Solène DE LA FOREST D'ARMAILLE- Etude et restauration d'une charte scellée de Louis d'Orléans

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Etude et restauration d’une charte scellée de Louis d’Orléans, grand-maître des ordres royaux de Saint-Lazare et de Notre-Dame du MontCarmel (1721) Solène de la Forest d’Armaillé Master I de Conservation et restauration du Patrimoine, spécialité Arts graphiques

Ecole de Condé, section restauration du patrimoine


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« Un des hommes qui ont poussé le plus avant dans l’intelligence des sociétés médiévales, le grand juriste anglais Maitland, disait qu’un livre d’histoire doit donner faim. Entendez : faim d’apprendre et surtout de chercher.» Marc Bloch, Préface à La société féodale, 1939


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Remerciements Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma reconnaissance à Monsieur du Pouget, conservateur des Archives départementales de l’Indre, pour m’avoir confié ce parchemin scellé et avoir placé en moi toute sa confiance. Ses lumières sur l’histoire du Berry m’ont éclairée et guidée tout au long de mes recherches. Ma reconnaissance va également à l’équipe des Archives départementales de l’Indre qui m’a si bien accueillie en stage et soutenu dans ce projet. Toute ma gratitude va à Madame Prévost, restauratrice de l’atelier des sceaux des Archives nationales. Je remercie également chaleureusement Monsieur Brunterc’h et Monsieur Brunel, respectivement conservateur général et conservateur en chef de la Section ancienne des Archives nationales, Monsieur Blanc, responsable des collections sigillographiques des Archives nationales, Madame Villela-Petit, conservatrice du Cabinet des médailles, Madame de Bruyne-Vilain, chercheur associée au Cabinet des médailles de la bibliothèque nationale de France, Madame WodeyCouturaud et Madame de Chefdebien, respectivement conservatrice et conservatrice en chef du musée de la Légion d’honneur, Madame Descatoire, conservatrice du musée de Cluny, Madame d’Angio-Barres, conservatrice du Centre des Archives Economiques et Financières, Madame Rollet, conservatrice du département de la conservation de la Bibliothèque nationale, Monsieur Riamond, conservateur au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, et Monsieur Desnier, conservateur de l’Hôtel de la Monnaie de Paris, pour leur accueil, leur écoute et les précieux conseils donnés lors de ces recherches. Je remercie de tout cœur Madame Naturel, directrice du Musée-Hôtel Bertrand, et toute l’équipe, pour m’avoir reçue en stage. Merci infiniment à Monsieur La Forest, restaurateur de l’atelier de restauration des Archives nationales, ainsi qu’à l’équipe de l’atelier, pour l’accueil, les moments chaleureux passés ensemble et les conseils toujours précieux et avisés. Que soient également particulièrement remerciés Monsieur Sicre, Madame Sarrion, et Madame Couval, restaurateurs des ateliers de restauration du site Richelieu et de Bussy-Saint-Georges de la Bibliothèque nationale de France. Le projet de restauration, conservation, numérisation et documentation des manuscrits scellés qui a vu le jour lors de ce stage a permis de nouer des liens entre les équipes des différents sites dans un esprit d’émulation commune : que tous les acteurs de ce projet trouvent en ces quelques mots toutes ma reconnaissance. Monsieur Jean-Luc Chassel, maître de conférences en histoire du droit et des institutions à l’Université Paris IV-Nanterre, et Monsieur Pastoureau, directeur d’étude à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, m’ont apporté de nombreuses précisions historiques, ciment indispensable aux premiers pas sur un terrain sigillographique encore non défriché. Les recherches sur les lacs textiles n’auraient pas pu être poursuivies sans l’aide de Madame Guelton, spécialiste de l’analyse des textiles anciens du musée des soieries de Lyon et du Centre International d’Etude des Textiles Anciens (CIETA), et de Madame Schoeffer, restauratrice de l’atelier du musée des soieries de Lyon. Qu’en ces quelques mots elles trouvent tous mes remerciements les plus sincères.


6 La plongée dans le monde envoutant des abeilles n’aurait pas été possible sans l’aide du Domaine apicole de Chezelle et l’Union nationale des apiculteurs français : que de connaissances à partager, entre restaurateurs et apiculteurs ! La construction de l’étude scientifique doit beaucoup au professeur Pepe, enseignant à l’Université Pierre et Marie Curie et tuteur des étudiants en master à l’Ecole de Condé, à Madame Dominique Fromageot du Centre National d’Etude Photochimiques (Clermont-Ferrand) et monsieur da Cruz, enseignant à l’Ecole de Condé. Merci au corps enseignant de l’Ecole de Condé de Paris et de Lyon, pour son soutien et son attention, tout au long de ces deux années. Enfin, ce projet n’aurait pas pu être mené à bien sans l’aide quotidienne et sans faille de ma famille et de mon mari : grâce à eux, la venue au monde de notre fils et la poursuite de ce mémoire ont été une joie de chaque jour.


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Fiche d’identification Cotation aux Archives départementales de l’Indre : 6 J 49 Clichés avant restauration:

Cliché n° 1: Vue générale (recto)

Auteur :

Cliché n° 2: Vue générale (verso)

Louis d’Orléans (1703-1752), duc de Chartres, fils du Régent et grand-maître des Ordres réunis de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare

Désignation : Lettre de réception de Chevalier de Justice dans les ordres Royaux, Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint Lazare, pour monsieur Louis Neyret de la Ravoye (1697-1787) Nature :

Charte et sceau biface

Dimensions :

Parchemin (repli non compris) : H 288mm x L 512mm ; sceau : 105 mm de diamètre

Datation :

26 août 1721

Provenance :

Paris ; chartrier du château de Bélâbre (Indre); donation de la famille Lecoigneux en 1926 aux Archives départementales de l’Indre.

Techniques :

parchemin et encre métallo-acide; sceau biface en cire rouge, rond, pendant sur lacs de soie rouge et verte. Deux oculi par perforation.

Iconographie : -Charte : texte rédigé sur le recto. -Champs du sceau: sur l’avers, sceau équestre de guerre, le cavalier tenant une épée de la main droite, un écu de la main gauche ; au dos, armoiries à la croix de SaintLazare écartelées d’Orléans. Sur le fond : croix et collier de Saint-Lazare, couronne et manteau princier. Date d’entrée dans l’atelier de restauration : 4 octobre 2010


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Description du sceau1

Cliché n° 3: Avers du sceau

Cliché n° 4: Dos du sceau

Caractères externes

-Forme : sceau rond biface -Dimensions : 105 millimètres de diamètre -Matière : cire d’abeille sans résine, ni charge minérale, ni adjuvant -Couleur : rouge minium (oxyde de plomb) -Mode d’apposition : appendu sur lacs -Nature des attaches : soie rouge et verte, en fils mouliné retors -Etat de conservation : mauvais. Sceau empoussiéré, brisé et lacunaire

Champs

-Types : équestre de guerre sur l’avers, le cavalier tenant une épée de la main droite, un écu de la main gauche ; type héraldique sur le dos. -Eléments héraldiques : au dos, armoiries de Saint-Lazare et de NotreDame-du-Mont-Carmel écartelées d’Orléans -Encadrement limitant le fond : épais filet

Légende

Sur deux lignes, sous un épais filet, séparées par des grenetis : [Face, gravée en 1608 ?] SIGILLUM ORDINIS ET MILITARIS MARIAE VIRGINIS DE MONTE /CARMELO ET SANCTI LASARI IN IERUSALEM [Dos, gravée en 1720] LVD AURELIANENSIS DUX CARNVTENSIS . PRIMVS REGII SANGUINIS PRINCEPS . MAG MAGIST ORD / ET MILIT . BEATE MARIA VIRG . DE MONTE CARMELO ET S . LAZARI IN IERUSALEM 1721

Références

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Archives nationales, collections sigillographiques : cotes St 1254 et bis, St 741 et bis, S 3958 (manquant), S 4189 ; AD de la Dordogne (empreinte originale) : 2 E 1837/10-7

Sur la normalisation de la description des sceaux, on peut consulter : [COLLECTIF], Vocabulaire international de la sigillographie ; recommandations pour l'établissement de notices descriptives de sceaux [sous la dir. de Stefania RICCI et Robert-Henri BAUTIER], Pubblicazioni degli archivi di stato, Sussidi, 3, Conseil international des archives, Comité international de sigillographie, Rome, 1990, 389 p. ; R.-H. BAUTIER, ‘Normalisation des règles pour l'établissement de notices descriptives de sceaux’, Revue Française d'Héraldique et de Sigillographie, Paris, 1984-1989, n° 54-59, pages 15-29. On peut également consulter les recommandations de la Direction des Archives de France sur la description des collections sigillographique DITN/RES/2005/003


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Avant-propos Les Archives départementales de l’Indre possèdent des fonds surprenants, témoins de l’histoire du Berry depuis le Haut Moyen Age jusqu’à l’époque contemporaine. Hélas, le temps a fait ses ravages : certaines cotes sont désormais si altérées qu’elles sont classées dans la liste des documents non-communicables pour mauvais état du matériel2. Lors d’un stage effectué en juin 2009 aux Archives départementales de l’Indre, j’ai observé et proposé une évaluation sanitaire de ces documents momentanément condamnés aux réserves. Par son originalité, le contenu de la cote 6 J 49 a attiré mon attention3 : il s’agissait d’un ensemble de parchemins scellés du XVIIIe siècle ayant appartenu à Monsieur Louis Neyret de la Ravoye (16971787), riche officier issu d’une vieille famille patricienne. Un sceau exceptionnellement beau, brisé, datant de 1721, était appendu à l’un de ces parchemins. Ce sceau appartenait à Louis d’Orléans (1703-1752), fils du Régent et grand-maître des Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame-duMont-Carmel. Le document attestait la réception de Monsieur de la Ravoye dans les Ordres réunis, le 26 août 1721. L’état du sceau était critique, et justifiait le classement de la cote dans la liste des noncommunicables. C’est cette archive qui fait l’objet de ce mémoire. Nous nous intéresserons plus particulièrement à son sceau, exceptionnel à bien des égards, et aux liens –diplomatiques, symboliques et technologiques- qui l’unissent au parchemin. D’un point de vue formel, ce mémoire se compose de trois grandes parties générales : l’étude historique de l’acte de Louis d’Orléans précède l’étude scientifique, qui introduit le rapport de restauration. Ces trois angles d’approche sont intimement liés, et, plutôt que de scinder notre démarche en trois axes totalement distincts, nous avons privilégié une démarche interdisciplinaire et transversale. Le dialogue constant entre historien, scientifique et restaurateur –pour ne citer qu’euxpermet de travailler sur les frontières entre disciplines, de les éclairer, de les définir et de les dépasser. C’est ainsi que les regards croisés sur l’acte de Louis d’Orléans ouvrent à la complexité du travail de restauration d’un document d’archive. L’acte de Louis d’Orléans représente à lui seul une unité, que l’on peut étudier pour ses valeurs propres : valeurs historique, patrimoniale, esthétique et juridique. Cependant, il prend place au sein d’une série ; et comme tel, il est une partie d’un tout. Le choix d’un protocole de restauration doit tenir compte de cette particularité, qui se traduit par une attention particulière à la cohérence des interventions sur la série et par une place importante accordée à la conservation préventive.

2

La loi n°78-753 du 17 juillet 1978 sur le droit d’accès et de réutilisation des documents administratifs reconnait à toute personne le droit d’accéder à la communication des documents détenus par une administration. Toutefois, l’accès à certaines informations peut être régie par des règles particulières, notamment lorsque l’état du support peut compromettre la conservation du contenu du document. 3 La série J des Archives départementales est consacrée aux donations, dépôts ou achats.


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Abréviations AD AN AHM BN BSG CAEF CM CSAN Fds. f° Inv. MLH Ms. MV p.

Archives départementales Archives nationales de France Archives de l’Hôtel de la Monnaie Bibliothèque nationale de France Bibliothèque Sainte-Geneviève Centre des Archives économiques et financières (Savigny-le-Temple) Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale de France Cabinet de sigillographie des Archives nationales de France Fond Folio Inventaire Musée de la Légion d’honneur Manuscrit Musée de Versailles page

Les termes sigillographiques et diplomatiques sont définis dans le glossaire donné en Annexe I. Une typologie des sceaux vient compléter ce glossaire en Annexe II


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Résumé introductif général La sigillographie et la restauration entretiennent depuis le XIXe siècle des rapports étroits, empreints de tradition et d’un désir de renouvellement. Notre travail de mémoire postule un lien entre le support matériel d’archives et ses valeurs patrimoniales. Loin d’être une simple somme de matériaux, l’archive est une unité de signifiants et signifiés. Ce mémoire porte sur une charte scellée de Louis d’Orléans (1721). Nous avons interrogé l’acte selon trois modalités, faisant chacune l’objet d’une partie à part entière : l’étude historique met en lumière un lien complexe entre le contexte de production de la charte et l’apposition du sceau princier. L’étude technico-scientifique s’appuie sur une présentation des propriétés de la cire d’abeille, suivie d’une batterie de tests sur des adhésifs pour fixer des fragments de sceaux en cire d’abeille sans résine. La colle d’esturgeon, correctement préparée, apparaît comme l’adhésif le plus approprié. Des observations sur les propriétés optiques des cires de comblement complètent cette étude. La restauration de la charte fait l’objet de la dernière partie. Nous nous sommes attachés à dégager les points forts qui unissent le parchemin et le sceau, pour orienter nos choix de traitement. Parmi eux, le pliage du parchemin représente un axe d’étude fondamental.

Abstract Since the 19th century, sigillography had kept close connections with restoration, fraught with tradition and desire for a new approach. Our thesis is based on the fact that piece of writing and cultural values are tightly linked: far away from being a simple sum of materials, the archive is a significant and signified unit. This thesis is built on the study of a sealed chart of Louis d’Orléans (1721). We have looked over three ways: the historic way highlights a powerful link between the historical context of production of the chart and the impression of a prince’s seal. The technical and scientific study relies on a presentation of beeswax’s properties, followed by a range of tests on adhesives designed for fixing beeswax seal’s fragments. Observations regarding the optical properties of filling waxes will complete this investigation. Sturgeon glue seems to be the more suitable adhesive. The last part will focus on the restoration of the chart. We pay attention to stress the particular aspects which bind seal and parchment, in order to wise our restoration’s choices. Among them, the crucial point is the folding of the parchment.


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1

Table des matières

Remerciements ................................................................................................................ 5 Fiche d’identification ........................................................................................................ 7 Description du sceau ......................................................................................................... 8 Avant-propos.................................................................................................................... 9 Abréviations ....................................................................................................................11 Résumé introductif général ..............................................................................................12 Table des matières...........................................................................................................14

Etude historique 1

Définitions et usages courants : généralités 1.1 1.1.1

La charte scellée .................................................................................................................... 24 Définitions : charte, acte, diplôme et lettre ................................................................................ 24

1.1.2 Les différents intervenants d’un acte juridique : auteurs, bénéficiaire, destinataire, rédacteur, scripteur 25

1.2

La diplomatique ..................................................................................................................... 26

1.2.1

Objectifs de l’étude diplomatique d’un document ..................................................................... 26

1.2.2

Présentation diplomatique du texte de l’acte de Louis d’Orléans .............................................. 26

1.3

Les moyens de validation ...................................................................................................... 30

1.3.1

Approche diplomatique des moyens de validation .................................................................... 30

1.3.2

Etapes de rédaction du parchemin et de validation de l’acte de Louis d’Orléans ...................... 30

1.4

Le sceau de validation ........................................................................................................... 31

1.4.1

Définition du sceau de validation médiéval et du sceau moderne ............................................. 31

1.4.2

Eléments de sigillographie : repères pour une histoire du sceau ............................................... 33

1.4.3

Information générale : réflexion sur la méconnaissance des sceaux modernes ........................ 35

2 Le sceau de Louis d'Orléans : iconographie d'un sceau de validation princier du XVIIIe siècle 2.1

Les éléments traditionnels du grand sceau biface de Louis d’Orléans ................................. 38

2.1.1

Une matière : la cire à sceller ..................................................................................................... 38

2.1.2

Couleurs de la cire et des lacs ..................................................................................................... 40

2.1.3

Forme et module ........................................................................................................................ 42

2.1.4

L’emplacement des images : un sceau biface ............................................................................. 44


15 2.2

L’iconographie de la face du sceau : le type équestre de guerre .......................................... 44

2.2.1

2.3

Le dos du sceau : croisements héraldiques et querelles iconographiques ........................... 48

2.3.1

Le manteau des Ordres : une réminiscence cérémonielle .......................................................... 48

2.3.2

La croix de Saint-Lazare .............................................................................................................. 49

2.3.3

Le collier de Saint-Lazare ............................................................................................................ 51

2.3.4

Présentation iconographique du blason : un jeu de préséance ................................................. 52

2.4

3

La face du sceau de Louis d’Orléans : sources et valeurs ........................................................... 46

La légende du sceau de Louis d’Orléans................................................................................ 54

2.4.1

De la tradition au changement typographique ........................................................................... 54

2.4.2

Une légende datée ...................................................................................................................... 56

La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la Régence 3.1

Une charte et un sceau pour rétablir une famille au cœur de la tourmente (1721) ............ 57

3.1.1

Grâce et disgrâce de Philippe d’Orléans, régent et père de Louis d’Orléans ............................. 57

3.1.2 Commander une matrice de sceau princier, ou comment redonner de l’éclat à une famille disgraciée 58

3.2

Louis d’Orléans (1703-1752), grand-maître des Ordres réunis ............................................. 59

3.3 Les Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel au tournant du siècle des Lumières...................................................................................................................................... 61 3.3.1

Bref historique des Ordres réunis ............................................................................................... 61

3.3.2

La situation paradoxale des Ordres réunis au tournant du siècle des Lumières ....................... 62

3.3.3

L’entrée de Neyret de la Ravoye, bénéficiaire de l’acte, dans les Ordres réunis ........................ 63

3.3.4

Louis Neyret de la Ravoye : éléments biographiques ................................................................. 63

3.3.5

De l’archive privée à l’archive publique ...................................................................................... 64

4

La mise en œuvre technique : où l’instrument juridique se confond avec l’œuvre d’art 4.1

La matrice d’argent ............................................................................................................... 65

4.1.1

Introduction au milieu des graveurs en métal parisiens ............................................................. 65

4.1.2

Identification des graveurs du sceau de Louis d’Orléans, grand-maitre des Ordres réunis ....... 65

4.1.3

Hypothèses sur la forme de la matrice du sceau de Louis d’Orléans ......................................... 69

4.1.4

Le devenir et la destruction de la matrice du sceau de Louis d’Orléans sous la Révolution ...... 71

4.2

Les laceurs au XVIIIe siècle, ou la fabrication des cordons de soie ........................................ 73

4.3

Le travail des scelleurs et des chauffe-cire............................................................................ 74

4.4 Le scellage du sceau biface de Louis d’Orléans, témoin d’une rationalisation de la technique ? ........................................................................................................................................ 81 4.5

Conclusion de l’étude historique........................................................................................... 83


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Partie technico-scientifique

Section I : étude d'un matériau : la cire à sceller

1

Remarques sur les espèces d’abeille et la production apicole ....................................88

2

Composition et structure chimique de la cire d’Apis mellifera ....................................89

3

4

2.1

Composition .......................................................................................................................... 90

2.2

La structure semi-cristalline de la cire d’abeille .................................................................... 92

2.3

Masse molaire, masse volumique et volume molaire de la cire d’abeille ............................ 92

Propriétés mécaniques et rhéologiques .....................................................................93 3.1

Comportement élasto-plastique .......................................................................................... 93

3.2

Transition vitreuse et température de fusion ....................................................................... 95

Caractéristiques physico-chimiques des cire d’abeilles ..............................................96 4.1

Acidité et saponification ........................................................................................................ 96

4.2

Solubilité et mouillabilité d’une cire d’abeille ....................................................................... 97

5

Le vieillissement de la cire d’abeille...........................................................................98

6

Le vieillissement de la cire du sceau de Louis d’Orléans .............................................99 6.1

Résultats d’analyse par microspetrophotométrie FTIR ; discussion autour de ces résultats 99

6.2

Les pigments de la cire du sceau de Louis d’Orléans : identification et altérations ........... 100

Section II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux : étude des propriétés mécaniques et de la mise en œuvre des adhésifs 1

Sujet de la recherche............................................................................................... 104

2

Objectifs et principes de la recherche ...................................................................... 104

3

Paramètres de l’étude ............................................................................................. 104

4

Protocoles de test ................................................................................................... 105 4.1

Présentation des tests ......................................................................................................... 105

4.2

Principe des tests en traction .............................................................................................. 106

4.3

Appareillage et éprouvettes ................................................................................................ 108

4.4

Construction du système de traction .................................................................................. 109

4.5

Facteurs d’erreurs du système ............................................................................................ 111

5 Problématique de l’utilisation du collage dans la restauration de sceaux ; choix des colles ............................................................................................................................. 112


17

6

7

Propriétés des colles testées ................................................................................... 112 6.1

La colle d’esturgeon ............................................................................................................ 116

6.2

La propolis ........................................................................................................................... 117

Résultats des tests et discussion .............................................................................. 118 7.1 Evaluation de la justesse et de la fiabilité de l’appareillage ; détermination de la marge d’erreur............................................................................................................................................ 118 7.2

Test I : Evaluation de la résistance à la rupture en traction des joints de collage .............. 119

7.3

Test II : évaluation de la résistance à la rupture de joints de colle d’esturgeon réchauffée 120

7.4 Test III : évaluation de la résistance à la rupture d’un joint de colle d’esturgeon appliquée en deux temps ................................................................................................................................. 122

8

Conclusion .............................................................................................................. 123

Rapport de restauration

Section I : Description des matériaux et constat d’état 1

Description des matériaux ...................................................................................... 126 1.1

2

3

Le parchemin ....................................................................................................................... 127

1.1.1

Dimensions et préparation du support ..................................................................................... 127

1.1.2

Pliage du parchemin ................................................................................................................. 128

1.2

La technique graphique ....................................................................................................... 130

1.3

Les lacs de soie .................................................................................................................... 132

1.4

Le sceau .............................................................................................................................. 135

1.4.1

Le module et l’empreinte ......................................................................................................... 135

1.4.2

La cire ........................................................................................................................................ 135

Constat des altérations ........................................................................................... 136 2.1

Altérations du support et de l’encre ................................................................................... 136

2.2

Altérations des lacs.............................................................................................................. 141

2.3

Altérations du sceau ............................................................................................................ 142

2.3.1

L’empoussièrement et les noircissements ................................................................................ 142

2.3.2

Les cassures et la fragmentation millimétrique ........................................................................ 143

Diagnostic ............................................................................................................... 146 3.1

L’empoussièrement et l’abrasion des matériaux ................................................................ 146

3.2

Le parchemin ....................................................................................................................... 147


18

4

3.2.1

Les altérations d’origine mécanique ......................................................................................... 147

3.2.2

Les altérations d’origine chimique ............................................................................................ 147

3.3

Les lacs de soie .................................................................................................................... 149

3.4

Le sceau ............................................................................................................................... 150

Proposition de traitement ....................................................................................... 151 4.1

Objectif et moyens .............................................................................................................. 151

4.2

Les étapes de la restauration .............................................................................................. 152

4.2.1

La restauration des lacs de soie ................................................................................................ 152

4.2.2

La restauration du sceau ........................................................................................................... 153

4.2.3

La restauration du parchemin : la problématique du dépliage ................................................ 157

4.2.4

Le conditionnement .................................................................................................................. 159

Section II : restauration-conservation 1

Restauration des lacs de soie .................................................................................. 161 1.1 1.1.1

Nettoyage sous loupe binoculaire ............................................................................................ 161

1.1.2

Analyses des fibres trouvées dans la soie ................................................................................. 161

1.1.3

Nettoyage par micro-aspiration ................................................................................................ 163

1.2

2

Nettoyage aqueux par nébulisation .................................................................................... 163

Restauration du sceau ............................................................................................. 166 2.1 2.1.1

3

Dépoussiérage à sec des lacs de soie .................................................................................. 161

Tests de dépoussiérage ....................................................................................................... 166 Tests de solubilité ..................................................................................................................... 166

2.2

Dépoussiérage du sceau ...................................................................................................... 168

2.3

Recollage des fragments du sceau ...................................................................................... 170

2.4

Comblement des lacunes .................................................................................................... 173

Restauration du parchemin ..................................................................................... 176 3.1

Le dépoussiérage ................................................................................................................. 176

3.2

La mise à plat partielle ........................................................................................................ 177

Section III : conservation et conditionnement

1

Les contraintes du conditionnement de la charte de Louis d’Orléans ....................... 183 1.1

Les contraintes intrinsèques ............................................................................................... 183

1.2

Les contraintes d’usage ....................................................................................................... 184

1.3

Les contraintes financières et matérielles........................................................................... 184


19

2

Les objectifs du conditionnement ............................................................................ 186

3

Sélection des matériaux et fonctionnalité du conditionnement ............................... 186

4

Mise en œuvre du conditionnement ....................................................................... 186

5

Moulage et référencement du sceau de Louis d’Orléans .......................................... 187

6

Conclusion .............................................................................................................. 188

Annexes : Annexe I : Glossaire Annexe II : Typologie d’une matrice de sceau biface et d’un sceau Annexe III : Bibliographie Annexe IV : Table des illustrations Annexe V : Analyses microspectrophotométriques IRTF du sceau de Louis d’Orléans Annexe VI : Tests d’observation des cires de comblements Annexe VII : Texte et transcription de la lettre de réception


20 Etude historique : DĂŠfinitions et usages courants


21 Etude historique : Définitions et usages courants

Etude historique    

Partie 1 : Définitions et usages courants Partie 2 : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie d’un sceau de validation princier du XVIIIe siècle Partie 3 : Le sceau de Louis d’Orléans : une image de la Régence Partie 4 : La mise en œuvre technique : où l’instrument juridique se confond avec l’œuvre d’art


22 Etude historique : DĂŠfinitions et usages courants


23 Etude historique : Définitions et usages courants

Etude historique Introduction de l’étude historique Le premier examen de l’acte de Louis d’Orléans nous a amené à formuler un constat paradoxal : l’attention extrême portée à l’exécution du sceau et de sa matrice est surprenante, à une période où même la qualité des sceaux royaux laisse souvent à désirer. Ce constat préliminaire appelle à quelques précisions historiques d’ordre général. En 1721, date d’exécution de la charte, la France est sous le régime de la Régence (1715-1722), période charnière entre les règnes de Louis XIV et Louis XV ; la majeure partie des sceaux royaux du XVIIe et XVIIIe siècle qui nous sont parvenus – dont ceux de la Régence- sont très altérés, en raison du peu de soin porté au scellage. Ce désintérêt pour la qualité de l’objet-sceau est sans doute le reflet d’une évolution culturelle vers une nouvelle société de droit, connaissant un spectaculaire développement du formalisme bureaucratique. Les valeurs d’un sceau moderne diffèrent profondément de celles d’un sceau médiéval. Instrument de validation juridique, le sceau acquiert progressivement le statut d’objet d’art. C’est ainsi que, d’un point de vue formel, la majorité des sigillants de l’époque moderne a abandonné le sceau de validation en cire d’abeille pour un cachet en cire d’Espagne, dépourvu de valeur juridique4. Seuls les grands d’Europe pourvus d’un office institutionnel majeur, tels que Louis d’Orléans, et les juridictions prestigieuses (ordres, parlement, bailli, tabellionnage) ont perpétué la tradition du sceau de validation5. D’où ces interrogations : que représentait un tel sceau apposé sur un acte princier au début du XVIIIe siècle, juridiquement parlant ? De quelles valeurs légales, diplomatiques, taxinomiques, politiques, et artistiques est-il investi ? Et, par voie de conséquence, quels liens unissent l’acte écrit parcheminé et le sceau ? Pour apporter des éléments de réponse, trois axes de recherche seront exploités. Tous trois sont fondés sur des données historiques et matérielles à défaut de littérature spécialisée. Ces développements s’appuieront sur une présentation générale du cadre diplomatique, cadre dans lequel doit être menée toute étude d’un acte scellé. Après avoir posé ces repères, nous développerons un premier axe de recherche en analysant l’iconographie du sceau. Cette approche sera élargie dans un second temps par une étude contextuelle de la production de la charte, l’an 1721 apparaissant comme une date charnière de la Régence. L’entrée d’un chevalier dans les Ordres royaux, l’émission d’une lettre de réception et la commande d’une nouvelle matrice de sceau s’inscrivent dans un contexte politique particulièrement tendu. Le troisième axe de recherche complètera cette analyse par une réflexion sur les valeurs artistiques du sceau. A ce point, l’instrument juridique se confond avec l’objet d’art, et le document d’archive se fait objet de musée. 4

Cette évolution majeure des moyens de validation d’actes publics ou privés a été étudiée pour la période 1498-1594, lors du stage à la section Ancienne des Archives nationales, sous la responsabilité de Monsieur Brunel, conservateur en chef à la Section ancienne. 5 Sur la genèse de l’Etat moderne, les changements institutionnels et les moyens performatifs de valider les e actes : G. ZELLER, Les institutions de la France au XVI siècle, PUF, Paris, 1948, 404p. ; R. DOUCET, Les e institutions de la France au XVI siècle, éditions Picard, Paris, 1948, 971p. ; H. MICHAUD, La grande e chancellerie : les écritures royales eu XVI siècle, 1515-1589, Tome XVII, Mémoires et documents publiés par la société de l’Ecole des chartes, PUF, 1967, 419p.


24 Etude historique : Définitions et usages courants

1

Définitions et usages courants : généralités

L’étude d’une charte fait appel à des notions de droit, de diplomatique6 et de sigillographie. Ces trois disciplines étant mises à contribution dans l’analyse critique de l’acte de Louis d’Orléans, nous commencerons par présenter quelques définitions fondamentales ; ces notions forment un cadre indispensable à l’examen de la charte.

1.1

La charte scellée

1.1.1 Définitions : charte, acte, diplôme et lettre L’historien emploie couramment les termes d’acte, de charte, de lettre et de diplôme. Chacun de ces mots recouvrent une réalité différente et un type d’écrit juridiquement défini. Le terme « charte » est tiré du grec khartês, puis du latin charta, « acte écrit »7. Quand il est employé par les historiens, il est loin d’être clairement défini, et, depuis le XIX e siècle, s’applique à une diversité confuse de documents. Le plus souvent, il désigne un acte écrit émanant d’une autorité souveraine, royale, princière, religieuse ou seigneuriale, ‘mais jamais à une époque où l’auteur multiplie les documents dans le cadre d’une administration ad hoc’8. Le contenu peut varier : concession de biens, concession de droits ou concession juridique (titres de propriété, de vente, de privilèges, etc.). Un acte (ou acte juridique) est une notion dont les contours sont plus précisément définis, puisque familiers des juristes : il s’agit d’une ‘manifestation de volonté qui produit des effets de droits’9. Par extension, un acte désigne ‘une pièce écrite qui constate un fait, une convention ou une obligation’. Si cet acte émane d’une autorité publique, ou d’une personne agissant au nom de cette autorité, on parlera d’ « acte public », par opposition à un acte privé. Un diplôme est un acte public, une charte, une lettre patente ou un titre par lequel un droit ou un privilège est accordé à quelqu’un (diplôme impérial, royal, princier, etc.). Il peut s’agir d’un titre écrit qu’un corps délivre à chacun de ses membres ‘pour qu’il puisse justifier de son grade ou de la qualité qui leur est conférée’10. Depuis le XVIIe siècle, une lettre peut désigner un acte écrit officiel ou toute sorte de missive que l’on adresse à une personne. Si cette personne est un officier ministériel, la lettre lui indique le

6

Pour une présentation succincte de la diplomatique, voir p. 19 « La diplomatique » Dictionnaire Le Petit Robert, édition 2007 8 O. GUYOTJEANNIN, J. PYCKE, B.-M. TOCK, Diplomatique médiévale, édition Brepols, collection l’Atelier du médiéviste 2, Paris 1993, p.25 9 Dictionnaire Le Petit Robert 2007 10 C. CALVO, Dictionnaire Manuel de Diplomatie internationale public et privé, The Lawbook Exchange LTD., Clark, New Jersey, 2009, p. 138 7


25 Etude historique : Définitions et usages courants commandement particulier qu’il est appelé à tenir11. Généralement, le contenu de la lettre est spécifié dans la préposition qui la suit : lettre de commandement, lettre de réception, lettre ministérielle, lettre de grâce, lettre de cachet, lettres patentes, etc. L’acte rédigé par Louis d’Orléans est à la fois un acte public, une charte, une lettre et un diplôme : il s’agit bien d’une pièce écrite par une autorité publique (les Ordres réunis), validée juridiquement par son auteur (Louis d’Orléans), et remise à son bénéficiaire (M. Neyret de la Ravoye). Cette lettre tient lieu de preuve : elle certifie que Monsieur Louis Neyret de la Ravoye a bien été admis dans les Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel12 le 26 août 1721. Une dernière remarque s’impose : l’acte ici étudié est une expédition, c’est-à-dire un document envoyé ou remis à son bénéficiaire. Le corolaire de cette expédition est la minute de la réception dans les Ordres réunis, anciennement conservée dans de grandes armoires au siège des Ordres13 et probablement détruite vers 1792. Seules les expéditions étaient scellées du grand-sceau des Ordres et remises à leurs bénéficiaires, d’où leur rareté en Archives.

Les différents intervenants d’un acte juridique : auteurs, bénéficiaire, destinataire, rédacteur, scripteur Le diplomatiste, quand il étudie un acte, distingue plusieurs intervenants. Il dissocie l’auteur de l’acte écrit et l’auteur de l’action juridique : le premier est à l’origine de la rédaction de l’acte, tandis que le second a motivé le fait juridique qui sous-tend cet acte. Cette distinction est importante, puisque qu’il ne s’agit pas forcément de la même personne physique ou morale. L’auteur ne doit pas être confondu avec le rédacteur, qui conçoit le texte, et le scripteur ou scribe, qui l’écrit matériellement. 1.1.2

Le destinataire est la personne qui reçoit un acte et qui, en principe, le conserve dans ses archives à titre de preuve. On parle aussi de bénéficiaire de l’acte, pour désigner la personne qui, plus que toute autre, bénéficie de l’acte. Mais bénéficiaire et destinataire peuvent être différents14. Dans le cas du document d’archives étudié, l’auteur de l’acte et de l’action juridique est Louis d’Orléans, premier prince de sang et grand-maître des Ordres de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel15; le rédacteur est Monseigneur Doublet, commandeur greffier et secrétaire des Ordres réunis16. Le bénéficiaire et destinataire n’est autre que Louis Neyret de la Ravoye, reçu dans sa nouvelle charge de chevalier. Nous ne connaissons pas l’identité du scripteur17.

11

O. GUYOTJEANNIN, J. PYCKE, B.-M. TOCK, Op.cit, p., 104-105 et 423. Les Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel sont des ordres royaux militaires, religieux et hospitaliers, réunis depuis 1608. Voir page 59 « Bref historique des Ordres de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel » 13 AN, M 713, pièce n° 8. Le siège des Ordres était situé dans l’hôtel de Rochechouart, à Paris. 14 O. GUYOTJEANNIN, J. PYCKE, B.-M. TOCK., Op.Cit, p.25-26 15 Sur Louis d’Orléans, voir p.42 « Louis d’Orléans, premier prince de sang et grand-maître des Ordres réunis ». 16 L’acte de provision pour charge de monseigneur Doublet, daté du 24 février 1721, est conservé au musée de la Légion d’honneur. MLH, inv.05641. Monseigneur Doublet était également secrétaire du commandement et du cabinet de la maison royale et des finances du duc d’Orléans. 17 Si l’identité du scripteur n’est pas connue, on observe néanmoins une grande régularité de la graphie sur les actes de 1720-1729. MLH, inv. 05641, inv.01079. 12


26 Etude historique : Définitions et usages courants

1.2

La diplomatique

1.2.1 Objectifs de l’étude diplomatique d’un document La lettre de Louis d’Orléans, émane d’une autorité publique. Par conséquent, sa rédaction suit un protocole très strict, tant au niveau de la forme que du contenu. La diplomatique, « science de diplômes » rend possible la compréhension critique de ces articulations protocolaires, en apportant à l’historien un certain nombre d’outils conceptuels. Elle a adopté un principe cartésien et a suivi la méthode qui en découlait. Un principe cartésien : résoudre la question majeure en la subdivisant en autant de questions mineures que possible. La méthode qui en découle : diviser le discours des actes en une succession de parties distinctes, formulées et assemblées de manière caractéristique ; étudier systématiquement l’état du document tel qu’il nous est parvenu (original, traduction, copie, mention, état matériel), et la genèse de l’acte. L’examinateur peut ensuite effectuer des comparaisons entre documents, voire des dénombrements. Ce triptyque ‘forme-étatgenèse’ permet d’authentifier un acte, de le dater, de le replacer dans son contexte de production, et ainsi de définir ses valeurs légales et historiques18. L’analyse diplomatique s’impose comme cadre indispensable à l’examen de l’acte de Louis d’Orléans. Nous présenterons la forme du discours dans un premier temps, puis l’iconographie du sceau, avant d’étudier la genèse de l’acte scellé (contexte socio-politique); l’état du document sera plus précisément détaillé dans le constat d’état. 1.2.2 Présentation diplomatique du texte de l’acte de Louis d’Orléans Le discours d’un acte public tel que celui de Louis d’Orléans suit un déroulement fixé par la tradition : chaque partie du discours à son importance. Si le rédacteur décide de modifier ou d’omettre des formules normalement obligatoires, il le fait sciemment. Là réside tout l’intérêt de l’étude méthodique d’un texte : mettre en lumière sa genèse et sa validité, clarifier la réalité historique sous la ‘langue-de-bois’19 d’usage. Dans les paragraphes suivants, nous présenterons les parties du discours que l’on repère traditionnellement dans une charte20. Le texte de l’acte de Louis d’Orléans est reporté en italique21 (les parties manquantes sont notifiées entre crochets).

L’invocation : verbale ou figurée, elle place l’acte sous l’autorité de dieu. [Pas d’invocation]

18

[COLLECTIF], Vocabulaire international de diplomatique, Commission internationales de diplomatique, e comité international des sciences historiques, éditions Ma Milagros Carcel Orti, Université de Valence, 2 édition corrigée, 1997, 310p. Pour une réfléxion épistémologique sur la diplomatique, voir R.-H. BAUTIER., ‘Leçon d’ouverture du cours de diplomatique à l’Ecole des chartes’, dans Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 199, 1961, p194-225 ; réimpr. Dans, du même, Chartes, sceaux et chancellerie, 2 vol., 923p., (Mémoires et documents de l’Ecole des chartes, n°34), tome 1, Paris, 1990, p.3-33 ; A. GIRY, Manuel de diplomatique, Paris, 1894, (repr. Slatkine, Genève, 1975), XVI-944p. 19 O. GUYOTJEANNIN J. PYCKE, B.-M. TOCK., Op. cit., p.16, p.20 20 Ces définitions sont en partie reprises aux manuels de diplomatique médiévale d’Olivier Guyotjeannin, de George Tessier et d’Arthur Giry. O. GUYOTJEANNIN J. PYCKE, B.-M. TOCK., op. cit., p. 71-92 ; A. GIRY, op.cit, p.527-656 ; G. TESSIER, La diplomatique royale française, édition Picard, 1962, 341p. 21 Le script du texte avec sa mise en page est donné en Annexe VI. Notons que la transcription d’un texte d’archives ne rétabli par l’orthographe original.


27 Etude historique : Définitions et usages courants La suscription : elle décline l’identité de l’auteur (nom, titre) ; elle est suivie d’une formule de dévotion, également appelée formule de légitimation (par exemple : ‘par la grâce de Dieu’). Louis d’Orléans Duc de Chartres Premier Prince de Sang & Premier Pair de France, Colonel general de l’Infanterie, Gouverneur & Lieutenant général pour le Roy de la Province de Dauphiné, & Grand Maître général, tant au Spirituel, qu’au Temporel des Ordres Royaux, Militaires et Hospitaliers de Ne. Dame du Mont Carmel & de saint Lazare de Jérusalem, de Bethleem, tant deçà que delà la mer ; Le salut : il salue les lecteurs ou auditeurs, et est obligatoire quand il y a une adresse. A tous ceux qui (…)Salut (…), L’adresse : elle décline l’identité du destinataire (nom, titre), mais pas forcément du bénéficiaire. Elle peut être individuelle, collective ou universelle. qu’ayant agrée l’humble prière qui Nous a été faite par Louis Neyret de la Ravoye Ecuyer Mestre de Camp du Régiment de Ponthieu Le préambule : il s’agit d’un ensemble de considérations générales, sans lien direct avec le contexte particulier qui motive et légitime l’acte. [Pas de préambule] La notification : généralement, c’est une formule qui déclare la volonté de porter l’acte à la connaissance des lecteurs ou auditeurs. [Pas de notification] L’exposé : cette partie du discours logique et chronologique expose les circonstances qui ont amené la prise de décision. à ce qu’il nous plu le recevoir Chevalier de Justice dans nos ordres, et ayant été particulièrement informé de sa bonne vie, Monsieur Mœurs, Religion Catholique, apostolique & Romaine, Naissance Légitime, Noblesse & Services Militaires, tant par l’enqueste qui en a été faite, que par les autres preuves qui ont été mises en mains des Comissaires par Nous a ce députez dont Nous a fait raport ; Le dispositif : cœur de l’acte, il révèle et explicite la décision (action juridique). A ces Causes, & autres Considérations à ce (…), Nous avons leD Louis Neyret de la Ravoye fait créé, & reçu, faisons (…) Chevalier de Justice desd. Ordres Royaux, Militaires et hospitaliers de Ne Dame du Mont Carmel et de st Lazare de Jérusalem, pour jouir par lui des honneurs, dignités, prééminences, franchises, libertés, droits et privilèges accordez par les Souverains Pontifes, Empereurs et Roys Chrétiens, tenir rang parmy les Chevaliers desd. Ordres du jour et date des présences, ainsy qu’il a été inscrit dans les Registres desd. Ordres, aux pouvoirs de posséder Commanderies, Pensions sur toutes sortes de Bénéfices, quoy que marié, & de porter la croix, et le collier desd. Ordres, a condition d’en observer les Statuts, sans y contrevenir directement ni indirectement, et de se rendre auprès de Nous toutes et & quantes fois qu’il en sera requis pour le service du Roy notre Souverain Seigneur, & pour le bien & utilité des Ordres ;


28 Etude historique : Définitions et usages courants Les clauses finales (sanctio) : cette partie finale du discours sert à verrouiller l’action juridique, en la garantissant, la renforçant, ou en la faisant appliquer. Elle peut adopter différentes formes (intentionnelle, injonctive, impérative, etc.), et comprend souvent une clause de demande de prière ou d’appel aux successeurs. Les dernières clauses mentionnent normalement que toutes les formalités requises ont été effectuées. Si Donnons en Mandement à tous Commandeurs, Chevaliers, Officiers desd. Ordres, Chapelains, Frères Servants d’Armes, & à tout autres qu’il appartiendra de reconnoître led. Sieur Neyret de la Ravoye Chevalier de Justice desd. Ordres Royaux, Militaires et hospitaliers de Ne Dame du Mont Carmel et de st Lazare de Jérusalem, le recevoir en cette qualité dans toutes les Assemblées publiques & Capitulaires desd. Ordres, & le laisser & faire jouir de tous les privilèges dont jouissent les Chevaliers d’Iceux ; Car telle est notre Intention, La corroboration (ou annonce): elle annonce les moyens de validation. par tesmoin de qouy nous avons Signé ces présentes de nôtre main Icelles fait contresigner par notre frère Chevalier Commandeur, Greffier & Secrétaire desd. Ordres, & Sceller du sceau d’Iceux ; L’appréciation : formule augurative, symétrique de l’invocation (par exemple un amen ou un feliciter). [Pas d’appréciation] La date Donné à Paris Le vingt Septième Jour du Mois d’Aoust, Mil Sept Cent vingt un. Le salut final : équivalent de l’appréciation, mais sans connotation religieuse (par exemple, un Bene vale, au Moyen Age) [Pas de salut final] Les signes de validation : il peut s’agir d’une souscription, de signatures, d’une liste de témoins, d’un signe de validation figuré, d’un ou plusieurs sceaux, etc. Signatures : Louis d’Orléans ; monseigneur Doublet [Grand sceau de Louis d’Orléans, grand maitre des ordres royaux] Visa du chancelier M. Bosc Les mentions hors teneur : ces mentions sont internes à la chancellerie et au bureau d’écriture. Elles indiquent qui a écrit ou composé l’acte, qui l’a commandé, parfois même les étapes qu’il a suivi au sein de la chancellerie, notamment les contrôles, les taxations et les enregistrements. Aujourd’hui vingt Septième Aoust mil Sept cent vingt un. Les.r Neyret de la Ravoye dénommé dans les présences, a fait, & preté entre les mains de Monseigneur le Grand-Maître, les vœux, & le Serment de fidélité pour sa profession dans les Ordres Royaux, Militaires et hospitaliers de Notre Dame du Mont Carmel & de st Lazare de Jérusalem, Moy Chevalier Commandeur Greffier & Secrétaire des ordres présents


29 Etude historique : Définitions et usages courants [Signature] Doublet ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

L’analyse diplomatique de ce texte révèle une simplification formelle de l’acte : l’invocation est omise, ainsi que la notification, la formule de dévotion, une grande partie des multiples clauses finales possibles, et l’appréciation. La lettre est solennelle, traditionnelle, mais montre une tendance administrative qui s’explique aisément par l’expansion bureaucratique de l’époque moderne22. Soulignons néanmoins un fait important : à aucun moment le rédacteur n’a placé la décision de justice sous le patronage de dieu, puisque l’invocation, la formule de dévotion et l’appréciation sont absentes. Ce choix montre combien le diplôme est administratif ; à une époque plus ancienne, la genèse de l’acte (la réception d’un chevalier dans des ordres religieux) aurait naturellement conduit à une référence divine. La lettre est empreinte d’une forte valeur exécutoire : le dispositif détaille les droits et devoirs du chevalier des Ordres de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel ; la clause finale injonctive (‘Si donnons en mandement…’) donne ordre aux agents d’appliquer l’acte, tandis que la clause intentionnelle (‘car telle est notre intention’) exprime la volonté souveraine du grand-maître. Il semble que la forme et le contenu du texte se soient ancrés dans l’apanage rhétorique des Ordres réunis depuis le début de la grande-maîtrise de Louvois en 1685, jusqu’à celle du comte de Provence, en 1788. Mais cette apparente pérennité ne doit pas induire en erreur : l’étude de la genèse de l’acte dévoile une réalité profondément malmenée par le caractère officiel du texte. Dans l’exposé, il est question d’une enquête de bonnes mœurs et de haut lignage faite sur monsieur Neyret de la Ravoye23. Il n’est guère question de la somme conséquente versée aux Ordres réunis pour être reçu chevalier, somme qui a pourtant valu l’entrée de quarante-huit chevaliers en 172124. Par ailleurs, le dispositif rappelle tous les ‘honneurs, dignités, prééminences, franchises, libertés, droits et privilèges’ dont jouissent les chevaliers, même mariés ; à aucun moment leurs attributs ne sont remis en cause, alors que, à la même époque, leur légitimation donnait bien du travail aux juristes des Ordres25. Sous le moule diplomatique affleure une autre réalité de l’histoire, une réalité

22

Sur cette expansion bureaucratique et la production des documents administratifs de l’Etat moderne : D. RICHET, Les institutions de la France moderne, Gallimard, Paris, 188p. ; F. HILDESHEIMER, M. BIMBENETPRIVAT, Etat des sources de la première modernité conservées dans les archives et bibliothèques parisiennes, Centre historiques des archives nationales, [non publié], 2006, 375p. 23 e A l’époque moderne, et plus particulièrement au XVIII siècle, la provision pour charge d’un office impliquait nécessairement une enquête préalable sur le futur officier. Il en va de même pour un futur récipiendaire des Ordres royaux. 24 AN, MM204, Registre des réceptions et promotions dans les Ordres de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, 1721-1726. 25 Parmi ces nombreux traités et recueils, deux ouvrages font références : une parution anonyme, le Recueil de plusieurs privilèges des Ordres Roïaux Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel et de SaintLazare de Jérusalem, chez Louis Denis Delatour et Pierre Simon, Paris, 1722, [s.p] ; et l’ouvrage plus tardif de Gautier de Sibert, Histoire des Ordres Royaux Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, Imprimerie royale, Paris, 1772, 514p.


30 Etude historique : Définitions et usages courants qui ne peut se dire ouvertement, une réalité d’autant plus violente qu’elle se perpétue incidemment jusqu’à nos jours26.

1.3

Les moyens de validation 1.3.1

Approche diplomatique des moyens de validation

Sur l’acte de Louis d’Orléans, une place concomitante a été accordée à la signature du grandmaitre, aux deux signatures du greffier, au sceau et au visa du chancelier. Il s’agit de moyens de validation, dans le sens où ils accordent une valeur juridique au texte, en l’authentifiant. Ces quatre moyens de validations participent de la force exécutoire de l’acte. Un cinquième moyen d’authentification (et non de validation) de la charte vient s’ajouter aux quatre précédemment cités : il s’agit du mode de pliage du parchemin, qui sera étudié plus en détail dans le rapport de restauration. D’ors et déjà, on peut noter que le terme diplôme trouve son étymologique dans le grec diploma, ‘[document] plié en deux’. Le pliage est donc un concept intrinsèque au diplôme et le caractérise.

1.3.2

Etapes de rédaction du parchemin et de validation de l’acte de Louis d’Orléans

Les moyens de validation ont été élaborés et disposés selon un protocole rigoureux, ce qui intéresse au premier chef l’historien et le restaurateur. En effet, chaque élément matériel fait figure de clef dans l’exécution de l’acte, comme autant d’étapes de garantie de son authenticité. Cette approche originale donne un nouveau relief à l’analyse diplomatique. Contrairement aux lettres de réception de chevalier antérieures à 1720 ou postérieures à 1757, le texte de l’acte de Louis d’Orléans a été entièrement écrit par le scripteur, qui n’a pas laissé de blanc à remplir au niveau du patronyme du chevalier27. Cette attention portée à la forme va de pair avec la qualité de l’écriture et des matériaux, caractéristique de la grande-maîtrise de Louis d’Orléans. Comme l’annonce la corroboration, Louis d’Orléans a apposé sa signature en bas du corps du texte. Le scripteur a alors plié le parchemin de sorte à former un large repli, destiné à couvrir la signature de Louis d’Orléans, à recevoir les mentions hors teneur et à soutenir le sceau. Il a rédigé à gauche du repli les mentions hors teneur, signées par Monseigneur Doublet, greffier secrétaire des Ordres réunis. Monseigneur Doublet a également apposé sa signature au centre du repli, pour valider l’intégralité de l’acte (cf. Annexe n°VI)

26

L’analyse du contexte de production de l’acte sera développée dans la seconde partie p.55 :« La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la régence ». 27 Louis d’Orléans a été reçu grand-maître en septembre 1720. Sa charge reste vacante à sa mort en 1752, jusqu’à la nomination du duc de Berry en 1757. Avant 1720, les lettres de réceptions sont imprimées sur parchemin ; seul le nom du récipiendaire est ajouté manuellement ; après 1757, les lettres sont écrites par le scripteur, qui laisse un blanc au niveau du patronyme du futur chevalier. MLH, inv. 07067 ; AN, M614-616 ; AD des Hauts-de-Seine, 1 J 262.


31 Etude historique : Définitions et usages courants Le scellage constitue normalement la dernière étape de validation de l’acte, qui était envoyé après la cérémonie de réception au chancelier garde des Sceaux28 des Ordres. Un officier a alors incisé le parchemin à l’aide d’une lame tranchante pour former les deux trous de passage des lacs29, nommés oculi, puis enfilé les fils de soie avant que le chauffe-cire scelleur n’appose le sceau. Le chancelier garde des sceaux a ensuite visé l’acte au dessus du sceau. Avant la remise du document à son bénéficiaire, le parchemin a été plié en huit. Ainsi, les dimensions du pliage concordent exactement avec le diamètre du sceau, preuve supplémentaire de l’authenticité de l’acte.

1.4

Le sceau de validation 1.4.1

Définition du sceau de validation médiéval et du sceau moderne

Depuis le milieu du XIX e siècle, le sceau a reçu de multiples définitions. Bien que très diverses, touts sont pertinentes dans la mesure où elles se réfèrent à différents aspects sigillographiques. Aussi propose-t-on de donner plusieurs définitions avant de mettre en avant les éléments caractéristiques du sceau. Il est toutefois important de remarquer que ces définitions ne s’appliquent qu’aux sceaux médiévaux (jusqu’au début du XVIe siècle), puisque les sceaux de l’époque moderne n’ont pas encore retenu l’attention des historiens. Certains auteurs ont donné une définition uniquement axée sur l’aspect matériel du sceau :

« L’empreinte est la marque laissée de façon permanente par la pression de la matrice sur une matière, qui, lorsqu’elle est molle (cire, généralement) constitue le sceau et lorsqu’elle est métallique (plomb, le plus souvent), constitue la bulle. » Marie-Adélaïde Nielen, ‘Les sceaux : historique et problème de conservation’, Actes du colloque de l’IRHT : Les matériaux du livre médiéval, jeudi 15 janvier 2004

D’autres élargissent cette définition en y intégrant les aspects fonctionnels du sceau :

« Le sceau est l’empreinte, sur une matière plastique, généralement de la cire, d’images ou de caractères gravés dans un corps dur, métal ou pierre, plus précisément désigné sous le nom de matrice et généralement employé comme signe personnel d’autorité et de propriété. » 28

A la Grande chancellerie de France, la garde des sceaux revenait normalement au chancelier, sauf en cas d’impossibilité physique ou administrative. Par clarté plus que par abus de langage, la fonction de garde des sceaux est souvent spécifiée après celle de chancelier, dans les manuels de diplomatiques et traités d’histoire. e Voir B. BARBICHE, ‘De la commission à l’office de la couronne : les gardes des sceaux de France du XVI au e XVIII siècle’, Bibliothèque de l’école des chartes, tome 151, livraison 2, 1993, p.359-390 29 Il est probable que le scripteur ait pris soin d’indiquer les emplacements des futurs oculi à l’encre, avant l’envoi du document pour validation chez le chancelier.


32 Etude historique : Définitions et usages courants Auguste Coulon, ‘Eléments de sigillographie ecclésiastique française’, dans Revue d’histoire de l’Eglise de France, tome 18, n°78, 1932, p.30-59

« En matière juridique, l’une des acquisitions capitales de la seconde partie du Moyen Âge fut la possibilité de donner aux contrats une valeur manifeste et définitive, du seul faits qu’ils étaient revêtus du sceau juridictionnel, équivalent dans une large partie de l’Europe à la manus publica du notaire méridional. » Robert-Henri Bautier, ‘Origine et diffusion du sceau de juridiction’, dans Comptes-rendus de l’Académie des e inscriptions et des belles-lettres, 115 année, n°2, 1971, p.304

Enfin, dans la lignée de l’Ecole des Annales, certains remarquent que le sceau est avant tout un signe, un symbole propre à un code social :

« [Le sceau] est une imago du sigillant, c’est-à-dire son image personnelle, celle à qui il transmet son auctoritas, celle qui juridiquement le représente et le prolonge, l’emblématise et le symbolise, celle qui est à la fois luimême et le double de lui-même. » Michel Pastoureau, ‘Le sceau et la fonction sociale des images’, dans L’image. Fonctions et usage des images dans l’Occident médiéval, Les cahiers du Léopard d’Or, n°5, Paris, 1996, p.287

De toutes ces définitions ressortent plusieurs éléments. En premier lieu, le sceau se définit selon trois critères : matériel, fonctionnel et sémiotique. Matériellement, le sceau est une empreinte formée par l’impression d’une matrice généralement métallique ou d’une pierre gravée dans une matière molle (cire d’abeille pure ou en mélange avec divers adjuvants ; pain azyme). D’un point de vue fonctionnel, les sceaux sont à la fois :   

Une marque de propriété (valeur sociale) Un moyen de clôture (valeur pragmatique) Un signe de validation, d’authentification (valeur légale)30

Cette fonction d’authentification permet de distinguer les sceaux de validation des simples sceaux de clôtures (par exemple, ceux qui ferment les reliquaires, les jarres, ou, plus récemment, les lieux d’un crime). De même, ils se distinguent des cachets en cire d’Espagne, qui sont dépourvus de valeur légale mais indiquent la provenance de la lettre et l’identité de l’expéditeur. Enfin, les sceaux 30

M. PASTOUREAU, ‘Les sceaux et la fonction sociale des images’, L’image, fonctions et usages des images dans l’Occident médiéval, Cahiers du Léopard d’or, 5, Paris, 1996, p. 275-308. Certains sceaux peuvent avoir une valeur commerciale (sceaux de draperie, par exemple).


33 Etude historique : Définitions et usages courants se définissent par leur dimension sémiotique et culturelle31 : ils s’inscrivent dans un temps et un espace social. Au Moyen Age, ils témoignent du besoin de se souvenir, de donner longue vie aux contrats et actes passés, et de se prémunir contre les intentions frauduleuses32. Les sceaux ont connu une évolution sémiotique et technologique majeure au cours des XVIe et XVII siècles, évolution que l’on observe clairement dans les fonds d’archives. La portée de ces changements est encore mal connue33. Ainsi, les représentations des sceaux modernes, dont le sceau de Louis d’Orléans est en exemple archétypal, ne doivent ainsi pas nous abuser. Si l’image du sceau et la forme du document ne sortent pas du domaine traditionnel, leurs valeurs s’éloignent fortement de celles précédemment citées. A tel point que pour l’époque moderne, on peut s’interroger sur la justesse de la qualification de ‘sceau de validation’. Notre étude tentera d’apporter des éléments de réponse, en nous appuyant sur l’analyse de l’acte de Louis d’ Orléans. e

1.4.2 Eléments de sigillographie : repères pour une histoire du sceau Dans le cadre de ce mémoire, nous ne pouvons pas avoir l’ambition de donner une histoire complète et exhaustive du sceau, cette histoire étant extrêmement complexe et traversant plusieurs millénaires34. Nous aimerions cependant replacer l’apparition et le développement du scellement dans une continuité diachronique. Cette approche permet, dans une certaine mesure, de mieux saisir les particularités d’un acte scellé moderne tel que celui de Louis d’Orléans, par rapport aux chartes médiévales. Elle permet également de comprendre que les moyens de validation sont intimement liés à l’écrit et aux organes juridiques de la société qui les a adoptés. Les sceaux existent depuis la haute Antiquité, et précèdent l’apparition de l’écriture. Moyen de clôture et marque de propriété, ils étaient en usage en Mésopotamie (IVe millénaire avant J-C.), en Egypte, puis dans la civilisation de l’Indus (vers 3000 avant J-C). Les sceaux se présentent alors sous la forme de cylindre, (en Mésopotamie), de matrices plates (Indus) ou des scarabées gravés (en Egypte), que l’on imprime dans de la glaise. L’anneau sigillaire apparaît au IIe millénaire avant J-C, adopté par les romains, puis, vers le VIe siècle après J-C, par les rois mérovingiens. Généralement, ce sont des intailles montées sur bague35. Il est intéressant de noter que les sceaux de validation sont

31

Certains auteurs attribuent au sceau une fonction talismanique. Cette fonction n’a jamais véritablement été avérée, pour le moins au Moyen Age. Voir M. FABRE, Op. cit., p. 25, p.192 32 B. BEDOS-REZAK, ‘Une image ontologique : sceau et ressemblance en France préscolastique’, Etudes e d’histoires offertes à Jacques Tirion : des premiers temps chrétiens au XX siècle, 2001, 373p., p. 39-50 ; B. FRAENKEL, La Signature. Genèse d’un signe, Gallimard, N.R.F., Bibliothèque des Histoires, Paris 1992, 319p. 33 Cette problématique a fait l’objet du stage de fin d’étude effectué à la Section ancienne, sous la tutelle de e Monsieur Brunel (20 février-1 juin 2012). 34 e Voir R.-H. BAUTIER, ‘Le cheminement du sceau et de la bulle des origines mésopotamiennes au XVIII siècle occidental’, Revue française d’héraldique et de sigillographie, 54-59, 1984-1989, p. 42-84 ; M. PASTOUREAU, Les sceaux, Turnhout, 1981, 76 p. ; D. COLLON, H. J. BETTS, 7000 years of seals, British Museum Press, Londres, 1997, 240p. 35 Les témoignages de matrices du bas Moyen Age sont rarissimes, c’est pourquoi les sigillographes s’avancent avec prudence sur le terrain des sceaux mérovingiens. M. PASTOUREAU, ‘Les graveurs de sceaux et la création emblématique’, Artistes, artisans et production artistique au Moyen-Age, colloque international, Rennes, 2-6 mai 1983, volume I: "Les hommes", Paris, Picard, 1986, p. 515-522. Y. METMAN, ‘La taille directe des sceaux matrices ; heurs et malheurs des graveurs de sceaux’, Catalogue de l’exposition : les graveurs d’acier et la médaille de l’Antiquité à nos jours, Hôtel de La Monnaie, Paris 1971, p. 267-291.


34 Etude historique : Définitions et usages courants adoptés par les souverains francs en même temps que le support parcheminé36. Dans tous les cas le gâteau de cire est apposé directement sur le parchemin. Le sceau appendu sur lacs n’est apparu qu’au début du XIIe siècle, sous le règne de Louis VI37. Jusqu’au milieu du Xe siècle et jusqu’au début du XIe siècle pour le royaume de France, sceller un acte était un droit régalien, réservé au roi, à l’empereur ou au pape, et quiconque contrevenait à cette disposition était passible de la peine de mort comme s’il s’attaquait à la personne même du souverain. Les matrices et empreintes étaient dépourvues de valeur légale, sauf dans le cas du sceau royal en majesté. Les seigneurs et prélats validaient leurs actes par des moyens tels qu’une souscription de témoins, un échange symbolique d’objet38, un chirographe ou encore en prêtant serment sur la Bible. Ces pratiques se prolongèrent parfois jusqu’au XVe siècle. Au cours du Xe siècle de puissants évêques rhénans outrepassent l’interdit régalien et adoptent l’usage du scellement, bientôt suivis par les princes, ducs, barons et comtes. On assiste à un mouvement d’adoption du sceau, descendant progressivement vers l’Espagne et se répandant en Angleterre. Dans les pays de droit coutumier, le sceau est désormais investi d’une valeur juridique. Au cours de la seconde moitié du XIIe siècle, certains corps sociaux suivront la voie ouverte par les souverains, en se reconnaissant chacun dans un type de sceau, avec, par exemple, les sceaux équestres pour les princes et les sceaux en pied, monumentaux et en navette (en mandorle) pour les ecclésiastiques et les femmes. Bien sûr, cette codification est loin de s’appliquer à l’ensemble des ordres sociaux, mais elle prouve que le sceau s’inscrit dans une société qui veut réguler des usages et asseoir une hiérarchie en place. Jusqu’au haut Moyen Age, le scellement se développe en arborescence, touchant progressivement les niveaux les moins aisés de la société, les villes, autorités territoriales et assemblées juridictionnelles. Le sceau se détache alors de la personne physique qu’il représentait jusqu’alors. Parallèlement, les actes notariés, apanage de l’Italie et du midi de la France, distillèrent un autre mode de validation : celui du seing notarié. C’est cette tradition qui devait prévaloir dès la fin du XIVe siècle, et donner naissance à la signature39. Au cours du XVIe siècle en France (non pour les royaumes limitrophes), il semble que trois types de scellement se coexistent40. D’une part, les grands sceaux de validation se raréfient, et les images des sceaux se font moins diversifiées ; d’autre part, des sceaux plus petits, utilisés pour des actes privés (des quittances seigneuriales, notamment) restent en usage et se multiplient sous le règne d’Henri II, entre 1540 et 1550; enfin, dans les années 1570-1571, apparaissent les premier cachets résine polysaccharide colorée en rouge ou noir (la cire d’Espagne n’apparait que dans la première décennie du XVIIe siècle. D’une manière générale, les sigillants portent une grande attention à la gravure de la matrice. La technique de gravure de ces matrices se modifie dans les années 1545-1550 pour pallier les difficultés techniques imposées par un nouveau procédé de scellage : celui des sceaux en cire sous papier. Rares sont les matrices de grands sceaux, telles que 36

M.-H. SMITH, ‘De la cire au papyrus, de la cire au papier : deux mutations de l’écriture ?’, Gazette du Livre médiéval, n°43, automne 2003, p.1-13 37 e e H.-R. BAUTIER, ‘Typologie des actes royaux français, XIII -XV siècles’, Actes du congrès international de diplomatique, facultés des lettres, Porto, 1996, p.25-68 38 O. GUYOTJEANNIN, J. PYCKE, B.-M. TOCK., Op. cit., p. 86-87 39 B. FRAENKEL B., La Signature. Genèse d’un signe, Gallimard, N.R.F., Bibliothèque des Histoires, Paris 1992, 319p. 40 e Les observations données sur les sceaux du XVI siècle sont tirées de l’examen réalisé lors d’un stage de fin d’étude, sur un corpus de 500 empreintes de sceaux conservées aux Archives nationales de France, série K, L, J et H.


35 Etude historique : Définitions et usages courants celle de Louis d’Orléans, qui aient réchappé à ce changement de gravure. Très peu d’études ont été réalisées sur les grands sceaux français postérieurs au début du XVIe siècle41. Le corpus sigillographique moderne n’a encore jamais fait l’objet de dépouillements sériels. Cependant, une tendance générale semble se dessiner au XVIIe et XVIIIe siècles : tandis que les sceaux des rois sont de très médiocre qualité, souvent brisés et effrités42, les sceaux des reines, des princes et des ducs brillent de beauté et de finesse. Nous savons également que sous les règnes de Louis XIV et Louis XV, le souverain a considérablement réduit le temps consacré aux affaires concernant le scellement des actes (autrement dit, à l’audience du sceau43). La commande d’une matrice de très haute qualité destinée au fils ainé du régent, Louis d’Orléans, s’inscrit dans ce contexte dont l’analyse est restée en marge des grandes études sigillographiques.

Cliché n° 5 : Sceau royal original de Louis XIV, en cire verte, appendu sur lacs de soie rouge et verte. Edit de Fontainebleau portant la révocation de l'édit de Nantes (28 novembre 1685). Archives nationales, cote AE/II/887

Cliché n° 6 : Sceau original de Louis XIV, en cire d'abeille naturelle. Archives départementales de l’Inde, cote 6J49

Cliché n° 7 : Sceau de Louis XV, en cire brune, appendu sur doublequeue de parchemin. Ordonnance royale de décembre 1746. Vendue aux Ets Gaertner de Bietigheim, Stuttgart, 25 novembre 2010

1.4.3 Information générale : réflexion sur la méconnaissance des sceaux modernes Les médiévistes ont souvent considéré que « l’ère du sceau » se termine au XVe siècle, remplacée par la signature44. Deux arguments sont régulièrement avancés: d’une part, la progression des actes notariés (depuis les pays méridionaux romanistes vers les régions de droit coutumier, approximativement au nord de la Loire) et du tabellionnage aurait progressivement chassé la 41

L’Angleterre et la Belgique ont poussé plus avant l’étude des sceaux modernes. Voir R. LAURENT, Les sceaux des princes territoriaux belges de 1482 à 1794, Bruxelles : Archives générales du royaume, (Archives générales du royaume et Archives de l’Etat dans les provinces, Studia 70), Bruxelles, 1997, 95p. et 134 planches hors texte ; T. BURNS, M. BIGNELL, ‘The conservation of the royal charter and great seal of queen’s university’, The Paper Conservator, Vol. 17, 1993, p.5-12 ; M. TOURNEURS NICOMEDE, Recherche sur les graveurs de sceaux e des Pays-Bas au XVIII siècle, extraits de la Revue belges de Numismatique, Bruxelles, 1937-1957, 139p. 42 Des exemplaires très altérés ont été d’ailleurs été conservés sous la même cote (6 J 49) que l’acte de Louis d’Orléans, aux Archives départementales de l’Indre (voir cliché ci-dessous) 43 Pour une présentation de l’Audience du sceau, voir p.71 : « Le travail des scelleurs et des chauffes-cires ». 44 M. FABRE, Op.cit., p.43


36 Etude historique : Définitions et usages courants tradition du scellement ; d’autre part, l’apparition du papier aurait empêché le scellage des actes, ce support étant trop fragile pour supporter le poids d’un sceau. En réalité, quand on se penche sur les archives de l’époque moderne, on constate que le sceau n’a jamais disparu, et qu’il est omniprésent45. Comment expliquer cette divergence entre littérature et état de fait ? Une remarque préliminaire et fondamentale semble s’imposer : parler de sigillographie médiévale et moderne, c’est user d’un système de périodisation. Ce système, bien que commode, ne doit pas effacer les liens de continuité historique. Si les grands inventaires des sceaux rédigés au XIXe et XXe siècles ont pris pour date butoir 1515 (à l’exception du premier catalogue de sceaux, réalisé par Douët d’Arcq46), ce choix ne reflète qu’une volonté de séquençage méthodique. Autrement dit, il n’existe pas de bouleversement brutal des pratiques de scellage. Celles-ci sont soumises à des changements progressifs, infimes, opérant sur plusieurs décennies. La méconnaissance des sceaux modernes a sans doute des origines multiples et complexes. Elle est étroitement liée à l’histoire de l’enseignement de l’histoire et à la naissance de la sigillographie. Cette science, d’abord considérée comme un auxiliaire de l’histoire, s’est considérablement développée au sein de la Section Ancienne des Archives nationales, vers 183047. Elle a donc été étudiée par des historiens médiévistes, beaucoup plus rarement par des historiens de l’époque moderne48. Cette spécificité expliquerait en grande partie la césure entre sigillographie médiévale et sigillographie de l’époque moderne. Néanmoins, depuis les années 1950, on observe un intérêt croissant des historiens pour l’étude des sceaux de la renaissance et de la période moderne49. Cette césure trouve également ses origines dans un contexte plus général : l’intérêt majeur porté au Moyen Age par les historiens du XIXe siècle, laissant l’époque moderne en arrière plan. Les médiévistes s’intéressent aux sceaux et aux images qu’ils portent, comme vecteurs d’idéaux culturels extrêmement puissants : ils représentent l’une des premières sources iconographiques du Moyen Age, avec les enluminures et les sculptures. Ils ont l’avantage d’être précisément datés, et de retracer avec minutie l’histoire des costumes d’apparat, des armes et des attributs guerriers50. A l’inverse, les 45

De même, le parchemin reste le support privilégié des actes importants, dont on souhaitait conserver la mémoire. La résistance physique et chimique de ce support et la puissante corporation des parcheminiers ont e fait reculer l’adoption générale du papier jusqu’au premier tiers du XIX siècle. 46 L. DOUËT D'ARCQ, Inventaire de la collection des sceaux des Archives de l'Empire, Paris, 3 vol., 1863-1866. 47 C. BLANC-RIEHL, Le prémices de la sigillographie française (1830-1880), Bulletin de liaison des sociétés savantes, mars 2007, n°12, p.6 ; C. BLANC-RIEHL, ‘La sigillographie : une science faite pour les historiens de l’Art’, dans Pourquoi les sceaux ? La sigillographie, nouvel enjeu de l’histoire de l’Art, Actes du Colloque de Lille 23-25 octobre 2008, sous la direction de Jean-Luc Chassel et Marc Gil, IRHIS n°46, 2012, p. 127-136 ; Y. METMAN, Op. cit., p. 393-437. 48 Communications orales de monsieur Jean-Luc Chassel et monsieur Clément Blanc. Il n’existe à l’heure actuelle aucune filière d’enseignement de la sigillographie en France, mise à part une spécialité en diplomatique du cursus de l’Ecole des Chartes. 49 Cette ouverture suit de près l’élargissement de la science diplomatique aux archives de l’époque moderne. Dans l’ordre chronologique, on peut citer les articles fondateurs suivants : G. TESSIER, Op. cit., 1951, p.51-95 ; e H. MICHAUD, La grande chancellerie et les écritures royales au XVI siècle (1515-1598), PUF, Paris, 1967, VIII419p. ; M. ANTOINE, Les actes de Henri II, roi de France, Journal des Savants, n°1-2, 1980, p. 157-160 ; B. e e BARBICHE, Op. cit., 1993, p. 359-390 ; VILLELA-PETIT I., Les techniques de moulage des sceaux du XV au XIX siècles, Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, Paris, 1994, tome 152, livraison 2, p. 511-520. 50 R.-H. BAUTIER, ‘Echanges d’influences dans les chancelleries souveraines du Moyen Age, d’après les types e de sceau en majesté’, Comptes-rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belle-lettres, 112 année, n°2, 1968, p. 194


37 Etude historique : Définitions et usages courants sceaux ‘stéréotypés’ de l’époque moderne apparaissent comme des objets vidés de leur sens, fruits d’une administration d’Ancien régime incapable d’abandonner de vieux usages obsolètes. Pourtant, la tradition perdure en Europe jusqu’à l’époque contemporaine : les décisions les plus solennelles de la Ve République sont encore scellées du grand sceau (constitutions, loi sur l’interdiction de la peine de mort, sur la parité entre hommes et femmes). Peut-être faut-il voir dans le désintérêt pour les sceaux modernes une conséquence de notre volonté de retracer, en priorité, les origines de nos propres valeurs contemporaines. Les historiens ont surtout cherché à comprendre le phénomène de diffusion du sceau au Moyen Age. Dans un second temps ils se sont attelé à l’étude du développement de la signature51, un des symboles les plus représentatifs de notre société occidentale en ce sens qu’il cristallise les valeurs d’individualité et de personnalité, fondements de nos idéaux sociaux. Dans ce contexte historiographique, le scellement moderne transmet une image d’archaïsme et de traditionalisme, qui n’a pas su susciter l’intérêt des chercheurs. On verra, avec l’analyse de l’acte de Louis d’Orléans, que la sigillographie moderne éclaire à bien des égards la sigillographie médiévale, et réciproquement.

