Floriane CLERC- Etude et restauration d'une carte chronologique manuscrite de grand format

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ECOLE DE CONDE Formation Restaurateur du Patrimoine - Niveau II

MEMOIRE DE FIN D’ETUDES Conservation Restauration d’Arts Graphiques

Objet de l'étude : Etude et restauration d’une carte chronologique manuscrite de grand format datant du 18e siècle.

Sujet technico-scientifique : Etude comparative de l’adhésivité de cinq gélatines utilisées froides à deux concentrations.

Mots clés : Grand format – Carte chronologique – Léonard Michon - Gélatine en mousse– Conditionnement en rouleau – Verdegris –Doublage sur fond tendu

Floriane CLERC Spécialité Arts graphiques Promotion 2015


REMERCIEMENTS

Après ces cinq années d’études et ces deux ans passés sur ce travail de mémoire, je tiens à remercier sincèrement toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à ce mémoire. Mes premiers remerciements s’adressent à l’équipe de la Bibliothèque Municipale de Lyon, qui m’a accordé sa confiance pour la réalisation de ce projet de mémoire et la restauration de la Carte chronologique. Je remercie tout spécialement Yann Kergunteuil et Amanda Allorge pour leur disponibilité et le temps qu’ils ont su m’accorder. Merci au corps enseignant et administratif de Condé. Je pense en particulier à Mme Auliac, Mme Mouraud, Mr Ollier et au Pr. Pepe pour leur suivi et leurs conseils. J’en profite pour remercier également l’équipe des fonds anciens de la BML et les membres de l’atelier de restauration qui ont su m’accueillir et partager leurs connaissances. Pour leur sympathie, leur relecture et leur partage, merci à Karine Gombault et Elsa Gravé des ateliers Saint Martin. Un grand merci à Lars Björdal pour m’avoir permis de vivre cette expérience suédoise inoubliable au sein de la Carolina Rediviva. Merci à l’ensemble de l’équipe pour leur gentillesse et leur disponibilité. Merci à Bo Carlsson, à Roger Johansson pour sa bonne humeur et sa passion débordante pour les livres, et merci à Adam Larsson pour sa patience et tout ce qu’il a su me transmettre avec générosité et enthousiasme. Merci à mes camarades de promotion : Marion, Elsa, Julie, Elodie, Romy et Sarah pour ces cinq années en leur compagnie. Pour leur amitié précieuse et leur écoute, un grand merci à Blanche et Stéphanie. Pour son soutien sans failles et son sang-froid à toute épreuve, Valérian, merci. Enfin, je remercie tout particulièrement mes parents pour m’avoir fait confiance et soutenu durant ces cinq dernières années, mon frère et ma sœur pour leurs conseils, et plus généralement ma famille.


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RESUME

Ce mémoire est consacré à l’étude et la restauration d’une carte chronologique du début du 18e siècle. Il comporte en outre une étude technico-scientifique sur une utilisation spécifique de la gélatine. Le travail est sectionné en trois parties. La première partie est l’étude historique de l’œuvre. Elle s’articule autour de trois grands axes, dont l’objectif est de déterminer avec plus de précision la nature de l’œuvre. Ainsi, un premier temps est consacré à la description de l’œuvre, afin d’en comprendre la lecture et d’en saisir l’aspect esthétique. L’investigation se poursuit dans un second temps autour du signataire de l’œuvre : Léonard Michon, magistrat lyonnais, ce qui permet d’éclaircir ses intentions concernant le document. Enfin, nous avons rassemblé divers éléments visant à cerner l’essence de l’œuvre et à en définir son caractère unique. Une seconde partie s’est centrée sur l’étude technique et scientifique de l’utilisation froide de la gélatine. Après avoir rassemblé les connaissances sur le sujet, nous avons réalisé des tests d’adhésivité sur un ensemble de cinq gélatines aux caractéristiques différentes, et à deux concentrations. L’étude révèle que, s’il est difficile de déterminer un comparatif suivant les propriétés spécifiques à chaque gélatine, il est cependant possible d’établir des recommandations pour une meilleure adhésivité et un apport réduit en adhésif. Le mémoire s’achève enfin par la restauration de l’œuvre. Un examen minutieux des altérations a été établi pour guider la réflexion vers les traitements à réaliser. S’en est suivie la restauration, qui a été menée dans le souci de rétablir une meilleure lisibilité du document, en respectant l’intégrité de l’œuvre.

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ABSTRACT

This thesis is dedicated to the study and restoration of a chronological map from the early 18th century. It also includes a technical-scientific study on a specific use of gelatin.

The work is divided into three parts.

The first part is the historical study of the document. It revolves around three main axes, whose objective is to determine more accurately the nature of the work. So first is devoted to the description of the work, in order to understand reading and grasp the aesthetics. The investigation continues in a second part around the creator of the work: Leonard Michon, magistrate in Lyon, allowing to clarify its intentions. Finally, we have collected various elements to identify the essence of the work and define its unique character.

A second part focuses on technical and scientific study of the gelatin foam used cold. After gathering knowledge on the subject, we conducted tests of tack on a set of five gelatins with different characteristics, and two concentrations. The study reveals that it is difficult to determine a comparative following the properties specific to each gelatin, however it is possible to recommend the use of a cold 3% gelatin for better adhesion and a reduced supply of adhesive.

The thesis finally ends with the restoration of the map. Careful examination of the alterations was established to guide thinking about treatments to choose from. This was followed by the restoration, which was conducted in order to restore readability of the document, respecting the integrity of the document.

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FICHE D’IDENTIFICATION DE L’ŒUVRE DE MEMOIRE Titre ou désignation de l’œuvre : "Carte chronologique de la création des charges de Nosseigneurs, des présidents et trésoriers généraux de France de la généralité de Lyon…" Photographie avant intervention

Photographie après intervention

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Statut Cotation, n° d’inventaire et/ou collection - fond : MS 7507 Renseignements relatifs à l’objet

Titre ou désignation de l’œuvre : « Carte chronologique de la création des charges de Nosseigneurs, des présidents et trésoriers généraux de France de la généralité de Lyon…» Cotation : MS 7507 Nom de l’auteur : Léonard Michon (1675-1746, magistrat et notable lyonnais) Date: 1717 Dimensions : 116 x 142 cm Inscription(s) particulière(s) : annotation au crayon coin supérieur gauche : "2446" Fonction et nature de l’objet

Description – représentation : présentation des fonctions et de leurs occupants, du bureau des finances de Lyon du XVIe siècle au XVIIIe siècle Matériaux constitutifs : papiers marouflés sur toile de lin et renforts ponctuels de Tissu Technique(s) : document manuscrit, encres (métallogallique, noire, verte, marron et rouge). Gravure au burin rehaussé en couleur (ex-libris) Documentation

Propriétaire & lieu de conservation : Bibliothèque Municipale de Lyon (BML) Valeur culturelle : outre l'intérêt graphique, ce document complète nos connaissances sur les charges et offices en matière de finance à Lyon au XVIe, XVIIe, et XVIIIe siècles, en apportant de précieux renseignements sur leurs titulaires. Pourquoi conserver ce bien ? Les informations apportées par le document permettront de parfaire les connaissances au sujet du monde des finances à Lyon entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Il permettra aussi de renseigner les centres d'intérêts de son auteur. Il pourrait ensuite être valorisé dans le cadre d’une exposition (BML, Musée Gadagne, etc) Etat de conservation et présentation succincte des altérations : le document a été conservé en rouleau et présente donc un ensemble d'altérations dues à ce conditionnement. Des auréoles sur la toile et sur le papier laissent deviner un apport d'eau antérieur. On observe un fort encrassement et quelques lacunes. L'état général n'est pas alarmant mais assez préoccupant pour nécessiter une intervention qui permettrait la stabilisation du support et éviter la perte de matière due aux réseaux de déchirures.

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TABLE DES MATIERES

Remerciements ........................................................................................................................................ 0 Résumé .................................................................................................................................................... 1 Abstract ................................................................................................................................................... 3 FICHE D’IDENTIFICATION DE L’ŒUVRE DE MEMOIRE ............................................................. 4 Table des matières ................................................................................................................................... 6 Avant propos ......................................................................................................................................... 10 Introduction Générale ............................................................................................................................ 11 PARTIE HISTORIQUE ............................................................................................................................... 12 INTRODUCTION ...................................................................................................................................... 13 I.

Description : comment lire la « Carte » ? ..................................................................................... 14 1.

Une logique structurée............................................................................................................... 14 1.1 L’organisation du contenu ................................................................................................. 15 1.2 L’influence composite dans l’iconographie ...................................................................... 19 2. Explication du contenu .............................................................................................................. 27 2.1 Sujet de l’œuvre................................................................................................................. 27 2.2 Echo ou illustration de l’armorial ? ................................................................................... 28 II. Qui était Léonard Michon ? .......................................................................................................... 31 1.

Le parcours vers la noblesse ...................................................................................................... 31 1.1 Eléments biographiques..................................................................................................... 31 1.2 Cursus et ascension sociale ............................................................................................... 31 2. La satisfaction de la noblesse .................................................................................................... 33 3. Un homme érudit et soucieux de son temps .............................................................................. 34 3.1 L’œuvre d’une vie : le « Journal de Lyon » ...................................................................... 34 3.2 La bibliothèque de Michon : le reflet de son érudition ? ................................................... 37 III. Un document unique ? ............................................................................................................... 42 1.

Quel usage, et pour qui ? ........................................................................................................... 42 1.1 L’hypothèse d’un projet personnel .................................................................................... 42 1.2 L’hypothèse d’un projet plus ambitieux ............................................................................ 44 2. Un contenu et une forme unique ? ............................................................................................. 45 2.1 Un travail inspiré des arbres généalogiques ? ................................................................... 45 2.2 Un document semblable : l’armorial de Chaussonet ......................................................... 46 3. Historique du document ............................................................................................................ 48 3.1 Une cotation mystérieuse .................................................................................................. 48 3.2 Une mention explicite de la Carte : une trace exploitable ? .............................................. 49 CONCLUSION ..................................................................................................................................... 51 ETUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE .......................................................................................................... 53 INTRODUCTION ...................................................................................................................................... 54 I.

Présentation du sujet ..................................................................................................................... 55 1. 2. 3.

Choix du sujet ............................................................................................................................ 55 Intérêt de l’étude et objectifs visés ............................................................................................ 58 Quelques éléments sur la gélatine ............................................................................................. 59

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II.

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Présentation de l’expérience ......................................................................................................... 61

1. 2. 3. III.

But de l’expérience .................................................................................................................... 61 Présentation des adhésifs ........................................................................................................... 61 Préparation des adhésifs ............................................................................................................ 62 Expérimentations ....................................................................................................................... 65

1. 2. 3.

Protocole.................................................................................................................................... 65 Résultats et observations ........................................................................................................... 67 Synthèse générale des observations........................................................................................... 73 CONCLUSION ......................................................................................................................................... 76 CONSERVATION – RESTAURATION ........................................................................................................ 79 INTRODUCTION ...................................................................................................................................... 80 EXAMEN DE L’ŒUVRE ........................................................................................................................... 81 I.

Nature des matériaux constitutifs ................................................................................................. 81 1. 2.

Nature des matériaux de support .............................................................................................. 81 Nature de la technique graphique ............................................................................................. 85 2.1. Les encres d'ornements ...................................................................................................... 85 2.2. L'encre d'écriture .............................................................................................................. 89 2.3. Les rehauts de l'ex-libris ................................................................................................... 90 3. Nature des adhésifs et encollages ............................................................................................. 91 II. Constat des altérations .................................................................................................................. 92 1.

Etat de conservation du support ............................................................................................... 92 1.1 La toile ................................................................................................................................... 92 1.2 Le papier d’œuvre .................................................................................................................. 93 1.3 Le papier de l’ex-libris ........................................................................................................... 98 1.4 Compléments suite à la restauration…………………………………………………………....…………98

2.

Etat de conservation de la technique graphique ........................................................................ 99 2.1 L’encre noire d'ornement ................................................................................................. 100 2.2 L'encre d'écriture ............................................................................................................. 100 2.3 L’encre rouge .................................................................................................................. 100 2.4 L’encre verte.................................................................................................................... 101 2.5 L'encre brune ................................................................................................................... 102 2.6 Les encres de l’ex-libris................................................................................................... 102 III. Diagnostic................................................................................................................................ 103 1.

Diagnostic des altérations du support ...................................................................................... 103 1.1 Diagnostic des déformations causées par les différents types de conditionnement ........ 103 1.2 Diagnostic des petites altérations mécaniques................................................................. 109 1.3 Diagnostic des autres altérations ..................................................................................... 110 2. Diagnostic des altérations de la technique graphique ................................................................. 111 PROPOSITION DE TRAITEMENT ............................................................................................................... 113 IV. 1. 2. V. VI.

Les enjeux du travail de restauration ....................................................................................... 113 Objectifs de la restauration ...................................................................................................... 113 Considérations et difficultés .................................................................................................... 114 Nettoyage à sec ........................................................................................................................... 117 Désolidarisation du support ..................................................................................................... 118

1. Choix du renfort de la face ...................................................................................................... 118 1.1 Retrait de la toile ..................................................................................................................... 121 1.2 Dérestauration ......................................................................................................................... 121

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VII.

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Nettoyage ciblé ........................................................................................................................ 122

VIII.

Stabilisation de la technique ................................................................................................ 123

IX. X.

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Consolidations ......................................................................................................................... 124 Doublage & mise à plat .............................................................................................................. 125

1. 2. XI.

Choix des matériaux ................................................................................................................ 124 Mise en œuvre des doublages .................................................................................................. 127 Comblement des lacunes ......................................................................................................... 130

XII.

Retouches ................................................................................................................................ 130

XIII.

Conditionnement ................................................................................................................. 131

TRAITEMENTS DE RESTAURATION .......................................................................................................... 132 XIV. XV.

Nettoyage à sec .................................................................................................................... 132 Désolidarisation du support ..................................................................................................... 134

1. Stabilisation du recto ............................................................................................................... 134 2. Retrait de la toile ..................................................................................................................... 135 XVI. Dérestauration ..................................................................................................................... 137 XVII.

Nettoyage ciblé .................................................................................................................... 140

1. Nettoyage du verso .................................................................................................................. 140 2. Nettoyage des auréoles ............................................................................................................ 143 3. Stabilisation des taches supposées de microorganismes ......................................................... 143 XVIII. Stabilisation de la technique ................................................................................................ 144 XIX.

Consolidations ..................................................................................................................... 144

1. 2. 3. XX.

Pose d’agrafes.......................................................................................................................... 145 Renfort des réseaux de déchirures ........................................................................................... 146 Renfort d’une zone sensible .................................................................................................... 147 Doublage et mise à plat ........................................................................................................... 148

1. 2. 3. 4. XXI.

Doublage secondaire ............................................................................................................... 148 Doublage primaire ................................................................................................................... 149 Pose de l’œuvre ....................................................................................................................... 149 Retrait du facing ...................................................................................................................... 153 Comblements des lacunes.................................................................................................... 154

XXII.

Retouches ............................................................................................................................ 155

XXIII.

Finitions………………………………………………………………………………………………………156

XXIV. Conditionnement ................................................................................................................. 157 CONCLUSION ....................................................................................................................................... 164 CONCLUSION GENERALE ..................................................................................................................... 165 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………………………………..167 TABLE DES ILLUSTRATIONS……………………………………………………..……………………………………..172 ANNEXES…………………………………………………………………………………….………………………...…..177 Partie historique…………………………………………………………………………………………………………..177 Partie scientifique………………………………………………………………………………………………………..180 Partie restauration-conservation……………………………………………………………………………………...189

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AVANT-PROPOS

Les réserves des institutions m’ont toujours fascinées par la richesse et la variété des trésors qu’elles enfouissent. Ainsi, c’est tout naturellement que j’ai fait appel à la bibliothèque municipale de Lyon lorsqu’a commencé le projet du mémoire de fin d’études. Partant à la recherche d’une œuvre qui pourrait convenir aux critères exigés pour ce travail, nous avons parcouru le fonds ancien accompagnés du parfum des vieux livres si caractéristique propre au charme de ces lieux. Plusieurs documents semblaient convenir, mais lorsque nous sommes tombés par hasard sur ce rouleau non répertorié, nous avons tout de suite été enthousiasmés par le mystère qui l’entourait. En outre, la possibilité de traiter un grand format a immédiatement été un critère décisif dans la mesure où cela m’a toujours passionné. En effet, réussir à traiter l’infime sur une grande surface oblige à aborder les démarches différemment que pour les formats plus standards. Par ailleurs, le conditionnement de ces œuvres à travers les époques, et dont en résulte souvent l’état critique de leur conservation, est une problématique préoccupante. Ce travail est ainsi l’occasion de contribuer à cette réflexion via ce cas précis. La dimension historique, et l’éventualité de pouvoir contribuer même de loin à la connaissance d’un magistrat dont l’importance est capitale dans l’histoire de Lyon a aussi été l’une des motivations de ce projet. En tous les cas, cela annonçait dès le départ un projet enrichissant de tous points de vue, et au terme de ces deux ans, j’en sors grandie et désireuse de poursuivre davantage dans cette voie où l’apprentissage ne s’arrête jamais.

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INTRODUCTION GENERALE

Ce mémoire est consacré à l’étude et la restauration d’une « Carte chronologique » du début du 18e siècle. Il s’agit d’un document tout à fait singulier, tant par son contenu que par son caractère esthétique inattendu. C’est pourquoi nous nous intéresserons dans une première partie à la dimension historique de l’œuvre, en essayant de déterminer d’abord par sa description, puis par la connaissance de son auteur et par son historique, s’il s’agit d’un document unique en son genre. Dans une deuxième partie, c’est l’aspect technico scientifique, indissociable de tout travail de restauration, dont il sera question. Dans l’intention d’améliorer les connaissances de l’utilisation trop méconnue de la gélatine froide ou en mousse, nous proposons une étude comparative de cette utilisation avec une utilisation classique donc tiède. Cette étude visera également à dégager des recommandations quant à l’utilisation de la gélatine en mousse. Ces dernières feront suite à une série d’expérimentation menée sur cinq gélatines aux caractéristiques différentes, selon cette forme spécifique et à deux concentrations différentes. La dernière partie de ce mémoire rapportera le travail de restauration mené sur la Carte. Il sera présenté en trois temps. D’abord une analyse poussée des altérations avec la suggestion d’un diagnostic, puis l’établissement d’une proposition de traitement adaptée aux enjeux de conservation de l’œuvre, et enfin, le rapport détaillé des interventions menées.

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PARTIE HISTORIQUE

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INTRODUCTION

Si ce mémoire de fin d’études vise principalement à mettre en pratique les connaissances accumulées durant ces cinq dernières années en termes de conservation et de restauration, il donne aussi la possibilité de nous attarder plus en détail sur une œuvre spécifique. Effectivement, l’opportunité de pouvoir étudier l’histoire d’un document permet d’acquérir une toute autre approche du travail de restauration. Lorsqu’on s’imprègne de son vécu, non seulement par l’observation de l’usure ou des dégradations qu’il a subies, mais aussi par les matériaux et le contenu, l’ombre de l’auteur et l’odeur des siècles passés deviennent presque palpables. Il en devient alors passionnant de pousser l’analyse pour tenter de saisir avec davantage de précision, ce qui fait de ce document un objet d’intérêt, et ainsi mettre en évidence les raisons de conserver ce bien. La Carte est sans nul doute un document insolite, tant par son contenu, que par sa forme. S’il s’agit d’un objet usuel, on ne peut nier la dimension esthétique qu’il porte. C’est notamment cette singularité qui a immédiatement imposé la Carte comme un document digne d’être étudié et conservé. Le dessein de l’étude qui suit, vise à démêler quelque peu le mystère qui gravite autour du document. A savoir quelle est l’essence de ce document ? S’agit-il d’un document unique ? Comment et pourquoi, Léonard Michon a-t-il entrepris la réalisation de ce projet ? A qui était-ce destiné et quelle en était l’utilité ? Dans le but de dégager quelques éléments de réponse, nous commencerons avant tout par nous familiariser avec le document, en clarifiant sa lecture et son utilisation, par la description iconographique et celle du contenu. Nous entreprendrons ensuite d’en apprendre plus sur l’auteur du document, Léonard Michon. En effet en nous renseignant sur le personnage et sur l'homme qu'il était, nous espérons comprendre les motivations de l'établissement de ce document. Enfin, après avoir rassemblé ces éléments, nous pourrons réfléchir à sa singularité, notamment au travers de certains mystères qui subsistent.

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I.

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Description : comment lire la Carte ?

Avant d’aborder l’angle purement historique de l’œuvre, il nous semble nécessaire d’analyser et comprendre sa structure et son contenu.

1. Une logique structurée Le document représente une « carte chronologique » selon son intitulé. L’ensemble s’articule autour d’un arbre dont le tronc-pilier s'érige en s'affinant du centre inférieur du document jusqu'au centre supérieur (schéma 1 fig.7 p.15). De ce tronc se déploient de manière asymétrique mais régulière, plusieurs branches feuillues entrelacées, reliant les différents cartouches entre eux. Ces branches sont peintes en vert, de même pour les feuilles. Elles sont ponctuées de quelques fruits ronds rouges au bout des pédoncules (schéma 1 fig.1 p.15). La partie supérieure est composée de trois gros encadrements comportant le titre (schéma 1 fig.2 p.15) ainsi qu’une présentation générale. La colonne de gauche et l’ensemble des cartouches centraux constituent la chronologie. De nombreuses bannières rouges viennent guider sa lecture (schéma 1 fig.3 et 4 p.15). Enfin, la partie inférieure récapitule les noms cités dans la chronologie (schéma 1 fig.6 p.15). Les cadres et cartouches sont ornés de feuilles d'acanthe, de palmettes et toutes comportent en leur sommet une tête de lion. A leurs pieds ils possèdent un médaillon dans lequel est inscrit pour chaque cartouche, une référence alphabétique que l’on retrouve dans la partie récapitulative (de A à Z puis & et de A.A à Q.Q).

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Schéma 1 : Présentation de l’œuvre et de ses principaux éléments 1. Décor de feuilles et de fruits 2. Titre situé en haut à droite 3. Grande bannière supérieure 4. Petite bannière 5. Repère chronologique 6. Partie inférieure récapitulative 7. Base de l'arbre et ex-libris

1.1 L’organisation du contenu Le contenu manuscrit est réparti dans des cartouches qui composent et remplissent la majorité du document. Ils sont répartis en cinq lignes s’étendant sur l’ensemble du document, plus une colonne sur la gauche. Leur forme et leur taille varient en fonction de l’information décrite.

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Les cartouches de titre La partie supérieure se compose de trois gros encadrements à visée explicative. Le premier dans l’angle supérieur gauche présente l’institution des trésoriers de France et des généraux des finances. Au centre supérieur, le second poursuit avec l’historique de l’établissement du bureau des finances. Enfin, le cartouche de la partie supérieure droite présente le contenu du document : c’est celui-là même qui porte le titre « carte chronologique » (schéma 1 fig.2).

1. Cartouche titre de présentation situé à gauche

2. Cartouche titre de présentation au centre

Les repères chronologiques Deux encadrements centrés sur le tronc, s’intercalent entre les deux dernières lignes de cartouches (schéma 1 fig.5 p. 15 et fig.3 ci-contre). Ils portent respectivement les inscriptions « créations d’offices sous Louis treize depuis l’année 1631 jusqu’en 1635 » et « créations d’offices sous Louis quatorze ». Ces encadrements clarifient le sens de la lecture, qui se 3. Repère surplombant la dernière rangée de cartouches

déroule, comme on l’aura compris, de façon chronologique.

A cela, s’ajoutent trois bannières rouges. La première, complètement à gauche, annonce les trésoriers de France et généraux des finances, présentés dans la colonne de cartouches qui suit (fig.4). La seconde et la troisième sont situées entre les deux encadrements d’introduction. Celle de gauche surplombe cinq cartouches énumérant les cinq offices 1 des trésoriers généraux de France créés en 1577 (fig.5). Celle de droite ajoute les 5 nouveaux offices créés plus tard (schéma 1 fig.2 p.15). L’importance des repères temporels est appuyée par la

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Voir en annexe 2 pour la définition.

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présence de plus petites bannières précédant chaque cartouche et stipulant la date de l’édit en question (décrétant la création des nouveaux offices).

4. Bannière supérieure gauche surplombant la colonne de cartouches

5. Bannière entre les deux cartouches de titre dans la partie supérieure gauche

Ces différents repères nous permettent de schématiser le sens de lecture du document cidessous. La flèche en pointillés représente des lignes tracées en pointillées sur le document. Ils relient les quatre cartouches qui terminent la colonne de gauche à la suite de la chronologie, soit la première rangée de cartouches (fig.6). 6. Pointillés reliant les cartouches de la première rangée

Schéma 2 : Présentation du sens de lecture du document

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Sur la dernière rangée de cartouches, les quatre premiers concernent donc la création des charges sous Louis XIV, un cinquième est vide. Sans doute dans l’attente d’être complété ultérieurement. Quant aux quatre derniers, ils sont placés à part, dans la mesure où une nouvelle bannière les présente comme « M. les gens du Roy ». On y trouve les fonctions de procureurs du roi « ancien et alternatif » et d’avocat du roi « ancien et alternatif » avec la liste des occupants des postes. Le nom de Léonard Michon apparait d’ailleurs dans cette dernière catégorie.

La partie récapitulative Enfin, la partie inférieure du document se démarque par sa présentation. Les cartouches sont cette fois ci allongés et insérés entre des colonnes de type corinthien. Dans la frise, on peut lire « Liste des Officiers Cy Dessus Selon l’Ordre de leur Réception ». Huit cartouches énumèrent les personnes citées dans le document dans l’ordre chronologique. Comme nous l’avons évoqué, et sans doute dans un souci pratique pour se repérer dans le document, Michon a référencé chaque cartouche par une numérotation alphabétique de A à Z puis de A.A à Q.Q (visible dans les médaillons rouges pour les cartouches centraux et en tête ou en pieds pour les cartouches de la colonne de gauche). Dans la liste récapitulative, chaque nom est ainsi associé à la lettre du cartouche correspondant (fig.8 et 9). Le dernier cartouche à l’extrémité 7. Cartouche droite du vide destiné aux greffiers en chef

document prévu pour les greffiers en chef est resté vierge (fig.7).

8. Exemple d’un nom dans un cartouche et détail de la référence alphabétique dans le médaillon

9. Partie récapitulative et détail avec le nom ci-contre et référence alphabétique

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La signature A la base du pilier central, on trouve l'ex-libris de Léonard Michon, lié au sommet par une guirlande nouée, rassemblant les deux blocs de cartouches récapitulatifs. Il représente les armoiries de Léonard Michon, auteur du document. En voici la description : « Ecartelé : aux 1 et 4 d'azur, à la fasce d'or accompagnée, en chef de deux molettes d'argent, et en pointe, d'une main dextre appaumée de même (Michon) ; aux 2 et 3 d'argent, au sautoir dentelé de sinople, cantonné de quatre tourteaux de gueules, au chef d'azur, chargé d'une tête de lion arrachée d'or (Bathéon)2 ». C'est la seule partie non manuscrite du document (fig.20 p.23).

Particularités On a pu noter quelques curiosités. D’une part, le fait qu’un cartouche soit laissé vierge (fig.10), alors que l’ensemble paraît très soigneusement préparé, puis d’autre part l’absence d’écriture sous le cartouche annonçant les « greffiers en chef ». On remarque en plus de cela, que le début de la chronologie est retranché dans une colonne tout à fait à gauche du document. En outre, il est, de prime abord, curieux de constater que deux noms occupent l'année 1547, pour laquelle Michon a juxtaposé un cartouche supplémentaire. Ce dernier est relié par un ruban rouge à la fois à la bannière de titre et à l'intérieur du cartouche correspondant, 10. Cartouche vide

juste avant la date suivante (à savoir 1551). On retrouve la même

superposition plus bas, avec trois cartouches cette fois ci (fig.34 p.29).

1.2 L’influence composite dans l’iconographie L’apparence générale témoigne d’une certaine application et précision. La réalisation de l’œuvre date du début du 18e siècle. Cette époque est encore marquée culturellement par le courant du classicisme. Dans les arts, on recherche la symétrie, le réalisme et l’équilibre, voire la perfection. On s’inspire des artistes de l’antiquité, et de la fin de la période de la Renaissance. Ainsi l’on comprend mieux la présence marquée des motifs antiques présents sur l’œuvre, de même que l’application apportée à la régularité du dessin. A contrario, les 2

Notice numelyo, bibliothèque numérique de la bibliothèque municipale de Lyon.

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ornements colorés peuvent plutôt être associés au courant baroque. Souvent présenté comme l’opposé du classicisme, on le reconnait à l’irrégularité de sa structure, supposée induire un mouvement dans une œuvre, et rompre avec l’austérité du classicisme. L’ensemble résulte sur un équilibre harmonieux.

Le dessin préparatoire De légers tracés au crayon encore visibles témoignent de la présence d’un dessin préliminaire. Cela démontre à la fois la rigueur de la construction et la réflexion menée avant la réalisation. L’exemple ci-dessous (fig.11) présente les tracés en tête et en pied d’un cartouche. Un rectangle principal est tracé pour délimiter le corps du cartouche, puis séparé en deux en tête et en queue, pour obtenir une symétrie dans les arrondis.

11. Exemple d’un cartouche avec tracés au crayon encore visibles (avec détails en tête et en pieds)

Comme nous l’avons évoqué plus tôt, la partie inférieure illustre des frontispices. L’évocation de l’architecture antique est évidente. Ces dernières comportent selon les termes correspondant, un entablement avec chapiteau, architrave, frise et corniche (fig.12).

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Corniche Frise Architrave Chapiteau Monolithe

Base

12. Comparaison de l’illustration d’une colonne d’ordre corinthien3 et d’une colonne représentée dans le document

L’habillage des cartouches L'ensemble des cadres et cartouches sont décorés de rinceaux d'acanthe, de palmettes et la plupart comportent en leur sommet une tête de lion ou une palmette (fig.13). A leurs pieds, ils possèdent un médaillon dans lequel est inscrite pour chaque cartouche, une référence alphabétique. Les feuilles d’acanthe en rinceau et en palmettes sont des garnitures de référence antique. La feuille d’acanthe est un motif récurrent dans l’architecture antique, en particulier dans l’ordre corinthien. On peut la trouver en rinceau, en palmette en rosace ou en motifs répétés. La palmette est la vue de face de la feuille. Plate, nervurée et arrondie, ce sont les trois caractéristiques qui permettent de la reconnaître immédiatement. 13. Exemple d’un cartouche orné

3

GUIGNET de SALINS, Jacques Marie, Manuel des ordres d'architecture, suivi de l'introduction d'un nouvel ordre, Paris, 1839, 72 p.

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On distingue en grande majorité des rinceaux d’acanthe, venant adoucir les lignes strictes et les angles saillants des cartouches. D’une représentation assez stylisée, le dessin se dispense de trop de fioritures. Bien que tous ne soient pas exactement similaires, car chacun est réalisé à la main, une harmonie s’en dégage.

14. Palmettes d’acanthe4

15. Rinceau d’acanthe Louis XIV5

16. Cartouches et figure d’étude, Paris, musée du Louvre collection Rothschild (18,8 m x 1,92 m)6

La figure ci-dessus (fig.16) représente le dessin d’un cartouche datant du 18e siècle. On observe de nombreux ornements venant décorer le contour des cartouches. On remarque en particulier la présence des rinceaux d’acanthe et la face d’un personnage dessinée en pieds. Cette dernière rappelle les têtes de lions, présentes dans notre cas, en haut des cartouches (fig.17 p.23). Ces dernières font allusion à l’emblème de la ville de Lyon, puisque la carte concerne cette « généralité » en particulier. Leur représentation est variable, ce qui peut s’expliquer par leur nombre car on n’en décompte pas moins de 34 sur le document. Le dessin évoque les têtes de lion que l’on retrouve entre autre dans l’architecture de différents lieux de

4

RIEGL, Aloïs, Questions de style. Editions Hazan, 2002, 290p. PERRAULT, Gilles, Sculptures sur Bois : Techniques Traditionnelles et Modernes. H. Vial, 1991, 214p. 6 Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Le Mage. 18 e siècle, Europe. 5

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la ville (fig.18-19). Ces dernières sont souvent habillées d’ornements apparentés aux feuilles d’acanthe.

17.

18.

19.

17. Tête de lion surplombant un cartouche 18. Tête de lion, salle du conseil de l’hôtel de ville de Lyon7 19. Façade d’un bâtiment, Lyon7

On trouve également un ruban dans la partie inférieure centrale (fig.20). Ce dernier relie les corniches des deux frontispices contenant la liste des noms cités. Il vient aussi accentuer l’importance du cartouche contenant l’ex-libris, comme pour attirer davantage l’œil sur ce dernier.

20. Ruban surplombant l’ex-libris

7 8

21. Représentation des rubans ornementaux aux 18e et 19e siècles8

Photographies : ©Castelbou PERRAULT, Gilles, Sculptures sur Bois : Techniques Traditionnelles et Modernes. H. Vial, 1991, 214p.

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Les rubans d’ornement apparaissent dès la Renaissance. Après plusieurs formes de représentation, ils arborent au 18e siècle un style plus élégant et naturel. On cherche à reproduire les plis en évoquant des tissus soyeux. Bien que l’exemple ci-dessus soit daté de la fin du 18e, on observe un mélange des deux styles dans le ruban surplombant l’ex-libris.

Les ornements décoratifs colorés

22. Feuillage habillant le cartouche de titre de gauche

23. Feuillage recouvrant la majorité de l’œuvre

L’élément décoratif principal de l’œuvre est incontestablement le réseau de feuillage provenant du tronc et réparti sur l’ensemble. On distingue un second type de feuilles entourant les deux cartouches de titres latéraux. Ces dernières, beaucoup plus petites, semblent légèrement plus réalistes. Leur couleur est aussi d’un vert plus sombre que les autres (fig.22). Il est possible qu’elles aient pu être réalisées plus tard, que ce soit peu après les premières, ou alors plusieurs mois ou années après. On pourrait aussi considérer l’éventualité qu’elles aient été peintes par une autre main (celle de Balthazard, le fils de Michon, par exemple). En tous cas, le travail de restauration a révélé qu’il s’agissait sans doute d’une encre similaire dans sa composition9. Envisager le cas inverse nous semble être peu crédible. A savoir d’abord les petites puis les plus grandes. Il nous semble plus logique que le grand réseau de feuilles ait été intégré volontairement lors de la création et de l’habillage de l’œuvre. Alors que les plus petites ont facilement pu être rajoutées par la suite. A l’instar des autres ornements, les feuilles sont réalisées de façon stylisées. On note des nuances avec une encre brune voire jaunâtre démarquant le contour de la feuille, la tige et la nervure centrale. On a là aussi pu 9

Car en effet, on a pu remarquer la migration d’une acidité liée à la composition acide de l’encre verdegris, probablement utilisée.

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trouver des tracés au crayon, signifiant que le décor n’a certainement pas été réalisé à main levée. Le feuillage apporte du dynamisme à l’œuvre, tant dans l’irrégularité de sa disposition que par les couleurs vives utilisées. Les entrelacs aléatoires contrastent avec la précision des cartouches et créent un mouvement allégeant l’austérité et la linéarité de l’organisation principale. Un contraste similaire s’observe dans l’utilisation de deux couleurs complémentaires : le vert des feuilles et le rouge des fruits, médaillons et bannières. Cela apporte de la vitalité au document et atténue son caractère formel au profit de sa valeur décorative. Par ailleurs, comme nous l’avons évoqué, des bannières rouges encadrent les titres. On distingue deux techniques dans leur réalisation, vraisemblablement pour hiérarchiser l’importance du contenu des bannières. La première technique s’apparente à une gouache (fig.25), avec une peinture riche en charges. Elle se trouve dans les principales bannières et dans la plupart des médaillons. La deuxième technique se rapproche d’une aquarelle (fig.24). La couleur plus pâle est aussi plus rosée. On la trouve dans les petites bannières surplombant les différents cartouches.

24. Bannière pâle type aquarelle avec détail

25. Bannière foncée type gouache avec détail

Notons également que sur la première ligne de cartouches, la couleur des médaillons est moins intense (fig.26). Est-ce pour les distinguer intentionnellement, ou bien

s’agit-il

simplement

de

l’épuisement de l’encre ? La seconde 26. Médaillon de la première ligne plus clair

27. Médaillon de la deuxième ligne plus intense

supposition

nous

semble

plus

plausible dans ce cas précis.

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Les ombres portées et nuances La finition des ornements est assez soignée. Les filets intérieurs d’encadrement des cartouches, déjà plus épais que les doubles filets extérieurs, sont doublés d’un lavis d’encre noire. De même pour la plupart des ornements. Un véritable sens de l’esthétisme se dégage de cette composition. Le ruban noué reliant les cartouches de gauche comporte une ombre tracée à l’encre et colorée du lavis (fig.28). Les bannières les plus importantes sont aussi doublées avec la peinture rouge de type aquarelle, décrite plus haut (fig.29).

28. Exemple d’un cartouche avec ombres sur les filets et sur le ruban

29. Bannière rouge avec nuances plus claires

La description de la structure et des ornements nous permet de mettre en évidence la cohérence de l’organisation de la Carte. Tout est fait pour faciliter la lecture et la compréhension du contenu, notamment par un agencement intelligemment étudié. Et par l’ajout d’ornements mêlant rigueur et dynamisme, l’attrait de ce document est accru à travers cette dimension esthétique.

