles, s’en trouve progressivement combinée avec la culture populaire occidentale. Peut être est-ce là le dessin d’une société en mesure d’évoluer vers l’acceptation des différences. Objectif : ________________________________________ Il ne s’agit pas ici de développer une vision critique du temps contemporain ni de défendre un groupe spécifique mais plutôt de contester des points fixes de vue. Je souhaite tourner en dérision le «choc des civilisations» et mettre au jour nos doutes, nos peurs et nos désirs, faire perdre à la religion son rigorisme. Méthode : ________________________________________ - Concevoir des combinaisons vestimentaires révélatrices d’une ‘‘super-identité’’, suggérant à la fois le déplacement et l’hybridité culturelle. - Détourner des signes sacrés, repères simples liés à la croyance, pour le plaisir de chacun : celui qui utilise le signe et celui qui le regarde. - Figurer un espace de cassure nette entre différents modes d’être à l’espace public.

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____ Inspirées des comportements vestimentaires contemporains qui se dessinent dans la rue, ces photo-collages numériques reconstituent des personnages au double cachet. Ces silhouettes figurent le jeux vestimentaires né de la mixité des cultures. Il en illustre les dualités et révèle de nouvelles identités en mouvement, tiraillées entre les apparences individuelles et les affiliations communautaires. ____

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Gamme de textiles «neutres»

Gamme de textiles religieux

Recherche visuelle d’une harmonie entre des empiècements à charge religieuse et des empiècements ‘‘neutres’’. Les découpes nettes figurent l’espace de conflit ou tension entre deux modes de vie qui s’incarnent dans une seule personne.



« Au travail (dans la vente ) il est préférable de ne pas exposer ses idéologies pour être au même niveau relationnel avec les clients sans mettre de barrières gestuelles ou d’image personnelle. En bref garder une neutralité professionnelle » Réponse d’un sondé à la question : Vous arrive t’il de dissimuler vos signes d’appartenance religieuse en public ?



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Constat : ________________________________________

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B : Fusion culturelle

Derrière le bilan en théorie positif de la mondialisation se dessine une conséquence beaucoup plus critiquable et critiquée. En effet, on assiste aux prémices d’une globalisation de la culture qui se caractérise tant par une fusion des différentes cultures que par un renoncement de certains individus à leur propre culture pour adhérer au modèle global. Le risque est bien évidemment un appauvrissement de la culture et une perte de la diversité culturelle qui existe aujourd’hui dans le monde. Objectif : ________________________________________ Dénoncer la globalisation culturelle et son caractère parfois inconscient afin de permettre que chacun soit bien conscient de l’existence de ce phénomène. Méthode : ________________________________________ Je conçois des motifs inspirés par les ornements architecturaux de trois monuments emblématiques de la ville de Paris, la Grande Mosquée de Paris, la Synagogue de la Victoire et l’Église Notre Dame. En les mêlant, leur lisibilité et leur portée s’effacent pour ne laisser voir qu’un motif ‘‘au goût du jour’’.

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La marque Defend n’est pas la premiere à reunir les signes symbolisant le christianisme, le judaisme et l’islam. ____

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C : Sortir de la norme. Je souhaite ici souligner le danger que représente la quête d’une norme commune aux civilisations religieuses comme profanes. Dans cette démarche j’observe la difficulté de sortir de cette ‘‘norme’’. «Avant, j’étais vulgaire». Diam’s, ex-rappeuse controversée, a eu à affronter ce phénomène. Porte-parole des femmes des quartiers à minorités ethniques, jogging, cheveux courts, bijoux, elle incarnait la rappeuse au style «bling bling». Convertie à l’Islam en 2008, elle change radicalement de vie. Son style vestimentaire s’en trouve métamorphosé. A trop s’enfermer dans sa religion elle s’est elle-même exclue de la société. Je constate aujourd’hui que pour les jeunes sortir de la norme, aller de la modernité vers la tradition représente un risque pour leur socialisation, véhiculant un retour en arrière, un enfermement allant à l’encontre de notre culte actuel de la transparence. Pour les médias et l’opinion publique le port du voile est ainsi perçu comme un symbole d’oppression bien qu’il soit pour la plupard des pratiquantes le signe de leur liberté. Autour de l’image de Diam’s, ex-icône de la pop culture, je compose des collages mêlant son ancienne allure fraiche, jeune et libérée à des éléments propres à sa nouvelle apparence (hijab, djellaba, burqa) perçue par ses ex-admirateurs comme austère, inflexible et renfermant.