51

Voir C. JEAY., Pour une histoire de la signature : Du sceau à la signature, histoire des signes de validation en France (XIIIe-XVIe siècle), Thèse de l’Ecole des Chartes, non publié, Paris, 2000 ; B. FRAENKEL, Op.cit., 319p. Dans ces deux études d’une importance majeure, la problématique du sceau de validation moderne n’entrait pas dans le cadre de recherche.


38 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie

2

Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie d’un sceau de validation princier du XVIIIe siècle

Le sceau de Louis d’Orléans est empreint de symboles traditionnels comportant des variantes modernes au niveau du mode de scellement et du choix figuratif. Une remarque importante est nécessaire à sa compréhension : la matrice du sceau de Louis d’Orléans est un objet appartenant à deux époques différentes. La face équestre a été gravée dans la première moitié du XVIIe siècle, très certainement vers 1608-1610 sous le règne d’Henri IV ; à l’inverse, le dos héraldique est une œuvre contemporaine de la Régence, exécutée en 1721. Lors de l’analyse iconographique du sceau, nous devrons garder à l’esprit cette dialectique temporelle52.

2.1

Les éléments traditionnels du grand sceau biface de Louis d’Orléans

Le sceau de Louis d’Orléans se rattache à une tradition pluriséculaire: la tradition princière anglaise du grand-sceau biface. Si ce type de sceau est d’usage courant dans le Royaume d’Angleterre depuis l’époque médiévale, il n’a été que très rarement adopté en France53. Cependant, il réunit plusieurs caractéristiques propres aux grands sceaux princiers, parmi lesquelles on distingue la matière et la couleur, la forme et le module, ainsi que l’emplacement des images. 2.1.1 Une matière : la cire à sceller L’élément fondamental qui caractérise le sceau de Louis d’Orléans est sa matière : la cire à sceller. Elément fondamental, dans le sens où la cire fait partie intégrante de la tradition occidentale, par opposition aux bulles métalliques byzantines ou papales. Une analyse de la cire du sceau, réalisée par le CNEP, a montré qu’aucune résine n’avait été ajoutée54. Cette cire à sceller appartient bien à la tradition européenne du Haut Moyen Age, qui n’ajoutait ni résine ni adjuvant dans la cire à sceller55 pour des raisons pragmatiques et peut-être symboliques56. Au-delà de cette filiation très générale, il

52

Cette dialectique est approfondie p.63 : « La matrice d’argent » Ibid. 54 Sur l’analyse de la cire du sceau de Louis d’Orléans, voir p.80 « Le vieillissement de la cire du sceau de Louis d’Orléans ». 55 M. CAUCHETEUX-CHAVANNES, Les sceaux des rois de France d’Hugues Capet à François premier, thèse dactylographiée de l’Ecole des Chartes, 1962. On observe cependant des sceaux contenant une résine dès le e XIII siècle, notamment dans les sceaux rouge de Charles roi de Sicile. H. SZCZEPANOWSKA, E. FITZHUGH WEST, ‘Fourteenths-century documents of the Knights of St. Johns of Jerusalem : analysis of inks, parchments and seals’, The paper conservator, Vol.23, 1999, p. 26-45 56 La cire est auréolée d’une forte valeur symbolique au Moyen Age, et, dans une moindre mesure, à l’époque moderne : elle est indispensable au luminaire sacré, et est associée métaphoriquement au corps du Christ. Cette symbolique très répandue se double d’une valeur marchande élevée à la fin du Mayen Age, la cire étant très prisée pour ses qualités thérapeutiques, sa bonne combustion et sa rayabilité (mise à profit dans les tablettes de cire). Voir M. ALBERT-LLORCA, ‘Les servantes du Seigneur. L’abeille et ses œuvres’, Terrain, n° 10, p.23-36 ; P. MARCHENAY, L’homme et l’abeille, éditions Berger-Levrault, Paris, 1979, 207p. ; B. BEDOS-REZAK, ‘Une image ontologique : sceau et ressemblance en France préscolastique’, dans Etudes d’histoires offertes à e Jacques Tirion : des premiers temps chrétiens au XX siècle, 2001, p. 39-50 R. COZZI, I sigilli mediovali : composizione e fenomeni di degrado dei « sigilli bianchi », Mémoire de fin d’études, Bern, 7 septembre 2001, 77p. 53


39 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie est intéressant de construire des référentiels d’étude plus appropriés qui permettent une analyse critique du matériau. Louis d’Orléans étant un prince de sang royal, par conséquent le premier référentiel est nécessairement celui des grands sceaux royaux et delphinaux français, depuis le début du XVIIe siècle57. Les grands sceaux verts et les sceaux delphinaux rouges d’Henri IV, de Louis XIII, Louis XIV et Louis XV contiennent une résine en mélange avec de la cire d’abeille58. Le sceau de Louis d’Orléans n’en contenant pas, on n’en déduit que les pratiques en usage à la Grande Chancellerie du roi n’ont pas nécessairement valeur de modèle auprès des chancelleries des ordres royaux. Nous ne sommes pas dans une logique d’imitation. Le second référentiel, plus complexe à établir, est constitué par les sceaux des grandsmaîtres des Ordres royaux de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare depuis 1608 (date de la fondation des Ordres réunis) jusque 1792. Ces empreintes de sceaux conservées sont très rares, et sont souvent en possession de collectionneurs privés. Les titres et preuves de la série M des Archives nationales ont toutefois révélé une empreinte de sceau de Michel Le Tellier de Louvois, datée de 1684. La cire rouge est en tout point identique à celle du sceau de Louis d’Orléans, et ne contient pas de résine59. Par ailleurs, les pièces justificatives du mémoire sur les Ordres réunis rédigé par Gautier de Sibert mentionnent des actes du XVIIe siècle scellés de cire rouge60. Il est donc très probable que les pratiques de scellage dans les Ordres du roi se perpétuent rigoureusement tout au long du XVIIe et XVIIIe siècle. Cette hypothèse est d’autant plus vraisemblable que les protocoles de scellement des grand sceaux étaient très stricts. On peut donc affirmer que les sceaux des Ordres réunis se caractérisent pas une constante matérielle qui leur est propre et qui ne subit pas les aléas des modes et des difficultés d’approvisionnement.

57

Les grands sceaux observés sont conservés aux Archives nationales de France en K961n°66, K1321, K1635, L, 2 884, L943, L957, K119n°21 , k187n°11, K114n°6. Les grands sceaux verts, indiquant la valeur perpétuelle de la lettre patente, contiennent parfois une résine sous le règne de Louis XII ; cet ajout est systématique à partir de 1530, sous l’exercice du chancelier Duprat. Les sceaux non colorés appendus sur les mandements royaux peuvent contenir une résine, une huile dans la masse ou en agent de démoulage, et peut-être même une charge minérale. Les expéditions portant un sceau delphinal rouge, de type équestre, sont en majorité 4 conservées aux Archives de Grenoble (ancien Dauphiné). On a néanmoins pu observer des empreintes en H 2 2965 n°8, K118n°27. 58 Aucune analyse de sceau n’a, à ce jour, été effectuée sur des sceaux royaux français modernes. Cependant, e les sceaux espagnols des grandes chancelleries contiennent systématiquement de la résine à partir du XVI e siècle. Les sceaux anglais n’en contiennent qu’à partir du règne de Georges I (1717-1724). La présence de résine dans les sceaux royaux français du XVIIe siècle n’est donc pas un épiphénomène. A. SERRANO , M.-D. GAYO, E. PARRA, ‘The creation for a database for wax seals from parchment document using the result of th chemical analysis’, 10 triennial meeting of ICOM, Vol.1, Washington DC, USA, 22-27 août 1993, p.37-41 ; A. SERRANO, E. PARRA, ‘Chemical analysis of wax seals and dyed textiles attachment from parchment document: th preliminary investigations’, 9 triennial meeting of ICO, Vol.1, Dresde, 26-31 août 1990, p.62-67 ; D. ROBINS, ‘The Examination of Organics components in Historical Non-Metallic Seals with C-13 Fourier Transformation Nuclear Magnetic Resonance Spectroscopy’, dans Congrès de l’ICOM, Vol.1, Sydney, 1987, p. 87-92 59 Sceau du marquis de Louvois, grand-maître des ordres de Saint-Lazare et de Notre-dame-du-Mont-Carmel, AN, M 419, f°8. 60 G. de SIBERT G., Histoire des Ordres Royaux Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, Imprimerie royale, Paris, 1772, pièce justificative.


40 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie 2.1.2 Couleurs de la cire et des lacs La couleur rouge est une caractéristique majeure du sceau de Louis d’Orléans. Pour saisir le sens accordé à cette couleur, il est nécessaire de souligner un fait marquant : il n’a jamais existé de typologie sémantique de la couleur commune à toutes les chancelleries61. Dans la plupart des organes administratifs, la couleur est affaire de goût, de disponibilité des pigments, d’imitation des chancelleries souveraines, et peut-être même affaire de mode. La chancellerie royale fait exception, et a adopté un système diplomatique de la couleur peu de temps après l’apparition des sceaux colorés, au XIIe siècle62. Dans ce système, les actes à valeur perpétuelle étaient scellés de cire verte, appendue sur lacs de soie rouge et verte ; les ordonnances ordinaires portaient un sceau en cire d’abeille non colorée, couleur ambre à brun ; les lettres pour le Dauphiné étaient marquées d’un sceau rouge. La clarté et la tonalité de la couleur n’avaient aucune importance, seules comptaient le symbole ‘vert’, ‘rouge’ ou ‘naturel’.

Cliché n° 8 : Sceau de Philippe IV le Bel, appendu sur une charte de 1286. Sceau à valeur perpétuelle, en cire verte sur lacs de soie rouge et vert. AN, AE II 293.Archim

Cliché n° 9: Sceau d’Alix de Champagne, appendu sur une charte de 1234. Sceau en cire rouge, lacs de soie rouge et vert. Archim

Le sceau de Louis d’Orléans emprunte au système royal la cire rouge des sceaux delphinaux. En cela, le grand-maître n’est que le suiveur de nombreux princes, ducs et barons qui ont souvent adoptés la cire rouge sur lacs de soie rouge et vert, depuis le XIIIe siècle63. Par ailleurs, l’analyse de la cire à sceller64 a montré que le pigment utilisé pour la coloration de la cire est, selon toutes probabilités, du minium (soit un oxyde de plomb Pb3O4). Ce résultat va à 61

B. BARBICHE, Les institutions de la monarchie française à l’époque moderne, XVI e-XVIIIe siècle, PUF, Paris,

1999, p. 166-169 62 e e J.-L. CHASSEL, ‘L’usage du sceau au XII siècle’, dans Le XII siècle : mutations et renouveau en France dans la e première moitié du XII siècle, Les Cahiers du Léopard d’or n°3, éditions Françoise Gasparri, Paris, 1994, p. 61102 ; M. FABRE, Op. cit., p. 98-99 63 Pour l’époque moderne, le rouge est encore la couleur des grands sceaux seigneuriaux, notamment ceux de Charles, duc de vendômois (AN K954n°29A) et ceux des duc de Lorraine, de Calabre et de Bar (AN J954n°20, J954n°18, J914n°35, J914n°34, J913n°11, J913n°10).


41 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie l’encontre des sources textuelles65, qui évoquent l’emploi de cinabre, vermillon et racine d’orcanette pour la coloration de la cire à sceller. En l’absence de données sur la composition des cires destinées aux différentes chancelleries parisiennes aux XVIIe et XVIIIe siècles, on peut raisonnablement avancer deux hypothèses : soit le minium était utilisé concurremment au cinabre (pigment relativement cher au XVIIIe siècle) et à la racine d’orcanette (très rare), selon les disponibilités du marché et les habitudes de scellage ; soit les rédacteurs des encyclopédies et dictionnaires de l’époque se sont référés à un nombre limité de chancelleries ou de manufactures cirières. Il faut souligner le fait que nous ne savons pas qui ajoutait le pigment à la cire : était-ce le cirier auprès de la chancellerie, ou les ciriers des manufactures ? Des analyses complémentaires sur des séries de sceaux seraient nécessaires pour éclairer cette zone d’ombre de la technologie sigillaire. Le cas des lacs du sceau de Louis d’Orléans est tout aussi riche de sens. Cet emprunt évident au système royal des lacs rouge et vert se double très probablement d’une valeur emblématique, puisque ce sont là les couleurs héraldiques des Ordres réunis: le vert pour Saint-Lazare et le rouge pour Notre-Dame du Mont-Carmel66. Néanmoins, les fils de soie paraissent grossiers et peu fournis, comparés aux flocs de fils retord, très répandus depuis le Moyen Age. Le nœud, assez altéré, se situe à quelques millimètres du bord du parchemin et du sceau. Il correspond vraisemblablement à un nœud simple de marin, contrastant avec le nœud de la chancellerie royale qui, depuis le XIIIe siècle, se présente généralement sous la forme d’un simple passage dans une boucle le long du parchemin67.

64

Voir p.96 : « Le vieillissement de la cire du sceau de Louis d’Orléans ». On peut consulter avec intérêt les articles ‘cire’ et ‘cirier’ dans : A. FURETIERE, Dictionnaire universel, tome 1, chez Arnoult et Reiner Leers, La Haye, 1690, 662p. ; J. SAVARY DES BURSLONS, P.-L. SAVARY, Dictionnaire universel de commerce : contenant tout ce qui concerne le commerce qui se fait dans les quatre parties du e monde, chez les Janson à Waesberge, tome 3, Amsterdam, 1732, 1032p. Les sources de la fin du XVIII siècle se font plus abondantes : J.-E. BERTRAND, Description des Arts et métiers, tome 14, Imprimerie de la société typographique, Neuchâtel, 1780, p.327 ; D. DIDEROT, J. LE ROND D’ALEMBERT, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, Arts et Métiers, tome 3, chez Briasson & al., Paris, p.471 ; J. LE ROND D’ALEMBERT, F. VICQ D’AZUR, Encyclopédie méthodique ou par Ordre des Matières, Arts et mécaniques, tome 1, Vol.8, chez Panckoucke et Plomteux Paris, 1782, p.698 Néanmoins, le Bas Moyen Age connait l’usage du minium pour la coloration de sceaux : H. SZCZEPANOWSKA, E. FITZHUGH WEST, ‘Fourteenths-century documents of the Knights of St. Johns of Jerusalem : analysis of inks, parchments and seals’, The paper conservator, Vol.23, 1999, p. 26-45 66 Des concordances entre couleurs des lacs et couleurs héraldiques des sigillants ont pu être observées à de nombreuses reprises, sans qu’un travail de fond ait encore pu être effectué sur ce sujet. Communication orale de madame Agnès Prévost et monsieur Brunel, de la Section Ancienne des Archives nationales de France 67 e Depuis le XII siècle, les modes de scellement des sceaux pendants sont multiples et connaissent de nombreuses variantes. Cependant, l’espace entre le sceau et le nœud est une constante que l’on retrouve sur la grande majorité des parchemins scellés. E. GARCIN, Contribution au lexique supplémentaire à la base de donnée « Sceaux », rapport à de mission, Centre historique des Archives nationales, Service des Sceaux, non publié, PARIS, 2007, 30p. A. PREVOST, E. GARCIN, Rapport de vacation sur la restauration des lacs textiles, Archives nationales, Section ancienne, Service des Sceau, non publié, Paris, 2007, 23p. 65


42 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie

Cliché n° 10 : Détail des lacs de soie et du noeud, très proche du parchemin et du sceau, vue de face.

Cliché n° 11 Détail des lacs pendant sous le sceau, vue du dos.

2.1.3 Forme et module68 La forme est le troisième élément fondamental d’un sceau. La matrice du sceau de Louis d’Orléans a été gravée de façon à donner une empreinte ronde de 105 millimètres de diamètre (soit 5 pouces précisément, dans le système de mesure en usage à Paris sous l’Ancien Régime69). Ce choix n’est pas anodin : la forme ronde est la forme par excellence du sceau, et la plus ancienne connue en Occident (à l’exception des intailles antiques de forme ovales réutilisées comme sceaux). Les premiers exemplaires de sceau que nous possédons, antérieurs au Xe siècle, sont des sceaux ronds et plaqués sur le parchemin. Cette forme fut choisie par la plupart des sigillants laïcs masculins, rois, princes et nobles, ainsi que les juridictions civiles, de manière pérenne. Les dimensions d’un sceau ne peuvent être étudiées que par rapport au jeu70 de sceaux du même sigillant, ou, à défaut, de sigillants appartenant à une catégorie sociale sensiblement identique, à la même époque. Les inventaires des Archives départementales et nationales de France ne mentionnent pas d’empreintes d’autres sceaux de Louis d’Orléans, qui, en tant que prince, pouvait posséder une série de sceaux (petit sceau ou cachet pour les missives)71. Deux empreintes en cire d’Espagne de son cachet nous sont néanmoins parvenues, apposées sur des lettres d’invitation de 1729. Elles reprennent avec une grande fidélité l’iconographie du dos du sceau de Louis d’Orléans, de type héraldique.

68

Les sigillographes préfèrent le plus souvent employer le terme de module, pour désigner la taille du sceau. Sont pris en considérations : le diamètre du sceau, dans le cas d’un sceau rond ; la longueur maximale et sa normale, dans le cas d’un sceau en navette. 69 Un pouce équivaut à 20,706mm, et une ligne à 2,26mm. G. CABOURDIN, G. VIARD, Lexique historique de e l’Ancien régime, éditions Armand Colin, collection U, 3 édition, Paris, 2005, 333p. 70 e e Au Bas Moyen Age, entre le XIII et le XV siècle, on assiste à une spécification des sceaux en fonction du type d’acte scellé. C’est ainsi que les juristes distinguaient les sceaux authentiques, les sceaux personnels et les signets, qui diffèrent par leur modules, leur iconographie, leur valeur légale et leur destinataire. 71 P. de la LA CROIX GUILIEMAT, Inventaires des Archives de l’Ordre militaire et hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem, 3 tomes, non publié, 1996-2000, 319p. [Exemplaire disponible sur demande au Musée de la légion d’honneur]


43 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie

Cliché n° 12: Deux empreintes du cachet de Louis d'Orléans, apposées sur deux lettres d'invitation imprimées sur papier vergé, datées de 1729. MLH 06788

Les dimensions du grand sceau de Louis d’Orléans sont en réalité celles de la face équestre de la matrice, probablement gravée en 1608 (tout du moins entre 1608 et 1672). Comparée aux exemplaires royaux ou princiers de la même époque, le sceau de Louis d’Orléans à un diamètre important. Le tableau 1 donne, à titre indicatif, les diamètres des grands sceaux royaux :

Sigillant Henri IV (1602) Louis XIII (1610)

Louis XIV Louis XV

Cote AN,K 1321 AN, L943 ; K1635 ; L884 ; L957 AN, K119, n°21 AN,K187, n°11

Diamètre en millimètres 114 110 [premier et deuxième sceau] 118 [troisième et quatrième sceau]

Diamètre en pouces 5,5 5,3 5,7

115

5,55

114

5,5

Tableau 1 : Diamètre des matrices des grands sceaux royaux, d’après Douët d’Arcq

72

Le sceau des Ordres de saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel n’a que 9 millimètres retranchés au sceau d’Henri IV, soit 4 lignes dans le système de mesure alors en usage73. Le grandmaître est donc l’un des premiers en dignité après le roi. Son sceau est plus grand que celui du grand prince de Condé (90 millimètres) ou encore des chanceliers Aligre et Séguier (respectivement 71 et 75 millimètres)74. Il semble par ailleurs que les aristocrates du XVIIIe siècle aient commandé des matrices de modules très importants, si bien que le sceau de Louis d’Orléans suit une tendance générale en Europe75. Loin d’être un hasard de l’histoire, cette évolution reflète un fléchissement des 72 73

L. DOUËT D'ARCQ, Inventaire de la collection des sceaux des Archives de l'Empire, Paris, 3 vol., 1863-1866.

La comparaison des dimensions du sceau doit être faîte avec des empreintes et matrice de la première e décennie du XVII siècle, la face de la matrice des ordres réunis ayant été gravée vers 1608-1610. 74 C. BLANC-RIEHL, ‘Trois prestigieuses acquisitions des Archives nationales : les matrices du chancelier Etienne III d’Aligre et de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie’, Revue française d’héraldique et de sigillographie, tome 76, 2006, p.169-173. Sur les sceaux de Pierre Séguier et Louis de Bourbon prince de Condé, voir les moulages CSAN, D210 et D657. 75 L’observation de l’ensemble des moulages de sceaux classés dans les séries S et D (supplément et Douët d’Arcq) des Archives nationales de France est édifiante sur ce point. Moulages de sceau : CSAN, D.210 ; L.334 ; D.360 ; D.657 ; D.658 ; D.659 ; D.694.


44 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie valeurs du sceau vers l’objet d’art : le sceau se montre et s’expose, reflet des prétentions nobiliaires de la fin de l’Ancien régime.

2.1.4 L’emplacement des images : un sceau biface Le sceau de Louis d’Orléans porte une image de chaque côté de l’empreinte. Ces deux images occupent la totalité de la face et du dos et ont été imprimées en même temps, c’est pourquoi l’on parle de sceau biface. Contrairement aux sceaux contre-scellés, les images de chaque côté d’un sceau biface ont un module identique, une légende propre, un type distinct et une portée diplomatique et sigillaire identique (du moins au Moyen Age)76. Ce mode de scellement puise sans doute ses origines dans l’imitation de la bulle77. L’usage fut adopté au XIe siècle en Angleterre par la haute aristocratie, les princes et les souverains, qui s’y reconnaissent jusqu’à l’époque moderne. Au XVIIIe siècle, cette catégorie de sceau est encore très appréciée des princes anglais qui y font figurer le type équestre sur la face et le type héraldique au dos78. En choisissant une tradition sigillaire étrangère au royaume de France, Henri IV (donateur de la double matrice au marquis de Nérestang, premier grand-maître des Ordres réunis) a imposé une pratique novatrice : le fonctionnement ‘double’ de la matrice est pensé pour une utilisation déterminée, dont le principe repose sur une complémentarité et une importance égale de chaque image. Une matrice avec contre-sceau n’aurait pas permis cette équité sémiotique. Une étude plus approfondie des témoignages laissés sur ce sceau, au XVIIe et XVIIIe siècles, montre que l’emplacement des images n’implique pas une unité sémiotique. Dans les faits, il existait un sceau pour les Ordres (de type équestre), et un sceau pour le grand-maître (de type héraldique), sous forme de deux matrices79. L’une représentait une personne morale, l’autre une personne physique. L’une était anonyme et intemporelle, l’autre nominative et datée (date de nomination à la grande-maîtrise). L’empreinte biface résultant de l’assemblage de ces deux matrices n’altère pas l’essence de chaque image. Elles sont pourtant indissociables, puisque l’une n’est jamais scellée sans l’autre. L’analyse iconographique du sceau de Louis d’Orléans et l’analyse diplomatique de la charte doivent donc permettre de saisir la nature du lien qui les unit.

2.2

L’iconographie de la face du sceau : le type équestre de guerre

En 1721, quand Louis d’Orléans a recueilli la charge de grand-maître des ordres de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, il a hérité d’une moitié de matrice de sceau. Cette face de type équestre80, alors vieille de plus d’un siècle, emprunte à la tradition sigillographique ses canons les 76

B. BEDOS-REZAK, ‘L’emploi des contre-sceaux au Moyen Age : l’exemple de la sigillographie urbaine’, dans Bibliothèque de l’école des chartes, 138, 1980, p. 161-178 77 Le premier sceau biface qui nous soit parvenu n’est autre que celui d’Edouard le confesseur, roi d’Angleterre, en 1059. M. FABRE, Op. cit., p.110-112. 78 En témoignent les sceaux des princes du Brabant, des ducs de Lorraine ou encore des princes de Condé. R. LAURENT, Les sceaux des princes territoriaux belges de 1482 à 1794, Bruxelles : Archives générales du royaume, (Archives générales du royaume et Archives de l’Etat dans les provinces, Studia 70), Bruxelles, 1997, 95p. et 134 planches hors texte. 79 Ce point est approfondi p. 45 : «La face du sceau de Louis d’Orléans : sources et valeurs ». 80 Le type équestre de guerre, auquel appartient la face du sceau de louis d’Orléans, a été adopté par les e princes, ducs, comtes et chevaliers au tournant du XII siècle. Entre tous les sceaux princiers, il est resté celui


45 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie plus illustres : un chevalier en armure tourné vers la droite, armé d’une épée et d’un bouclier, chevauche un destrier revêtu d’une housse, effectuant une courbette81. L’image occupe un espace circulaire, appelé champ du sceau, entouré d’une légende disposée sur deux lignes. L’équipement du cavalier et de son étalon réunit différentes parties de harnois82 royaux ou princiers du XVe au début du XVIIe siècle. Leur posture est celle des sceaux équestres du XIIe siècle. Le chevalier porte une armure complète (et non une demie armure), bien que cette protection soit de plus en plus rarement utilisée au cours de la première moitié du XVIIe siècle83. L’armet surmonté d’un panache laisse le visage dégagé : il est typique des sceaux équestres du XVe et XVIe siècles84. La cuirasse (ou plastron) est couverte d’un tissu cousu de la croix de Saint-Lazare. Une cape flottant au vent recouvre l’épaulière gauche, pour ainsi laisser la défense de bras dégagée. La partie inférieure du corps est intégralement protégée par des garde-reins, cuissards et genouillères. Des bottes à éperons, dont l’usage s’est répandu à cette époque, viennent probablement parfaire cet équipement85. Le cavalier brandit une fine épée caractérisée par une garde en forme de « S », apparue au XVe siècle et encore visible sur les épées d’apparat sous le règne d’Henri IV86. Soulignons enfin le port d’un bouclier en forme d’écu, dont la face reste cachée. Le cheval, moins protégé, est paré d’une scelle composée d’un troussequin et d’un haut pommeau, en partie cachés par les garde-reins du cavalier87. Un tapis de selle bourrelé, brodé et garni de galons protège les flancs. Les étrivières, rattachées à un piquet métallique fixé sur le pommeau de l’arçon, dépassent du tapis de scelle. Elles reposent sur une somptueuse housse couvrant le poitrail depuis la croupe jusqu’à l’encolure. Une croupière en lanière de cuir la retient et l’empêche de glisser vers l’avant. La housse, brodée en registres séparés par des filets et des rangées de grenetis, offre un programme iconographique intéressant : aux feuilles trilobées succèdent des des décisions les plus solennelles. Il s’est décliné selon plusieurs sous-catégories, participant de la représentation sociale du sigillant : type équestre de guerre, de chasse, de tournoi, d’apparat et municipal.. 81 La housse est ‘une couverture attachée à la selle et qui couvre la croupe du cheval’. La courbette est une ‘figure dans laquelle de cheval lève et fléchit les deux membres antérieurs sous le ventre’ (Le Nouveau Petit Robert de la langue française 2007). 82 Le harnois, ou harnais, est l’équipement complet d’un homme de d’armes’(Le Nouveau Petit Robert de la langue française 2007). La demi-armure se compose d’un plastron et d’une défense de bras. L’armet est un e casque fermé, utilisé aux XIV et XV siècles. 83 Sur l’équipement militaire, on peut consulter : [COLLECTIF], Sous l’égide de Mars, Armures des princes d’Europe, catalogue de l’exposition du musée de l’Armée du 16 mars au 26 juin 2011, éditions Aurore de Neuville, Paris, 2011, 381p ; J.-P. REVERSEAU, Armes et armures de la couronne au musée de l’armée, édition Faton, Dijon, 2004, 341p. 84 Voir note 75, p.42. Les princes de l’époque moderne ont majoritairement choisi un armet panaché, vu de profil, beaucoup plus rarement de face. 85 Les solerets (équipement des pieds) ont été progressivement délaissés pour des bottes en cuir, surmontées e d’éperons, dans la première moitié du XVII siècle. L’abrasion des reliefs du sceau, ainsi que celle des moulages des archives nationales, ne permet pas cependant pas d’affirmer que la cavalier porte des bottes. 86 [COLLECTIF], L’épée, Usages, mythes et symboles, catalogue de l’exposition du Musée de Cluny du 28 avril-26 septembre 2011, éditions RMN-Grand-Palais, Paris, 143p. 87 C.-H. TAVARD, L’habit du cheval, selle et bride, éditions Office du livre, Fribourg, 1975, 296p. ;D. DIDEROT, J. D’ALEMBERT, Art du cheval, Recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux et les arts mécaniques, avec leur explication, réédition Inter-livre, Bibliothèque de l’Image, Paris, 2003, 112p. Le troussequin est la partie arrière relevée de l’arçon de selle, tandis que pommeau est la partie avant. Troussequin et pommeau forment l’arçon. Les étrivières sont les sangles par lesquelles les étriers sont suspendus.


46 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie rangs de gemmes, encadrant une large bande centrale. Sur cette bande, des fleurs de lys alternent avec des croix de Saint-Lazare à bout carré, entremêlées de rinceaux. Notons enfin que les pattes arrière du cheval reposent sur une motte de terre, symbole des possessions foncières si chères aux Ordres réunis. L’ensemble complexe de cet équipement ne s’écarte pas des modes de représentation équestres en usage sous le règne d’Henri IV. A titre d’exemple, le portrait équestre d’Henri IV chevauchant en grand-costume d’apparat de l’Ordre du Saint-Esprit, conservé au musée du château de Chantilly, offre plusieurs éléments de comparaison : la housse de cheval est également brodée de fils d’or ; les bandes verticales semées de fleur de lys, héritée du XVIe siècle, sont encadrées de bandes de rinceaux et motifs géométriques séparés par des grenetis. La longue épée, avec une garde en forme de « S », est partiellement cachée par la cape du souverain. Un bas-relief exécuté par Mathieu Jacquet, représentant d’Henri IV à cheval, met à contribution des motifs décoratifs similaires à ceux présents sur le sceau : les rinceaux qui ornent l’armure, le manteau et le tapis de selle sont un héritage de la seconde école de Fontainebleau. La cape nouée sur l’épaule, flottant au vent en un double drapé, est identique à celle du cavalier du sceau. Enfin, les bottes, les éperons, les mors et les arçons sont extrêmement proches de ceux décrits plus haut. Si l’attirail du cavalier rend compte d’usages encore vivants vers 1608, il est tout à fait obsolète sous la Régence. Cependant, malgré une importante production picturale et sculpturale de portraits équestres royaux et princiers, l’iconographie des sceaux a peu évolué au XVIIe et XVIIIe siècles. L’observation rapprochée des sceaux de type équestre de guerre postérieurs à 1608 (date de la fondation des Ordres réunis) met en lumière l’utilisation récurrente d’un poncif. L’interprétation de l’iconographie du sceau de Louis d’Orléans en est d’autant plus délicate.

Cliché n° 13: N. De Launay, 1771, burin et eau-forte. Illustration en tête de l’édition de Gautier de Sibert, chapitre ‘Première Epoque’. La croisade est le mythe fondateur des Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre dame-du Mont-Carmel.

2.2.1

Cliché n° 14: Détail du cliché n°15. Le principal chevalier est dans la même posture que celle du cavalier du sceau de Louis d'Orléans (inversée après tirage de la plaque de gravure). Le motif est un e poncif au XVIII siècle.

La face du sceau de Louis d’Orléans : sources et valeurs

La description de la face du sceau des Ordres réunis ne permet pas de tenter, à elle seule, une interprétation historique. L’analyse des sources iconographiques et textuelles est nécessaire. A de rares exceptions près, les sceaux anciens des Ordres ont disparu ; les archives des Ordres, elles,


47 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie ont été pour partie détruites sous la Révolution et le Second-Empire. Dispersées entre Archives nationales, Bibliothèque nationale de France (site Richelieu et site de l’Arsenal), Musée de la Légion d’honneur, Archives départementales et collectionneurs privés, elles ne sont plus que les épaves d’un passé prestigieux. Cet éclatement limite considérablement les possibilités de travail de recherche sur l’iconographie du sceau de Louis d’Orléans. Cependant, les données textuelles fournies par des témoins consciencieux dessinent en filigrane les traces des anciens sceaux des Ordres réunis. Le premier sceau des Ordres réunis donné par Henri IV en 1608 est décrit par Claude de Guénégaud88, puis Gautier de Sibert89 : « […] d’ailleurs on voit dans le sceau rétabli par Philibert de Nérestang, que l’on conserva pour l’Ordre, le cavalier armé auquel on joignit les armes de grandmaître »90 « L’union des deux ordres exigeait un nouveau sceau, celui qu’Henri IV remit à Philibert de Nérestang représente un Cavalier armé de toute pièces, le bouclier à la main gauche et l’épée nue à la main droite, monté sur un cheval sautant, la housse parsemée de croix & de fleur de lys, avec cette légende : Sigilli Ordinis et militiae beate Mariae Virginis de Monte-Carmelo & Sancti Lazari in ierusalem. Outre ce sceau de l’Ordre, le roi donna au marquis de Nérestang un autre sceau, qui était celui du grand-maître, portant les armes de Nérestang, […], avec cette inscription : Philbertus de Nerestang, Magnus magister Ordin. & Milit. B. Mariae ; Virginis de Mont-Carmel & S. Lazari in ierusal. 1608. »91 Une médaille dessinée par Le Clerc et vraisemblablement frappée en 1672 par Michel le Tellier est intéressante à plus d’un titre92. Sa représentation fidèle au ‘sceau ancien des Ordres’ réitère une volonté figurative émanant du roi93. La légende de cette médaille est une glorification de la personne souveraine à travers ses bienfaits pour les Ordres. Par ailleurs, on a conservé une empreinte du sceau biface de Michel le Tellier, grand-maître des Ordres réunis, datée de 1684, dont la face est identique à celle du sceau de Louis d’Orléans. La typographie de la légende du dos de ce sceau est différente de celle de la face, ce qui indique une gravure postérieure à 1608-1610. Le dos héraldique de la matrice du marquis de Dangeau, probablement en possession de collectionneurs privés depuis le XIXe siècle, a été moulé par Depaulis. Que nous apprennent ces témoignages ? D’une part, que la face de la matrice du sceau de Louis d’Orléans est antérieure à 1672. La probabilité que la matrice équestre donnée par Henri IV au 88

C. de GUENEGAUD, Histoire de l’Ordre hospitalier de saint-Lazare de Jérusalem et de l’Ordre régulier et militaire de Notre-Dame du Mont-Carme. AN, M41n°3 et BNF, Fr.24 967 89 G. de SIBERT, Histoire des Ordres royaux, hospitaliers-militaires de Notre-Dame du Mont-Carmel et de SaintLazare de Jérusalem, Imprimerie royale, Paris, 1772, 514p. 90 Ibid., p.189 91 Ibid., p.177-178 92 Médaille reproduite dans : J. JACQUIOT, Médailles et jetons de Louis XIV d’après le Ms. De Londres Ad.31908, 4 vol., Imprimerie nationales et Librairie Klincksieck, Paris, 1970, CLIX-1002p ; B. SEVESTRE, La symbolique de Louvois dans la cour royale des Invalides, Histoire, économie et société, vol.15, n°15-1, 1996, p169-176. 93 Ibid.


48 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie marquis de Nérestang se soit transmise de grand-maître à grand-maître est très élevée. On peut raisonnablement exclure l’hypothèse d’une taille contemporaine à celle de la médaille de 1672, puisqu’à cette date le sceau est déjà ‘ancien’94. Le témoignage de Guénégaud, de Gautier de Sibert et de Le Clerc corroborent l’hypothèse d’une gravure vers 1608-1610. Par ailleurs, le choix iconographique est polysémique. Il fait revivre un mythe ancien, à la frontière de l’histoire et de l’idéologie de l’Etat moderne : le mythe fondateur des croisades. La légende de la médaille réitère cette volonté monarchique de relever des Ordres anciens, par un emploi renouvelé des symboles de la féodalité. Création motivée par un contexte monarchique troublé –celui de la conversion d’Henri IV au catholicisme-cette matrice se double d’une aura politique, dont nous verrons plus loin les visées95.

2.3

Le dos du sceau : croisements héraldiques et querelles iconographiques

Contrairement à la face, le dos du sceau est de type héraldique et a été gravé sous la Régence, en 1720. Chaque détail iconographique a ici son importance, et tient lieu d’emblème. L’analyse méthodique de ces emblèmes rend compte du caractère polémique du sceau de Louis d’Orléans. Le choix iconographique s’inscrit au cœur d’un débat politique sur la représentation des Ordres royaux, débat qui se cristallise entre 1719 et 1721. Une armoirie se lisant en strates feuilletées, en partant du fond vers la surface96, nous nous intéresserons d’abord au manteau du fond, puis à la grande croix de Saint-Lazare et au collier (figurés sur un même plan), pour finir par le blason97 central. 2.3.1 Le manteau des Ordres : une réminiscence cérémonielle Le grand manteau couvrant le champ du sceau fait office de support encadrant croix, blason et collier. Il est l’apanage du grand-maître des Ordres réunis, et sa présente offre au regard l’un des emblèmes les plus prestigieux des cérémonies de réception des chevaliers. Représenté par Hyacinthe Rigaud en 170298, et par Antoine Perey99, le manteau devait être la ‘pièce maîtresse’ de la cérémonie du serment de Dangeau, le 18 décembre 1695. Il était fait ‘des même étoffes et couleurs que les chevaliers […] chargé de doubles SS et de doubles MM [sic] pour expliquer les patrons des deux ordres, de fleurs de lis, de croix de chevaliers et de trophées, le tout en broderie d’or et d’argent’100. Puisant aux sources d’inspiration multiples, Dangeau fit ajouter une broderie représentant le collier 94

Malgré nos recherches, nous n’avons pas retrouvé d’empreinte du grand sceau des Ordres scellée entre 1610 et 1672. Apposées sur les expéditions des actes, elles ont probablement été conservées dans des chartriers privés, parfois donnés aux Archives départementales (série J). 95 Voir p.55 :« La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la régence » 96 Sur la lecture discursive feuilletée des blasons : M. PASTOUREAU, L’art héraldique, éditions du Seuil, Milan, 2009, p.131-137. 97 D’une manière générale, le blason désigne l’ ’ensemble des signes distinctifs et emblèmes d’une famille noble, d’une collectivité’ (Le Nouveau Petit Robert 2007). Dans un champ plus restreint, il désigne l’écu aux armes d’une famille ou d’une collectivité. 98 Hyacinthe Rigaud, Portrait de Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, en costume de grand maître des ordres réunis de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare, peinture à l’huile sur toile, 1702, Château de Versailles et Trianon, MV3970. 99 Antoine Perey, Louis XIV reçoit le serment de Dangeau, 18 décembre 1695, peinture à l’huile sur toile, Musée de Versailles et du Trianon, MV 164. 100 AN M41 pièce 3, op.cit., p.290


49 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie des Ordres orné des monogrammes SL et MA, sur le bord du manteau-cape101. Imitation de l’Ordre du Saint-Esprit, cet ajout (dont Dangeau était chevalier) souligne le caractère éminemment royal de la fondation et de la prospérité des Ordres réunis102. Symboliquement, sur le sceau, il crée un succédané du dais royal, sous lequel les rois tenaient leur lit de justice. La dimension religieuse n’est pas absente de ce choix iconographique, le manteau-dais rappelant la souveraineté du Christ.

1 2

3

4 5

Cliché n° 15 : Frontpice du Recueil de plusieurs privilèges des Ordres Roïaux Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, anonyme, chez Louis Denis Delatour et Pierre Simon, Paris, 1722, [s.p]. En 1 : manteau ; 2 : grande croix ; 3 : collier ; 4 armes des Ordres réunis ; 5 : armes de la maison d’Orléans.

2.3.2 La croix de Saint-Lazare Sur le manteau, figure la grande croix des Ordres réunis. Tout au long du XVIIe siècle, cette croix devait réveiller l’animosité des chevaliers de justice, non seulement au sein des Ordres de SaintLazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, mais aussi parmi les chevaliers de l’Ordre du Saint Esprit. Cette querelle culmina en 1720, précisément au moment de l’intronisation de Louis d’Orléans. Pour saisir la teneur de la controverse, il faut remonter aux sources iconographiques de la croix, ou plutôt des croix puisque nous en comptons trois : celle de Saint-Lazare, celle de Notre-Dame du MontCarmel et celle de l’Ordre du Saint-Esprit103.

101

L. WODEY-COUTURAUD, ‘Le collier des Ordres réunis de Notre-Dame du Mont-Carmel et de saint-Lazare de Jérusalem’, dans Histoire et Archives, revue semestrielle de la Société des Amis des Archives de France, n°4, éditions Champions, Paris, juillet-décembre 1998, p.14-15 102 Ibid. 103 L. WODEY-COUTURAUD, op.cit, p.8-10


50 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie A l’origine, la croix de Saint-Lazare était un simple signe distinctif des croisés en Palestine. Les chevaliers cousaient une croix d’étoffe de sinople (verte) sur le côté gauche de leur manteau et sur le devant de leur robe ou de leur cotte d’arme. Cette coutume fut érigée en règle en 1314 par Siegfried de Flatte, commandeur de Séedorf104. La croix était alors grecque ou latine, mais toujours à bout carré. Ce n’est qu’à la fin du XVe siècle qu’apparut la croix pattée.

Figure 1: Croix pattée de Saint-Lazare e à la fin du XV siècle

Figure 2: Croix des Ordres réunis de Saint-Lazare et de Saint-Jean de Jérusalem, en 1557

Figure 3: Croix des Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, en 1608.

Un évènement bouleversa alors l’organisation de l’Ordre : en 1489, une bulle d’Innocent VIII réunit l’Ordre de Saint-Lazare à celui de Saint-Jean de Jérusalem. Désormais, les chevaliers devaient porter les croix des deux Ordres. Par souci de simplicité et de raffinement, on fit fusionner les deux croix (1557) : la croix verte de Saint-Lazare se superposa à la croix blanche de Saint-Jean. En 1608, quand l’Ordre de Saint-Lazare s’unit avec l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel, la croix fut écartelée aux couleurs des deux Ordres : violet-pourpre pour Notre-Dame du Mont-Carmel, vert pour Saint-Lazare, avec une bordure blanche. La bordure blanche, souvenir de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, encadrait l’ensemble de la croix. C’est cette croix qui a été représentée sur le sceau de Louis d’Orléans, grâce au code des hachures conventionnelles codifiant les couleurs. Revenons à la controverse du XVIIe siècle : les chevaliers des Ordres réunis eurent tendance à élargir la bordure blanche, ce qui rendait possible la confusion avec la croix du très prestigieux Ordre du Saint-Esprit105. Les chevaliers du Saint-Esprit tinrent chapitre en 1619, et décidèrent de mener l’action en justice106. Ils s’en remirent au roi. La décision de Louis XIII fut sans doute lettre morte, puisque le conflit s’envenima tout au long du XVIIe siècle. Les tensions atteignirent leur paroxysme en 1720, lors de l’enterrement du grand-maître des Ordres réunis, le marquis de Dangeau. Les chevaliers du Saint-Esprit s’en prirent durement aux chevaliers des Ordres réunis, autour du catafalque qui portait une croix trop blanche à leur goût107. Louis d’Orléans, successeur du marquis de Dangeau, tenta visiblement d’apaiser les esprits : sur son sceau, la bordure de la croix est très mince, sans ostentation. Notons que cette bordure est beaucoup plus fine que celle de la croix présente sur le sceau du marquis de Dangeau. Ce choix va dans les sens de la politique de Louis d’Orléans, plus enclin à la paix et au consensus que tous les grands-maîtres du XVIIe siècle.

104

Ibid. Le manteau de Dangeau imitait également cet Ordre très prestigieux. Remarquons qu’en 1721, il n’existait pas encore de règle géométrique pour mesurer la largeur de telle bordure. P. MENESTRIER, Nouvelle méthode raisonnée du blason ou de l’art héraldique, chez Pierre Bruiset Ponthus, Lyon, 1770, 619p. 106 G. de SIBERT, Op. cit., p. 376 107 G. de SIBERT, Op. cit., p.378 105


51 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie 2.3.3 Le collier de Saint-Lazare Au revers du sceau, le blason et la croix sont entourés du collier des Ordres réunis. Cet ornement est également brodé sur le bord du manteau. Contrairement à l’usage en vigueur dans les autres Ordres religieux, le collier est apparu tardivement, au milieu du XVIIe siècle, et ne fut jamais véritablement admis par le Roi avant 1779. Il était très rarement porté par les chevaliers, et servait d’ornement extérieur aux armoiries108.

Cliché n° 16: Collier des Ordres réunis de SaintLazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, ayant e appartenu au comte de Bellegarde, fin du XVIII siècle. MLH, dépôt de l’ambassadeur Antonio Benedetto Spada, 2008 inv. 598

Le premier modèle connu se présente sous forme d’un chapelet de perles noires alternées des monogrammes SL et MA et de palmes croisées, disposés tous les cinq grains. Les lettres entrecroisées « SL » représentaient « Saint-Lazare », et « MA » « Maria ». Les palmes sont des éléments ornementaux autant que symboliques –on pense notamment aux rameaux de l’Ecriture, lors de l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem et aux palmes des martyres. Le sceau de Louis d’Orléans représente fidèlement ce collier, à une nuance près : les cinq perles intermédiaires ont été réduites au nombre de trois, sans doute pour des raisons esthétiques. En bas du collier pend en sautoir la médaille des Ordres réunis, retenue par une petite chaine à deux maillons. Cette médaille reprend en miniature la croix des Ordres, cantonnée de quatre fleurs de lys et surmontée d’un médaillon où devait figurer la vierge Marie à mi-corps tenant son fils109.

108

Communication orale de Madame Wodey-Couturaud, conservatrice du Musée de la Légion d’honneur. L. WODEY-COUTURAUD, ‘Le collier des Ordres réunis de Notre-Dame du Mont-Carmel et de saint-Lazare de Jérusalem’, Histoire et Archives, revue semestrielle de la Société des Amis des Archives de France, n°4, éditions Champions, Paris, juillet-décembre 1998, p.7-30 109 Description donnée par l’héraldiste Palliot en 1660, reprenant les directives du pape Paul V, fondateur de l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel. Cité dans G. de SIBERT, Op. cit., p. 376


52 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie

2.3.4 Présentation iconographique du blason : un jeu de préséance Au revers du sceau de Louis d’Orléans figurent les armes des Ordres de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, écartelées110 avec celles de la maison d’Orléans111. Ce blason surmonte la grande croix, le collier et le manteau précédemment décrit. Louis étant l’aîné de la maison d’Orléans, il a adopté le blason familial aux « trois fleurs d’or sur fond d’Azur », soit trois fleurs de lys brisé d’un lambel d’or, sur fond bleu. Ses armes sont placées dans les quartiers I et IV du blason (soit en haut à droite et en bas à gauche). Les Ordres réunis portent les armes « d’une croix écartelée du sinople et d’amarante à la bordure blanche, sur fond blanc » (soit une croix verte et pourpre-violet bordée de blanc, sur fond blanc) disposée dans les quartiers II et III (soit en haut à droite et en bas à gauche). Le blason est cantonné de quatre fleurs de lys, comme l’avait prescrit le pape Paul V à la fondation de l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel112. Les sceaux ont un inconvénient intrinsèque et majeur: celui de ne pas pouvoir reproduire les couleurs des blasons. Pour pallier ce problème, les graveurs de sceaux ont emprunté aux graveurs d’estampes un code de représentation des couleurs apparu au cours du XVIIe siècle : à chaque orientation de hachures correspond une couleur héraldique113. C’est ainsi que le graveur du sceau de Louis d’Orléans a hachuré horizontalement le fond des quartiers I et IV, pour symboliser le bleu [azur], comme sur les gravures contemporaines des armes du grand-maître. L’emplacement des armes dans les quartiers n’est pas arbitraire. A y regarder de plus près, ce choix répond à une volonté politique qui va bien au-delà de la simple règle héraldique. En effet, depuis le XIIIe siècle114, un principe héraldique veut que l’écartèlement des blasons soit un moyen d’exprimer la parenté ou les alliances, ou encore d’affirmer certaines prétentions sociales, voire territoriales. La place d’honneur est réservée aux quartiers I et IV. Il semble que les chevaliers des Ordres réunis aient écartelé leur blason dès la fin du XVIe siècle, peut-être même dès le XIVe siècle,

110

Par « écartelé », les héraldistes désignent un blason partagé en quatre quartiers égaux. « Briser un blason » signifie que l’on ajoute un élément emblématique pour le distinguer, par exemple, du blason de la branche ainée d’une famille. 111 Le vocabulaire d’héraldique étant extrêmement complexe, nous faciliterons la description du sceau en se référant de préférence à des termes plus simples, suivis du nom héraldique en italique entre crochet. 112 Bulle datée du 16 février 1607. P. HEYLOT P., Histoire des Ordres monastiques, religieux & militaires, et des congrégations, … chez Coignart, Paris, 1721 (première édition : 1715), p. 387 ; G. de SIBERT, Histoire des Ordres royaux, hospitaliers-militaires de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, Imprimerie royale, Paris, 1778 pièce justificative n° 33, p. lxxiv. 113 G. AUDOUIN, L’art héraldique, édition Mémoire & Documents, Versailles, 2005, 254p. Ce système de hachure a été mis au pont par le père jésuite Silvestro Pietra Santa dans son ouvrage Tesserae Gentilitiae publié e e à Rome en 1638 (pages 59-60) ; M. PASTOUREAU, ‘La couleur en noir et blanc (XV -XVIII siècle)’, dans Le livre et l’historien, sous la dir de F. BARBIER & al., édition DROZ, 1997, pp.197-213, 817p. Ce système a notamment été employé pour les armes de Louis d’Orléans gravées sur la vignette du frontispice du Recueil de plusieurs privilèges des Ordres Roïaux Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, chez Louis Denis Delatour et Pierre Simon, Paris, 1722 [s.p] [anonyme]. 114 L’écartèlement a visiblement été utilisé pour la première fois dans les années 1230 : les rois de Castilles et de Léon associent alors dans un même blason les armoiries des deux royaumes. M. PASTOUREAU, L’art héraldique, éditions du Seuil, 2009, p.131-132


53 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie mais aucune source ne vient appuyer cette hypothèse115. De 1608 à 1792, les grand-maîtres des Ordres réunis ont tous écartelé leur blason, mais de manière sensiblement différente.

Cliché n° 17 : A droite, sceau de Michel le Tellier, grand-maître de 1685 à 1695 ; au gauche, moulage du sceau du marquis de Dangeau, grand-maître de 1695 à 1720. AN, M 419, f°8 ; AN, Depaulis 8661

Là est le cœur du débat politique qui agite les esprits au début du XVIIIe siècle : quelle place accorder aux armoiries d’un grand maître de lignée royale, par rapport aux armoiries des Ordres ? Jusqu’alors, le problème ne s’était pas posé, puisque les grand-maîtres n’appartenaient pas à la maison royale116. Louis d’Orléans est le premier à écarteler les fleurs de lys avec la croix verte et blanche des Ordres. Or, sur son sceau, la place d’honneur est encore donnée à la croix de SaintLazare dans les quartiers I et IV, comme l’avaient fait ses prédécesseurs. Un tel affront aux armes de France n’a pas manqué de soulever des mécontentements de toutes parts, si bien que les successeurs de Louis d’Orléans à la grande-maîtrise des Ordres se gardèrent bien de commettre la même erreur : le duc de Berry et le comte de Provence inversèrent respectueusement les quartiers, l’honneur des armes de France était sauf (Cf. Cliché n°18)117.

115

e

Les premières sources figurées de blasons écartelés avec les armoirie des Ordres est datée de la fin du XVI siècle : il s’agit du sceau du commandeur de Séedorf et du blason du grand maître Salviati. 116 Les grands-maîtres des Ordres réunis, depuis 1608, comptent la longue dynastie des Nerestang, Louvois et Dangeau. 117 H.-M. de LANGLE, J.-L. de TREOURRET de KERSTRAT, Les Ordres de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notree e Dame du Mont-Carmel aux XVII et XVIII siècles, Collection S.R.H.N, 1992, p. 51-54 ; G. de SIBERT, Op.cit., p.378-383


54 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie

Cliché n° 18: Benjamin Duvivier, jeton en argent aux armes de France et des Ordres réunis, 1773. 73 mm de diamètre, vente aux enchères Piasa.

La richesse de cette iconographie appelle une remarque : l’orfèvre a joué sur les différentes échelles de représentation, en reprenant en miniature les motifs principaux. La grande croix de Saint -Lazare est reprise sur la petite médaille ; le grand collier est doublé d’un petit modèle sur le dais ; les monogrammes SL, MA et les palmes sont repris et dispersés sur le champ du sceau. Cette virtuosité est remarquable ; elle ne peut être le fruit que d’un graveur aguerri. Nous tenterons plus loin d’identifier cet orfèvre118.

2.4

La légende du sceau de Louis d’Orléans

2.4.1 De la tradition au changement typographique La légende du sceau, rédigée en latin, est disposée sur deux lignes. Sur la face, cette légende est séparée du champ par un filet, tandis qu’un rang de grenetis cloisonne les deux lignes. Au dos du sceau, seul le léger rebord du manteau vient limiter l’espace réservé à la légende. Le texte de la face, impersonnel, diffère de celui du dos, nominatif : [Face, gravée en 1608 ?] SIGILLUM ORDINIS ET MILITARIS MARIAE VIRGINIS DE MONTE /CARMELO ET SANCTI LASARI IN IERUSALEM [Dos, gravée en 1720] LVD AURELIANENSIS DUX CARNVTENSIS . PRIMVS REGII SANGUINIS PRINCEPS . MAG MAGIST ORD / ET MILIT . BEATE MARIA VIRG . DE MONTE CARMELO ET S . LAZARI IN IERUSALEM 1721 Le fait que la légende soit en latin n’est pas surprenant : dès l’apparition des premiers sceaux de validation119, la chancellerie royale avait choisi la langue du droit romain. Les termes choisis par Louis d’Orléans suivent la tradition sigillographique : le mot « SIGILLUM », précédé de trois étoiles

118

Voir p.63 : « La matrice d’argent » G. DEMAY, ‘La paléographie des sceaux de la Normandie, avec une liste alphabétique des mots abrégés’, dans Inventaire des sceaux de la Normandie, Imprimerie Nationale, Paris, 1881, p. III-XVIL ; M. FABRE, Op. cit., p.155-157. 119


55 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie sur l’axe supérieur, indique le début de la légende. Suivent, au dos, la nomination du sigillant et ses fonctions au sein de l’ordre de Saint Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel. La disposition et la typographie sont propres à l’époque moderne : si les légendes sur deux lignes sont relativement rares dans le corpus sigillographique médiéval français120, elles se multiplient sur les rares grands sceaux gravés à partir de 1550. Cette évolution reflète sans doute une attention croissante portée à la monstration des titres nobiliaires. Les deux orfèvres du sceau de Louis d’Orléans ont usé différemment du système d’abréviation : tandis que le graveur de la face a retranscrit l’intégralité des termes largement séparés, la légende du dos compte plusieurs abréviations par suspension, généralement indiquées par des points. En comparant les lettres de la légende les moins altérées, nous observons plusieurs similitudes de formes indiquant une frappe au poinçon, couramment en usage dans la corporation121. Le relevé des caractères met en évidence des variantes typographiques importantes : au Garamond de la face, s’oppose le Romain du Roi du dos du sceau. Le choix des majuscules « Romains du Roi » suscite notre attention. Et pour cause : en 1720, cette typographie destinée à l’imprimerie était vieille d’à peine vingt ans. Créée sous l’impulsion de Louis XIV et inventée par Grandjean pour remplacer les plombs d’imprimerie de type Garamond, le Romain du Roi fut très tôt utilisé par les graveurs de médailles et les imprimeurs royaux. Les bénéfices de cette création ne furent pas négligeables : le romain du Roi facilitait le contrôle des ouvrages et textes ayant reçu l’approbation du roi, au moyen d’une instrumentisation des procédés typographiques. Ainsi, l’imprimerie nationale en a fait usage tout au long du XVIIIe siècle. Elle a tenté de l’imposer pour la diffusion de tous les documents à caractère officiel, assignats compris. S’il est délicat de prêter au graveur de sceau de Louis d’Orléans une intention politique particulière, du moins peut-on penser qu’il a repris à son compte une riche idée : transposer les caractères d’imprimerie officiels dans un objet qui vise à authentifier des actes : le sceau d’un prince. Dans l’état actuel des recherches sur les sceaux de l’époque moderne, il est impossible d’évaluer la nature de la relation entre choix typographique et légende de sceau. Néanmoins, le sceau de louis d’Orléans nous amène à formuler une question essentielle: la typographie des sceaux royaux participe-t-elle à l’authentification des empreintes souveraines? Et, par voie de conséquence : la diffusion des sceaux rend-elle compte d’une volonté étatique d’uniformisation des caractères typographiques, au-delà

120

Dès le Haut Moyen Age les orfèvres graveurs avaient adopté un système d’abréviation propre aux légendes de sceaux. Ils séparaient les mots par de simples points, pour éviter les grands espaces interstitiels. Ce système, e toujours en usage au XVIII siècle, permettait de raccourcir l’étendue des lignes tout en augmentant le nombre d’informations données par la légende. En toute logique, les orfèvres gagnaient ainsi de l’espace pour la gravure imagée du champ. 121 e Les premières légendes poinçonnées datent, semble-t-il du second quart du XVI siècle, comme en témoignent les matrices conservées à le Bibliothèque nationale. Par ailleurs, il est certain que les poinçons étaient gravés par les orfèvres eux-mêmes. Communication orale de Monsieur Blanc, responsable des collections sigillographiques des Archives nationales. Le stage effectué à la Section ancienne confirme cette observation, les légendes poinçonnées apparaissant dans les sceaux des officiers entre 1530 et 1540. Pour des e précisions complémentaires, voir le rapport de stage remis à la section ancienne : Les sceaux du XVI siècle, e évolutions technologiques et renouvellement de valeurs, Rapport de stage du 20 mars au 1 juin 2012, [non publié], 2012, 81p.


56 Etude historique : Le sceau de Louis d’Orléans : iconographie des supports imprimés 122 ? Seul le relevé et l’analyse d’un grand nombre de sceaux des XVIe-XVIIIe siècle pourraient apporter des éléments de réponse. 2.4.2 Une légende datée Outre la disposition et la typographie, un troisième choix iconographique appelle un commentaire : la date, 1721, placée sur le dos du sceau sous les trois étoiles supérieures. Il s’agit avant tout de la date d’intronisation du grand-maître, correspondant à la date de la mise en fonction de la matrice de sceau123. L’emplacement de la date, fidèle à la tradition iconographiques des Ordres réunis124, met l’année en exergue. Cette importance accordée à la date prend sens au vu de la nature de la commande passée au graveur : la matrice a été réalisée quelques mois après l’intronisation de Louis d’Orléans au rang de grand-maître des Ordres, le 13 février 1721. Toutes les empreintes en cire du sceau de louis d’Orléans commémorent ainsi cet événement, à la manière des médailles et des jetons. Elles le magnifient et le font entrer dans la « grande histoire des règnes royaux » voulue par Louis XIV, et Louis XV125. Ce point sera développé dans les parties consacrées au contexte historique d’émission de la charte et à l’identification des graveurs. D’une manière plus générale, faire figurer une date sur un sceau implique une rupture de sens avec la longue tradition des sceaux de validation. Au Moyen Age, il est très rare que les matrices de sceau soient datées. Les sceaux de validation sont alors des pièces destinées à traverser les âges, sans condition de durée : ils se détachent du pouvoir temporel. Nous manquons d’informations sur les sceaux de l’époque moderne, mais plusieurs exemplaires observés aux Archives nationales semblent montrer que la datation devient pratique courante entre le règne de Charles IX et celui d’Henri IV (1560-1594). Tandis qu’Henri III et tous ces successeurs inscrivent la date de leur couronnement sous le trône, les reines et les princes s’émancipent rapidement de ce modèle et font entrer la date dans la légende dès le second quart du XVIIe siècle. Est-ce un signe tangible de la sécularisation des sceaux ? Doit-on en déduire qu’à l’époque moderne ils ne sont plus uniquement des signes de validation à la gloire du sigillant, mais également des objets de mémoire?

122

[COLLECTIF], Le Romain du Roi, la typographie au service de l’Etat : 1702-2002, éditions du Musée de l’Imprimerie et de la Banque, Lyon, 2002, 125 p. 123 Les quelques exemples inventoriés de sceaux du Moyen-Age portant une date indiqueraient la date de la mise en fonction de la matrice, et non une commémoration d’évènement. M. FABRE, Op. cit., p.57-48 124 La dynastie des marquis de Nérestang, Louvois et Dangeau ont tous placé la date de leur nomination à la grande-maîtrise en exergue de la légende du dos du sceau. 125 G. SABATIER, Le Prince et les Arts, Stratégies figuratives de la monarchie française de la Renaissance aux Lumières, éditions Champ Vallon, collection Epoques, Seyssel, 2010, ‘Chapitre 4 : La guerre des médailles pendant la Succession d’Espagne’, p.104-133


57 Etude historique : La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la Régence

3

La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la Régence

Un élément inscrit sur le grand-sceau de Louis d’Orléans, lui donne un caractère exceptionnel : cet élément n’est autre que la date « 1721 » inscrite dans la légende. Nous avons évoqué la multiplication des sceaux datés à l’époque moderne, et leur valeur commémorative126. Nous avons également évoqué le caractère polémique du blason et de la croix de Saint-Lazare figurant sur le sceau, ainsi que les abus de la langue diplomatique utilisée par le rédacteur. Dans cette troisième partie, nous nous attacherons à décrire la situation délicate dans laquelle se trouvait le Régent en 1721. En dégageant les ressorts de l’intrigue gouvernementale qui se joue à la cour de France, il devient clair que la réception de chevaliers dans les Ordres réunis, tout autant que la commande d’une matrice de sceau, sont les reflets des vues politiques de la maison d’Orléans.

3.1

Une charte et un sceau pour rétablir une famille au cœur de la tourmente (1721)

Sous la Régence (1715-1722), la maison d’Orléans est au cœur des affaires du Royaume. Philippe d’Orléans, régent et père de Louis d’Orléans, gouverne d’abord avec habilité un gouvernement à peine sortie du long règne de Louis XIV. Néanmoins, à partir de 1718, les faux pas et les maladresses s’accumulent. C’est dans ce contexte bien particulier que fut commandé le sceau de Louis d’Orléans, et que de nombreux chevaliers furent reçus dans les Ordres réunis.

3.1.1 Grâce et disgrâce de Philippe d’Orléans, régent et père de Louis d’Orléans La Régence est une période qui condense fastes de l’Etat, crise économique et tensions politiques. Elle commence avec la mort de Louis XIV, rongé par la gangrène, le 1e septembre 1715. L’avènement de Louis XV, seul héritier légitime mais âgé de cinq ans, risquait de fragiliser l’équilibre politique européen, à peine sorti de la guerre de Succession d’Espagne127. Les hommes du royaume l’ont bien compris : l’avènement d’un roi mineur128, supposant une régence, risquait d’entrainer la France dans une période de troubles, comme ce fut le cas par le passé. Louis XIV avait pris ses dispositions : son testament prévoyait la création d’un conseil de régence après sa mort, conseil dirigé par le duc d’Orléans129. En aucun cas, ce dernier ne devait prendre seul les rênes du pouvoir. Le Roi-Soleil redoutait les mœurs libertines débridées de son neveu, et avait tout intérêt à tenir en respect la maison d’Orléans. Malgré ses dispositions, son testament fut cassé le lendemain de sa 126

M. FAVRE, Op. cit., p.57-58 L. BELY, Dictionnaire de l’Ancien Régime, Paris, éditions PUF, Collection Quadrige, 2003, 1408p. ; L. BELY., La France moderne, éditions PUF, Paris, 1994, 670p. ; E. LE ROY LADURIE, L’Ancien Régime ,1610-1770, éditions Hachette, collection ‘Histoire de France’, Paris 1991, 461p. ; A. ZYSBERG., Nouvelles histoire de la France moderne, tome V, ‘La monarchie des Lumières, 1715-1786’, édition du Seuil, collection ‘points Histoire’, Paris, 2002, p.13-14 128 La majorité légale des rois est fixée à treize ans révolus depuis l’édit de Charles V. 129 Philippe d’Orléans, père le Louis d’Orléans, était fils de Monsieur (frère cadet de Louis XIV) et de la célèbre petite princesse palatine, Elisabeth-Charlotte, familièrement connue sous le surnom de Lizlotte. 127


58 Etude historique : La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la Régence mort. Lors de la séance parlementaire du Palais de Justice, Philippe d’Orléans sut s’allier les magistrats, en invoquant le droit de remontrances130, dont le parlement de Paris avait été frustré depuis un demi-siècle. L’assemblée l’acclama aussitôt quasi unanimement. Dix jours plus tard, une seconde assemblée établit l’acte constitutif de Régence. Jusqu’en 1718, Philippe d’Orléans tint avec habilité les rênes du pouvoir : il dirigeait une administration tentaculaire (appelé gouvernement polysynodique) et nommait ses officiers de sorte à satisfaire également les tenants du libéralisme, les partisans de la monarchie absolue et la noblesse d’épée, anti-absolutiste projetée sur le devant de la scène. Derrière l’apparent éclat de la Régence131, l’Etat faisait face à une grave crise financière. Les caisses sont vides, la banqueroute est désormais effective. Le Trésor royal était en état de cessation de paiement depuis la fin de la guerre de Succession d’Espagne. Les mauvaises récoltes et le marasme économique aggravaient la situation. La bulle spéculative formée par système de Law, reposant sur l’émission d’assignat de papier, éclata en juillet 1720, ruinant rentiers, hôpitaux, institutions ecclésiastiques et détenteurs de monnaie de papier132. Cette banqueroute siphonna les dettes de l’Etat et redonna un nouvel élan au commerce. Cette affaire n’aura pas été sans entamer durement la réputation des aristocrates, régent et princes y compris, soupçonnés de connivence. Leur réputation était déjà largement ternie par les rumeurs cocasses courant sur le libertinage de Philippe d’Orléans. Ajoutons que la crise politique avait déjà éclaté en 1718. A cette date, le Régent revient sur ce qu’il avait cédé en 1715 : le droit de remontrances. Le parlement en est privé, et Philippe d’Orléans entame un virage autoritaire, malgré l’arrivée récente de princes de sang dans le Conseil de Régence. En plus de la défiance des magistrats, Philippe d’Orléans perd le soutien des grands de France. La fin de la Régence entache lourdement l’image des Orléans. L’avis populaire, le parlement et la noblesse ont hâte que cette famille trop ambitieuse s’éclipse. Le sacre de Louis XV est finalement célébré avec magnificence le 25 octobre 1722. Philippe d’Orléans reste à la tête de l’Etat, en tant que premier ministre. Peu de temps, puisqu’une crise d’apoplexie l’entraîne le 2 décembre 1723.