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2. Explication du contenu 2.1 Sujet de l’œuvre Le sujet dont traite l’œuvre de ce mémoire, est spécifique à un domaine bien particulier : le monde des finances. C’est pourquoi, nous proposons d’apporter quelques éclaircissements pour mieux en comprendre le contenu. Le titre nous l’expose comme une « Carte Chronologique ». En d’autres termes, il s’agit d’un document répertoriant de façon chronologique les différents occupants des postes dans la finance, à Lyon, depuis leurs créations en 1577. Ce sujet est à priori fastidieux pour les non-initiés, et l’entreprise d’une telle chronologie n’est pas chose aisée. La difficulté est de réunir de manière concise, et le plus clairement possible, toutes les informations voulues. A savoir : les dates, les noms, et les offices. On suppose que l’intérêt est de pouvoir trouver rapidement la personnalité qui occupait un poste en particulier pour une année donnée. D’ailleurs la liste récapitulative de la partie inférieure permet une facilité d’orientation dans le document. Plutôt qu’une frise chronologique traditionnelle, qui sans doute aurait été tout aussi fastidieuse, une structure sectionnée est choisie. D’abord par les principales créations de base (colonne de gauche), puis par les règnes de Louis XIII et Louis XIV, comme nous l’avons vu précédemment. Une bonne organisation structurelle est primordiale pour la compréhension du document. Nous supposons la réflexion a été menée avec soin avant la conception. Comme nous le verrons plus tard lorsqu’il évoque l’écriture de son Journal, on peut imaginer qu’avant de se lancer dans l’entreprise du projet de la Carte, Michon ait pris le temps d’en élaborer sa construction. Les illustrations qui suivent (fig.30 et 31 p.28) présentent deux cartouches situés respectivement sur la première rangée et la deuxième. On distingue pour chacun la banderole indiquant le mois et l’année (au centre) de création de l’édit concerné. Le premier cartouche (fig.30 p.28) commence directement par le nom du premier occupant de l’office puis notifie la date de son installation10. Suivent les différents successeurs à cet office présentés de façon similaire. Le second cartouche (fig.31 p.28) à l’instar des autres cartouches de la dernière ligne, présente succinctement des offices aux responsabilités plus importantes comme celui de premier président. Comme cette dernière rangée concerne les dernières créations, 10

Le terme « installation » est défini dans l’Encyclopédie comme « l'acte par lequel un officier est mis en possession publique de la place en laquelle il doit siéger […] par laquelle seule on entre en exercice et l’on participe aux émoluments qui sont dûs à cause de l’exercice » DIDEROT, D’ALEMBERT, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers T.8 1765.

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contemporaines à Michon, on n’y trouve peu d’occupants (deux maximum). Là encore, la date de leur installation est précisée. Notons que les dates sont systématiquement décalées contre le bord droit du cartouche, assurément pour un meilleur repérage de l’information.

30. Cartouche de la deuxième création d’office sous Louis XIII

31. Cartouche de la première création d’office sous Louis XIV

2.2 Echo ou illustration de l’Armorial ? Les recherches concernant Léonard Michon nous ont très vite menées vers un ouvrage qu’il a tenu et portant sur le même sujet. On a aussitôt pu y relier l’œuvre, car elle fait clairement référence à ce travail. Il s’agit de l’Armorial général de nosseigneurs les presidens, chevaliers d'honneur, trésoriers généraux de France, avocats & procureurs du Roy, au Bureau des finances de la généralité de Lyon […]. Léonard Michon le tient de 1700 à 1746. Son écriture sera poursuivie par son fils Balthazard Michon jusqu’en 1787, puis par son petitfils par alliance : Balthazard Hubert de Saint Didier, pour être enfin publié en 1790. Dès les premières pages du livre, on repère des similitudes. Les trois cartouches de titre reprennent une partie du contenu de l’ouvrage. Cela nous a d’ailleurs été d’une grande aide pour déchiffrer les écritures, pas toujours lisibles du fait des altérations. On trouve dans le cartouche de titre gauche, un résumé des informations contenues dans le « Discours 28


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préliminaire sur l’institution des trésoriers de France et des généraux des finances »11. Le cartouche central évoquant l’établissement du bureau des finances contient une synthèse des informations que l’on trouve peu après le début du livre12. Quant au titre du document situé dans le cartouche tout à fait à droite, il est quasiment identique au titre de l’ouvrage situé en première page (fig.32 et 33).

« Carte chronologique de la création des charges de Nosseigneurs les Présidents et Trésoriers généraux de France. Et autres officiers du bureau des finances de la généralité Grands Voyers, juges et directeurs du domaine de Lyon de S.M. en ladite généralité, chevaliers, conseillers du Roy Depuis leur établissement en ladite ville jusqu’à présent Ensemble les noms de tous les officiers qui se sont succédés les uns aux autres dans les dites charges Avec la datte de leur installation leurs armoiries & blazon Et la liste desdits officiers selon l’ordre de leur réception L.M (…) 1717 »

32. Page de titre de l’Armorial rédigé par Michon13

33. Cartouche de titre de la Carte avec transcription

La lecture de l’Armorial nous éclaire également sur la construction de la Carte. Effectivement, nous avons relevé précédemment certaines particularités, notamment dans la juxtaposition de certains cartouches situés à gauche (fig.34 p.30). On comprend en réalité que cela est dû à la séparation ou à la réunion d’offices. Par exemple en l’année 1557, l’office de « Trésorier de France Général des Finances » se sépare en deux offices : le « Trésorier de France » et le « Général des Finances ». Ce qui explique pourquoi Michon les a placés sur la 11

MICHON, Léonard, Armorial Général […] p.III Ibid p.29-30 13 Ibid p.II

12

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même ligne. A l’inverse, en 1567, les deux offices sont réunis, c’est pourquoi l’on peut voir une bannière rouge relier le cartouche principal de gauche en l’année 1567.

34. Cartouches juxtaposées pour les dates correspondant à la séparation ou la réunion d’offices

Cette première partie a permis de détailler l’organisation des informations contenues dans la Carte. Suivant un agencement précis, il s’en dégage une volonté de simplification et de clarification. Malgré les quelques particularités évoquées, rien n’est vraiment laissé au hasard. Bien que les informations ne soient pas inédites, car déjà présentes dans l’Armorial, l’essentiel est résumé de manière claire et efficace dans cette composition rigoureuse. Avant même de s’intéresser à l’auteur de l’œuvre, cette description révèle déjà le caractère consciencieux du personnage. En effet s’il s’agit d’une synthèse d’éléments déjà écrits dans un ouvrage, on constate l’application apportée à leur mise en forme.

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II.

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Qui était Léonard Michon ?

Il parait essentiel d’approfondir nos connaissances sur l’auteur, afin d’éclaircir davantage l’existence et l’intérêt du document. Il s’agit d’une personnalité assez reconnue à l’époque et qui l’est restée encore de nos jours. Au-delà des responsabilités qu’il a exercées, c’est un homme relativement productif qui a laissé quelques ouvrages servant encore aujourd’hui de références, pour les informations précieuses qu’ils délivrent.

1. Le parcours vers la noblesse 1.1 Eléments biographiques Léonard Michon (1675-1746) est né à Lyon dans une famille de marchands relativement aisée. Il est le fils d’Annibal Michon et de Bonne Bathéon. Son arrière-grand-père et son grand-père acquièrent une situation financière confortable notamment grâce à leurs mariages respectifs pour lesquels ils obtiennent une dot considérable. Il épouse en 1707 Marie-Anne Romière, l’une de ses cousines éloignées du côté Bathéon. Il fera partie des grandes familles bourgeoises de Lyon, jusqu’en 1721, lorsqu’il obtient le statut de noble.

1.2 Cursus et ascension sociale Il aurait suivi une éducation jésuite et serait passionné de langue latine14. Il reçoit d’ailleurs une instruction solide au collège du Plessis à Paris15 où il étudie le latin puis revient à Lyon après ses études16. Nous n’avons pas de détails concernant le début de sa carrière et la période suivant ses études. En revanche, on sait que de son côté maternel, il y a plusieurs familles de robe, ce qui signifie que de nombreux membres sont impliqués dans le milieu de la finance ou de la justice. Son cousin germain, par exemple occupe le poste d’avocat au 14

CUER, Georges, « Léonard Michon, chroniqueur lyonnais du XVIIIe siècle », Union des Sociétés historiques du Rhône, Actes des journées d’études 1993, Amplepuis et sa région, p.71-86. 15 « Collège universitaire fondé vers 1317, par Geoffroy Du Plessis-Balisson, notaire apostolique et secrétaire de Philippe le Long, sous le nom de collège Saint-Martin-au-Mont. Mais il fut vite désigné sous le nom de collège du Plessis. Il fut uni à la Sorbonne en 1646 et prit alors le nom de Plessis-Sorbonne. - Il fut supprimé à la Révolution. Ses bâtiments sont occupés par l'actuel lycée Louis-le-Grand ». Source : data.bnf.fr (consulté le 01/05/2015). 16 DONNAT, Albert, Un saint Simon lyonnais : Léonard Michon, magistrat. Lyon, 1938, 38p.

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Parlement17. Ainsi ce contexte familial explique sans doute la voie qu’il empreinte, et qui s’est probablement imposée à lui. Son parcours professionnel commence en 1700, alors âgé de 25 ans, il devient avocat du roi au sein du bureau des finances de la généralité de Lyon. Cette nomination se fait par une lettre provenant de Versailles. Cette fonction ne lui confère pas encore la noblesse, mais toutefois de hautes responsabilités. L’avocat du roi est « un officier chargé, dans les sièges royaux, de discuter les affaires où le roi, l’église, le public & les mineurs peuvent avoir quelque intérêt, & d’en faire son rapport à l’audience. […] Un avocat du roi est fait pour veiller à l’exécution des ordonnances, pour remontrer aux juges leurs devoirs, & pour être, en quelque façon, le censeur de leur conduite »18. On peut s’étonner qu’il ait acquis cette fonction si jeune, car la définition de l’Encyclopédie Panckoucke19 précise que cela était anciennement réservé au plus ancien gradué du siège. Il poursuit son parcours vers l’échevinage, en devenant en 1714 recteur du bureau de la Charité pendant un an. Il y rencontre des notables qui comme lui suivent le « cursus honorum » lyonnais, autrement dit l’ordre d’accès à la magistrature. C’est en 1721 qu’il devient échevin pour deux ans et accède ainsi à la noblesse. Les échevins, assistant et conseillant les comtes, devaient rendre la justice sur les terres. Il est très 35. Ex-libris imprimé sur un contreplat supérieur20

fier de ce statut, qui non seulement lui garantit la noblesse pour lui-même et sa descendance, mais lui

permet aussi de faire figurer sur ses armoiries, des ornements réservés à cette classe, comme une couronne ou encore la devise « Fidesque Candorque » (fig.35). 20

17

BOUREL, Sylvie, CEDELLE, Laure, SETA, Frédérique Un regard sur le monde du livre au XVIIIe siècle : le journal de Michon, sous la direction de Dominique Vary affiliation histoire du livre. Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques. 1998. 18 PANCKOUCKE, Encyclopédie méthodique ou par ordre de matières: jurisprudence, Volume 1, Paris 1782. 19 Ibid. 20 http://numelyo.bm-lyon.fr (consulté le 02/05/2015).

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2. La satisfaction de la noblesse Une gravure de Jean-Louis Daudet21 de 1730, reproduction d’un portrait de Charles Grandon22 présente Léonard Michon dans un médaillon (fig.36). Les rondeurs de son visage, la perruque qu’il arbore ainsi que sa robe de magistrat rappellent la hauteur de son statut. Il présente une expression relativement neutre, toutefois empreinte de fierté que l’on peut percevoir par l’esquisse d’un sourire. Fierté renforcée par la présence de deux ouvrages de part et d’autre du portrait. A droite, il s’agit du « Journal de Lyon » écrit de sa main, et à gauche on peut lire « Traité des trésoriers de France » que nous supposons être l’ Armorial général […] cité précédemment. Cela indiquerait que ces deux ouvrages étaient déjà d’une grande importance avant même leur aboutissement (l’Armorial est achevé par Balthazard Michon, fils de Léonard23, quant au Journal, il le rédige jusqu’à sa mort). Il s’agit en effet de projets de toute une vie qui contribueront à lui assurer la postérité. On remarque aussi qu’il pose devant une bibliothèque qui se pourrait être la sienne.

36. Portrait gravé de Léonard Michon par Jean-Louis Daudet, 1730 avec détail (à droite)24

21

Graveur en taille douce, de Lyon, où il travailla de 1722 à 1744 environ (www.data.bnf.fr consulté le 04/05/2015) 22 Peintre ordinaire de la ville de Lyon (1691?-1762). Il reçoit, en 1751, 3 500 livres du Consulat pour 91 petits portraits des prévôts des marchands et des échevins peints à l’huile sur vélin. (www.data.bnf.fr consulté le 04/05/2015) 23 C’est ce que l’on peut lire dans l’Armorial, dans le passage sur Léonard Michon : « Décédé le II Février 1746 à Lyon après avoir exercé sa charge 46 ans, avec tout l’applaudissement possible. Il a composé plusieurs mémoires qui la concernent, dont celui-cy en est un. Trop heureux si je pouvais marcher sur ses traces ! » p.190 24 Gravure conservée à la bibliothèque municipale de Lyon.

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3. Un homme érudit et soucieux de son temps 3.1 L’œuvre d’une vie : le Journal de Lyon Très peu d’éléments sur l’homme en lui-même nous sont parvenus. Si nous connaissons les informations essentielles de sa biographie, sa personnalité reste assez mystérieuse. L’analyse qui suit s’est basée sur l’ensemble des écrits s’étant intéressés à Léonard Michon, de près ou de loin. Car ce personnage, peu reconnu de son temps, est devenu quasiment incontournable lorsqu’on fait référence à l’histoire de Lyon sous l’Ancien Régime. Nous avons évoqué son journal, de son titre complet : Journal de Lyon ou mémoires historiques et politiques de ce qui s’est passé de plus remarquable dans la ville de Lyon et dans la province, depuis le commencement du XVIIIe siècle, vers l’année mille sept cent jusqu’à présent, (fig.37). Il l’a scrupuleusement tenu entre 1715 et 1746, soit à partir de son entrée dans la vie publique, jusqu’à sa mort. Il s’agit d’un journal en sept tomes, six volumes de formats in folio comptant chacun entre 200 et 300 feuillets soit 2017 pages en tout25. Il reste inédit26 et est conservé au musée historique de

Lyon

(musée

Gadagne).

Véritable

source

de

renseignements, il décrit « la société lyonnaise et surtout les élites, le fonctionnement concret des institutions, l’autorité du gouverneur et du Roi vue de province, les conflits des corps sociaux, les figures des administrateurs locaux que fait revivre une étonnante galerie de portraits »27. Son 37. Page originale de titre du Journal de Michon (conservé au musée Gadagne)

journal n’a absolument pas une vocation de journal intime et ne laisse transparaître quasiment aucune information sur lui-

28

même . Il reste cependant suffisamment subjectif pour que nous puissions cerner quelques traits de sa personnalité. Par exemple, il ne manque pas d’exprimer son opinion sur les 25

CUER, Georges Op.cit. Notons cependant qu’un projet d’édition est en cours, et qu’il est prévu que le manuscrit soit encodé et mis à disposition sur internet. Cela constitue une partie d’un projet de thèse mené par Rosemonde Letricot depuis 2013, sous la direction de Bernard HOURS. Le sujet est défini par l’intitulé suivant : « Journal de Léonard Michon, notable lyonnais (1675-1746). Edition critique numérique ». Il est mené au sein du laboratoire de recherches historiques Rhône Alpes (LARHRA) localisé à l’université Lyon 3. Nous avons pu échanger avec la doctorante en question, ce qui nous a mené vers de nouvelles découvertes et nouvelles pistes de recherches présentées dans ce mémoire. 27 CUER, Georges, Op.cit. 28 BOUREL, Sylvie, CEDELLE, Op.cit. 26

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nouveautés artistiques et littéraires lyonnaises : « qu'un discours en latin soit prononcé au collège des jésuites, il en évalue la qualité, estime les capacités de 1'orateur. Un ouvrage sort il sur la place lyonnaise, le critique littéraire s'éveille en lui. Il annote les renseignements erronés, juge le style de 1'auteur et pousse sa critique jusqu'à citer les passages qu'il incrimine. Les petits écrivains locaux ne trouvent nulle grâce à ses yeux, il en raille certains, en pourfend d'autres. »29 . Son jugement peut être sévère, mais il se veut juste. La première partie du journal est une copie manuscrite des mémoires de l’intendant Lambert d’Herbigny sur la ville de Lyon, écrits en 1698. Sans doute inspiré par ce projet, Michon entreprend d’inscrire ses propres écrits dans cette continuité. Pourtant, les motivations et objectifs diffèrent. L’intendant rédige ces mémoires, suite à la demande officielle du roi Louis XIV pour l’instruction du Dauphin. Michon, quant à lui, entreprend de son propre chef, de se lancer dans un projet beaucoup plus ambitieux, plus complet et plus subjectif. Il justifie dans son avertissement, les motivations qui l’ont poussé à se lancer dans cette entreprise. « Les motifs que j’ay eus pour dresser ces mémoires ont été, premièrement de m’occuper & de remplir bien des momens qui sont vides dans la vie. ». Bien entendu, cela n’est pas la seule raison de sa démarche. L’objectif principal est de coucher par écrit l’intérêt qu’il a pour l’histoire de sa ville, dans le but de transmettre ses connaissances à ses enfants. C’est d’ailleurs certainement la raison pour laquelle il n’hésite pas à exprimer son point de vue selon le sujet qu’il aborde. « J’ay eu en veûë principalement l’instruction de ma famille et de mes enfans, entre les mains desquels j’espère que ces mémoires resteront. Et c’est pour cela que j’y ay souvent mêlé des traits & des réflexions sur l’usage de la vie, & sur le commerce du monde; & que faisant voir le caractère des hommes, je me suis aussi développé moi-même pour me faire connoitre à eux tel que je suis, & plus souvent encore tel que je devrois ou que je voudrois être. »30. Malgré cette dernière révélation, il cible constamment le propos sur les autres plutôt que sur lui. Les nombreuses annotations présentes dans les marges en témoignent. Elles traduisent aussi sa principale volonté qui est de retranscrire avec exactitude les faits et la vérité31 afin de délivrer une chronique authentique. Elles viennent aussi nuancer certains de ses propos sur ses contemporains, qu’il dépeint parfois de façon très virulente, emporté par la rancœur ou l’amertume. 29

Ibid. MICHON, Léonard, « Journal de Lyon » Tome 1, f.269 2°v 31 CUER, Georges, Op.cit. 30

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« A l’égard de la certitude des faits et des évènements, comme je n’ay jamais perdu de veuë ce grand principe que la vérité est l’âme de l’histoire, aussi n’ay-je rapporté que ceux qui se sont passés sous mes yeux ou qui sont d’une notoriété publique ou que j’ay appris de plusieurs personnes dignes de foy »32. Georges Cuer ajoute que lors de la lecture du manuscrit, le soin de la rédaction est indéniable, Michon lui-même confesse « de ne rien mettre au net sur [son] manuscrit qu’après l’avoir écrit ailleurs et l’avoir ensuite examiné. »33. Son journal est ponctué de références latines, bibliques et juridiques. Il s’intéresse à tout : « la vie de la cité, ses constructions, ses habitants ; les histoires et les anecdotes d’autrefois, les distractions, les cérémonies, les scandales, l’origine des gens et de leur fortune. »34. Il semble que rien ne saurait le laisser indifférent, c’est un homme qui aime sortir, s’instruire et qui ne manque pas de rapporter le moindre événement. Il sait tenir des propos élogieux sur certaines familles ou personnalités, mais sait également être très critique lors de certain portrait ou événements. L’une de ses citations d’ailleurs que l’on retrouve souvent déplore le manque de culture dans sa ville : « Il n’y a point, je crois, de ville en France où l’érudition et les sciences soient plus négligées, je dis même plus méprisées qu’à Lyon. Il est aisé de juger que, comme le commerce y fleurit beaucoup plus qu’ailleurs, on n’estime ici que les richesses et qu’on fait peu de cas d’un homme qui n’a pour partage que la science et la vertu. »35. Il arrive ainsi que son journal lui serve d’exutoire. Par exemple, c’est avec une grande désillusion qu’il découvre l’envers du décor de ses fonctions de magistrat. Non seulement il réalise l’omniprésence de la corruption dans le corps administratif, mais il comprend très vite aussi l’inanité de ses fonctions d’échevin, réduites à la simple représentation du prévôt des marchands. Son rôle se résume au mieux, à approuver les décisions de ce dernier36. Il déverse alors son amertume et ses déceptions dans son journal. Il va même jusqu’à dire : « Je donnerai volontiers cent écu aux pauvres et être aujourd’hui à la fin de mon consulat »37. Cette désillusion semble être aussi liée au caractère de Michon, qui selon Georges Cuer, n’est pas réellement un homme de pouvoir. Lorsqu’il doit déménager pour suivre sa famille et ses collègues et s’installer vers la place la plus populaire de Lyon, la place Bellecour, il déplore le fait qu’on l’en félicite. Il estime qu’il s’agit là d’un phénomène de mode, et qu’il est

32

MICHON, Léonard, Op.cit. Tome 1, f.269 3°. Ibid. 34 DONNAT, Albert, Op.cit.. 35 MICHON, Léonard, Op.cit., II, 21 r°. 36 BOUREL, et al. Op.cit. 37 CUER, Georges, Op.cit. 33

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regrettable de baser son jugement du mérite ou de la vertu d’un homme sur « le quartier qu’il occupe et la maison qu’il habite ».

Le Journal de Lyon est un projet d’envergure auquel s’est adonné assidument Léonard Michon pendant une bonne partie de sa vie, jusqu’à sa mort. Bien que la dimension intime ne soit pas l’intérêt de l’ouvrage, on peut réussir à deviner entre les lignes qu’il s’agit d’un homme scrupuleux, réfléchi et très attentif à son environnement. Il semble s’être assigné la mission de laisser une trace, pas seulement dans l’espoir d’inscrire son nom dans l’histoire, puisque son projet est avant tout personnel (pour ses enfants), mais surtout pour la mémoire, pour que subsiste le témoignage d’une époque vécue dans l’une des plus grandes villes du Royaume.

3.2 La bibliothèque de Michon : le reflet de son érudition ? L’analyse de la gravure, l’écriture de son journal, ainsi que l’ensemble des informations que l’on a pu récolter sur Léonard Michon, laissent à penser qu’il s’agit d’un homme éclairé et cultivé. Peu après sa mort, dans un ouvrage de 1757, il est déjà décrit comme un « homme de beaucoup d’esprit, fort attaché aux intérêts de la patrie, qu’il croyoit peut-être servir en ne ménageant pas assez ses concitoyens dans la critique »38. Comme nous l’avons mentionné, dans son journal, chronique de la vie intellectuelle de Lyon, son goût de la précision se fait fortement ressentir. Et pour ne rien laisser au hasard, il vaut mieux être correctement instruit. Nos premières recherches sur Léonard Michon nous ont menées au catalogue de vente de sa bibliothèque, en 177239 dressant la liste numérotée de ses livres. La démarche de se pencher sur les collections du personnage nous a tout de suite parue être constructive pour apprendre à le cerner davantage. En effet, une bibliothèque reflète les intérêts, les préoccupations et les passions. Et ici particulièrement, sa curiosité, son ouverture d’esprit et son caractère consciencieux. Le catalogue introduit la collection comme suit : « on y trouvera les meilleurs ouvrages en tout genre & une collection assez précieuse des auteurs latins de très belles

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PERNETTI, Jacques, Recherches pour servir à l’histoire de Lyon, ou les Lyonnais dignes de mémoire , Lyon, Frères Duplain, 1757, 448p. 39 JACQUENOD, Claude-Marie, Catalogue des livres de feu M. Michon, Ancien Avocat au Bureau des finances. Lyon 1772, 161p.

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éditions & dont la plupart sont reliés »40. Il comprend aussi des ouvrages ajoutés ensuite par son fils Balthazard, ayant hérité de la bibliothèque de son père. Le catalogue fait état de 1597 numéros41. La liste est divisée en cinq sections ou « classes » : la théologie (incluant de rares ouvrages), la jurisprudence, les sciences & arts, les belles lettres et l’histoire. Les ouvrages concernant la jurisprudence sont évidemment directement liés à ses fonctions de magistrat, pour lesquelles il semble se documenter de façon exhaustive. Il ne se focalise pas simplement sur sa ville, mais aussi sur la capitale, et également sur l’ensemble du Royaume 42. Le recueil d’ouvrages concernant son métier est la preuve qu’il tenait ses fonctions avec aptitude et professionnalisme Du côté des sciences et des arts, on trouve des traités de médecine, d’anatomie, des ouvrages d’agriculture, de jardinage ou encore de géométrie. Il détient également des ouvrages concernant des disciplines plus surprenantes. Ainsi l’on trouve un livre sur l’art du combat d’épée, des ouvrages sur l’art de la table, sur la musique, sur la gravure à l’eau forte et au burin. Il est curieux de tout et aime se documenter sur les sujets qui l’intéressent. Cela dénote une grande ouverture d’esprit. On trouve parmi sa collection, de nombreux ouvrages et dictionnaires en langue latine, signalant l’intérêt qu’il avait pour cette langue réservée aux personnes instruites, ou de la littérature en version originale. Au fil des recherches sur le personnage, nous comprenons que l’une des raisons de la réputation de Léonard Michon, même post mortem, est aussi liée sa bibliothèque prestigieuse. Plus tard, elle sera qualifiée par l’historien Louis Trénard comme le modèle de la « bibliothèque bourgeoise », considérée avant tout comme un instrument de travail43. A son époque, il fait partie du nombre restreint de lyonnais possesseurs de bibliothèques de qualité et privées, recensés par Léopold Niepce44, l’un des premiers historiens des bibliothèques. Ce dernier décomptera 65 bibliothèques particulières à Lyon, avant la Révolution. Leurs propriétaires sont généralement très alertes et s’informent sur le suivi des ventes, correspondent entre eux et jugent la qualité des autres bibliothèques45. Dans son journal, 40

Ibid Il dit dans son journal posséder 1200 ouvrages. La différence est sans doute due aux acquisitions de son fils. 42 Par exemple, on trouve le « Recueil général des titres concernant les fonctions, rangs, dignités, séances & privilèges des charges des Présidens, Trésoriers de France, généraux des Finances & grands Voyers des Généralités du Royaume » par FOURNIVAL, Paris, 1672. Titre qui n’est pas sans rappeler celui de la carte chronologique. 43 TRENARD, Louis, Histoire sociale des idées. Lyon, de l’Encyclopédie au Préromantisme. Paris, PUF, 1958, 824p. 44 NIEPCE, Léopold, Les Bibliothèques anciennes et modernes de Lyon. Lyon, 1876, 632p. 45 SORDET, Yann, L’amour des livres au siècle des Lumières : Pierre Adamoli et ses collections. Ecole nationale des Chartes, 2001, 331p. 41

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Michon donne son avis sur les collections de ses contemporains et établit même une liste de celles qu’il accrédite (elles sont au nombre de 20). Ceci traduit une fois de plus son implication dans la société, et sa capacité de jugement, toujours basée sur une solide réflexion, et des éléments de comparaisons. Il n’a pas l’ambition de se constituer une bibliothèque foisonnante, mais s’attache plutôt à rassembler des ouvrages de qualité, sélectionnés avec soin : « il suffit d’avoir des livres choisis 15 ou 16 volumes que j’ai dans mes tablettes »46 dit-il, sous-entendant que la qualité prime sur la quantité. Paradoxalement, il précise plus tard qu’il possède 1200 ouvrages47 « choisis avec soin, reliés avec goût »48 et auxquels il s’est fort attaché. Mais lorsqu’on connait la variété des sujets abordés par ces différents livres, on peut entendre que sa collection soit si conséquente. Preuve que sa collection est déjà remarquable de son vivant, il apparaitra à partir de 1744 dans l’Almanach de Lyon dans la section « Autres Bibliothèques » à distinguer de la section « Bibliothèques Publiques ». Son « cabinet de livres » est décrit comme suit : « M. Michon, […] a formé un cabinet de livres choisis de belles éditions et très proprement reliés qui concernent particulièrement les Belles Lettres, Mais ce qu'il renferme de plus curieux est un amas de tout ce qui a été imprimé jusqu'à présent sur la ville de Lyon, et même sur la province, avec un grand nombre de manuscrits anciens et modernes sur ce sujet, beaucoup de cartes à la main, historiques, chronologiques et généalogiques et une grande quantité de portraits gravés d'hommes illustres et plusieurs parmi les lyonnais » 49. Une fois de plus, cette description de sa collection converge vers le principe de vérité auquel il semble tenir. La « curiosité » relevée dans l’almanach concerne justement la multitude de références qu’il amasse pour se forger une culture solide sur la ville de Lyon, et être ainsi à même d’en observer puis de juger les événements y prenant place. On comprend l’importance que Michon accorde à ses livres, et à la connaissance en général à travers ses propos : « […] mes livres et ma philosophie me sont toujours d’une agréable ressource, j’ay même peine à croire que sans ce secours j’y puisse tenir »50. Le monde du livre semble être au cœur de son existence. Il nous apprend dans son journal qu’il aurait souhaité 46

MICHON, Léonard, Op.cit Tome 5, fol.95 MICHON, Léonard, Op.cit Tome 6, fol. 154-155 48 Ibid 49 Almanach astronomique et historique de la ville de Lyon revu et augmenté de nouveau pour l’année bisextile 1744. Delaroche, 1744. 50 MICHON, Léonard, Op.cit Tome 2, fol. 58v. 47

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obtenir le poste de bibliothécaire de la ville. Le prévôt des marchands ne lui ayant pas attribué, il exprime son amertume et sa déception : « Mr le prévôt des marchands a fait le choix au préjudice de bien des gens de sa famille qui auroient honoré cette place et qui, en même temps, s’en seroient fort honorés et fort accommodés. J’ai honte de dire ici que je la lui avois demandée il y a longtemps pour moy et j’ose assurer, toute vanité à part, que le public auroit approuvé et loué en cette occasion »51. On tend volontiers à croire en sa modestie. Notamment si l’on en croit les propos qu’il tient lorsqu’il explique qu’on lui a proposé d’intégrer l’assemblée de l’Académie des Sciences et Belles Lettres, mais qu’il a préféré refuser pour trois raisons. D’abord, on reconnait là ses exigences et son perfectionnisme, il déplore le fait que « la compagnie [ne soit] pas composée de gens assez distingués dans les Sciences et Belles lettres », ensuite, il estime ne pas se sentir suffisamment érudit, et enfin, il avoue être « paresseux, dissipé et ne [travailler] que par caprices »52. On ne retient toutefois que cette modestie. Cette autocritique cache sans doute la méfiance qu’il a pour ce poste dont il préfère se passer, peut-être par stratégie si l’on se fie à la première raison qu’il évoque. Il se peut qu’il souhaite s’entourer uniquement de l’élites lyonnaise, et ainsi ne pas risquer d’intégrer un environnement n’étant pas à la hauteur de ses expectations.

La simple existence, puis l’étude de la bibliothèque de Léonard Michon nous confortent dans l’idée qu’il s’agit d’un homme intelligent, aux hautes ambitions pour sa ville et sa postérité. Bien que l’on parte du postulat qu’il ait lu la majorité des ouvrages de son cabinet, il nous semble peu risqué d’affirmer qu’il dispose d’une solide et riche culture, et d’un intérêt évident pour sa ville et ses contemporains. Il est plus aisé de comprendre l’importance que son journal peut avoir de nos jours, lorsque l’on saisit les efforts d’exactitude et la conscience professionnelle avec laquelle il traite les différents sujets qu’il aborde. On comprend également pourquoi ce journal, entre autre, est d’une importance capitale dans la connaissance de l’histoire de Lyon. Ajoutons à cela qu’il confie posséder tous les « Calendriers Historiques de la ville de Lyon » depuis 1722 jusqu’en 174153. Michon y trouve de nombreuses informations au sujet des familles locales ou des juridictions lui servant à comparer ses informations pour compléter le

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MICHON, Léonard, Op.cit Tome 6, fol. 163v « Journal de Léonard Michon » cité par DONNAT, Albert Op.cit. 53 Parait chaque année chez A. Delaroche de 1722 à 1741. Il devient l’ « Almanach historique et astronomique de la ville de Lyon » en 1742 jusqu’en 1760 chez le même éditeur.

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contenu de sa chronique. Pourtant, il critique assez sévèrement le manque de sérieux de ces écrits : « Vers le commencement de ce mois, on a donné au public l’almanach ou calendrier historique de la ville de Lyon pour la présente année 1733 que l’on continue de donner depuis plusieurs années. Cet ouvrage se perfectionne et peut-être de quelque utilité pour l’histoire de Lyon. Mais il n’est pas encore en bon train. Peu de gens de quelque érudition ou de quelque mérite voudraient passer pour se mêler de travailler à un ouvrage tel qu’un almanach. Cela fait qu’il n’y a que l’imprimeur, l’homme d’ordinaire peu lettré, peu exact et peu correct qui s’en mêle. C’est la raison aussi pourquoi il y a bien des fautes et mêmes des incongruités, et des puérilités dans ce livre. Il faut pourtant convenir que ce calendrier historique, pour cette présente année, est beaucoup plus exact et correct que tous ceux qui ont été dressés jusqu’ici, quoiqu’il y ait encore bien des fautes à reprendre. Je dis ceci afin qu’on se tienne sur ses gardes si l’on voulait consulter ce livre pour choses qui concerneraient la ville de Lyon en particulier. ». Le prévôt des marchands lui confiera d’ailleurs la rédaction de l’Almanach dès 1741, et il recevra deux ans plus tard les compliments attendus sur l’amélioration du périodique, dont il se félicitera dans son journal. Une fois de plus, cette fonction illustre son attachement à l’histoire, et particulièrement son implication active dans la sauvegarde des informations et de leur véracité.

Après avoir cerné avec plus de précision la personnalité de Léonard Michon, il semble déjà plus aisé de comprendre la démarche qu’il a eu d’établir un document tel que la Carte. L’organisation millimétrée de la structure et des informations se retrouve dans le caractère minutieux de l’auteur. Si nous ignorons encore la finalité du document, ces investigations nous laissent toutefois supposer certaines des intentions de Michon. Notamment au regard de l’importance qu’il accorde aux témoignages, et à l’application qu’il manifeste dans le remplissage de ses fonctions.

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III.

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Un document unique ?

L’ensemble des informations recueillies précédemment donne une idée plus précise de la substance du document et de sa corrélation avec la personnalité de son auteur. Cependant, on peut se demander quelles étaient les intentions et l’objectif de Léonard Michon, et à qui il était destiné. Par-dessus tout, une question subsiste : s’agit-il d’un document unique en son genre ? Autant de d’interrogation auxquels nous allons essayer d’apporter des éléments de réponse à travers différentes hypothèses et comparaisons, et en nous appuyant sur le passé de l’œuvre.

1. Quel usage, et pour qui ? 1.1 L’hypothèse d’un projet personnel Comme nous l’avons évoqué précédemment, la Carte est directement reliée à l’Armorial. Elle reprend effectivement des informations que l’on peut lire dans l’ouvrage, en les présentant cette fois sous la forme d’une chronologie. Nous supposons qu’il a commencé sa conception peu après le début de l’Armorial, et a cessé de la mettre à jour avant la fin de cet ouvrage qu’il a poursuivi jusqu’à son décès. La question que l’on peut se poser est donc : pourquoi réaliser un tel document ? L’une des hypothèses envisageables est la création d’un objet personnel, dont la vocation serait d’être un outil de travail. Est-ce que Michon en aurait eu l’usage fréquent ? De quelle utilité les éléments qu’elle contient pouvait-elle être ? Pour tenter de répondre à cela, il semble intéressant de nous pencher sur les fonctions précises qu’il occupe en 1717, date de la création de la carte. Nous avons pu voir qu’à cette époque, il est déjà avocat du roi depuis 1700, et est en voie vers l’échevinage. Il n’est pas encore magistrat. Peut-être cherche-t-il à parfaire ses connaissances. L’Armorial, aussi complet et précis qu’il soit, a dû constituer un travail d’une ampleur considérable. D’autant plus que nous savons à présent que Michon est extrêmement consciencieux dans ses recherches et son écriture. Ainsi, il est possible que la Carte lui serve de support de travail, lui permettant de répertorier toutes les personnalités qu’il veut faire figurer dans l’Armorial, avant de pouvoir récolter toutes les informations nécessaires qu’il intégrera dans l’ouvrage. On peut voir d’après les dernières dates présentes

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sur le manuscrit, qu’elle a été complétée jusqu’en 1733. C’est-à-dire que Michon l’aurait tenue pendant seize années.

Poste d’avocat du roi

Echevinage 1721-1722

Carte Journal Armorial

1746

Schéma 3 : Frise chronologique des travaux principaux entrepris par Michon

Toutefois, on peut se demander pourquoi avoir autant soigné l’apparence, s’il ne s’agit que d’un simple outil temporaire ? Serait-ce par excès de zèle ? Ou bien parce que l’ouvrage prenant du temps à être écrit, il souhaite convaincre, se convaincre que son entreprise avance ? Ou peut-être tout simplement par goût et par passion de son métier, et par fierté d’exposer sur ses murs le cœur de son travail. Nous savons que Michon devient échevin durant deux années à partir de 1721. L’exercice de cette fonction est supposé prendre place au consulat de l’hôtel de ville. Aurait-il décidé de prendre la carte avec lui pour l’utiliser sur son lieu de travail ? Ou bien la gardait-il chez lui pour l’écriture de son Armorial. Nous penchons pour cette dernière hypothèse, bien qu’aucun élément concret ne nous permette de l’affirmer. Ce qui est certain en revanche, c’est que le document a été considérablement utilisé. Aux vues des altérations répertoriées dans le constat d’état, on a pu se rendre compte qu’il a été largement manipulé, enroulé, déroulé, punaisé plusieurs fois et probablement redimensionné. Autant d’éléments qui laissent peu de doutes sur sa fonctionnalité d’instrument de travail. Ajoutons ici qu’il n’est pas rare à cette époque, de trouver dans les intérieurs bourgeois des cartes affichées aux murs (fig.38 p.44). Il s’agit à la fois d’avoir à disposition un outil de connaissance, mais aussi de montrer à ses invités que l’on est instruit.

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38. Johannes Vermeer Van Delft, L'Atelier ou L'Allégorie de la peinture, (entre 1665 et 1670), Kunsthistorisches Museum, Vienne (huile sur toile, 120 × 100 cm).

Ainsi, tous ces éléments convergent vers l’idée que la Carte avait pour objectif d’être un outil de travail, soigneusement ornementé pour être à la fois un objet usuel et décoratif. On peut s’interroger toutefois sur la portée du document qui pourrait être à visée plus générale.