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L’exemple de Diam’s nous montre que la laïcité, présentée comme le levier d’intégration, de tolérance, et de ciment social, peut toutefois conduire à une forme de discrimination. Les observants musulmans en sont sans doute les plus touchés.

Le débat sur la burqa a donné une nouvelle visibilité au voile musulman. Le port du voile s’est multiplié à la conquête de l’espace public. Il est un symbole dont la fonction sociale est moins de cacher ou de taire que de montrer et de dire, voire de manifester et de protester.

Au nom de la laïcité, on aboutit à effacer tout signe de croyance religieuse. Derrière cette notion est préconisée la neutralité comme norme sociale et vestimentaire. Néanmoins, c’est bien l’espace de confrontation pacifique qui créée les conditions du dialogue et du vivre ensemble. À vouloir ériger la laïcité en principe absolu, on risque de la transformer en dogme, en « laïcité d’État» au détriment d’une «laïcité existentielle» respectueuse de l’Autre.

Souvent perçu par l’opinion publique comme futile et frivole le pouvoir de la mode et du vêtement révèle ici toute leur puissance politique et leurs influences dans les relations sociales d’une civilisation. «La toilette est donc la plus immense modification éprouvée par l’homme social, elle pèse sur toute l’existence. […] elle domine les opinions, elle les détermine, elle règne ! » écrivait Balzac en 1830. Honoré de Balzac, Traité de la vie élégante, Paris, Arléa, 1998 (1830), p. 10.

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#3 Défendre ses différences

La notion de laïcité a fait naître un paradoxe. Le phénomène de globalisation culturelle laisse les différences, qui font pourtant notre force, s’effacer pour une culture unique. Dans un tel contexte, la défense de ses différences apparait étonnamment comme une provocation. Revendiquer par la parure son identité religieuse, bien que renforçant l’enrichissement de notre société spirituelle par nos différences, est bien trop souvent perçu comme de la provocation envers l’autre, voire de l’excentricité. En s’affirmant, la diversité culturelle semble s’élever contre une culture ‘‘globale’’. Elle se trouve alors confrontée à l’intolérance et à la violence.

A / Compétition religieuse affirmée _ B / Masques, coiffes et outils de contestation _ C / Vêtements de protection

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La religion suscite actuellement, si ce n’est de l’incompréhension, de la peur ou des malentendus au sein de l’opinion publique.

«Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.» LOI n°2004-228 du 15 mars 2004 La société semble, au travers même de sa législation, faire du vêtement ou de l’accessoire religieux un prétexte à la discrimination sociale, culturelle ou ethnique. Il semblerait que la préservation de la laïcité française soit de plus en plus une injonction insidieuse à une certaine norme vestimentaire. Or, en laissant à la loi déterminer la légalité de certains symboles religieux, n’y a-t-il pas un risque de condamner en même temps des quêtes personnelles et singulières d’identité ?

Médine Zaouiche, rappeur du Havre de 31 ans, se pose en rappeur de la tolérance. A travers ses chansons, il se prête régulièrement à l’exercice de la haine raciale à double lecture avec l’idée de « se renvoyer au visage les pires horreurs qu’on peut penser sur une autre communauté » afin d’exacerber le communautarisme par la violence.

«La laïcité n’est plus qu’une ombre entre l’éclairé et l’illuminé Nous sommes épouvantails de la République Les élites sont les prosélytes des propagandistes ultra laïcs Je me suffis d’Allah, pas besoin qu’on me laïcise. Ma pièce de bœuf Halal, je la mange sans m’étourdir À la journée de la femme, j’porte un Burquini Islamo-racaille c’est l’appel du muezzin.

A travers le morceau «Don’t laik» Médine utilise l’homonymie entre Don’t laïque et Don’t like pour construire un double sens. Il suggère alors que la laïcité est un prétexte utilisé par certaines personnes pour dénoncer l’Islam en France et que cette laïcité se confondant au laïcisme est à l’origine de l’amalgame entre arabe et musulman et entre musulman et terroriste.