Commander une matrice de sceau princier, ou comment redonner de l’éclat à une famille disgraciée La nomination de Louis d’Orléans à la tête des Ordres réunis fut prononcée en septembre 1720, au moment même où les frères Pâris, successeurs de John Law, tentaient de liquider la crise financière. Cette décision émane de Philippe d’Orléans, qui sans doute y voyait un triple avantage : d’une part, il s’assurait indirectement la fidélité de tous les chevaliers, en temps de crise ; d’autre part, il se rapprochait du peuple français et du clergé en plaçant son fils au sommet d’un ordre caritatif ; enfin, il avait la main mise sur les rentes juteuses de l’Ordre, alors que la crise financière 3.1.2

130

Il s’agit du droit d’adresser au roi des observations sur les textes législatifs qu’il promulguait, avant leur enregistrement. Les parlements, sans pouvoir législatif, pouvaient ainsi retarder, voire annuler, les décisions souveraines. Le droit de remontrance leur fut restitué le 15 septembre 1715. 131 J. MEYER, Le Régent (1674-1723), éditions Ramsay, Paris, 1985, 280p. 132

E. FAURE, La banqueroute de Law, 17 juillet 1720, éditions Gallimard, collection ‘Trente journées qui ont fait la France’, Paris, 1977, 760p. (32 pl. hors texte)


59 Etude historique : La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la Régence avait ébranlé le royaume. Les plus fins politiciens ne se laissèrent pas duper. Saint-Simon, laconique, ajoute dans son journal : « Je ne sais de quoi M. le Duc d’Orléans s’avisa de faire donner à monsieur son fils la grande maîtrise de l’ordre de Saint-Lazare133. On lui fit sans doute accroire que cela donnerait des créatures à ce jeune prince. Ceux qui prenaient cet ordre si dégradé de biens et d’honneurs n’étaient pas pour lui en faire. Le Régent ne m’en parle point, et, la chose faite, je ne lui en dis rien non plus. » 134 Philippe d’Orléans était dans une position peu confortable. Il avait perdu la confiance d’une large partie de la population, et devait reconstruire l’image de sa maison. Cette reconstruction passait par des actions politiques, telles que la nomination de nombreux chevaliers dans les Ordres réunis (comme l’atteste l’acte ici étudié) mais également par des preuves de largesse et des commandes artistiques : portraits, médailles, entretien et développement de son duché. Le sceau de Louis d’Orléans illustre parfaitement cette volonté inflexible. En faisant appel à un orfèvre de renom et en donnant l’image d’un prince combattant pour la foi chrétienne, la maison d’Orléans affirmait sa puissance face au roi Bourbon et aux grands de France.

3.2

Louis d’Orléans (1703-1752), grand-maître des Ordres réunis

En devenant grand-maître, Louis d’Orléans s’est plié aux directives paternelles. Néanmoins, les convictions et la morale du fils sont loin des frasques et des intrigues du père. Le caractère de Louis d’Orléans est radicalement opposé à celui du Régent. C’est sans doute cette droiture morale qui l’a déterminé à relever les Ordres réunis, très affaiblis depuis le milieu du XVIIe siècle135. Malgré sa haute ascendance, Louis d’Orléans n’a laissé que peu de traces dans l’histoire de France. Sa vocation religieuse, sa tendance ascétique et son esprit érudit ont sans doute dérouté ses contemporains, hommes des Lumières. C’est un homme étonnant, qui concilie travail d’exégèse et esprit curieux des Lumières. Fils de Philippe d’Orléans et de Françoise Marie de Bourbon, petit fils de Louis XIV par sa mère, il est le Premier Prince de sang du royaume, et donc l’héritier présomptif de la couronne de France à la mort de son père en 1723. Né le 4 aout 1703, le petit duc de Chartres grandit dans un univers pieux et féminin, avant d’être initié aux affaires du gouvernement par son père. Le 30 janvier 1718, il est admis au Conseil de Régence, au moment même où son père entame un virage autoritaire qui entrainera la disgrâce de sa maison. Louis a à peine quinze ans.

133

Saint-Simon trouve cette nouvelle dans la Gazette. Le brevet du 12 septembre accordé au duc de Chartres, I OS et la minute de la lettre de supplique au pape ont été conservés (AN, 0 64, ff 254 et 295). 134 SAINT-SIMON, Mémoires (1718-1721), Edition Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Tome VII, p.714. 135 Personnage oublié de l’histoire, Louis d’Orléans a récemment fait l’objet d’une thèse de l’Ecole des chartes. Les précisions bibliographiques apportées dans les paragraphes suivants sont tirées de cette thèse. M.-E. GORDIEN, Louis d’Orléans, premier prince de sang et mystique érudit, thèse de l’Ecole des chartes, 2002.


60 Etude historique : La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la Régence

Cliché n° 19: Louis, duc de chartres, (17031752), Sophie Bresson, née Rochard, 1837, musée national des châteaux de Versailles et du Trianon, huile sur toile, H 146 x L 104 cm, MV 3723  Direction des Musées de France

Cliché n° 20 :, Louis, duc d’Orléans, (1703-1752), âgé de 29 ans, André David, 1732, émail dans un cadre d’écaille avec monture en cuivre, H 3,4 x L 2,4 cm. Musée de Condé, OA 1382, Inv. Miniature n°321  Direction des Musées de France

Dès 1719, il obtient la charge de gouverneur du Dauphiné. En 1720, Louis est appelé à devenir grand-maître des Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel. Il s’acquitte d’abord de cette fonction avec piété et ferveur, mais s’en détourne suite à l’affaire de l’hospice Saint-Jacques qui déchaina les chevaliers des Ordres contre l’archevêché de Paris (1723)136. Un an après sa prise de fonction de grand-maître, il est nommé général d’infanterie, charge qu’il perd en 1730. A la mort de son père en 1723, Louis devient duc d’Orléans. En dépit de son haut rang, il est écarté du gouvernement par son cousin le duc de Bourbon. Il ne lui oppose d’ailleurs aucune résistance, et se consacre tout entier à rétablir la grandeur de la maison d’Orléans aidé de son ami le duc d’Argenson. En 1726, à vingt-trois ans, il épouse Auguste-Marie-Jeanne de Bade. Cet évènement politique bouleverse tout l’échiquier politique européen en hâtant le mariage de Louis XV, qui répudie l’infante d’Espagne pour Marie Leszczynska. L’union de Louis d’Orléans et de Marie-Jeanne de Bade est heureux, mais de courte durée. Sa femme meurt peu de temps après leur mariage, non sans lui laisser un fils. Ce départ prématuré marque profondément Louis d’Orléans, qui se tourne de plus en plus vers une vie de méditation. Jusqu’en 1740, il reste au cœur des affaires du royaume, mais son rôle n’est plus déterminant. Bien sûr, il assiste aux Conseils et côtoie le roi et ses ministres ; mais il s’en tient au rôle de conseiller. Il entretient des rapports courtois avec son oncle Louis XV – ils n’ont que quelques années de différence, tout en lui reprochant son peu de morale. En 1740, un évènement brusque le départ de Louis d’Orléans : le roi lui refuse le mariage de son fils avec Madame Seconde, fille cadette du souverain. Suite à cette blessure infligée à sa maison, Louis se retire définitivement des affaires du royaume. Il s’installe dans un logis modeste entre l’église Sainte-Geneviève et l’église de Saint136

Sur l’affaire de Saint-Jacques, contemporaine de l’émission de la lettre de réception de Louis Neyret de la Ravoye, voir p.60 : « La situation paradoxale des Ordres réunies au tournant du Siècle des Lumières »


61 Etude historique : La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la Régence Etienne-du-Mont. Louis mène une vie modeste mais très active, entre piété, écriture et mondanités. Il meurt en 1752, entre les mains des religieux. Louis est un homme d’esprit autant qu’un homme d’action. L’apanage137 d’Orléans, constitué en 1661, procure les revenus nécessaires à ses gestes de charité, en plus de la gestion courante de sa maison. En amateur d’art éclairé, Louis d’Orléans s’attache à enrichir et embellir l’immense patrimoine immobilier qui lui incombe. Il porte une attention toute particulière à sa collection de tableaux et statues, et n’hésite pas à faire appel aux plus grands artistes du moment : les peintres Charles Coypel et Alexis-Simon Belle, l’ébéniste Charles Cressent ou encore l’orfèvre Thomas Germain. Il se passionne pour les médailles et pierres gravées antiques, hérite de la splendide collection de la princesse Palatine, sa mère, et rachète la collection de Louis Crozat. L’ensemble a été donné à l’abbaye de Sainte-Geneviève avant sa mort. Cet amour des antiques, camés, intailles et médailles a certainement rejailli dans la commande de la matrice de son sceau, en 1721.

3.3

Les Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel au tournant du siècle des Lumières

La piété de Louis d’Orléans rayonna dans les Ordres de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, de 1721 à 1722. Ces Ordres, moins glorieux que l’Ordre de Saint-Louis et l’Ordre du Saint-Esprit, connurent grâce à lui un renouveau bienvenu au début du règne de Louis XV. 3.3.1 Bref historique des Ordres réunis L’histoire des Ordres réunis a donné lieu à une abondante historiographie. Deux périodes intéressent particulièrement notre propos : celle de la création des Ordres réunis par Henri IV, et celle de la donation de la grande-maîtrise à Louis d’Orléans. L’Ordre de Saint-Lazare, fondé en Palestine lors des croisades, fut sans doute uniquement religieux avant de s’adjoindre un corps militaire au début du XIIIe siècle. Les chevaliers de l’Ordre avaient vocation à aider, soigner et accueillir les lépreux et malades, ainsi qu’à soutenir l’occident chrétien en cas de conflit. Les XIVe et XVe siècles connurent une profonde décadence des Ordres, face au relâchement des grand-maîtres et à la négligence des chevaliers. La chute de Constantinople et les guerres de religion ébranlèrent durement les Ordres, mais renforcèrent la cohésion et l’activité de ses membres. De 1585 à 1604, alors qu’on ne comptait pas plus d’une dizaine de chevaliers, les biens de l’Ordre furent dissipés. En 1608, Henri IV fonda l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel. Le souverain nouvellement converti désirait prouver sa sincérité aux yeux des catholiques, et s’assurer la fidélité de chevaliers. En créant l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel, il lui donna pour rôle de lutter contre l’hérésie. La constitution de l’Ordre fut ratifiée par le pape Paul V en février 1608, et réunie au vieil Ordre de Saint-Lazare. Cependant il fallut attendre 1668 pour que cette union fut officiellement reconnue par

137

Sous l’Ancien régime, un apanage est une partie du domaine royal donné à un cadet de la Maison de France, privé de l’accès à la couronne. Si la branche cadette restait sans descendant mâle, ses terres revenaient au domaine royal.


62 Etude historique : La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la Régence Rome138. Philibert de Nerestang fut nommé grand-maître des Ordres réunis en 1608. Sa charge se transmit à ses descendants jusqu’à la nomination de Louvois (1685-1695), puis de Dangeau en (17951720). 3.3.2 La situation paradoxale des Ordres réunis au tournant du siècle des Lumières Tout au long du XVIIe siècle, la protection royale permit aux Ordres réunis de retrouver les terres et les droits dont l’Ordre de Saint-Lazare avait été spolié pendant les guerres de Religions. Les léproseries, hôpitaux, maisons-Dieu, dépendances et commanderies du royaume, confiés par le roi en 1664, étaient des sources de revenus importants et alimentaient les pensions et les rentes des chevaliers139. Quand Louis XIV revint sur sa décision en 1693 et dépourvut les Ordres de tous les biens acquis depuis 1664, les chevaliers, commandeurs et servants d’armes furent durement touchés. Il s’en suivit une multitude de procès contre le clergé. Le marquis de Dangeau (1638-1720), grand-maître depuis 1695, réussit néanmoins à reconquérir des territoires et à relever les finances des Ordres. A sa mort le 9 décembre 1720, il laissait à Louis d’Orléans des Ordres fastueux, mais dont les dépenses nécessitaient des rentrés d’argent importantes. C’est l’une des raisons pour lesquelles Louis d’Orléans reçut de nombreux chevaliers dans les Ordres : chaque récipiendaire devait payer la coquette somme de mille livres pour être admis au rang de chevalier. La somme était d’autant plus importante que la charge était élevée140. Louis Neyret de la Ravoye, bénéficiaire de l’acte, est ainsi entré dans les Ordres pour des raisons spéculatives plus que charitables. Les Ordres avaient alors perdu toute dimension religieuse, militaire ou hospitalière. Louis d’Orléans, aussi pieux que rigoriste, stigmatisa cette pompe. Il voulut réformer les Ordres, et revenir aux fondements religieux de charité loin des cérémonies couteuses qui faisaient la joie de la cour. Il tenta d’éteindre tous les conflits intentés contre le clergé, à propos des usurpations passées. Il ne fut pas suivi de ses fidèles. En 1722, un conflit violent opposa les Ordres à l’archevêché, pour la possession et les revenus lucratifs de l’hospice Saint-Jacques. Cette affaire éclata un an à peine après la réception des quarante-huit chevaliers dans les Ordres, le 26 août 1721, en l’église Notre-Dame des Carmes141. Elle détourna définitivement Louis d’Orléans de l’exercice de sa charge de grand-maître. Au cœur de cette corruption générale des Ordres réunis, c’est une autre histoire qui se profile en filigrane. Alors que l’Ancien régime entame une longue chute vers les évènements sanglants de la fin du siècle, la noblesse entend garder ses prérogatives. En vivifiant un Ordre agonisant, Philippe d’Orléans et Louis d’Orléans ne font qu’amorcer le mouvement d’entraide nobiliaire, poursuivi par la maison d’Orléans au XVIIIe siècle. Un parallèle est remarquable : l’orientation fraternelle et élitiste des Ordres est strictement contemporaine de l’introduction en

138

H.-M. de LANGLE, J.-L. de TREOURRET de KERSTRAT, Les Ordres de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notree e Dame du Mont-Carmel aux XVII et XVIII siècles, Collection S.R.H.N, 1992, 442p. 139 Ibid. 140 G. de SIBERT, Histoire des Ordres Royaux Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, Imprimerie royale, Paris, 1772, 514p. 141 Ibid.


63 Etude historique : La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la Régence France de la Franc-maçonnerie anglaise (spéculative)142. De nombreuses personnalités du XVIIIe siècle, dont le chevalier de Ramsay, furent d’abord admises dans les Ordres réunis avant d’être initiées aux loges de Paris. Quand le comte de Provence fut nommé à la tête du Grand Orient de France et des Ordres réunis, il acheva de clore l’accessibilité aux Ordres, trop couteux, et déclara leur disparition. La disparition des Ordres réunis peut donc s’apparenter à une fusion à la Loge, qui pouvait être un nouveau lieu d’expression de prétentions nobiliaires. Sous la Restauration, des chevaliers tentèrent de relever les Ordres réunis disparus. Au XIXe et XXe siècle, les Ordres autoproclamés, non reconnus par Rome, ont survécu grâce à l’église d’Orient. Aujourd’hui connus sous le nom d’Hospitaliers de Saint-Lazare de Jérusalem, l’organisation ne peut prétendre au statut d’Ordre en France (définitivement éteints sous la Révolution), bien qu’elle se soit constituée en association et reconnue Organisation internationale Non Gouvernementale143. 3.3.3 L’entrée de Neyret de la Ravoye, bénéficiaire de l’acte, dans les Ordres réunis Parmi les quarante-huit chevaliers reçus dans Ordres en 1721, on compte Monsieur Louis Neyret de la Ravoye (1697-1787), bénéficiaire de l’acte. L’exposé de sa lettre de réception précise qu’une enquête a été effectuée sur son compte144. Ce jeune homme, âgé d’à peine vingt-quatre ans, était promis à une brillante carrière. L’entrée dans les Ordres réunis marque le début de son ascension dans les échelons hiérarchiques. Sa réception au sein d’une communauté élitiste fait ainsi figure d’accession à un réseau très fermé, réseau qui le porta aux plus hauts grades militaires du temps. 3.3.4 Louis Neyret de la Ravoye : éléments biographiques La vie de Louis Neyret de la Ravoye (1697-1787) est peu documentée. Elle s’inscrit en filigrane dans les archives départementales, les archives nationales, les mémoires et parutions mondaines du XVIIIe siècle. La famille Neyret de la Ravoye est connue depuis le XVIe siècle, et serait originaire du Bourbonnais. Il semble que la fortune ait souri à la branche aînée, puisque le célèbre peintre Hyacinthe Rigault a peint le portrait de la mère de Louis Neyret de la Ravoye, vraisemblablement vers 1703145. Louis Neyret de la Ravoye est né le 27 mars 1697 de Jean Neyret de la Ravoye (1634- ?) et d’Anne Varice de la Vallière146. En 1714, à l’âge de dix-sept ans, il est nommé capitaine des dragons

142

Communication orale de monsieur Clément Blanc-Riehl, responsable des collections sigillographiques des Archives nationales. 143 Voir le site officiel des hospitaliers de Saint-Lazare de Jérusalem, http://www.oslj-boigny.fr/ 144 Cette enquête est menée pout tous les aspirants au titre de chevalier. Voir la lettre de réception de Monsieur de Tinténiac, marquis de Kimer, datée du 20 mai 1727 et reproduite dans H.-M. de LANGLE, J.-L. de TREOURRET de KERSTRAT, Op. Cit., p. 56-57. Le document est actuellement en possession de Hubert de Langle. 145 B. LOSSKY, ‘Identification du portrait de madame de la Ravoye pat Hyacinthe Rigaud’, Bulletin de la Société d’histoire de l’art français, 1963, p.53-59 146 Jean Neyret de la Ravoye est né en 1634 de Gilbert Neyret et Françoise Benoîts. Il est l’ainé d’une fratrie de onze enfants. Il se marie avec Anne Varice de Vallière en 1692. Trésorier général de la Marine, il est nommé grand audience de France en 1687 jusqu’à sa mort en 1700. AD de l’Indre, 6J 49; AN, M 204 ; AE/B/I/213, fol 354-355v. ; Le Mercure de France dédié au Roy, mai 1734, Paris, 1733, chez Guillaume Cavallier, la veuve Pissot et Jean de Nully, p.1357


64 Etude historique : La charte de Louis d’Orléans : une image de la fin de la Régence puis écuyer maître de camp du régiment de Ponthieu147. En 1721, il est reçu chevalier dans les Ordres de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel. Dès lors, il n’a cessé de monter en grade : brigadier d’infanterie en 1734 puis maréchal de camp en 1738, il obtient la charge de lieutenant général des armées du roi en 1744. Entre temps, il épouse Marguerite Thérèse Aubourg. En 1747, une lettre de Louis XV lui ordonne de se mettre au service de monsieur le maréchal de Belleysles, cousin du roi, sur la frontière des Alpes. Cinq ans plus tard, il revient en Berry pour y tenir le poste de gouverneur des villes et citadelles de Mézières. En 1773, Louis Neyret de la Ravoye obtient en donation la commanderie de première classe de Bessoüs, dans le diocèse de Bazas (1773). Il meurt en 1787, à l’âge respectable de quatre-vingt dix ans, à la veille de la Révolution française. 3.3.5 De l’archive privée à l’archive publique Sans descendance directe, Louis Neyret de la Ravoye a légué ses archives personnelles à sa sœur, Marie Anne Neyret de la Ravoye (1692-1758), épouse de Jacques Lecoigneux (1683-1738), marquis de Bélâbre (Indre), mort prématurément. Le chartrier s’est transmis de père en fils jusqu’en 1926, date à laquelle il fut sauvé in extremis de la destruction volontaire du château de Bélâbre (Indre) par sa propriétaire. Par l’intermédiaire de l’ambassadeur de France en Italie, qui avait eu vent de l’affaire, l’ensemble des archives familiales a pu être sauvé et donné aux Archives départementales de l’Indre148. L’acte de Louis d’Orléans compte désormais parmi les archives de la série J des Archives départementales de l’Indre. Le chartrier dont il est issu comprend 57 cotes. Ce fond d’origine privé est un témoin exceptionnel de l’histoire de l’Europe, mentionnant les plus grands noms du XVIIe et XVIIIe siècle. Le processus de réception, de classement et de cotation du chartrier a désormais substitué à l’essence privée de ces documents une valeur de témoignage public. Une remarque s’impose néanmoins : si la charte de Louis d’Orléans répond à la qualification d’archive publique, elle ne dénoterait pas dans les collections d’un musée. En effet, les collections des musées de France comprennent de splendides chartes scellées (et, il est vrai, un grand nombre de faux sceaux et de surmoulages). Document d’archive ou objet d’art à part entière ? C’est cette interrogation des valeurs patrimoniales qui fera l’objet de notre quatrième partie.

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AN, Y 4345, registre de tutelle, acte de curation d’Anne varice de la Vallière, 31 mars 1721 Propos recueillis par M. Hubert et retranscrit dans l’Avant-propos à l’Inventaire du fonds de Bélâbre, série 6J, [non publié], [s.d], 59p., conservé aux Archives départementales de l’Indre. 148


65 Etude historique : La mise en œuvre technique

4

La mise en œuvre technique : où l’instrument juridique se confond avec l’œuvre d’art

Par sa beauté, le sceau de Louis d’Orléans reflète une contradiction soulevée par plusieurs historiens149 : il est à la fois un instrument juridique et un objet d’art. Dans cette dernière partie, nous nous intéresserons à l’aspect matériel et artistique du sceau du grand-maître, ainsi qu’aux liens physiques qu’il entretient avec le parchemin. Nous verrons que ses valeurs artistiques sont d’autant plus complexes qu’elles résultent de l’interaction de personnes très diverses : un graveur en métal, un laceur, un cirier, un scelleur et un valet chauffe-cire. L’ensemble de cette étude s’élargira vers une réflexion sur les significations attachées aux modes de scellement du XVIIe et XVIIIe siècles.

4.1

La matrice d’argent 4.1.1

Introduction au milieu des graveurs en métal parisiens

La Régence est connue pour sa gaieté et son exubérance, que l’on retrouve parmi les motifs des Arts décoratifs et des Arts somptuaires. Cette joie des courbes se retrouve à tout moment sur les objets d’orfèvrerie d’un Thomas Germain ou d’un Antoine-Sébastien Durand. Cependant, elle est totalement absente du sceau de Louis d’Orléans. De même, elle ne se manifeste pas sur les grandssceaux du XVIIIe siècle, pas plus que sur les médailles de l’époque. Il faut sans doute y voir un désir de sobriété et de traditionalisme, mais également un reflet des séparations des corps de métiers. En effet, les matrices de sceau étaient exécutées par une corporation totalement distincte de celle des orfèvres : les graveurs en métal150. Cette distinction, établie en 1629151, est le fruit d’une différenciation de techniques d’orfèvrerie. Les graveurs en métal frappaient, gravaient et incisaient la matière, sans utiliser la technique du repoussé. Proches des monnayeurs, ils appartenaient à la juridiction privative de la cour des monnaies. Ils exécutaient médailles, jetons, matrices de sceaux et de cachet pour les particuliers, plombs des manufactures et tous types de travaux s’apparentant à la gravure sur métal. Comme support, ils travaillaient indifféremment l’or, l’argent, le fer, l’étain et le bronze. Identification des graveurs du sceau de Louis d’Orléans, grand-maitre des Ordres réunis Les graveurs de sceau, corporation placée sous le signe de l’anonymat, n’ont laissé que peu de traces dans l’histoire des métiers d’arts152. Avant le milieu du XVIIe siècle, les matrices de sceaux 4.1.2

149

M.-A. NIELEN, ‘Les sceaux : historique et problème de conservation’, Actes du colloque de l’IRHT : Les matériaux du livre médiéval, jeudi 15 janvier 2004 ; R.-H. BAUTIER &al, Il sigillo, imponta dell’uomo, éditions Giorgio Mandadori, 1995, 223p. ; P. BONY, Un siècle de sceaux figures (1135-1235), éditions Le léopard d’or, Paris, 2002, p.8-9 150 J.-P. MIGNE, Dictionnaire de numismatique et de sigillographie religieuse, éditions de la Bibliothèque e universelle du Clergé, 1852, p.750. Depuis le XVII siècle, l’appellation « graveur en métal » a été préférée à celle de « graveur de métal » 151 D. DIDEROT, J. LE ROND D’ALEMBERT, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des Arts et des métiers, Tome XVI, Berne et Lausanne, Société typographique, 1779, p.564-567 152 M. PASTOUREAU, ‘Les graveurs de sceaux et la création emblématique’, Artistes, artisans et production artistique au Moyen-Age, colloque international, Rennes, 2-6 mai 1983, volume I: "Les hommes", Paris, Picard,


66 Etude historique : La mise en œuvre technique ne sont que très rarement signées ou poinçonnées. Quand elles le sont, c’est sur une surface qui n’imprime pas la cire153. Depuis le XIVe siècle, on trouve parfois trace de commandes dans les registres comptables des chancelleries, mais il est toujours délicat de poser un nom sur une empreinte. Les matrices des sceaux antérieures au XVIIe siècle étaient souvent brisées, refondues ou regravées à la mort du sigillant, puisque dépourvues d’intérêt juridique154. Dans le cas du sceau de Louis d’Orléans, aucune matrice correspondant à l’empreinte n’est entrée dans les collections publiques. Et pour cause : elle a été détruite sous la Révolution155. La matrice originale et les comptes de l’année 1721 des Ordres réunis ayant disparu156, nous nous sommes appuyés sur l’observation du sceau et d’autres empreintes identiques pour identifier le graveur. Avec la découverte d’un sceau original de Michel le Tellier, dans la série M des Archives nationales, ce n’est plus un graveur qu’il s’agissait d’identifier, mais deux orfèvres : l’un a gravé la face équestre très certainement vers 1608-1610 ; l’autre est l’auteur du dos héraldique. Pour plus de commodité, nous présenterons séparément ces deux tentatives d’identification, ainsi que les démarches qui les sous-tendent. L’étude du dos précédera celle de la face, plus complexe.

Jean Duvivier (1787-1761), « graveur général des médailles du Roy » Face à l’anonymat de l’empreinte du sceau de Louis d’Orléans, il a semblé convenable de fonder l’identification de l’auteur sur sa qualité plastique. La finesse et la richesse des détails et des modelés sont exceptionnelles, comparées celles d’autres sceaux de l’époque ou aux médailles de Warin et de Roettiers. Nous avons avancé l’hypothèse selon laquelle le graveur devait être un des plus célèbres de la capitale, hypothèse très plausible puisque Louis d’Orléans n’hésitait pas à faire appel aux plus grands artistes de son temps. Un enfant de France possédait en outre le privilège de faire appel aux services du graveur général des médailles du roi, officier chargé de superviser l’exécution du programme iconographique des médailles, jetons et sceaux, leur frappe ou leur gravure. Reconnu pour son talent, le graveur général du roi occupait sa charge jusqu’à sa mort, et était alors remplacé par un pair. Exceptionnellement, et pour les commandes émanant des plus hauts rangs de l’Etat, il dessinait et taillait les sceaux royaux. Or, c’est en 1719 que Jean Duvivier

1986, p. 515-522 ; Y. METMAN, ‘La taille directe des sceau-matrices. Heurs et malheurs des graveurs de sceaux’, Les graveurs d’acier et la médaille, Paris, Hôtel de la Monnaie, 1971, p.270 153 Communication orale de monsieur Blanc, services des sceaux, Archives nationales. Les graveurs en métal ont demandé à la Cour des monnaies de les pourvoir d’un poinçon pour marquer l’argent et l’or en juin 1722. Ce droit leur est reconnu par un arrêt du 6 juin 1722, soit un an environ après la gravure de la matrice de sceau de Louis d’Orléans. On en déduit qu’elle était très probablement dépourvue de poinçon. D. DIDEROT, J. LE ROND D’ALEMBERT, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des Arts et des métiers, Tome XVI, Berne et Lausanne, Société typographique, 1779, p.565 154 e Avant le XVIII siècle, les matrices de sceaux royaux étaient systématiquement brisées. Les morceaux étaient remis aux religieuses de La Saussaie-les-Villejuif, puis aux chauffe-cires. R. FAWTIER, ‘Ce qu’il advenait du sceau de la Couronne à la mort du roi de France’, Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et des e Belles-Lettres, 82 année, n°6, 1938, p. 522-530 155 AN, M 713, pièce 8.Voir « Le devenir et la destruction de la matrice de sceau de Louis d’Orléans », p. 58 156 Les comptes des Ordres ont été l’objet destruction sous la Révolution, puis sous le Second-Empire. Elles subsistent à l’état d’épave aux Archives nationales, dans des Archives départementales, à la Bibliothèque Nationales de France et au musée de la Légion d’honneur, ainsi que chez quelques particuliers.


67 Etude historique : La mise en œuvre technique (Liège 1687-Paris 1761) fut nommé graveur général des médailles, jetons et sceaux du roi157. Il excellait dans son art, et fit montre d’une grande minutie et d’une virtuosité peu commune. Artiste liégeois, issu d’une famille de graveurs, Jean Duvivier compte à son actif une commande prestigieuse : celle de la matrice de sceau l’Académie royale de sculpture et de peinture, commandée par Coypel en 1747. Cette matrice devait tenir lieu de morceau de réception à l’Académie et être exposée au salon de 1749. Il semble, d’après les Archives, qu’elle ne fut jamais livrée à temps158. L’activité de graveur de cachets et sceaux est toutefois bien attestée159. La production artistique de Jean Duvivier, pléthorique, permet d’attribuer pleinement à cet artiste la gravure du dos du sceau de Louis d’Orléans. En effet, les archives de l’hôtel de la Monnaie conservées au CAEF font état de deux jetons gravés pour le grand-maître par Jean Duvivier, respectivement en 1721 et 1723. L’hôtel de la Monnaie a conservé les coins de frappe de ces deux jetons. La facture délicate des revers héraldiques, la forme des fleurs de lys ornant la couronne et le blason, ainsi que la typographie (et notamment celle de la date « 1721 » au revers) sont en tout point identiques à celle du sceau de Louis d’Orléans160.

Cliché n° 21 : Dos de deux coins de frappes pour les jetons des Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, gravés par Jean Duvivier en 1721. Hôtel de la Monnaie de Paris, REF Ordres du Roi, FEV P120 n°1598 et 1599.

On observe ainsi une osmose entre la gravure d’une matrice de sceau et la gravure d’un jeton, tout deux réalisés par un graveur en métal. Ce rapprochement est également d’ordre fonctionnel : le sceau biface des Ordres réunis s’apparente aux jetons des administrations des XVIIe et XVIIIe siècle dont l’iconographie de la face représentait une personne morale (réutilisée pendant

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E. BENEZIT, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Paris, Librairie Gründ, tome 4, 1976, p.78 158 Les commentaires des Annales de l’Académie concernant Jean Duvivier ont été reproduits dans H. NOCQ, Les Duvivier, Essai d’un catalogue de leurs œuvres, Société de propagation des livres d’art, Paris, 1911, p.43-44. Henri Nocq note que l’inventaire de Chardin dressé en 1775 ne mentionne aucune matrice de sceau gravée par Duvivier. Le supplément à cet inventaire mentionne cependant les sceaux taillés en 1777 par Benjamin Duvivier, son fils. 159 Ibid. 160 Je remercie Monsieur Desnier, conservateur de l’Hôtel de la Monnaie, pour son aide lors des recherches sur le matériel de Jean Duvivier et pour avoir eu la gentillesse de ramener les coins de frappes conservés à Pessac.


68 Etude historique : La mise en œuvre technique plusieurs décennies), et le dos une personne physique ayant autorité sur l’administration en question161. Cette remarque tend à montrer que la commande d’une matrice de sceau, en 1721, s’inscrit dans la continuité de la politique royale d’historicisation des règnes de Louis XIV et Louis XV : en effet, les deux souverains ont impulsé un même élan à la frappe des médailles commémoratives 162. La production, particulièrement importante pendant la guerre de succession d’Espagne, n’a pas faibli au début du règne de louis XV. C’est dans ce contexte que s’opère visiblement un rapprochement entre sceau et médaille, fusion de l’objet d’art, de l’objet commémoratif et de l’instrument de validation.

Pierre Turpin (1597-1626), graveur de la face du sceau ? Vers 1608-1610, Henri IV remit au marquis de Nerestang la grande matrice du sceau des Ordres, que l’on fit graver à cette occasion. Les registres comptables, quittances, dessins, cires préparatoires et autres archives pouvant éclairer cette commande ne nous sont pas parvenus. Pourtant, le contexte technologique de production du début du XVIIe siècle n’est pas tout à fait inconnu. En 1610, exerçaient à la Monnaie trois hommes de renom : Nicolas Briot, Guillaume Dupré et Pierre Turpin163. Par chance, leurs querelles au sujet de la charge honorifique de ‘graveurs de sceaux du roi’ nous a laissé une documentation relativement abondante. Arrivé à Paris dans les années 1603-1605, Nicolas Briot intégra la Monnaie le 15 mars 1606164. Quelques mois plus tard, il reçu la charge de tailleur général des Monnaies. Succès foudroyant, qui fit ombrage à Pierre Turpin, riche graveur des sceaux et cachets du roi. Ce dernier s’opposa fermement à l’enregistrement des lettres patentes autorisant Nicolas Briot à graver les fers des cuirs et marchandises. Il obtint gain de cause, et, dès 1607, fut désormais seul habilité à graver les sceaux royaux, cachets et autre fers165. La violence du procès, encore vive en 1608-1610, rend extrêmement probable une intervention de Pierre Turpin dans la gravure du sceau des Ordres réunis. Le minutier central des Archives nationales nous a permis de mieux cerner le contexte sociologique de commande du sceau : en 1608, Pierre Turpin, bourgeois de Paris, demeurait rue de la Vielle-Draperie à l’Etoile d’Or166. Il avait plusieurs apprentis sous sa tutelle (Pierre Marbais, Nicolas Le Roy et Noel Ferment), moyennant un contrat d’apprentissage de 90 sols parisis à 50 écus soleil167. Il possédait une maison à Champrosay dont il a fait aménager et restaurer tout le ‘corps d’hotel’ puis construire tout un ‘corps de logis’, preuve d’une certaine aisance matérielle168. Le 21 mars 1609, entre à son service Jean Favière, qui deviendra son gendre et reprendra la charge de graveur des sceaux du roi169. Pierre 161

Je remercie vivement Monsieur Pastoureau, professeur à l’EPHE et au Collège de France, pour cette remarque sur les jetons de l’époque moderne. 162 G. SABATIER, Op.cit., ‘Chapitre 4 : La Guerre des Médailles pendant la Succession d’Espagne’, p.104-133 163 Y. METMAN, ‘La taille directe des sceau-matrices. Heurs et malheurs des graveurs de sceaux’, Les graveurs d’acier et la médaille, Hôtel de la Monnaie Paris, 1971, p.272-273 164 F. MAZEROLLE, ‘Nicolas Briot, tailleur général des Monnaies (1606-1625)’, Revue Belge de Numismatique, e 60 année, Bruxelles, 1904, p.191-203, 295-314 165 METMAN Y., Op. cit., p.273 166 AN, ET/VIII/559 167 AN, ET/VIII/559 ; ET/VIII/568 ; ET/VIII/570 168 AN, ET/VIII/572 ; ET/VIII/581 ; ET/VIII/584 ; ET/XXXIX/47 169 AN, ET/VIII/574 ; ET/VIII/604 ; ET/VIII/629


69 Etude historique : La mise en œuvre technique Turpin montre un certain sens des affaires : les minutes notariées conservent les traces de baux, locations, engagements, rachats de rentes et procès lucratifs170. En plus de son office de graveur, il possédait un ouvroir (soit une boutique ouverte) sur les marches de la Sainte-Chapelle, à coté du Palais, où se tenait la Grande chancellerie de France171. L’intérêt de ce témoignage est remarquable : Pierre Turpin entretenait certainement des liens étroits avec ses confrères graveurs de sceaux, très souvent installés sur dans la cour du Palais ou sur ‘les degrés du beau-roi Philippe’172. Il est donc extrêmement probable que la commande du sceau des Ordres échut à Pierre Turpin. L’effigie est peut-être de Guillaume Dupré, alors chargé des cires préparatoires de la Monnaie173. 4.1.3 Hypothèses sur la forme de la matrice du sceau de Louis d’Orléans La forme de la matrice de sceau de Louis d’Orléans ne nous est pas connue, si ce n’est à travers une très succincte description donnée par les commissaires chargés de son enlèvement en 1792174. Malgré tout, il est possible d’émettre quelques hypothèses sur sa nature et sa fonctionnalité, par comparaison avec d’autres matrices de sceaux bifaces du XVIIe et XVIIIe siècles. En dépit des lois somptuaires, les rois, princes et prélats commandaient le plus souvent des matrices en argent de préférence au bronze ou à l’or, trop mou175. Au vu de la finesse des détails du sceau de Louis d’Orléans, la matrice a toute les chances d’avoir été exécutée dans de l’argent, ce que confirme la description de 1792. D’un point de vue fonctionnel, l’ensemble des sceaux bifaces se caractérisent par un impératif d’ordre technique : les deux côtés doivent être imprimés en même temps. Les rares matrices conservées montrent que trois systèmes ont coexisté jusqu’à l’époque moderne :   

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d’une part, les matrices dites « à oreilles » ou « à tenons et mortaises » d’autre part, les matrices « en fer à hostie », avec une charnière pivotante sur un coté ; enfin, la presse à sceller, qui ne semble pas avoir été utilisée en France avant la Révolution.

AN, ET/VIII/272 ; ET/VIII/575; ET/VIII/582 ; ET/VIII/591 ; ET/XXIX/169 ; ET/XXIII/258 : ET/VIII/630 ; ET/VIII/604 ; ET/VIII/629 ; ET/VIII/630 171 AN, ET/VIII/629 172 Nous ne pouvons citer ici les nombreuses sources sur les graveurs de sceaux que nous avons dépouillé dans le minutier central des Archives nationales, et que nous avons intégrer aux dossiers sur les graveurs conservé au service de sigillographie. Citons les cas de Thomas de Gault (1500), Jean Amy (1517), Guillaume Lemay (avant 1547), Jean Lemay (1457-après 1553), Guillaume de Gouy (1540), Guillaume Févret (1545) et Vincent Le Blanc (1562) qui tiennent boutique devant les marches du Palais, à côté de la Sainte-Chapelle, du ‘Perron du beau roi Philippe’, ou sur l’entrée de la Chancellerie. D’autres graveurs, tels Pierre Potard (1543), sont installés au pont Saint-Michel. Ils y installent des échoppes ouvertes étroites d’une dizaine de pieds de long. ET/XIX/166, ET/VIII/69, ET/XXXIII/47, ET/CXXII/28, ET/XXXIII/47, ETCXXII/1, ET/VIII/56. Voir également le e catalogue des Actes de François I , n°11641, 11932, 16602. 173 F. MAZEROLLES, op.cit., p.272 174 Voir p.59, « Le devenir et la destruction de la matrice du sceau de Louis d’Orléans sous la Révolution » 175 M. FABRE, op.cit., p. 46-47


70 Etude historique : La mise en œuvre technique

Cliché n° 22: Avers d'une matrice de sceau biface dite « à tenons et mortaises » ou « à oreillettes ». Copie moderne en bronze, dos manquant. AN, collection sigillographique, matrice 846 (surmoulage)

Cliché n° 23 : Sceau d'Henri VIII en cire verte appendu sur tresse de soie blanche et verte. On remarque la trace des trois oreillettes sur les bords (lacune au niveau de la quatrième oreillette). AN J 920, n°33

La première forme est bien documentée, puisque plusieurs matrices originales de ce type sont conservées dans les musées et Archives d’Europe. Elle se caractérise par trois ou quatre oreilles latérales, reliées par des tenons, pivot ou vis. Quand elle est utilisée pour un scellage de sceaux, la cire déborde invariablement sur tout le pourtour. Le scelleur racle alors le surplus avec une lame mince, en laissant parfois des excroissances au niveau des oreillettes176. Le sceau de Louis d’Orléans ne présente aucune marque de raclage ou de débordement, ce qui rend peu probable l’utilisation d’une matrice à tenons et mortaises. La seconde forme, dite « en fer à hostie », s’inspire du bullotirion, instrument servant à imprimer les bulles en métal. Elle se rapproche également des fers qui servait à imprimer les hosties, d’où leur nom métonymique. Les matrices de ce type qui nous sont parvenues sont très rares, à l’inverse des fers à hostie conservés dans les presbytères de nos régions177.

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Cliché n° 24 : Fer à hostie, XVII ou XVIII siècle. Eglise paroissiale de Saint-Antoine de Bouchier, Alpes-de-Haute-Provence ; Allos. Cliché Heller Marc, ProvenceAlpes-Côte d'Azur, Inventaire général, IVR93_05041277

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Cliché n° 25 : Matrice de sceau à charnière de Raymond de Mondragon, XIIIe siècle. BNF, département des monnaies, médailles et antiques. Banque de cliché : RC-A-01116

Communication orale de madame Agnès Prévost, responsable de l’atelier des sceaux des Archives nationales. 177 Certains fers à hosties ont été inventoriés par les Monuments historiques, sur la base Palissy.


71 Etude historique : La mise en œuvre technique La structure interne et les marques de scellage du sceau de Louis d’Orléans rendent probable l’utilisation d’un tel système, moyennant une forme bien particulière. En effet, les lacs entrent et sortent du gâteau de cire sur l’arrête supérieure du sceau, entre la tranche et l’avers, provoquant un léger débordement de cire. Tous ces indices sont les marques d’un scellage réalisé à l’aide d’une matrice double dont la partie inférieure, creusée, s’accompagne d’une charnière asymétrique. D’autre part, le XVIIIe siècle a accordé une importance croissante à l’aspect ornemental des matrices178. L’axe de préhension ou le manche deviennent de plus en plus grands et décorés, s’ornant de motifs sculptés ou de pierres précieuses. Nous possédons des matrices de cette époque surmontées d’une haute poignée arquée, qui facilitait le scellage. Etant biface, la matrice de Louis d’Orléans n’était vraisemblablement pas munie d’une telle poignée. La description de 1792 n’en fait d’ailleurs pas mention179. Le devenir et la destruction de la matrice du sceau de Louis d’Orléans sous la Révolution L’époque moderne a connu un changement majeur dans la perception et la conservation des matrices de sceau : prenant le contre-pied d’une tradition pluriséculaire, les légataires ou héritiers ne brisent plus systématiquement la matrice de sceau du sigillant défunt (cette pratique est attestée au Moyen Age, bien que plus rare) ; au contraire, cette dernière est souvent conservée, comme un objet d’art180. Les archives révolutionnaires nous apprennent ainsi que la matrice de sceau de Louis d’Orléans a survécu à la mort de son détenteur et aux fluctuations du cours de l’argent au XVIIIe siècle181. 4.1.4

Entre 1784 (date d’accession du comte de Provence à la grande maîtrise) et 1793, il semble que le dos de la matrice ait été regravé aux armes du comte de Provence. Cette modification a probablement été réalisée vers 1784, pour sa nomination à la grande-maîtrise des Ordres réunis182. Il est peu probable que le duc de Berry, successeur de Louis d’Orléans à la grande maîtrise, ait fait regraver cette matrice, puisqu’il n’en faisait apparemment pas usage183.

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R.-H. BAUTIER &al, Il sigillo, imponta dell’uomo, éditions Giorgio Mandadori, 1995, 223p. AN, M 713, pièce 8. Les commissaires chargés de l’enlèvement des archives des Ordres réunis n’ont pas spécifié l’existence d’axe de préhension particulier. 180 Garder une matrice après la mort du sigillant rend compte d’une évolution des valeurs qui lui sont accordées : la valeur esthétique prend le pas sur la valeur légale. R. FAWTIER, ‘Ce qu’il advenait du sceau de la Couronne à la mort du roi de France’, Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et des Bellese Lettres, 82 année, n°6, 1938, p. 522-530 181 La matrice du sceau de Louis d’Orléans a échappé à la fonte pour le numéraire de 1759, qui concernait au premier titre la vaissellerie et le mobilier en argent. 182 Les Archives départementales de la Dordogne possèdent un acte scellé du grand sceau de Louis Stanislas Xavier, duc d’Anjou et comte de Provence, grand-maître des Ordres réunis de 1784 à 1787. L’examen de ce sceau montre qu’il a été imprimé à partir de la matrice du sceau de Louis d’Orléans, le dos étant regravé aux armes du comte. AD de la Dordogne, 2 E 1841/36.71. REVIRIEGO B., BORDES F. (sous la dir.), Catalogue des sceaux ces Archives départementales de la Dordogne, Conseil général de la Dordogne, Périgueux, 1994, p.104105 183 Le duc de Berry scellait vraisemblablement d’un petit sceau sous papier. AN, M 615 179


72 Etude historique : La mise en œuvre technique

Cliché n° 26: Grand sceau de Louis Stanislas Xavier, comte de Provence et grand-maître des Ordres réunis. Sceau en cire rouge appendu sur lacs de soie rouge et verte. Sceau appendu à une lettre de réception de dans les Ordres réunis, AD de la Dordogne, 2 E 1841/36-71.  Conseil général de la Dordogne

La vindicte révolutionnaire a eu raison de cette vieille matrice: le 4 octobre 1793, les citoyens Janson et Fleury, respectivement commissaire administrateur et sous-architecte des Biens nationaux, se présentaient au siège des Ordres réunis184, situé dans l’Hôtel de Rochechouart, faubourg SaintGermain-des-Prés, au niveau de la fontaine de Grenelle. Ils sont venu enlever les scellés apposés par eux sur les armoires contenant les archives des Ordres réunis, pour ‘procéder à la reconnaissance & description sommaires desdites armoires’185. Là, ils trouvent toutes les minutes, registres, comptes et correspondance des Ordres. Au troisième étage, servant de garde-meuble, ils découvrent dans une armoire un coffret186, et notent en fin d’inventaire: ‘Enfin un petit coffret de bois de palissandre, fermant à clef avec entré et poignée de cuivre, renfermant deux sceaux qui nous ont paru être d’argent, l’un représentant le sceau de l’Ordre et l’autre un chevalier bardé, de toutes lesquelles pièces nous n’avons pas cru pour le présent devoir faire une plus ample description.’187 Il s’agit en réalité d’une seule et unique matrice d’un sceau biface, celle de Louis d’Orléans, confondue par le commissaire avec deux matrices de sceaux distinctes. Le coffret et son contenu ont été transportés le 31 vendémiaire de l’An II (21 octobre 1793) au dépôt des Archives nationales, dans des conditions rocambolesques : les voituriers se faisant rares, les commissaires ont dû se résoudre à reporter la date de l’enlèvement et à faire appel à deux hommes de peine, pour porter les ‘cinq caisses’ d’archives. Quelques mois plus tard, le 4 fructidor an II de la République (21 août 1794), l’Hôtel de la Monnaie recevait le coffret et sa matrice, qui devait être fondue incontinent188.

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L’hôtel de Rochechouart, édifié en 1776 rue de Grenelle, était le siège des Ordres réunis. Au XVIII siècle, la tradition voulait que les sceaux en usage soient conservés chez le chancelier en charge. 185 AN, M 713, pièce n° 8 186 La tradition pluriséculaire de renfermer les sceaux dans un coffret de bois se perpétue depuis le Haut Moyen Age jusqu’à la fin de l’Ancien régime, et même au-delà. 187 AN, M 713, n°8 188 Les Archives de l’Hôtel de la monnaie n’ont pas conservé d’attestation de réception, comme l’exigeait la procédure. Aucune matrice de sceau de Louis d’Orléans n’est entrée dans les collections de l’hôtel de la Monnaie. Communication orale de Monsieur Jean-Luc Desnier, conservateur de la Monnaie de Paris.


73 Etude historique : La mise en œuvre technique

4.2

Les laceurs au XVIIIe siècle, ou la fabrication des cordons de soie

Après la matrice, les attaches des sceaux sont des éléments essentiels du scellage du document, puisqu’elles permettent de maintenir ensemble le texte juridique et son sceau. Pourtant, aucune étude de fond n’a encore été publiée à ce sujet, excepté lors d’une vacation aux Archives nationales en 2007189. En observant les parchemins scellés conservés dans les Archives, nous constatons que de multiples systèmes d’attaches ont coexisté, chacun pouvant provenir de divers corps de métiers. Les attaches de soie, comme celles du sceau de Louis d’Orléans, ne sont donc pas précisément documentées. Nous pouvons néanmoins avancer quelques hypothèses sur leur production. La soie a très tôt servi d’attache aux sceaux, sans doute en raison de sa beauté et de sa solidité. Au XIIIe siècle, le livre d’Etienne Boileau mentionne des « laceurs »190, spécialisés dans le laçage des lacs de sceaux pour les chancelleries. Plus tard, on les retrouve sous le nom de dorelotiers. Au XVIIIe siècle, la production de soie française était un commerce florissant, alimentant les ateliers des passementiers.

Figure 4: Grand sceau de Suède en cire rouge dans une boite d'argent appendu sur cordelette de soie bleue et or. Ratification de Gustave IV, roi de Suède, 14 septembre 1795. AN, AE/III/48. Archim

Figure 5: Grand sceau Léopold duc de Lorraine, appendu à actes daté de 1724. Expertisé en 2002 par le cabinet Roche de Coligny, cabinet d’Urfé. Roche de Coligny

Nous ne savons pas quels artisans fournissaient les chancelleries princières ou royales, ni comment était organisé l’approvisionnement en matière première. Deux indices peuvent néanmoins nous orienter : d’un coté, les listes des officiers admis à l’Audience du sceau ; d’autre part l’évolution de l’aspect des attaches de soie au XVIIIe siècle. La liste des officiers présents lors des scellements des actes mentionnent précisément la fonction de chaque membre. Elles indiquent bien la position du scelleur aidé de son valet, mais n’évoque jamais l’existence d’un officier spécialisé dans le 189

E. GARCIN, Contribution au lexique supplémentaire à la base de donnée « Sceaux », rapport à de mission, Centre historique des Archives nationales, Service des Sceaux, non publié, PARIS, 2007, 30p. A. PREVOST, E. GARCIN, Rapport de vacation sur la restauration des lacs textiles, Archives nationales, Section ancienne, Service des Sceau, non publié, Paris, 2007, 23p. 190 G.-B. DEPPING, Règlements sur les Arts et métiers de Paris, rédigés au XIIIe siècle et connus sous le nom de livre d’Etienne Boileau, Paris, Imprimerie de Crapelet, 1837, p.78


74 Etude historique : La mise en œuvre technique maniement des attaches. Nous en déduisons que ce rôle devait revenir au chauffe-cire scelleur comme c’était le cas au XVIe siècle191, et que les cordons de soie devaient être livrés en bobine ou fuseau à la chancellerie avant le scellage. L’évolution de l’aspect des cordons montre un rapprochement de plus en plus prégnant avec l’art des passementiers192 : au cours du XVIIe et XVIIIe siècle, on voit apparaître des cordons noués en résilles, cousus de fils d’or, terminés par des glands finement tressés ; de fin rubans de soie remplacent parfois les flocs ou les lacs.

4.3

Le travail des scelleurs et des chauffe-cire

Le travail des scelleurs et des chauffe-cire consiste à préparer la cire et à sceller les actes. Cette opération se déroule généralement pendant un temps particulier, spécialement réservé au scellement. A la Grande chancellerie royale, il s’agit de l’ « audience de France », plus connue sous le nom d’audience du sceau193. Les officiers des chancelleries subalternes, dans le giron du Palais-Royal, imitaient plus ou moins fidèlement le protocole de scellement propre à cette audience, ainsi que les techniques de scellage. Bien que le déroulement du scellement dans les Ordres réunis ne nous soit pas connu, il est possible de formuler quelques hypothèses à partir des données recueillies sur l’audience du sceau. Un long détour par la grande chancellerie éclairera donc le scellement de l’acte de Louis d’Orléans. Les rares représentations de scellage qui nous sont parvenues datent de 1672 et 1759194. Peintres et graveurs ont immortalisé les épisodes exceptionnels durant lesquels le roi tenait le sceau lui-même, c’est-à-dire présidait en personne l’audience du sceau195. Il est intéressant de noter qu’audelà de la diversité des techniques employées, les artistes ont toujours cherché à mettre en valeur le lien intime qui unit le roi au travail des chauffes-cires, par le jeu de perspective, la composition et la lumière. Les lieux préposés à l’audience et la fréquence des séances ont varié sous les règnes de Louis XIV et Louis XV, mais les représentations et les descriptions données par les diplomatistes montrent une grande constance dans la tenue de l’audience196. Au matin du jour fixé pour la tenue du sceau,

191

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H. MICHAUD H., La grande chancellerie : les écritures royales eu XVI siècle, 1515-1589, Tome XVII, Mémoires et documents publiés par la société de l’Ecole des chartes, PUF, 1967, chapitre « Le Sceau ». 192 e L’observation des sceaux du XVIII siècle de la série K des Archives nationales, ainsi que ceux conservés aux Archives du ministère des Affaires étrangères, est édifiante sur ce point. 193 e L’expression « audience du sceau » n’a été employé pour la première fois qu’à la fin du XVIII siècle, et était inconnu des contemporains de Louis d’Orléans, qui parlaient couramment de « l’Audience de France » ou du « sceau ». G. TESSIER, op. cit, 194 On connait également une enluminure anglaise datant des années 1465, représentant le scellage du grand sceau biface à la Chancellerie du royaume d’Angleterre. Le travail y est rationalisé : la cire est préparée à l’avance en boulette et passée sur les double-queues de parchemin, la matrice à tenons et mortaises est écrasée au rouleau, etc. Voir une reproduction sur : http://www.innertemplelibrary.org.uk/collections/manusccript-collection/chancerypage.htm 195 Louis XIV a tenu le sceau à la mort du chancelier Séguier, du 6 février au 27 avril 1672. Louis XV suivra les pas de son aïeul dans un contexte légèrement différent. TESSIER G., op.cit, p. 51-95 196 G. TESSIER, op. cit., p. 51-95 ; B. BARBICHE, ‘De la commission à l’office de la couronne : les gardes des e e sceaux de France du XVI au XVIII siècle’, dans Bibliothèque de l’école des chartes, tome 151, livraison 2, 1993, p.359-390


75 Etude historique : La mise en œuvre technique « les officiers du Garde-meuble197 [ont] préparé dans ladite-pièce un bureau couvert d’un tapis de velours vert, recouvert par le bas-bout d’un maroquin noir, sur lequel le chauffe-cire apprête la cire pour la donner au scelleur : au haut-bout dudit bureau était un fauteuil pour le Roi, & à chacun des côtés trois sièges pliants pour MM. les conseillers d’Etat 198». L’audience commence invariablement par une présentation des matrices de sceaux au roi : c’est au scelleur que revient l’honneur d’aller chercher le coffret chez le Chancelier, de l’apporter de devant le roi, de l’ouvrir et de prendre les matrices du sceau et du contre-sceau de France. Il rejoignait ensuite le groupe des officiers techniciens, au « bas-bout »de la table. Là se tenait son valet et le porte-coffre, chargé de déposer le coffre où étaient déposées les lettres scellées199. Les actes sont ainsi placés sous la vigilance de l’huissier200 et du contrôleur général, respectivement placés à gauche et en face du scelleur. Un tableau anonyme, sans doute exécuté par un peintre des Gobelins sous l’égide de Charles le Brun vers 1672 et conservé à Versailles, offre une vision magnifiée de cette description, articulée autour du roi et du scelleur.

Cliché n° 27: Louis XIV tenant le sceau, 1672, atelier de Charles Lebrun ?, musée national des châteaux de Versailles et du Trianon, peinture à l’huile sur toile, H 110 x L128, MV 5638 © C. Jean ; Réunion des musées nationaux

197

Ces officiers sont nommés huissiers de la chancellerie depuis le règne de François I. G. A. GUYOT, Traité des droits, fonctions, franchises, exemptions, prérogatives et privilèges, tome 4, chez Visse, Paris, 1784, p.114 198 G. A GUYOT., op. cit., p. 457 199 P.-N. GUYOT, J.-G. GUYOY, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, chez Visse, Paris, 1784, p.121 200 Cet huissier, représenté debout à l’extrême droite de la gravure, est reconnaissable à « sa chaine d’or, à laquelle pend une médaille du même métal ». G.A. GUYOT, op. cit., p. 458


76 Etude historique : La mise en œuvre technique D’une manière générale, scelleur, valet-chauffe cire, porte-coffre et cirier composent un groupe d’officiers encore mal connu. Malgré les privilèges honorifiques attachés à leur fonction201, ils restent les exécutants de tâches matérielles subalternes. Ils occupent un espace de travail dégagé et clairement circonscrit en dehors du cercle serré des officiers entourant le roi. Autour d’eux sont rassemblés un certain nombre d’instruments nécessaires au bon déroulement du scellage : les matrices du sceau et contre-sceau ; le coffret (ou cassette) de bois plaqué de métal précieux et fleurdelisé, placé sur le rebord gauche de la table par rapport au roi (mais déplacé vers le roi en 1757) ; le maroquin noir de protection ; une nef de table, coupe ou récipient peu profond, servant peut-être à maintenir au chaud la cire. Le tableau de Louis XIV tenant le sceau s’accompagne d’une représentation contemporaine plus libre, qui fourni de précieuses indications sur le travail du scellage. Il s’agit d’un croquis –peutêtre un dessin préparatoire pour la commande de tapisseries - de Charles Le Brun202, conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre.

Cliché n° 28: Louis XIV tenant le sceau, vers 1672, H 36,2 x L 48,2 cm, Charles Le Brun, pierre noire sur papier vergé, Musée du Louvre, département des Arts graphiques, INC 26766 © C. Jean ; Réunion des musées nationaux

Tandis que le chauffe-cire scelleur presse la cire contre la matrice, son valet est tout entier occupé à la préparation de la cire, agenouillé devant ce qui semble être un grand baquet surélevé,

201

G. A. GUYOT, op. cit., tome 4, chez Visse, Paris, 1784, p.447-470 S’il a exécuté un croquis sur le vif, Charles le Brun a donc obtenu le droit d’assister à l’audience, normalement réservée aux seuls officiers admis et désignés par l’audiencier. Ce dessin a sans doute été réalisé au début de l’année 1672, Louis XIV ayant tenu le sceau du 6 février au 23 avril 1672, à la mort du chancelier Séguier. 202


77 Etude historique : La mise en œuvre technique derrière laquelle est placé un récipient pansu à col haut. La description rapportée dans Le Thrésor ou stile et protocole de la Chancellerie de France (1614) redonne toute sa lisibilité à cette scène203 : « Pour sceller [la lettre], il [le chauffe-cire scelleur] prend un rondeau de cire molifiée avec de l’eau tiède que son valet (qui est derrière luy) luy baille ». Le grand baquet n’est autre qu’un bain-marie chauffé à 50°C environ, accompagné de son pot à charbon204. Selon les dictionnaires et ouvrages de l’époque, le terme ‘rondeau’, employé cidessus, se rapporte à un pain de cire entier, de forme tronconique ou en demi-sphère, ‘d’environ un pied de diamètre & trois pouces de haut 205’, soit 30 centimètres de large sur 10 centimètres de haut. La gravure de la sixième planche du Nouveau théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres représente la cire brute sous cette forme. Il peut également prendre la forme d’un’ lingot’, aux dires de Pierre de Miraulmont, auteur du Traité de la chancellerie de France206, paru en 1610. Ce lingot est sans doute l’équivalent de nos modernes petits pains de cire. De toute évidence, il n’est pas encore la petite rondelle de cire calibrée à la taille du sceau, utilisée sous la presse à sceller ou dans les matrices doubles de sceau bifaces. La forme définitive du sceau et sa qualité dépendent largement de ce mode opératoire.

Cliché n° 29 : Détail de la planche VI du Théatre d'agriculture d'Olivier de Serres. Les rondeaux de cire sont moulés dans des terrines, et souvent revendus à des marchands.  Cliché de l’auteur

Une gravure exécutée par Jean-Jacques Pasquier en 1759, représentant Louis XV tenant le sceau pour la première fois le 4 mars 1757, rend compte d’un élément important pour la

203

Le Thrésor ou stile et protecolle de la Chancellerie de France et des chancelleries establies pres les parlements, chez Jean Richer, Paris, 1614, (BSG, F 8° 271, Inv. 2555, feuillet sans numéro, la signature iiij v°). George Tessier remarque que cet ouvrage n’est qu’une refonte du Trésor et nouveau stile et protecolle de la chancellerie de France et des chancelleries establies pres les parlements de ce Royaume, édité en 1599 et 1608 (BnF, site de l’Arsenal, 8° J 4295 ; BSG, inv. 2554) ; G. TESSIER, op. cit., p.51-95 204 Les indications d’ordre technique ont été précisées oralement par Madame Agnès Prévost, de l’atelier de restauration des sceaux de la Section ancienne des Archives nationales. 205 J. SAVARY DES BURSLONS, P.-L. SAVARY, Dictionnaire universel de commerce : contenant tout ce qui concerne le commerce qui se fait dans les quatre parties du monde, chez les Janson à Waesberge, tome 3, Amsterdam, 1732, p.183-184 206 P. de MIRAULMONT, Traité de la Chancellerie de France, Paris, 1610, folio 39 v° et suivant ; cité par A. FLOQUET, Diaire ou journal de voyage du chancelier Séguier en Normandie…, chez Edouard Frère, Rouen, 1842, p. 42-43.


78 Etude historique : La mise en œuvre technique compréhension de l’évolution du protocole de scellage. Le valet chauffe-cire207 qui s’avance vers le scelleur tient dans ses mains une masse informe, en réalité un amas de cire à sceller. Cette cire est colorée, tiédie au bain-marie et ramollie par le garçon cirier dans l’antichambre de la salle de l’audience. La fonction du chauffe-cire tient donc désormais essentiellement dans la présentation de la cire amollie au scelleur, ce qui suppose un va-et-vient entre l’antichambre et la chambre du sceau.

Cliché n° 30: Louis XV tenant le sceau le 4 mars 1757, 1759, burin et eau-forte sur papier vergé, Jean-Jacques Pasquier, 22 X 21,5 cm. Vignette illustrant le Nouveau Traité de diplomatique, tome 4, page 1. AN, AE/II/2753, ARCHIM

En 1791, Jacques Lacombe, auteur de l’Encyclopédie méthodique des Arts et métiers mécaniques, notifie l’emploie d’eau chaude pour ramollir la cire à sceller208. De 1599 à 1791, la technique du ramollissement de la cire à sceller par trempage dans de l’eau tiède est donc bien établie. Le mode opératoire est invariable, tandis que le protocole de scellement évolue : toutes les opérations qui ne se rattachent pas directement à l’impression de la matrice sont écartées de la vue du roi, et rejetées dans l’antichambre. Le regard de Saint-Simon, n’a pas manqué de remarquer les avantages indéniables de cette machinerie. En 1718, il note dans son journal qu’après s’être fait montrer les sceaux ‘à nu’209 par le Garde de Sceaux, il lui fut donné le loisir d’observer la ‘boutique’ (aussi appelée ‘mécanique’) du chauffe-cire, dissimulée dans une ‘chambre à part et tout proche, avec de l’eau et du feu tout allumé tout prêt, sans que personne s’en fût aperçu’ Or, Saint-Simon souligne que cette antichambre était attenante au Conseil du roi ou à son lit de Justice, ce qui permettait de valider des actes sans le faire passer en Audience. Il fut ainsi mis au secret : seuls le régent et son fils, le Garde des sceaux, Monsieur de la Vrillière et lui étaient informés de cet arrangement peu protocolaire. Remarquons également les termes burlesques et méprisants de Saint-Simon envers les techniques et le matériel du chauffe-cire : la ‘boutique’ s’apparente aux 207

Conformément à l’étiquette et contrairement au scelleur, le valet-chauffe cire ne porte pas d’épée et officie tête-nue. P. de MIRAULMONT, op.cit, folio 39. 208 J. LACOMBE, Encyclopédie méthodique des Arts et métiers mécaniques, tome 1, édité chez Panckoucke, Paris, 1782-1791, p. 679-702. 209 « A nu » est utilisé de façon métaphorique. Saint-Simon indique par là que les sceaux étaient sans leur cassette, et donc facilement dissimulables dans un vêtement.


79 Etude historique : La mise en œuvre technique ‘ boîtes ou layettes que quelques petits merciers portent autours du cou ou sur le dos’ (dictionnaire de Furetière). Si l’on pousse l’investigation jusqu’à l’époque contemporaine, il est remarquable d’observer la constance de la technique : encore sous la Ve République, la cire destinée au scellage est ramollie au bain-marie. La diffusion de la presse à sceller, sous la Révolution, n’aura fait qu’ancrer plus profondément cette pratique propre à amollir des modules de cire. Au-delà du protocole lié au modelage de la cire, les archives demeurent laconiques sur la gestuelle entourant les attaches des parchemins. Aucun témoignage postérieur au XVIe siècle ne mentionne la qualité des officiers chargés de passer les lacs de soie ou les queues de parchemins dans les gâteaux de cire. On peut raisonnablement penser que ce travail revenait au scelleur ou au chauffe-cire. Le style ou protecolle de chancellerie, en 1614, précise néanmoins qu’il incombait au contrôleur général de couper une simple queue de parchemin « avec un canivet 210» sur toutes les lettres accordées. Le protocole voulait qu’il prenne soin de passer les parchemins au scelleur « en telle forme que l’écriture est dessous, et ne voit que le dos de la lettre qu’il scelle211 ». Toutes ces précautions se vérifient sur la gravure de 1759, pourtant postérieure à la description précitée de plus de cent quarante ans. Si cette description se vérifie, la charge du contrôleur général pourrait se doubler d’une aura symbolique : il est responsable de la création du lien entre le moyen de validation et le support de l’acte juridique. Deux autres remarques viennent compléter cette analyse des techniques de scellage à la Grande chancellerie de France. D’une part, en soustrayant le contenu des lettres au regard du scelleur, le contrôleur général garantissait l’anonymat du bénéficiaire. Il prévenait ainsi toute tentative de fraude de la part du scelleur, et surtout lui imposait de sceller à l’envers : les queues de parchemins devaient être repliées pour sceller le sceau, et dépliées pour apposer le contre-sceau. Est-ce pour cette raison que la face du grand-sceau de France apparait toujours écrasée212 ? D’autre part, sur la gravure de 1759, un détail frappe l’œil de l’historien des matériaux : aucun des parchemins posés négligemment sur la table n’est plié, ce qui signifie qu’ils le sont ultérieurement. Aussi le pliage s’effectuait vraisemblablement lors de la séance de contrôle, qui suivait l’audience du sceau et précédait l’envoi ou la remise des actes à leur bénéficiaire213. Ce pliage des parchemins était propre à chaque chancellerie, et participait de l’authentification des actes. Dans quelle mesure ces protocoles et techniques de scellage étaient-ils imités par le scelleur des Ordres de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel ? En l’absence de sources historiques, la prudence s’impose dans la formulation des diverses hypothèses. Dans une chancellerie subalterne, 210

Le Thrésor ou stile et protocole de la Chancellerie de France et des chancelleries establies près les Parlements…, op. cit., folio iiij v°. La simple queue de parchemin étant normalement réservée aux mandements et actes administratifs (sans valeur perpétuelle), lesquels étaient accordés en début de séance, on en déduit que la gravure représente l’audience du sceau peu après son ouverture. Cette déduction expliquerait de manière rationnelle l’absence des lacs de soie sur la gravure de 1759. 211 Ibid. 212 La qualité de la gravure du contre-sceau de Louis XIV et Louis XV, contrastant avec la grossièreté de la face du sceau, laisse à penser que cette défectuosité est due à la technique de scellage, et non au vieillissement. Communication orale de madame Agnès Prévost, restauratrice de l’atelier des sceaux des Archives nationales, et de monsieur Ghislain Brunel, conservateur en chef à la Section Ancienne des Archives nationales. 213 G. TESSIER, op. cit., p.93


80 Etude historique : La mise en œuvre technique une simplification et un assouplissement du protocole est cependant indéniable. Le sceau de Louis d’Orléans est la preuve tangible que la technicité du scellage s’est conservée hors de la Grande chancellerie. Deux remarques aussi importantes que complexes viennent nuancer et densifier ce tableau encore trop général : la première touche au statut des officiers scelleurs. Sous la Régence, les scelleurs de la Grande chancellerie avaient déjà acquis le droit d’exercer leur charge auprès des cours souveraines. On en déduit que le scelleur du sceau de Louis d’Orléans et celui de l’Audience du Sceau pouvaient n’être qu’une seule et même personne. La disparition des registres comptables des archives des Ordres ne permet pas de donner le poids de l’affirmation à cette hypothèse, toutefois très vraisemblable. La seconde remarque porte sur la provenance des cires à sceller, tant auprès de la Grande chancellerie que des Ordres réunis. Louis d’Orléans étant un prince de sang, il pouvait prétendre à l’une des meilleures cires du royaume : celle de la manufacture royale d’Antony, qui détenait le monopole de la fourniture de la Grande chancellerie214. Si l’on tient pour fermement établie l’hypothèse d’un même scelleur et d’une même qualité de cire, l’écart qualitatif entre sceaux royaux et sceaux princiers (dont celui de Louis d’Orléans) s’explique non plus par les aptitudes techniques des scelleurs ou le frelatage de la cire, mais par les représentations de ces sceaux. Par représentations, on entend leurs valeurs diplomatiques, juridiques, symboliques et sociales. Pour l’historien de l’époque moderne, ces valeurs se laissent saisir dans les usages diplomatiques propres au scellement ; dans les champs sémantiques rattachés au sceau ; dans les changements iconographiques opérant sur les matrices gravées ; enfin, dans les fluctuations de la taxe du sceau (aussi appelée droit du sceau, ou émoluments). L’analyse de ces représentations dépasse très largement le cadre de ce mémoire, aussi s’en tient-on ici exclusivement aux éléments qui éclairent la pratique du scellage d’un sceau princier, dans un jeu d’opposition et d’imitation des sceaux royaux. En 1724 (soit trois ans après l’émission de l’acte de Louis d’Orléans), l’abbé de Fleury, observateur discret mais influent, note : « [le] sceau est pure formalité qui a été conservée par les émoluments [sic] & l’intérêt des Officiers. Lettres de justices, toutes inutiles. De grâce, suffiroit qu’elles soient signées. […]. Sceaux authentiques des Justices seigneuriales […] conservés pour les émolumens, dont la plupart sont consumés par les Officiers qui ont grand droit, pour le quels ils ont financé. [...]. Sont fort à charge aux parties : jusqu’à trois sceaux pour une Lettre.» 215 Cette note, lapidaire, semble condenser les tendances montantes depuis les années 1610. A l’ origine moyens de validation, les empreintes de sceaux deviennent progressivement prétextes de rentes juteuses. L’exemple du sceau de Louis d’Orléans fait figure de paradigme : chaque empreinte est une preuve de l’acquittement de la somme faramineuse payée par les chevaliers pour entrer dans les Ordres réunis. Les matrices d’argent, elles, sont volontiers montrées et exposées comme des

214

Les procédés de récolte, de purification et de mise en forme des pains de cires ne peuvent pas être abordés dans le cadre de ce mémoire, étant longs et complexes. Il est cependant possible de noter que la cire de chancellerie n’était pas une cire brute (extraite directement des rayons de la ruche ou du démiéllage), mais une cire jaune purifiée, parfois broyée (éculée) et non-blanchie. 215 Abbé de FLEURY, Le droit François suivant l’Edition de 1724, dans Opuscules de Monsieur l’abbé de Fleury, tome 4, première partie, chez Pierre Beaune à Nîmes, 1781, p.97-98


81 Etude historique : La mise en œuvre technique objets d’apparat et de puissance216. Il serait extrêmement intéressant de replacer cette évolution dans le contexte de construction de l’Etat moderne. La thèse avancée par Bernard Barbiche et Robert Mousnier217 trouverait ainsi un éclairage nouveau : de l’idéal du roi justicier du XVe et XVIe siècle, la monarchie devient Etat de finances (avec Sully pour précurseur et la prise de pouvoir personnel de Louis XIV en 1661 pour date charnière). Les sceaux sont-ils un reflet de cette évolution, ou l’anticipent-ils ? Telle pourrait-être la problématique majeure que soulève l’étude de l’acte de Louis d’Orléans.