1.2 L’hypothèse d’un projet plus ambitieux Après avoir éclairci la personnalité de Léonard Michon, on pourrait supposer que ce projet n’était pas seulement voué à être jalousement gardé dans son bureau. Même si l’œuvre était probablement conservée chez lui, et utilisée par lui, il est tout à fait envisageable de penser que Michon, encore une fois, avait pour intention de laisser une trace de son travail et pensait non seulement à la postérité, et pourquoi pas aussi à l’instruction de ses contemporains. Nous n’avons pas pu trouver l’évocation d’une commande officielle pour la carte, ce qui nous conforte dans l’hypothèse d’une initiative personnelle. Et comme nous l’ont montrés les exemples de ses deux projets principaux, à savoir le Journal et l’Armorial, on ne peut s’empêcher de penser que la volonté de laisser un témoignage soit présente derrière cette entreprise. L’idée que la Carte puisse aussi servir à d’autres que lui et qu’elle puisse avoir une visée didactique peut être défendue par sa facilité d’utilisation. En effet, lorsque l’on se 44


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familiarise avec la construction du document, il est assez aisé de retrouver la date de création d’un office ou de l’installation à un poste d’une personnalité, à partir de son nom, ou de l’époque ciblée. Malgré l’éventualité de cette hypothèse, nous soutenons plus volontiers l’utilisation personnelle en tant qu’outil de travail lié à l’écriture de l’Armorial. Bien que son contenu pouvait tout à fait intéresser quelques-uns de ses contemporains, il est davantage recevable que s’il est empreint d’une volonté didactique, celui-ci s’adresse aux générations futures, et peut-être avant tout à ses enfants.

2. Un contenu et une forme unique ? 2.1 Un travail inspiré des arbres généalogiques ? Titrée en partie par les mots : « Carte chronologique », l’auteur nous donne d’ores et déjà des informations sur le contenu. Cependant, si l’on se fie simplement à la structure, sans entrer dans les détails des écrits, sa simple observation tend à la rapprocher d’un arbre généalogique. On y retrouve en effet la plupart les éléments visuels : le tronc d’arbre au centre du document, la ramification des branches feuillues, et le rangement rigoureux des cartouches disposés sur plusieurs lignes (fig.39 p.45). Dans l’Encyclopédie54, Jaucourt définit l’arbre généalogique comme une « grande ligne au milieu de la table généalogique, qu'elle divise en d'autres petites lignes, qu'on nomme branches, & qui marquent tous les descendans d'une famille ou d'une maison; les degrés généalogiques se tracent dans des ronds rangés au - dessus, au - dessous, & aux côtés les uns des autres, ce que nous avons imité des Romains, qui les appelloient stemmata, d'un mot grec qui veut dire une couronne de branches de fleurs. ». Bien évidemment, le sujet du document est tout autre que la généalogie, mais il semble cependant plausible de suggérer que Léonard Michon se soit inspiré de cette structure pour établir la carte chronologique.

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DIDEROT, D’ALEMBERT, Op.cit T.7 1757.

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39. Arbre généalogique des Rougon Macquart, Emile Zola 19 e siècle ©RMN

On retrouve en effet dans la Carte, l’arrangement ordonné des arbres généalogiques. Ces derniers peuvent parfois être accompagnés des armoiries familiales (fig.40). Détail qui porte une fois de plus à confusion, quand on sait que la Carte est tirée de l’Armorial de Michon.

40. Carte généalogique de la famille de Geer avec armoiries55

2.2 Un document semblable : l’armorial de Chaussonet Hormis des représentations de généalogie, nous n’avons pu trouver de document à portée similaire, ni à construction semblable. Le document se rapprochant le plus au niveau du sujet qu’il aborde et de sa présentation est l’armorial de Chaussonet datant de 1757 (fig.41). Dans ce cas, il s’agit probablement d’une commande, car son destinataire est spécifié. Le document présente les blasons des prévôts des marchands de Lyon depuis 1595 jusqu’en 1757 avec leur 55

Photographie personnelle, Château de Lövstabrück, Suède

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présentation succincte. La structure est issue d’une gravure et l’ensemble des armoiries et ornements sont réalisés à l’aquarelle. Malgré un soin évident dans la composition, le sujet n’est pas traité de la même façon que la Carte chronologique. Les deux documents restent bien éloignés.

41. « Armorial de messieurs les prevost des marchands,depuis l’année 1595 jusqu’à présent, présenté à noble charte Claude Briasson » par Pierre François Chaussonet, armorialiste de la ville. Gravure et aquarelle, 1757 ©Musée Gadagne

A ce stade, on ne peut que convenir que Michon a établi de façon parfaitement innovante son projet de carte chronologique. Influencé par des références dont il se nourrit, on peut supposer qu’il a composé lui-même la carte, au gré de son imagination et pourvu d’un sens pratique et esthétique incontestable.

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3. Historique du document Le catalogue des ventes des ouvrages de Michon recense « beaucoup de cartes à la main, historiques, chronologiques et généalogiques »56. Citation qui soulève la question de ce que sont devenues ces nombreuses cartes. Nous ignorons si parmi elles, d’autres sont de la main de Michon, mais il n’est pas impossible de supposer qu’il ne s’agisse pas d’un cas unique.

3.1 Une cotation mystérieuse Nous l’avons mentionné, la Carte a été trouvé par hasard dans les réserves de la Bibliothèque Municipale de Lyon. Il arrive qu’au fil du temps, les bibliothèques enrichissent leurs collections par des dons ou des acquisitions. Parfois la quantité des documents à traiter est telle, qu’il est malheureusement possible que certains soient mis de côté avant d’être répertoriés. Sans compter les changements d’équipes et de personnel, qui malgré une organisation bien huilée, peut laisser place à certains aléas. Ainsi, il est sans doute probable que la Carte ait été acquise il y a plusieurs années, et ait été oubliée, attendant patiemment d’être révélée. L’équipe du fonds ancien a fait son possible pour retracer son origine, en vain. Nous avions cependant l’indice d’une possible ancienne cote manuscrite écrite au crayon en haut à gauche du document et présentant les chiffres : « 2446 » (fig.42). Mais aucune cote semblable n’a jamais été attribuée par la bibliothèque. 42. Inscription en haut à gauche de l’œuvre

Poursuivant nos recherches au musée historique de la ville de Lyon (musée Gadagne), nous avions espoir d’en apprendre davantage, notamment car nous avions repéré dans nos recherches préliminaires que le Journal de Michon possédait la cote suivante « N 2480 ». Certes, cette dernière détient une lettre supplémentaire, mais il nous paraissait intrigant que les deux nombres soient si proches. Pourtant, l’équipe du musée n’a pas pu trouver de référence à cette cotation. Pour ne pas écarter totalement cette suggestion, on peut encore une fois supposer une défaillance dans l’organisation humaine où l’erreur n’est pas impossible. Car selon Georges Cuer57, l’acquisition du journal aurait été faite du temps du tout premier 56

Almanach astronomique et historique de la ville de Lyon revu et augmenté de nouveau pour l’année bissextile 1744 Delaroche, 1744. 57 CUER, Georges, Op.cit.

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conservateur du musée historique de Lyon : Eugène Vial (1863-1942). Mais nous ignorons si seul le Journal a été acquis, ou bien si d’autres objets de la collection de Michon l’ont également été.

3.2 Une mention explicite de la Carte : une trace exploitable ? Jusqu’en 1747, la notice concernant son cabinet de livres dans l’Almanach de Lyon évoque, comme nous l’avons réitéré plus tôt, l’existence de « cartes à la main, historiques, chronologiques et généalogiques ». Ensuite, on trouve dans le Catalogue des livres, estampes, figures, bustes, &c du cabinet de M. Clapoiron 58 datant de 1761, une référence qui pourrait correspondre tout à fait à la description de la Carte (fig.43).

43. Référence à la Carte dans le catalogue des ventes59

Cette information est d’une importance capitale, car nous apprenons ici que, s’il s’agit bien de la même carte, elle était autrefois montée sur « gorge et rouleau doré ». Par ailleurs, l’objet suivant dont il est fait mention est assurément le document présenté plus haut (fig.41). L’accolade manuscrite sur l’ouvrage signifie-t-elle que les deux documents ont été vendus ensemble ? Si oui, est-il possible que leur parcours jusqu’au musée historique de la ville de Lyon ait été commun ? Autant d’interrogations auxquelles il nous est difficile de répondre avec les éléments dont nous disposons. Et pourtant, ils semblent tous converger vers la piste de Gadagne. D’abord, la présence du Journal de Michon au musée, ensuite la présence de l’Armorial de Chaussonet, vendu (si ce n’est avec), en même temps que la carte, présent au musée, lui aussi. Et enfin, cette cote si proche des autres cotes concernant la documentation sur Léonard Michon dans la base de données du musée.

58 59

A Lyon, frères Duplain. p.61 Catalogue des livres, estampes, figures, bustes, &c du cabinet de M. Clapoiron A Lyon, frères Duplain. p.61

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Si toutefois cette hypothèse se confirmait, il resterait une question essentielle : pourquoi et comment la Carte s’est-elle retrouvée dans les réserves de la Bibliothèque Municipale de Lyon… ?

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CONCLUSION

L’étude du document au travers les différents angles abordés ne nous aura pas permis de déterminer avec certitude son objectif et sa destination. Néanmoins, les informations recueillies nous ont à la fois permis d’éclaircir la compréhension de l’œuvre, tant dans sa lecture que dans sa forme. Lorsque l’on entre dans le détail de sa description, on réalise qu’il s’agit d’un projet ambitieux et réfléchi. Léonard Michon ne s’est pas lancé dans cette entreprise sans avoir pris le temps de considérer l’aspect pratique et esthétique de son projet. Et pour cause, nous avons pu rendre compte qu’il s’agissait d’un homme méticuleux et honnête. Cette honnêteté transparaît tant dans ses propos qu’il tient dans son Journal, que dans la qualité des travaux qu’il fournit. Ce caractère consciencieux est sans doute motivé par la perspective d’une postérité. Mais si Michon s’évertue autant à délivrer des travaux de qualité, cela ne peut être seulement pour la gloire. Sa démarche est sincère, et il semble qu’il aspirait plus que tout à laisser une trace, pas uniquement de son passage, mais de son époque. A l’aube des Lumières, Michon était déjà habité par cet esprit critique, cette soif de connaissances et ce goût de la Vérité. Il sait qu’il est instruit, mais ne prétend pas être suffisamment érudit. Peut-être est-ce cette sagesse qui lui aura valu son parcours aussi exemplaire dans la haute société Lyonnaise, au point de figurer parmi les lyonnais dignes de mémoire60. Selon les investigations menées, il est possible de suggérer que la Carte constitue une œuvre unique. Autant il semble curieux d’associer à un objet usuel, de travail, une dimension esthétique, mais le résultat est convainquant et ne fait qu’accroître l’intérêt du document, et ce, même trois siècles plus tard. Si l’œuvre n’avait pas présentée cette singularité, peut-être n’aurait-elle pas été le sujet de ce mémoire. Il reste encore de nombreux mystères à percer, et nous espérons que cela sera rendu possible notamment par le travail en cours sur la numérisation du Journal de Michon. Réalisé dans le cadre d’un projet de thèse61, ce travail vise à améliorer l’accessibilité du Journal, qui a encore tant à révéler sur la ville de Lyon et ses citoyens dans la première partie du 18e siècle. N’étant consultable que sur place, au musée

60

PERNETTI, Jacques, Op.cit. Thèse menée par Rosemonde Letricot depuis 2013, sous la direction de Bernard HOURS. « Journal de Léonard Michon, notable lyonnais (1675-1746). Edition critique numérique ». (LARHRA) Université Lyon 3

61

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Gadagne, et d’un contenu très conséquent62, il ne nous a pas été possible de l’étudier autant que nous l’aurions souhaité. Cependant, peut-être que son contenu fait mention de la carte, peut-être nous apprend-il davantage sur les ambitions de Léonard Michon ? Ces questions, nous l’espérons, trouverons des réponses dans un futur proche, car la connaissance de Lyon n’aura qu’à y gagner par la vulgarisation des écrits de Michon.

62

Albert Donnat confie avoir mis deux mois pour arriver à bout des sept tomes du Journal, en les consultant tous les jours.

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ETUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE

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INTRODUCTION

La restauration-conservation du patrimoine s’envisage sous plusieurs angles qui font d’elle une discipline complète. L’aspect historique détient une importance capitale, comme nous l’avons vu, pour interagir au mieux avec l’œuvre à traiter, comprendre sa réalisation et les principaux intérêts qui poussent à la sauvegarder. Le travail pratique quant à lui, ne se fait pas sans une certaine appréhension des différents aspects techniques. Il implique l’utilisation de matériaux et de produits qui ne peuvent être utilisés sans connaissances et précautions. Car il est entendu que chaque intervention, aussi limitée soit-elle, modifie potentiellement l’intégrité d’une œuvre. Ce mémoire nous donne la possibilité de consacrer une partie des recherches sur un sujet technico-scientifique. Nous aurions pu choisir un sujet en lien avec la restauration de la Carte, toutefois nous avons décidé de mener une étude sans rapport direct avec l’œuvre. Ce choix est d’abord motivé par le fait que la problématique des grands formats et des altérations liées à leur conditionnement en rouleau ait déjà été longuement étudié. Ensuite, nous souhaitions éviter la déception d’une étude aboutie trop tard pour être appliquée au travail de restauration ou risquant de bloquer l’avancée des traitements, car ce type de projet peut parfois se heurter à quelques aléas. Et surtout, cela nous laissait le libre choix d’un sujet à développer. Le sujet de l’étude technico-scientifique, basé sur de précédentes études, a pour ambition de développer les connaissances sur les différentes caractéristiques de la gélatine, adhésif naturel couramment utilisé dans la restauration des arts graphiques, et précisément sur son utilisation à froid. Cet emploi, manifestement en usage dans certains ateliers britanniques, mérite un intérêt approfondi pour les avantages qu’il présente. C’est ce que nous nous proposons de faire dans l’étude qui suit. On s’interrogera principalement sur les capacités adhésives de plusieurs gélatines, afin de savoir s’il est possible d’établir un comparatif selon leurs caractéristiques.

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I.

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Présentation du sujet

1. Choix du sujet Lors d’un module portant sur « les adhésifs utilisés en restauration de papier »1, il avait été évoqué l’utilisation de la gélatine sous forme de « mousse ». Ce procédé avait été mentionné lors d’une conférence menée en 2011 et proposée par l’institut canadien de conservation2. Cette dernière avait pour axe les « adhésifs et consolidants pour la conservation : recherche et applications ». L’affiche de présentation3 d’une des interventions constitue le point de départ de notre recherche scientifique. Elle développe l’importance de la prise en compte des différentes caractéristiques des gélatines pour déterminer laquelle choisir lors d’un traitement. Antoinette Curtis et Yuki Uchida4, auteurs de cette étude, poursuivent ensuite l’expérimentation en développant l’utilisation de la gélatine sous forme de « mousse ». Cette utilisation singulière a piqué notre curiosité, car la méthode de préparation décrite la présentait comme pouvant être utilisée froide. Intérêt de taille pour un adhésif qui nécessite un chauffage préalable au bain marie et dont la température d’utilisation est habituellement d’environ 30°C.

Les données connues Ce sujet est très peu présent dans la littérature spécialisée, et nous n’avons pu trouver que de rares articles s’y référant. Le plus ancien date de 20085. Il s’agit d’un travail réalisé par Vanessa Charles6 au sein de la bibliothèque universitaire de Dundee en Ecosse. L’auteur ne cache pas que l’étude est non-exhaustive et appelle d’ailleurs à des expérimentations plus poussées sur le sujet. Elle y présente ses premières observations et la méthodologie à suivre pour la préparation de l’adhésif.

1

Leçon dispensée en janvier 2014 à l’école de Condé de Paris par Mme Patricia Mouraud. L’institut canadien de conservation (ICC) organise environ tous les trois ans des symposiums internationaux. Ils portent sur la conservation et ont pour objectif de proposer une étude sur des sujets spécifiques avec la communauté internationale. 3 UCHIDA, Yuki, CURTIS, Antoinette. «Which Gelatine to use? - The choices for conservators. ». Symposium 2011, Ottawa. 4 Toutes deux restauratrices aux archives de Norfolk (Royaume Uni). 5 CHARLES, Vanessa, « Cold Gelatine Adhesive » Papier Restaurierung. Vol.9 (2008) n°3 (pp.11-12) 6 Restauratrice à la bibliothèque universitaire de Dundee. 2

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Plus tard, en 2011, lors de la conférence que nous mentionnions plus haut, Yuki Uchida et Antoinette Curtis basent leur étude sur la comparaison de dix gélatines, afin de déterminer avec plus de précision l’utilisation appropriée pour chacune, selon leurs propriétés. L’utilisation sous forme de mousse n’est pas le sujet principal de leur travail. Il est choisi de l’appliquer de la sorte car les tests sont effectués sur du parchemin, et selon leur expériences et données7, la mousse est la forme la mieux adaptée pour ce matériau. De l’exploitation des différentes caractéristiques des gélatines, il n’a pu être tiré de conclusion générale, si ce n’est de considérer l’ensemble des propriétés que propose une gélatine, avant de l’utiliser pour une action spécifique. Les auteurs recommandent l’utilisation en mousse pour les renforts tels que les consolidations de déchirures et comblements de lacunes. Enfin, plus tard dans nos recherches, nous avons trouvé un second résumé d’une présentation concernant la gélatine froide, ayant pris place également en 2011 au symposium d’Ottawa 8. Le contenu des recherches est très proche de notre sujet, car il s’agit d’une étude comparative entre l’amidon, la gélatine froide et la gélatine chaude, soumises à un test de résistance au pelage. On y apprend que cette technique est utilisée au sein des archives nationales du Royaume-Uni, mais que des doutes subsistent quant à la résistance de l’adhésif utilisé à froid. Les tests révèlent que l’adhérence9 de la gélatine (froide et chaude) est inférieure à celle de la colle d’amidon de blé. Mais qu’après un vieillissement artificiel, l’adhérence de la gélatine froide est plus uniforme et supérieure à celle de la gélatine chaude et équivalente à celle de la colle d’amidon.

7

Nous ignorons de quelles données il s’agit, mais nous supposons que cela fait suite à divers tests empiriques. VANSNICK, Sarah, SPERONI, Lisa, « Using peel test to compare gelatine and wheat starch paste as adhesive for use in paper conservation ». Symposium 2011, Ottawa. 9 Adhérence : force qu’il faut fournir au système pour séparer deux constituants 8

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Article

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Objectifs

Gélatine

Préparation

Type B

Plusieurs tamisages (imprécis)

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[C°]10

Conclusions

<6%

Recherches à poursuivre vis-à-vis de l’adhésivité et des caractéristiques de vieillissement.

3-5%

Les concentrations ci-contre sont retenues pour la consolidation des déchirures et comblements des lacunes. A utiliser pour des collages nécessitant une certaine résistance.

Réparations locales Charles, Vanessa, « Cold Gelatine Adhesive »

Documents contenant de l’encre métallogallique Alternative à la forme liquide

Antoinette Curtis, Yuki Uchida, « Which Gelatine to use? The choices for conservators »

Vansnick, Sarah, Speroni, Lisa « Using peel test to compare gelatine and wheat starch paste as adhesive for use in paper conservation ».

Utilisation de la mousse sur le parchemin.

Comparer la force d’adhérence de la gélatine froide, la gélatine chaude et la colle d’amidon de blé

Type A

Tamisage (nombre pas précisé)

Film adhésif plus résistant et uniforme avec la colle d’amidon de blé. Non renseigné

Non renseigné

Non renseigné

Résultats comparables avec la gélatine froide vieillie. La gélatine froide peut continuer à être utilisée.

Tableau 1 : synthèse des données connues sur la gélatine froide

Synthèse des études connues Ces études ont démontré que la gélatine utilisée froide, « en mousse » était tout à fait adaptée à l’utilisation dans la restauration des documents papier et parchemin. Une concentration pour la préparation a été définie (entre 3 et 6%). On apprend aussi qu’à court terme la gélatine froide présente les mêmes capacités d’adhérence que la gélatine chaude, mais sur le long terme, elles se distinguent par une adhérence plus élevée pour la gélatine froide, comparable à celle de la colle d’amidon de blé.

10

Concentration

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Ces différentes conclusions peuvent nous mener sur de nouvelles pistes de réflexion. -

Malgré leur similitude, peut-on comparer les capacités d’adhésivité de la gélatine froide et la gélatine chaude ?

-

La concentration de la gélatine influence-t-elle ses capacités adhésives selon la méthode d’application ?

-

Y a-t-il des différences notables entre les diverses gélatines lorsqu’elles sont utilisées froides ?

-

Le type A ou B et le degré Bloom11 modifient-ils l’adhésivité d’une gélatine froide ?

2. Intérêt de l’étude et objectifs visés On connait la gélatine pour son utilisation en tant qu’agent d’encollage des papiers, technique pratiquée depuis des siècles12. Dans le domaine de la conservation-restauration des œuvres en papier, on l’utilise principalement pour le ré-encollage, ou pour le refixage des couches picturales. On l’utilise pour la restauration des parchemins, car les affinités de ces matériaux sont extrêmement compatibles, dans la mesure où ils sont tous deux composés de collagène. Il est aussi courant d’utiliser la gélatine comme consolidant des manuscrits présentant des encres métallogalliques car elle dispose d’une capacité à encapsuler les ions ferreux (II) libres responsables de la corrosion des encres13. Pour ces différentes applications, la gélatine semble être difficilement substituable, si l’on en croit la plupart des études sur ces sujets. Toutefois, elle présente l’inconvénient de s’utiliser chaude, sous forme liquide. Or, l’utilisation de la chaleur sur des matériaux tels que le papier, ou pire, le parchemin qui est hautement hygroscopique, n’est pas recommandée du point de vue de la conservation. Sans compter qu’une solution liquide pénètre plus rapidement le support, et ne permet pas toujours un contrôle maîtrisé de l’application. Ainsi, étudier une manière alternative d’utiliser la gélatine présente un intérêt non négligeable. Nous choisissons d’axer notre étude sur un comparatif de l’adhésivité de cinq gélatines utilisées froides ou « en mousse » à deux concentrations.

11

Voir sous partie 3. « quelques éléments sur la gélatine » VIÑAS Vincente, CRESPO Carmen, La préservation et la restauration des documents et ouvrages en papier : une étude RAMP, accompagnée de principes directeurs.» UNISIST, 1986. 13 KOLBE, Gesa, « Gelatine in Historical Paper Production and as Inhibiting Agent for Iron-Gall Ink Corrosion on Paper » Restaurator n°25 (2004) p. 26 - 39. 12

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L’objectif étant à la fois de poursuivre les investigations d’A. Curtis et de Y. Uchida, en essayant de restreindre la sélection à 5 gélatines, et de les relier à l’étude de S. Vansnick et L. Speroni en réalisant des tests d’adhésivité. Ce travail vise à améliorer les connaissances sur la gélatine utilisée froide, et éventuellement aider à définir les situations dans lesquelles on peut y avoir recours.

3. Quelques éléments sur la gélatine Avant de présenter les différentes gélatines utilisées pour les expérimentations, nous tenons à rappeler comment elles sont obtenues ainsi que quelques-unes des caractéristiques qui permettent de les différencier. Composition de la gélatine La gélatine est composée de collagène, protéine présente dans le règne animal principalement. Il s’agit d’une macromolécule comprenant trois chaines dites « alpha » constituées d’acides aminés, reliées entre elles par des liaisons hydrogènes (dites faibles) et lui conférant une structure de triple hélice. Obtention de la gélatine La gélatine est obtenue après le lavage des peaux, des os et des tendons. Le milieu dans lequel cette opération s’effectue détermine le type de la gélatine (A ou B). Après le lavage, intervient l’étape de la cuisson. Lorsque le collagène est chauffé, les triples hélices se déroulent et relâchent les chaines. Le procédé de préparation industrielle de la gélatine est basé sur ce principe de rupture des chaines, qui vise à produire une gélatine à l’état colloïdal. De cette solution résulte des chaines alpha simples, toujours liées par des liaisons covalentes (schéma 1 p.60). La particularité de la gélatine est sa capacité de renaturation. Lors du refroidissement, les triples hélices vont avoir tendance à se reconstituer. C’est grâce à cette étape que la gélatine va former un gel. De nombreux facteurs entrent en jeu à ce stade de la fabrication, et cela va faire varier les propriétés de l’adhésif. Plus la renaturation sera favorisée, plus le gel sera dur et l’adhésivité élevée. Au contraire, on obtiendra une gélatine relativement liquide et peu adhésive si la renaturation n’est pas optimale.

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Schéma 1 : Formation d’un gel de gélatine14

Caractéristiques variables Composition

Collagène animal (mammifères, poissons) Type A : le milieu est acide

Type A / B Type B : le milieu est alcalin Viscosité

Résistance à l’écoulement

pH

Généralement acide quel que soit le type Détermine la capacité de la gélatine à former un gel.

Degré Bloom15

Unité : Bloom sur une échelle de 50 à 300 Plus il est élevé, plus le pouvoir adhésif du gel est important.

Tableau 2 : Propriétés générales des gélatines

14

PEREGO, Françoise, Dictionnaire des matériaux du peintre. Belin, 2005. Selon la norme britannique BS 757 :1975. Gr8, le degré Bloom « correspond à la masse qu’il faut placer sur un piston cylindrique de 12,5mm pour l’enfoncer de 4 mm dans 112g d’un gel de gélatine standard de concentration 62/3% masse/volume à 10% » 15

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II.

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Présentation de l’expérience

1. But de l’expérience Les tests entrepris visent à comparer l’adhésivité de cinq gélatines sous deux formes. La première forme, est la gélatine classique solubilisée au bain marie, la seconde est une préparation froide, élaborée à partir du gel de gélatine, tamisé à plusieurs reprises. Nous choisissons de préparer des échantillons élevés à plusieurs concentrations. Après différents tests16, et en s’appuyant sur les articles cités précédemment, nous optons pour une concentration à 3% et une autre à 5%. Cette étude comparative a pour ambition de compléter les connaissances sur la gélatine en mousse. A travers l’expérience, nous essayerons de déterminer si leurs différentes caractéristiques influencent le comportement adhésif d’une utilisation à froid.

2. Présentation des adhésifs Cinq gélatines ont été retenues pour la réalisation de cette étude. Deux d’entre elles sont des gélatines de restauration, vendues par un fournisseur de matériel spécialisé dans la restauration17. La gélatine du fabricant Rousselot est choisie pour ce test car nous l’avons trouvée référencée dans des articles de restauration18. Les deux dernières gélatines sont des gélatines de qualité photographique19 aux degrés Bloom considérablement éloignés : l’une est à 165, l’autre à 225. Ces dernières sont à la fois conseillées20 et controversées dans la littérature. L’intention principale ici est d’évaluer l’adhésivité de ces gélatines et de comprendre si leurs caractéristiques respectives peuvent être liées à une différence d’adhésivité lorsqu’on les utilise « en mousse ». D’une part les deux gélatines de restauration (que nous désignerons respectivement GMW1 et GMW2, selon leur dénomination 16

Nous avons testé une concentration de 1% qui s’est avérée bien trop faible pour réussir à obtenir une mousse. Une concentration de 4% a également été réalisée. Elle donne des résultats plus proches de la gélatine à 5%. Nous avons choisi de conserver la 3% et la 5% afin d’obtenir des résultats plus significatifs. 17 Vendu par GMW-Gabi Kleindorfer, fourni par GELITA, cf. fiche technique en annexe 18 ROUCHON, Véronique, DUPLAT, Valéria, MARGEZ, Marlène: « Projet de recherche sur la restauration des manuscrits comportant des encres ferrogalliques : état d'avancement » Journée Inter ateliers, Centre de recherche sur la conservation des collections (CRCC) 2008) 19 Fournies également par l’entreprise GELITA. 20 DANZING, Rachel, « Obtaining photographic grade gelatin » Photographic Preservation, Volume 8 p. 16. 1999, Photographic Materials Group of the American Institute for Conservation of Historic & Artistic Works.

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commerciale21) nous permettront d’établir un comparatif quant au type, puisque l’une est de type A, l’autre de type B. D’autre part, les gélatines photographiques nous permettront quant à elles d’établir une comparaison vis-à-vis du degré Bloom (nous les désignerons ainsi « photographique » suivit de leur degré Bloom soit 165B et 225B). La Rousselot sera elle aussi comparée en rapport avec son degré Bloom (qui rappelons-le, est supposé accroitre le pouvoir adhésif, plus sa valeur est élevée).

Gélatine

GMW1

GMW2

Rousselot GT58

Photographique 165B

Photographique 225B

Degré Bloom

≥ 250

≥ 280

80-100

165

225

Viscosité (mPa.s)

4,00- 4,70

5,15 – 5,75

2,0-3,0

3,44

4,38

Type

B

A

B

B

B

pH

4,90 – 5,20

5,20 – 5,60

5,0-6,0

5,78

5,52

Couleur

Jaune pâle

Jaune très pâle

Jaunebrun

Jaune-orangé

Jaune-orangé

Tableau 3 : présentation des différentes caractéristiques des gélatines testées

3. Préparation des adhésifs Tout d’abord nous préparons la gélatine à partir de son état brut. Cette dernière servira de base aux deus préparations désirées. On utilise dans les cinq cas des gélatines en grains. Les quantités sont pesées avec une balance de précision22. On utilise de l’eau déminéralisée pour compléter la solution. Nous réalisons des quantités équivalentes à 100mL. Une fois dans l’eau, la gélatine doit gonfler pendant une demi-heure. On peut ensuite la chauffer au bain marie, à une température n’excédant pas 60°C, car au-delà, on risque d’altérer les capacités de renaturation et ainsi limiter ou empêcher la formation du gel. Lorsque tous les grains sont à l’état colloïdal, environ trente minutes plus tard, on retire la préparation du bain-marie et on la réserve à température ambiante. Lorsque le gel s’est formé, on peut alors commencer la préparation de la « mousse ». Nous suivons pour cela les recommandations des références consultées. Nous utilisons donc un écran de soie faisant office de tamis. On extrait une partie du gel, puis à l’aide d’une 21 22

GMW : « Geräte, Material und Werkzeuge für Papierrestauratoren ». A 0,01mg près.

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spatule en bois, la gélatine est tamisée, comme on le ferait pour une colle d’amidon traditionnelle23. Au niveau moléculaire, nous supposons que l’action de tamisage bouscule l’organisation des chaines. Il est possible qu’elle provoque une rupture partielle des triples hélices, car nous constatons visuellement un changement physique de texture. Ajoutons également que cette action a pour conséquence l’introduction d’air dans le gel. Une mousse est définie comme le « milieu formé à l'interface d'un liquide et d'un gaz par une phase continue liquide dans laquelle est dispersée sous forme de cellules une phase gazeuse »24. La phase gazeuse dans notre cas est l’air.

1. Tamisage de la gélatine25 à partir du gel

2. Second tamisage de la gélatine26

A ce stade, on peut déjà relever des différences et les difficultés rencontrées selon les gélatines et leurs concentrations. Aussi, le nombre de tamisage est réalisé empiriquement et adapté, selon la consistance obtenue au fil des passages. L’objectif étant d’obtenir une mousse aérée et non liquide. Elle ne doit pas être trop compacte non plus, car il faut pouvoir la travailler facilement.

23

L’opération est réalisée dans une pièce où la température est relevée à 23°C. Définition du Dictionnaire Larousse. 25 Ici, gélatine GMW1 à 5%. 26 Idem. 24

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On évalue la difficulté du tamisage sur une échelle de 1 à 5. Le chiffre 1 correspondant à un tamisage très aisé et le chiffre 5 à un tamisage difficile. Ces chiffres apparaissent en gras dans le tableau 4 ci-dessous.

GMW1

GMW2

Rousselot

Photographique 225B

Photographique 165B

Concentration

5%

3%

5%

3%

5%

3%

5%

3%

5%

3%

Nombre de tamisage

3

2

3

3

2

2

3

2

3

3

1 tamisage

4,5

3

5

3,5

3

2

3

2

3,5

4,5

2e tamisage

3

2

4

3

2

1

2

0

3

3

3e tamisage

3

-

3

2

-

-

1

-

2

3

er

Difficulté (de 1 à 5) selon le tamisage

Tableau 4 : comparatif du tamisage pour chaque adhésif à 5% et 3%

Remarques Certains gels sont plus faciles à tamiser que d’autres. D’après les propriétés générales de la gélatine décrites auparavant, on peut suggérer que ces différences sont dues à la méthode de fabrication, influençant la sensibilité des gels et en particulier leur capacité de renaturation. Le tableau ci-dessus vise à quantifier la difficulté de l’opération de tamisage, et précise le nombre de tamisages nécessaires à l’obtention d’une mousse satisfaisante. Notons toutefois, que lorsque la difficulté est notée à 0 ou 1, nous obtenons un substrat relativement liquide, qui tend cependant à recouvrer une consistance gélatineuse après repos. Ceci tend à indiquer que les capacités de renaturation sont encore présentes. On observe ce phénomène pour toutes les mousses obtenues, ainsi, si la mousse n’est pas utilisée directement après le tamisage, il est conseillé de la travailler légèrement avec un pinceau.

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III.

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Expérimentations

1. Protocole L’expérimentation effectuée reprend le principe d’un essai de traction. Il consiste à appliquer deux forces opposées sur un matériau. L’intérêt est de mesurer le degré de résistance à la rupture de la gélatine. L’installation du matériel d’expérimentation (schéma 2 p.66) a été améliorée au fur et à mesure des séries de pré-tests27, afin d’abaisser le pourcentage d’incertitude relative à 15% au maximum. L’adhésif est disposé entre deux lamelles de papier d’une longueur de 5 cm. Chacune est tenue par une mâchoire28. L’une est fixée à une potence, la seconde est reliée à un réceptacle progressivement rempli d’eau par un système de pompage. Le débit est ainsi régulier, et il est possible de le maîtriser en le stoppant, grâce à une vanne installée sur le tuyau de pompage 29. Le réceptacle est vidé à chaque test. Les adhésifs sont collés sur deux lamelles de papier permanent30 de 0,5 mm d’épaisseur. Notre choix s’est arrêté sur ce papier car ses propriétés convenaient à ce type d’expérimentation. Les pré-tests ont révélés que le pouvoir adhésif des gélatines était relativement élevé, ainsi, bien souvent, le poids nécessaire pour provoquer la rupture adhésive était très important et pouvait dépasser les 4 kg. Pour parer à cela, nous avons opté pour la diminution de la taille des échantillons et par conséquent, de la surface de collage. Nous avons également réduit la quantité de colle apportée. Nous ne pouvions pas en revanche diminuer la concentration de l’adhésif, puisqu’il s’agit précisément d’un critère de l’expérimentation.

27

Trois séries de pré-tests ont été effectuées avant l’expérimentation finale. Nous utilisons un ensemble de pinces à dessin superposées. Le papier est coincé entre deux pièces de caoutchouc pour éviter qu’il ne glisse de la pince. 29 Nous avons tenté par ce système, de contrôler au mieux le poids apporté. 30 Norme internationale ISO9706, qui fixe les prescriptions pour qu’un papier destiné à la conservation soit permanent, c’est à dire qu’il conserve ses caractéristiques physico-chimiques pendant une longue période. Le papier permanent peut être fabriqué soit à partir de coton, soit à partir de pâtes chimiques blanchies dont on aura éliminé tous les composants non cellulosiques et notamment la lignine. Le mot « permanent » définit un papier dont les propriétés physico-chimiques accroissent la longévité sans nuire au recyclage. Cette norme exige : - Une solidité minimale, mesurée par un test de déchirure - Un contenu minimal en substances neutralisant l’action des acides, mesurée par dosage du carbonate de calcium (réserve alcaline) - Un plafond de matières facilement oxydables, fixé par la valeur de l’indice Kappa - Des valeurs minimales et maximales du pH du papier, après extraction à l’eau froide. 28

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Schéma 2 : Schématisation du montage réalisé

Le schéma 2 ci-dessus représente le montage de l’expérience. La potence en jaune maintient la première pince (mâchoire) par une cordelette reliée à une tige métallique (cette dernière permet d’atteindre le centre de gravité de la pince, aligné au système). Les lamelles de papier sont collées avec l’adhésif testé et sont chacune attachée à une pince. La pince du bas est raccordée avec une tige (comme celle du haut) à un bidon de 5L (réceptacle). Ce dernier est relié à un autre bidon placé en hauteur, sur la potence, par un tuyau (en noir) déversant par un système de pompage, une quantité d’eau au débit régulier, contrôlé par une vanne installée sur la potence (en rouge).

Protocole expérimental pour chaque échantillon : -

Application de 0,1 mL de gélatine à la seringue

-

Mise sous poids du collage (durée et poids identiques)

-

Mise en place sur la potence

-

Ouverture de la vanne

-

Rupture adhésive

-

Fermeture immédiate de la vanne

-

Pesée du réceptacle

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Pour chaque adhésif, une série de dix mesures est effectuée. On pourra ainsi éliminer les deux valeurs les plus éloignées des résultats obtenus, afin d’établir une moyenne la plus juste possible. Elles seront présentées barrées dans les tableaux. Ces valeurs dites aberrantes sont écartées après avoir calculé la moyenne des dix mesures. Après les avoir classées dans l’ordre croissant, on soustrait la valeur la plus haute à la moyenne et la valeur la plus basse à la moyenne. Nous éliminons la valeur pour laquelle le résultat de ce calcul porte le nombre le plus élevé31. Nous calculerons l’écart type à partir de la variance32, afin d’en déduire le pourcentage d’incertitude relative. Cette dernière nous permettra de juger la fiabilité de nos résultats. Pour qu’ils soient considérés comme recevables, il ne faut pas que ce pourcentage excède les 15%33

2. Résultats et observations Pour chaque adhésif nous présentons un premier tableau des résultats obtenus après la pesée du poids à la rupture adhésive. Nous baserons nos observations principalement sur les moyennes qui nous permettront de comparer les gélatines selon leurs concentrations et leur forme (mousse ou classique). Un second tableau présentera le comparatif en pourcentage pour les deux formes à la même concentration. On pourra ainsi quantifier à quel pourcentage la gélatine qui a le mieux résisté au poids est plus adhésive, et inversement, à combien de pourcent la moins résistante est-elle moins adhésive.

