CONSERVATION - RESTAURATION D’UN CARNET DE PREPARATION DE DECORS POUR LE FILM « LE TEMPS RETROUVE », DE GIL MAS, ASSISTANT DECORATEUR. Sujet technico-scientifique : étude chromatographique et colorimétrique du vieillissement à la lumière de quatre encres de feutre fluorescent Mots clés : Décors - Cinéma - Photographie – Feutres fluorescents – Matériaux contemporains
Alexia LOVEIKO Spécialité Arts graphiques - Promotion 2018
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
« Grâce à l’Art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l’infini et, bien des siècles après qu’est éteint le foyer dont il émanait, qu’il s’appelât Rembrandt ou ver Meer, nous envoient encore leur rayon spécial. » Marcel Proust, Le Temps retrouvé.
1
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
REMERCIEMENTS Je remercie de tout cœur toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire, par leurs conseils, leur confiance ou leur soutien.
Plus particulièrement, ma gratitude va à Madame Delphine Warin, chargée de traitement à la Cinémathèque française, et Monsieur Régis Robert, responsable du département archives, pour avoir accepté de me prêter le carnet ayant fait l’objet de ce mémoire alors qu’ils venaient tout juste de l’inclure dans les collections de l’institution. Ils m’ont fait confiance pour la réalisation des traitements. En outre, nos échanges préalables à ces derniers ont été très enrichissants. Merci à Monsieur Gil Mas, auteur du carnet, qui m’a fait découvrir les coulisses fascinantes de la préparation d’un film. Ses témoignages et souvenirs ont modifié mon regard sur le cinéma. J’aimerais remercier mes tuteurs, Madame Patricia Mouraud, Madame Sophie Rochut et Monsieur Philippe Ollier, pour leur relecture attentive et leur aide. Merci également à Madame Malaurie Auliac et Madame Béatrice Alcade, ainsi qu’au corps professoral de l’école de Condé. Je tiens à offrir mes sincères remerciements aux personnes qui m’ont conseillée sur divers aspects de mon mémoire : les conservateurs-restaurateurs de photographie Monsieur Stéphane Garion, Monsieur Bertrand Sainte-Marthe, ainsi que Monsieur Gaël Quintric, qui ont tous trois accepté de répondre à mes questions et m’ont prodigué de précieux conseils quant à la restauration de photographies. Madame Isabelle Scappazzoni, conservatrice-restauratrice de livres aux Archives nationales de France, m’a conseillée pour sa part sur les traitements liés à la structure du carnet. Enfin, Monsieur Cyril Entressangle m’a permis d’accéder à du matériel scientifique de grande qualité sans lequel mon sujet technico-scientifique n’aurait pas vu le jour, et Madame Liliane Ludwig a relu attentivement ce mémoire. Aux personnes que j’ai rencontrées durant mes stages, merci pour vos conseils et votre soutien, notamment mes mentors : Monsieur Stéphane Garion, Madame Maja Arčabić et Monsieur Cédric Lelièvre. Enfin, j’exprime toute ma reconnaissance à ma famille, mes amis et camarades de promotion, pour leur support moral et intellectuel.
2
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
RESUME INTRODUCTIF
Ce mémoire a pour sujet un carnet de préparation de décors pour le film Le Temps retrouvé réalisé par Raoul Ruiz (adapté du roman éponyme de Marcel Proust), dont l’auteur, Gil Mas, était l’assistant-décorateur pour ce tournage. Daté de 1998, le carnet a été donné aux archives de la Cinémathèque française en 2016.
Dans un premier temps, nous avons réalisé une étude historique de ce carnet, qui avait pour objectif de replacer l’objet dans son rôle d’instrument d’étude et d’organisation. Il était aussi nécessaire de comprendre le rôle du décorateur, ses interactions avec les autres membres de l’équipe technique*, dont le réalisateur, et en quoi le carnet reflétait l’ambition commune d’adapter le dernier roman de Marcel Proust. L’objet est composite : de nombreux matériaux et techniques se croisent entre ses pages. Aussi, l’étude matérielle et technique du carnet est essentielle pour mieux appréhender la matérialité de l’œuvre, établir par la suite le constat d’état, ainsi que le diagnostic des altérations. Ces éléments permettent ensuite d’établir des traitements de conservation-restauration en prenant en compte la totalité du carnet. Enfin, ce carnet étant composé de matériaux contemporains puisqu’il est assez récent, nous nous sommes intéressés au vieillissement de quatre encres fluorescentes soumises à un rayonnement UV. Une étude chromatographique et colorimétriques nous ont permis d’en apprendre plus sur ces matériaux fugaces.
3
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
ABSTRACT This thesis is about a set preparation book for the film Time regained directed by Raoul Ruiz (adapted from the novel by Marcel Proust), whose author, Gil Mas, was the assistant-decorator for this shoot. The movie was made in 1998, and the notebook was given to the archives of the Cinémathèque française in 2016.
At first, we made a historical study of this notebook, which aimed to put the object back into its role as a study and organization tool. It was also necessary to understand the role of the decorator and his interactions with other members of the technical team including the director, and how the notebook reflected the common ambition to adapt the latest novel by Marcel Proust.
The object is composite: many materials and techniques intersect between its pages. Also, the material and technical study of the notebook is essential to better apprehend the materiality of the work, to establish thereafter the state report, as well as the diagnosis of the alterations. These elements then make it possible to establish conservation-restoration treatments considering the whole notebook.
Finally, this notebook is composed of contemporary materials since it is quite recent. We were interested in the aging of four fluorescent inks subjected to UV radiation. A chromatographic and colorimetric study allowed us to learn more about these fugitive materials.
4
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
FICHE D’IDENTIFICATION Titre ou désignation de l’œuvre : Carnet préparatoire pour les décors du film « Le Temps retrouvé » de Raoul Ruiz. Etudes, repérages, et propositions de décor. Photographies avant et après intervention
Figure 1 : Recto et verso du carnet avant intervention.
Figure 2 : Recto et verso du carnet après intervention.
5
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
Figure 3 : pages 5 et 6 du carnet avant restauration.
Figure 4 : pages 5 et 6 du carnet après restauration.
6
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
Statut Cotation, n° d’inventaire et/ou collection - fond : Collection de la Cinémathèque Française, numéro de transaction n°14824
Renseignements relatifs à l’objet Nom de l’auteur : Gil Mas Epoque : 1998-1999 Dimensions : 29 x 22 x 5 cm (Lxlxépaisseur). Inscription(s) particulière(s) : une étiquette sur le plat supérieur du carnet indique « LXIII (soixante-trois) ». Etat de conservation et présentation des altérations : Le document, un carnet de travail noir, est dans un assez bon état, hormis une certaine usure. En effet, le nombre de documents collés et scotchés sur les pages, par Gil Mas, a augmenté le volume du corps d’ouvrage, créant une tension supplémentaire sur son dos. Les altérations principales du corps d’ouvrage sont : -
Une usure des bords de pages en tranche de gouttière.
-
Les plis et déchirures des documents collés dans le carnet.
inadaptés.
L’adhérence de pages entre elles, due à la présence d’adhésifs
Certaines pages s’étant détachées, elles ont été rattachées par une bande de ruban adhésif. Les adhésifs ont provoqué des taches qui transparaissent au travers du papier au verso des documents. La présence de poussière est également avérée, ainsi que celle d’un brin d’herbe écrasé entre deux pages.
Fonction et nature de l’objet Description – représentation : c’est un carnet de 89 pages (dont 32 encore vierges). En vue de préparer des décors pour le tournage d’un film, des documents très variés y ont été ajoutés : dessins, photographies, photocopies, articles, tickets de caisse, accessoires de tournage, échantillons de tissu, plans, etc. Il contient également des notes manuscrites et des croquis de la main de Gil Mas, puisque le but de ce carnet
7
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
était de lui permettre de rassembler des sources d’inspiration, ses idées, et d’ajouter, au fur et à mesure qu’elles se concrétisaient, de nouveaux éléments en lien avec le film. On peut ainsi trouver des listes d’accessoire pour certaines scènes*, des tickets de caisse, le planning, des sources d’inspiration pour les décors, des plans, etc. Matériaux constitutifs : -
Carnet : simili-cuir noir, carton, tranchefiles comète* blancs, papier industriel vélin blanc pâte chimique sans bois.
-
Collages : papier calque, papier industriel vélin pâte chimique, carte en papier industriel vélin, papier thermique, papier industriel vélin coloré jaune, carton gris, papier photographique RC « Resin coated », opercule de bouteille en plastique, feuille plastique, tissu d’ameublement.
Technique(s) : multiples. Encres manuscrites noires, encres d’impression noire et bleue, stylo-bille noir et bleu, crayon graphite, aquarelle, crayons de couleurs, feutres de diverses couleurs, feutres fluorescents, feutre POSCA© rouge, photographie chromogène couleur, photographie Polaroïd© couleur, photographie monochrome mate.
Documentation Propriétaire : Archives de la Cinémathèque française Lieu de conservation : fonds de la cinémathèque française. Valeur* culturelle : ce carnet dévoile des réflexions et des choix effectués pour le décor autour du film « Le temps retrouvé », par Gil Mas, assistant-décorateur, et son équipe. Ce film, inspiré du roman éponyme de Marcel Proust, fut en compétition au festival de Cannes en 1999. Il a donc valeur de témoignage et une valeur d’usage. Pourquoi conserver ce bien ? Ce document atteste du travail de l’assistant décorateur lors de la réalisation du film : il délivre les sources d’inspiration utilisées pour les décors, l’évolution de la réflexion de l’équipe au sujet du film et de ses besoins. De plus, il rend compte du rôle du décorateur dans la conception d’un film.
8
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
Table des matières REMERCIEMENTS ....................................................................................... 2 RESUME INTRODUCTIF .............................................................................. 3 ABSTRACT ................................................................................................... 4 FICHE D’IDENTIFICATION ........................................................................... 5 AVANT-PROPOS ........................................................................................ 14 PRECISIONS FORMELLES ........................................................................ 14 INTRODUCTION GENERALE..................................................................... 15 ETUDE HISTORIQUE ................................................................................. 16 INTRODUCTION ......................................................................................... 17 I – « Le Temps retrouvé », sujet du carnet .............................................. 18 1)
Le livre de Marcel Proust ................................................................ 18 1.1. Marcel Proust, écrivain ............................................................. 18 1.2. Le dernier tome de « La Recherche » ...................................... 20
2)
L’adaptation cinématographique de 1998 ..................................... 21 2.1. Proust au cinéma ......................................................................... 21 2.2. Raoul Ruiz, un réalisateur à l’univers particulier ...................... 23
3)
Gil Mas, assistant-décorateur et auteur du carnet étudié ............ 25 3.1. Gil Mas, assistant-décorateur pour « Le Temps retrouvé » ..... 25 3.2. Le rôle du décorateur au cinéma ................................................ 28
II – Le carnet, témoin du projet d’adaptation. .......................................... 31 1)
Le choix du carnet .......................................................................... 31 1.1. Un outil de travail original ? ..................................................... 31 1.2. L’organisation générale du carnet ........................................... 32 1.3. Les carnets de Marcel Proust ................................................... 34
2)
Les recherches effectuées : du livre à l’écran .............................. 36 2.1. Reconstituer une époque ............................................................ 36 2.2. Traduire une écriture ................................................................... 38
3)
Le côté technique : organiser la préparation des décors ............ 39 3.1. Planning et organisations ........................................................... 39 3.2. Mise en place et rassemblement de matériel ............................ 43
CONCLUSION ............................................................................................. 45 SECONDE PARTIE : ................................................................................... 46 CONSERVATION-RESTAURATION .......................................................... 46 INTRODUCTION ......................................................................................... 47 I - ETUDE DES MATERIAUX ET TECHNIQUES DE L’ŒUVRE ................ 50 9
Alexia LOVEIKO
1.
2.
Spécialité Arts graphiques
Description de la constitution générale du carnet ....................... 50 1.1
Description de la reliure ............................................................ 50
1.2
Description du bloc-texte.......................................................... 51
Matériaux et techniques constitutifs du carnet ............................ 52 2.1. Technique et matériaux constitutifs de la reliure ................... 52 2.2. Matériaux constitutifs du bloc-texte ........................................ 55
3. Description des types de montage dans le bloc-texte .................... 57 3.1. Les montages principaux ......................................................... 57 3.2. Les différents rubans adhésifs................................................. 59 4. Matériaux et techniques constitutifs des documents collés .......... 63 4.1. Les documents photocopiés et imprimés ............................... 64 4.2. Les dessins aquarellés ............................................................. 67 4.3.
Le carton annoté ....................................................................... 69
4.4. Les plans sur papier calque ..................................................... 70 4.5. Le papier thermique .................................................................. 71 4.6. Les tirages photographiques ................................................... 73 4.7. Les échantillons de tissu .......................................................... 77 4.8. Autres techniques et matériaux constitutifs ........................... 79 5. Techniques des annotations manuscrites ....................................... 82 5.1. Le stylo à bille ............................................................................ 82 5.2. Les crayons feutres ................................................................... 83 5.3. Le blanc correcteur ................................................................... 87 II - CONSTAT D’ETAT ................................................................................ 90 1.
Organisation du constat d’état. ..................................................... 90
2.
Altérations du corps d’ouvrage ..................................................... 90 2.1. Altérations mécaniques ............................................................ 90 2.2. Altérations chimiques ............................................................... 95 2.3. Altérations biologiques ............................................................. 99
3.
Altérations de la reliure .................................................................. 99 3.1. Altérations mécaniques ............................................................ 99 3.2. Altérations chimiques ............................................................. 100
4.
Synthèse des altérations. ............................................................. 101
III - DIAGNOSTIC ET PRONOSTIC .......................................................... 103 1.
Organisation du diagnostic .......................................................... 103
2.
Les altérations propres aux constituants internes des matériaux 103 2.1. Les photographies .................................................................. 103 10
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
2.2. Le papier thermique ................................................................ 105 2.3. Le vieillissement du ruban adhésif de masquage ................ 108 2.4. Le Scotch Magic 810 ............................................................... 109 2.5. Les agrafes............................................................................... 110 2.6. La feuille de plastique ............................................................. 111 3. Les causes externes d’altérations : la manipulation et l’usage des documents ............................................................................................ 112 4.
Diagnostic et pronostic global ..................................................... 114
1.
Nécessité et appréhension de la restauration ................................ 116
2.
Protection préalable des documents .............................................. 120
3.
Foliotage* .......................................................................................... 120
4.
Nettoyage à sec ................................................................................ 121
5.
La question des rubans adhésifs .................................................... 121 5.1. Interventions possibles ................................................................ 121 5.2. Choix effectués .............................................................................. 123
6. Le nettoyage des résidus d’adhésifs de type caoutchouc synthétique ............................................................................................... 125 7.
La question des agrafes. .................................................................. 127 7.1. Possibilités de traitement ............................................................. 127 7.2. Choix effectués ............................................................................. 128
8.
Consolidation des déchirures et des lacunes ................................ 128 8.1. Les pages du carnet et les photocopies ..................................... 128 8.2. Les papiers calques ...................................................................... 129
9.
Consolidation de la reliure ............................................................... 129 9.1. Possibilités de traitement ............................................................. 129 9.2. Choix effectué ............................................................................... 130
10.
Conditionnement ........................................................................... 131
V - RAPPORT DE TRAITEMENT .............................................................. 132 1.
Protections préalables et foliotage .............................................. 132
2.
Le nettoyage à sec ........................................................................ 132 2.1. Techniques envisagées............................................................. 132 2.2. Choix effectués. ....................................................................... 133
3.
Le retrait des rubans adhésifs de masquage ............................. 136 3.1. Test pour le retrait à sec des pièces ........................................ 136 3.2. L’utilisation d’un cataplasme en gel ........................................ 136 3.2. Mise en œuvre du retrait des papiers adhésifs ..................... 138
4.
Le nettoyage des résidus d’adhésif ............................................ 140 4.1. Détermination du solvant à utiliser sur les résidus .............. 140 11
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
4.2. Tests pour la méthode à utiliser ............................................. 142 4.3. La mise en œuvre au sein du carnet ...................................... 143 4.4. Les résidus d’adhésifs sur les documents détachés ........... 145 5. La consolidation des déchirures, des plis et des lacunes............ 150 5.1. Le cas des papiers calques ...................................................... 150 5.2. La consolidation des bords de pages ...................................... 154 5.3. La consolidation des déchirures, et des plis sur les papiers 155 5.4. La question des lacunes ........................................................... 156 5.5. La consolidation du support RC des tirages chromogènes .. 157 5.6. Les lacunes de l’émulsion photographique ............................ 158 6. Le remontage des documents retirés. ............................................ 158 6.1. Le remontage des documents faits de papier....................... 158 6.3. Le remontage des matériaux plastifiés ................................. 159 7.
La consolidation des rubans adhésifs rompus. ............................. 162 7.1. Tests pour le choix d’un adhésif et d’un papier ......................... 162 7.2. Mise en œuvre ......................................................................... 163 8.
La consolidation de la structure du carnet ................................. 163 8.1. Démontage partiel du dos....................................................... 164 8.2. Nettoyage et consolidation du dos ........................................ 164 8.3. Consolidation de la couvrure au niveau des coiffes ............ 165 8.4. Pose du soufflet ....................................................................... 166 8.5. La consolidation de la charnière et de l’attachement du plat. 167
9.
Le conditionnement ...................................................................... 168 CONCLUSION .................................................................................... 170
VI - CONSERVATION PREVENTIVE ........................................................ 171 1. L’archivage du carnet au sein de la Cinémathèque française ...... 171 1.1. La conservation des papiers .................................................. 171 1.2. La conservation des photographies ...................................... 171 1.3. Conclusion ................................................................................. 172 2.
Les conditions de sorties et de manipulation ............................ 172 2.1. La manipulation ......................................................................... 172 2.2. La consultation .......................................................................... 172
3. Les conditions d’exposition ............................................................ 172 4.Préconisations pour la numérisation. ............................................. 173 TROISIEME PARTIE : ETUDE SCIENTIFIQUE ........................................ 175 ................................................................................................................... 175 12
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
INTRODUCTION ....................................................................................... 176 I – Présentation des encres fluorescentes ............................................ 177 1)
Histoire et principe de la fluorescence........................................ 177 1.1. Luminescence, phosphorescence et fluorescence. ............... 177 1.2. Principe de la fluorescence ...................................................... 178
2)
Bref historique des feutres à encre fluorescente ....................... 180
3)
Composition des encres fluorescentes ...................................... 181
4)
Conclusion..................................................................................... 183
II – Etude chromatographique de quatre encres de feutres fluorescents ................................................................................................................... 184 1)
Principe de la chromatographie sur couche mince ................... 184
2)
Matériel et mise en œuvre ............................................................ 186 2.1. Etude de la sensibilité de quatre feutres fluorescents aux solvants ............................................................................................. 186 2.2. Matériel, préparation des plaques de silice et mise en œuvre187
3)
Résultats et analyses .................................................................... 188 3.1. Observations à la lumière naturelle ......................................... 188 3.2. Observations sous lumière UV (330-380nm) ........................... 190 3.3. Calcul des rapports frontaux .................................................... 190
4)
Conclusion..................................................................................... 191
III – Etude spectrocolorimétrique du vieillissement de quatre feutres fluorescents aux rayons UV .................................................................... 192 1)
Principe de la perception des couleurs....................................... 192
2)
Colorimétrie et spectrophotomètre ............................................. 193
3)
Matériel et mise en œuvre ............................................................ 194
4)
Résultats et analyses .................................................................... 197 4.1. Le feutre jaune ........................................................................... 197 4.2. L’encre bleue .............................................................................. 199 4.3. L’encre verte .............................................................................. 201 4.4. L’encre rose ............................................................................... 202 4.5. Comparaison des couleurs entre elles .................................... 203 4.6. Equivalence du vieillissement artificiel en jours .................... 204
5)
Conclusion..................................................................................... 206
CONCLUSION – PARTIE SCIENTIFIQUE ................................................ 207 INDEX DES NOMS PROPRES TABLE DES ILLUSTRATIONS GLOSSAIRE BIBLIOGRAPHIE 13
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
AVANT-PROPOS
Ce mémoire est l’aboutissement de deux ans de recherches et de travail. Il a commencé par la recherche d’une œuvre sur laquelle centrer nos recherches et proposer un travail pratique. Par goût personnel, nous voulions étudier une œuvre en lien avec d’autres manifestations d’art que le simple dessin : théâtre, opéra, cinéma, ou encore architecture. Plusieurs institutions ont donc été contactées, dont les archives de la Cinémathèque française. L’œuvre qui a été proposée venait d’arriver au sein des collections à la suite d’un don de l’auteur. Il s’agissait d’un carnet de travail ayant servi à la préparation de décors pour un film réalisé en 1998. La perspective de se confronter à des matériaux contemporains et divers et de réfléchir à l’adaptation des techniques de restauration pour résoudre les problématiques de l’objet, ont été primordiales dans le choix que nous devions effectuer. Le peu de documentation autour des matériaux contemporains présents, plutôt issus de productions industrielles, et les problématiques soulevées en restauration annonçaient les recherches à effectuer avant de pouvoir envisager la restauration. Le contexte de création de l’œuvre, bien que connu, demandait un approfondissement afin d’envisager le carnet sous un jour nouveau et bien situé dans le processus de création d’un film. Ces éléments présageaient des recherches passionnantes afin de répondre aux problématiques tant historiques que matérielles. La restauration de ce carnet permettait également de travailler sur une structure différente, plus proche de celle du livre, ainsi que de développer des traitements adaptés à cette disposition. Le tout, en dialoguant de façon récurrente avec le service des archives de la Cinémathèque française afin de s’assurer de leur accord pour les traitements proposés.
PRECISIONS FORMELLES
Les mots auxquels un astérisque est accolé sont définis dans le glossaire situé p.210.
14
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
INTRODUCTION GENERALE
Le document choisi provient des archives de la Cinémathèque française1. Celle-ci a été créée en 1936 par Henri Langlois, et a pour but de conserver tout ce qui a trait au patrimoine cinématographique. Les collections comprennent des films, des archives, des maquettes, des costumes, des accessoires, des livres, des affiches, des dessins, des photographies, des appareils, etc. Encore aujourd’hui, elle reçoit des dons, notamment des dépôts de particuliers. C’est le cas du carnet étudié, qui a été donné en mai 2016 par son auteur à la Cinémathèque française. Gil Mas était assistant-décorateur pour le film Le Temps retrouvé réalisé par Raul Ruiz et sorti en 1999. Ce film est inspiré du roman éponyme de Marcel Proust, et a été en compétition au festival de Cannes de 1999. L’importance de l’œuvre de Marcel Proust et la décision d’adapter un de ses écrits au cinéma ont causé quelques controverses au sein des milieux culturels français. La renommée de Raoul Ruiz (en tant que réalisateur ayant un univers à part) ajoutait à la réputation du film au moment de sa sortie. Le document de Gil Mas était un outil de travail mais également un carnet de voyage où il a ajouté des souvenirs du tournage comme un plan de Rome ou ses billets d’avion. Il contient des sources d’inspiration pour les décors, des notes et des schémas témoignant des décisions et des choix effectués lors du tournage, et par conséquence l’évolution de la réflexion de l’équipe au sujet du film et de ses besoins. De plus, ce document a été réalisé avant l’ère numérique qui a changé la façon de travailler au cinéma. Il constitue donc un témoin d’une méthode de travail différente de celles utilisées majoritairement aujourd’hui. Il a donc une fonction d’usage et une valeur d’archive, qui justifient sa restauration puisque le carnet est difficilement manipulable. En premier lieu, une étude historique du carnet et de son rôle est abordée dans ce mémoire. Ensuite, l’étude pour la conservation et la restauration du carnet est détaillée, ainsi que le projet de conservation-restauration. Enfin, un sujet scientifique aborde la question du vieillissement aux rayonnements ultraviolets de quatre encres de feutre fluorescents.
1
La Cinémathèque français est située à Paris dans le 12ème arrondissement.
15
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
PREMIERE PARTIE :
ETUDE HISTORIQUE
16
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
INTRODUCTION
Nous avons découvert ce carnet après avoir contacté la Cinémathèque française puisque nous cherchions une œuvre en lien avec un art autre que les arts graphiques. Cet aspect de pluridisciplinarité nous intéressait, et lorsque nous avons rencontré les responsables des archives de la Cinémathèque française, ils nous ont proposé ce document qu’ils avaient reçu récemment. Ce carnet de travail nous a tout d’abord attiré pour la variété de documents qu’il contient et les problématiques visant à le restaurer. Mais il est véritablement intéressant de comprendre la méthode de travail de M. Mas, ce qu’il a apporté au film, les propositions qu’il a suggérées, ainsi que le côté plus pratique de son métier quant à l’organisation technique de la préparation des décors : recherche d’accessoires, réservations, création d’une époque pour le tournage du film. La Cinémathèque française a organisé de mars à mai 2016 une rétrospective de l’œuvre de Raoul Ruiz, le cinéaste qui a réalisé le film « Le Temps retrouvé ». Cela a poussé Gil Mas à donner son carnet pour apporter un éclairage sur la manière de travailler de Raoul Ruiz, sur les indications qu’il a données aux décorateurs pour préparer son film, l’ambiance qu’il voulait créer… Le lien existant entre le film de M. Ruiz (1941-2011) et le carnet de travail qui m’a été confié propose une piste intéressante sur la manière dont l’un complète l’autre et s’inspire du livre, tout en dévoilant le travail derrière l’œuvre cinématographique. C’est donc sur ce point que va se pencher ma réflexion. Comment ce carnet témoigne-t-il des recherches menées dans le cadre de la reconstitution d’une époque au cinéma, et du projet cinématographique ? Nous nous intéresserons dans une première partie à l’origine du projet cinématographique, c’est-à-dire le sujet de l’œuvre, le réalisateur du film et celui du carnet, avant de nous concentrer sur l’œuvre en question dans une seconde partie.
17
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
I – « Le Temps retrouvé », sujet du carnet Afin de mieux appréhender le sujet du film, il a fallu tout d’abord s’intéresser au roman écrit par Marcel Proust, avant de pouvoir évoquer le projet du film par le réalisateur Raoul Ruiz, puis Gil Mas, auteur du carnet mais travaillant pour l’adaptation de l’ouvrage en collaboration avec l’équipe technique.
1) Le livre de Marcel Proust 1.1.
Marcel Proust, écrivain Marcel Proust2 est un écrivain
français, né le 10 juillet 1871 et mort le 18 novembre 1922. Son œuvre littéraire principale est composée de sept tomes3 regroupés sous le nom « A la recherche du temps perdu ». Les
prémisses4
de
La Figure 1 : Portrait de Marcel Proust au début du XXe
Recherche apparaissent à l’automne
siècle.
1908, alors qu’il entreprend la rédaction d’une critique5 de Sainte-Beuve6. Bien qu’il s’agisse en premier lieu d’un texte critique, M. Proust inclut finalement cette étude dans le récit romancé d’une matinée où il discute avec sa mère. Il apprécie alors l’idée d’inclure une réflexion abstraite, du moins théorique, dans un roman : c’est le modèle d’écriture qu’il reprendra dans La Recherche. Au fil de l’écriture de cette critique, il s’éloigne de son projet initial7, en abordant la thématique des sentiments, des souvenirs et de la mémoire, thèmes présents dans le premier livre de Proust, Jean Santeuil et récurrents dans toute son œuvre. En 1910, il propose le roman nommé
2
Article Marcel Proust du Dictionnaire mondial des littératures. Larousse, 2012. http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Proust/176221, consulté le 10/11/17. 3 Dans l’ordre de publication : Du côté de chez Swann (1913), A l’ombre des jeunes filles en fleurs (1918), Le côté de Guermantes (1920), Sodome et Gomorrhe (1922), La Prisonnière (1923), Albertine disparue ou La Fugitive (1925), Le Temps retrouvé (1927). 4 Idem. 55 Le sujet abordé est la critique des méthodes littéraires de M. Sainte-Beuve. 6 Charles Augustin Sainte-Beuve (1804 – 1869) : Écrivain et critique français. http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Sainte-Beuve/176741, consulté le 18/01/18. 7 Dossier de la BnF sur Marcel Proust et son dernier roman, Le Temps retrouvé. http://gallica.bnf.fr/dossiers/html/dossiers/Proust/, consulté le 11/11/17.
18
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
Contre Sainte-Beuve. Souvenir d'une matinée à plusieurs éditeurs, cependant le texte est refusé. Marcel Proust décide alors de reprendre certains textes de Contre SainteBeuve et de les développer. Les mots et les phrases s’accumulent et, en 1912, il achève le roman intitulé Les Intermittences du cœur. Ce livre est divisé en deux parties8 nommées Le Temps perdu et Le Temps retrouvé. Il s’agit du premier nom s’approchant des titres définitifs de La Recherche. Ce roman est refusé par les éditions de La Nouvelle Revue Française et Proust publie finalement son premier tome sous le nom A la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swan9 en 1913, chez les éditions Bernard Grasset. La première guerre mondiale interrompt la parution du second tome, A l’ombre des jeunes filles en fleurs. Marcel Proust consacre ce temps pour apporter de nouvelles modifications et des ajouts pour, en définitive, écrire sept volumes. Tout au long de sa vie, il ne cessera de remanier ses textes, malgré l’angoisse de ne pas terminer son œuvre. Pourtant, dès 1910, le premier et le dernier chapitre sont rédigés et terminés : ce sont les développements et les intrigues entre ces deux chapitres qui ne cesseront d’être réécrits ou déplacés. Dans ses romans, Marcel Proust s’inspire de sa propre vie pour la réécrire dans les mots d’un narrateur dont le nom est inconnu, sauf par deux fois où, par inadvertance, il se donne le prénom Marcel. Cela rapproche le narrateur de l’auteur, bien qu’ils soient différents, et souligne l’inspiration de Marcel Proust, de sa propre vie. Les lieux et personnages sont inspirés de lieux et personnes réels, qu’il a fréquentés.
Ainsi,
le
village
de
Combray est inspiré par la ville d’Illiers10 où, enfant, il passait ses vacances. Au cours de sa vie, il se brouille avec certains de ses amis qui se
reconnaissent
dans
un
personnage, comme par exemple Robert de Montesquiou11, dont Proust Figure 2 : Clocher de l’église Combray dans le film. Reconstitution en studio.
s’est inspiré pour créer le personnage
8
Idem. Ibidem. Le roman est publié à compte d’auteur par l’éditeur Bernard Grasset, la maison d’édition La Nouvelle Revue Française (NRF) ayant refusé de le publier. 10 A l’occasion du centenaire de Marcel Proust (1971), la ville a été renommée Illiers-Combray. Elle se situe en Eure-et-Loire, entre Paris et Le Mans. http://www.illiers-combray.com/histoire-etpatrimoine.html, consulté le 15/11/17. 11 Robert de Montesquiou (1855-1921). Poète et critique français, grande figure de l’aristocratie française parisienne au tournant du siècle. http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Montesquiou/175427, consulté le 10/01/18. 9
19
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
du baron de Charlus12. Cependant, il conjugue parfois des traits de mœurs et de caractère de plusieurs personnes en une seule pour les besoins de son œuvre. Proust est connu pour son écriture particulière : il pose en effet un narrateur, non pas omniscient, mais inclus dans le récit qui se déroule13, donc subjectif dans ses points de vue. Le développement du récit par le biais du narrateur en fait un personnage dont l’âge reste imprécis, sujet à de brusques souvenirs déclenchés par les cinq sens : l’odorat dans le célèbre épisode de la madeleine de Proust ; l’ouïe : le tintement d’une cuillère dans Le Temps retrouvé évoque la réparation d’un train en panne à une autre époque14 ; le toucher : la texture de la serviette de table renvoie le narrateur à ses vacances, plus jeune, en Normandie. Cette façon de couper le récit par un autre, lié au précédent par une anecdote, est typique de Marcel Proust. De plus, cela donne aussi lieu au développement de réflexions personnelles et abstraites, de la part du narrateur, à propos de sujets évoqués juste avant. Ces réflexions abstraites sont particulièrement développées dans le dernier roman de La recherche, dont le film qui nous intéresse est tiré.
1.2.
Le dernier tome de « La Recherche »
Le Temps retrouvé, dernier roman de Marcel Proust, est paru à titre posthume, tout comme les volumes La Prisonnière et Albertine disparue. L’auteur décède en effet en 1922 alors qu’il corrige La Prisonnière15, le volume précédant l’avant-dernier tome. Le docteur Robert Proust, son frère, finalisera la publication du roman, ainsi que des deux suivants, aidé par Jacques Rivière16, directeur des éditions de la Nouvelle Revue Française
Figure 3 : Couverture de
(NRF) et ami de Marcel Proust. C’est Jacques Rivière qui l’édition Gallimard de 1927. aida ce dernier à changer d’éditeur après la parution du Crédits : BnF 12
Baron de Charlus : personnage de M. Proust récurrent. Figure de la haute aristocratie parisienne, appartenant à la famille des Guermantes. http://proust-personnages.fr/?page_id=44, consulté le 10/01/18. Voir également l’annexe n°1 : liste des personnages de la Recherche cités, p. 227. 13 http://www.academie-francaise.fr/marcel-proust-le-genie-litteraire-du-xxe-siecle, consulté le 17/11/17. 14 Dans le film, séquence* à 01:44:00. 15 Op.Cit.p.2. http://gallica.bnf.fr/dossiers/html/dossiers/Proust/ consulté le 10/10/17. 16 Jacques Rivière (1886-1925) : homme de lettres et directeur de la Nouvelle Revue Française (NRF) de 1919 à 1925. Parmi les auteurs publiés sous sa direction, on peut citer Marcel Proust, François Mauriac, Jean Giraudoux, ou bien encore Louis Aragon. LACOUTURE, (Jean), Une adolescence du siècle : Jacques Rivière et la NRF, Paris, Editions du Seuil, 1994, p.45
20
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
premier volume, Du Côté de chez Swann. L’œuvre de Marcel Proust se trouve donc presque en totalité par Gallimard, dans les éditions de la Nouvelle Revue Française. Le roman est segmenté en quatre parties, signalées par des astérisques dans le texte et dont voici la répartition thématique : 1- Le séjour à Tansonville où le narrateur, malade et en fin de vie, évoque ses souvenirs de Combray, lieu de vacances de la famille Proust17. 2- Le retour du narrateur à Paris pendant la première guerre mondiale : il y croise certains de ses vieux amis comme Monsieur de Charlus18 ou Madame Verdurin, que l’on retrouve parmi les personnages principaux de La Recherche. 3- Une partie dans le Paris d’après-guerre : alors que le narrateur se rend à une matinée19 chez la princesse de Guermantes, il rencontre M. de Charlus et arrive en retard pour le concert qui avait lieu en début de matinée. On demande au narrateur d’attendre dans le salon-bibliothèque : c’est là qu’il a une révélation qu’il développe sur l’Art et le roman. 4- Dans cette dernière partie consacrée à la fête en elle-même, le narrateur revoit de nombreuses personnes qu’il a connues il y a plus ou moins longtemps. Il constate l’effet destructeur du temps sur eux. Cet épisode est aussi connu sous le nom de bal des têtes20.
2) L’adaptation cinématographique de 1998 2.1. Proust au cinéma Dans les années 1990, Raoul Ruiz décide d’adapter le dernier roman de Marcel Proust. Il n’est pas le premier à vouloir transposer à l’écran les écrits du célèbre écrivain. Avant lui, deux réalisateurs21, Jean Leduc et Volker Schlöndorff, ont adapté divers tomes de la Recherche au cinéma : en 1984, Volker Schlöndorff tourne Un amour de Swann, inspiré par la deuxième partie du premier tome de Proust, Du
17
http://gallica.bnf.fr/dossiers/html/dossiers/Proust/, consulté le 09/11/17. Pour plus de détails, voir l’Annexe n° 1 – Liste des personnages de La Recherche cités, p. 227. 19 Matinée : réunion, fête ou spectacle ayant lieu en début d’après-midi. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/matin%c3%a9e/49877?q=matin%c3%a9e#49778, consulté le 11/01/18. 20 M. Proust lui-même désigne cette partie sous cette appellation, dans son ébauche de 1909. PROUST, (Marcel), Le Temps retrouvé, Paris, Gallimard, collection Folio classique, 1989 (texte) ; 1990 (préface, dossier et édition), p.440. 21 Dont un réalisateur français, Jean Leduc, qui a réalisé un court-métrage nommé Le Sommeil d’Albertine, en 1945. Comme très peu d’informations existent sur ce film, il ne sera pas développé. http://www.cineressources.net/recherche_t_r.php?type=PNP&pk=35870&rech_type=E&textfield=p roust&rech_mode=contient&pageF=1&pageP=1, consulté le 19/11/17. 18
21
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
côté de chez Swann. Le film est primé22 aux César23 en 1985 pour les décors et les costumes. Un projet24 voit le jour en 1970, mené par Visconti et Suso Cecchi d’Amico, pour adapter une partie de La Recherche. Un scénario est écrit mais, faute de producteur, le projet avorte. A la télévision, deux films parlent du sujet : « Les Cent livres : A la recherche du temps perdu » de Claude Santelli, en 1971, et en 1988 dans la série documentaire The Modern world, Ten Great Writers de Nigel Wattis, un épisode est consacré à Marcel Proust.
Figure 4 : Affiche du film Un Amour de Swann (1984).
Figure 5 : Affiche de l’épisode sur Marcel Proust, de la série The Modern World : Ten great Writers. (1988).
Raoul Ruiz propose donc une version différente des précédentes en adaptant le dernier volume.
Il y ajoute des références à des passages des volumes
précédents, ce qui fait le lien avec les autres romans de La Recherche. Par exemple, la scène25 se déroulant entre Gilberte et Marcel jeune, dans un jardin, (de 00:10:44 à 00:11:00 dans le film) n’est pas présente dans le volume du Temps retrouvé et provient donc d’un des tomes précédents.
22
http://www.academie-cinema.org/ceremonie/palmares.html, consulté le 15/12/17. Les César du cinéma : cérémonie de récompense cinématographique créée en 1946. Elle est considérée comme la plus ancienne récompense dans le domaine de l’audiovisuel et du spectacle. FREY, (Francis), GOLIOT-LETE, (Anne), VANOYE, (Francis), Le Cinéma. Retenir l’essentiel, Paris, Edition Nathan, collection repères pratiques, 2017, p.113. 24 BLUMENFELD, (Samuel), « La Recherche », l’œuvre fantôme de Visconti », M le magazine du Monde, [en ligne], publié le 29/07/2015, p.1. http://www.lemonde.fr/culture/article/2015/07/29/larecherche-l-uvre-fantome-de-visconti_4695178_3246.html, consulté le 15/12/17. 25 Scène : ensemble de plans qui se suivent tout en étant liés par une unité dramatique ou de lieu. Op.Cit.p.5. FREY, (Francis), GOLIOT-LETE, (Anne), VANOYE, (Francis), p.146. 23
22
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
2.2. Raoul Ruiz, un réalisateur à l’univers particulier
Raoul Ruiz est un réalisateur franco-chilien26, né en 1941 dans le Sud du Chili, et décédé en 2011 en France. Enfant27, il va souvent dans un cinéma qui passe plusieurs films à la suite comme cela se faisait alors. Il lui arrive de s’endormir devant un film et de se réveiller pendant un autre, ce qui le Figure 6 : Portrait de Raoul Ruiz. marquera profondément28 : son œuvre cinématographique sera parsemée de scènes mélangeant des éléments n’ayant rien en commun. Cette influence est remarquée par la suite. Il étudie le droit et la théologie et décide, à 16 ans, d’écrire cent pièces de théâtre. Passionné de cinéma, il se lance dans la réalisation de films, dont l’un, Tres tristes tigres, remportera un prix29 en 1969. Il s’engage politiquement aux côtés de Salvador Allende ce qui l’obligera à l’exil après le coup d’état du général Pinochet 30 en 1973. Arrivé en France, il poursuit la réalisation de films, avec un univers très personnel, souvent qualifié de « baroque cinématographique »31. Son parcours est atypique dans le cinéma français des années 1970-199032. En effet, dans les années
26
LE THIERRY D’ENNEQUIN, (Nicolas), Présentation du cycle sur Raoul Ruiz (2015), http://www.cinematheque.fr/cycle/raoul-ruiz-315.html, consulté le 17/10/17. 27 PEETERS, (Benoît), SCARPETTA, (Guy), Raoul Ruiz, le magicien, Bruxelles, les Impressions Nouvelles, 2015, p.21. 28 Op.Cit. note 26, consulté le 17/10/17. 29 Le prix en question est un Léopard d’Or, remporté pendant le Festival international du film de Locarno (Suisse). Op.Cit. p.6. LE THIERRY D’ENNEQUIN, (Nicolas), consulté le 17/10/17. 30 Il s’agit du coup d’état du 11/09/1973, renversant le gouvernement socialiste populaire de Salvador Allende. Les forces armées chiliennes, persuadées qu’un système marxiste va être installé, mettent un terme au régime et pousse Salvador Allende au suicide en quelques heures. La répression des contestataires est très violente et entraine de nombreuses morts et disparitions. Le général Pinochet est placé au pouvoir : il met en place un régime militaire et fait de la torture son mode d’action politique. Les violations des droits de l’homme au Chili seront reprochées pendant toutes les années de pouvoir d’Augusto Pinochet. Source : https://www.universalis.fr/encyclopedie/coup-d-etat-au-chili/, consulté le 04/12/17. 31 Le Baroque évoqué est caractérisé ici par de nombreuses références entre les films de Raoul Ruiz, ainsi que la mise en évidence de l’artificialité de l’œuvre. Le foisonnement d’objets dans certains plans, dont M. Ruiz est friand contribue aussi à caractériser son œuvre. BEGIN Richard. Raoul Ruiz et le dispositif baroque. 8p. https://www.academia.edu/32383503/Raoul_Ruiz_et_le_dispositif_baroque, consulté le 16/12/17. 32 MONTEBELLO, (Fabrice), Le Cinéma en France, Paris, Armand Colin, collection « Armand Colin Cinéma », 2005, p.99-108.
23
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques 1970, le public est lassé des films d’auteurs, trop peu divertissants. L’apparition de la télévision au sein des maisons modifie aussi la consommation des films par le public, qui préfère rester chez lui. En France, la majorité des films produits pendant cette décennie ont pour thème le quotidien des français, tout en portant des messages militants33 et beaucoup de comédies à grand succès sont tournées. Les années 80 apportent une crise au sein du cinéma français : le développement de la télévision, des publicités et des jeux vidéo entrainent la production de films de plus en
Figure 7 : Affiche du film Le Temps retrouvé. Crédits : Éric Caro / F.K.G.B. / Bonne question !
plus rythmés et visuels, tels que Star Wars ou Indiana Jones, afin de séduire le public. Grâce à leurs gros budgets, les films américains ont
la part belle sur le marché tandis qu’en France les moyens sont plus réduits. Le gouvernement français subventionne cependant des films d’auteurs34, et c’est le début des coproductions : les chaînes télévisées participent à la production de films comme Le Temps retrouvé, dont France 2 Cinéma compte parmi les sociétés de production. Cette tendance se poursuit dans les années 90 où les genres préférés sont la comédie, les films historiques ou sur fond historique, les films abordant les problèmes de société ou les adaptations littéraires35. L’œuvre de Raoul Ruiz rejoint donc les goûts de la décennie : le scénario est tiré d’un livre, lequel se déroule dans une autre époque. Cependant, il s’agit également d’un film d’auteur où Ruiz développe sa vision personnelle du roman de Marcel Proust. Benoît Peeters caractérise ainsi les œuvres de Raoul Ruiz : « […] un univers où les mêmes évènements peuvent se répéter (ou trouver un écho) à des années d’intervalle ; où un sujet peut disposer de plusieurs vies, mais où, simultanément, une même vie peut disposer de plusieurs sujets,(…) ; où coexistent différentes couches temporelles, qui sont parfois amener à se croiser, et où, du coup,
33
Idem. Les évènements de mai 68 influencent encore fortement les réalisateurs. L’Institut National de l’Audiovisuel (INA) a notamment commandé des films expérimentaux, et R. Ruiz en a réalisé quelques-uns. Source : http://www.cinematheque.fr/cycle/raoul-ruiz-315.html, consulté le 08/12/17. 35 http://www.cinemafrancais-fle.com/Histoire_cine/annees_90_a_2000.php, consulté le 06/12/2017. 34
24
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
les individus ne vieillissent pas au même rythme (… ; où la frontière des identités est indistincte, poreuse, de même que celle qui sépare le rêve de la vie éveillée […]36 ». Il est aisé de voir en quoi l’œuvre de Marcel Proust intéresse Raoul Ruiz : des notions telles que le passage du temps, la perception des évènements, les souvenirs et les échos, sont des sujets communs aux deux artistes.
3) Gil Mas, assistant-décorateur et auteur du carnet étudié 3.1. Gil Mas, assistant-décorateur pour « Le Temps retrouvé » Gil Mas37 est né en 1964 à Lille. À la suite d’un bac
D
(correspondant
à
un
bac
scientifique
aujourd’hui), il entre à l’Ecole Régionale des BeauxArts d’Amiens en 1983. Il poursuit ses études à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs et prépare un diplôme en lien avec le cinéma. En 1990, il est diplômé de la section Cinéma-Vidéo-Animation et commence à travailler avec Bruno Beaugé comme stagiaire, décorateur, puis comme partenaire. Bruno Beaugé a,
Figure 8 : Portrait de Gil Mas.
à l’époque, déjà collaboré plusieurs fois avec Raoul Ruiz38, notamment sur les films La Vocation suspendue (1978), L’Hypothèse du tableau volé (1979), ou encore Les Trois couronnes du matelot (1983), une de œuvres les plus connues du réalisateur. Gil Mas collaborera avec Bruno Beaugé jusqu’en 200139. Pendant cette période, il travaille sur divers films en tant que premier ou second assistant décorateur, ainsi que chef décorateur et ensemblier40. Depuis 1995, Gil Mas est un des membres fondateurs de la société ESSENTIELS et ACCESSOIRES, qui propose la création et la réalisation de décors dans des domaines tels que la publicité, l’évènementiel, la
36
PEETERS, (Benoît), SCARPETTA, (Guy), Raoul Ruiz, le magicien, Bruxelles, les Impressions Nouvelles, 2015, pp.10-11. 37 Voir annexe n° 2 – CV de M. Gil Mas, p. 228. 38 TSEKENIS, (Alexandre), Interview de Bruno Beaugé, décorateur du Temps Retrouvé, du 28/03/2002. http://www.objectif-cinema.com/interviews/150.php, consulté le 12/12/17. 39 Voir Annexe n°2 – CV de M. Gil Mas, p.228. 40 L’ensemblier est chargé de trouver les objets et les meubles qui vont être utilisés pour le décor d’une production artistique, sous la direction ou en collaboration avec le décorateur, le scénographe et l’accessoiriste. Il a également comme responsabilité de s’assurer du transport et de la mise en place des décors. Source : http://www.studyrama.com/formations/fiches-metiers/audiovisuelcinema/ensemblier-780, consulté le 12/12/17. DOUY, (Max), DOUY, (Jacques), Décors de cinéma : un siècle de studios français, Paris, Editions du collectionneur, 2003, p.327.
25
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
scénographie, mais également la fabrication de maquettes, d’automates ou d’objets scéniques. La société est composée de membres issus de formations diverses : designers, décorateurs, techniciens, et alt. Actuellement, Gil Mas ne travaille plus dans le domaine du cinéma mais il s’est rapproché du monde du théâtre et de la scénographie. Le domaine des objets scéniques l’intéresse tout particulièrement : il a collaboré à deux reprises avec le metteur en scène Vincent Barraud sur le décor des spectacles Babille (2016) de Vincent Barraud et Ceux de 14 (2012), d’après Maurice Genevois.
Figure 9 : Affiche du spectacle Babille de Vincent Barraud, décors par Gil Mas.
Lors du travail sur Le Temps retrouvé, en 1998, Gil Mas a donc travaillé en collaboration avec Bruno Beaugé et Raoul Ruiz afin de réaliser les décors pour le film. Bruno Beaugé était, d’après les mots de Gil Mas, « un ensemblier hors pair41» en plus d’être le décorateur principal : pour ce film, il s’est plus concentré sur les objets composant le décor que l’espace scénique lui-même. En évoluant dans le métier, il considère que le rôle de l’objet et du décor se sont inversés : l’objet immédiat « crée la relation du comédien avec l'espace, qui matérialise le fantasme du réalisateur.42». Cela est particulièrement visible dans le film Le Temps retrouvé
41 42
Voir Annexe n°3 - Compte-rendu de l’entretien avec Gil Mas du 31/10/2016, p. 229-230. Op.Cit.p.7. TSEKENIS Alexandre.
26
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
puisque Raoul Ruiz a demandé la mise en place de nombreux accessoires dans certaines séquences*, comme celles du début43 du film dans la chambre du narrateur. M. Gil Mas, lui, devait plutôt concevoir les espaces selon la vision du réalisateur et les exigences de placement des lumières et des caméras. Ce dernier point est vu avec le chef opérateur. Pour ce film, il fallait concevoir et préparer environ 55 décors, naturels ou en studio, pour un tournage de trois mois et demi44. Ce travail comprend les repérages et le choix des lieux de tournage pour les scènes devant être tournées en décor naturel ou en extérieur, ainsi que le choix d’un studio pour les scènes le nécessitant. Cette étape de pré-production est très importante, car une fois les lieux choisis, il faut s’assurer de la faisabilité des scènes et obtenir les autorisations de tournage. Les repérages servent également à savoir comment placer les éléments de décors ajoutés, où placer la caméra, à déterminer si les lieux sont bruyants, si l’accès est facile pour acheminer le matériel nécessaire au tournage : décors ajoutés, caméra, rails, etc. La plupart des photographies présentes dans le carnet ont été prises par Gil Mas lors de cette étape de pré-production. Certaines annotations au marqueur sur les photos elles-mêmes montrent l’emplacement d’éléments à ajouter, et/ou dissimuler, notamment dans les scènes tournées dans le château de Voisin.
Figure 10 : Photo du repérage au château de Voisin et détail du positionnement d’un pilier au marqueur. Photo située p. 74 du carnet.
43 44
Séquence se déroulant de 00:01:44 à 00:06:12 dans l’œuvre cinématographique. Idem note 39.
27
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
3.2. Le rôle du décorateur au cinéma
Le décor est un des acteurs principaux au cinéma : il permet au spectateur de croire ce qu’il voit, de situer le lieu et l’époque de l’action à l’écran. Parfois, il crée une ambiance, sous-entend l’action à venir avec une atmosphère, des tons, des objets placés autour des acteurs et des actrices. En tant que cadre de l’action, il doit être choisi avec soin par le chef décorateur et son ou ses assistant(s). Cette opération a lieu en collaboration avec les autres membres de l’équipe technique : réalisateur, chef opérateur, aussi appelé directeur de la photographie45, et d’autres.
Figure 11 : Extrait du générique de fin du film Le Temps retrouvé – Présentation de l’équipe technique chargée des décors.
Si besoin, le décor doit être fabriqué par des constructeurs : les objets et meubles sont alors assemblés par les accessoiristes, peints ou sculptés par un peintre ou un sculpteur. Ci-dessus, le générique montre que pour le film Le Temps retrouvé, il a fallu faire appel à certains d’entre eux, comme c’est souvent le cas lors d’un travail en studio : il faut reconstituer entièrement un lieu et/ou une époque, ici le début du XXème siècle ; mais aussi lorsqu’il faut adapter un lieu au tournage. Pour Patrizia Von Brandenstein, chef décoratrice, « Le boulot du chef déco est de traduire le scénario en langage visuel46 » : il doit y avoir une correspondance entre ces deux éléments. Pour le film Le Temps retrouvé, Raoul Ruiz avait plutôt tendance à donner une ambiance autour de laquelle les décorateurs devaient travailler et faire des propositions. Cependant, certains détails lui tenaient à cœur, comme la vaisselle
45
Le chef opérateur est en charge de déterminer comment éclairer la scène, comment déplacer la caméra, quel cadre filmer, quelles prises de vues retenir. Il coordonne les équipes de caméra, de machinerie et de l’éclairage. 46 ETTEDGUI, (Peter), Les Chefs décorateurs, Paris, La Compagnie du Livre, Collection Les métiers du cinéma, 2000, p. 89. Interview de Patrizia Von Brandenstein, chef décoratrice ayant réalisé les décors pour des films comme Mort ou Vif (1995) de Sam Reimi, ou Amadeus (1984) de Milos Forman, pour lequel elle a obtenu un Oscar.
28
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
décrite par Marcel Proust dans « le pastiche des Goncourt »47. Lorsque Bruno Beaugé a découvert chez un antiquaire le service qui correspondait à la description de Marcel Proust, service qui venait d’être vendu à un acheteur au Japon, il a demandé au nouveau propriétaire l’autorisation de l’utiliser pour le film. L’acquéreur a accepté de retarder l’envoi du service pour qu’il soit utilisé dans la scène du dîner chez les Verdurin48. Cela fait l’objet d’une double page dans le carnet de Gil Mas : on y trouve les pièces du service méticuleusement prises en photo, l’extrait du texte de M. Proust décrivant la vaisselle, le contact de l’antiquaire chez qui le service avait été trouvé, le détail des pièces du service et le plan de la salle à manger du château de Champlâtreux où la séquence a été tournée.
Figure 12 : Les pages 49-50 du carnet de Gil Mas. Le document jaune pâle sur la page de gauche est l’inventaire du service. Les photos de ce dernier sont fixées recto-verso.
47
Episode situé dans le roman pp. 15-23 (édition Gallimard folio classique, 1990). Dans le film, l’épisode se déroule de 00:33:00 à 00:36:50. 48 Op.Cit. p.7. TSEKENIS, (Alexandre) et op.cit. p.8. Annexe n°1, p. 227.
29
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
Figure 13 : Vue des pages 49-50 du carnet avec l’inventaire tourné sur le côté.
L’écrivain, le réalisateur et le décorateur : tous ces créateurs vont donc participer, d’une certaine manière, à l’élaboration du film et influencer les décisions de Gil Mas pendant ses recherches, ce qui va le mener à la confection de son carnet. Le choix de cet outil de travail n’est pas totalement dû au hasard, il découle directement de l’œuvre de Proust. Le carnet, organisé majoritairement par thématique, reflète le travail mené lors de la réalisation du film. C’est ce qui sera étudié dans la deuxième partie.
30
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
II – Le carnet, témoin du projet d’adaptation. Afin d’analyser au mieux l’œuvre en question, le choix du carnet comme support de travail sera d’abord étudié, afin de comprendre en quoi il aide au mieux les recherches menées par Gil Mas pour l’adaptation du film. Puis, ces dernières seront abordées dans un second temps pour éclaircir le projet cinématographique.
1) Le choix du carnet 1.1.
Un outil de travail original ?