4.4

Le scellage du sceau biface de Louis d’Orléans, témoin d’une rationalisation de la technique ?

L’imaginaire populaire se représente volontiers le scellage d’un sceau à la manière du scellage d’un cachet : la cire fondue et fluide serait versée sur un support, et imprimée par la matrice. Cette représentation tend toutefois à confondre cire d’Espagne et cire à sceller, alors que les deux matériaux ont un comportement et une utilisation sensiblement différents. Nous nous intéresserons ici uniquement au scellage d’un sceau avec de la cire à sceller, et plus particulièrement à celui d’un sceau biface. Pratique empirique et immémoriale, l’opération de scellage n’a guère laissé de trace écrite. Pour comprendre la mise en œuvre d’un sceau biface tel que celui de Louis d’Orléans, nous pouvons appuyer nos recherches sur:    

l’observation de l’aspect matériel des sceaux, selon différents modes de scellement ; l’observation du comportement d’une cire d’abeille chauffée et travaillée à la main, en tentant de retrouver les gestes d’un chauffe-cire ; l’observation des rares représentations de cérémonies royales de scellement, appelées audiences du sceau ; l’analyse des rares descriptions anciennes de l’audience du sceau.

Cette méthode permet de recouper plusieurs faisceaux d’analyse, tout en se rapprochant des principes de l’archéologie expérimentale. Par delà les clivages disciplinaires, elle jette des ponts entre étude historique, regard technique, analyse iconographique et observation physique. La technologie du scellage est fonction du comportement rhéologique de la cire d’abeille. Quand on chauffe une cire, elle se ramollie progressivement et fond à la surface des parties solides, jusqu’à former un fluide ambré et odorant. Lorsqu’on arrête de chauffer ce fluide, il se refroidit et 216

Communication orale de monsieur Blanc-Riehl, responsable des collections sigillographiques des Archives nationales. Voir également : C. BLANC-RIELH, ‘Trois prestigieuses acquisitions des Archives nationales : les matrices du chancelier Estienne III d’Aligre et de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie’, Revue française d’héraldique et de sigillographie, T. 76, Paris, 2006, 169-173 217 R. MOUSNIER, Les institutions de la France sous la monarchie absolue, tome 1, PUF, collection ‘Histoire des e institutions, 2 édition, Paris, 1990, 586p. ; B. BARBICHE, S. DAINVILLE-BARBICHE S., Sully. L’homme et ses fidèles, éditions Fayard, Paris, 1997, 698p.


82 Etude historique : La mise en œuvre technique commence à se cristalliser rapidement. Entre la température de fusion et la température de transition vitreuse218, il existe une marge de manœuvre assez large pour modeler la cire encore tiède. La seule solution pour imprimer un sceau est de former une boule de cire, de la presser contre la matrice et de la laisser refroidir à température ambiante. L’observation chronologique des sceaux confirme cette méthode générale, avec des variantes importantes et une complexification croissante. Ainsi, en observant les sceaux du VIIIe siècle, on apprend beaucoup sur les modes opératoires des sceaux modernes. Les premiers sceaux plaqués sont généralement très épais, avec un rebord large et arrondi comme si une boule de cire ductile avait été pressée par la matrice. A l’inverse, la cire des sceaux pendants était modelée219 et posée sur la matrice. Les sceaux ont alors une section lenticulaire, imprimée du contre-sceau sur le dos du gâteau de cire. Les empreintes digitales visibles sur de très nombreux sceaux sont les témoins discrets du travail des chauffe-cire.

Cliché n° 31: Détails des clichés n°1ç, 20 et 21. Le geste de scellage des chauffes-cires est identique en 1672 et en 1757

Les trois représentations connues de scellage offrent chacune la vision d’un scelleur s’attelant à la tâche, invariablement penché vers la table, concentré sur la précision de son geste. La technicité du scellage requiert une bonne maîtrise du modelage et du démoulage des gâteaux de cire, en plus d’une remarquable célérité. Le scellage d’un sceau biface est plus complexe: il nécessite de mouler les deux côtés du sceau en même temps. L’étude de la matrice de Louis d’Orléans a mis en évidence un développement particulier du système à charnière. L’obtention d’un sceau aux bords réguliers et lisses pose la question de la forme du gâteau de cire imprimé : était-ce un morceau brut prélevé sur le ‘rondeau de cire’ cité plus haut, ou une galette au module prédéfini, comme dans les systèmes postérieurs à la Révolution ? Autrement dit, utilisait-on un morceau de cire informe ou un morceau de cire préparé aux dimensions du sceau ? Dans le premier cas, la cire ductile est travaillée à la main et appliquée dans la partie creuse de la matrice. Cette première couche de cire peut être travaillée en cuvette, pour laisser une place 218

Sur le comportement rhéologique de la cire d’abeille, voir dans la partie technico-scientifique p.86 : ‘Etude d’un matériau : la cire d’abeille’ 219 La cire se travaille lorsqu’elle blanchie légèrement au cours du refroidissement. L’intensité du phénomène de blanchiment est fonction de la composition de la cire, de son degré de pureté, des adjuvants et des pigments plus ou moins foncés. Communication orale de madame Agnès Prévost, restauratrice de l’atelier des sceaux des Archives nationales.


83 Etude historique : La mise en œuvre technique suffisante aux attaches. Les lacs, préalablement passés dans les oculi et retenus par un nœud, sont alors disposés sur cette première couche de cire. Le chauffe-cire répartit uniformément le faisceau de fils, pour que le sceau n’éclate pas et pour renforcer la résistance mécanique de l’empreinte220. Il recouvre le tout d’une couche de cire ductile, imprimée par la seconde partie de la matrice (parfois à l’aide d’un rouleau de bois). Dans le second cas, l’utilisation d’un module de cire d’un diamètre égal à celui du creux de la matrice facilite le scellage. Le mode opératoire est identique, si ce n’est l’écrasement de la cire sur la matrice. Les bords du sceau de Louis d’Orléans montrent clairement une ligne médiane dédoublant l’empreinte en deux parties, l’une supérieure, l’autre inférieure. Cet indice rend vraisemblable l’utilisation d’une galette de cire préparée à l’avance aux dimensions du sceau, rendue ductile au bain-marie. Seule l’observation de très nombreux sceaux de l’époque moderne pourrait mettre en évidence l’adoption progressive de modules de cire prédéfinis, signes avant-coureurs d’une mécanisation de la technologie du scellage. A lui seul, le sceau de Louis d’Orléans ne permet pas d’éclairer des zones d’ombre aussi vastes que complexes. Le dépouillement de quatre-cent soixantedix sept chartes scellées du XVIe siècle (1498-1594), appartenant aux séries K (monuments historiques), L (monuments ecclésiastiques) et J (Trésor des chartes) des Archives nationales, réalisé lors d’un stage de quatre mois, a permis de mettre en lumière les rapports entre technologies sigillaires et valeurs patrimoniales des actes221. Il a confirmé une rationalisation des techniques de scellage, parallèlement à une valorisation des matrices comme objets d’art.

4.5

Conclusion de l’étude historique

L’analyse diplomatique et sigillographique de l’acte de Louis d’Orléans rend compte des liens étroits entre contexte de production et émission de la lettre scellée. La charte est une entité sémantique complexe, qui se construit autour d’un texte et d’une image, d’une action juridique (immatérielle par nature) et de supports physiques tenant lieu de preuve. La technologie de mise en œuvre de la charte est indissociable de ses valeurs d’authentification et de validation. Nous aimerions conclure sur un vaste point d’interrogation que soulève le rapport entre support matériel et action juridique au XXIe siècle. Avec l’adoption des technologies numériques et informatiques, de nombreux juristes ont posé la question de la distinction entre support matériel et existence performative d’un acte légal. Désormais, il n’est plus nécessaire de posséder un support faisant office de preuve, révolution d’une portée qu’on ne peut encore sondée. L’acte de Louis d’Orléans peut ainsi nous amener à repenser notre propre société, et à la replacer dans le temps long de l’histoire.

220

Sur de nombreux sceaux brisés, on observe également un nœud central retenant les fils des lacs entre eux, situé au milieu du gâteau de cire. Ce nodule témoigne de la technicité des chauffe-cires, mais fragilise l’empreinte au niveau structurel. Il est souvent le point de départ des fissures qui se propagent à travers l’empreinte jusqu’à briser le sceau, laissant voir le squelette de lacs. Le sceau de louis d’Orléans ne présente visiblement pas de tel nœud. Communication orale de madame Agnès Prévost, restauratrice de l’atelier des sceaux des Archives nationales. Voir dans le rapport de restauration, p. 147 221 e Rapport de stage remis à la section ancienne des Archives nationales : ‘Les sceaux français du XVI siècle : évolutions technologiques et renouvellement des valeurs’, 90p. Ce stage m’a également permis de travailler sur les modes de pliage des chartes, signes d’authentification des actes et moyens de protection des sceaux.


Etude technico-scientifique I: Etude d’un matériau : la cire à sceller


85 Etude technico-scientifique

Etude technico-scientifique  Section I : étude d’un matériau, la cire à sceller  Section II : les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceau : étude des propriétés mécaniques et de la réversibilité des adhésifs


86 Etude technico-scientifique


87 Etude technico-scientifique

Partie technico-scientifique Introduction La charte de Louis d’Orléans est un document complexe : le parchemin, la soie et la cire ont des comportements physico-chimiques et mécaniques très différents, notamment lors du vieillissement. Depuis plusieurs décennies, le parchemin et la soie ont attiré l’attention de nombreuses équipes de chercheurs dans les domaines patrimoniaux222. C’est pourquoi la première section de notre étude portera exclusivement sur les propriétés de la cire d’abeille. Bien connue des entomologistes et des chimistes spécialisés en cosmétologie, la cire d’abeille reste un matériau peu étudié par les restaurateurs. Nous proposerons une synthèse des avancées les plus récentes dans la connaissance des cires d’abeilles, en tentant d’en dégager les éléments susceptibles d’aider le restaurateur dans ses choix de traitements. La section II détaillera les tests menés sur des colles d’assemblage de fragments de sceaux. Ces tests, faisant principalement appel à des notions de physique des solides et de rhéologie des polymères, nous aiderons dans notre choix de restauration. Le principe de ces tests est simple : deux éprouvettes de cire collées entre elles étant soumises à une sollicitation mécanique (traction, cisaillement, clivage), on observe une certaine élasticité du joint de collage, ainsi qu’une résistance à la rupture. Notre objectif sera de mesurer la force exercée à la rupture pour déterminer quelle est la colle la plus adéquate pour assembler des fragments de sceau.

222

Sur le parchemin, on peut consulter avec interêt : ; P. BUDRUGEAC , E. BADEA, G. DELLA GATTA, L. MIU, A. COMANESCU, ‘A DSC study of deterioration caused by environmental chemical pollutants to parchment, a collagen-based material’, Thermochimica Acta, Vol. 500, Issues 1-2, 10 March 2010, p. 51-62 ; B. DOLGIN, Y. CHEN, V. BULATOV, I. SCHECHTER, ‘Use of LIBS for rapid characterisation of parchment’, Analytical and Bioanalytical Chemistry, 2006 n°386, p.1535-1541 ; A. FACCHINI &al., ‘Restoring process and characterisation of ancient damaged parchments’, Quinio n°3, International journal on the history and conservation of the book, Instituto centrale per la patologia del libro, 2001, p. 51-70 ; C.-J. KENNEDY &al., ‘Degradation in historical parchment’, PapierRestauriering, Vol. 3, n°4, IADA, 2002, p. 23-30 ; C.-J. KENNEDY, T.-J. WESS, ‘The structure of the collagen within parchment – A review’, Restaurator n° 24, n°2, 2003, p. 61-80 ; R. LARSEN & al., Microanalysis of parchment, Archetype Publications Ltd, Londres, 2002, 180p. ; D. PANGALLO, K. CHOVANOVA, A. MAKOVA, ‘Identification of animal skin of historical parchments by polymerase chain reaction (PCR)-based o methods’, Journal of archaeological science 2010, vol. 37, n 6, pp. 1202-1206 ; A. RICCARDI, F. MERCURI, S. PAOLONI, U. ZAMMIT, ‘Parchment ageing study: new methods based on thermal transport and shrinkage analysis’, e-preservation science, éditions MORANA RTD D.o.o, Rome, 2010, p.87-95. La soie est présentée en Annexe V.


Etude technico-scientifique I: Etude d’un matériau : la cire à sceller

Section I Etude d’un matériau : la cire à sceller « Commençons par la considération des choses les plus communes, et que nous croyons comprendre le plus distinctement, à savoir les corps que nous touchons et que nous voyons. […] Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d’être tiré de la ruche […]. » René Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation seconde

Introduction Si les premiers sceaux médiévaux, plaqués sur parchemin, ont été réalisés à partir de cire d’abeille naturelle, le Bas Moyen Age a connu une importante diversification des matières premières. On estime que des colorants, pigments, charges, craie, cendre, résines, terre cuite broyée, huile, poix et autres adjuvants peuvent entrer dans la composition de la cire à sceller dès le XIIe siècle. En France, les recherches menées sur ces cires sont encore rares, tandis que l’Angleterre et la l’Espagne se sont penchées plus avant sur le sujet. Aussi faut-il être prudent quant aux hypothèses portant sur la composition d’une cire médiévale française, et, a fortiori, sur une cire moderne, domaine où très peu d’études ont été menées223. A titre d’exemple, l’examen visuel du sceau de Louis d’Orléans pouvait faire croire à un mélange de cire d’abeille, de résine et de cinabre ou de minium, avec, éventuellement, un plastifiant lipidique (graisse animale, huile de lin, poix). L’analyse par microspetrophotométrie IRFT a écarté ces premières hypothèses : la cire d’abeille ne contient a priori ni résine, ni charge minérale, ni plastifiant ajouté. Pour comprendre les propriétés physico-chimiques et mécaniques de la cire à sceller, nous nous intéresserons dans un premier temps à la cire d’abeille. Cette approche sera suivie d’une présentation de la cire du sceau de Louis d’Orléans, de son vieillissement et des conséquences de ses altérations sur le parchemin et la soie.

1

Remarques sur les espèces d’abeille et la production apicole

Contrairement au miel, la cire est secrétée par les abeilles sous forme d’écailles, au niveau des glandes abdominales. L’abeille les retire avec une patte arrière et les donne à mastiquer à une ouvrière. Cette dernière construit et consolide les rayons d’alvéole. La propolis224, elle, est surtout utilisée pour colmater les brèches et pour fixer les rayons aux cadres. Il semble que la cire joue également un rôle 223

Pour la période moderne, seules les cires vertes colorée par des acétates de cuivre basiques ou neutre ont été analysées. T.. BURNS, M. BIGNELL, ‘The conservation of the royal charter and great seal of queen’s university’, The Paper Conservator, Vol. 17, 1993, p.5-12 ; O. HAHN, ‘Untersuchung von Wachsobjekten mit Hilfe der Pyrolyse Gaschromatographie’, Berliner Beiträge zur Acheometrie, Vol. 13, Berlin, 1995, p.205-220 ; A. SERRANO, E. PARRA, ‘Chemical analysis of wax seals and dyed textiles attachment from parchment document: th preliminary investigations’, 9 triennial meeting of ICOM, Vol.1, Dresde, 1990, p. 62-67 ; G. YOUNG, ‘Studying the Historic Royal Charter of the Hudson’s Bay Compagny’, CCI, 9 janvier 1997 [s.p] 224 La propolis est constituée d’unités terpéniques, et possède un pouvoir collant moyen.


89 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller majeur dans la communication entre les abeilles, selon sa composition. Des chercheurs biologistes japonais, européens et américains exploitent actuellement cette hypothèse225. Leurs résultats sont prometteurs : il semble que la composition de la cire et son comportement rhéologique soient fonction de l’habitat et du mode de vie des espèces. C’est ainsi que la composition et le comportement mécanique de la cire peut sensiblement changer, même entre deux ruchers. Cette composition est d’autant plus variable qu’il existe de nombreuses espèces d’abeilles de par le monde226, que la cire a de tout temps été coûteuse et donc frelatée, et que les apiculteurs ont aujourd’hui à leur disposition différents traitements sanitaires227.

Cliché n° 6: Abeille sur un rayon de miel. On aperçoit les opercules bouchant les alvéoles. La cire la plus pure est extraite de ces opercules.

2

Cliché n°7: Pain de cire, vendu dans le commerce. Même purifié, il contient généralement des traces de miel, de propolis, de pollen ou encore de polluants.

Composition et structure chimique de la cire d’Apis mellifera

L’intérêt des biologistes pour la cire d’abeille rejoint celui des secteurs industriels. Bien qu’elle ait très peu été étudiée en restauration du patrimoine, la cire d’abeille est riche de potentialités dans les domaines pharmaceutiques et cosmétiques, ainsi que dans la production de revêtements, d’adhésifs, ou encore d’adjuvants alimentaires. Depuis les études fondamentales menées par Tulloch dans les années 1980228, de nombreuses recherches industrielles sur les cires d’abeilles se sont succédées, et ont mis en évidence la structure complexe de ce matériau229.

225

R. BUCHWALD, M.-D. BREED , A.-R. GREENBERG, G. OTS, ‘Interspecific variation in beeswax as a biological construction material’, Journal of Experimental Biology, n°209, p.3984-3989 ; R. BUCHWALD, A.-R. GREENBERG, M.-D. BREED, ‘A biomechanical Perspective on Beeswax’, American Entomologist, Vol.51., n°1, spring 2005, p.39-41 226 Le genre Apis comprend neuf espèces. Trois d’entre elles sont plus souvent étudiée : Micrapis (abeille naine), Megapis (abeille géante) et Apis, abeille commune européenne. Au bas Moyen Age et à l’époque moderne, un flux commercial est-ouest fourni une quantité croissante de cire d’abeille au royaume de France. Il serait intéressant de repérer des marques biologiques dans les cires des sceaux, pour mieux comprendre la nature de cette importation, et éventuellement mener une étude en archéoparasitologie. 227 S. BOGDANOV, ‘Beeswax : Production, Properties, Composition and Control’, Beeswax Book, chapter 2, September 2009, disponible sur http://www.bee-hexagon.net/files/file/fileE/Wax/WaxBook2.pdf 228 A.-P. TULLOCH, ‘Composition of beeswax and other waxes secreted by insect’, Lipids, n° 5, 1970, p.247-250 ; A.-P TULLOCH, ‘Beeswax –composition and analysis’, Bee world, n°61, 1980, p.47-62 229 B. ZIMNICKA, A. HACURA, ‘An Investigation of Molecular Structure and Dynamics of Crude Beeswax by Vibrational Spectroscopy’, Polish Journal of Environment Studies, Vol.15, n°44, 2006, p.112-114 ; M. ENAMUL


90 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller

2.1

Composition

La cire d’abeille, mélange d’esters et d’acides gras, peut contenir plus de trois cents éléments. Les principaux composants de la cire d’Apis mellifera sont donnés le tableau 1. DENOMINATION

%*1

-R*2

ESTERS Monoesters

35

C38- C54

FORMULES DEVELOPPEE OU SEMI-DEVELOPPEES O CH3-(CH2)x

Diesters

14

C56- C68

3

O(CH2)xCH3

O CH3-(CH2)x

Triesters

C

C72- C84

O

C

O CH3-(CH2)x

O

C

CH3

O

CH(CH2)y

C

CH3

O

O

CH(CH2)y CO O 2

(CH2)zCH »

(CH2)zCH »

Hydroxymonoesters

4

Hydroxy-polyesters Monoesters acides

8 1

C40-C52 OH

CH3

O

CH(CH2)y

C

C56- C100 C32- C44

O CH3-(CH2)x

Polyesters acides ALCOOLS LIBRES Alcool myricilique

C

O

2

NC

1

C29

CH3-(CH2)28-CH2OH

Alcool cérilique

C25

CH3-(CH2)24-CH2OH

Alcool cétilique

C27

CH3-(CH2)26-CH2OH

C25

CH3-(CH2)24-COOH

Acide montanique

C30

CH3-(CH2)29 –COOH

Acide mélissiliques

C34

CH3-(CH2)33 –COOH

ACIDES LIBRES Acide cérotique

12

O

(CH2)zCH »

CH3

O

CH(CH2)y

C

OH

HYDROCARBURES Saturés 9 C21- C35 CnH2n+2 Insaturés 4 C29-C35 Ramifiés 2 C14-C38 Autres composants (matières colorantes, eau résiduelle, impuretés minérales, protéines) : 6 % *1 *2 %= Proportion en masse -R=nombre d’atome de carbone sur la chaîne carbonée Tableau 1 : Composition de la cire d’abeille naturelle

13

HOSSAIN & al., ‘Molecular Structure Evaluation of Beeswax and Paraffin Wax by solid-state C CP/MAS NMR’, Journal of Characterization and Development of Novel Materials, Vol.1, n°2, 2009, p.101-110; T. KAMEDA, 13 ‘Molecular structure of crude beeswax studied by solid-state C NMR’, Journal of insect science, Vol.4., n°29, 2004, p.1-5;


91 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller Notons qu’Apis mellifera est la seule espèce d’abeille à ne pas mélanger spontanément des résines végétales, de la soie ou d’autres matériaux avec la cire qu’elle produit. La cire n’est pas un polymère, mais un ‘mélange composite’230 d’esters, d’hydrocarbures et d’acides gras à longues chaînes carbonées, d’alcools et d’autres éléments présents en faible proportion : propolis, flavonoïdes, amines et amides, protéines issus de mastication, matières colorantes provenant du pollen ou d’extraits végétaux, particules métalliques dues à la pollution ou aux traitements sanitaires231 . La cire d’abeille est souvent confondue avec une graisse. En réalité, les cires animales et végétales (mais pas minérales)232 sont considérées d’un point de vue chimique, comme une famille à part entière. Alors que les graisses se composent d’esters d’alcool trivalent (glycérine) combinés avec des acides gras saturés ou non, les cires se composent d’esters d’acides gras, formés à partir d’alcools monovalents aliphatiques à longue chaîne carbonée.

H

H

O

H C OH

O +

H C OH H C

3 HO

H C O O

R

OH

H C O

+

3 H2O

R O

H C O

H

R

R

H Figure 8: Cas d’une graisse : réaction d'estérification entre un alcool trivalent et trois acides gras, pour former un triglycéride et e l’eau.

H R

C H

H O

H

O + HO C

R

C

O O C

R’

+

H2O

H

Figure 9 : Cas d’une cire : réaction d’estérification entre un alcool monovalent et un acide carboxylique, pour former un ester d’acide gras et de l’eau

En moyenne, les chaînes carbonées de tous les composants de la cire d’abeille comptent 40 atomes de carbone233. La majeure partie des acides et alcools sont en C24 et C34, dont les acides 14230

R. BUCHWALD, M.-D. BREED, A.-R. GREENBERG, G. OTS, ‘The thermal properties of beeswaxes: unexpected findings’, The Journal of Experimental Biology, n°211, 2008, p. 121-127 231 Différents contrôles qualité des cires d’abeille ont été mis au point par l’industrie américaine, européenne, chinoise et japonaise. 232 D’un point de vue chimique, les cires comprennent les cires animales (cire d’abeille) et végétales (carnauba, par exemple). D’un point de vue rhéologique, on ajoute à cette liste les cires minérales (paraffine, cire microcristalline) 233 MORGAN & al., ‘Measurement of physical and mechanical properties of beeswax’, Materials Science and Technology, Vol. 18, n°4, 2002, p. 463-467


92 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller et 15-hydroxypalmitiques, en proportion plus élevée234. La cire contient en outre des diols en C26, C28 et C30, dont le tétracosane-1,23-diol, en C24. Le principal ester est le palmitate de myricyle (C16-C30), représentant 8% des esters présents. Les autres esters sont compris entre C40 et C52235. Toutes ces molécules de haut poids moléculaire confèrent à la cire son caractère visqueux, au dessus de la température de transition vitreuse Tg. Les groupements polaires –COOH, -OH, ou encore -NH2 sont à l’origine de liaisons hydrogène, qui, associées aux liaisons de Van der Waals, assurent la cohésion intermoléculaire des phases cristallines et amorphes. 35% 30%

Esters

Esters

25%

hydrocarbures

20%

Acides libres

15%

Alcools libres

10%

Autres

5% 0% C40 C42 C44 C46 C48 C50 C52 Diagramme n° 1 : Proportion des esters présents dans la cire d’abeille, de C40 à C52

2.2

Figure 10: Composition de la cire d'abeille naturelle

La structure semi-cristalline de la cire d’abeille

Bien que la cire d’abeille ne soit pas un polymère, elle présente une structure semicristalline236, caractérisée par des phases cristallines et des phases amorphes. Il est apparu que les motifs des chaînes méthylène (int-(CH2)), présents sur les chaînes carbonées des composants de la cire et dans les hydrocarbures, représentent plus de 95% des composants présents dans la cire d’abeille crue237. Les chaînes –R ayant des tailles diverses, il existe des zones de vide et de raccord entre elles. Ces bouts de chaînes sont considérées comme amorphes, et condensent la majeure partie des composants qui ne peuvent entrer dans les phases cristallines : chaînes plus courtes, ramifiées, insaturées238.

2.3

Masse molaire, masse volumique et volume molaire de la cire d’abeille

Ces données sont intéressantes à plus d’un titre, notamment quand elles sont comparées avec les valeurs d’autres produits. Le tableau 2 donne la masse molaire, la masse volumique et le volume molaire de la cire d’abeille, de la cire microcristalline et de la paraffine. Les valeurs 234

Ibid. Ibid. 236 Diffraction de rayons X, diffraction électronique, NMR, DSC, lumière polarisée et SEC. 237 13 T. KAMEDA, ‘Molecular structure of crude beeswax studied by solid-state C NMR’, Journal of insect science, Vol.4., n°29, 2004, p.1-5 238 Ibid. 235


93 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller renseignent sur la taille et le poids des éléments unitaires, et donne une première approche sur la difficulté de mélanger la cire d’abeille avec les cires minérales. Masse g.mol-1 646 562 422

Cire d’abeille Cire microcristalline Paraffine (30C)

molaire

en Masse volumique en Volume molaire g.cm3 cm3.mol-1 0,95 680 0,82 684 0,78 541

en

Tableau 2: Masse molaire, masse volumique et volume molaire de la cire d'abeille, comparée aux valeurs obtenues pour 239 la cire microcristalline et la paraffine .

3

Propriétés mécaniques et rhéologiques

Les propriétés mécaniques d’une structure dépendent des interactions entre les propriétés géométriques de cette structure et des propriétés intrinsèques du matériau constitutif. Dans les paragraphes suivants, nous n’aborderons pas la cire sous sa forme alvéolaire ; nous traiterons uniquement du matériau brut et purifié, moulé en bloc.

3.1

Comportement élasto-plastique

La cire d’abeille purifiée a un comportement élasto-plastique : en-deçà d’une contrainte Re, elle a une capacité de déformation réversible (zone élastique) ; au-delà de cette contrainte, elle se déforme de manière irréversible (zone plastique). D’une manière générale, les propriétés mécaniques de la cire d’abeille (ainsi que les autres cires) dépendent de trois modules :   

Le module B de compression hydraulique Le module d’élasticité E, en traction (module d’Young) Le module de cisaillement G

Ces trois modules sont liés entre eux par la relation : (1)

E = 2G (1+) =3B(1-2)

où  est le coefficient de Poisson qui représente le rapport entre la déformation latérale et le déformation axiale, lors de l’essai de traction. Les valeurs des modules B, E, G et du coefficient de Poisson  pour la cire d’abeille et les cires minérales sont données dans le tableau 3. Modules Cires

Cire d’abeille Cire microcristalline Paraffine (30C) 239

E en 104 f/kg.cm-2

G en 104 f/kg.cm-2

B en 104 f/kg.cm-2

 sans dimension

2,6 0,58

1,01 0,2

4 2,4

0,39 0,46

0,16

0,05

1,3

0,48

Valeurs données dans : G. DELCROIX, ‘Les cires’, Les cires, matériaux de sculptures, matériaux de restauration, Les rencontres de d’ARSET, Vendôme, 2005, p.7-18. La température des cires, au moment de l’expérience, n’est pas indiquée par M. Delcroix.


94 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller Tableau 3: Modules G, B, E et coefficient de Poisson pour la cire d’abeille et les cire minérales

240

Plus le coefficient du module d’Young E est élevé, plus la cire résiste à la déformation plastique. Autrement dit, plus E est important, plus la cire est rigide, à épaisseur égale de produit. Le module de cisaillement G donne une indication importante dans le cas d’un test de collage avec de la cire : plus G est élevé, plus la cire résistera à la contrainte en cisaillement. Le module B de compression hydraulique est étroitement lié à la dureté de la cire par pénétration, et donne une indication sur la rayabilité de la cire : plus B est élevé, plus la cire résiste à la pénétration d’une pointe. En comparant les différents modules, nous remarquons que la cire d’abeille à une résistance à la déformation et à la rayabilité plus importante que les cires minérales. En restauration d’œuvre patrimoniale, ces résultats sont intéressants dans le cas d’une consolidation-protection de surface et dans le cas d’un comblement de lacune : d’un point de vue mécanique, la cire d’abeille aurait une plus grande élasticité, ce qui diminue la possibilité de microfissurations241. Dans le cas d’un comblement de sceau lacunaire, elle présenterait également un meilleur aspect de surface sur le long terme, étant moins facilement rayable lors des manipulations par des chercheurs. Il est possible d’approcher le comportement mécanique d’une cire depuis la disposition stéréochimique des molécules. En effet, le taux de cristallinité d’un produit est étroitement lié à ses propriétés mécaniques : plus ce taux est élevé, plus le module d’Young E augmente, et plus la limite de déformation élastique diminue. Le volume de la phase cristalline d’une cire d’abeille Apis mellifera occupe 95% du volume total : ce matériau est donc peu élastique et très plastique. Par ailleurs, dans la cire d’abeille, le module d’Young E dépend également du ratio d’esters, d’acides gras et d’alcanes ayant une longue chaîne carbonée. Des tests de traction et de compression ont été menés sur des échantillons de cire d’abeille purifiés de différentes espèces242. Ces tests ont tous mis en évidence que la valeur de la contrainte σ, à la limite d’élasticité conventionnelle Re et à la limite à la rupture Rm , variaient sensiblement selon les espèces d’abeille. A l’inverse, les valeurs des déformations  correspondant à Re et Rm et la résilience243 sont sensiblement identiques pour toutes les espèces.

I

Ibid. Il semble que les valeurs de E données par monsieur Delcroix soient calculée à partir du module B ; le même module E, calculé à partir du module G, sont légèrement supérieures ou inférieures de 0,004 à 0,2. Par ailleurs, la température à laquelle ont été effectués les tests n’est pas précisée. 241 Remarquons que cette microfissuration, si elle a semblé jusqu’à présent négligeable dans le cas d’une restauration d’objets céroplastiques, peut entrainer de graves altérations d’objets archéologiques et métalliques : la cire employée en consolidation et imperméabilisation de surface se fissure et se dégrade rapidement (au bout d’une semaine). Lors d’un refroidissement, l’eau se condense au niveau des microfissurations, catalysant la corrosion des métaux. Ce phénomène ne doit pas être oublié du restaurateur d’œuvres d’Arts graphiques s’il est amené à traiter des boîtes métalliques de sceaux ou des bulles en plombs. H.G. DE MALO & al., ‘EIS Investigation of resin and wax dégradation on different atmospheres of the Museum of Ethnology and Archeology f the University of Sao Paolo’, Heritage, Weathering and conservation: Book of abstracts, Madrid, 2006, p.50 242 R. BUCHWALD &al., ‘Interspecific variation in beeswax as a biological construction material’, Journal of Experimental Biology, n°209, p.3984-3989; 243 La résilience est le rapport de l’énergie cinétique absorbée nécessaire pour provoquer la rupture d’un matériau, à la surface de la section brisée.


95

Contrainte σ (MPa)

Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller

Rm Re

Résilience

Déformation  (%) Figure 11: Limite à la rupture de la cire d'abeille d’Apis mellifera, 244 mesurée à l'aide d'un tensiomètre

Enfin, les caractéristiques thermiques d’une cire d’abeille, données par des paramètres tels température de transition vitreuse Tg et la température de fusion Tf, influent sur ses propriétés structurelles (dureté, densité, rayabilité). A température ambiante (25°C), largement inférieure à la température de transition vitreuse, la cire a un comportement fragile ; à des températures plus élevées, elle est plastique, puis ductile et fluide.

3.2

Transition vitreuse et température de fusion

Flux thermique (mW)

La cire d’abeille peut-être comparée à un polymère thermoplastique. En effet, elle contient une importante proportion de longues chaînes carbonées linéaires, reliées entre elles par des liaisons faibles (sans toutefois présenter les motifs de répétition caractéristiques des polymères). Cependant, elle comprend également des chaînes ramifiées ou cyclicisées, qui limitent le caractère réversible de la fusion du polymère.

Température (°C) Figure 12: Thermogramme de la cire d'Apis mellifera, mesuré 245 par DCS

244

R. BUCHWALD &al., ‘Interspecific variation in beeswax as a biological construction material’, Journal of Experimental Biology, n°209, p.3984-3989;


96 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller La cire d’abeille étant un matériau ‘multi-composé’ 246 et semi-cristallin, elle n’a pas une température de fusion franche et ponctuelle T°f, mais fond progressivement. Autrement dit, elle passe progressivement du domaine vitreux au domaine caoutchoutique, puis fluide. On parle donc de transition vitreuse Tg et d’intervalle de fusion. Habituellement, la température de fusion T°f est donnée par le pic maximal provoqué par l’absorption d’énergie thermique247. Cette absorption rompt les liaisons faibles intermoléculaires248, tandis que la fusion des chaines ramifiées ou cyclicisées entraine la rupture des liaisons covalentes intramoléculaires. Si l’on chauffe une cire d’abeille bien au-delà de la température de fusion, par exemple à 100°C, elle se dégrade rapidement par rupture des liaisons covalentes, évaporation des produits de faible masse moléculaire et modification structurelle du réseau de Bravais (mailles cristallines). Le début de la phase de transition vitreuse se situe à 39°C environ, et le pic de fusion à 63°C. A 39°C, on observe un ramollissement du matériau ; à 63°C, la cire est liquide. Elle redevient progressivement visqueuse en dessous de 62,5°C, en moyenne. La vitesse de refroidissement et de solidification conditionnent la disposition et la forme des mailles cristallines, l’écartement des lamelles cristallines et l’organisation des sphérolites (et donc des joints de grain)249. Pour cette raison, les cristaux à la surface d’un échantillon de cire sont différents de ceux situés plus profondément. Ce phénomène peut entrainer des changements optiques des cires, au niveau stratigraphique. D’autre part, lorsque la cire est chauffée au dessus de la température de transition vitreuse, les molécules sont soumises à des mouvements segmentaires et s’écartent les unes des autres. En refroidissant, elles se rapprochent et se figent. Ce phénomène, appelé ‘retrait’ est à l’origine de la diminution du volume de la cire en cours de solidification.

4 4.1

Caractéristiques physico-chimiques des cire d’abeilles Acidité et saponification

Un certain nombre de valeurs, données par les paramètres physico-chimiques inclus dans le tableau 3 permettent de caractériser une cire d’abeille250 :

245

R. BUCHWALD &al., ‘The thermal properties of beeswaxes: unexpected findings’, The Journal of Experimental Biology, n°211, 2008, p. 121-127 246 On utilise des méthodes par DSC, Differential scanning calorimetry. A.-R. GREENBERG, G. OTS, op. cit. ; R. BUCHWALD, M.-D. BREED A.-R. GREENBERG, G. OTS, ‘The thermal properties of beeswaxes: unexpected findings’, The Journal of Experimental Biology, n°211, 2008, p. 121-127 247 247 Le début de cette transition de phase ne peut pas être observé visuellement . On utilise pour cela un dispositif par DSC. 248 Les liaisons faibles comprennent les liaisons de Van der Waals et les liaisons hydrogène. 249 P. COMBETTE, I. ERNOULT, Physique des polymères, Tome I, Structure, fabrication, emploi’, Editions Hermann, collection Enseignement des sciences, Paris, 2005, p. 9-11. 250 L’indice de saponification Is est la quantité de potasse nécessaire (en milligrammes) pour transformer en savon la totalité des acides gras libres ou estérifiés, dans un gramme de cire. Les produits insolubles dans l’eau après solidification correspondent à des alcools supérieurs combinés ou libres, des hydrocarbures, ou encore des stérols. L’indice d’acide Ia est la quantité de potasse nécessaire à la neutralisation des acides libres, dans un gramme de cire. L’indice d’ester Ie est égal à Is-Ia. Il représente la quantité d’acide combiné sous forme d’ester.


97 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller

Mesures physiques et chimiques Indice de saponification Is Indice d’acide Ia Indice d’ester Ie=Is -Ia Indice d’Hubl H= Ia /Ie Indice d’Iode Ii

Moyenne

Extrêmes

Cire pure

96,5

80 à 149

84,5

19 77,5 4,08 10

15 à 36 65 à 113 4,3 à 3,14 7,0 à 16,5

17 67,5 3,97 6

Tableau 4: Caractéristiques chimiques de la cire d'Apis mellifera

251

On observe une forte disparité entre les valeurs moyenne, extrême, et les valeurs données pour la cire d’abeille pure, bien qu’il s’agisse de cires d’Apis mellifera. Ces écarts sont dus aux méthodes et aux conditions de mesure, à l’âge de la cire, à sa provenance, à sa purification, etc. Pour toutes les valeurs, l’indice d’ester Ie est élevé, ce qui signifie que la cire contient beaucoup d’acides combinés sous forme d’ester. L’indice de saponification Is est lui aussi très élevé : on en déduit que la cire est un matériau très saponifiable. Les groupements carboxyliques-COOH confèrent à la cire son caractère acide, traduit par l’indice d’acide Ia. Les valeurs de l’indice d’iode Ii, assez basses, indiquent que la cire contient de nombreuses liaisons insaturées.

4.2

Solubilité et mouillabilité d’une cire d’abeille

La solubilité de la cire est liée à son moment dipolaire faible de 0,9 debye252. Une cire d’abeille ne donne pas lieu à des liaisons polaires induites en mélange et se solubilise dans les solvants très peu polaires (à température ambiante). Par conséquent, elle est totalement hydrophobe. Parmi les solvants organiques utilisés en restauration d’œuvre d’art, elle est très peu soluble dans l’acétone (à chaud), soluble dans les éthers, le toluène et dans l’éthanol au-dessus de 76°C253. Le solvant traditionnellement utilisé par les ébénistes est l’essence de térébenthine, et autrefois, le chloroforme (toujours utilisé en Espagne254). Elle se saponifie en présence d’alkali, selon la réaction irréversible: R

C O

OR’ +

NaOH

R

C

ONa +

R’

OH

O

Figure 13: Saponification des esters avec une solution de soude

Le rapport de Hubl H= Ie/Ia est une constante de pureté, pour chaque type de cire. L’indice d’iode Ii est la quantité d’iode (en grammes) que l’on peut fixer sur cent grammes de cire ; il caractérise la mesure de l’insaturation des cires ou des graisses. 251 G. DELCROIX, Op. cit., p. 12 252 G. DELCROIX, Op. cit., p. 12 253 F. PEREGO, Dictionnaire des matériaux du peintre, édition Belin, Paris, 2005, 895p. 254 Communication orale de madame Agnès Prévost, restauratrice de l’atelier des sceaux des Archives nationales.


98 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller La mouillabilité d’une cire est liée à sa tension de surface. La cire d’abeille est difficilement mouillable255, car elle a une faible tension de surface de 49 dynes.cm-1. Tous les solvants et colles ayant une tension superficielle plus importante mouilleront difficilement la cire d’abeille. Des tensioactifs permettent parfois de résoudre ce problème de mouillabilité256.

5

Le vieillissement de la cire d’abeille

La cire d’abeille est un matériau surprenant à bien des égards. Elle vieillit généralement remarquablement bien, et s’altère peu avant plusieurs siècles. Quand elle est altérée, elle présente un aspect feuilleté et/ou pulvérulent, parfois blanchi, s’accompagnant d’une perte de poids importante. D’un point de vue chimique, l’hydrolyse257 et l’oxydation258 peuvent toucher les alcools et les esters de la cire, dans une certaine mesure. En effet, la cire contient des liaisons insaturées (liaisons doubles) oxydables. Les analyses spectroscopiques et chromatographiques montrent que la proportion de groupement OH- en association avec des alcools est souvent plus importante dans les cires vieillies259. L’analyse des cires archéologiques tend à mettre en évidence deux processus de dégradation distincts : en milieu sec et chaud, les n-alcanes de faible masse molaire et les flavonoïdes se subliment de manière importante ; en milieu humide, les esters subissent une hydrolyse, dont les produits sont des alcools et de l’acide palmitique (qui tend à se sublimer).Parallèlement, la polarité et l’indice d’acide peuvent augmenter de manière non négligeable. Dans ce cas, la cire devient sensible à l’humidité et présente un caractère acide pouvant catalyser les altérations des matériaux alentours (papier, parchemin, soie, amidon, etc.). Les caractéristiques thermiques de la cire d’abeille doivent être considérées avec attention par les restaurateurs du patrimoine, qui ont jusqu’à présent largement utilisé la cire fondue et solidifiée comme colle, consolidant ou revêtement protecteur260. Les restaurateurs d’Arts graphiques ont couramment ressoudé les fragments de sceaux en faisant fondre la cire (déjà vieillie) à l’aide d’une pointe chauffante. Or, cette intervention peut provoquer la dénaturation de la cire, par évaporation de composants volatils261, par modification du réseau cristallin262 et par migration

255

G. DELCROIX, op. cit., p.11-12 e e S. LEGENDRE, Esquisse en cire pour un tombeau d’évêque, fin du XIX siècle-début du XX siècle, attribué à François Sicard, Musée des Beaux Arts de Tours : étude et restauration, mémoire de fin d’étude en conservation-restauration des œuvres sculptées, sous la dir. d’A. Cascio, Tours, Ecole supérieure des Beaux Arts, juin 2001 257 L’oxydation est la réaction au cours de laquelle un élément du substrat voit son nombre d’oxydation (N.O) ou valence augmenter, tandis que le réactif subit une réduction (diminution du N.O). 258 L’hydrolyse d’un ester est l’inverse de la réaction d’estérification : l’ester se décompose pour donner un acide et un alcool. 259 C. WOODS, ‘The nature and treatment of wax and shellac seals’, Journal for the society of archivist, vol. 15, n°2, p. 203-214. 260 Parmi les applications de la cire dans les autres domaines de la restauration du patrimoine, on peut citer le rentoilage à chaud de peinture sur toile avec un mélange cire d’abeille/résine polysaccharide ; l’imperméabilisation d’objets archéologiques (plus fréquemment à base de cires minérales) et les traitements de comblements d’ébauches de sculptures. 261 La cire contient des flavonoïdes et des alcanes de faible masse moléculaire qui s’évaporent lors du chauffage. M. REGERT &al., ‘Chemical alteration and use of beeswax through time : Accelerated ageing tests and analysis of archeological samples from various environmental contexts’, Archeometry, n°43, fasc.4, 2001, p; 549-569 256


99 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller d’esters ou d’acides gras vers la surface. Mécaniquement, la perte de plastifiants induit une baisse d’élasticité, et une fragilisation de la cire. Visuellement, ces altérations semblent se traduisent par des efflorescences blanches, ressemblant aux chancis des couches picturales263.

e

Cliché n° 32 : Charte multiscellée de la fin du XV siècle ; sceaux appendus sur doubles queues de parchemin. Les efflorescences blanches sont bien visibles. Nordic project, Suède, HEIM.

6

Le vieillissement de la cire du sceau de Louis d’Orléans

Le vieillissement de la cire du sceau de Louis d’Orléans ne pouvait pas être évalué par simple examen visuel. Nous avons procédé à une analyse en laboratoire, avant de poser des hypothèses sur les processus d’altération de la cire.

6.1

Résultats d’analyse par microspetrophotométrie FTIR ; discussion autour de ces résultats

Le Centre National d’Evaluation Photochimique264 a analysé la composition de deux fragments millimétriques prélevés au niveau de la cassure du sceau de Louis d’Orléans, par microspetrophotométrie IRTF (infrarouge à transformée de Fourrier). Cette technique permet de déterminer la nature des liaisons dipolaires dans des échantillons organiques, en étudiant la réponse

262

La vitesse de refroidissement influence la forme cristalline des macromolécules, plus ou moins stable ; elle conditionne également l’écartement des lamelles cristallines. Pendant la phase de réchauffement, les molécules plus petites peuvent migrer vers la surface, et les solvants s’évaporer. 263 R. COZZI, I sigilli mediovali : composizione e fenomeni di degrado dei « sigilli bianchi », Mémoire de fin d’études, Bern, 7 septembre 2001, 77p. ; J. DERNOVSKOVA, P. NOVOTNA, ‘Surface cristallisation of Beeswax seals’, Restaurator, 23, n°4, 2002, p. 256-269 ; C. HARLEY, ‘A note on the crystal growth of wax artifac’, Studies in conservation, Vol.38, n°1, février 1993, p.65-66 264 Analyse réalisée par madame Dominique Fromageot, Université Blaise Pascal CNEP - Centre National d'Evaluation de Photoprotection Ensemble Universitaire des Cézeaux, 24 avenue des Landais – B.P. 30234F 63174 AUBIERE CEDEX


100 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller électromagnétique dans le proche et le moyen infrarouge265. Les figures 1 à 6, présentant les spectres d’absorption des prélèvements, sont données en annexe266. Les données recueillies pour les deux prélèvements sont cohérentes et identiques. Les bandes d’absorption sont caractéristiques de la cire d’abeille, avec les réponses suivantes :    

Les groupements CH, absorbant à 2919 et 2850 cm-1 (figure 2) Les groupements esters, absorbant à 1736 cm-1 (figure 2) Les contaminants aromatiques naturels, absorbant entre 1350 et 1200 cm-1 (figure 3) Les doublets d’absorption caractéristiques de la cire, absorbant entre 730 et 720cm-1 (figure 3)

Aucune charge minérale n’a été détectée, pas plus que de pigment minéral ou de résine polysaccharide (résine dammar, colophane). La microspetrophotométrie IRTF ne permet pas de détecter les métaux. La coloration rouge-orangée du sceau est très probablement due à du minium (oxyde de plomb, Pb3O4), mais l’utilisation du cinabre (sulfure de mercure, HgS) n’est pas totalement à exclure. La cire du sceau est faiblement dégradée, par hydrolyse oxydante, en groupements esters absorbants à 1724cm-1 et en groupements acides absorbant à 1711cm-1.

6.2

Les pigments de la cire du sceau de Louis d’Orléans : identification et altérations

L’identification du pigment rouge ajouté à la cire est rendue possible en croisant deux faisceaux d’indices : d’une part, les données historiques sur les pigments utilisés par les chauffecires ; d’autre part, les analyses par microspetrophotométrie IRTF. D’un point de vue historique, cinq pigments rouges ont été utilisés pour colorer la cire à sceller, dès le Moyen-Age : le cinabre, le vermillon, le minium, la racine d’orcanette et le terre de Sienne brulée (ou un oxyde équivalent). Le cinabre est un sulfure de mercure HgS de forme cristalline. Il s’agit d’un minerai naturel, contenant souvent des inclusions diverses267, mais pas de soufre libre. L’équivalent artificiel du cinabre est le vermillon ; le procédé de fabrication est vraisemblablement connu en Europe dès le XVIIe siècle, mais le vermillon n’est produit industriellement qu’à partir de la fin du XVIIIe siècle en Allemagne268. C’est ainsi que les manuels de cirier du XIXe siècle décrivent la composition de la cire à sceller rouge comme uniquement colorée à partir de vermillon (sulfure de mercure synthétique ou naturel, la confusion règne encore entre les termes).

265

Sur la spectrométrie du moyen et du proche infrarouge, voir F. ROUESSAC, A. ROUESSAC, Analyse chimique, éditions Dunod, paris, 2004, p. 175-197 ; R.-M. DERRICK, D. STULIK, M.-J. LANDRY, Scientific Tools for conservation : Infrared spectroscopy in Conservation science, édité par The Getty Insitute Conservation, Los Angeles, 1999, p.100-102. 266 Voir Annexe III 267 Notamment de sélénium, de tellure, d’antimoine et de bitume. S. AZE, J.-M.VALLET, O.GRAUBY, ‘Chromatic th degradation processes of read lead pigment’, Proceeding of the 13 Triennial Meeting of the Committed for Conservation of the International Council of Museums (ICOM), Rio de Janeiro, vol.2, 2002, p.549-555 268 F. PEREGO, Dictionnaire des matériaux du peintre, éditions Belin, Paris, 2005, p. 196-197 et p.746-749


101 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller

Figure 14: Vue au microscope optique (grossissement x40) d'une particule de cire à sceller. Les points noirs peuvent indiquer la présence d’un pigment, ajouté en grande quantité.

Le rapport de l’analyse microspectrophotométrique de la cire du sceau de Louis d’Orléans précise qu’aucun pigment minéral n’a été détecté, ce qui exclu le cinabre, le vermillon et la terre brulée, détectables par la technologie microspectrophotométrique IRFT. Reste une possibilité : le minium, qui réfléchie les proches infrarouges. Il s’agit d’un oxyde de plomb de formule générale Pb3O4 (ou PbO2.2PbO). Le minium commercialisé au XVIIIe siècle est plus ou moins pur, et contient une proportion variable de litharge (ou massicot, monoxyde de plomb PbO). La préparation de ce pigment est simple mais longue : elle consiste à chauffer du blanc de plomb (litharge) à 450°C pendant plusieurs heures, en milieu oxygéné, pour obtenir une poudre rouge vif orangé. Le minium présente un bon vieillissement à température ambiante, mais est photosensible269 : il fonce et noirci par photo-oxydation, sans que l’on sache exactement la nature du composé formé : dioxyde de plomb (ou ‘plattnérite’) PbO2, ou galène PbS. Ce phénomène, irréversible270, semble dépendre de plusieurs facteurs :

269

S. AZE, J.-M.VALLET, O. GRAUBY, ‘Chromatic degradation processes of read lead pigment’, Proceeding of the th 13 Triennial Meeting of the Committed for Conservation of the International Council of Museums (ICOM), Rio de Janeiro, vol.2, 2002, p.549-555; M. CHAPPE & al., ‘Laser irradiation of medieval pigments at IR, VIS and UV wavelength’, Journal of Cultural Heritage, vol. 4, supplement 1, 2002, p.264s-270s; R.-J. GORDON SOBOTT & al. ‘Laser interaction with polychromy: laboratory investigations and on-site observation’, Journal of Cultural Heritage, vol. 4, supplément 1,2003, p.276s-286s., 270 Des études de réversibilité sous faisceau laser ont montré que la plattnérite pouvait retrouver sa couleur orangée à 1064nm (ou 375°C). Mais le restaurateur ne sait jamais si le noircissement est dû à la seule plattnérite, ou s’il la galène PbS entre aussi dans le processus de dégradation. La restauration au laser des fresques n’a donc encore jamais trouvé d’application à large échelle. Voir S. AZE S. & al., ‘Le noircissement du minium en peinture murale : compréhension du phénomène d’altération et premier essais de restauration sous faisceau laser’, Couleurs et Temps ; la couleur dans la conservation et la restauration, 12e Journée d’études de la SFIIC, Paris, Institut national du patrimoine, 21-23 juin 2006, p.280-291 ; R. BORDALO & al., ‘Laser Cleaning of Easel Painting : An Overview’, Laser Chemestry, Vol. 2006, 2006, p1-9


102 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller 

Il dépend de la technique : les restaurateurs de fresques ont observé un fort noircissement des zones contenant du minium, tandis que le phénomène semble moins accentué sur les peintures à l’huile et les peinture à tempera271.

Il est catalysé par l’humidité, les polluants tels que le SO2 et la lumière.

Il est fonction de la qualité de fabrication du pigment, qui contient toujours du monoxyde de plomb PbO, particulièrement sensible à la photo-oxydation.

Il est très probable que les noircissements à la surface du sceau de Louis d’Orléans soient dus à une dégradation du minium. Le document a très peu été exposé à la lumière (la soie n’ayant apparemment pas subi de décoloration importante), mais a pu se dégrader au contact de polluants externes tels que la poussière, qui peut contenir du soufre. Il ne nous a pas été possible d’observer ce genre de dégradation à l’intérieur de la cire. Une source de pollution interne à la cire reste donc une hypothèse que l’on ne peut écarter, bien que faiblement probable.

271

S. AZE & al., Op. cit;, p.280-291


103 Etude technico-scientifique I : Etude d’un matériau : la cire à sceller

Section II Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux : étude des propriétés mécaniques et de la mise en œuvre des adhésifs

Introduction Depuis le XIXe siècle, six méthodes d’assemblage de fragments de sceaux en cire ont été pratiquées :      

l’agrafage, le collage par solubilisation de la cire, le thermocollage par soudure des fragments, le collage par adjonction de cire microcristalline, le collage à l’aide d’adhésifs polymériques thermodurcissables272 le collage à l’aide d’adhésif polymériques thermoplastiques

Cette dernière méthode apparait aujourd’hui comme la plus appropriée pour les sceaux présentant des cassures nettes et des reliefs importants273: le risque d’altération immédiate et future est bien moindre274. Contrairement aux quatre autres techniques citées précédemment, les adhésifs d’assemblage écartent le risque de brisure, de surchauffe ou d’altération physico-chimique de la cire, tout en étant potentiellement réversibles. Néanmoins, ils présentent deux inconvénients : d’une part, certains adhésifs organiques peuvent être des substrats favorisant la croissance de biocontaminants ; d’autre part, la force d’adhésion des adhésifs ne doit pas être supérieure à la force de cohésion de la cire. En effet, en cas de choc celle-ci se briserait à côté de la cassure d’origine, aggravant les dégradations du sceau. Le premier inconvénient peut être évité grâce au contrôle climatique de l’environnement de conservation du sceau. Le second requiert des études sur les propriétés mécaniques des colles, études qui font l’objet de cette section. 272

Les adhésifs thermodurcissables recouvrent l’ensemble des familles d’adhésifs durcissant par réaction chimique (réticulation); les adhésifs thermoplastiques désignent les adhésifs durcissant par changement de phase uniquement. C. BRETTON, G. VILLOUTREIX, ‘Familles d’adhésifs et caractérisation d’un collage structural’, Technique de l’ingénieur, n°1650, 2005, p.1-2 273 A. PREVOST, ‘La conservation des sceaux en cire aux Archives nationales’, Support/Tracé n°8, 2008, p.48-60 274 Pour une explication détaillée de ces techniques, voir le protocole de traitement p.155-156


104 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux

1 Sujet de la recherche La recherche envisagée porte sur l’assemblage des fragments de sceaux en cire, par collage. Deux axes d’étude seront exploités :  

2

la résistance mécanique d’adhésifs utilisés en atelier de restauration (Test A) la résistance mécanique de l’adhésif jugé adéquat, selon différents modes de préparation (Tests B et C).

Objectifs et principes de la recherche

Cette étude n’a pas pour objectif de comparer les différents types d’assemblage, dont les risques respectifs sont déjà bien établis ; elle se veut une aide dans le choix d’un adhésif approprié pour la restauration de sceau en cire. Il est possible de tester la résistance mécanique des adhésifs en leur appliquant différentes contraintes (ou sollicitations mécaniques). Nous proposons des principes d’essais couramment utilisés dans l’industrie, en nous référant autant que possible aux normes ISO et AFNOR. Seuls les tests en traction ont pu être réalisés, les tests en cisaillement et clivage n’ayant pas pu être effectués dans les conditions expérimentales données275. Le principe du collage repose sur les forces d’adhésion276 aux deux interfaces entre le film d’adhésif et le substrat277. Le cahier des charges des produits industriels doit être légèrement modifié dans le cas d’un collage d’objet culturel: d’une part, le collage doit être réversible dans un solvant inerte pour le matériau substrat, ce qui interdit l’utilisation de thermodurcissables et de thermoplastiques dont l’aire de solubilité recouvre celle du substrat. D’autre part, la force d’adhésion Fad doit impérativement être inférieure à la force de cohésion Fc du substrat : si une rupture survient, elle se propagera de préférence sur le joint de collage, plutôt que dans le matériau.

3

Paramètres de l’étude

Le collage dépend de deux types de paramètres : les paramètres intrinsèques aux matériaux et aux adhésifs, et les paramètres externes278. Les paramètres internes sont donnés dans le tableau 275

Contrairement au test de traction, le test de cisaillement consiste à appliquer une force F parallèlement aux plans des surfaces de collage. Le joint d’adhésif est donc sollicité parallèlement aux surfaces de collage, et plus ou moins régulièrement dans le joint. Le clivage est une sollicitation intermédiaire entre la traction et le pelage. L’extrémité du joint de collage est soumise à une force F perpendiculaire à la surface de ce joint (les contraintes ne sont pas réparties uniformément dans le film d’adhésif). Ce test s’effectue à l’aide d’un coin inséré dans une fente pratiquée au niveau du joint de collage. Nous avons essayé de réaliser un test en cisaillement, avec un appareillage sensiblement identique à celui du test en traction, mais les résultats étaient inexploitables. Le test de clivage n’a pas été envisagé dans les conditions expérimentales données. 276 L’adhésion est ‘l’ensemble des interactions intervenant à la surface solide-adhésifs’, tandis que l’adhérence est le résultat d’un essai de séparation. J. COGNARD, Science et technologie du collage, Presses polytechnique et universitaire romande, 2000, p.4 277 J. COGNARD, op.cit., p.11 278 C. BRETTON, G. VILLOUTREIX, ‘Familles d’adhésifs et caractérisation d’un collage structural’, Technique de l’ingénieur, n°1650, 2005, p.1-6


105 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux 5. Les théories de l’adhésion reposent principalement sur la création de liaisons faibles de Van der Walls et de liaisons hydrogènes entre la surface du substrat et la surface du film.

Contraintes fonctionnelles

Mesure de l’énergie de surface ES

ADHESIF (POLYMERE) -Nature chimique du polymère et des adjuvants279 280

-Anisotropie due aux orientations moléculaires -Caractère amorphe/cristallins (taux de cristallinité, géométrie des cristallites) -Etat de polymérisation ou de réticulation -Hétérogénéité d’épaisseur -Présence de défauts structuraux -Tensions internes -Tension superficielle du polymère en suspension dans un solvant (état liquide ou visqueux), notée L

SUBSTRAT -Préparation des surfaces (géométrie de surface) -Energie de cohésion Ec

-Tension superficielle du substrat (solide), S

Tableau 5 : Paramètres de collage intrinsèques aux matériaux

La mouillabilité α d’un substrat est intimement liée à la tension superficielle de l’adhésif, et conditionne en grande partie la valeur de la force d’adhésion. Le collage dépend de la concentration de la dispersion colloïdale (soit la phase polymérique dans la phase liquide). Les paramètres externes comprennent les conditions de mise en œuvre (température, vitesse, temps ou fréquence de sollicitation, humidité relative), l’environnement de la mise en œuvre (environnement liquide ou gazeux), la géométrie et la forme des éprouvettes. L’opérateur joue également un rôle important, puisque son action n’est jamais tout à fait régulière, notamment dans l’application du film de colle. La marge d’erreur est donc relativement importante. Les résultats sont fonction du type et du niveau de sollicitation : la force appliquée à la rupture dans un test de clivage est plus faible que dans un test de cisaillement ; comparé à un test de clivage, le test de traction est moins représentatif des efforts que devra supporter d’adhésif de fragment de sceaux, une fois les substrats assemblés.

4 4.1

Protocoles de test Présentation des tests

Lors des tests mécaniques, on peut mesurer différentes caractéristiques mécaniques : le module d’élasticité E (ou module d’Young), le module de cisaillement G, la limite d’élasticité conventionnelle Re et la limite à la rupture Rm. Les moyens disponibles pour les tests réalisés étant très réduits, on n’a pu mesurer que la contrainte σ appliquée au point de rupture. On a envisagé des tests en traction et en cisaillement. Seuls les tests en traction ont donné des résultats exploitables. Les tests de cisaillement ne seront donc pas présentés ici. 279

Le caractéristiques chimiques du polymère résultent de son histoire thermodynamique, et donc des conditions de sa transformation (vitesse de séchage, vitesse de refroidissement température et pression lors du séchage, facteurs géométriques liés à l’assemblage, etc.). 280 L’anisotropie est la qualité d’un matériau dont les propriétés varient selon la direction considérée. Par exemple, un polymère semi-cristallin est ‘globalement anisotrope au point de vue mécanique car il contient des cristaux orientés dans tous les sens’. P. COMBETTE, I. ERNOULT, Physique des polymères, tome 1 : Structure, fabrication et emplois, Hermann éditeurs, collections Enseignement des sciences, Paris, 2005, p. 99


106 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux

Sollicitation en cisaillement

Sollicitation en traction

Sollicitation en clivage

Figure 15: Exemples de sollicitations possibles pour un test de collage

Dans les conditions d’un atelier de restauration, l’utilisation d’un appareillage spécifiquement conçu pour des tests de collage industriels est exclue. Par ailleurs, les normes ISO 4583, NF EN ISO 9964 et ISO NF EN 157-2 s’appliquent uniquement aux adhésifs thermodurcissables, aux substrats métalliques ou aux polymères ayant un haut degré de polymérisation281. Nous nous sommes donc seulement référés au principe de ces tests pour concevoir les mécanismes exerçant les contraintes et pour dimensionner les éprouvettes. La justesse et la sensibilité de ces mécanismes ont été évaluées par des tests préalables : nous avons exercé dix fois la même contrainte à la rupture sur dix éprouvettes, collées avec un même adhésif. La marge d’erreur absolue est calculée à partir des valeurs obtenues, en prenant la différence entre la valeur maximale et la valeur minimale. Selon les valeurs obtenues, nous mesurons l’écart type. Ces tests permettent également d’évaluer la reproductibilité de notre méthode d’application de l’adhésif, l’épaisseur de colle appliquée étant un paramètre fondamental, déterminant la résistance mécanique du joint.

4.2

Principe des tests en traction

Le test de traction consiste à tirer sur une éprouvette de section S0 uniforme et de longueur L0, pour établir un système de contrainte uniaxiale uniforme :

L0 S0

F

L  S

Avant l’application de la contrainte

Après l’application de la contrainte

Figure 16: Représentation du principe du test de traction sur une éprouvette de section circulaire

Dans le même temps, on mesure la force appliquée F et l’allongement , égal à L/L0, pour en déduire la courbe de traction F=f(L/L0) ou une courbe de traction rationnelle σ = g (), prenant en 281

Normes ISO 4583 (2003) : Détermination de la résistance au cisaillement d’assemblages collés rigides sur rigide à recouvrement simple ; NF EN ISO 9964 : Eprouvettes à simple recouvrement (pour les tests en cisaillement)


107 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux considération la réduction de la section initiale de l’éprouvette282 (on considère que le volume est constant). Elle est obtenue au moyen de la contrainte vraie σ et de la déformation, avec S0 la section initiale de l’éprouvette (en mètre carré), S la section après déformation, L0 la longueur initiale (en centimètre),  sa longueur après déformation. La force appliquée F se mesure en Newton : (1) 

(2)

La déformation d est définie par : (3)

d = (L-L0)/L0 x 100

La courbe de traction obtenue peut prendre plusieurs formes, selon le comportement et les propriétés mécaniques du matériau. Elle commence par une portion élastique réversible, caractérisée par le module d’élasticité E (ou module d’Young). Le module d’Young, ou module d’élasticité longitudinal E, est donné par le rapport : (4) 

Il ne mesure pas l’élasticité du matériau, mais sa résistance à la déformation. A partir d’un point Re, le matériau n’est plus élastique, et subit une déformation plastique, permanente et irréversible. Si l’on continue d’exercer une force sur l’éprouvette, elle connaitra une striction, c'est-àdire un amincissement, avant de se rompre à Rp. σ Rp

σp σe

Re

E e

e

Figure 17: Courbe de traction sur un solide de Hookeen

282

Y. QUERE, Physique des matériaux, Cours et problèmes, éditions Ellipse, Presse de l’Ecole polytechnique,

Paris, 1988, 464p.


108 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux

4.3

Appareillage et éprouvettes

Ce test peut être effectué à l’aide d’un dynamomètre, ou d’un dispositif construit sur le même principe. L’éprouvette se compose de deux substrats de cire collés, de même dimensions. Les dimensions importantes données par les normes ISO 4583, NF EN ISO 9964 et ISO NF EN 157-2 pour les éprouvettes (l =100mm, L=50mm, H=25mm) n’ont pas pu être respectée (le poids exerçant la force de traction étant beaucoup trop important, dans les conditions expérimentales données). On a donc choisi des éprouvettes de longueur 30mm, de largeur 20mm, et hauteur 10mm. L’un des substrats est fixé au plan de travail, l’autre est mobile et subi une contrainte σ exercée par une masse M. On exerce une contrainte de plus en plus importante, en accrochant une masse de plus en plus élevée. En notant la valeur m de la masse au moment de la rupture t1, il est possible de mesurer la contrainte σ exercée par cette masse283.

Eprouvette de cire avec joint de collage central Poulie Partie fixe Plan de travail

Partie mobile

F

Poids Figure 18: Dispositif de traction

On obtient une mesure de la résistance à la traction, sous l’effet d’une force F, en Newton. Si l’éprouvette se casse ‘dans la masse’, alors on en déduit que Fad>Fc (soit une rupture cohésive, due à un défaut de structure, un plan de dislocation dans le réseau moléculaire, ou une énergie de cohésion trop faible). Des éprouvettes de cire purifiées sont moulées dans des moules en silicone parallélépipédiques. 2,5ml de colles sont appliquées avec une seringue et étalées au pinceau sur les deux surfaces à coller, et l’assemblage est maintenu serré jusqu’au durcissement de la colle. Les éprouvettes sont laissées une semaine à sécher, à température, humidité relative et pression ambiante dans l’atelier (soit 25°C4, pour 40% H.R en moyenne). Le fil de traction est fixé sur les éprouvettes à l’aide de deux petites planches de bois dur sur laquelle on a cloué un cavalier (au centre de la planchette) ; cette planchette est collée aux éprouvettes avec une colle structurale forte (cyanolithe).

283

2

Le poids P en newton.m est donné par la relation P=m.g, ou m est la masse et g l’accélération de la -1 pesanteur, égale à 9,81m.s .


109 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux

4.4

Construction du système de traction

La machine permettant d’effectuer les tests de traction a fait l’objet d’une attention toute particulière284, notamment en ce qui concerne la réduction des facteurs entrainant des marges d’erreurs absolues et relatives. Le plan de travail est une planche de bois ré-aggloméré, de 400 x 500 x 20 mm, enduit d’un film de polymère blanc, lisse et étanche285. Ces dimensions permettent de fixer aisément la planche à une table grâce à des serre-joints. L’épaisseur limite la déformation de la planche lors des tests. L’enduit étanche et lisse permet d’appliquer un lubrifiant (vaseline) sur la zone qui reçoit la partie mobile des éprouvettes, tout en limitant les frottements de cette même partie mobile. Un rail de glissement (qui n’a pas de contact avec les éprouvettes), permet de vérifier que la direction de traction est bien perpendiculaire à la surface de collage. Le choix des pièces et leur disposition ont été calculés de sorte à répondre à plusieurs exigences :

284

Pour fixer solidement la partie fixe des éprouvettes de cire, un serre-joint maintient le parallélépipède. Une petite planchette de bois contreplaqué de 30 x 20 x 8 mm est intercalée entre le serre-joint et la cire pour égaliser la force.

Pour contrôler l’emplacement exact du joint de collage des éprouvettes, et pour s’assurer qu’il ne se déplace pas lors des tests, un rail de maintient est fixé de part et d’autre des éprouvettes. Nous voulions avoir un accès visuel direct sur le joint de collage, et avons donc utilisé quatre petites équerres métalliques pré-percées, vissées dans la planche de bois. Ce système a en outre l’avantage d’être facilement démontable.

Pour que la poulie ne se déforme pas sous la contrainte, nous avons choisi un modèle en métal. Ce modèle est de très petites dimensions (roulement de 14 mm) avec un roulement à bille pour limiter le frottement. Cette poulie est visée sur la paroi verticale de la planche de bois opposée aux éprouvettes de cire. Le creux du roulement dépasse de la planche de 5 mm précisément, pour que le fil de traction soit parallèle à la planche.

Pour que ce même fil de traction soit parallèle à la planche, nous avons conçu et dimensionner les pièces d’attache de la partie mobile de l’éprouvette. Des rectangles de 20 x 9 mm ont été découpés dans une planche de bois contreplaqué de 8mm d’épaisseur. Un petit cavalier est cloué sur chaque plaquette de bois, de façon à ce que

Je tiens à remercier chaleureusement Monsieur Quentin Serra, actuellement doctorant de Central Lyon, Monsieur da Cruz et Madame Hannoi professeurs à l’Ecole de Condé, et toutes les personnes qui ont apporté leur soutient et leur ingéniosité lors de la conception de ce système. 285 Les dimensions des pièces sont données dans l’ordre suivant : largeur x longueur x profondeur. Pour les pièces de section circulaires, c’est le diamètre qui est donné.


110 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux le centre cavalier soit dans l’axe du centre de la plaquette (soit la projection de l’intersection des diagonales). Chaque petite plaquette de bois est collée avec une colle cyanolite sur le bord de l’éprouvette de façon à laisser une marge de 1 mm entre la plaquette et le plan de travail, ce qui évite que les plaquettes de fixation ne frottent sur le plan de travail. 