31

Soit xn la plus haute valeur, x1 la plus petite valeur, et m la moyenne. Si xn - m < m - x1 alors on élimine x1 et inversement. On procède ainsi pour la deuxième valeur à éliminer. Si xn - m < m – x2 alors on élimine x2, mais si xn - m > m – x2, alors on supprime xn. 32 Les formules sont à retrouver en annexe 1 33 Ce pourcentage est relativement élevé pour une étude scientifique, mais le matériel dont nous disposons ne nous permet pas d’obtenir des résultats d’une précision que l’on aurait en laboratoire, c’est pourquoi il est toléré.

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Résultats obtenus pour la GMW1 GMW1 3%

Concentration Forme 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Moyenne Variance Ecart type Incertitude relative

5%

Mousse Classique Mousse Classique Poids à la rupture adhésive (g) 1267 1088 1404 1204 1427 1013 1268 1335 1308 977 1286 1323 1248 1034 1343 1315 1480 1096 1281 1155 1491 1209 1506 1225 1048 977 1203 1281 1320 1127 1430 1167 948 1132 1435 1317 1418 1120 1318 1233 1369 1102 1345 1279 9161 3724 4720 2638 95,72 61,03 68,70 51,37 14%

11 %

10%

8%

Tableau 6 : Résultats des expérimentations pour la GMW1

GMW1 Concentration 3% 5%

Forme Mousse Classique Mousse Classique

Comparatif + 124% - 80% + 105% - 95%

Tableau 7 : Comparatif en pourcentage de l’adhésivité entre la gélatine en mousse et la classique à 3% et 5%34

Observations pour la GMW1 : -

La gélatine en mousse présente une meilleure adhésivité pour les deux concentrations (cf. Tableau 6, ligne « moyenne » et Tableau 7, ligne 1 et 3).

-

L’adhésivité de la gélatine en mousse est sensiblement identique à 3% et à 5%.

-

L’adhésivité de la gélatine classique est plus élevée à 5% qu’à 3%.

34

Nous pouvons dire qu’à 3%, la gélatine en mousse présente un pouvoir adhésif 124% plus élevé que la gélatine classique, et que cette dernière colle 80% moins que la gélatine en mousse.

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Résultats obtenus pour la GMW2 GMW2 3%

Concentration

Forme

Mousse

5%

Classique Mousse

Classique

Poids à la rupture adhésive (g) 1

1289

1035

1238

1213

2

1403

1005

1354

1167

3

1142

1064

1065

1242

4

1375

1247

1278

1125

5

1219

1020

1215

1162

6

1489

1037

1088

1132

7

1238

1248

1501

1043

8

1194

1036

1406

1067

9

1358

1123

1299

1117

10

1221

1095

1438

1029

Moyenne

1287

1051

1341

1128

Variance

6610

1576

10231

2999

81

39

101,15

54

Ecart type Incertitude relative

12%

7%

13 %

9%

Tableau 8 : Résultats des expérimentations pour la GMW2

GMW2 Concentration 3% 5%

Forme

Comparatif

Mousse

+ 122%

Classique

- 81%

Mousse

+ 118%

Classique

- 84%

Tableau 9 : Comparatif en pourcentage de l’adhésivité entre la gélatine en mousse et la classique à 3% et 5%

Observations pour la GMW2 : -

La gélatine en mousse présente une meilleure adhésivité pour les deux concentrations (cf. Tableau 8, ligne « moyenne » et Tableau 9, ligne 1 et 3).

-

L’adhésivité de la gélatine en mousse est légèrement supérieure à 5% qu’à 3%.

-

L’adhésivité de la gélatine classique est légèrement supérieure à 5% qu’à 3%.

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Résultats obtenus pour la Rousselot Rousselot 3%

Concentration Forme 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Moyenne Variance Ecart type Incertitude relative

5%

Mousse Classique Mousse Classique Poids à la rupture adhésive (g) 1130 1005 1040 961 1175 960 1035 905 1155 1040 1254 836 870 868 1205 989 1143 1180 1137 1016 974 1106 1030 1040 1136 1183 1170 955 1065 986 1130 1008 1119 978 1193 816 1125 1035 1105 880 1131 997 1126 969 1031 4818 4130 3063 32 69 64 55 5%

13 %

11 %

11 %

Tableau 10 : Résultats des expérimentations pour la Rousselot

Rousselot Concentration 3% 5%

Forme

Comparatif

Mousse

+ 113%

Classique

- 88%

Mousse

+ 116%

Classique

- 86%

Tableau 11 : Comparatif en pourcentage de l’adhésivité entre la gélatine en mousse et la classique à 3% et 5%

Observations pour la GMW2 : -

La gélatine en mousse présente une meilleure adhésivité pour les deux concentrations. (cf. Tableau 10, ligne « moyenne » et Tableau 11, ligne 1 et 3).

-

L’adhésivité de la gélatine en mousse est sensiblement identique à 3% et à 5%.

-

L’adhésivité de la gélatine classique est sensiblement identique à 3% et à 5%.

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Résultats obtenus pour la Photographique 165B Photographique 165B 3%

Concentration Forme 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Moyenne Variance Ecart type Incertitude relative

5%

Mousse Classique Mousse Classique Poids à la rupture adhésive (g) 1340 892 1086 1301 1177 1126 1312 1145 1162 1007 1098 1211 1347 1191 1385 1344 1265 995 1221 1242 1105 923 1128 1265 1173 1064 1282 1313 1210 1027 1221 1105 1316 1155 1270 1288 1095 997 1130 1270 1187 1003 1179 1254 5622 5465 6089 3013 74 73 78 54 12 %

14 %

13 %

8%

Tableau 12 : Résultats des expérimentations pour la Photographique 165B

Photo 165B Concentration 3% 5%

Forme

Comparatif

Mousse

+ 118%

Classique

- 84%

Mousse

- 94%

Classique

+106%

Tableau 13 : Comparatif en pourcentage de l’adhésivité entre la gélatine en mousse et la classique à 3% et 5%

Observations pour la GMW2 : -

La gélatine en mousse présente une meilleure adhésivité seulement à 3%.

-

A 5 % la classique est plus adhésive. (cf. Tableau 12, ligne « moyenne » et Tableau 13, ligne 1 et 4).

-

L’adhésivité de la gélatine en mousse est sensiblement analogue à 3% et à 5%.

-

L’adhésivité de la gélatine classique est plus élevée à 5% qu’à 3%.

-

L’adhésivité de la gélatine en mousse à 3% est légèrement inférieure à celle de la gélatine classique à 5%. 71


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Résultats obtenus pour la Photographique 225B

Photographique 225B 3%

Concentration Mousse

Forme

5%

Classique Mousse Classique

Poids à la rupture adhésive (g) 1

1200

1133

1439

1180

2

1323

1013

1520

1260

3

1160

985

1495

1345

4

1239

897

1458

1236

5

1190

1046

1612

1055

6

1291

1028

1488

1034

7

1343

1086

1544

1144

8

1154

890

1565

1056

9

1287

1002

1376

1190

10

1430

976

1507

1240

Moyenne

1254

979

1502

1206

Variance

4458

3323

1747

7366

66

57

41

85

Ecart type Incertitude relative

10 %

11 %

5%

14 %

Tableau 14 : Résultats des expérimentations pour la Photographique 225B

Photo 225B Concentration 3% 5%

Forme

Comparatif

Mousse

+ 128%

Classique

- 78%

Mousse

+ 124%

Classique

- 80%

Tableau 15 : Comparatif en pourcentage de l’adhésivité entre la gélatine en mousse et la classique à 3% et 5%

Observations pour la GMW2 : -

La gélatine en mousse présente une meilleure adhésivité pour les deux concentrations. (cf. Tableau 14, ligne « moyenne » et Tableau 15, ligne 1 et 3).

-

L’adhésivité de la gélatine en mousse est plus élevée à 5% qu’à 3%.

-

L’adhésivité de la gélatine classique est beaucoup plus élevée à 5% qu’à 3%.

-

L’adhésivité de la gélatine en mousse à 3% et de la classique à 5% sont semblables. 72


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3. Synthèse générale des observations Pour les cinq adhésifs testés, la gélatine en mousse à une concentration de 3% présente une adhésivité en moyenne de 121% plus forte que sous sa forme classique. A 5%, elle présente une adhésivité moyenne de 115% plus élevée à l’exception de la gélatine Photographique 165B. On peut difficilement expliquer cette exception, bien que, si l’on en croit le pourcentage d’incertitude relative (élevé à 13% pour la gélatine en mousse à la concentration de 5%), cela peut être dû à des imprécisions lors de l’expérimentation, malgré l’ensemble des précautions prises vis-à-vis des paramètres d’erreurs relevés. Les deux valeurs restant assez proches (1179g pour la gélatine en mousse et 1254g pour la gélatine classique), on peut considérer que ce résultat n’est pas tout à fait représentatif. Nous apportons cette même explication pour le résultat surprenant de la Rousselot à 5% classique, dont la résistance à la rupture est plus faible que lorsqu’elle est à 3% (car les incertitudes s’élèvent respectivement à 13% et 11%). Une fois de plus, les valeurs proches et le pourcentage d’incertitude assez élevé appellent à observer ce résultat avec prudence.

Nous rassemblons les données récoltées dans un histogramme (schéma 3), permettant de comparer plus facilement, par un histogramme, les résultats décrits précédemment.

1800

Poids à la rupture en grammes

1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 0 GMW 1 3% Mousse

GMW2 3% Classique

Pho 225 5% Mousse

Pho 165

Rousselot

5% Classique

Schéma 3 : Histogramme récapitulatif de l’adhésivité des gélatines en mousse et classique à 3% et 5%

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Le graphique ne révèle pas de grandes irrégularités entre les différents résultats. Les cinq adhésifs présentent globalement une bonne résistance à la traction, quelques soient la forme et la concentration données. Rappelons que pour des échantillons contenant moins de 0,1mL d’adhésif, le poids nécessaire pour parvenir à la rupture adhésive est compris entre 969,25 g et 1502 g. Ces résultats confirment que la gélatine détient des propriétés adhésives relativement importantes. Par ailleurs, on retiendra que la gélatine photographique 225B préparée en mousse à 5% présente l’adhésivité la plus élevée. Les valeurs les plus faibles au contraire sont partagées par l’ensemble des gélatines classiques préparées à 3%. Pour ce qui est de la différence de types, la GMW2 de type A ne présente pas de grande singularité par rapport aux autres gélatines de type B. La seule remarque que nous pouvons faire à ce sujet, est la difficulté rencontrée lors de sa transformation en mousse. Il a s’agit en effet de la gélatine la plus résistante à tamiser. On peut supposer que le réseau de triples hélices est particulièrement soudé et difficile à rompre sous l’action mécanique manuelle. Mais nous ne prétendons pas faire ici l’état d’une généralité quant aux gélatines de type A, car d’autres facteurs peuvent entrer en jeu et influencer leurs caractéristiques. En outre, il faudrait réaliser une expérience comparant d’autres gélatines de ce type, pour en venir à ces conclusions. D’autre part, la différence entre les degrés Bloom n’a visiblement pas interférée de façon significative dans l’adhésivité des gélatines. Néanmoins, la gélatine Rousselot qui détient le plus faible degré de Bloom, et qui par définition était supposée présenter un pouvoir adhésif moins important, expose effectivement des résultats relativement plus bas que les autres pour l’ensemble des tests.

4. Interprétation des résultats et discussion L’ensemble des résultats s’inscrivent dans une certaine cohérence, si l’on prend bien entendu en compte la marge d’incertitude relative. On retiendra que la gélatine en mousse présente dans la plupart des cas une adhésivité plus élevée que la gélatine classique. Il est assez surprenant de constater qu’il n’y a pas de grande différence entre les résultats obtenus avec la mousse à 3% et celle à 5%, dans la majorité des cas. D’autant plus qu’on observe l’inverse pour la gélatine classique, qui généralement présente une adhésivité plus importante 74


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à 5%. On peut donc supposer que lorsque l’utilisation d’une mousse est choisie, il est préférable de préparer une concentration de 3%. D’abord car la conception de la mousse en sera facilitée, mais aussi parce que le résultat obtenu sera comparable à celui d’une concentration plus élevée. Les conditions des expérimentations, bien que optimisées au possible, n’ont pas permis d’obtenir des pourcentages d’incertitude inférieurs à 5%. Sur l’ensemble des tests effectués qui sont au nombre de 20, 14 des expérimentations présentent une incertitude audelà de 10%. Si la précision des résultats n’est pas exacte, nous avons pu réaliser des comparaisons qui nous ont permis de dégager certaines conclusions. Certains paramètres d’erreurs seraient à corriger pour une amélioration significative du pourcentage d’incertitude. Nous pensons en particulier à l’application de la colle, difficilement contrôlable sans des outils de précision adaptés. Il faudrait utiliser une balance de précision, pour mesurer la quantité exacte d’adhésif à apporter, puis l’injecter avec une seringue sur l’éprouvette de papier. Il serait également intéressant d’effectuer ces tests sur une véritable machine de traction. Ainsi nous pourrions augmenter le poids apporté, donc la taille des échantillons. Si la surface de l’éprouvette est plus large, il sera plus facile de répartir l’adhésif de façon régulière et homogène. En outre la majorité des erreurs humaines – qui représentent une grande partie de nos causes d’erreurs- seraient éliminées.

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CONCLUSION

La gélatine est un produit complexe, dont chacune des propriétés vient en modifier les caractéristiques. En cela, il est compliqué de déterminer un usage précis pour un type de gélatine en particulier. L’intérêt de l’utiliser froide, ou « en mousse » présente d’une part l’avantage de limiter les réactions thermiques avec le support. D’autre part, il évite l’absorption rapide et parfois incontrôlée d’un adhésif au sein du matelas fibreux ou de la peau s’il s’agit de parchemin. Mais l’un des arguments de taille, est aussi lié au fait que l’application d’un adhésif en mousse est parfaitement défendable du point de vue déontologique, dans la mesure où l’on apporte moins de substance sur et dans le support pour autant d’efficacité, comme ont pu l’avancer les tests menés.

L’étude de plusieurs gélatines aux propriétés diverses et utilisées à froid, nous a permis de dégager quelques conclusions et pistes de recherches. D’abord, d’un point de vue général, le tamisage ne semble pas altérer les propriétés adhésives des gélatines. Malgré l’intervention sur la l’organisation spatiale intrinsèque de la molécule, il s’est avéré que cela n’altérait pas ses capacités d’adhésivité. Au contraire, nous avons remarqué une tendance à l’accroissement du pouvoir adhésif, particulièrement à la concentration de 3%. C’est pourquoi nous recommandons l’utilisation de la mousse à 3%, d’autant plus que le substrat obtenu sera plus facile à appliquer. De la même façon que l’on peut se fier au degré de Bloom lors de l’utilisation de la gélatine classique, selon l’utilisation que l’on souhaite en faire, il pourra être pris en compte dans le choix d’une gélatine en mousse également, selon l’adhésivité souhaitée. Le matériau testé étant un papier permanent, nous dirigeons ces résultats vers une utilisation sur les papiers, notamment pour les consolidations de déchirures et comblements de lacunes des manuscrits endommagés par la corrosion des encres métallogalliques.

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Cependant, il serait intéressant de poursuivre cette étude sur le parchemin, afin de tester l’adhésivité sur un support moins poreux, et aux caractéristiques comparables puisqu’ils sont tous deux composés de collagène.

Ajoutons ici que nous avons réalisé une série de tests sur des lamelles de verre. Pensant initialement mesurer l’adhésivité du gel tout juste appliqué (donc pas sec), nous avons réalisé que la fiabilité des tests était erronée par l’interférence de plusieurs autres paramètres comme la viscosité, ou encore la tension superficielle. Cependant, nous proposons les résultats de ces pré-tests en annexe de ce mémoire. Bien qu’ils soient difficilement exploitables pour les raisons citées, ils rendent cependant compte de la tendance observée ici, à savoir que la gélatine en mousse présente dans la plupart des cas, une capacité adhésive plus élevée que la gélatine en classique. Ceci a été observé pour les deux concentrations. En outre, l’expérimentation sur un matériau lisse tel que le verre laisse présager une certaine similarité pour l’application sur le parchemin, beaucoup moins poreux que le papier. Ces expérimentations laissent à penser que l’adhésivité se fait plus rapidement avec une mousse, phénomène qui peut être d’une grande utilité lors des réparations in situ. De plus amples études, justement sur différents matériaux, pourraient être réalisées. Nous avons d’ailleurs essayé d’effectuer ces expérimentations sur du papier considérablement poreux35 ou encre papier fait main36. Cependant le pouvoir adhésif de la gélatine est trop important et les échantillons subissent systématiquement une rupture cohésive37 avant que l’on ait pu aboutir à la rupture de l’adhésif. Les essais menés sur un matériau radicalement opposé par son caractère inerte et non poreux : le verre, a aussi conduit à un échec. Lorsqu’après plusieurs jours l’adhésif est sec, on réalise un test de traction. Néanmoins, encore une fois, l’adhésivité est trop forte, et les échantillons de verre se brisent avant la rupture adhésive ou nécessitent un poids trop élevé pour le matériel dont nous disposons.

35

Papier aquarelle 100% cellulose, Canson© 100% coton, papier Amalfi, Naples 37 Le papier se déchire au niveau du collage. Au contraire, la rupture adhésive se fait au niveau du collage. 36

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CONSERVATION – RESTAURATION

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INTRODUCTION

Lorsque la Carte chronologique a été récupérée dans les réserves de la bibliothèque municipale de Lyon, son état témoignait des années l’ayant laissé dans l’oubli. La discussion menée à son sujet a rapidement abouti sur la décision d’une intervention sur le document. Dès l’arrivée de l’œuvre dans les locaux de l’école, la réflexion s’est poursuivie dans le but de déterminer les nécessités et priorités d’intervention. Cette réflexion s’articule autour d’une analyse minutieuse de l’œuvre, décrivant d’abord ses matériaux constitutifs. La connaissance de la nature intrinsèque de l’œuvre nous aiguillera sur ses fragilités. Suite à cela, nous relèverons les altérations présentes par un constat d’état dont l’intention est de décrire l’observation des dégradations. Nous pourrons enfin terminer cet examen par l’élaboration d’un diagnostic. Une fois ce travail terminé, nous pourrons alors déterminer les mesures à prendre pour la conservation du document via une proposition de traitement. Elle nous permettra de définir les interventions possibles, et les matériaux à utiliser pour leur mise en œuvre. Enfin nous rendrons compte du travail de restauration dans le rapport des interventions effectuées.

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EXAMEN DE L’ŒUVRE

I.

Nature des matériaux constitutifs

1. Nature des matériaux de support L'œuvre est constitué d'une toile sur laquelle est marouflé un papier de grammage moyen grainé et d’une épaisseur totale de 1,3 mm1. Il comporte plusieurs feuilles raboutées de manière relativement régulières et se chevauchant sur quelques centimètres (schéma 1). Sur la toile s’ajoute un tissu de renfort. Quatre bandes régulières de double épaisseur viennent encadrer le tour sur environ 5 cm. 34,0

53,5

1

2

4

5

54,0

3

67,0

6 49,5

34,0 54,0 53,5 Schéma 1 : Raboutage des feuilles dans l'ordre de la superposition et dimensions en cm (échelle 1/4)

1

Cf. annexe 12 « Relevé des différentes épaisseurs des matériaux constitutifs de l’œuvre »

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2

3

4

1. Vue de l'œuvre au verso

5

2. Vue latérale du montage 3. Pièce de renfort en tissu 4. Pièces de renfort en tissus superposées 5. Couture de jonction des deux toiles

D’autres pièces et bandes irrégulières sont collées de façon inégale sur l’ensemble, sans doute pour renforcer des zones fragiles (fig.1). On remarque la présence d'un papier de doublage (fig.6 p.83) dans l’angle supérieur gauche de l'œuvre sur environ 30 centimètres de largeur et 20 centimètres de longueur. D'autre part, un ex-libris est imprimé sur un papier2 plus fin découpé au plus près du dessin et collé sur le recto du papier d'œuvre (fig.7 p.83). Il est difficile de déterminer si la toile est d’origine. Sa présence n’est pas surprenante puisqu’il était courant d’effectuer un entoilage avant la création d’une œuvre sur papier, pendant ou après. Il s’agissait souvent d’un systématisme visant à apporter un support homogène à des documents de grands formats constitués la plupart du temps de plusieurs papiers raboutés3, ce qui est le cas de la carte chronologique. La toile est en deux morceaux, cousus au niveau des deux tiers de l’œuvre et dont la couture créé un bourrelet d’environ 5mm légèrement perceptible au recto. Le fait que la toile ne soit pas faite d'une seule pièce

2

En raison de la méthode destructive utilisée pour l’identification des fibres, nous ne procéderons pas à l'échantillonnage du papier de l’ex-libris. 3 HERRENSCHMIDT F. et LAROQUE C. « A propos d’un carton du musée du Louvre une approche de la conservation des dessins de grand format ». Conservation Restauration des biens culturels, traitement des supports, travaux interdisciplinaires. Paris 2, 3 et 4 Novembre 1989, p.229-239.

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pourrait signifier qu'elle ne soit pas d'origine et qu'elle ait été réemployée comme renforcement. La fragilité du papier, visible par l'ensemble des altérations répertoriées dans le constat d'état, est causée principalement par le mode de conservation, preuve d'une utilisation récurrente. Cela explique qu’il ait nécessité plusieurs consolidations au verso. La toile a pu jouer ce rôle de consolidant jusqu’à ce qu’elle nécessite à son tour des renforts ponctuels en tissu. L'observation au microscope d'une fibre issue de la toile révèle des caractéristiques pouvant la rapprocher d'une fibre de lin. On distingue des genoux (issus de la compression des microfibrilles) spécifiques à la fibre de lin4. Une analyse comparative5 nous permet de corroborer cette origine.

En dehors de la toile et du papier d’œuvre, on observe une pièce de papier au recto de l’œuvre sur la partie inférieure gauche. Elle est collée sur une longueur correspondant aux trois quart du document et sur une largeur d'environ cinq centimètres (fig.9 p.84). On a pu distinguer des tracés à l’encre sur le papier d’œuvre, au niveau d’une lacune, sous cette pièce. Après le retrait de la toile, une observation sous table lumineuse nous a permis de révéler la présence de lignes à l’encre noire et grise ainsi qu’une tête de lion, plus grosse que les autres visibles sur le document (fig.8). On peut donc en déduire qu’il s'agit très certainement d'une pièce de correction, due à une erreur de tracé ou un repentir. En outre, le chevauchement parfait des ornements situés à la fois sur la pièce et continuant sur le papier d’œuvre démontre que les ornements décoratifs (branches, feuilles et fruits) ont été réalisés après la conception et le remplissage des cartouches et que cette pièce est originelle.

6. Papier de doublage

4 5

7. Zoom sur l'ex-libris

8. Encre sous la pièce de rajout en lumière du jour et sous table lumineuse après démontage

REIS D. VIAN B. et BAJON, C. Le monde des fibres. 2006, 352p. Cf. annexe 3 : identifications des fibres

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9. Pièce de rajout

Par ailleurs, on trouve une pièce de papier plus fin entre le papier d'œuvre et la toile en haut à droite. Cela s’apparente à une étiquette imprimée (fig.10) dont le contenu nous est pour l'instant impossible à lire intégralement mais qui, une fois dégagé, pourrait être une source supplémentaire d'information quant à l'origine de l'œuvre. Ajoutons qu'à ce niveau de l'œuvre, plus à droite dans l'angle supérieur, se trouve une pièce de papier plus fin, également présente au verso à ce niveau (fig.11). Il pourrait peut-être s'agir d'une pièce de renfort ou encore d’un marquage de l’œuvre lors de ses différents transferts et changements de propriétaire.

10. Pièce imprimée sous le papier

11. Pièce de rajout au recto (à gauche) et au verso (à droite)

En ce qui concerne le papier d'œuvre, son épaisseur considérable6 lui donne une bonne résistance, et entrave légèrement sa souplesse. Il s'agit d'un papier occidental issu d'une pâte à base de chiffons. Après observation des fibres au microscope, elles tendent à être rapprochées des fibres de chanvre caractérisées par des fibrilles et des ramifications. Proche de la fibre de lin, la fibre de chanvre est plus courte, mais tout aussi résistante7. La couleur d’origine du papier parait légèrement écrue, mais l'état largement poussiéreux du document ne nous permet pas de l'affirmer. Le papier de renfort apporté ultérieurement est fait d’une pâte à bois et le procédé de fabrication est sans doute chimique. Fin et lisse, il arbore une teinte plus claire.

6 7

Le Palmer, appareil de mesure de précision, indique une épaisseur de 0,4 mm. REIS D. VIAN B. et al. Op.cit

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2. Nature de la technique graphique Le document est entièrement manuscrit à l'exception de l'ex-libris. On discerne par endroits les marques d’inscriptions préalables au crayon (fig.12 et 13) ayant servi de repère pour le tracé définitif à l’encre. Certains indiquent avec précision la construction et l’emplacement des cartouches.

12. Tracés au crayon : double filet, cercle et chiffre « 5 » 13. Tracés au crayon : axe de symétrie

Au niveau des couleurs, trois prédominent. Le noir pour la structure, le rouge pour orienter la lecture de l’œuvre et le vert (couplé au brun) pour le décor.

2.1.Les encres d'ornements Intéressons-nous d’abord à l’encre noire. On remarque des nuances (fig.14) pour donner l’illusion d'ombres et de reliefs aux traits noirs principaux qui structurent la carte. Sa bonne stabilité observable notamment au niveau des auréoles, laisse penser qu'il s'agit sans doute d'une encre au carbone. Elle se compose de matière organique carbonisée en suspension dans un liant8. C’est une substance inerte qui n'établit donc aucune réaction chimique avec le papier. De plus la lumière n'a pas d'impact sur son intensité et elle s'altère principalement sous 14. Nuances de l'encre noire

l'action mécanique9. Toutefois, les tests de solubilité ont révélé

une légère sensibilité à l’eau, ce qui peut signifier qu’il s’agiss d’un autre type d’encre, ou d’un mélange.

8

VIÑAS Vincente, CRESPO Carmen, La préservation et la restauration des documents et ouvrages en papier : une étude RAMP, accompagnée de principes directeurs, UNISIST, 1986. 9 LIENARDY Anne, VAN DAMME, Philippe. Interfolia, Manuel de conservation et de restauration du papier. Bruxelles, Institut royal du patrimoine artistique, 1989. 247p.

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Le rouge est principalement présent dans les bannières qui surplombent les cartouches. On relève des nuances entre les différentes banderoles (fig.15). Elles peuvent traduire l’intention de hiérarchiser l'importance des informations présentées. Ainsi, pour les grandes bannières, les fruits et certains médaillons, le rouge est couvrant comme de la gouache. Quant aux petites bannières, la transparence de la technique la rapproche d’une aquarelle. Précisons en outre que certaines autres banderoles comportent plusieurs nuances représentant les jeux d’ombres (fig.16 p.87). En tous les cas, l'intensité des bannières décroît en fonction des lignes de cartouches.

15. Nuances des rouges (grande bannière, fruits, petite bannière)

La gouache est une technique picturale composée de liant, de pigments, d’adjuvants et d’une forte proportion de charge10. Ce dernier élément est responsable de la consistance « pâteuse » de la peinture et de son opacité11. L'aquarelle se compose des mêmes ingrédients à la différence qu'elle contient une quantité de charge bien moins importante, ce qui lui vaut sa transparence. Les caractéristiques relevées visuellement tendent à rapprocher les médias de ces deux techniques. Il existe à l'époque plusieurs pigments utilisés dans les différentes recettes d’encres12, correspondant à l'époque du document13 dont le vermillon14 (ou cinabre)

10

Collette Guillemard définit dans son dictionnaire les charges comme : « les matières que l'on rajoute dans les peintures, les vernis ou les liants, afin d'en changer les caractéristiques rhéologiques, leurs conférer de la matité, plus de corps, ou encore en augmenter la quantité. On dénombre plus de 200 matières de charges, recueillies, pour la plupart d'extraction naturelle » in « Le dico des mots de la couleur », Seuil, 1998. 11 GARCIA Pierre, Le métier du peintre : abrégé d’atelier. Lethieulleux, 1994, 176p. 12 Cf. annexe 4 : Recettes ancestrales de la préparation des encres 13 Cf. annexe 5 : Tableau A : désignation des différentes encres utilisées selon les époques.

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ou encore le minium15. Ne pouvant réaliser des tests en laboratoire, nous nous fiions à la simple observation visuelle. Elle nous permet de supposer que nous sommes en présence des deux pigments. Certains rouges plus orangés (fig.16) s’apparentent à du minium (fruits, une partie des banderoles et certains médaillons), les autres plus francs pourraient être du vermillon16 (fig.15 p.86). Dans les deux cas, il s’agit de pigments minéraux créant des rouges artificiels (à l’opposé des ocres ou hématites par exemple à l’origine des rouges naturels). Si l’on observe les encres sous une lumière ultra-violette, on observe des fluorescences légèrement brunes pour certains rouges (fig.17). Cela pourrait signifier la présence d'oxyde de plomb dans le pigment initial17, élément concordant avec l’hypothèse d’un rouge minium.

16. Nuances de rouge dans une banderole

17. Observation des encres rouges sous lampe UV

L'autre couleur principale des ornements décoratifs est le vert. On le relève dans les feuilles, où il présente une texture tantôt fluide tantôt chargée18 (entre la gouache et l'aquarelle) dont résultent des variations de couleur et d’intensité. Certains verts sont profonds mais lacunaires, d’autres sont plus clairs mais intacts (fig.18 p.88). Il ne s’agit sans doute pas de la même encre soit dans sa préparation, soit dans sa composition. Les verts altérés semblent être comme abrasés. Ces altérations probablement dues à l’instabilité de l’encre nous incitent à

14

Composé naturel ou artificiel fait de sulfure de mercure, de formule HgS. Le vermillon est caractérisé par son fort pouvoir colorant mais peut s’altérer à la lumière et noircir avec le temps. (GARCIA Pierre, Le métier du peintre, 1994). 15 C’est un tétroxyde de plomb répondant à la formule Pb3O4. Il est probablement l’un des plus vieux pigments artificiels. http://enluminure-peinture.fr (consulté le 10/11/2013). 16 « Les rouges minéraux » : atelier de recherches et d’application enluminures médiévales et peintures traditionnelles, http://enluminure-peinture.fr (consulté le 30/06/2015). 17 Cf. annexe 6 : Tableau B, KODAK publication n° M-27 La photographie infrarouge et ses applications, Editions VM (1987). 18 Cf. note 12 p.86.

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l’assimiler aux verdets ou « verdegris »19. Cette encre était couramment utilisée jusqu’au 19e siècle20. Un nuancier des différents verts de gris présenté en annexe21 converge vers cette hypothèse si l'on s'appuie sur l’observation visuelle. Composée généralement d'un acétate basique de cuivre22 la préparation des verdegris donne lieu à de nombreuses recettes depuis l'antiquité, et ses caractéristiques nocives pour les supports sont connues depuis longtemps23. L'élément principal est le cuivre que l’on vient oxyder avec du vinaigre ou du marc de raisins ou autre selon les recettes (l'urine, le salpêtre, l'alun, l’ammoniaque peuvent être utilisés selon les recettes). Une période de fermentation est nécessaire pour obtenir une poudre bleue verte qui sera récoltée puis asséchée pour être broyée à nouveau et diluée avec du vinaigre. Le recours à des produits acides explique le caractère instable de l’encre. L'observation sous lumière ultra-violette dévoile une couleur noire-brune foncée entourée d'un halo noir violacé (fig.19), invisible à l'œil nu, mettant en évidence une diffusion significative de l'encre verte. Ce constat est appuyé par l'observation de l'œuvre au verso sous lumière U.V, révélant de façon surprenante l'étendue de la migration qui a traversé les différentes épaisseurs du montage à savoir : le papier d'œuvre, la toile et même le tissu de renfort (fig.20 p.89).

18. Nuances de vert et encre brune

19. Halo autour des feuilles visible en lumière U.V

19

« Quelques pigments d'origine métallique ont tendance à provoquer l'oxydation du support ou à poser des problèmes d'acidité analogues à ceux qui caractérisent les encres métalloacides (comme le verdet ou vert-de-gris, à base d'acétate de cuivre, employé comme pigment vert » http://www.unesco.org/ (consulté le 09/12/13). 20 PETIT Jean, ROIRE, Jacques et VALO, Henry, Des liants et des couleurs pour servir aux artistes peintres et aux restaurateurs. EREC, 2006, 397p. 21 Cf. annexe 1 22 Cu (OOC.CH3) Cu (OH)25H2O. http://enluminure-peinture.fr (consulté le 10/12/2013) 23 « Au XVIe siècle déjà, Turquet de Mayerne, médecin et chimiste suisse déclarait dans l'un de ses manuscrits, au sujet de la peinture à l'huile « Le vert de gris est tellement ennemy des aultres couleurs qu’il les tue toutes, spécialement la cendre d’Azur ; mesme si on travaille avec un peinceau […] qui ait été nettoyé dans l’huyle qui ait seulement touché au verdet, ou si les couleurs se mettent sur une palette où il y en ait eu, tout meurt. De sorte que qui veult travailler du verdet il fault qu’il ait pinceaulx, palette et huyle pour nettoyer à part.». « Pictoria sculptoria & quae subalternarum artium », 1620.

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1.

2.

20. Observation de la toile sous lumière U.V (1.) : constat de la migration de l’encre verte (2.)

Enfin, une encre brune est utilisée pour quelques parties du tronc, pour les branches (fig.18), ainsi que pour le contour des feuilles et parfois pour la nervure principale. Cette encre très fluide, de type aquarelle, pourrait vraisemblablement être un ocre ou bien une terre.

2.2. L'encre d'écriture L'encre du texte, plus brune que l’encre noire du décor est moins stable. Elle est disparait par endroit (fig.21). Les encres d'écriture les plus courantes aux 17-18e siècles sont les encres métallogalliques24. Elles arborent une tonalité brune sous l'action de la lumière et selon la composition du papier. Il est donc fort probable qu’il s’agisse de l’encre utilisée par Léonard Michon dans ce document. Il nous sera difficile de déterminer sa 21. Encre d’écriture effacée

composition précise car les recettes de préparation varient. On

retrouve dans tous les cas 3 éléments principaux : des extraits végétaux (comme la noix de galle), des sels métalliques (parmi le fer, le cuivre et le zinc) et un liant (généralement une gomme). Un test réalisé à l'aide d'un papier imprégné de bathophénanthroline25 permet de repérer la présence d'ions ferreux dans les encres. Certaines zones révèlent une légère couleur rose on peut dès lors confirmer la présence de fer. D’autres en revanche ne réagissent pas, mais cela 24

ROUCHON Véronique, « Identification d'une encre ferrogallique : le test du Fer ». Centre de recherche sur la conservation des collections, MNHN-CNRS (Décembre 2007). 25 Protocole décrit dans l’article cité précédemment (note 29). http://www.crcc.cnrs.fr (consulté le 09/12/2013

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n'est pas synonyme d'absence d'ions ferreux. Un autre test à l'acide ascorbique26 dévoile la présence d'ions fer III libres, signifiant que le stade d'oxydation n'est pas encore trop avancé. La couleur lie de vin obtenue certifie la présence d'ions fer III27. Ces résultats indiquent donc l'utilisation très probable d'une encre au fer, ce qui n'exclue pas la présence possible d'autres composés métalliques. Il n'est pas étonnant de constater le faible état d'avancement de l'oxydation des encres, car leur observation sous lumière ultraviolet ne révèle pas de fluorescence particulière synonyme de diffusion ou d'altération.

2.3. Les rehauts de l'ex-libris D'autre part, l'ex-libris visible au centre en bas, a probablement été peint au pinceau, si l’on en croit l’imprécision de la pose. Il a été coloré en bleu, jaune et rouge certainement avec la même technique d'aquarelle gouachée pour les différents éléments (fig.22). Un lavis brunorangé est visible en fond.

22. Ex-libris rehaussé d’encres

26

A défaut de posséder de l'acide ascorbique, Véronique Rouchon propose de dissoudre un comprimé d'aspirine ou de vitamine C incolore dans de l'eau déminéralisée, c'est ce que nous avons utilisé. 27 Les protocoles des tests sont à trouver en annexe 7.

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3. Nature des adhésifs et encollages Le raboutage et montage de l'œuvre décrits précédemment impliquent l'utilisation d'adhésifs. Nous pouvons répertorier sept collages. Les collages qui vont nous intéresser pour le futur travail de restauration sont ceux qui interfèrent le plus avec les matériaux constitutifs de l’œuvre, comme celui entre les feuilles raboutées et celui entre le papier d'œuvre et la toile. On retient aussi celui de la pièce de renfort en papier (en haut à gauche), celui de la pièce de correction et de la pièce collée recto verso (en haut à droite) et enfin celui entre l'ex-libris et le papier d'œuvre. Il reste les autres collages dont l’incidence sur l’œuvre est moindre, comme celui entre le papier de doublage et la toile et celui entre la toile et les pièces de tissus. N'oublions pas que le papier comporte aussi un encollage ajouté après ou au moment de sa fabrication destiné à réduire l'absorption du papier et permettre à l'encre d'y adhérer28. Les agents de collage les plus probables selon l'époque de notre document seraient la gélatine couplée ou non à l'alun29 ou l’amidon. Il a été possible d’échantillonner le papier d’œuvre, la pièce de renfort et la toile afin de procéder à des tests pour tenter de révéler les adhésifs en présence. Cependant, un seul des tests a donné un résultat exploitable : le test au lugol, révélateur de l’amylose de l’amidon. Nous pouvons donc présumer que l’encollage du papier, la colle entre le papier et la toile ou les deux, contiennent de l’amidon. L'ensemble des tests réalisés sont récapitulés en annexe30.

Nous venons de voir que l’œuvre rassemble des matériaux disparates. Avec le temps et les différents environnements rencontrés, chacun a réagi. D’abord individuellement, comme pour les encres les plus instables qui, intrinsèquement sont vouées à se modifier en présence de certains éléments (humidité). Puis il y a fatalement eu des interactions entre les éléments constitutifs, menant à la création d’altérations. Ajoutons à cela le facteur humain et la vie de l’œuvre. L’ensemble des altérations est relevé ci-suit.