Gil Mas a fait le choix de rassembler dans un carnet des feuilles de travail préalablement séparées : dessins*, photocopies de documents historiques, photographies, etc. Avant lui, d’autres décorateurs ont probablement aussi fait le choix de ce média, mais peu de carnets sont présents dans les archives cinématographiques. En effet, il s’agit de documents mêlant support de travail, documents de recherches, notes personnelles et souvenirs de tournage. A la fois composite et usuel, le carnet acquiert un côté intime au fur et à mesure qu’il est rempli par l’artiste. Ce type d’objet tend à être conservé par les auteurs pour les souvenirs auxquels ils sont associés. Les archives de la Cinémathèque française ont été étudiées49 pour savoir si les carnets y étaient très présents. Il ressort de l’analyse que la plupart des dessins de décors archivés ont pour support des feuilles volantes, que ce soit des feuilles à dessin ou des papiers transparents. Certains sont rassemblés dans des classeurs ou des cahiers, ce qui est le support le plus proche d’un carnet. Après discussion avec Mme Delphine Warin, qui travaille aux archives de la Cinémathèque française, les rares carnets conservés sont de petite taille, du type carnet de croquis. La théorie développée est que, si les décorateurs ont travaillé dans des carnets, ils ont la plupart du temps décidé de ne pas transmettre ce support ou ont légué des feuilles séparées du corps principal. L’originalité du l’objet étudié est l’éventail des compétences du métier de décorateur qu’il donne à voir ; pas seulement un projet de décor, mais 49
Voir Annexe n° 4 – Etude d’une partie des archives de la Cinémathèque française, p.231. Cette étude est basée sur un dossier comprenant des plans de décors ainsi que des dessins ou peintures dites maquettes de décor.
31
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
l’organisation matérielle et technique pour leur réalisation, ainsi que les recherches concernant les objets à trouver pour le décor, dont s’occupent le plus souvent les l’ensemblier et l’accessoiriste50. Les décorateurs de cinéma doivent s’adapter à des contraintes particulières : lumière, cadrage des plans pour le tournage des séquences, cohérence entre les différents lieux de tournages pour des scènes qui se suivent, et alt. Le fait que le film tourné soit adapté d’un livre avec un contexte historique particulier, le début du XXème siècle, a également demandé plus de recherches. Il fallait que l’arrière-plan soit compréhensible et logique pour le spectateur par rapport au scénario. La difficulté était accrue par l’adaptation d’un roman de Marcel Proust, connu pour être un écrivain prolifique. De plus, comme l’écrivain s’est inspiré de lieux et personnes réels (dont lui-même) pour son roman, cela voulait dire qu’il fallait tenter de retrouver des lieux semblables à ceux dans lesquels M. Proust avait vécu, se renseigner sur ces derniers pour essayer de les reconstituer tels qu’ils étaient à l’époque, ainsi que chercher des informations sur les mœurs et la vie à l’époque du roman. Bruno Beaugé, l’autre décorateur, raconte dans une interview51 que le nom de Marcel Proust leur a permis d’accéder à des lieux de tournage auxquels ils n’auraient pas eu accès pour un autre film. Il y précise qu’ils ont « essayé d’être le plus proche de l’univers décrit par Proust52. » Cela leur a permis de tourner dans des lieux tels que le château de Champlâtreux et explique également l’organisation plutôt thématique du carnet de M. Mas. Pour certains lieux de tournage, celui-ci a cherché des photographies actuelles et les a mis en correspondance avec des images datant de l’époque de Marcel Proust.
1.2.
L’organisation générale du carnet
Les premières pages du carnet sont organisées en double-pages thématiques, comprenant un dessin de Gil Mas, des photographies de repérages et des photocopies du lieu à l’époque du récit et donc du scénario. Cela peut-être un lieu comme les champignonnières de Carrière-sur-Seine (pp.1-2) ou la plage de Cabourg (pp.3-8). Paradoxalement, le carnet commence par une proposition de décor pour une des dernières scènes du film. La séquence53 en question figure la déambulation souterraine de Marcel Proust à l’âge adulte, mais aussi plus âgé et enfant, dans un 50
L’ensemblier s’occupe de la finalisation du décor, des meubles à fournir par exemple, tandis que l’accessoiriste s’occupe des objets à placer dans les scènes. Op.Cit.p.5. FREY, (Francis), GOLIOT-LETE, (Anne), VANOYE, (Francis), p.92. 51 Op.Cit. p.8. TSEKENIS, (Alexandre), [en ligne]. 52 Idem. 53 Séquence du film entre 02 :27 :21 et 02 :28 :57.
32
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
sous-sol mystérieux, où se côtoient colonnes antiques brisées, sculptures, alcôves, flaques d’eau et gondoles. Pour ce faire, les trois acteurs jouant Marcel Proust, (chacun à un âge différent), sont présents dans une sorte de grotte où la lumière perce. Les personnages se déplacent dans cette espèce de catacombe et débouchent finalement sur une plage de Balbec, près du Grand Hôtel. Cette dernière séquence est comme une réminiscence de l’un des épisodes les plus importants de la vie du narrateur : la rencontre avec Albertine dans A l’ombre des jeunes filles en fleur, rencontre qui s’est produite en ce lieu de vacances et de bons souvenirs.
Figure 14 et 15 : Dessin p.1-2 du carnet ; Plan à 02:27:34 du film.
Les pages suivantes dévoilent davantage des idées de décor et des inspirations pour de futures scènes à tourner : images de Paris pendant la première guerre mondiale, recherches pour le système de changement de papier peint lors de la séquence dans la chambre du narrateur à 00:13:04, où une voix off reprend l’incipit du Temps retrouvé, décrivant les murs de ladite pièce. Parmi les médias les plus utilisés par Gil Mas dans le carnet, on retrouve les photographies en couleurs, les photocopies (en noir et blanc), le dessin combinant feutre noir, aquarelle, crayons de couleurs aquarellables, crayon-cire, et les plans sur papier calque. Type de document présent Photographie
Nombre 94
Type de document présent Papier thermique/tickets de caisse Photocopie 60 Billet d'avion Dessin 10 Carnet imprimé Calque 9 Post-It® Echantillons de tissu 3 Feuille plastique Faux télégrammes 6 Etiquette Carte de visite 4 Carton gris Opercule métallique Tableau 1 : Typologie des documents présents dans les pages du carnet
Nombre 2 2 1 1 1 1 1 1
33
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
La plupart des pages fonctionnent par thème sur les deux feuillets*. Il n’y a que quelques feuilles où ce système est absent, et où chaque page traite un thème différent54. Sur certaines pages du carnet, il est aisé de voir que Gil Mas a aussi utilisé son outil de travail pour conserver des souvenirs du tournage : faux-télégrammes servant d’accessoires, cahier de La jeune fille aux yeux d’or de Balzac ayant servi de support à une scène du film, billet d’avion du voyage à Rome pour rejoindre les studios de Cinecittà, photographies des membres de l’équipe technique ou des tournages en préparation. Comme le carnet lui servait en permanence pour le travail, M Mas l’avait souvent avec lui. Cela lui a permis de regrouper tout ce qui avait trait au film Le Temps retrouvé lors de ses déplacements et du tournage : ce carnet est donc devenu également, pour une part, son carnet de voyage55. Il s’est également inspiré des carnets de Marcel Proust pour insérer des montages se dépliant et se repliant dans les pages, lui permettant ainsi de regrouper certains documents.
1.3.
Les carnets de Marcel Proust
Marcel Proust a principalement travaillé dans des cahiers d’écoliers auxquels il ajoutait des bandes de papiers avec les textes qu’il modifiait, comme a pu le découvrir Gil Mas lors de ses recherches. Le volume du Temps retrouvé par exemple, comporte six carnets manuscrits aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale de France. Ces carnets sont parfois complexes : des pages arrachées dans des cahiers écrits auparavant sont ajoutées à un autre, des « paperolles » sont collées sur les pages du carnet… Les « paperolles » de Marcel Proust consistent en de longs feuillets collés bout à bout, souvent par sa gouvernante et assistante, Céleste Albaret56. Il est probable que ce soit elle qui ait désigné la première ces ajouts de textes sous la dénomination de « paperolle », agacée par leur quantité57. Ils s’ouvrent et se déplient en plus des pages du cahier, afin d’ajouter des informations au premier jet, et peuvent
54
Voir Annexe n° 6 – Sommaire du carnet, p.235-237. Voir Annexe n° 3 – Compte-rendu de l’entretien avec Gil Mas du 31/10/2016, p. 229. 56 Céleste ALBARET (1891-1984) : elle rencontre Marcel Proust en 1914 par le biais de son mari, Odilon Albaret, chauffeur de taxi dont Proust est un client régulier. Elle devient alors la gouvernante de Proust, jusqu’à la fin de la vie ce dernier. Elle l’aide en écrivant à sa place quand il est trop mal pour le faire (scène d’ouverture du film), en rassemblant des informations, et en exauçant les lubies de M. Proust quoi qu’il veuille. Celui-ci était connu pour vivre en décalé : lever dans l’après-midi, déjeuner au moment du dîner, etc. http://proust-personnages.fr/?page_id=4315, consulté le 09/10/17. 57 L’anecdote est évoquée par Guillaume FAU, conservateur au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, lors d’un reportage de France Culture en octobre 2013. https://www.franceculture.fr/litterature/marcel-proust-cote-paperolles-12, consulté le 18/12/17. 55
34
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
mesurer jusqu’à 40cm. Souvent, Marcel Proust écrit sur la page de droite et réserve la page de gauche pour des annotations ou des ajouts de texte supplémentaires.
Paperolles ajoutées par Marcel Proust dans son carnet.
Figure 16 : Détail d’un cahier de brouillon de Marcel Proust avec ajout de « paperolles ».
C’est ce qui a inspiré Gil Mas lors de son travail sur les décors du Temps retrouvé. Il a notamment ajouté une étiquette portant la mention « LXIII (soixante-trois) » sur la couverture de son carnet, comme un clin d’œil aux soixante-deux cahiers de brouillon de Marcel Proust consacrés à l’écriture de La Recherche. Il a ainsi créé une continuité entre son carnet d’étude et l’œuvre romanesque. Actuellement, il existe en totalité soixante-quinze cahiers de brouillon utilisés par Proust, et quatre carnets de notes, conservés à la Bibliothèque nationale de France. Lorsque Gil Mas a décidé d’utiliser un carnet pour rassembler ses documents, à l’image de Proust rassemblant ses idées, il a fait en sorte de créer des pliages et des correspondances entre les documents, de façon à ajouter des informations à celles d’abord présentes sur les pages, imitant ainsi les paperolles de l’écrivain. Les montages avec les rubans adhésifs lui permettaient d’ajouter des documents dans les pages de façon à le déplier et à avoir une vision d’ensemble de la double page.
Figure 17 : pages 3 et 4 du carnet, avec les documents ouverts de deux façons.
35
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
La figure 17 montre une double page illustrant cet exemple : la photo fixée au verso du dessin correspond à la vue réelle de l’hôtel de Cabourg ayant servi de modèle à Marcel Proust pour Balbec. Les photocopies correspondent au lieu à l’époque où Proust le fréquentait. Enfin, le dessin de Gil Mas donne l’ambiance et le décor créé pour le tournage selon les indications de Bruno Beaugé et Raoul Ruiz. Gil Mas a travaillé avec des carnets pour deux autres films par la suite (Les âmes fortes, de Raoul Ruiz, et Ordo, de Laurence Ferreira-Barbosa), mais selon ses mots, aucun d’entre eux n’étaient « aussi intéressants58 » comme objet après le rassemblement de tous les documents et le tournage du film. C’est aussi l’une des raisons qui l’a poussé à faire don de son carnet à la Cinémathèque française au printemps 2016. En effet, à cette période, une rétrospective de l’œuvre cinématographique de Raoul Ruiz a été organisée. Après en avoir entendu parler, Gil Mas a décidé de proposer le carnet de travail, dont ce mémoire fait l’objet, comme don pour les archives de l’institution, laquelle a accepté.
2) Les recherches effectuées : du livre à l’écran 2.1. Reconstituer une époque Comme il s’agit de l’adaptation d’un roman dont l’histoire se déroule à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, Gil Mas a fait tout d’abord des recherches sur l’époque où se passe le scénario ainsi que sur Marcel Proust, celui-ci s’étant inspiré de sa propre vie pour écrire ses romans. Il a rassemblé des photocopies de photographies des lieux où le tournage allait être réalisé comme la plage de Cabourg à l’époque évoquée par Marcel Proust. La difficulté réside dans le fait que Proust évoque, en parallèle, un endroit à différentes époques de sa vie sans parfois donner plus d’informations. Le récit glisse donc en un même décor à une autre époque, sans que cela soit immédiatement visible pour le lecteur. Il est donc nécessaire d’avoir comme inspiration des sites qu’il a connus, à l’époque où l’anecdote qui s’y déroule a eu lieu. Les photocopies, au nombre de quarante-huit, sont pour quatorze d’entre elles des photos de rues de Paris avant et pendant la première guerre mondiale. Cela permet à Gil Mas de repérer l’ambiance, la vie populaire et les pratiques à cette époque. Dix autres sont également des photographies de lieux dans lesquels Gil Mas a repéré des éléments pouvant servir aux décors : carriole, chandelier… Ces 58
Voir Annexe n°5 – Correspondance électronique avec Gil Mas – Mail du 06/11/2017, p.232.
36
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
éléments seront intégrés dans des scènes, en arrière-plan, pour donner plus de véracité aux séquences du film. Quatre des photocopies sont des plans de sites ayant servi au tournage. Enfin, douze des images sont des reproductions de publicités de produits du début du XXème siècle, tels que le « Radiumnite ». On retrouve certaines d’entre elles dans des décors juste derrière les acteurs. Ainsi, la publicité pour la « photographie à travers les corps », trouvée p. 73, est présente dans la scène du film dans laquelle Morel59 croise Monsieur de Charlus par hasard, scène située à 01:07:07.
Figure 18 : Détail de la scène à 01:07:07 et reproduction à la p.73 du carnet.
D’après l’étude des plans de travail présents aux pages 52 et 86 du carnet60, les recherches de Gil Mas ne suivent que peu l’ordre du tournage des scènes et encore moins l’ordre des séquences dans le film. Comme dit précédemment, le premier dessin du carnet propose un décor pour les salles souterraines présentes à la fin du film, tandis que les pages suivantes sont des études pour les séquences tournées à Cabourg. Or, ce moment du
tournage
était
l’un
des
derniers
dans
l’organisation du planning et les scènes sont présentes plutôt en milieu et fin de film. Le carnet est donc organisé en fonction de l’ordre de ses recherches. Aussi, sur certaines pages, des documents ont été collés sur
des pages
préalablement annotées. Comme Gil Mas n’a pas jugé ces informations importantes, il a donc réutilisé sa page.
Figure 19 : Détail de la page 47. Dessin de Marcello Mazzarella et photos prises à Rome, à Cinecittà.
59
Personnage de La Recherche. Musicien et ancien amant de M. de Charlus à ce moment de l’histoire. 60 Voir Annexe n° 7 - Synthèse des plans de travails trouvés aux pages 52 et 86 du carnet, 238.
37
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
2.2. Traduire une écriture Adapter Proust, ce n’est pas seulement raconter les évènements situés dans un temps et un espace défini et faire jouer aux personnages les moments de dialogue du roman. D’ailleurs, le volume du Temps retrouvé est le livre le plus théorique de La Recherche. L’auteur digresse énormément et finit par développer une théorie sur l’Art et les œuvres d’art qui est une des révélations finales de cette recherche. Raoul Ruiz a cherché à introduire son univers en parallèle à celui du Proust, ce qui parvient à faire douter le spectateur de la réalité qu’il voit et renvoie à la subjectivité du narrateur. Cette fusion des deux univers se joue notamment dans le décor et les accessoires utilisés pour le film. Les premières séquences sont les plus surréalistes et ne paraissent pas liées les unes aux autres. Ainsi, les scènes tournées dans la chambre du narrateur ont été réalisées en studio afin de pouvoir créer des effets de trucages comme les affectionnait Raoul Ruiz. Celui-ci admirait Georges Méliès61 dont les trucages et les effets sont mondialement connus. Le fait de monter en studio la chambre de Marcel Proust62 malade à la fin de sa vie permet de jouer sur des éléments mobiles tels que des meubles qui se déplacent seuls dans le champ* de la caméra, ce qui retranscrit ainsi la fièvre du narrateur à l’écran. Le spectateur n’est plus certain de ce qu’il voit63, les séquences s’enchaînent et le narrateur y est, tour à tour, enfant, adulte. Il est également
confronté
à
des
personnages
présents tout au long de sa vie, et pense avoir vu Robert de Saint-Loup. Les choix effectués illustrent parfaitement Figure 20 : Détail de la page de garde du carnet, dite page 0.
cette citation de Ken Adam, « Le décor sert les
61
Georges Méliès (1861-1938) : illusionniste et réalisateur français, pionnier dans l’histoire du cinéma. C’est le père des trucages et des « effets spéciaux ». C’est également le premier à avoir tourné en studio, concept et lieu qu’il a inventé et fait construire pour ses propres besoins. 62 La phrase prononcée par André Engel, l’acteur du narrateur vieilli, « si je passe cette nuit, [demain], je prouverai aux médecins que je suis plus fort qu’eux » est l’une des dernières phrases prononcées par Marcel Proust avant sa dernière nuit. Ici, la confusion entre Marcel Proust et le narrateur est reprise par Raoul Ruiz. Elle est présente à plusieurs reprises dans La Recherche, par le fait que Proust s’inspire de sa propre vie. ALBARET, (Céleste), BELMONT, (Georges) (contributeur), Monsieur Proust, Paris, Robert Laffont, collection DOCUMENTO, 2014, p. 421. 63 CYPRES, (Amandine), « Dis(ap)paritions : Le Temps retrouvé, de Proust à Ruiz », [s.l.] Babel, n°13, 2006, p.290.
38
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
intérêts de l’histoire64 ». Ici, les éléments ajoutés tels que les statues, omniprésentes dans quasiment toutes les séquences du film, créent un sens sous-jacent illustrant la théorie de Marcel Proust. Celle-ci affirme que l’Art est issu du passé, mais fait le lien avec le présent : par l’expérience que l’on en fait par les sens, on peut le faire revivre pour un temps. L’œuvre d’art est donc un support déclencheur de la mémoire involontaire telle que décrite par Proust. De plus, le temps est une expérience subjective, et chacun en a une perception propre. Mais l’Art est une chose commune à tous les êtres, il est présent à toutes les époques, même si les créations et les interprétations dépendent des personnes et des cultures. Raoul Ruiz a donc demandé aux décorateurs de placer de nombreuses sculptures dans le décor des scènes, en faisant varier leur taille, parfois leur emplacement. La première page du carnet comporte une photographie de la Vénus Callipyge avec la mention « 60 cachets » : c’est le nombre de jours où l’objet a été utilisé lors du tournage. Cette Vénus illustre le choix de reprendre des œuvres connues, qui parlent à un public assez large. Le procédé de la mémoire involontaire qui permet à Proust de changer de lieu et d’époque dans son récit s’explique ainsi : un son, une odeur, une saveur, un objet, rappelle au narrateur un souvenir qu’il se met à relater. Ruiz utilise donc des éléments de décors comme la statue, le livre de George Sand François le Champi65, une gravure, etc. pour créer des liens entre des séquences n’en ayant pas, selon les apparences premières.
3) Le côté technique : organiser la préparation des décors 3.1. Planning et organisations Le rôle du décorateur peut être résumé à l’établissement et la gestion de budgets et devis, la création des décors en rapport avec ceux-ci et la supervision des travaux. Si une scène ne peut être réalisée en décor naturel, il faut pouvoir la tourner en studio et établir un plan d’action valable et respectant le budget66. Pour le film Le
64
Op.Cit. p.8. ETTEDGUI, (Peter), p.37. Interview de Ken Adam, décorateur ayant travaillé sur les décors de nombreux films de la série James Bond, mais aussi avec des réalisateurs tels que Stanley Kubrick. 65 Episode de la bibliothèque lors de la matinée chez la princesse de Guermantes. Voir Annexe N°8 : Résumé du Temps retrouvé, 239. 66 Op.Cit. p.8. ETTEDGUI, (Peter). p.73. Interview de Stuart Craig, chef décorateur ayant réalisé de nombreux films historiques : Gandhi (1982) de Richard Attenborough, Mission (1986) de Roland Joffé, ou encore Les Liaisons dangereuses (1988) de Stephen Frears par exemple.
39
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
Temps retrouvé, seules quelques séquences ont été tournées en studio : la vue de Combray, la chambre du narrateur à Tansonville et la chambre rue Hamelin. Toutes les autres séquences ont été tournées en extérieur ou en décor naturel, la plupart à Paris ou en région parisienne élargie. De nombreuses notes de Gil Mas font référence à l’aménagement de tel ou tel décor : dessin technique pour analyser le décor naturel et évoquer les possibilités quant à l’aménagement du lieu, photographies de repérage, nom de personnes à consulter pour la location de tels ou tels éléments… Les sociétés de production ont des stocks de décors et d’accessoire en général : c’était le cas pour la société Gemini Films. Une note à la p.21 du carnet indique l’existence de ces stocks. Le décorateur commence donc à travailler en amont du tournage, pour que les décors soient prêts. La création des décors peut conditionner l’ordre de tournage des séquences : si un décor est plus long à construire, cela peut décaler le planning de travail. Ainsi, les scènes filmées à Cinecittà67 à Rome, en Italie, devaient être parmi les premières à être tournées. Or, elles ont été reportées en fin de tournage, à la fin du mois de février (le tournage ayant lieu de novembre 1998 à février 1999). Les plannings d’organisation du carnet indiquent que l’équipe était réduite pour ces scènes. Ce facteur, ainsi que le déplacement à Rome, ont eu pour conséquence la prévision du voyage en début ou en fin de tournage. Il est probable que des évènements imprévus aient obligé l’équipe à s’organiser autrement, d’où le changement de l’ordre de tournage des scènes à Cinecittà, qui se sont déroulées de novembre 1998 à février 1999. Dans la même logique, les séquences tournées au même endroit sont filmées les unes après les autres de façon groupée. Ainsi, le plan du château de Ferrières68 p. 69, montre bien cette organisation. Gil Mas y a surligné les salles qui l’intéressaient en annotant à côté quelle séquence y seraient tournées et, parfois, quel jour de la semaine. Cela lui a permis aussi d’envisager quelle salle devait être prête la première au niveau de l’installation technique en plus de celle des décors (voir p.24). On peut remarquer, dans la scène du salon de l’hôtel Jupien (en bas à gauche p.24), qu’une partie du décor conçu pour une scène du théâtre (dessin p.9 du carnet) a été utilisé : le rideau drapé rouge en arrière-plan, avec les deux statues éclairant la
67
Cinecittà : complexe de studios de cinéma construits en 1937 à Rome. Château de Ferrières : ancienne demeure construite pour le baron James de Rothschild entre 1855 et 1859. Il est inauguré en 1862 par Napoléon III. Il passe au cours du XX ème siècle en possession de l’Etat. Il a servi de décor pour divers films. Max et Jacques Douy en parlent dans leur livre Décors de cinéma : un siècle de studios français. 68
40
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
scène. La scène de théâtre n’a pas été tournée finalement, mais des éléments de décors ont été insérés dans d’autres scènes.
Drapé
Statue portant un flambeau
Figure 21 : Dessin conçu pour une scène de théâtre (p.9 du carnet) et plan du film à 1:11:00 – séquence de l’hôtel Jupien.
41
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
Indications des séquences correspondant au lieu
Indications des séquences tournées le mercredi, jeudi et vendredi
Figure 22 : Plan de Ferrières p. 69, et scènes du film correspondantes aux annotations de lieux utilisés. Scène en haut à gauche : 0’47’’50. Scène en haut à droite : 0’44’’33. Scène en bas à gauche : 1’11’’00. Scène en bas à droite : 1’14’’18.
42
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
Deux plannings de travail sont présents dans le carnet : le premier d’entre eux date du 09 novembre 1998, le second du 22 décembre 1998. Ce dernier est une mise à jour du premier. Les deux affichent un calendrier avec les thèmes des séquences tournées selon les jours et les lieux de tournage. La liste des acteurs et actrices est aussi présente et chacun sait sur quelle séquence il doit être présent, que ce soit les acteurs principaux, les figurants, ou les membres de l’équipe technique. Cela permet aussi à l’équipe technique chargée des décors de prévoir l’installation de ceux-ci à temps. Des notes de Gil Mas indiquent que l’équipe est parfois divisée en deux groupes : pendant que l’un assure la finalisation des décors pour la prochaine séquence l’autre prend en charge la désinstallation des décors. Il faut aussi embaucher des personnes qui vont installer ou garder le décor en place sur le site. Ainsi, pour le tournage à Cabourg, il a fallu prévoir de la main d’œuvre et du gardiennage pour préserver le décor contre le vandalisme. A la p. 97 du carnet, on trouve le devis réalisé par la société de la plage de Cabourg pour la location de matériel, la peinture de façades, la manutention des sols et la main d’œuvre, daté du 08/10/1998, soit cinq mois avant le tournage des scènes et deux mois avant le début du tournage. Cela témoigne de l’organisation des décorateurs pour anticiper les éléments dont ils auraient besoin.
3.2. Mise en place et rassemblement de matériel Afin de mettre en place le planning et l’organisation du tournage, les décorateurs doivent savoir ce dont ils ont besoin pour chaque décor. Cela occasionne des listes de matériel divers et varié : plantes, valises, carrioles, etc. Mais aussi la mention de nombreuses personnes à contacter : responsables de lieux loués, de studios, de services techniques, de peintres, … Chaque séquence et décor différent apporte son lot de besoins et de listes de choses à faire pour adapter les lieux à la vision du réalisateur. Pour ce faire, Gil Mas a compilé, sur certaines pages, les informations dont il avait besoin : matériel nécessaire, schéma le représentant, contact de la personne qui le fournit, impératifs de dates et d’horaires. Par exemple, une double page du carnet est dédiée aux plantes nécessaires pour le décor du tournage à Cabourg. A gauche, sont présents des croquis de plantes avec leur nom et les dimensions qu’elles doivent avoir. A droite, la liste des espèces est présente à côté de la carte de visite d’une des personnes responsables. Un aide-mémoire annonce qu’il faut rentrer les plantes le soir et une ligne, en bas de page, indique l’heure et le jour du rendu des plantes ainsi que la date finale d’occupation des lieux
43
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
du tournage. Ce type de double page est récurrent dans le carnet puisque Gil Mas devait y penser.
Figure 23 : Double-page consacrée aux plantes pour le décor à Cabourg. (pp. 97-98 du carnet).
C’est aussi cet exemple qui résume le rôle du décorateur pour le film du Temps retrouvé : dessins techniques, liste de matériel, organisation de planning et devis. Cela montre la variété des tâches dont le décorateur et son assistant doivent s’occuper en parallèle de la simple création des décors et de la planification de la réalisation de ceux-ci.
44
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
CONCLUSION L’étude de ce carnet a permis de comprendre la complexité de l’adaptation d’un livre en film et de la création de décors pour ce film. La difficulté est accrue par le contexte historique du récit, qui se déroule à la charnière entre le XIXème et le XXème siècle. En comprenant l’œuvre littéraire adaptée et son auteur et l’importance du rôle du réalisateur, le rôle du décorateur apparaît plus clairement. Cela passe par l’étude du roman, de l’époque où il se déroule, de la vie populaire, des évènements historiques évoqués par le récit, et de ceux ayant eu lieu lorsque l’auteur écrivait le récit. Mais il est aussi nécessaire de travailler en équipe afin d’adapter la vision du réalisateur aux difficultés techniques, au budget et aux éléments disponibles. De plus, le carnet a été réalisé en s’inspirant des cahiers et paperolles de Marcel Proust tout en conservant un aspect pratique. Cela explique les multiples montages et ajouts de documents dans les doubles pages thématiques. Cet aspect a été voulu par Gil Mas et doit donc être conservé par la suite. Ce carnet de travail est absolument unique et ne montre qu’une partie du travail du décorateur au cinéma, qui doit associer capacités créatives et techniques, tout en étant très organisé. Au travers de ce carnet, on peut comprendre que Raoul Ruiz n’a pas cherché une simple adaptation du livre avec la retranscription des dialogues, des personnages et des lieux. Il est allé au-delà en intégrant des éléments de décors et de procédés techniques qui ont interprété le texte proustien de façon cinématographique et ruizienne tout en créant une nouvelle dimension, plus obscure et cachée dans l’œuvre filmique. Le rôle de Gil Mas et Bruno Beaugé, en tant que décorateurs, était donc primordial dans la réalisation du projet d’adaptation du livre en film, et ce carnet en est le témoin.
45
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
SECONDE PARTIE :
CONSERVATION-RESTAURATION
46
Alexia LOVEIKO
Spécialité Arts graphiques
INTRODUCTION
L’étude historique a éclairé le rattachement du carnet à une valeur d’usage69, ce qui nous a permis de mieux comprendre en quoi sa restauration était importante. C’est la diversité de ses matériaux et techniques qui nous a d’abord intéressés : photocopies, dessins, photographies, etc., collés et fixés par des morceaux de rubans adhésifs dans les pages du carnet. Il présentait cependant un inconvénient majeur : il était difficilement manipulable et chaque manipulation entraînait de nouvelles altérations et tensions. En effet, des résidus d’adhésif étaient présents sur presque la totalité des pages du carnet et entre les documents des pages. La présence de matériaux divers en contact les uns avec les autres était réellement intéressante à étudier pour comprendre les interactions pouvant exister entre eux. Enfin, comme les matériaux et techniques en présence étaient contemporains, la restauration du carnet exigeait de nombreux tests et la collaboration avec des restaurateurs d’autres spécialités telles que la photographie, les livres, ou le textile. La présentation de cette partie de conservation et restauration s’articulera en sept grandes parties : -
l’étude des matériaux et techniques du carnet,
-
le constat d’état soit l’inventaire des différentes altérations en présence,
-
le diagnostic et le pronostic de l’œuvre,
-
les traitements proposés,
-
le rapport de traitement. Un autre chapitre sera ensuite dédié à la conservation du bien culturel dans
les archives ainsi qu’à un projet de numérisation du carnet.
69
En restauration d’art, la valeur d’usage est une notion développée par Aloïs Riegl en 1903 dans Le Culte moderne des monuments. Elle correspond à l’intérêt de l’objet dans la fonction qu’il peut occuper actuellement, dans ce cas-ci un document d’archive. BERGEON LANGLE, (Ségolène), BRUNEL, (Georges), La restauration des œuvres d’art : Vade-mecum en quelques mots, Paris, Hermann Editeurs, 2014, pp. 424-425.
47
I - ETUDE DES MATERIAUX ET TECHNIQUES DE L’ŒUVRE Avant de pouvoir proposer ou non un traitement pour le carnet, il faut tout d’abord connaître et comprendre les matériaux et les techniques qui le composent. Cette étude du carnet sera séparée en deux parties : une description générale de l’ouvrage, puis une description détaillée des matériaux et techniques constitutifs de l’objet. Pour faciliter la lecture, nous aborderons la reliure séparément du corps d’ouvrage, celuici ayant plus d’importance et contenant plus d’informations. Avant toute intervention, pour simplifier le repérage des altérations, les pages du carnet ont été numérotées au crayon graphite, permettant ainsi de savoir exactement où se trouvaient quels documents.
1. Description de la constitution générale du carnet 1.1 Description de la reliure D’après son apparence, ce carnet a été fabriqué industriellement. Le témoignage de Gil Mas70 confirme qu’il l’a acheté dans le commerce et s’en est servi pour compiler ses documents et ses notes de travail lors de la préparation et du tournage du film Le Temps retrouvé71. Ce dernier a été réalisé entre la fin de l’année 1998 et les premiers mois de 1999, aussi le carnet a probablement été produit dans les années 1990. La couvrure*72 du carnet est en simili-cuir* noir et le papier des gardes* et du corps d’ouvrage est blanc. Gil Mas a rajouté sur le plat* supérieur du carnet une étiquette rectangulaire mention
octogonale
« LXIII
portant
la
(soixante-trois) »,
en
référence73 aux carnets de travail de Marcel Proust, du nombre de soixantedeux pour La Recherche, dont il s’est inspiré lors de ses recherches pour préparer le film. Figure 24 : Détail de l’étiquette collée sur le plat supérieur du carnet. 70
Voir Annexe n°3 – Entretien avec Gil Mas du 31/10/2016, p. 229. Le temps retrouvé : film réalisé par Raoul Ruiz, sorti en 1999, d’après le livre éponyme de Marcel Proust. 72 Voir Annexe n°9 – Vocabulaire du livre, p. 243, et le glossaire p. 210. 73 Idem note 70. 71
50
1.2 Description du bloc-texte Le bloc-texte74 est constitué de onze cahiers de papier blanc, chacun composé de six bifeuillets excepté le premier et le dernier, constitués de quatre bifeuillets. Sur les quatre-vingt-neuf feuilles du carnet, trente-deux sont encore vierges, les autres ayant été utilisées pour coller des documents, noter des informations, dessiner des plans ou autres. Les documents collés et attachés sur les pages du carnet sont variés : photographies, dessins, photocopies, plans, papiers calques, tickets de caisses, Post-It®, étiquettes, échantillons de tissus, morceaux de billets d’avion, etc. Ils sont pour la plupart collés directement sur les pages du carnet, ou parfois sur d’autres documents. Le plus souvent, du ruban adhésif a été utilisé pour maintenir les différents documents, ainsi que pour rattacher une page détachée du corps d’ouvrage. Comme
vu
dans
l’étude
historique75,
les
montages témoignent de la façon de travailler du décorateur, des différentes étapes dans son carnet de travail. Ils font le lien entre les différents documents à disposition de l’artiste et lui permettant de réaliser ses décors. Par exemple, près d’un dessin d’ambiance de carrières de pierre, des photographies du lieu choisi ont été ajoutées afin de permettre le lien entre la réalité et l’objectif de décor, ce qui permet de comprendre les besoins techniques pour réaliser cette scène. Aussi ils présentent un intérêt particulier dans le cadre de la conservation et de la restauration du carnet.
74 75
Figure 25 : Détail de la coiffe inférieure du carnet.
Le bloc-texte représente ici les pages du carnet ainsi que les divers documents rattachés à celles-ci. Voir la première partie, Etude historique. II – 1.3. Les carnets de Marcel Proust, p.37.
51
2. Matériaux et techniques constitutifs du carnet 2.1.
Technique et matériaux constitutifs de la reliure
Ce carnet, fabriqué industriellement, mesure 29 cm de hauteur pour 22 cm de largeur et 5 cm à son épaisseur la plus grande. En effet, le volume original du bloctexte* a augmenté sous l’ajout de nombreux documents entre les pages du carnet.
2.1.1. La structure du carnet Le carnet est constitué selon une technique similaire à celle d’un bradel*76. La couverture est assemblée à part du corps d’ouvrage et liée à celui-ci par une technique d’emboitage. Les cahiers sont cousus par une couture de brochure et non de reliure comme ce serait le cas pour un bradel. Le collage des gardes permet de maintenir le bloc-texte et la couverture. Le dos long n’est pas collé aux cahiers et il est dit « brisé »77. Les charnières* externes sont typiques de ce genre de procédé, elles forment un creux visible sur la couvrure entre le dos et les plats et facilitent
TRANCHEFILE
CARTE A DOS
PLAT
REMPLI*
Figure 26 : Modèle de la composition et du vocabulaire d’un livre monté par emboitage. 76
« Du nom du relieur Pierre-Alexis Bradel qui introduisit ce cartonnage en France. Reliure dans laquelle le bloc des cahiers cousus est emboîté dans un cartonnage léger, les plats étant séparés du dos par une gorge longitudinale au lieu d’être poussés dans les mors. » in FOUCHE, (Pascal), PECHOIN, (Daniel) et SCHUWER, (Philippe) (DIR.), Dictionnaire encyclopédique du livre, Vol.1. A-D, Electre Editions du Cercle de la Librairie, 2002, p. 380. 77 Reliure à dos brisé : elles sont dites à dos brisé parce qu’à l'ouverture du livre, le dos du bloc-texte se sépare du dos de la reliure. http://www.cnrtl.fr/definition/reliure, consulté le 24/04/18.
52
l’ouverture du livre. Sur ce carnet elles sont peu visibles à cause de la déformation du corps d’ouvrage. Le carnet est composé de plats en cartons recouverts de simili-cuir noir collé en plein à l’aide de colle industrielle synthétique, probablement de type acrylique ou polyacétate de vinyle (PVA). Ce même adhésif a sans doute aussi été utilisé pour encoller le dos du bloc-texte ainsi que la carte composant le dos de la couverture. Le bloc-texte est, quant à lui, composé de cahiers de papier industriel blanc, cousus à l’aide d’un fil blanc en fibre synthétique, la couture étant du type brochure. Ces différents éléments seront pour la plupart analysés ci-dessous. L’apprêture est composée de papier légèrement cartonné (voir figure 27). La carte collée en renforcement du dos est de couleur crème, et semble être faite de pâte à papier industrielle traitée chimiquement. Les tranches ne sont pas décorées. Des tranchefiles industrielles dites comètes, de couleur blanche, sont visibles en tête et en queue du dos. Il n’y a pas de signet, et les gardes sont blanches et cousues dans le bloc-texte. La couture est une couture de brochure à 10 trous. Il n’y a pas d’éléments codicologiques annexes.
2.1.2. Le matériau de couvrure La couvrure du bradel est un papier recouvert de simili-cuir78 noir imitant l’aspect de surface de certains cuirs grainés à la manière des percalines79 d’autrefois. Ce matériau recouvre la totalité des plats, et ne porte pas de décors, hormis une étiquette sur le plat supérieur, portant la mention « LXIII (Soixante-trois) ». L’aspect des déchirures* et la texture du matériau laissent penser qu’il s’agit d’un polymère. Selon les recherches effectuées, il pourrait être question de polychlorure de vinyle et/ou de polyuréthane80, coulé à chaud sur une feuille de papier et pressé avec un motif imitant le grain de certains cuirs. Le cuir artificiel peut être composé de quatre couches81
78
La désignation simili-cuir désigne un matériau de substitution pour le cuir, généralement obtenu à partir de polymères synthétiques moulé sur un textile. TORAY INDUSTRIES, INC., 1975, Synthetic Leather and method of preparing the same, OKAZAKI, (Kaoru), HIGUCHI, (Akira), IMAEDA, (Naoki), United States Patents, US 3873406, p. 1. Des recherches sont menées dès le 18ème siècle pour créer un cuir artificiel afin de remplacer celui d’origine animal, plus coûteux. THOMSON, (Roy), « From pottery to skivertex : alternatives to leather », in Actes des troisièmes journées internationals d’études de l’ARSAG, Paris, 1997, et the Leather Conservation Centre, Northampton, United Kingdom, p. 79. 79 « Toile fine de coton au fil rond et au tissu très ras et très serré, légère et lustrée, utilisée en reliure industrielle pour recouvrir les cartonnages d’éditeurs. » in FOUCHE, (Pascal), PECHOIN, (Daniel) et SCHUWER, (Philippe) (DIR.) Op.Cit. note 6. p. 380. 80 KINGE, (A.P.), LANDAGE, (S.M.), WASID, (A.I.), “Nonwoven for artificial leather” in International Journal of advanced Research in Engineering and Applied Sciences, Vol.2, N°2, février 2018, p. 25. 81 Idem.
53
superposées les unes aux autres. Le premier élément est un substrat fibreux, sur lequel est posée une strate de polymère comprenant de fines particules inorganiques composant le deuxième matériau en présence. Une couche plus fine composée à 80% de polyuréthane (en poids) est apposée par la suite, avant la couche de finition elle aussi composée à 80% de polyuréthane (en poids). Les différentes strates peuvent mesurer de quelques micromètres à quelques millimètres selon les usages prévus pour le matériau par la suite. Cependant, les informations trouvées sur ce matériau sont plutôt orientées sur l’usage textile qu’il est possible d’en faire. Le papier étant proche du textile par certains aspects (souplesse, matériau fibreux plat et fin tissé ou non-tissé), nous avons considéré qu’il était probable que les méthodes de fabrication soient similaires dans les grandes étapes.
2.1.3. Les plats et la carte à dos
Les plats du carnet et la carte à dos ont été fabriqués industriellement. Ils sont composés de carton gris probablement réalisé à partir d’une pâte à papier issue de bois (feuillus et résineux le plus souvent) traitée chimiquement82. De façon générale dans l’industrie papetière contemporaine, les cartons et papiers sont majoritairement
Figure 27 : Détail de la déchirure de la charnière interne supérieure, laissant apercevoir le plat et la carte à dos. 82
Voir Annexe n° 10 - Schéma du procédé de fabrication industrielle d’une feuille de papier, p. 244.
54
fabriqués à partir de cette pâte à papier, puisque le procédé permet d’éliminer des composés indésirables du bois tels que la lignine83. Il est donc très probable que les cartons du carnet aient été fabriqués à partir de ce type de pâte à papier.
2.2.
Matériaux constitutifs du bloc-texte
D’après les observations visuelles effectuées, le corps d’ouvrage est formé de feuillets de papier vélin blanc, probablement constitués de pâte de bois traitée chimiquement84. En effet, l’industrie papetière actuelle utilise principalement cette matière première85 et cette méthode de production pour les papiers dits « d’impression-écriture86 ». Le procédé au bisulfite est souvent évoqué. L’analyse des fibres au microscope optique (grossissement x40, voir figure 29) a permis d’observer87 par comparaison que la pâte de ce papier était constituée d’un mélange de fibres de bois de résineux et de bois de feuillus : cela s’explique par le mélange de pâtes de différentes origines afin de diminuer les coûts de production88. Les fibres présentent les mêmes apparences que celle de bois de résineux et de feuillus. Les feuillets sont lisses et ne présentent pas de morceaux de fibres plus foncés comme on peut le voir
souvent
avec
des
pâtes
traitées
mécaniquement : le traitement chimique permet notamment d’éliminer la lignine et l’on parle alors de « papier sans bois ».
Figure 28 : Détail de l’angle inférieur de la page 14 du carnet.
83
Ce polymère phénolique est l’un des composants majeurs des végétaux et leur apporte de la rigidité, mais il est très sensible aux agents extérieurs comme la lumière à laquelle il s’oxyde rapidement. S’il reste incorporé dans la pâte à papier, une fois la feuille formée, celle-ci est plus sensible à cette source d’altération. LIENARDY, (Anne), VAN DAMME, (Philippe), Inter Folia : manuel de conservation et de restauration du papier, Bruxelles, Institut royal du patrimoine artistique, 1989, p. 72. 84 GIOVANNINI, (Andrea), De tutela librorum, Baden, Hier + jetzt, Verlag für Kultur und Geschichte, 2010, p. 121. 85 BAJON, (Catherine), REIS, (Danièle), VIAN, (Brigitte), Le monde des fibres, Paris, Editions Belin, p. 155. 86 Idem. p. 210. 87 AITKEN, (Y.), CADEL, (F.), VOILLOT, (C.), Constituants fibreux des pates papiers et cartons. Pratique de l’analyse, Grenoble, Centre Technique du Papier ; St Martin d'Hères : Ecole Française de Papèterie et des Industries Graphiques, 1988, p.14. Images de comparaisons : figure 30 issue de la page 97 et figure 31 de la page 73. 88 Ibid. p. 202.
55
L’observation sous rayons ultraviolets montre que le papier est très blanc, ce qui indique un possible blanchiment du papier, procédé courant dans l’industrie papetière actuelle89, ou bien l’utilisation d’azurants optiques ou l’ajout de charges minérales90. Ces procédés permettent d’améliorer l’opacité et la couleur du papier pour de futures impressions et sont couramment utilisés dans la fabrication industrielle de papier au XXème siècle. Les azurants optiques sont des éléments colorés bleus insérés en très petite quantité permettant d’obtenir un blanc plus pur par leur ajout dans une pâte à papier91. Figure 29 : Fibres du papier du corps d’ouvrage observées sous grossissement au microscope (x250)
Figure 30 : Fibres de bois de feuillus. (Grossissement x100).
Figure 31 : Fibres de bois de compression (résineux), cassures dans la couche S2 de la paroi secondaire. (Grossissement x 250).
89
Loc. Cit. Les charges minérales les plus courantes sont le carbonate de calcium, le marbre ou le kaolin. Op. cit. BAJON, (Catherine), REIS, (Danièle), VIAN, (Brigitte). p. 175. 91 Loc.Cit. 90
56
L’encollage des papiers d’écriture contemporains est réalisé dans la masse, et leurs grammages sont situés entre 60g.m-2 et 160g.m-2. Le papier du bloc-texte semble être autour de 90g.m-2 et 100g.m-2. C’est dans les pages du carnet que de nombreux documents (photocopies, photographies, dessins) ont été collés à l’aide de ruban autocollant ou d’adhésif.
3. Description des types de montage dans le bloc-texte
3.1.
Les montages principaux
Les documents ajoutés au carnet sont fixés dans celui-ci de différentes façons92, regroupant colle, différents rubans autocollants et agrafes. Quasiment toutes les photocopies, par exemple, sont collées sur les pages grâce à une colle inconnue utilisée sur leur verso. A l’inverse, quasiment toutes les photographies sont maintenues par des morceaux de ruban adhésif situés à divers endroits de leur périphérie. Les schémas suivants prévalent pour les photographies fixées directement sur les pages du carnet. Voici les principaux types de montages :
Schéma 1 : Fixation aux quatre angles.
Schéma 3 : Fixation par les bords supérieur et inférieur.
Schéma 2 : Fixation sur les quatre bords.
Schéma 4 : Fixation par les bords latéraux.
Figure 32 : Différentes configurations de montage pour les photographies comprises dans le carnet. 92
Voir annexe n°11 - Tableau récapitulatif des types d’attaches par type de document, p. 245-246.
57
Certaines photographies ont été fixées les unes aux autres par des bandes autoadhésives de façon à les ouvrir en les dépliant (voir figure 32). D’autres sont fixées au verso d’une première photographie, elle-même rattachée au carnet par une bande de ruban adhésif. Les dessins rajoutés dans le carnet sont pliés en deux et une de leur moitié est collée sur le carnet tandis que l’autre partie reste volante. Le verso de cette partie a été utilisé pour apporter des indications sur le dessin comme le lieu représenté, et aussi pour ajouter une photographie en lien avec le dessin. Les papiers calques et autres documents sont pour la plupart scotchés sur un de leur bord complet au centre des deux pages ou sur un des bords latéraux (voir figure 33).
Figure 33 : vue des pages 7 et 8 du carnet, avec le montage de photographies (page gauche) fermé tout comme le papier calque (page droite).
Figure 34 : Montages des photographies et du calque (pages 7-8 du carnet) ouverts.
58
Figure 35 : Dessin collé p. 7 du carnet ouvert, dévoilant un autre schéma sur papier calque scotché sur le bord gauche.
Quelques documents sont eux attachés par des agrafes métalliques. Parmi eux, le cahier comprenant l’extrait du livre de Balzac, p.14, la facture de la plage de Cabourg, p. 97, et d’autres. Certaines photographies portent les marques d’anciennes d’agrafes mais ne sont pas rattachées au carnet par ce moyen. La plupart des agrafes maintiennent les documents en combinaison avec une autre technique telle que des points de colle ou encore des pièces de ruban adhésif.
Récapitulatif des types d'attaches présents Nombre de documents concernés Ruban adhésif de masquage 51 Scotch Magic 48 Scotch repositionnable 1 Ruban adhésif usuel brillant 1 Gaffer 2 Colle inconnue 59 Agrafes 14 Tableau 2 : Récapitulatif du nombre de documents ajoutés dans le carnet par type d’attache.
3.2.
Les différents rubans adhésifs
Différents types de rubans adhésifs sont présents dans le carnet et y maintiennent les autres documents. L’auteur du carnet a confirmé avoir utilisé ces rubans adhésifs de façon volontaire en s’inspirant des paperoles93 de Marcel Proust. Ils font donc partie des matériaux constitutifs de l’objet étudié et, en cela, font l’objet d’une étude générale puis de détails spécifiques liées à chaque type de ruban adhésif.
93
Voir Annexe n°3 - Compte-rendu de l’entretien avec Gil Mas du 31/10/2016, p.229.
59
3.2.1. La constitution principale d’un ruban adhésif
Les quatre types de rubans adhésifs présents dans le carnet sont du type « pressure-sensitive adhesive », c’est-à-dire des adhésifs qui adhèrent au substrat sous une simple pression. Ils sont composés de la sorte :
Figure 36 : Schéma de la constitution d’un ruban adhésif.
Créés en 1845 pour un usage médicinal, ils sont ensuite développés aux Etats-Unis et en Europe par des entreprises privées telles que Tesa, pour répondre à des besoins divers et variés94.
3.2.2. Le ruban adhésif de masquage
Ce type de bande adhésive possède un support en papier crêpe beige et l’adhésif est créé à base de caoutchouc artificiel95. Elle est composée de papier fin crêpé imprégné d’un composant élastomère afin d’en augmenter les propriétés mécaniques. Il est possible que du dioxyde de titane ait été ajouté dans cet élastomère ou directement dans la masse
Figure 37 : Exemple de ruban adhésif de maintenant deux photographies (p.74 du carnet).
adhésive, pour obtenir la couleur désirée par le masquage fabriquant. La colle elle-même peut être créée à
partir de caoutchouc artificiel, tel que le caoutchouc styrene butadiene, le caoutchouc nitrile butadiene, ou bien à partir d’acrylique ou de neoprene96. Le ruban adhésif le 94
Voir Annexe n° 12 – Histoire des rubans autoadhésifs p. 239 et O’LOUGHLIN, (Elissa), STIBER, (Linda S.), « A closer look at pressure-sensitive adhesive tapes : update on conservation strategies », in The Institute of Paper Conservation : conference Manchester 1992, Worcester, Institute of paper conservation, 1992, pp. 280-282. 95 Idem, p. 282. 96 Op. Cit. p. 16. O’LOUGHLIN, (Elissa), STIBER, (Linda S.), p. 284.
60
plus présent dans le carnet est donc très probablement une bande adhésive dite de masquage, peut-être de la marque Tesa®, puisqu’elle est très utilisée sur les plateaux de tournage d’après le témoignage97 de Gil Mas. 3.2.3. Le Scotch® Magic™
Cet autre type de ruban adhésif est très présent dans le carnet. Il est transparent et légèrement opaque, avec un aspect de surface satiné. Il peut être rapproché du Scotch® Magic™ par son apparence. D’après la méthode d’identification d’Elissa O’LOUGHLIN, le support de ce ruban adhésif serait composé d’acétate de cellulose (support transparent et mat, Figure 38 : exemple de montage probablement sensible à l’acétone). Un test mené sur
réalisé au Scotch® Magic™ (p.6 du carnet).
un morceau récent de Scotch® Magic™ à l’aide d’un écouvillon de coton a permis de confirmer la solubilité de l’échantillon dans l’acétone. Un rouleau de Scotch® Magic™ acheté en 2017 étant composé d’acétate de cellulose, il est fort probable que celui utilisé en 1998 par M. Gil Mas soit constitué des mêmes matériaux de support. La fiche technique98 du Scotch® Magic™ indique qu’il est constitué d’un film d’acétate de cellulose, enduit d’un adhésif acrylique synthétique. Des recherches précédentes ont permis d’identifier le polymère composant principal comme le polyacrylate de butyle99 (PnBA). Même s’il s’agit d’une contremarque, puisqu’elle imite ce type de Scotch®, il sera considéré que leur composition est similaire et que la désignation Scotch® Magic™ peut lui être attribuée, notamment pour éviter les confusions entre les cinq types de rubans adhésifs présents dans le carnet.
97
Voir annexe n°3 - Compte-rendu de l’entretien avec Gil Mas du 31/10/2016, p.221. Voir Annexe n°13 – Fiche technique du Scotch® Magic™, p. 240. 99 DAUGA, (Nadège), Détermination du solvant approprié pour le retrait d'un film adhésif acrylique : « scotch Magic Tape 810 TM » Restauration d'œuvres altérées par ces films d'adhésifs, Mémoire INP non publié, Paris, 1997, p. 44. 98
61
3.2.4. Le ruban adhésif repositionnable
Figure 39 : Détail du ruban adhésif repositionnable p. 102.
Il est visible sur une photographie dans la fin du carnet. Il est repérable par un support transparent et mat, composé d’acétate de cellulose tout comme le Scotch Magic 810, mais diffère quelque peu par un épair un peu moins homogène. Il est possible que ce soit l’adhésif qui crée cet aspect, puisque ce n’est pas le même que celui du Scotch® Magic™. De plus, les bandes utilisées dans le carnet se détachent et se réattachent selon l’ouverture de la page, sans altérer le papier de celle-ci. L’adhésif utilisé est un polymère synthétique acrylique très réticulé100, possiblement un polyacrylate avec des ions métalliques tels que le zinc.
3.2.5. Le ruban adhésif « classique » A l’inverse du Scotch® Magic™, il est plus difficile de savoir la marque de ce type de ruban adhésif, qui existe en de très nombreuses marques et contremarques. D’après la méthode d’identification d’Elissa O’Loughlin101, le support plastique peut être de l’acétate de cellulose, du polypropylène ou encore du polyvinylchloride. Les tests permettant d’en savoir plus précisément étant destructifs, ils n’ont pas été effectués sur le morceau présent dans le carnet. Quant à l’adhésif, il ne présente aucun jaunissement ni coloration. Selon la même méthode citée précédemment, il pourrait s’agir d’un polymère synthétique comme un polyacrylate.
100
O’LOUGHLIN, (Elissa), STIBER (Linda S.), « A closer look at pressure-sensitive adhesive tapes : update on conservation strategies », in The Institute of Paper Conservation : conference Manchester 1992, Worcester, Institute of paper conservation, 1992, p. 283. 101 Idem.
62
3.2.6. Le ruban adhésif de type gaffer
Figure 40 : Détail d’un des morceaux de gaffer (p.90)
Figure 40 : Ruban adhésif 3M Scotch 2902.
Il y a également un dernier type de ruban adhésif présent p. 90. Les morceaux de tissus sont maintenus sur une des pages du carnet grâce à du gaffer102, un ruban adhésif très utilisé dans les domaines du théâtre, de la télévision et du cinéma. Il est reconnaissable à son aspect noir mat ou brillant et il est composé103 historiquement d’un adhésif et d’une toile de coton traitée pour être imperméable. Ici, cependant, il s’agit d’un film de polymère noir et brillant, collé sur une trame en toile textile. Ce gaffer pourrait donc être classé comme un ruban toilé104. Puisqu’il est visuellement similaire au ruban adhésif 2902 de la marque 3M, les matériaux constituant ce dernier ont été recherchés105. Le support est une trame recouverte d’un film de polyéthylène et la masse adhésive est à base de caoutchouc. La composition de plusieurs autres rubans adhésifs de type gaffer a été vérifiée, elle est similaire à celle évoquée précédemment.
4. Matériaux et techniques constitutifs des documents collés Dans cette partie seront abordées les techniques des divers documents collés dans les pages du carnet. Considérant la diversité des matériaux et techniques présents, les documents ont été abordés dans leur ensemble, le support et la technique, afin de synthétiser le discours. Les media graphiques n’ayant pas de support spécifique ont été regroupés dans une cinquième partie, sous le nom Techniques des annotations manuscrites.