Pour que le fil de traction soit dans l’axe tangent au creux du réa de la poulie, il a été allongé au maximum par rapport à la planche. Le fait d’avoir une longueur de fil horizontal plus longue permet de limiter la déperdition d’énergie par frottement du fil contre la poulie286. A C

A C

B

α Poulie

α’

B Poulie

Figure 19: Loi trigonométrique de la tangente appliquée au fil du système de traction

286

Pour réduire au maximum le poids du fil de traction vertical, la longueur de cette même partie verticale a été réduite à 50 mm.

Pour que le fil de traction subisse moins de déformation plastique, nous avons choisi un fil armé, soit un fil d’acier très fin enveloppé d’une gaine de nylon. Une esse est fixée à une extrémité grâce à des perles aluminium malléable. Cette esse vient s’accrocher sur le cavalier des petites plaquettes de bois collées aux éprouvettes. L’extrémité du fil qui supporte le poids de traction est constitué d’une simple boucle, bloquée avec des perles en aluminium.

Pour avoir un contrôle constant et précis du poids de traction, une bouteille ou un bidon en plastique (additionnées, au besoin, de poids métalliques) remplie d’eau avec une seringue est appendue au fil de traction.

En effet, considérons le fil de traction comme l’hypoténuse [CB] d’un triangle rectangle ABC ; l’emplacement théorique du fil est représenté par le coté adjacent [AB] ; le coté opposé [AC] de l’angle α est alors la distance entre l’axe théorique du fil et son emplacement réel ; la tangente de l’angle α est donné par la relation [AC]/[AB]. Considérons maintenant que le coté opposé [AC] a une longueur constante, mais que le coté adjacent [AB] a une longueur variable. Plus cette longueur est grande, plus l’angle α sera petit, et moins il y aura de frottements.


111 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux

4.5

Facteurs d’erreurs du système

Les valeurs obtenues s’écartent systématiquement de la valeur vraie (inconnue) que l’on souhaite mesurer. A cela plusieurs raisons : des défauts du système ; des facteurs de variation inconnus ; des différences de mesurage par l’expérimentateur ; des variations des conditions d’expérimentation. On distingue les erreurs absolues des erreurs relatives : les premières s’écartent systématiquement de la valeur vraie, et sur une série de test leur moyenne n’est pas nulle ; les secondes s’écartent aléatoirement de la valeur vraie, et leur moyenne s’équilibre autours de la valeur vraie. Les erreurs absolues ne peuvent pas être mesurées, aussi doit-on porter une grande attention aux facteurs d’erreurs et juger de la fiabilité du système. Les erreurs relatives peuvent être évaluées en répétant un test plusieurs fois, et en calculant l’écart type. Si ce dernier est trop grand par rapport aux grandeurs de la mesure, on peut tenter de réduire les facteurs d’erreurs. Le système décrit ci-dessus comporte des défauts intrinsèques à l’origine d’erreurs absolues :   

Les vibrations du plan de travail, minimes soient-elles, entrainent une déperdition d’énergie. Le frottement du fil contre la poulie donne lieu à une perte d’énergie. La déformation plastique du fil armé peut très légèrement fausser les mesures.

Nous avons réduit au maximum ces facteurs, en choisissant des matériaux et une structure adaptés. D’autres facteurs d’erreurs, relatives cette fois, sont présents : 

 

Si la partie horizontale du fil de traction n’est pas exactement parallèle au plan de travail, et si le fil ne suit pas exactement la normale au centre des plaquettes de bois, alors la mesure s’écartera légèrement de la mesure vraie. L’expérimentateur, qui ne peut pas reproduire exactement les mêmes gestes, est également un facteur d’erreur. Les variations d’humidité relative peuvent baisser ou augmenter la température de transition vitreuse Tg des colles ; les variations de températures peuvent modifier le comportement mécanique des colles, selon leur écart avec la Tg.

Enfin et surtout, l’expérimentateur ne maîtrise pas totalement l’épaisseur du joint de collage. Ce facteur est déterminant pour la justesse et la cohérence des valeurs de mesurande obtenues. N’ayant pas de moyen technique à notre disposition pour connaitre la ou les épaisseurs des joints de collage, nous avons réaliser une étude statistique, en effectuant dix tests sur dix éprouvettes de cire collées avec la même colle, à la même concentration, appliquée de manière identique, séchée dans les même conditions. C’est sur la base de ces valeurs que nous avons apprécié l’homogénéité des épaisseurs des joints et, d’autre part, la justesse et la fiabilité du système.


112 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux

5

Problématique de l’utilisation du collage dans la restauration de sceaux ; choix des colles

Lors des tests de collage, on distingue deux types de contraintes : les contraintes fonctionnelles, liées au fonctionnement de la pièce à coller ; les contraintes expérimentales, liées à sollicitation que devra supporter le joint de colle pendant le test287. Les contraintes fonctionnelles sont très rarement maîtrisées lors d’un test, à plus forte raison dans le cas d’une pièce originale de restauration : nous ne connaissons ni les caractéristiques exactes des surfaces à coller, ni la tolérance géométrique des matériaux vieillis et n’avons aucun moyen de calculer précisément tous les paramètres entrant dans la théorie du collage. En revanche, les contraintes expérimentales liées à la mise en œuvre permettent de déterminer en amont un certain nombre de questions, formant, en quelque sorte, un cahier des charges :   

 

Si le collage est lié aux propriétés de surface du substrat, est-il possible de traiter ces surfaces avant restauration288 ? Quel est le temps de prise de cette colle, dans les conditions de collage ? De quels moyens spécifiques dispose-t-on pour déposer cette colle ? Comment la colle appliquée durcit-elle? Autrement dit, quelle méthode de prise en masse envisage-t-on ? Ce durcissement est-il réversible ? Quelles contraintes le conditionnement et la communication du bien patrimonial fera-t-il subir au sceau réassemblé ?

C’est en fonction de la réponse à ces questions que nous avons retenus cinq colles, possédant certaines propriétés chimiques et rhéologiques : l’Evacon RTM, la Lascaux 360HV, le Paraloïd B72 (dans l’acétone), la colle d’esturgeon, la propolis.

6

Propriétés des colles testées

Les cinq colles choisies correspondent majoritairement aux produits utilisés dans les ateliers de restauration de sceaux289. L’Evacon R TM est couramment utilisée aux Etats-Unis, tandis que les pays anglo-saxon ont moins de réticence à utiliser des colles acryliques comme la Lascaux 460. Le Paraloïd B72 a longtemps été utilisé dans les ateliers de restauration pour réassembler des fragments de sceaux, à l’instar des restaurateurs de céramiques. La colle d’esturgeon a récemment été adoptée 287

Ibid. ; P. KRAWCKZAC, ‘Essais mécaniques des plastiques : caractéristiques instantanées’, Techniques de l’ingénieur, Traité Plastique et composite, Réf AM3510, 1999, 20p. ; P. KRAWCKZAC, ‘Essai mécanique des plastiques : caractéristiques à long terme et ténacité’ Techniques de l’ingénieur, Traité Plastique et composite, Réf AM3513, 1999, 29p. 288 Certains restaurateurs de sceaux ont essayé de strier les bords des cassures avec une pointe chauffante, pour augmenter la surface de collage. Cette pratique devrait être abandonnée, car elle dégrade le matériau. 289 D’autres colles ont été testées pour le recollage des fragments de sceaux, sans succès : la gélatine, la colle d’amidon et la Méthylcellulose MH300. A. KERLO, Tests de collage, Rapport de vacation à l’atelier des sceaux des Archives nationales de France, [non publié], Paris, 2006, [s.p.] ; D. BESNAINOU, Cire et cires : études sur la composition, l’altération, la restauration et la conservation des œuvres céroplastiques, Mémoire de fin d’étude, IFROA, 1984, 103p.


113 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux par les Archives nationales, pour ses propriétés adhésives et sa bonne réversibilité. Enfin, certains restaurateurs ont pensé à la propolis comme colle de restauration. A. L’Evacon R TM L’Evacon RTM est un copolymère en bloc d’acétate de vinyle et d’éthylène290 :

CH2

CH2

+

H H3C― C―O―C O

Ethylène

Acétate de vinyle

CH2

= ―CH2 ―CH2

CH2 ―CH― y O C O CH3 Poly (éthylène/acétate de vinyle) x

L’éthylène et l’acétate de vinyle ayant respectivement une fonctionnalité de deux291, ils forment un polymère linéaire, par polymérisation en chaine. Le film de colle est donc un thermoplastique. Dans son état commercial, l’Evacon RTM est un fluide blanc, visqueux292, légèrement odorant. Selon les fournisseurs, son pH se situe entre 7 et 8, malgré les groupements acétate. Sa pression de vapeur saturante, sa température de transition vitreuse et de fusion ne sont pas connues. Selon les fournisseurs293, l’Evacon RTM ne présenterait aucune ‘décomposition aléatoire des produits dans les conditions de température, humidité relative et pression normale’. Cependant, il est bien précisé que l’Evacon R TM peut se décomposer ‘après exposition à la lumière et aux hautes températures’. Nous supposons donc qu’avec l’équivalence temps-température des polymères, l’Evacon subi une dégradation naturelle sur le long terme, sans que l’on sache précisément la durée de stabilité de cette colle294. Soulignons le fait que l’Evacon RTM n’est pas un produit de transformation de polymère ; elle dégage donc normalement moins d’acide acétique que les PVA295. En outre, la grande proportion de blocs éthylène la rendrait plus résistante à l’hydrolyse. L’Evacon RTM est largement répandue dans les pays anglo-saxon et aux Etats-Unis. Outre le collage des fragments de sceau, elle est principalement utilisée pour les doublages de peintures de chevalet, les collages des boîtes de conditionnement et les travaux de reliure. Il est possible d’ajouter une petite quantité de méthylcellulose ou de colle d’amidon pour faciliter sa réversibilité et augmenter le temps de travail. 290

K. SCHEPER, ‘Een onderzoeknaar Avacon-R. Gegrag en Voejassiingen va even witte lijm’, Interdisciplinair Vakblad conservering en restauatie, Vol.6, n°1, 2005, p.32-34. Elle contient également d’autres traces de molécules : du bromopol (<100pm), du 5-chloro-2-méthyl-4isothizolin-3-one (<5ppm) et du 2-méthyl-4isothiazolin-3-one (<5ppm). 291 La fonctionnalité d’un monomère désigne le nombre de liaisons covalentes que ce monomère peut former avec d’autres monomères. Une fonctionnalité de deux désigne un monomère pouvant former deux liaisons covalentes. Le polymère obtenu sera donc linéaire. 292 TM -1 K. SCHEPER, op. cit. La viscosité de l’Evacon est de 1000 à 1200 mPa.s , avec un viscosimètre Brookfield. 293 TM L’Evacon est produite par la société Conservation by design depuis 1983. Voir http://www.conservationby-design.co.uk 294 K. SCHEPER, op.cit. 295 Le fournisseur recommande par ailleurs « d’ajouter une petite quantité de carbonate de calcium pour stabiliser le système », ce qui laisse à penser que la colle se dégrade avec un dégagement acide.


114 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux B. La Lascaux 360HV La colle Lascaux 360 HV est une dispersion de poly(méthacrylate de méthyl) et d’un élastomère plastifiant poly(acrylate de butyle). Les proportions des composants respectifs ne sont pas connues. Les monomères ont chacun une fonctionnalité de deux, la Lascaux 360HV est donc un polymère linéaire thermoplastique. Selon le fournisseur, elle est épaissie avec de l’ester d’acide acyclique. CH3 ―CH2―C C O O CH3

CH2―CH C O O (CH2)3 CH3

Figure 20 : Formule développée du poly(méthacrylate de méthyl) et du poly(acrylate de butyl)

La Lascaux 360HV est une colle liquide blanche et très visqueuse296. Son pH, sa densité et sa pression de vapeur saturante ne sont pas connues. A l’état fluide, la Lascaux 360HV est soluble dans l’eau, mais devient insoluble dans ce solvant après séchage. Elle a une solubilité permanente dans l’acétone, les alcools, le toluène, mais est insoluble dans le white-spirit et les alcanes. Le film de Lascaux 360HV est très élastique, sans doute en raison du poly (acrylate de butyle). Il se forme à partir de 0°C, mais reste collant en raison de sa température de transition vitreuse très basse (-8°C, selon le fournisseur297). La Lascaux 360HV est parfois utilisée pour recoller des fragments de sceaux. Elle trouve également des applications en restauration d’œuvres d’arts graphiques pour le collage des boîtes de conditionnement, et en restauration de peintures sur toile, notamment pour le rentoilage des supports toile. La stabilité chimique de la Lascaux 360HV n’est pas optimale : l’hydrolyse des groupements latéraux peut entrainer des dégagements gazeux d’acide acétique, à l’origine d’une oxydation des matériaux organiques (papier, parchemin, soie). C. Le Paraloïd B72 Le Paraloïd B72 est un copolymère linéaire de poly(méthacrylate d’éthyle/acrylate de méthyle), commercialisé par la société Rhom &Haas :

296

« HV »signifie « haute viscosité » La température de transition vitreuse donnée ici n’est qu’approximative : il faudrait préciser les conditions expérimentales pour la définir précisément. 297


115 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux CH3 ―CH2―C C O 70 O CH2 CH3

CH2―CH C O 30 O CH3

Figure 21: Formule développée du Paraloïd B72

Composé de 65,8% d’éthyle méthacrylates (EMA) et 32% de méthyl acrylates (MA) et 2,2% de butyle acrylates (BMA)298, le Paraloïd B72 a une répartition aléatoire des unités constitutives A et B. Selon trois études expérimentales299, sa masse molaire moyenne en nombre Mn se situe entre 41 et 51,17 , sa masse molaire moyenne en poids Mw entre 88 et 119. Par conséquent, son indice de polymolécularité I se situe entre 3,15 et 2,32. Les écarts des valeurs obtenues300 peuvent être dus aux différents moyens d’investigation utilisés (et à leur précision), tout autant qu’à des variations de la composition des Paraloïd B72 analysés. Il semble que son degré de polymérisation soit de 900301. Le Paraloïd B72 est généralement commercialisé sous forme de granulés transparents (ou en solution à 50% dans le toluène). Sa température de transitions vitreuse Tg se situe à 40°C, et son point de fusion à 150°C environ302. Un film de Paraloïd B72, considéré à température ambiante, est donc relativement élastique, en plus d’être résistant à la rupture. Il est soluble dans l’acétone, le toluène et le xylène. Sa viscosité intrinsèque [] se situe à 49, 330,19 cm3.g-1. Vieilli à 110°C pendant 170h, elle augmenterait à 53,700, 18 cm3.g-1. Ces résultats pourraient indiquer un processus de pontage des macromolécules (la masse molaire augmentant lors du vieillissement précité). Toutefois, une autre étude expérimentale303 tendrait à mettre en évidence un processus de dépolymérisation lors d’un vieillissement à 150°C. La contradiction de ces résultats révèle la difficulté à prédire le processus de vieillissement du copolymère Paraloïd B72, les méthacrylates (EMA) ayant tendance à se dépolymériser et les acrylates (MA) à se réticuler (se qui se traduit par une augmentation de la masse molaire)304. Par ailleurs, bien que le Paraloïd B72 exposé à

298

M. LAZZARI, O.CHIANTORE, ‘Photo-oxidative stability of paraloid acrylic protective polymers’, Polymers, n°42, 2001, p.17-27 299 M. LAZZARI, O. CHIANTORE, ‘Thermal-ageing of paraloid acrylic protective polymers’, Polymers, n°41, 2000, p.6447-6455. ; M.-J. MELO, & al., ‘Photodegradation of acrylic resins used in the conservation of stones’, Polymer Degradation and Stability, Vol. 66, 1999, p.23-30 ; A. RADOMSKI & al., ‘Determination of Absolute Molar Mass of Paraloïd B72’, Annals of Warsaw University of Life sciences-SGGW, Forest and Wood Technology, n°72, 2010, p. 206-211 300 La masse molaire moyenne en nombre 301 A. RADOMSKI & al., op. cit., p.206. 302 S. CHAPMAN, D. MASON, ‘The use of Paraloïd B72 as a surface consolidant for stained glass’, Journal of the American Institute of Conservation, n°42-2, p.381-392. 303 M. LAZZARI, O. CHIANTORE, op.cit., 2000, p.6447-6455 304 A. RADOMSKI & al., op. cit., p.211.


116 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux une lumière solaire artificielle semble stable305, il jaunit fortement sous l’action photochimique de rayonnements UV306. En restauration du patrimoine, le Paraloïd B72 est utilisé comme pour consolider des couches picturales, pour protéger des surfaces présentant des faiblesses mécaniques (bois archéologique, verre, pierre), pour coller des fragments (céramiques, sceaux). Il est également utilisé dans l’industrie comme medium, adhésif et revêtement de surface. Toutefois, compte tenu de son jaunissement et de son changement de masse molaire en vieillissant, son utilisation est remise en question dans les domaines de la restauration du patrimoine.

6.1

La colle d’esturgeon

La colle d’esturgeon est un adhésif protéinique, traditionnellement réalisée à partir des membranes des vessies natatoires d’esturgeon (composée de 86 à 93% de collagène)307. Le collagène disposé en triple hélice est moins réticulé que celui des mammifères, d’où une meilleure mise en suspension de la colle d’esturgeon308. La teneur en acides aminés diffère selon la période de pèche, l’espèce et la partie du poisson utilisée, le cycle biologique de l’animal, la température de l’eau, etc. La composition de cette colle est donc loin d’être totalement contrôlée309. De qualité variable, la colle d’esturgeon est commercialisée sous forme de plaquettes de membranes séchées, de plaques ou vermicelles de colle déshydratée (colle déjà chauffée et refroidie). La plus pure est vendue sous formes de plaquettes translucides, avec des petits trous aux angles (trous de mise en tension lors du séchage). Les colles de déchets de poissons sont probablement plus hydrolysées et plus riches en produits exogènes (poussières, particules métalliques) et conservateurs310. Elle a d’abord été utilisée comme adhésif pour le collage (mobilier et dorure), comme liant de couche picturale et comme fixatif de matériaux pulvérulents (pastel, pierre noire, etc.), avant d’être adoptée par les restaurateurs de peintures puis d’Arts graphiques dans les années 1970. De pH 6,5-7,2, la colle d’esturgeon est insoluble dans les solvants organiques. Les macromolécules protéiniques peuvent être mises en suspension dans de l’eau, en faisant gonfler la colle pendant plusieurs heures (12h) dans l’eau froide et en la faisant chauffer au bain-marie, en remuant régulièrement311. La colle ne doit pas dépasser 60°C, sans quoi elle se dénature. Le film de colle d’esturgeon entre 5 et 10%, appliqué sur des substrats cellulosiques ou autres, est résistant et

305

M. LAZZARI, O. CHIANTORE, ‘Photo-oxidative stability of paraloid acrylic protective polymers’, Polymers, n°42, 2001, p.17-27 306 M.-J. MELO & al., op. cit., p.23-30 ; M.-J. MELO, S. BRACCI, ‘Correlating natural ageing and Xenon irradiation of paraloid B72 applied on stone’, Polymer degradation and stability, Vol.80, n°3, 2003, p.533-541 ; M. FAVARO & al., ‘Evaluation of polymers for conservation treatment of outdoor exposed stone monuments, Part 1 : Photo-oxidative weathering’, Polymer degradation and stability, Vol. 91, n°12, 2006, p.3083-3096 307 F. PEREGO, Dictionnaire des matériaux du peintre, éditions Belin, Paris, 2005, p. 220 308 Ibid. 309 M. OSAMA EL-FEKY, A. ABD EL-ELKKADY, ‘Treatment and restauration of oil painting by sturgeon glue’, th Evaluation Of Damage : restoration and conservation of Mobile Cultural Heritage, Proceeding 4 International Congress on Science and technology for the safeguard of cultural heritage in the Mediterranean basin, Vol. II, Le Caire, 6-8 décembre 2009, p.248-254 310 F. PEREGO, op. cit., p.220 311 A. ZEBALA, Technical exchange, WAAC Newsletter, JAIC, Vol.16, n°3, 1994, p.11


117 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux réversible dans l’eau312. Sa viscosité est plus basse que celle des gélatines de mammifère, et son point de fusion plus élevé. La restauration des sceaux et objets céroplastiques exige une colle très visqueuse, et donc une concentration plus élevée que celle utilisée pour les supports cellulosiques ou parcheminés. Pour les tests, on a choisi une concentration de 12% dans l’eau déminéralisée. En atelier, la colle est le plus souvent préparée ‘à l’œil’, de manière à obtenir un adhésif très visqueux. Sa concentration n’est généralement pas connue.

6.2

La propolis

La propolis est une substance produite par les abeilles, de consistance et d’aspect variable (à l’état brut, elle peut être cireuse, résineuse, poudreuse, noirâtre, brune ou vert-brun). Elle est utilisée par la colonie pour rendre la ruche hermétique et pour colmater des brèches (utilisation structurelle), pour lisser les aspérités des cadres en bois, les rayons et les alvéoles, pour embaumer les intrus (insectes, souris), et probablement en substance bactéricides, antifongique, antivirale et antioxydante (utilisation sanitaire). Elle a deux origines, l’une externe à la ruche (essences de conifères et résineux, peupliers, aulnes, saules, bouleaux, pruniers, etc.)313, l’autre interne (elle serait issue de la première phase de digestion du pollen par les abeilles314). Elle est en réalité un mélange de 50% de résines prélevée sur des arbres, 30% de cire, 10% d’huiles essentielles, 5% de pollen, 5% de sécrétions salivaires et d’impuretés315. Plus de 200 composants peuvent ainsi entrer dans la composition de la propolis316, selon l’écosystème environnant la ruche et la saison. La résine prélevée sur les arbres, de nature polyphénolique, se compose en grand partie de flavonoïdes317, ainsi que d’acides aromatiques, de triterpènes et d’esters acides phénoliques. Ce sont ces composants qui seraient à l’origine des propriétés bactéricides, antifongiques, antivirales et antioxydantes évoquées plus haut318. La propolis est peu soluble dans l’eau, mais partiellement dans l’éthanol et l’acétone (ainsi que l’éther, le chloroforme, le benzène, l’ammoniaque et le trichloréthylène)319 . Elle est utilisée en solution à 2% dans l’éthanol par les restaurateurs de sceaux comme agent de consolidation de surfaces de cires pulvérulentes et/ou desséchée320. Cependant, la variabilité de la composition de la propolis et sa tendance à brunir en vieillissant (le vieillissement chimique de la propolis n’est pas connu) invitent à utiliser ce produit avec la plus grande prudence dans le domaine de la restaurationconservation du patrimoine. Par ailleurs, le pouvoir adhérant de la propolis n’a pas encore fait l’objet 312

D. YODER, Technical exchange, WAAC Newsletter, JAIC, Vol.21, n°2, 1999, [s.p] ; T. GEKERT, F. MICHEL, ‘Studies on the Polysaccharides JunFunori Used to consolidate Matte paint’, Studies in conservation, Vol.10, n°3, 2005, p.193-204 313 N. MOUDIR, Les polyphénols de la propolis algérienne, Mémoire de Magister en chimie organique, Université Mohammed Boudiaf, M’sila, Alger, [non publié], novembre 2004, p.4 314 Ibid. 315 I. KOSALEC & al., ‘Quantitative analysis of the flavonoid in raw propolis from northem Croatia’, Acta Pharmaceutica, n°54, 2004, p.65-72 316 Ibid. 317 V.S. BANKOVA & al., ‘Propolis : Recent advances in chemistry and plant origin’, Apidologie, n°31, 2000, p.315 318 I. KOSALEC & al., op. cit., p.66 319 N. MOUDIR, op. cit, p.5 320 J. DERNOVSKOVA, ‘The use of propolis in seal conservation’, SSCR journal, Vol.8, n°2, mai 1997, p. 2-15


118 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux d’études. Il semble qu’il soit trop faible pour coller des fragments de sceaux. Lors des tests, la propolis sera utilisée à 20% dans l’éthanol.

7

Résultats des tests et discussion

7.1

Evaluation de la justesse et de la fiabilité de l’appareillage ; détermination de la marge d’erreur

La fiabilité et la justesse de l’appareillage utilisé, ainsi que la répétabilité de la mise en œuvre (notamment l’application du film de colle) étant initialement inconnues, on a réalisé un test préalable d’évaluation : dix éprouvettes ont été préparées selon le mode opératoire précité, avec de la colle d’esturgeon Sennelier à 12% dans de l’eau déminéralisée, et mises en traction sur l’appareillage décrit. La répétition d’un même mesurage permet de déterminer la marge d’erreur à partir des valeurs maximales et minimales observées par rapport à la moyenne des mesures. Cette marge d’erreur doit être relativement faible (inférieure à 10%). Pour les mesures effectuées, les résultats sont les suivants :

Résultats en kg.cm Eprouvette n°1 Eprouvette n°2 Eprouvette n°3 Eprouvette n°4 Eprouvette n°5 Eprouvette n°6 Eprouvette n°7 Eprouvette n°8 Eprouvette n°9 Eprouvette n°10 MOYENNE

2, 80 2,64 2,93 3,04 2,07 2,89 3,00 2,84 2,67 0,89 2,85 7,37%

-2

Observations

Mauvaise application du joint de collage

Mauvaise application du joint de collage

Tableau 6 : Mesures effectuées lors des tests préalables pour la détermination de la marge d’erreur

La résistance à la rupture d’un joint de colle d’esturgeon à 12% sur un substrat de cire d’abeille équivaut à 2,857,37% kg.cm-2. La marge d’erreur de 7,37% est relativement élevée, mais acceptable compte tenu de l’appareillage utilisé. L’éprouvette n°5 et n°10 ayant montré une défaillance du joint de collage (rupture inhomogène), les mesures de leur résistance à la rupture n’ont pas été prises en considération.


119 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux

7.2

Test I : Evaluation de la résistance à la rupture en traction des joints de collage

Afin de déterminer la résistance à la rupture des cinq colles étudiées (colle d’esturgeon, Paraloïd B72, Evacon RTM, Lascaux H360 et la propolis), trois éprouvettes ont été réalisées pour chaque adhésif, selon le mode opératoire précité, et mises en traction selon le protocole décrit. Les résultats sont donnés dans le Tableau 7.

Mesures

M

TM

Colle d’Esturgeon à 12%

Paraloïd B72 à dans l’acétone

Evacon R

2,87 2,69 3,01 2,86 7,37%

2,67 2,61 2,73 2,67 7,37%

6,05 6,29 6, 23 6,19 7,37%

Lascaux H360

Propolis à 20% dans l’éthanol

5,43 5,54 4,57 5, 49 7,37%

0,42 0,34 0,35 0,37 7,37%

Tableau 7 : Mesures de la résistance à la rupture, en traction, des joints de collage, en kg.cm

-2

Trois groupes peuvent être distingués, selon leurs propriétés mécaniques : le premier, comprenant les deux colles synthétiques Evacon RTM et Lascaux H360, se caractérise par une forte résistance à la rupture (respectivement 6,19 7,37% kg.cm-2 et 5, 49 7,37% kg.cm-2). La colle d’esturgeon et le Paraloïd B72 forment le deuxième groupe, dont la résistance à la rupture est approximativement deux fois moindre par rapport au premier groupe (respectivement 2,86 7,37% kg.cm-2 et 2,67 7,37% kg.cm-2). La résistance à la rupture en traction de ces deux joints de collage est sensiblement identique, compte tenu de la marge d’erreur. Enfin, la propolis montre une faible résistance à la rupture de 0,37 7,37% kg.cm-2. D’un point de vue mécanique, seule la propolis ne peut convenir au collage de fragment de sceaux. Parmi les quatre autres colles, le critère mécanique ne suffit pas à discriminer les adhésifs inadéquats. Les qualités physico-chimiques, la stabilité, la réversibilité ainsi que la facilité d’application doivent être pris en considération. La stabilité du Paraloïd B72, de l’Evacon RTM et de la Lascaux H360, ainsi que la réversibilité des films vieillis de ces adhésifs, sont incertaines321. Remarquons qu’une colle polymérique de type thermoplastique se solidifie par changement de phase, sans réaction chimique ni réticulation. Théoriquement, sa viscosité peut être diminuée, par dilution ou échauffement au dessus de Tg, respectivement à l’aide d’un solvant ou apport de chaleur. La cire est un matériau hydrophobe, mais très sensible à la chaleur. La réversibilité de la colle ne peut donc avoir lieu qu’en présence d’un solvant aqueux. En effet, si le test I porte sur de la cire d’abeille pure, les adhésifs utilisés durant les traitements de restauration sont appliqués sur de la cire à sceller. Or, celle-ci peut contenir divers adjuvants, dont des résines sensibles aux solvants organiques. C’est pourquoi l’on n’envisage pas d’utiliser des colles uniquement solubles dans des solvants alcooliques, aromatiques ou cétoniques.

321

Le Paraloïd B72 montre des signe de dégradation photochimique sous rayonnement UV, et jauni en TM vieillissant. La Lascaux H360 est susceptible de s’hydrolyser, tandis que l’Evacon R subirait une dégradation thermochimique et photochimique. Voir supra : ‘Propriétés des colles testées’, p.111-117.


120 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux Seule la colle d’esturgeon parait convenir au réassemblage des fragments de sceaux en cire d’abeille322 : stable dans un environnement contrôlé (le taux d’humidité doit impérativement être inférieur à 60%, et la température ne doit pas excéder 25°C), cette colle animale est facilement réversible à l’eau déminéralisée323. Sa qualité a fait l’objet de recherches agroalimentaires et patrimoniales. Pures et de bonne qualité, elle peut être utilisée pour la restauration d’objets culturels. Cependant, les modalités d’utilisation influent fortement sur les propriétés mécaniques d’un film de colle. Ce sont ces modalités que nous souhaiterions à présent évaluer, en proposant deux tests : un test d’évaluation de la résistance à la rupture de joints de colle d’esturgeon réchauffées plusieurs fois avant utilisation (Test II), et un test d’application en deux temps (Test III).

7.3

Test II : évaluation de la résistance à la rupture de joints de colle d’esturgeon réchauffée

En atelier de restauration d’Arts graphiques et de sceaux, il est fréquent de conserver la colle d’esturgeon préparée pour une future réutilisation. Cette colle se conserve sous sa forme gélifiée, au réfrigérateur entre 4 et 6°C, dans un récipient propre et hermétique. Lors des utilisations ultérieures, elle est réchauffée au bain marie, de manière à ne pas excéder 60°C. Comment cette utilisation de colle réchauffée influe-t-elle sur les propriétés mécaniques du joint de collage ? Pour mieux évaluer l’influence de cette pratique sur la résistance du film d’adhésif, de la colle d’esturgeon Sennelier (en plaques) a été préparée selon le mode opératoire précité. Elle a ensuite été plusieurs fois réchauffée et refroidie sous forme de gel au réfrigérateur. Au cours de ces réchauffements successifs, elle a été appliquée sur dix éprouvettes de cire d’abeille au 5e, 10e, 15e, 25e, 50e, 75e, et 100e réchauffement (soit 56 éprouvettes), selon le mode opératoire précité. Les éprouvettes ont alors été mises en traction selon le protocole décrit. Les résultats des mesures sont donnés dans le Tableau 8.

e

M 322

5 réchauf. 2,91 2,79 2,06 2,94 2,07 2,83 2,71 2,79 2,83 4,24%

e

10 réchauf. 2,86 2,81 2,60 2,76 2,87 2,15 2,81 2,75 2,78 6,47%

e

15 réchauf. 2,87 3,05 2,89 2,74 2,80 2,69 2,82 2,66 2,818,54%

e

25 réchauf. 2,76 2,81 2,84 2,79 2,80 2,78 2,63 0,95 2,775,05%

e

50 réchauf. 2,60 2,76 2,65 2,69 2,04 2,63 2,87 2,84 2,725,51%

e

75 réchauf. 2,67 2,52 1,58 2,43 2,61 2,54 2,44 2,40 2,525,95%

e

100 réchauf. 2,04 2,16 1,94 2,10 2,02 2,20 2,32 2,03 2,129,43%

Notons que ces résultats concordent avec les études menées en France et en Allemagne sur des objets céroplastiques. A. KERLO, op.cit., [s;p.] ; D. BESNAINOU, op.cit., 103p. ; J. LANG, ‘Adhesives for Wax Artifacts: Investigation of Suitable materials and their Adhesion Properties via tensile and Bending Tests’, Proceedings of Symposium ICC : Adhésifs et consolidants pour la conservation : Recherches d’applications, 17-21 octobre 2011, 2011, Otawa, p.1-19 323 Cette réversibilité peut avoir lieu en phase vapeur ou liquide, ce qui permet de moduler le temps de contact et l’apport de solvant. Les molécules d’eau écartent les chaînes de polymère et abaisse la viscosité du film, ce qui permet d’écarter les substrats sans rupture cohésive. L’évaporation du solvant est fonction de la chaleur latente d’évaporation et de la pression de vapeur saturante


121 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux Tableau 8 : Mesures de la résistance à la rupture en traction d’une colle d’esturgeon réchauffée

Les résultats de ce test indiquent une diminution de la résistante à la rupture de 10, 84% dès le 75 réchauffement, par rapport à la résistance d’une colle neuve (la perte de pouvoir adhérant est possible dès le 50e réchauffement, mais la marge d’erreur ne permet aucune affirmation). Cette diminution est de 25, 87% au 100e réchauffement. e

Rapport masse à la rupture sur Section (Kg.cm-2 )

3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 0

1

2

3

4

5

6

7

8

Diagramme n° 2 : Résistance à la rupture d’un joint de colle d’esturgeon plusieurs fois réchauffé, sur cire d’abeille

Il est probable que cet affaiblissement mécanique résulte d’une dégradation physico-chimique de la colle d’esturgeon : les réchauffements successifs peuvent provoquer une altération de la structure quaternaire des protéines, une hydrolyse et une oxydation des macromolécules. On soulignera également un jaunissement progressif de la colle au fur et à mesure des réchauffements, jaunissement qui n’a pu être quantifié. Ce jaunissement indique, lui aussi, une altération des macromolécules avec apparition de groupements chromophores corrélés. La dégradation de la colle d’esturgeon observée lors de ces réchauffements successifs invite le restaurateur à utiliser et conserver cet adhésif avec attention. Lors de ces tests, seule une colle d’esturgeon de bonne qualité a été évaluée. On peut supposer que la dégradation est fonction de la qualité de la colle, de sa bonne conservation et de l’attention portée à la température de réchauffement. Le dessèchement de la colle d’esturgeon restante, le réchauffement trop long au bain marie, ainsi que l’adjonction de produits plastifiants (miel, mélasse) pourraient également influer sur le comportement mécanique des joints de collage. Ce test invite à mettre en place des solutions simple, en atelier, pour éviter la dégradation de la colle d’esturgeon. Mieux vaut préparer de petites quantités, pour avoir une colle toujours fraiche.


122 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux L’étiquetage du récipient, avec la date de préparation et la concentration de la colle, reste indispensable. La propreté du récipient et des outils de travail est également très importante.

7.4

Test III : évaluation de la résistance à la rupture d’un joint de colle d’esturgeon appliquée en deux temps

Lors de la restauration d’un sceau, les bords des fragments sont parfois encollés en deux temps. Lors du premier encollage, la colle d’esturgeon est laissée à sécher totalement à l’air libre, et les fragments de sont pas collés entre eux. C’est seulement au deuxième encollage que les bords sont disposés le plus jointivement possible, et maintenus serrés pour être réassemblés. Cette pratique augmenterait la mouillabilité du substrat de cire à sceller lors du deuxième passage de colle. Tout empirique soit elle, elle n’a pas encore donné lieu à une aucune évaluation quantitative. Nous proposons ici un troisième test, pour tenter d’évaluer la résistance à la rupture de joints de collage appliqués en deux temps. Les bords de dix éprouvettes de cire d’abeille sont encollés une première fois, avec une seringue et un pinceau selon le mode opératoire décrit. Ce premier encollage est laissé à sécher à l’air libre 48h, puis réencollé et mis à sécher de manière jointive. Les éprouvettes ainsi préparées sont mises en traction. Les résultats des mesures sont donnés dans le tableau 9.

M

Eprouvette encollées en deux temps, en kg.cm-2 3,00 2,90 3,03 2,80 2,05 2,89 3,08 3,13 2,56 3,04 2,986,04%

Tableau 9 : Résistance à la rupture d’un joint de colle d’esturgeon appliqué en deux temps, sur cire d’abeille.

La moyenne des mesures est de 2,99 kg.cm-2, avec une marge d’erreur de 6,04%. Le test préalable et le test I ont montré que la résistance à la rupture d’un joint de colle d’esturgeon appliqué en une fois est de 2,86 7,37% kg.cm-2. Compte tenu de la marge d’erreur la valeur minimale pour le test III, avec une valeur minimale de 2,80kg.cm-2, et d’une valeur maximale pour le test I de 3,07 kg.cm-2, il n’est pas possible d’affirmer une meilleur adhésivité d’un joint de collage appliqué en deux temps. Toutefois, la moyenne du test III étant supérieure à celle du test I de 0,12 kg.cm-2, on peut supposer que l’application de la colle en deux temps tend à améliorer très légèrement l’adhésivité du joint de collage.


123 Etude technico-scientifique II : Les joints de collages pour l’assemblage des fragments de sceaux

8

Conclusion

Les tests menés sur les adhésifs de collage sceau indiquent que, dans le cas d’éprouvettes en cire d’abeille pure, sans adjuvant, la colle d’esturgeon semble la plus appropriée. Toutefois, cette assertion à ses limites. La préparation et la mise en œuvre de cette colle déterminent la qualité de ses propriétés adhésives et son vieillissement. Les conditions de conservation du document scellé doivent être contrôlées, puisque la colle d’esturgeon est un adhésif organique susceptible de se dégrader dans une atmosphère trop humide ou trop chaude (développement de micro-organismes possible au-dessus de 60% d’humidité relative).D’autre part, la géométrie des fragments de sceaux étant très variables, il est possible que cette colle ne convienne pas à l’ensemble des cas présents en atelier. On pense notamment aux grands sceaux anglais du XVIIIe siècle de plus de quinze centimètres de diamètre, ou encore aux sceaux du Première Empire pulvérulents et très épais. La colle d’esturgeon ne convient probablement pas à l’ensemble des objets céroplastiques, tels les sculptures et anatomies de cires de tailles imposantes. Seuls des tests pourraient permettre une meilleure connaissance de l’adéquation entre colle, nature du substrat céroplastique, géométrie et poids des objets à coller324.

324

J. LANG, ‘Adhesives for Wax Artifacts: Investigation of Suitable materials and their Adhesion Properties via tensile and Bending Tests’, Proceedings of Symposium ICC : Adhésifs et consolidants pour la conservation : Recherches d’applications, 17-21 octobre 2011, 2011, Otawa, p.1-19


Etude technico-scientifique I: Etude d’un matériau : la cire à sceller

Rapport de restauration  Section I : Description de matériaux et constat d’état 

Section II : Restauration-conservation


125 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état


126 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

Section I Description des matériaux et constat d’état

Introduction Lors d’une restauration, la description des matériaux et le constat d’état forment un préalable, un fondement essentiel même, à toute intervention. Observer, décrire, puis tenter de comprendre l’origine des altérations invite le restaurateur à distinguer état de fait objectif et interprétation subjective325. Nous nous conformerons dans ce constat aux axes directeurs fixés dans le Vocabulaire de la sigillographie326. Dans un souci de conservation, l’utilisation de lampes spots à incandescence lors des séances de photographie a été jugée dangereuse. En effet, la cire, exposée à la chaleur des lampes, risque de se ramollir327. Le parchemin est sensible aux variations thermiques brusques, d’où l’utilisation de lampes fluorescentes à lumière du jour frontale.

1

Description des matériaux

Les matériaux constitutifs d’une charte scellée recouvrent des réalités physiques bien différentes. Ils forment un tout visuel, une entité cohérente, au-delà de la diversité des formes et des techniques. Ces éléments sont intimement liés par leur mise en œuvre. La description s’articulera donc autour des points suivants : le support en parchemin, la technique graphique, les lacs et le sceau biface.

325

Sur la problématique du constat d’état, voir S. PAÏN,‘Constat d’état : approches d’une définition’, Cahier technique de l’ARAAFU, CRBC, n° 15, Paris, 2006, pp. 43-47. 326 Conseil international des Archives, Comité de sigillographie, Vocabulaire international de la sigillographie, publication des Archives de l’Etat, Rome, 1990, 196p. Des précisions sur le vocabulaire technique de la sigillographie devraient être apportées prochainement par l’atelier des sceaux des Archives nationales de France. Communication orale de Madame Agnès Prévost, restauratrice de l’atelier des sceaux ces Archives nationales. 327 On mesure 40°C à 30 centimètres de la lampe, après 10 minutes d’exposition. Or, la cire d’abeille pure a un comportement thermoplastique. Son point de fusion franche Tf se situe à 63°C 1, mais la rupture des liaisons faibles intermoléculaires commencent à 39°C. La cire du sceau est mélangée à d’autres adjuvants, qui modifient le point de fusion, en plus du vieillissement des composants. Cependant, la température de transition vitreuse Tg est toujours inférieure à Tf, d’où les précautions lors de la prise de photographie. La température de dénaturation du parchemin est d’autant plus basse que le réseau collagénique a vieilli.


127 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

1.1

Le parchemin

1.1.1 Dimensions et préparation du support D’une remarquable finesse d’exécution, le parchemin a conservé douceur et éclat. La découpe de la peau parcheminée a été réalisée avec soin, si bien que les dimensions du document respectent une régularité et une linéarité presque parfaites, de 512 millimètres de long sur 268 millimètres de haut (cf. Cliché n°40). A cette hauteur s’ajoute un repli de 85 millimètres328, couvrant un tiers environ de la charte (Cf. Figure n°22). Cette proportion est intéressante puisque la hauteur du repli, élément diplomatique autant que pragmatique329, est généralement un indice de la qualité de l’acte.

85 mm

268mm

512mm

507mm = Corps de la charte en parchemin =

Repli

Figure 22: Dimensions du parchemin et de son repli

L’épaisseur uniforme, de 20 micromètres en moyenne, indique elle-aussi une certaine qualité de fabrication. L’observation rapprochée de l’implantation des follicules pileux, presque entièrement disparus suite au travail de raclage de la peau, indique qu’il s’agit probablement d’un parchemin vélin, auquel cas la bête devait être très jeune, au vu de la taille des follicules330. Cependant, la possibilité d’une peau de chèvre n’est pas exclue. Le façonnage poussé a totalement éliminé l’épiderme, et égalisé 328

Le parchemin déplié mesure donc au total 512 millimètres par 353 millimètres. Le repli, en plus de son aspect symbolique, renforce la partie destinée à recevoir le sceau. Le parchemin étant un produit coûteux, un large repli signifie généralement une certaine aisance de l’auteur de l’action juridique. 330 C. CLARKSON, ‘Rediscovering parchment : the nature of the beast’, The paper conservator, n°16, IPC, 1992, p.5-26; A. CAINS, ‘The vellum of the book of Kells’, The paper conservator, n°16, IPC, 1992, p. 50-60. Le projet IDAP propose une technique d’identification de la couche d’apprêt de calcite, par réaction avec de l’acide chlorhydrique. Cette analyse destructrice ne peut pas être mise en œuvre dans le cas présent, puisqu’elle nécessite un prélèvement de parchemin trop important et difficilement réalisable. Parchement Assessment Repport, IDAP 2007. Parmi les méthodes ayant fait l’objet d’études récentes, on peut citer : B. DOLGIN, Y. CHEN, V. BULATOV, I. SCHECHTER, ‘Use of LIBS for rapid characterisation of parchment’, Analytical and Bioanalytical Chemistry, n°386, 2006, p.1535-1541. D. PANGALLO, K. CHOVANOVA, A. MAKOVA, ‘Identification of animal skin of historical parchments by polymerase chain reaction (PCR)-based methods’, o Journal of archaeological science, vol. 37, n 6, 2010, p. 1202-1206. 329


128 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état l’épaisseur de derme restante. Seule la partie à l’extrême gauche du document donne une indication sur l’orientation des poils. Ceux-ci sont disposés parallèlement au bord gauche, et correspondent vraisemblablement au flanc ou à l’aisselle de l’animal. Des traces de fabrication en forme de hachures sont visibles en lumière transmise et en lumière frontale. Elles sont orientées en quinconce, ou de manière plus libre, et correspondent aux marques d’un racloir à dents (cf. Cliché n°33)331. De visu, distinguer le côté chair du côté fleur reste difficile. Cependant, le verso du parchemin est moins lisse et plus pelucheux au toucher: l’officier a choisi d’écrire sur le côté fleur, plus doux sous la plume, du fait de l’orientation horizontale des fibres de collagène. Les mentions hors teneur, situées sur le repli, se situent donc côté chair.

Cliché n° 33 : Traces de racloir à dent. Côté chair du parchemin, en lumière frontale de faible intensité.

Cliché n° 34: Observation de la couche d'apprêt sous loupe binoculaire en noir et blanc et lumière transmise, coté chair, au niveau du L majuscule de "Louis d'Orléans". La couche apparait plus grise, car plus opaque.

Il semble que le parchemin ait été apprêté coté chair avec une craie blanche (calcite, chaux, craie ?), d’où l’aspect laiteux sous lumière du jour et opalescent sous lumière bleue (lampe à ultraviolets). La couche d’apprêt est extrêmement fine et régulière et se décèle sous loupe-binoculaire en lumière transmise (Cf. Cliché n°34).

1.1.2 Pliage du parchemin La charte, telle qu’elle a été trouvée dans les Archives départementales de l’Indre, se présente pliée en huit, si l’on omet le repli332 (Cf. Clichés n°36a et 36b). Elle est pliée sur l’axe central horizontal, et deux fois de suite verticalement (Cf. Figure n°28). Il est intéressant de noter que le pliage s’accorde parfaitement avec les dimensions du sceau: une fois pliée, la charte recouvre et protège l’empreinte de cire333 (Cf. Clichés n° 35 et 36, n°47). On notera également une similitude 331

Il est intéressant de noter que les mêmes marques de fabrication, visibles sur des actes des Ordres réunis des années 1720, attestent de la régularité de l’approvisionnement en parchemin sous la grande maîtrise de Louis d’Orléans. MLH, inv. 05641 et 01079 ; AD de Dordogne, 2 E 1841/3671. 332 Le pliage en huit se distingue aisément du repli, maintenu en place par les lacs du sceau. 333 Communication orale de madame Agnès Prévost, restauratrice aux Archives Nationales de France, Service des sceaux. La concordance entre dimensions du sceau et pliage du parchemin a fait l’objet d’une étude lors du stage à la Section ancienne des Archives nationales, sous la tutelle de Monsieur Brunel.


129 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état entre ce mode de pliage et celui des mandements royaux du XVIe au XVIIIe siècles, scellés sur simple ou double queue de parchemin, en cire d’abeille naturelle. Le mode de pliage de ces mandements a certainement valeur d’exemple auprès de la chancellerie des Ordres réunis. Par ailleurs, la rédaction et le scellement d’un acte émis par un ordre royal suivait un code extrêmement précis, ne laissant pas de place à l’aléatoire. Ces trois remarques laissent à penser que nous avons affaire à un pliage original exécuté en août 1721, lors du contrôle de l’expédition de l’acte. La comparaison avec d’autres lettres de réception dans les Ordres réunis, datées des années 1720, confirme une habitude de chancellerie bien en place au début de la grande maîtrise de Louis d’Orléans334.

Clichés n° 35 et 36: Vue de la charte pliée, recto (à gauche) et verso (à droite)

334

Deux lettres de réceptions de chevalier datant des années 1720-1730 montrent le même pliage (dimensions du parchemin plié et mode de pliage strictement identiques à ceux de la lettre de réception de Louis Neyret de la Ravoye). L’une est conservée aux Archives départementales de la Dordogne, l’autre au Musée de la Légion d’honneur. AD de la Dordogne, 2 E 1837 /10-7 ; MLH, inv. 05641. La lettre de charge pour provision de Monseigneur Doublet, secrétaire des Ordres réunis, est également pliée de cette façon. MLH, inv. 01079


130 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

e

= 1 pli central horizontal, en demi e

= 2 pli central vertical, en quart

= parchemin déplié = repli

e

= 3 pli central horizontal, en huitième Figure 23: Ordre de pliage de la charte

Les deux oculi, pratiqués par deux petites incisions en croix sur le repli, sont relativement distants des bords. La perforation est identique de part et d’autre du parchemin (Cliché n° 39, p.131).

1.2

La technique graphique

Aucune trace de tablature335 n’indique un travail de préparation du support par le scripteur. L’écriture n’en demeure pas moins très régulière et soignée. Il est possible que le scripteur ait très soigneusement tracé puis effacé des lignes de repère à la mine graphite ou à la mine de plomb, puisque cette habitude se retrouve sur des lettres de réception plus tardives et moins soignées336. L’encre brun-foncé est vraisemblablement de nature métallo-acide, et plus vraisemblablement encore de type ferrogallique337. Le test à la batophénantroline338 indique la présence d’ions ferriques

335

La tablature est l’ensemble des marques tracées par le scripteur comme repère pour la disposition du texte. Des lignes tracées à la mine graphite ou à la mine de plomb servent de tablature sur la lettre de réception du Vicomte de la Sarthe, le 16 décembre 1788, sous la grande-maîtrise du comte de Provence. Elles n’ont pas été effacées. MLH, inv.09466 (autre num.FF2200), Carton des Ordres de saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel. 337 Les encres ferrogalliques sont fabriquées à partir de noix de galles, dont l’extrait de tannin est complexé par de l’acétate de fer et/ou de cuivre. Un liant -généralement une gomme de nature polysaccharide- est ajouté pour maintenir la dispersion en suspension, et augmenter la viscosité du mélange. Cette encre a été utilisée e e depuis le VII siècle, et a connu un large succès jusqu’au début du XX siècle. Son vieillissement est à l’origine de graves altérations, notamment sur les supports en papier. 338 Introduit en France en 2005, le test à la batophénantroline a fait l’objet de plusieurs études. Voir: G. NEEVEL G. J., ‘Batophenantroline indicator paper : development of a new test for iron ions’, PapierRestaurierung Mitteilungen der IADA, Vol.6., n°1, 2005, p.28-36 ; G.-L. NEEVEL, ‘Applications Issues of the Batophenantroline Test for Iron(II) Ions’, Restaurator, Vol.30, n°1-2, 2009, p.3-15 ; T.I. IVKOVA, ‘The indicator system based on 336


131 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état libres Fe2+. Ces ions peuvent être les produits de dégradation du complexe ferrique entrant dans la composition d’une encre ferrogallique. Cependant, le test à la batophénantroline et l’examen visuel ne permettent pas d’établir avec certitude la nature ferrogallique d’une encre, pas plus qu’ils ne donnent d’indication sur de sa composition exacte (nature du liant, adjuvants, etc.)339. Par ailleurs, la tonalité de l’encre est uniforme sur l’ensemble du corps du texte. Elle est légèrement plus claire au niveau des signatures de monseigneur Doublet (greffier et secrétaire des Ordres) et des mentions hors teneur, et ce probablement en raison de la rapidité de l’écriture et de l’absorption plus importante coté fleur. Cette cohérence tonale va dans le sens des sources anciennes, selon lesquelles le greffier signait l’acte juste après le travail d’écriture du scripteur, le jour de la cérémonie de réception340. L’un et l’autre utilisaient donc très probablement la même encre. Par contraste, le visa de Monseigneur Bosc, chancelier et garde des sceaux, situé au-dessus du sceau, apparait plus foncé que le corps du texte (Cf. Cliché n°36). Là encore, un éclairage par l’histoire donne un relief intéressant à cette observation : selon le protocole, le greffier validait l’expédition tandis que la minute était « envoyée au chancelier pour être enregistré »341. Monseigneur Bosc a du utiliser une encre différente de celle du scripteur ; la composition et le vieillissement de ces deux encres sont les principales variables qui peuvent influencer leur aspects d’origine et leur tonalités actuelles, plus ou moins contrastés.

Cliché n° 36: Visa du chancelier Bosc situé audessus du sceau

Sur les grandes majuscules de la suscription, des surépaisseurs brillantes sont perceptibles, au centre des pleins et déliés (Cf. Cliché n°37, p. 132). Il s’agit probablement d’un double passage de plume. Par ailleurs, le verso porte la marque ‘441’, à la mine graphite (Cf. Cliché n°38, p.132), numéro attribué suite à la donation aux Archives départementales de l’Indre, en 1926. batophénantroline for rapid determination of Fe (II, III) in water’, Journal of Water chemistry and technology, Vol. 30, n°6, 2008, p. 368-374 339 La forte probabilité d’une encre ferrogallique induit la présence d’un complexe métallo-tannique et d’un liant, probablement végétal. La gomme arabique et les gommes d’arbres fruitiers (prunier, pêcher, cerisier, e abricotier, etc.) étaient les plus utilisées au XVIII siècle en France. Sur les encres ferrogaliques et les liants, voir : J. KOLAR, M. STRLIC, Iron Gall Inks : On manufacture, Characterization, Degradation and Stabilisation, National and University library of Ljubljana, Ljubljana, 2006, 253p. ; P. RICHARDIN, S. BONASSIERS-TERMES, J.C. DORE, ‘Characterization of Vegetable gums used as Binding Media in Inks by Gas Chromatography end Multivariable Analysis’, Microalalysis of Parchment, édité pae René Larsen, Archetype Publications, Londres, 2002, p.31-44 340 Sur la genèse des actes des Ordres réunis, voir p.25 : « Etapes de rédaction du parchemin et de validation de l’acte de Louis d’Orléans » 341 Idem.


132 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

Cliché n° 37: Majuscule calligraphiée, à l'encre métallo-acide. La flèche rouge indique une surépaisseur de l’encre.

1.3

Cliché n° 38: Tracé à mine graphite, au verso

Les lacs de soie

Eléments de maintien du sceau, les lacs jouent un rôle structurel majeur, tant dans la liaison visuelle et sémantique avec l’empreinte de cire que dans la tenue du repli. Habituellement, les chancelleries médiévales optaient pour des lacs de soie, de lin ou de chanvre, ou des queues de parchemin. Ici, nous sommes en présence de lacs de soie342. Ces lacs ne présentent pas d’ornement particulier. Cependant, le mode de scellement est exceptionnel : en effet, selon l’usage diplomatique, le nœud ne devrait pas être placé aussi près du parchemin et du sceau. Si l’on examine les lacs de plus près, nous remarquons que chaque fils se compose de deux brins, torsadé en S. Seize fils ont été rassemblés pour former le faisceau inclus dans le gâteau de cire, soit huit fils rouges et huit fils verts. Chaque oculus maintient en faisceau quatre fils rouges et quatre fils verts noués en nœud simple (selon le vocabulaire des nœuds marins), au ras du parchemin (Cf. Cliché n°39). Huit fils se sont rompus au niveau de la sortie du nœud.

Cliché n° 39: Détail des lacs de soie, partie supérieure.

342

Sur les propriétés de la soie, voir l’Annexe V

Cliché n° 40: Détail des lacs de soie, partie inférieure.


133 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état Il n’est pas possible de décrire avec certitude la direction et la disposition des lacs dans le gâteau de cire, puisqu’ils se soustraient à la vue. Cependant, l’observation des cassures indique que les lacs traversent le sceau selon un axe légèrement convexe, ce qui assurait au scelleur une bonne inclusion entre les deux gâteaux de cire superposés.

Cliché n° 41: Détail de la cassure de gauche, en bas du sceau: les lacs occupent une couche stratigraphique bien distincte, orientée horizontalement selon une courbe convexe. Ils ne sont pas imprégnés de cire.

D’autre part, il est désormais avéré que, dans de nombreux sceaux, les lacs étaient rassemblés en nœud au milieu de l’empreinte de cire343. Dans ce cas, le faisceau de lacs est beaucoup plus serré et plus épais. Le nœud est alors une faiblesse intrinsèque au sceau, qui se brise souvent à partir de ce point central. Il est peu probable que le scelleur ait eu une telle précaution pour le sceau de Louis d’Orléans, puisque l’épaisseur du nœud aurait approché celle de l’empreinte de cire.

Hypothèse 1 : faible probabilité

Hypothèse 2 : forte probabilité

Figure 24: Schématisation de deux dispositions possibles des lacs de soie dans le sceau, représentés en rouge (vues frontales à gauche, vues en coupe à droite). Le passage du faisceau suit une direction légèrement convexe à l’intérieur de l‘empreinte. A droite, un nœud retient les fils en faisceau à l’intérieur du sceau. 343

P. JACQUET, ‘Radiographie, scanner et sigillographie’, Pourquoi les sceaux ? La sigillographie, nouvel enjeux de l’histoire de l’art, Acte du colloque organisé à Lille, Palais des Beaux-arts, les 23-25octobre 2008, Marc Gil et Jean-Luc CHASSEL éd., Lille, 2011, p.93-103


134 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

Les fils de soie sortant du sceau dépassent de 3 centimètres en moyenne, ce qui est relativement court par rapport aux habitudes de la chancellerie royale et des chancelleries des Ordres royaux depuis le Bas Moyen Age. Cependant, l’hypothèse selon laquelle ces lacs auraient été coupés a posteriori doit être écartée : deux photographies344 de sceaux de Louis d’Orléans montrent des lacs tout à fait identiques et tout aussi courts.

Cliché n° 42: Photographie argentique d’un parchemin scellé du sceau de Louis d’Orléans appartenant à un collectionneur privé. MLH, [sans numéro d’inventaire], carton des Ordres de Saint-Lazare et de Notre-Dame du MontCarmel

Cliché n° 43 : (détail du cliché 49). Les lacs sortant du sceau sont identiques : très courts, ils se composent de fils (probablement de soie) torsadés en S de grosseur variable.

La nature des colorants utilisés pour la teinture n’est pas connue. Le rouge est soluble dans l’eau, le vert ne l’est pas. La teinture rouge peut être à base de kermès, ce colorant étant pourpre et légèrement soluble dans l’eau. Le carthame et la garance ont également pu être utilisés, mais le carthame à une nuance orangé, tandis que la garance est insoluble dans l’eau froide. Le bleu est probablement un mélange d’indigo et de teinture jaune, mélange courant au début du XVIIIe siècle345.

344

Une photographie d’un sceau original de Louis d’Orléans est également reproduite dans B. REVIRIEGO, F. BORDES (sous la dir.), Catalogue des sceaux ces Archives départementales de la Dordogne, Conseil général de la Dordogne, Périgueux, 1994, 117p. 345 Pour une présentation des colorants et pigments susdits, voir F. PEREGO, Dictionnaire des matériaux du peintre, édition Belin, Paris, 2005, 895p.


135 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

1.4

Le sceau

1.4.1 Le module et l’empreinte Grand sceau des ordres royaux, le sceau rond appendu au bas de la charte se distingue des sceaux de juridiction ordinaires par son module important : 105 millimètres de diamètre pour 63 millimètres d’épaisseur en moyenne, au niveau de la tranche. Le poids du sceau en cire, de 73,4 grammes, exerce une tension relativement importante sur les lacs. Le sceau est biface : les deux côtés ont reçu une empreinte figurée ; l’iconographie se rattache au type équestre de guerre et héraldique, ce qui permet de distinguer la face et le dos. Les reliefs centraux les plus élevés dépassent des champs de 4 millimètres au maximum. A l’inverse, certains détails finement incisés sont de l’ordre du micron, tels les hachures du blason, au dos, et les entrelacs sur la housse ornée, ou encore les poils dans l’encolure du cheval (Cf. Cliché n°44 et 45).

Cliché n° 44: Détail de l’encolure du cheval

Cliché n° 45 : Détail de la house du cheval

1.4.2 La cire La cire des sceaux se compose traditionnellement de cire d’abeille naturelle, éventuellement mélangée à d’autres substances. Lors de l’examen visuel, l’aspect mat de la cire, la précision extrême des reliefs, ainsi que sa tendance à se briser net invitait à croire qu’une certaine proportion de résine (mastic, colophane) avait été ajoutée à la cire d’abeille. La cire d’Espagne, à base de gomme laque et de térébenthine, était habituellement réservée aux cachets de clôture des missives. Peut-être en ajoutait-on occasionnellement à la cire des sceaux, en plus des charges et adjuvants divers. Nous avions émis l’idée selon laquelle un plastifiant avait pu être ajouté au mélange de cire et de résine, pour le rendre plus malléable (graisse animale, huile de lin). Un lubrifiant de surface (huile de lin) aurait pu faciliter le démoulage de la matrice. Ces premières hypothèses ont été écartées par une analyse par microspectrophotométrie IFTR (Infrarouges à transformée de Fourier)346. Le sceau de Louis d’Orléans est composé de cire pure, sans résine, ni charge minérale, ni pigment minéral, ni plastifiant, ni lubrifiant de surface. Le seul pigment rouge ayant pu être utilisé est le minium, un oxyde de plomb Pb3O4. Les résultats d’analyse et les discussions autours de ces résultats sont donnés dans la partie technico346

Voir « Le vieillissement de la cire du sceau de Louis d’Orléans », p. 99


136 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état scientifique347. Il est intéressant de noter la structure feuilletée du gâteau de cire, visible sur les cassures. En effet, la cire ramollie (et non fondue) était posée sur la matrice et appliquée à la main. C’est pourquoi les lacs ne sont pas imprégnés à cœur de cire : ils étaient simplement incorporés dans la pâte cireuse, au moment du scellage348.

Cliché n° 46: Structure feuilletée de la cire, observée au niveau de la cassure

2

2.1

Constat des altérations

Altérations du support et de l’encre

L’observation macroscopique et microscopique montre que le parchemin est fortement empoussiéré, côté chair et côté fleur (Cf. Cliché n°47). Cet empoussièrement s’accentue dans les plis côté chair, dans le bas du repli, et sur les surfaces externes de la charte pliée.

Cliché n° 47: Empoussièrement dans un pli du parchemin, côté chair

347

Cliché n° 48: Vue générale, lumière rasante (recto). On distingue le pliage original, les pliures et les déformations du support.

Idem. Voir la partie historique, p.81 : « Le scellage du sceau biface de louis d’Orléans, témoin d’une rationalisation de la technique » 348


137 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

Les altérations mécaniques se concentrent sur les plis et les bords. D’une manière générale, le parchemin s’est rigidifié (Cf. Cliché n°48, p.136). Bien que le pliage historique ne puisse être considéré comme une altération en-soi, les plis verticaux et centraux résistent légèrement à l’ouverture, résistance nécessitant l’usage de poids pour maintenir le parchemin ouvert. Quelques pliures se concentrent sur le coin supérieur droit, ainsi que sur le bord droit au niveau du pli central, et sur les sections des plis historiques (Cf. Clichés n°49 et 50).

Cliché n° 49: Pliure et tache dans le coin supérieur droit

Cliché n° 50: Pliures au niveau du pli central, le long du bord droit.

Le parchemin s’est légèrement déformé à l’emplacement des lacs, sur le bord inférieur, et, symétriquement, sur le bord supérieur (Cf. Cliché n°51 ; cliché n°56, p.138).

Cliché n° 51: Déformation et pliure au niveau de la jonction avec les lacs

Sur la partie droite du parchemin, nous observons deux légères déformations circulaires, en creux, de même diamètre que le sceau. Ces déformations coïncident avec l’emplacement du sceau, quand celui-ci est replié et posé sur la charte pliée (Cf. Cliché n°48, p.136) L’une d’elle coïncide avec des marques brunes, correspondant aux reliefs du dos du sceau (Cf. Cliché n°52 et 53, p.138). Ces marques ne sont visibles que sur verso du parchemin, côté fleur. Sous lumière bleue proche des longueurs d‘ondes ultra-violets, elles apparaissent plus claires (Cf. Cliché n°53, p.138). On observe


138 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état également quelques reports de cire rouge, sous forme de microparticules, qui ont adhéré çà et là sur ces marques brunes (Cf. Cliché n°55).

Cliché n° 52 : Marques brunes correspondant aux reliefs du dos du sceau (verso du parchemin). Les flèches indiquent quatre niveaux de marques

Cliché n° 53 : (Détail du cliché n°59) Marques brunes au verso du parchemin: détail. Quelques particules de cires ont adhéré au parchemin.

Quelques petites taches ponctuelles, orangées, sont visibles dans le coin supérieur gauche (huitième supérieur gauche), au verso du parchemin (Cf. Cliché n°55).

Cliché n° 54 : Marques brunes sur le parchemin, observées coté chair, sous lumière bleue.

Cliché n° 55: Tâches orangées, millimétriques, au verso du parchemin, dans le coin supérieur gauche.

Une observation rapprochée du support montre un léger report de fibres de soie rouge sur le parchemin, s’étendant sur 14 millimètres de long, à gauche des lacs.


139 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

Cliché n° 56: Tache rosée située en haut à droite du parchemin symétriquement aux lacs.

Cliché n° 57: Gélatinisation du parchemin

Enfin, le parchemin s’est gélatinisé349 sur une petite surface, au centre droit du document (Cf. Cliché n°57). La couleur de ces gélatinisations diffère des taches rosées de colorants, en haut à droite du parchemin, et des tâches orangées au verso, dans le coin supérieur gauche. S’agit-il d’une altération, ou d’un défaut originel, causé par l’impact de gouttelettes d’eau lors du séchage ? Dans l’état actuel du document, il est délicat de répondre à cette question. Les encres se sont bien conservées. Elles sont visibles par transparence au verso, aux endroits les plus denses, comme les majuscules. Les ions libres Fe2+, identifiés par le test à la batophénantroline, indiquent néanmoins une corrosion des encres.

Cliché n° 58 : Vue générales des altérations du parchemin scellé

349

Le phénomène de gélatinisation désigne une perte de l’agencement des macromolécules de collagènes, par rupture des liaisons hydrogène lors d’un apport d’eau excessif.


140 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

Autres éléments

Altérations = Zones de légères déformations = Abrasion du parchemin = Tâche rosée de teinture issue des lacs = Fibres de soie adhérant au parchemin = Zone de marques brunes, correspondant aux reliefs du dos du sceau = Surfaces empoussiérées = Aire de dégorgement de la teinture rouge des lacs de soie

Figure 25: Localisation des altérations du support en parchemin (recto et verso)

= Repli

= Oculi


141 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

2.2

Altérations des lacs

Les lacs de soie présentent un fort empoussièrement ; les particules se sont incrustées dans les fibres. L’abrasion et l’effilochage des fils paraissent plus importants sur la partie supérieure des lacs et sur le nœud. Les fils dépassant en bas du sceau se sont effilochés : le S torsadé original, très lâche, n’existe plus sur certains fils. Quant au nœud, il montre six fils rompus. L’observation au microscope optique de prélèvement de soie rouge et verte met en évidence la dégradation mécanique des fibres, qui se divisent en fibrilles (Cf. Cliché n°60).

Cliché n° 59 : Fibres de soie rouge (vue au microscope optique, grossissement x 100)

Cliché n° 60 : Fibres de sois verte (vue au microscope optique, grossissement X100)

Les lacs de soie ont gonflé au niveau de la cassure de gauche, si bien que les tranches de cette même cassure ne peuvent plus être jointives. Au niveau de la sortie inférieure des lacs, des fils de soie ont été imprégnés de colle et présentent un aspect cassant et bruni.

Cliché n° 61: Effilochage des lacs de soie

Cliché n° 62: Dégorgement de la teinture rouge des lacs de soie sur le repli du parchemin


142 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état La décoloration des fils n’a pas pu être mise en évidence d’après la seule observation visuelle. En effet, la couleur de la teinture est identique au recto et à l’intérieur du repli. La différence de ton des fils verts relève-t-elle d’un affadissement des teintures ? Il peut s’agir d’une variation d’origine, tout comme d’une altération des colorants. La teinture rouge des lacs a fusé sur le repli du parchemin, tout autour des lacs, sur une périphérie de 2 à 5 millimètres (Cf. Cliché 62, p.141). La teinture a également légèrement fusé sur les parties du parchemin en contact avec les lacs, quand la charte est repliée.

2.3

Altérations du sceau

2.3.1 L’empoussièrement et les noircissements Le sceau montre un empoussièrement général, gênant la lisibilité du type et de la légende. L’accumulation de particules est particulièrement importante sur les champs, dans les creux les lettres de la légende et sur les tranches (Cf. Cliché n°63). A l’inverse, les cassures semblent moins touchées.

Cliché n° 63 : Empoussièrement du sceau et noircissements de surface (détail, en bas à gauche)

Il est très peu probable que cet empoussièrement soit à l’origine d’une contamination microbiologique. En effet, ni le parchemin, ni la soie (pourtant très sensibles) ne montrent de traces de mycélium. Or, les souches touchant les substrats empoussiérés des cires font souvent partie de la famille des actinomycètes, qui s’attaquent aux matériaux cellulosiques et protéiniques. Lorsqu’un sceau est colonisé par un champignon microscopique, les hyphes se distinguent facilement sous loupe binoculaire. L’examen visuel du sceau de Louis d’Orléans n’a montré aucun développement de mycélium à sa surface. Outre l’empoussièrement, on distingue un noircissement de surface, irrégulier (Cf. Cliché n°63 ; Clichés n°64 et 65, p.143). Ce noircissement s’accentue sur certaines zones du dos et sur la légende de la face. Lors du constat d’état, la couche de poussière empêchait d’examiner avec


143 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état précision cette altération. Le nettoyage ultérieur du sceau, pendant la restauration, a permis de distinguer deux types de noircissement350.

2.3.2 Les cassures et la fragmentation millimétrique Les cassures du sceau limitent les manipulations. Une large cassure transversale très étroite, à droite du sceau351, n’est plus retenue que par le passage des lacs au cœur de la cire (Cf. Clichés n°64 et 65; Figure n°30, p. 143). Presque symétriquement, à gauche du sceau, une cassure n’est plus retenue que par un fil de soie, et menace de se détacher complètement.

Cliché n° 64: Vues des cassures et fragmentation depuis l'avers du sceau

Cliché n° 65: Vue des cassures depuis le dos du sceau

La jonction de ces deux cassures se prolonge par une petite zone triangulaire au niveau de la sortie des lacs. La surface côté avers de cette petite zone est extrêmement fragmentée et partiellement lacunaire. Plusieurs fragments de taille millimétrique ne tiennent plus que par quelques fibres de soie mêlées à la cire (Cf. Cliché n°66, p.144).

350 351

Voir « Diagnostic », p.146, et « Le dépoussiérage du sceau », p. 166. Le repère « droite » et « gauche » est valable pour une vue frontale de l’avers du sceau.