28

REIS D. VIAN B. et al. Op.cit. LIENARDY Anne et al. Op.cit. 30 Cf. annexe 2 29

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II.

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Constat des altérations

1. Etat de conservation du support 1.1 La toile Etat général : la toile présente un état de dégradation relativement avancé. Les nombreuses pièces de renfort en tissu qui ont pu être ajoutées ont probablement contribué à la préservation de son état. L’ensemble est assez résistant, voire rigide. En effet on remarque que par endroit, la toile a conservé la forme des déformations subies. Ces dernières nous renseignent sur les antécédents des dégradations de l'œuvre. Descriptif des altérations : le constat d'état de la toile ne sera pas exhaustif. Nous développerons principalement les altérations dont l’incidence s’est répercutée sur l’œuvre. La toile présente dans l'ensemble un empoussièrement ainsi qu'un encrassement important. Au niveau mécanique, l'ensemble est plutôt robuste, mais les nombreux plis ainsi que le mode de conservation en rouleau ont infligé à la toile de nombreuses déformations qu'elle a gardé en mémoire dans sa forme actuelle (fig.23-24-26). Dans l’angle supérieur gauche, on trouve une déchirure sur environ quatre centimètres. Plus haut, on en trouve une de six centimètres (fig.25). Toutes deux traversent l'ensemble du support et sont perceptibles au recto.

24. Vue de l'œuvre au verso de profil en lumière rasante

23. Vue de l'œuvre au verso en lumière rasante

25. Déchirures au niveau de la toile

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26. Mémoire de forme retenue par le document : rigidité

1.2 Le papier d’œuvre Etat général : bien qu’il ait subi de nombreux traumatismes, le papier d’œuvre a su conserver un état convenable, d'autant plus que l'adjonction

des différentes feuilles raboutées n'a

provoqué aucune contrainte apparente. Aucune n’a subi d’altérations particulières à ce niveau qui auraient pu être causées par les colles par exemple. Il n'y a ni de détachement ni de coin corné. En revanche, les bords du document, nettement sollicités menacent de se détacher à chaque nouvelle consultation.

Descriptif des altérations

Auréole contours marqués Auréole contours légers

Zone de perforations (insectes) Tache Principales lacunes Perforations (punaises)

Schéma 3 : récapitulatif des principales altérations

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Altérations de surface Le papier est très empoussiéré et encrassé. Certaines zones sont plus encrassées que d'autres comme la partie inférieure gauche du document, visiblement plus noircie (fig.27). On retrouve une sorte de résidus de papier bleu, abrasé, en bas du document, au niveau du pied du premier pilier à droite de la base du tronc d'arbre (fig.28). Dans les mêmes tons grisbleu, on observe une pastille craquelée jaunie, comme de la cire séchée, au niveau du haut du troisième cartouche, à gauche de l'ex-libris (fig.29). Il est aussi à notifier, deux grandes trainées gris-noires traversant l’œuvre de gauche à droite, semblables à de l’encre (fig.30).

27. Zone d'encrassement

29. Résidus solide gris-bleus

28. Résidus de papier bleu

30. Détail d’une des trainées noires

Altérations mécaniques L'œuvre est considérablement robuste, mais une fragilité est à noter sur les bords qui deviennent cassants. Toutefois, pour le reste de l'œuvre, le papier en lui-même reste assez souple, et les déformations ou sollicitations ne conduisent pas systématiquement à la perte de matière. On distingue d'abord trois lignes longitudinales de plis. L’une environ au centre de l’œuvre et l’autre aux ¾. Au niveau de ces plis, le papier a blanchi, ou bien il s'est déchiré. De 94


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la même manière, à ¼ de l'œuvre, on distingue une ligne de pli mais moins marquée. Le même phénomène s'observe verticalement en trois réseaux de plis et de déchirures se répartissant également de manière régulière sur le document (Schéma 4).

Schéma 4 : Réseaux de plis longitudinaux (en jaune) et verticaux (en rouge) sur une photographie de l’œuvre en lumière rasante

Le papier présente des lacunes et soulèvements. La majorité se trouve sur les bords : on situe de nombreux manques dont deux grosses lacunes sur le bord supérieur gauche (fig.32) et sur le milieu du bord droit (fig.31). Les autres se trouvent au niveau des réseaux de plis et déchirures décrits dans le schéma 4 (fig.34 à 36 p.96). Enfin, on en compte trois autres vers la pièce de rajout, partie inférieure gauche du document (fig.33).

33. Lacune vers la pièce de rajout 31. Lacune bord droit

32. Lacunes bord gauche

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34. Soulèvement et lacunes en bordure

35. Soulèvement et lacune

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36. Léger soulèvement au niveau d’une zone de plis longitudinale

Pour terminer avec les altérations mécaniques, on note enfin à chaque angle un certain nombre de perforations (entre 5 à 9 par angles) d'un diamètre de moins d’un millimètre (fig. 37 et 38).

37. Perforation de l'angle en bas

38. Perforation de l'angle en haut à gauche

à droite

Altérations biologiques Un grand nombre de micro perforations (fig.39) et de galeries (fig.40) se situent essentiellement sur la partie supérieure droite du document, mais on en trouve aussi sur le reste du document (en haut à gauche et au centre par exemple). Les perforations sont très petites : elles font moins de 1 millimètre de diamètre. Il s'agit sans doute de petits insectes, c'est pourquoi il est possible que de petites déjections soient présentes sur le papier. Ces perforations et galeries s’étendent en des déchirures plus importantes, voire même sur des lacunes.

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39. Perforations d'insectes

40. Galerie d'insecte

41. Zone dégradée par les insectes

Autres altérations Plusieurs taches et auréoles sont visibles sur le document. Deux d'entre elles sont très prononcées : l'une porte en son centre plusieurs taches noirâtres et présente une délimitation brune en périphérie (fig.42). Quant à l'autre, la démarcation n'est pas aussi nette et l'ensemble est parsemé de taches noirâtres (fig.43). D'autres auréoles plus effacées se devinent grâce à leurs bords de démarcation bruns clair (fig.44).

42. Auréole : taches et démarcation

43. Taches noires concentrées

44. Démarcation d’auréoles

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1.3 Le papier de l’ex-libris Etat général : bon état général. Descriptif des altérations : l'ex-libris se trouvant en état satisfaisant, il n'y a pas d’importantes d'altération à décrire. Il est à noter cependant que la pose de l'adhésif semble avoir été généreuse, car il dépasse sur les côtés du papier. Le coin inférieur droit du papier est simplement décollé et corné, au niveau de la patte gauche du lion (fig.45).

45. Zone de l’ex-libris écornée

1.3 Compléments suite à la restauration Le retrait de la toile effectué lors des traitements, a mis au jour le verso du papier jusque-là inaccessible. Nous présentons dans le tableau qui suit, les nouveaux éléments découverts.

Matériaux

Toile

Papier d’œuvre Papiers de renforts

Etat Fort encrassement Lacunaire Fragile (tendance au défibrage sur les zones solidaire du papier) Bonne tenue globale

Nouveaux éléments Correspondance de certaines altérations relevées sur le papier d’œuvre : - galeries d’insectes - auréoles et taches - transfert correspondant aux encres vertes - réseau de plis longitudinaux et transversaux - pièce « patch » de comblement en toile

Fort empoussièrement Les galeries sont plus flagrantes Fort encrassement La contrainte de la toile en moins, il récupère Marque de la contexture de la toile de la planéité Transfert des tracés à l’encre verte au verso Déchirures Lacunes Rôle de consolidant révolu Plis Tableau 2 : constat des nouveaux éléments mis à jour

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46. Papier de renfort sous la toile (angle sup gauche au recto)

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47. Papier de renfort sous la toile (sous la pièce de repentir)

Après le retrait de la toile, on a trouvé un patch de renfort issu d’une toile différente 31 de celle que nous avons retiré (fig.48). Il est collé sur le verso du papier correspond, en débordant, à une lacune présente sur la toile.

48. A gauche : lacune sur la toile retirée et à droite : patch de toile collé au verso du papier

2. Etat de conservation de la technique graphique Dans l'ensemble, la technique graphique a su garder une bonne vivacité malgré quelques altérations variant selon les encres.

31

Elle est en effet plus épaisse.

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2.1 L’encre noire d'ornement Etat général : cette encre est encore très intense, sa résistance au temps est remarquable. Descriptif des altérations : aucune altération n'est à signaler, il n'y a pas de modification des couleurs ou de craquelure, ni de soulèvement ou de marque d'acidité. Les seules zones légèrement décolorées sont celles situées sur les parties du papier altérées du papier.

2.2 L'encre d'écriture Etat général : globalement, l'encre d'écriture a plutôt bien résisté aux altérations du temps. Cependant les zones encrées situées au niveau des auréoles se sont effacées. Descriptif des altérations : l'altération principale de l'encre d'écriture est sa disparition (fig.49). Les cartouches en haut à gauche et en bas à gauche, ainsi que ceux au milieu de la troisième rangée, sont les plus touchés par l'effacement de l'encre, si bien que le texte n'est plus lisible.

49. Effacement des écritures

2.3 L’encre rouge Etat général : dans l'ensemble, l'encre rouge est restée très vive. Lorsqu'elle a été utilisée avec une charge (comme une gouache, selon nos suppositions), la couleur est intense et très peu altérée. Descriptif des altérations : il n'y a pas d'altération spécifique à signaler. 100


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2.4 L’encre verte Etat général : l'encre verte conserve comme la rouge, une certaine intensité, à la différence qu'elle paraît beaucoup moins stable, si l’on s’en tient aux observations. Descriptif des altérations : par endroit, le vert disparait, comme si la surface était abrasée. On observe des pertes partielles, et parfois une décoloration importante des feuilles (fig.50). Au niveau de la zone auréolée, dans la partie inférieure gauche de l'œuvre, l'encre qui est d'un vert plus clair a pu se décolorer au contact de l'eau et arbore un léger brunissement (fig.51). L'observation sous lampe U.V révèle un halo important autour des feuilles et tiges peintes en vert, invisible à l’œil nu (fig. 52-53).

50. Décoloration et pertes partielles d'encre

52. Observation d’une zone verte en lumière UV

51. Décoloration au niveau de l'auréole et brunissement

53. Zone précédente vue en lumière du jour

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2.5 L'encre brune Etat général : elle a conservé un état satisfaisant. Descriptif des altérations : comme le vert, elle s'est légèrement effacée par endroit, mais notons que les tiges sont aussi tracées avec de l'encre verte, qui peut donc être la seule à avoir réagi et qui présente de légères décolorations (fig.54).

54. Altération de l’encre brune

2.6 Les encres de l’ex-libris Etat général : les encres, à l'image de l'ex-libris en lui-même, sont en bon état. Aucune altération n'est à noter.

L’état général de l’œuvre est préoccupant dans la mesure où les altérations mécaniques sont nombreuses et risquent de s’étendre et aggraver les dégradations. Les autres altérations n’imposent pas une intervention aussi urgente, mais dans le cas des encres par exemple, il est nécessaire de les traiter rapidement afin de stabiliser l’avancement de leur dégradation. Par ailleurs, il est en l’état très difficile de consulter aisément les informations manuscrites. Il est indispensable de procéder à l’étude des causes des altérations, afin de déterminer les choix de traitement.

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III.

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Diagnostic

L'étape du diagnostic vise à donner une explication concernant les causes des altérations que nous venons de répertorier dans le constat d'état.

1. Diagnostic des altérations du support 1.1 Diagnostic des déformations mécaniques causées par les différents conditionnements Nous avons vu que la toile avait gardé en mémoire les déformations subies à travers les siècles. La nature des différents matériaux constitutifs impliquant leur capacité de résistance et d’élongation est un facteur déterminant ayant conduit aux dégradations subies. Les différentes colles interagissent avec les matériaux et ont pu influencer leurs déformations. Nous supposons que l’œuvre a été conservée pliée. Il est assez plausible de suggérer que ce mouvement ait été exécuté de manière répétitive, si le pliage était en effet un mode de conservation du document. Ainsi, nous avons là une contrainte qui implique une sollicitation répétée des fibres du papier et de la toile. Les fibres de lin qui la constitue, possèdent une grande résistance à l'usure mais sont facilement pliables ou froissables, quant aux fibres du papier, en chanvre, les mêmes propriétés s'en dégagent, à la différence que le chanvre est plus solide, mais moins souple32. Cela peut expliquer les nombreuses ruptures du papier (déchirures et lacunes).

55. Marque du pliage et de l’enroulement au recto 32

56. Vue de profil de l’œuvre enroulée

REIS D. VIAN B. et BAJON, C. Le monde des fibres, 2006

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Lors du conditionnement en rouleau, plusieurs phénomènes ont été à l’origine des altérations. Les plis sont la conséquence de la contrainte qu'on appelle compression33, couplée avec la contrainte de traction34 lors du dépliage. Dans le rouleau les forces sont réparties différemment. La surface extérieure subit des contraintes de traction et la surface intérieure quant à elle subit des forces de compression (schéma 5 et 6).

Symbole de l’enroulement Zone intérieure Zone extérieure Forces de compression Zone de compression

Zone de traction

Forces de traction

Schéma 5 : (à gauche) Répartition des contraintes au sein du rouleau Schéma 6 : (à droite) Coupe du schéma 5 : représentation des forces de compression et de traction

La contrainte se définit comme étant l'exercice de deux forces égales et directement opposées par rapport à l'axe du document. Il en résulte la création de bandes de cisaillement subissant des déformations de cisaillement35. Plus la contrainte se répète, plus le nombre de bandes, donc de déformations augmente et la déformation globale est plus importante (fig.57-58 p.105).

Du point de vue microscopique, au sein du papier, les fibres se désenchevêtrent, s'allongent et s'alignent36 au niveau de ce que l'on nomme un point faible. Il correspond aux irrégularités contenues dans la structure des fibres qui peuvent comporter par endroit d'importantes zones amorphes37.

33

Lors d’une compression, la force exercée a tendance à écraser le matériau. http://www.iut-acy.univ-savoie.fr (consulté le 05/02/2013) 34 La traction est l'inverse de la compression car les forces y agissent en sens opposé. Les forces ont tendance à étirer le matériau. http://www.iut-acy.univ-savoie.fr (consulté le 05/02/2013) 35 Provoquée par une contrainte tangentielle, cas dans lequel la force ne s’exerce pas de manière perpendiculaire à la surface. 36 ROCHE Alain. Comportement mécanique des peintures sur toile. CNRS éditions, 2003, 208p. 37 Rappelons ici que la cellulose qui compose le papier est un polymère semi-cristallin. Elle contient des zones amorphes désordonnées et des zones cristallines ordonnées.

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Zone A : désenchevêtrement et réorientation des

Point de fluage

fibres. Forces de friction. Déformation élastique. Zone B : Résistance à la traction Rupture

Zone C : glissement et rupture des fibres : déformation plastique Zone D : rupture et défibrillation du papier

57. Courbe de traction sur un échantillon de papier en sens travers (à T° et HR constantes)38

58. Comportement mécanique des fibres de cellulose du papier39

C'est au niveau de zones d'accumulation de cellulose amorphe que se créent les points faibles. Ils peuvent alors aboutir à la déformation qui se traduit dans notre cas par des bourrelets et une impression de froissement généralisé (fig.59 p.106). Si la contrainte persiste, ces points faibles engendrent la rupture des fibres (fig.60 p.106). Ces phénomènes sont influencés par la souplesse des fibres qui caractérise leur capacité à se déformer de manière permanente et à se plier. Selon cette souplesse, le papier est plus ou moins résistant : plus elles sont souples, mieux elles s'enchevêtrent et créent des liaisons, donc le papier est moins vulnérable. La longueur des fibres est aussi un facteur déterminant. Le papier d’œuvre constitué de fibres de chanvre est donc plus fragile car ces dernières sont assez courtes.

38 39

© ROCHE, Alain Op.cit. Ibid.

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59. Zone soumise à la compression due aux plis et à l’enroulement (lumière rasante)

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60. Déchirure résultant de la compression

Pour en revenir à la notion de point faible, nous avons évoqué la rupture des chaines de cellulose conduisant à la déchirure. Elle résulte d'un phénomène de fatigue mécanique, engendré par la répétition de la contrainte. Les chaines rompent alors et créent une déchirure. La fatigue mécanique est à l’origine de la création de fissures. Effectivement on observe, surtout verticalement, des fissures traversant le document de part et d'autre. Elles sont encore une fois le fruit d'une sollicitation répétée. Le cycle de compression/traction généré par la contrainte du conditionnement, produit une zone plastique40 au niveau de la fissure qui s'élargit par la traction et s'étend lors de la compression jusqu’à la rupture de la chaine de cellulose (fig.61).

61. Rupture d'une chaine macromoléculaire sous l'effet d'une sollicitation 41

40 41

On dit d'une déformation qu'elle est plastique lorsque le point de fluage est atteint. Elle est alors irréversible. © ROCHE, Alain Op.cit.

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Le même principe s'applique pour la conservation en rouleau, responsable de la majeure partie des dégradations mécaniques du papier. Les zones de renforcement avec le tissu visibles au verso démontrent que, déjà à l'époque de ces consolidations, les fragilisations se situaient sur trois axes verticaux. Ces derniers font partie des six axes parallèles et réguliers, résultants de chaque cycle d'enroulement de l'œuvre présentés plus haut (Schéma 4 p.95). La ligne centrale a déjà subi la contrainte de pliage, ce qui l'a sans aucun doute fragilisé davantage. Nous ne sommes pas parvenus à déterminer avec certitude la méthode de pliage de l’œuvre. Nous formulerons ici l'hypothèse que l'œuvre a pu être pliée en trois dans le sens de la largeur et en deux dans le sens de la hauteur. Aux vues des consolidations du verso, on pourrait alors supposer que la fragilité du papier est plus importante verticalement, et que cela est peut-être dû au sens des fibres du papier.

Les récentes recherches au sujet de l’historique de l’œuvre nous permettent d’ajouter une nouvelle donnée dans cette partie. L’existence de la Carte est mentionnée dans un catalogue de vente de 1761, soit 44 ans après la date écrite sur l’œuvre. S’il s’agit bien de l’œuvre dont nous disposons, elle aurait été montée sur gorge et rouleau doré. Montage classique des affiches à cette époque. Bien qu’aucune trace de ces montants n’ait été mise en évidence lors du constat d’état, on peut suggérer que l’œuvre ait été redimensionnée plus tardivement, faisant disparaitre ces témoignages. La découpe des bords de l’œuvre étant irrégulière, il est possible de l’envisager. En revanche, on peut tout à fait concevoir que les réseaux de déchirures et de plis aient pu être amorcés par ce montage. Effectivement, si un ou deux montants supportaient l’œuvre de part et d’autre, cela a sans doute dû générer un ensemble de tensions fragilisant le papier.

Après le retrait de la toile effectué lors des traitements de restauration, on peut émettre ici plusieurs hypothèses quant à l’entoilage :

L’entoilage est d’origine Pendant ou après sa réalisation, le papier a été marouflé sur la toile qui nous est parvenue. L’objectif est l’uniformité du support et l’esthétisme (masquant ainsi les papiers raboutés). Les dommages dus à la manipulation et à l’usure du temps ont contraints à une restauration. 107


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On suppose qu’il y a eu : un retrait de la toile, pas de nettoyage, le collage des papiers de renfort et du patch de toile, marouflage sur la même toile, puis dans le même temps ou ultérieurement, la pose des renforts en tissus.

L’entoilage est postérieur à la création de l’œuvre Ce scénario est peu probable compte tenu des altérations analogues au papier répertoriées sur la toile. Mais on ne peut exclure que les mécanismes de dégradation aient eu lieu après l’entoilage. L’œuvre aurait été consolidée avec les renforts en papier, puis marouflée sur toile. La finesse de la toile et l’enroulement du document accentuant les tensions et altérations, les renforts en tissus auraient été ajoutés ultérieurement.

L’entoilage est d’origine et a été restauré L’œuvre est entoilée au moment, ou suivant sa création. L’état de dégradation oblige à un traitement : la toile est retirée et remplacée par une nouvelle, le verso renforcé avec des pièces de papier. Les conditions de stockage restant inchangées et les altérations se réitérant, une intervention ultérieure vient renforcer la toile. Mais étant donné le mauvais état de la toile, il est peu probable qu’elle date d’une restauration.

Si nous ne pouvons attester l’une des hypothèses avec certitude, cela nous permet d’affirmer plusieurs choses : -

Les pièces de tissus sont ultérieures à la création de l’œuvre

-

La toile a été retirée

-

Il n’y a pas eu de nettoyage de l’œuvre avant la pose de renforts

-

Les causes des altérations ayant conduits à la restauration se sont reproduites

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Durant trois siècles, certaines parties de l’œuvre ont été plus exposées aux altérations que d’autres. Notamment les altérations dues aux forces physiques appliquées de manière involontaire ou accidentelle42 à savoir la négligence ou encore la mauvaise manipulation. Les bords du document ont été les plus exposés, donc les plus altérés. Les bords supérieurs et inférieurs, en particulier, ont été les deux extrémités de l'œuvre les plus en contact avec l'extérieur lors de la conservation en rouleau. En outre, le confinement de l’œuvre repliée ou roulée sur elle-même a pu être favorable au développement des microorganismes. Notamment si les apports d’eau reconnaissables par les auréoles ont été causés lors de sa conservation en rouleau. Toutefois, l’avantage de ce stockage est d’avoir permis de protéger l'ensemble du document de l'environnement comme les poussières ou les polluants : cela se perçoit sur la toile très largement encrassée, en particulier du côté le plus exposé, qui a protégé le papier. L’intérieur du rouleau, et spécialement la partie inférieure, est également plus encrassé que le reste de l’œuvre.

Les perforations visibles sur les quatre angles du document sont sans aucun doute le témoignage d'un affichage mural. Il s'agit très certainement de marques de punaises ou d'épingles. Ce ne sont que des suppositions, mais comme on en dénombre 7 à 9 par angle, on pourrait en déduire que l'œuvre a été affichée autant de fois.

1.2 Diagnostic des altérations biologiques Le petit diamètre des perforations et galeries (<1 mm) indique que les insectes s'étant attaqués au papier devaient être de petite taille. L’espèce qui pourrait correspondre à ces critères fait partie de l’ordre des coléoptères : la petite vrillette43. Cet insecte se nourrit, à l’état larvaire, de la cellulose du papier. C’est à ce moment qu’il creuse des galeries nettes, et finira par quitter le papier en s’envolant par un trou circulaire. La taille des petites vrillettes n’excède pas 2mm d’épaisseur, et la taille des trous d’envol est généralement comprise entre 1

42

Nous faisons référence ici au premier agent de dégradations établi par Michalski. « Insectes du patrimoine culturel », www1.montpellier.inra.f r (consulté le 2/07/2015). Base de donnée réalisée en collaboration entre le Centre Interdisciplinaire de Conservation et de Restauration du Patrimoine (CICRP), l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et le GENOSCOPE (Centre National de Séquençage). 43

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et 3 mm. Elles se développent dans des environnements présentant un taux d’humidité élevé (80%) et une température comprise autour de 24°C44.

62. Anobium punctatum ou petite vrillette ©inra.fr

1.3 Diagnostic des autres altérations L'origine des auréoles peut être explicitée différemment selon leur apparence. Les auréoles présentant de simples démarcations dans les tons brun clair (marquées ou légères) peuvent être le résultat d'un apport d'eau. La démarcation est due à la migration de la saleté. Le centre de l’auréole correspond à l’apport d’eau qui repousse les saletés à mesure qu’elle se répand. Ce phénomène peut généralement être atténué par un nouvel apport d'eau local et contrôlé par dispersion et absorption par capillarité. Pour les auréoles aux taches noirâtres, nous soupçonnons la présence de moisissures ou microorganismes. En effet ce type de tache est caractéristique de la présence de bactéries et de champignons. La zone plus claire en périphérie des aspérités correspond cette fois à la diffusion des sécrétions45. Les observations sous lampe U.V permet une meilleure vision de ces taches (fig.63 p.111). Nous ne pouvons définir la nature des microorganismes, ni savoir si leur action est latente46 ou non. L'origine de ces développements peut soit remonter à la fabrication du papier (cause primaire), soit être issue d'une contamination postérieure (cause secondaire)47. Pour l'auréole contenant plusieurs points noirs, sa localisation rapprochée des dommages causés par les insectes laisse penser que l'infestation a pu être amenée par ces derniers.

44

ALCADE, B. « Les biocontaminants : les insectes » cours donné à l’école de Condé Lyon en 2012-2013 LIENARDY Anne et al. Op.cit 46 Le développement fongique peut se manifester de nouveau si les conditions climatiques sont propices à leur développement. LIENARDY Anne et al. Op.cit 47 Ibid. 45

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63. Observation des taches auréolées sous lampe UV

2. Diagnostic des altérations de la technique graphique Comme nous l’avons supposé, l'encre d'écriture et l'encre verte sont assurément des encres d'origine métallo-acide. On sait donc qu'elles peuvent réagir sous l'effet de l'humidité et migrer, ou encore brunir48. On retrouve précisément des traces d'apport d'humidité via les auréoles présentes sur le document, qui peuvent être à l'origine de la disparition de certains des écrits. Cependant, elle ne semble pas avoir causé d'hydrolyse acide au niveau de la cellulose car le papier n'est pas particulièrement altéré au niveau des écritures. Notons cependant que les raisons de l'effacement des encres ne semblent pas être les mêmes partout. Le cartouche en haut à gauche comporte une auréole importante qui peut être la cause de cette disparition. Il en est probablement de même pour les cartouches inférieurs. Pour ce qui est des cartouches du milieu de la troisième rangée, on ne constate par la présence d'auréoles. La disparition peut être due à une utilisation de l'encre plus diluée, moins chargée en pigments. Pour revenir à l'encre verte, si nous sommes effectivement en présence d'un verdegris composé d’acétate de cuivre, la perte de pigments et autres altérations y sont liées. Les observations sous lampe UV attestent d'une migration inquiétante probablement relative à l’acidité dégagée par l’encre pouvant mener à terme à l’oxydation du papier49.

48

LIENARDY Anne et al. Op.cit QUILLET V., REMAZEILLES C., BUISSON N., BOUVET S., NGUYEN T., EVENO M. « Dégradation du papier provoquée par l’emploi de verts de cuivre : test sur des éprouvettes de laboratoire d’un traitement de restauration à base d’acide phytique et de carbonate de calcium ». Journées Internationales de l’Arsag, Paris, Mai 2002 p. 218-232 49

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Il est envisageable que les rouges plus foncés aient noircis avec le temps, puisqu'on confère à certains pigments ce type d'altération50.

Le diagnostic que nous avons établi établit les différentes causes ayant menées à l’état actuel du document. Il démontre que le papier est un matériau vulnérable, en proie aux agressions extérieures, et particulièrement à celles causées par l’homme. La partie historique et le diagnostic ont permis de confirmer qu’il s’agissait initialement d’un outil de travail. La majorité des altérations sont sans doute dues au fait qu’il ait été traité comme tel, et non comme une œuvre dont on se préoccuperait davantage, tant pour son conditionnement que pour son environnement.

50

http://enluminure-peinture.fr (consulté le 11/12/2013 ).

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PROPOSITION DE TRAITEMENT

L’étude précédente des altérations et leur diagnostic a mis en exergue l’importance d’une intervention sur le document. Si l’état général de la Carte n’est pas critique, il reste néanmoins indispensable de procéder à des consolidations pour éviter des pertes supplémentaires lors des futures manipulations. Le conditionnement en rouleau, qui paradoxalement, enveloppe l’œuvre et la protège, reste cependant le facteur le plus préoccupant, dans le sens où il renforce progressivement l’empreinte des altérations au sein du matelas fibreux du papier. Ce phénomène conduisant irrémédiablement à la rupture des fibres et donc à des déchirures. Ainsi, grâce au recensement et à l’analyse des altérations nous sommes en mesure d’établir une proposition pour les traitements à effectuer sur le document.

IV.

Les enjeux du travail de restauration

1. Objectifs de la restauration La proposition de traitement a pour intention de diriger les éventuelles interventions sur l’œuvre, de manière à limiter les dégradations et en améliorer la lisibilité. La valeur d’archive est celle qui prime pour ce document. Nous entendons par là que la priorité est donnée au contenu puisque c’en est la raison initiale de sa création. Dans ce sens, nous aborderons les traitements de manière à privilégier avant tout la préservation des écrits et leur consultation. Nous ne négligerons pas malgré tout, l’importance des ornements décoratifs qui lui confère toute sa singularité. Nous pouvons d’ores et déjà déterminer les objectifs à atteindre pour la restauration.

Redonner une lisibilité au document

•Nettoyage à sec •Aplanissement de l’œuvre

Prévenir les futures altérations

•Dérestauration •Traitement des encres •Nouveau conditionnement

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2. Considérations et difficultés L’œuvre est un ensemble complexe d’interactions entre plusieurs éléments, et notre rôle est d’en minimiser les conséquences nocives. Comme toute œuvre nécessitant une intervention, il nous faut réfléchir en fonction de chaque matériau présent dans ce « tout » qui la compose.

Les encres L’un des enjeux présentés par la restauration du document réside dans la sensibilité de la technique graphique. Nous n’envisageons pas un traitement aqueux sur l’ensemble du document, mais l’apport d’humidité est presque inévitable. Aussi bien pour la dérestauration, que pour les opérations de collages (facing, consolidations, doublage) et le nettoyage de certaines zones. La résistance des encres aux produits testés déterminera le choix du solvant et les solutions pour la restauration. Pour nos tests51, nous choisissons deux solvants : l’eau déminéralisée et l’éthanol. Ce choix est motivé par leur relative innocuité. Ils sont utilisés dans la préparation des adhésifs les plus communément utilisés dans notre spécialité, car ils allient cette absence de toxicité, et la facilité de s’en procurer. Ce sont en outre, deux solvants polaires : ils possèdent des liaisons hydrogène, susceptibles de créer de nouvelles liaisons avec le substrat à dissoudre. Les tests à l’eau déminéralisée52 ont révélés une haute sensibilité, particulièrement sur les rouges et les verts, mais aussi le noir. L’encre brune et l’encre d’écriture semblent plus résistantes mais restent sensibles. A l’éthanol concentré à 99%, aucune encre ne présente de sensibilité. Les mélanges à 50% d’eau 50% d’éthanol et 25% d’eau, 75% d’éthanol, n’ont au départ montré aucun transfert, mais lorsque nous avons augmenté le temps de présence du solvant sur le papier (qui absorbait le mélange rapidement), nous avons obtenu un transfert pour l’encre rouge. C’est pourquoi nous considérerons comme très risqué un apport direct de solvant sur l’œuvre et en particulier au niveau des encres rouges. Toutefois, nous ne remarquons pas de saignement ou de diffusion lors de ces apports de solvants.

51

Cf. annexe 8 : tests de la technique graphique. Le solvant choisi est appliqué en une goutte au pinceau sur la zone testée, puis « absorbé » par un écouvillon de papier buvard. C’est sur ce dernier que l’on observe si un transfert à eu lieu ou non. 52 Les tests de solubilité sont à retrouver en annexe 9.

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Evoquons également ici la présence préoccupante du verdegris. Bien que nous ne connaissions pas la composition exacte de cette encre, nous avons pu constater dans le constat d’état qu’il s’agissait d’une encre particulièrement instable. A l’instar des encres métallogaliques, un apport d’eau n’est jamais vraiment conseillé au risque d’accentuer la migration des composés acides. Il faudra donc prendre soin de les stabiliser avant tout contact aqueux.

Les différents papiers Pièce de consolidation (recto-verso)

Pièce de consolidation (entre la toile et le papier) Etiquette avec inscriptions Pièce de repentir Ex-libris

Schéma 7 : Représentation des différents papiers collés sur l’œuvre53

Une autre difficulté réside dans la variété des pièces de consolidations ajoutées au document. Il parait évident de ne pas toucher à l’ex-libris, puisqu’il fait partie intégrante de l’œuvre. Nous suivons le même raisonnement quant à la pièce de repentir. Bien qu’il soit fort probable de trouver quelque chose de l’autre côté, la pièce est peinte de ces feuilles que l’on retrouve sur l’ensemble du document. La « touche » et le style étant les mêmes, nous avons la quasicertitude qu’elle soit de la main de l’auteur, et qu’elle date de la création de l’œuvre. Pour cette raison, nous n’essayerons pas de la retirer (d’autant plus qu’elle se trouve dans une zone fragilisée, cela pourrait apporter davantage d’altérations). L’étiquette que l’on trouve entre la 53

Le schéma a été réalisé après le retrait de la toile et la découverte de la disposition réelle des pièces de consolidation

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toile et le papier d’œuvre, nous donnera éventuellement des informations sur le document. Ce que nous en apercevons laisse deviner une pièce altérée. Il nous semble logique de la retirer pour la restaurer à part. La question sera de savoir si nous la réintègrerons à sa place, ou bien si nous la conserverons comme défet. Pour l’instant, il nous semble plus avisé de la conserver en défet. D’une part, car la réintégrer reviendra à la cacher de nouveau, d’autre part, il s’agit à priori d’un papier plus fin et plus cassant (de type pâte à bois) susceptible de dégager une certaine acidité. Malgré le fait que cette pièce se trouvait possiblement à cet endroit depuis le doublage sur la toile, nous envisageons de la conserver à part, pour laisser l’accès aux informations qu’elle contient. En revanche, pour les quatre pièces de consolidation issues probablement d’une ancienne restauration, il ne semble pas justifié de les conserver. Si ces pièces ont effectivement eu par le passé, une fonction de renfort, il est assez clair qu’elles ont également subit des dégradations comme le reste de l’œuvre. En outre, il s’agit d’un papier élaboré à partir d’une pâte à bois, souvent encline à une dégradation accélérée54.

Le format Les œuvres de grand format présentent la difficulté d’être plus complexes à manipuler. Les traitements doivent être correctement anticipés, de façon à faciliter la mise en œuvre des traitements de restauration. Il faut considérer l’œuvre en tant que tout, pour qu’elle retrouve une cohérence globale. Il est essentiel de prendre en compte le fait que les matériaux à utiliser vont être amenés à interagir sur une plus grande surface, ainsi le choix des papiers, des adhésifs, ou des produits de restauration sont à anticiper selon ce paramètre. .

54

Dû à la présence de lignine, le papier jaunit et devient cassant.

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V.

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Nettoyage à sec

Bien que très souvent systématique dans la restauration du patrimoine graphique, le dépoussiérage reste une intervention non sans conséquences. Selon l’état du support, il peut en effet en changer l’aspect visuel. Cependant, les raisons suivantes nous incitent à réaliser cette intervention. D’abord, la poussière ternit le papier et les encres, et obstrue la lisibilité du contenu. En outre elle peut aussi être source de développement des microorganismes 55, car très nutritive, en particulier lorsque les conditions thermo-hygrométriques sont idéales pour ces derniers. ce que l’on veut éviter pour cette œuvre qui a montré une certaine vulnérabilité à ce niveau. Cela permettra également de limiter les risques d'incrustation de la saleté au sein du papier en cas de traitement aqueux. Car le solvant imprégnera le matelas fibreux, et en diluant les particules de poussière, elles seront transportées dans le papier et y resterons incrustées. Les essais de nettoyage effectués, révèlent une forte sensibilité du support à l’action mécanique (même celle exercée par un chiffon microfibres). La méthode qui nous est apparue comme la plus compatible avec le support est l’utilisation de l’éponge latex. Elle est intéressante pour son action peu abrasive, son inefficacité sur les tracés au graphite que l’on souhaite conserver, et sa pauvreté en résidus de gommage. Toutefois, elle sera complétée par une aspiration des résidus éventuels, avec un aspirateur à filtre à microparticules. Les zones fragiles seront traitées avec soin pour le gommage, et l’aspiration se fera à travers un tamis 56 Nous effectuerons également un nettoyage de la toile, avec un aspirateur à filtre à microparticules.

55

FOHRER, Fabien « Le diagnostic des infestations en milieu patrimonial : approches techniques et méthodologiques », La lettre de l’OCIM n°138. Novembre-décembre 2011. P. 31-40 56 www.cci-icc.gc.ca/ (consulté le 02/04/2015). Comme préconisé pour le nettoyage des textiles dans cette note de l’ICC, nous utiliserons un « grillage » composé d’un tissu fin en nylon fixé sur un cadre en bois. Cela permettra de retenir les éventuelles petites pièces qui se détacheraient du support, et surtout cela limitera l’action mécanique sur le papier.

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VI.

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Désolidarisation du support

Cette étape intervient directement sur l’intégrité de l’œuvre, car il s’agit ici de retirer l’un de ses éléments constitutifs. Bien que la question du retrait se soit posée, il est vite apparu nécessaire d’y procéder. Déjà pour faciliter l'accès au papier d'œuvre et les traitements à effectuer, en particulier au verso (pour renforcer les déchirures, ou doubler le papier). Aussi, pour comprendre la présence des différents papiers ajoutés et éventuellement pratiquer une dérestauration. Et surtout, pour tenter de recouvrer une planéité, donc une meilleure lisibilité. Pour cette dernière intention, il sera nécessaire de traiter le papier d’œuvre à part de son support, pour ne pas subir les tensions créées par le collage papier(s)/toile. Pour ce qui est de la conservation de la toile, l’organisme prêteur a souhaité un doublage sur une nouvelle toile. Il semble de toute façon difficilement envisageable de réutiliser la toile d’origine, aux vues de l’encrassement important, des altérations visibles et celles soupçonnées si l’on en croit les nombreux renforts en tissus.

1. Choix du renfort de la face Dans le constat d'état, nous avons soulevé la fragilité du papier. Ainsi, une stabilisation du recto s’impose avant de retirer la toile. Nous envisageons deux possibilités : nous devons choisir entre une protection intégrale du recto qu’on appelle « facing » ou des renforts localisés. On utilise le terme de « facing » pour désigner l’application d’une protection provisoire au recto d’une œuvre pour maintenir un support ou une technique, lorsqu’une intervention au verso est réalisée. On utilise un papier fin et un adhésif très facilement réversible. Il est transitoire et sera retiré après la stabilisation du support par le verso. Cela assurera le maintien des zones fragiles pendant les différents traitements opérés au verso. Les renforts localisés sont basés sur le même principe de stabilisation, mais se concentrent exclusivement sur les zones fragiles, altérées ou à risque. Nous utiliserons le terme d’ « agrafes » pour qualifier cette technique.