102
Son nom vient de l’anglais « gaffer » qui désigne le chef éclairagiste dans le milieu du cinéma. Ceuxci utilisaient cette sorte de ruban adhésif pour accrocher des projecteurs. 103 http://www.cineboutique.com/fr/30-gaffers, consulté en ligne le 06/11/16. 104 Dénomination trouvée sur le site de la marque Tesa. Visuellement, ces rubans adhésifs sont similaires à celui présent aux pages 89-90 du carnet. 105 https://parafix.com/product/3m-2902/, consulté le 20/05/18.
63
4.1.
Les documents photocopiés et imprimés 4.1.1. Les photocopies
La plupart des documents collés sont des reproductions de photographies, de publicités ou de gravure illustrant la vie à la fin du XIXème siècle jusqu’après la première guerre mondiale. Ces reproductions sont des photocopies106 qui semblent avoir été faites sur un papier similaire aux feuilles du corps d’ouvrage107, mais d’un plus petit grammage. L’observation
sous
rayons
ultraviolets
montre que ce papier a probablement été Figure 41 : Photocopie collée sur la page 65 blanchi. Il s’agit vraisemblablement d’un du carnet. papier bureautique entre 80 et 90g/m², d’aspect vélin et de pâte traitée chimiquement, issue de bois de feuillus et de résineux. Le processus de la photocopie108 fonctionne sur l’électrostaticité : une charge électrique positive est envoyée à la surface du document contre une plaque photoréceptrice où se forme alors une image latente électrostatique. Un toner, chargé négativement, est projeté sur celle-ci et se fixe sur les zones chargées, formant une couche poudreuse imitant l’image originale, jusqu’à ce qu’une feuille de papier soit placée contre la surface photoréceptrice. Une nouvelle charge électrique est alors envoyée, permettant à la couche colorée de se déposer contre le support papetier. Enfin, un passage de cette feuille dans des rouleaux chauffants109 (environ 180°C) assure de la fusion de l’encre* sur la page et garantit son maintien. Le procédé d’impression laser110 fonctionne sur le même principe mais l’image est recréée à partir d’un ordinateur, un faisceau laser est utilisé pour sensibiliser la surface photoréceptrice et les températures de fusion de l’encre sont plus hautes. Il s’agit probablement d’une photocopie laser, d’après l’époque où les photocopies ont été effectuées.
106
Voir Annexe n°5 - Correspondance électronique avec Gil Mas, p.232. Voir la partie sur le matériau du bloc-texte, p. 55. 108 AUSTRALIAN ARCHIVES (COLL.), Photocopying and Laser Printing Processes – Their Stability and Permanence, [s.l.], Australian Archives, Dickson, A.C.T. : Australian Archives, 1993, p. 1. 109 Op. Cit. BAJON, REIS, VIAN, Le monde des fibres, 2006, p. 207. 110 Idem, p. 208. 107
64
Figure 42 : Schéma du fonctionnement d’un imprimante laser.
L’encre d’impression des documents photocopiés est appelée un toner111. Il s’agit d’une résine thermoplastique (copolymère* acrylate styrène) rendue électrostatique par l’addition de pigments colorés dispersés, servant également à apporter la couleur* de l’encre. Ce sont eux qui réagissent avec le substrat lors de la copie, à la suite de l’apport de chaleur. Ces encres ne réagissent pas à l’eau (test à la goutte effectué), mais restent sensibles à la chaleur et aux solvants* de la résine thermoplastique utilisée.
4.1.2. Le plan imprimé et les cartes de visites
Sur la page 108 du carnet, figure un plan de Rome imprimé en couleurs, probablement pris lors du voyage à Cinecittà. Ce type de plan étant produit en grande quantité pour les touristes, il est probable qu’il s’agisse d’une impression laser avec un toner à base de pigment, répandu dans la bureautique112 et l’impression de masse. Les encres d’impression ne sont pas sensibles à l’eau selon le test effectué et
111
BANIK (Gerhard), Paper & related materials, [s.l.n.é.], ICCROM, Scientific principles of conservation, 1996, p. 192. 112 HOFFMANN, (Rita), « Matériaux utilisés pour l’impression jet d’encre », in Support Tracé n°13, Paris, Association pour la recherche scientifique sur les arts graphiques (ARSAG) 2013, p. 152.
65
paraissent être plutôt en surface du support papier, correspondant à une impression laser. Il est également possible qu’il y ait une protection de surface sur l’impression. Le support, lui, a un grammage plutôt faible, autour de 80 g/m2 et il probablement constitué de pâte à papier transformée chimiquement et blanchie industriellement. Des cartes de visites sont également présentes dans le carnet : bien que le papier soit plus épais, la technique d’impression est la même, ainsi que les hypothèses sur la composition du papier.
4.1.3. Les faux télégrammes Au début du carnet, deux faux télégrammes ont été glissés. Trois ont été agrafés aux pages 45 et 46. Ce sont d’anciens accessoires de tournage que Gil Mas gardait en plus dans son carnet113 pour rendre service à l’accessoiriste. Le
papier
principal des télégrammes est un papier vélin de couleur légèrement crème, imprimé de noir, sur lequel sont collées de fines bandelettes bleues imprimées de noir également. Des faux-tampons sont imprimés à l’encre violette et indiquent « Venezia » et d’autres cachets officiels. Des reproductions de timbres en couleurs ont également été collés au verso de certains télégrammes.
Figure 43 : Photographie d’un des faux télégrammes insérés au tout début du carnet.
Le papier est plausiblement fabriqué à partir de pâte sans bois, d’un grammage de 100 g/m2, d’une meilleure qualité que le papier d’impression-écriture et l’encre d’impression noire est probablement un toner. Les bandelettes de papier bleu sont d’un grammage plus petit (environ 80 g/m2) et après observation sous microscope, ont été colorées dans la masse par un colorant* bleu. Les faux timbres ont probablement été imprimés sur du papier autocollant et déposés sur les
113
Information fournie par M. Gil Mas lors de l’entretien du 31/10/2016.
66
télégrammes afin de compléter les accessoires. Dans le cahier de l’extrait des œuvres complètes de M. de Balzac situé p.14 du carnet, un feuillet de papier cristal vierge a été inséré dans les pages, entre la quatrième et la cinquième page du livret. Le papier cristal est reconnaissable à sa transparence, sa texture et à son aspect brillant. Il est produit par un raffinage et un calendrage très poussé sur des feuilles
composées114
de
pâte
chimique (traitement au bisulfite et blanchiment)
de
bois
(résineux,
feuillus) et de paille. Les feuilles sont ensuite imprégnées de cire ou de résines synthétiques, puis pressées. Le cahier lui, est d’un papier crème
assez
épais,
avec
une
impression laser probablement. Figure 44 : Papier cristal inséré pour protéger la gravure au sein du cahier p. 14.
4.2.
Les dessins aquarellés
Figure 45 : Détail du dessin de la page 9.
Figure 46 : Autre détail du dessin de la page 9.
Les croquis ont été réalisés sur du papier à dessin légèrement teinté de couleur crème, d’un grammage d’environ 100 g/m². Ce papier de grain lisse est probablement constitué d’une pâte115 issue de fibres de bois traitée chimiquement et blanchie en partie. Le décorateur a utilisé un crayon graphite pour esquisser les éléments principaux de sa composition, avant de les compléter au feutre* fin noir, à
114 115
Op. Cit. p. 26. LAROQUE-KUCHAREK, 2003, p. 245. Op. Cit. BAJON, REIS, VIAN, Le monde des fibres, p. 202.
67
l’aquarelle, au crayon de couleur aquarellable et au crayon-cire. Le crayon vient rehausser l’aquarelle et moduler les nuances et les contrastes.
4.2.1. Les divers crayons Le crayon graphite est composé116 d’un mélange117 de graphite, d’argile, d’un liant comme des cires ou des graisses, et d’additifs118 comme le kaolin, le talc, des polymères plastiques, cuits par la suite. Les deux premiers éléments conditionnent la dureté de la mine du crayon selon leurs proportions dans la mine. Il est reconnaissable à son tracé gris légèrement métallisé. Les crayons de couleur diffèrent dans leur composition119 par la présence de pigments très fins correspondants à la couleur voulue pour le crayon, mêlés à un liant comme, par exemple, l’amidon ou des éthers de cellulose, ainsi qu’à un corps gras (cires, graisses). Une cire dispersable dans l’eau comme le polyéthylène-glycol peut être ajoutée pour les crayons de couleur aquarellables. Le tout n’est pas cuit mais imprégné dans de la cire fondue. Gil Mas a confié120 en avoir utilisé pour ses dessins lors d’un échange de courriels. Les crayons cire121, à l’inverse des crayons précédemment évoqués, ne possèdent pas d’enveloppe de bois autour de la mine : les pigments sont imprégnés dans de la cire à laquelle des additifs tels que des acides gras sont ajoutés. Une fois appliqués sur une feuille, ils lui donnent un aspect satiné (voir figure 15) et elle est légèrement grasse au toucher, à cause de la cire. 4.2.2. L’aquarelle L’aquarelle, utilisée depuis l’Antiquité, est un type de peinture à la détrempe122 dans une gomme. Généralement, des pigments sont mélangés avec de la gomme arabique (bien que d’autres gommes puissent être utilisées) et parfois des charges et des agents tensioactifs. Elle donne un medium très transparent une fois réactivée à l’eau, mais des couleurs opaques peuvent également être obtenues. Très stable de 116
PEREGO, (François), Dictionnaire des matériaux du peintre, Paris, Editions Belin, 2005, p. 244. Ibid. 118 Op. Cit. p. 21. BANIK, p. 194. 119 Op. Cit. p.22, PEREGO, p. 245. 120 Voir Annexe n°5 – Correspondance électronique avec Gil Mas, p.232. 121 Créés vers 1885 par l’entreprise Binney & Smith, la forme définitive et non-toxique des craies/crayons de cire date de 1903. Cette même compagnie prendra en 2007 le nom de Crayola, du même nom que les crayons-cire qui ont fait leur succès. Crayola est la contraction de deux mots français : craie et grasse (oléagineux), définissant les craies produites alors. http://www.crayola.fr/a-propos/histoire.aspx, consulté le 21/05/18. 122 Op. Cit. p. 22. PEREGO, p. 63. 117
68
façon générale, certains pigments sont toutefois plus sensibles aux dégradations. Dans les dessins, diverses couleurs comme du violet et du bleu ont été utilisées, en plus des crayons de couleur aquarellables. 4.3.
Le carton annoté 4.3.1. Le carton
Un morceau de carton assez fin de couleur grise a été fixé avec du ruban adhésif sur la page 94. Il est constitué de papier fabriqué à partir de pâte de bois, comme utilisé le plus souvent dans l’industrie123, non blanchi. Une fois le carton démonté, il s’est révélé qu’il s’agissait du verso d’une boîte de sucre de canne de Figure 47 : Détail de l’angle supérieur gauche du marque Saint-Louis®.
carton de la page 94.
4.3.1. L’annotation manuscrite à l’encre noire Le carton est annoté à l’encre noire, et la finesse du trait pourrait correspondre à une pointe Mitsubishi Uni-ball® Eye, souvent utilisée souvent par l’auteur. Elle est composée d’une encre liquide « Super Ink » : pigments inaltérables, permanente, résistante à l'eau et à la lumière, dispersée par un système roller124. Pour la distribution de l’encre à base d’eau de gel sur le papier, ce mécanisme125, créé en 1967, utilise une bille. Il a été conçu pour combiner les avantages des stylos plumes avec ceux des stylos à bille. Les encres des rollers126 sont généralement composées d’entre 2 % à 8 % de pigments/colorants, 30 % de polyodiols, 5 % de surfactants, 5 % d’agents anti-corrosifs et 5% de conservateurs. Sinon, il pourrait aussi bien s’agir d’un stylo pointe fine de la marque Faber-Castell® ou Staedler®, dont les caractéristiques sont décrites page 83.
123
Op. Cit. BAJON, REIS, VIAN, Le monde des fibres, p. 202. Il n’existe pas de dénomination spécifique en français pour désigner ce type de stylos. Le terme anglais est donc conservé. 125 Op. Cit. BANIK. Paper & related materials, pp. 182-183. 126 Ibid. 124
69
4.4.
Les plans sur papier calque
Sept127 papiers transparents128 ont été fixés à différentes pages du corps d’ouvrage par des bandes de ruban adhésif pour six d’entre eux, et dans un cahier agrafé p.14 pour le dernier.
4.4.1. Le papier calque
L’observation
des
papiers
nous permet de dire qu’il s’agit de papiers calques modernes129, dits naturels, c’est-à-dire créés par un raffinage130 poussé de la pâte lors de l’étape
de
calandrage131
de
la
fabrication du papier. Parfois, d’autres traitement comme une imprégnation sont effectués pour obtenir une plus grande transparence ou des papiers Figure 48 : Détail du calque de la page 49. particuliers comme le papier cristal : on parle alors de calque artificiel. Le but est de rapprocher l’indice de réfraction du papier de celui de l’air. En présence d’une quantité d’eau et d’un raffinage132 suffisant, la cellulose se « gélatinise », un film de mucilage se forme, modifiant ainsi la structure des fibres. Après la seconde guerre mondiale, l’évolution de la chimie permet d’imprégner des papiers avec des résines synthétiques, seules ou conjuguées à d’autres polymères. De façon plus récente, les papiers dits « calques », c’est-à-dire de type calque naturel
127
Ils sont présents aux pages 07, 08, 14, 27, 29, 40 et 49 du carnet. Le papier transparent situé p. 14 est placé dans le cahier contenant l’extrait de texte d’Honoré Balzac, pour protéger une impression. 128 Papier transparent : papier laissant possible la transmission d’image et de lumière par ses caractéristiques physiques. Pour cela, son indice de réfraction doit être le plus proche de celui de l’air. LAROQUE-KUCHAREK, (Claude), Les papiers transparents dans les collections patrimoniales. Composition, fabrication, dégradation, conservation, Thèse de l’Université Paris I – PanthéonSorbonne, Lille, Atelier national de reproduction des thèses, 2003, p. 34. 129 Voir Annexe n°14 - Petit historique des papiers transparents, p. 249. 130 LAROQUE-KUCHAREK, (Claude), « Fabrication et composition des papiers transparents » in Support tracé n°7, Paris, 2007, pp. 72-73. 131 Le calandrage permet d’augmenter la densité du papier en diminuant le volume des fibres, ainsi que l’air présent entre elles. Les fibres se divisent en fibrilles, ayant plus de contacts entre elles. Op. Cit. Note 60. LAROQUE-KUCHAREK Claude. p. 38. 132 Raffinage : étape modifiant la structure des fibres, par leur coupe et leur fibrillation. La première améliore la répartition des fibres lors de la formation de la feuille, la seconde permet l’apparition de plus nombreux sites de contacts entre les fibres où l’eau peut se fixer. Op. Cit. LAROQUE KUCHAREK, Les papiers transparents dans les collections patrimoniales, 2003, p. 36.
70
ou artificiel133, sont destinés principalement à l’usage graphique et non à l’usage alimentaire ou d’emballage. Actuellement, les pâtes à papier kraft blanchies de résineux sont privilégiées134 pour la fabrication de papiers calques naturels. En effet, les pâtes issues de bois résineux subissent mieux le raffinement et les papiers sont, par conséquent, moins opaques. L’encollage des feuilles est inconnu, car protégé par les secrets de fabrication industriels135 mais il peut s’agir d’amidon, de colophane ou de résines synthétiques. Ces papiers sont très lisses, mats, légèrement opaque, avec un épair* homogène. Ils présentent un aspect de surface différent des papiers transparents imprégnés136. De plus, leur usage est très courant dans la réalisation de plans et de repérages.
4.4.2. Les techniques graphiques en présence sur les calques Gil Mas utilise pour ses plans des stylos à pointe fine137 de la marque FaberCastell, dont l’encre est à base d’encre de Chine. Le tracé est noir, mat et fin et n’est pas sensible à l’éthanol (test à la goutte). Du crayon graphite est également présent, reconnaissable à son aspect métallisé. Voir partie suivante I - 5.2.Les dessins aquarelés (p. 67) et I - 4.2.5. Le feutre noir, (p. 83).
4.5.
Le papier thermique
Figure 49 : Détail de la publicité pour l’entreprise MICHELET sarl, située page 58.
133
Un calque artificiel se différencie par l’utilisation d’huiles végétales ou minérales. Idem. p. 40. Idem. p. 41. 135 Idem, p. 101. 136 Voir Annexe n° 14 – Petit historique des papiers transparents, p. 249. 137 Voir Annexe n°5 - Correspondance électronique avec Gil Mas. p.232. 134
71
Parmi les nombreux éléments du carnet se trouvent un ticket de caisse imprimé sur du papier dit thermique, développé pour cet usage138, et une publicité pour une entreprise, dont le papier est également thermique. La finesse et la texture du
papier,
l’apparence
ainsi du
que
texte
est
similaire à celui de tickets de caisse trop vieux. Le texte est en effet pâli par endroit. Le principe d’impression139 d’un papier thermique nécessite trois éléments : un papier thermosensible,
des
têtes
thermiques
un
circuit
distribuant
et les
signaux
d’entrée. Ces derniers sont
Figure 50 : Réaction d’ionisation entre un leuco-colorant et un révélateur.
traduits en signaux électriques, conduits aux têtes thermiques correspondantes, lesquelles changent l’impulsion reçue en chaleur. Les colorants couchés sur le papier réagissent alors avec un révélateur, grâce à une réaction chimique initiée par la fonte d’un activateur (voir partie composition). Ces papiers comportent un leuco-colorant140, un révélateur acide (souvent de type phénolique) et un activateur. Ce dernier fond à la chaleur de la machine, et provoque la réaction chimique entre les deux premiers composants. L’équation suivante est un exemple de réaction entre un leuco-colorant et un révélateur. Il s’agit d’une réaction d’ionisation : les molécules neutres deviennent porteuses de charge électrique, positive ou négative141. L’apparition de la couleur est provoquée par la modification de la molécule de leuco-colorant. 138
Historique : Les premiers papiers thermiques ont été fabriqués aux Etats-Unis, à Dayton (Ohio) en 1960. Le principe est que le texte ou l’image produit est révélé sur le support qui contient des colorants actifs sensibles à la chaleur. Ils ont été commercialisés en 1964, et le marché se développe avec la création du fax dans les années 1980. Ces papiers sont utilisés dans divers domaines : étiquettes à code-arre, tickets de caisse, fax thermique, badges et dispositifs de sécurité, billets de voyage, et autres. TRUFFI, (Barbara), dossier sur le papier thermique, extrait de sa thèse de doctorat Elaboration de nouveaux papiers thermiques, [En ligne], publié le 12/12/2000, consulté le 26/10/16. http://cerig.pagora.grenoble-inp.fr/ICG/Dossiers/Papier_thermique/chapitre_1.htm. 139 Idem. http://cerig.pagora.grenoble-inp.fr/ICG/Dossiers/Papier_thermique/chapitre_2.htm, consulté le 26/10/16. 140 http://cerig.pagora.grenoble-inp.fr/icg/Dossiers/Papier_thermique/sommaire.htm, consulté en ligne le 26/10/16. 141 Article Ionisation du Trésor de la langue française informatisée. [En ligne] http://www.cnrtl.fr/definition/ionisation, consulté le 17/01/18.
72
Il n’y a que peu d’information sur le papier utilisé pour recevoir les colorants. Il s’agit d’un papier fin, donc probablement fortement calandré, et produit de façon industriel. La pâte à papier utilisée a donc probablement été blanchie et encollée dans la masse, avant d’être mise en forme mécaniquement, et de subir un calandrage très poussé.
Le
papier
reçoit
également des charges telles que du kaolin, de la silice, du carbonate de calcium, et alt., qui permettent
de
diminuer
les
dépôts sur les têtes thermiques des
machines
lors
de
l’impression. Figure 51 : Schéma du processus aboutissant l’apparition de l’encre sur le papier thermique.
4.6.
à
Les tirages photographiques
Les photos étant destinées à la réalisation de repérages, il fallait les avoir rapidement, aussi le tirage à développement chromogène142 a été privilégié, car facile d’accès, rapide et moins coûteux. Excepté pour la photographie à développement instantané, Gil Mas n’a réalisé que les prises de vues, développés par un laboratoire de tirage et façonnage de photographies ensuite. Les tirages, en couleur (excepté un monochrome), ont été ajoutés dans le carnet pour compléter les recherches effectuées par l’auteur. 4.6.1. Les tirages à développement chromogène
Les papiers photographiques sont marqués sur leur verso de la marque de fabrication. Ceux en présence dans le carnet sont du type Fujicolor Crystal Archive, Kodak Royal Paper ou AGFA Prestige Paper. Ces trois papiers sont présents dans le carnet dans les proportions suivantes : Nom de papier RC Nombre de photographies chromogènes
Kodak Paper
Royal Fujicolor Archives 51
Crystal AGFA paper 11
Prestige
1
Tableau 3 : Récapitulatif du nombre de photo par type de papier RC. 142
Procédé apparu à la fin des années 1960 pour la vente au grand public.
73
Ces papiers photographiques RC sont couramment utilisés pour le grand public. Les photographies ne sont pas des tirages d’artistes, mais des supports de travail pour les repérages et l’élaboration des futurs décors, aussi, considérant les photographies courantes143 développées en couleur dans les années 1990, il a été déduit qu’il s’agissait de tirages à développement chromogène. Un papier à tirage chromogène est constitué de différentes couches superposées comme illustré ci-dessous.
Figure 52 : Schéma de la stratigraphie d’une photographie à développement chromogène.
Les couches de papier sont prises en sandwich entre deux couches de polyéthylène extrudé144 ; le film blanc et brillant est constitué de dioxyde de titane (TiO₂) mélangé au polyéthylène recevant l’émulsion. Des agents stabilisants sont ajoutés dans la masse des différentes couches pour prévenir les dégradations provoquées notamment par l’instabilité du dioxyde de titane à la lumière et à l’oxygène. La couche d’émulsion est composée de trois couches superposées, chacune contenant un colorant différent : jaune, cyan et magenta, ainsi que d’une quatrième couche transparente qui assure une protection supplémentaire145. La synthèse des colorants se fait lors du développement de la photographie, d’où le nom de « développement chromogène ».
143
CARTIER-BRESSON, (Anne) (DIR.), Le vocabulaire technique de la photographie, Bologne, Editions Marval/Paris Musées, 2008, p. 246. 144 QUINTRIC, (Gaël), Les images modèles de Christian Boltanski. Recherche de traitements de conservation-restauration sur les photographies couleurs à développement chromogène : étude de la réactivité des colorants azométhiniques aux solvants, Mémoire INP, Paris, 2005, p. 37. 145 Idem, p. 39.
74
Figure 53 : Schéma du procédé de développement chromogène.
L’image se forme dans les zones où le révélateur est oxydé et réagit avec les coupleurs (halogénures d’argent photosensibles) pour produire les colorants azométhiniques*146. Selon le principe de la synthèse soustractive des couleurs, chaque couche fournit une couleur différente : -
Cyan dans la couche sensible au rouge
-
Magenta dans la couche sensible au vert
-
Jaune dans celle sensible au bleu.
Les composés argentiques sont éliminés lors d’un bain de blanchiment147 puis de fixage. Il ne reste alors que les colorants azométhiniques.
4.6.2. Le tirage en noir et blanc
Une des images du carnet, située p. 48, représente un portrait surexposé de Catherine Deneuve en noir et blanc. Rien n’est marqué au verso de l’image et le support est un papier légèrement cartonné. Après observation sous microscope, il apparaît que ce n’est pas une impression, puisqu’aucune trame n’est visible (voir figure 26). Aucune fibre du papier sous-jacent n’est visible : le papier a donc reçu un surfaçage permettant de combler ses pores afin de lisser le plan. S’il s’agit d’un tirage positif gélatinobromure d’argent148, le support de papier est recouvert d’une couche 146
Idem. p. 98. LAVEDRINE, (Bertrand), (Re)Connaître et conserver les photographies anciennes, [s.l.] CTHS, 2007, p. 224. 148 Gélatinobromure d’argent : « Suspension de bromure d’argent dans la gélatine. Le procédé au gélatinobromure d’argent introduit en 1871, est à l’origine des procédés photographiques du XXème 147
75
de sulfate de baryum et d’azurants optiques (ajoutés après 1960) dispersé dans la gélatine, sur laquelle est couchée l’émulsion photographique composée de gélatine et de sels d’argent. Une fine couche de protection peut être posée sur cette dernière. Toutefois, cette analyse n’est pas confirmée pour le moment.
Figure 54 : Portrait de Catherine Deneuve Figure 55 : Observation (Gx200) de la surface du portrait de C. Deneuve. à la page 48.
4.6.3. Le tirage à développement instantané.
La dernière classe de photographie est un tirage à développement instantané149 dont le procédé repose sur la diffusion-transfert de colorants migrants depuis un support négatif vers un récepteur où se formera une image positive150. Il est reconnaissable par la pochette intégrée autour de l’émulsion : D’après le format de la photo (7,9x7,7cm) il pourrait s’agir d’un Polacolor 600, commercialisé par la marque Polaroïd et ayant ce même format, toutefois il s’agit d’une hypothèse. Le film est formé par des couches photographiques argentiques superposées similaires à celles des photographies chromogènes151. Cependant, au lieu de coupleurs permettant la synthétisation des couleurs par réaction avec une substance siècle ». Op. Cit. p. 32. LAVEDRINE, (Re)Connaître et conserver les photographies anciennes, 2007, p. 327. 149 Procédé inventé par Edwin Herbert LAND (1901-1991) en 1947 pour les photographies monochromes et introduit en 1963 pour celles en couleur. Idem, p. 286. 150 CARTIER-BRESSON (Anne) (DIR.), Le vocabulaire technique de la photographie, Bologne, Editions Marval/Paris Musées, 2008, p. 259. 151 Voir partie 4.8.1. Les tirages à développement chromogène.
76
révélatrice, des colorants (jaune, magenta ou cyan) sont associées aux couches de l’émulsion. Leur composition chimique « permet d’agir comme révélateur en milieu alcalin152 ». Une fois le film exposé, la capsule contenant une substance alcaline est ouverte lors de la sortie de la photographie de l’appareil, permettant à la réaction entre les colorants et les halogénures d’argent d’avoir lieu et formant l’image en couleurs en quelques dizaines de secondes. Les polaroïds en couleur sont sensibles à l’exposition à la lumière, mais les altérations dépendent surtout des émulsions utilisées.
Figure 57 : Détail du verso du Polaroïd®. Figure 56 : Photographie instantané présente p. 74.
4.7.
à
développement
Les échantillons de tissu
Trois échantillons de tissu d’ameublement sont présents dans les pages du carnet (pp.89-90). Ils sont différents les unes des autres et se rapportent au décor d’une pièce, le rez-de-chaussée de l’hôtel de la plage à Balbec (tournage réalisé à Cabourg). D’après M. Gil Mas, ce sont tous trois des échantillons de textile destinés à la recherche de matériaux de décor. Le voilage bleu a été plus étudié que les deux autres, puisque la colle du ruban adhésif de masquage l’avait fortement imprégné.
152
Op. Cit. LAVEDRINE, (Re)Connaître et conserver les photographies anciennes, 2007, p. 286.
77
4.7.1. Le voilage bleu Pour le textile bleu transparent situé p. 89, il s’agit probablement de fibres de polyester, avec une armure toile. Les fibres sont en effet linéaires, sans stries, et d’un diamètre constant. Les fibres synthétiques153 comme celles créées à partir du polyester sont issues de la synthèse du polymère filé à chaud puis traité pour lui donner une nouvelle texture. Elles sont thermoplastiques, ne gonflent pas à l’eau et sont imputrescibles.
Figure 59 : Vue générale (Gx100). Fibres de Figure 58 : Observation d’une des fibres de polyester : fibres linéaires, diamètre constant, pas l’échantillon de tissu au microscope optique de lumen ni de stries. (grossissement x100).
Les fils de trame et de chaîne s’entrecroisent successivement, ce qui donne des tissus assez fins et transparents154. L’observation sous microscope a permis d’observer l’imprégnation du ruban adhésif dans le réseau fibreux.
153 154
Op. Cit. BAJON, REIS, VIAN, Le monde des fibres, pp. 123-124. Idem, p.135.
78
4.7.2. Le tissu beige et l’’échantillon multicolore Les deux morceaux de textile restants sont des tissus d’ameublement (voir figure 64). Ils sont probablement en fibres polyesters, mais leurs fibres n’ont pas été observées au microscope.
Figure 60 : Photographie des pages 89 et 90 du carnet.
4.8.
Autres techniques et matériaux constitutifs
Certains éléments du carnet sont assez particuliers et ne se placent dans aucune des catégories précédentes.
4.8.1. Le Post-It ® Les Post-It® sont des feuillets de format carré, généralement de couleur jaune, encollés sur bande d’environ 1 cm sur leur verso. Cet adhésif est à base de colle acrylique réticulée155 dans laquelle sont présentes des microsphères156, dont les propriétés permettent un pouvoir collant suffisant mais n’abrasant pas le papier sousjacent après des décollements successifs. Il est probablement constitué de papier
155 156
Op .Cit. O’LOUGHLIN, STIBER, p. 283. https://www.post-it.com/3M/en_US/post-it/contact-us/about-us/, consulté le 22/05/18.
79
vélin pâte bois traitée chimiquement et coloré en jaune. Bien que des contremarques existent, la désignation de ce type d’élément par le nom de la marque d’origine est passé dans le langage courant. Pour simplifier le discours, le document sera donc nommé Post-It®. Il est annoté à l’encre noire (voir partie 4.2.5. Le stylo noir et 4.3. Le carton annoté) et au crayon graphite (voir partie 4.2.1. Le crayon graphite).
Figure 61 : Détails du Post-It ® p. 56 du carnet, à plat et soulevé.
4.8.2. L’autocollant
Un autocollant plastifié est collé sur la page 93 du carnet. Il porte la mention « Je suis… Branquignol… et alors, ça vous dérange ? » imprimé en bleu
et
rouge
sur
fond
blanc,
probablement avec un toner. L’étiquette adhère totalement à la surface du papier
Figure 62 : Etiquette collée sur la page 93.
mais l’adhésif de transparaît pas au verso de la page. L’étiquette ne pouvant être détachée du carnet et des moyens d’analyse plus poussés n’étant pas à disposition, les recherches n’ont pas été poussées pour déterminer précisément quel type de polymère et d’adhésif sont en présence.
80
4.8.3. La feuille en plastique transparent
Une feuille en plastique transparent souple ressemblant à du Mylar® est insérée à la page 61. Un dessin de cage à oiseau noire y est présent. Il correspond dans le film aux cages apparaissant sur le papier peint (séquence de 00:13:18 à 00:13:26) autour du motif d’oiseaux. Dans les années 1990, il était assez facile de trouver des feuilles transparentes dans les magasins de bureautique car elles servaient à l’usage des rétroprojecteurs. Gil Mas croit se souvenir157 qu’il s’agissait d’une impression sur transparent avec un toner très dense. Très peu d’informations sont disponibles sur ce type de matériau. Parmi les sites internet mentionnant ce produit (feuille transparente pour impression jet d’encre ou laser), un seul158 indique qu’il s’agit de films polyesters. Il est donc possible qu’il s’agisse de ce polymère, même si cela reste une hypothèse. Il n’a pas été possible de la vérifier : nous avons dû écarter les tests permettant de déterminer plus précisément cette matière. Ils sont destructifs, or il n’était pas question de détériorer le film plastique pour en savoir plus.
Figure 63 : Cage à oiseau sur feuille transparente page 61.
Figure 64 : Détail de la partie supérieure de la cage à oiseau.
157
Voir Annexe n°5 – Correspondance électronique avec Gil Mas, p.232. Site d’Hexis-graphiques, société dédiée à la production et à l’adhésivage de films destinés à la communication visuelle, à la customisation et à la protection de surfaces. http://www.hexisgraphics.com/fr/produit/pod130solv/, consulté le 22/05/18. 158
81
4.8.4. L’opercule de bouteille A la page 102 du carnet a été collée ce qui serait un opercule159 de bouteille d’eau, au regard de la forme circulaire comprenant une languette pour aider à l’ouverture. Il porte la mention « FABIA Acqua minerale naturale » suivi du descriptif de la composition de l’eau et quelques autres indications d’usage. L’opercule semble être constitué d’une âme
métallique
souple,
probablement
de
l’aluminium, sur laquelle a été posée une surface pouvant recevoir un message imprimé (lettres bleues et logo vert sur fond blanc), autour de laquelle un polymère plastique a été coulé pour plus de résistance en cas de choc. L’élément étant unique dans le carnet, mais sans altérations à traiter, les recherches n’ont pas été plus Figure 65 : Détail de l’opercule.
approfondies.
5. Techniques des annotations manuscrites
Cette partie aborde les techniques graphiques des annotations manuscrites et dessins : le stylo à bille, plusieurs types de crayons feutres et le blanc correcteur seront donc évoqués.
5.1.
Le stylo à bille
Plusieurs types d’encres ont été utilisés pour annoter les pages du carnet. Parmi elles, l’encre de stylobille160 est facilement identifiable à son aspect puisque qu’à certains endroits des rayures plus claires sont visibles. Ce type de traits plus clairs est caractéristique de l’utilisation d’un stylo à bille. Ce dernier porte ce nom parce qu’une bille mobile, à la pointe de la mine, permet en permanence à l’encre de passer du réservoir, situé à l’intérieur du manche du stylo, au papier. L’encre est très visqueuse, permettant le contrôle de la quantité d’encre apportée.
159
Opercule : Découpe en aluminium mince, film plastique ou complexe servant à la fermeture de petits contenants. (Dictionnaire Larousse en ligne). 160 Stylobille / Stylo à bille / Stylo-bille : développé dans les années 1940 par les frères László et György Bíró, il devient un succès dès son lancement sur le marché et est produit en masse. Il est introduit en Europe pendant la seconde guerre mondiale. Op. Cit. BANIK, Paper and related materials, 1996, p. 182.
82
Pour que l’écoulement de l’encre soit contrôlé, il a fallu inventer une formule alliant viscosité et possibilité d’écriture. Elle est composée généralement de « solutions semi-grasses de colorants et de résines (…) dans du 2phénoxyéthanol et/ou de l’alcool benzylique ou des solvants analogues. Les colorants, généralement des noirs d’aniline ou d’autres colorants à base d’aniline (nigrosines)(…). Les concentrations de colorants sont de l’ordre de 10 à 20%. On ajoute des anti-siccatifs (glycérol, vaseline, huile de lin, cires) pour éviter à l’encre de sécher à l’air.161 » Les encres des stylos à bille modernes ne sont pas solubles dans l’eau, mais présentent une solubilité à l’éthanol, l’acétone et d’autres solvants. Les rubans adhésifs peuvent aussi causer la migration des encres autour des tracés, créant ainsi un halo coloré et diminuant la lisibilité. Dans le carnet, des stylos à bille de couleur bleue et noire ont été utilisés.
5.2.
Les crayons feutres
5.2.1. Généralités sur les crayons feutres Développés dès le milieu des années 1940162, les « crayons à pointe poreuse » ou « pointes feutres », si les termes anglais sont traduits littéralement, ont eu un succès rapide par leur nouveauté et leurs nombreux usages. La nouveauté, c’est le remplacement de la plume par une pointe en feutre (au début de la confection du medium), matériau poreux qui permet la diffusion de l’encre sur le papier sans nécessiter une grande pression. La pointe du feutre163 est reliée au réservoir d’encre à l’intérieur du manche du stylo et un capuchon permet d’éviter son assèchement. Il existe deux grandes familles de feutres : celle à base d’eau et celles à base de solvant organiques. De façon globale, les encres des feutres comprennent les éléments 164 suivants : 161
Source : http://sciences-physiques.ac-montpellier.fr/ABCDORGA/Famille/ENCRES.htm , consulté en ligne le 03/01/17 162 HOLBEN ELLIS, (Margaret), « The porous pointed pen as artistic medium”, in Conference papers, Manchester, The Institute of Paper Conservation, p. 11. 163 Dans le langage courant, le terme de « feutre » désigne un stylo dont la pointe était à l’origine en feutre bien que désormais elle puisse être constituée de fibres de polyester orientées, de granulés de plastique ou encore de polymère extrudé. Ce terme sera utilisé pour simplifier le discours. Idem, p. 13. 164 DUPUIS-LABBE, (Dominique), ENSHAIAN, (Marie-Christine), « Les 39 dessins du « Mystère Picasso » : Génèse d’une création, évolution d’un projet de conservation-restauration », in Technè n°22, 2005, p. 94.
83
•
Solvant : généralement de l’eau ou un alcool (éthanol, isopropanol)
•
Liant : résines.
•
Glycols ou éthers de glycols : préviennent le séchage de la pointe du feutre
•
Colorant ou pigment : agent de couleur. La plupart des colorants sont des mono, diazo et anthraquinone.
•
Additifs : fongicides, agents de conservation, inhibiteurs de corrosion
Les formules varient selon le fabricant et la couleur du feutre et sont protégées par le secret de fabrication. Aussi il est impossible de savoir exactement quels sont les composants des encres des feutres.
5.2.2. Les crayons feutres noirs
Figure 66 : Tracés de différents stylos utilisés par l’artiste.
Figure 67 : Détail du dessin de la page 9.
Selon le témoignage de M. Gil Mas, il utilise toujours les mêmes stylos et feutres pour le dessin. Parmi les marques de stylo destinés aux Arts graphiques citées, il y a un roller Mitsubishi Uni-ball® et des stylos de plusieurs diamètres (0,02 à 1mm ᴓ) de la gamme Faber-Castell ou Staedler. Après comparaison des tracés entre les dessins de l’artiste et des traits obtenus à partir de ces stylos, il a été déterminé qu’il s’agissait probablement des gammes de pointes fines (Faber-Castell ou Staedler). La description de ces stylographes par la première marque est la suivante : « Faber-Castell a réuni tous les avantages de l'encre de Chine dans un feutre moderne et facile à utiliser : le PITT artist pen. L'encre de Chine pigmentée avec une forte résistance à la lumière est idéale pour la réalisation d'esquisses, de dessins, de
84
croquis, de dessins de mode et d'illustrations165 ». Historiquement, l’encre de Chine est composée de pigment issu de noir de fumée, mêlé à un liant de colle de peau ou de colle de poisson. Elle est façonnée en batônnets166, qui sont ensuite délayés à l’eau sur une pierre pour obtenir le liquide. A partir des années 1960, une encre de Chine liquide a été commercialisée. La qualité de ce produit était faible mais a augmenté par la suite. Il est donc probable que l’encre utilisée dans cette gamme de stylo comprenne les deux composants cités précédemment, ainsi que des additifs permettant de la maintenir sous forme liquéfiée. Le descriptif du produit indique les informations suivantes : feutre à base d'encre de Chine pigmentée, excellente tenue à la lumière et résistant à l'eau, permanent, sans odeur, ni acide*, pH neutre. La gamme de feutres pointes fines de la marque Staedler a les caractéristiques suivantes : « encre pigmentée infalsifiable (selon la norme ISO 14145-2167), résistante à l'eau et aux U.V., effaçable sur papier calque, résistant au surligneur168 (ne bave pas) ». Les mêmes conclusions peuvent être tirées. L’auteur, ayant l’habitude d’utiliser les mêmes marques de matériel de travail, a pu confirmer les marques des feutres noirs utilisés169. Il s’agit de pointes feutres Pentel Sign Pen® et Paper Mate Flair®. Les deux encres sont sensibles à l’eau (test à la goutte effectué). Certaines annotations sont plus épaisses que d’autres : ce sont celles réalisées au Pentel Sign Pen®. Une photographie a notamment été annotée avec ce feutre (voir figure 70). Les feutres de la marque Posca sont fabriqués par l’entreprise japonaise Pencil depuis 1983. Ce sont des marqueurs diffusant de la peinture à base d’eau. Le feutre rouge visible sur la figure 70 est très probablement un de ces feutres : le tracé se termine par une pointe ronde, les stries présentes dans l’encre concordent avec la pointe de ces feutres et l’opacité du colorant est similaire.
165
https://www.faber-castell.fr/produits/FeutrePittArtistPennoirpointeextrafine/167099, consulté le 21/10/2017. 166 PEREGO, (François), Dictionnaire des matériaux du peintre, Paris, Editions Belin, 2005, pp. 275-276. 167 La norme ISO 14145-2 fait référence aux normes de qualité minimales des stylos et rollers pour un usage documentaire, pour assurer la conservation à long terme et la lisibilité des écritures. https://www.iso.org/obp/ui/#iso:std:iso:14145:-2:ed-1:v1:fr, consulté le 21/05/18. 168 https://www.staedtler.be/fr/produits/feutres-stylos/feutres-fins/pigment-liner-308-feutrefineliner/#id=9171&tx_solr[filter][0]=colorPatch%253A7577, consulté le 21/10/17. 169 Voir Annexe 5 – Correspondance électronique avec Gil Mas.
85
Figure 68 : Photographie de la page 67 -Repère pour la caserne de Morel.
5.2.3. Les feutres fluorescents
Sur certaines pages, un surligneur fluorescent, reconnaissable à cette caractéristique, a été utilisé pour mettre en valeur des aspects de plan et des notes. On trouve du feutre fluorescent bleu, orange et jaune. Peu importe la couleur, les encres fluorescentes sont constituées170 de divers colorants selon la teinte désirée, d’un élément fluorescent, maintenu dans des résines acryliques et en solution dans de l’eau. Des additifs préviennent l’apparition de micro-organismes dans l’encre et permettent une plus longue conservation.
170
Pour plus de détail, voir la troisième partie de ce mémoire - Etude scientifique – I.1.3. Composition des encres fluorescentes, p. 179.
86
5.2.4. Les feutres colorés L’usage de feutres de couleurs est aussi avéré dans diverses pages du carnet pour identifier des éléments ou les colorer. La photocopie du dessin d’un oiseau situé page 52, comporte diverses couleurs de feutres à base d’eau (sensibilité éprouvée à l’aide d’un test à la goutte). Les couleurs sont les suivantes : jaune, orange, vert, bleu turquoise, et bleu foncé, et sont plutôt courantes. Figure 69 : Photocopie d’un dessin d’oiseau coloré au feutre, collé page 52.
5.3.
Le blanc correcteur
La substance couramment nommée « blanc correcteur » se présente sous la forme d’un liquide blanc opaque séchant au contact de l’air. Il est couvrant, et peut s’appliquer principalement sous deux formes171 : au pinceau ou à l’aide d’un stylet métallique où le corps du stylet sert de réservoir. Dans le cas du pinceau, celui-ci est alors fixé au bouchon et se glisse dans le flacon lors de la fermeture de ce dernier. Sur la page 15 du carnet, la présence de blanc correcteur appliqué au pinceau est avérée par le relief de la substance sèche, reconnaissable à l’œil nu, ainsi que sur la page 73. Une observation sous rayonnement UV montre que la matière absorbe dans ces ondes lumineuses.
Figure 71 : Observation d’une correction au blanc correcteur sous lumière UV p. 15.
Figure 70 : Détail du blanc correcteur (l’image a été modifiée pour améliorer sa visibilité. 171
NUNES, (Véronique), 15 planches originales de bande-dessinée contemporaines par Xavier Mussat et Fabrice Neaud, Mémoire Ecoles de Condé non publié, 2010, p.143.
87
Le blanc correcteur est principalement commercialisé par deux marques172, Tippex®173 et Pentex®. Vers la fin des années 1950, pour répondre au besoin de correction rapide des épreuves dactylographiées, la matière a été développée sur la base de ces deux critères : •
Une application facile sans instrument particulier, avec un recouvrement suffisant et résistant, puisqu’il doit être possible d’écrire sur le matériau sec.
•
Un séchage le plus rapide possible afin de ne pas ralentir le travail du correcteur. En fonction des marques, la composition du mélange varie, mais globalement,
il est constitué de pigments d’oxydes de titane, de solvants (hydrocarbures aliphatiques
ou
méthylcyclohexane
et
cyclopentane),
polyméthacrylate d’alcoyle et peut-être d’azurants optiques
de
liants
de
type
174
. Sous lumière UV, les
traces de blanc correcteur du carnet apparaissent noires. Avec le temps, le blanc correcteur peut prendre une teinte bleutée ou devenir translucide, ainsi que devenir fragile et cassant, ce qui n’est pas le cas pour celui présent dans le carnet pour le moment.
172
POISBELEAUD, (Christelle), Restauration de six œuvres issues du monde de la bande-dessinée, Mémoire IFROA non publié,1998, p. 61. 173 L’entreprise Tipp-Ex® développe la première un ruban de papier muni d’une couche de blanc pour corriger les tapuscrits. En 1965, le correcteur liquide est commercialisé pour répondre à divers besoins de correction. C’est la marque Pentex® qui développe la forme du stylet avec un réservoir à valve. Idem, p.62. 174 Idem. p. 68.
88
CONCLUSION L’étude matérielle et technique du carnet nous a permis de réaliser qu’il s’agissait d’un objet composite complexe, comprenant de nombreux matériaux et media différents175, combinés selon le bon vouloir de l’artiste. De plus, ces derniers étant assez récents (vingt années d’écart avec la date actuelle) et fabriqués industriellement, beaucoup d’incertitudes persistent quant à l’identification formelle de tous les éléments. Chacun d’entre eux joue un rôle dans le vieillissement global du carnet et peut, par conséquent, entraîner des altérations* propres via ses constituants internes et contaminer les matériaux et techniques en contact direct.
175
Voir annexe n° 15 - Tableau récapitulatif des documents par matériaux et positionnement dans le carnet, p. 250.
89
II - CONSTAT D’ETAT 1. Organisation du constat d’état. Le vieillissement naturel des matériaux et techniques constituant le carnet, ainsi que les conditions de manipulations, d’usage et de conservation, font partie des inévitables sources d’altérations du carnet. Ce chapitre fait donc l’état de ces différentes détériorations, tout en tentant de les classer et de les quantifier. Pour plus de lisibilité, les altérations seront présentées par zone de présence dans le carnet (reliure ou bloc-texte) ainsi que par type (chimiques, mécaniques, photochimiques), puis par documents affectés. Les documents en question ayant été collés dans le carnet assez rapidement, il est probable qu’ils n’aient été que peu séparés et qu’ils aient subis les mêmes causes d’altérations exogènes. En premier lieu, les altérations seront décrites et quantifiées, puis dans une seconde partie, elles seront analysées et qualifiées à travers le diagnostic. Puisqu’il n’y avait aucune trace d’altération d’ordre biologique ou animale, elles ne seront pas développées dans ce constat. De façon générale, le carnet est dans un assez bon état de conservation : il est resté fermé de longues périodes après son utilisation initiale. La plupart des altérations sont d’ordre mécaniques (plis, déchirures, fragilisation du plat supérieur du carnet) ou chimiques (dégradation interne naturelle des matériaux, dégradation de rubans adhésifs au sein du carnet)
2. Altérations du corps d’ouvrage Pour plus de simplicité, nous considèrerons dans cette partie les collages comme appartenant au corps d’ouvrage du carnet.
2.1.
Altérations mécaniques 2.1.1. Usure, plis et déchirures
Le bord des pages du corps d’ouvrage en gouttière* est usé par les manipulations. Par conséquent des plis et des petites déchirures sont présents sur quasiment toute la longueur des bords des pages en tranche de gouttière, en plus d’une déformation
90
du corps d’ouvrage (voir figure 72), d’un ramollissement176 du papier et d’une fragilisation mécanique. De plus, comme les documents ajoutés dans le carnet ont été pliés pour rentrer dans le format, certains dépassent malgré tout dans la tranche de gouttière du livre : des plis et déchirures entre 1mm et 1cm sont visibles sur les parties dépassantes (voir figure 74 ci-dessous). Les papiers calques sont pliés et se sont rigidifiés avec le temps. Ils présentent aussi des déchirures notamment aux croisements des plis (figure 73).
Figure 72 : Vue de la tranche de gouttière et du gondolement des pages.
Figure 73 : Détail du papier calque page 30.
Figure 74 : Détail de la tranche de gouttière. Dépassement et déchirures du papier calque de la page 8 du carnet.
Par ailleurs, certains documents ont été attachés aux pages du carnet par des agrafes, qui ont provoqué une déchirure locale là où elles ont traversé le papier. Comme ce sont des agrafes métalliques, si les conditions de conservation sont mauvaises, elles peuvent provoquer des altérations de type chimique en s’oxydant
176
Ramollissement : diminution de la rigidité du papier ou du carton. Norme AFNOR NF Z 40-011, p. 27.
91
au contact de l’air et de l’humidité et formant de la rouille, ainsi qu’un changement de couleur locale de l’émulsion. Enfin, le ruban du Scotch® Magic™ s’est rompu sur certains montages des photos, notamment à cause de l’épaisseur des photographies qui a provoqué des tensions supplémentaires.
2.1.2. Coupure et décollement
La page 41 du carnet a été détachée, puis refixée dans le carnet grâce à une longue bande de ruban adhésif de masquage sur toute la longueur de la page.
Figure 75 : Photographie des pages 40 et 41 du carnet.
Certaines photographies et photocopies se décollent du carnet car l’adhésif qui les maintenait a séché, comme par exemple la photocopie de la page 14 du carnet (figure cicontre).
Figure 76 : Détail du décollement d’un photocopie de la page 14 du carnet.
92
2.1.3. Dédoublage Quatre photographies sur papier RC présentent un dédoublage177 dans un ou deux angles, au niveau des couches de papier photographique enveloppées de polyéthylène178 (voir figure 45). L’angle inférieur droit de la page 22 présente également un dédoublage du papier sur une zone d’environ 10 x 5 cm. Une partie de cet angle est lacunaire.
Figure 77 : Détail d’une dissociation du papier RC.
Figure 78 : Détail du dédoublage de la page 22.
2.1.4. Lacunes
Deux pages du carnet présentent des lacunes* : la page 22 précédemment citée (voir figure 46) et la page 88. Aucune des deux parties manquantes n’étaient jointe au carnet. Quelques photographies présentent des lacunes de l’émulsion sur un de leur bords, probablement liées à des défauts de la couche-image, à une
Figure 79 : Détail de l’angle inférieur droit de la page 88.
Figure 80 : Lacune d’émulsion présente sur le bord supérieur d’une des photographies.
177
Dédoublage : « séparation en deux parties d’un matériau, provoquée par l’action mécanique ou chimique, à l’intérieur ou entre les couches constitutives du matériau ». Norme AFNOR NF Z 40-011, p. 25. 178 Voir la partie matériaux - 4.6.1. Les tirages à développement chromogène, p. 73.
93
mauvaise recoupe des clichés ou à des chocs ayant entraîné la fragilisation puis/ou la perte directe d’une partie de l’émulsion.
2.1.5. Empreintes, abrasions et rayures
Des photographies présentent des rayures et des abrasions de surface, ainsi que des empreintes de doigts voir des traces d’eau. La surface de la photographie étant une gélatine, ces traces ne peuvent pas être éliminées une fois qu’elles ont été faites, la gélatine étant très sensible à l’humidité. La déformation de la surface, bien qu’elle puisse être atténuée, est irréversible. Sur une zone de deux à quatre centimètres, située en tranche de gouttière, le papier de certaines pages est aussi marqué par des traces de doigts ou des empreintes diverses.
Figure 81 : Détail d’une des photographies de la page 23. (Les couleurs ont été modifiées afin d’accentuer la visibilité de l’empreinte).
Figure 82 : Détail de traces d’eau à la surface de la gélatine. (Les couleurs ont été modifiées afin d’accentuer la visibilité de ces traces).
2.1.6. Effilochage
Les échantillons de textile collés dans le carnet ont été coupés d’un lé principal pour en conserver un exemple. Ils n’ont donc pas de couture ou de finition sur les bords, ce qui entraine un effilochage : le textile se défait fil à fil. Figure 83 : Détail de l’effilochage du voile bleu.
94
2.2.
Altérations chimiques 2.2.1. Le vieillissement du ruban adhésif de masquage
Figure 85 : Détail d’un ruban adhésif de masquage en cours de réticulation (formation de cristaux, couleur ambrée, Figure 84 : Tache grasse décollement du support). transparaissant sur le recto d’une feuille dans le carnet.
L’altération chimique la plus visible est issue du vieillissement du ruban adhésif de masquage utilisé pour maintenir la plupart des éléments dans le carnet. En effet, le papier de ce ruban a énormément jauni, l’adhésif s’est affaibli et il s’est étalé audelà de cette surface de protection. Ce type de ruban n’est fait que pour être utilisé de façon temporaire, aussi l’adhésif utilisé s’est dégradé et les produits créés ont migré dans le papier et les matériaux en contact, engendrant une trace grasse sur ceux-ci, comme le montre la figure 86. Les zones de papier contaminées sont devenues hydrophobes : un test à la goutte effectué a montré que l’eau ne pénétrait
Figure 86 : Observation de la trame des fibres du voilage bleu au microscope optique (grossissement x 80).
Figure 87 : Détail du voile bleu.
95
pas ces surfaces. Une observation au microscope du voilage bleu a permis d’observer la pénétration de l’adhésif dans les fibres (voir figures 86-87).
Figure 88 : Détail de dépôts d’adhésif à la surface d’une photographie et du débordement de la colle le long de la bande autocollante.
L’adhésif du ruban de masquage utilisé dans le carnet s’est aussi étalé sur
certains
documents
vieillissement,
lors
provoquant
du des
débords d’adhésif et se déposant ainsi sur les pages opposées. Aussi cellesci se collent entre elles. Pour ouvrir le carnet, il faut détacher délicatement les parties qui ont adhéré entre elles, Figure 89 : Détail de déchirures dues au ruban adhésif. ce qui crée des tensions mécaniques. Calque p. 27.
À
la
suite
des
nombreuses
manipulations, des abrasions de surface, des déchirures et des lacunes sont apparues sur les documents lorsque les pages étaient ouvertes pour être consultées, comme le montre la figure 59. De façon générale, cela a aussi provoqué une fragilisation globale des pages du carnet.
96
2.2.2. Le déséquilibre de la balance des couleurs
Figure 90 : Détail de la photographie Figure 91 : Photographie rosie (située page 27). voilée p. 27.
Certaines photographies chromogènes se sont aussi dégradées, en partie à cause de leurs matériaux internes : elles présentent une tonalité rosée, et/ou un voile blanc en surface, sur la totalité de leur surface. Il s’agit d’un déséquilibre179 de la balance générale des couleurs : un des colorants se dégrade plus vite que les autres, ce qui entraîne la modification des couleurs de la photographie.
2.2.3. Le jaunissement du papier thermique
Le papier thermique p. 58 présente un jaunissement assez prononcé sur la totalité de son bord supérieur, d’une largeur d’environ 2cm, tandis que sur le bord inférieur elle est d’environ 3cm.
Figure 92 : Détail du jaunissement du bord supérieur de la publicité sur papier thermique de la page 58.
179
QUINTRIC, (Gaël), Les images modèles de Christian Boltanski. Recherche de traitements de conservation-restauration sur les photographies couleurs à développement chromogène : étude de la réactivité des colorants azométhiniques aux solvants, Mémoire INP non publié, Paris, 2005, p.55.