144 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

Cliché n° 66: Fragments de cire de taille millimétrique, à la surface du sceau, au niveau de la sortie des lacs de soie

La figure n°30 met en évidence les principales altérations mécaniques du sceau, ainsi que les zones de fort noircissement. On note la dissymétrie des cassures, à l’avers et au dos. La numérotation des quatre fragments facilite le repérage de l’ordre de collage lors de la restauration.

n°1

n°3

1cm

n°1

n°2

n°4 Avers du sceau (type équestre)

= Cassure large = Cassure étroite = Bords du champ = Zone de passage interne des lacs

n°3

n°2

n°4 Dos du sceau (type héraldique)

= Lacune de surface = Zone fragmentée en surface (fragments millimétriques)

= Zones légèrement noircies en surface

= Surface du sceau

= Zones fortement noircies en surface Figure n°30: Emplacements des principales altérations mécaniques et des noircissements de surface


145 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état D’autre part, une lacune de surface s’étend sur 30 millimètres environ, le long de la cassure de droite, coté avers (Cf. Cliché n°67). Elle gêne légèrement la lecture de la légende352, mais ne touche pas les reliefs centraux. On remarque une petite lacune de surface de 5 millimètres, au dos du sceau, sur la cassure de droite (Cf. Cliché n°68).

1cm

Cliché n° 67 : Lacune de surface (avers), le long de la cassure.

0.5cm

Cliché n° 68 : Lacune de surface (dos), sur la fente.

Les reliefs de la cire, aplanis, sont particulièrement altérés sur les motifs centraux et sur certaines zones de la légende (Cf. Clichés n°69 et 70). Le côté gauche du sceau ne dépasse pas 55 millimètres d’épaisseur353, contre 63 millimètres en moyenne sur le reste du sceau. Les traits du visage du cavalier, son armure et les détails de la tête du cheval ne sont plus visibles. Le blason au dos du sceau semble moins aplani, bien que certains détails aient perdu en précision (fleur de lys, lambels et dais aplanis). Une petite inclusion de papier est visible sur la jambe du cavalier (Cf. Cliché n°69).

Cliché n° 69: Abrasion de l'avers et inclusion de papier sur la cuisse du cavalier

352

Cliché n° 70: Abrasion des reliefs centraux du dos du sceau

Néanmoins, la légende est bien connue par les moulages de sceau S1254 et S1254bis, S0741 et S0741 des collections sigillographiques des Archives nationales de France. 353 Epaisseur maximale, comprenant les reliefs de la légende.


146 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

3 3.1

Diagnostic L’empoussièrement et l’abrasion des matériaux

Le constat des altérations a montré un fort empoussièrement du parchemin354, des lacs de soie et du sceau. Il est d’ors et déjà possible d’avancer une première hypothèse, selon laquelle la charte serait restée un certain temps sans protection ni conditionnement. Cette hypothèse est d’autant plus plausible que l’acte de Louis d’Orléans provient de la série J des Archives départementales de l’Indre (série des donations), et est resté longtemps confiné dans le chartrier de la famille Lecoigneux du château de Bélâbre355. L’empoussièrement est plus important dans les plis et le repli du parchemin, sans doute en raison de l’accumulation de particules de poussière. Le recto et le verso de la charte repliées356 sont eux aussi plus empoussiérés, puisqu’exposés aux facteurs exogènes d’empoussièrement. De plus, ces surfaces sont situées coté chair, plus pelucheux, et donc plus favorable à l’empoussièrement. La soie est, par nature, électrostatique357. Cette particularité a tendance à accentuer l’accumulation de poussière, qui s’incruste entre les fibres. Il en va de même pour la cire, mais la poussière tend à s’incruster dans le matériau s’il est légèrement ramolli. Notons que la soie et la cire favorisent également l’empoussièrement du fait de leurs creux et reliefs. L’effet abrasif des particules a peut être contribué à l’abrasion des fibres protéiniques et des reliefs en cire. Actuellement, nous ne sommes pas en mesure de déterminer si le sceau était autrefois protégé par une boîte de plomb ou de fer blanc, comme c’était souvent le cas au XVIIIe siècle358. Les frottements exercés par la boîte auraient alors accentué l’abrasion des reliefs de cire. Néanmoins, cette hypothèse est peu probable, puisque d’autres lettres de réceptions dans les Ordres royaux, scellées sous la Régence, ne semblent pas avoir eu de conditionnement de ce type359. De plus, la boîte aurait été retirée il y a bien plus d’un siècle (avant 1926, date de la donation), au vu de l’empoussièrement important du sceau et de la marque brune au verso du parchemin. Il est peu probable que l’on ait voulu protéger la cire en la mettant sous papier360. La petite inclusion de papier sur l’armure du chevalier provient vraisemblablement d’un autre document du chartrier. 354

Sur l’empoussièrement, B. LECLERC, ‘Quelques notions de base sur les caractéristiques des particules solides’, dans Actualité de la conservation, n°5, 1997, p.2 355 Voir dans l’étude historique, « De l’archive privée à l’archive publique », p.52. Sur la façon dont était conservés les chartriers dans les familles, il est intéressant d’observer les nombreuses natures mortes, vanitas, e e portraits et allégories des XVI –XVIII siècles. Les parchemins scellés y sont souvent représentés pliés, entassés sur des étagères ou dans des buffets, avec les sceaux pendants, sans protection particulière. 356 Soit les deux huitièmes inférieurs gauche. Voir Figure 25, p.140. 357 Voir en Annexe V, « Les propriété physico-chimiques et mécaniques de la soie » 358 A. PREVOST, ‘Les techniques de protection des sceaux du Moyen Age à nos jours’, dans Deuxième table ronde des Restaurateurs de sceaux, Le conservation préventive des sceaux en cire : bilan et perspectives, 12 et 13 juin 2003, Comité de Sigillographie, Archives nationales de France, p.19-22 359 Lettre de réception en possession de Monsieur de Langle. Lettres des sceaux S1254 et S1254bis, S0741 et S0741 aux Archives nationales, dont les fiches d’inventaire ne mentionnent pas de conditionnement particulier. 360 e e Ce mode de protection se retrouve surtout aux XVI et XVII siècles, et l’inclusion de papier pourrait provenir d’un autre document.


147 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état

3.2

Le parchemin

3.2.1 Les altérations d’origine mécanique Dans le constat des altérations, il est apparu que le parchemin a très certainement été plié en 1721. Depuis cette date, il est apparemment resté dans sa configuration originale. Le sceau a dû être longtemps plaqué sur le parchemin, comme on le pratiquait apparemment souvent pour les actes sans valeur perpétuelle ou de moindre importance361. C’est d’ailleurs dans cette position qu’il a été mis en boîte aux Archives départementales de l’Indre. Cette hypothèse, très vraisemblable, permet d’identifier les causes des altérations mécaniques du parchemin. En effet, le parchemin se compose de fibres collagéniques. Ces fibres, disposées en triples hélices, subissent une dénaturation et une réorientation des chaines α lors du traitement de dépilation de la peau et de son séchage sous tension362. Cette contrainte initiale est à l’origine d’une grande sensibilité du parchemin aux variations d’humidité relative et de température. En vieillissant, l’hydrolyse des chaines α, la rupture et la re-disposition des groupements aminés latéraux entrainent une rigidification du matériau. C’est probablement la raison pour laquelle la charte de Louis d’Orléans s’est légèrement rigidifiée. Le poids du sceau (posé sur le document plié) a sans doute créé une légère contrainte, en plus de jouer le rôle de barrière hygrométrique363. Selon les conditions climatiques et les zones de tension, le parchemin a donc supporté différentes variations dimensionnelles364, d’où la double déformation circulaire au niveau du sceau. Les bords du support parcheminé sont naturellement plus exposés aux risques physiques. Ainsi, une mauvaise manipulation ou une contrainte externe ont engendré des petites pliures. La tension exercée par les lacs et le nœud, proches du parchemin, a déformé et plié ce dernier. Remarquons cependant que le parchemin vélin est d’excellente qualité, et que ces déformations sont restées minimes.

3.2.2 Les altérations d’origine chimique En plus des altérations mécaniques, le mode de conservation de la charte a entrainé des dégradations chimiques. Les marques brunes observées au verso du parchemin correspondent aux reliefs du dos du sceau, longtemps plaqué sur la charte. Au cours du temps, le sceau s’est sans doute légèrement décalé, si bien que l’on observe trois marques brunes superposées. 361

T. BURNS, M. BIGNELL, ‘The conservation of the royal charter and great seal of queen’s university’, The Paper Conservator, Vol. 17, 1993, p.5-12. 362 C.-J. KENNEDY, T.-J. WESS, ‘The structure of the collagen within parchment – A review’, Restaurator n° 24, n°2, 2003, p. 61-80 ; M.-C. BERNARDI, ‘Why does parchment deform? : Some observation and considerations’, Leather conservation news, Vol.18, 1992, p.12-13 C.-J. KENNEDY &al., ‘Degradation in historical parchment’, PapierRestauriering, Vol. 3, n°4, IADA, 2002, p. 23-30 363 R. LARSEN, D. V. POULSEN, M. VEST, ’The hydrothermal stability (shrinkage activity) of parchment measured by the micro hot table method’ Microanalysis of Parchment’, édité par René Larsen, Archetype Publications, Londres, 2000 ; A. RICCARDI, F. MERCURI, S. PAOLONI, U. ZAMMIT, ‘Parchment ageing study: new methods based on thermal transport and shrinkage analysis’, e-preservation science, éditions MORANA RTD D.o.o, Rome, 2010, p.87-95 364 Il n’est pas exclu que d’autres documents de l’ancien chartrier aient pesé sur le sceau, de même que les cinq autres archives dans la boîte de conservation des Archives départementales de l’Indre.


148 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état Trois hypothèses peuvent être formulées, la dernière nous paraissant la plus plausible : 

Il pourrait s’agir d’une migration de colorant dans le parchemin, par capillarité. Cependant, le minium se présente sous forme de pigment, et n’a pas tendance à migrer quand il est inclus dans la cire.

La cire, ramollie au-dessus de sa température de transition vitreuse Tg, aurait adhéré au parchemin. Ce phénomène pourrait expliquer la présence de microparticules de cire sur le support; mais la plupart des reliefs du sceau se sont relativement bien conservés, mis à part les reliefs centraux.

Enfin, il est possible que ces marques brunes soient dues à la présence de produits de dégradation ayant migré depuis le sceau. Il peut s’agir de résidus soufrés ou de plomb (issu du minium), ou de produits de dégradation tels que des acides gras, qui auraient catalysé l’oxydation du parchemin365. Cette hypothèse pourrait également expliquer l’apparition des petites taches orangées dans le coin gauche du parchemin (Cf. Cliché n° 61, p. 125).

D’autres parchemins modernes, observés lors du stage effectué à l’atelier de restauration des sceaux des Archives nationales, portent des traces brunes de dégradation similaires à celles de la lettre de Louis d’Orléans. Le parchemin d’une lettre de réception dans les Ordres réunis (1721), conservées au Musée de la Légion d’honneur, montre également une marque brune strictement identique (Cf. Cliché n°71). Ce parchemin est dans un état critique, en grande partie dégradé par des microorganismes.

Cliché n° 71: Marques brunes sur le parchemin de la lettre de réception conservée au Musée de la Légion d'honneur. Elles correspondent aux reliefs du sceau de Louis d'Orléans, et sont situées aux mêmes emplacements que sur la lettre de Louis Neyret de la Ravoye.

365

Certain chauffe-cire ajoutaient peut-être une huile lubrifiante sur la matrice, mais les archives n’ont pas retenu de mention de cette technique. Il n’est donc pas impossible que les matrices aient été huilées, notamment en présence d’un mélange cire-résine, plus collant que la cire d’abeille pure. Cette huile lubrifiante pourrait alors s’oxyder, et altérer les matériaux alentours.


149 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état On en déduit que les marques brunes laissées par les sceaux sur les parchemins sont des altérations fréquentes, provoquées par certains composants de la cire à sceller. Les conditions de conservation ne catalysent pas nécessairement ce phénomène (les marques brunes du parchemin du musée de la Légion d’honneur et de la lettre de réception de Louis Neyret de la Ravoye ont une intensité sensiblement comparables, malgré des conditions de conservations très différentes).

3.3

Les lacs de soie

La soie possède une bonne résistance à la traction et une capacité de déformation élevée366. Le poids du sceau et les frottements exercés par le parchemin ont probablement affaibli les fibres de soie. Ainsi, la partie supérieure des lacs est plus altérée que la partie inférieure. En revanche, cette même partie inférieure s’est effilochée, n’étant pas maintenue par un nœud (Cf. Figure 26). Dans un premier temps, nous avions émis l’hypothèse que le nœud n’était pas d’origine. En effet, ce mode de scellement n’a encore jamais été observé sur une charte du XVIIIe siècle, a fortiori sur un acte émanant d’un ordre royal. Par déduction, les fils coupés au niveau du nœud indiquaient alors une section volontaire des lacs, rattachés ultérieurement. Cet acte, couramment pratiqué par les collectionneurs de sceau du XIXe siècle, aurait expliqué l’étonnante proximité du nœud et du parchemin. Cependant, cette hypothèse a été définitivement écartée. En effet, les deux autres lettres scellées du sceau de Louis d’Orléans conservées aux Archives départementales de la Dordogne et au Musée de la Légion d’honneur montrent un mode de scellement strictement identique367. Par conséquent, la rupture des lacs au niveau du nœud n’est pas d’origine anthropique. Elle est due à la torsion des fils de soie et aux frottements contre d’autres supports (étagères, chartes, etc.), quand le sceau est replié sur le parchemin.

Zone de tension au niveau des lacs

Zone de risque d’effilochement des lacs Figure 26: Représentation des altérations fréquentes sur les lacs

366 367

Voir en Annexe V « Propriétés physico-chimiques et mécaniques de la soie » Voir clichés p.132.

= Sceau = Repli du parchemin = Lacs = Oculi = Nœud


150 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état L’imprégnation de colle des lacs de soie confirme une ancienne tentative de restauration, qui s’est accompagnée d’une intervention à la pointe chauffante sur les tranches des cassures du sceau. Cette intervention, réalisée avant 1926 (date d’entrée de la charte aux Archives départementales de l’Indre) n’est pas documentée.

3.4

Le sceau

Plusieurs facteurs ont contribué à fragiliser le sceau : le module important, l’épaisseur du faisceau de lacs, les défauts de structure originaux et la conservation inadaptée entre d’autres archives. En effet, le sceau s’est brisé sur des axes transversaux, et non des axes diamétraux. La partie la plus épaisse et la plus résistante, au centre, n’a donc pas été touchée. Remarquons que le même type de cassure s’observe sur les sceaux originaux des moulages S741 et S 3958, conservés aux Archives nationales (Cf. Clichés n°72 et 73) : la fragilité des axes transversaux est une caractéristique inhérente à la fonctionnalité des sceaux de grands modules.

Cliché n° 72 : Moulage S 741 des Archives nationales de France. Les flèches noires soulignent une cassure probable du sceau original

Cliché n° 73 : Moulage S 3958 des Archives nationales de France.

La cassure située à droite du sceau est empoussiérée et légèrement abrasée, et est donc relativement ancienne. La fente de gauche s’aggrave à chaque manipulation. Seuls les lacs maintiennent ensemble les quatre morceaux ainsi formés. Le faisceau de fils a du gonfler au niveau de la fente, puisqu’il est impossible de remettre correctement en place les deux fragments. L’épaisseur des lacs a par ailleurs provoqué la fragmentation de surface de la zone située au niveau de la sortie des fils, en bas. Cette fragmentation ne touche donc que l’avers du sceau (voir Figure 30 et Cliché n°74, p.128-129). Avant la restauration, il était difficile de se prononcer sur la nature des noircissements de surface car la couche de poussière gênait la lisibilité de l’objet. Le nettoyage du sceau a apporté des éléments à ce sujet : les noircissements résultent vraisemblablement de deux processus d’altération : les zones grisées en surfaces sont sans doute d’un processus naturel d’altération chimique ou photochimique ; les zones fortement noircies et nettement localisées sont d’origine anthropique, et


151 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état ont noirci par dégradation thermochimique de la cire colorée : une tentative de restauration par chauffage est visible sur l’extrémité de la cassure :  Les zones très noires et bien circonscrites, situées sur la tranche de la cassure, sont les témoins d’une ancienne tentative de soudage, peut-être à la flamme d’une bougie ou d’une pointe chauffante enfoncée latéralement dans la cire. La cire a brûlé et s’est légèrement déformée à la surface du dos du sceau, au niveau du dais. Il s’agit d’un processus d’altération thermochimique d’origine anthropique. 

Les zones gris foncé réparties sur l’ensemble du sceau sont vraisemblablement dues à une oxydation de surface du minium Pb3O4 en dioxyde de plomb PbO2, ou métaplombate Pb2O3 (surnommé « minium noir »)368. Il s’agit d‘un processus d’altération chimique ou photochimique d’origine naturelle.

La restauration a donc écarté l’hypothèse d’un noircissement de résidus d’une cire d’une autre couleur, restés plaqués sur la matrice. Cette hypothèse était d’ailleurs peu probable, compte tenu du protocole de scellement des officiers royaux.

4 4.1

Proposition de traitement Objectif et moyens

La charte de Louis d’Orléans est un objet composite ; elle combine des matériaux plans et tridimensionnels, plus ou moins altérés. Ces trois paramètres fondamentaux (matière, forme et degrés d’altération) orienteront la restauration, qui devra suivre autant que possible les recommandations des Archives nationales369 tout en tenant compte des avancées récentes dans les techniques de restauration du patrimoine. L’objectif de l’intervention est double : permettre la consultation, tout en protégeant efficacement le document des dégradations futures. Malgré l’apparente contradiction de départ, divers moyens sont à la disposition du restaurateur pour remplir ces objectifs. Deux facteurs conditionnent le choix de l’intervention sur la charte de Louis d’Orléans: d’une part, nous avons affaire à une archive, intégrant un fond plus vaste; le temps et le coût de restauration doit donc être appropriés à un document intégrant une série. Un traitement minimaliste ne semble pourtant pas adéquat, le sceau étant extrêmement altéré, mais il faut garder à l’esprit que ce type de restauration peut s’ouvrir sur un traitement de série. D’autre part, ce sont les conditions de conservation et de communication envisagées qui doivent déterminer le niveau et le type d’intervention : la charte de Louis d’Orléans sera conditionnée selon les habitudes des Archives départementales370 de l’Indre, 368

Pour le détail de ce processus d’altération, voir la partie technico-scientifique, « Identification et altération du pigment » 369 http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/static/1131: Cahier des Clauses techniques particulières relatives à la restauration des sceaux authentiques conservés dans les services publics d’archives, juin 2011 370 C’est-à-dire dans une boîte de conservation, dans un magasin climatisé, susceptible de connaitre des variations de température et d’hygrométrie. La série J est très peu consultée. Ces points seront approfondis dans la partie consacrée à la conservation du document, p.186.


152 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état dans un environnement relativement bien adapté. La série 6J est peu demandée en salle de lecture, ce qui autorise un traitement curatif modéré couplé à un conditionnement prévenant les altérations futures. Cette restauration devrait permettre de sortir la cote 6 J 49 de la liste des documents noncommunicables pour mauvais état du matériel.

4.2

Les étapes de la restauration

Sur les trois principaux matériaux, c’est la cire qui est le plus endommagé. Cependant, l’intégrité du document doit impérativement être maintenue, lors des différentes étapes de restauration. Puisque les attaches de soie font le lien physique entre le parchemin et le sceau, elles seront donc traitées en priorité, suivies du sceau et du parchemin. Le document sera posé sur un papier permanent et maintenu par des poids posés sur le parchemin, pendant les autres interventions. Une boîte de conditionnement provisoire (type Cauchard), avec un fond amovible en carton de conservation, protègera le document entre les étapes de la restauration. D’autre part, la soie est classée dans la catégorie ‘sensibilité moyenne’ sur l’échelle des matériaux photosensibles, et les teintures végétales sont considérées comme extrêmement sensibles à la lumière (catégorie 1, 2 et 3 avec le test de la laine bleue). On envisage donc de poser un cache de papier sur les lacs, pendant la restauration du sceau et du parchemin.

4.2.1

La restauration des lacs de soie

La restauration textile étant une spécialité à part entière, il a été indispensable de se référer à un restaurateur de textiles, seul capable d’apporter le recul nécessaire sur les incidences de différents traitements de restauration. Les conseils de Madame Schoeffer, du musée des soieries de Lyon, ont rejoint l’objectif général de la restauration de la charte: privilégier la conservation préventive pour assurer la pérennité du document. Le dépoussiérage de la soie répond aux mêmes critères que celui du papier ou du parchemin : éviter l’abrasion ou la perte de matière ; prévenir l’incrustation des particules et l’oxydation du support ; limiter le risque de colonisation par des biocontaminants, en éliminant le substrat poussiéreux. Avant toute opération de renfort, les lacs de soie seront donc dépoussiérés. Le chiffon microfibre présente un risque d’abrasion trop élevé, c’est pourquoi les lacs seront d’abord dépoussiérés avec une pince sous loupe binoculaire. Un micro-aspirateur à filtre absolu, muni d’un embout avec une petite brosse à poils souples, permettra d’éliminer les particules plus petites. Pour ne pas abraser la soie, un morceau de tulle intermédiaire sera placé entre l’embout et les fils textiles. Ce premier nettoyage à sec devrait permettre de pratiquer un test de solubilité des teintures (test à la goutte), à l’eau déminéralisée et à l’éthanol.


153 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état Si les teintures vertes et rouges sont stables dans l’eau, nous pourrons procéder à un nettoyage aqueux, par nébulisation, pour limiter l’apport d’eau371. En effet, la soie est très hygroscopique, et son gonflement risquerait de faire éclater la cire. Le parchemin, très sensible aux variations d’humidité, devra être soigneusement protégé par des buvards intercalés au recto et au verso, pour éviter des variations dimensionnelles ou pire, une gélatinisation. Deux rondelles de papier buvard glissées sur les lacs, à l’interface avec le sceau, joueront un rôle tampon entre la soie humide et la cire. Pour éliminer l’imprégnation de colle au niveau de la sortie des lacs de soie, on envisage une intervention locale par nébulisation d’eau déminéralisée. L’apport d’eau devra être strictement contrôlé, pour ne pas faire fuser les teintures. La colle sera absorbée par un petit buvard. Un nettoyage par cataplasme d’argile (Laponite, Kaolinite, Montmorillonite) n’est pas approprié, compte tenu des reliefs importants de la soie, de la nécessité de contrôle visuel de la stabilité des teintures et du risque de résidus de cataplasmes. Il est préférable d’éviter l’encollage de la soie. Ce traitement est très difficilement réversible, n’augmente pas la résistance mécanique de la soie, la rigidifie et peut même l’oxyder. Au vu de la tension exercée par un grand sceau sur les lacs et compte-tenu des manipulations lors de la consultation, certains restaurateurs ont déjà envisagé de renforcer les lacs au moyen de fils synthétiques372 passés à travers les oculi et noués sous le nœud de soie. Ces fils sont légèrement plus courts que les attaches de soie, de manière à ce qu’ils supportent entièrement la tension du sceau. Cependant, cette solution de prévention semble peu appropriée, puisque les fils synthétiques frottent et cisaillent les lacs anciens, ce qui peut entrainer un détachement complet du sceau. Une boite de conditionnement avec un système de calage permet de limiter au maximum la tension exercée par le sceau, tout en évitant les manipulations trop risquées en salle de consultation. La présentation technique de cette boîte sera détaillée plus haut dans le texte. 4.2.2

La restauration du sceau

Une fois les lacs renforcés, les interventions sur le sceau peuvent être mises en œuvre. Un nettoyage de surface est indispensable, pour redonner sa lisibilité à l’image, éviter le développement de biocontaminants, limiter l’abrasion des reliefs et surtout empêcher l’incrustation de poussière dans la cire, à une température supérieure à la température de transition vitreuse373 . Contrairement au parchemin et au papier, le dépoussiérage à sec n’est pas conseillé : il risque de briser des reliefs, voir de rayer la cire. Un simple nettoyage aqueux est souvent très efficace. Pour diminuer le risque d’abrasion mécanique, les zones empoussiérées (faces, tranches et cassures) seront humidifiées, à

371

L’eau a une tension superficielle importante, et permet d’éliminer les particules de poussière incrustées dans les fibres. 372 Le fils de polyester ou de polypropylène présentent plusieurs avantages : stabilité dimensionnelle, discrétion, innocuité chimique ; de plus, ils se distinguent aisément des fils de soie pendant un examen visuel rapproché. 373 La température de transition vitreuse est mal définie pour un matériau composite vieilli. Cependant, elle peut se situer au alentour de 30°C, soit une température facilement atteinte en été, ou dans une vitrine exposée à la lumière solaire, ou sous une lampe à incandescence.


154 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état l’aide de compresses de coton imprégnées d’eau déminéralisée, déposées au pinceau doux374. Cette méthode est rendue possible par l’hydrophobie de la cire à sceller, qui n’exige pas un contrôle strict du temps de contact avec la compresse imbibée d’eau. Le substrat poussiéreux s’élimine beaucoup plus facilement une fois humidifié, à l’aide d’un coton-tige. Ce nettoyage devrait faciliter l’observation des noircissements de surface. Les quatre grands fragments du sceau pourront ensuite être réassemblés. Nous avons répertorié cinq méthodes d’assemblage, la dernière nous paraissant la plus appropriée :     

Assemblage par agrafage Assemblage par fusion Assemblage par solvant Assemblage par collage à la cire microcristalline Assemblage par collage à la colle

Les quatre premières méthodes présentent des risques immédiats importants et favorisent les altérations chroniques des sceaux. L’agrafage, largement pratiqué depuis le XIXe siècle jusque dans les années 1980, consiste à creuser de fins trous dans la cire de chaque côté des fragments de sceaux pour ensuite insérer des agrafes métalliques. Le risque de brisure immédiate est extrêmement important ; les agrafes de sceaux rouillent et fragilisent les empreintes en cire, tout comme les agrafes des faïences fragilisent les objets céramiques. Le collage par solubilisation de la cire est encore utilisé dans certains pays d’Europe375 (et notamment l’Espagne). Le spectre de solubilité de la cire étant très restreint376, les restaurateurs ont principalement utilisé deux solvants : le chloroforme et l’essence de térébenthine. Outre le danger toxicologique non négligeable 377, leur fort pouvoir solvant rend leur utilisation très délicate, voire destructrice. La troisième méthode –le thermocollage- consiste à faire fondre les tranches des cassures de sceau à l’aide d’une pointe chauffant très fine, avant de presser les fragments pour les ressouder. Rapide, cette technique altère plus ou moins les reliefs du sceau selon la longueur de la bande de soudure. Elle est difficilement applicable à des sceaux en cire biface. La surchauffe de la cire, souvent portée à 100°C (selon le diamètre de la pointe chauffante), entraine à moyen terme (une semaine ou plus) un blanchiment de surface esthétiquement très désagréable. Chauffer une cire ancienne catalyse sa dégradation378, ce qui rend cette méthode peu recommandable, sauf cas très exceptionnels. Le collage par adjonction de cire microcristalline est relativement délicat à mettre en œuvre. Le risque de débordement est important ; le joint de cire minérale est fragile379 et se casse fréquemment lors des manipulations en

374

Des tests de cataplasme (avec un intermédiaire protecteur) pourraient montrer de bons résultats, mais adhèreraient moins bien aux reliefs et augmenteraient le risque de résidus 375 Communication orale de madame Agnès Prévost, restauratrice de l’atelier des sceaux des Archives nationales. 376 Voir « Etude d’un matériau : la cire à sceller », p. 87 377 L’utilisation du chloroforme pour la restauration des biens patrimoniaux est interdite par la législation française. 378 Sur les dégradations de la cire d’abeille par apport calorifique trop important, Voir « Etude d’un matériau : la cire à sceller », p. 80 379 Le module de cisaillement G et le module d’élasticité de la cire microcristalline et de la paraffine sont largement inférieurs à ceux de la cire d’abeille. Voir « Le comportement élasto-plastique de la cire d’abeille », p.78


155 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état salle de lecture. Cette technique n’est généralement utilisée qu’en complément d’un collage avec adhésif, et plus particulièrement quand une lacune se situe au niveau de la cassure. L’assemblage par fusion des bords des tranches sous une pointe chauffante n’est pas recommandé : le risque d’altération immédiate des reliefs est très important ; l’apport de chaleur sur une cire vieillie, dont la composition exacte n’est généralement pas connue, est une source d’altération à long terme : les zones refondues de nombreux sceau ainsi restaurés deviennent blanches en surface, ce qui provoque une rupture très désagréable de la lecture de l’image. La nature chimique ou physique de cette altération n’a encore jamais été mise en évidence, malgré la pluralité des techniques d’investigation utilisées380. L’assemblage par collage à la colle semble le plus approprié pour les sceaux, sous certaines conditions : la colle doit être réversible dans l’eau, même après vieillissement, pour éviter d’utiliser des solvants organiques qui solubiliseraient la cire ; la force d’adhésion à l’interface film/cire doit être inférieure à la force de cohésion de la cire. Ainsi, si un choc ou une tension provoque une rupture, la cassure se fera au niveau du film d’adhésif, et non à un autre endroit du sceau. La colle d’esturgeon répond à ces contraintes, malgré son temps de prise relativement long par rapport à une colle synthétique. Le collage se fera par étape, dans un ordre précis : d’abord la cassure de droite entre les fragments n°1 et 2 (encore retenus par les lacs), pour pouvoir ensuite leur réassembler d’un seul coup les deux autres fragments n°3 et n°4. Pour plus de précision, on déposera la colle sur la ligne médiane de chaque cassure, en prenant soin de ne pas empâter les joints par un surplus d’adhésif. Là où émergent les lacs de soie, à l’intérieur du sceau brisé, on ne posera pas de colle sur la cassure, pour ne pas imprégner les fils. On note que le mouillage et la force d’adhésion de l’adhésif sont améliorés par un double passage de colle, le premier étant laissé à sécher à l’air libre. Les morceaux fraichement collés seront alors maintenus serrés manuellement, puis, dans un second temps, à l’aide d’un calage en feutre et d’un serre-joint non serré. Nous pourrons alors combler la petite lacune sur la cassure de droite, au dos du sceau, et la partie lacunaire sur l’axe inférieur du sceau, en réinsérant les fragments de taille millimétrique. Cette intervention récréera une continuité visuelle au niveau de la légende, en même temps qu’elle renforcera la résistance mécanique du sceau. Jusqu’à présent, deux matériaux de comblement ont été utilisés par les restaurateurs des sceaux381 : 

380

La cire d’abeille naturelle teintée382 : elle présente l’avantage d’être totalement compatible avec la cire du sceau ; en dépit du fait que l’on peut s’en procurer facilement à faible coût, sa composition exacte n’est jamais réellement connue (présence de polluants, de plastifiants, d’antioxydants, etc.). Elle est difficilement

R. COZZI, I sigilli mediovali : composizione e fenomeni di degrado dei « sigilli bianchi », Mémoire de fin d’études, Bern, 7 septembre 2001, 77p. ; R. COZZI, ‘Medieval wax seals : composition and deterioration phenomena of white seals’, Paper restaurierung, Vol.4, n°1, International association of book and paper conservators (IADA), 2003, p. 11-18. ; J. DERNOVSKOVA, P. NOVOTNA, ‘Surface crystallization of beeswax seals’, Restaurator, 23, n°4, 2002, p. 256-269 381 Si l’on omet des essais sans lendemain, comme les comblements au mastic. 382 Sur les propriétés de la cire d’abeille, voir dans l’étude technico-scientifique, ‘Etude d’un matériau : la cire à sceller », p. 74


156 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état réversible, puisqu’elle possède les mêmes propriétés physico-chimiques et sensiblement la même solubilité que la cire du sceau. Sans-compter le fait qu’elle est difficilement décelable lors d’analyses ultérieures383. La cire d’abeille montre également un inconvénient majeur : les surfaces des zones comblées se couvrent d’une efflorescence blanche, au bout d’un certain temps (quelques années), ce qui gène considérablement la lecture du sceau. 

La cire microcristalline384 : il s’agit d’une cire minérale, issue du raffinement de produits pétroliers. Elle se compose de longues chaînes d’hydrocarbures linéaires, en phase cristalline. La cire microcristalline est la seule cire parmi les cires végétales, animales et minérales qui a un point de fusion à l’équilibre Tf° inférieur à celui de la cire d’abeille. Néanmoins, elle jaunit en vieillissant ; c’est pourquoi ion lui ajoute souvent de la paraffine (cire minérale ramifiée).

Nous tenterons donc de combler la petite lacune inférieure avec un mélange de cire microcristalline et de paraffine (respectivement à 20% et à 80%). Ce mélange est utilisé depuis plus de huit ans aux Archives nationales de France, et a jusqu’à présent donné entière satisfaction385. La cire Cosmoïd 80 parait bien adaptée386. Le mélange devra être teinté à l’aide de pigments minéraux, un ton en dessous de la cire originale. Ainsi, le comblement ne jurera pas avec le reste du sceau. La lacune au niveau de la cassure est petite, étroite et profonde, nous envisageons par conséquent d’utiliser la technique du « goutte à goutte »387. Elle consiste à faire fondre la cire de comblement avec une pointe chauffante. Une fois la lacune comblée, il faudra ménager un léger retrait de 0,5 millimètres pour qu’il n’y ait pas confusion entre la cire neuve et le reste du sceau. Les reliefs manquant du sceau ne sont pas recréés, pour permettre une meilleure visibilité de la zone comblée. La lacune de surface au niveau des lacs est plus délicate à combler : les lacs ne doivent en aucun cas être imprégnés388 ; le comblement doit permettre de réintégrer les fragments millimétriques de surface, comportant des reliefs ; enfin, le comblement ne doit normalement pas dépasser du fond du sceau. L’opération reste somme toute très difficile et risquée. Des quatre

383

Un comblement illusionniste à la cire d’abeille, sans léger retrait, n’est pas décelable par examen visuel. Une analyse en laboratoire reste possible, mais difficile et couteuse. 384 Voir partie technico-scientifique, « Etude d’un matériau :La cire à sceller » 385 Il serait extrêmement intéressant de tester différentes cires microcristallines, en mélange ou non avec de la paraffine, pour étudier leur comportement au vieillissement. La paraffine contiendrait des résidus de raffinerie huileux, qui ont un vieillissement instable. G. DELCROIX, ‘Les cires’, Les cires, matériaux de sculpture, matériaux de restauration, édition Les rencontres de l’ARSET, 2003, p.7-18. 386 Cette cire microcristalline est largement utilisée dans la restauration d’artefacts archéologiques (revêtements protecteurs) et de peintures de chevalet. 387 L’autre technique de comblement consiste à mouler un gâteau de cire dans un moule en silicone, à la taille du sceau, et à y découper les zones à combler. Cette technique est avantageuse dans le cas de lacunes importantes, mais est difficile et longue à mettre en œuvre pour de petites lacunes. 388 En effet, la cire originale n’imprègne pas les lacs, elles les enrobent. Le chauffe-cire ne fondait pas la cire, mais la ramollissait pour former une pâte assez dense, posée en galettes sur la matrice de manière à accueillir en son cœur le faisceau de fils de soie.


157 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état techniques de comblement existantes389, seule la technique de comblement à la cire ductile peut être employée: la cire de comblement en fusion est versée en petite quantité sur une plaque de marbre ou de plexiglas. Elle refroidi légèrement jusqu’à ce que les bords de cet amas deviennent blanc. La cire est alors ductile. Quand l’aspect blanchâtre tend à disparaitre, on peut la travailler comme une pâte, que l’on applique en couche mince au niveau de la lacune sans imprégner les lacs. Les fragments millimétriques peuvent alors être délicatement réinsérés dans cette pâte molle. La surface du sceau étant assez mate, celle de la lacune ne doit pas créer de dissonance visuelle, au niveau du degré de brillance. Selon l’aspect obtenu, nous pourrons matifier la surface de la zone comblée, avec un outil métallique ou un solvant organique appliqué localement au pinceau. Une consolidation de surface ne parait pas nécessaire, le sceau n’étant pas écaillé ni « malade »390. 4.2.3

La restauration du parchemin : la problématique du dépliage

Afin de définir une proposition de traitement, nous nous sommes attachés à mener une étude méthodique de nos pratiques de restauration vis-à-vis des parchemins, en tant que supports d’archives. En effet, si un dépoussiérage méticuleux semble indispensable, il n’en va pas de même pour la « mise à plat », beaucoup plus interventionniste. Ce sont ces pratiques courantes, et la déontologie qui la soutend, que nous tenterons d’analyser ici. Le constat d’état a mis en évidence l’empoussièrement du parchemin, malgré le très bon état de ce support. La poussière ne gène pas la lisibilité du texte, mais risque d’abraser les encres et de favoriser le développement de micro-organisme, en plus de catalyser l’oxydation des matériaux. Un dépoussiérage à l’aide d’un micro-aspirateur à filtre absolu et d’un chiffon microfibre électrostatique est donc envisagé. Le gommage risque de laisser des résidus dans les follicules pileux et d’enlever l’appréture. Nous ne gommerons les zones les plus empoussiérées que si ce traitement s’avère nécessaire à la bonne homogénéité visuelle du document, ou que le premier dépoussiérage n’est pas suffisant. La gomme Staedler Mars Plastic est la seule gomme testée par la Bibliothèque nationale de France ayant obtenu de bons résultats aux tests de vieillissement391. Après réflexion, nous envisageons une mise à plat partielle du parchemin, par humidification et mise sous tension. Ce choix se justifie de par trois axes fondamentaux : une approche historique, une approche pragmatique et une approche déontologique.

389

Les quatre techniques de comblement sont : le comblement au goutte-à-goutte ; le comblement par moulage, découpage et réinsertion d’un morceau de cire dans les zones lacunaires ; le comblement par fonte de cire dans la lacune, le sceau étant positionné dans un moule de silicone ; le comblement par adjonction de cire ductile et délicatement modelée. 390 e e Les sceaux « malades » sont des sceaux de cire d’abeille pure, généralement des XII et XIII siècles ; desséchés, feuilletés et extrêmement fragiles. Des études de consolidation au Boracol ont été menées par les Archives nationales du Danemark. Voir S. HEIM & al., ‘Investigation of the influence of Boracol on wax’, Wax seals, a nordic project, Appendix, editions des Archives nationals du Danemark, 2009, 22p. 391 Ces tests ont été effectués sur des supports cellulosiques. Les follicules pileux des parchemins peuvent être comblés par des résidus de gommes, d’où les limites de cette technique. La gomme Staedler Mars Plastic est composée de PVC et de plastifiants phtalates, et ne contient pas de souffre. T.-P. NGUYEN, S. BOUVET, M. EVENO, ‘Les effets des gommes à effacer sur la cellulose du papier’, Actualités de la conservation, n°19, janvier-avril 2003, p.1-3


158 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état Voici les résultats d’une recherche menée auprès des spécialistes dans chaque domaine – archivistes, historiens et restaurateurs392-, à défaut de bibliographie. Considérons le premier point : l’approche historique. Il est désormais certain que les chancelleries médiévales et modernes suivaient des modes de pliage du parchemin bien définis et protocolaire, pour l’envoi du document. Ce pliage a valeur d’authentification de l’acte, juridiquement parlant ; il représente aujourd’hui un indice précieux pour le diplomaticien souhaitant établir la genèse de l’archive étudiée. Ce pliage est également un des premiers signes de la volonté de conserver les sceaux, puisque ces derniers étaient le plus souvent glissés dans la charte pliée. Cependant, la valeur historique des plis ne doit pas écarter la problématique de la mise à plat des parchemins. D’un point de vue pragmatique, un chercheur consultant ce type d’archive se heurte à son ouverture difficile ; tout aussi difficile est l’examen du document, qui tend à se replier. C’est le cas de la charte de Louis d’Orléans. Le dépliage des parchemins et leur conditionnement en boîte individuelle est donc salutaire pour leur conservation et leur consultation, ce qui reste l’objectif premier des Archives. Mais cela multiplie par 1,5 ou 6 le volume occupé par chaque cote393. Prenons le cas de la charte de Louis d’Orléans. La cote 6 J 49 comprend six archives, mises ensembles dans une même petite boîte. Déplier et conserver séparément chaque document pose problème, puisque le volume occupé par les boîtes augmente, et que le nombre de kilomètres linéaires de stockage est déjà saturé ; sans compter le fait que le format des documents dépliés ne s’adapte plus à des boîtes d’archivage de taille standard. Enfin, d’un point de vue technique, humidifier et mettre en tension un parchemin comportant des encres métallo-galliques suppose une certaine prise de risque : il peut s’avérer difficile de calculer le niveau exact d’aplanissement, pendant le séchage ; le document risque de perdre ses dimensions avant humidification ; l’eau catalyse l’hydrolyse du collagène par corrosion des encres. On a également observé que le dépliage des parchemins d’archive favorisait l’abrasion des encres, sur les cotes très consultées394. Cependant, le parchemin gagne un peu de souplesse, après ce traitement. Désormais, l’utilisation courante de la chambre d’humidification et de la table aspirante permet un meilleur contrôle du niveau d’aplanissement de la charte. Cette technique, plus douce, laisse visible les plis des chartes. Mais l’œil du restaurateur n’est que très rarement sensible aux valeurs historiques des plis. Etant dans la série J395, la charte de Louis d’Orléans sera probablement peu communiquée, même si elle sort de la liste des « non-communicables pour mauvais état du matériel ». Le parchemin est en très bon état, les petites pliures latérales ne gênent pas la lecture du texte, et le verso ne comporte pas d’écrit (sauf le numéro « 441 »). Cependant, la rigidité des plis originaux empêche l’ouverture du parchemin sans poids de maintien, et limite donc sa consultation. Pour ces raisons, et par recommandation du conservateur des Archives départementales de l’Indre, nous proposons de 392

Je remercie vivement monsieur Jean-Luc Chassel, monsieur Barbiche et monsieur Pastoureau, madame Agnès Prévost, restauratrice de l’atelier des Sceaux des Archives nationales, monsieur Gislain Brunel, archiviste de la section ancienne et du Trésor des Chartes des Archives Nationales. 393 Au niveau archivistique, la multiplication des boîtes de rangement peut poser un problème de cotation et de signalétique. Voir p.171 :« Conservation et conditionnement » 394 Communication orale de madame Agnès Prévost, restauratrice de l’atelier des sceaux des Archives nationales. 395 Série des donations et achats, difficile à dépouiller.


159 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état rendre accessible cet acte en le mettant légèrement à plat par voie humide. L’emplacement et la lecture des plis originaux seront conservés, en modérant la contrainte de séchage. Le parchemin sera protégé par un conditionnement adapté qui le maintiendra ouvert. 4.2.4

Le conditionnement

Le conditionnement d’un document d’archive scellé impose deux objectifs : le rendre consultable et le protéger des risques environnementaux, chroniques et ponctuels. Le choix d’un type de conditionnement est fonction des conditions de conservation envisagées. Les Archives départementales de l’Indre possèdent des magasins climatisés, bien que des variations hygrométriques et thermiques aient été observées. Les archives sont généralement protégées par des boîtes Cauchard standard. Les conditions de conservation en réserve sont donc relativement bonnes. La fréquence de la consultation devrait rester faible. En conséquence, un conditionnement en boîte de taille adaptée assurerait l’accessibilité et la protection de la charte. Nous avons proposé au conservateur une boîte tapissée de matériaux neutres, type carton de conservation avec réserve alcaline. Le parchemin sera maintenu ouvert par des coins en film polyester (Mylar).

Coins de maintien en polyester

Boîte de conservation en carton neutre Calage en carton neutre de conservation

= Parchemin

= Sceau

= Lacs de soie Figure 27: Représentation frontale de la boîte de conditionnement

Un calage en carton neutre modelé et découpé au diamètre du sceau (en laissant une marge de 2 millimètres) maintiendra ce dernier. Nous pensons mettre en place un système de languette de carton, liée et insérée dans le calage du sceau, pour éviter que celui-ci ne glisse si la boîte est renversée. Nous ne pensons pas utiliser de mousse Plastazote, car malgré les bons résultats aux tests de vieillissement accéléré, le personnel des Archives Nationales a observé des dégradations importantes au bout de deux ans, dans leurs réserves. L’étude des matériaux de conditionnement, ainsi que la présentation de la boîte d’archivage (techniques de montage, avantages et faiblesses) et les consignes de conservation sont reportées dans la partie consacrée au conditionnement de la charte de Louis d’Orléans.


160 Rapport de restauration I : description des matériaux et constat d’état


Rapport de restauration II : restauration-conservation

Section II : restauration-conservation 1 1.1

Restauration des lacs de soie Dépoussiérage à sec des lacs de soie 1.1.1

Nettoyage sous loupe binoculaire

Un nettoyage à sec, par micro-aspiration, était tout aussi délicat, compte tenu du risque d’abrasion et d’effilochement très élevé. Après avoir consulté Madame Marie Schoeffer396, nous avons commencé par limiter notre action à un dépoussiérage sous loupe binoculaire, à l’aide d’une pince. Cette intervention a permis d’enlever une dizaine de fibres végétales de diverses natures, et un petit morceau de bois de 3 millimètres de long sur 1 millimètre de large.

1mm

Figure 28: Petit morceau de bois trouvé entre les fils de soie.

1.1.2

Analyses des fibres trouvées dans la soie

L’analyse des fibres végétales trouvées dans les lacs de soie a fourni des informations intéressantes du point de vue historique. Sur les six faisceaux de fibres, cinq proviennent de lin, le dernier étant issu d’un bois résineux (pin, sapin ?). Nous avons prélevé quelques fibres sur le petit morceau de bois : leur morphologie est identique à celle des autres fibres de résineux. Les clichés 1 à 4 mettent en évidence les éléments caractéristiques des fibres de lin. Ces fibres de 10 à 40μm de diamètre ont une extrémité nette et droite. Elles comportent des « genoux » ou « plis de flexion», dus à l’orientation des fibrilles dans les différentes couches. Elles sont plus fines, plus souples et ont une surface plus régulière que les fibres de chanvres.

396

Madame Schoeffer est restauratrice de l’atelier du musée des soieries de Lyon


162 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

Plis de flexion sur un faisceau de fibres

Plis de flexion arqué

40μm

40μm Figure 29: Détail d’un faisceau de deux fibres de lin, trouvé dans les lacs de soie

Figure 30: Détail d’un faisceau de deux fibres de lin, trouvé dans les lacs de soie

Fibrille

Plis de flexion

40μm Figure 31 : Détail d’un faisceau de deux fibres de lin, trouvé dans les lacs de soie

40μm Figure 32 : Détail d’un faisceau de deux fibres de lin, trouvé dans les lacs de soie

Les faisceaux de fibres de résineux sont très denses. Chaque fibre, de 20 à 30μm de diamètre, montre un motif de répétition régulier : des cannelures larges de 10μm, avec une ligne sombre médiane. Cannelure avec ligne sombre médiane Cannelure avec ligne sombre médiane

40μm Figure 33: Détail d'un faisceau de fibres de bois résineux, trouvé dans les lacs de soie

40μm Figure 34: Détail d'un faisceau de fibres de bois résineux, trouvé dans les lacs de soie


163 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement Ces motifs de répétition sont identiques sur les fibres du petit morceau de bois, à une différence près : ils sont strictement alignés les uns avec les autres, puisque le faisceau n’est pas défibré. Bien que la provenance de ces fibres soit difficile à déterminer, nous pouvons avancer quelques hypothèses : il peut s’agir de traces d’un ancien conditionnement de sceau, formé d’un sachet de toile de lin. Le sceau de Louis d’Orléans est très large, et n’a probablement pas été protégé par un sachet de lin, généralement réservé aux sceaux plus petits ; mais il faisait partie d’un important chartrier, et il est possible que d’autres sceaux aient-été conditionnés de cette manière. Il peut également s’agir de fibres déjà incrustées dans les fils de soie au moment de l’apposition du sceau. Dans ce cas, elles proviendraient peut-être de l’atelier du laceur-passementier. L’origine du petit morceau de bois est plus difficile à éclaircir : s’agit-il d’un copeau de bois détaché d’un outil (fuseau, axe de bobine), d’un meuble, ou autre? Est-il contemporain de la rédaction de la charte ? Sa provenance reste très incertaine. 1.1.3

Nettoyage par micro-aspiration

Cette intervention de nettoyage à sec est néanmoins insuffisante pour retirer les particules fines de poussière. Un dépoussiérage par aspiration est alors possible, si l’on s’assure de l’innocuité pour la cohésion et l’aspect de surface des lacs. Une précaution simple et efficace consiste à intercaler un morceau de tulle entre l’embout du micro-aspirateur et des lacs de soie. Cet intermédiaire évite d’abraser et de déformer les fils, tout en laissant passer les particules de poussières. Cette intervention évite que les salissures ne s’incrustent plus profondément dans le matériau textile lors d’un nettoyage aqueux.

Cliché n° 74 : Nettoyage des lacs de soie par micro-aspiration

1.2

Nettoyage aqueux par nébulisation

Pour évaluer les plages de solubilité de la soie, des cotons-tiges imprégnés de solvants ont été mis en contact avec un fil de soie pendant cinq secondes, sur un buvard. L’eau déminéralisée, l’éthanol et l’isopropanol sont trois solvants polaires couramment utilisés en restauration d’œuvres d’Arts graphiques et de textiles, que nous avons choisi de tester.


164 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

Solvants testés Eau déminéralisée Ethanol Isopropanol

Solubilité de la teinture rouge Soluble Insoluble Insoluble

Solubilité de la teinture verte Insoluble Légèrement soluble Insoluble

Tableau 10 : Résultats des tests de solubilité effectués sur les teintures des lacs de soie

Les résultats des tests de solubilité ont confirmé le fait que la teinture rouge soit soluble dans l’eau. Un nettoyage des lacs au moyen d’un solvant aqueux en phase liquide est donc risqué. Un nettoyage à l’éthanol aurait fait fuser les teintures vertes. Nous avons également écarté l’isopropanol, qui a une faible tension superficielle et ne permet pas un nettoyage complet de la soie397. De plus, les alcools peuvent avoir une action desséchante sur les fils de soie, qui perdent de leur brillance et de leur éclat. Néanmoins, les lacs sortant du sceau étant imprégnés de colle et de ce fait rigidifiés, il était nécessaire de retirer l’adhésif et d’assouplir les fils de soie. Cette intervention réduit le risque d’altérations mécaniques (rupture des lacs rigides lors des manipulations). Elle facilite le conditionnement de la charte : l’assouplissement des lacs évite de caler les faisceaux de soie en les contraignant. La solubilité importante des teintures supposait un contrôle optimal de la quantité de solvant apportée et du temps de contact à l’interface colle/solvant. La participation à la formation de restauration des sceaux, niveau perfectionnement, aux Archives nationales398, m’a permis de pratiquer différentes techniques des restaurations des attaches de sceaux. Parmi elles, seule la nébulisation par ultrason d’eau déminéralisée offre les deux avantages techniques indispensables au nettoyage de lacs teints : d’une part, elle permet un apport d’eau minimal et localisé; d’autre part, elle garanti une bonne maîtrise du temps d’action du solvant. Néanmoins, cette technique ne peut être mise en œuvre que si le temps de gonflement et de solubilisation de la colle est inférieur à celui de la teinture rouge. Un test pratiqué sur deux fils de soie rouge a permis de valider le choix de cette technique. Après avoir protégé le sceau avec un buvard maintenu manuellement à l’interface cire-soie (pour éviter la remontée de l’eau par capillarité), l’embout du nébulisateur réglé à puissance minimale a été dirigé vers les deux fils de soie pendant trois secondes. Un morceau de papier buvard est appliqué immédiatement sur les fils de soie imprégnés de colle. Aucune trace rose ou rouge n’est apparue sur le buvard, mais des résidus de colle bruns indiquaient une légère solubilisation de l’adhésif.

397

-1

-1

A 25 °C, l’éthanol a une tension superficielle de 22,18 dynes.cm , contre 21,00 dynes.cm pour -1 l’isopropanol. A 20°C, l’eau a une tension superficielle de 72,75 dynes.cm . 398 Stage de perfectionnement de restauration des sceaux animé par Madame Agnès Prévost, à l’atelier des Sceaux des archives nationales de France, d’une durée d’une semaine, en juin 2011.


165 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

Cliché n° 75 : Nettoyage des lacs par nébulisation d’eau déminéralisée.

Cliché n° 76 : Lacs nettoyés et mis en forme.

Le résultat satisfaisant de ce test a autorisé la dés-imprégnation des lacs par nébulisation d’eau déminéralisée. La technique a été ensuite été appliquée à l’ensemble des lacs pour éliminer les salissures et assouplir les lacs. Pour protéger le parchemin des microgouttelettes d’eau, deux morceaux de papiers buvards et d’intissés polyester Cokon ont été intercalés entre les lacs de soie et le repli de parchemin. Ce nettoyage aqueux a permis de solubiliser une grande partie de la colle. Cependant, un début de dégorgement de la teinture rouge a limité le temps de traitement. Malgré le faible apport d’eau, le risque de décoloration de la soie était trop important pour pousser plus avant le nettoyage aqueux. L’imprégnation de colle cellulosique (parfois pratiquée par des restaurateurs d’œuvres d’Arts graphiques) n’a pas été envisagée, puisque inutile pour renforcer des lacs de soie ; le vieillissement d’une colle imprégnée dans de la soie est difficilement réversible, et peut catalyser l’oxydation des fibres. Nous avons préféré orienter notre action vers la conservation préventive, en étudiant les différents systèmes de maintient du seau permettant de limiter les tensions sur les lacs. Après réfléxion, et en voyant que la simple réinsertion des fils dans le nœud ne suffisait pas à stabiliser et consolider les lacs lors des manipulations, j’ai décidé, avec l’accord du conservateur responsable de la charte, d’intervenir sur les fils de soie. Pour renforcer les lacs, une technique mise au point et développée par Emmanuelle Garcin, vacataire aux Archives nationales spécialisé dans la restauration de textiles, a été utilisée. Cette technique consiste à passer très délicatement un fil de soie pur teinté très en amont et en aval de la zone de cisaillement des fils originaux, en recréant à la fois leur torsion et leur direction dans le nœud. Ces fils de consolidation ne sont pas noués sur les fils originaux, ce qui empêche tout nouveau cisaillement et facilite un éventuel retrait. Pour cette opération, un fil de soie pure de la société Ver à Soie a été choisi. Ce fil a été teinté à l’acrylique Liquitex diluée, l’aquarelle ne suffisant pas à saturer correctement le fil pour obtenir une tonalité adéquate. On a choisi de ne pas teindre ses fils de manière illusionniste, et une tonalité légèrement en dessous des couleurs originales a été choisie. Ce choix permet de retrouver et de distinguer les fils ajoutés des originaux, sans choquer l’œil. L’opération, effectuée à l’aide d’une aiguille très fine, est extrêmement délicate et demande une ’double’ vision tridimensionnelle des lacs (vision de la torsion de chaque fil et de la torsion du nœud des lacs). Le résultat est satisfaisant au niveau visuel et mécanique.


166 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

2

Restauration du sceau

2.1

Tests de dépoussiérage 2.1.1

Tests de solubilité

Les tests de solubilité sont un préalable indispensable à la restauration. Ils permettent d’identifier la sensibilité et le degré de solubilité des matériaux. S’ils sont comparés à des substances de référence, ils peuvent fournir des compléments d’information sur la nature chimique de ces mêmes matériaux. Nous avons effectué une série de tests de solubilité sur la cire à sceller. Ces tests ont été pratiqués à l’aide de coton-tige imprégnés de solvants. On a privilégié la tranche de la cassure du sceau, plus discrète et moins empoussiérée. Le coton a été laissé en contact 10 secondes, en frottant très légèrement. Les résultats sont donnés dans le tableau 12 :

Solvants testés

Solubilité de la cire à sceller

Eau déminéralisée Ethanol à 99,9% Isopropanol White-spirit Toluène Acétone Essence de térébenthine

Insoluble Insoluble Insoluble Insoluble Soluble Très légèrement soluble Soluble

Solubilité d’une cire d’abeille purifiée Insoluble Insoluble Insoluble Insoluble Soluble Très légèrement soluble Soluble

Tableau 11: Résultats des tests de solubilité effectués sur la cire du sceau

Lorsque la cire du sceau est soluble, elle laisse une légère trace rouge sur le coton. Les traces brun foncé correspondent à la salissure du sceau. Les aires de solubilité observées indiquent deux éléments : d’une part, elles concordent avec les aires de solubilité escomptées pour une cire d’abeille pure peu vieillie, ce qui va dans le sens des analyses microspectrophotométriques FTIR 399; d’autre part, elles confirment le fait que la cire est totalement hydrophobe, et qu’un dépoussiérage aqueux est possible. Le dépoussiérage est un préalable indispensable aux autres interventions de restauration. Il permet de retrouver une meilleure lisibilité des reliefs, et évite que de la poussière ne s’incruste dans la cire si celle-ci-se rapproche de sa température de transition vitreuse. Il évite également que les

399

85

Sur les analyses par microspectrophotométrie IRFT, voir « La vieillissement du sceau de Louis d’Orléans », p.


167 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement polluants présents dans les particules n’oxydent certains composants de la cire (par exemple, le souffre réagissant avec l’oxyde de plomb du minium pour donner de la plattnérite)400. Le dépoussiérage d’un sceau répond à des paramètres différents de ceux du papier ou du parchemin. La cire est un matériau totalement hydrophobe, très peu poreux et électrostatique. La poussière a donc tendance à s’accumuler dans les reliefs et à adhérer fortement à la cire. Le sceau de Louis d’Orléans illustre bien ce phénomène : les particules de poussières formaient une couche très dense à la surface du sceau, notamment dans les zones de fort relief ; il était donc nécessaire de faire gonfler cette couche, pour pouvoir l’enlever plus facilement sans risque de cassure. Nous avons testé une technique de dépoussiérage simple à mettre en œuvre: une petite compresse (3 à 4 cm2) d’ouate de coton est posée sur la cire, puis imbibée d’eau déminéralisée à l’aide d’une pipette à réservoir et d’un petit pinceau à poils doux. Le coton humide est très légèrement pressé sur la surface, pour bien adhérer aux reliefs et pour permettre à l’eau d’aller jusqu’au fond des creux.

e

Cliché n° 77: (1 étape) Pose de la compresse imprégnée d'eau déminéralisée

Cliché n° 78: (2e étape) Au bout de six minutes, la compresse est retirée.

Nous avons observé régulièrement l’aspect du coton : au bout de 6 à 7 minutes, il avait fortement jauni.

400

Ibid.


168 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

Cliché n° 79 : Compresse de coton imprégnée d’eau déminéralisée, après deux minutes de pose

Cliché n° 80 : compresse de coton imprégnée d’eau déminéralisée après quatre minutes de pose

Cliché n° 81 : Compresse de coton imprégnée d’eau après six minutes de pose

La couche de poussière s’enlevait alors très facilement, avec un coton-tige humide.

Cliché n° 82: (3e étape) Nettoyage de la couche de poussière humide avec un coton-tige humidifié

Cliché n° 83: Le coton-tige est fréquemment changé, pour éviter d’étaler les salissures

Cette technique, rendue possible par l’hydrophobie de la cire, ne laisse aucun résidu ; elle est rapide et efficace, à condition de ne pas laisser l’eau s’évaporer entre les applications successives de compresses (ce qui allongerait le temps de nettoyage du sceau, tout en recréant des liaisons hydrogènes entres les particules de poussière). Les cataplasmes cellulosiques ou argileux auraient moins bien adhéré aux reliefs profonds, et n’auraient pas apporté une quantité d’eau suffisante pour faire correctement gonfler la couche de poussière.

2.2

Dépoussiérage du sceau Le sceau a été intégralement dépoussiéré au moyen de compresses de coton imbibées d’eau.

Malgré son efficacité, il a souvent été nécessaire de revenir deux à trois fois sur les zones les plus empoussiérées, puisque l’eau empêchait d’avoir une vision correcte du degré de nettoyage. Au séchage, quelques particules résiduelles apparaissaient clairement, et il était alors possible de les localiser, de les ré-humidifier et de les éliminer.


169 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement Pour les reliefs et les creux les plus marqués, et notamment les lettres de la légende et les motifs du collier de l’ordre de Saint-Lazare, les résidus de poussières n’ont pu être éliminé ni par coton-tige, ni par pinceau à poils doux401. Elles ont donc été délicatement enlevées à l’aide d’un petit bâtonnet de bois, passé sur les zones préalablement humidifiées. Cette technique permet d’accéder dans des zones trop étroites pour laisser passer un coton-tige. L’extrémité du bâtonnet avait préalablement été taillée au scalpel, de manière à ce que la fine pointe de bois soit très souple et ne raye pas la cire402. La pression exercée sur le bâtonnet était très douce, pour écarter le risque de brisure. Cette action mécanique demande une attention constante, une bonne connaissance des propriétés de la cire et un entrainement préalable sur des échantillons de cire colorée. En effet, la cire peut se polir par frottement trop intense, ce qui créé de désagréables effets de brillance403. La modification de l’aspect de surface d’un sceau par polissage est irréversible, d’où le soin porté au niveau de pression exercé sur le bâtonnet de bois souple.

Cliché n° 84 : Dos du sceau en cours de dépoussiérage : la moitié gauche est dépoussiérée, contrairement à la moitié droite 401

Le nettoyage au pinceau doux est recommandé pour le dépoussiérage des sceaux aux reliefs important, à condition de pouvoir accéder à toutes les zones empoussiérées. PREVOST A., 402 La pointe de bois se salissant très rapidement, elle était régulièrement retaillée au scalpel. 403 A l’inverse, cette propriété de la cire est intéressante dans le cas d’un comblement de lacune : le restaurateur peut jouer sur le niveau de brillance et de matité de la cire de comblement pour harmoniser l’aspect de sa restauration. Voir A. KERLO, Recherches sur les altérations blanches spécifiques des sceaux dits « malades », Projet de recherche sur les altérations et la conservation des sceaux de cire, DAF-MRT, Service des sceaux des Archives nationales, non publié, 2006


170 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

Nous avons porté une attention particulière au nettoyage de la cire en contact avec les lacs de soie, pour éviter que l’eau remonte par capillarité et fasse à nouveau fuser la teinture sur le parchemin. Une petite rondelle de buvard a été glissée sur les fils, entre le nœud de soie et le sceau, pour limiter le risque de remontée d’eau. Le résultat de ce dépoussiérage était très satisfaisant : de nombreux détails iconographiques sont apparus : les motifs en arabesque et les frises végétales sur la house du cheval, la moitié du visage du cavalier, les initiales entrelacées des ordres royaux sur le fond du dos du sceau, et surtout les poils du cheval, au niveau de l’encolure et de la croupe. D’une finesse étonnante et rare 404, la qualité de ces détails a confirmé le fait que la technique de nettoyage n’a pas abrasé la cire405. 2 1

Cliché n° 85 : Détail des palmes croisées (1) et des monogrammes MV (2) parsemant le fond du dos du sceau (à droite du collier), apparus lors du nettoyage aqueux. Vue en lumière rasante.

Cliché n° 86 : Détail de la frise bordant la house du cheval. Le registre central fait alterner croix de Malte et fleurs de lys sur fond de rinceaux, bordé de feuilles trilobées.

Le nettoyage a également permis de mieux observer les zones noircies à la surface de la cire.

2.3

Recollage des fragments du sceau

Une fois le sceau dépoussiéré, les fragments ont été méthodiquement réassemblés par collage. Cette étape de la restauration a été aussi complexe que délicate, compte tenu de la structure, de la fragilité et des altérations du sceau. La colle d’esturgeon purifiée à 5% dans l’eau déminéralisée406 a été sélectionnée comme adhésif de réassemblage pour ses propriétés mécaniques, physiques et chimiques. Elle a une bonne

404

Les détails étaient de l’ordre du quart de millimètre, et presque invisible à œil nu. Les poils du cheval atteignent 0,1 millimètre. 405 Ces détails ont également conforté l’hypothèse selon laquelle la matrice aurait été exécutée par d’un graveur en métal de renom: Jean Duvivier, qui maitrisait son art avec une virtuosité difficilement égalable. Le chauffe-cire maitrisait lui aussi parfaitement sa technique, puisqu’il a réussi l’impression de tous les détails gravés. 406 Colle d’esturgeon en plaque, cher Sennelier.


171 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement résistance mécanique à la traction et au cisaillement407, et un meilleur mouillage que les colles cellulosiques. Son comportement au vieillissement est satisfaisant : purifiée, elle ne jaunit pas et ne dégage pas de produits polluants, tout en gardant une bonne force d’adhésion. Contrairement aux colles acryliques, elle est facilement réversible en phase aqueuse. L’inconvénient notable de cette colle en solution est son temps de prise et son temps séchage, relativement long. Par ailleurs, un double passage de colle améliore le mouillage: un premier passage de colle sur chacune des tranches est laissé sécher à l’air libre, et atténue le comportement hydrophobe de la cire ; le second passage de colle s’en trouve facilité, ce qui uniformise la surface de contact et l’épaisseur du joint de colle. Après ce second passage, les fragments de sceau sont maintenus ensemble, manuellement puis mécaniquement –au moyen d’un serre-joint - jusqu’au séchage complet de l’adhésif. La colle d’esturgeon a d’abord été appliquée avec un pinceau fin et doux dans la grande cassure de droite, dont les fragments sont retenus par les lacs de soie. Cette application progressive, par les deux côtés, permet de contrôler l’apport d’adhésif et de limiter la quantité de colle au niveau du passage des fils de soie408. L’espace interstitiel de la cassure étant très étroite, il n’était pas possible de réaliser une application de colle en deux temps. Le surplus de colle à été délicatement retiré à l’aide d’un coton-tige légèrement humide. Le séchage de ce premier collage a été délicat : les bords des fragments n’étaient plus jointifs, en raison de l’élongation des lacs dans la cassure 409 et de l’abrasion des tranches. Si l’on ajustait les bords d’une face du sceau, ils s’écartaient systématiquement sur l’autre face en créant une rupture visuelle très désagréable et en fragilisant le joint de collage : les deux fragments n’étaient donc plus dans le plan. Par conséquent, la solution médiane était la plus adaptée : aucune face n’a été privilégiée, et nous avons ajusté les fragments de façon à minimiser l’écart résiduel des deux côtés du sceau. Ainsi, la résistance mécanique du joint de collage allait de pair avec une bonne lisibilité des reliefs.

Figure n° 1 : Schématisation du fluage des lacs à l’intérieur du sceau et des problèmes de jointure des fragments de cire 407

Voir partie technico-scientifique. Les colles cellulosiques appliquées sur des substrats en cire ont une force d’adhésion moyenne et un mauvais mouillage. 408 L’eau de la colle risque de faire gonfler la soie et de créer des microfissures dans la cire. 409 Les tensions exercées par les fragments de sceau sur les lacs textiles, au niveau d’une cassure, provoquent fréquemment un fluage de la soie et une élongation des fils. Le réassemblage jointif des fragments devient difficile.


172 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement Cette solution impliquait un maintient manuel des fragments, puisque les reliefs du sceau empêchait un calage tout à fait stable. Lorsque la colle à pris (après 1 heure environ), le sceau a été délicatement posé sur calage en feutre et laissé séché 24 heures à température et humidité relative ambiante410. Ce premier collage a facilité l’assemblage du fragment n°3 et n° 4, respectivement à gauche et en bas du sceau. Ces deux fragments ont été collés et ajustés en même temps aux deux premiers fragments déjà réassemblés, selon le principe précédemment décrit, avec de la colle d’esturgeon à 5 % dans l’eau déminéralisée. Le fragment n°3 n’était que par un seul fil de soie, ce qui rendait possible un double passage de colle, et donc un meilleur mouillage des tranches de la cassure. La périphérie du fils de soie n’a pas été encollée (soit 2 millimètres environ de chaque coté du fil), pour éviter d’imprégner la soie.

Cliché n° 87 : Application de la colle d’esturgeon le long des fragments 2 et 4.

Cliché n° 88 : Calage du sceau lors du séchage de la colle

Le séchage (phase toujours très délicate du traitement) a pu être entièrement effectué sur un calage de feutre. Les fragments ont été maintenus en place par un serre-joint non serré411. Deux pièces de feutre protègent la cire des embouts métalliques et permettent de vérifier qu’aucune pression n’est exercée sur le sceau. J’ai choisi cette solution de séchage, car les calages de silicone412 habituellement utilisés n’auraient pas suffi à maintenir correctement les fragments de ce sceau biface, très difficile à maintenir en place.

410

Soit 23°C3 pour 45 à 50% d’H.R Le serre-joint trouve ici une utilité autre que celle de serrer fortement deux morceaux entre eux : à proprement parler, il s’agit de maintenir en contact deux fragments de sceau pendant le séchage du joint de colle. La mobilité d’une des partie du serre-joint peu être mise à profit pour soutenir le fragment. Le feutre écarte tout risque de rayure ou de contrainte par compression. 412 Silicone PSA 530-40 Base rose et catalyseur, non gras, dont la prise s’effectue en cinq minutes. Prévent Silicone. 411


173 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

2.4

Comblement des lacunes

Le comblement de la lacune se situant au dos du sceau (au niveau de la cassure de droite) et celui de la zone extrêmement fragmentée (au niveau de l’interface avec les lacs, en bas, sur la face), est une intervention qui peut présenter des risques pour le sceau : coulures de cire chaude, débordements de cire sur le sceau, fonte de la cire originale. Il nécessite une certaine expérience. La formation de restauration des sceaux, niveau perfectionnement, ainsi que le stage effectué au service des sceaux des Archives nationales de France et les conseils de madame Prévost, m’ont permis d’appréhender et de pratiquer des techniques de comblements. Lors du stage à la Bibliothèque nationale de France, j’ai pu affiner ma maîtrise des comblements, grâce aux nombreuses restaurations de chartes scellées réalisées en équipe. Avant des stages, j’ai également effectue des tests d’observation, pour mieux comprendre le comportement des cires de comblements et leur utilisation. Ces tests sont présentés ici, suivi du rapport du comblement du sceau de Louis d’Orléans. Le comblement des sceaux est un sujet d’étude encore peu exploité par les restaurateurs. Les rares parutions faisant état des recherches dans ce domaine se concentrent sur les propriétés physico-chimiques des cires : cire d’abeille et cires d’hydrocarbures, comme la Cosmoïd 80 et la paraffine. Les tests effectués portent sur les différents comportements optiques et rhéologiques de ces cires colorées. Les résultats obtenus, donnés en Annexes IV, apportent des éléments d’information pour le choix d’un matériau de comblement adaptés au sceau de Louis d’Orléans de 1721. Le comblement de la lacune du dos du sceau ne peut être réalisé qu’à l’aide d’une pointe chauffante fine. Le mélange de comblement est préparé au bain-marie : 10 g de cire microcristalline Cosmolloïd 80 sont mis à fondre dans un récipient en verre. 40 grammes de paraffine purifiée CTS sont ensuite ajoutés. Il est recommandé de faire entièrement fondre la cire microcristalline avant d’ajouter la paraffine, la température de fusion de la première étant largement supérieure à celle de la seconde413. La cire Cosmolloïd 80 et la paraffine ayant des densités différentes, il est nécessaire de faire refroidir le mélange avant de le réchauffer une seconde fois, ce qui permet de les homogénéiser. La coloration de la cire doit être faite avec des pigments inorganiques, chimiquement stables, ayant une bonne tenue à la lumière. Pour obtenir une couleur proche de celle du sceau de Louis d’Orléans, trois pigments purs Sennelier ont été utilisés :   

Du substitut de rouge vermillon français PR4, PY1 (pigment azoïque et minéral) Du rouge primaire PV19 (violet de Quinacridone) De la terre d’Ombre brulée PBr 7 (oxyde de fer)

La quantité de pigments utilisée ne doit pas saturer la cire, au risque de se décanter et de rendre le mélange difficilement utilisable. La proximité chromatique du mélange de comblement avec la cire du sceau doit être déterminée à froid, en déposant une petite quantité de cire colorée sur une plaque de céramique (ou de silicone). Une fois la couleur jugée proche de celle souhaitée, nous avons 413

Si les deux cires étaient mises à fondre en même temps, la cire microcristalline ductile surnagerait dans la cire microcristalline fluide. Le mélange serait alors difficilement réalisable.