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Etudions ces deux possibilités avec leurs avantages et leurs inconvénients : Facing intégral avec pose de papier en

Agrafes venant consolider localement les

domino

fragilités

- Rapidité d’exécution - Uniformité de l’apport d’adhésif

Avantages

- Robustesse

- Minimisation de l’apport d’adhésif sur le papier d’œuvre - Bonne visibilité générale du support - Economie de matériel

- Augmentation du matériel utilisé : coût plus

Inconvénients

élevé

- Longue réalisation

- Apport d’adhésif sur l’ensemble

- Apport local d’adhésif : risque de

- Obturation du recto : mauvaise appréciation de

marquage s’il y a des résidus

la réaction de l’œuvre Tableau 3 : Avantages et inconvénients du renfort du recto selon deux méthodes

La méthode que nous choisissons d’effectuer est la pose d’agrafes locales. Les tests réalisés avec les différents adhésifs n’ont pas révélé de démarcations lors du retrait des agrafes. Par ailleurs, le papier étant plutôt épais, il pourra supporter les manipulations sans risques lorsque les fragilités seront stabilisées. Aux vues des conditions de réalisation de ce travail de restauration, nous privilégierons l’économie matérielle quitte à passer plus de temps sur cette étape. En outre, l’intérêt principal est aussi d’avoir accès au recto pendant toute la durée des opérations, et ainsi pouvoir constamment surveiller la réaction du papier et de la technique. Il est nécessaire de déterminer les qualités que doivent présenter les matériaux intervenant dans cette étape de la restauration.

Le papier Le papier utilisé devra présenter certaines qualités. Un papier à fibres longues assurera une bonne tenue des agrafes, tout en limitant les tensions. Il faudra également choisir un grammage assez élevé pour garantir une bonne réversibilité et éviter les résidus de fibres sur le papier d’œuvre. Nous avons testé du papier japonais kozo (pour ses longues fibres) à 17g/m² ainsi que le papier bolloré® à 12 g/m², 22g/m² et 30g/m². Les tests révèlent que le bolloré® se retire plus facilement et laisse moins de résidus fibreux que le papier japonais57. 57

C’est pourquoi nous n’essaierons pas d’autres grammages pour le papier japonais. Le 17g/m² nous a paru être un grammage idéal car intermédiaire. Plus élevé, nous pourrions contraindre le papier, moins élevé, les altérations ne seraient pas bien maintenues.

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Cependant un grammage trop élevé ne permet pas une bonne adhérence au support. Nous optons alors pour le papier bolloré® à 12g/m².

L’adhésif Trois critères sont à prendre en compte pour le choix de l’adhésif : -

La réversibilité : il doit pouvoir être facilement réactivé, avec un apport minime en solvant

-

Un bon pouvoir collant : il s’agit de trouver un équilibre avec la réversibilité, or l’on souhaite poser des agrafes qui maintiennent bien le papier

-

La sensibilité de la technique graphique et du document. L’application d’un adhésif préparé dans un solvant peut provoquer des auréoles ou diffuser la technique.

Ainsi, selon ces différents éléments, l’adhésif devra être préparé avec au moins 50% d’éthanol, et sa concentration devra être suffisamment élevée mais facilement réactivable. Notre choix s’oriente directement sur des adhésifs semi-naturels, en particulier sur les éthers de cellulose. Ils ont l’avantage de présenter une bonne stabilité chimique et une bonne compatibilité avec le papier dans la mesure où ils contiennent aussi de la cellulose58. L’hydroxylpropylcellulose nous intéresse particulièrement car c’est un adhésif soluble dans l’éthanol, et qui peut être utilisé aussi bien comme fixatif des techniques, que pour le renfort des encres métallogalliques. Ainsi cela permet de profiter de l’apport d’un produit étranger sur le papier en l’associant à une action bénéfique. Nous choisissons donc de réaliser une préparation de Klucel G59, une hydroxylpropylcellulose à 5% dans l’alcool éthylique. Cependant les tests ont révélés un manque d’adhésivité, ne permettant pas aux agrafes de maintenir les fragilités. Suivant la logique expliquée, nous réalisons donc un mélange avec la Klucel G et un autre éther de cellulose : la méthylhydroxyéthylcellulose MH30060. Les tests révèlent que, pour une bonne adhésivité couplée à une bonne réversibilité, le mélange adapté est 70% de Klucel G diluée dans 58

Mouraud P. « Les adhésifs utilisés en restauration » cours donné à l’école de Condé Paris en 2013-2014 Pour une certaine fluidité de la lecture, nous choisirons de citer la marque « Klucel G » pour citer cet adhésif. 60 Pour de raisons de fluidité de la lecture, nous poursuivrons en utilisant le terme de « MH300 » ou de « tylose » pour qualifier cet adhésif. 59

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l’éthanol à 5%, et 30% de MH300 à 5% préparée dans une solution à moitié aqueuse et dans l’éthanol.

1.1 Retrait de la toile Nous envisageons plusieurs techniques pour retirer la toile. L’idéal serait qu’elle puisse être retirée sous la simple action mécanique. Cela évitera un apport de solvant. Cependant, certaines zones testées sur les bords nous semblent à priori plus récalcitrantes. C’est pourquoi nous considérons plusieurs méthodes pour aider à la désolidarisation. Les tests ont révélé un encollage à l’amidon, c’est pourquoi nous supposons que le retrait du doublage pourra se faire en le réactivant avec une méthode aqueuse. Dans un premier temps, nous pourrons avoir recours à l’utilisation de la vapeur avec un nébuliseur à ultrasons. L’apport d’humidité est progressif et permet d’être contrôlé. Dans un second temps, si la première méthode échoue, des compresses d’eau pourront être appliquées. Enfin, pour une application plus longue, on pourra utiliser des cataplasmes. L’application directe d’un solvant sera le dernier recours. La toile étant très encrassée, toutes ces méthodes ne feront qu’augmenter la pénétration de la saleté véhiculée par le solvant, dans le support. C’est pourquoi nous réaliserons cette étape avec précautions. S’en suivra le nettoyage du verso de l’œuvre, avec la même procédure décrite pour le recto de l’œuvre. Les éventuels résidus de colle pourront être retirés par un grattage au scalpel. En fonction des résidus restants, nous pourrons éventuellement utiliser des gels pour retirer l’ancien adhésif.

1.2 Dérestauration En fonction de ce que nous découvrirons entre la toile et le papier, et comme nous l’avons précédemment évoqué, il faudra probablement envisager une dérestauration. Car ces ajouts de papiers ne remplissent plus leur fonction de renfort, et sont donc réduits à n’être que des papiers vierges collés au verso de l’œuvre, créant des tensions inutiles. Un fragment de ce papier a pu être analysé révélant l’utilisation d’une colle végétale, probablement une colle d’amidon. Il s’agit à priori d’une colle réversible, car préparée à l’eau, mais qui peut s’avérer très résistante lorsqu’elle est âgée. Nous privilégierons le retrait mécanique avant tout. Si cela 121


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s’avère inefficace, nous aurons recours à des gels ou argiles, dont l’action pénétrante du solvant viendra progressivement réactiver l’adhésif. Nous envisageons l’utilisation d’un gel à base d’eau. Ci suivent les mises en œuvre à tester pour ce retrait. Le nébuliseur à ultrasons : il permet une humidification progressive avec possibilité de variation du débit de vapeur et de sa température. La laponite : c’est une argile de synthèse. Elle possède l’avantage d’être inerte. A l’instar des argiles naturelles, sa structure en feuillet lui prodigue une capacité de rétention et d’absorption. Caractéristiques appropriées pour une diffusion du solvant que l’on souhaite progressive et contrôlée. La MH300 : cet éther de cellulose dispose également d’un fort pouvoir de rétention en plus de sa stabilité chimique. On propose de l’utiliser en gel.

VII. Nettoyage ciblé

Les opérations précédentes permettront l’accès deux côtés du papier, et donc la possibilité d’intervention plus poussées. Certaines altérations de surface gênant la lisibilité pourront être traitées. Nous pensons précisément à atténuer des auréoles, afin d’améliorer encore une fois la lecture. Nous envisageons trois méthodes pour cette étape. La première, consiste à solubiliser la démarcation à l’aide d’un pinceau à eau et en absorber le substrat avec un buvard. Nous avons conscience que cette technique provoque une certaine migration de la saleté au sein du matelas fibreux, néanmoins elle peut s’avérer très satisfaisante visuellement. Une seconde méthode possible est l’utilisation d’un cataplasme d’argile blanche, la kaolinite. Sa structure en feuillets lui donne une bonne capacité d’absorption et de rétention. L’intérêt serait d’utiliser ses pouvoirs de rétention pour solubiliser progressivement les démarcations d’auréoles, puis en absorber la saleté par capillarité. Enfin, comme autre traitement, on peut utiliser la MH300 préparée à un pourcentage assez faible. On sollicitera ici son rôle de tensioactif en l’utilisant comme gel de nettoyage. L’application se fera avec des mouvements qui placeront les molécules en suspension en « moussant ». L’étape sera ensuite suivie d’un rinçage au pinceau doux, à l’eau déminéralisée. 122


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Nous ne choisirons pas de traiter les autres taches et altérations visuelles comme les deux taches noires de moisissures ou encore les coulées d’encre transversales. Les taches pourraient être atténuées voire masquées par des patchs de papier japonais teintés à la couleur de l’œuvre, et l’on pourrait essayer d’amoindrir l’intensité des coulées par les mêmes techniques utilisées pour l’atténuation des auréoles. Cependant, la lecture de l’œuvre n’est pas radicalement perturbée par la présence de ces différents éléments, et bien que l’aspect esthétique ait été soulevé plusieurs fois dans ce mémoire, on ne peut le faire primer sur le contenu écrit. En outre, il nous semblait dérangeant de masquer des moisissures potentiellement latentes. Au contraire, il est sans doute préférable de pouvoir contrôler leur éventuelle évolution en les laissant accessibles visuellement.

VIII. Stabilisation de la technique

Les traitements sur le recto de l’œuvre pourront se terminer avec la stabilisation des encres. Les tests à la bathophénanthroline61 réalisés lors du constat d’état, ont révélé que les encres d’écriture étaient d’origine métallogalliques, mais que l’état de leur dégradation n’était pas trop avancé. Dans la mesure où ces encres ne sont jamais complètement stables, il nous semble important d’intervenir. D’autant plus qu’il est probable qu’un apport d’humidité soit opéré lors du doublage. Or, elles sont très réactives à l’apport d’eau. Pour procéder à leur stabilisation, nous aurons recours à une solution de gélatine62. C’est l’un des fixatifs les plus recommandés dans la littérature. La gélatine est une protéine dérivée du collagène. Elle contient des acides aminés dont les caractéristiques chimiques lui permettent d’agir comme un électrolyte et ainsi interagir avec les ions responsables du pH. Elle peut ainsi bloquer les ions métalliques Fe2+ libérés par les encres et limiter la dépolymérisation de la cellulose. La gélatine est particulièrement efficace contre les dégradations liées aux entres métalloacides63.

61

Cf. annexe 7 : tests d’identification des ions ferreux à la bathophénanthroline et à l’acide ascorbique. Gélatine Rousselot GT 58. 63 REMAZEILLES C., ROUCHON V, QUILLET VR, Bernard J., Calligaro T., Dran J.-C.,. Pichon L, Salomon J., Eveno M.. « Influence of gum arabic on iron gall ink corrosion - Part II: Observation and elemental analysis of originals », Restaurator, 2005, p. 118-133. 62

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Par ailleurs, elle a l’avantage de bien pénétrer le support64, et ainsi fixer la technique au cœur du papier. D’autre part il est facilement réversible à l’eau65, ce qui est non négligeable pour un traitement de restauration. Nous l’utiliserons à 1% dans l’eau déminéralisée. Pour un gain de temps, nous choisirons de pulvériser la solution avec un écospray. Afin de cibler l’application, nous réaliserons des pochoirs modulables pour encadrer les écrits.

Pour ce qui est des encres vertes que nous assimilons à des verdegris, l’état de leur dégradation est visiblement plus avancé. La disparité au sein même du remplissage des feuilles et leur observation en lumière ultraviolette reflètent cette instabilité. En cela, il est important d’intervenir et de les fixer, de manière à ce qu’elles ne se diffusent plus dans le document. On choisira là encore une solution de gélatine à 1% pour les mêmes qualités citées précédemment. A nouveau, on découpera un pochoir, correspondant cette fois-ci au feuillage et branches de l’arbre.

Restent à traiter les encres rouges sensibles à l’eau. Nous choisissons d’utiliser un fixatif à base d’éthanol, ne présentant aucun risque de solubilisation. On appliquera de la Klucel G à 2% au pinceau sur les fruits ronds et les bannières s’étant révélées sensibles lors des tests de solubilité. Le pinceau permettra une meilleure précision de l’application, en particulier pour les bannières.

IX.

Consolidations

A ce stade de la restauration, le papier présente encore les agrafes au recto. Les étapes précédentes ont permis l’accès au verso. Cela va permettre d’effectuer les renforts des déchirures et fragilités par le verso. Les renforts doivent être suffisamment robustes pour Contrairement au cyclododécane que nous avons choisi d’écarter. MUROS Vanessa, HIRX John, « The use of cyclododecane as a temporary barrier for water-sensitive ink on archaeological ceramics during desalination » JAIC 2004, Volume 43, Number 1, Article 6, p. 75-89. 65 C’est pourquoi il est recommandé de réaliser un encollage à la gélatine après des traitements aqueux. DUPOND A-L, « Encollage du papier à la gélatine », Support Tracé n°4, 2004. 64

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maintenir les déchirures en place, mais ils ne doivent pas non plus créer trop de tensions. L’utilisation de petites bandes de papiers japonais disposés en « agrafes » nous parait adaptée pour cette opération. Plutôt que de coller une seule pièce de papier sur la déchirure, les agrafes permettront de limiter les tensions. Dans notre cas, cela est avantageux puisque les déchirures sont parfois assez grandes, et le papier n’est pas plan. Nous évitons ainsi à la fois les tensions trop importantes et le bon maintien des lèvres des déchirures. Nous utiliserons du papier japonais Tengujo 100% Kozo de 17g. Ces fibres longues et résistantes assureront un bon maintien de la consolidation. Le grammage est suffisamment élevé pour maintenir la déchirure, mais assez fin pour éviter les tensions et ne pas trop contraindre le papier avant sa mise à plat. Comme adhésif, nous reprendrons le mélange Klucel G / MH300 (voir sous partie « choix du renfort de la face » p.111 ) car il présente une bonne compatibilité avec l’œuvre. Nous augmenterons cependant la quantité de MH300 dans le mélange, car le pouvoir adhésif de la Klucel G est limité. Ainsi, nous réaliserons un mélange de 50% de Klucel G diluée dans l’éthanol à 5%, et 50% de MH300 à 5% préparée dans une solution à moitié aqueuse et dans l’éthanol. Les tests ont permis de s’assurer de la bonne adhérence entre le papier japonais et l’œuvre. Nous envisageons une consolidation des réseaux de déchirures les plus altérés. Après avoir procédé à des renforts en agrafe, nous utiliserons des bandes de renfort dans un papier plus fin (limitant ainsi l’épaisseur des papiers ajoutés). Ces bandes auront pour but d’accroitre la résistance de ces zones plus vulnérables. Nous utilisons du papier Kuranai en fibres de chanvre de 12g/m², pour la résistance de ses fibres.

X.

Doublage et mise à plat

Nous l’avons évoqué précédemment, le souhait initial de l’organisme prêteur est de conserver l’œuvre en rouleau, pour une question de place. Ainsi les traitements sont orientés de façon à anticiper les contraintes d’un tel conditionnement. La volonté est aussi de conserver à terme, un montage similaire à celui d’origine. Le doublage sur une nouvelle toile, restituant ainsi l’aspect originel de l’œuvre a donc très vite été décidé. Cette opération 125


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implique pourtant un certain nombre de traitements non sans dangers pour l’œuvre. Il sousentend l’apport d’humidité, donc un risque des migrations des encres, et l’éventualité d’aggraver les déchirures ou d’en créer de nouvelles lors de la manipulation. Sans oublier la phase de séchage, qui peut générer des tensions créant des dommages au papier d’œuvre66. C’est pourquoi il est primordial de choisir des matériaux les plus compatibles possibles avec le papier d’œuvre. La mise en œuvre doit également être précautionneusement préparée.

1. Choix des matériaux La toile Pour des raisons manifestes de conformité au support d’origine, les prêteurs de l’œuvre souhaitaient au départ que l’entoilage soit effectué sur une toile de lin. Cependant, après nous être documentés sur les toiles naturelles et synthétiques, une nouvelle discussion a abouti sur le choix d’une toile synthétique. Dans son étude comparant les toiles de lin aux toiles polyester67, Alain Roche en déduit que ces dernières présentent une meilleure réversibilité et une bonne résistance au cisaillement, malgré un risque de déformation plus important. Toutefois, l’intérêt majeur d’une toile polyester est sa nature inerte, ce qui signifie d’une part, une faible sensibilité aux variations thermo-hygrométriques, et d’autre part, un minimum d’interactions négatives avec les matériaux de l’œuvre. Or, il est établi que le papier et les toiles naturelles ont des comportements radicalement opposés en présence d’humidité, générant ainsi des contraintes susceptibles de créer des altérations68. Il faut à présent déterminer les caractéristiques les mieux adaptées à l’œuvre : L’esthétique : la couleur choisie doit être proche du lin d’origine. La rigidité et l’élasticité : elle doit être suffisamment rigide pour maintenir le support mais doit aussi rester assez souple pour permettre un conditionnement en rouleau. Selon ces critères, notre choix s’est arrêté sur une toile de polyester fin, écrue69.

66

DONNITHORNE Alan, « Paper lining : an overview » Lining and backing : the support of painting and textile. Papers delivered at the UKIC Conference 7- 8 November 1995 (p.14-19) 67 ROCHE, Alain « Etude comparative des toiles de lin et de polyester utilisées dans le doublage des tableaux » Traitement des supports. Travaux interdisciplinaires. Paris, 2, 3 et 4 novembre 1989, A.R.A.A.F.U (p.149-156) 68 En présence d’humidité relative élevée, les fibres de la toile gonflent et provoquent un rétrécissement de l’ensemble. En revanche, la réaction des fibres d’un papier est contraire : il aura tendance à s’élargir. 69 Vendue par l’entreprise « Marin beaux arts » voir fiche technique en annexe 11.

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Les papiers Il est essentiel de procéder à une consolidation générale du verso. Cela préviendra des futures altérations en maintenant les précédents renforts locaux. En ce sens un premier doublage au papier japonais est indispensable70. Dans le but de privilégier la compatibilité des matériaux et leur bonne interaction, il est souvent recommandé de réaliser plusieurs doublages entre la toile et le papier. Ces différentes couches assurent un rôle de tampon, en évitant que la texture de la toile ne se reporte sur le papier, et surtout, facilite la réversibilité du doublage. Le papier est considérablement épais et résistant, et nous voulons éviter l’apport excessif de matériaux pour faciliter l’enroulement, c’est pourquoi nous choisirons de réaliser deux couches de doublage avec des papiers relativement fins. La première servira principalement de consolidation du verso, nous utiliserons un papier japonais en fibres de chanvre, courtes et résistantes d’un grammage de 17g/m². Quant à la seconde couche, elle jouera majoritairement un rôle de tampon entre la toile et le papier. Un papier japonais de 18g/m² aux fibres de Kozo sera choisi pour sa résistance et sa grande stabilité dimensionnelle. L’adhésif Nous maintiendrons le mélange d’adhésif évoqué précédemment, toujours pour des raisons de compatibilité avec la technique graphique. Cependant, pour une répartition uniforme, il est important d’utiliser un mélange plus fluide, diminuant ainsi la concentration. A l’issue de différents tests, nous optons pour un mélange constitué à 50% de Klucel G à 4%, diluée dans l’éthanol et 50% de MH300 à 3% préparée dans une solution à 60% d’eau et 40% d’éthanol. Nous avons été contraints d’augmenter la proportion d’eau pour contrebalancer le séchage trop rapide de l’éthanol. Cet adhésif sera utilisé pour l’ensemble des opérations de doublage.

2. Mise en œuvre des doublages Les doublages seront réalisés avec la méthode du fond tendu71 qui consiste en la mise en tension de la toile sur un support plan et lisse. L’intérêt est d’obtenir un support tendu et plan prêt à accueillir la colle est les papiers. L’œuvre appliquée sur un tel support bénéficiera d’une tension équilibrée favorisant sa planéité. 70

Dans sa fiche pratique sur le doublage, Dominique Bardoz explique en effet les cas nécessitant un doublage. (http://www.bnf.fr mai 2003, consulté le 10/04/2015) 71 Le fond tendu est défini comme une technique impliquant l’utilisation d’un support rigide pour la mise en tension lors des doublages.

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Les couches de doublage seront superposées l’une sur l’autre avant le collage final de l’œuvre sur ce nouveau support. Cette technique présente l’avantage d’être progressive et permet de contrôler le recto de l’œuvre pendant l’opération. On choisit donc de tendre la toile sur une table, en l’agrafant méthodiquement pour bien équilibrer la tension72. La chaine et la trame de la toile doivent être linéaires et régulières.

Schéma 8 : Mise en œuvre du doublage

En règle générale, les toiles naturelles sont décaties73 dans le but de retirer l’enduction et d’optimiser leur accroche. Les toiles synthétiques ne nécessitant pas à priori un tel traitement, nous avons tout de même opté pour un encollage généreux avec l’adhésif présenté précédemment. Par cette application, nous souhaitons optimiser les propriétés d’adhérence en vue du collage du papier de doublage.

Afin de mieux répartir les tensions au sein de l’œuvre, le papier japonais sera découpé en carrés égaux défibrés. Les fibres de chaque carré seront superposées sur quelques millimètres afin de ne pas créer de surépaisseur et respecter l’uniformité du papier de doublage. On choisira de les intercaler et d’intervertir également le sens des fibres, de façon à répartir les tensions et renforcer au maximum les fragilités, d’autant plus que nous ne viendrons pas compléter les deux doublages par un doublage en plein au papier japonais. De cette manière

72

A la manière des restaurateurs de peinture, qui généralement l’effectuent sur châssis, nous tendons d’abord une longueur puis ensuite la largeur. Dès lors que l’on pose une agrafe sur un bord, la suivante sera immédiatement posée sur le bord opposé, en tirant la toile pour bien la tendre. Lorsque les deux côtés opposés sont agrafés, on peut alors réaliser la même opération sur les deux côtés opposés restants. 73 C’est-à-dire lavées et encollées.

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les forces sont distribuées sur toute la surface de l’œuvre et permettent de mieux s’adapter aux mouvements internes74.

Schéma 9 : représentation du doublage en briques avec interversion du sens des fibres

Pour le doublage œuvre/papier japonais 17g/m², nous réaliserons des carrés de 15x15 cm, ce qui correspond à environ 1/10e de l’œuvre. Nous réaliserons des carrés plus grands pour le second doublage de 20x20 cm, correspondant à environ 1/6e de l’œuvre. Ces derniers, viendront stabiliser le premier doublage en assurant là encore, une bonne répartition des tensions. Les carrés seront encollés puis appliqués sur la toile, un à un. Le chevauchement se fera sur quelques millimètres, au niveau des fibres.

Après un encollage avec le mélange d’adhésifs cité précédemment, le support sera fin prêt à recevoir l’œuvre. Bien que l’humidification ne soit pas bénéfique pour le document, elle est cependant inévitable, si l’on veut assurer une bonne adhésivité entre les matériaux. En outre, elle est essentielle pour permettre au papier de se détendre et de retrouver une certaine planéité sans laquelle le collage risque d’être irrégulier et générateur de tensions. Nous veillerons à limiter l’apport d’eau en privilégiant un mélange à base d’éthanol (70% pour 30% d’eau déminéralisée) pulvérisé au verso. Cette étape du transfert est donc la plus délicate, car humides, les fibres seront facilement extensibles et propice à la rupture. Cela pourra éventuellement entraîner des déchirures. Toutefois, après réflexion, il nous a semblé qu’il valait mieux prendre le risque de procéder à ce transfert en ayant toujours l’opportunité d’observer la réaction du recto, plutôt que d’effectuer le doublage dans l’autre sens (poser l’œuvre côté recto contre table et superposer les couches successives) et ne pas avoir de recul sur les traitements effectués. On profitera de l’humidification pour replacer les lèvres des déchirures bord à bord. Puis l’on pourra retirer les agrafes du recto. 74

On appelle ce type de doublage « doublage en domino » ou « doublage en brique ». La première dénomination vient de la juxtaposition des carrés à la manière des dominos, et la seconde à la manière des briques, c’est-à-dire en quinconce.

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XI.

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Comblement des lacunes

Une fois le document doublé, et le séchage terminé, nous obtiendrons logiquement un document relativement plan. Cela permettra l’intégration des lacunes. Le papier choisi sera d’une épaisseur comparable au papier d’œuvre. Si l’intégration de pâte à papier nous paraissait être une méthode séduisante pour le comblement de toutes les petites lacunes présente, elle s’avère être impossible à réaliser car nécessite un apport d’eau combiné à l’usage de la table aspirante. Cela présente un risque inutile d’auréoles et pourrait en outre donner un résultat peu discret, si la pulpe déborde sur la surface du papier. Dans tous les cas, nous ne pouvons pas risquer de perturber le collage du doublage par cet apport d’humidité. C’est pourquoi nous choisirons de réaliser les comblements de manière classique, en utilisant des pièces de papier teintées à l’acrylique et découpées (défibrées) selon la forme de la lacune. Pour les plus petites lacunes, nous envisageons d’utiliser les fibres de ce même papier pour les intégrer aux manques. Pour maintenir une certaine cohérence, nous utiliserons le même mélange d’adhésifs que pour les consolidations. Le papier retenu est un papier japonais aux fibres Kozo de 65g/m². Ses longues et résistantes fibres assureront une bonne greffe sur le papier d’œuvre75.

XII. Retouches

Dans la mesure où le document n’arbore pas initialement de valeur artistique, il ne parait pas justifié de retoucher les manques des ornements, d’autant plus qu’il s’agirait là d’interpréter les motifs. Bien que l’on puisse situer les éléments et deviner leur forme (s’il manque une palmette ou encore une tête de lion…) il nous parait gênant de les recréer à partir de ces observations. En revanche, nous opterons pour le raccord des encadrements. Cela améliorera la cohérence générale en fluidifiant la lecture. Nous utiliserons de l’aquarelle pour tracer les traits noirs.

75

Bien que la superposition se fera sur 1mm.

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XIII. Conditionnement

Dès les premières discussions au sujet de l’œuvre auprès de la bibliothèque municipale de Lyon, le conditionnement a très vite été décidé par l’organisme. Un rouleau est assez pratique à ranger car il n’est pas nécessaire de prévoir de grands tiroirs donc de grands meubles à plan. Et comme les réserves de la bibliothèque ne cessent de s’enrichir, il a paru plutôt évident de maintenir ce conditionnement. Pourtant, comme le constat d’état l’a démontré, et comme cela arrive pour de nombreux documents, ce mode de rangement cause souvent des dommages irréversibles. C’est pourquoi tout sera mis en œuvre pour limiter les causes d’altérations liées au conditionnement. Selon la volonté de l’institution, une boîte en carton neutre, et réalisée sur mesure sera commandée76.

76

Fournie par Atlantis. Le carton boxboard répond à la norme ISO18916 PAT.

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TRAITEMENTS DE RESTAURATION

La restauration s’effectue en plusieurs étapes. Nous commencerons par un nettoyage à sec, suivi du démontage de l’œuvre qui permettra d’effectuer la suite du nettoyage et la pose de renforts au verso. Enfin, le traitement se terminera par le doublage sur un nouveau support et les opérations visant à fluidifier la lecture (comblements et retouches).

XIV. Nettoyage à sec

Le gommage à l’éponge latex s’effectue en petits mouvements circulaires. Les zones altérées sont traitées avec soin, voire évitées, si leur tenue est trop précaire. Les déjections d’insectes sont grattées avec un scalpel. Après un premier passage, l’œuvre s’éclaircit considérablement (fig.64-66). Cela confirme le degré d’empoussièrement relevé lors du constat d’état. Les morceaux d’éponge latex accrochant bien la poussière, ils sont remplacés et nettoyés régulièrement. Un second passage sera nécessaire pour éliminer au maximum la poussière.

64. Détail avant nettoyage à l’éponge latex

65. Détail après nettoyage à l’éponge latex

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66. Œuvre en cours de dépoussiérage : partie inférieure restant à traiter

On vient compléter le gommage par une aspiration des résidus et autres poussières incrustées. Le tamis permet à la fois d’empêcher l’aspiration des pièces fragiles, tout en laissant passer les résidus à éliminer (fig.67). La toile est aussi nettoyée à l’aspirateur à microparticules (fig.68). La puissance d’aspiration est augmentée car il n’y a aucun risque pour l’œuvre, et cela favorise le retrait des poussières incrustées. La brosse choisie pour ces opérations est une brosse douce synthétique.

67. Aspiration de l’œuvre au travers un tamis

68. Aspiration de la toile

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XV. Désolidarisation du support

1. Stabilisation du recto Le retrait de la toile passe par la stabilisation du papier. Les déchirures et fragilités sont maintenues par des agrafes dont la taille et l’espacement sont adaptés selon le degré de vulnérabilité de la zone à consolider (fig.70). L’adhésif étant à base de produits semi-synthétiques, l’adhésivité est optimale si elle est accompagnée d’une pression. Dans le but de gagner du temps et d’encombrer le moins possible l’œuvre pour augmenter la marge d’action, nous avons recours à des aimants néodymes pour exercer la pression sur les collages. Pris en sandwich entre deux buvards et cartons, l’adhésion se fait en plusieurs minutes entre l’agrafe et le papier (schéma 10, fig.69). Aimant Carton Buvard Agrafe

Œuvre Intissé Schéma 10 : mise en sandwiche de l’agrafe

69. Séchage des agrafes sous poids exercé par les aimants

70. Agrafes sur des déchirures

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2. Retrait de la toile L’action mécanique fonctionne relativement bien pour décoller la toile du papier (fig.71). Seules quelques zones présentent des difficultés. Sans doute cela est dû au fait qu’elles correspondent aux zones fragiles qui ont été consolidées par le passé. L’adhésif apporté pour coller les papiers de renfort et les pièces de tissus au verso de la toile, a sans doute pénétré le papier qui de ce fait, a bien adhéré à la toile. Pour les zones les plus délicates, nous préfèrerons découper la toile autour afin d’avoir un meilleur champ d’action (fig.72). Il est ainsi plus aisé de procéder à son retrait avec les outils adapté, et le périmètre à traiter est mieux délimitée (fig.73-74).

71. Retrait mécanique de la toile

72. Découpe de la toile sur une zone sensible

i 73. Retrait de la toile avec spatule

e 74. Zone traitée après le retrait du morceau de toile

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Plusieurs techniques sont utilisées afin de décoller la toile sur les zones récalcitrantes. Elles sont présentées dans le tableau 4 ci-dessous. Ne pouvant obtenir un résultat totalement satisfaisant, nous choisissons de réaliser avec précaution des compresses, méthode la plus efficace. On imprègne pour cela un buvard avec de l’eau déminéralisée que l’on pose directement sur la toile, puis on laisse agir quelques minutes, le temps que l’humidité traverse le support et réactive l’adhésif. On peut alors gratter la toile à l’aide d’une spatule.

Technique

Réalisation

Observations Lente imprégnation de la toile

Nébuliseur à particules fines

77

Gel de laponite (15% dans l’eau déminéralisée)

Plusieurs températures testées (de 25 à 55°C)

Pas/peu de réactivation de la colle Lente imprégnation de la toile

Plusieurs temps de pose

Décollement difficile, abrasion Imprégnation rapide

Compresses d’eau déminéralisée

Contrôle attentif du temps de pose

Décollement plus facile Légère abrasion de la surface du papier

Tableau 4 : comparatif des différentes techniques de retrait de la toile

Après le retrait de la toile, l’état des pièces de renfort nous conforte dans le choix de les retirer. La suppression de la toile était effectivement indispensable, car elle comporte beaucoup de dégradations, et bien qu’elle assure encore son rôle de support, elle ne peut être que responsable d’avantage de dégradations. Les fibres du papier sont relâchées sans la contrainte de la toile, et cela peut éventuellement donner bon espoir pour retrouver encore plus de planéité par la suite.

77

Cf. Fiche technique en annexe 11

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75. Verso du papier d’œuvre après retrait intégral de la toile

On réalise un premier dépoussiérage du verso avec une brosse douce en poils de chèvre, complétée par l’aspiration des résidus. L’embout choisi pour l’aspirateur est en poils de chèvre doux. Le tamis est utilisé pour les zones présentant des lacunes, par prévention, mais le facing du recto maintient l’ensemble des fragilités.

XVI. Dérestauration

Les anciens papiers de renfort sont retrouvés, comme nous l’avions supposé, dans un état de dégradation avancé. Sous l’action mécanique d’une spatule, on soulève ce qui se décolle facilement. Quelques bords et quelques zones (correspondant probablement à des bulles d’air lors du collage) se retirent aisément. En revanche, les parties collées sont très difficiles à désolidariser et nécessite une intervention aqueuse pour réactiver l’adhésif.

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Technique

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Réalisation

Observations

Variation de la

Décollement lent et moyennement

température et du débit

efficace

Gel de laponite à 15% dans

Application selon

Bonne efficacité pour un temps de pose

l’eau déminéralisée

plusieurs temps de pose

entre 3 et 5 minutes. Gel compact.

Gel de MH300 à 10% dans

Application selon

Bonne efficacité pour un temps de pose

l’eau déminéralisée

plusieurs temps de pose

d’environ 3 minutes. Gel visqueux.

Nébuliseur à ultrasons

Tableau 5 : comparatif des différentes méthodes de retrait des renforts en papier

Après avoir comparé plusieurs méthodes de réactivation de l’adhésif (voir p.122), nous choisissons l’application d’un gel de laponite. Le retrait est facilité, mais le papier de renfort est extrêmement solidaire du papier d’œuvre. Les papiers de renforts peuvent au mieux être conservés en tant que défets. Cependant comme aucune des techniques ne permet de les décoller en une seule fois, sans altérer l’œuvre, nous choisissons de les sacrifier en les retirant par morceaux (fig.76).

76. Retrait d’un papier de renfort d’une ancienne restauration

Le retrait de ces papiers, qui consolidaient à la base des zones très fragiles, nous oblige à apporter de nouvelles consolidations du papier d’œuvre. Pour les réaliser, nous appliquons par le recto des bandes de papier bolloré®, collées avec l’adhésif utilisé pour les agrafes du recto. On assure par cela le maintien des fragments de l’œuvre. 138


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Traitement particulier de l’étiquette Comme le laissait deviner une lacune présente au recto, l’un des papiers collés au verso est ce que nous qualifierons d’étiquette. Elle comporte des inscriptions typographiques et manuscrites. Il pourrait s’agir d’éléments intéressants pour l’étude historique de l’œuvre, ou encore utile à la compréhension du doublage de l’œuvre. C’est pourquoi son retrait exige le plus grand soin, car il est essentiel de conserver les informations qu’elle contient78. Doublage temporaire : le papier est dans un état lacunaire et fragile. On renforce le côté accessible avec un papier japonais collé avec l’adhésif précédemment utilisé (fig.77). L’objectif est d’obtenir le retrait sur un seul support plutôt que par fragments. Réactivation de l’adhésif : la méthode choisie est la plus douce possible, car nous ne pouvons tester les encres, et le retrait doit se faire de façon progressive pour éviter la perte d’informations. Nous utilisons le nébuliseur à ultrasons avec une vaporisation modérée et une température maximale de 40°C. La zone à décoller est délimitée par des buvards pour ne pas humidifier le reste de l’œuvre. Retrait du papier : Le décollement se fait au fur et à mesure de l’humidification, à l’aide de spatules (fig.78). Certains fragments qui n’ont pas adhéré au papier de doublage sont décollés et conservés à part jusqu’à leur réintégration.

77. Etiquette avant retrait (en haut) puis stabilisée par un renfort (en bas)

78

78. Retrait de l’étiquette après humidification

Le résultat de la restauration de l’étiquette est à retrouver en annexe 10.

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XVII. Nettoyage ciblé

1. Nettoyage du verso On a constaté dès le retrait de la toile, que le verso du papier d’œuvre était considérablement encrassé. Après un second nettoyage à sec combinant un gommage à l’éponge latex et une aspiration des résidus79, on réalise que la saleté est bien incrustée dans le papier. L’empreinte de la trame de la toile est fortement marquée (fig.79).

79. Résidus de saleté collée avec trace de la trame de la toile sur le verso du papier

Un nettoyage à sec apparait comme essentiel, puisque le verso de l’œuvre accueillera, pour le doublage, un nouvel adhésif. Si les saletés ne sont pas nettoyées, ce dernier est susceptible de les réactiver et de les faire pénétrer dans le matelas fibreux et ainsi créer de nouvelles altérations80. Plusieurs possibilités s’offrent à nous pour le nettoyage. Le tableau suivant présente les tests réalisés afin de déterminer la technique à utiliser pour la surface complète.