97
2.2.4. La rouille des agrafes
Certaines
agrafes
ont
commencé
à
s’oxyder, comme le montre la présence d’une auréole orangée autour du trou créé par l’agrafe sur plusieurs photographies et un document imprimé.
Figure 93 : Détail d’une agrafe sur la photo présente p. 67.
2.2.5. La migration des encres L’encre de certains feutres et stylos a également commencé à migrer à travers le papier et apparaît très légèrement auréolée de jaune au verso du papier.
2.2.6. Empoussièrement, salissures et particules
Les documents et les fonds de cahiers* sont empoussiérés : des particules et des microéléments y sont visibles dans les fonds de cahier. Ce sont des sources d’altérations pour les documents papetiers et photographiques. Parmi la poussière, il est possible de trouver des micro-organismes et des champignons susceptibles de se développer dans un milieu obscur et humide. D’autres particules catalysent les réactions d’hydrolyse acide du papier et participent ainsi à la dégradation générale du support et de la technique de l’œuvre.
Figure 94 : Détails de poussière et de particules présentes dans les fonds de cahier.
98
2.3.
Altérations biologiques
Entre les dernières pages du carnet encore vierges, un brin d’herbe d’environ un centimètre a laissé une tache jaune sur les pages entre lesquelles il s’était glissé.
3. Altérations de la reliure 3.1.
Altérations mécaniques 3.1.1. La déformation du dos brisé et le détachement du plat L’altération majeure de la reliure est la déformation du dos brisé à cause
de
l’augmentation
du
volume du corps d’ouvrage, et le détachement
partiel
du
plat
supérieur. En effet, le papier de garde s’est rompu au niveau de la charnière interne du bradel, le plat supérieur n’est donc retenu au
Figure 95 : Détail de la coiffe inférieure du carnet. Les corps charnières extérieures ne sont pas visibles.
d’ouvrage
que
par
le
matériau de couvrure en simili-cuir.
3.1.2. Déchirure et rupture Les charnières supérieures et inférieures ont commencé à se fissurer à l’extérieur de la couverture* et le simili-cuir noir qui recouvre les plats est déchiré dans les angles des
coiffes
(voir
figure
60),
fragilisant ces zones. Le papier de renfort du dos est déchiré ce qui est visible au niveau du mors intérieur là où la page de garde s’est détachée par suite de l’usure et des manipulations successives. Le fil de couture est doublé mais un des deux fils est rompu au milieu du cahier n°1. Figure 96 : Détail de la charnière intérieure en queue du carnet.
99
3.1.3. Eraflures, rayures et enfoncements
Figure 97 & 98 : Détail de l‘étiquette se décollant du plat supérieur et de la coiffe supérieure déchirée.
Les coins* des plats sont légèrement cornés et en lumière rasante des traces d’éraflures et d’enfoncement apparaissent sur les plats. Pour finir, l’étiquette collée sur le plat supérieur se décolle dans l’angle inférieur gauche.
3.2.
Altérations chimiques De la poussière doit s’être glissée dans la couverture contre le dos puisque le plat supérieur est détaché partiellement, ce qui laisse une ouverture possible à des éléments extérieurs. Sur la couverture du carnet, des taches plus claires sont visibles. Peut-être est-ce de la peinture reçue pendant la préparation
Figure 99 : Détail de la tache présente sur le plat des décors pour le tournage, ou à un autre supérieur du carnet.
moment où le carnet n’était pas protégé.
100
4. Synthèse des altérations. Matériaux
Photographies
Pages du carnet
Photocopies
Altérations mécaniques Superficielles Structurelles
Dépôts (adhésifs, autres) Abrasions Traces de doigts Taches
Empoussièrement Dépôts (adhésifs, autres) Traces de doigt Taches Empoussièrement Dépôts (adhésifs, autres) Traces de doigt Taches Décollement du papier du carnet
Dessins collés
Dépôts (adhésifs, autres)
Papiers calques
Dépôts (adhésifs, autres)
Faux télégrammes Cahier de Balzac Cartes de visites
Décollement bandelettes bleues. Tache /
Altérations chimiques
Enfoncement Plis Rayures Dissociation du papier RC Trous
Empoussièrement Déséquilibre de la balance générale Photo présentant d’un voile blanc Rouille Imprégnation de l’adhésif du ruban adhésif de masquage
Plis Déchirures Lacunes
Empoussièrement Imprégnation de l’adhésif du ruban adhésif de masquage
Plis Déchirures
Empoussièrement Imprégnation de l’adhésif du ruban adhésif de masquage
Pli
Plis Déchirures
Empoussièrement Imprégnation de l’adhésif du ruban adhésif de masquage Empoussièrement Imprégnation de l’adhésif du ruban adhésif de masquage
des Plis
Empoussièrement
/ /
Empoussièrement Empoussièrement Empoussièrement Jaunissement Effacement de l’écriture Empoussièrement
Papier thermique
Dépôts (adhésifs, autres)
Pli
Carton gris
Abrasion
Plis Déchirures
Etiquette
/
/
Non visibles mais peut-être existantes.
Feuille plastique
Dépôts (adhésifs, autres)
/
Jaunissement
/
Empoussièrement Imprégnation de l’adhésif du ruban adhésif de masquage
Tissus
Dépôts (adhésifs, autres)
101
Ruban adhésif masquage
de
Dépôts (adhésifs, autres)
Encrassement Jaunissement Oxydation
Pli Déchirures
Scotch Magic
Dépôts (adhésifs, autres)
Cassures support
Scotch repositionnable
/
/
Ruban adhésif usuel Gaffer noir
Empreintes /
/ /
du
Charnière interne du plat Reliure supérieure déchirée Coiffe déchirée Tableau 4 : Récapitulatif des altérations par type de matériau. Taches Abrasion Dépôts
Encrassement Encrassement Perte d’adhésion au papier Encrassement Encrassement
/
Les dégradations en présence sont majoritairement des altérations mécaniques, chimique, ou obtenu par l’effet conjugué des deux premières. Pour la première catégorie, ce sont surtout des plis, des déchirures, quelques lacunes et des dépôts. Pour la seconde catégorie, un encrassement, de l’oxydation des matériaux, des pertes d’adhésion des colles. Il faut désormais élaborer les relations entre ces dégradations et tenter de comprendre leurs sources de façon plus précise.
102
III - DIAGNOSTIC ET PRONOSTIC Bien qu’il ne soit pas aisé d’établir les causes d’altérations de l’œuvre, quelques sources majeures peuvent être déterminées. La plupart des détériorations ne doivent pas être considérées comme isolées, car elles sont liées à un processus général de dégradation des matériaux qui interagissent les uns avec les autres.
1. Organisation du diagnostic
La plupart des matériaux constituants ce carnet sont de nature industrielle et soumis à des secrets de fabrication qui préviennent la connaissance exacte des constituants. Aussi, ce diagnostic sera conditionné par ce facteur. Au vu de la diversité des matériaux en présence, mais des compositions communes de certains d’entre eux, il a été décidé d’évoquer seulement les documents concernés par les altérations afin d’éviter les répétitions. Ce diagnostic sera divisé en deux parties principales : tout d’abord, nous aborderons les altérations intrinsèques aux documents puis les causes externes d’altérations. 2. Les altérations propres aux constituants internes des matériaux
2.1.
Les photographies
2.1.1. Le déséquilibre de la balance générale des couleurs
Un des facteurs de dégradation des photographies chromogènes sont les colorants organiques pris dans l’émulsion. Ce sont des colorants azométhiniques180, qui sont fabriqués industriellement et sont peu stables181. Les photographies à développement chromogènes sont particulièrement sensibles à l’exposition à la lumière mais leurs colorants sont également sensibles à l’obscurité. Ils sont composés de cycles aromatiques et de groupements cétones, et sont sensibles aux solvants comme l’éthanol et l’acétone.
180
Groupe chimique caractérisé par un groupement carbone-azote. QUINTRIC (Gaël), Les images modèles de Christian Boltanski. Recherche de traitements de conservation-restauration sur les photographies couleurs à développement chromogène : étude de la réactivité des colorants azométhiniques aux solvants, Mémoire INP, Paris, 2005, p.40. 181 SQUOQUART, (Sabine), La conservation-restauration des photographies couleurs montées par la face sur PMMA, http://ceroart.revues.org/2700#tocto2n3, consulté le 24/04/17.
103
Il y en a trois : cyan, jaune et magenta182, le premier est plus sensible à l’obscurité et aux polluants tandis que les derniers sont plus sensibles à la lumière. De façon générale, la lumière est une des plus grandes sources d’altérations pour ce type de photographie183. La vitesse de dégradation varie selon les conditions de conservation des photographies : celles du carnet ayant voyagé en région parisienne et jusqu’à Rome pendant la saison hivernale, il est probable que les variations de températures et d’hygrométrie aient été importantes. De plus, le cyan est la couleur de l’émulsion la plus proche de la surface de la gélatine. Par conséquent, c’est la couleur qui s’altère le plus vite, même si le carnet est fermé la plupart du temps. Certaines photographies ont donc commencé à prendre une teinte rosée ce qui peut être lié à la dégradation du colorant cyan, d’autant plus que ce colorant est celui qui se dégrade le plus dans l’obscurité184. Cependant, cette teinte concerne en particulier quatre photographies situées p.27-28 qui sont développées sur un papier Fujicolor Crytal Archives. Une autre explication pour les dégradations plus avancées de ces photographies est un mauvais rinçage, lors du tirage des photographies. Les produits de développement restés dans les photographies se seraient alors altérés au cours du temps, changeant les réactions chimiques au sein de l’émulsion. Une dernière hypothèse à propos du vieillissement de ces quatre photographies en particulier serait le contact avec les produits de dégradation du papier calque situé entre les pages où les tirages sont fixés, ou bien l’influence de composants organiques volatils dégagés par les rubans adhésifs vieillissants185. Enfin, il se pourrait que les différentes explications citées soient liées au vieillissement de ces colorants, comme énoncé au paragraphe 1.1.1.
2.1.2. Photo blanchie
Quelques photographies présentent un voile blanc : il peut être causé par la dégradation du film de polyéthylène blanc lié à l’oxydation du polymère par le dioxyde de titane186 (TiO₂). Cependant, depuis le milieu des années 1970, l’ajout
182
Dans les photographies chromogènes, les couleurs sont reproduites par le principe de la synthèse soustractive, où les trois principales couleurs sont le cyan, le jaune et le magenta. 183 LAVEDRINE, (Bertrand), GANDOLFO, (Jean-Paul), MONOD, (Sylvie), Les collections photographiques : Guide de conservation préventive, Paris, ARSAG, 2000, p.33. 184 PENICHON, (Sylvie), Twentieth Century Colour Photographs. The complete guide to processes, identification & preservation, Los Angeles, The Getty Conservation Institute, 2013, p.205. 185 Op.Cit. LAVEDRINE, GANDOLFO, MONOD, p.123. Voir partie sur le vieillissement du ruban adhésif de masquage. 186 Op.Cit., note 183. PENICHON, p.176.
104
d’antioxydants et de stabilisateurs dans l’âme de papier du support RC est supposé d’atténuer ces dégradations187. Une autre hypothèse serait un mauvais rinçage lors du développement des clichés, qui a entraîné la présence de produits résiduels non désirés au sein de l’émulsion et donc une détérioration non habituelle du tirage chromogène.
2.1.3. Le jaunissement du papier RC
Le papier RC visible au verso des photographies est légèrement jauni, notamment sur les bords : ce phénomène s’explique par les bains de traitement qui se glissent sur la tranche du cliché entre les deux couches de plastique. La nature même du film polyester188 et la présence de produits de dégradation autour du tirage, tels que ceux occasionnés par l’adhésif du ruban adhésif de masquage189, jouent également un rôle sur le jaunissement général du verso. Il est également à noter que si le polyester est très stable tant dimensionnellement que chimiquement190, il devient toutefois moins flexible au cours du temps191. Conclusion : ces dégradations sont malheureusement irréversibles, et seule la numérisation et un traitement infographique pourrait permettre de s’approcher virtuellement des couleurs d’origines des photographies. Cependant, sans cliché de référence, il sera difficile d’estimer à quel moment les couleurs retraitées sont les plus proches du tirage original.
2.2.
Le papier thermique
2.2.1. Le jaunissement du papier
Le papier thermique présente un jaunissement sur ses bords inférieur (bande jaunie d’à peu près 2cm de large) et supérieur (bande d’une largeur d’environ 3cm). Ce jaunissement peut être provoqué par l’oxydation du papier, et/ou par une exposition photochimique. Si les bords extérieurs et inférieurs ont été exposés à la lumière, cela a pu accélérer l’oxydation du papier en contact avec l’air ainsi que des
187
Idem. Op.Cit.p 103. LAVEDRINE, GANDOLFO, MONOD, p.29. 189 Voir partie 2.3. Le vieillissement du ruban adhésif de masquage. 190 Op.Cit.p 103. LAVEDRINE, GANDOLFO, MONOD, p.43. 191 Idem. p.48. 188
105
réactions d’hydrolyse. Les bords du papier sont les zones les plus exposées à l’oxydation par une zone de contact plus grande avec le dioxygène de l’air192 : ce sont donc ces sites qui vont jaunir le plus vite. Ce changement de couleur est lié à la rupture de liaisons chimiques au sein des molécules de cellulose ce qui crée des groupements de nature acide193, parfois chromophore*.
Figure 100 : Exemple d’équation d’oxydation de la cellulose.
Ces processus sont liés également au phénomène d’hydrolyse acide du papier. En présence d’humidité et d’acidité – cette dernière pouvant être provoquée par la présence de résidus de blanchiment dans le papier194 -, les chaînes polymériques sont rompues entre les molécules de cellulose. Cela provoque l’affaiblissement des propriétés mécaniques du papier et sa fragilisation et il devient plus cassant. Ces ruptures entraînent également la formation de groupements chromophores, qui se traduit par le jaunissement du papier. Le traitement chimique des pâtes à papier utilisées pour fabriquer les papiers modernes élimine les composants indésirables tels que la lignine, qui produit des composés acides lors de sa dégradation195. La présence d’additifs au sein des pâtes industrielles empêche
192
LIENARDY, (Anne), VAN DAMME, (Philippe), Inter Folia : manuel de conservation et de restauration du papier, Bruxelles, Institut royal du patrimoine artistique, 1989 ; p. 63. 193 GIOVANNINI (Andrea), De Tutela librorum. La conservation des livres et des documents d’archive, Baden, Hier + jetzt, Verlag für kultur und Geschichte, 2010, p.138. 194 Op.Cit. LIENARDY (Anne) p.62. 195 Op.Cit. GIOVANNINI (Andrea). p. 142.
106
cependant un diagnostic fiable du vieillissement des papiers196, puisque peu d’informations sont disponibles concernant leur comportement au cours du temps. Tous les papiers sont soumis à ces réactions qui se déroulent plus ou moins rapidement selon l’origine des fibres de la pâte à papier, leur traitement, et les conditions de conservation des papiers. La description de ces altérations évolutives concerne donc tous les papiers au sein du carnet et non pas seulement le papier thermique. Cependant pour plus de clarté et pour éviter les répétitions, il a été décidé de ne pas développer les matériaux un par un.
Polluants atmosphériques OXYDATION Papier cassant Vieillissement naturel
Rupture des chaînes
RETICULATION
HYDROLYSE
Polluants atmosphériques
Polluants atmosphériques
Figure 101 : Schéma des relations entre les sources d’altérations et les réactions chimiques participant à la dégradation des matériaux papetiers.
2.2.2.
Effacement de l’écriture
La disparition de l’écriture est probablement due à l’instabilité des colorants utilisés face à une exposition à la lumière. Les apports énergétiques de celle-ci contribuent à accélérer les réactions chimiques se déroulant au sein du papier et les effets sont cumulatifs : il est impossible d’inverser les processus ayant eu lieu grâce à une action photochimique. Les colorants résistant peu à la lumière de façon générale, après un certain temps la couleur s’efface pour disparaître, de façon irréversible. Il est également possible que la réaction acide-base197 menant à l’apparition du colorant s’inverse au cours du temps. Le leuco-colorant redevient donc incolore, causant la disparition progressive de l’image.
196 197
Idem. p. 144. Voir partie ETUDE TECHNIQUE ET MATERIELLE DE L’ŒUVRE. 4.7 Le papier thermique.
107
Conclusion : ces processus sont irréversibles et comme pour les photographies, il sera nécessaire d’intervenir numériquement afin de conserver ces papiers de façon pérenne, leurs composants ne permettant pas leur conservation à long terme.
2.3.
Le vieillissement du ruban adhésif de masquage
Le ruban adhésif de marquage de couleur jaune à l’origine est devenu plus foncé voir orange par certains endroits. Ce peut être le résultat d’une exposition plus importante au soleil198, le papier étant sensible à l’exposition aux UV, qui accélèrent le processus de dégradation de la cellulose par réaction photochimique199. Cependant, la constitution même du papier et l’adhésif utilisés dans ce ruban adhésif a joué dans la dégradation et le changement de couleur observé. Selon différentes études200, la dégradation du polymère synthétique utilisé se déroule en trois étapes majeures, chacune ayant des conséquences. Durant la première phase, le pouvoir collant de l’adhésif augmente. Durant la seconde période, il y a scission des chaînes polymériques au niveau moléculaire à la suite de l’oxydation ayant eu lieu. L’adhésif devient alors moins visqueux, « s’étale » et pénètre plus profondément dans le papier, le rendant translucide. Les taches apparentes au verso des rubans adhésifs sont le résultat de cette phase de vieillissement. C’est aussi à ce moment que les débordements d’adhésifs ont eu lieu : moins solide, l’adhésif s’est étalé sous le poids des pages fermés et a causé l’adhésion des pages entre elles là où il était présent. Cette adhésion augmentant au fil du temps, elle a contribué à la création de déchirures sur les documents les plus fragiles comme les papiers calques, ou sur des papiers déjà fragilisés par des plis. L’adhésif prend aussi une couleur jaune-orangée. Enfin, la dernière étape se déroule avec l’accélération du processus d’oxydation, résultant en un assèchement de
198
Lors des déplacements liés au tournage par exemple, ou des repérages de lieux. LIENARDY, (Anne), VAN DAMME, (Philippe), Inter Folia : manuel de conservation et de restauration du papier, Bruxelles, Institut royal du patrimoine artistique, 1989, p. 64. 200 O’LOUGHLIN, (Elissa), STIBER, (Linda S.), « A closer look at pressure-sensitive adhesive tapes : update on conservation strategies », in The Institute of Paper Conservation : conference Manchester 1992, Worcester, Institute of paper conservation, 1992, p.282. et ENCKE, (David B.), FELLER, (Robert L.), “Stages in deterioration : the examples of rubber cement and transparent mending tape”, in Studies in Conservation, volume 27, 1982, Science and Technology in the Service of Conservation : preprints of the Contributions to the Washington congress, p. 20. 199
108
l’adhésif qui devient cassant, et s’agglomère en petits cristaux. Certains composants peuvent migrer dans le papier crêpe201 ainsi que dans le papier sous-jacent. La dégradation suscite également la production de composés organiques volatiles tels que du dioxyde de carbone, de l’eau, du formaldéhyde et de l’acide formique. L’adhésif oxydé est un composé acide comprenant des peroxydes lesquels peuvent créer l’oxydation et l’hydrolyse acide du papier où il est contenu, ainsi que l’oxydation et le palissement202 des photographies.
Conclusion : si aucune intervention n’est menée, tous les rubans adhésifs de masquage du carnet vont se dégrader jusqu’à la troisième phase, entraînant la perte d’adhésion des morceaux fixant les documents. Cela peut causer l’altération voire la disparition de certains éléments du carnet ainsi que celle des montages d’origines faits par l’artiste. De plus, les papiers et différents éléments en contact avec cet adhésif seront également altérés par la mise en place de processus d’hydrolyse acide et d’oxydation, ainsi que par les composés organiques volatils dégagés : les photographies sont notamment sensibles. Il est donc nécessaire d’intervenir sur ce type de matériau lors de l’intervention.
2.4.
Le Scotch Magic 810
Le Scotch® Magic™ est un des rubans adhésifs les plus utilisés pour les montages des photographies entre elles au sein du carnet. Lorsque celles-ci sont manipulées et les montages dépliés, le film est soumis à des tensions et à une usure supplémentaire au niveau de la pliure de la charnière de Scotch®. Au niveau moléculaire, les chaînes polymériques du diacétate de cellulose203 et de l’adhésif se rompent. Cela a pour conséquence la rupture finale du film plastique au bout d’un certain nombre de manipulations. Ainsi, certaines photos se détachent à cause de la rupture du film adhésif. Si les films rompus ne sont pas traités ou remplacés, les photographies détachées pourraient être perdues lors de manipulations ou de déplacements futurs.
201
Op. Cit.p. 107. O’LOUGHLIN Elissa. STIBER Linda S.p. 284. ROOSA Mark. ROBB Andrew. “Care, handling and Storage of photographs”, in International Preservation Issues n°5. [En ligne]International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA) Core Activity on Preservation and Conservation (PAC), 2004, p. 49. 203 Voir partie Etude des matériaux. 3.2.3. Le Scotch® Magic™ 810, p. 61. 202
109
L’adhésif du Scotch® ici mentionné a un vieillissement à la lumière meilleur qu’à l’obscurité204. Le pH baisse au cours du temps de 7 à 6205, mais ne semble pas devenir très acide au cours du temps206. De faibles dégagements volatils d’eau, de toluène, de xylène peuvent avoir lieu lors d’exposition à la lumière. Il a tendance à se rigidifier au cours du temps par réticulation, ce qui entraine une diminuation de sa sensibilité et de sa solubilité aux solvants, et explique aussi la rupture du film plastique qui se rigidifie par contact avec la colle. Le diacétate de cellulose jaunit et s’oxyde légèrement207 par l’effet, conjugué ou non, de la lumière et de la chaleur. Un hydrolyse lente s’efffectue par contact avec l’humidité de l’air, ce qui entraîne la production d’acide acétique, lequel accélère le cycle d’hydrolyse du film plastique et des matériaux adjacents. Des composés organiques volatiles tels que du monoxyde de carbone, du dioxyde de carbone et d’eau peuvent également être produits. Conclusion : le Scotch® Magic™ 810 évolue assez peu dans le temps s’il n’est pas trop exposé à la lumière. Il a tendance à jaunir et s’acidifier légèrement, et l’adhésif se réticule jusqu’à devenir insoluble dans la plupart des solvants. Toutefois, dans de bonnes conditions de conservation, ces dégradations devraient être ralenties et limitées. Sa rigidification est ce qui pose le plus de problème dans le carnet, puisqu’il sert de montage à des photographies. Les dégagements acides étant une possibilité de dégradation, ce paramètre est également à surveiller.
2.5.
Les agrafes
Cette cause d’altération concerne uniquement certains documents papiers et certains tirages chromogènes. Quelques-uns sont maintenus dans le carnet par des agrafes métalliques en fer nickelé, d’autres portent seulement les traces de cette méthode de montage, probablement utilisée pour fixer les photographies ailleurs avant leur placement dans le carnet. L’utilisation d’agrafe entraine localement la formation de trous de l’ordre d’un millimètre et de microdéchirures autour de ceux-ci, que ce soit sur les photographies
204
DAUGA, (Nadège), Détermination du solvant approprié pour le retrait d'un film adhésif acrylique : « scotch Magic Tape 810 TM » Restauration d'œuvres altérées par ces films d'adhésif, Mémoire IFROA non publié, Paris, 1997, p.44. 205 Un pH est considéré comme acide en-dessous de 5,8 selon les normes de la Bibliothèque nationale de France. 206 Op.Cit. p. 107. O’LOUGHLIN Elissa. STIBER Linda S.p.284. 207 Op.Cit. Note 203. DAUGA Nadège. p.45.
110
ou les documents sur papier. Ces altérations fragilisent la structure208 du papier et sont des points d’accroches pour la poussière et d’autres éléments. Enfin, pour les photographies, ces lacunes altèrent d’autant plus la couche d’émulsion et créent un nouveau point de contact avec l’air, ce qui entraine une oxydation des colorants et du papier RC, et un nouveau cycle d’oxydoréduction dans cette zone. En effet, le contact entre l’humidité, l’oxygène de l’air et les agrafes métalliques entraînent l’oxydation de ces dernières. Lors d’une réaction d’oxydo-réduction, les ions Fer II deviennent des hydroxydes de fer III : l’équation-bilan suivante résume cette transformation. 2Fe(OH)3 → Fe2O3 + 3H2O La présence de ces résidus d’oxydation entraîne des taches d’oxydoréduction, caractérisée par une petite zone rouge autour de la lacune. Conclusion : il est nécessaire d’intervenir au minimum sur les agrafes rouillées et les microdéchirures afin d’éviter la création de nouvelles zones de fragilité, que ce soit pour le papier ou les photographies. 2.6.
La feuille de plastique
La feuille plastique p. 61 présente un léger jaunissement sur la totalité de sa surface : cela pourrait être causé par le vieillissement naturel du polymère qui est du type polyester, mais cette explication reste hypothétique puisque le matériau constitutif n’est pas identifié formellement. Il est possible qu’il émette des dégagements de composés organiques volatils (COV) au cours de sa dégradation et qu’il jaunisse davantage au cours du temps. Il est possible de contrôler les émissions de composés organiques volatils par divers moyens, notamment par le prélèvement209 d’échantillons d’air dans la boîte. Ces ponctions peuvent ensuite être analysées en laboratoire pour déterminer quels composés organiques volatils sont présents dans l’air. Toutefois, il serait compliqué de faire des prélèvements directement dans la boîte de conditionnement. Des matériaux absorbants comme le charbon actif peuvent également être placés dans l’enceinte210 afin de capturer les particules nocives. Cependant, ces mesures permettent seulement de limiter les
208
GIOVANNINI, (Andrea), De Tutela librorum. La conservation des livres et des documents d’archive, Baden, Hier + jetzt, Verlag für kultur und Geschichte, 2010, p.201. 209 CINCINELLI, (A.), MARTELLENI, (T.), .AMORE, (A.), DEI, (G.), MARRAZZA, (L.), CARRETTI, (E.), BELOSI, ( F.), RAVEGNANI, (F.), LEVA, (P.), « Measurement of volatile organic compounds (VOCs) in libraries and archives in Florence (Italy) », in Science of the Total Environment, vol. 572, décembre 2016, pp. 333339. 210 HATCHFIELD, (Pamela B.), Pollutants in the Museum Environment. Practical strategies for problem solving in design, exhibition and storage, Londres, Archetype Books, 2002, p. 115.
111
dégagements hors du carnet. Or, le carnet étant fermé dans la boîte, les COV émanant de la feuille plastique au sein des pages agiront directement sur les feuilles adjacentes. Il serait cependant intéressant de contrôler la qualité de l’air au sein de la boîte de conditionnement. Puisque le matériau n’est pas identifié, il faudrait contrôler de temps à autre l’apparence et l’atmosphère de la boîte de conditionnement du carnet afin de s’assurer qu’il n’y a pas de composés dangereux formant une atmosphère contribuant à dégrader le carnet.
3. Les causes externes d’altérations : la manipulation et l’usage des documents
3.1.
La poussière, la pollution et les micro-organismes
Dès que le carnet est manipulé, des particules telles que des poussières et des micro-organismes sont déplacées dans les fonds de cahier, entre les documents, dans les résidus, les plis et les déchirures lors des mouvements d’air. Ces particules peuvent être grasses, acides, de nature polluante comme des dioxydes et monoxyde de carbone, d’azote, des acides et autres211, et présentent en quantité réduite dans l’air. Cependant, ces quantités peuvent suffire à altérer des matériaux fragiles comme les colorants des photographies chromogènes. Les composés organiques volatils et la poussière ont des effets négatifs sur les matériaux papetiers et photographiques, d’autant plus quand le taux d’humidité est élevé212 : la gélatine n’agit plus comme une barrière mais plutôt comme un matériau qui va retenir les impuretés puisqu’elle est attendrie à cause de son hydratation. Les poussières déposées sur des émulsions photographiques provoquent quant à elles des altérations chimiques, mécaniques, biologiques, ayant des conséquences sur l’apparence de l’image.
211 212
Op.Cit. LAVEDRINE, GANDOLFO, MONOD, .p.121. Idem.p.123.
112
3.2.
Les traces de doigts, salissures, taches, dépôts, enfoncements, abrasions, et lacunes
Quelques soient les documents concernés, les altérations telles que des traces de doigts, les déchirures des bords de page en tranche de gouttière, les dépôts autres que les adhésifs, les plis, enfoncements, abrasions et lacunes sont liés à la manipulation et à l’usage des documents lors du travail de préparation du film et du tournage. La dissociation du papier RC de certaines photographies, est également une des conséquences de manipulations diverses, par Gil Mas ou d’autres213. Ces traces et dépôts peuvent occasionner des dégradations mécaniques et chimiques, ainsi que devenir des points d’accrochages pour les poussières et micro-organismes qui peuvent par la suite faciliter l’apparition de nouvelles dégradations chimiques.
3.3.
Plis, déchirures
Les déchirures présentes en bord de page sur la tranche de gouttière sont dues à l’usure du carnet en conséquence de nombreuses manipulations, cette zone étant celles où les pages sont tournées le plus souvent. Celles découvertes sur les documents collés dans le carnet résultent souvent de l’usure des plis des documents, ou du fait que ceux-ci dépassent des pages du bloc-texte. Les déchirures peuvent aussi provenir de manipulations préalables à l’assemblage des documents dans le carnet. Les déchirures du matériau de couvrure sont aussi causées par l’usure et les manipulations : si le carnet a souvent été pris par la coiffe, cela a facilité la fragilisation de cette zone214. De plus, l’altération des coins de coiffe et des charnières est souvent l’une des premières à apparaître dans les livres anciens. Pour le carnet, il a probablement été transporté dans un sac durant le tournage, ce qui a augmenté l’usure des tranches, du dos et des coins. La rupture de la charnière interne a pu être provoquée par l’insertion de nombreux documents au début du carnet avant qu’ils ne soient collés dans les pages. La charnière est une zone de faiblesse dans les structures type Bradel puisqu’elle n’est constituée que d’un papier qui rattache le bloc-
213
Puisque l’on sait que d’autres personnes que Gil Mas ont écrit dans son carnet. Voir la partie Etude historique. 214 Op.Cit. GIOVANNINI, p.207.
113
texte à la couverture. Le papier doublant le simili-cuir a également disparu : cela illustre l’hypothèse de l’usure de la charnière qui a contribué à sa rupture finale.
3.4.
Décollement des documents
À la suite du séchage de l’adhésif utilisé pour coller les documents dans le carnet et à l’usage de certains d’entre eux causant des dépliages et pliages successifs, certains documents commencent à se décoller des pages.
Conclusion : Si aucune intervention n’est menée et que le carnet continue d’être utilisé, les déchirures risquent de s’agrandir et d’altérer davantage les documents, voire de mener à la perte de certains matériaux et techniques, et donc de certains éléments du carnet. Les documents qui commencent à se détacher peuvent également être séparés du carnet. La poussière et les particules présentes dans les pages, ainsi que dans les résidus d’adhésifs vont également créer des altérations mécaniques telles que des rayures ou des zones d’abrasions, et contribuer à accélérer les processus de dégradation chimiques telles que l’hydrolyse acide du papier. Si certaines d’entre elles sont d’origine biologique, elles peuvent également déclencher une infestation au sein du carnet dans de mauvaises conditions de conservation.
4. Diagnostic et pronostic global
De façon générale, le carnet est dans un état moyen. Ses matériaux papetiers n’ont pas commencé à se dégrader de façon très visible excepté aux endroits où du ruban adhésif a été utilisé. En effet le carnet est récent et a été conservé dans d’assez bonnes conditions. Les taches grasses au verso des papiers des rubans adhésifs montrent que ceux-ci ont clairement mal vieilli. Cependant, l’ouvrage a beaucoup été manipulé, étant un objet de travail et de recherches. Les dégradations mécaniques de la reliure et du corps d’ouvrage viennent principalement de cet usage, notamment lors de la préparation des décors, des repérages, et peut-être de conditions de conservation changeantes. De plus, le fait d’avoir collé tous les documents en lien avec le tournage dans les pages du carnet a augmenté le volume des pages et donc du corps d’ouvrage. Cela a entrainé une tension sur la structure du carnet pour finalement aboutir à la rupture de la charnière interne du plat supérieur et à la fragilisation du carnet.
114
Si ce dernier est conservé dans cet état, la dégradation du ruban adhésif va se poursuivre, et les documents se coller entre eux de plus en plus, jusqu’à ce qu’ouvrir les pages ne soit plus possible. L’ouvrage ne sera alors plus manipulable, ce qui provoquera la perte de son usage premier. De plus, des processus d’hydrolyse et d’oxydation vont se développer sur divers matériaux tels que les rubans adhésifs, et les divers papiers, accélérant ainsi l’acidification des matériaux papetiers du carnet et la dégradation des autres matériaux par contact, notamment les photographies déjà fragiles intrinsèquement. La nature composite de ce carnet fait intervenir des réactions différentes des matériaux aux conditions d’humidité, de température et de lumière. Des tensions peuvent se créer au cours du temps. Cependant, une fois le carnet restauré, il sera conservé dans les archives de la Cinémathèque française dans des conditions de température et d’humidité fixes et adaptées à la conservation des matériaux cellulosiques et photographiques, qui composent la majorité du carnet.
115
V - PROPOSITIONS DE TRAITEMENTS L’étude des matériaux et techniques constituants ce carnet de travail, le constat relevant les altérations et le diagnostic, ont permis de caractériser l’œuvre sur le plan matériel dans son état actuel et de mieux comprendre son évolution au cours du temps. Bien qu’il soit assez récent, les dégradations présentes ont besoin d’être stabilisées, voire contrôlées. Ce chapitre est dédié à l’élaboration d’un traitement adapté aux différentes altérations, selon les matériaux et les techniques affectées, et prenant en compte les valeurs immatérielles de l’objet.
1. Nécessité et appréhension de la restauration
1.1.
Valeurs culturelles de l’œuvre
Avant d’aborder les propositions de traitement, il est nécessaire de rappeler les valeurs immatérielles du carnet, indépendamment de sa valeur matérielle. Cette caractérisation va permettre de prendre en considération les problèmes éthiques de la restauration d’une œuvre utilitaire et les valeurs culturelles215 données à l’œuvre. En effet, lorsque Gil mas possédait l’objet, ce dernier était utilisé comme carnet de croquis et de référence pour la préparation des décors. Cette utilité prévalait sur l’aspect plus personnel216 du carnet d’étude d’artiste. Après le don du carnet aux archives de la Cinémathèque française par Gil Mas, la valeur majeure de l’objet est devenue celle du témoignage sur l’élaboration d’un film d’un réalisateur réputé, ainsi que sur le métier de décorateur. L’objet a donc une valeur d’usage217 comme document d’archive, puisqu’il restera consultable pour des chercheurs et pourra être exposé. Ce genre de carnet d’étude complet218 est plutôt rare dans les collections de l’institution, ce qui pour elle, lui donne une place à part. Le dialogue avec le service des archives de la Cinémathèque française a été très complet, pour établir au mieux
215
APPELBAUM, (Barbara), Conservation treatment methodology, Routledge, Elsevier Ltd, 2010, p. 3. Ces valeurs comprennent le sens donné par l’auteur et le propriétaire de l’œuvre, la fonction ou l’usage de l’objet ainsi que les valeurs que la société place sur l’objet. 216 Bien que Gil Mas ait aussi dessiné et conservé des éléments de souvenirs pour son propre plaisir. 217 Valeur d’usage : terme développé par Aloïs RIEGL comme la valeur rattachée à un objet vu sous l’angle de sa fonctionnalité actuelle. RIEGL, (Aloïs), Le Culte moderne des monuments, Paris, Editions Allia, 2016, p. 73 et BERGEON LANGLE, (Ségolène), BRUNEL, (Georges), La restauration des œuvres d’art : Vade-mecum en quelques mots, Paris, Hermann Editeurs, 2014, p.424. 218 Voir Etude historique – II – 1.1. Un outil de travail original ? p. 33-34.
116
les propositions de traitement. Pour eux, il était clair que la priorité était de rendre le carnet de nouveau manipulable, de stabiliser les dommages, tout en conservant au maximum l’aspect du carnet et de son contenu tels qu’ils étaient lors de leur arrivée dans les collections.
1.2.
Le respect de l’authenticité
Selon Madame Isabelle Bonnard219, la restauration de carnet d’artiste en général doit respecter220 et préserver les déformations, les ruptures et les manques qui appartiennent à l’histoire matérielle de l’œuvre et participent à son authenticité. Selon Cesare Brandi, cette notion221 réside dans deux aspects d’un bien culturel : sa création (du début du procédé mental jusqu’à la réalisation physique) et son histoire (c‘est-à-dire les modifications volontaires ou non de l’œuvre et son vieillissement matériel). En effet, ce sont des objets composites conçus au cours de leur utilisation. Les consultations successives et aléatoires du carnet apportent des altérations propres à son histoire matérielle, que ce soit sur les pages ou la reliure. Les traitements ne doivent donc pas dénaturer l’œuvre, tout en permettant, comme le dit Barbara Appelbaum222, de préserver son utilité et d’améliorer sa longévité. Cela fait écho aux règles déontologiques du code de l’E.C.C.O.223, dont l’article 5 évoque le respect dû par le restaurateur à la signification esthétique et historique ainsi qu’à l’intégrité physique des biens culturels qui lui sont confiés. Les traitements ont donc été orientés vers la conservation curative, visant à intervenir sur l’œuvre pour en retarder les altérations, ainsi que la restauration, dont le but est d’intervenir sur les œuvres endommagées pour améliorer leur lecture.
1.3.
Les contraintes de la restauration
Avant toute considération, il a fallu prendre en compte que le carnet ne pouvait plus être manipulé, entravant sa fonctionnalité. Le processus de dégradation des 219
Madame Isabelle Bonnard est experte en restauration au département de conservation de la Bibliothèque nationale de France. 220 BONNARD, (Isabelle), « Les pages dessinées des carnets d’artistes : responsabilités du restaurateur confronté à l’évolution de leur identité », Livre des Congrès IPH, vol.18., Annuaire de l’Histoire du Papier, Paris, IPH éditions, AFHEPP Association Française pour l’étude et l’Histoire du Papier et des Papeteries, 2010, pp.279-280. 221 BRANDI, (Cesare), Théorie de la restauration, Paris, Editions Allia, 2011, p. 29. 222 Op. Cit. p. 70. APPELBAUM, p. XXVI. 223 E.C.C.O. : Confédération européenne des Organisations de Conservateurs-restaurateurs. Le code de l’E.C.C.O. fut adopté en 1993 et modifié en 2002 par l’assemblée générale de la confédération. http://www.ecco-eu.org/about-ecco/history/, consulté le 28/06/18.
117
rubans adhésifs de masquage étant évolutif, il est nécessaire d’intervenir pour stabiliser ces altérations. En raison de leur propriétés chimiques et physiques et leur présence en grande quantité dans le carnet, il est difficile d’envisager une restauration minimaliste puisqu’ils affectent presque l’entièreté du carnet. Toutefois, traiter la totalité des altérations ne sera pas non plus possible puisque certaines sont irréversible et liées à la nature même des matériaux. Il faut également prendre en compte la diversité des matériaux et techniques constituant le carnet, chacun avec une sensibilité et une réactivité aux solvants et aux traitements différentes. Les matériaux de restauration doivent répondre aux critères de stabilité, d’innocuité et de réversibilité définis par l’E.C.C.O., tout en permettant de restaurer le carnet correctement. Enfin, comme dit précédemment, le service des archives de la Cinémathèque française a joué un rôle dans le choix des traitements de restauration, en tant que propriétaires actuels du carnet. Par exemple, pour la problématique soulevée par les rubans adhésifs de masquage, la Cinémathèque ne désirait pas envisager l’usage de fac-similés224, considérant qu’il s’agissait d’une falsification des matériaux originaux. De même, le sujet du démontage de la reliure a été débattu. Le tableau ci-dessous récapitule les avantages et les inconvénients du démontage de la reliure : Tableau 5 : Avantages et inconvénients de la dépose de la couverture.
Avantages du démontage de la
Inconvénients
reliure Simplification du traitement des taches Intervention importante, démontage de d’adhésif, par exemple sur une table nombreux documents en plus de la aspirante
reliure
Possibilité d’utiliser des matériaux de Perte de matériaux d’origine, de l’état conservation, tout en réalisant une primitif, d’origine225 de l’œuvre. reliure
similaire
à
celle
d’origine,
d’autant plus qu’il s’agit d’une structure d’emboitage industrielle. Simplification de la consolidation de la Incertitude quant au remontage final structure du carnet.
224
Fac-similé : « Copie fidèle, à grandeur, reproduisant l’aspect de toutes les caractéristiques du modèle, y compris ses altérations ». BERGEON LANGLE (Ségolène), BRUNEL (Georges), La restauration des œuvres d’art : Vade-mecum en quelques mots, Paris, Hermann Editeurs, 2014, p. 178. 225 BOITO (Camillo), Conserver ou restaurer ? [1893], Paris, édition Encyclopédie des Nuisances, 2013, p.39.
118
Incertitude de l’efficacité du traitement des taches d’adhésif sur table aspirante. Le temps passé à démonter et remonter la reliure en plus du traitement des pages
n’est
pas
obligatoirement
inférieur au temps qui serait passé à travailler page par page an cas de nondémontage. Différents choix s’offraient pour le traitement de cette reliure : •
Déposer la couverture : puisqu’elle n’est pas spécifique d’un temps, d’une mode, ni unique mais est issue d’une production industrielle récente sans qu’une réelle attention lui ait été portée. o
En refaire une nouvelle similaire avec des matériaux de conservation et plus adaptée au volume du corps d’ouvrage.
o
Réaliser une nouvelle reliure non-similaire à l’ancienne ou s’en rapprochant visuellement, mais plus adaptée au volume des pages.
o
Réutiliser la couvrure d’origine après consolidation de celle-ci. ▪
Remonter la couverture en plein telle qu’elle était à l’origine.
▪
Remonter la couverture partiellement afin de ne pas forcer sur le dos.
•
Ne pas déposer la couverture
•
Démonter partiellement la couverture, permettant ainsi de consolider le dos et les charnières et de rattacher le plat supérieur n’étant plus maintenu que par le papier de couvrure. Pour des raisons de conservation de l’authenticité du carnet, faire une
nouvelle reliure, bien que plus adaptée au volume des pages, ne fut pas un choix retenu par la Cinémathèque française lorsque le sujet fut abordé. Le fait de déposer totalement la couvrure, même en la remontant ensuite, fut jugé trop risqué par rapport à la seconde partie de l’intervention. Au regard du nombre de documents présents dans les pages et du nombre de pages, il y avait de trop faibles chances que l’aspect du carnet et la reliure soit exactement comme avant l’intervention. Le choix à réaliser fut donc entre la non-dépose de la reliure, ou bien un démontage partiel. Après discussion avec les responsables du service des archives de la Cinémathèque française, il a été décidé que les traitements seraient menés sans la dépose partielle de la couverture. Cette dernière, permettant de
119
rattacher le plat supérieur, serait effectuée à la fin des traitements pour adapter le protocole au cas où les interventions auraient modifiées le volume du corps d’ouvrage quelque peu.
2. Protection préalable des documents L’adhésif du ruban de masquage, en vieillissant, devient plus collant, et s’étale hors du papier crêpe, provoquant le collage de certaines pages entre elles. Des résidus d’adhésifs sont visibles sur des documents en regard : ils participent à la création de tensions mécaniques fortes qui par la suite évoluent en déchirures et des lacunes. Il faudrait donc mettre en place des protections de surface dans les zones où les documents se collent entre eux. La maniabilité du carnet sera aussi plus aisée, et le risque de créer les altérations lors des manipulations au cours de la restauration sera diminué. Des morceaux d’intissés polyester seront utilisés : ce matériau est stable dans le temps, et pourra être enlevé sans laisser de résidus. Les différents grammages offerts dans le commerce permettent aussi de choisir un intissé polyester fin, qui sera inséré entre les pages du corps d’ouvrage sans en augmenter le volume, ni altérer les documents. Il faudra cependant être prudent et vérifier que chaque échantillon d’intissé polyester est à sa place avant de tourner une page, afin qu’ils ne se déplacent pas lors de manipulations, et continuent d’assurer la protection des documents.
3. Foliotage* En parallèle du positionnement de bandes de polyester intissé à l’emplacement de résidus d’adhésifs collants, les pages du carnet ont été numérotées afin d’assurer un meilleur repérage des altérations et de leur emplacement. Les numéros ont été écrits au crayon graphite fin, en appuyant légèrement sur les pages pour ne pas les marquer. Ils sont positionnés dans l’angle inférieur côté tranche de gouttière. La numérotation commence à la page de garde (p.0) et finit à la page suivant le dernier document collé (p.110). Elle sera conservée par la suite à la demande de la Cinémathèque française, afin de faciliter la consultation du carnet.
120
4. Nettoyage à sec
Les poussières, les petits éléments incrustés dans le carnet et ses composants sont des sources exogènes de détérioration et d’altérations pour tous les matériaux contenus. Elles vont provoquer l’accélération des processus d’acidification du papier, ce qui va enclencher d’autres cycles de d’altération selon les différentes techniques présentes et leur réaction à l’acidité226 du papier. Pour les photographies, elles sont aussi susceptibles de créer des rayures227 à la surface des émulsions. En effet, la gélatine présente sur ces dernières est très hygroscopique, ce qui facilite les abrasions de surface par des particules. Si des micro-organismes sont présents dans les poussières, ils sont susceptibles de se développer dans de mauvaises conditions de conservation (forte humidité et obscurité). Il faut donc nettoyer le carnet, afin de prévenir des altérations futures et cumulatives. Son contenu étant varié et le démontage n’étant pas prévu, ce nettoyage se fera à sec. Les différentes possibilités abordées dans cette partie sont donc des techniques sans apport d’eau ni de solvant.
5. La question des rubans adhésifs Les rubans adhésifs de masquage sont les sources majeures d’altération dans le carnet, il est donc nécessaire d’intervenir sur ceux-ci, bien qu’il y ait quatre autres types de ruban adhésif dans le carnet. En tenant compte de la volonté de la Cinémathèque française de conserver les matériaux et l’aspect d’origine au maximum, plusieurs options ont été envisagées.
5.1. Interventions possibles
5.1.1. Conserver les rubans adhésifs
Les rubans adhésifs peuvent être conservés, sans intervenir plus que le retrait des débordements d‘adhésifs autour des papiers de support, ainsi que sur les documents autour. Les résidus d’adhésifs seraient alors retirés à sec ou grâce à un apport de solvant appliqué avec un bâtonnet ouaté. Le solvant sera déterminé après
226
GIOVANNINI, ( Andrea), De Tutela Librorum : la conservation des livres et des documents d’archives, Baden, Hier + jetzt, Verlag für Kultur und Geschichte, 2010, p. 171. 227 LAVEDRINE, (Bertrand), GANDOLFO, (Jean-Paul), MONOD, (Sybille), Les collections photographiques. Guide de conservation preventive, Paris, Arsag, 2000,p. 37.
121
des tests de solubilité sur des échantillons de rubans adhésifs vieillis et d’après des articles228 sur le sujet. Les plus efficaces sont la méthyléthylcétone et le toluène.
5.1.2. Changer la masse adhésive Les morceaux de ruban pourraient être réutilisés en changeant l’adhésif229, qui serait adapté et réversible. L’ancien adhésif serait retiré à l’aide de solvant parmi ceux déterminés comme efficace précédemment (méthyléthylcétone, acétate d’éthyle, etc.) Comme le carnet sera fermé pour être conservé dans un endroit aux conditions d’humidité et de température stable une fois la restauration finie, dans le cas du ruban adhésif de masquage, les processus de dégradation du papier du ruban ne devraient plus poser autant de problème, l’adhésif étant en cause.
5.1.3. Doubler la masse adhésive Il y la possibilité de doubler les papiers des rubans adhésifs de masquage d’un papier neutre qui agira comme un tampon entre les photographies et le ruban adhésif d’origine. Le ruban adhésif, doublé, serait alors collé de nouveau avec un adhésif répondant aux critères d’innocuité et de réversibilité. Toutefois, cette méthode n’est pas très sure, puisqu’il n’y a pas de retrait de l’adhésif d’origine contenu dans le ruban. De plus, la colle encore présente entre le papier de doublage et le ruban adhésif d’origine continuerait de se détériorer et un nouveau cycle d’altération se poursuivrait.
5.1.4. Remplacer le ruban adhésif
Il est possible aussi dans certains cas de remplacer le papier du ruban de masquage par un fac-similé en papier japonais teinté, collé avec un adhésif adapté, afin d’éviter au maximum les résidus de colle du ruban, et les produits dégagés lors du vieillissement de celle-ci. Ou bien, comme il est parfois fait en restauration de film 228
ENCKE, (David B.), FELLER, (Robert L.), “Stages in deterioration : the examples of rubber cement and transparent mending tape”, in Studies in Conservation, volume 27, 1982, Science and Technology in the Service of Conservation : preprints of the Contributions to the Washington congress, pp.19-23. Et O’LOUGHLIN, (Elissa), STIBER, (Linda S.), « A closer look at pressure-sensitive adhesive tapes : update on conservation strategies », in The Institute of Paper Conservation : conference Manchester 1992. Worcester, Institute of paper conservation, 1992, pp.280-286. 229 Op. Cit. p.5, BALDWIN, p. 419. Et DUVAL, (Constance), K (Il était une fois), Frédérique Devaux, 2001, Centre national du cinéma et de l’image animée. Conservation-restauration d’un objet filmique composite du cinéma expérimental (pellicules à développement chromogène, ruban adhésif). Recherche d’un adhésif de réencollage à sec des rubans adhésifs originaux pour le remontage des pellicules et des fragments désolidarisés, Mémoire INP non publié, Paris, 2015, p.125.
122
cinématographique, de remplacer le ruban adhésif par un autre similaire mais neuf230. Toutefois, cette solution n’est pas applicable ici puisque le vieillissement de ce nouveau ruban adhésif serait le même qui a apporté les dégradations au sein du carnet, ce qui serait contre-productif, d’autant plus que cette bande autocollante ne correspond pas au critère d’innocuité231 des matériaux que le restaurateur doit employer.
5.2. Choix effectués
Les rubans adhésifs seront traités différemment selon leur type. Les premiers nettoyages à sec des documents seront complétés si besoin par des nettoyages avec apport de solvant organique une fois les rubans adhésifs retirés.
5.2.1. Les rubans adhésifs de masquage Usuellement, la présence de rubans adhésifs au sein d’un objet d’art entraine le retrait de celui-ci puisqu’ils sont considérés comme des altérations. Or, Gil Mas a utilisé ce matériau pour les montages de ses documents de façon réfléchie. Il a admis avoir pris du temps pour monter ses documents, et considère les morceaux de rubans adhésifs comme faisant partie intégrante des matériaux constitutifs du carnet. Mme Delphine Warin, du service des archives de la Cinémathèque française, estimait aussi avec ses collègues que s’il y avait une solution pour conserver les rubans adhésifs originels, alors c’était la meilleure option pour préserver au mieux l’aspect original du carnet. ll faudra donc les garder232 si possible. Ils seront retirés à sec afin de ne pas apporter trop de solvant au sein du carnet. Cela permettra d’accéder à la masse adhésive sous-jacente qui pose le problème majeur au sein du carnet. Le traitement des résidus de cet adhésif est détaillé dans la partie 5. Le nettoyage des résidus d’adhésifs de type caoutchouc synthétique ci-dessous. La possibilité d’utiliser une spatule chauffante fut envisagée, mais mise de côté considérant que la plupart des rubans adhésifs de masquage étaient placés sur les émulsions photographiques, constituées de gélatine et donc thermosensibles. Le risque de déformer la couche supérieure des clichés de façon irréversible était trop important pour être pris. 230
Idem, p.127. Article 9 du code de l’E.C.C.O. sur le rôle du conservateur-restaurateur d’art. 232 BALDWIN, (Ann), “The Wayward paper object : Artist’s intent, technical analysis and treatment of a 1966 Robert Rauschenberg diptych”, in Journal of the American Institute for Conservation, vol.38. [s.l.] Taylor & Francis Ltd., The American Institute for Conservation of Historic & Artistic Works, 1999, pp. 411-428. 231
123
5.2.2. Le ruban adhésif noir type « gaffer » présent sur les textiles.
Ce ruban adhésif sera traité de la même façon que le ruban de masquage. En effet, l’adhésif est imprégné sur et dans les fibres textiles et altèrent ces derniers par la migration des produits de dégradation. Il faudra donc, afin de conserver au mieux les échantillons de tissus, remplacer la masse adhésive par une autre plus appropriée. Des tests seront menés afin de déterminer quelle technique utiliser pour nettoyer les résidus : à sec ou bien avec apport de solvant. Si cette dernière option est choisie, plusieurs solvants seront testés afin d’agir au mieux sur l’œuvre, et sur les résidus. 5.2.3. Le Scotch® Magic™ 810 et le Scotch® Repositionnable 811™ Le Scotch® Magic™ 810 se soulève assez facilement à la pointe du scalpel, et pourrait être retiré aisément à sec. Un passage à la gomme-crêpe devrait suffire à retirer les résidus d’adhésif, qui bien que ne jaunissant pas, peuvent se dégrader dans de mauvaises conditions de conservation. D’après des études menées sur le Scotch® Magic™ 810, celui-ci vieillit bien dans le temps s’il est conservé dans de bonnes conditions comme une température et une humidité stable233. Il jaunit peu, et l’adhésif ne provoque pas de taches comme le ruban adhésif de masquage. Le film d’acétate de cellulose peut cependant se dégrader et produire de l’acide acétique. Ces éléments sont donc à surveiller. Les morceaux de Scotch dont le film s’est cassé à force d’usure et de tension seront consolidés probablement à l’aide de papier japonais et de colle. Ceux-ci sont encore à déterminer, mais des tests seront effectués pour garder au maximum la transparence des films adhésifs. Le Scotch® Repositionnable 811™ se décolle légèrement des photos où il est utilisé pour le montage. L’adhésif n’a effectivement pas de pouvoir collant très fort. Cependant, l’adhésion reste suffisante pour que le montage se maintienne. Si besoin, un apport d’adhésif sera réalisé pour consolider l’adhésion entre le Scotch® et le support. Le carnet appartient aux archives de la Cinémathèque française. Sa consultation sera autorisée à des chercheurs sur présentation d’un justificatif. Aussi, il ne devrait être que peu manipulé. Il est également possible qu’il soit numérisé dans les années à venir. Le fait de conserver des éléments comme les deux Scotch® bien qu’ils 233
DAUGA, (Nadège), Détermination du solvant approprié pour le retrait d'un film adhésif acrylique : « scotch Magic Tape 810 TM » Restauration d'œuvres altérées par ces films d'adhésif, Mémoire de fin d’études INP, 1997.
124
risquent de se rompre après un certain nombre de manipulations paraît donc raisonnable.
6.