174 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement coulé une barrette de cire sur un carreau de céramique414. Pour éviter que les pigments de se décantent au fond du moule, il est préférable d’attendre que le mélange de cire colorée se refroidisse légèrement dans le récipient de verre et que sa viscosité augmente. Une fois la barrette de cire colorée refroidie, le comblement proprement dit peut être mis en œuvre. Quelques règles simples permettent de limiter au maximum les risques et de contrôler l’apport de cire fondue : la pointe chauffante ne doit pas être mise en contact avec la barrette de cire au-dessus du sceau, mais toujours à côté de ce dernier, pour éviter de laisser tomber des gouttes de cire sur le sceau ; le temps de contact et la température de la pointe chauffante détermine la taille de la goutte de cire fondue.

Cliché n° 89 : Fonte de cire la cire de comblement à la pointe chauffante

Cliché n° 90 : Comblement de la lacune au dos du sceau.

La température de la pointe chauffante a été réglée à 105°C. Le sceau ayant un diamètre relativement large, on a pris soin de le protéger par des carrés de buvard pour éviter qu’une goutte de cire ne se dépose à sa surface. La première intervention sur le comblement, réalisée au cours de la quatrième année de mémoire, était localisée sur la zone triangulaire lacunaire, en bas de la face du sceau. Des gouttes de cire fondue ont d’abord été déposées sur un plateau de silicone préparé à cet effet, de façon à former une petite pièce de cire aux dimensions de la lacune. Lorsque la cire est passée à l’état ductile (au-dessus de la température de transition vitreuse et au-dessous de la température de fusion) et juste au moment où le blanchiment de surface commence à s’estomper, la pièce de cire à été prise délicatement avec une spatule métallique et déposée très rapidement (le temps de travail est alors réduit à quelques secondes) sur la zone à combler, de manière à adhérer légèrement aux tranches de la lacune. Il faut alors revenir avec la pointe chauffante pour fondre très délicatement et très précautionneusement la cire de comblement en contact avec la cire du sceau, sans jamais fondre l’original ou imprégner les lacs de soie. Il est alors possible d’ajouter de la cire de comblement goutte à goutte, en prenant garde aux bulles d’air. Elles doivent être travaillées à l’aide d’une spatule en métal ou d’un outil de bois, à froid. On a pris soin de créer une très légère démarcation entre le niveau de surface du comblement et celui du sceau (lorsque cela était possible) pour éviter tout aspect illusionniste. Ainsi documenté, localisé et circonscrit, le comblement de lacune pourra être facilement retiré lors d’une éventuelle intervention de restauration future. La zone la plus sensible était celle au-dessus les lacs de soie, à la limite du bord du sceau. Le travail, concentré sur quelques millimètres, devait permettre de réintégrer les micro-fragments de cire originale tout en redonnant une lisibilité d’ensemble au sceau (notamment sa forme circulaire, 414

Cette opération peut également être réalisée dans des moules en silicone.


175 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement ‘brisée’ par la lacune). Le protocole de comblement est identique à celui précédemment énoncé, mais sa mise en œuvre est extrêmement minutieuse. En effet, le comblement de quelques millimètres d’épaisseur étant au-dessus des lacs de soie, il ne peut être au niveau du champ du sceau. De ce fait, il est très fragile. Lors de ce premier essai, une grande prudence s’imposait, et j’ai préféré attendre pour tenter un comblement jusqu’au bord du sceau.

Cliché n° 91: Zone n°4, fragmentée avant comblement et réinsertion des fragments.

Cliché n° 92: Zone n°4 comblée. Les fragments millimétriques ont été réinsérés.

La première mise en œuvre de ce comblement n’était pas satisfaisante du point de vue esthétique, car un des micro-fragments s’était décalé : les grains de grenetis visible sur le fragment n’étaient pas dans l’axe général du rang de grenetis. L’opération de remise en place de ce fragment pouvait comporter un certain risque, c’est pourquoi j’ai préféré la réaliser après le stage à l’atelier des sceaux aux Archives nationales. J’ai alors pu modifier le comblement en chauffant très légèrement la cire de comblement aux bords du fragment (sans toucher le fragment et sans enfoncer la pointe chauffante), pour pouvoir décaler celui-ci avec une petite spatule de bois. Lors du stage à l’atelier de restauration de la Bibliothèque nationale de France, la diversité des interventions et des protocoles de traitements m’a permis de me perfectionner dans les techniques de comblement. Pendant ce stage, j’ai donc souhaité améliorer le comblement du sceau de Louis d’Orléans, en homogénéisant les surfaces et en poussant la cire de comblement jusqu’au bord du sceau. J’ai également pu réaliser un comblement des fissures, sans refondre la cire original. Cette dernière intervention a redonné toute sa lisibilité au sceau, en faisant passer la beauté de l’image avant l’aspect altéré415.

415

Sur la dualité de la vision ‘altération-image’, voir C. BRANDI, Théorie de la restauration, éditions Allia, Paris, 2011, 134p.


176 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

3 3.1

Restauration du parchemin Le dépoussiérage

Comme pour la soie et la cire, ce traitement permet de gagner en lisibilité. L’élimination de la poussière limite considérablement le risque d’incrustation des particules dans les pores et les fibres de collagènes. Le dépoussiérage réduit également le risque d’oxydation et d’altération chimique416 du parchemin, et contribue au ralentissement du processus de dépolymérisation ou de dénaturation du support. Il prévient une première colonisation du substrat par des micro-organismes. Le dépoussiérage d’un parchemin apprêté comportant des encres probablement métallogaliques demande une attention particulière, tant dans la pression exercée que dans l’action de frottement mécanique. Le risque de perte de matière, de déplacage ou d’abrasion des encres et de l’appréture est loin d’être négligeable, c’est pourquoi le choix de la méthode de traitement est important. Un dépoussiérage en trois temps, couplant micro-aspiration et passage de chiffon microfibre, offre plusieurs avantages : le risque d’incrustation de la poussière est minime ; le risque de perte de matière est très faible ; le restaurateur peut apprécier le niveau et la progression du dépoussiérage. Le parchemin de l’acte de Louis d’Orléans, posé sur un polyester intissé doux et maintenu ouvert, a d’abord été dépoussiéré par micro-aspiration à l’aide d’un aspirateur à filtre absolu HEPA. L’embout très fin, muni d’une brosse à poils souples, et l’intensité faible de l’aspiration ont permis d’éliminer délicatement et progressivement la couche de poussière, côté fleur et côté chair, sans l’incruster plus profondément dans matelas fibreux. La petite taille de l’embout a autorisé un passage dans le creux interne du repli, jusque sous les lacs.

Cliché n° 93: Plis centraux avant dépoussiérage

Cliché n° 94: Dépoussiérage du parchemin à l'aide d'un micro-aspirateur à filtre absolu

Ce premier dépoussiérage, visuellement très satisfaisant, a été suivi d’un passage de chiffonmicrofibre. Outre l’action mécanique, les propriétés électrostatiques de ce chiffon captent les 416

Les particules de poussières peuvent contenir du souffre, du carbone, etc. B. LECLERC, ‘Quelques notions de base sur les caractéristiques des particules solides particules’, Actualité de la conservation, n°5, 1997. Sur le dépoussiérage du parchemin, voir également : C. CHAHINE, C. ROUY, ‘The cleaning of parchment : how far can we go?, International conference on conservation anad restauration ofarchives and library materials : preprints, CCSEM, editions Erice, Vol. 2, 22-29 avril 2006, p.563-581


177 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement particules de poussières plus en profondeur. La poussière présente dans les pliages du parchemin a été ôtée grâce à un très léger gommage à la gomme Staedler Mars Plastic, suivi d’une microaspiration pour enlever les résidus de gommage417.

Cliché n° 95: Dépoussiérage du parchemin à l'aide d'un chiffon microfibres

Le résultat de ce dépoussiérage a été satisfaisant.

3.2

La mise à plat partielle

La mise à plat partielle du parchemin est un compromis intéressant entre accessibilité du document et respect du pliage historique. Elle donne aux chercheurs la possibilité d’étudier le contenu formel, la genèse et l’état de l’acte. Ce triptyque « forme-genèse-état » est la base de toute étude diplomatique. D’un point de vue technique, cette mise à plat partielle permet de garder les marques du pliage original tout en maintenant ouvert le parchemin. La qualité du parchemin de l’acte de Louis d’Orléans rendait possible un travail d’assouplissement du support en chambre d’humidification. Comparée à une humidification sous Goretex, cette technique présente des intérêts certains : le restaurateur peut contrôler en permanence le niveau d’humidification, le degré d’assouplissement du parchemin et le bon déroulement de l’opération. Grâce à la vapeur d’eau produite par un nébulisateur à ultrasons, l’humidification du parchemin est très douce. Un thermohygromètre placé dans la chambre permet de prendre la mesure du taux d’humidité relative et de la température à l’intérieur de la chambre, pour éviter tout risque de gélatinisation. L’humidification du support protéinique permet de créer des liaisons hydrogènes interfibrillaires : lors du séchage, les fibres se réorientent sous l’effet de la contrainte imposée (aspiration de la table aspirante, poids), rétablissant la planéité du parchemin418.

417

Sur le gommage, voir : T.-P. NGUYEN, M. EVENO, S. BOUVET, ‘Les effets de la gomme à effacer sur la cellulose du papier’, Actualités de la conservation, n°19, p.1-3. Des résidus de gommes s’incrustent dans les pores du matelas cellulosique : on peut supposer qu’il en va de même dans les pores du parchemin. 418 Sur les chambres d’humidification : SHENTON H. & al., Vellum and parchment, The Paper Conservator : Special issues, Worcestershire, Vol. 16, 1992, 108p. ; FUCHS R., ‘New trends in the care of leather and


178 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement La chambre d’humidification utilisée pour assouplir le parchemin se compose d’une armature tubulaire parallélépipédique, intégralement recouverte d’un film transparent en polyester de 100μm d’épaisseur. L’un des coté de la chambre n’est pas scellé : le film peut être soulevé pour manipuler le parchemin ou contrôler son humidification. Avant de placer le parchemin en chambre d’humidification, le sceau et les lacs ont été protégés par une membrane cellulosique. Cette membrane très souple, enroulées de manière hermétique autours des fils de soie et de l’empreinte en cire, a écarté tout risque de d’humidification des lacs, de dégorgement de la teinture rouge et de gonflement des fibres textiles, qui auraient pu créer des microfissures dans la cire. Un intissé polyester Cokon intermédiaire, glissé entre les lacs et le repli des deux côtés du parchemin, a donné une garantie supplémentaire quant à la bonne isolation des lacs par rapport au support parcheminé. La perméabilité à l’eau du polyester assure un degré d’humidification homogène sur l’ensemble du parchemin. Pour maintenir le parchemin ouvert, le côté chair a été tourné vers le bas, posé sur un support cartonné recouvert d’intissé polyester Cokon. Cette disposition contraint le parchemin à rester déplié, sans utiliser de poids de maintien. Deux intissés polyester Cokon épais (100μm d’épaisseur) ont été superposés sur le document, pour jouer un rôle tampon entre l’atmosphère humide et le parchemin. L’acte de Louis d’Orléans a été placé 3h30 en chambre d’humidification, avec un taux d’humidité relative réglé à 80%2 et une température de 23°C2. Au bout de 2h30 seulement, le parchemin était bien assoupli. Il s’est naturellement aplani, ce qui a permis de le retourner en position ouverte, coté fleur vers le haut. Ainsi, les deux faces du parchemin ont été en contact avec la phase vapeur, ce qui améliore l’homogénéité de l’humidification dans toute l’épaisseur du support collagénique419. Le degré d’humification et la souplesse du parchemin s’apprécie empiriquement. Trop humidifié, le parchemin court un risque de gélatinisation ; à l’inverse, si l’apport d’humidité n’est pas suffisant, le travail d’aplanissement –même partiel- devient impossible. Dès que le pliage du parchemin de l’acte de Louis d’Orléans n’a plus opposé de résistance à une légère pression manuelle, le travail d’aplanissement a pu être réalisé. Cette opération doit s’effectuer avec précision et rapidité, car le parchemin risque de sécher rapidement en se déformant. Le document à été placé sur une table aspirante, avec un intissé polyester intermédiaire. Des films polyester Mylar ont été disposés tout autour du parchemin de manière à ne laisser aucun espace libre. Ainsi, l’aspiration se concentrait précisément sur toute la surface du parchemin, et le sceau était totalement isolé de la table aspirante.

parchment’, Care and conservation manuscripts 8, Proceedings of the eight international seminar held of the Royal Library of Copenhague, Copenhague, 6-7 octobre 2003, p.260-268 419 La disposition et l’orientation des fibres de collagène diffèrent selon leur niveau stratigraphique dans le derme. Le côté fleur est moins poreux à l’eau. Généralement, il absorbe plus lentement les microgouttelettes d’eau que la coté chair.


179 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement A l’aide d’une spatule en téflon420, les petits plis latéraux ont été aplanis. Un nébulisateur à ultrasons dirigé vers les zones pliées a permis d’augmenter le temps de travail. Le pliage original n’a pas été travaillé, puisqu’il devait être conservé. Une fois les petits plis revenus dans le plan, le parchemin a été mis à sécher entre deux feutres, sous un ais de bois. Des poids, répartis sur l’ais, ont égalisé la contrainte sur l’ensemble de la surface du parchemin, sans toutefois aplanir le pliage original.

Cliché n° 96: Séchage sous ais et poids du parchemin.

La réussite de la mise à plat partielle d’un parchemin est largement fonction du temps de séchage : plus ce séchage sous contrainte est lent, meilleure sera la stabilité de la mise à plat partielle. La durée du séchage réduit également le risque de variation dimensionnelle du parchemin. En effet, la baisse très progressive de la quantité d’eau liée favorise la formation de liaisons hydrogènes entre les fibres, liaisons qui maintiennent le parchemin dans ses dimensions originales. Le séchage sous poids du parchemin de l’acte de Louis d’Orléans a duré trois semaines. Pour protéger le sceau du risque de chocs et de photooxydation, un petit calage de feutre a été glissé sous l’empreinte de cire, tandis qu’un carton de conservation neutre a fait office d’écran contre la lumière. Le film de protection entourant le sceau a préalablement été retiré.

420

Le téflon est un polymère tétrafluoroéthylène, résistant à la chaleur, à l’oxydation et à la lumière ; sa surface très lisse et sa tension de surface très faible facilite le glissement de la spatule sur les supports que l’on souhaite travailler.


180 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

Cliché n° 97 : Charte après restauration (recto)

Cliché n° 98 : Charte après restauration (verso)


181 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement Les temps de traitement pour les différentes interventions sont approximativement les suivants :

Intervention Nettoyage et désimprégnation des lacs Teinture des fils de soie et renfort des lacs Nettoyage du sceau Collage du sceau Comblement du sceau Nettoyage du parchemin Mise à plat du parchemin Confection du calage de la boîte (voir Section III infra) TOTAL

Temps de traitement 2h 2h 46h 2h30 6h 1h 4h30 2h 64h

Conclusion Les interventions réalisées sur la charte de Louis d’Orléans lui ont redonné une bonne lisibilité et une homogénéité visuelle satisfaisante. Réalisée sur deux ans, chaque intervention a pu être réfléchie. Les stages effectués aux Archives nationales et à la Bibliothèque nationale nous ont permis d’échanger idées et gestes techniques avec de nombreux restaurateurs, que je remercie chaleureusement. Ces stages m’ont également permis de mieux comprendre les contraintes matérielles et temporelles auxquelles sont confrontés les milieux professionnels. L’évaluation des risques liés aux comblements des sceaux, ainsi que de la pertinence d’un renfort des lacs, est le fruit de ce travail avec les restaurateurs et conservateurs (notamment lors du stage de recherche aux Archives nationales et de l’évaluation sanitaire des fonds scellés de la Bibliothèque nationale).


Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

Section III Conservation et conditionnement La conservation des parchemins scellés est une démarche pluriséculaire, sans cesse réinterrogée. Les tentatives de protection des sceaux forment un imposant legs historique, qui invite les restaurateurs à faire preuve de modestie et de patience. Depuis le XIVe siècle, les clercs et chauffe-cires ont cherché à retarder, voire à enrayer, les processus de dégradation. De multiples conditionnements sont nés de cette volonté de conserver intacts les témoins de la validité des actes juridiques421. Le « désir de bien faire » ne peut pas être remis en cause, mais les siècles ont montré que ces modes de protection ont souvent accéléré la dégradation des chartes. Au cours du XXe siècle, la démocratisation du savoir archivistique et l’ouverture des fonds documentaires aux chercheurs de tous horizons a certes permis un renouveau de l’intérêt pour le patrimoine, mais le revers de cette tendance est moins brillant : quantité de moulages de sceaux faits au XIXe siècle ne possèdent plus leurs originaux en cire, brisés ou perdus.

Cliché n° 99: Un exemple remarquable de conditionnement ancien de chartes scellées: les "boîtes de A" des Archives nationales ont été spécialement conçues en 1792 pour protéger la nouvelle constitution.

De cette constatation générale, deux points de repère peuvent aider le restaurateur à analyser sa démarche de conservation : d’une part, tous les moyens innovants de conditionnement sont soumis à l’épreuve du temps. D’autre part, la fragilité intrinsèque des sceaux interdit de poser un idéal de conservation, valable pour tous les parchemins scellés et pour toutes les Archives. C’est ce constat modéré qui est ressorti de la table ronde du Comité de Sigillographie, rassemblée en 2003 aux Archives nationales de France422.

421

A. PREVOST, ‘Les techniques de protection des sceaux du Moyen Age à nos jours’, Deuxième table ronde des Restaurateurs de sceaux, Le conservation préventive des sceaux en cire : bilan et perspectives, 12 et 13 juin 2003, Comité de Sigillographie, Archives nationales de France, p.19-22 422 [COLLECTIF], Deuxième table ronde des Restaurateurs de sceaux, Le conservation préventive des sceaux en cire : bilan et perspectives, 12 et 13 juin 2003, Comité de Sigillographie, Archives nationales de France, 73p.


183 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement Le conditionnement de la charte scellée de Louis d’Orléans rend compte de la complexité du choix de conservation. Le dilemme a été qualifié de ‘cornélien’ par Andrea Giovannini : le conditionnement optimal d’une charte scellée est souvent le plus cher et le plus gourmand en place ; un conditionnement moins coûteux implique une prise de risques plus importante (manipulations dangereuses, altérations lors du vieillissement des matériaux, etc.). Le choix est toujours apprécié par rapport à une situation particulière, en concertation avec le conservateur et les responsables de la conservation.

1

Les contraintes du conditionnement de la charte de Louis d’Orléans

Le conditionnement d’un acte scellé résulte d’une réfléxion autour de trois grands types de contraintes :   

1.1

les contraintes intrinsèques, imposées par l’archive elle-même (constitution physicochimique et fonctionnalité) les contraintes définies par l’usage que l’on en fait (conservation et cotation au sein d’une série ; transports ; manipulations) les contraintes relatives aux moyens disponibles (moyens financiers ; moyens matériels installés dans les magasins d’archives).

Les contraintes intrinsèques

Comme de nombreuses chartes scellées, l’acte de Louis d’Orléans se caractérise par une hétérogénéité des matériaux : parchemin, soie et cire à sceller. D’un point de vue fonctionnel, le sceau s’oppose au parchemin par sa forme tridimensionnelle et sa fragilité mécanique, qui implique un calage spécifique et une position horizontale du document pour éviter tout écrasement ou bris de cire. Par ailleurs, les lacs supportent un poids important et sont donc soumis au phénomène de fluage. La réduction de la contrainte est décisive pour la protection des fils de soie. D’un point de vue physico-chimique, le pH des matériaux représente un facteur important dans le choix des supports de conditionnement : la cire a un indice d’acide Ia élevé et peut se saponifier en présence d’une base ; la soie est naturellement acide; le parchemin, de par sa fabrication, a un pH supérieur à 7. Les matériaux de conditionnement qui sont en contact direct avec l’archive doivent par conséquent avoir un pH neutre, de préférence à un pH alcalin qui pourrait altérer la cire et la soie. La particularité essentielle du sceau de louis d’Orléans tient dans son type biface. La lecture du sceau est associée à une rotation de l’empreinte de cire autour du nœud des lacs, ce qui altère ce dernier de manière notable. Le conditionnement de la charte devra donc être conçu de manière à faciliter la consultation du dos du sceau tout en évitant les manipulations par les chercheurs. Un support de consultation de remplacement est, dans ce cas précis, une solution avantageuse.


184 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

1.2

Les contraintes d’usage

La charte de Louis d’Orléans fait partie d’une série très rarement consultée, et donc très rarement manipulée. Sa cotation comprend également six autres archives en parchemin. Les problèmes posés par son reconditionnement se résument à deux aspects essentiels : d’une part, des conséquences matérielles au sein du magasin d’archives (extension spatiale ; agencement des formats de boîtes) ; d’autre part, des conséquences archivistiques liées à la cotation des archives (marquage et repérage; séparation physique d’une cote en deux conditionnements distincts). Intimement liés, ces deux problèmes touchent à la localisation et à la documentation des archives. Toute perte matérielle de document ou d’information sur le document est une dégradation du fond d’archive423. Les contraintes d’usages comprennent également des facteurs subjectifs extrêmement importants pour la préservation des archives : le ‘niveau de formation et de motivation du personnel des dépôts’424, les habitudes des magasiniers, la familiarité des chercheurs avec la manipulation des documents scellés (ce facteur étant très délicat à apprécier).

1.3

Les contraintes financières et matérielles

Un des problèmes immédiats posés par le conditionnement de la charte de Louis d’Orléans est son coût. Selon les options de conservation retenues, on estime que la protection d’un petit parchemin scellé (format A4 environ) peut coûter de 3 à 25 euros425. Le prix d’une boîte conçue pour un parchemin de grand format ou multiscellé, par exemple, dépasse très largement ce prix. Ors, les budgets mobilisables par les Archives sont généralement de plus en plus restreints. Pour un atelier de restauration privé, les conséquences de cette limitation s’apprécieront au niveau de la qualité des matériaux de conditionnement et de la durée de mise en œuvre du conditionnement (et donc sur sa fonctionnalité). Le dialogue avec le commanditaire peut néanmoins être orienté sur l’investissement et l’amortissement à long terme d’un conditionnement de qualité. Les contraintes de moyens se concentrent autour des conditions générales de conservation : maîtrise climatique des magasins, niveau d’exposition à la lumière, probabilité d’une contamination biologique, présence de polluants atmosphériques. Depuis 2003, les Archives départementales de l’Indre ont été déplacées dans l’ancienne Ecole normale des filles de Châteauroux (Indre). Un corps de bâtiment, annexé à la cour ancienne (1888-1889), a été spécialement conçu pour l’aménagement des magasins d’archives. Ces derniers sont équipés d’un système de climatisation et de rayonnages orientés de manière à ce que la circulation de l’air soit optimale. Cependant, le mur donnant sur la 423

La dispersion des collections est un facteur de risque important, classée parmi les dix agents de détérioration cités par le Centre de Conservation du canada (CCI). En effet, la perte d’information ou la perte d’une archive touche la valeur patrimoniale totale du fond d’archive. Voir ROBERT WALLER R, PAISLEY S. CATO, ‘La dispersion’, http://www.cci-icc.gc.ca/crc/articles/mcpm/chap03-fra.aspx. 424 A. GIOVANNINI, ‘Indication sur la protection de masse pour des documents en parchemin avec sceau pendant’, Deuxième table ronde des Restaurateurs de sceaux, Le conservation préventive des sceaux en cire : bilan et perspectives, 12 et 13 juin 2003, Comité de Sigillographie, Archives nationales de France, p.8 425 A. GIOVANNINI, Op. cit., p. 10


185 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement rue de ce bâtiment est orienté plein nord, ce qui entraine des variations de température et d’hygrométrie dans les magasins426. Ces variations sont de deux ordres : des variations temporelles saisonnières, de l’ordre de 10% ; des variations locales dans les magasins (zones jouxtant le mur externe ; aires de soufflerie des climatisations), non quantifiées. Les boîtes d’archivages constituent un matériau tampon, régulant ces variations à proximité des archives. Les écarts journaliers de température et d’humidité relative sont néanmoins minimes, de l’ordre de 20°C 5%. Ainsi, les dégradations des matériaux par fatigue mécanique sont considérablement diminuées. Les archives peuvent être exposées à la lumière en trois occasions : en salle de lecture ; dans le cadre d’une exposition temporaire ; dans les magasins, lorsque les lumières des rayonnages sont allumées (et que les documents ne sont pas conditionnés). Dans le cas de la charte de Louis d’Orléans, le risque d’altération photochimique est très faible : conditionné en boîte, l’archive n’est pas mise en exposition temporaire ni fréquemment demandée pour la consultation. A l’inverse, le risque de dégradation par des polluants ne peut être écarté. La grande quantité de boîtes Cauchard anciennes et de documents en papier de pâte mécanique, riche en lignine et très acides (archives du XIXe et XXe siècle) est à l’origine d’une pollution de l’atmosphère des magasins, dont celui de la série J : acide acétique et autres acides, souffre427. Les boîtes de conditionnement adaptées peuvent en ce cas jouer le rôle d’absorbeur des composés organiques volatil, pendant une durée déterminée. La contamination biologique des archives est rendue possible par des versements et dons porteurs de micro-organismes. Aux Archives départementales de l’Indre, deux cas ont été détectés. Parmi les documents des séries anciennes et modernes (dont la série J) conservés dans les magasins, certains ont visiblement été colonisés par de micro-organismes (champignons ou/et bactéries). Le mycélium n’est plus actif, mais les spores peuvent être viables. Le second cas, plus inquiétant, est celui du fond Balzan, récemment réceptionné et contaminé par moisissures actives. Le fond n’a pas été transféré dans les magasins, et est en transfert dans la salle de conditionnement. Cet exemple est significatif à plus d’un titre : d’une part, il montre que, par le passé, des documents contaminés ont très probablement été mis dans les magasins ; d’autre part, il rappelle que le risque de contamination est toujours présent. Seule la vigilance climatique des lieux de conservation peut empêcher le développement des micro-organismes. L’attention aux seuils maximum d’humidité relative et de température est primordiale.

426

Ces infirmations sont été recueillies lors d’un stage effectué aux Archives départementales de l’Indre, en juin 2009. Une formation du personnel réalisée par Madame Laure Méric du CCL d’Arles, spécialisée en conservation préventive, a permis de synthétiser des valeurs enregistrées pas les thermohygromètres mécaniques et électroniques. 427 Les boîtes Cauchard contiennent des différentes proportions de souffres selon leur date et leur procédé de fabrication. Les boîtes anciennes émettent de l’acide acétique et du souffre, dont l’odeur imprègne les magasins d’archives. Voir M.-D. PARCHAS, « Travaux de recherche et de conservation 2006 », http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/static/1121


186 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

2

Les objectifs du conditionnement

Monsieur Du Pouget, conservateur des Archives départementales de l’Indre, a souhaité une disposition à plat de la charte, et un conditionnement dans une boîte. Les matériaux doivent être de pH neutre et adapté à la conservation d’un document d’archive. Le calage de la charte et du sceau doit être simple, peu couteux et facile à réaliser en atelier. La mise en œuvre doit prendre le minimum de temps. Ces contraintes sont celles de conditionnements réalisés pour des séries d’archives, et non pour un document individuel très prestigieux. Ce conditionnement pourrait également servir de modèle ou de référence pour les Archives départementales de l’Indre.

3

Sélection des matériaux et fonctionnalité du conditionnement

Avec l’accord de Monsieur du Pouget, nous avons choisi des matériaux stables et conseillés par le comité de sigillographie428 pour le conditionnement de charte scellé. Pour limiter les coûts des matériaux, nous avons préférer commander une boîte plutôt que la faire en atelier. Ce choix est guidé par des nécessités économiques, temporelles et fonctionnelles (poids et résistance des boîtes) qui sont très souvent celles des Archives souhaitant reconditionner des séries. Un plateau en carton ondulé amovible doit permettre de retirer la charte de la boîte. Le calage sera réalisé en carton de conservation et papier, plutôt qu’en Plastazote dont le vieillissement est incertain. Le maintient de la charte sera réalisé dans un polyester de conservation Mylar. Nous avons choisi de ne pas réfléchir en terme de produit d’origine naturelle/produit synthétiques, conditionnement sans colle/ conditionnement avec adhésif, mais de penser à une fonctionnalité adapté au document avec le meilleur compromis entre résistance mécanique et stabilité chimique.

4

Mise en œuvre du conditionnement

Avec l’accord de Monsieur du Pouget, conservateur des Archives départementales de l’Indre, nous avons choisi une pHi-box pour sa légèreté et sa très bonne résistance mécanique et chimique (bien qu’ayant un coût relativement élevé). Nous avons eu la très grande chance de pouvoir réaliser le calage interne dans l’atelier de restauration de la Bibliothèque nationale de France. Un plateau de support amovible a été découpé dans un carton ondulé de conservation, à pH neutre. Pour maintenir le parchemin, on a préféré adopter un système de coins en Mylar, passé à travers des fentes et fixés au-dos du carton ondulé. Ce type de maintien permet une manipulation du parchemin sans risque, contrairement aux languettes de Mylar qui obligent à plier le parchemin pour prendre la charte. On a préféré ne pas poser de Mylar sur toute la surface du parchemin, car sa brillance gène la lecture et le couvercle de la boîte suffit à protéger la charte. Le calage du sceau a été effectué avec des bandes de carton ondulé pliées en deux (pour éviter de laisser un bord abrasif et pour bénéficier des propriétés ‘gonflantes’ du carton ondulé) et passés à travers des fentes dans le plateau. Ces bandes 428

A. GIOVANNINI, ‘Indication sur la protection de masse pour des documents en parchemin avec sceau pendant’, Deuxième table ronde des Restaurateurs de sceaux, Le conservation préventive des sceaux en cire : bilan et perspectives, 12 et 13 juin 2003, Comité de Sigillographie, Archives nationales de France, p.8


187 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement sont maintenus au dos du plateau par un système simple de petites languettes ouvertes de par et d’autre des fentes. Les bords du calage, très résistants à la compression, dépassent de 15 millimètres la hauteur maximale du sceau.

5

Moulage et référencement du sceau de Louis d’Orléans

Après réfléxion avec Monsieur du Pouget et Madame Prévost, restauratrice de l’atelier des Sceaux des Archives nationales, il a été décidé de mouler le sceau pour disposer d’un support de lecture annexe. Ce moulage permettra en outre de compléter la série ouverte Supplément429 des collections sigillographiques des Archives nationales, les empreintes originales des deux moulages anciens conservés dans cette série n’étant pas connues (voir à ce propos la fiche d’identification du sceau de Louis d’Orléans). L’opération de moulage demandant une grande expérience a été réalisée par Madame Prévost, à l’aide de silicone de conservation. Les tirages en plâtre patiné sont actuellement aux Archives nationales de France, en attente de rentrer dans la série Supplément. Lors de l’attribution d’un numéro de référence de moulage, il sera possible d’intégrer cette donnée au dossier de restauration.

Figure 35 : Conditionnement de la charte

429

Voir la Fiche d’identification du sceau


188 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

6

Conclusion

La réfléxion autour de la restauration de la charte de Louis d’Orléans, croisant étroitement approche technique, scientifique et historique, a été l’élément moteur de ce travail de mémoire. Le travail sur un acte scellé ouvre nécessairement sur l’approfondissement de ce qu’est le métier de restaurateur : élargir et affiner ses connaissances des matériaux et des techniques ; croiser les regards avec d’autres professionnels ; partager ces expériences. Les stages de fin d’étude aux Archives nationales de France et à la Bibliothèque nationale de France m’ont permis de prolonger ce travail en contribuant à la mise en place de projets d’équipe sur des actes scellés. Ces projets à long terme, ouverts sur différents aspects professionnels (recherche fondamentale, recherche appliquée, acquisition et transmission de savoir-faire) m’ont fait comprendre la richesse du dialogue entre corps de métier, dialogue qui ne s’est jamais tari tout au long de ce travail de mémoire.


189 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement


190 Annexes

ANNEXES


191 Annexes ANNEXES I

GLOSSAIRE DE DIPLOMATIQUE ET DE SIGILLOGRAPHIE

Les définitions de ce glossaire sont tirées de deux ouvrages : Diplomatique médiévale [GUYOTJEANNIN et al., 2006], et du Vocabulaire international de la sigillographie [BAUTIER, RICCI, (sous la dir. de), 1990].

A

Acte public : acte émané d’une autorité publique (pape, souverain, prince territorial, autorité disposant d’une juridiction réputée publique), agissant en vertu de cette autorité. (Synonyme : ‘instrument’ : d’origine juridique et notarial, il n’est guère employé comme tel (acte notarié). Acte privé : acte émanée d’une personne privée, physique ou morale (une abbaye, un bourgeois,…) ou bien d’une personne publique agissant à titre privé ou pou le comte de personnes privées. Adresse : partie du corps du texte indiquant le destinataire de la charte. Elle peut être générale, individuelle, ou destinée à un groupe de personne. Elle fait partie du protocole, c'est-à-dire de la partie initiale du texte. Anneau sigillaire : bague surmontée d’un camée ou d’une intaille qui servait de matrice aux souverains du Haut Moyen Age. Annonce : partie du corps du texte présentant le ou les signes de validation. Elle se situe en fin de texte. Appendice de préhension : partie de la matrice qui la prolonge […] afin de la suspendre, de la saisir et de l’appliquer plus commodément sur la matière destinée à recevoir l’empreinte. Attaches : liens passant à travers le support au moyen d’une incision et destinés à recevoir le sceau. Audience du sceau : L’audience du sceau désigne le tribunal de la Grande chancellerie royale chargé de valider et sceller les actes qui lui sont envoyés. Par extension, l’audience du sceau désigne la séance durant laquelle les officiers royaux validaient et scellait ces actes. Auteur (d’un acte, ou ‘auteur d’un acte écrit’) : personne au nom de qui l’acte est dressé.

B

Bénéficiaire : voir destinataire. Bourrelet : repli formé de pliages multiples. Bulle : disque de métal qui porte, normalement sur les deux faces, l’empreinte obtenue par l’apposition de la matrice. Selon les matières, on distingue : les bulles de plomb, les bulles d’or et les bulles d’argent. Au sens large (diplomatique), il s’agit d’un acte émané du pape, et scellé du sceau rond de plomb qui caractérise la chancellerie pontificale.

C

Cachet : sceau de clôture de petite dimension, normalement plaqué sur une lettre ou bien sur une chose quelconque pour l’authentifier tout en protégeant son contenu, pour qu’on ne puisse en prendre connaissance sans briser ce cachet ou son attache, sans décacheter le lettre ou la chose. A l’époque contemporaine, il peut désigner une empreinte obtenue à l’aide d’un timbre humide. Champ : partie du sceau qui comporte l’image et est généralement limitée par un filet ou un


192 Annexes grènetis. Charte : à proprement parlé, il ne s’agit pas d’un terme technique, mais plutôt d’un terme générique, recouvrant une variété confuse de documents. On l’emploie généralement pour désigner un acte écrit, émanant le plus souvent d’une autorité royale, religieuse ou seigneuriale, mais jamais à une époque où l’auteur multiplie les documents dans le cadre d’une administration ad hoc. Une charte contient soit une concession de biens, de droits…, soit une décision judiciaire. Chartier : au sens strict, il s’agit de l’ensemble des chartes conservées par une personne physique ou morale, le plus souvent un seigneur, une institution ecclésiastique ou une ville, pour faire la preuve de ses droits ou conserver la mémoire de son histoire. Dans uns sens plus général le mot peut désigner un fond d’archives remontant à l’époque médiévale et comportant un certain nombre de chartes. Chauffe-cire : officier de chancellerie qui […] préparait matériellement la cire […] pour le scellage des actes. Le chauffe-cire pouvait être aidé par un valet chauffe-cire. Chirographe : un moyen de validation très sûr, employé dès le Xe siècle. L’acte était rédigé en deux exemplaires (ou plus) sur une même feuille de parchemin. Entre les deux blocs de texte, le scribe écrivait un ou quelques mots (la ‘devise’), puis coupait la feuille au milieu de cette même devise. Le chirographe n’est utilisé que lorsque les parties contractantes souhaitent conserver un exemplaire de l’acte, au cas où un litige surviendrait. Les deux parties sont alors rapprochées, et l’originalité de l’acte est prouvée. Cire à cacheter ou cire d’Espagne : apparue en Italie vers 1500, la cire d’Espagne est introduite en France vers le milieu du XVIe siècle. Venue des Indes, Venise -avec ses comptoirs méditerranéens- en fut le premier entrepôt, avant que l’Espagne et le Portugal n’en fassent un commerce florissant. C’est la cire des cachets que l’on retrouve couramment sur les missives et les actes notariés, jusqu’au XIXe siècle. Rouge vermillon à l’origine, on en trouve par la suite des exemplaires bruns ou noirs ; au XIXe siècle, toutes les couleurs sont disponibles. A la différence des cires de scellage, il s’agit d’un mélange laqué, à base de térébenthine de sapin et de gommelaque, auquel on ajoute des pigments organiques (kermès pour le vermillon) ou non. Contre-sceau (du latin contrasigillum) : sceau de plus petite dimension empreint au dos d’un grand sceau pour parfaire la validation et rendre plus difficile une falsification. C’est généralement un petit sceau en étroite relation avec le sceau lui-même, soit que la légende continue celle du sceau, soit qu’elle comporte des mots tels que contrasigillum, clavis sigilli, secretum sigilli. Cordons : attache faîte, à la façon d’un câble, de fils (de soie ou de lin) assemblés ou tordus et parfois terminés par des glands. Il peut se présenter sous la forme de cordons plats ou tubulaires (lacets). Cordelette : attache faîte, à la façon d’une ficelle, de plusieurs cordons tressés ensemble. Creux (moule) : Instrument qui, résultant du moulage, permet de reproduire l’objet en respectant tous ses reliefs. D

Destinataire : personne qui reçoit un acte et qui, en principe, le conserve dans ses archives à titre de preuve. On parle aussi de « bénéficiaire » de l’acte, pour désigner la personne qui, plus que toute autre, bénéficie de l’acte. Mais bénéficiaire et destinataire peuvent être différents. Par exemple dans un mandement du roi (auteur et disposant) ordonnant à un bailli (destinataire) de mettre une abbaye (bénéficiaire) en possession d’une terre. L’acte a toutes les


193 Annexes chances d’aller dans le chartrier de l’abbaye. Diplôme : acte émané d’un souverain. Disposant ou auteur de l’action juridique : personne qui crée l’action juridique consignée dans l’acte (c’est donc celui qui donne, qui vend, qui tes, etc.). Dispositif : partie du texte constituant le cœur même de l’acte. Il précise la décision prise par l’auteur. Il est suivi de clauses secondaires, relatives au dérogatives, réserves, injonctions, etc., apportées à la décision. Dos du sceau : côté opposé à la face. Il peut être plat ou bombé (convexe) et recevoir un contresceau. Double queue (du latin cauda duplex.) : languette de parchemin, indépendante du support, passée à travers celui-ci au moyen d’une fente et sur laquelle est apposé le sceau. Les extrémités de la languette peuvent être emprisonnées sous le gâteau de cire ou bien être laissées libres audelà de celui-ci. Droit du sceau : dans les sceaux bifaces, le droit du sceau est la face de l’empreinte qui correspond au droit ou avers de la matrice. E

Encadrement ou bordure du champ : figure ornementale plus ou moins complexe (trèfle, quadrilobe, rosace ; polylobe simple ou à redans ou à festons, étoile, etc.) qui enferme le champ en le séparant de la légende. Enregistrement : copie systématique d’actes, effectuée par leur auteur au fur et à mesure de leurs promulgations, et donc dans l’ordre chronologique. Cette copie se fait dans un livre relié, appelé registre, ou sur un rouleau. Eschatocole : dernière partie du corps du texte, comportant la date, éventuellement une formule d’appréciation (par exemple feliciter in domino, ou encore amen), parfois des mentions hors teneur. Exergue : partie du sceau comprise entre le bord de l’empreinte et le champ. Il est généralement délimité par deux filets ou deux grènetis et il comporte la légende qui mentionne le sigillant. Exposé : récit situé avant le dispositif et expliquant ce dernier : origine ou motivations de l’action ou étapes déjà effectuées. Il n’a pas de valeur juridique.

F

Face ou avers : côté qui porte imprimé le type. Flocs : lacs auxquels l’absence de toute torsion laisse un aspect souple et ondulant. Forme : figure que dessine le bord de la matrice ; ce peut être une forme géométrique simple ou complexe (forme ronde, en navette, quadrilobée, etc.).

G

Gâteau de cire : masse de cire, préalablement amollie, qui est appelée à recevoir l’impression de la matrice. Grand sceau (du latin sigillum magnum, sigillum maius) : sceau principal d’une autorité publique ou d’une personne morale, destiné à valider ses actes les plus solennels et, plus généralement, ceux par lesquels elle engage sa propre responsabilité à l’égard des tiers. Il n’y a, en principe, qu’un seul grand sceau en service. Gravure : opération qui consiste à fabriquer la matrice en y gravant l’image et la légende. Par extension, le résultat de cette opération. Grènetis : succession discontinue de grains ou perles.


194 Annexes L

Lacs : attaches faites d’un ensemble de fils de soie (ou autre matière textile), non tissés, non tressés (ou tressés de façon très souple), simplement assemblés. Légende : partie du sceau formée par les mots qui accompagnent l’image pour permettre l’identification du sigillant ; elle suivant généralement le bord du sceau, elle en occupe l’exergue, mais elle peut aussi se trouver dans le champ ou bien se prolonger dans celui-ci ou sur le revers de sceaux bifaces ou encore sur le contre-sceau. Elle peut se présenter sur deux ou même plusieurs lignes. Le début de la légende est le plus souvent précédé d’une croix initiale, laquelle est le plus souvent placée sur l’axe supérieur du sceau.

I

Incision : opération par laquelle une ouverture est pratiquée dans le support du document à l’aide d’un instrument tranchant (stylet) ou perforant (poinçon). Par extension, le résultat de cette opération. Elle peut être cruciforme, linéaire ou en étoile. Invocation : partie située à la tête du texte. Elle place la charte ou l’action juridique sous le patronage de Dieu ou d’un saint.

M Matrice : instrument portant, gravées en creux ou à l’envers, les marques distinctives d’une autorité ou d’une personne physique ou morale (c'est-à-dire le type) et destiné à être imprimé sur un support. Cette matrice est parfois appelée « sceau », d’où une certaine confusion entre l’instrument, l’empreinte et le moyen de validation. Matrice plate des sceaux bifaces : cette matrice comporte deux ou quatre oreilles portant sur une face les éléments mâles, dits tenons ou rivets, et sur l’autre des éléments femelles, dits œillets, au moyen desquels les deux faces s’ajustent exactement l’une sur l’autre pour dégager simultanément le type, de part et d’autre, sur le gâteau de cire disposé entre les deux. Mentions hors teneur : écrits situés au bas de la charte, hors du corps du texte, ce sont de courtes mentions relatives à l’élaboration de l’acte, et non à l’action juridique (nom du greffier, de celui ou ceux qui ont donné l’ordre de l’élaboration de la charte). Moulage : le moulage est l’opération qui permet l’exacte reproduction d’un objet, par l’emploi d’une matière qui en épouse parfaitement les volumes. Par extension, la reproduction ou l’épreuve qui en résulte. N

Nœuds (du latin nodi) : les nœuds résultent de l’assemblage, obtenu en les nouant une ou plusieurs fois, des deux parties des attaches une fois passées à travers les fentes ou les oculi du support pour les assujettir à celui-ci et avant que leur extrémités reçoivent le sceau. Outre leur rôle fonctionnel, les nœuds peuvent présenter des combinaisons ornementales.

O

Oculi (sg : oculus ; du latin oculus, « petit œil ») : excisions pratiquées dans le support ou, plus fréquemment, dans son repli, soit circulaires (obtenues par un poinçon) soit en losange ou en forme de polylobe (obtenu par découpage), afin de faciliter le passage des attaches.

P

Protocole : partie du texte située en tête de la charte. Il comporte l’invocation, la suscription, l’adresse et le salut.

R

Rédacteur : personne qui rédige l’acte (au Moyen Age on dira « qui dicte », composer un texte se disant dictare, et le rédacteur dictator). Le scribe est celle qui le met par écrit dans sa version définitive et officielle.


195 Annexes Repli (du latin plica) : renfort de la partie inférieure du support par simple pliage et dans lequel sont normalement percés fentes ou oculi. Ruban : attache faîte d’un tissu, généralement de soie, plat, étroit et souple. S

Salut : inséparable de l’adresse, le salut se compose généralement de quelques mots. Il peut s’agir d’une formule de perpétuité, soit une salut proprement dit, éventuellement assorti d’une bénédiction. Sceau (du latin sigillum) : au sens général du terme, une empreinte obtenue sur un support par l’apposition d’une matrice présentant des soignes propres à une autorité ou à une personne physique ou morale en vue de témoigner de la volonté d’intervention du sigillant. De façon courante, il désigne l’empreinte imprimée sur de la cire ou autre matière molle (glaise, papier, etc.), par opposition à la bulle imprimée sur une matière métallique. Par extension, le mot peut désigner aussi la matrice d’où est tirée cette empreinte. Sceau pendant (du latin sigillum pendens) : sceau qui est apposé sur des attaches passées à travers le support et qui en deviennent définitivement solidaires par le scellage. Sceau de validation : sceau dont l’apposition a pour but de conférer à la chose ainsi marquée une attestation et, plus particulièrement, de donner au contenu du document une garantie d’authenticité. Sceau biface : sceau double, dont le droit et le revers, de même dimension, se complètent pour constituer un ensemble, normalement obtenu à l’aide d’une matrice formée par deux éléments s’ajustant exactement l’un sur l’autre. Sceau de juridiction : sceau dont usait une autorité, laïque ou ecclésiastique, dans l’exercice de ses attributions judiciaires, contentieuses ou gracieuses. Sceau en navette : sceau formé de deux segments de cercle de même rayon qui se coupent en imitant la forme de la navette du tisserand, les pointes inférieures et supérieures pouvant être plus ou moins arrondies. Cette forme convient surtout aux sceaux de type pédestre, spécialement ecclésiastique ou féminin. Sceau rond : sceau de forme circulaire, qui convient au type de majesté, aux types équestre, monumental, hagiographique, naval et héraldique. Sceau du secret ou sceau secret (du latin sigillum secreti) : sceau de petite dimension, dont use le détenteur d’une autorité publique pour sceller ses missives ou, plus généralement, les pièces qui le concernent personnellement. Il peut aussi servir de contre-sceau ou être utilisé comme sceau de substitution en cas d’absence du grand sceau. Sceau sous papier : empreinte en placard obtenue par un scellage d’une mince couche de cire, préalablement recouverte d’une pièce de papier. Scellage ou apposition du sceau : opération par lequel un sceau est appliqué à une chose et notamment à une pièce diplomatique. Scellage multiple : validation d’un acte par l’apposition de plusieurs sceaux appartenant à différents sigillants. Scellement ou mode d’apposition du sceau : le scellement désigne les différents systèmes selon lesquels les actes sont matériellement scellés. Scelleur : officier de chancellerie qui est chargé de l’opération matérielle de l’apposition du sceau ou de la bulle sur les documents. Sigillant : autorité ou personne physique ou morale au nom de qui la matrice est imprimée et dont elle porte les marques distinctives. C’est donc le possesseur du sceau, à distinguer du


196 Annexes scelleur ou du garde du scel, ainsi que du bénéficiaire du sceau d’emprunt. Signet : sceau, généralement de très petite dimension, destiné au Moyen-Age à marquer l’intervention personnelle du sigillant. Ce sigillant […] peut se servir aussi de son signet en contre-sceau d’un autre sceau, ou bien pour la clôture et le scellage de ses lettres et pièces de caractère privé, ou encore pour marquer plus expressément sa volonté sur des actes expédiés sous un autre sceau. Simple queue (du latin cauda simplex) : languette détachée du support par incision sur une partie de sa longueur et qui est destinée à recevoir le sceau. Scripteur : personne qui rédige matériellement le texte de l’acte juridique. Suscription (ou intitulation): partie du corps du texte suivant ordinairement l’invocation, ou, à défaut, se trouve en tête de la charte. L’auteur s’y présente. T

Timbre sec : empreinte obtenue par une forte pression qui emboutit le papier et dégage en relief les signes gravés sur la matrice métallique. Cette matrice est composée de deux éléments parfaitement superposables et identiques, mais gravés l’un en creux et à l’envers, l’autre en relief et à l’endroit. Timbre humide : empreinte obtenue à l’aide d’une matrice humide. Cette matrice est gravée en relief et à l’envers, en métal, en bois, et, à l’époque moderne, généralement en caoutchouc ou bien en résine synthétique, qui empreint le support à l’aide d’un produit colorant (encre grasse, vernis, minium, cinabre…) Tranche : épaisseur du bord de l’empreinte, c’est-à-dire la partie de matière comprise entre le droit et le revers. Tresses : attache faite de fils ou de brins de soie (ou autre matière textile) soigneusement torsadés et entrelacés. Type : ensemble des éléments gravés sur la matrice et empreints sur le sceau […]. Par extension, l’image qui confère au sceau son caractère essentiel, ou la catégorie à laquelle ressorti l’image qui est figurée sur le sceau et qui permet de la caractériser. On dit donc type équestre, type monumental, type de majesté, etc. les sceaux bifaces comprennent un type de droit et un type de revers. Type équestre de guerre : type équestre ou le sigillant est représenté en chevalier, pourvu de son armement militaire, casque en tête, lance, pennon ou épée d’une main, et écu de l’autre.


197 Annexes ANNEXE II

TYPOLOGIE D’UNE MATRICE DE SCEAU BIFACE ET D’UN SCEAU

1 2 7

3 4

5

6

Cliché n° 100

Cliché n°31 (Page 58)

11

9

63

3

3

8 3

10 3

2

5

3

3

3

4

3

3

Cliché n° 101

1. 2. 3. 4.

Œillet ou mortaise Légende Fond du champ Image définissant le type

Cliché n° 102

5. 6. 7. 8.

Filet intérieur Filet extérieur Charnière Rebord

9. Lacs 10. Exergue de la légende 11. Bord du sceau

Cliché n°31: Avers d'une matrice de sceau biface dite « à tenons et mortaises » ou « à oreillettes ». Copie moderne en bronze, dos manquant. AN, Cabinet de sigillographie, matrice 846 Cliché n°100: Matrice double à charnière du sceau de Figeac, bronze, vers 1302-1310. H 10 x l 17 x prof 1,5. Musée Champollion, inv. 06.02.1. Musée Champollion Cliché n°101 : Sceau espagnol bleu à rebord rouge.AN, collection des sceaux détachés, Cliché n°102 : Sceau d’abbé


198 Annexes

ANNEXE II

BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES

PARTIE HISTORIQUE I. [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7]

[8] [9] [10]

Ouvrages généraux BELY L., Dictionnaire de l’Ancien Régime, Presses Universitaires Françaises, Collection Quadrige, Paris, 2003, 1408p. BELY L., La France moderne, Presses Universitaires Françaises, Paris, 1994, 670p. CABOURDIN G., VIARD G., Lexique historique de l’Ancien régime, éditions Armand Colin, e Collection U, 3 édition, Paris, 2005, 333p. e e e DELSALLE P., La recherche historique en archives : XVI -XVII -XVIII siècles, éditions Ophrys, Collection Documents et Histoires, édition revue et mise à jour, 1997, 217p. e e e DELSALLE P., La France industrielle aux XVI -XVII -XVIII siècles, éditions Ophrys, Collection Synthèse  Histoire, Paris, 1993, 280p. FAURE E., La banqueroute de Law, 17 juillet 1720, éditions Gallimard, Collection ‘Trente journées qui ont fait la France’, Paris, 1977, 760p. (32 p. hors texte) HILDESHEIMER F., BIMBENET-PRIVAT M., Etat des sources de la première modernité conservées dans les archives et bibliothèques parisiennes, Centre historiques des Archives nationales, [non publié], 2006, 375p. LE ROY LADURIE E., L’Ancien Régime ,1610-1770, éditions Hachette, Collection ‘Histoire de France’, Paris, 1991, 461p. MEYER J., Le Régent (1674-1723), éditions Ramsay, Paris, 1985, 280p. ZYSBERG A., Nouvelle histoire de France, tome V, La monarchie des Lumières, 1715-1786’, éditions du Seuil, Collection ‘Points Histoire’, Paris, 2002, 552p. II.

[11] [12] [13]

[14] [15] [16] [17]

e

[19] [20]

e

BARBICHE B., Les institutions de la monarchie française à l’époque moderne, XVI -XVIII siècle, Presses Universitaires Françaises, Paris, 1999, 430p. e DOUCET R., Les institutions de la France au XVI siècle, éditions Picard, Paris, 1948, 971p. e MICHAUD H., La grande chancellerie : les écritures royales eu XVI siècle, 1515-1589, Tome XVII, Mémoires et documents publiés par la société de l’Ecole des chartes, Presses Universitaires Françaises, Paris, 1967, 419p. e MICHEL A., ‘La chancellerie de France au XVI siècle’, Le journal des savants, 1969, n°3, p. 145-157 MOUSNIER R., Les institutions de la France sous la monarchie absolue, tome 1, Presses e Universitaires Françaises, Collection ‘Histoire des institutions, 2 édition, Paris, 1990, 586p. RICHET D., Les institutions de la France moderne, éditions Gallimard, Paris, 1973, 188p. e ZELLER G., Les institutions de la France au XVI siècle, Presses Universitaires Françaises, Paris, 1948, 404p. III.

[18]

Histoire institutionnelle : le pouvoir monarchique sous l’époque moderne

Diplomatique (approche épistémologique et historiographique ; manuels)

BAUTIER R.-H., ‘Leçon d’ouverture du cours de diplomatique à l’Ecole des chartes’, Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, 199, 1961, p.194-225 ; réimpr. dans Chartes, sceaux et chancellerie, 2 vol., 923p., (Mémoires et documents de l’Ecole des chartes, n°34), tome 1, Paris, 1990, p.3-33 e e BAUTIER H.-R., ‘Typologie des actes royaux français, XIII -XV siècles’, Actes du congrès international de diplomatique, facultés des lettres, Porto, 1996, p.25-68 CALVO C., Dictionnaire Manuel de Diplomatie internationale public et privé, The Lawbook Exchange LTD., Clark, New Jersey, 2009, 467p.


199 Annexes [21] [22] [23]

GIRY A., Manuel de diplomatique, éditions Hachettes, Paris, 1894, (repr. Slatkine, Genève, 1975), XVI-944p. GUYOTJEANNIN O., PYCKE J., TOCK B.-M., Diplomatique médiévale, édition Brepols, Collection ‘L’Atelier du médiéviste, n°2’, Paris, 1993, 486p. TESSIER G., La diplomatique royale française, éditions Picard, Paris, 1962, 341p. IV.

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[27] [28] [29]

[30] [31] [32]

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Sigillographie et héraldique

AUDOUIN G., L’art héraldique, éditions Mémoire & Documents, Versailles, 2005, 254p. e BARBICHE B., ‘De la commission à l’office de la couronne : les gardes des sceaux de France du XVI e au XVIII siècle’, Bibliothèque de l’école des chartes, tome 151, livraison 2, Paris, 1993, p.359-390 BAUTIER R.-H., ‘Le cheminement du sceau et de la bulle des origines mésopotamiennes au e XIII siècle occidental’, Revue française d'héraldique et de sigillographie, fasc. 54-59 (1984-1989), Paris, p. 41-84 BAUTIER R.-H., ‘Normalisation des règles pour l'établissement de notices descriptives de sceaux’, Revue Française d'Héraldique et de Sigillographie, Paris, 1984-1989, n° 54-59, Paris, p.15 -29. BAUTIER H.-R. &al, Il sigillo, imponta dell’uomo, éditions Giorgio Mandadori, 1995, 223p. BEDOS-REZAK B., ‘Une image ontologique : sceau et ressemblance en France préscolastique’, e Etudes d’histoires offertes à Jacques Tirion : des premiers temps chrétiens au XX siècle, 2001, 373p., p. 39-50 BEDOS-REZAK B., ‘L’emploi des contre-sceaux au Moyen Age : l’exemple de la sigillographie urbaine’, Bibliothèque de l’école des chartes, tome 138, Paris, 1980, p. 161-178 BLANC-RIEHL C., ‘Le prémices de la sigillographie française (1830-1880)’, Bulletin de liaison des sociétés savantes, Paris, mars 2007, n°12, p.6-8 BLANC-RIEHL C., ‘La sigillographie : une science faite pour les historiens de l’Art’, Pourquoi les sceaux ? La sigillographie, nouvel enjeu de l’histoire de l’Art, Actes du Colloque de Lille 23-25 octobre 2008, sous la direction de Jean-Luc Chassel et Marc Gil, IRHIS n°46, Lille, 2012, p. 127-136 BLANC-RIEHL C., ‘Trois prestigieuses acquisitions des Archives nationales : les matrices du chancelier Etienne III d’Aligre et de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie’, Revue française d’héraldique et de sigillographie, tome 76, Paris, 2006, p.169-173 BONY P., Un siècle de sceaux figurés (1135-1235), éditions Le léopard d’or, Paris, 2002, 185p. CHASSEL J.-L., DALAS-GARRIGUES M., ‘Bibliographie de la sigillographie française (1982-1986)’, Revue française d'héraldique et de sigillographie, fasc. 54-59 (1984-1989), p. 237-256 ; (19871991), fasc. 60-61 (1990-1991), p. 255-281. e e CHASSEL J.-L., ‘L’usage du sceau au XII siècle’, Le XII siècle : mutations et renouveau en France e dans la première moitié du XII siècle, Les Cahiers du Léopard d’or n°3, éditions Françoise Gasparri, Paris, 1994, p. 61-102 e CHASSEL J.-L., ‘L’essor du sceau au XI siècle’, Bibliothèque de l’École des chartes, tome 155, Paris, 1997, p. 221-234. Conseil international des archives, Comité international de sigillographie, Vocabulaire international de la sigillographie ; recommandations pour l'établissement de notices descriptives de sceaux [sous la dir. de Stefania RICCI et Robert-Henri BAUTIER], Rome, 1990, 389 p., pl. (Pubblicazioni degli archivi di stato, Sussidi, 3). COLLON D., BETTS H. J., 7000 years of seals, British Museum Press, Londres, 1997, 240p. COULON A., ‘Éléments de sigillographie ecclésiastique française’, Revue d'histoire ecclésiastique de la France, 18 (1932), p. 30-59, 163-188, 341-368 ; reproduit dans Victor CARRIERE, Introduction aux études d'histoire ecclésiastique locale, t. II, Paris, 1934, p. 109-215. COULON A., Le service sigillographique et les collections d’empreintes de sceaux des Archives nationales, éditions Honoré Champion, Librairie Ancienne, Paris, 1916, 156p. (8pl. hors texte) DALAS-GARRIGUES M. Corpus des sceaux français, Les sceaux des rois et de régence, tome 2, Archives nationales, Paris, 1991, 331p. DEMAY G., ‘La paléographie des sceaux de la Normandie, avec une liste alphabétique des mots abrégés’, Inventaire des sceaux de la Normandie, Imprimerie Nationale, Paris, 1881, p. III-XVIL DOUËT D'ARCQ L., Inventaire de la collection des sceaux des Archives de l'Empire, Paris, 3 vol., 1863-1866. FABRE M., Sceau médiéval, Analyse d’une pratique culturelle, édition L’Harmattan, Paris, 2001,


200 Annexes [46]

[47] [48]

[49] [50] [51]

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[54] [55] [56] [57] [58] [59] [60] [61]

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[63] [64] [65] [66] [67]

336p. FAWTIER R., ‘Ce qu’il advenait du sceau de la Couronne à la mort du roi de France’, Comptese rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, 82 année, n°6, Paris, 1938, p. 522-530 FRAENKEL B., La Signature. Genèse d’un signe, Gallimard, N.R.F., Bibliothèque des Histoires, Paris 1992, 319p. FRAENKEL B., ‘L’auteur et ses signes’, dans Auctor et auctoritas : invention et conformisme dans l’écriture médiévale, Actes du colloque de Saint-Quentin-en-Yvelines (14-16 juin 1999), sous la dir. de Michel ZIMMERMANN, Ecoles des Chartes, Paris, 593p., p. 413-427 GANDILHON R., Sigillographie des universités françaises, Paris, 1952, 128p. GANDILHON R., PASTOUREAU M., Bibliographie de la sigillographie française, Paris, éditions Picard, 1982, 22p. GUYOTJEANNIN O., ‘Sciences auxiliaires de l’Histoire médiévale’, Actes du congrès de la Société e des historiens médiévistes de l’enseignement public supérieur, 20 congrès, vol. 20, 1989, p.471499 JEAY C., Pour une histoire de la signature : Du sceau à la signature, histoire des signes de validation en France (XIIIe-XVIe siècle), positions des thèses de l’Ecole des Chartes, Paris, 2000, http://theses.enc.sorbonne.fr/2000/jeay LAURENT R., Les sceaux des princes territoriaux belges de 1482 à 1794, Bruxelles : Archives générales du royaume, (Archives générales du royaume et Archives de l’Etat dans les provinces, Studia 70), Bruxelles, 1997, 95p. (134 pl. hors texte) LEROY DE LA MARCHE A., Les sceaux, éditions Picard, Paris, 1889, 320p. METMAN Y., ‘La taille directe des sceau-matrices. Heurs et malheurs des graveurs de sceaux’, Les graveurs d’acier et la médaille, Hôtel de la Monnaie Paris, 1971, p.270 NIELEN M.-A., ‘Les sceaux : historique et problème de conservation’, Actes du colloque de l’IRHT : Les matériaux du livre médiéval, jeudi 15 janvier 2004, IRHT, 2004, p. NOCQ H, Les Duvivier, Essai d’un catalogue de leurs œuvres, Société de propagation des livres d’art, Paris, 1911, 318p. PASTOUREAU M., L’art héraldique, éditions du Seuil, Paris, 2009, p.131-132 PASTOUREAU M., Les sceaux, Turnhout, 1981, 76 p. PASTOUREAU M., ‘Les sceaux et la fonction sociale des images’, L’image, fonctions et usages des images dans l’Occident médiéval, Cahiers du Léopard d’or, Vol. 5, Paris, 1996, p. 275-308. PASTOUREAU M., ‘Les graveurs de sceaux et la création emblématique’, Artistes, artisans et production artistique au Moyen-Age, colloque international, Rennes, 2-6 mai 1983, volume I: "Les hommes", Paris, Picard, 1986, p. 515-522. PASTOUREAU M., ‘L’Etat et son image emblématique’, Culture et idéologie dans la genèse de l’Etat moderne, Actes de la table ronde de Rome (15-17 octobre 1984), publication de l’Ecole française de Rome, Rome, 1985, p 145-153 e e PASTOUREAU M., ‘La couleur en noir et blanc (XV -XVIII siècle)’, Le livre et l’historien, sous la dir. de BARBIER F. &al., édition DROZ, Paris, 1997, pp.197-213, 817p. REVIRIEGO B., BORDES F. (sous la dir.), Catalogue des sceaux ces Archives départementales de la Dordogne, Conseil général de la Dordogne, Périgueux, 1994, 117p. SMITH M.-H., ‘De la cire au papyrus, de la cire au papier : deux mutations de l’écriture ?’, Gazette du Livre médiéval, n°43, automne 2003, p.1-13 TESSIER G., ‘L’audience du sceau’, Bibliothèque de l’école des Chartes, tome 109, livraison 1, Paris, 1951, p. 51-95 e e VILLELA-PETIT I., Les techniques de moulage des sceaux du XV au XIX siècle, Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, tome 152, livraison 2, Paris, 1994, p. 511-520.

V. [68] [69] [70]

Iconographie du sceau des Ordres réunis et de Louis d’Orléans, grand-maître

COLLECTIF, Le Romain du Roi, la typographie au service de l’Etat : 1702-2002, éditions du Musée de l’Imprimerie et de la Banque, Lyon, 2002, 125 p. COLLECTIF, L’épée, Usages, mythes et symboles, catalogue de l’exposition du Musée de Cluny du 28 avril-26 septembre 2011, éditions RMN-Grand-Palais, Paris, 143p. JACQUIOT J., Médailles et jetons de Louis XIV d’après le Ms. De Londres Ad.31908, 4 vol.,


201 Annexes [71] [72] [73] [74]

Imprimerie nationales et Librairie Klincksieck, Paris, 1970, CLIX-1002p. REVERSEAU J.-P., Armes et armures de la couronne au musée de l’armée, éditions Faton, Dijon, 2004, 341p. SABATIER G., Le Prince et les Arts, Stratégies figuratives de la monarchie française de la Renaissance aux Lumières, éditions Champ Vallon, collection Epoques, Seyssel, 2010, 460p. SEVESTRE B., ‘La symbolique de Louvois dans la cour royale des Invalides’, Histoire, économie et société, vol.15, n°15-1, 1996, p.169-176. TAVARD C.-H., L’habit du cheval, selle et bride, éditions Office du livre, Fribourg, 1975, 296p.

VI. [75] [76]

[77]

LA CROIX GUILIEMAT P. (de la), Inventaires des Archives de l’Ordre militaire et hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem, 3 tomes, non publiés, 1996-2000, 319p. WODEY-COUTURAUD L., ‘Le collier des Ordres réunis de Notre-Dame du Mont-Carmel et de saintLazare de Jérusalem’, dans Histoire et Archives, revue semestrielle de la Société des Amis des Archives de France, n°4, éditions Champions, Paris, juillet-décembre 1998, p.7-30 LANGLE H.-M. (de), TREOURRET de KERSTRAT J.-L. (de), Les Ordres de Saint-Lazare de Jérusalem e e et de Notre-Dame du Mont-Carmel aux XVII et XVIII siècles, Collection S.R.H.N, 1992, 442p.

VII.

[78] [79] [80]

[81] [82] [83]

[84] [85]

[88] [89] [90] [91] [92] [93]

Histoire de la cire, de l’apiculture et des ciriers

ALBERT-LLORCA M., ‘Les servantes du Seigneur. L’abeille et ses œuvres’, Terrain, n° 10, p.23-36 e BOYE P., Les abeilles, la cire et le miel en Lorraine jusqu’à la fin du XVIII siècle, éditions BergerLevrault, Paris-Nancy, 108p. CASTER G., Le commerce du pastel et de l’épicerie à Toulouse (de 1450 à 1561), Mémoire et documents publiés par la société de l’Ecole des chartes, éditions Privat, Toulouse, 1962, 411p. COLLOMB G., (sous la dir.), L’abeille, l’homme, le miel, Catalogue de l’exposition du Musée des arts et traditions populaires, 23 octobre 1981-19 avril 1982, éditions de la Réunion des Musées Nationaux, Paris 1981, 227p. CRANE E., The world history of beekeeping and Honey Hunting, éditions Rutledge, 1999, 682p. CRANE E., The archeology of beekeeping, Cornell University Press, 1983, 360p. MARCHENAY M., L’homme et l’abeille, éditions Berger-Levrault, Paris, 1979, 207p. THEODORIDES J., ‘Historique des connaissances scientifiques sur l’abeille’, Traité de Biologie de l’abeille, éditions Masson, tome 5, Paris, 1968, 152p.

VIII.

[86] [87]

Ouvrage sur les Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel

Pièces justificatives : ouvrages imprimés

MONSIEUR DE LA ROQUE, Traité de la noblesse et de ses différentes espèces, Rouen, 1735 DIDEROT & D’ALEMBERT, Art de la soie, Recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux et les arts mécaniques, avec leur explication, réédition Inter-livre, Bibliothèque de l’Image, Paris, 2002 DIDEROT & D’ALEMBERT, Art du cheval, Recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux et les arts mécaniques, avec leur explication, réédition Inter-livre, Bibliothèque de l’Image, Paris, 2003, 112p. FURETIERE A., Dictionnaire universel, tome 1, chez Arnoult et Reiner Leers, La Haye, 1690, 662p. GAUTIER DE SIBERT (Monseigneur), Histoire des Ordres royaux, hospitaliers-militaires de NotreDame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, Imprimerie royale, Paris, 1778, 514p. GUYOT J.-N., GUYOT P.-J.-G., Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, chez Visse, Paris, 1784, 714p. GUYOT G.-A., Traité des droits, fonctions, franchises, exemptions, prérogatives et privilèges, tome 4, chez Visse, Paris, 1784, 480p. LENORMAND L.-S., Manuel du chandelier et du cirier, suivi de l’art de fabriquer la cire à cacheter, chez Boret, Paris, 1828


202 Annexes [94] [95] [96] [97] [98] [99] [100] [101]

MENESTRIER P., Nouvelle méthode raisonnée du blason ou de l’art héraldique, chez Pierre Bruiset Ponthus, Lyon, 1770, 619p. MABILLON J.., De re diplomatica libri VI, Paris, 1681, [14]-634-[28]p. MONTFORT A., Le portait de la Mouche à miel (…), Liège, 1646, 222p. DE SERRES O.., Le théâtre d’Agriculture et Mesnage des champs, Paris, chez Metayer, 1600 SAINT-SIMON, Mémoires (1718-1721), Edition Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Tome VII, p.714. SAVARY DES BURSLONS J., SAVARY P.-L., Dictionnaire universel de commerce : contenant tout ce qui concerne le commerce qui se fait dans les quatre parties du monde, chez les Janson à Waesberge, tome 3, Amsterdam, 1732, 1032p. SIBERT G. (de), Histoire des Ordres Royaux Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du MontCarmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, Imprimerie royale, Paris, 1772, 514p. [S.A], Recueil de plusieurs privilèges des Ordres Roïaux Militaires et Hospitaliers de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, chez Louis Denis Delatour et Pierre Simon, Paris, 1722, [s.p] IX.