79

Réalisé avec l’aspirateur à particules fines avec un embout en poils de chèvre. A la fois visuelles (assombrissement), mais aussi biologiques car la saleté peut contenir les nutriments nécessaires au développement des microorganismes. 80

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Traitement Grattage au scalpel

Nettoyage à l’écouvillon et absorption par capillarité avec buvard

Gel de MH300 à 8% dans l’eau Gel de MC2000 à 8% dans l’eau Gel de laponite à 7% dans l’eau

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Effets

Hypothèse

Proposition

Quasiment inefficace

La saleté est incrustée dans le matelas fibreux

Solubilisation de la saleté par un traitement aqueux

Eau déminéralisée : pas d’effet

Il n’est pas suffisant de solubiliser la saleté avec de l’eau

Eau déminéraliséeéthanol : pas d’effet et à proscrire

L’alcool rend la pénétration trop rapide dans le matelas fibreux et ne favorise pas davantage la solubilisation

Solubilisation, bonne atténuation de la saleté

Fort pouvoir de rétention / absorption et rôle de tensioactif nettoyant qui retirent visiblement la saleté

Bonne atténuation de la saleté

Fort pouvoir de rétention, absorption de la saleté

Augmenter le temps d’action du solvant aqueux par l’application d’un gel

A privilégier car compatible avec l’adhésif à utiliser pour le doublage Peut être utilisé A éviter en usage direct donc action limitée

Tableau 6 : comparatif des différentes techniques de nettoyage du verso

On en déduit que l’utilisation d’un gel à base d’éther de cellulose est le traitement le plus efficace pour l’élimination des résidus de colles et saletés. Les différentes mises en œuvre testées sont la pose directe sur le papier, et la pose sur un non tissé polyester (nous utilisons du Reemay®81) de 34 g/m² et de 17 g/m². Si la pose directe permet d’agir plus rapidement sur l’ancien adhésif, le contact avec le papier est immédiat. Nous préférons utiliser le non tissé comme intermédiaire. Ce dernier dispose d’une texture lisse et de fibres espacées. Le contact colle/papier reste donc bien présent, mais progressif, contrôlé et plus homogène. L’apport d’humidité étant inévitable pour cette opération cela présente toujours des risques pour l’œuvre. C’est pourquoi il est important de se demander s’il est vraiment nécessaire d’y procéder. Nous établissons ci-dessous, les risques et les bénéfices de cette intervention.

81

Non tissé 100% polyester sans acide.

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Avantages

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Inconvénients

- Retrait de la contrainte de l’ancien adhésif - Minimisation des risques d’attaques biologiques (élimination de la nourriture éventuelle contenue dans la saleté et la colle) - Relaxation des fibres du papier : gain en planéité - Absorption des saletés par capillarité : éventuel éclaircissement du recto

- Apport d’humidité : risque auprès des encres (migration des ions ferreux) - Insertion d’un nouvel adhésif dans le matelas fibreux (réversibilité limitée) - Risque de rigidification du papier

Tableau 7 : Risques et bénéfices d’un cataplasme d’éther de cellulose

Les inconvénients présentés peuvent être relativisés si l’on s’en réfère à la suite des traitements. Le doublage final implique l’apport d’humidité par un adhésif composé d’éthers de cellulose dont de la MH300, comme celle envisagée pour le gel de nettoyage. Cela présente des avantages, malgré la différence de concentration. D’une part, elle sera réactivée, donc légèrement solubilisée ce qui aura par conséquence la baisse de la concentration. D’autre part, cette compatibilité prévient des risques de mauvaises réactions (manque d’adhésivité, contraintes) et favorise la réversibilité de l’ensemble.

La mise en œuvre consiste donc à appliquer une bande de non tissé (environ 17 x 9 cm) sur la zone à nettoyer. Une couche de MH300 y est répartie. Le temps d’action est entre 2 et 4 minutes. Le non tissé est ensuite retiré. La MH300 est d’abord raclée avec un plioir en téflon, puis selon l’accroche des résidus, par une spatule en téflon. La plupart des résidus de surface est alors éliminée. Pour absorber l’humidité, la zone est aussitôt recouverte d’un intissé polyester puis d’un buvard, le tout mis sous un poids. Cette dernière étape permet d’aplanir légèrement le papier (fig.80).

79. Vue de l’œuvre en lumière rasante : observation de l’aplanissement

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2. Nettoyage des auréoles Comparons les résultats des tests des différentes méthodes utilisées pour atténuer les auréoles.

Technique

Remarque

Solubilisation – absorption au buvard

Pas d’atténuation notable

Kaolinite

Long et pas ou peu efficace

Emulsion à la MH300 avec « rinçage » au coton humide

Bonne atténuation

Tableau 8 : comparatif des différentes techniques d’atténuation des auréoles

Le choix de l’émulsion de MH300 s’impose assez rapidement. Les démarcations s’estompent suffisamment pour limiter l’impact visuel (fig.81-82).

81. Auréole avant restauration de l’œuvre

82. Auréole après traitement

3. Stabilisation des taches noires S’il s’agit effectivement d’anciennes infestations de microorganismes, nous ignorons si leur activité est latente. Nous traitons les deux taches noires avec une solution d’alcool éthylique. Ses pouvoirs désinfectants peuvent avoir un effet destructeur sur les microorganismes, limitant ainsi une éventuelle réactivation.

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XVIII. Stabilisation de la technique

Des pochoirs sont préparés dans un film fin en polyester transparent 82 après avoir relevé le contour des feuillages. Pour les écritures, on réalise un pochoir modulable de forme rectangulaire. Nous choisissons de pulvériser la zone complète comportant les écritures, plutôt que d’appliquer la solution au pinceau, pour un gain de temps évident. La solution de gélatine à 1% est pulvérisée avec l’écospray (fig.83).

83. Pulvérisation de la gélatine à 1% à l’écospray à travers le pochoir

Les fruits rouges et les bannières sensibles à l’eau sont traités séparément, par l’application de Klucel G à 2% au pinceau. Les concentrations choisies sont faibles car il s’agit d’une protection. En ce sens, il est préférable de limiter un apport excessif d’adhésif.

XIX. Consolidations

La majorité des traitements étant effectuée, nous pouvons procéder à la stabilisation physique du verso. 82

De type Mélinex®

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1. Pose d’agrafes Nous préparons des bandes de papier japonais selon les déchirures à renforcer. Comme pour la pose des agrafes de maintien du recto, nous réalisons les consolidations, à l’aide d’agrafes, défibrées cette fois ci, pour une meilleure adhérence au support. Elles sont juxtaposées à intervalles régulier afin de bien répartir les tensions et ne font pas plus de quatre centimètres. Cette opération présente une difficulté majeure, liée au fait que le papier ne soit pas plan, et par conséquent, les lèvres des déchirures ne sont pas toutes alignées. Pourtant, il est indispensable de poser les consolidations correctement, de manière à ne pas superposer les informations du recto.

La figure a. représente le soulèvement au niveau de a. b.

la déchirure, dû à la mémoire de forme du rouleau. Les figues b. et c. représentent la superposition obtenue si l’on se contente d’aplanir le papier en

c.

pressant perpendiculairement. La figure d. enfin, schématise les sens de pression à exercer pour

d.

obtenir des lèvres de déchirures bord à bord.

Schéma 10 : Problématique due au manque de planéité au niveau des déchirures

L’opération implique donc l’exercice d’une force sur le papier (schéma 10 c.). Comme celuici est considérablement rigidifié d’une part par son épaisseur, d’autre part par les résidus de MH300 du nettoyage, il faut agir avec précautions. Nous avons conscience de déplacer la déformation que nous qualifierons « en toit » avec cette pression (comme le symbolise les soulèvements latéraux sur le schéma 10 d.). Mais cela devra être contrebalancé par l’opération de doublage qui permettra la détente du papier par l’humidification. Pour procéder à la juxtaposition des lèvres, et donc à la force de traction83, nous choisissons d’humidifier localement les abords de la déchirure afin de détendre le papier, et limiter la brutalité des forces sur les fibres. Le papier doit être maintenu en tension pendant et après la pose de l’agrafe. Le séchage se réalise donc sous intissé, buvard et poids.

83

La traction est une contrainte qui implique l’action de deux forces de sens opposé.

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Le grammage faible du papier de consolidation ne permet pas de maintenir la tension exercée lors du collage. Cependant, si le papier d’œuvre tend à regagner un soulèvement en toit, le papier de consolidation suit cette déformation (fig.84). Il est d’ailleurs sûrement préférable que cela se passe ainsi, plutôt que d’avoir choisi un grammage plus élevé. En effet, nous aurions certes obtenu directement la planéité de la déchirure, mais les nouvelles tensions créées auraient fragilisé davantage le papier. Avec le grammage plus fin, nous avons de bonnes raisons d’envisager que les lèvres des déchirures resteront alignées après la détente du papier lors du doublage.

84. Zone de déchirures renforcée

Notons ici que l’opération implique parfois de défaire des agrafes de recto qui ont été posées au début de l’intervention pour maintenir les fragilités. Durant cette étape, le papier était encore solidaire de la toile, il était donc impossible d’ajuster les lèvres des déchirures. C’est pourquoi certaines agrafes maintiennent le papier d’œuvre en superposition, d’où la nécessité de les défaire pour placer correctement le renfort au verso. Les agrafes sont réactivées avec un mélange d’eau déminéralisée et d’éthanol, puis retirées mécaniquement.

2. Renfort des réseaux de déchirures Comme nous l’exposions lors du constat d’état et plus tard dans la proposition de traitements, on trouve des réseaux longitudinaux de déchirures et lacunes, dus au conditionnement en rouleau. Ces zones sont plus sensibles que le reste de l’œuvre, c’est pourquoi nous y posons des renforts plus larges par-dessus les agrafes (fig.85).

85. Bande de renforts (sens vertical)

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3. Renfort d’une zone sensible Enfin, la zone supérieure gauche (côté verso) présente des fragilités et des risques de dégradations qui nous incitent à la renforcer. En plus des nombreuses galeries creusées par les insectes créant des micros déchirures, il s’agit d’une des zones où se trouvait une ancienne restauration. Comme nous allons manipuler l’œuvre humide lors du doublage, nous souhaitons prévenir les risques de rupture du papier au niveau de cet angle très sensible. De ce fait, on juxtapose deux rectangles de papier japonais de 6g/m². Ils permettront de maintenir le papier d’œuvre solidaire lors des manipulations de doublage, et seront à nouveau consolidés avec le papier de doublage (fig.86).

86. Pose d’un rectangle de papier japonais 6g/m² sur l’angle supérieur gauche (au verso)

87. Verso de l’œuvre après renforts et consolidations de déchirures

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XX. Doublage et mise à plat

L’ensemble des opérations de doublage s’effectuent sur la même journée. Le matériel (carrés de papier et adhésif) est préparé en amont. La tension de la toile est réalisée la veille, car la couche d’apprêt nécessite un temps de séchage.

1. Doublage secondaire La première étape consiste à appliquer la première couche de carrés en « brique ». Il s’agit des plus larges de 18g/m² qui constitueront le doublage secondaire de l’œuvre. On humidifie légèrement la toile avec un mélange d’eau déminéralisée et d’éthanol (30% pour 70%), on encolle chaque carrés de papier sur un film polyester et l’on vient les placer un à un en faisant chevaucher les fibres des bords défibrés sur moins de 4mm (fig.88). L’enchevêtrement des fibres évite les surépaisseurs et favorise l’uniformité. L’objectif est de créer un support uniforme afin de ne pas créer d’interactions néfastes avec le papier d’œuvre. Pour s’assurer de suivre correctement l’alignement de la trame, on dispose des montants en bois, plus grands que l’œuvre, autour de la zone destinée à recevoir les « briques » (fig.89). Le papier dispose d’un côté lisse et d’un côté plus rugueux. Nous avons effectués certains tests qui nous ont permis de déterminer quelle serait la meilleure accroche toile/japon japon/japon et japon/œuvre. Le plus délicat est l’accroche toile/japon, mais lorsque nous utilisons le côté rugueux du papier contre la toile, le résultat parait satisfaisant. Les deux papiers japonais sont collés entre eux sur leurs côtés lisses de façon à réserver le côté rugueux pour le contact avec l’œuvre, et donc favoriser l’adhérence.

88. Pose d’un carré du doublage secondaire

89. Doublage secondaire

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Pour ce doublage, nous auront disposé 32 carrés ½ réparti en cinq lignes. Chaque ligne reçoit 6 carrés ½.

2. Doublage primaire Ensuite, vient la pose des carrés du doublage primaire. On humidifie à nouveau légèrement la surface accueillant la nouvelle couche de papier. Les carrés de 17g/m² sont disposés en quinconce, et l’opération se déroule comme la précédente. On veille à intercaler les premiers carrés de façon à ce que leurs jonctions ne se superposent pas à celles du doublage précédent. Ainsi, on s’assure que les tensions soient distribuées uniformément.

90. Résultat après la pose des papiers de doublages

3. Pose de l’œuvre On procède ensuite à l’encollage du support. Nous souhaitons appliquer une couche d’adhésif uniforme et régulière, c’est pourquoi nous avons recours à un écran de tamisage84 utilisée par B.Van Velzen et E. Jacobi dans la préparation de papiers japonais encollés à la gélatine réactivable85. Cette méthode permet le contrôle de la quantité d’adhésif apporté et nous assure sa répartition sur l’ensemble du document, sans risquer de manquer d’encoller 84

Il s’agit d’une moustiquaire en fibres de verre. VAN VELZEN Bas, JACOBI Eliza, « Instructables, Remoistenable Tissue », Journal of Paper Conservation Vol.12, 2011, n°1 (p.36-37) 85

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certaines zones. Il est important d’avoir une couche d’adhésif régulière entre le papier de doublage et le papier d’œuvre. Si certaines zones sont trop encollées et d’autres trop peu ou pas du tout, cela peut créer des tensions menant à des déformations. Ces dernières peuvent à terme créer des dégradations plus importantes et éventuellement conduire à la désolidarisation du doublage. On apporte une quantité de colle que l’on commence par répartir à la brosse, directement sur la moustiquaire, puis on racle le surplus en l’étalant sur le reste de la surface (fig.91). Les alvéoles doivent toutes être remplies par l’adhésif. Quand l’ensemble est encollé uniformément, on retire délicatement la moustiquaire. L’adhésif peut alors s’étaler de manière à combler les trous laissés par l’empreinte de la moustiquaire.

91. Le surplus d’adhésif est raclé puis réparti dans l’ensemble des alvéoles

Ensuite, on humidifie l’œuvre du côté verso. Cette humidification est indispensable pour détendre les fibres du papier et obtenir une bonne mise à plat. Par cela, on prépare également le papier à être au contact de l’adhésif. La surface humidifiée favorisera le transfert de l’adhésif au sein des fibres, et l’adhérence entre les matériaux en sera meilleure. Si l’on commence précautionneusement avec une brosse à mouiller japonaise « Mizubake », par des mouvements en étoile, on réalise que l’humidification n’est pas suffisante pour détendre le papier, et qu’il faut procéder à une pulvérisation. L’ensemble du verso est donc pulvérisé d’une solution d’eau déminéralisée/éthanol (30% / 70%). Avec l’aide de camarades, l’œuvre est retournée du côté recto. Cela nous permet de contrôler rapidement la réaction du papier et des encres. En réalité, l’imprégnation est assez lente, et à ce stade, le recto n’est pas humidifié.

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L’œuvre est rapprochée de la table de doublage, et le nouveau support est humidifié par vaporisation avec le mélange précédent. L’objectif est de réactiver la colle qui a eu le temps de sécher légèrement (à cause de la volatilité de l’éthanol). Avec l’aide de deux camarades, l’œuvre est maintenue par deux côtés, et vient être déposée en « U » au centre du support. Lorsqu’elle est correctement centrée, on vient appliquer une pression du centre vers l’extérieur à l’aide d’un plioir et d’un intissé (fig.92). Cette étape vient à la fois donner une planéité au papier, favorise l’adhérence du doublage, et permet de chasser les bulles d’air. Les bords de l’œuvre sont progressivement déposés sur le support, à mesure que le centre est appliqué au doublage.

92. Application de l’œuvre en « U » sur le doublage et pression à partir du centre

Nous profitons du fait que les bords ne soient pas encore posés pour pulvériser le solvant au verso, afin d’humidifier correctement le papier qui a tendance à sécher très rapidement. Toutefois, après la pose complète de l’œuvre, certaines zones ne sont pas tout à fait planes (fig.93 p.152). On choisit de les humidifier légèrement par le recto cette fois ci, par pulvérisation. Une petite zone testée n’a pas montré de réaction particulière, et nous sommes plutôt confiants vis-à-vis des encres stabilisées auparavant. Par ailleurs, il est essentiel de réagir rapidement face à cette situation, tant que l’ensemble est encore « frais » et que l’adhérence peut encore se faire.

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93. Zone non aplanie après la pose complète de l’œuvre sur le doublage

L’adhérence est l’enjeu crucial de l’opération de doublage. Bien que les tests préalables nous aient dirigés vers ces choix de pose du papier, et ce choix d’adhésif, il subsiste cependant un risque de manque d’adhésivité, accru par la rapidité d’évaporation de la colle. Pour cette raison, on utilise un rouleau86 permettant d’appuyer sur les différentes couches du doublage et insister sur la pénétration de l’adhésif au sein du matelas fibreux. Cette action permet également de chasser le surplus de colle. Le geste s’effectue du centre vers l’extérieur, à travers un intissé épais, et sous une surveillance constante du papier d’œuvre (fig.94). On utilise ensuite une brosse ferme japonaise « Nadebake ». On « tape » verticalement le doublage toujours dans le but de favoriser la coalescence des matériaux. L’action se fait au travers un intissé doublé d’un buvard pour éviter les marques des poils durs de la brosse sur le papier (fig.95).

94. Passage du rouleau du centre vers l’extérieur

95. Tapage du doublage avec brosse Nadebake

Nous contrôlons ensuite l’ensemble de l’œuvre, en particulier les zones que nous savons fragiles, dans le but de corriger toute superposition du papier, tant que le papier est détendu et souple. Le séchage se fait sous intissés, buvards et cartons puis sous planche et poids.

86

Rouleau utilisé ordinairement pour l’encrage des plaques de gravures.

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Les intissés et buvards sont changés après 4h de séchage, bien que cela ne soit pas d’une grande nécessité car l’humidité dégagée par l’ensemble est moindre. Ainsi le séchage est rapide, et on estime qu’au bout de deux jours l’ensemble est sec. Nous veillons tout de même à changer les buvards et intissés, et surveillons régulièrement l’ensemble.

96. Vue de l’œuvre après les doublages et le marouflage

4. Retrait des agrafes de renfort au recto Suite à l’étape du doublage, on retire les agrafes du recto. Certaines se retirent mécaniquement (fig.97 p.154), mais la plupart nécessitent une humidification au pinceau, avec un mélange d’eau-éthanol (30% / 70%).

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97. Retrait mécanique d’une agrafe

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98. Soulèvement recollé après séchage

Après le séchage, on observe quelques soulèvements que l’on vient recoller avec le même adhésif utilisé pour la pose d’agrafes des renforts de déchirures (fig.98).

XXI. Comblements des lacunes

Le travail de comblement concerne principalement les bords supérieur et inférieur de l’œuvre qui ont été plus exposés que le reste du papier lors du conditionnement. Une grande partie de ce travail concerne également les réseaux longitudinaux et transversaux de plis et de déchirures. On trouve des lacunes de toute taille, mais ces zones rassemblent particulièrement des manques de petites tailles. Pour les plus grands, nous choisissons la teinte adaptée, puis nous découpons les pièces à sec, en laissant quelques fibres courtes. Nous ne souhaitons pas réaliser une coupe nette afin de fondre au mieux la pièce d’intégration au papier.

99. Lacunes avant comblement

100. Lacunes après comblement

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En raison des variations de teinte arborées par le papier, certaines lacunes doivent être corrigées aux crayons de couleur. Quelques petites lacunes ne peuvent être comblées avec le papier de 65g/m² que nous utilisons auparavant. Pour parer à cela, nous délaminons ce même papier de comblement teinté, afin de n’en récupérer qu’une fine épaisseur, plus facilement ajustable aux petites dimensions des lacunes. Pour les galeries d’insectes qui nécessitent un comblement, nous utilisons la même méthode, en effectuant une découpe à l’eau nous permettant de conserver de longues fibres qui viennent se loger dans la lacune.

XXII. Retouches

Les retouches sont effectuées à l’aide d’un pinceau fin et d’aquarelle noire. On complète ainsi les encadrements noirs pour redonner une cohérence visuelle au tracé (fig.101). On utilise une aquarelle noire peu diluée pour les bordures principales, et plus diluée pour les gris d’ombre. Rappelons que nous prenons le parti de ne pas redessiner les ornements. Ces derniers étant chacun réalisé à la main, bien que nous ayons connaissance du motif, chacun est unique car de la main de l'auteur. Dans la mesure où l’œuvre est grande, ces manques ne sont pas choquants lorsqu’on observe l’unité, et n’entrave pas, selon nous, l’harmonie de l’ensemble (fig. 102-103 p.156).

101. Retouche du cadre en bordure de l’œuvre sur les pièces de comblement avant (en haut) et après (en bas)

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102. Lacune non retouchée

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103. Lacune avec retouche du cadre du cartouche mais pas de l’ornement latéral

Après la réalisation des retouches, nous choisissons, en accord avec l’organisme prêteur, d’ajouter aux bords de l’œuvre des bandes de papier japonais dont l’épaisseur est équivalente à celle de l’œuvre. On utilisera du papier japonais en fibres Kozo de 85g/m² couleur crème. Outre l’aspect esthétique qui permet d’harmoniser les bords irréguliers de l’œuvre, et de la mettre en valeur en l’encadrant, elles permettront également de la manipuler sans avoir à la toucher directement. On évite ainsi l’élongation des fibres, et les risques de déchirement lors de la manipulation. Par ailleurs, les bords sont les plus exposés aux frottements, et s’ils devaient être endommagés, alors l’œuvre serait un minimum épargnée grâce à ces protections.

XXIII. Finition

Pour terminer la restauration, nous avons réalisé un encollage du document à la gélatine à 1%. Comme nous l’avons précédemment évoqué, la gélatine est un agent d’encollage utilisé depuis longtemps, et dont les propriétés bénéfiques contre la corrosion des tracés à base d’encres métalogallique ont fait leur preuves87. Nous utilisons également l’encollage dans le but de renforcer le papier, notamment au niveau des zones fragiles. La colle pénètre ainsi le matelas fibreux et amoindrit le risque de décollement (nous pensons ici au risque 87

KOLBE, Gesa, « Gelatine in Historical Paper Production and as Inhibiting Agent for Iron-Gall Ink Corrosion on Paper » Restaurator n°25 (2004)

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d’ « effritement » du papier lorsqu’on sera amené à l’enrouler : l’encollage vise à ajouter un film protecteur maintenant l’ensemble solidaire).

XXIV. Conditionnement

Selon la volonté de l’organisme prêteur et les contraintes d’espace inhérentes aux réserves, il a été décidé dès le départ que l’œuvre serait à nouveau conservée en rouleau. Cette étude n’a cessé de présenter les inconvénients liés à ce type de conditionnement. Cependant, d’un point de vue pratique, et en restant réaliste, le rouleau est une alternative parfois inévitable pour le stockage des grands formats.

De ce fait, il est nécessaire d’aborder ce nouveau conditionnement avec un recul nécessaire et une réflexion nourrie de nos observations. La littérature sur le sujet n’exclue pas d’ailleurs ce conditionnement. Dans un article étudiant les solutions de stockage des œuvres de grand format sur papier88, Michelle Facini conclut que les œuvres peuvent être enroulées, à condition de présenter une bonne stabilité. Le choix d’un tel conditionnement se fait au cas par cas et l’enroulement doit se faire avec un diamètre assez large de manière à ce que le papier ne subisse pas de tensions. Un rouleau de support est utilisé pour servir d’âme au papier. Selon sa nature, il est préférable de l’envelopper avec un papier neutre et stable. D’autres procédés suggérés par la Cambre89 proposent d’isoler le rouleau dans un papier permanent ou dans un papier fin en polyester comme du mélinex. Afin de le protéger de la poussière, l’œuvre est enroulée dans un non tissé qui limite à la fois les agressions extérieures (poussière, lumière…) et permet les échanges avec le milieu ambiant.

Nous choisirons en accord avec l’organisme prêteur, de placer le rouleau dans une boite réalisée sur mesure commandée chez le fournisseur spécialisé dans les fournitures de conservation restauration Atlantis France. Le matériau de la boite proposée est en carton neutre permanent Boxboard®90. L’œuvre est enroulée autour d’un tube en polypropylène 88

Michelle FACINI, (2005). “Storage solutions for large format works on paper in Art on Paper.” Ed. J. Rayner, J. Kosek, B. Christensen, London: Archetype Publications in association with the British Museum, 96-103. 89 L’école nationale supérieure des arts visuels de La Cambre en Belgique délivre une formation en conservationrestauration des arts graphiques entre autres spécialités. 90 Cf. Fiche technique en annexe 11

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isolé par un papier permanent. Elle est elle-même protégée par deux intissés. Le rouleau est légèrement surélevé avec deux coussins de mousse en plastazote. Cela vise à limiter l’écrasement des fibres.

Après de récentes nouvelles discussions avec l’organisme prêteur, il a été convenu que l’œuvre pourrait être conservée à plat. En effet, il a été convenu qu’aux vues de l’état initial de l’œuvre, et de sa nouvelle planéité, il était préférable de privilégier un conditionnement dans un meuble à plan. Car l’enroulement aurait irrémédiablement causé des déformations à terme, surtout pour une œuvre aussi fragilisée. L’œuvre sera donc, à l’instar de certains autres documents de grand format détenu par la bibliothèque, rangée dans une pochette en papier permanent. Le papier permanent91 n’interfère pas avec le papier d’œuvre car il est stable physiquement et chimiquement92. Son pH est neutre ou légèrement basique, et il possède une réserve alcaline, intéressante dans notre cas, puisque le document présente des encres aux composés acides qui continueront à se dégrader dans le temps, malgré le traitement effectué, ce dernier ne pouvant que ralentir la corrosion.

Comme nous l’avons expliqué auparavant, l’ensemble des traitements a été orienté par la contrainte de départ : le conditionnement final en rouleau. Si aujourd’hui l’organisme prêteur a su comprendre les risques que cela représentait pour la Carte, et qu’elle sera stockée à plat, ces choix n’auront pas été vains. En effet, nous avons dû privilégier les matériaux prodiguant de la souplesse à l’œuvre, et cela ne pourra qu’être bénéfique pour les manipulations futures. En outre, le retour de l’œuvre à la bibliothèque municipale de Lyon va probablement93 devoir se faire en rouleau. Bien que ce conditionnement soit temporaire, il est rassurant de savoir que les traitements effectués lui permettront de résister au transport.

XXV. Photos de l’œuvre après restauration

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Norme ISO 9706 http://bnf.fr 93 A ce jour, l’organisme prêteur réfléchit aux conditions du retour de l’œuvre dans leurs locaux. 92

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104. Œuvre avant restauration vue en lumière naturelle

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105. Œuvre après restauration vue en lumière naturelle

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106. Œuvre avant restauration vue en lumière rasante

107. Œuvre après restauration vue en lumière rasante

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108. Vue latérale de l’œuvre avant restauration, en lumière rasante

109. Vue latérale de l’œuvre après restauration, en lumière naturelle

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CONCLUSION

Le dossier d’examen nous a permis de répertorier les principales altérations et problématiques du document. Il a aussi pu nous aider à dégager les raisons envisageables de ces dégradations. La plupart des d’entre elles sont principalement dues au facteur humain. Le mauvais conditionnement, les conditions de stockage, et la négligence sont sans nul doute les raisons qui ont conduit à l’état d’altération avancé de l’œuvre. Cette meilleure connaissance de l’œuvre a engendré une réflexion argumentée concernant les choix de traitements à appliquer lors de la restauration. La restauration s’est justifiée par le constat de l’état de l’œuvre, guidé par le diagnostic établi. La préoccupation principale a été la stabilisation mécanique, et la sauvegarde des écrits. Les difficultés liées à la sensibilité des encres, et au format ont impliqué une réflexion inévitable quant aux traitements à effectuer. Il a aussi fallu trouver des compromis, car il était important de retrouver une planéité afin de favoriser la lecture des informations, même si celle-ci sous-entendait l’utilisation de solvants (notamment l’eau), qu’il nous fallait pourtant limiter à cause des encres. Ce genre de problématique, avec la réflexion et les compromis qu’elle induit, constitue pour nous l’un des enjeux les plus stimulants du travail de restauration. La restauration de la Carte a été ponctuée de quelques écueils exigeants une réaction rapide et adaptée. En ce sens, elle nous a permis d’acquérir davantage d’indépendance, nous incitant parfois à des remises en question. Toujours gardant à l’esprit la volonté d’agir dans le respect de l’intégrité de l’œuvre.

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CONCLUSION GENERALE

A l’issue de ce travail de mémoire, nous retenons la richesse de ce qu’il nous a apporté dans les différents domaines abordés. L’investigation historique, d’abord, nous a permis d’inscrire cet objet unique dans son époque, et a révélé l’abnégation de Léonard Michon dans son entreprise de témoignage. Par la restauration de la Carte qu’il a créée, nous espérons avoir rendu hommage à ce dessein qui lui était si cher. Dans un sens, nous pensons avoir inscrit notre démarche dans la continuité de son projet. Il y a en effet une certaine corrélation entre la volonté de transmettre des informations aux générations futures, et la mise en œuvre des principes de conservation et de restauration pour les faire perdurer. C’est une des raisons qui nous persuadent que l’étude historique d’une œuvre porte une importance capitale dans l’appréhension de sa restauration et de sa conservation. L’étude technico-scientifique a également constitué un travail passionnant, car il est indispensable d’être conscient des principes de cause et de conséquence qui s’appliquent à l’utilisation d’une technique. L’étude de l’adhésivité de la gélatine en « mousse », bien qu’elle n’a pas pu déterminer des conclusions strictes sur les caractéristiques des différentes gélatines utilisées, a pu permettre d’établir des recommandations et de nouveaux axes de recherche. Elle a permis de rendre compte qu’avec un matériel disponible par tous, il est possible de parfaire nos connaissances sur un produit ou un procédé de restauration. Enfin, la restauration de l’œuvre aura été un long travail de réflexion. Il nous a donné l’occasion d’acquérir entre autre, davantage de rigueur et de réactivité. Il nous aura aussi permis de gagner de l’aisance avec les œuvres de grand format ainsi qu’avec la problématique complexe des encres sensibles. La Carte est à présent aplanie, et les écrits sont plus facilement lisibles et consultables. Nous avons stabilisé les encres, de façon à limiter leur dégradation dans le temps, et les renforts opérés devraient permettre de maintenir son intégrité physique. Elle est à présent consultable, et surtout son existence révélée pourra éventuellement servir à de nouveaux sujets d’étude.

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BIBLIOGRAPHIE

PARTIE HISTORIQUE

Ouvrages spécialisés DONNAT, Albert, Un saint Simon lyonnais : Léonard Michon, magistrat. Lyon, 1938, 38p. GUIGNET de SALINS, Jacques Marie, Manuel des ordres d'architecture, suivi de l'introduction d'un nouvel ordre. Paris, 1839, 72p. PERRAULT, Gilles, Sculptures sur Bois : Techniques Traditionnelles et Modernes. H. Vial, 1991, 214 p. RIEGL, Aloïs, Questions de style. Editions Hazan, 2002, 290p. TRENARD, Louis, Histoire sociale des idées. Lyon, de l’Encyclopédie au Préromantisme. Paris, PUF, 1958, 824p. Articles CUER, Georges « Léonard Michon, chroniqueur lyonnais du XVIIIe siècle », Union des Sociétés historiques du Rhône, Actes des journées d’études 1993, Amplepuis et sa région, p.71-86 Mémoire et thèses BOUREL, Sylvie, CEDELLE, Laure, SETA, Frédérique « Un regard sur le monde du livre au XVIIIe siècle : le journal de Michon » sous la direction de Dominique Vary affiliation histoire du livre. Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques. 1998. LETRICOT Rosemonde depuis 2013, sous la direction de Bernard HOURS. « Journal de Léonard Michon, notable lyonnais (1675-1746). Edition critique numérique ». (LARHRA) Université Lyon 3. Manuscrit MICHON, Léonard « Journal de Lyon ou mémoires historiques et politiques de ce qui s’est passé de plus remarquable dans la ville de Lyon et dans la province, depuis le commencement du XVIIIe siècle, vers l’année mille sept cent jusqu’à présent », 1715-1745.

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Ouvrages anciens JACQUENOD, Claude-Marie, Catalogue des livres de feu M. Michon, Ancien Avocat au Bureau des finances. Lyon 1772, 161p. MICHON, Léonard, Armorial général de nosseigneurs les presidens, chevaliers d'honneur, trésoriers généraux de France, avocats & procureurs du Roy, au Bureau des finances de la généralité de Lyon […]. 1790, 354p. NIEPCE, Léopold, Les Bibliothèques anciennes et modernes de Lyon. Lyon, 1876, 632p. PERNETTI, Jacques, Recherches pour servir à l’histoire de Lyon, ou les Lyonnais dignes de mémoire , Lyon, Frères Duplain, 1757, 448p. Almanach astronomique et historique de la ville de Lyon revu et augmenté de nouveau pour l’année bisextile 1744. Delaroche, 1744 Catalogue des livres, estampes, figures, bustes, &c du cabinet de M. Clapoiron. A Lyon, Frères Duplain, 1761. Dictionnaires et Encyclopédies DIDEROT, D’ALEMBERT, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. PANCKOUCKE, Encyclopédie méthodique ou par ordre de matières: jurisprudence, Volume 1, Paris 1782. Sites internet numelyo.bm-lyon.fr data.bnf.fr

PARTIE SCIENTIFIQUE

Articles CHARLES, Vanessa, « Cold Gelatine Adhesive » Papier Restaurierung. Vol.9 (2008) n°3 DANZING, Rachel, « Obtaining photographic grade gelatin » Photographic Preservation, Volume 8 p. 16. 1999, Photographic Materials Group of the American Institute for Conservation of Historic & Artistic Works.

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KOLBE, Gesa, « Gelatine in Historical Paper Production and as Inhibiting Agent for IronGall Ink Corrosion on Paper » Restaurator n°25, 2004 Colloques ROUCHON, Véronique, DUPLAT, Valéria, MARGEZ, Marlène: « Projet de recherche sur la restauration des manuscrits comportant des encres ferrogalliques : état d'avancement » Journée Inter ateliers, Centre de recherche sur la conservation des collections (CRCC) 2008 UCHIDA, Yuki, CURTIS, Antoinette. «Which Gelatine to use? - The choices for conservators. ». Symposium 2011, Ottawa. VANSNICK, Sarah, SPERONI, Lisa, « Using peel test to compare gelatine and wheat starch paste as adhesive for use in paper conservation ». Symposium 2011, Ottawa Ouvrages spécialisés VIÑAS Vincente, CRESPO Carmen. La préservation et la restauration des documents et ouvrages en papier : une étude RAMP, accompagnée de principes directeurs, UNISIST, 1986. Dictionnaire PEREGO, Françoise, Dictionnaire des matériaux du peintre. Belin, 2005.

PARTIE RESTAURATION-CONSERVATION

Ouvrages spécialisés GARCIA Pierre, Le métier du peintre : abrégé d’atelier. Lethieulleux, 1994, 176p. LIENARDY Anne, VAN DAMME, Philippe. Interfolia, Manuel de conservation et de restauration du papier. Bruxelles, Institut royal du patrimoine artistique, 1989. 247p. PETIT Jean, ROIRE, Jacques et VALO, Henry, Des liants et des couleurs pour servir aux artistes peintres et aux restaurateurs. EREC, 2006, 397p. ROCHE Alain. Comportement mécanique des peintures sur toile. CNRS éditions, 2003, 208p. REIS D. VIAN B. et BAJON, C., Le monde des fibres. 2006, 325p. VIÑAS Vincente, CRESPO Carmen, La préservation et la restauration des documents et ouvrages en papier : une étude RAMP, accompagnée de principes directeurs. UNISIST, 1986.

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Articles DUPOND A-L, « Encollage du papier à la gélatine », Support Tracé n°4, 2004 DONNITHORNE Alan, « Paper lining : an overview » Lining and backing : the support of painting and textile – Papers delivered at the UKIC Conference 7- 8 November 1995 KOLBE, Gesa, « Gelatine in Historical Paper Production and as Inhibiting Agent for IronGall Ink Corrosion on Paper » Restaurator n°25 (2004) FACINI Michelle, « Storage solutions for large format works on paper in Art on Paper » Ed. J. Rayner, J. Kosek, B. Christensen, London: Archetype Publications in association with the British Museum, 2005 HERRENSCHMIDT F. et LAROQUE C. « A propos d’un carton du musée du Louvre une approche de la conservation des dessins de grand format » Conservation Restauration des biens culturels, traitement des supports, travaux interdisciplinaires. Paris 2,3 et4 Novembre 1989, p.229-239 MUROS Vanessa, HIRX John, « The use of cyclododecane as a temporary barrier for watersensitive ink on archaeological ceramics during desalination ». JAIC 2004, Volume 43, Number 1, Article 6 p. 75- 89 QUILLET V., REMAZEILLES C., BUISSON N., BOUVET S., NGUYEN T., EVENO M. « Dégradation du papier provoquée par l’emploi de verts de cuivre : test sur des éprouvettes de laboratoire d’un traitement de restauration à base d’acide phytique et de carbonate de calcium ». Journées Internationales de l’Arsag, Paris, Mai 2002, p. 218-232 REMAZEILLES C., ROUCHON V, QUILLET VR, Bernard J., Calligaro T., Dran J.-C.,. Pichon L, Salomon J., Eveno M.. « Influence of gum arabic on iron gall ink corrosion - Part II: Observation and elemental analysis of originals », Restaurator, 2005, p. 118-133. ROCHE, Alain « Etude comparative des toiles de lin et de polyester utilisées dans le doublage des tableaux » Traitement des supports. Travaux interdisciplinaires. Paris, 2, 3 et 4 novembre 1989, A.R.A.A.F.U VAN VELZEN Bas, JACOBI Eliza, « Instructables, Remoistenable Tissue », Journal of Paper Conservation Vol.12, 2011, n°1 Dictionnaire GUILLEMARD, Colette, « Le dico des mots de la couleur », Seuil, 1998.