Ta barbe, rebeu, dans ce pays c’est Don’t Laïk Ton voile, ma sœur, dans ce pays c’est Don’t Laïk Ta foi nigga dans ce pays c’est Don’t Laïk Madame monsieur, votre couple est Don’t Laïk». Médine, Don’t Laïk, 2015. ____

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- / Partie 03 - Défendre ses différences /-

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #02 /-

A : Masques, coiffes et outils de contestation


-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #02 /-

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Japon, Tokyo, Septembre 2011.

New York, Etats Unis, Septembre 2011.

Kiev, Ukraine, Novembre 2013.

Caracas, Venezuela, Février 2014.

Indonésie, Jakarta, Septembre 2011.

Kiev, Ukraine, Novembre 2013.

Une marche a lieu pour marquer les six mois depuis le séisme et le tsunami du 11 mars. Des milliers de manifestants se sont rassemblés dans le centre de Tokyo pour protester contre la façon dont le gouvernement tait la crise nucléaire et les répercussions des tsunamis.

Robert James Carlson, 25 ans, manifestante à Zuccotti Park à quelques rues de Wall Street contre les inégalités sociales et financières.

Lors de violentes manifestations appelant à la démission du président.

Les manifestants antigouvernementaux vénézuéliens se sont bricolé des masques à gaz maison lors d’une marche d’opposition.

Un Indonésien, coiffé d’un chapeau orné de piments et les tomates, rejoint une manifestation dénonçant la hausse des prix et la corruption devant le palais présidentiel à Jakarta. Environ 500 manifestants ont également demandé la démission du président Susilo Bambang Yudhoyono.

Lors de violentes manifestations appelant à la démission du président.

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Les gens abandonnent de plus en plus leur statut d’inaction et de passivité face aux décisions prises par les structures politiques. L’idée de défense de la diversité culturelle passe alors par la promotion d’actions en faveur de « minorités culturelles » défavorisées. Lors de rassemblement public visant à faire entendre une opinion, le corps se voit paré de symboles de fortune. Il devient plateforme de contestation. Objectif : ________________________________________ Manifester l’importance du choix. Renvoyer le laïcisme (religion de la laïcité) à ses propres fantasmes de l’étranger et de la soi disant ostentation religieuse en la tournant en dérision Méthode : ________________________________________ Dans un contexte fictif bien que plausible, celui d’un affrontement public entre laïcs et pratiquants, je réalise une série de coiffes et masques inspirés des accoutrements conçus lors de différentes manifestations à travers le monde. Les objets constituant ces parures sont agencés de manière à faire appel à l’imaginaire exotique pittoresque de l’intégrisme religieux. Nouvellement politisés, ils prennent alors la forme d’outils d’ostentation. Ils font parade.

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- / Partie 03 - Défendre ses différences /-

Constat : ________________________________________


Constat : ________________________________________

- / Partie 03 - Défendre ses différences /-

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #02 /-

B : Vêtements de protection

Réponse d’un pratiquant à la question «Vous arrive t’il de dissimuler vos signes d’appartenance religieuse en public ?» Au sein de l’enquête menée en mai 2015: «Par ce que c’est dangereux pour nous. Car beaucoup nous haïssent .» Alors que la violence envers les pratiquants accroît, que certains choisissent de quitter leur pays pour vivre leur religion sans affront, je propose une ligne d’accessoires de protection contre les agressions religieuses.

Pour Roma de Fellini (1972) Danilo Donati redimensionne les costumes ecclésiastiques lors d’une présentation de leur nouvelle collection devant un cardinal.

Objectif : ________________________________________

Les volumes sont démesurés. L’exubérance religieuse atteint son paroxysme. Diacres, prêtres et évêques sont fiers et respectés.

Pouvoir fièrement assumer sa religion dans la rue pour une vie plus sereine. Méthode : ________________________________________ Concevoir une ligne de Vêtements de Prévention et Protection contre la Discrimination Religieuse (VPPDR), parfaitement étudiée pour les personnes victimes de violence, de passage à tabac, ou de simple agression verbale grâce à ses propriétés d’isolement phonique. Cette gamme d’objets de culte permet tant une protection spirituelle qu’une protection de l’homme contre l’homme. Confectionnées en toile matelassée épaisse ces protections prennent la forme de vêtements religieux de grande envergure. Ces symboles religieux (talit et tapis) deviennent les catalyseurs des agressions qu’ils provoquent.

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Dites stop aux agressions !

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Mieux vaut prévenir que guérir avec le VÊTEMENT de PROTECTION anti-tabassage.