Pièces justificatives : archives, moulages et objets d’arts

1.

Archives nationales de France

[102]

[103]

[104] [105]

 

[106]

M 41, pièce 3, Histoire de l’Ordres hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem et de l’Ordre militaire et hospitalier de Notre-Dame du Mont-Carmel, par M. Guénégaud, chancelier garde des sceaux desdits Ordres, 1714 M 713, dossier 8, procès-verbaux de l’enlèvement des archives des ordres et établissements hospitaliers… dont l’Ordre de Saint-Lazare, 1793-an II e M 614-616, preuves de chevaliers, XVIII siècle MM 204, Registre des réceptions et promotions dans l’Ordre de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, 1721-1726 Y 4345, registre de tutelle, acte de curation d’Anne varice de la Vallière, 31 mars 1721

2.

Cabinet de sigillographie des Archives nationales de France

[107]

[108]

S 1254 et S 1254bis, S 0741 et S 0741, S 3958 (dos manquant), S 4189: grand sceau de Louis d’Orléans, grand-maître des Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, 1721  ST 1298, sceau de Louis -Stanislas Xavier, duc d’Anjou et comte de Provence, grandmaître des Ordres réunis de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, 1774 3.

[109] [110] [111] [112]

[113]

[114]

Archives départementales

 AD de la Dordogne, 2 E 1837/10-7, Nomination de Florent de Fayolles de Saint-Front  AD de la Dordogne, 2 E 1841/36-71, Lettre de réception dans les Ordres religieux, militaires et hospitaliers de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, 1784  AD de la Dordogne, 2 E 1841/30-10, Lettre de réception dans les Ordres religieux, militaires et hospitaliers de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, 1787  AD de la Haute-Seine, 1 J 262, Nomination de François Ferrand d’Escassay par Louvois comme commandeur de la seconde commanderie d’Ypres 4. Musée de Versailles  MV 3723, Louis, duc de chartres, (1703-1752), Sophie Bresson, née Rochard, 1837, musée national des châteaux de Versailles et du Trianon, huile sur toile, H 146 x L 104 cm.  MV 5632, Louis XIV tenant le sceau, 1672, atelier de Charles Lebrun ?, musée national des châteaux de Versailles et du Trianon, peinture à l’huile sur toile, H 110 x L 128 cm 5.

Musée de Condé de Chantilly


203 Annexes [115]

 OA 1382, Inv. Miniature n°321, Louis, duc d’Orléans, (1703-1752), âgé de 29 ans, André David, 1732, émail dans un cadre d’écaille avec monture en cuivre, H 3,4 x L 2,4 cm 6.

[116] [117] [118]

[119]

Musée de la Légion d’honneur

 Inv. 06788, Lettres d’invitation de Louis d’Orléans, 1729  Inv. 05641, Provision pour charges et dignité de greffier et secrétaire des Ordres réunis, pour Monseigneur Doublet.  Inv. 01079, Lettre de réception de monsieur Louis de Gestede dans les Ordres royaux, militaires et hospitaliers de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Monte Carmel, 1 novembre 1728  Inv. 07067, Lettre de réception de chevalier dans les Ordres réunis par Louvois, imprimée sur parchemin, 21 juillet 1685

ETUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE I.

[120] [121] [122] [123] [124] [125] [126] [127] [128] [129] [130] [131]

Ouvrage généraux e

ARNAUD P. & al., Chimie organique, éditions Dunod, Paris, 1987 ; 17 édition revue et augmentée, Paris, 2004, 709p. COMBETTE C., ERNOULT I., Physique des polymères, tome I : Structure, fabrication, emploi, tome II : Propriété mécaniques, éditions Hermann, collection Enseignement des sciences, Paris, 2005, 498p. DELCROIX G., HAVEL M., Phénomènes physiques et peintures artistiques, éditions Erec, 1988, 354p. DERRICK R. M., STULIK D., LANDRY M. J., Scientific Tools for conservation : Infrared spectroscopy in Conservation science, édité par The Getty Insitute Conservation, Los Angeles, 1999, 235p. ETIENNE S., DAVID L., Introduction à la physique des polymères, éditions Dunod, Paris, 2002, 312p. FONTAVILLE M., GNANOU Y., Chimie et physico-chimie des polymères, éditions Dunod, Paris, 2002, 586p. [GROUPE FRANÇAIS DES POLYMERES], Initiation à la chimie et à la physico-chimie des polymères, Vol. 13 : les polymères naturels : structure, modification, applications, GFP Editions, Strasbourg, 2000, 484p. ROCHE A., Comportement mécanique des peintures sur toile, Dégradation et prévention, CNRS éditions, Paris, 2003, 208p. e ROUQUEROL F. & al., Chimie physique, Les cours de Paul Arnaud, éditions Dunod, 6 édition entièrement revue, Paris, 2007, 616p. ROUESSAC F., ROUESSAC A., Analyse chimique, éditions Dunod, Paris, 2004, 462p. QUERE Y., Physique des matériaux, Cours et problèmes, éditions Ellipse, Presse de l’Ecole polytechnique, Paris, 1988, 464p. WEINMAN S., MEHUL P., Toute la biochimie, éditions Dunod, Paris, 2004, 452p.

II.

Etude des matériaux a.

[132]

Le parchemin

BERARDI M.-C., ‘Why does parchment deform? : Some observation and considerations’, Leather conservation news, Vol.18, 1992, p.12-13


204 Annexes [133] [134] [135] [136] [137] [138] [139] [140] [141] [142] [143]

[144] [145]

[146]

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b. La cire d’ abeille

[147] [148] [149] [150] [151] [152] [153] [154]

BOGDANOV S., ‘Beeswax: Production, Properties, Composition and Control’, Beeswax Book, septembre 2009, disponible sur: http://www.bee-hexagon.net/files/file/fileE/Wax/WaxBook2.pdf BUCHWALD R. &al., ‘Interspecific variation in beeswax as a biological construction material’, Journal of Experimental Biology, n°209, p.3984-3989 BUCHWALD R., GREENBERG A.-R., BREED M.-D., ‘A biomechanical Perspective on Beeswax’, American Entomologist, Vol. 51., n°1, 2005, p.39-41 BUCHWALD R. &al., ‘The thermal properties of beeswaxes: unexpected findings’, The Journal of Experimental Biology, n°211, 2008, p. 121-127 ENAMUL HOSSAIN M. & al., ‘Molecular Structure Evaluation of Beeswax and Paraffin Wax by 13 solid-state C CP/MAS NMR’, Journal of Characterization and Development of Novel Materials, Vol.1, n°2, 2009, p.101-110 DE MALO H.G. & al., ‘EIS Investigation of resin and wax dégradation on different atmospheres of the Museum of Ethnology and Archeology f the University of Sao Paolo’, Heritage, Weathering and conservation: Book of abstracts, Madrid, 2006, p.50 13 KAMEDA T., ‘Molecular structure of crude beeswax studied by solid-state C NMR’, Journal of insect science, Vol.4., n°29, 2004, p.1-5 ZIMNICKA B., HACURA A., ‘An Investigation of Molecular Structure and Dynamics of Crude Beeswax by Vibrational Spectroscopy’, Polish Journal of Environment Studies, Vol.15, n°44, 2006, p.112-114


205 Annexes

c. La soie [155]

SANGAPPA, MANESH S.-S., SOMASHEKAR R., ‘Crystal structure of raw pure Mysore silk fiber based on (Ala-Gly)2-Ser-Gly peptide sequence using Linked-Atom-Least-Squares method’, Journal of Bioscience, 2005, n°30, p.259-268, Disponible en ligne sur: http://www.ias.ac.in/jbiosci/mar2005/259.pdf

[156]

REIS D., VIAN B., BAJON C., Le monde des fibres, éditions Belin, 2006, 352p. d. Le minium

[157] [158]

[159] [160] [161]

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[162] [163] [164] [165] [166] [167] [168] [169] [170] [171] [172] [173]

Composition des sceaux

BARBICHE B., ‘L’énigme du sceau de l’édit de Nantes’, L’Histoire, n°17, octobre 2002, p.40 BECH-ANDERSEN J., ‘Investigation on the conservation of seals in Danish archives’, Wax seals, A Nordic Project, Danish state Archives, Copenhagen, 2002, p.16-39 BURNS T., BIGNELL M., ‘The conservation of the royal charter and great seal of Queen’s university’, The Paper Conservator, Vol. 17, 1993, p.5-12. CAUCHETEUX-CHAVANNES M., Les sceaux des rois de France d’Hugues Capet à François premier, thèse dactylographiée de l’Ecole des Chartes, 1962. COZZI R., I sigilli mediovali : composizione e fenomeni di degrado dei « sigilli bianchi », Mémoire de fin d’études, Bern, 7 septembre 2001, 77p. COZZI R., ‘Medieval wax seals : composition and deterioration phenomena of white seals’, Paper restaurierung, IADA, Vol.4, n°1, 2003, p. 11-18. DERNOVSKOVA J., NOVOTNA P., ‘Surface cristallisation of beeswax seals’, Restaurator, 23, n°4, 2002, p. 256-269 DE MALO H.G. & al., ‘EIS Investigation of resin and wax dégradation on different atmospheres of the Museum of Ethnology and Archeology f the University of Sao Paolo’, Heritage, Weathering and conservation: Book of abstracts, Madrid, 2006, p.50 HAHN O., ‘Untersuchung von Wachsobjekten mit Hilfe der Pyrolyse Gaschromatographie’, Berliner Beiträge zur Acheometrie, Vol. 13, Berlin, 1995, p.205-220 LANGLOIS J., KUIPERS , ‘Fast GC analysis of natural waxes from art and museum object’, Application notes SI-02454 ; Varian societ, C2RMF Mai 2010, p. 1-4 URL : http://www.chem.agilent.com/Library/applications/SI-02454.pdf MONNERIE M., ‘Le colorant vert des sceaux médiévaux’, Revue française d’héraldique et de sigillographie, n°62-63, 1992-1993 MOUNAIX P. &al., ‘Spectroscopy and terahertz imaging for sigillography applications’, Journal of the European Optical Society, Rapid Publications 6, 11002, 2011, p.1-4 URL : http://www.jeos.org/index.php/jeos_rp/article/view/11002/699


206 Annexes [174]

[175] [176] [177] [178] [179] [180]

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[181] [182] [183] [184] [185] [186]

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[187] [188] [189]

[190] [191] [192] [193] [194]

Tests de traction des joints de collages sur substrat de cire d’abeille

Adhésifs

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207 Annexes [195] [196] [197] [198] [199]

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Conservation et restauration du parchemin

[207] CHAHINE C., ROUY C., ‘The cleaning of parchment : how far can we go?, International conference on conservation anad restauration ofarchives and library materials : preprints, CCSEM, editions Erice, Vol. 2, 22-29 avril 2006, p.563-581 [208] FUCHS R., ‘New trends in the care of leather and parchment’, Care and conservation manuscripts 8, Proceedings of the eight international seminar held of the Royal Library of Copenhague, Copenhague, 6-7 octobre 2003, p.260-268 [209] HAINES B., M., Parchment: the physical and chemical characteristics of parchment and the materials used in its conservation, Northampton Leather Conservation Center, 1999, 33p. [210] KITE M., THOMSON R., Conservation of leather and related materials, Butterworth-Heinemann, Oxford, 2006, 340p. [211] LARSEN R., Improved damage assessment on parchment : IDAP : Assessment, data collection and sharing of knowledge, European Commission, Directorate-general for research, Luxembourg, 2007, 120p. [212] QUANDT A.-B., ‘Recent developments in the conservation of parchment manuscripts’, The book and paper annual group, n°15, American Institute of conservation (AIC), 1996, p.99-115 [213] RALSTON NICIOLA L., Parchment-Vellum conservation Survey and bibliography, Technical Conservation, Research and Education Division, Edinburg, 2000, 40p. [214] SHENTON H. & al., Vellum and parchment, The Paper Conservator : Special issues, Worcestershire, Vol. 16, 1992, 108p. [215] TOTTEN M. A., ‘An examination of Laponite Residues on Paper and Parchment’, Queen’s University, 2002, 85p. [216] YUSUPOVA M. V., ‘Conservation and Restauration of Manuscripts and Bindings on Parchment’, Restaurator, Vol. 4, n°1, 2009, p.57-70 III.

Conservation-restauration des encres ferrogalliques


208 Annexes [217] NEEVEL G. J., ‘Batophenantroline indicator paper : development of a new test for iron ions’, PapierRestaurierung Mitteilungen der IADA, Vol.6., n°1, 2005, p.28-36 [218] NEEVEL G. J., ‘Applications Issues of the Batophenantroline Test for Iron(II) Ions’, Restaurator, vol.30, n°1-2, 2009, p.3-15 [219] IVKOVA T.I., ‘The indicator system based on batophénantroline for rapid determination of Fe (II, III) in water’, Journal of Water chemistry and technology, Vol. 30, n°6, 2008, p. 368-374 IV.

Conservation et restauration des sceaux

[220] BESNAINOU D., Cire et cires : études sur la composition, l’altération, la restauration et la conservation des œuvres céroplastiques, Mémoire de fin d’étude, IFROA, 1984, 103p. [221] BURNS T., BIGNELL M., ‘The conservation of the royal charter and great seal of queen’s university’, The Paper Conservator, vol. 17, 1993, p.5-12. [222] CLYDESLALE A., ‘Beesxax : a survey of the littérature on its properties end bahviour’, Scottisch Society for Conservation and Restauration (SSRC) Journal, vol., 5, N°2, mai 1994, p.9-10 [223] [Conseil international des Archives, Comité de sigillographie], Table ronde sur la préservation et la restauration des sceaux : Madrid, 5-9 juillet 1995, édité par l’associación de los amigos del archivo historico national, 2000, 165p. [224] [Conseil international des Archives, Comité de sigillographie], Record about state of conservation and restoring of seals, Seals conservation Research Congress, Merton College, Oxford, mai 2007, (s.p] [225] [Comité de sigillographie], Deuxième table ronde internationales des restaurateurs de sceaux. La conservation préventive des sceaux en cire : bilan et perspectives, 12 et 13 juin 2003, édité par le Centre historique des Archives nationales de Paris, 2003, 74p. [226] [Collectif] Estudios y conservación de sellos en cera. Encuentro sigilográfico : Nájera, 14-18 de octubre de 2002, éditions Santa María la real de Nájera, Logroño, 2005, 228p. [227] HEIM S. &al., ‘Seal conservation: a new method for vacuum treatment of porous seal’, Paper conservation news, n°80, Institute of paper conservation (IPC), 1996, p.7-8 [228] HEIM S. & al., ‘Investigation of the influence of Boracol on wax’, Wax seals, a nordic project, Appendix, éditions des Archives nationales du Danemark, 2009, 22p. [229] KERLO A., Recherches sur les altérations blanches spécifiques des sceaux dits « malades », Projet de recherche sur les altérations et la conservation des sceaux de cire, DAF-MRT, Service des sceaux des Archives nationales, non publié, 2006 [230] KERLO A., Tests de collage des cires et résines, solubilité des sceaux médiévaux Projet de recherche sur les altérations et la conservation des sceaux de cire, DAF-MRT, Service des sceaux des Archives nationales, non publié, 2006, [s.p] [231] LANG J., ‘Adhesives for Wax Artifacts: Investigation of Suitable materials and their Adhesion Properties via tensile and Bending Tests’, Proceedings of Symposium ICC : Adhésifs et consolidants pour la conservation : Recherches d’applications, 17-21 octobre 2011, 2011, Otawa, p.1-19 [232] JACQUET P., ‘Radiographie, scanner et sigillographie’, Pourquoi les sceaux ? La sigillographie, nouvel enjeux de l’histoire de l’art, Acte du colloque organisé à Lille, Palais des Beaux-arts, les 2325octobre 2008, Marc Gil et Jean-Luc CHASSEL éd., Lille, 2011, p.93-103 [233] PREVOST A., GILLOT S., MARGUEZ M., ROYER M.-O., ‘Conception de la base “Sceaux “ du Centre historique des Archives nationales : fonctions et perspectives pour la conservation des sceaux, ‘, Cahier technique, AARAFU, juin 2006 [234] PREVOST A., La conservation des sceaux en cire aux Archives nationales, Support/Tracé n°8, Paris, 2008 th [235] SZCZCEPANOWSKA H., ‘The conservation of 14 century parchment documents with pendant seals’, The paper conservator, n°16, IPC, 1992, p. 86-91 V.

Conservation et restauration de la soie

[236] BOERSMA F., Unravellin textiles A Handbook for the preservation of textile, Archetype Publication, Londres, 2007, 174p. [237] [COLLECTIF], Conserving textile: studing in honours of Agnes Timar-Balasky, Eri Istivan (éd.), ICCROM conservation studies, Rome, 2009, 187p. [238] GARCIN E., Contribution au lexique supplémentaire à la base de donnée « Sceaux », rapport à de


209 Annexes mission, Centre historique des Archives nationales, Service des Sceaux, non publié, Paris, 2007, 30p. [239] GARCIN E., PREVOST A., Rapport de vacation sur la restauration des lacs textiles, Archives nationales, , Atelier des Sceaux, non publié, Paris, 2007, 23p. [240] KITE M., ‘Gut membrane, parchment and gelatin incorporated into textile objects’, The paper conservator, n°16, IPC, 1992, p.98-104 [241] LENARD F., HILLYER L., Textile conservation: Advances in Practices, Routledge, 2010, 311p. [242] TIMAR-BALASKY A., EASTOP D., Chemical principals in textiles conservation, ButterworthHeinemann, Oxford, 1997, 444p. .


210 Annexes ANNEXE IV

Table des illustrations

CLICHE N° 1: VUE GENERALE (RECTO) .............................................................................................................................. 7 CLICHE N° 2: VUE GENERALE (VERSO) .............................................................................................................................. 7 CLICHE N° 3: AVERS DU SCEAU ....................................................................................................................................... 8 CLICHE N° 4: DOS DU SCEAU .......................................................................................................................................... 8 CLICHE N° 5 : SCEAU ROYAL ORIGINAL DE LOUIS XIV, EN CIRE VERTE, APPENDU SUR LACS DE SOIE ROUGE ET VERTE. EDIT DE FONTAINEBLEAU PORTANT LA REVOCATION DE L'EDIT DE NANTES (28 NOVEMBRE 1685). ARCHIVES NATIONALES, COTE AE/II/887 ...................................................................................................................................................... 35 CLICHE N° 6 : SCEAU ORIGINAL DE LOUIS XIV, EN CIRE D'ABEILLE NATURELLE. ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE L’INDE, COTE 6J49 . 35 CLICHE N° 7 : SCEAU DE LOUIS XV, EN CIRE BRUNE, APPENDU SUR DOUBLE-QUEUE DE PARCHEMIN. ORDONNANCE ROYALE DE DECEMBRE 1746. VENDUE AUX ETS GAERTNER DE BIETIGHEIM, STUTTGART, 25 NOVEMBRE 2010 .................................. 35 CLICHE N° 8 : SCEAU DE PHILIPPE IV LE BEL, APPENDU SUR UNE CHARTE DE 1286. SCEAU A VALEUR PERPETUELLE, EN CIRE VERTE SUR LACS DE SOIE ROUGE ET VERT. AN, AE II 293.ARCHIM .......................................................................................... 40 CLICHE N° 9: SCEAU D’ALIX DE CHAMPAGNE, APPENDU SUR UNE CHARTE DE 1234. SCEAU EN CIRE ROUGE, LACS DE SOIE ROUGE ET VERT. ARCHIM ............................................................................................................................................... 40 CLICHE N° 10 : DETAIL DES LACS DE SOIE ET DU NOEUD, TRES PROCHE DU PARCHEMIN ET DU SCEAU, VUE DE FACE........................ 42 CLICHE N° 11 DETAIL DES LACS PENDANT SOUS LE SCEAU, VUE DU DOS. ................................................................................ 42 CLICHE N° 12: DEUX EMPREINTES DU CACHET DE LOUIS D'ORLEANS, APPOSEES SUR DEUX LETTRES D'INVITATION IMPRIMEES SUR PAPIER VERGE, DATEES DE 1729. MLH 06788....................................................................................................... 43 CLICHE N° 13: N. DE LAUNAY, 1771, BURIN ET EAU-FORTE. ILLUSTRATION EN TETE DE L’EDITION DE GAUTIER DE SIBERT, CHAPITRE ‘PREMIERE EPOQUE’.. ........................................................................................................................................ 46 CLICHE N° 14: DETAIL DU CLICHE N°15. ......................................................................................................................... 46 CLICHE N° 15 : FRONTPICE DU RECUEIL DE PLUSIEURS PRIVILEGES DES ORDRES ROÏAUX MILITAIRES ET HOSPITALIERS DE NOTRE-DAME DU MONT-CARMEL ET DE SAINT-LAZARE DE JERUSALEM, ANONYME, CHEZ LOUIS DENIS DELATOUR ET PIERRE SIMON, PARIS, 1722, [S.P]. .................................................................................................................................................... 49 E CLICHE N° 16: COLLIER DES ORDRES REUNIS DE SAINT-LAZARE ET DE NOTRE-DAME DU MONT-CARMEL, FIN DU XVIII SIECLE. MLH, DEPOT DE L’AMBASSADEUR ANTONIO BENEDETTO SPADA, 2008 INV. 598 .................................................................. 51 CLICHE N° 17 : A DROITE, SCEAU DE MICHEL LE TELLIER, GRAND-MAITRE DE 1685 A 1695 ; AU GAUCHE, MOULAGE DU SCEAU DU MARQUIS DE DANGEAU, GRAND-MAITRE DE 1695 A 1720. AN, M 419, F°8 ; AN, DEPAULIS 8661 ............................... 53 CLICHE N° 18: BENJAMIN DUVIVIER, JETON EN ARGENT AUX ARMES DE FRANCE ET DES ORDRES REUNIS, 1773. 73 MM DE DIAMETRE, VENTE AUX ENCHERES PIASA. ............................................................................................................................... 54 CLICHE N° 19: LOUIS, DUC DE CHARTRES, (1703-1752), SOPHIE BRESSON, NEE ROCHARD, 1837, MUSEE NATIONAL DES CHATEAUX DE VERSAILLES ET DU TRIANON, HUILE SUR TOILE, H 146 X L 104 CM, MV 3723  DIRECTION DES MUSEES DE FRANCE ..... 60 CLICHE N° 20 : LOUIS, DUC D’ORLEANS, (1703-1752), AGE DE 29 ANS, ANDRE DAVID, 1732, EMAIL DANS UN CADRE D’ECAILLE AVEC MONTURE EN CUIVRE, H 3,4 X L 2,4 CM. MUSEE DE CONDE, OA 1382, INV. MINIATURE N°321  DIRECTION DES MUSEES DE FRANCE........................................................................................................................................... 60 CLICHE N° 21 : DOS DE DEUX COINS DE FRAPPES POUR LES JETONS DES ORDRES REUNIS DE SAINT-LAZARE ET DE NOTRE-DAME DU MONT-CARMEL, GRAVES PAR JEAN DUVIVIER EN 1721. HOTEL DE LA MONNAIE DE PARIS, REF ORDRES DU ROI, FEV P120 N°1598 ET 1599. ............................................................................................................................................. 67 CLICHE N° 22: AVERS D'UNE MATRICE DE SCEAU BIFACE DITE « A TENONS ET MORTAISES » OU « A OREILLETTES ». COPIE MODERNE EN BRONZE, DOS MANQUANT. AN, COLLECTION SIGILLOGRAPHIQUE, MATRICE 846 (SURMOULAGE) ...................................... 70 CLICHE N° 23 : SCEAU D'HENRI VIII EN CIRE VERTE APPENDU SUR TRESSE DE SOIE BLANCHE ET VERTE. ON REMARQUE LA TRACE DES TROIS OREILLETTES SUR LES BORDS (LACUNE AU NIVEAU DE LA QUATRIEME OREILLETTE). AN J 920, N°33 .......................... 70 E E CLICHE N° 24 : FER A HOSTIE, XVII OU XVIII SIECLE. EGLISE PAROISSIALE DE SAINT-ANTOINE DE BOUCHIER, ALPES-DE-HAUTEPROVENCE ; ALLOS. CLICHE HELLER MARC, PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR, INVENTAIRE GENERAL, IVR93_05041277 . 70


211 Annexes CLICHE N° 25 : MATRICE DE SCEAU A CHARNIERE DE RAYMOND DE MONDRAGON, XIIIE SIECLE. BNF, DEPARTEMENT DES MONNAIES, MEDAILLES ET ANTIQUES. BANQUE DE CLICHE : RC-A-01116 .................................................................................... 70 CLICHE N° 26: GRAND SCEAU DE LOUIS STANISLAS XAVIER, COMTE DE PROVENCE ET GRAND-MAITRE DES ORDRES REUNIS. SCEAU EN CIRE ROUGE APPENDU SUR LACS DE SOIE ROUGE ET VERTE. SCEAU APPENDU A UNE LETTRE DE RECEPTION DE DANS LES ORDRES REUNIS, AD DE LA DORDOGNE, 2 E 1841/36-71.  CONSEIL GENERAL DE LA DORDOGNE ............................................ 72 CLICHE N° 27: LOUIS XIV TENANT LE SCEAU, 1672, ATELIER DE CHARLES LEBRUN ?, MUSEE NATIONAL DES CHATEAUX DE VERSAILLES ET DU TRIANON, PEINTURE A L’HUILE SUR TOILE, H 110 X L128, MV 5638 © C. JEAN ; REUNION DES MUSEES NATIONAUX ...................................................................................................................................................................... 75 CLICHE N° 28: LOUIS XIV TENANT LE SCEAU, VERS 1672, H 36,2 X L 48,2 CM, CHARLES LE BRUN, PIERRE NOIRE SUR PAPIER VERGE, MUSEE DU LOUVRE, DEPARTEMENT DES ARTS GRAPHIQUES, INC 26766 © C. JEAN ; REUNION DES MUSEES NATIONAUX . 76 CLICHE N° 29 : DETAIL DE LA PLANCHE VI DU THEATRE D'AGRICULTURE D'OLIVIER DE SERRES. LES RONDEAUX DE CIRE SONT MOULES DANS DES TERRINES, ET SOUVENT REVENDUS A DES MARCHANDS.  CLICHE DE L’AUTEUR ............................................... 77 CLICHE N° 30: LOUIS XV TENANT LE SCEAU LE 4 MARS 1757, 1759, BURIN ET EAU-FORTE SUR PAPIER VERGE, JEAN-JACQUES PASQUIER, 22 X 21,5 CM. VIGNETTE ILLUSTRANT LE NOUVEAU TRAITE DE DIPLOMATIQUE, TOME 4, PAGE 1. AN, AE/II/2753, ARCHIM ..................................................................................................................................................... 78 CLICHE N° 31: DETAILS DES CLICHES N°1Ç, 20 ET 21. LE GESTE DE SCELLAGE DES CHAUFFES-CIRES EST IDENTIQUE EN 1672 ET EN 1757 .............................................................................................................................................................. 82 E CLICHE N° 32 : CHARTE MULTISCELLEE DE LA FIN DU XV SIECLE ; SCEAUX APPENDUS SUR DOUBLES QUEUES DE PARCHEMIN. LES EFFLORESCENCES BLANCHES SONT BIEN VISIBLES. NORDIC PROJECT, SUEDE, HEIM...................................................... 99 CLICHE N° 33 : TRACES DE RACLOIR A DENT. COTE CHAIR DU PARCHEMIN, EN LUMIERE FRONTALE DE FAIBLE INTENSITE. ............... 128 CLICHE N° 34: OBSERVATION DE LA COUCHE D'APPRET SOUS LOUPE BINOCULAIRE EN NOIR ET BLANC ET LUMIERE TRANSMISE, COTE CHAIR, AU NIVEAU DU L MAJUSCULE DE "LOUIS D'ORLEANS". LA COUCHE APPARAIT PLUS GRISE, CAR PLUS OPAQUE. .......... 128 CLICHES N° 35 ET 36: VUE DE LA CHARTE PLIEE, RECTO (A GAUCHE) ET VERSO (A DROITE) ...................................................... 129 CLICHE N° 36: VISA DU CHANCELIER BOSC SITUE AU-DESSUS DU SCEAU .............................................................................. 131 CLICHE N° 37: MAJUSCULE CALLIGRAPHIEE, A L'ENCRE METALLO-ACIDE. LA FLECHE ROUGE INDIQUE UNE SUREPAISSEUR DE L’ENCRE. .................................................................................................................................................................... 132 CLICHE N° 38: TRACE A MINE GRAPHITE, AU VERSO ........................................................................................................ 132 CLICHE N° 39: DETAIL DES LACS DE SOIE, PARTIE SUPERIEURE. .......................................................................................... 132 CLICHE N° 40: DETAIL DES LACS DE SOIE, PARTIE INFERIEURE. ........................................................................................... 132 CLICHE N° 41: DETAIL DE LA CASSURE DE GAUCHE, EN BAS DU SCEAU: LES LACS OCCUPENT UNE COUCHE STRATIGRAPHIQUE BIEN DISTINCTE, ORIENTEE HORIZONTALEMENT SELON UNE COURBE CONVEXE. ILS NE SONT PAS IMPREGNES DE CIRE. ................. 133 CLICHE N° 42: PHOTOGRAPHIE ARGENTIQUE D’UN PARCHEMIN SCELLE DU SCEAU DE LOUIS D’ORLEANS APPARTENANT A UN COLLECTIONNEUR PRIVE. MLH, [SANS NUMERO D’INVENTAIRE], CARTON DES ORDRES DE SAINT-LAZARE ET DE NOTRE-DAME DU MONT-CARMEL ......................................................................................................................................... 134 CLICHE N° 43 : DETAIL DU CLICHE 49.. ......................................................................................................................... 134 CLICHE N° 44: DETAIL DE L’ENCOLURE DU CHEVAL .......................................................................................................... 135 CLICHE N° 45 : DETAIL DE LA HOUSE DU CHEVAL ............................................................................................................ 135 CLICHE N° 46: STRUCTURE FEUILLETEE DE LA CIRE, OBSERVEE AU NIVEAU DE LA CASSURE ....................................................... 136 CLICHE N° 47: EMPOUSSIEREMENT DANS UN PLI DU PARCHEMIN, COTE CHAIR ..................................................................... 136 CLICHE N° 48: VUE GENERALE EN LUMIERE RASANTE (RECTO).. ......................................................................................... 136 CLICHE N° 49: PLIURE ET TACHE DANS LE COIN SUPERIEUR DROIT ...................................................................................... 137 CLICHE N° 50: PLIURES AU NIVEAU DU PLI CENTRAL, LE LONG DU BORD DROIT...................................................................... 137 CLICHE N° 51: DEFORMATION ET PLIURE AU NIVEAU DE LA JONCTION AVEC LES LACS ............................................................. 137 CLICHE N° 52 : MARQUES BRUNES CORRESPONDANT AUX RELIEFS DU DOS DU SCEAU (VERSO DU PARCHEMIN). LES FLECHES INDIQUENT QUATRE NIVEAUX DE MARQUES .......................................................................................................................... 138 CLICHE N° 53 : (DETAIL DU CLICHE N°59). .................................................................................................................... 138 CLICHE N° 54 : MARQUES BRUNES SUR LE PARCHEMIN, OBSERVEES COTE CHAIR, SOUS LUMIERE BLEUE..................................... 138 CLICHE N° 55: TACHES ORANGEES, MILLIMETRIQUES, AU VERSO DU PARCHEMIN, DANS LE COIN SUPERIEUR GAUCHE. ................. 138 CLICHE N° 56: TACHE ROSEE SITUEE EN HAUT A DROITE DU PARCHEMIN SYMETRIQUEMENT AUX LACS. ...................................... 139


212 Annexes CLICHE N° 57: GELATINISATION DU PARCHEMIN............................................................................................................. 139 CLICHE N° 58 : VUE GENERALES DES ALTERATIONS DU PARCHEMIN SCELLE........................................................................... 139 CLICHE N° 59 : FIBRES DE SOIE ROUGE (VUE AU MICROSCOPE OPTIQUE, GROSSISSEMENT X 100) ............................................. 141 CLICHE N° 60 : FIBRES DE SOIS VERTE (VUE AU MICROSCOPE OPTIQUE, GROSSISSEMENT X100) .............................................. 141 CLICHE N° 61: EFFILOCHAGE DES LACS DE SOIE .............................................................................................................. 141 CLICHE N° 62: DEGORGEMENT DE LA TEINTURE ROUGE DES LACS DE SOIE SUR LE REPLI DU PARCHEMIN ..................................... 141 CLICHE N° 63 : EMPOUSSIEREMENT DU SCEAU ET NOIRCISSEMENTS DE SURFACE (DETAIL, EN BAS A GAUCHE)............................. 142 CLICHE N° 64: VUES DES CASSURES ET FRAGMENTATION DEPUIS L'AVERS DU SCEAU .............................................................. 143 CLICHE N° 65: VUE DES CASSURES DEPUIS LE DOS DU SCEAU ............................................................................................. 143 CLICHE N° 66: FRAGMENTS DE CIRE DE TAILLE MILLIMETRIQUE, AU NIVEAU DE LA SORTIE DES LACS DE SOIE ................................ 144 CLICHE N° 67 : LACUNE DE SURFACE (AVERS), LE LONG DE LA CASSURE. .............................................................................. 145 CLICHE N° 68 : LACUNE DE SURFACE (DOS), SUR LA FENTE. .............................................................................................. 145 CLICHE N° 69: ABRASION DE L'AVERS ET INCLUSION DE PAPIER SUR LA CUISSE DU CAVALIER .................................................... 145 CLICHE N° 70: ABRASION DES RELIEFS CENTRAUX DU DOS DU SCEAU .................................................................................. 145 CLICHE N° 71: MARQUES BRUNES SUR LE PARCHEMIN DE LA LETTRE DE RECEPTION , MUSEE DE LA LEGION D'HONNEUR. ............. 148 CLICHE N° 72 : MOULAGE S 741 DES ARCHIVES NATIONALES DE FRANCE. .......................................................................... 150 CLICHE N° 73 : MOULAGE S 3958 DES ARCHIVES NATIONALES DE FRANCE. ........................................................................ 150 CLICHE N° 74 : NETTOYAGE DES LACS DE SOIE PAR MICRO-ASPIRATION ............................................................................... 163 CLICHE N° 75 : NETTOYAGE DES LACS PAR NEBULISATION D’EAU DEMINERALISEE. ................................................................. 165 CLICHE N° 76 : LACS NETTOYES ET MIS EN FORME. ......................................................................................................... 165 E CLICHE N° 77: (1 ETAPE) POSE DE LA COMPRESSE IMPREGNEE D'EAU DEMINERALISEE .......................................................... 167 CLICHE N° 78: (2E ETAPE) AU BOUT DE SIX MINUTES, LA COMPRESSE EST RETIREE................................................................. 167 CLICHE N° 79 : COMPRESSE DE COTON IMPREGNEE D’EAU DEMINERALISEE, APRES DEUX MINUTES DE POSE ............................... 168 CLICHE N° 80 : COMPRESSE DE COTON IMPREGNEE D’EAU DEMINERALISEE APRES QUATRE MINUTES DE POSE ............................. 168 CLICHE N° 81 : COMPRESSE DE COTON IMPREGNEE D’EAU APRES SIX MINUTES DE POSE ......................................................... 168 CLICHE N° 82: (3E ETAPE) NETTOYAGE DE LA COUCHE DE POUSSIERE HUMIDE AVEC UN COTON-TIGE HUMIDIFIE ......................... 168 CLICHE N° 83: LE COTON-TIGE EST FREQUEMMENT CHANGE, POUR EVITER D’ETALER LES SALISSURES ........................................ 168 CLICHE N° 84 : DOS DU SCEAU EN COURS DE DEPOUSSIERAGE ........................................................................................... 169 CLICHE N° 85 : DETAIL DES PALMES CROISEES (1) ET DES MONOGRAMMES MV (2) PARSEMANT LE FOND DU DOS DU SCEAU (A DROITE DU COLLIER), APPARUS LORS DU NETTOYAGE AQUEUX. VUE EN LUMIERE RASANTE. ....................................................... 170 CLICHE N° 86 : DETAIL DE LA FRISE BORDANT LA HOUSE DU CHEVAL.. ................................................................................. 170 CLICHE N° 87 : APPLICATION DE LA COLLE D’ESTURGEON LE LONG DES FRAGMENTS 2 ET 4. .................................................... 172 CLICHE N° 88 : CALAGE DU SCEAU LORS DU SECHAGE DE LA COLLE ..................................................................................... 172 CLICHE N° 89 : FONTE DE CIRE LA CIRE DE COMBLEMENT A LA POINTE CHAUFFANTE .............................................................. 174 CLICHE N° 90 : COMBLEMENT DE LA LACUNE AU DOS DU SCEAU. ....................................................................................... 174 CLICHE N° 91: ZONE N°4, FRAGMENTEE AVANT COMBLEMENT ET REINSERTION DES FRAGMENTS. ............................................ 175 CLICHE N° 92: ZONE N°4 COMBLEE. LES FRAGMENTS MILLIMETRIQUES ONT ETE REINSERES. ................................................... 175 CLICHE N° 93: PLIS CENTRAUX AVANT DEPOUSSIERAGE.................................................................................................... 176 CLICHE N° 94: DEPOUSSIERAGE DU PARCHEMIN A L'AIDE D'UN MICRO-ASPIRATEUR A FILTRE ABSOLU ....................................... 176 CLICHE N° 95: DEPOUSSIERAGE DU PARCHEMIN A L'AIDE D'UN CHIFFON MICROFIBRES........................................................... 177 CLICHE N° 96: SECHAGE SOUS AIS ET POIDS DU PARCHEMIN. ............................................................................................ 179 CLICHE N° 97 : CHARTE APRES RESTAURATION (RECTO) ................................................................................................... 180 CLICHE N° 98 : CHARTE APRES RESTAURATION (VERSO) ................................................................................................... 180 CLICHE N° 99: UN EXEMPLE REMARQUABLE DE CONDITIONNEMENT ANCIEN DE CHARTES SCELLEES: LES "BOITES DE A" DES ARCHIVES NATIONALES ONT ETE SPECIALEMENT CONÇUES EN 1792 POUR PROTEGER LA NOUVELLE CONSTITUTION. .......................... 182


Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

ANNEXE IV

RAPPORT D’ANALYSE PAR MICROSECTROPHOTOMETRIE IFTR DE DEUX PRELEVEMENTS DU SCEAU DE LOUIS D’ORLEANS

2Université Blaise Pascal CNEP - Centre National d'Evaluation de Photoprotection Ensemble Universitaire des Cézeaux 24 avenue des Landais – B.P. 30234 F - 63174 AUBIERE CEDEX Tél : 04 73 40 53 00 – fax : 04 73 27 59 69 e-mail : cnep@cnep-ubp.com

Aubière, le 22 décembre 2010 N/Réf : DF NP 2010- 528 RAPPORT D’ETUDE

Analyse par microspectrophotométrie IRTF de deux prélèvements issus du sceau de Louis d’Orléans (1721)

La composition chimique de deux fragments issus du sceau de Louis d’Orléans (1721) a été analysée par microspectrophotométrie IRTF. L’observation de ces fragments au microscope optique (notés prélèvements 1 et 2 dans ce rapport et sur les figures jointes) montre qu’ils sont d’aspect homogène et de teinte brun clair. Nous n’avons pas enregistré de cliché de photomicrographie pour ces fragments car ils ne sont constitués que d’une seule matière colorée.

Le prélèvement 1 est composé, d’après les spectres des figures 1 à 3 d’une seule matière d’origine naturelle identifiée à une cire animale de type cire d’abeille. Cette cire est caractérisée par les principales bandes d’absorption suivante : -

les bandes intenses de groupements CH à 2919 et 2850 cm-1 (figure 2) ; la bande de groupements esters à 1736 cm-1 (figure 2) toutes les bandes de contaminant aromatiques d’origine naturelle observée entre 1350 et 1200 cm-1 (figure 3) le doublet d’absorption caractéristique de cire à 730 et 720 cm-1 (figure 3).


214 Rapport de restauration II : Restauration-conservation Cette cire est faiblement dégradée, par hydrolyse oxydante en groupements esters absorbants à 1724 cm-1 et en groupements acides absorbant à 1711 cm-1 (figure 2).

Aucune charge minérale blanche n’a été détectée dans ce prélèvement ni aucun pigment minéral.

Les spectres des figures 4 à 6 permettant l’analyse de la composition chimique du prélèvement 2 sont identiques aux spectres des figures 1 à 3. Le prélèvement 2 est donc uniquement composé cire naturelle d’origine animale de type cire d’abeille. Cette cire est dans le même état de dégradation peu avancé que la cire analysée dans le prélèvement 1. Il apparaît donc en conclusion, que seule de la cire d’abeille compose les deux prélèvements analysés à l’exclusion de colophane et de résine dammar. La coloration orangée des prélèvements peut être due à la présence d’un oxyde métallique comme un oxyde de plomb (minium) qui n’absorbe pas en infra-rouge.


215 Rapport de restauration II : Restauration-conservation


216 Rapport de restauration II : Restauration-conservation


217 Rapport de restauration II : Restauration-conservation


218 Rapport de restauration II : Restauration-conservation


219 Rapport de restauration II : Restauration-conservation


220 Rapport de restauration II : Restauration-conservation ANNEXE IV

TESTS D’OBSERVATIONS SUR LES CIRES DE COMBLEMENT

A. Objectifs des tests d’observation Les objectifs de cette étude sont multiples. Nous distinguerons deux groupes de tests distincts : dans un premier temps, nous avons observés les comportements optiques et rhéologiques des cires colorées (test 1); puis, nous avons étudié ces même cires sous l’angle de la restauration (test 2). Un nouveau protocole de comblement a alors pu être proposé: le comblement sur une couche isolante de colle. Lors du test 1, nous avons observé :  

La coloration de cires en fonction de différents pigments seuls ou en mélange, de différentes concentrations, et de différentes épaisseurs d’échantillons. Le comportement rhéologique des cires colorées, leur aspect de surface, leur saturation pigmentaire et leur retrait au refroidissement, dans les mêmes conditions opératoires.

Le test 2 comprend une observation :  

Des propriétés de comblement de ces cires : facilité d’application, évaluation des risques pour la cire comblée. De la réversibilité d’une cire de comblement Cosmoïd 80 sur une matrice de cire d’abeille, avec une couche intermédiaire de colle.

B. Test 1 : Comportement optique et rhéologiques des cires de comblement Mode opératoire Différents échantillons de référence sont réalisés : la cire d’abeille ou la cire Cosmoïd 80 sont respectivement mélangées à quatre concentrations de pigments de 10%, 5%, 2% et 1% en poids. Nous n’avons pas pu tester la paraffine et des mélanges de cire, faute de temps. La mise en œuvre est simple, mais relativement longue : 14 grammes de cire sont mis à fondre au bain marie. Une fois la température de fusion atteinte (64°c pour la cire d’abeille, 80°C pour la Cosmoïd 80), la concentration de pigment est ajoutée à la cire, puis mélangée de façon à former une dispersion homogène. Le mélange est laissé à refroidir quelques dizaines de secondes, en remuant constamment. Quand il prend une consistance sirupeuse, il est versé dans un moule en silicone souple de 6 cm x 3cm X 1cm de profondeur. Ainsi, les pigments ne se décantent pas au fond du moule. Pour évaluer l’influence de l’épaisseur sur l’aspect coloré et le comportement rhéologique des cires, nous avons réalisé quatre autres échantillons de cire d’abeille et de cire microcristalline, de 5mm et 2mm d’épaisseur. Au total, 52 échantillons ont donc été moulés.


221 Rapport de restauration II : Restauration-conservation Nous avons testé sept pigments minéraux Sennelier, sans charges minérales dans les échantillons. Ces sept pigments ont une bonne stabilité photochimique. Leur composition et leur tenue à la lumière sont reportés dans le tableau 1. Ne connaissant pas la concentration de saturation de la cire d’abeille et de la cire microcristalline, nous avons choisi une concentration maximale de 10%, soit un pourcentage très élevé par rapport à la quantité de cire. Les autres concentrations ont été pesées sur une balance électronique précise à 0,001 gramme. Composition

Rouge primaire Rouge de Cadmium foncé Rouge vermillon français de substitution Terre d’Ombre naturelle Terre d’Ombre brûlée Terre de Sienne naturelle Terre de Sienne brûlée

Référence Forme des particules

Quinacridone PV19 violet Sulphosélénide PR108 de Cadmium PR4 PY1

Densité d

Tenue à la lumière 1,33d1,61 +++ 4,8d5,6

+++

4,12d4,82 ++

Oxyde de fer

PBr 7

2,5

+++

Oxyde de fer

PBr7

2,5

+++

Oxyde de fer

PBr7

2,5

+++

Oxyde de fer

PBr7

2,5

+++

Tableau 12 : Composition et tenue à la lumière des différents pigments

Résultats du test 1 D’une manière générale, la cire d’abeille et la cire microcristalline colorées ont des comportements optiques et rhéologiques bien distincts. Les cires chauffées au bain-marie fondent progressivement jusqu’à température de fusion Tf, soit 64°C pour la cire d’abeille et 80°C pour la Cosmoïd 80. A partir de la plage de transition vitreuse, la surface des copeaux de cire devient de plus en plus visqueuse, avant de passer à l’état fluide et de s’écouler. La cire microcristalline ayant une température de fusion supérieure de 16°C à celle de la cire d’abeille, elle fond beaucoup plus lentement au bain-marie. Les pigments sont alors ajoutés à la cire fondue. Selon la concentration, la forme et la densité des particules, la phase pigmentée se maintient plus ou moins facilement en suspension, les cires ayant des densités inférieures à celles de l’eau et de l’huile de lin. En refroidissant, les cires colorées passent progressivement de l’état fluide à l’état solide. La cristallisation commence à 61-62°C pour la cire d’abeille, entre 78 et 80°C pour la cire microcristalline. Cette dernière se fige donc beaucoup plus rapidement que la cire d’abeille, limitant


222 Rapport de restauration II : Restauration-conservation considérablement le temps de travail. D’autre part, les cires colorées blanchissent en surface pendant le refroidissement. Ce blanchiment temporaire est d’autant plus important que le pigment est foncé (terres d’Ombres et la terre de Sienne brûlée) et que la concentration est faible: les cires passent ainsi par un état plastique visuellement très clair, à partir de 15 secondes. La cire microcristalline accentue ce phénomène optique, sans doute à la transition de la phase vitreuse vers une structure semi-cristalline. Une fois solidifiées et froides, les cires retrouvent une teinte proche de celle de la cire colorée fondue.

Etat fluide

15 secondes

1 minute

Etat solide

Figure 36: Aspect de surface de la cire en cours de solidification

La vitesse de solidification des cires augmente de manière non-linéaire avec l’épaisseur de l’échantillon : pour 2 millimètres d’épaisseur, la solidification dure 1 minute ; pour 5 millimètres, elle dure 3 minutes ; pour 8 millimètres, il faut attendre 5 minutes. Cette remarque est importante pour le restaurateur, puisque le temps de travail de la cire sera d’autant plus court que le sceau à combler est fin. La couleur des cires refroidies est fonction de plusieurs paramètres : la nature de la cire, la nature du pigment et la concentration pigmentée430. La phase en contact avec la surface de cire (air ou silicone) détermine le degré de brillance de l’échantillon. L’épaisseur des échantillons ne fait pas varier la couleur, et l’on suppose donc que la vitesse de refroidissement n’influence pas l’aspect coloré de la cire. Par ailleurs, la cire d’abeille et la Cosmoïd 80 ont une saturation apparente entre 2% et 5% : à œil nu, nous n’observons aucun différence de teinte ou de clarté entre les échantillons à 10% et ceux à 5%. Les variations colorées sur la cire d’abeille ne sont pas perceptibles dans les tons rouges. Elles sont très faibles pour les terres. A l’inverse, les échantillons de cire microcristalline ont des variations de clarté plus importantes, particulièrement sur les terres. Sur les deux types de cires, la surface en contact avec l’air prend un aspect mat et concave en se solidifiant. Sur les cires d’abeilles, le centre des échantillons est parfois plus clair que le pourtour. A l’inverse, les parties en contact avec le silicone sont brillantes, lisses et régulières. Il est probable que le silicone régularise la surface de l’échantillon, si bien que la réfléxion spéculaire est plus importante et la brillance accrue. Il augmente également le temps de refroidissement, de sorte que la cire se fige de manière plus homogène, sans concavité ou hétérogénéité de couleur.

430

Cette concentration équivaut à la Concentration Pigmentaire volumique CVP.


223 Rapport de restauration II : Restauration-conservation

Cliché n° 103 : Cire d’abeille et terre d’Ombre naturelle à 5%, surface en contact avec l’air

Cliché n° 104: Cire d’abeille et terre

d’Ombre naturelle à 5%, surface en contact avec le silicone

Le retrait absolu des cires n’est pas fonction de la saturation pigmentaire ou de la qualité du pigment. Elle est d’environ 2,5 mm pour la cire microcristalline, et 1mm pour la cire d’abeille. La Cosmoïd H80 a donc une tendance beaucoup plus importante au retrait, ce qui joue sur la quantité de cire à apporter lors des comblements.

C. Test 2: Cires de comblement et mise en œuvre : application, risques er réversibilité


Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

Rouge primaire Concentration 10% 5%

Cire d’abeille purifiée

Cire Cosmoïd 80

2% 1%

Rouge Cadmium 10% 5%

2%

Rouge vermillon 1%

10% 5%

2%

Terre d’Ombre naturelle 1%

10%

5%

2%

Terre d’Ombre brûlée 1%

10%

5% 2% 1%

Terre de sienne naturelle 10% 5%

2%

Terre de Sienne brûlée 1%

10% 5%

2% 1%


Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

ANNEXE V

FICHES TECHNIQUES DES PRODUITS

Colle d’esturgeon (SENNELIER©)

Composition : adhésif collagénique de haut poids moléculaire, obtenu par purification du matériel protéinique de la vessie natatoire de l’esturgeon. Désormais, des colles de poisson vendues sont obtenues à partir de la cuisson des peaux et autres déchets de poissons. Elles ont un pouvoir gélifiant plus faible.

Caractéristiques :

-Forme commerciale : vessie d’esturgeon en plaque, copeaux ou paillettes. -Solution colloïdale en milieu aqueux -Insoluble dans l’eau froide -Film plus mate que celui de la gélatine, résistant et rigide, difficilement réversible dans l’eau (hydrophobe). Retrait parfois important du film au séchage. -pH neutre -Fort pouvoir adhésif et gélifiant -Bon vieillissement, résistante aux attaques fongiques, peu sensible aux variations hygrométriques

Utilisation :

-Refixage des pigments pulvérulents, consolidation des couches picturales, à 1-2% dans l’eau. Application à la seringue ou au pinceau fin. -Fixation des encres de tampon fusibles, avant un bain, à 1%. Application recto et verso. -Recollage des fragments de sceaux, à 4% -Collage des papiers à 2%

Préparation : la vessie natatoire est trempée 24h dans l’eau, en renouvelant l’eau 3 à 4 fois, puis chauffer au bain-marie jusqu’à 60-80°C. Utilisée froide. Conservation : Au réfrigérateur, en récipient fermé.


226 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

COSMOLLOID H80 KREMER PIGMENTE Composition : cire minérale issue de la raffinerie des produits pétroliers, composée d’hydrocarbures ramifiés en phase cristalline. Caractéristiques :

-Forme commerciale : granules blanches opaques, solides -Température de fusion : 80°-82C -Densité : 0,92 -Forte résistance mécanique -Bon vieillissement, résistante aux attaques fongiques, très peu sensible aux variations hygrométriques, pas de jaunissement

Utilisation :

-Consolidation et imperméabilisation de surface -Comblements de lacunes sur des objets céroplastiques -Nombreuses application industrielles (revêtements, films, etc.)

Préparation : la cire microcristalline peut-être fondue au bain-marie. Conservation : dans un récipient propre et hermétique. Toxicité : aucune toxicité

Paraffine C30 Composition : cire minérale issue de la raffinerie des produits pétroliers, composée d’hydrocarbures linéaires. Caractéristiques :

-Forme commerciale : granules blanches translucides, solides -Température de fusion : 50-54°C -Densité : 0,84 -Faible résistance mécanique -Bon vieillissement, résistante aux attaques fongiques, très peu sensible aux variations hygrométriques, pas de jaunissement

Utilisation :

-Consolidation et imperméabilisation de surface, en mélange avec d’autres cire minérales -Comblements de lacunes sur des objets céroplastiques -Nombreuses application industrielles (objets, revêtements, films, etc.)

Préparation : la paraffine peut-être fondue au bain-marie. Conservation : dans un récipient propre et hermétique. Toxicité : aucune toxicité


227 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement

ANNEXE VI

LA SOIE : PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES ET MECANIQUES

1. Identification du textile des lacs

La description de la composition chimique de la soie, de ses caractéristiques physiques et de son comportement mécanique permet de mieux saisir ses processus de vieillissement. En effet, ce matériau, peu connu des restaurateurs d’Arts graphiques, a un comportement sensiblement différent du papier et du parchemin, bien qu’il s’agisse d’un polymère naturel. 2. Introduction à la fabrication de la soie La soie est produite par les vers Bombyx mori, qui, lors de leur mue, s’entourent d’un cocon de 3 à 3,5 centimètres de long. Tout l’art du soyeux consiste obtenir les cocons de la meilleure qualité possible, et à les traiter avec un soin extrême. Lors de la fabrication, on commence par dévider les cocons de soie. Le moulinage de la soie consiste à rassembler deux faisceaux de brins de soie, et à leur imprimer une torsion en S ou en Z, avec un nombre précis de tour par unité de longueur, au moyen d’une roue. On élimine les défauts pour une finition plus polie. Malgré tout, cette soie grège reste assez raide, et ne peut pas être teintée. On procède donc au dégommage de la soie, en éliminant la gaine de séricine, par procédé enzymatique acide ou par procédé alcalin. Le dévidage et le moulinage des cocons se sont longtemps effectués manuellement, avant que les avancées technologiques de la seconde moitié du XVIIIe siècle n’introduisent la mécanisation des procédés de fabrication431. Dans les paragraphes suivants, nous nous concentrerons sur les brins de soie et les fils auxquels on a imprimé une torsion, sans aller jusqu’au tissage. 3. Composition et structure chimique de la soie 3.1. Composition La soie est une protéine432, et, plus précisément, une holoprotéine. A ce titre, on peut considérer que ses macromolécules résultent de la polymérisation d’α-aminoacides carboxyliques433 : H2N-*CH-COOH A

( NH-*CH-CO ) A

La protéine de soie est appelée fibroïne. Sur la longue chaîne carbonée, l’atome de carbone *C est asymétrique434 et de configuration absolue [S]435. Les chaînes sont entourées de groupements 431

Soit après la rédaction et le scellage de la charte de Louis d’Orléans ici étudiée. 4 -1 Le terme de protéine désigne les composés de masse molaire supérieure à ~10 g.mol , à l’inverse des polypeptides. Une holoprotéine est une protéine dont les groupements latéraux sont uniquement composés d’acides aminés. M. FONTAVILLE, Y. GNANOU, Chimie et physico-chimie des polymères, éditions Dunod, Paris, 2002, p.472-477 433 Ibid. 432


228 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement latéraux aminés, de conformations et de longueurs différentes les unes des autres. Le tableau suivant donne les principaux groupements aminés latéraux A 436:

Acides aminés latéraux Glycine Alanine Sérine Tyrosine Autres acides aminés

Proportion 43 à 44% 26 à 30% 12 à 13% 4,8 % 8,2 à 14,2 %

Structure H2N-CH2-COOH H2N-CH(CH3)-COOH HO-CH2-CH(NH2)-COOH HO-C6H4-CH2-CH(NH2)-COOH

Tableau 13 : Acides aminés formant les groupements latéraux des protéines de soie

3.2 Structure polymérique Pour comprendre la structure des protéines, la chimie du vivant distingue trois niveaux d’arrangement des molécules437:  

L’arrangement primaire désigne la disposition séquentielle des groupements latéraux, le long de la chaine macromoléculaire ; L’arrangement secondaire des protéines correspond à leur configuration tridimensionnelle en hélice α (comme dans le parchemin) ou en feuillet β (comme dans la soie) ; L’arrangement tertiaire définie la disposition des chaînes les unes par rapport au autres.

L’arrangement séquentiel primaire de la soie dépend de son origine, c’est-à-dire du Bombyx mori dont elle est issue. La nature et la longueur des groupements latéraux peuvent donc varier, selon les soies. La soie adopte une configuration caractéristique en feuillet β, dans laquelle les axes de l’hélice α sont en quasi-totale extension. Normalement, la structure secondaire des protéines correspond à une configuration hélicoïdale (comme dans le parchemin). Cet arrangement est dû aux liaisons hydrogène qui se créent entre les groupements C=O et N-H. Le nombre de liaisons hydrogènes ainsi créées est à l’origine d’une grande stabilité structurelle des protéines. Les liaisons hydrogènes ainsi obtenues se placent dans un plan, par nature bidimensionnel. D’où la disposition en

434

Dans le cas où un atome de carbone porte quatre atomes ou quatre groupements d’atomes tous différents, alors la molécule dont il fait partie ne peut posséder aucun axe de symétrie. Le carbone est dit « asymétrique ». 435 L’orientation spatiale des liaisons que forme un atome avec ses plus proches voisins constitue sa configuration, tandis que la conformation d’une molécule désigne sa géométrie particulière, eut égard aux rotations internes possibles autours de certaines de ses liaisons. D’une manière générale, la configuration S ou R (de sinister : gauche et rectus : droit) désigne le sens de disposition des trois groupements d’atomes par rapport au quatrième et dernier substituant, dans le sens des aiguilles d’une montre R ou dans le sens inverse S. Sur la stéréoisomérie des molécules, voir B. JAMART & al, Chimie organique, éditions Dunod, Paris p. 59-77. 436 M. FONTAVILLE, Y. GNANOU, Op. cit., p.476. D’ors et déjà, on remarque que la soie se distingue de la laine, puisqu’elle ne contient normalement pas de souffre. 437 S. WEINMAN, P. MEHUL, Toute la biochimie, éditions Dunod, Paris, 2004, p. 14-22


229 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement feuillets superposés, fortement anisotropes. Les chaînes des polymères sont disposées dans des directions opposées: les feuillets β sont donc antiparallèles.

Figure 37: Configuration des protéines de soie en feuillet β antiparallèles. Le sens des flèches indique l’orientation des chaînes, tandis que leur épaisseur représente l’éloignement dans l’espace tridimensionnel. Les liaisons hydrogène sont figurées entre les groupements C=O et N-H. Image Benoit LeBlanc

On estime que les zones cristallines représentent 30 à 50% de l’arrangement moléculaire438. 3.3 Structure des fils de soie Le fil de soie de Bombyx mori, ou ‘bombyx du murier’, se compose de deux fibres entourées en soudées par une gaine de séricine, le ‘grès’, représentant 20 à 30% de la fibre439. Chaque fibre a une section trigonale. Elle rassemble des fibrilles de fibroïne disposées parallèlement dans le sens de la fibre440. La longueur des brins dépend de l’origine de la soie, c’est-à-dire de la variété de Bombyx Mori, et, dans une moindre mesure, de l’individu considéré (800 à 900m de fil). Les fils agrégés441 contiennent au minimum 5 brins, soient dix fibres maintenus ensemble par le grès. Le diamètre d’un fil de soie naturel varie entre 10 et 32μm442.

4. Caractéristiques physiques D’un point de vue structural, nous observons une importante différence de périodicité, entre la structure en hélice α (c=2,7nm) et la structure β en feuillet (c=0,695nm). Les liaisons hydrogènes sont orientées perpendiculairement à l’orientation des chaînes. Par ailleurs, la structure de la soie comporte de nombreux défauts, car le vers à soie se tortille en dévidant sa bave.On comprend dès lors que cette disposition est à l’origine d’un module d’élasticité σ élevé, et d’une

438

Ibid. F. PEREGO F., Op.cit., éditions Belin, Paris, 2005, p.677-680 440 D. REIS, B. VIAN, C. BAJON, Le monde des fibres, éditions Belin, 2006, 352p. 441 Le fils ‘agrégés’ ou ‘grèges’ sont ceux dont on n’a pas enlevé le grès lors de la fabrication. Les fils sans grès sont dits ‘décreusés’ ou ‘dégommés’, et peuvent être teintés ; D. REIS, B. VIAN, C. BAJON, op. cit., 352p. 442 Ibid. 439


230 Rapport de restauration III : conservation et conditionnement élongation réversible assez faible443. L’allongement à la rupture à sec est ainsi inférieur à 15%444. Néanmoins, la soie a une très bonne résistance plastique.

5. Caractéristiques chimiques La soie est un matériau hygroscopique ; sa teneur en eau est donc fonction de l’humidité relative de milieu445. Elle est insoluble dans l’eau et dans la plupart des solvants organiques courants. La fibroïne a un caractère amphotère446. Elle semble perdre son éclat en présence d’alcalis, tandis que les acides faibles paraissent la raviver. La fibroïne se décompose à partir de pH 11, parfois légèrement inférieur447. Cette caractéristique est intéressante du point de vue de la conservation des œuvres composites, puisque l’on recommande l’utilisation de papier permanent (avec réserve alcaline), pour le conditionnement des archives.

6. Vieillissement de la soie et des lacs de soie L’altération de la soie est souvent due à une dénaturation des protéines, suite à des variations de température et d’humidité relative. Le poids d’un sceau appendu sur lacs de soie, par exemple, peut être responsable de la déformation des lacs, de la rupture des fibres, mais rarement de la rupture du faisceau entier de fils. Les changements de pH du milieu et les dégradations photochimiques fragilisent également la soie, et affectent les colorants. En effet, après 200h d’exposition à la lumière solaire la soie perd environ 80% de sa résistance à la traction448. Les colorants ou charges peuvent accélérer ou ralentir ce processus, selon leur nature. Si l’on considère que pendant la restauration d’un sceau, l’exposition à la lumière peut être importante, il est plus prudent de protéger la soie par un intermédiaire opaque.

443

La ténacité de la soie à la rupture est égale à 0,5GPa environ. La soie, même dégommée, est plus résistante à la traction que la laine et le Nylon. L’essai de traction est donné par la norme AFNOR-T516034. M. FONTAVILLE, Y. GNANOU, Chimie et physico-chimie des polymères, éditions Dunod, Paris, 2002, p.476 444 Sur l’élasticité des polymères et le comportement des fibres naturelles, voir A. ROCHE, Comportement mécanique des peintures sur toile, Dégradation et prévention, CNRS édition, Paris, 2003, p. 7-15 et 32-35 ; G. DELCROIX, M. HAVEL, Phénomènes physiques et peintures artistiques, édition Erec Puteaux, 1988, p. 244-260. 445 F. PEREGO, op. cit., p.678 446 En restauration du patrimoine, cette particularité chimique des protéines a donné lieu à de récentes études sur les propriétés de la gélatine, comme consolidant et colle de réencollage des papiers porteurs d’encres ferrogalliques. 447 Ibid. 448 Ibid. La soie est classée parmi la catégorie 6 ‘sensibilité moyenne’ du test à la laine bleue.


Rapport de restauration III : conservation et conditionnement ANNEXE VII

TEXTE ET TRANSCRIPTION DE LA LETTRE DE RECEPTION


Lettres de Réception de Chevalier de Justice dans les ordres Royaux, Militaires et hospitaliers de III : conservation et conditionnement Rapport de restauration Ne Dame du Mont Carmel et de St. Lazare de Jérusalem.

232

Louis d’Orléans Duc de Chartes Premier Prince de Sang& & Premier Paire de France, Colonel

Pour Mr de la Ravoye

general de l’Infanterie, Gouverneur & Lieutenant général pour le Roy de la Province de Dauphiné, & Grand Maître général, tant au Spirituel, qu’au Temporel des Ordres Royaux, e

Militaires et Hospitaliers de N . Dame du Mont Carmel & de saint Lazare de Jérusalem, de Bethleem, tant deçà que delà la mer ; A tous ceux qui (…)Salut (…), qu’ayant agrée l’humble prière qui Nous a été faite par Louis Neyret de la Ravoye Cayas Mestre de Camp du Régiment de Ponthien à ce qu’il nous plu le recevoir Chevalier de Justice dans nos ordres, et ayant été particulièrement informé de sa bonne vie, Monsieur Mœurs, Religion Catholique, apostolique & Romaine, Naissance Légitime, Noblesse & Services Militaires, tant par l’enqueste qui en a été faite, que par les autres preuves qui ont été mises en mains des Comissaires par Nous a ce députez dont Nous a fait raport ; A ces Causes, & autres e

Considérations à ce (…), Nous avons leD Louis Neyret de la Ravoye fait créé, & reçu, faisons (…) Chevalier de Justice desd. Ordres Royaux, Militaires et hospitaliers de N Dame du Mont Carmel et de st Lazare de Jérusalem, pour jouir par lui des honneurs, dignités, prééminences, franchises, libertés, droits et privilèges accordez par les Souverains Pontifes, Empereurs et Roys Chrétiens, tenir rang parmy les Chevaliers desd. Ordres du jour et date des présences, ainsy qu’il a été inscrit dans les Registres desd. Ordres, aux pouvoirs de posséder Commanderies, Pensions sur toutes sortes de Bénéfices, quoy que marié, & de porter la croix , et le collier desd. Ordres, a condition d’en observer les Statuts, sans y contrevenir directement ni indirectement, et de se rendre auprès de Nous toutes et & quantes fois qu’il en sera requis pour le service du Roy notre Souverain Seigneur, & pour le bien & utilité des Ordres ; Si Donnons en Mandement à tous Commandeurs, Chevaliers, Officiers desd. Ordres, Chapelains, Frères Servants d’Armes, & à tout autres qu’il e

appartiendra de reconnoître led. Sieur Neyret de la Ravoye Chevalier de Justice desd. Ordres Royaux, Militaires et hospitaliers de N Dame du Mont Carmel et de st Lazare de Jérusalem, le recevoir en cette qualité dans toutes les Assemblées publiques & Capitulaires desd. Ordres, & le laisser & faire jouir de tous les privilèges dont jouissent les Chevaliers d’Iceux ; Car telle est notre Intention, par tesmoin de qouy nous avons Signé ces présentes de nôtre main Icelles fait contresigner par notre frère Chevalier Commandeur, Greffier & Secrétaires desd. Ordres, & Sceller du sceau d’Iceux ; Donné à Paris Le vingt Septième Jour du Mois d’Aoust, Mil Sept Cent vingt un. I .

Louis d’Orléans ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Aujourd’hui vingt Septième Aoust mil Sept cent vingt un. Les.r Neyret de la Ravoye dénommé dans les présences, a fait, & preté entre les mains de Monseigneur le Grand-Maître, les vœux, & le Serment de fidélité pour sa profession dans les Ordres Royaux, Militaires et hospitaliers de Notre Dame du Mont Carmel & de st Lazare de Jérusalem, Moy Chevalier Commandeur Greffier & Secrétaire des ordres présents Doublet

Par Monseigneur Doublet

[Visa]


Annexes

1

Louis d’Orléans Duc de Chartes Premier Prince de Sang

& Premier Paire de France,

Colonel general de l’Infanterie, Gouverneur & Lieutenant général pour le Roy de la Province de Dauphiné, & Grand Maître général, tant au Spirituel, qu’au Temporel 3

des Ordres Royaux, Militaires et Hospitaliers de Ne. Dame du Mont Carmel & de saint Lazare de Jérusalem, de Bethleem, tant deçà que delà la mer ; A tous ceux qui (…)Salut (…), qu’ayant agrée l’humble prière qui Nous a été faite par Louis Neyret de la Ravoye Cayas Mestre de Camp du Régiment de Ponthien à ce qu’il nous plu le

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recevoir Chevalier de Justice dans nos ordres, et ayant été particulièrement informé de sa bonne vie, Monsieur Mœurs, Religion Catholique, apostolique & Romaine, Naissance Légitime, Noblesse & Services Militaires, tant par l’enqueste qui en a été faite, que par les autres preuves qui ont été mises en mains des Comissaires par

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Nous a ce députez dont Nous a fait raport ; A ces Causes, & autres Considérations à ce (…), Nous avons leD Louis Neyret de la Ravoye fait créé, & reçu, faisons (…) Chevalier de Justice desd. Ordres Royaux, Militaires et hospitaliers de Ne Dame du Mont Carmel et de st Lazare de Jérusalem, pour jouir par lui des honneurs, dignités,

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prééminences, franchises, libertés, droits et privilèges accordez par les Souverains Pontifes, Empereurs et Roys Chrétiens, tenir rang parmy les Chevaliers desd. Ordres du jour et date des présences, ainsy qu’il a été inscrit dans les Registres desd. Ordres, aux pouvoirs de posséder Commanderies, Pensions sur toutes sortes de

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Bénéfices, quoy que marié, & de porter la croix , et le collier desd. Ordres, a condition d’en observer les Statuts, sans y contrevenir directement ni indirectement, et de se rendre auprès de Nous toutes et & quantes fois qu’il en sera requis pour le service du Roy notre Souverain Seigneur, & pour le bien & utilité des Ordres ; Si

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Donnons en Mandement à tous Commandeurs, Chevaliers, Officiers desd. Ordres, Chapelains, Frères Servants d’Armes, & à tout autres qu’il appartiendra de reconnoître led. Sieur Neyret de la Ravoye Chevalier de Justice desd. Ordres Royaux, Militaires et hospitaliers de Ne Dame du Mont Carmel et de st Lazare de

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Jérusalem, le recevoir en cette qualité dans toutes les Assemblées publiques & Capitulaires desd. Ordres, & le laisser & faire jouir de tous les privilèges dont jouissent les Chevaliers d’Iceux ; Car telle est notre Intention, par tesmoin de qouy nous avons Signé ces présentes de nôtre main Icelles fait contresigner par notre frère

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Chevalier Commandeur, Greffier & Secrétaire desd. Ordres, & Sceller du sceau d’Iceux ; Donné à Paris Le vingt Septième Jour du Mois d’Aoust, Mil Sept Cent vingt un. I.

Louis d’Orléans


Annexes


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