Le nettoyage des résidus d’adhésifs de type caoutchouc synthétique La mise en œuvre du retrait des résidus d’adhésifs peut être réalisée à l’aide de
nombreuses méthodes. Ci-dessous se trouve un tableau récapitulatif des méthodes de retrait des résidus d’adhésifs234. La méthode choisie devra être facile à mettre œuvre au sein du carnet, comme sur les documents déposés. La quantité de documents à traiter est importante, d’où ce critère de choix. Les résidus devront également être retirés en profondeur afin de limiter les futures altérations dues à la dégradation de l’adhésif235, tout en étant faisable alors que les feuillets du carnet ne sont pas démontés. Ainsi, les applications générales et sur table aspirante sont mises de côté dès le premier abord. Les cataplasmes promettent des pistes intéressantes, aussi des tests seront réalisés par la suite pour déterminer s’il est possible de les utiliser. De même des tests de réactivation de la colle aux solvants seront effectués. Tableau 6 : Récapitulatif des méthodes de retrait des résidus d’adhésifs
Techniques Techniques sèches Retrait mécanique pointe de scalpel Retrait mécanique gomme crêpe
à
à
la
la
Apport de chaleur
Avantages
Inconvénients
Pas d’apport de solvant.
Travail en surface. Abrasions et arrachages possibles.
Pas d’apport de solvant. Retrait des adhésifs à différents stades d’oxydation.
Travail en surface. Abrasions possibles.
Pas d’apport de solvant. Réactivation de l’adhésif
Travail en surface. Potentielle pénétration de l’adhésif plus en profondeur.
Techniques avec apport de solvant Application locale directe A l’écouvillon ou au pinceau
Mise en œuvre rapide. Au pinceau : apport solvant assez contrôlé.
de
Besoin de tester la sensibilité de la technique graphique au solvant. Risque d’auréoles.
234
CARIN, (Violette). Restauration d’un ensemble de plans cadastraux relatifs à la ville de Lens aux XIXe et XXe siècle. Etude de l’efficacité de l’essence F sur les résidus d’adhésifs d’un ruban d’emballage. Mémoire Ecole de Condé non publié, Paris, 2016, p.154 et DUSSINE, (Emilie), Mémoire sur la restauration d’un carnet manuscrit de la Seconde Guerre Mondiale, Le Journal de Bord de Marcel Guaffi, Mémoire Ecole de Condé non publié, 2007, pp.117-123. 235 Voir DIAGNOSTIC, 2.3 Le vieillissement des rubans adhésifs de masquage, p. 107.
125
Sur table aspirante
Idem. Limite les d’auréoles.
risques
Moins de contrôle de l’apport de solvant. Idem. Risque d’imprégnation plus profonde de l’adhésif, et d’augmentation de la transparence du support.
Application locale indirecte
Cataplasme en gel
Cataplasme à base d’argiles
Contrôle de l’apport de solvant et de la dépose sur le papier plus précis. Absorbe les produits solubilisés. Visibilité du traitement. Contrôle de l’apport de solvant et de la dépose sur le papier plus précis.
Gore-Tex®
Idem.
Disques de buvard empilés
Retrait par capillarité.
Besoin de tester la sensibilité de la technique graphique au solvant. Risque de résidus. Risque d’auréoles. Idem excepté pour les auréoles. Peu de visibilité du traitement. Possibilité de création d’un voile. Sensibilité de la technique au solvant à tester. Pas de visibilité du traitement. Traitement lent. Risque d’auréoles. Absorption peu importante. Pas de visibilité du traitement.
Application générale Chambre à vapeurs
Limite les risques d’auréoles
Immersion
Limite les d’auréoles.
Risque d’assèchement du support. Traitement lent.
risques
Les traitements localisés seront privilégiés tout en faisant attention aux risques d’auréoles. La visibilité du traitement e cours est également un critère important dans le choix de l’intervention future.
126
SYNTHESE DU TRAITEMENT DES DIVERS RUBANS ADHESIFS Tableau 7 : Synthèse du traitement des divers rubans adhésifs
Rubans adhésifs
Ruban adhésif masquage.
Choix effectué
de
Scotch® Magic™ 810 et ruban adhésif transparent brillant.
Scotch® 811
Ruban adhésif noir de type gaffer.
7.
-
-
Retrait du papier de support à sec. Retrait des résidus de la masse adhésive avec application de solvant. Remplacement de l’adhésif. Repositionnement des morceaux de papier de support originaux. Consolidation des films transparents cassés ou fissurés. Pas d’intervention sur le reste.
Pas d’intervention. -
Retrait du papier de support à sec. Retrait des résidus de la masse adhésive avec application de solvant. Remplacement de l’adhésif. Repositionnement des morceaux de papier de support originaux.
La question des agrafes.
Quelques documents sont maintenus dans le carnet par des agrafes métalliques. Ces agrafes peuvent être des sources d’oxydation si le carnet est conservé dans de mauvaises conditions. Certaines agrafes ont notamment commencé à rouiller, et un halo orangé est visible autour d’elles.
7.1.
Possibilités de traitement
Trois choix sont possibles : retirer toutes les agrafes et les remplacer, retirer seulement les agrafes ayant commencé à s’oxyder, ou bien ne pas intervenir dessus. Les agrafes oxydées laissent des traces de rouille visibles sur les pages en regard de leur position. Aucun traitement n’est envisagé pour traiter la rouille, mais du Paraloïd B72 pourrait être appliqué sur les agrafes afin d’éviter un contact direct avec le papier. Le retrait se ferait mécaniquement en glissant une lame de scalpel sous les extrémités des agrafes. S’il est décidé de retirer les agrafes, les documents concernés
127
seraient maintenus par un adhésif approprié au verso pour le coller dans le carnet, ou bien par un fil de lin fin passé dans les trous laissé par l’agrafe.
7.2.
Choix effectués
Afin de conserver le plus possible le visuel d’origine du carnet, seules les agrafes oxydées seront ôtées et remplacées par un point de colle adaptée à chaque type de document
concerné.
Les
autres
seront
conservées.
La
documentation
photographique permettra de savoir où étaient situées les agrafes retirées et non remplacées.
8.
Consolidation des déchirures et des lacunes Consolider les déchirures va permettre d’éviter qu’elles ne s’étendent lors de
futures manipulations du carnet, comme lors de la numérisation. Toutes les déchirures présentes sont cependant assez minimes (de l’ordre de quelques millimètres à cinq centimètres maximums sur le calque de la p.49). Les déchirures sont présentes plus particulièrement sur les bords des pages du carnet, les papiers calques (trois en tout), et les photocopies (trois également), du côté de la tranche de gouttière.
8.1.
Les pages du carnet et les photocopies
Pour les déchirures présentes sur les tranches des pages, il serait possible d’utiliser un papier japonais assez fin avec une colle qui a un pouvoir collant assez fort et une bonne résistance, mais de la souplesse, ce qui rendra les consolidations plus durables dans le temps. Les consolidations seront faites au verso des pages quand cela est possible. Comme la tranche de gouttière des pages est concernée, c’est la partie la plus manipulée. Cependant il faudra être prudent pour que ces renforts n’épaississent pas ni ne rigidifie le papier des pages. La lacune dans l’angle inférieur droit de la page 22 ne sera pas comblée, car elle est probablement le résultat d’une action volontaire de l’auteur ou bien d’un lecteur, ce qui se rapporte à l’histoire de l’œuvre. Cela étant une hypothèse ne pouvant être confirmée, le bord de la lacune sera seulement consolidé à l’aide de papier japonais et de colle. Celle-ci sera déterminée par suite de tests effectués sur du papier similaire à celui de l’œuvre.
128
8.2.
Les papiers calques
Il faudrait consolider les déchirures présentes sur les papiers calques au papier japonais collé à l’hydroxypropylcellulose préparée dans l’éthanol236. L’utilisation d’une colle non aqueuse (type Klucel G® dans l’éthanol) permettra d’éviter un apport d’humidité auquel le papier calque est très sensible. En effet, étant composé de fibres de cellulose très fines, le papier transparent est très hygrométrique, il peut donc se déformer rapidement lors d’un changement d’humidité de l’atmosphère ou bien lors d’apport d’eau directement à sa surface. Un papier japonais d’un grammage assez fin (entre 3g/m² et 6g/m²) permettrait de conserver une transparence proche de celle du papier d’origine, tout en assurant une résistance suffisante lors de la manipulation237 du document. Des papiers préencollés238 seront peut-être utilisés pour éviter que les encres ne fusent au contact du solvant.
9.
Consolidation de la reliure
La reliure du carnet est abimée par la manipulation. Si les rayures et les abrasions à la surface du simili-cuir ne seront pas traités afin de conserver les traces de l’utilisation du carnet et de respecter l’histoire de la matérialité de l’œuvre, plusieurs possibilités peuvent être envisagées pour traiter le détachement partiel du plat supérieur.
9.1.
Possibilités de traitement 9.1.1. Démonter l’emboîtage pour consolider
Comme vu dans l’introduction de ce chapitre, le choix de démonter totalement l’emboîtage constituant la reliure a été refusé dès le début par l’institution prêtant le carnet, puisque cela entrainait une perte des matériaux originaux. Cela laissait place à plusieurs choix possibles : démonter en partie le dos à partir du plat supérieur
236
Des tests de sensibilité de la technique graphique à l’éthanol seront effectués avant toute intervention. Op. Cit. LAROQUE-KUCHAREK, Les papiers transparents dans les collections patrimoniales, 2003, p. 80. 237 La manipulation du document devrait être assez réduite après sa numérisation. 238 PATAKI, (Andrea), « Remoistenable Tissue Preparation and its Practical Aspects”, in Restaurator, 2009, p.51.
129
puisque ce dernier était déjà désolidarisé du bloc-texte, ou bien consolider la charnière sans intervenir plus.
9.1.2. Démonter en partie le dos Avec les responsables de l’institution possédant le carnet, nous avons donc envisagé la possibilité de finir de détacher le faux-dos, et de renforcer le dos avec un autre papier. La couverture formerait alors une sorte d’étui protecteur autour du corps d’ouvrage, et il n’y aurait plus autant de tension sur le dos. Toutefois, en plus de modifier l’aspect primordial du carnet, cela ajouterait des tensions sur le simili-cuir de la couverture déjà fragilisé. Une autre solution serait de démonter en partie le dos à partir de la charnière supérieure interne, de changer la carte à dos et de diminuer les débords de l’adhésif de l’encollage du dos. Il serait possible alors de consolider les coiffes depuis l’intérieur du carnet. Un soufflet pourrait également être posé afin de diminuer les tensions exercées sur les charnières et le dos du carnet. La charnière serait ensuite consolidée par la pose d’un papier japonais collé avec un adhésif adapté.
9.1.3. Consolider sans démonter et recoller la page de garde
Il serait possible de consolider la partie du dos détachée, puis de recoller le dos puis le plat contre le bloc-texte, à l’emplacement d’origine de la garde volante. Les tensions exercées sur les charnières seraient cependant fortes, et il y aurait peut-être un risque de nouvelle rupture à cause de la tension exercée par le bloc-texte sur la couvrure. Une autre possibilité serait de consolider le dos et la charnière, et de ne pas rattacher la garde volante à son emplacement d’origine. Si le document n’est plus beaucoup manipulé et que les précautions sont prises, les réparations peuvent suffire, tout en évitant de rajouter de la tension sur le dos.
9.2.
Choix effectué
Après discussion avec une conservatrice-restauratrice de livre, Isabelle Blivet, et le service des archives de la Cinémathèque française, le choix a été fait de démonter le dos du livre pour insérer une nouvelle carte à dos, intégrer un soufflet consolider les coiffes, à partir de la charnière interne du plat supérieur. Le dos sera ensuite recollé, mais non la garde. Une bande de papier japonais sera posée sur la déchirure
130
et la charnière afin de consolider la zone, garder une ouverture suffisante et peu contraignante pour le reste de l’œuvre, tout en ayant conscience qu’il restera une fragilité.
10.
Conditionnement Le conditionnement permet d’assurer la durabilité des interventions de
conservation curative et de restauration, et la protection de l’œuvre dans le temps. Il sert aussi à contrer les risques d’altérations lors de la manipulation du document et de son transport. La Cinémathèque française avait déjà protégé le carnet par un conditionnement standard : une pochette en carte grise permanente fermée par un ruban entourait l’ouvrage, et elle était calée par des rouleaux en papier cristal et carte grise dans une boite Cauchard® se fermant par des rubans en coton. Cette boîte est un modèle standard utilisé par la Cinémathèque française. Cette dernière aimerait que son conditionnement soit adapté au format du livre. La solution envisagée est de créer un système pour bloquer le livre dans la boîte afin qu’il ne bouge plus autant à l’intérieur. Un sommaire des documents présents sur chaque page sera également réalisé afin qu’avant toute manipulation, le lecteur puisse savoir à quelle page se référer s’il sait ce qu’il cherche. Le carnet sera ainsi moins manipulé et les documents mieux préservés. Il serait également souhaitable de réaliser une pochette pour les fauxtélégrammes présents au début du carnet, au lieu de les laisser volant dans le carnet. Ces anciens accessoires de tournage ont été glissés dans l’ouvrage ; afin de conserver leur lisibilité recto et verso ils seront insérés dans des pochettes en Mylar®. Ainsi, ils pourront être manipulés sans contact direct.
131
V - RAPPORT DE TRAITEMENT À la suite de l’étude matérielle et technique du carnet, du constat d’état, du diagnostic des dégradations, ainsi que des propositions de traitement tenant compte de ces altérations, les traitements ont pu être mis en œuvre. Des tests ont souvent précédé la mise en œuvre dans le carnet lui-même, afin de déterminer les réactions avec les matériaux et solvants.
1. Protections préalables et foliotage Comme prévu lors des propositions de traitements, afin de pouvoir étudier le carnet en minimisant les risques lors de la manipulation, des bandes de tissu polyester non-tissé ont été placées sur les zones présentant des débordements d’adhésifs. Lors de cette intervention, la numérotation des pages a également été réalisée au crayon à papier dans l’angle inférieur des pages situé en tranche de gouttière.
2. Le nettoyage à sec 2.1. Techniques envisagées
Tableau 8 : Tableau récapitulatif des méthodes de nettoyage à sec envisagées.
Matériel utilisable Pinceau doux en poils de chèvre ou de martre239
Chiffon microfibre
Avantages
Inconvénients
Doux, il n’abîme pas le document, même les plus fragiles comme les photographies.
Ne récupère que les poussières en surface, de façon assez superficielle. Plusieurs passages nécessaires.
Fonctionnant sur le principe de l’électrostaticité, il récupère plus de poussière que le pinceau doux.
Dépoussiérage assez superficiel, possibilité de pousser les particules dans les fonds de cahier.
239
COWAN, (Janet), GUILD, (Sherry), « Dry methods for surface cleaning paper”, in Technical Bulletin no.11. [s.l.] Canadian Conservation Institute Department of Canadian Heritage, 2001, p.2.
132
Aspirateur à filtre absolu HEPA240
Gomme PVC Staedler® Mars™ plastique 100%
2.2.
Contrôle de la puissance de l’aspiration. Possibilité d’aspirer les poussières et éléments dans des zones moins accessibles comme les fonds de cahier. Un contact physique avec l’œuvre n’est pas obligatoire. En bâtonnet, l’application est plus forte, mais laisse peu de résidus241. Utilisée en application locale.
Le papier doit être suffisamment résistant pour pouvoir l’utiliser.
Choix effectués.
2.2.1. Le nettoyage de la reliure Le choix a été fait de ne pas démonter la reliure, opération lourde qui n’assurerai pas une meilleure restauration ni un meilleur traitement des altérations. Le nettoyage doit donc prendre en compte la tridimensionnalité du carnet et sa structure interne. Utiliser des matériaux pouvant laisser des résidus dans les fonds de cahier et les documents malgré un nettoyage subséquent n’est donc pas envisageable. La reliure, l’intérieur des pages et des documents seront nettoyés à la brosse douce et au chiffon microfibre, afin de ne pas abraser, abimer et/ou corner les documents ajoutés dans les pages. Les fonds de cahier seront aspirés à l’aide d’un aspirateur à filtre absolu HEPA afin d’assurer un retrait maximal de la poussière pouvant s’être glissée dans les interstices entre les pages. L’aspiration sera contrôlée afin de ne pas être trop forte et donc de ne pas abimer les documents proches des fonds de cahier. Lorsque nécessaire, les coins des pages seront traités délicatement à la gomme plastique, tout comme les bords de pages en tranche de gouttière. Le reste de la surface des pages contiennent pour la plupart des résidus d’adhésifs où peuvent se prendre des résidus de gomme. Aussi, les moyens de nettoyage laissant des résidus doivent être utilisés seulement où ces derniers peuvent être enlevés.
240
Filtre HEPA : filtre à air de haute efficacité. Acronyme tiré de l’anglais « High Efficiency Particules Attesting ». 241 Idem p.4.
133
2.2.2. Le nettoyage des photographies. Le recto des photographies sera nettoyé à l’aide d’un pinceau doux (en poil de chèvre ou de martre) préalablement nettoyé à l’eau déminéralisée242. La couche de gélatine de l’émulsion étant sensible aux rayures, il est nécessaire d’adapter le protocole. Un chiffon microfibre sera ensuite passé délicatement sur l’émulsion pour retirer les particules. Le verso des photographies sera nettoyé tout d’abord avec un pinceau doux, puis au chiffon microfibre et enfin à la gomme plastique, qui n’abrasera que peu la surface plastifiée, sans susciter de modification visible (des tests ont été réalisés au préalable sur des photographies similaires à celles de l’œuvre).
2.2.3. Le nettoyage des autres documents.
Les photocopies, les papiers calques, les dessins, etc. peuvent être nettoyés à la brosse douce et au chiffon microfibre, afin de ne pas abimer et/ou corner les documents ajoutés dans les pages. Le carnet étant relativement récent et ayant été assez bien conservé, la poussière n’est pas tant présente, aussi ces techniques douces suffiront en théorie à l’éliminer efficacement. La gomme Staedler® Mars Plastique sera utilisée pour venir nettoyer localement de façon plus poussée certaines taches. Elle n’est pas nocive pour le papier243 même à long terme. Certains grands plans sur papier calque comme celui de la rue de Richelieu (pp. 29-30 du carnet) pourront être gommés une fois démontés, en faisant attention aux résidus de gomme-poudre.
242
BARCELLA, (Caroline), Les Olgas de Sigmar Polke (Villeurbanne, institut d’art contemporain). Restauration, conservation et recherche d’une méthode de mise à plat de photographies à développement chromogène sur papier RC, Mémoire INP non publié, 2007, p.115. 243 BOUVET, (Stephane), EVENO, (Myriam), NGUYEN, (Thi-Phuong), Effets de gommes à effacer sur la cellulose du papier, Laboratoire de la bibliothèque nationale de France, 2003, p.132
134
2.2.4. Mise en œuvre Le carnet a tout d’abord été nettoyé entièrement à l’aide d’un pinceau doux en poil de chèvre afin de ne pas détériorer les documents collés du carnet, notamment les photographies. Les fonds de cahier et tous les plis Figure 103 : Nettoyage à sec à la brosse douce.
des
documents
qui
le
nécessitaient ont été aspirés
avec un aspirateur à filtres HEPA. Les bords de page de la tranche de gouttière étant les plus manipulés, les saletés y sont plus incrustées. Ces zones ont donc été traitées avec précaution à l’aide d’une gomme Staedler© Mars plastique® 100% PVC au recto et au verso, sur une largeur entre quelques millimètres (lorsque que des ajouts étaient collés sur les pages) et trois à quatre centimètres244.
Figure 104 : Verso d’un montage photo (p.6 du carnet) avant et après nettoyage à la gomme plastique.
Lorsque le verso des photographies était accessible, il a également été nettoyé à la gomme plastique. Les résidus d’adhésif présents ont été retirés à la gomme-crêpe, le support en polyéthylène étant suffisamment résistant. Le recto des photos a ensuite été nettoyé à l’aide d’un chiffon microfibre de marque Fontana®, afin de retirer les poussières et éléments incrustés.
244
Cela concernait surtout les pages annotées directement.
135
3. Le retrait des rubans adhésifs de masquage Comme prévu dans les propositions de traitement, il a été décidé de retirer temporairement les morceaux de ruban adhésif de masquage afin d’en changer la colle qui était une des sources d’altération interne principale du carnet.
3.1. Test pour le retrait à sec des pièces Retirer à sec les rubans adhésifs permet de ne pas apporter de solvant sur les pages, et d’éviter d’abimer les différentes techniques graphiques en présence (feutres, stylobille, encre d’impression, photographies…) par ce moyen. En revanche, les tensions exercées sur les papiers sont plus fortes, notamment là où l’adhésif a un pouvoir collant très forte. Des arrachements sont possibles. Il a donc été tenté de retirer les rubans adhésifs à sec, à l’aide d’une spatule fine en téflon sur des échantillons de carte moderne recouverte de ruban adhésif similaire à celui du carnet et vieillis à la chaleur. Les pièces se sont enlevées relativement aisément selon leur stade de détérioration, en laissant des résidus d’adhésifs. Les morceaux les plus oxydés se sont détachés très facilement, l’adhésif étant sec. D’autres, au début du processus d’oxydation, se sont légèrement déchirés sur leur périphérie lors du retrait mécanique.
3.2. L’utilisation d’un cataplasme en gel L’apport de solvant via un cataplasme permet de ralentir la diffusion du solvant dans le substrat et de réactiver l’adhésif pour pouvoir décoller245 le ruban adhésif plus facilement et plus rapidement. Les cataplasmes sont en général appliqués avec des argiles ou des gels, qui peuvent laisser des résidus. Il faut également prendre en compte l’évaporation du solvant qui est ralentie par la contenance dans le gel, et augmente donc le temps de pénétration dans le matelas fibreux. L’application d’un matériau de protection comme un papier Bolloré entre le cataplasme et le substrat limite les résidus, mais puisqu’il faut travailler au sein des pages du carnet, nous avons limité nos tests aux gels, dont l’application est mieux contrôlée et les résidus seront moins nombreux246.
245
COLLECTIF, “Pressure-sensitive tape and techniques for its removal from paper”, in Journal of the American Institute for Conservation, volume 23, n°2. 1984, pp. 101-113. 246 DORGE, (Valérie), (DIR.), Solvent gels for the cleaning of works of Art. The Residue Question, Los Angeles, The Getty Conservation Institute, 2004, p. 102.
136
Résidus d’adhésif
Figure 105 : Schéma de la mise en œuvre d’un cataplasme à l’argile sèche.
Des tests à la goutte d’eau ont été effectués au préalable sur des échantillons vieillis et après 30mn, rien ne transparaissait au verso du papier. Cela était peut-être du à la nature apolaire de l’adhésif du ruban autocollant. Des tests ont été effectués sous hotte aspirante, avec des cataplasmes mélangée
à
mélange
Laponite247
de de
l’acétone,
50/50
un
acétate
d’éthyle/acétone et un autre 50/50 méthyléthylcétone/acétone.
Les
supports
des
de
test
étaient
échantillons de rubans de masquage vieillis.
Cependant,
les
résultats
furent négatifs, le papier crêpe utilisé pour le Tesa® ne laissant pas passer Figure 106 : Echantillon de test de cataplasme. les solvants, peut-être à cause de sa légère plastification. Un test a également été réalisé avec de la gomme Gellane248 et une application de méthyléthylcétone249 : l’application du gel n’a pas permis un retrait de
247
La Laponite est une argile synthétique colloïdale à base de silicium, de magnésium et de sodium. Elle s’utilise préparée avec de l’eau en gel. https://www.ctseurope.com/fr/schedaprodotto.php?id=2668, consulté le 15/01/2017. 248 Gomme Gellane : Hydrocolloïde se présentant sous forme visqueuse en phase aqueuse permettant de former des gels rigides. Elle est produite par des cultures microbiennes (gomme gellane de Sphingomonas elodea). IANNUCELLI, (Simonetta), SOTGIU, (Silvia), “Wet Treatments of Works of Art on Paper with Rigid Gellan Gels”, in The Book and Paper Group Annual, Vol.29, 2010, p. 30. 249
BONALDO, (Maryse), Investigations in the Use of a Rigid Hydrogel GellanGum in the Making of Cleaning Systems for Sensitive Acrylic Paint Surfaces. Queen’s University, 2015, p.1. https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=9&cad=rja&uact=8&ved=0ah UKEwj75eXrvoPbAhWQZFAKHQtfDcAQFghtMAg&url=http%3A%2F%2Fwww.queensu.ca%2Fart%2Fsi tes%2Fwebpublish.queensu.ca.artwww%2Ffiles%2Ffiles%2FMaryse%2520Bonaldo%2520poster.pdf &usg=AOvVaw3cvNBAPzcSDPUCazJ6fB69, consulté le 13/05/18.
137
la colle plus aisé. Il est apparu que le solvant ne passait pas non plus la barrière de papier-crêpe. L’application de gomme gellane sur une zone préalablement nettoyée au solvant appliqué avec un écouvillon n’a pas non plus permis de diminuer la coloration brune du papier.
3.2.
Mise en œuvre du retrait des papiers adhésifs
Figure 107 : Détachage d’une photographie à l’aide d’une spatule en téflon.
Figure 108 : Eléments détachés du carnet dans le classeur les regroupant.
Le retrait des rubans adhésifs de masquage a été effectué à sec, à l’aide d’une spatule en téflon et d’une petite pince en acier chirurgical. Seul un ruban adhésif (p. 96) n’a pas été retiré à sec car cela risquait de déchirer la feuille sous-jacente. Il a été retiré par la suite à l’aide d’un apport localisé de toluène, appliqué au verso de la page à l’aide d’un écouvillon en coton. Le positionnement des éléments scotchés dans le carnet a été marqué préalablement au crayon graphite léger pour pouvoir les replacer au même endroit par la suite. La plupart des rubans adhésifs retirés avaient marqué les pages d’une tache huileuse, aussi peu d’entre eux ont nécessité l’ajout de tracés pour le futur remontage. Les pages ont été traitées les unes après les autres et les documents
138
détachés ont été placés dans des pochettes plastifiées250 dans un classeur. Celui-ci comprenait des intercalaires en papier indiquant le numéro des pages ainsi qu’une photographie de la double-page en question. Utiliser cet outil a permis d’organiser les documents retirés en fonction des pages desquelles ils étaient détachés, afin de les repérer plus facilement par la suite et de s’assurer de leur bon repositionnement.
Figure 110 : Ruban adhésif retiré à la pince. Figure 109 : Classeur utilisé pour trier et conserver les documents détachés pendant le traitement.
250
De pochettes plastifiées usuelles (polypropylène) ont d’abord été utilisées, puis elles ont été remplacées par des pochette en terphane (polyéthylène terephtalate) fournies gracieusement par la Cinémathèque française, notamment pour les photographies.
139
4. Le nettoyage des résidus d’adhésif 4.1.
Détermination du solvant à utiliser sur les résidus
Afin de déterminer une méthode d’intervention, des tests ont été effectués sur des échantillons de ruban adhésif vieillis afin de déterminer des solvants possibles. Plusieurs composés ont été testés pour le nettoyage des résidus de type caoutchouc synthétique. Ils ont été choisis sur la base de recherches251 menées précédemment sur ce type de ruban adhésif. Celles-ci citaient parmi les solvants possibles : l’acétone, le toluène, le tétrahydrofuranne, le N,N-diméthylformamide252, le benzène de pétrole253, le cyclohexane254. Des tests sur du ruban adhésif de masquage neuf avaient
montré
que
l’acétate
d’éthyle,
et
la
méthyléthylcétone aidaient au retrait du ruban, ils ont donc aussi été testés sur des échantillons vieillis. Les solvants cités semblaient être en nombre suffisant pour ne pas tester le N,N-diméthylformamide qui est assez toxique et n’était pas disponible au moment des essais.
Les
résultats
ont
montré
que
la
méthyléthylcétone était le solvant le plus efficace, avec le toluène (celui-ci étant plus nocif pour la santé).
Figure 111 : Echantillon de test de la sensibilité de divers feutres au toluène.
251
Voir notes 251 et 253. COLLECTIF, « Pressure-sensitive tape and techniques for its removal from paper”, Journal of the American Institute for Conservation. 1984, Volume 23, n°2, p.107. 253 Il s’agit d’une traduction approximative, car plusieurs traductions sont possibles en français. «Benzine petroleum » dans le texte original. 254 ENCKE, (David B.), FELLER, (Robert L.), “Stages in deterioration : the examples of rubber cement and transparent mending tape”, Studies in Conservation, volume 27, 1982, Science and Technology in the Service of Conservation : preprints of the Contributions to the Washington congress, p. 20. 252
140
Toutefois, des tests de sensibilité aux solvants organiques ont également été réalisés255 sur les techniques graphiques les plus utilisées. Trois gouttes de méthyléthylcétone, d’acétate d’éthyle, et de toluène ont été déposées sur des lignes de différents feutres et stylos noirs, ainsi que des feutres fluorescents. Comme les photographies sont parmi les documents les plus concernés par le retrait des rubans adhésifs de masquage, il a fallu aussi chercher les solvants auxquelles elles étaient sensibles : d’après l’étude de Gaël Quintric, elles sont donc fragilisées fortement en
Figure 112 : Localisation graphique de la zone de sensibilité des colorants azométhiniques.
présence d’éthanol ou d’acétone (voir figure 112). Ainsi, l’éthanol et l’eau ont été mis de côté256 lors des recherches et les solvants apolaires ont été privilégiés. À la suite des tests effectués257, il apparaît qu’à longterme, ni le toluène, la méthyléthylcétone ou l’acétate d’éthyle ne provoquent de changements visibles à l’œil nu sur les photographies. Sur les feutres, le toluène était le solvant qui affectait le moins tous les types de medium utilisés. Aussi, malgré la nocivité258 de ce produit, il a été choisi pour nettoyer les résidus dans le carnet ainsi que sur le recto des photographies et sur les papiers calques259. Un test de sensibilité 255
Voir Annexe n° 16 – Compte-rendu des tests de sensibilité aux solvants, p. 251. QUINTRIC, (Gaël), Les images modèles de Christian Boltanski. Recherche de traitements de conservation-restauration sur les photographies couleurs à développement chromogène : étude de la réactivité des colorants azométhiniques aux solvants, Mémoire de fin d’études INP, 2005, p. 96. 257 Voir Annexe n°16 - Compte-rendu de test de sensibilité des photographies chromogènes aux solvants, p. 251. 258 Voir Fiche de sécurité du toluène, p.267. 259 LAROQUE-KUCHAREK, (Claude), Les papiers transparents dans les collections patrimoniales. Composition, fabrication, dégradation, conservation, Thèse de l’Université Paris I – PanthéonSorbonne, Lille, Atelier national de reproduction des thèses, 2003, p.136. 256
141
des photocopies du carnet, dont certaines comprenaient des résidus d’adhésif sur le media, fut également réalisé. Une micro goutte de toluène fut déposée à divers endroits de plusieurs photocopies, sans qu’aucune trace de réaction n’apparaisse. Conclusion : L’adhésif de type caoutchouc synthétique est sensible au toluène, qui ne fait pas réagir les encres des stylos utilisés dans le carnet, ni les colorants des photographies chromogènes. Les précautions d’usage pour l’utilisation de ce type de solvant ont été prises : port d’une blouse en coton, d’un masque avec filtres à gaz et vapeurs, de lunettes de protection étanches pour les yeux, et de gants épais compatibles avec les hydrocarbures aromatiques. Les interventions ont été menées sous une hotte aspirante.
4.2.
Tests pour la méthode à utiliser 4.2.1. Le retrait à sec
Les résidus d’adhésifs peuvent être grattés à sec avec la lame d’un scalpel. Cependant, comme dit précédemment, la masse adhésive étant assez profondément incrustée dans les fibres, même si la pression est appliquée en surface des résidus, cela a rapidement pour conséquence d’abraser le papier. De plus, au regard du nombre de page à traiter, il serait plus avantageux de trouver un système de nettoyage plus efficace. 4.2.2. Utiliser un cataplasme Des tests ont été effectués avec des cataplasmes de Laponite®260 mélangée à de l’acétone, un mélange 50/50 acétate d’éthyle/acétone, un autre 50/50 méthyléthylcétone/acétone261 et enfin avec du toluène. Les échantillons de ruban adhésifs ont été vieillis artificiellement à la chaleur. Le papier des rubans adhésifs a ensuite été décollé, et les cataplasmes appliqués sur la masse adhésive. Cela n’a pas été positif : l’adhésif semble avoir trop pénétré le matelas fibreux cellulosique, puisqu’après la pose d’un cataplasme, la surface du papier s’est abrasée sous l’application légère du scalpel pour retirer les résidus. Aussi, cette méthode a été mise de côté au profit d’un nettoyage avec un écouvillon.
260
La Laponite est une argile synthétique colloïdale à base de silicium, de magnésium et de sodium. Elle s’utilise préparée avec de l’eau en gel. Voir Fiche technique de la laponite, p.295. 261 Ces tests ont été réalisés avant de faire les tests sur la sensibilité des techniques graphiques aux solvants tels que la méthyléthylcétone, d’où le choix de solvants testés.
142
Conclusion : Les résidus d’adhésifs de type caoutchouc synthétique seront donc atténués à l’aide d’écouvillons en coton et de toluène, tout en surveillant la sensibilité des autres médias à ce solvant. Si des techniques proches ou au verso de la zone à nettoyer sont sensibles à ce solvant, un autre sera choisi parmi ceux ayant été déterminés comme possible lors des tests préliminaires. Au regard de la complexité des montages dans le carnet, il sera vérifié à chaque fois si la méthode choisie convient et s’il faut en utiliser une autre.
4.3.
La mise en œuvre au sein du carnet
A l’aide d’un écouvillon, du toluène a été appliqué au verso de la page 96, afin de décoller le dernier ruban de masquage (voir 3.2. Mise en œuvre du retrait des rubans adhésifs). Puis, les résidus ont été retirés par l’application locale de toluène à l’aide d’un écouvillon en coton. Cependant, il a été noté que le temps mis pour retirer la masse adhésive était assez long (3 à 4 minutes, sans le temps d’évaporation du solvant). Il a donc été décidé de retirer au préalable à sec une quantité maximale de masse adhésive, à l’aide d’une gomme-crêpe. Cela devrait permettre par la suite de limiter l’apport de solvant au sein du carnet. Lorsque l’adhésif n’était pas encore sec (premier stade de dégradation262), le retrait était plutôt aisé. En revanche, lorsqu’il était au dernier stade de dégradation (jaune-orangé et cristallisé), la gomme-crêpe ne permettait pas de retirer de masse adhésive, celle-ci étant trop ancrée dans le matelas fibreux.
Figure 113 : Masse adhésive avant et en cours de nettoyage avec solvant, située sur la première page du carnet.
262
Voir partie Diagnostic et pronostic – 2.3. Le vieillissement du ruban adhésif de masquage.
143
Après l’apport de toluène et le nettoyage, les pages traitées ont été laissées ouvertes pendant 15mn sous la hotte aspirante afin de laisser le toluène s’évaporer263. Ensuite, un rouleau d’intissé fut placé entre la page traitée et la suivante pendant le traitement des pages successives. Sur les photocopies, un problème est apparu lors du nettoyage. La sensibilité de la technique au toluène avait été testée préalablement au traitement des résidus (voir la partie 4.2.2. Effectuer un cataplasme, p.140) et s’était révélée négative. Cependant, lors du nettoyage de certaines taches, l’encre a fusé sur l’écouvillon, et le toluène a créé une auréole plus foncée. La théorie développée est que l’encre est plus sensible à l’apport de solvant selon le stade de vieillissement de l’adhésif. Lorsqu’il est encore collant et légèrement jaune, celui-ci ne pose pas de problème de retrait, et l’encre sous-jacente n’est pas altérée. La masse adhésive doit probablement imperméabiliser le papier sous-jacent. En revanche, sur des traces au dernier stade de dégradation (stade III : couleur jaune foncé, pas d’aspect collant, résidus, colle réticulée), la colle ne forme plus de film homogène ; le toluène ne pénètre que très superficiellement l’adhésif et « glisse » dans le papier alentour. De plus, l’encre se solubilise probablement en partie dans l’adhésif lors de la première phase de dégradation de la colle264, ce qui entraine des lacunes de media lors du retrait des résidus d’adhésifs. Le traitement a donc été adapté pour les photocopies, selon le stade de dégradation des résidus d’adhésifs. Le solvant fut parfois appliqué au pinceau puis tamponné avec un écouvillon sec en coton ensuite afin de tenter de retirer des résidus au stade III. Toutefois, lorsque cela fut jugé trop risqué, afin de ne pas perdre de technique graphique, les résidus furent justes légèrement grattés en surface à sec, avec un scalpel, pour compléter le retrait à la gomme-crêpe. Les photographies restant dans le carnet ont quant à elles été nettoyées sur les côtés accessibles, à l’aide de toluène appliqué à l’écouvillon pour le recto et également de gomme-crêpe pour le verso lorsque ce dernier était accessible.
263
Ce temps a été déterminé après d’après l’expérience suivante : 1mL de toluène a été versé dans un bécher et laissé à l’air libre. Il a fallu 30mn pour que le millilitre de toluène disparaisse complètement du bécher. 264 Phase où l’adhésif devient plus mou, huileux, plus collant et s’étale tout en pénétrant les fibres du papier. Op. Cit. ENCKE, FELLER, p. 20.
144
4.4.
Les résidus d’adhésifs sur les documents détachés 4.4.1. Les photographies : résidus et autres particules
La plupart des documents détachés étaient des photographies chromogènes. Elles ont donc été nettoyées au toluène, appliqué à l’écouvillon après le retrait des morceaux de rubans adhésifs. Ceux-ci ont été retirés à sec pour la plupart et certains ont nécessité un apport de solvant plus important au pinceau, pour ne pas déchirer le papier du ruban. Une fois enlevés, il a été noté que l’émulsion a parfois été altérée par le contact avec la masse adhésive. Elle est parfois très légèrement cloquée, ou alors une ligne marque l’emplacement du bord de scotch même après un nettoyage au toluène plus marqué. Il est à noter que durant cette phase de nettoyage, de nombreuses petites particules étaient encore incrustées sur la surface des photographies malgré le nettoyage au chiffon microfibre, notamment les traces de doigt. D’après Gaël Quintric, restaurateur de photographie qui a étudié la sensibilité aux solvants des colorants azométhiniques265, l’utilisation d’éthanol et d’acétone est acceptable si le traitement est de courte durée. Un test a donc été effectué sur une photographie chromogène datant de 1989. De l’éthanol, de l’acétone, un mélange eau déminéralisée/éthanol 50/50, ont été appliqués avec un écouvillon en coton humidifié, à divers endroits de la photographie, plusieurs fois, avec des temps de séchage entre plusieurs applications. Pour l’éthanol pur et l’acétone, aucune réaction n’était visible, tandis que le mélange eau-éthanol obtint plus d’effet sur l’émulsion, l’eau faisant gonfler la gélatine et facilitant le contact avec les colorants. L’acétone et l’éthanol semblent aussi efficaces l’un que l’autre pour atténuer les traces de doigt et les dépôts. Un mélange eau/acétone 25/75 a été testé sur la photographie de 1989 : un changement de couleur étant immédiatement visible, ce mélange a été écarté. Un test a été effectué sur une des photographies du carnet, avec de l’éthanol pur et de l’acétone pure : aucune réaction n’a été visible. Il a donc été décidé de nettoyer plus en profondeur l’émulsion des photographies à l’aide d’acétone, celle-ci ayant plus d’effets pour atténuer les traces de doigts.
265
QUINTRIC, (Gaël), Les images modèles de Christian Boltanski. Recherche de traitements de conservation-restauration sur les photographies couleurs à développement chromogène : étude de la réactivité des colorants azométhiniques aux solvants, Mémoire INP non publié, Paris, 2005, 191p.
145
Figure 114 : Détail des particules à a surface d’une photographie (image modifiée pour améliorer sa lecture).
Figure 115 : Détail d’une empreinte présente sue l’émulsion d’une photographie.
146
4.4.2. Le polaroïd
Figure 116 : Polaroïd et détail du Polaroïd détaché du carnet et détail des résidus d’adhésifs à sa surface.
La particularité du polaroïd est son caractère unique et non reproductible. Aussi, il est presqu’impossible de déterminer à l’avance les effets d’un solvant sur un tirage, même si des tests ont été effectués sur une photographie similaire. Cependant, la masse adhésive étant la cause des altérations majeures du carnet, nous avons décidé de tenter de l’atténuer malgré tout. N’ayant pas de polaroïd datant à peu près de l’époque pour réaliser des tests de sensibilité aux solvants, nous nous sommes centrés sur la littérature concernant ce procédé photographique. D’après les recherches effectuées266, il était possible d’utiliser le toluène sur certains tirages Polaroïd, aussi des tests furent effectués. Pour les résidus de masse adhésive situés en dehors de l’émulsion, le résultat fut positif, aussi un écouvillon en coton imbibé de toluène fut appliqué et le retrait fut efficace sans altérations du tirage. Pour ce qu’il est des taches de colle présentes sur l’émulsion, lorsque que nous avons tenté de les atténuer, le solvant a provoqué l’apparition d’une tache irisée à la surface de la photographie. Cette altération n’est pas visible lorsque le cliché est regardé directement, mais selon l’angle de la lumière, reste apparent. Par conséquent, en accord avec la Cinémathèque française, les résidus d’adhésifs restant sur le polaroïd n’ont pas été traités pour préserver l’émulsion et éviter d’autres réactions et la dénaturation du cliché.
266
REBOURT, (Estelle), La restauration de 3 polacolors ER (photographies à développement instantané – étude de la compatibilité du polacolor ER avec les solvants organiques, Octobre 1997, Mémoire de fin d’études IFROA non publié, p. 55.
147
Figure 117 : Détail des résidus après traitement.
4.4.3. Le morceau de voilage bleu Sur conseil d’une conservatrice-restauratrice de textile267 du musée Galliera, le voilage bleu constitué de fibres polyesters a été traité à la méthyléthylcétone plutôt qu’au toluène (solvant plus agressif pour les fibres synthétique) pour désincruster les résidus d’adhésifs imprégnés dans la trame. Le solvant organique a été appliqué avec un écouvillon ouaté, sous hotte aspirante et avec gants et masque de protection. Le résultat fut assez satisfaisant, comme la figure ci-dessous l’illustre :
Figure 118 : Nettoyage du voilage bleu en cours. Moitié gauche : avant restauration, moitié droite : après retrait des résidus. 267
Echange de courriel du 26/02/2018 avec Mme Anastasia OZOLINE, conservatrice-restauratrice des collections textiles du Palais Galliera (Paris).
148
Les deux autres échantillons de textile, maintenus par des morceaux de gaffer, ont aussi été détachés. Cependant, l’adhésif du gaffer n’a que très peu pénétré les fibres, aussi il n’y avait pas de résidus visibles à retirer.
4.4.4. La feuille de plastique La feuille plastique transparente était maintenue par deux larges bandes de ruban adhésif de masquage. Puisqu’il y avait de fortes chances que ce soit un matériau en polyester268, un micro-test a été effectué sur le verso du transparent, dans une zone recouverte de ruban adhésif auparavant. Le toluène n’a pas fait gonfler la matière plastique, ni provoqué de déformations quelconques. Une fois cet élément confirmé, le reste des résidus a été retiré avec l’application d’un écouvillon de coton imbibé de toluène.
4.4.5. Les morceaux de ruban adhésif de masquage
Après le retrait des pièces de bande autocollante de masquage, celles-ci ont été considérées comme des documents détachés pour simplifier l’organisation du propos. Tout comme les photographies, les morceaux de papier crêpé ont été nettoyés grâce à une application de toluène à l’écouvillon de coton, en travaillant sous hotte aspirante, avec masque, blouse et gants de protection, à cause de la dangerosité du produit. Les éléments en attente de traitement étaient collés grâce à leur adhésif sur des feuilles de polyester Mylar®,
afin
de
travailler en série. Le nettoyage était
tout
d’abord effectué sur une autre feuille de Mylar®, puis sur un buvard
de
conservation.
Figure 119 : Nettoyage d’un morceau de ruban adhésif de masquage sous hotte aspirante. 268
Voir chapitre I - Etude matérielle et technique de l’œuvre, 4.8.3. La feuille plastique, p.81.
149
Bilan : le nettoyage des résidus de colle sur les morceaux de rubans adhésifs, les photographies chromogènes et celle monochrome, la feuille plastique, le tissu bleu ainsi que le papier du carnet fut assez efficace, bien que des taches restent irréversibles sur les éléments. Le traitement du polaroïd et de certaines photocopies dans le carnet posa plus de problème, malgré les sources bibliographiques et les tests préalables réalisés. Il fut décidé en accord avec la Cinémathèque française de ne pas intervenir plus avant si une autre solution plus viable n’était pas trouvée, ce qui fut le cas pour le polaroïd.
5. La consolidation des déchirures, des plis et des lacunes 5.1. Le cas des papiers calques
5.1.2. Mise à plat préalable à la consolidation
Parmi les papiers transparents présents dans le carnet, le calque de la page 7 ne demandait pas d’intervention. Celui de la page 8 comportait des plis marqués, étant plié en trois parties. Une zone d’environ 1,3cm sur le bord latéral droit a été remise à plat grâce à l’application d’un mélange eau (1 part) / éthanol (3 parts) au pinceau fin. Le pli médian du calque, p.27-28 du carnet, a été traité avec le même mélange. Les morceaux détachés, récupérés sur les rubans adhésifs lors du nettoyage, ont également été mis à plat avant d’être replacés dans le document.
150
Figure 120 : Détail du calque de la page 8 avant la mise à plat.
Figure 121 : Détail du calque de la page 8 après la mise à plat.
5.1.2. Tests préliminaires à la consolidation. Les papiers calques naturels sont très sensibles à l’hygrométrie et à l’apport d’eau en contact direct. Des tests ont été effectués avant la restauration afin de choisir un solvant et une colle appropriée, ainsi qu’un grammage de papier japon permettant d’équilibrer la conservation de la transparence du papier avec l’efficacité de la consolidation des déchirures et des lacunes. Le plus souvent, l’hydroxypropylcellulose est utilisée comme colle sur les papiers calques mécaniques269. Cet éther de cellulose peut être utilisé avec des solvants comme l’éthanol et l’isopropanol, évitant ainsi l’apport d’eau sur le papier transparent. Une goutte d’éthanol et d’isopropanol ont été déposées sur un papier
269
Op.Cit. p. 4. LAROQUE-KUCHAREK, p.134.
151
calque naturel similaire à celui du carnet : il n’y a pas de blanchiment du papier ou de déformation. Des déchirures ont ensuite été faites sur un échantillon afin de déterminer le mode opératoire pour la consolidation. Le tableau suivant présente les résultats de ce test.
Papier
Kozo blanc 3g/m²
Défibré
Coupé
Kozo blanc 5g/m²
Défibré
Coupé
Kozo blanc 7g/m²
Défibré
Coupé
Klucel G® 4% éthanol
Klucel G® 4% isopropanol
Visibilité assez faible en transparence. Tenue assez faible. Visibilité assez faible. Coupe plus aisée. Pose compliquée. Tenue plus faible. Visibilité plus forte. Tenue assez faible. Pose plus aisée. Tenue encore assez faible après manipulation. Visibilité et tenue idem. Coupe plus aisée. Pose aisée. Visibilité plus forte en transparence. Tenue assez faible. Visibilité et tenue idem. Coupe et pose idem.
Idem.
Klucel G® 4% éthanol – 2 applications
Klucel G® 4% éthanol – 23 applications
Tenue assez faible.
Bonne tenue.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Tableau 9 : Résultats des tests des papiers japonais préencollés. Les cases grisées indiquent que les tests n’ont pas été poursuivi plus en avant pour ces types de papier et de colle.
Synthèse : le papier japonais avec le grammage le plus fin est celui qui laisse le plus de transparence au papier calque, mais il est trop fin par rapport à l’épaisseur du papier de l’échantillon. L’application d’une couche de Klucel G® et une mise sous poids entre intissés et buvards n’est pas suffisante pour que la consolidation se maintienne. Le fait de défibrer les bandes de papier japonais permet une meilleure tenue du collage, mais celui-ci est plus perceptible que des bords droits. Il a également été noté que l’isopropanol laisse plus de traces sur le papier calque que l’éthanol lorsqu’il sert de solvant pour préparer la colle.
152
C’est pourquoi un nouveau test a été effectué : une bandelette de papier japonais 100% kozo 5g/m² a été encollée une première fois à la Klucel G® à 4% à l’éthanol et laissée à sécher à l’air libre. Une deuxième application d’adhésif a été réalisée avant de coller la bandelette sur la déchirure et mettre l’échantillon sous poids. Une autre bandelette de même papier a été encollée trois fois avant d’être positionnée sur la déchirure. La consolidation tient avec une triple application de Klucel G® et une mise sous poids. Toutefois, la coupure étant très nette, il a été décidé de défibrer
légèrement
le
papier
préencollé au scalpel avant de le placer définitivement sur l’œuvre. Cela permet une transition visuelle plus
facile
lorsque
le
papier
transparent est vu sur un papier sombre. Sur un fond blanc comme les pages du carnet, les consolidations
Figure 122 : Feuille de test pour la consolidation des sont peu visibles au premier abord. papiers calques.
5.1.3. Consolidation des déchirures, des plis et des lacunes.
Figure 123 : Calque de la page 8 après consolidation. Pose d’une large bande de papier japonais pour mieux protéger la zone fragilisée.
153
A la suite des tests effectués préalablement sur un papier transparent similaire, les déchirures ont été consolidées par des bandelettes de papier japonais 100% kozo blanc de 5g/m2, collées à la Klucel G© préparée à 4% dans l’éthanol. Certains plis ont été également traité par l’application d’un fin filet de colle sur leur longueur, afin de recréer des liaisons entre les fibres. Comme certaines zones comportaient un nombre important de déchirures, il a été choisi de poser un morceau de papier japonais plus grand afin de consolider plus efficacement le papier calque tout en apportant une meilleure lisibilité. Les lacunes ont été comblées, lorsque possible, par les morceaux manquants nettoyés et mis à plat préalablement. Un morceau de papier japonais 5g/m2 collé avec l’adhésif choisi permet de maintenir le comblement. Un seul morceau n’a pas été retrouvé, et la lacune270 a donc été comblée par la pose d’un morceau de papier Gampi collé avec le même adhésif qu’utilisé précédemment.
5.2. La consolidation des bords de pages
Pour consolider les pages en marge extérieure et en tranche de gouttière, le choix a été fait de réencoller la zone sur 2-3 mm en insistant sur la tranche de la page, avec de la Klucel® G préparée à 4% dans l’éthanol. Les déchirures présentes sur les bords de pages ont également été renforcées à l’aide de bandelettes de papier japonais tengujo 100% kozo blanc 7g/m², collées grâce au même adhésif. En effet, il apporte plus de souplesse qu’une colle d’amidon, et la préparation en solution alcoolique permet d’éviter la création d’auréoles, tout en augmentant la vitesse de séchage, ce qui est un atout pour traiter le carnet dans son entièreté. Le bord de page est donc encollé au pinceau et placé sous poids entre intissés, buvards et ais. Des cales permettent de surélever les plaques pour les
Poids Ais
Ais compensant la hauteur du carnet
Cales surélevant une plaque de plexiglas
Figure 124 : Système de mise à plat des pages au sein du carnet.
270
Située sur le papier calque situé p.27.
154
insérer entre les feuilles et créer ainsi une surface plane. Cela facilite la consolidation et la mise à plat des feuillets. Lorsque cela est nécessaire, une bande de papier japonais tengujo 100% kozo blanc 3g/m2 est collée à la Klucel® G dans l’éthanol sur l’extrémité de la feuille, prenant en pince la page, pour consolider les fibres déformées. Cette étape a été mise en œuvre sur les pages 4-5 et 42-43.
5.3. La consolidation des déchirures, et des plis sur les papiers
Les plis et les déchirures des papiers ont été consolidés avec du papier japonais blanc 100% Kozo 5g/m2 collé à la Klucel® G à 8% dans l’éthanol. Utiliser cet adhésif permet de garder une souplesse nécessaire au déploiement des documents dont les pliures ont été fragilisées, tout en créant de nouvelles liaisons entre les fibres cellulosiques. Le papier japonais choisi reste fin pour venir consolider les plis et pliures sans gêner la manipulation et la lisibilité des photocopies. Les déchirures des pages 74 (plan du château de Voisin) et 86 (pliure du planning) ont été traitées ainsi. Une des photocopies (le plan du château de Voisin p.74) a cependant posé un souci : en effet, elle n’avait pas été pliée régulièrement et des plis supplémentaires furent formés lors du collage dans le carnet, créant une bulle d’air sous-jacente et empêchant l’adhésion autour d’un pli. Le document fut ensuite replié de différentes façons dans le carnet, ce qui contribua à le déformer d’autant plus.
Figure 125 : Détail des plis du plan du château de Voisin de la page 74.
155
Lors de leur consolidation avec un léger encollage à la Klucel® G dans l’éthanol, ces plis, assez fragiles, furent mis sous poids. Cependant, un fois tous les éléments atténués
et
aplanis,
il
était
impossible de le replacer tel qu’l était auparavant
sans
reformer
les
Figure 126 : Détail du plan du château de Voisin de la anciens plis ou en créer de nouveau. page 74, refermé.
Pour compenser ces déformations, il aurait fallu décoller la photocopie de la page puis la replacer de nouveau. En accord avec la Cinémathèque française, il fut décidé de laisser les plis d’origine se reformer.
Figure 127 : Vue du plan du château de Voisin de la page 74 refermé.
5.4. La question des lacunes
Les lacunes des pages du carnet sont situées page 22 et page 88, chacune dans l’angle inférieur de la page de droite. Après discussion avec la Cinémathèque française, il a été décidé de consolider la première lacune mais de ne pas combler la seconde. En effet, la lacune de la page 22 est aussi fragilisée par un dédoublage du papier, déchiré dans l’épaisseur de la feuille sur zone de 3cm de large et de 7cm de longueur. Cette zone est non homogène, la surface est abrasée, et le papier s’affine sur le bord jusqu’à être lacunaire dans l’angle droit. La lacune de la page 88, quant à
156
elle, a un bord déchiré plus abruptement et le papier n’est donc pas dédoublé : elle résulte probablement d’une déchirure volontaire et ne risque pas d’être fragilisée lors de la manipulation. La lacune de la page 22 a donc été consolidée par la pose d’un papier japon 100% kozo blanc de 7g/m2 collé à la colle d’amidon préparée à 20%. Bien que le papier des pages soit assez sensible à l’eau, le choix de cette colle était justifié par la nécessité d’une adhésion forte entre le papier de consolidation et le papier de la page fragilisé. 5.5. La consolidation du support RC des tirages chromogènes
Parmi les altérations physiques des photographies, la dissociation du support RC de quelques-unes d’entre elles demandait une intervention. Sur la référence de Gaël Quintric271, il a été décidé d’utiliser de la méthylhydroxyéthylcellulose272 de marque Tylose MH300P, préparée à 8% dans l’eau, afin de limiter l’apport d’eau au maximum. Les photographies consolidées ont ensuite été placées sous poids entre deux intissés et buvards pendant 1h.
Figure 128 : Dédoublage d’un papier RC avant et après traitement.