A. Le tapis musulman. € 150.-

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Vêtement de Prévention et Protection contre la Discrimination Religieuse (VPPDR), confectionné en toile synthétique matelassée moussé à doublure respirante, formant une épaisseur totale de 12mm, disponible en 2 tailles : T1 pour une personne d’une hauteur de 1.70 à 1.81m et la T2 de 1.82 à 1.86m. A. Le tapis musulman. T1, T2 150. € 110.50 € 150.B. Le talit marine. T1, T2 180. € 110.50 € 180.-


Constat : ________________________________________ Le degré de pratique et d’investissement religieux résulte d’un choix propre à chacun. Pour certains, le choix du port de signe religieux est un outil reflétant ce degré d’implication. Il peut alors renforcer la compétitivité régnant entre les pratiquants d’une même religion. C’est à qui sera le plus couvert et respectueux du texte et des traditions, sera le plus impliqué et respectable. Cette compétition sociale se vie notamment au sein des lieux de culte comme lieux d’intégration à une communauté mais aussi dans l’espace public. Objectif : ________________________________________ - Palier à la restriction de l’espace d’expression religieuse cantonné à l’espace privé par la politique laïque. - Recontextualiser l’ambiance de compétitivité propre à la sphère publique, renfort du sentiment d’appartenance à une communauté, au sein de la sphère privée, intime du chez soi. Méthode : ________________________________________ Je propose une plateforme internet, interface d’échange et de rencontre ou s’affirment et s’affrontent les différents niveaux de dévotion. Dans ce projet, je connecte un tapis

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de prière musulman à une application, à l’aide d’un Makey Makey ( Kit pouvant transformer les objets de tous les jours en clavier, souris ou autres périphériques informatiques). Cette installation permet d’attribuer des points positifs ou négatifs en fonction du déroulement de la prière. Des notes d’encouragements apparaissent également au fur et a mesure, ainsi qu’un chrono indiquant la durée de celle-ci. L’installation prend ainsi la forme d’un «jeu» poussant jusqu’à l’absurde l’acte de la prière au travers dela notion de performance.

- / Partie 03 - Défendre ses différences /-

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #02 /-

C : Compétition religieuse affirmée

Ce tapis s’apparente à un wearable religieux : accessoire comportant des éléments informatiques et électroniques avancés, objet qui se porte sur soi et quantifie en permanence des donnés sur nous même. ____ En quantifiant nos données personnelles, les wearables ont pour rôle d’inciter à performer, de nous pousser au meilleur de nous même. Un rôle qui peut être mis en parallèle avec celui de la prière. Celleci se tournant vers le transcendant, les wearables vers l’immanent, le concret. ____ 1. Versions musulman : l’application est connectée au tapis. 2. Version juive : l’application est connectée aux chaussures et en mesure l’intensité des basculements. 3. Version catholique : l’application est connectée à une paire de gants.

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U T I LI SAT I ON D’TAPIS UN TA S DE UTILISATION D’UN DE PI PRIÈRE. P RI È R E . U T I LI SAT I ON D’ UN TA PI S DE P RI È R E .

P OS I T I ON E RLELEFIL FIL M É TA LLI QAUX UE POSITIONNER MÉTALLIQUE AU X POI NCONTACT TS DE C ON TACLE T E N T RET E POINTS TAPIS P OS I T IDE ON E R LE F I LENTRE M É TA LLI Q UE L E TA PI S E T S ON UT I LI SAT E UR SONXUTILISATEUR (FRONT, NEZ, TMAINS, GEAU POI N TS DE C ON TAC ENTR E ( FR ON T, N E Z , M A I N S, G E N OUX , NOUX, PIEDS). L E TA PI S E T S ON UT I LI SAT E UR P IE DS ) . ( FR ON T, N E Z , M A I N S, G E N OUX , P IE DS ) .

RELI R FIL LE MÉTALLIQUE F I L M É TA LLI UE AU RELIERELE AU Q MAKEY-MAMA K E Y M A K E Y, LUI M Ê M E LI É À KEY, LUI ORDINATEUR. RELI E RMÊME LE FLIÉ I LÀMUN É TA LLI Q UE AU U N OR DI N AT E UR . MA K E Y M A K E Y, LUI M Ê M E LI É À U N OR DI N AT E UR .