Nous avions pensé que la Klucel® G préparée à 7% dans l’éthanol aurait pu être utilisée afin d’éviter un apport d’humidité, mais un test préalable a démontré que ce n’était pas le cas. Sur une photographie chromogène de 1998, une fine couche de Klucel® G préparée dans l’éthanol été appliquée et mise sous poids. Une tache est apparue à l’emplacement de l’adhésif : il avait provoqué une modification des colorants, alors que la Tylose MH300, testée en parallèle, non. La Klucel® G semblait
271
Op.Cit. QUINTRIC, Les images modèles de Christian Boltanski.[…], p.111. Lors d’un entretien oral avec lui, il a également conseillé cet adhésif pour traiter ce type d’altération. 272 Cet adhésif est couramment utilisé en conservation-restauration d’arts graphiques et photographiques. Idem.
157
avoir un temps de rétention du solvant suffisant pour que l’éthanol interagisse chimiquement avec les molécules azométhiniques et la Tylose MH300 a donc été préférée. 5.6. Les lacunes de l’émulsion photographique
Les lacunes dans les émulsions : de petite taille (1mm maximum), elles ne semblaient pas être susceptibles de s’altérer davantage. Il a été décidé ne pas les traiter afin de ne pas intervenir plus que nécessaire sur les photographies. Cela permettait également de rester fidèle à l’histoire du carnet, respectant ainsi les souhaits de l’institution possédant le carnet. De plus, ayant seulement l’expérience d’un stage pour traiter les photographies, cela nous a semblé plus approprié.
6. Le remontage des documents retirés. Cette partie détaille le repositionnement des éléments déposés au début de la restauration ainsi que celui des rubans adhésifs de masquage nettoyés.
6.1.
Le remontage des documents faits de papier
Pour améliorer la réversibilité et la résistance du montage des documents avec un support en papier, il a été choisi d’utiliser de la colle d’amidon de blé préparée à 20% dans l’eau. Cette colle a un bon pouvoir collant ce qui permet de ne pas insérer une charnière au verso du document. Les morceaux de ruban adhésif de masquage ont donc été encollés à la colle d’’amidon puis repositionnés à leur emplacement d’après les repères au crayon à papier et les photographies témoins.
Figure 129 : Angle inférieur gauche de la photocopie de la page 70 avant et après collage du ruban adhésif à la colle d’amidon.
158
6.3.
Le remontage des matériaux plastifiés
6.3.1. Le choix d’un adhésif Critères de sélection de l’adhésif : -
Adhésion suffisante
-
Stabilité physique et chimique, résistance aux attaques biologiques
-
Compatibilité avec tous les supports et techniques concernés : papier et carton industriel, photographie chromogène, feuille plastifiée, tissus.
-
Réversibilité sur tous les supports et techniques concernés, dans le solvant d’origine ou un autre.
A cause de ces critères, le choix d’un adhésif pour recoller les morceaux de ruban adhésif de masquage s’est révélé restreint, notamment à cause de la présence des photographies. La sensibilité des émulsions aux solvants polaires273 (eau, éthanol, acétone notamment), supprime des possibilités les adhésifs les plus utilisés en restauration d’arts graphiques, tels que la colle d’amidon ou l’hydroxypropylcellulose. Le support plastifié en polyéthylène des photographies cause également problème puisque l’adhésif doit adhérer suffisamment sur ceux-ci. Or, la plastification empêche la colle de pénétrer par capillarité le support comme lors d’un collage sur un papier non-enduit. Le papier RC est d’une certaine façon imperméable et sa surface trop lisse pour utiliser les adhésifs utilisés couramment en restauration d’arts graphiques. Tous ces critères étant pris en compte, il a été choisi de s’intéresser aux colles synthétiques pouvant être utilisées dans des solvants apolaires et réversibles dans ces mêmes solvants. Les adhésifs qui ont été retenus sont des résines acryliques : le Paraloïd® B-72274, un mélange d’acrylate de méthyle et de méthacrylate de méthyle, et le Plextol® B 500, un mélange d’acrylate d’éthyle et de méthacrylate de méthyle.
273
QUINTRIC, (Gaël), Les images modèles de Christian Boltanski. Recherche de traitements de conservation-restauration sur les photographies couleurs à développement chromogène : étude de la réactivité des colorants azométhiniques aux solvants, Mémoire INP non publié, Paris, 2005, p. 96. 274 RAMAKERS, (Hanneke), “Paraloïd™ B-44 : Studio tests for the Reconstruction of a Tang Dynasty Model of a Horse.” in Recent advances in Glass, Stained-Glass and Ceramic Conservation 2013, Roemich, H., K. van Lookeren Campagne, ICOM-CC Glass and Ceramics Working Group Interim Meeting and Forum of the International Scientific Committee for the Conservation of Stained Glass (Corpus Vitrearum – ICOMOS), 2013, p.61. et LAVEDRINE, (Bertrand), GANDOLFO, (Jean-Paul), MONOD, (Sybille), Les collections photographiques. Guide de conservation préventive, Paris, Arsag, 2000, p.70.
159
Le Paraloïd® B-72 est plus utilisé en restauration d’arts graphiques et de photographies que le Plextol B 500. Il est soluble dans divers solvants tels que l’acétone, le toluène, l’acétate d’éthyle, ou encore le xylène. La résine est présentée sous forme de billes dissoutes dans le solvant choisi. Il possède une bonne réversibilité275, est assez souple et il est également réactivable à chaud, avec une température de transition vitreuse moyenne de 40°C. Comme le carnet sera conservé dans des conditions de température et d’hygrométrie stables et adaptées aux matériaux papetiers et photographiques, l’utilisation de cet adhésif est possible. Des tests ont donc été effectués en vue de l’utilisation de cet adhésif sur des morceaux de ruban adhésif de masquage nettoyés et collés sur des gélatines photographiques. Les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous : Tableau 10 : Résultats des tests d’application du Paraloïd B 72.
Application
au
pinceau
et Application
collage direct Paraloïd
B72 Résultat : les échantillons
40% + toluène
au
pinceau
et
réactivation à chaud Résultat : Les échantillons ne
sont bien maintenus par
sont que peu maintenus par
l’adhésif choisi, même lors de
l’adhésif et les montages se
la flexion du support de
décollent lors de la flexion du
montage.
support. Malgré l’augmentation
Désavantage : Temps
de la température de
d’évaporation du solvant
réactivation, l’adhésif n’adhère
(environ trois semaines).
que très peu au support qu’il
Avantage : pas d’apport de
s’agisse des émulsions
chaleur.
photographiques ou des papiers normaux. Désavantage : temps d’évaporation du solvant. Avantages : possibilité d’encoller tous les papiers avant, de laisser sécher puis de réencoller.
275
DOWN, (Jane L.), « The evaluation of selected poly(vinyl acetate) and acrylic adhesives : A final research update. » In Studies in Conservation, [n.l.], Maney Publishing, Volume 60, n°1, 2015,pp.3335.
160
Paraloïd
B72 Résultats : idem.
Résultats : idem.
30% + acétate Désavantage : utilisation d’un
Désavantage : utilisation d’un
d’éthyle
autre solvant, auquel certains
autre solvant, auquel certains
feutres sont sensibles.
feutres sont sensibles.
Avantage : temps
Avantage : temps
d’évaporation du solvant plus
d’évaporation du solvant plus
court que le toluène (quelques
court que le toluène (quelques
heures).
heures).
Synthèse : la réactivation à chaud du Paraloïd B72 s’est avérée peu effective. L’utilisation d’un autre solvant permet de diminuer le temps d’évaporation de ce dernier et de raccourcir la durée de l’intervention, bien qu’il faille être très prudent par rapport aux techniques graphiques en présence. L’acétate d’éthyle est l’un des solvants sans effet visible à l’œil nu sur les photographies chromogènes, mais comme les tests276 de sensibilité l’ont montré, certaines encres modernes y sont sensibles. 6.3.2. Mise en œuvre Pour le remontage des matériaux plastifiés (les photographies sur papier RC, le polaroïd™ et la feuille transparente en polyester), il a été choisi d’encoller les supports des rubans adhésifs avec du Paraloïd B-72 préparé dans l’acétate d’éthyle. Moins toxique277 que le toluène, il a également un temps de rétention dans l’adhésif moins long. Selon la volonté de la Cinémathèque française, en plus du remontage des anciens rubans adhésifs, des charnières ont été installées au verso d’un des bords des photographies. Elles sont là au cas où un ou plusieurs rubans adhésifs rattachés au Paraloïd B-72 se décolle. Ce sont des charnières composées de papier japonais de 14g/m2.
276
Voir la partie 4.1. Détermination du solvant à utiliser pour les résidus, p.138. Voir la Fiche technique de l’acétate d’éthyle, p.277. Il est cependant mieux de le manipuler sous hotte aspirante et de se protéger avec le port d’une blouse, de gants et d’un masque comprenant un filtre à solvant et particules. 277
161
Figure 130 : Charnière posée photographie chromogène.
au
verso
d’une
Figure 131 : Photographie de la page 1 recollée à son emplacement d’origine.
7.
La consolidation des rubans adhésifs rompus.
7.1. Tests pour le choix d’un adhésif et d’un papier Les supports de film adhésifs rompus sont ceux similaires à la marque Scotch® Magic™. Transparents et mats, ils posent un problème quant à leur consolidation. Ils n’ont pas été retirés du carnet bien qu’ils puissent devenir des sources d’altération plus tard. Les matériaux utilisés pour consolider ces scotchs doivent correspondre aux caractéristiques de transparence et de matité du ruban adhésif consolidé.
162
Des tests ont donc été effectué afin de déterminer quel adhésif serait le mieux pour consolider ces supports plastiques. Les résultats ont montré qu’un papier japonais suffisamment fin permettait de conserver une transparence proche du scotch, ainsi qu’une matité similaire à celle d’origine. Parmi les adhésifs testés : gélatine, Lascaux 498 HV, colle d’amidon de blé et Klucel G, seule la colle acrylique Lascaux 498HV permet de conserver, combiné avec le papier de consolidation, une transparence suffisante, notamment pour les montages des photos de l’artiste. Le Paraloïd B72 étant très brillant une fois sec, il n’a pas été retenu pour les tests.
7.2.
Mise en œuvre
Des bandelettes de papier japonais 5g/m2 ont donc été découpées au format des scotchs précédents. Ils ont été encollés à la Lascaux 498 HV, qui est en plus d’avoir la meilleure adhésion et transparence a un pH un peu plus basique, permettant de ralentir les processus d’acidification liés au support en acétate de cellulose.
Figure 132 : Montage de la page 6 avant et après consolidation.
8. La consolidation de la structure du carnet Plusieurs options étaient possibles pour cette étape : démonter en partie le dos à partir du plat supérieur, puis poser un soufflet et rattacher le plat à nouveau ; ou bien tenter de ne pas démonter le dos et de consolider la charnière sans plus intervenir. Après discussion avec une restauratrice de livre des archives nationales de France, son conseil était de choisir la première solution. En effet, le carnet étant assez lourd, les tensions exercées sur le dos sont assez fortes. Comme l’œuvre est destinée à
163
être consultée par des lecteurs, soulager ces tensions et consolider plus fortement la structure est plus adapté. Nous avons décidé d’en discuter avec la Cinémathèque française et d’expliquer les possibilités. Finalement, il fut choisi de détacher partiellement la couvrure et de poser un soufflet contre le dos du carnet.
8.1.
Démontage partiel du dos
Comme vu dans le constat d’état de la structure du carnet, la charnière interne supérieure est déchirée sur toute sa longueur. Cela permet d’observer un amas de colle translucide plutôt blanche. Elle a été utilisée pour encoller le dos lors de l’emboitage et il s’agit probablement d’une colle synthétique, qui peut être retirée à sec ou à chaud dans certaines conditions. Puisque peu d’informations étaient présentes sur le simili-cuir qui compose le matériau de couvrure du carnet, il a été décidé de ne pas essayer le retrait à chaud en premier afin de ne pas altérer la matière synthétique. Le carton du dos fut donc dégagé à sec de la masse adhésive, à l’aide d’une spatule.
Figure 133 : Vu de la couverture déposée partiellement et détail du plat et du dos des cahiers.
8.2.
Nettoyage et consolidation du dos
Les résidus de colle, de type synthétique, furent retirés à secs du dos afin de pouvoir consolider ce dernier avec des matériaux adaptés à conservation du carnet. Deux bandes de papier japonais tengujo blanc de 6,5 g/m2 furent collés l’une après l’autre à la colle d’amidon de blé préparée à 20%, sur la largeur du dos, contre les fonds de cahier pour servir de nouvelle apprêture.
164
8.3.
Consolidation de la couvrure au niveau des coiffes
Le matériau de couvrure étant en simili-cuir, il était nécessaire d’utiliser une colle synthétique comme de la Lascaux 498 HV, puisque les colles couramment utilisées en restauration d’arts graphiques telles que l’amidon n’ont pas assez de pouvoir collant pour adhérer à une matière plastique. Le papier choisi pour consolider les coiffes est un papier japonais de 12g/m2, teinté à la peinture acrylique278 noire. Les pièces de consolidation furent collées sur l’extérieur des angles de la coiffe, en suivant les déchirures du plat extérieur à l’intérieur du rempli.
Déchirure consolidée
Déchirure avant consolidation
Figure 134 : Détail d’une coiffe en cours de consolidation.
La couvrure fut également consolidée au niveau des charnières, avant le rattachage du plat. Le simili-cuir était coulé sur un papier de couleur crème qui s’était délité à force d’usure en certains endroits. Il a donc été consolidé avec un papier minota (50% de fibres de chanvre, 50% de fibres de papier japonais kozo) de 14 g/m2, fixé à la colle d’amidon de blé. Ce grammage permet de renforcer le simili-cuir au niveau des charnière depuis l’intérieur de la couvrure.
278
Peinture acrylique de la marque Golden.
165
Charnière pré-consolidation
Charnière consolidée
Figure 135 : Vue plongeante sur le dos déposé et les charnières en cours de consolidation.
8.4.
Pose du soufflet
Figure 136 : Détail du soufflet collé sur le faux-dos avant le rabattement de cette dernière.
Un soufflet, c’est-à-dire une pièce de papier ou de non-tissé enroulé sur luimême, a donc été collé sur le dos du carnet. Il a été choisi de le réaliser avec du
166
Tyvek®, un non-tissé de polyéthylène279 de haute densité, sans liant ni additifs. Il est stable dans le temps, au niveau dimensionnel comme chimique et restera souple tout en s’usant moins aisément que du papier. Il a été collé à l’aide d’adhésif Lascaux 498 HV, une colle synthétique stable280 dans le temps. Dans un premier temps, le collage fut réalisé sur le carton gris de la couverture, avant de refermer le soufflet, d’appliquer une nouvelle couche d’adhésif et de rabattre le tout pour permettre l’adhésion avec les fonds de cahier.
8.5.
La consolidation de la charnière et de l’attachement du plat.
La couverture a été rabattue contre le dos pour finaliser la pose du soufflet. Puis, trois bandes de papier japonais blanc tengujo 7 g/m2 ont été collées à l’aide d’amidon de blé (préparé dans l’eau à 20%) sur la charnière, sans rapprocher le plat du bloctexte autant qu’il l’était à l’origine. Cela a permis de conserver une plus grande ouverture sans forcer sur le dos, tout en consolidant la rupture de la charnière.
Figure 137 : Charnière interne du plat supérieur après consolidation.
La charnière interne du plat inférieur a été consolidée par le même papier et adhésif, mais seulement deux bandes de papier ont été appliquée.
279
HATCHFIELD, (Pamela B.), Pollutants in the Museum Environment. Practical strategies for problem solving in design, exhibition and storage, Londres, Archetype Books, 2002, p. 80. 280 DOWN, (Jane L.), « The evaluation of selected poly(vinyl acetate) and acrylic adhesives : A final research update. » in Studies in Conservation, [n.l.] Maney Publishing, Volume 60, n°1, 2015, pp.33-54.
167
9. Le conditionnement
Figure 138 & 139 : Boîte de conservation en celloderm Cauchard® et photographie de la boîte de conditionnement sur mesure en cours de fabrication.
En concertation avec les archives de la Cinémathèque française qui vont s’occuperont de stocker et conserver le carnet, il a été décidé de fabriquer une boîte de conservation adaptée au format du carnet, mais pouvant être inséree et calée dans une boîte d’archivage de fabrication Cauchard®. En effet, l’institution utilise ces contenants constitués de carton adaptés à la conservation des archives (carton de conservation, pas d’adhésifs), pour le stockage et le transport des œuvres entre les archives et le lieu de leur consultation par le public, situé sur le site du musée de la Cinémathèque française à Paris. La boîte fabriquée est constituée de carton de conservation assemblés par des collages à l’adhésif Lascaux 498HV et maintenus par un matériau de recouvrement externe et interne. Pour le premier, il s’agit de textile Bukram, un tissu enduit et couramment employé pour fabriquer des conditionnements pour les livres dans les archives et les bibliothèques de France. Pour le second matériau de recouvrement, il s’agit de papier dit permanent, c’est-à-dire ayant une réserve alcaline. Ces matériaux permettront de limiter les interactions avec l’air ambiant, et sont inoffensifs chimiquement pour le carnet et son contenu. Un des plateaux de la boîte sera recouvert d’une couche de mousse plastazote recouverte de papier permanent et creusée pour permettre au carnet d’y
168
être déposé. Cela donnera la possibilité de maintenir l’objet en place tout en absorbant les vibrations lors des déplacements. Enfin, les cinq documents qui n’étaient pas collés dans le carnet ont été placés dans des pochettes en Mylar® sur mesure, soudées sur deux côtés. Le numéro de page du carnet à laquelle ils étaient placés a été reporté au feutre permanent sur un angle des enveloppes. Les éléments peuvent ainsi être manipulés sans contact direct par un lecteur, qui a accès aux informations du recto et du verso sans sortir le document de sa protection. Les cinq pièces ont été ensuite déposées dans une pochette à rabat en carte neutre, sur laquelle a été reportée la cote du carnet. Elle a été placée dans la boîte de conditionnement, au-dessus du carnet.
Figure 140 : Pochettes contenant les documents non collés dans le carnet.
Au sein même du carnet, plusieurs pages comprenaient des photographies en regard, dont les émulsions étaient face contre face quand le carnet était fermé. Pour limiter ces contacts, des feuilles de mylar découpées à la mesure des photographies ont été insérées dans ces zones. En effet, le contact entre les couches de gélatine peut provoquer des frottements, des abrasions, entraînant la matification des émulsions et une moins bonne lecture des clichés. Le mylar est un matériau adapté281 pour être au contact des photographies et il se maintient par une légère électrostaticité sur les tirages, ne bougeant que très peu.
281
LAVEDRINE, (Bertrand), GANDOLFO, (Jean-Paul), MONOD, (Sybille), Les collections photographiques. Guide de conservation préventive, Paris, Arsag, 2000, p. 70.
169
CONCLUSION Ce travail de restauration fut extrêmement intéressant à mener. Les problématiques déontologiques liées aux choix des traitements et à leur application furent de nouveaux défis à relever, bien que les techniques de restauration déployées ne soient pas extrêmement poussées ; elles ont cependant demandé de la patience en regard des nombreuses pages à traiter, ainsi qu’un sens de l’organisation plutôt affuté. Les choix effectués en accord avec le propriétaire de l’œuvre, mais également avec l’artiste tout en tenant compte des règles déontologiques du restaurateur furent pour certains matériaux plus compliqués. Il fut passionnant de se confronter à la restauration d’un objet usuel issu d’archives cinématographiques, malgré les problèmes d’identification des matériaux et de leurs dégradations. Désormais, le carnet est restauré et son état est stable. Il est intéressant de se pencher sur la future conservation du carnet dans les archives de la Cinémathèque française.
170
VI - CONSERVATION PREVENTIVE Le terme de conservation préventive indique l’élaboration d’un projet de conservation autour d’une œuvre ou d’une collection. Le travail est effectué non pas directement sur le ou les objets mais indirectement. Par exemple, en intervenant sur la création de supports et enceintes de conservation adaptés et conçus pour les œuvres, ou par le contrôle de la qualité de l’air, de la lumière, et de l’humidité relative*, ce qui permet d’assurer des conditions de conservation optimales pour les œuvres.
1. L’archivage du carnet au sein de la Cinémathèque française 1.1.
La conservation des papiers
Une fois le carnet retourné aux archives de la Cinémathèque française, il sera intégré à la collection jaune, regroupant des œuvres diverses ou dont les artistes ne sont présents qu’en petite quantité dans les collections. Au sein des archives de la Cinémathèque française, les conditions de température, d’hygroscopie et de lumière respectent celles énoncées pour les musées et archives. Pour le papier ordinaire, ces conditions idéales sont de l’ordre de 20°C et 30% d’humidité relative : il s’y conserve deux fois plus longtemps282 qu’à 20°C et 50% d’humidité relative.
1.2.
La conservation des photographies
Pour les photographies chromogènes, les conditions idéales de conservation sont les suivantes : température de 2°C, taux d’humidité relative entre 20% et 50%, dans l’obscurité. Pour les polaroïds, les mêmes recommandations sont valables selon le site283 de l’Institut de Conservation Canadien. En effet, ce sont les colorants et non les techniques qui déterminent le plus la sensibilité des matériaux.
282
https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/publications-conservationpreservation/notes-institut-canadien-conservation/mise-reserve-oeuvres-papier.html, consulté le 24/05/18. 283 https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/publications-conservationpreservation/notes-institut-canadien-conservation/soin-documents-photographiques-couleur.html, consulté le 24/05/18.
171
1.3. Conclusion Les photographies étant les composants les plus fragiles dans le carnet, il est mieux de suivre les recommandations d’entreposage dans les archives destinées à ces matériaux pour préserver au mieux le carnet entre deux consultations.
2. Les conditions de sorties et de manipulation 2.1. La manipulation Le lecteur devra porter des gants en nitrile non poudrés pour manipuler le carnet. Ce matériau est inerte et ne risque pas d’abraser les divers documents en présence, notamment les photographies. Pour tourner les pages et ouvrir les documents, il est recommandé d’utiliser une spatule en téflon fine. Le téflon est inerte et ne risque pas de rayer les émulsions photographiques qui sont les plus fragiles au sein du carnet.
2.2. La consultation L’accès aux documents matériels des archives de la Cinémathèque française est restreint aux chercheurs ayant une raison légitime de consulter les documents. Un livret comprenant des conseils quant à la manipulation du carnet sera placé dans la boîte de conditionnement, afin que les lecteurs soient avertis des précautions à prendre et des spécificités du carnet. Un sommaire des pages y sera joint, pour qu’une personne désirant un élément précis puisse consulter la page correcte sans avoir à feuilleter tout l’objet.
3. Les conditions d’exposition Les recommandations pour l’éclairement* des œuvres en condition muséale dépendent de deux critères : la durée d’exposition et l’intensité de la lumière. Il y a plusieurs catégories distinguées dans les œuvres, différenciées par la sensibilité à la lumière. Les colorants des tirages chromogènes ont une grande sensibilité à la lumière et appartiennent donc à la première catégorie284, celle des œuvres très
284
EZRATI Jean.-Jacques. Manuel d’éclairage muséographique. Dijon : Université de Bourgogne, 1995. (Edition consultée 199. p. 43.
172
sensibles. Les recommandations générales sont de l’ordre d’une dose totale d’exposition maximum de 12 000 lux/h, avec une intensité d’éclairement de 50 lux285. Toutefois, ces indications ne peuvent être utilisées pour toutes les photographies chromogènes, chacune ayant emmagasiné des altérations spécifiques un passif propre. Cependant les photographies chromogènes étant parmi les plus sensibles des documents présents dans le carnet, il est possible de se baser sur les indications d’éclairage de ces documents pour n’importe quelle autre page exposée, celles-ci étant suffisamment faibles pour être de bonnes conditions de présentation pour tous les matériaux en présence.
4.Préconisations pour la numérisation. Les préconisations de manipulation pour la numérisation rejoignent celles développées dans la deuxième partie de ce chapitre (p. 170). Pour les prises de vue à effectuer afin de numériser le carnet, deux choix sont possibles : effectuer des photographies page par page, ou par double-page. Dans le cas de cette œuvre, il serait préférable de choisir la deuxième possibilité, afin de conserver numériquement l’apparence du carnet. De plus, la plupart des doublespages sont organisées par thématique et les documents collés sont en correspondance les uns avec les autres. Le numériseur choisi devra donc être adapté. Il faudra également faire attention à la dimension du plateau sur lequel reposera le carnet pendant les prises de vue. Bien que l’œuvre paraisse d’une taille moyenne (un format A4 à peu près), certains documents en son sein se déplient et peuvent faire jusqu’à six fois la surface du plat. Le plateau devra donc être assez grand pour qu’une fois que les éléments du carnet sont déployés, ils soient encore dans l’espace de la prise de vue. Des petits modules servant à surélever des plaques de plexiglas ou autre, pourront être prévus. Ces plateaux serviront à maintenir les documents ouverts en dehors du carnet sur une surface plane. Pour ce qui est des prises de vue, au regard des divers documents collés dans le carnet, dont les photographies, il sera probablement nécessaire de réaliser les clichés avec une haute qualité de résolution, afin d’avoir la possibilité d’agrandir l’image tout ayant des détails précis. Les photographies prises pour la numérisation sont
285
CARTIER- BRESSON Anne, LAVEDRINE Bertrand, MARBOT B., « Les expositions de photographies », in International Preservation News, n°17. Paris, 1998, p.28.
173
généralement286 d’une résolution de 300 DPI (Dot Per Inch287, c’est-à-dire point par pouce). Dans le cas de ce carnet, il faudrait peut-être opter pour une résolution de 600 DPI afin d’avoir suffisamment de précision de l’information numérisée même avec le grossissement de l’image.
CONCLUSION Elaborer un projet de conservation préventive, c’est améliorer les chances qu’un objet perdure dans le temps, d’autant plus lorsqu’il vient d’être restauré. Le carnet étudié étant un document d’archive, il sera sujet à des consultations de temps à autre et pourra participer à des expositions. Il est donc nécessaire d’établir des consignes de manipulations et des conditions de stockage idéales.
286
Informations collectées lors d’un stage effectué aux Archives Nationales de France, pendant une visite du service de numérisation et reproduction. 287 DPI : dot per inch. Cela correspond au nombre de point imprimé tous les 2,54cm, correspondant à un pouce dans le système métrique anglo-saxon. De façon idéale, pour imprimer, un pixel correspond à un point d’impression. Idem.
174
TROISIEME PARTIE :
ETUDE SCIENTIFIQUE
175
INTRODUCTION
La problématique des matériaux et techniques modernes employés dans le carnet est assez importante. La plupart d’entre eux étant encore brevetés*, cela ne permet pas d’obtenir de plus amples informations sur leur composition, ni d’extrapoler leur vieillissement et donc leur pérennité. Nous avons choisi de nous intéresser plus précisément aux feutres fluorescents utilisés dans le carnet pour identifier et mettre en valeur des éléments de diverses pages. Peu d’informations sont disponibles sur ces media : il est connu que les encres des feutres sont des techniques fragiles, peu tenaces dans le temps. Ces produits de l’industrie chimique ne sont pas créés pour durer, et la plupart des formules de composition sont protégées par le secret de fabrication288. Autre problématique, la fluorescence* des feutres surligneurs disparaît au bout d’un certain temps, parfois même avant la couleur. Cela rend le sujet d’autant plus intéressant qu’une autre question se pose : est-il possible évaluer de façon approximative la quantité de lumière reçue par les pages du carnet ? L’objectif de cette étude est double : déterminer si les encres étudiées sont composées d’une seule ou de plusieurs teintes, et tenter de mesurer la vitesse du vieillissement de leurs couleurs face à un vieillissement artificiel.
Les encres
fluorescentes seront donc tout d’abord étudiées afin d’en comprendre le principe, avant de faire, dans un second temps, une analyse chromatographique qualitative des encres. Enfin, dans une troisième partie, des mesures colorimétriques d’échantillons vieillis seront étudiées et analysées.
288
Nous avons tenté de rentrer en contact avec certains fabricants de feutres fluorescents, mais aucune réponse n’a été reçue.
176
I – Présentation des encres fluorescentes Avant toute chose, il est nécessaire de savoir d’où vient la fluorescence, de connaître son origine et son principe d’action, afin de comprendre dans quel contexte sont apparus les feutres fluorescents et quel est leur composition générale. Ces points seront abordés dans ce chapitre.
1) Histoire et principe de la fluorescence 1.1. Luminescence, phosphorescence et fluorescence.
Pour comprendre la fluorescence et son principe de fonctionnement, il convient de définir les sources de lumière et leurs principes. Il en existe deux types principaux289 : les sources incandescentes et les sources luminescentes. Le phénomène d’incandescence consiste en la production de lumière par des corps chauffés à de hautes températures : c’est une lumière dite « chaude », d'origine thermique, contrairement à la luminescence, une lumière dite « froide » issue de réactions non thermiques. Le principe repose sur l’absorption d’une énergie électromagnétique* par un atome ou une molécule, lequel émet ensuite de la lumière290. La phosphorescence et
la
fluorescence
sont
des
phénomènes luminescents. Dès l’Antiquité, la luminescence est observée
dans
le
monde291,
notamment grâce aux insectes : vers luisants, lucioles, et autres.
Figure 141 : Différences entre incandescence et luminescence.
Le terme de phosphorescence a été utilisé pour désigner les phénomènes luminescents jusqu’en 1888, où la notion de luminescence fut inventée292, permettant de créer des sous-catégories dans cette notion, classées par origine d’émission de la lumière. Ainsi, la phosphorescence et la fluorescence appartiennent à la catégorie de 289
VALEUR Bernard. Lumière et luminescence : ces phénomènes lumineux qui nous entourent. Paris : Belin, DL, 2017, p. 6. 290 JAMESON David M. Introduction to fluorescence. Boca Raton : CRC press, 2014, p. 1. 291 Op. Cit. Note 1. VALEUR Bernard. p. 6. 292 La notion de luminescence fut développée par Eilhardt Wiedemann (1852 – 1928) en 1888, pour décrire les phénomènes lumineux non provoqués par la température. VALEUR Bernard. Molecular Fluorescence. Principles and Application. Weinheilm ; New-York ; Chichester, [etc] : Wiley – VCH, cop. 2002,p. 3. et http://data.bnf.fr/12393759/eilhard_wiedemann/, consulté le 21/01/18.
177
photoluminescence : les atomes ou molécules reçoivent de la lumière (qui correspond ici à l’énergie nécessaire au phénomène de luminescence), ce qui provoque le passage à un stade d’excitation puis à l’émission de lumière avant que les atomes ou molécules ne reviennent à leur état fondamental*. La couleur de la lumière émise dépend de la nature du corps excité par la lumière reçue. De nombreux colorants organiques sont fluorescents293, notamment les hydrocarbures aromatiques* et leurs dérivés. Le terme utilisé est la fluorescence moléculaire, car les colorants sont formés de molécules responsables du phénomène lumineux. Parmi ces molécules, la coumarine, la fluorescéine, la rhodamine et l’oxazine sont les plus connues.
Coumarine
Fluorescéine
Rhodamine B
Figure 142 : exemples de molécules de Coumarine, fluorescéine et Rhodamine B.
1.2. Principe de la fluorescence
Bien que des phénomènes de fluorescence aient été observés auparavant294, le principe lui-même, dans sa définition moderne, a été inventé en 1853 par Sir George G. Stokes295 qui observait alors la lumière émise par une grande variété de fluorine296. M. Stokes a donc nommé ses découvertes du nom des cristaux qu’il a étudiés, ce qui a donné le terme de fluorescence.
293
Op. Cit. Note 1. VALEUR Bernard, 2017, p.51. Les premières traces écrites témoignant de fluorescence remontent à 1560, lorsqu’un missionnaire franciscain a rapporté des écrits aztèques parlant d’une espèce de bois qui donne à l’eau une couleur étrange et ayant des propriétés médicinales. Il s’agissait de Lignum nephriticum, un bois possédant un composant devenant fluorescent en milieu alcalin. Op.Cit. p. 2. JAMESON David M. p. 3. 295 Sir George G. Stokes (1819-1903) : mathématicien et physicien irlandais. Professeur à l’université de Cambridge, ses travaux les plus célèbres concernent la mécanique des fluides et l’optique. http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/sir_George_Gabriel_Stokes/145280, consulté le 20/01/18. 296 Fluorine : cristaux de fluorure de calcium (CaF2) formant un minéral naturel. C’est une des sources naturelles de fluor les plus importantes. https://www.universalis.fr/encyclopedie/fluorures-naturels/, consulté le 20/01/18. 294
178
La
différence
entre
la
fluorescence
et
la
phosphorescence297
réside
majoritairement dans la vitesse de disparition de la lumière une fois que les molécules ou les atomes ne sont plus excités. La fluorescence se dissipe dans un laps de temps de l’ordre de la nanoseconde, alors que la phosphorescence peut durer de quelques millionièmes de seconde à plusieurs heures298. Cette différence s’explique au niveau moléculaire : les molécules des éléments phosphorescents ont un état intermédiaire entre l’excitation et le retour à l’état fondamental, qui permet l’émission de photons même après la disparition de la source d’excitation.
Etat excité Absorption
Source lumineuse
Etat excité intermédiaire
Fluorescence
Phosphorescence
Etat fondamental de la molécule
Figure 143 : Schéma du principe de fluorescence et de phosphorescence.
Le principe de la fluorescence repose donc sur le processus suivant : une molécule299 fluorescente reçoit un photon qui est absorbé. L’énergie reçue peut être dépensée en partie pour devenir une énergie de rotation ou de vibration : un ou plusieurs électrons peuvent passer d’un état fondamental à un niveau d’énergie supérieur, qui correspond à un changement de niveau électronique autour de la particule. Pour les molécules, ces niveaux électroniques sont divisés en « sousniveaux vibrationnels et rotationnels300 » : selon le changement d’énergie, les électrons ne passent pas sur la même couche électronique. Une fois cette étape passée, la molécule est dite excitée. Pour retourner à l’état fondamental, une molécule fluorescente émet un photon, d’énergie moindre que celui reçu, à cause des interactions précédentes lors du changement de couche électronique. Une émission de fluorescence peut être caractérisée par trois éléments principaux301 : un spectre de fluorescence, le rendement quantique de fluorescence et la persistance du phénomène une fois l’excitation terminée. Le spectre de fluorescence montre les changements d’intensité de fluorescence selon la longueur
297
Op. Cit. p. 1. VALEUR Bernard, 2017. p. 10. Idem. 299 Nous nous concentrerons ici sur les molécules puisque ce sont les particules qui sont liées au phénomène de fluorescence des encres. 300 Op.cit. VALEUR Bernard, 2017.p. 49. 301 Idem, p. 157. 298
179
d’onde envoyée sur l’objet. Le rendement quantique désigne la capacité d’une molécule à émettre des photons par rapport au nombre de photons reçus. Il est de 1 si les molécules excitées émettent toutes un photon, et varie entre ce chiffre et zéro. La persistance dépend en fait de la durée de l’état excité des molécules, avant que le processus de désexcitation ne se fasse. L’ordre de grandeur de cette persistance se situe entre les picosecondes (10-12) et les nanosecondes (10-9) pour les molécules organiques.
2) Bref historique des feutres à encre fluorescente L’étude menée se propose d’examiner quatre feutres à encre302 fluorescente, de marque Stabilo® Swing cool. Ils diffèrent par la couleur de leur encre : bleue, jaune, rose et
verte.
Malgré
l’existence
de
nombreuses marques, le choix s’est porté sur celle-ci en particulier puisque ce sont des feutres produits par l’entreprise qui a inventée
les
surligneurs
fluorescents :
Schwan-STABILO Group303. En 1969, lors d’un voyage aux EtatsUnis, le chef d’entreprise de l’époque,
Figure 144 : Exemples de feutres Stabilo ® Swing Cool.
Günter Schwanhaüsser, constate que des étudiants ont passé du feutre coloré sur les mots importants de leurs documents, mais que le texte sous-jacent est moins lisible par la suite. Il demande donc à ses employés de trouver une meilleure solution dès son retour en Allemagne. Ainsi est créée une encre fluorescente, permettant de mettre en valeur des mots sans atténuer leur lisibilité. Les feutres sont commercialisés à partir de 1971. Après le succès presqu’immédiat du produit, les couleurs sont diversifiées jusqu’à neuf teintes différentes aujourd’hui. Quatre d’entre elles seront étudiées dans cette recherche : le jaune (couleur originale), le vert, le rose et le bleu.
302
Encre : « Préparation liquide, diversement colorée, servant à écrire, dessiner, imprimer. » Définition tirée du dictionnaire Trésor de la langue française. 303 Entreprise créée en 1855 par Georg Conrad Großberger et Hermann Christian Kurz, reprise en 1865 par Gustav Adam Schwanhäußer, un de leurs employés. C’est ce dernier qui donne une partie de son nom à l’entreprise, qui fabrique alors des crayons à papier et de couleur. https://www.stabilo.com/fr/hr_company/history, consulté le 25/11/17.
180
3) Composition des encres fluorescentes Quelques brevets scientifiques ont été trouvés sur le site de l’office européen des brevets. Malgré des recherches approfondies, il n’a pas été possible de se procurer le brevet original des feutres fluorescents. L’un304 d’entre eux évoque trois types connus de composition liquide colorée pour surligneur : les différences résident principalement dans les quantités de colorants et de solvants. Bien qu’il ait été déposé en 2001, soit quatre ans après la réalisation du carnet, il reprend les éléments composants les encres des feutres fluorescent et les différentes compositions possibles. Tableau 11 : Différents composants et compositions possibles pour une encre fluorescente.
Composition n°1 Composition n°2
Composition n°3
Colorants
Solvant
Complément
Encre traditionnelle à faible concentration
70 % Eau 30 % diéthylèneglycol
/
50 % colorant fluorescent dans des résines en émulsion dans l’eau
50 % Eau
Colorants fluorescents solubles dans l’eau à base Eau d’une solution aqueuse d’acide hydroxypyrènetrisulfonique à pH > 7
Agent rétenteur d’eau type glycérine, sorbitol, diéthylèneglycol, triéthylèneglycol. Polyols
L’un des solvants évoqués fluoresce en présence de pH > 7, par exemple lors d’une réaction acido-basique : c’est « l’acide hydroxypyrènetrisulfonique » dit aussi pyranine*305, de couleur jaune, soluble dans le méthanol et l’eau. Un autre colorant cité est l’Acid Blue n°9, un colorant bleu-vert. Le brevet développe par la suite la composition de cette encre à base de pyranine, d’après la composition n°3. Cette nouvelle formule permet de diminuer la pollution de 304
CONTE S.A., brevet déposé le 20/12/2001 publié et délivré le 14/02/2007. EP 1 358 281 B1 : Composition liquide colorée pour surligneur. BETHOUART Carine, DUEZ José. https://www.google.fr/patents/WO2002051950A1?cl=fr&dq=Composition+liquide+coloree+pour+su rligneur&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi33ta754LZAhUE_qQKHXdgBWMQ6AEIMzAB, consulté le 27/01/18. 305 Pyranine : Color Index Solvant Green 7 n°59040. Ses applications entrent dans les cosmétiques, les produits d’entretien ou encore la détection de fuites. http://www.chemicalbook.com/ChemicalProductProperty_EN_CB9402700.htm, consulté le 30/01/18.
181
la pointe du surligneur lorsque celui-ci passe sur une encre à base d’eau. De façon globale, l’encre est composée d’un élément fluorescent, maintenu dans des résines acryliques et en solution dans l’eau. Le brevet européen n° 0 464 304 A2306 a été déposé en 1991, il est donc antérieur à la fabrication du carnet et apporte ainsi des informations complémentaires au brevet précédent. Il contient notamment des informations sur des formules de composition d’un liquide de marquage Figure 145 : Molécule de fluorescent307 de différentes couleurs : jaune, vert et pyranine. orange. Parmi les compositions présentes308, huit d’entre elles sont dédiées à la couleur jaune, tandis que les couleurs vert et orange ont chacune trois formules différentes.
On retrouve parmi les éléments constants dans chaque recette la
pyranine, élément permettant la fluorescence de la couleur et présent entre 0,7% et 1,9%
selon
les
formules.
Les
autres
éléments
principaux
sont
le
trishydroxyméthylaminométhane309, probablement utilisé pour son pouvoir tampon310 (pKa 37° : 7,82) et l’eau. Les autres composants ont des variantes selon les formules, mais de façon générale, le reste de l’encre contient du carbonate de sodium ou hydroxyde de sodium), des carbohydrates* ou sucre, ainsi qu’un émulsifiant. Les formules du brevet EP 0 464 304 A2 correspondent donc au type de la composition n°3 du brevet EP 1 358 281 B1 mentionné précédemment. Bien que ces informations ne soient pas complètes, et varient selon les couleurs et les fabricants, elles permettent de savoir de manière générale de quoi une encre fluorescente est constituée. Cette encre est prise dans un réseau de fibres non tissées enveloppées dans un film plastique étanche type polyester, lui-même recouvert d’un film brillant métallique protégeant probablement l’encre de la lumière. Le tout est glissé dans le manche du feutre puis fermé hermétiquement, hormis la pointe d’écriture.
306
SCHWAN-STABILO, brevet déposé le 31/01/1991, publié et délivré le 08/01/1992. EP 0 464 304 A2: Markierungsflüssigkeit. HORVAT Ivan, KRAMP Peter, ONCZUL Erhard. https://patents.google.com/patent/EP0464304A2/fr, consulté le 31/01/2018. 307 Idem.p.2 308 Voir annexe n° 18 – Synthèse des compositions du brevet EP 0 464 304 A2, p. 254. 309 Trishydroxyméthylaminométhane : solide blanc sous la forme de cristaux ou en poudre, connu pour son pouvoir tampon et utilisé en biochimie pour cette propriété. http://www.csst.qc.ca/prevention/reptox/pages/fiche-complete.aspx?no_produit=75994&langue=F, consulté le 29/04/18. 310 http://www.informationhospitaliere.com/pharma-11778-trishydroxymethylaminomethane.html, consulté le 29/04/18.
182
Figure 146 : Feutre fluorescent Stabilo Swing cool démonté de la coque aux fibres composant la cartouche d’encre.
4) Conclusion Les feutres fluorescents étudiés ont été créés au XXème siècle. En attirant le regard, via une couleur fluorescente, ils facilitent le repérage visuel. Ils sont fabriqués de façon industrielle, à l’aide de composants permettant de conjuguer différents critères : -
couleurs : composées de divers colorants, ou non, selon la teinte désirée,
-
fluorescence,
-
utilisation d’un solvant aqueux,
-
éviction de la possibilité de développement de micro-organismes susceptibles de modifier l’équilibre chimique de l’encre et sa teinte.
La couleur est protégée de la lumière et de l’influence de l’air par son emballage presque hermétique, dont seul l’embout -permettant d’écrire- et son capuchon sont exposés à l’air. Ces éléments permettent de mieux saisir le sujet de cette étude afin d’apporter des réponses ou d’établir des hypothèses au fur et à mesure des expériences.
183
II – Etude chromatographique de quatre encres de feutres fluorescents Pour donner suite à cette introduction aux feutres fluorescents et aux informations trouvées lors des recherches, nous avons décidé de vérifier si toutes les encres des feutres fluorescents étudiés étaient composées d’un seul composant coloré ou de plusieurs. Ceci afin de déterminer, lors de l’étude colorimétrique future, dans quelle mesure cela avait une incidence dans le vieillissement des couleurs. Le principe de la chromatographie sur couche mince sera d’abord éclairci, avant d’expliquer la mise en œuvre et d’étudier les résultats obtenus.
1) Principe de la chromatographie sur couche mince La chromatographie sur couche mince (CCM) est une des méthodes d’analyse qualitative répandues311 et peu coûteuse, dont les premières références datent de 1938 en Russie. Elle sert à séparer les éléments composant un liquide. Le principe fonctionne sur une phase mobile, liquide ou gazeuse, et une phase stationnaire, présente à l’état liquide ou solide. La chromatographie mise en place pour ce test est du type liquide-solide : la phase mobile est liquide tandis que la phase stationnaire
Figure 147 : Schéma des étapes d’une chromatographie sur couche mince.
311
TOUCHSTONE Joseph C. Practice of thin layer chromatography, third edition. New-York; Chichester; Brisbane; [et alt.]: Wiley-Interscience, John Wiley & Sons, Inc, 1992, p. 1.
184
est solide. Par remontée capillaire de l’éluant*312 choisi, les éléments sont adsorbés et séparés sur la phase stationnaire, ici une plaque d’aluminium recouverte de gel de silice. Ce dernier élément, légèrement acide, est réparti uniformément en fine couche. Du sulfate de calcium semi-hydraté sert à le maintenir sur la plaque d’aluminium et, très souvent, des indicateurs ultraviolets sont ajoutés à hauteur d’environ 2%. Il s’agit généralement de silicate de zinc activé par du manganèse313 émettant une lumière sous un éclairage ultraviolet, avec un pic d’absorption à 254 nm. Les plaques préparées industriellement sont disponibles dans le commerce depuis 1961314. Chaque élément est séparé par l’éluant et, après retrait de la plaque de CCM de la cuve, se situe à un spot précis sur le support, visible immédiatement ou non. L’utilisation de lumière UV permet parfois de révéler des spots non repérables dans le visible. A chaque élément une distance parcourue qui lui est propre selon le solvant utilisé comme éluant : des bases de données permettent donc de les identifier grâce au calcul du rapport frontal obtenu grâce à la chromatographie. Le rapport frontal315 est obtenu d’après la formule suivante :
Rf =
Distance parcourue par l’élément depuis le point d’origine Distance parcourue par le solvant depuis le point d’origine
Dans cette étude, le but de la chromatographie des encres est de savoir si elles sont composées d’un ou plusieurs éléments. N’ayant que peu d’informations sur la composition des encres fluorescentes contenues dans les surligneurs, le choix du matériel a été effectué selon celui le plus utilisé pour faire des chromatographies sur couche mince : plaques d’aluminium recouvertes de gel de silice et solvant à déterminer par des tests. Le temps de la chromatographie a été fixé à 20 minutes de façon à laisser au solvant le temps d’atteindre la ligne de limite d’élution.
312
Eluant : se dit d’un solvant permettant de faire une élution, c’est-à-dire une « séparation de corps adsorbés par lavage progressif ». Dictionnaire Larousse en ligne. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9lution/28477, consulté le 27/01/18. 313 Traduction de « manganese activated », du texte original en anglais. 314 Op. Cit.p. 4. TOUCHSTONE Joseph. p. 43. 315 Idem. p. 9.
185
2) Matériel et mise en œuvre 2.1. Etude de la sensibilité de quatre feutres fluorescents aux solvants
La sensibilité des encres des feutres fluorescents à différents solvants a été étudiée afin de choisir un éluant pour la chromatographie sur couche mince. Ces solvants ont été choisis parmi ceux les plus utilisés en conservationrestauration d’arts graphiques : Tableau 12 : Tableau figurant les solvants testés et leur polarité.
Solvants Eau
Type de polarité Solvant protique polaire316
++++
Acétone
Solvant aprotique polaire317
+++
Solvant protique polaire
+++
Solvant protique polaire
+++
Solvant aprotique polaire
++
Solvant aprotique polaire
++
Solvant aprotique polaire
-
Ethanol Isopropanol Acétate d’éthyle Méthyléthylcétone Tétrahydrofurane
Toluène (dans le cadre de l’utilisation de celui-ci au cours Solvant apolaire aprotique de la restauration)
Polarité
-
++++ : Très forte / +++ : Forte / ++ : moyenne / - : nulle Méthodologie : Une goutte de solvant a été déposée à l’aide d’un pinceau sur la droite d’un tracé de surligneur fluorescent, réalisé sur un papier filtre Whatman®318 n°1. On a laissé le solvant s’évaporer à l’air libre.
316
Solvant protique : solvant polaire possédant un ou plusieurs atomes d’hydrogène pouvant former une liaison hydrogène (donneur ou accepteur). http://perso.numericable.fr/chimorga/Niveau_M2/solvants/solvants.php , consulté le 16/05/2018. 317 Solvant aprotique polaire : solvant polaire ne possédant pas d’atome d’hydrogène susceptible de former une liaison, mais ayant un moment dipolaire lié à un hétéroatome. Idem. 318 Papier fabriqué à partir d’ouate de coton, sans aucun additif type azurants optiques. Dominique DUTSCHER SAS - Fiche technique Papier Whatman.
186
Résultats : Tous les solvants, hormis le toluène, ont fait migrer au moins un des feutres. L’effet de l’acétone est le plus visible sur les feutres de couleur verte, bleue et rose. Si l’éthanol et l’isopropanol ont un effet peu visible, les encres réagissent quand même à leur contact.
Eau Ethanol Isopropanol Acétone Acétate d’éthyle Méthyléthylcétone
Tetrahydrofuranne Toluène Figure 148 : Résultat du test de sensibilité aux solvants.
2.2. Matériel, préparation des plaques de silice et mise en œuvre
Le matériel utilisé a été le suivant : •
Plaques
de
CCM
de
type
silice
sur
plaque
d’aluminium
(ALUGRAM®Xtra SIL G/UV) •
Alcool éthylique 99,9% dénaturé (CTS)
•
Bécher en verre silicaté
La préparation des plaques de silice s’est déroulée ainsi : la ligne de dépôt a été tracée à 1cm du bord inférieur de la plaque, au crayon graphite léger. Quatre repères ont également été placés afin de préciser les endroits de dépôts des encres. Comme les encres étaient liquides et donc en concentration suffisante, elles ont été déposées sur les traces repérées par un léger contact entre le feutre et la plaque de CCM, évitant ainsi la présence d’impuretés également.
187
D’après le test précédent, les encres en présence sont sensibles à l’éthanol. Ce solvant polaire est l’un des moins nocifs pour l’être humain319, il fait réagir les encres moins rapidement que l’eau, et il est également l’un des éluants souvent utilisés pour des chromatographies sur couche mince : c’est donc celui-ci qui a été choisi. Un bécher de 400 mL préalablement nettoyé à l’eau déminéralisée a donc été rempli d’éthanol à une hauteur de 5mm. La plaque de CCM a ensuite été déposée en diagonale dans le bécher. Elle a été retirée lorsque l’éluant est parvenu à 1cm du bord de la plaque.
Figure 149 : Chromatographie en cours de développement dans le cadre de l’étude.
Plaque de silice Front de solvant
Colorant en cours de séparation Ligne de dépôt Solvant choisi
Chaque couleur a été testée sur trois plaques de silice différentes, afin d’obtenir des résultats permettant d’établir une moyenne.
3) Résultats et analyses 3.1. Observations à la lumière naturelle
L’encre du feutre fluorescent jaune est monochromatique. D’après les brevets scientifiques étudiés, les formules d’encre jaune ne comportent pas de colorant supplémentaire à la pyranine, aussi il est fort probable que ce soit l’élément ici identifié.
319
http://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_48, 14/04/2018.
consulté
le
188
Figure 150 : Plaques de chromatographie une fois l’expérience terminée.
L’encre du feutre vert est apparemment composée d’un mélange de colorant jaune et d’un autre bleu. Deux spots sont en effet différenciés après la chromatographie : l’un jaune, l’autre bleu. Le brevet EP 0 464 304 A2320 montre que les formules pour les encres vertes contiennent l’ajout d’un colorant vert, le « reactive green 21 ». Soit ce colorant vert apparaît bleu pour la vision humaine et l’équilibre avec la teinte jaune donne le ton vert final, soit la formule composant l’encre du feutre vert Stabilo utilise un autre colorant. Le bleu étant la couleur qui disparaît le plus vite sous lumière naturelle, cela explique la perte de couleur du feutre vert lors du vieillissement des échantillons321 : le colorant bleu s’efface. Le rose semble également composé de deux colorants : l’un plutôt orange, l’autre rose ou rouge. Il est possible que le colorant rose soit mêlé au jaune, donnant la couleur orange visible, ou bien qu’ils s’agissent de deux colorants différents.
320
Op.Cit. SCHWAN-STABILO. pp. 3-7. Voir III – Etude spectrocolorimétrique du vieillissement de quatre feutres fluorescents aux rayons UV, 4) résultats et analyse. p.195. 321
189
3.2. Observations sous lumière UV (330-380nm)
Les observations sous lumière naturelle sont confirmées sous lumière UV. La couleur rose semble composée de deux couleurs : l’une rose, l’autre légèrement orangée. Le jaune est constitué d’une seule couleur, ainsi que le bleu. Le vert est constitué d’un mélange de bleu et de jaune qui semblent être les mêmes colorants que le jaune seul et le bleu seul. Ici, le bleu ne fluoresce pas car la couleur absorbe probablement dans les ondes envoyées par la lampe UV.
Figure 151 : Plaque de chromatographie n°3 observée sous rayonnement UV.
3.3. Calcul des rapports frontaux
Mesure 1 en cm
Mesure 2 en cm
Mesure 3 en cm
Moyenne en cm
Rapport frontal calculé à partir de la moyenne
Feutre 3,5 3,9 3,8 3,73 3,75/5,5 = 0,68 rose Feutre 0,5 1 0,5 0,67 0,67/5,5 = 0,12 jaune Feutre 0,63/5,5 = 0,11 ; 1,87/5,5 = 0,4; 1,8 1: 1,9 0,5; 1,9 0,63; 1,87 vert 0,34 Feutre 2,4 2,1 2,4 2,30 2,30:5,5 = 0,42 bleu Tableau 11 : Tableau récapitulatif des mesures effectuées sur les plaques de CCM et des calculs en découlant.
Il est usuel de calculer les rapports frontaux après une chromatographie sur couche mince, ce qui permet de déterminer généralement par la suite les similitudes et l’identité des composants analysés. Cependant pour ce faire, il est nécessaire d’avoir une base de données comprenant les rapports frontaux des composants testés avec le même solvant pour la chromatographie. Aussi, ces calculs ne permettent pas de déterminer quels sont les composants des encres fluorescentes.
190
4) Conclusion La chromatographie sur couche mince a permis de comprendre que les encres des feutres fluorescents étudiées ici peuvent être composées de plusieurs couleurs comme d’une seule. Cependant, cette analyse est seulement qualitative, puisque les rapports frontaux ne permettent pas d’obtenir plus d’informations. De plus, les quantités de couleur appliquées sur les plaques de chromatographie n’ont pas toujours été les mêmes, bien que similaires. Les distances mesurées sur les plaques de CCM pour mesurer les rapports frontaux ont donc des différentiels relativement importants selon les couleurs et les plaques et des recherches plus précises pourraient être menées. Les brevets scientifiques trouvés permettent d’émettre des hypothèses quant à l’identification des produits des encres, mais aucune ne peut être confirmée sans des analyses plus poussées.
191
III – Etude spectrocolorimétrique du vieillissement de quatre feutres fluorescents aux rayons UV Parallèlement à l’étude chromatographique menée et analysée précédemment, nous nous sommes intéressés au vieillissement des couleurs des encres des feutres fluorescents. Ainsi, les principes de la perception des couleurs et de la colorimétrie* seront définis dans deux premières parties, avant d’aborder le sujet du matériel, de la mise en œuvre et, enfin, l’analyse des résultats obtenus.
1) Principe de la perception des couleurs La couleur est une sensation perçue par le cerveau de l’être humain face à la perception de lumière322 par l’œil. La lumière est une onde électromagnétique dont les différentes longueurs sont interprétées par des couleurs variées lorsque perçues par l’être humain. L’œil perçoit les longueurs d’onde comprises entre 400 nm et 750 nm,
grâce
à
des
photorécepteurs323.
La
caractérisation
d’une
couleur
polychromatique par des chiffres est un sujet abordé depuis longtemps dans l’histoire des sciences. Il s’agit du domaine de la colorimétrie, qui propose des méthodes rendant possible la spécification d’une couleur324. C’est en 1931 que la Commission internationale de l’éclairage325 a mis en place les premières définitions standard des longueurs d’ondes correspondant aux couleurs primaires326 (rouge, vert et bleu). Ces couleurs monochromatiques servent de base pour définir toute autre couleur via des
322
Ici, nous parlons de lumière blanche, dite aussi lumière du jour. Les photorécepteurs sont différenciés en cônes et bâtonnets. Les premiers reçoivent les couleurs surtout lors de la vision diurne, tandis que les seconds différencient la luminosité et fonctionnent plutôt en vision nocturne. Op. Cit. VALEUR Bernard. p. 69. 324 VIENOT Françoise. « Introduction à la couleur. De l’expérience visuelle à la mesure » in COLL. Couleur et Temps. La couleur en conservation et restauration. Paris : 12ème journée d’étude de la SFIIC (Section Française de l’Institut International de Conservation), Institut National du Patrimoine, 2006, p. 16. 325 Commission créée en 1913 ayant pour but une collaboration internationale au sujet du domaine de l’éclairage, par des échanges, des recherches, des publications et l’élaboration de normes. https://www.iso.org/fr/committee/55238.html, consulté le 17/04/18. 326 Par des expériences, il a été démontré que les couleurs peuvent presque toutes être représentées par l’addition de trois stimuli des couleurs dites primaires : bleu, vert et rouge. Op.Cit. VIENOT Françoise. p. 17. 323
192
formules permettant d’obtenir des coordonnées. Ce premier espace colorimétrique fut par la suite modifié quelque peu afin d’obtenir l’ensemble des couleurs. Dans le diagramme, trois caractères sont pris en compte327 pour désigner une couleur : sa teinte, sa pureté ou « saturation », et enfin sa luminance c’est-à-dire son intensité lumineuse ou « clarté ». Ces trois éléments permettent de caractériser n’importe quelle couleur dans un espace tridimensionnel. En 1976, la Commission internationale
de
l’éclairage
proposa un nouvel espace de caractérisation,
permettant
d’avoir des rapports entre les couleurs plus proches de la vision de celles-ci. Cet espace est nommé CIE L*a*b*, du nom de la commission qui l’a inventé et des lettres correspondant aux caractéristiques de la couleur. Comme le montre la figure 12, L*
Figure 152 : Représentation schématique de l’espace colorimétrique CIE L*a*b*.
désigne la clarté, située sur un axe vertical. L’axe des abscisses de l’espace colorimétrique représente a* et comprend les couleurs du vert au rouge. L’axe des ordonnées est dénommé b* et s’étend du bleu au jaune. Ces trois repères constituent les composantes trichromatiques d’une couleur.
2) Colorimétrie et spectrophotomètre Afin de déterminer ces coordonnées colorimétriques,
des
appareils
spécialisés ont été développés : les spectrophotomètres. permettent
d’établir
d’absorption
328
Ces le
machines spectre
et/ou de transmission
d’une lumière émise ou renvoyée par Figure 153 : Exemple de spectrophotomètre –
une surface. Les mesures sont ensuite Modèle Spectro 2600 D. 327
Op. Cit. VALEUR Bernard, 2017. p. 80. Spectre d’absorption : graphique illustrant l’efficacité avec laquelle la lumière est absorbée par un objet en fonction de différentes longueurs d’ondes. Idem, p. 234. 328
193
transmises par informatique sur un ordinateur où un logiciel spécialisé permet de traiter les données et d’extrapoler les composantes trichromatiques de l’objet étudié. Il est donc possible de mesurer des différences de couleurs entre divers échantillons, de les quantifier par des chiffres et d’établir des relations entre ces derniers, afin par exemple, de savoir si un colorant pourra résister à l’usage qu’une entreprise prévoit d’en faire. Des normes internationales329 régissent la façon d’obtenir les mesures correctement et expliquent les relations pouvant être établies entre les données par des équations mathématiques. La machine fonctionne sur le principe suivant : une lumière est envoyée sur une zone de l’échantillon à évaluer et l’appareil calcule les longueurs d’ondes renvoyées. La machine est étalonnée au préalable sur une plaque de céramique blanche avant d’être placée sur l’échantillon à mesurer. Plusieurs types de lumière peuvent être envoyés sur la surface étudiée, afin de correspondre au mieux aux recherches effectuées. Parmi les illuminants* possibles330, on trouve le D65, correspondant à un éclairage lumière du jour, le F11 qui se rapporte à un éclairage en magasin, ou bien encore le C qui équivaut à un éclairage formel sans UV dans un musée. Pour les besoins de cette expérience, les mesures ont été réalisées avec un éclairage D65, sous un angle de 10°.
3) Matériel et mise en œuvre 3.1. Pré-tests Afin de déterminer un temps d’exposition pour les échantillons, quelques tests ont été réalisés au préalable. Trois chambres de vieillissement ont été testées avec des prototypes. Chambre n°1 : Néon 12% UVB avec parois blanches Chambre n°2 : Néon 12% UVB avec papier réfléchissant sur les parois Chambre n°3 : Néon 10% UVB avec papier réfléchissant sur les parois Les éprouvettes étaient composées de rectangles de papier usuel331 sur lesquels des bandes de feutre fluorescent étaient tracées, une pour chaque couleur. Ils ont été ensuite été disposés dans la chambre de vieillissement, et retirés à intervalles réguliers. Il est apparu très rapidement que les encres des feutres 329
Norme AFNOR. Couleur et colorimétrie. 2000, 607p. Données obtenues dans un entretien avec M. Entressangle, ingénieur de l’entreprise Konica Minolta Sensing Europe B.V., le 29/01/2018. 331 Papier d’impression 90g/m2, pâte chimique sans bois. 330
194
fluorescents sont à classer, selon l’échelle de laine bleue332, dans les catégories de très faible à faible résistance à la lumière : selon les teintes, un changement de couleurs était visible dès deux à trois jours de vieillissement artificiel. Les échantillons de la chambre n°1 ont été retirés à une semaine d’intervalle durant un mois. Malheureusement, il est apparu qu’il y avait des problèmes de fauxcontacts au cours du vieillissement des spécimens, créant une incertitude sur les résultats obtenus puisque le néon n’était pas toujours allumé. D’autres prototypes furent donc placés dans une autre chambre de vieillissement disponible en attendant les réparations de la première. Par la présence de papier réfléchissant sur les parois, le vieillissement fut beaucoup plus rapide. En trois semaines, les couleurs disparurent presque entièrement. Cependant, lorsque vint le moment de mettre à vieillir les échantillons sur lesquels seraient fait les mesures, il ne fut pas possible d’accéder au matériel, celui-ci étant déjà utilisé par une autre personne. Une troisième chambre de vieillissement, similaire à la seconde, fut donc utilisée pour faire vieillir de façon artificielle les éprouvettes.
3.2. Les échantillons
Figure 154 : Echantillons témoins sur papier Whatman® (gauche) et papier usuel (droite) et ensemble
des échantillons avant le vieillissement artificiel.
332
L’échelle de laine bleue (Blue Wool Scale selon le nom original) permet de calibrer la résistance de colorants à la lumière. Créé pour l’industrie textile, cette méthode fut ensuite adaptée pour les encres d’imprimerie et divers colorants. https://hisour.com/fr/blue-wool-scale-26826/, consulté le 08/05/2018.
195
Deux papiers ont été choisis pour recevoir des tracés de feutres fluorescents. Ces papiers sont pour l’un du papier filtre Whatman® 100% cellulose sans aucun additif et, pour l’autre, un papier d’impression blanc usuel de 80g/m2 pâte chimique sans bois. Le premier a été choisi pour observer le vieillissement des couleurs sans aucune influence de la part du support, tout en étant facile à obtenir. Le second a été sélectionné car il s’agit d’un papier communément utilisé avec des feutres fluorescents, tout en étant similaire au papier des pages du carnet restauré dans la seconde partie de ce mémoire. Les échantillons étaient au nombre de dix, chacun comportant quatre bandes de couleurs différentes et étant annoté du jour de retrait de la chambre. De cette façon, il était plus aisé de manipuler les échantillons sans les disperser, tout en gardant la possibilité de les recouper par la suite. Un des objectifs premiers de cette étude était d’étudier le vieillissement de tracés similaires à ceux présents dans le carnet étudié plus tôt afin de peut-être pouvoir affiner les propositions de conservation et d’exposition de celui-ci. Aussi, pour répandre l’encre sur les échantillons, l’embout original des feutres fut utilisé pour obtenir une concentration similaire pour tous les feutres.
3.3. La chambre de vieillissement Les dix échantillons333 ont été disposés à plat au fond de la chambre, laissés exposés en permanence et prélevés chacun à intervalles réguliers de trois jours. Une fois collectés, ils ont été conservés dans l’obscurité à une température constante pour garantir une meilleure préservation jusqu’au jour des mesures au sein de l’entreprise Konica Minolta®. La chambre est constituée d’une boîte recouverte de papier réfléchissant, s’ouvrant par le haut. Sur ce couvercle, une lampe UV de la marque Exo-Terra est fixée reproduisant ainsi un éclairage zénital reproduisant la lumière du jour par un éclairage334 de 25µW/cm2.
333
Voir Annexe n°19 – Echantillons après vieillissement aux rayons UV, pp. 255-256. RATSIMIHAH Romane. Conservation-restauration d’une peinture à l’huile mate sur carton préparé d’une technique mixte sur papier couché. Etude du vieillissement à la lumière (UV B) des encres d’impression 2.5D du laboratoire Océ Print Technologies – a Canon Company. Mémoire Ecole de Condé, 2017, p. 189. 334
196
3.4. Le spectrophotomètre Les mesures ont été réalisées avec un spectrophotomètre Spectro 2600 D335, possédant une erreur sur la mesure d’environ 0,04. Le logiciel permettant d’étudier les données a également calculé le différentiel entre les échantillons témoins et ceux vieillis. Les mesures ont été effectuées en réflexion spéculaire exclue (SCE) afin d’éviter les changements de l’état de surface de l’échantillon.
4) Résultats et analyses Les graphiques suivants ont été établis via des tableaux disponibles en annexe pp. 259-266. Pour rappel, dans l’espace colorimétrique CIE L*a*b*, l’axe a* comprend les données en abscisse et s’étend du vert (a* < 0) au rouge (a* > 0) ; l’axe des ordonnées représente b* et s’étend du bleu (b* < 0) au jaune (b* > 0). L*, la clarté, s’étend du noir (L*=0) au blanc (L*=100).
4.1. Le feutre jaune
120 100 80 60 40 20
0 -20 -40 -60 J-0
J-3
J-6
J-9 L*(D65)
J-12
J-15 a*(D65)
J-18
J-21
J-24
J-27
b*(D65)
Figure 155 : Graphique représentant l’évolution des coordonnées L*a*b* de l’encre jaune en fonction du temps pour la série d’échantillons sur papier Whatman.
Analyse : Les hautes valeurs de luminance (L*) permettent de voir que la couleur du feutre est claire tout au long du vieillissement artificiel : elle est presque 335
Voir Annexe n°20 - Fiche technique du spectrophotomètre Spectro 2600 D, p. 257.
197
au plus haut degré de clarté avec des valeurs égales à 100. L’axe a* (du vert au rouge) ne montre que peu de fluctuations au cours du temps. La couleur de l’encre étant jaune, cela explique cette continuité, alors que la courbe b* (du jaune au bleu) illustre une diminution de la teinte jaune avec des mesures diminuant au fil des jours, montrant, conjugué à une teinte claire, le palissement de la couleur. Cet effacement est constant et semble se dérouler progressivement. En effet, les quelques pics des échantillons J-18 et J-24 peuvent être dus à une mauvaise répartition de l’encre colorée sur le papier Whatman®. En effet, ce papier n’ayant pas d’encollage, il absorbe les liquides beaucoup plus rapidement et rend l’homogénéisation de l’encre moins évidente. 120 100 80 60
40 20 0 -20 -40
J-0
J-3
J-6
J-9 L*(D65)
J-12
J-15 a*(D65)
J-18
J-21
J-24
J-27
b*(D65)
Figure 156 : Graphique représentant l’évolution des coordonnées L*a*b* de l’encre jaune en fonction du temps pour la série d’échantillons sur papier usuel.
Analyse : comme pour les échantillons sur papier Whatman®, la teinte de l’encre est pâle336 et la courbe de l’axe des verts-rouges n’a que peu de variables. Malgré l’attention portée à la prise de mesure avec le spectrophotomètre, l’échantillon J-27 a une valeur plus haute, alors qu’auparavant la courbe a une progression linéaire graduelle, illustrant l’effacement de la teinte jaune. Cependant, le papier des échantillons semble avoir fait la différence : l’encollage présent dans les papiers industriels, à l’inverse des papiers de chromatographie Whatman®, a probablement facilité la répartition homogène de l’encre lors de la préparation de l’échantillon et, par la suite, la prise des mesures.
336
Se dit d’une couleur voisine du blanc. Op.Cit. VALEUR Bernard, 2017, p. 80.
198
4.2. L’encre bleue Analyse : le vieillissement du feutre bleu n’est pas le même que celui du feutre jaune. Les courbes a* et b* tendant à se rapprocher de la valeur 0 et la courbe de L* de la valeur 100, illustrent l’affaiblissement de la couleur voire sa disparition, quel que soit le papier utilisé. En effet, en neuf jours, la couleur n’est presque plus visible sur le papier Whatman® et le même phénomène a lieu en quinze jours pour le papier d’usage quotidien, alors que pour le feutre jaune la couleur n’a pas disparue après 27 jours de vieillissement artificiel.
120
100 80 60 40 20 0 -20 -40 -60 J-0
J-3
J-6
J-9 L*(D65)
J-12
J-15 a*(D65)
J-18
J-21
J-24
J-27
b*(D65)
Figure 157 : Graphique représentant l’évolution des coordonnées L*a*b* de l’encre bleue en fonction du temps pour la série d’échantillons sur papier Whatman.
199
100 80 60 40 20 0 -20 -40 J-0
J-3
J-6
J-9 L*(D65)
J-12
J-15 a*(D65)
J-18
J-21
J-24
J-27
b*(D65)
Figure 158 : Graphique représentant l’évolution des coordonnées L*a*b* de l’encre bleue en fonction du temps pour la série d’échantillons sur papier usuel.
Analyse : les valeurs des courbes a* et b* sont négatives, indiquant ainsi des coordonnées trichromatiques situées respectivement dans les teintes vertes et bleues. Les valeurs de L* indique un haut niveau de clarté. L’une des différences entre le premier et le second graphique est le temps passé pour que la couleur s’efface. Pour les échantillons sur papier Whatman, l’encre bleue a presque disparue en neuf jours, tandis que pour les échantillons sur papier d’imprimante usuel, la couleur tient plus longtemps. Une fois encore, cela pourrait être dû à l’encollage du papier qui permettrait une meilleure fixation de l’encre en surface et un meilleur maintien au cours du temps.
200
4.3. L’encre verte
120 100 80 60 40 20
0 -20 -40 -60 -80 J-0
J-3
J-6
J-9
J-12
L*(D65)
J-15 a*(D65)
J-18
J-21
J-24
J-27
b*(D65)
Figure 159 : Graphique représentant l’évolution des coordonnées L*a*b* de l’encre verte en fonction du temps pour la série d’échantillons sur papier Whatman.
Analyse : Les courbes a* et b* illustrent la diminution de la couleur verte, avec des valeurs tendant progressivement vers 0. La courbe a* représente la diminution de la couleur verte (a*< 0) dès le premier jour de test, tandis que la courbe b* met en évidence la perte d’une caractéristique jaune, commençant après douze jours de vieillissement. Cela pourrait s’expliquer notamment par les deux colorants composant l’encre (comme démontré par la chromatographie effectuée auparavant), l’un jaune, l’un bleu. Ces deux colorants n’auraient pas la même résistance à la lumière, ce qui expliquerait les différences entre les deux courbes colorées, et le colorant apparaissant bleu pourrait être vert. Le type de papier ne semble pas influencer fortement le vieillissement de la couleur.
201
120 100 80 60 40 20 0 -20 -40 -60 J-0
J-3
J-6
J-9
J-12
L*(D65)
J-15 a*(D65)
J-18
J-21
J-24
J-27
b*(D65)
Figure 160 : Graphique représentant l’évolution des coordonnées L*a*b* de l’encre verte en fonction du temps pour la série d’échantillons sur papier usuel.
4.4. L’encre rose
90 80 70 60
50 40 30 20 10 0
-10 -20 J-0
J-3
J-6
J-9 L*(D65)
J-12
J-15 a*(D65)
J-18
J-21
J-24
J-27
b*(D65)
Figure 161 : Graphique représentant l’évolution des coordonnées L*a*b* de l’encre rose en fonction du temps pour la série d’échantillons sur papier Whatman.
202
100 80 60 40 20 0 -20 -40 J-0
J-3
J-6
J-9 L*(D65)
J-12
J-15 a*(D65)
J-18
J-21
J-24
J-27
b*(D65)
Figure 162 : Graphique représentant l’évolution des coordonnées L*a*b* de l’encre rose en fonction du temps pour la série d’échantillons sur papier usuel.
Analyse : Tout comme l’encre verte, l’encre rose est constituée de deux colorants distincts visibles lors de la chromatographie. Les courbes a* et b* illustrent les changements de couleur qui s’effectuent graduellement au cours de l’expérience, avec peu de modifications brusques quels que soient les supports en papier. La composante bleu (b*<0) se rapproche d’une valeur nulle, mais visuellement la couleur rose est toujours forte. 4.5. Comparaison des couleurs entre elles Nous nous sommes plus particulièrement intéressés à l’évolution des couleurs sur du papier usuel puisque ce matériau se rapproche du papier du carnet restauré. Analyse : La couleur rose est la plus sombre des quatre encres, avec une valeur de clarté débutant autour de 80 et n’atteignant pas 100 après les vingt-sept jours de vieillissement artificiel. Les courbes b* des encres bleue et rose se chevauchent presque, mais puisque la caractéristique a* de l’encre bleue se rapproche de 0 à la même vitesse que b*, la couleur bleue disparaît plus vite que les autres encres, ce qui fait d’elle la moins résistante à la lumière. Les encres roses et jaunes sont plus résistantes à la lumière que les encres vertes et bleues, dont le colorant bleu s’efface le plus vite.
203
Figure 163 : Evolution des coordonnées b* (encres jaune et bleue) et des coordonnées a* et b* (encres rose et verte) de diverses encres du papier usuel en fonction du temps.
4.6. Equivalence du vieillissement artificiel en jours
La personne ayant conçu l’enceinte de vieillissement337 a également calculé la correspondance entre les jours d’exposition dans la boîte et leur équivalent en ensoleillement naturel. Ainsi, en théorie, pour un jour en enceinte artificielle, l’équivalent en exposition naturelle serait de 12,64 jours. Pour éviter une augmentation des rayonnements au fur et à mesure du retrait des échantillons, des bandes de papier de même dimension ont été disposées à leur place. Le tableau suivant a pu être établi : Nom de
Jours de vieillissement
Equivalence en jour d’ensoleillement
l’échantillon
artificiel
par jour passé dans la boîte.
J–0
0
0
J–3
3
37,92
J–6
6
75,84
J–9
9
113,76
337
Romane RATSIMIHAH, conservatrice-restauratrice d’arts graphiques, ancienne élève de l’école de Condé, promotion 2017.
204
J – 12
12
151,68
J – 15
15
189,60
J – 18
18
227,52
J – 21
21
265,44
J – 24
24
303,36
J – 27
27
341,28
Tableau 12 : Tableau des correspondances théoriques entre les jours de vieillissement artificiel et les jours d’ensoleillement.
Par conséquent, l’échelle visuelle suivante peut être établie pour les échantillons sur le papier usuel : Tableau 13 : Evolution des encres sur les échantillons sur papier usuel au cours du temps et équivalence théorique en jours d’ensoleillement subi.
Nom
Jours
Encre jaune
Encre bleue
Encre verte
Encre rose
d’ensoleillement correspondant J-0
0
J–3
37,92
J–6
75,84
J–9
113,76
J – 12
151,68
J – 15
189,60
J – 18
227,52
J – 21
265,44
J – 24
303,36
205
J – 27
341,28
Ce tableau permet, d’évaluer visuellement le stade de vieillissement des feutres. En théorie, pour des couleurs similaires sur un papier similaire à celui des échantillons, il serait possible de dire que le feutre a reçu l’équivalent de x jours d’ensoleillement. Malheureusement, le vieillissement artificiel des feutres a été trop court pour obtenir la disparition totale de la couleur. En effet, à la suite du changement imprévu de la chambre de vieillissement, la lampe ne fournissait pas le même pourcentage de rayons UV envoyés sur les échantillons. Toutefois, les correspondances entre les jours de vieillissement artificiel et ceux équivalents d’exposition sont purement théoriques, et permettent seulement une évaluation partielle de l’évolution des couleurs, d’autres critères rentrant en jeu comme la température de conservation et l’humidité relative.
5) Conclusion
L’étude colorimétrique des quatre feutres fluorescents nous a permis de savoir que les encres rose, jaune et verte ont une dégradation de couleur constante et rapide au cours du temps. L’encre bleue, elle, se dégrade plus vite, bien que proportionnellement au temps passé. Par des calculs, il a été possible d’établir une équivalence entre le vieillissement artificiel et l’ensoleillement naturel correspondant, ainsi qu’avec l’aspect de dégradation des encres sur un papier usuel et le nombre de jours d’ensoleillement correspondant théoriquement à cet aspect. Cependant, le vieillissement artificiel n’a pas été suffisant pour obtenir la disparition complète des encres, bien que le bleu ait été proche de la valeur 0. De plus, seul un critère faisait varier les encres : l’exposition à un rayonnement énergétique. Il serait intéressant de voir par la suite si des variations de températures et/ou d’humidité au cours du vieillissement auraient un impact sur l’évolution des couleurs. De même, différents papiers pourraient être testés, afin de déterminer s’il y a réellement influence ou non. En effet, seulement deux papiers ont été testés comme support d’échantillons, dont l’un ne contenait pas ni encollage ni additif. Il
206
est possible que des éléments ajoutés dans les pâtes à papier modernes influent sur la couleur des encres au cours du temps, en plus des autres critères de vieillissement.
CONCLUSION – PARTIE SCIENTIFIQUE L’étude chromatographique des quatre feutres fluorescents de la marque Stabilo® nous a permis de de déterminer que les couleurs roses et vertes comprenaient deux colorants alors que les encres bleues et jaunes n’en n’ont qu’un seul. Les recherches menées sur le principe de la fluorescence et la composition des encres a aussi rendu possible une meilleure compréhension du matériau en question. Enfin, le vieillissement d’échantillons aux rayons UV et l’étude de l’évolution des teintes dans le temps a permis d’évaluer le vieillissement des couleurs par un éclairage naturel.
207
CONCLUSION GENERALE
L’étude et la restauration de ce carnet de préparation de décor nous ont fait découvrir de nombreux domaines, tant liés à la pratique qu’à la théorie de la conservation-restauration. Ce mémoire nous aura permis de nous enrichir par la réflexion, la recherche et la mise en pratique des savoirs acquis au cours des cinq dernières années d’étude. Le fait de devoir aborder d’autres spécialités telles que la photographie ou le textile fut, là encore, très enrichissant. L’étude historique nous a permis de redécouvrir un domaine, le cinéma, et tout le travail effectué en amont de la sortie en salle. Le travail d’adaptation cinématographique n’est pas de tout repos, d’autant plus pour un monument de la littérature tel que Marcel Proust, que nous avons commencé à lire en parallèle de la rédaction de ce mémoire afin de mieux comprendre les liens effectués entre le roman et le film. Situer l’objet dans son contexte d’usage et de quelle façon il témoigne de l’évolution du projet cinématographique fut d’une grande aide pour saisir les valeurs culturelles attribuées à l’objet et de quelle manière aborder sa restauration. La restauration en elle-même a été l’occasion de découvrir de nouveaux matériaux et de travailler sur des documents inhabituels, car datant seulement d’une vingtaine d’année. Le constat d’état et le diagnostic ont permis d’élaborer des relations entre les dégradations et leurs sources, afin d’établir des propositions de traitement adaptées. Bien qu’interventionnistes, toutes les décisions ont été prises en accord avec l’institution prêtant l’œuvre et avec la déontologie du conservateurrestaurateur. Enfin, l’étude scientifique fut le moyen de nous confronter à la rigueur scientifique et à l’approfondissement de nos connaissances sur les feutres fluorescents.
208
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
INDEX DES NOMS PROPRES A
GENEVOIS Maurice
ADAM Ken L
ALBARET Céleste. LAND Edwin Herbert
APPELBAUM Barbara
LEDUC Jean M
B MAS Gil
BALZAC Honoré
MELIES Georges
BARRAUD Vincent
MONTESQUIOU (De) Robert
BEAUGE Bruno.
O
Bibliothèque nationale de France O’LOUGHLIN Elissa
BIRO György
OZOLINE Anastasia
BIRO László BLIVET Isabelle
P
BONNARD Isabelle PEETERS Benoît
BRADEL Pierre-Alexia BRANDESTEIN (Von) Patrizia C
PROUST Marcel. PROUST Robert Q
CECCHI D’AMICO Suso QUINTRIC Gaël
Cinecittà
R
Cinémathèque française Commission Internationale de l’Eclairage D
RIVIERE Jacques RUIZ Raoul. S
DENEUVE Catherine E
SAINTE-BEUVE Charles Augustin SAND George
E.C.C.O. F FERREIRA-BARBOSA Laurence
SANTELLI Claude SCHLÖNDORFF Volker SCHWANHAÜSSER Günter
G
STOKES George G.
GRASSET Bernard
209
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques V
http://www.imdb.com/title/tt0178154 P.23
/mediaviewer/rm425408000
VISCONTI Luchino W
Figure
WARIN Delphine.
6:
Portrait
de
Raoul
Ruiz.
https://timeentertainment.files.wordpress.c
WATTIS Nigel
om/2011/11/360_raoul_ruiz_obit_0822.jpg P.24
?w=360&h=235&crop=1
Figure 7 : Affiche du film Le Temps retrouvé.
TABLE DES ILLUSTRATIONS Les figures non référencées dans cette liste sont des photographies ou des schémas personnels.
Crédits : Éric Caro / F.K.G.B. / Bonne question ! http://www.dvdclassik.com/critique/lep.25
temps-retrouve-ruiz
Figure 8 : Portrait de Gil Mas. Photo personnelle fournie par lui-même.
Figure 1 : Portrait de Marcel Proust au début du XXe siècle. https://www.franceculture.fr/s3/cruiser-
P.26
Figure 9 : Affiche du spectacle Babille de
production/2017/05/1661c4a8-9da6-4b0e-
Vincent
Barraud,
décors
par
9fb9-55dc170984c2/711x400_proust.jpg
http://www.parisetudiant.com/uploads/asse
P.19
ts/evenements/recto_fiche/2016/11/786409 _babille_211155.jpg
Gil
Mas.
P. 27
Figure 2 : Clocher de l’église Combray dans le film. Reconstitution en studio. Issu du film Le Temps retrouvé, situé à 13mn54 dans le film P.20
de Raoul Ruiz.
Figure 3 : Couverture de l’édition Gallimard de 1927.
Crédits :
BnF.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k104956 P.21
4q.r=.langFR
Figure 4 : Affiche du film Un Amour de Swann (1984). https://media.senscritique.com/media/0000 17187397/source_big/Un_amour_de_Swa P.23
nn.jpg
Figure 5 : Affiche de l’épisode sur Marcel Proust, de la série The Modern World : Ten great
Writers.
Figure 11 : Extrait du générique de fin du film Le Temps retrouvé – Présentation de l’équipe technique chargée des décors. p.29 Figure 15 : Plan à 02:27:34 du film. http://classes.bnf.fr/ecritures/grand/p213.ht m
P.34
Figure 16 : Détail d’un cahier de brouillon de Marcel Proust avec ajout de « paperolles ». Crédit : BnF.
P.36
Figure 18 : Détail de la scène à 01:07:07 et reproduction à la p.73 du carnet.
P.38
Figure 21 : Dessin conçu pour une scène de théâtre (p.9 du carnet) et plan du film à 1:11:00 – séquence de l’hôtel Jupien. P.42.
(1988).
210
Alexia Loveiko Figure 22 : Plan de Ferrières p. 69, et scènes du film correspondantes aux annotations de lieux utilisés. Scène en haut à gauche : 0’47’’50. Scène en haut à droite : 0’44’’33. Scène en bas à gauche : 1’11’’00. Scène en bas à droite : 1’14’’18. Images tirées du film. P.43 Figure 26 : Modèle de la composition et du vocabulaire d’un livre monté par emboitage.
https://www.google.fr/url?sa=i&rct=j&q=& esrc=s&source=images&cd=&cad=rja&uact =8&ved=2ahUKEwjlm72u04zcAhUIsBQKHd vgAtIQjRx6BAgBEAU&url=http%3A%2F%2F www.copy-media.net%2Faidetechnique%2Flivre-rigide2%2F&psig=AOvVaw3DWbT3jaWc6uKvGA9eyqw&ust=1531041151649026 p.52 Figure 30 et 31 : fibres de bois de feuillus et de résineux. AITKEN Y., CADEL F., VOILLOT C. Constituants fibreux des pates papiers et cartons. Pratique de l’analyse. Grenoble : Centre Technique du Papier ; St Martin d’Hères : Ecole Française de Papèterie et des Industries Graphiques, 1988, p. 29 et 30. P.57
Figure 36 : Schéma de la constitution d’un ruban adhésif (d’après l’article COLL.« Pressure-sensitive tape and techniques for its removal from paper », JAIC, Vol.23, art. 3, p. 101.) p. 60 Figure 40 : Ruban adhésif 3M Scotch 2902. https://www.google.fr/search?q=Ruban+adh% C3%A9sif+3M+Scotch+2902.&source=lnms&tb m=isch&sa=X&ved=0ahUKEwjxpdK4hYzcAhWB ERQKHc5wAYEQ_AUICygC&biw=1366&bih=63 5#imgrc=9Ga1Ajx0jR_xDM: p.63 Figure 42 : Schéma du fonctionnement d’une imprimante laser. https://www.google.fr/url?sa=i&rct=j&q=&esr c=s&source=images&cd=&cad=rja&uact=8&ve d=2ahUKEwjMjpT_04zcAhWLshQKHbucAf4QjR x6BAgBEAU&url=https%3A%2F%2Fwww.ultim achamada.fr%2Ffonctionnementphotocopieurlaser%2F&psig=AOvVaw2f94bXSTAU1PPHXBEa 4RaJ&ust=1531041447491451 p. 66
Spécialité Arts graphiques Figure 50 : Réaction d’ionisation entre un leuco-colorant et un révélateur. BAJON, Le Monde des fibres, p.167. p. 73 Figure 51 : Schéma du processus aboutissant à l’apparition de l’encre sur le papier thermique. BAJON, Le monde des fibres, p.167. p. 73 Figure 52 : Schéma de la stratigraphie d’une photographie à développement chromogène. QUINTRIC Gaël, p.39. p. 74 Figure 55 : Localisation graphique de la zone de sensibilité des colorants azométhiniques. QUINTRIC Gaël, mémoire, p.97. Figure 59 : Vue générale (Gx100). Fibres de polyester : fibres linéaires, diamètre constant, pas de lumen ni de stries. AITKEN Y., CADEL F., VOILLOT C. Constituants fibreux des pates papiers et cartons. Pratique de l’analyse. Grenoble : Centre Technique du Papier ; St Martin d’Hères : Ecole Francaise de Papèterie et des Industries Graphiques, 1988, p.123. P.78. Figure 98 : Exemple d’équation d’oxydation de la cellulose. LIENARDY, (Anne), VAN DAMME, (Philippe), Inter Folia : manuel de conservation et de restauration du papier, Bruxelles, Institut royal du patrimoine artistique, 1989 ; p. 63. P.105. Figure 99 : Schéma des relations entre les sources d’altérations et les réactions chimiques participant à la dégradation des matériaux papetiers. LAROQUE-KUCHAREK Claude. Les papiers transparents dans les collections patrimoniales. Composition, fabrication, dégradation, conservation. Thèse de l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne. Lille, Atelier national de reproduction des thèses, 2003 p.108. p. 106. Figure 53 : Schéma du procédé de développement chromogène. PENICHON, (Sylvie), Twentieth Century Colour Photographs. The complete guide to processes, identification
211
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
& preservation, Los Angeles, The Getty Conservation Institute, 2013, p. 183. P.75 Figure 138 : Boîte de conservation en celloderm Cauchard®. http://cauchard.com/boites-cauchardsolutions-archivage/12-boites-deconservation-en-carton-celloderme.html p.166.
Figure 153 : Exemple de spectrophotomètre – Modèle Spectro 2600 D. https://www.usinenouvelle.com/expo/spectro photometres-portables-cm-2600dp200317.html p.191
Figure 141 : Différences entre incandescence et luminescence. VALEUR Bernard. Lumière et luminescence : ces phénomènes lumineux qui nous entourent. Paris : Belin, DL, 2017, p. 6. P.175 Figure 142 : exemples de molécules de Coumarine, fluorescéine et Rhodamine B. https://lescarnetsdeteocabanel.wordpress.co m/2015/12/07/la-coumarine/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Fluoresc%C3%A9i ne https://www.sigmaaldrich.com/catalog/produ ct/sigma/r6626?lang=fr&region=FR p. 176 Figure
143 :
Schéma
du
principe
de
fluorescence et de phosphorescence. P.177 Figure 144 : Exemples de feutres Stabilo ® Swing Cool. http://www.comptoirdesecoliers.com/fr/surlig neurs-stabilo-boss-surligneurs-stabiloboss/262-surligneur-swing-cool-stabilo-4006381135924.html Figure 145 : Molécule de pyranine. https://en.wikipedia.org/wiki/Pyranine p. 180. Figure 147 : Schéma des étapes d’une chromatographie sur couche mince. http://tpearomedebanane.emonsite.com/pages/deroulement/page-1.html p.182 Figure 152 : Représentation schématique de l’espace colorimétrique CIE L*a*b*. Op. Cit. VALEUR Bernard, 2017. p. 80. P.191.
212
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Champ : désigne l’espace qui sera visible à l’écran.
GLOSSAIRE A Acide : 1. Nom générique des corps composés susceptibles de libérer des ions H+ en solution. (TLFi). 2. Dont le pH est compris entre 1 et 6.
Altération : Dégradation par rapport à l'état initial ou normal d'une chose. (TLFi)
Arrière-plan : décor qui se trouve derrière l’action ou le comédien. Azométhinique : Groupe chimique caractérisé par un groupement carboneazote.
B Bloc-texte : ensemble des feuillets formant les cahiers d’un livre. Bradel : Qui est fait suivant le mode de reliure bon marché introduit au début du XIXe siècle par un imprimeur et consistant dans l'emboîtage du livre dans une bande de carton souple enveloppant le dos et elle-même collée aux gardes le long des mors. (TLFi)
Brevet : Titre délivré par le gouvernement à une personne qui a fourni la preuve qu'elle est l'auteur d'une invention ou d'une découverte afin de lui assurer durant un certain laps de temps et sous certaines conditions, l'exclusivité d'exploitation. (TLFi)
C Carbohydrates : molécules composées de carbone, d’hydrogène et d’oxygène, présentes dans plusieurs substances, comme le sucre ou l'amidon. (Cambridge Dictionnary)
Carnet : Petit livre ou registre de poche où l'on inscrit des comptes ou des notes. (TLFi)
Charnière : « Ligne de jonction entre le plat et le corps du volume. » (Denis Muzerelle, vocabulaire codicologique)
Chromaticité : Couple de grandeurs caractérisant un stimulus de couleur (en général, ces grandeurs évaluent la teinte et la saturation) indépendamment de la clarté (ou de la luminance). (VALEUR Bernard, 2017, p.234).
Chromophore : en chimie organique, radical non saturé responsable de la coloration dans une molécule organique. (TLFi)
CIE : commission l’éclairage.
internationale
de
Coin : ici, ce sont les angles formés côté gouttière par les feuillets, les plats, le corps d’ouvrage... Colorant : substance colorée naturelle ou synthétique, soluble dans le milieu où elle est dispersée. (VALEUR Bernard, 2017, p.234). Colorimétrie :
domaine scientifique concernant la mesure des couleurs. (TLFi)
Comète/fausse tranchefile : « pièce de galon collée (et non cousue) en tête et en queue du dos des cahiers de façon à imiter une tranchefile ». (Denis Muzerelle, vocabulaire codicologique).
Copolymère :
Composé formé de macromolécules renfermant des motifs monomères différents. (Dictionnaire Larousse en ligne)
Couleur : Qualité de la lumière que renvoie un objet et qui permet à l'œil de le distinguer des autres objets, indépendamment de sa nature et de sa forme. (TLFi) Couverture :
Ensemble des éléments protégeant extérieurement le corps d’ouvrage.
213
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Couvrure : « Garnissage des plats et du dos du
Etat fondamental : Se dit de l'état d'énergie
volume d’un matériau souple tel que peau, étoffe (..) ». (Denis Muzerelle, vocabulaire codicologique). Aussi employé dans ce mémoire pour désigner la partie regroupant les plats et le matériau de couvrure de la structure du livre (emboitage).
minimale d'un système quantique (noyau, atome, etc.). (Dictionnaire Larousse en ligne)
D
Feutre ou crayon-feutre : se dit d’un crayon
Déchirure : « rupture à bords irréguliers,
qui a l'aspect, les propriétés du feutre. Étoffe non tissée, imperméable, obtenue en foulant et en agglutinant des fibres d’origine animale, artificielle ou synthétique. (TLFi)
produite sans l’aide d’un objet tranchant. . Norme AFNOR NF Z 40-011, Méthode d'évaluation de l'état physique des fonds d'archives et de bibliothèques, 2005, p.25.
Dessin : Art de représenter des objets (ou des idées, des sensations) par des moyens graphiques ; ensemble des procédés relatifs à cet art. (TLFi)
E Eclairement : Densité de flux lumineux reçu par une surface. Son unité est le lux.
F Feuillet : chacune des deux moitiés d’un bifeuillet, soit deux pages.
Foliotation : « Numérotation de chacun des feuillets d’un volume. » (Denis Muzerelle, vocabulaire codicologique) Fonds (de cahier) : « Partie du volume, des feuillets (…) située vers la couture.» (Denis Muzerelle, vocabulaire codicologique) Fluorescence : phénomène lumineux émis par un corps fluorescent, à la suite de l’absorption de photons par ce dernier. (VALEUR Bernard, 2017, p.9).
(VALEUR Bernard, 2017, p.234).
Eluant : se dit d’un solvant permettant de faire une élution, c’est-à-dire une « séparation de corps adsorbés par lavage progressif. (Dictionnaire Larousse en ligne)
Emulsifiant : Se dit d'un composé dont la présence favorise la formation d'une émulsion ou sa conservation. (Les émulsifiants sont des molécules amphiphiles comprenant une partie hydrophobe et une partie hydrophile.) (Dictionnaire Larousse en ligne)
Encre :
préparation liquide, diversement colorée, servant à écrire, dessiner, imprimer. (TLFi)
Epair : Aspect du papier observable par
G Garde : « Feuillet de protection laissé blanc ou ajouté (en blanc ou remployant un feuilet écrit) en tête ou à la fin d’un volue. Egalement : recto du premier feuillet d’un voume dont le texte ne commence qu’au verso de ce feuillet. » (Denis
Muzerelle, vocabulaire codicologique) Gouttière : « tranche opposée au dos ». (Denis Muzerelle, vocabulaire codicologique).
H Humidité relative : Pourcentage de la pression effective de la vapeur d’eau à la pression de vapeur saturante (maximale).
transparence. (Dictionnaire Larousse en ligne)
Hydrocarbure aromatique : Composé formé
Equipe technique :
uniquement de carbone et d'hydrogène, présentant un ensemble de propriétés
214
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
physiques et chimiques comparables à celles du benzène. (Dictionnaire Larousse en ligne)
I Illuminant : Qui éclaire d'une vive lumière. (TLFi)
Incandescence : phénomène consistant en la production de lumière par des corps chauffés à de hautes températures. (VALEUR Bernard, 2017, p.9).
L Lacune : absence d’une partie de quelque chose à la différence d’un manque qui est totalement absent.
Luminescence : phénomène reposant sur l’absorption d’une énergie électromagnétique par un atome ou une molécule, lequel émet ensuite de la lumière.
M Manuscrit : « texte écrit à la main ». (Denis Muzerelle, vocabulaire codicologique).
Phosphorescence : Luminescence de certains corps chimiques comme le phosphore, persistant après la suppression de l'excitation qui l'a provoquée. (TLFi)
Plan : terme désignant une partie de film entre deux raccords*. Plat : « Pièce de matériau plus ou moins rigide qui vient s’appliquer contre le premier (plat supérieur) ou le dernier (plat inférieur) feuillet du livre ». (Denis Muzerelle, vocabulaire codicologique).
Pli : marque formée par un pli, volontaire ou involontaire. Norme AFNOR NF Z 40-011, Méthode d'évaluation de l'état physique des fonds d'archives et de bibliothèques, 2005, p.27.
Polyol ou
polyalcool :
Corps plusieurs fonctions alcool. (TLFi)
possédant
Prise : Enregistrement d’un plan pendant un tournage. Pyranine : colorant fluorescent arylsulfonate hydrophile, sensible Dictionnary)
au
pH.
(Cambridge
O
R
Onde électromagnétique : perturbation qui se propage à partir de toute charge électrique accélérée. (Se propageant à la vitesse de la lumière, cette onde peut être représentée comme constituée par un champ électrique et un champ magnétique, orthogonaux entre eux et à la direction de propagation.) (Dictionnaire Larousse en ligne)
Raccord : terme utilisé pour désigner l’enchaînement de deux plans*.
P
S
Photoluminescence : phénomène particulier de luminescence manifesté par certains corps qui, soumis à un rayonnement, émettent, dans toutes les directions, un rayonnement de fréquence différente. (TLFi)
Scène : ensemble de plans* qui se suivent tout en étant liés par une unité dramatique ou une unité de lieu.
Rempli : « Bord de la couvrure replié vers l’intérieur du volume et collé sur le contreplat ». (Denis Muzerelle, vocabulaire codicologique).
Séquence : Succession de scènes* qui présentent chacune une unité de lieu, liées par une unité de temps et découpées en plan. 215
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Simili-cuir : subst. masc. Toile enduite de matière plastique dont l'aspect imite celui du cuir. (TLFi)
Solvant : Substance le plus souvent liquide qui a la propriété de dissoudre une autre substance. (TLFi)
V Valeur : « désigne l’importance, c’est-à-dire le prix, que l’on attache à certaines notions abstraites (la vérité, la patrie etc.), et pas extension ces notions elles-mêmes ». (BERGEON LANGLE, BRUNEL)
216
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
BIBLIOGRAPHIE – ETUDE HISTORIQUE Ouvrages généraux Marcel Proust & Le Temps retrouvé •
PROUST Marcel. Le Temps retrouvé. Paris : Gallimard, collection Folio classique, 1989 (texte) ; 1990 (préface, dossier et édition), 447p.
Le décor de film – Les chefs décorateurs •
BARSACQ Léon. Le Décor de film : 1885-1969. Paris : Henri Veyrier, 1985. 271p
•
BERTHOME Jean-Pierre. Le décor au cinéma. [Paris ?] : Cahiers du cinéma, 2003, 288p. Collection Albums.
•
DOUY Max et Jacques. Décors de cinéma : un siècle de studios français. Paris : Editions du collectionneur, 2003. 335p.
•
FREY Francis, GOLIOT-LETE Anne, VANOYE Francis. Le Cinéma. Retenir l’essentiel. Paris : Edition Nathan, collection repères pratiques, 2017, 175p.
•
MONTEBELLO Fabrice. Le Cinéma en France. Paris : Armand Colin, collection « Armand Colin Cinéma », 2005, 224p.
•
PUAUX Françoise. Le décor de cinéma. Paris : Cahiers du cinéma, Collection Les Petits Cahiers, 2008, 95p.
Ouvrages spécialisés Marcel Proust & Le Temps retrouvé •
ALBARET Céleste, BELMONT Georges (contributeur). Monsieur Proust. Paris : Robert Laffont, collection DOCUMENTO, 2014, 462p.
•
KRAVANJA Peter. Proust à l’écran. Bruxelles : Edition de la lettre volée, 2003, 177p.
•
LACOUTURE Jean, Une adolescence du siècle : Jacques Rivière et la NRF. Paris : Editions du Seuil, 1994,598p.
Raoul Ruiz •
PEETERS Benoît, SCARPETTA Guy. Raoul Ruiz, le magicien. Bruxelles : les Impressions Nouvelles, 2015, 284p.
Le décor de film – Les chefs décorateurs •
ETTEDGUI Peter. Les Chefs décorateurs. Paris : La Compagnie du Livre, Collection Les métiers du cinéma, 2000, 208p.
•
GIBBONS J. « The Art Director », in Behind the Screen : How Films Are Made. NewYork : Stephen Watts (ed), Hyperion, 1992.
217
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Catalogue d’exposition. Marcel Proust & Le Temps retrouvé •
TADIE Jean-Yves. (DIR.). Marcel Proust : l’écriture et les arts. Paris : Gallimard ; Bibliothèque Nationale de France ; Réunion des musées nationaux, 1999, 311p.
Articles de presse et de périodiques Raoul Ruiz •
BLUMENFELD Samuel. « « La Recherche », l’œuvre fantôme de Visconti ». M le magazine du Monde, [en ligne], publié le 29/07/2015, 6p.
•
BOUQUET Stéphane, BURDEAU Emmanuel. « Dans le laboratoire de La Recherche : Entretien avec Raoul Ruiz ». [Paris ?] : Cahiers du cinéma, mai 1999, n°535, pp. 4650 ; 52-53.
•
SALES Juliette. « Le temps retrouvé : analyse du scénario ». [Paris ?] : Synopsis, 1999, numéro spécial – 3 – Spécial Cannes 99, pp. 98-101.
Filmographie Raoul Ruiz •
Le Temps retrouvé. Raoul Ruiz (réalisateur), Paulo Branco (producteur). Sociétés de production : Gemini Films, France 2 Cinéma, Les Films du Lendemain, Blu Cinemagrafica. 1999. 169min. D’après l’œuvre éponyme de Marcel Proust. DVD Editions France Télévisions, 2001.
Sources internet Marcel Proust & Le Temps retrouvé •
Site de l’Académie Française – Article de Jean-Louis Curtis. Marcel Proust, le génie littéraire du XXe siècle.
http://www.academie-francaise.fr/marcel-proust-le-genie-litteraire-du-xxe-siecle •
Site de la BnF – Dossier sur Marcel Proust et son dernier roman, Le Temps retrouvé.
http://gallica.bnf.fr/dossiers/html/dossiers/Proust/ •
Site d’André Vincens sur l’œuvre de Marcel Proust et ses personnages.
http://proust-personnages.fr/?page_id=4315 •
Site de France Culture – Article Marcel Proust, côté paperolles (2 parties) – 03/10/2013, mis à jour le 26/04/2017.
https://www.franceculture.fr/litterature/marcel-proust-cote-paperolles-12 •
Encyclopédie Larousse – Article Robert de Montesquiou
http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Montesquiou/175427
218
Alexia Loveiko •
Spécialité Arts graphiques
Encyclopédie Larousse - Article Marcel Proust
http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Proust/176221 •
Dictionnaire de français en ligne – Définition du mot matinée.
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/matin%c3%a9e/49877?q=matin%c3%a9e#4 9778
Raoul Ruiz •
Site de la Cinémathèque française – LE THIERRY D’ENNEQUIN Nicolas. Présentation du cycle sur Raoul Ruiz (2015).
http://www.cinematheque.fr/cycle/raoul-ruiz-315.html •
Site de l’Encyclopaedia Universalis – Article Coup d’état au Chili :
https://www.universalis.fr/encyclopedie/coup-d-etat-au-chili/ Le décor de film – Les chefs décorateurs •
Site sur l’Histoire du Cinéma.
http://www.cinemafrancais-fle.com/Histoire_cine/annees_90_a_2000.php •
Site regroupant des informations sur les métiers et formations disponibles en France.
http://www.studyrama.com/formations/fiches-metiers/audiovisuel-cinema/ensemblier-780 •
Magazine en ligne Objectif Cinéma - - Interview de Bruno Beaugé en ligne.
http://www.objectif-cinema.com/interviews/150.php
219
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
BIBLIOGRAPHIE – PARTIE CONSERVATION-RESTAURATION Déontologie : - Ouvrages généraux
APPELBAUM Barbara, Conservation treatment methodology, Routledge, Elsevier Ltd, 2010, 472p. BOITO Camillo, Conserver ou restaurer ? [1893], Paris, édition Encyclopédie des Nuisances, 2013, 163p. BRANDI Cesare, Théorie de la restauration, Paris, Editions Allia, 2011, 139p. BERGEON LANGLE Ségolène, BRUNEL Georges. La restauration des œuvres d’art : Vademecum en quelques mots, Paris, Hermann Editeurs, 2014, 465p. RIEGL Aloïs, Le Culte moderne des monuments, Paris, Editions Allia, 2016, 110p. - Article de revue spécialisée
BONNARD Isabelle. « Les pages dessinées des carnets d’artistes : responsabilités du restaurateur confronté à l’évolution de leur identité ». Livre des Congrès IPH, vol.18. Annuaire de l’Histoire du Papier. Paris : IPH éditions, AFHEPP Association Française pour l’étude et l’Histoire du Papier et des Papeteries, 2010, pp. 279-286. - Sites internet
Site de l’E.C.C.O. http://www.ecco-eu.org/documents/ Conservation-restauration de papier : - Ouvrages généraux
BANIK Gerhard. Paper & related materials. [s.l.], ICCROM, Scientific principles of conservation. 1996, 268p. GIOVANNINI Andrea. De Tutela librorum. La conservation des livres et des documents d’archive. Baden : Hier + jetzt, Verlag für kultur und Geschichte, 2010, 569p. LIENARDY Anne, VAN DAMME Philippe. Inter Folia : manuel de conservation et de restauration du papier. Bruxelles : Institut royal du patrimoine artistique, 1989, 247p. - Ouvrages spécialisés Identification des matériaux et média
AITKEN Y., CADEL F., VOILLOT C. Constituants fibreux des pates papiers et cartons. Pratique de l’analyse. Grenoble : Centre Technique du Papier ; St Martin d’Hères : Ecole Francaise de Papèterie et des Industries Graphiques, 1988, 272p.
220
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
BAJON Catherine, REIS Danièle, VIAN Brigitte. Le monde des fibres. Paris : Editions Belin, 2006, 351p. Traitements de restauration
DORGE Valérie (DIR.) Solvent gels for the cleaning of works of Art. The Residue Question. Los Angeles : The Getty Conservation Institute, 2004, 162p. Conservation Préventive
HATCHFIELD Pamela B. Pollutants in the Museum Environment. Practical strategies for problem solving in design, exhibition and storage. Londres : Archetype Books, 2002, 206p. - Mémoire Identification des matériaux et media
CARIN Violette. Restauration d’un ensemble de plans cadastraux relatifs à la ville de Lens aux XIXe et Xxe siècle. Etude de l’efficacité de l’essence F sur les résidus d’adhésifs d’un ruban d’emballage. Mémoire Ecole de Condé non publié, Paris, 2016, 334p. DAUGA Nadège. Détermination du solvant approprié pour le retrait d’un film adhésif acrylique : « Scotch Magic Tape 810 TM » Restauration d’œuvres altérées par ces films d’adhésif. Mémoire IFROA non publié, Paris, 1997, 277p. DUSSINE Emilie. La restauration d’un carnet manuscrit de la Seconde Guerre mondiale, Le journal de bord de Marcel Guaffi. Mémoire Ecole de Condé non publié, Paris, 2007, 128p. NUNES Véronique. 15 planches originales de bande-dessinée contemporaine par Xavier Mussat et Fabrice Neaud. Mémoire Ecole de Condé non publié, Paris, 2010, 195p. POISBELEAUD Marie-Christelle. Restauration de six œuvres issues du monde de la bandedessinée. Mémoire INP non publié, Paris, 1998. - Thèse
LAROQUE-KUCHAREK Claude. Les papiers transparents dans les collections patrimoniales. Composition, fabrication, dégradation, conservation. Thèse de l’Université Paris I – PanthéonSorbonne. Lille, Atelier national de reproduction des thèses, 2003, 408p. - Articles de revue spécialisée Identification des matériaux et media
BALDWIN Ann M. “The wayward paper object : artist’s intent, technical analysis and treatment of a 1966 Robert Rauschenberg diptych”. Journal of the American Institute for Conservation, vol.38. [s.l.] Taylor & Francis Ltd., The American Institute for Conservation of Historic & Artistic Works, 1999, pp. 411-428 DUPUIS-LABBE Dominique. ENSHAIAN Marie-Christine. « Les 39 dessins du « Mystère Picasso » : Génèse d’une création, évolution d’un projet de conservation-restauration », in Technè n°22, 2005, pp. 88-95. 221
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
HOLBEN ELLIS Margaret, « The porous pointed pen as artistic medium”, in Conference papers, Manchester, The Institute of Paper Conservation, pp. 11-18. ENCKE David B., FELLER Robert L. “Stages in deterioration : the examples of rubber cement and transparent mending tape”. In Studies in Conservation, volume 27, 1982, Science and Technology in the Service of Conservation : preprints of the Contributions to the Washington congress, pp.19-23. HOFFMANN, (Rita), « Matériaux utilisés pour l’impression jet d’encre », in Support Tracé n°13, Paris, Association pour la recherche scientifique sur les arts graphiques (ARSAG) 2013, pp. 151156. KINGE A.P., LANDAGE S.M., WASID A.I. “Nonwoven for artificial leather” in International Journal of advanced Research in Engineering and Applied Sciences, volume 2, N°2, février 2018. pp. 15-33. LAROQUE Claude. « Fabrication et composition des papiers transparents ». In Support Tracé. Paris, Association pour la recherche scientifique sur les arts graphiques (ARSAG), 2007, pp. 7174. THOMSON, (Roy), « From pottery to skivertex : alternatives to leather », in Actes des troisièmes journées internationals d’études de l’ARSAG, Paris, 1997, et the Leather Conservation Centre, Northampton, United Kingdom, p. 79. Traitements de restauration
BOUVET Stephane, EVENO Myriam, NGUYEN Thi-Phuong. Effets de gommes à effacer sur la cellulose du papier. Laboratoire de la bibliothèque nationale de France, 2003, 5p. [en ligne]. COLLECTIF. “Pressure-sensitive tape and techniques for its removal from paper”. Journal of the American Institute for Conservation, volume 23, n°2. 1984, pp. 101-113. [en ligne] COWAN Janet, GUILD Sherry. « Dry methods for surface cleaning paper”, in Technical Bulletin no.11. Canadian Conservation Institute Department of Canadian Heritage, 2001, 11p. [en ligne] DOWN Jane L. « The evaluation of selected poly(vinyl acetate) and acrylic adhesives : A final research update. ». In Studies in Conservation. [n.l.] Maney Publishing, Volume 60, n°1, 2015, pp.33-54. IANNUCELLI Simonetta, SOTGIU Silvia. “Wet Treatments of Works of Art on Paper with Rigid Gellan Gels”. In The Book and Paper Group Annual, volume 29, 2010, pp.25-39. PATAKI Andrea. « Remoistenable Tissue Preparation and its Practical Aspects”, in Restaurator, 2009, pp. 51-69.