MIS E E N PL AC E D’ UN S YST È M E Q UI PE R M E T D’AT T R I BUE R DE S MIS E EPLACE N PL AC E D’ UN S YST È ME MISE QUI PERMET P OI NEN TS POSD’UN I T I F SSYSTÈME OU N ÉG AT IFS Q UI PE R M EDES T D’AT T R IPOSITIFS BUE R DE SNÉD’ATTRIBUER EN FON C T I ON POINTS DU DÉ R OULE OU MENT P OI N TS POS I T I F S OU N ÉG AT I F S GATIFS DU DÉROULEMENT D E L A EN PRFONCTION IÈRE. EN FON C T I ON DU DÉ R OULE M E N T DE LA PRIÈRE. D E L A PR I È R E .

Photographies réalisées dans le cadre d’un Workshop en collaboration avec Maryline Rodrigues, Lorena Skopelja & Sarah Naud.

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Devout

Exposer & Partager ses engagements religieux

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Je pousse le spirituel vers le chemin de l’hyper rationalisation / l’hyper calculabilitĂŠ de l’homme nĂŠe des Lumières et prospĂŠrant jusqu’à aujourd’hui, chemin qui a croisĂŠ celui de l’Êconomie et est devenu celui de la compĂŠtitivitĂŠ. Le spirituel est ici pris en charge par des objets qui sont la nĂŠgation mĂŞme de la spiritualitĂŠ ne pouvant rentrer dans la rationalisation.

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Exposer & Partager ses engagements religieux

- / Partie 03 - DĂŠfendre ses diffĂŠrences /-

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-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #02 /-

appartenances religieuses, ce second Chapitre en définit les modes d’apparition.

Il y a d’abord de nombreuses raisons pour lesquelles le pratiquant religieux choisit de ne pas exprimer ou d’exprimer discrètement son apparence religieuse à travers sa parure. Il peut s’agir d’une manière de se protéger d’éventuels actes malveillants, d’une manière de vivre sa religion plus libre, détachée des codes religieux traditionnels ou tout simplement une volonté de ne pas revendiquer ses croyances dans la sphère publique. Quoi qu’il en soit, cette attitude se traduit par un certain conformisme aux règles qui régissent la société occidentale. Cette attitude est donc, de ce fait, un vecteur d’intégration sociale puisqu’elle est propice à la tolérance et à l’acceptation de l’autre.

Parallèlement à l’étude de ces différents modes d’affirmation, ma démarche de designer aura été tout au long de ce second tome d’interroger les dysfonctionnement encré dans la société et d’explorer de nouvelles formes relationnelles en surincarnant ce qui est nié dans la représentation du religieux au sein de l’espace public. L’intention finale de ce projet est de penser à comment nous voudrions communiquer et interagir à l’avenir, d’imaginer des évolutions probables de nos activités quotidiennes, menant vers une remise en question, voire une évolution des valeurs individuelles et sociales du futur. À la manière du Critical design, je souhaite imaginer un «What if». ____

D’autres pensent qu’il s’agit d’un déni de son individualité et de sa personnalité, et qu’il faut, au contraire, être fier d’exhiber, à travers sa parure, sa religion. Ce comportement est beaucoup plus conflictuel, a fortiori dans la société française, qui a fait de la laïcité une des normes les plus importantes de son système juridique. Aujourd’hui, notre société semble se diriger vers une fusion des cultures, qui, malgré leurs idéologies contradictoires tendent à cohabiter pacifiquement. Si cette cohabitation était autrefois forcée, elle semble aujourd’hui bien acceptée, notamment si chaque religion consent à faire des efforts, c’est à dire principalement en renonçant aux parures religieuses extravagantes pour des signes plus discrets. En effet, ce n’est pas tant la parure religieuse qui pose problème mais sa visibilité parfois excessive et qui tend, de ce fait, à heurter les personnes qui ne sont pas de cette religion. C’est pour cela qu’il convient, non pas de supprimer tout signe religieux dans la sphère publique, mais plutôt de chercher et de proposer une nouvelle façon de vivre sa religion au sein de l’espace public en en restreignant l’aspect conflictuel. Cela permettrait de préserver la laïcité et la diversité des cultures, tout en permettant aux membres d’une même religion de revendiquer cette appartenance et de se reconnaître entre eux comme membres de la même religion.