222
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
RAMAKERS (Hanneke), “Paraloïd™ B-44 : Studio tests for the Reconstruction of a Tang Dynasty Model of a Horse.”, in Recent advances in Glass, Stained-Glass and Ceramic Conservation 2013, Roemich, H., K. van Lookeren Campagne, ICOM-CC Glass and Ceramics Working Group Interim Meeting and Forum of the International Scientific Committee for the Conservation of Stained Glass (Corpus Vitrearum – ICOMOS), 2013, pp.61-68. Conservation préventive
COLLECTIF. « Measurement of volatile organic compounds (VOCs) in libraries and archives in Florence (Italy) », in Science of the Total Environment, volume 572, décembre 2016, pp. 333339. O’LOUGHLIN (Elissa), STIBER (Linda S.), « A closer look at pressure-sensitive adhesive tapes : update on conservation strategies », in The Institute of Paper Conservation : conference Manchester 1992. Worcester, Institute of paper conservation, 1992, pp.280-286. - Brevets scientifiques Identification des matériaux et media
TORAY INDUSTRIES, INC., 1975. Synthetic Leather and method of preparing the same. OKAZAKI (Kaoru), HIGUCHI (Akira), IMAEDA (Naoki). United States Patents, US 3873406. 17p. - Normes
Norme AFNOR NF Z 40-011, Méthode d'évaluation de l'état physique des fonds d'archives et de bibliothèques, 2005, 36p. - Dictionnaire et encyclopédie
FOUCHE, (Pascal), PECHOIN, (Daniel), SCHUWER, (Philippe) (DIR.), Dictionnaire encyclopédique du livre, Vol.1. A-D. Electre - Editions du Cercle de la Librairie, 2002. PEREGO, (François), Dictionnaire des matériaux du peintre, Paris, Editions Belin, 2005. - Filmographie
COLL. [Restauration du scénario de Lola Montès, de Lucie Lichtig. Réalisé par La Cinémathèque française. [Document interne à la Cinémathèque française]. - Ressources en ligne Identification des matériaux et media
BONALDO, (Maryse), Investigations in the Use of a Rigid Hydrogel GellanGum in the Making of Cleaning Systems for Sensitive Acrylic Paint Surfaces. Queen’s University, 2015, p.1. https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=9&cad=rja&uact=8& ved=0ahUKEwj75eXrvoPbAhWQZFAKHQtfDcAQFghtMAg&url=http%3A%2F%2Fwww.queens u.ca%2Fart%2Fsites%2Fwebpublish.queensu.ca.artwww%2Ffiles%2Ffiles%2FMaryse%2520B onaldo%2520poster.pdf&usg=AOvVaw3cvNBAPzcSDPUCazJ6fB69 223
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Site officielle de la marque Crayola – Histoire de l’entreprise : http://www.crayola.fr/a-propos/histoire.aspx Site de la BnF : http://reliures.bnf.fr/ark:/12148/cdt9x17g/ Site de Faber-Castell – Descriptif d’un feutre de la gamme PITT Artist Pen (pointe fine) : https://www.faber-castell.fr/produits/FeutrePittArtistPennoirpointeextrafine/167099 Site de Grenoble INP-Pagora, école internationale du papier, de la communication imprimée et des biomatériaux : http://cerig.pagora.grenoble-inp.fr/icg/Dossiers/listedossier.html Site Post-It – Histoire des Post-Its et de ses créateurs. https://parafix.com/product/3m-2902/ Site de Staedler – Descriptif d’un feutre noir appartenant à la gamme des pointes fines : https://www.staedtler.be/fr/produits/feutres-stylos/feutres-fins/pigment-liner-308-feutrefineliner/#id=9171&tx_solr[filter][0]=colorPatch%253A7577 Site officiel de la marque Tesa® : http://www.tesa.fr/professionnel/adhesif-masquageprotection/adhesifs_masquage_interieur/tesa_4334_masquage_de_precision,m.html Site Paraffix – Engineered Adhesive Solutions Site de vente de matériel cinématographique : http://www.cineboutique.com/fr/30-gaffers Site de l’université de Montpellier – dossier sur les encres http://sciences-physiques.ac-montpellier.fr/ABCDORGA/Famille/ENCRES.htm Traitements de restauration
Site d’Atlantis – Fournisseur en matériaux de conservation et restauration : http://www.atlantis-france.com/fr/preservation/63-eponge-a-nettoyer-smoke-sponge.html Site de CTS europe - Fournisseur en matériaux de conservation et restauration : https://www.ctseurope.com/fr/scheda-prodotto.php?id=2668 Site de l’Institut Canadien de Conservation (ICC) : http://canada.pch.gc.ca/fra/1439925171105 https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/publications-conservationpreservation/notes-institut-canadien-conservation/mise-reserve-oeuvres-papier.html
224
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Site des normes ISO – Descriptif de la norme ISO 14145-2 https://www.iso.org/obp/ui/#iso:std:iso:14145:-2:ed-1:v1:fr
Conservation-restauration de photographies - Ouvrages généraux
CARTIER-BRESSON, (Anne), (DIR.), Le vocabulaire technique de la photographie, Bologne, Editions Marval/Paris Musées, 2008, 495p. COLLECTIF, Histoire de la photographie : de 1839 à nos jours, Köln, Taschen, 2012, 768p. LAVEDRINE, (Bertrand), GANDOLFO, (Jean-Paul), MONOD, (Sybille), Les collections photographiques. Guide de conservation préventive, Paris, Arsag, 2000, 311p. LAVEDRINE, (Bertrand), (Re)Connaître et conserver les photographies anciennes, [s.l.] CTHS, 2007, 345p. - Ouvrages spécialisés Identification des matériaux et media
COOTE, (Jack H.), The Illustrated history of colour photography, Surbiton, Fountain Press, 1992, 248p. PENICHON, (Sylvie), Twentieth Century Colour Photographs. The complete guide to processes, identification & preservation, Los Angeles, The Getty Conservation Institute, 2013, 344p. Conservation préventive
EZRATI, (Jean-Jacques), Manuel d’éclairage muséographique, [1995] Dijon, Université de Bourgogne, 1999, 68p. - Actes de colloques
Conservation et restauration du patrimoine photographique, actes de colloque, novembre 1984, Paris, Paris-Audiovisuel/Direction des Affaires Culturelles de la Ville de Paris, 1985. - Mémoire
BARCELLA, (Caroline), Les Olgas de Sigmar Polke (Villeurbanne, institut d’art contemporain). Restauration, conservation et recherche d’une méthode de mise à plat de photographies à développement chromogène sur papier RC, Mémoire INP non publié, 2007, 192p. DUVAL, (Constance), K (Il était une fois), Frédérique Devaux, 2001, Centre national du cinéma et de l’image animée. Conservation-restauration d’un objet filmique composite du cinéma expérimental (pellicules à développement chromogène, ruban adhésif). Recherche d’un adhésif de réencollage à sec des rubans adhésifs originaux pour le remontage des pellicules et des fragments désolidarisés, Mémoire INP non publié, Paris, 2015, 315p.
225
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
QUINTRIC, (Gaël), Les images modèles de Christian Boltanski. Recherche de traitements de conservation-restauration sur les photographies couleurs à développement chromogène : étude de la réactivité des colorants azométhiniques aux solvants, Mémoire INP non publié, Paris, 2005, 191p. REBOURT, (Estelle), La restauration de 3 polacolors ER (photographies à développement instantané – étude de la compatibilité du polacolor ER avec les solvants organiques. Mémoire de fin d’études IFROA non publié, 1997, 181 p. - Articles de revue spécialisée
CARTIER-BRESSON, (Anne), LAVEDRINE, (Bertrand), MARBOT, (B.), « Les expositions de photographies », in International Preservation News, n°17, Paris, 1998, pp. 20-32. SQUOQUART, (Sabine), « La conservation-restauration des photographies couleurs montées par la face sur PMMA », in CeROArt [Revue en ligne], publié le 19/06/2012, http://ceroart.revues.org/2700#tocto2n3. - Sites internet
Site de l’Institut Canadien de Conservation https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/publications-conservationpreservation/notes-institut-canadien-conservation/soin-documents-photographiquescouleur.html
226
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE Normes : •
AFNOR. Couleur et colorimétrie. 2000, 607p.
Ouvrages spécialisés : • JAMESON David M. Introduction to fluorescence. Boca Raton: CRC press, 2014, 295p. • VALEUR Bernard. Lumière et luminescence : ces phénomènes lumineux qui nous entourent. Paris: Belin, DL, 2017, 207p. • VALEUR Bernard. Molecular Fluorescence. Principles and Application. Weinheilm; New-York; Chichester, [etc]: Wiley – VCH, cop. 2002, 387p. • TOUCHSTONE Joseph C. Practice of thin layer chromatography, third edition. New-York; Chichester; Brisbane; [et alt.]: Wiley-Interscience, John Wiley & Sons, Inc, 1992, 377p. Articles : • VIENOT Françoise. « Introduction à la couleur de l’expérience visuelle à la mesure » in COLL. Couleur et Temps. La couleur en conservation et restauration. Paris : 12ème journée d’étude de la SFIIC (Section française de l’Institut international de conservation), Institut National du Patrimoine, 2006, 365p. • WHITMORE P.M., BAILIE C., CONNORS S.A. “Micro-fading tests to predict the results of exhibition: progress and prospects.” In ROY A. SMITH P. International Institute for Conservation, contributions to the Melbourne congress 10-14 October 2000. Edition Advances in conservation. pp.200-205.
Brevets scientifiques : • CONTE S.A., brevet déposé le 20/12/2001, publié et délivré le 14/02/2007. EP 1 358 281 B1 : Composition liquide colorée pour surligneur. BETHOUART Carine, DUEZ José. https://www.google.fr/patents/WO2002051950A1?cl=fr&dq=Composition+liqui de+coloree+pour+surligneur&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi33ta754LZAhUE_q QKHXdgBWMQ6AEIMzAB • SCHWAN-STABILO, brevet déposé le 31/01/1991, publié et délivré le 08/01/1992. EP 0 464 304 A2 : Markierungsflüssigkeit. HORVAT Ivan, KRAMP Peter, ONCZUL Erhard. https://patents.google.com/patent/EP0464304A2/fr
Mémoires : •
RATSIMIHAH Romane. Conservation-restauration d’une peinture à l’huile mate sur carton préparé d’une technique mixte sur papier couché. Etude du vieillissement à la lumière (UV B) des encres d’impression 2.5D du laboratoire Océ Print Technologies – a Canon Company. Mémoire Ecole de Condé, 2017, 305p.
227
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Ressources internet : • Cours de chimie organique en ligne http://perso.numericable.fr/chimorga/Niveau_M2/solvants/solvants.php • Dictionnaire Larousse en ligne : définition élution : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9lution/28477 • Encyclopédie Larousse en ligne : Article Sir George G. Stokes. http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/sir_George_Gabriel_Stokes/145280 • Encyclopédie Universalis en ligne : Article Fluorure naturel. https://www.universalis.fr/encyclopedie/fluorures-naturels/ • Site de la Bibliothèque Nationale de France - Fiche d’auteur - Eilhard Wiedemann http://data.bnf.fr/12393759/eilhard_wiedemann/ • Site de l’INRS Santé et sécurité au travail – Fiche toxicologique de l’éthanol http://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_48 • Site de l’Organisation internationale de normalisation : https://www.iso.org/fr/committee/55238.html • Site d’HiSoUR, plateforme de culture en ligne – Article Echelle de laine bleue https://hisour.com/fr/blue-wool-scale-26826/ • Site de la marque Schwan – STABILO® – Historique de l’entreprise https://www.stabilo.com/fr/hr_company/history • Site de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail http://www.csst.qc.ca/prevention/reptox/pages/fichecomplete.aspx?no_produit=75994&langue=F • Site d’informations médicales et pharmaceutiques http://www.informationhospitaliere.com/pharma-11778-trishydroxymethylaminomethane.html
228
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
SOMMAIRE DES ANNEXES Annexe N°1 : Liste des personnages de La Recherche cités. Annexe N°2 : CV de M. Gil Mas. Annexe N°3 : Compte-rendu de l’entretien avec Gil Mas du 31/10/2016. Annexe N°4 : Etude d’une partie des archives de la Cinémathèque française Annexe N°5 : Correspondance électronique avec Gil Mas. Annexe n° 6 - Sommaire du carnet Annexe N°7 : Synthèse des plans de travails trouvés aux pages 52 et 86 du carnet. Annexe N°8 : Résumé du roman Le Temps retrouvé, de Marcel Proust. Annexe n°9 – Vocabulaire du livre Annexe n° 10 - Schéma du procédé de fabrication industrielle d’une feuille de papier Annexe n°11 – Tableau récapitulatif des types d’attaches par type de document Annexe n°12 - Histoire des rubans autoadhésifs Annexe n°13 – Fiche technique du Scotch® Magic™ Annexe n° 14 – Petit historique des papiers transparents. Annexe n° 15 – Tableau récapitulatif des documents par matériaux et positionnement dans le carnet Annexe n°16 – Compte -rendu des tests de sensibilité des colorants chromogènes aux solvants organiques Annexe n° 17 – Récapitulatif des matériaux employés Annexe n° 18 – Synthèse des compositions du brevet EP 0 464 304 A2 Annexe n°19 – Echantillons après vieillissement aux rayons UV Annexe n°20- Fiche technique du spectrophotomètre Spectro 2600 D Annexe n°21– Tableaux des mesures colorimétriques
Fiches techniques Fiche technique du toluène Fiche technique de l’éthanol Fiche technique de l’acétate d’éthyle Fiche technique de l’acétone Fiche technique de la colle d’amidon de blé Fiche technique de la Klucel G Fiche technique de la Tylose MH300 Fiche technique de la Lascaux 480 HV Fiche technique du Paraloïd B72
229
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Annexe N°1 : Liste des personnages de La Recherche cités. Les informations contenues dans cette annexe sont tirées du site « Proust, ses personnages », écrit par André VINCENS. Ce dernier a publié un livre intitulé Marcel Proust – « La Recherche » - Les Personnages, publié par les éditions Frontinesque en 2015.
Personnages féminins Albertine : Grande passion du narrateur, qui tombe amoureux d’Albertine dans A l’ombre des jeunes filles en fleur. Il la rencontre à Balbec, et plus tard une liaison amoureuse s’établit entre eux. Elle meurt suite à une chute de cheval après avoir fui Paris. Le narrateur ne cesse de faire référence à leur relation dans La Recherche. Gilberte Swann : Fille d’Odette Swann et Charles de Crécy. Epouse de Robert de Saint-Loup et amie du narrateur. Celui-ci en tombe amoureux plus jeune, mais il deviendra son ami par la suite. Mme Verdurin : Femme de la haute bourgeoisie qui deviendra la princesse de Guermantes à la suite de ses trois mariages. Princesse de Guermantes : dans le tome du Temps retrouvé, lors de l’épisode du bal de tête, il s’agit de l’ex-Mme Verdurin anoblie au fil du temps par des mariages et veuvages successifs.
Personnages masculins Robert de Saint-Loup : Epoux de Gilberte Swann, et meilleur ami du narrateur. Amant de Morel. Mr de Charlus / Le baron de Charlus : figure de la haute aristocratie parisienne. Lunatique, il dévoile ses penchants homosexuels au cours de La Recherche. Morel : Musicien fréquentant la haute bourgeoisie, ancien amant de Mr de Charlus. Ouvertement bisexuel, il trompe Mr de Charlus, et fréquente notamment Robert de Saint-Loup. Jupien – donne le nom aux scènes de l’hôtel Jupien. Ami et ancien amant du baron de Charlus, il gère la maison de passe que ce dernier a acheté. Cet évènement est présent dans Le Temps retrouvé.
230
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Annexe N°2 : CV de M. Gil Mas.
231
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Annexe N°3 : Compte-rendu de l’entretien avec Gil mas du 31/10/2016. Le lundi 31 octobre 2016, Mme Delphine Warin, M. Gil Mas et moi-même nous sommes rencontrés à la Cinémathèque française afin de parler de la carrière de M. Mas et de son rôle dans la création du film Le Temps retrouvé. Après chaque question posée se trouve un résumé des réponses données par Gil Mas. •
Quelle formation avez-vous fait et comment avez-vous commencer à travailler dans les décors de cinéma ?
J’ai étudié à l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs (ENSAD), puis à la suite de l’obtention de son diplôme j’ai eu une proposition de travail avec M. Bruno Beaugé, décorateur pour film. J’ai commencé à travailler pour lui en tant que stagiaire, puis comme partenaire. Nous avons collaboré pendant 15 ans, en particulier sur des films de Raoul Ruiz avec qui M. Beaugé travaillait déjà. Après un tournage difficile, j’ai décidé de faire une pause dans ma collaboration avec Bruno Beaugé, puis je me suis éloigné progressivement du milieu du cinéma pour me tourner vers la décoration dans le domaine de l’évènementiel, de la publicité, ainsi que dans la création d’objets scéniques pour des compagnies de théâtre. •
Quelle relation y avait-il entre vous et le chef-décorateur ? Avec Raoul Ruiz, le réalisateur ?
En tant que seul assistant-décorateur sur le film, je travaillais en collaboration avec Bruno Beaugé, le chef-décorateur. Mon travail consistait à imaginer la conception des espaces selon les exigences du réalisateur et celles du placement des lumières et des caméras. Bruno Beaugé lui était « un ensemblier hors-pair1 », et nous avions trouvé notre équilibre ainsi. Je travaillais également avec le réalisateur qui nous donnait plutôt une ambiance autour de laquelle nous devions travailler. Mais R. Ruiz pouvait être très méticuleux sur des objets particulièrement décrits par Marcel Proust, comme la vaisselle du dîner chez les Verdurin. Il a insisté jusqu’à ce que nous la trouvions. Le détail de la Vénus callipyge est aussi un exemple car R. Ruiz la voulait partout, à différentes échelles, de façon récurrente dans les plans. Une fontaine un jardin, une miniature sur une table, une statue dans le fond d’une pièce… L’annotation « Vénus Callipyge 60 cachets » sur la page de garde volante du carnet indique que la Vénus a était utilisée lors de 60 jours de tournage. •
Comment considérez-vous ce carnet ? Est-ce que pour vous le scotch de marquage appartient aux éléments constitutifs du carnet et participent donc à son identité ?
Pour moi, mon document se situe entre le carnet de voyage et l’outil de travail me permettant de rassembler mes idées au même endroit. J’y ai mis mes dessins d’ambiance dont je parlais avec Raoul Ruiz, les photos des lieux repérés, mes croquis de maquettes et de plans… Il y a un dessin d’une descente de plage de Cabourg qui montre l’habillage que nous avions créé par rapport aux photos situées à côté, car il fallait cacher une suite de buvettes en béton, postérieure à l’époque où se déroulait le film. Un plan de cabine sur papier calque est joint à ce dessin, puisque deux cabines ont été créées pour orner les côtés de la descente de plage. Tout est lié dans la même double-page du carnet : le dessin d’ambiance, la réalité, et le décor pour adapter le dessin de façon réelle. De même, il y a beaucoup de photocopies dans le carnet car j’avais récupéré des vieux journaux d’époques, où j’ai choisi des encarts de publicité que j’ai copié et agrandi pour décorer la rue lors des tournages. Il y a aussi des photocopies montrant des scènes de rues 1
Citation exacte de M. Mas lors de notre entretien.
232
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
où des éléments sont surlignés, car il fallait que je fasse vivre la rue comme à l’époque. Les éléments surlignés ont été utilisés pour meubler les rues dans le film. Le scotch de marquage utilisé pour coller beaucoup d’éléments de son carnet participe pour moi de la fabrication du document puisque c’est ce que j’avais sous la main lors de la préparation du film et du tournage. C’est un élément typique dans le matériel de l’équipe cinématographique, et il fait parti de l’histoire de son carnet et de son travail. •
Pourquoi utiliser un carnet pour rassembler vos documents ?
J’ai eu l’idée de travailler d’utiliser un carnet lorsque j’ai commencé à préparer le tournage et que j’ai découvert les carnets de travail de Marcel Proust. Comme il y en avait 62, j’ai décidé d’y faire un clin d’œil et j’ai ajouté l’étiquette portant le nombre 63 sur la couverture de mon carnet. C’est le premier carnet que j’ai utilisé pour mon travail bien qu’après j’ai continué à travailler avec ce système qui était plutôt pratique pour rassembler toutes mes idées et mes notes. •
Comment faisiez-vous vos recherches ?
J’ai fait mes recherches en lisant des livres sur l’époque où se déroule l’histoire de Proust, sur Proust lui-même. J’ai également lu des extraits du texte de Marcel Proust d’où est tiré le scénario du film. Par exemple, il y a une description détaillée de la vaisselle à un moment, que Raoul Ruiz tenait vraiment à retrouver. Cet extrait est présent dans le carnet, à côté des photographies de cette vaisselle et d’un prospectus sur la boutique de l’antiquaire qui possédait ladite vaisselle. •
D’où vient le cahier présentant un extrait d’un livre de Balzac ?
A un moment, Proust évoque La fille aux yeux d’or, un roman d’Honoré de Balzac. Pour une des scènes du film, les décorateurs ont donc fabriqué ce cahier avec un extrait de La fille aux yeux d’or, et l’ont inséré dans une livre avec une belle reliure pour faire comme si c’était un original. Les illustrations de ce cahier ont été réalisées par un artiste à leur demande, et c’est pour cela qu’une des femmes représentées ressemble à Emmanuelle Béart qui jouait le rôle de Gilberte. Le papier avait été choisi pour avoir une belle qualité lorsqu’il était filmé. Ecrit par A. Loveiko, le 02/11/2016
233
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Annexe n° 4 – Etude des Archives de la Cinémathèque française Etude menée sur la base de données Cinéressources, en cherchant dans la catégorie « plans de décors ».
DECORATEURS
CARNET
DESSIN
ENSEMBLE MONTE 0 0 0 0 0 0 0 0 0
JACQUES COLOMBIER JEAN DOUARINOU (1906- ????) ALFRED JUNGE MAURICE LE POITEVIN LAZARE MEERSON (1897-1938) EUGENE LOURIE (1905-1991) PIERRE GUFFROY HENRI LANGLOIS (1914-1977) JACQUES SAULNIER (1928-2014) RENE MOULAERT (ACTIVITE ENTRE 19301960) SERGE PIMENOFF ( 1895-1960) NICOLAS WILCKE (1897- ????) WILLIAM CAMERON MENZIES (ACTIVITE 1910-1950) GASTONE MEDIN LUCINE AGUETTANT (1901-1989) JEAN MANDAROUX RAYMOND NEGRE (ACTIVITE 1930-1970) EMILE ALEX (ACTIVITE 1940-1950) GEORGES LEVY (ACTIVITE 1950-1990) ANDRE GUERIN (ACTIVITE 1980-1989) HILTON MCCONNICO (ACTIVITE 1970-1980) JEAN ANDRE (ACTIVITE 1940-1980) JEAN RABASSE (ACTIVITE 1990-2000) GEORGES HASSELIN WALTER RÖHRIG (ACTIVITE 1910-1940) ROBERT GYS WIARD IHREN PIERRE CHARBONNIER (ACTIVITE 1930-1970) HERMANN WARM GEORGES WAKHEVITCH (1907-1984) ANNE SEIBEL (ACTIVITE 1980-2010) MAX DOUY (ACTIVITE 1930-1980) JEAN-MARX KERDELHUE (ACTIVITE 19802010) ERNÖ METZER CEDRIC GIBBONS (1893-1960) ALEXANDRE HINKIS (1913-1997) TOKUJI SHIBATA ALEXANDRE TRAUNER TOTAL
0 0 1 0 0 0 0 0 0
12 133 11 10 12 16 167 1 6
0
6
0
0 0
8 5
0 0
0
1
0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
1 287 2 2 2 15 1 5 1 1 1 2 3 1 25 3 1 12 31
0 0 0 0 0 0 0 0 0 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0
10
0
0 0 0 0 0 1
27 4 5 5 40 876
0 0 0 0 0 4 234
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Annexe N°5 : Correspondance électronique avec Gil Mas. Courriel du 19/12/2016, réponse au mail du 16/12/2016 De : Gil Mas À : Alexia Loveiko Bonjour Alexia, désolé de ne pas vous avoir répondu plus tôt. Vous trouverez les réponses dans le texte. Bien à vous. -Gil Mas
Le 16/12/2016, Alexia Loveiko a écrit : Bonjour, Je ne sais pas si vous vous rappelez de moi mais je suis Alexia LOVEIKO, la personne en charge de la restauration du carnet que vous avez donné à la cinémathèque. J'espère ne pas vous déranger, mais j'aurai quelques petites questions auxquelles, si possible, j'aimerai que vous répondiez. Les voici : - Vous rappelez-vous la marque des scotchs que vous avez utilisés pour fixer les documents dans le carnet ? (Je sais bien qu'il y a peu de chance de se rappeler ceci, mais je préfère essayer au cas où). Je ne me rappelle plus la marque du scotch de masquage utilisé. C'est souvent du produit générique de magasins de bricolage. - Est-ce que vous utilisiez des feutres particuliers pour dessiner et écrire vos notes ? En revanche, ça n'a pas changé : Pentel Sign pen et paper mate flair pour les pointes feutre, Mitsubishi Uni-ball pour le courant (pointe roller), et une variété de fineliners (FaberCastell ou Staedler) à épaisseur fixe (0,02 à 1mmø) pour les plans. - Dans vos dessins au début du carnet, est-ce qye vous avez utilisé du crayon aquarellable ? Du crayon de couleur ? Du crayon cire ? (Je vous joins une photo si ça peut aider). J'ai dû utiliser des FaberCastell aquarellables. - Avez-vous photocopié les documents en noir et blanc ? Les avez-vous juste imprimés à partir d'une source ? Est-ce que vous vous rappelez le type d'imprimante/photocopieuse (si c'était une photocopieuse laser, à jet d'encre, votre photocopieuse, celle des bibliothèques...) À l'époque, on photocopiait beaucoup plus qu'on ne scannait, je pense que c'était les imprimantes/copieurs laser du bureau de production. - Pourriez-vous m'envoyer votre CV, et me dire ce qui vous a poussé à faire ce métier de décorateur ? Je vous l'envoie très prochainement.
235
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Je sais que je demande des détails donc je comprendrai si vous ne pouvez pas me répondre. Je mène des recherches de mon côté pour essayer de déterminer tout ça.
J'espère que vous aurez un peu de temps à me consacrer, et vous remercie de votre attention. Je vous souhaite une agréable journée et de bonnes fêtes de fin d'année. Cordialement, Alexia Loveiko.
Courriel du 18/03/2017, réponse à un mail précédent à propos des inspirations et
du style de dessin. De : Gil Mas À : Alexia Loveiko Alexia, Toutes mes excuses pour cette réponse tardive. Vous trouverez en pièce jointe mon CV ainsi qu'une photo. En général, j'ai des goûts assez éclectiques, et ne saurais trop démêler mes influences au niveau du dessin... De même pour les techniques, c'est la diversité, l'hybridation et le détournement qui m'intéressent. Je ne vous ai pas répondu plus tôt car très occupé en ce moment par l'organisation d'un gros événement pour un Groupe de B.T.P. Je serai de retour sur Paris courant avril, et nous pourrons nous recontacter à ce moment-là. Bien cordialement, -Gil Mas
Courriel du 06/11/2017 De : Alexia Loveiko À : Gil Mas Bonjour, J'aurais quelques questions à vous poser à propos du carnet si cela ne vous dérange pas. J'aurais aimé savoir plusieurs choses : - avez-vous fait d'autres carnets rassemblant vos idées et vos recherches pour des films ? Si oui, me serait-il possible de les voir ? - est-ce que vous avez d'abord rassembler des documents avant de les coller dans le carnet ? - il y a une sorte de poème sur une page du carnet (page en pièce joiinte) : vous souvenez-vous qui l'a écrit ? - Le transparent avec la cage d'oiseau (photo en pièce jointe) : s'agit-il d'un flashage de bande repro ? Vous souvenez-vous de quel matériau il s'agit ? J'avoue avoir du mal à l'identifier. Autrement, j'ai entrepris la restauration du carnet, ça avance doucement, mais si vous voulez passer voir, cela peut être organisé. Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite une agréable fin de journée, Bien cordialement, Alexia Loveiko.
236
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Réponse du même jour : Bonjour Alexia, Je vais répondre à vos questions dans l'ordre. J'ai effectivement travaillé sur carnets pour deux autres films (Les âmes fortes, toujours de R.Ruiz, et Ordo, de L.Ferreira-Barbosa ), mais ces outils de travail n'ont pas abouti à des objets aussi intéressants à mes yeux. Je peux néanmoins vous les montrer si vous le souhaitez. J'avais toujours le carnet avec moi pour toute la durée du tournage, préparation et tournage proprement dit. J'y rassemblais donc les éléments et documents à mesure, en essayant de les grouper par /décor? /séquence ? Certains documents sont venus compléter certaines pages (laissées vides en prévoyance d'éléments à venir j'imagine) après coup et combler ces "trous", notamment des photos prises pendant le tournage. Mais pour répondre précisément, les documents venaient intégrer le carnet à mesure du travail. Le collage par scotch était également un clin d'œil formel à l'écriture de Proust, et ses "paperoles", ajouts successifs au manuscrit qui lui faisaient prendre une 3ème dimension. Je crois me souvenir que le "poème" ainsi qu'un portrait ont été dessinés par Marcello Mazzarella (le comédien qui joue Proust adulte) alors que nous étions à Cinecittà pour les plans "Venise" en fin de tournage. L'équipe était très réduite et m'ayant vu consulter mes notes, il avait voulu voir l'objet, et avait senti le besoin d'y laisser un bout de son personnage... ce que je trouvai très logique. Pour le transparent "cage à oiseaux" du papier peint à évolutions de la chambre de Combray, je ne me souviens plus si c'était un flashage banc de repro, je pencherais plutôt pour une photocopie sur transparent ? Je peux me tromper... Si c'était ça, le toner était excellent, je crois me souvenir qu'à l'époque on en trouvait de très denses.
J'espère avoir répondu à vos questions et vous souhaite... bon travail. Cordialement, Gil Mas
237
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Annexe N°6 : Sommaire du carnet Numéro de page p.0. pp.1-2 pp.3-4 pp.5-6
pp. 7-8
p.9 p.10 pp.11-12 pp.13-14
pp.15
pp.16.
pp.17-18
pp.19-20
pp.21-22
pp.23-24
pp.25-26
Thème de la page La Callipyge. Photo de la Vénus callipyge. Salle souterraine. Dessin d’ambiance et photo. Le grand hôtel de Cabourg. Dessin d’ambiance et photo. Reproduction photos du lieu à l’époque. La promenade de la plage de Cabourg. Dessin d’ambiance et photo. Reproduction photos du lieu à l’époque. La plage de Cabourg. Dessin d’ambiance et photo. Reproduction photos du lieu à l’époque. Plan pour la fabrication d’une cabine de plage. Le théâtre : dessin d’ambiance et notes. Inspiration. Reproduction de photos de rues l’époque. Pas de précisions autres. Idées en vracs. Notes. Reproduction photo petit métier. Inventaire de la chambre de Marcel Proust. Paris : Inspiration. Reproduction photos de rues au début du XXème siècle. Cahier agrafé – extrait de La fille aux yeux d’or, d’Honoré de Balzac. Inspiration. Reproduction d’une photographie d’un haltérophile dans une rue, collée sur d’anciennes notes. Chambre de M. Proust. Idée de trucage pour le papier peint dans la chambre à Tansonville. Photographie des différents effets obtenus pour le décor. Inspiration. Reproduction d’une publicité pour un révélateur de photographie. Reproduction photos rues de Paris pendant la première guerre mondiale. Inspiration. Photos de repérages pour le salon fumoir. Reproduction de rues de Paris au début du XXème siècle. Notes pour l’organisation du tournage à Cabourg. Notes pour le tournage au château de Voisins et celui de Senlis. Notes pour trouver les accessoires. Photographies d’objets (boites et bouteilles). Reproduction gravure L’application des rayons X. Inspiration. Reproduction d’une rue de Paris en 1898 collée sur des notes manuscrites pour le tournage en studio. Photographies du décor en studio. Reproduction d’une publicité pour le Laurenol et une lape. Inspiration. Reproduction d’une publicité pour une démonstration de kinétographe. Notes manuscrites diverses : organisation de la lumière pour la chambre de M. Proust et notes à propos du mobilier.
Ville de tournage concernée. [s.l.] Carrière sur Seine Cabourg
[s.l.] Paris (?) Paris ; champ de Mars Paris ; Nandy (le carnet)
Paris ( ?)
Studio
Paris
Paris ; Nandy ; Cabourg
Voisins ; Senlis
Studio
238
Alexia Loveiko pp. 27-28.
pp.29-30 pp. 31-36 pp.37-38
pp.39-40
pp.41-42 pp.43-44
pp.45-46 pp.47-48.
pp.49-50
pp.51-52
pp.53-54 pp.55-56 pp.57-58 pp.59-60 pp.61-62
pp.63-64
Spécialité Arts graphiques Champlâtreux : photos de repérages et plan du salon, collés sur une reproduction d’une gravure. Notes manuscrites pour différents lieux de tournage à Paris. Richelieu. Notes et plan sur papier claque. Richelieu. Schéma arrangement wagon et notes. p.36 photographie de deux membres de l’équipe. Notes diverses- références ? Photographie de deux membres de l’équipe technique. Reproduction de la gravure Autour du piano de Jean Béraud. Photo de l’installation du décor en studio. Notes manuscrites. Reproduction publicité Nestlé. Plan de la salle à manger à Nandy – décor du salon fumoir. Reproduction d’activités dans des rue de Paris. Reproduction publicité et dessins de publicités. Notes – liste matériel. Photographie d’un membre de l’équipe ( ?) s’occupant d’accessoires. Photographies de repérage dans un château. Faux télégrammes accessoires du tournage. Venise. Photographies de membres de l’équipe technique (dont Raoul Ruiz) et des acteurs à Cinecittà, collées sur un dessin de personnage. Photographie de deux tableaux similaires chez un antiquaire. Portrait photo de Catherine Deneuve. Signatures de plusieurs personnes. Le dîner chez les Verdurin. Inventaire du service en porcelaine prêté par un collectionneur. Photographies dudit service. Citations de Proust décrivant la vaisselle. Plan sur papier calque de la salle à manger du château. Dessin d’un personnage, « poème » écrit (?) par Marcello Mazzarella. Inspiration. Publicité Liebig reproduite. Hôtel Jupien : Photographie de repérage pour l’extérieur de l’hôtel Reproduction de l’oiseau figuré sur le papier peint de la chambre de M. Proust. Planning prévisionnel de tournage. Photographies de repérage et notes. Photo d’un fiacre. Photographie rue Senlis. Notes diverses Notes tournage Paris, moulure pour encadrement de porte. Publicité entreprise Michelet. Croquis. Reproduction de publicités d’époque. Divers. Cage à oiseau du papier peint reproduite, photographie d’un lieu boulevard Haussmann, carte de visite. Notes Studio. Reproduction de la place Sainte Opportune en 1907 (photo).
Champlâtreux ; divers
Richelieu
Richelieu (?)
Studio ; Nandy
Paris (?) ; Château de Ferrières ? Voisins ? Champlâtreux ?
[s.l.] Cinecittà, Rome
Champlâtreux
Senlis
Senlis ; studio ; Nandy Paris ? Senlis ?
Paris
Studio ; Paris
239
Alexia Loveiko pp.65-66
pp.67-68
pp.69-70
pp. 71-72
p.73
p.74 pp.75-82 pp.83-84 pp.85-86
pp.87-88
pp.89-90
pp.91-92 pp.93-94 pp.95-96 pp.97-98
p.99 p.100 pp.101-102
pp.103-104 pp. 105-106
p.107
p.108
Spécialité Arts graphiques Reproduction de la rue du Temple en 1902. Reproduction de publicités d’époque. Photo d’un fiacre. Reproduction de publicités d’époque. Photo de repérage pour la caserne de Morel. Citation ligne de Rachel dans le film. Ferrières. Plan annoté du 1er étage. Photo de la balustrade extérieure. Photographie d’une porte richement décorée. Reproduction de gravures d’époque concernant les rayons X. Photocopie d’un article nommé La tante de Hambourg annoté du titre Les indésirables. Ferrières. Plan du cinématographe. Champs-Elysées. Photographies de repérages, plan aérien du site. Reproduction d’une publicité pour les rayons X. Voisins. Photographie de repérage. Polaroïd personnel. Plan du rez-de-chaussée du château. Voisins. Notes et photo de repérage. Café de la paix. Croquis et plans. Café de la Paix. Croquis plan Maison de la Vigne et du vin. Nouveau plan de travail collé sur d’anciennes notes. Enterrement de Saint-Loup. Notes et photographie du corbillard. Croquis pour les oriflammes à Balbec. Balbec. Notes pour les voilages du restaurant et échantillons de textiles. Notes pour le café de la paix et le fiacre. Ebauches de croquis pour le théâtre Notes d’organisation technique / Memorandum Balbec. Notes organisation. Photo de l’entrée du grand hôtel. Dessin de la salle Marcel Proust Balbec. Facture de la plage de Cabourg. Notes pour les arbustes et végétaux utilisés pour el décor. Inventaire des prêts. Balbec. Photo personnelle. Champs-Elysées. Croquis pour la buvette et notes. Passage souterrain. Croquis pour une porte et idées de décor. Venise. Photographies du lieu de tournage dans Cinecittà. Ticket de caisse, billet d’avion, opercule de bouteille d’eau. Venise. Notes techniques pour les effets d’eau. Reproduction d ‘un article du journal Le Monde, nommé « Le cinéaste Raul Ruiz sur les pas de Proust ». Reproduction (impression polychrome) d’un tableau éponyme représentant Adrien Proust, de Jules Lecomte du Noüy, 1885. Plan du centre-ville de Rome.
Paris
[s.l.]
Ferrières
Paris.
Voisins.
Paris
Luzarches ; Cabourg
Cabourg ; Paris
[s.l.] Cabourg
Cabourg ; Paris Carrières Cinecittà, Rome
[s.l.]
Rome.
240
Alexia Loveiko Spécialité Arts graphiques Annexe n°7 : Synthèse des plans de travail trouvés aux pages 52 et 86 du carnet. Plan de travail du 09/11/1998 Mois
Scènes à tourner
Lieu de tournage
Novembre
La Ferte Allais
Studio
Décor à l'étranger
Combray
Décor en studio
Venise
Cinecittà, Rome
Paris
Parc Tansonville
Nandy
Région parisienne
Bord de la Vivonne
Décor en châteaux Décor au château de Ferrières
Intérieur Tansonville Chambre Marcel Combray Décembre
Pharmacie
Senlis
Rue Bombardements Voyage Train
Richelieu
Immeuble Marcel Haussman
Paris
Rue ministère de la Guerre
Paris (?)
Cour hôtel Guermantes Restaurant Saint-Loup
Paris
Hôtel Morel Cimetière/salon Gilberte
Champlâtreux Plan de travail du 22/12/1998
Hôtel Verdurin Appartement Cottard Chambre Hamelin
Mois Studio
Janvier
Chambre tansonville
Ferrières
Caserne / Salon Ritz Salon Ritz
Salons Ritz
Ritz/Swann/porche café
Ritz/Swann/Porche café
Chambre Sidonie Hôtel de Guermantes / Bal de tête Cuisine et dédale Café de la Paix
Voisins
Combray/église/cimetière
Luzarches
Rue Paris
Paris
Chambre Sidonie Caserne Hôtel de Guermantes/Bal de têtes
Voisins
Cuisine / Dédale café de la Paix. Combray Eglise / Cimetière
Luzarches
Rue Champs-Elysées
Rue Paris
Paris
Théâtre
Rue Champs-Elysées Théâtre
Février
Ferrières
Appartement Morel Chambre Marcel Haussman
Cinematographe Loge Rachel/garçonnière SaintLoup Chambre Marcel Haussman / Appartement Morel Janvier
Lieu de tournage
Cinématographe Loge Rachel/garçonnière Saint-Loup
Ascenseur / Studio Chambre Marcel Haussman
Scènes à tourner Chambre Marcel Haussman
Février
Back projection
Studio
Café de la paix
Paris
Back projection
Studio
Hôtel Jupien + salon oncle
Ferrières
Café de la paix
Paris
Balbec
Cabourg
Hôtel Jupien
Ferrières
Balbec + voyage
Balbec + voyage
Cabourg
Salles souterraines
Salles souterraines
Paris
Venise
Paris Cinecittà, Rome.
241
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Annexe N°8 : Résumé du roman Le Temps retrouvé, de Marcel Proust. Le narrateur séjourne à Tansonville, chez Gilberte qui se plaint d’être abandonnée et trompée par son mari Robert de Saint-Loup. Sachant que sa femme apprécie la présence du narrateur, Saint-Loup approuve cette visite, tout en faisant preuve d’une certaine désinvolture, alors que les deux hommes sont des amis intimes. Robert aime Gilberte, mais ne cesse de lui mentir maladroitement. Au courant de l’ancienne liaison de son mari avec Rachel, Gilberte s’inspire des photos de la jeune femme pour se farder et s’habiller, dans l’espoir de le reconquérir. Le narrateur doit se rendre dans une maison de santé loin de Paris. Le dernier soir de son séjour à Tansonville, il lit dans le journal des Goncourt la relation d’une soirée donnée chez les Verdurin. On apprend que M. Verdurin est un ancien critique de La Revue, que Mme Verdurin se vante d’avoir été celle qui a « fait » Elstir (appelé à l’époque Tiche) jusqu’à lui enseigner son art, s’attribuant les idées qui ont amené le peintre à la création de ses tableaux les plus célèbres. Le narrateur, qui connaît bien les habitués du salon des Verdurin, est surpris de la description très idéalisée qu’en font les Goncourt. A son retour à Paris, il découvre que la mode a beaucoup évolué. Bien que le pays soit en guerre, l’élégance n’a pas perdu ses droits, ni la recherche du plaisir. Malgré tous les efforts déployés par Mme de Saint Euverte, son salon n’atteint pas, et de loin, le succès et la gloire que connaissent les salons des deux reines de Paris, Mmes Verdurin et Bontemps. Les temps ont bien changé et les aristocrates du faubourg Saint-Germain fréquentent désormais volontiers le salon des Verdurin où, malgré les restrictions dues à la guerre, les réceptions sont d’un luxe inouï. Le narrateur s’étonne du manque d’objectivité des journaux dans leur description de la guerre. Les Allemands approchent de Paris et Gilberte part se réfugier à Tansonville avec sa fille, mais elle veut faire croire qu’elle est allée là-bas pour sauver le château. Les Allemands y arrivent deux jours plus tard et elle doit héberger leur état-major. Saint-Loup, qui a réintégré l’armée, envoie au narrateur de très belles lettres du front. La brouille entre Charlus et Mme Verdurin va en s’aggravant. La situation de Charlus a changé, ses goûts pour la gent masculine sont désormais connus de tous. Faute d’hommes à Paris du fait de la guerre, il s’intéresse aux jeunes garçons et cesse de fréquenter les gens qu’il voyait habituellement et qui, d’ailleurs, ne recherchent plus sa compagnie. Rancunière, Mme Verdurin, ne cesse de dire du mal de lui et répand dans les salons qu’il serait prussien, voire un espion à la solde des Allemands. Morel, qui voue à Charlus une haine totale, participe à cette réputation. Mme Verdurin fait jouer ses relations pour que Morel puisse rester embusqué à Paris. Celui-ci vit depuis deux ans avec une femme dont il est très épris et qui a su lui imposer une fidélité absolue. Dans l’ensemble, les parisiens se révèlent patriotes. M. de Cambremer, bien qu’âgé, travaille dans un état-major près du front, le duc de Guermantes se montre très anglophile, de même qu’Odette qui ne cesse de débiter des lieux communs sur la guerre, Brichot, lui, affiche ses idées militaristes. En revanche, Charlus nourrit une évidente sympathie pour l’ennemi et, sans aller jusqu’à souhaiter la défaite de la France, il espère que l’Allemagne ne sera pas écrasée. Pleutre, fanfaron et jaloux, Bloch critique violemment les gens de l’aristocratie.
242
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Le cercle des habitués s’est considérablement élargi dans le salon des Verdurin et, de ce fait, les fidèles membres fondateurs comme Brichot ont perdu de leur intérêt. Depuis le début de la guerre, l’universitaire écrit dans la presse des articles dont le succès lui vaut une gloire soudaine qui indispose Mme Verdurin. Celle-ci espace les invitations de Brichot, afin de lui éviter la rencontre de nouvelles personnes qui pourraient accroître sa renommée. Un soir, à Paris, le narrateur rencontre par hasard Charlus suivant deux zouaves. Charlus lui parle de Morel dont il est séparé depuis plus de deux ans, à la suite d’une brouille dont, sans se l’avouer, il souffre beaucoup. Au terme de sa longue promenade nocturne, le narrateur quitte Charlus et, assoiffé, entre dans le seul hôtel éclairé qu’il aperçoit et d’où il voit sortir discrètement un militaire, en qui il croit reconnaître Saint–Loup. Puis, il découvre dans une chambre, Charlus, enchaîné sur un lit et en train de se faire fouetter par un homme l’abreuvant d’injures. Acheté par Charlus, cet hôtel est tenu par Jupien. Le Baron ne se plaît plus qu’avec les gens du peuple, il aime côtoyer le monde du vice qui d’ailleurs l’exploite en lui soutirant le plus d’argent possible. Le narrateur apprend la mort de son ami Saint-Loup qui a eu au front une fin glorieuse. Il en a beaucoup de chagrin et observe avec étonnement que la duchesse de Guermantes, réputée femme sans cœur, est elle aussi très affectée par ce décès. Le narrateur va passer à nouveau plusieurs années dans une maison de santé, mais sans grands résultats. Il rentre à Paris, d’autant plus désespéré qu’il est conscient de ne rien avoir d’un artiste ou d’un poète et qu’il ne réalisera jamais son rêve d’écrire. Malgré sa longue absence de Paris, il continue de recevoir de nombreuses invitations auxquelles il décide de se rendre. Convié à une matinée chez le prince de Guermantes, il retrouve ses anciennes connaissances après bien des années. En se rendant à cette invitation, il a marché sur un pavé posé de guingois et, lorsqu’à partir de cette aspérité, ses pensées le ramènent aux dalles inégales d’un baptistère à Venise, il ressent un bonheur intense. Peu après, quand un domestique cogne une cuillère contre une assiette, il croit entendre le bruit du marteau sur une roue d’un wagon du petit train arrêté dans une clairière près de Balbec. Un peu plus tard, en s’essuyant la bouche, il trouve à sa serviette la même raideur que la serviette de bain avec laquelle il avait eu tant de peine à se sécher devant la fenêtre de sa chambre d’hôtel, le premier jour de son arrivée à Balbec. Ces trois signes successifs le tirent de son découragement, le rendant soudain impatient d’entreprendre une œuvre littéraire, même s’il est conscient des difficultés à venir. Pour ne pas déranger le bon déroulement du concert qui a déjà commencé, on le fait attendre dans un petit salon où il se livre à de profondes réflexions sur l’art, l’écriture, la recherche du passé, le temps perdu. Le morceau de musique terminé, on vient le chercher et il se trouve mêlé à une fête bien étrange : tous les invités sont déguisés, avec des têtes poudrées, des barbes et des moustaches blanchies, des visages ridés. Le narrateur est ébahi par la qualité du travestissement, sous lesquels il reconnaît avec étonnement certaines personnes. Il lui faut plusieurs instants pour comprendre que, mieux que le plus habile des maquilleurs, c’est le temps qui a changé ainsi les invités et que, malheureusement, à la fin de la fête, un débarbouillage ne leur permettra pas de récupérer leur aspect d’antan. Ainsi, une sèche et maigre jeune fille s’est transformée en une vaste et indulgente douairière. Mais le narrateur prend conscience soudainement que le temps qui a passé pour les autres a également passé pour lui : la duchesse de Guermantes l’interpelle avec ces mots « mon plus vieil ami », un
243
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
jeune homme l’aborde « vous qui êtes un vieux Parisien… ». Certains des invités ressemblent à des jeunes de dix-huit ans, extrêmement fanés et ayant perdu tous leurs défauts alors que jadis ils étaient insupportables, d’autres semblent marmonner la prière des agonisants. Comment retrouver dans cette lourde dame marchant pesamment, la blonde valseuse qu’il a connue autrefois ? Certains paraissent ne pas avoir vieilli, sauf lorsqu’on s’approche, découvrant alors toutes les imperfections de leur visage. Seule, Odette de Forcheville semble ne pas avoir changé, avec son visage comme injecté de paraffine, elle a l’air d’une « cocotte à jamais naturalisée ». Elle a gardé la même voix, mais plus triste, comme celle des morts dans l’Odyssée. Le narrateur a de la peine à reconnaître son ami de jeunesse Bloch, qui se fait désormais appeler Jacques du Rozier. Le prince de Guermantes, veuf et ruiné par la guerre s’est remarié avec Mme Verdurin qui est devenue ainsi la nouvelle princesse de Guermantes, le rêve le plus fou qu’elle ait jamais imaginé ! Lors de son veuvage, elle avait épousé le duc de Duras, cousin ruiné du prince de Guermantes, mort deux ans après le mariage. Le narrateur est surpris que certains jeunes de la nouvelle génération semblent tenir la duchesse de Guermantes pour peu de chose alors que, pour d’autres personnes plus âgées, avoir Oriane chez soi, fût-ce pour une petite heure, représente un grand honneur. Une grosse dame salue le narrateur qui a de la peine à la reconnaître. C’est Gilberte, qui n’apprécie guère de se retrouver la nièce de Mme Verdurin. Ils parlent longuement de Saint-Loup pour qui Gilberte a conservé beaucoup de respect, mais à vrai dire elle semble parler davantage de l’ancien ami du narrateur que de son mari. Elle est devenue l’amie inséparable d’Andrée. Un peu plus loin, le narrateur aperçoit la duchesse de Guermantes en conversation avec une affreuse vieille dame qui n’est autre que Rachel devenue désormais célèbre et qui ne peut s’empêcher de lui faire de l’œil. Quand, au cours de la soirée, elle déclame des vers, sa prestation est si ridicule qu’elle laisse les auditeurs stupéfaits… en dépit des applaudissements. La duchesse de Guermantes, qui était la reine incontestée des réceptions, a beaucoup perdu de son brillant et de son insolence. Charlus raconte au narrateur qu’elle a trompé abondamment son mari dans le passé, celui-ci n’ayant jamais cessé de tromper sa femme. Malgré son âge, le duc s’est soudainement épris d’Odette de Forcheville, ce qui la flatte et la gonfle de vanité, pas mécontente de jouer ainsi un mauvais tour à la duchesse de Guermantes. Fidèle à ses habitudes, elle trompe son vieil amant. La duchesse de Guermantes se montre méprisante avec Gilberte de Saint-Loup : « Pour moi, c’est exactement rien cette femme, ce n’est même pas une femme » dit-elle. A l’inverse, elle éprouve une admiration sans bornes pour Rachel. Le narrateur rencontre Morel qui, à sa grande surprise, jouit de la considération de son entourage, qualifié d’une haute moralité. La mémoire du narrateur est parfois défaillante et il constate que les souvenirs des gens sont souvent approximatifs, ce qui le renforce dans son désir de commencer son œuvre. D’avoir pu observer les visages apparemment grimés, accentue pour lui la notion du temps perdu. Quel bonheur ce serait d’écrire un tel livre, même s’il est conscient de l’ampleur de la tâche ! Il s’imagine travaillant avec Françoise à ses côtés, Françoise, vieille femme ignorante qui sait percevoir le bonheur du narrateur et respecte son travail, Françoise qui l’aidera à ranger et coller ses paperoles. Il n’est pas trop tard pour écrire, il doit commencer. Il décide
244
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
que pour mener à bien son œuvre littéraire, il va cesser d’aller dans le monde. Mais malgré cela il craint de ne pas en avoir le temps. Ne va-t-il pas succomber le soir même dans un accident d’automobile ou à la suite d’une attaque cérébrale ? Prémonition ? Peu après, il est victime d’une attaque légère, mais qui le laisse quelque temps sans mémoire et sans force. Cependant son projet ne quitte plus ses pensées. Il se reproche d’avoir mené une vie de paresse, de plaisir et de maladie, et de ne commencer cette œuvre si importante pour lui qu’à la veille de mourir. Depuis son attaque, il a perdu le goût de vivre, la maladie l’a privé de ses forces et l’idée de la mort l’obsède, bien qu’il soit soutenu par la volonté de terminer son œuvre. Il vit de plus en plus dans le passé, persuadé que le déclin de sa volonté et de sa santé date de l’époque où, enfant à Combray, sa mère un soir a abdiqué son autorité en acceptant de passer la nuit dans sa chambre avec lui et du jour où sa grand-mère est morte après une lente agonie. Le tintement de la sonnette du jardin de Combray annonçant le départ de Swann et laissant espérer que sa mère va venir enfin l’embrasser, ce souvenir hante les derniers jours du narrateur. Source : Résumé écrit par André VINCENS, auteur du site Proust, ses personnages : A la recherche du temps perdu, (http://proust-personnages.fr/?page_id=27). Il est également l’auteur du livre Marcel Proust, "La recherche", les personnages, publié en 2015 aux éditions Frontinesque.
245
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Annexe n°9 – Schéma du vocabulaire du livre
246
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
Annexe n° 10 - Schéma du procédé de fabrication industrielle d’une feuille de papier Source : BAJON, REIS, VIAN, Le monde des fibres, p. 167.
247
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
248
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
249
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
250
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
251
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
252
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
253
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
254
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
255
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
256
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
257
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
258
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
259
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
260
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
261
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
262
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
263
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
264
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
265
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
266
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
267
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
268
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
269
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
270
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
271
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
272
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
273
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
274
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
275
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
276
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
277
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
278
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
279
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
280
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
281
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
282
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
283
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
284
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
285
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
286
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
287
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
288
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
289
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
290
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
291
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
292
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
293
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
294
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
295
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
296
Alexia Loveiko
Spécialité Arts graphiques
297