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- / Conclusion, /-

Apres avoir, dans un première tome défini les différents espaces d’affirmation des


ligne] http://leplus.nouvelobs.com/ contribution/1305180-ma-chanson-don-tlaik-vilipendee-c-est-pourtant-du-pur-esprit-charlie.html

Dieu(x) modes d’emploi, Elie Barnavi, 2012

- / Sources /-

-/ Les pratiques religieuses, de l’intime au collectif. #01 /-

[ Bibliographie ]

Solidarnosc - Martin Bashforth [en ligne] https://bashforth.wordpress.com/tag/solidarnosc/

Religion, Dress and the Body, Gabriella Lazaridis & Linda B. Arthur, 1999 Honoré de Balzac, Traité de la vie élégante, Paris, 1830

Disobedient Objects: How-To Guides [en ligne] http://www.vam.ac.uk/content/ exhibitions/disobedient-objects/how-toguides/

Reinventing Ritual: Contemporary Art and Design for Jewish Life - The Exhibition Catalogue, Daniel Belasco, 2009

Extrait de l’article L.141-5-1 du code de l’éducation, 15 mars 2004, [en ligne] http://www.legifrance.gouv.fr/

[ Revues ] La construction vestimentaire. Au carrefour du social, du symbolique et du psychique, Le sociogramme n° 17, Sylvie Pouilloux, 2005 [en ligne] http://www. irts-lr.fr/img/ART-246_pouilloux17.pdf

F. Monneyron, La mode et ses enjeux[en ligne] http://www.fabula.org/actualites/ f-monneyron-la-mode-et-ses-enjeux_11617. php

[ Webographie ]

[ Vidéos ]

Trésor de la langue française informatisé [en ligne] http://www.cnrtl.fr/definition/ La laïcité aujourd’hui, Note d’orientation de l’Observatoire de la laïcité [en ligne] http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/ piece-jointe/2014/07/note-d-orientation-la-laicite-aujourdhui_0.pdf

Religion et politique : quelle place pour le religieux dans l’espace public?,Interview de David Koussens, professeur à la Faculté de théologie et d’études religieuses de l’Université de Sherbrooke, titulaire de la Chaire de recherche sur les religions en modernité avancée [en ligne] https://www.youtube.com/ watch?v=YUh34bJYPpw

Tenue vestimentaire et religion, [en ligne] http://www.easycompta.eu, Article du 6 mai 2015

Médine - Don’t Laïk (Official Clip) [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=E7B45h_lAEk

Scoutopédia, l’encyclopédie scoute [en ligne] http://fr.scoutwiki.org/Accueil

[ Films ] Roma de Fellini, Danilo Donati, 1972

Site officiel de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jour [en ligne] https://www.lds.org/?lang=fra Vêtement et classe sociale : de la nécessité de la distinction, Socio-Voce [en ligne] http://sociovoce.hypotheses. org/279 Dress, Comfort and Vulnerability: The Intimate Hijab and Religious Habitus [en ligne] http://ualresearchonline.arts. ac.uk/7445/ Ma chanson «Don’t Laïk» vilipendée [en

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Wearables religieux PAULINE KATAN

Sur un ton décalé, Réalisation d’une ligne de vêtements connectés requestionnant l’affirmation des identités religieuses dans l’espace collectif Cible : TOUT Public

À travers un design spéculatif, qui ne veut pas proposer des solutions mais poser des questions, ce projet veut défier les affirmations rapides, les préjugés et lieux communs portant sur l’affirmation du religieux dans l’espace public. Il offre une gamme d’outils de militantisme à l’allure pacifique jouant sur l’absurde. Ces outils prennent la forme de vêtements comptabilisant trois signes religieux populaires, propres à trois religions abrahamiques inscrites dans le panorama religieux de la France, les religions musulmane, juive et catholique. Inspirée par la fascination technologique d’aujourd’hui et pointant du doigt les limites de l’internet de demain, cette quantification tourne ainsi au ridicule la situation actuelle dans laquelle la religion dans sa globalité peut être réduite à de simples détails constitutifs de sa simple expression.

MastèrE 2 DESIGN GLOBAL, RECHERCHE, INNOVATION ÉCOLE DE CONDÉ PARIS - PROMOTION 2015


Gamme de vêtements quantifiant les différentes postures prises durant la salât chez les musulmans, les basculements chez les juifs et les signes de croix chez les chrétiens.


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