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Articles en ligne Note de l’ICC « Comment prendre soin des œuvres sur papier », 4/1/2002 BARDOZ, Dominique, « Le doublage », Bibliothèque nationale de France Direction des services et des réseaux - Département de la conservation. Centre technique de Bussy-SaintGeorges - Atelier de restauration, Mai 2003 FOHRER, Fabien « Le diagnostic des infestations en milieu patrimonial : approches techniques et méthodologiques », La lettre de l’OCIM n°138. Novembre-décembre 2011. P. 31-40 ROUCHON Véronique, Identification d'une encre ferrogallique : le test du Fer II. Centre de recherche sur la conservation des collections, MNHN-CNRS Brochure Tableau B, KODAK publication n° M-27 La photographie infrarouge et ses applications, Editions VM (1987) Mémoires CAULIEZ, Nelly. « Restauration de la Pompe Funèbre de l’Archiduc Albert Jacques Francquart et Cornelius Galle 1623 », Ecoles de Condé, mémoire de fin d’études (Niv.II), 2003 OZANNE, Sonia. « Plan de la forêt de Montauban de Bretagne : conservation – restauration d’un plan topographique datant de la seconde moitié du XVIIIe siècle », Ecoles de Condé, mémoire de fin d’études (Niv.II), 2011 RIESTER, Anne-Sophie. « Restauration d’un plan de finage du ban de Marckolsheim, vers1760 », Ecoles de Condé, mémoire de fin d’études (Niv.II), 2003 Sites internet enluminure-peinture.fr iut-acy.univ-savoie. spmt.be/site-fr cci-icc.gc.ca multimedia.bnf.fr bnf.fr stouls.com

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

PARTIE HISTORIQUE

Schéma 1 : Présentation de l’œuvre et de ses principaux éléments 1. Décor de feuilles et de fruits 2. Titre situé en haut à droite 3. Grande bannière supérieure 4. Petite bannière 5. Repère chronologique 6. Partie inférieure : devanture de temple 7. Base de l'arbre 1. Cartouche titre de présentation situé à gauche 2. Cartouche titre de présentation au centre 3. Repère surplombant la dernière rangée de cartouches 4. Bannière supérieure gauche surplombant la colonne de cartouches 5. Bannière entre les deux cartouches de titre dans la partie supérieure gauche 6. Pointillés reliant les cartouches de la première rangée Schéma 2 : Présentation du sens de lecture du document 7. Cartouche vide destiné aux greffiers en chef 8. Exemple d’un nom dans un cartouche et détail de la référence alphabétique dans le médaillon 9. Partie récapitulative et détail avec le nom ci-contre et référence alphabétique 10. Cartouche vide 11. Exemple d’un cartouche avec tracés au crayon encore visibles (avec détails en tête et en pieds) 12. Comparaison de l’illustration d’une colonne d’ordre corinthien et d’une colonne représentée dans le document 13. Exemple d’un cartouche orné 14. Palmettes d’acanthe 15. Rinceau d’acanthe Louis XIV 16. Cartouches et figure d’étude, Paris, musée du Louvre collection Rothschild (18,8 m x 1,92 m) 17. Tête de lion surplombant un cartouche 18. Tête de lion, salle du conseil de l’hôtel de ville de Lyon 19. Façade d’un bâtiment, Lyon 20. Ruban surplombant l’ex-libris 21. Représentation des rubans ornementaux aux 18e et 19e siècles 22. Feuillage habillant le cartouche de titre de gauche 23. Feuillage recouvrant la majorité de l’œuvre 24. Bannière pâle type aquarelle avec détail 25. Bannière foncée type gouache avec détail 26. Médaillon de la première ligne plus clair 27. Médaillon de la deuxième ligne plus intense 28. Exemple d’un cartouche avec ombres sur les filets et sur le ruban 29. Bannière rouge avec nuances plus claires 30. Cartouche de la deuxième création d’office sous Louis XIII 31. Cartouche de la première création d’office sous Louis XIV 32. Page de titre de l’Armorial rédigé par Michon 33. Cartouche de titre de la Carte avec transcription 34. Cartouches juxtaposées pour les dates correspondant à la séparation ou la réunion d’offices 35. Ex-libris imprimé sur un contreplat supérieur 36. Portrait gravé de Léonard Michon par Jean-Louis Daudet, 1730 avec détail 37. Page originale de titre du Journal de Michon (conservé au musée Gadagne)

15 15 15 15 15 15 15 15 16 16 16 17 17 17 17 18 18 18 19 20 21 21 22 22 22 23 23 23 23 23 24 24 25 25 25 25 26 26 28 28 29 29 30 32 33 34

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Schéma 3 : Frise chronologique des travaux principaux entrepris par Michon 38.Johannes Vermeer Van Delft, L'Atelier ou L'Allégorie de la peinture, (entre 1665 et 1670), Kunsthistorisches Museum, Vienne (huile sur toile, 120 × 100 cm) 39. Arbre généalogique des Rougon Macquart, Emile Zola 19 e siècle ©RMN 40. Carte généalogique de la famille de Geer avec armoiries 41. « Armorial de messieurs les prevost des marchands,depuis l’année 1595 jusqu’à présent, présenté à noble charte Claude Briasson » par Pierre François Chaussonet, armorialiste de la ville. Gravure et aquarelle, 1757 ©Musée Gadagne 42. Inscription en haut à gauche de l’œuvre 43. Référence à la Carte dans le catalogue des ventes

43 44 46 46

47 48 43

PARTIE SCIENTIFIQUE

Tableau 1 : synthèse des données connues sur le sujet Schéma 1 : Formation d’un gel de gélatine Tableau 2 : Propriétés générales des gélatines Tableau 3 : présentation des différentes caractéristiques des gélatines testées 1. Tamisage de la gélatine à partir du gel 2. Second tamisage de la gélatine Tableau 4 : comparatif du tamisage pour chaque adhésif à 5% et 3% Schéma 2 : Schématisation du montage réalisé Tableau 6 : Résultats des expérimentations pour la GMW1 Tableau 7 : Comparatif en pourcentage de l’adhésivité entre la gélatine en mousse et la classique à 3% et 5% Tableau 8 : Résultats des expérimentations pour la GMW2 Tableau 9 : Comparatif en pourcentage de l’adhésivité entre la gélatine en mousse et la classique à 3% et 5% Tableau 10 : Résultats des expérimentations pour la Rousselot Tableau 11 : Comparatif en pourcentage de l’adhésivité entre la gélatine en mousse et la classique à 3% et 5% Tableau 12 : Résultats des expérimentations pour la Photographique 165B Tableau 13 : Comparatif en pourcentage de l’adhésivité entre la gélatine en mousse et la classique à 3% et 5% Tableau 14 : Résultats des expérimentations pour la Photographique 225B Tableau 15 :Comparatif en pourcentage de l’adhésivité entre la gélatine en mousse et la classique à 3% et 5% Schéma 3 : Histogramme récapitulatif de l’adhésivité des gélatines en mousse et classique à 3% et 5%

57 60 60 62 63 63 64 66 68 68 69 69 70 70 71 71 72 72 73

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PARTIE RESTAURATION-CONSERVATION

Schéma 1 : Raboutage des feuilles dans l'ordre de la superposition et dimensions en cm (échelle 1/4) 1. Vue de l'œuvre au verso 2. Vue latérale du montage 3. Pièce de renfort en tissu 4. Pièces de renfort en tissus superposées 5. Couture de jonction des deux toiles 6. Papier de doublage 7. Zoom sur l'ex-libris 8. Encre sous la pièce de rajout en lumière du jour et sous table lumineuse après démontage 9. Pièce de rajout 10. Pièce imprimée sous le papier 11. Pièce de rajout au recto et au verso 12. Tracés au crayon : double filet, cercle et chiffre « 5 » 13. Tracés au crayon : axe de symétrie 14. Nuances de l'encre noire 15. Nuances des rouges avec charte graphique 16. Nuances de rouge au sein d’une banderole 17. Observation des encres rouges sous lampe UV 18. Nuances de vert et encre brune 19. Halo autour des feuilles visible en lumière U.V 20. Observation de la toile sous lumière U.V (1.) : constat de la migration de l’encre verte (2.) 21. Encre d’écriture effacée 22. Ex-libris rehaussé d’encres 23. Vue de l'œuvre au verso en lumière rasante 24. Vue de l'œuvre au verso de profil en lumière rasante 25. Déchirures au niveau de la toile 26. Mémoire de forme retenue par le document : rigidité Schéma 3 : récapitulatif des principales altérations 27. Zone d'encrassement 28. Résidus de papier bleu 29. Résidus solide gris-bleus 30. Détail d’une des trainées noires Schéma 4 : Réseaux de plis longitudinaux (en jaune) et verticaux (en rouge) sur une photographie de l’œuvre en lumière rasante 31. Lacune bord droit 32. Lacunes bord gauche 33. Lacune au niveau de la pièce de rajout 34 Soulèvement et lacunes en bordure 35. Soulèvement et lacune au niveau d’une zone de plis verticale 36. Léger soulèvement au niveau d’une zone de plis longitudinale 37. Perforation de l'angle en bas à droite 38. Perforation de l'angle en haut à gauche 39. Perforations d'insectes 40. Galerie d'insecte 41. Zone dégradée par les insectes 42. Auréole avec taches et démarcation 43. Taches noires concentrées 44. Démarcation d’auréoles 45. Zone de l’ex-libris écornée Tableau 2 : constat des nouveaux éléments mis à jour 46. Papier de renfort sous la toile (angle sup gauche au recto) 47. Papier de renfort sous la toile (sous la pièce de repentir) 48. A gauche : lacune sur la toile retirée et à droite : patch de toile collé au verso du papier 49. Effacement des écritures 50. Décoloration et pertes partielles d'encre

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51. Décoloration au niveau de l'auréole et brunissement 52. Diffusion de l’encre verte : halos visibles sous lampe UV 53. Observation d’une même zone en lumière UV (à gauche) et en lumière du jour (à droite) 54. Altération de l’encre brune 55. Marque du pliage et de l’enroulement au recto (observation en lumière rasante) 56. Vue de profil de l’œuvre enroulée Schéma 5 : (à gauche) Répartition des contraintes au sein du rouleau Schéma 6 : Schéma 6 : (à droite) Coupe du schéma 5 : représentation des forces de compression et de traction 57. Courbe de traction sur un échantillon de papier en sens travers (à T° et HR constantes) 58. Comportement mécanique des fibres de cellulose du papier 59. Zone soumise à la compression due aux plis et à l’enroulement (lumière rasante) 60. Déchirure résultant de la compression 61. Rupture d'une chaine macromoléculaire sous l'effet d'une sollicitation 62. Anobium punctatum ou petite vrillette ©inra.fr 63. Observation des taches auréolées sous lampe UV Schéma 7 : Représentation des différents papiers collés sur l’œuvre Tableau 3 : Avantages et inconvénients d’un facing selon deux méthodes Schéma 8 : Mise en œuvre du doublage Schéma 9 : représentation du doublage en briques avec interversion du sens des fibres 64. Détail avant nettoyage à l’éponge latex 65. Détail après nettoyage à l’éponge latex 66. Œuvre en cours de dépoussiérage : partie inférieure restant à traiter 67. Aspiration de l’œuvre au travers un tamis 68. Aspiration de la toile Schéma 10 : mise en sandwiche de l’agrafe 69. Séchage des agrafes sous poids exercé par les aimants 70. Agrafes sur des déchirures 71. Retrait mécanique de la toile 72. Découpe de la toile sur une zone sensible 73. Retrait de la toile avec spatule 74. Zone traitée après le retrait du morceau de toile 75. Verso du papier d’œuvre après retrait intégral de la toile Tableau 4 : comparatif des différentes techniques de retrait de la toile Tableau 5 : comparatif des différentes méthodes de retrait des renforts en papier 76. Retrait d’un papier de renfort d’une ancienne restauration 77. Etiquette avant retrait (en haut) puis stabilisée par un facing (en bas) 78. Retrait de l’étiquette mécaniquement avec humidification 79. Résidus de saleté encollée avec trace de la trame de la toile Tableau 6 : comparatif des différentes techniques de nettoyage du verso Tableau 7 : Risques et bénéfices d’un cataplasme d’éther de cellulose 79. Vue de l’œuvre en lumière rasante : observation de l’aplanissement Tableau 8 : comparatif des différentes techniques d’atténuation des auréoles 81. Auréole avant restauration de l’œuvre 82. Auréole après traitement 83. Pulvérisation de la gélatine à 1% à l’écospray à travers le pochoir Schéma 10 : Problématique due au manque de planéité 84. Zone de déchirures renforcée 85. Bande de renforts 86. Pose d’un rectangle de papier japonais 6g/m² sur l’angle supérieur gauche (au verso) 87. Verso de l’œuvre après renforts et consolidations de déchirures 88. Pose d’un carré du doublage secondaire 89. Doublage secondaire 90. Résultat après la pose des papiers de doublages 91. Le surplus d’adhésif est raclé puis réparti dans l’ensemble des alvéoles 92. Application de l’œuvre en « U » sur le doublage et pression à partir du centre 93. Zone non aplanie après la pose complète de l’œuvre sur le doublage 94. Passage du rouleau du centre vers l’extérieur 95. Tape du doublage avec brosse Nadebake 96. Vue de l’œuvre après les doublages et le marouflage

101 101 101 102 103 103 104 104 105 105 106 106 106 110 111 115 119 128 129 132 132 133 133 133 134 134 134 135 135 135 135 136 137 138 138 139 139 140 141 142 142 143 143 143 144 145 146 146 147 147 148 148 149 150 151 152 152 152 153

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97. Retrait mécanique d’une agrafe 98. Soulèvement recollé après séchage 99. Lacune avant comblement 100. Lacune après comblement 101. Retouche du cadre en bordure de l’œuvre sur les pièces de comblement avant (en haut) et après (en bas) 102. Lacune non retouchée 103. Lacune avec retouche du cadre du cartouche mais pas de l’ornement latéral 104. Œuvre avant restauration vue en lumière naturelle 106. Œuvre avant restauration vue en lumière rasante 107. Œuvre après restauration vue en lumière rasante 108. Vue latérale de l’œuvre avant restauration, en lumière rasante 109. Vue latérale de l’œuvre après restauration, en lumière naturelle

154 154 154 154 155 156 156 160 161 162 162 163 163

176


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ANNEXES

PARTIE HISTORIQUE

Annexe 1 : notion de valeur

Nous avons évoqué dans la fiche d'identification, la valeur culturelle de l'œuvre. Afin de bien comprendre l'intérêt du document, il nous semble nécessaire d'expliciter la notion de valeur en matière d'œuvre d'art. Nous appuierons principalement notre raisonnement sur les idées développées par l'historien de l’art allemand du 19 e siècle, Aloïs Riegl. On distinguera ainsi la valeur du passé et la valeur du présent. Le tableau ci-dessous développe les valeurs qui en découlent.

Valeurs du Passé Mémoire

Valeurs du Présent

Voulue

Usage

Involontaire

Art

Tableau 1 : classification des différentes valeurs des objets d'art 1

Les valeurs du Passé prennent compte de la mémoire. La mémoire voulue concerne les objets créés de manière à rappeler un moment précis ou une période du passé : sa finalité commémorative n'était très certainement pas partagée par Léonard Michon, auteur de la Carte Chronologique. En effet, il s'exerce plutôt une valeur de mémoire involontaire face à ce document. C'est à dire que nous choisissons (et non l'auteur) d'attribuer au document une valeur historique qui fait référence dans notre cas aux 16e, 17e et 18e siècles et une valeur d'ancienneté, témoignage du temps écoulé et du vécu de l'œuvre. D’un autre côté, on trouve les valeurs du Présent. La valeur d’usage se réfère à l’intérêt patrimonial dans le sens où elle évoque la fonctionnalité présente de l'objet, et la valeur d’art comprend plutôt l’intérêt

1

RIEGL, Aloïs : Le Culte Moderne des Monument,1903

177


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culturel, variant selon l'époque concernée2 : elle influence l'importance apportée à l'objet et la volonté ou non de la conserver.

Après ces quelques précisions sur les notions de valeurs, nous pouvons décrire leur importance par rapport à notre œuvre. D’abord, la valeur d’ancienneté est présente dans l’état même de l’œuvre, dans les matériaux constitutifs, dans la technique d’exécution ou encore dans l'ensemble des dégradations, témoignant de la sollicitation du document. La valeur historique se manifeste dans le contenu évoquant des dates et des noms et renvoyant directement à un moment précis de l'histoire. En ce qui concerne la valeur d’usage, c’est sans doute ce qui donne au document son intérêt majeur car il s’agit d’un document riche en informations manuscrites au sujet du monde des finances à Lyon sur trois siècles. L’analyse historique et de la réalisation peut aussi révéler un certain nombre d’éléments sur l’auteur et propriétaire du document, Léonard Michon, personnage d’une importance capitale encore aujourd’hui dans la connaissance de la ville de Lyon aux XVII - XVIIIe siècles. Quant à la valeur d'art, c'est à nous qu'il revient d'en décider, mais la partie historique développée dans le mémoire nous renseigne suffisamment sur le caractère unique de l'œuvre, argumentant largement la nécessité de la conserver.

2

Nous parlons bien ici de l'époque contemporaine au spectateur et non à l'auteur

178


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Annexe 2 : définitions

·

Charges et offices

« Charges & Offices. Ces mots qui dans l'usage vulgaire paroissent synonymes, ne le sont cependant pas à parler exactement; l'étymologie du mot charge pris pour office, vient de ce que chez les Romains toutes les fonctions publiques étoient appellées d'un nom commun munera publica; mais il n'y avoit point alors d'offices en titre, toutes ces fonctions n'étoient que par commission, & ces commissions étoient annales. Entre les commissions on distinguoit celles qui attribuoient quelque portion de la puissance publique ou quelque dignité, de celles qui n'attribuoient qu'une simple fonction, sans aucune puissance ni honneur: c'est à ces dernieres que l'on appliquoit singulierement le titre de munera publica, quasi onera; & c'est en ce sens que nous avons appellé charges en notre langue, toutes les fonctions publiques & privées qui ont paru onéreuses, comme la tutele, les charges de police, les charges municipales. On a aussi donné aux offices le nom de charges, mais improprement; & Loyseau, en son savant traité des offices, n'adopte point cette dénomination. Quelques - uns prétendent que l'on doit distinguer entre les charges & offices; que les charges sont les places ou commissions venales, & les offices celles qui ne le sont pas: mais dans l'usage présent on confond presque toûjours ces termes charges & offices, quoique le terme d'office soit le seul propre pour exprimer ce que nous entendons par un état érigé en titre d'office, soit vénal ou non vénal » DIDEROT, D’ALEMBERT, « Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers » T.7 pp. 3 : 199, 1757.

179


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PARTIE SCIENTIFIQUE

Annexe 1 : Formules

Moyenne :

Variance : σ²

Ecart type :

Incertitude absolue à 68% : ɐ ൌ ξ࢔ ஢୶

Incertitude relative à 68% :

Incertitude absolue à 95% : 2 σx Incertitude relative à 95% :

஢୶ ௫

ൈ 100

ൈ ͳͲͲ

180


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Annexe 2 : Pré tests de l’adhésivité de cinq gélatines à 3% et 5% non sèches sur lamelles de verre

BUT DE L’EXPERIENCE Les tests visent à comparer l’adhésivité de la gélatine à la même concentration sous deux formes. La première, est la classique gélatine solubilisée au bain marie, la seconde est une préparation froide, élaborée à partir du gel de gélatine, tamisé.

PROTOCOLE Nous utilisons un matériau le plus inerte possible : le verre. Nous optons pour deux lamelles de microscope. L’une reste fixe, et l’autre subit une force de traction. Entre ces deux lamelles de microscope, nous posons une quantité précise de colle à la seringue (0,2 mL). Nous exerçons ensuite une légère pression sur le collage, en utilisant pour chacun des tests le même poids et le même temps d’application. La lamelle fixe est placée entre deux tasseaux de bois d’une potence fabriquée pour l’expérience. La lamelle subissant la traction est collée avec une colle au cyanoacrylate d’éthyle (super glue) à un bouchon de bouteille. Cette bouteille est progressivement remplie d’eau à l’aide d’un système de siphonage dont le débit est régulier. On stoppe le flux à l’aide d’une vanne installée sur le tuyau du siphon lorsque l’on obtient la rupture adhésive menant à la séparation des deux plaques de verres. Nous pesons enfin la quantité d’eau apportée dans la bouteille, ce qui détermine le poids nécessaire pour obtenir la rupture adhésive.

-

Application de 0,2 mL de gélatine à la seringue

-

Superposition des lamelles et pression à 526g pendant 10 secondes

-

Mise en place sur la potence

-

Ouverture de la vanne

-

Rupture adhésive

-

Fermeture immédiate de la vanne

-

Pesée

181


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Potence et système d’installation de l’expérimentation

Gélatines utilisées : GMW1-GMW2-Rousselot-Photographique 165B-Photographique 225B Paramètres à prendre en compte - La masse du système lamelle + bouchon + bouteille = 20g - La pression du poids après l’application de la colle peut varier entre 10 et 11 secondes (selon le déclenchement puis l’arrêt du chronomètre) - Il faut aussi prendre en compte que lorsque le poids est posé sur le système collé, la pression exercée n’est probablement pas identique à chaque fois. - Temps de réaction pour la fermeture de la vanne (≈ 2 secondes)

GMW1 GMW2 3%

Concentration Forme

Mousse

5%

Classique Mousse

3%

Concentration

Classique

Forme

Mousse

Poids à la rupture adhésive (g)

5%

Classique Mousse

Classique

Poids à la rupture adhésive (g)

1

141

73

161

84

1

285

116

212

380

2

178

60

161

107

2

251

143

178

450

3

167

99

182

95

3

170

70

156

330

4

159

68

158

79

4

220

297

207

445

5

124

92

192

66

5

199

105

204

463

6

151

82

229

93

6

293

94

252

431

7

108

57

152

95

8

152

72

154

108

7

210

57

231

429

9

226

67

189

68

8

172

83

234

457

10

147

64

221

86

9

206

92

183

469

10

203

74

218

490

Moyenne

218,25

97,13 208,38

440,5

Variance

1213,07

575,55 408,84

797,71

Moyenne

152,38

72,25 177,25

88,38

Variance

268,55

107,07 533,07

140,55

Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative

16,39

10,35

23,09

11,59

7,32

16,33

7,6%

10,1%

9,2%

11,86

Ecart type 8,41 Ecart type à la moyenne à 95% 9,5% Incertitude relative

34,83

23,99

20,22

28,24

24,62

16,96

14,30

19,97

11,3%

17,5%

6,8%

4,5%

182


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Remarques : Remarques : - A 3%, la gélatine en mousse colle - A 3%, la gélatine en mousse colle 210% plus que la classique et 170% plus que la classique à 5%. -

224% plus que la classique. -

A 5%, la gélatine en mousse colle

A 5%, la gélatine en mousse colle 47% moins que la classique.

200% plus que la classique.

Rousselot Concentratio n Forme

3%

5%

Mouss Classiqu Mousse Classique e e Poids à la rupture adhésive (g)

1

216

81

327

394

2

163

85

252

113

3

137

93

355

90

4

292

56

286

101

5

200

31

315

399

6

132

49

213

361

7

165

97

252

324

8

217

82

221

260

9

235

80

311

449

10

180

83

307

446

189,13 1112,4 1 33,35

76,13 232,13 15,24

283,88 1441,2 7 37,96

299,75 17202,7 9 131,16

23,58

10,78

26,84

92,74

Moyenne Variance Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative

Remarques : - A 3%, la gélatine en mousse colle 248% plus que la classique. -

A 5%, la gélatine en mousse colle 94% moins que la classique.

12,5%

14,2%

9,5%

30,9%

183


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Photographique 225

Photographique 165 Concentratio n

3% Mouss e

Forme

Classiqu e

Mousse

3%

Concentration

5% Classiqu e

Mousse Classique Mousse Classique

Forme

Poids à la rupture adhésive (g)

Poids à la rupture adhésive (g) 1

221

76

167

72

2

158

88

226

77

3

148

69

225

72

4

120

64

101

139

5

134

68

142

81

6

133

83

186

76

7

197

64

113

124

8

154

96

139

48

9

143

121

200

127

10

128

84

141

93

Moyenne

149,38

78,5

90,25

Variance

481,13

123,43

518,21

21,93

11,11

164,13 1392,7 0 37,32

15,5

7,86

26,39

4,79

10,3%

10,0%

16,1%

5,3%

Ecart type Ecart type à la moyenne à 95% Incertitude relative

22,76

5%

1

209

114

220

79

2

183

62

104

85

3

326

87

315

91

4

209

42

291

94

5

230

76

338

68

6

263

48

244

109

7

286

36

294

89

8

164

102

265

101

9

176

50

133

72

10

337

81

281

89

Moyenne

236,15

68,5

228,5

87,5

Variance

2746,79

454,86 4465,07

80,00

Ecart type Ecart type de la moyenne à 95% Incertitude relative

52,41

21,33

66,82

8,94

37,1

15,08

47,24

6,32

15,7%

22,0%

20,7%

7,22%

Remarques : Remarques : - A 3%, la gélatine en mousse colle - A 3%, la gélatine en mousse colle 190% plus que la classique et 165% 344% plus que la classique et 270% plus que la classique à 5%. plus que la classique à 5%. - A 5%, la gélatine en mousse colle - A 5%, la gélatine en mousse colle 182% plus que la classique. 261% plus que la classique.

Gélatine

GMW1

GMW2

Rousselot

Photographique 165B

Photographique 225B

Degré Bloom

≥ 250

≥ 280

80-100

165

225

4,00- 4,70

5,15 – 5,75

2,0-3,0

3,44

4,38

B

A

B

B

B

4,90 – 5,20

5,20 – 5,60

5,0-6,0

5,78

5,52

M>C (152,38 >72,25)

M>C (218,25>97,13)

M>C (149,38>78,5)

M>C (236,15>68,5)

M>C (177,25>88,38)

M<C (208,38<440,5)

M>C (164,13>90,25)

M>C (228,5>87,5)

Viscosité (mPa.s)

Type pH

Adhésivité à 3%

Adhésivité à 5%

M>C (189,13>76,13) M<C (283,88<299,75)

184


2013-2014

Poids à la rupture adhésive

450 400 350 300 250 200

3% Mousse

150

3% Classique

100

5% Mousse

50

5% Classique

0

Comparatif de l’adhésivité de 5 gélatines

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Annexe 3 : Fiches techniques

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Annexe 4 : Analyse des causes d’erreur et améliorations

Nous l’avons évoqué plus haut, l’installation expérimentale a nécessité des ajustements afin d’assurer au mieux la répétabilité de nos tests. Nous présentons dans le tableau qui suit les différentes causes d’erreur et les éventuelles modifications apportées au système lorsque cela était possible.

Causes d’erreurs Température des gélatines classiques décroissant selon les échantillons Consistance des mousses variable Application non uniforme de l’adhésif Application de quantité variable Application de quantité variable pour la mousse causé par la présence de l’air Mise des lamelles de papier dans la mâchoire plus ou moins proche du point de collage Oscillations du réceptacle lorsqu’il se rempli d’eau : nouvelles forces qui peuvent interagir et fausser les données du poids apporté

Améliorations Maintien dans un bain marie de 30°C durant la série de tests

Erreurs subsistant -

Erreur humaine : appréciation visuelle et subjective Application au centre du Erreur humaine : papier approximation visuelle Seringue de précision Erreur humaine : 1mm approximation visuelle Il aurait fallu une Erreur humaine : balance de précision au approximation visuelle 10e de mg près On pince le papier à Erreur humaine : environ 4 cm du point approximation visuelle de collage La texture est retravaillée au pinceau

On aligne le centre de gravité à l’axe pincelamelles-pince

Fermeture de la vanne manuelle

-

Balance pour la pesée

-

Quelques oscillations subsistent Erreur humaine : temps de réaction (1 à 2 secondes) Incertitude à 1g près.

Tableau 5 : Présentation des causes d’erreur et éventuelles améliorations du système

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PARTIE RESTAURATION-CONSERVATION

Annexe 1 : Nuancier des verts de gris

Nuancier des principaux « verts de gris » ©3

Ce nuancier est extrait du site internet de l’atelier de recherches et d’applications des enluminures et peintures médiévales. Tenu par Mr et Mme Marlier, cet atelier est sollicité par l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT/CNRS) pour animer des conférences relatives à ses recherches. La formation relative à la technique en enluminure au sein de l’Institut National du Patrimoine (INP) auprès des étudiants restaurateurs leur est également confiée. Il préside également au sein du jury des « Meilleurs Ouvriers de France » dans la catégorie enluminure.

3

Atelier de recherches et d'applications enluminures et peintures médiévales, http://enluminure-peinture.fr (consulté le 10/12/2013)

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Annexe 2 : tests de l’encollage L’ensemble des tests a été réalisé à raison de 3 fois pour chaque test, de manière à limiter les erreurs et obtenir une répétabilité. IDENTIFICATION DE L'AMIDON 1- Test LUGOL (à l'iodure de potassium) Référence: AIC, "spot tests", paper conservation catalog, 1990, chap 10, p26. Produits nécessaires : - Iodure de potassium - Iode - Eau déminéralisée Préparation de la solution Préparer une solution d'iodure de potassium (2.6g dans 5ml d'eau) Dissoudre 0.13g d'iode dans la solution (attendre la dissolution complète) Diluer dans 100ml d'eau Attendre plusieurs jours avant l'utilisation pour que l'iode soit complètement dilué. Conservation: bien fermé (sinon l'iode se sublime), au réfrigérateur. Protocole 2 possibilités : - soit pose d'une goutte sur l'échantillon puis observation au microscope - soit par extraction de l'amidon (mettre l'échantillon dans l'eau chaude puis mettre le réactif sur l'extrait) => échantillon doit être assez grand pour obtenir un extrait assez concentré. Fibres testées Papier d’œuvre

Résultats L’échantillon prend instantanément une teinte bleue – noire soulignant la présence d’amidon. Ou plutôt de l’amylose de l’amidon.

Test au Lugol avant et après application du produit sur les échantillons

190


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IDENTIFICATION DES PROTEINES (GELATINE, CASEINE...) 1- Test de BIURET Référence: AIC, "spot tests", paper conservation catalog, 1990, chapitre 10, p31 Produits nécessaires - Sulfate de cuivre CuSO4 - Hydroxyde de sodium NaOH - Eau déminéralisée Préparation de la solution Préparer une solution à 2% de sulfate de cuivre Préparer une solution à 5% d'hydroxyde de sodium Protocole Mettre une goutte de solution de sulfate de cuivre sur l'échantillon Attendre quelques minutes Éliminer l'excès avec un papier filtre Appliquer une goutte de solution NaOH Fibres testées Résultats Négatif Papier d’œuvre Papier de l’ex-libris Négatif Négatif Toile Négatif Tissu de renfort Négatif Papier de rajout

2- Test à la NINHYDRINE Référence: AIC, "spot tests", paper conservation catalog, 1990, chapitre 10, p29 Produit nécessaire Réactif ninhydrine (jeulin, réf 10204584) Protocole Utiliser des pinces pour éviter le contact avec la peau (test très sensible) Mettre une goutte sur l'échantillon Attendre quelques minutes Éliminer l'excès avec un papier filtre Chauffer doucement sur plaque chauffante jusqu'à séchage complet ( 2 à 10 min) La couleur apparaît au séchage Autre méthode: dissoudre l'adhésif, absorber sur un papier filtre, appliquer le réactif sur le papier filtre, chauffer.

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Fibres testées Résultats Négatif Papier d’œuvre Négatif Toile Négatif Tissu de renfort Papier de rajout Négatif

IDENTIFICATION DE LA GELATINE OU COLLE ANIMALE Test avec l'HYDROXYPROLINE Référence: AIC, "spot tests", paper conservation catalog, 1990, chapitre 10, p33 Produits nécessaires - p-diméthylaminobenzaldéhyde - Isopropanol - Soude NaOH - CuSO4 - Acide sulfurique H2SO4 - Eau oxygénée H2O2 Préparation de la solution (réactif Ehrlich) Mélanger 1g de p-diméthylaminobenzaldéhyde dans 20ml d'isopropanol (couleur jaune pâle) Protocole Mettre un échantillon de 3x3mm dans un tube d'essai Ajouter 0.015ml de soude Chauffer un bain-marie 10mn, laisser refroidir Ajouter 0.05 de CuSO4 et 0.025ml d'eau oxygénée Remuer Chauffer au bain-marie 5mn, laisser refroidir Ajouter 0.125ml d'acide sulfurique et 0.1 ml du réactif Ehrlich

Fibres testées Résultats Négatif Papier d’œuvre Négatif Toile Négatif Tissu de renfort Papier de rajout Négatif

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IDENTIFICATION DE L'ALUN Test à l'ALUMINON (détection des ions AI3+) Référence: AIC, "spot tests", paper conservation catalog, 1990, chapitre 10, p23 Produits nécessaires - Aluminon 1 (wwr, ALFAA15401.09) en poudre - Eau déminéralisé Préparation des solutions Mettre de l'aluminon en solution (0.1g pour 1L d'eau (solution rose pâle)) Conservation du réactif: à stocker dans des verres foncés, pas de bouchon en caoutchouc. Tendance à rosir avec le temps. Protocole Mettre une goutte sur l'échantillon Attendre Laisser sécher ou éliminer avec un papier filtre (lecture après séchage). Le séchage peut être assez long surtout pour les papiers fortement encollés). Fibres testées Résultats Papier d’œuvre Négatif Négatif Toile

IDENTIFICATION DE LA COLOPHANE 1- Test de RASPAIL I Référence: AIC, "spot tests", paper conservation catalog, 1990, chapitre 10, p24 Produits nécessaires - Sucre blanc - eau déminéralisée - Acide sulfurique H2SO4 à 96.6% Préparation des solutions Mettre 35g de sucre dans 20ml d'eau Protocole Appliquer une goutte de solution sur l'échantillon (zone non encrée) Attendre quelques minutes Retirer l'excès avec un papier filtre Mettre une goutte d'acide sulfurique Observer sous un compte fil Fibres testées Résultat Papier d’œuvre Négatif 193


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2- Test de RASPAIL II Référence: AIC, "spot tests", paper conservation catalog, 1990, chapitre 10, p24-25 Même test mais avec de l'acide acétique (rend la réaction plus visible) Protocole Appliquer une goutte de solution sucrée + une goutte de solution acétique Laisser sécher puis poser une goutte d'acide sulfurique Fibres testées Résultat Papier d’œuvre Négatif

3-Test de solubilité de la Colophane Produits nécessaire - Éthanol - Acide acétique concentré - Eau déminéralisée Préparation de l'échantillon Déchirer l'échantillon Le mettre dans un tube à essai avec un peu d'alcool et une goutte d'acide acétique Faire bouillir quelques minutes Laisser refroidir Verser dans un autre tube contenant un peu d'eau

Fibres testées Résultat Papier d’œuvre Négatif

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Annexe 3 : identification des fibres

La démarche vise à isoler la fibre voulue après avoir éliminé la charge et l'encollage avec une goutte de carbonate de sodium à 5% pour pouvoir ensuite l'observer au microscope et comparer son aspect avec les différentes caractéristiques des fibres existantes. Les observations sont faites au microscope avec un grossissement x10. On défibre l'échantillon après avoir ajouté une goutte d'acide acétique Identification des fibres du papier d’œuvre

Fibre du papier d’œuvre grossissement x10

Représentation d’une fibre de chanvre4

Identification des fibres de la toile

Fibre de la toile grossissement x 10

Représentation d’une fibre de lin5

Fibres cellulosiques : Lin Caractéristiques longitudinales : les fibres simples présentent, par intervalles et sur leur longueur, des nœuds en forme de I, de V ou de X, ressemblant à ceux du bambou, largeur inégale, le canal médullaire (dit lumen) est plutôt petit et constitue normalement moins de la moitié de la largeur de la fibre, les fibres se présentent souvent sous la forme d'un faisceau serré dans le sens de la longueur, plutôt que sous celle de fibres distinctes. 6

4

LIENARDY Anne, Interfolia, 1989 Ibid. 6 Note de l'ICC 13 /18 : « Identification des fibres naturelles »

5

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Annexe 4 : préparation des encres

Pour faire une couleur verte

« Si vous voulez faire du vert de Rouen, prenez des feuilles de cuivre, du cuivre le plus dur et enduisez-les complètement du meilleur savon. Mettez les feuilles dans un pot n'ayant jamais servi, puis remplissez-le de vinaigre très fort. Couvrez le pot, scellez-le et placez-le dans un endroit tiède pendant 15 jours. Ensuite, découvrez le pot, secouez les feuilles sur une planche de bois et mettez (la rouille verte) à sécher au soleil. (on obtient du vert de gris ) » 7

« Ayez un pot neuf, où vous mettrez de fort vinaigre en prenant garde de ne pas le remplir. Prenez ensuite des lames de cuivre bien pur, placez les par le dessus sans qu’elle touchent le vinaigre, ni se touchent entre elles.… Bouchez et sceller le pot, mettez en lieu chaud, ou dans le fumier, ou dans la terre et lessez 6 mois durant. Au bout de cela ouvrez, ratissez le vert de gris, recueillez le en un pot net, faite le sécher au soleil. »8

7 8

Ibid. http://www.academia.edu

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Annexe 5 : identification de la technique graphique

Tableau A : Désignation des différentes encres utilisées selon les époques 9

9

PETIT Jean, ROIRE, Jacques et VALO, Henry, Des liants et des couleurs pour servir aux artistes peintres et aux restaurateurs. EREC, 2006, 397p.

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Annexe 6 : identification des encres selon l’observation sous lampe U.V

Tableau B : Fluorescence de certains pigments10

10

KODAK publication n° M-27 La photographie infrarouge et ses applications, Editions VM (1987)

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Annexe 7 : identification des ions ferreux à la bathophenanthroline

On dépoussière avant tout la surface à tester. On découpe un triangle de papier imprégné de bathophenanthroline que l’on vient imbiber dans de l’eau déminéralisée. On absorbe l’excédent d’eau à l’aide d’un papier absorbant (buvard) et on l’applique ensuite sur la zone à tester. On exerce une petite pression sur le papier à l’aide d’un outil (plioir en téflon par exemple). On peut éventuellement placer un papier absorbant sur la zone testée, afin de s’assurer d’éliminer les résidus d’eau apportés.

Résultats :

Certains tests arborent un aspect rosé après quelques minutes. D’autres tirent plus vers une couleur marron probablement due à la saleté. Cependant, on sait que l’absence de réaction ne signifie pas forcément qu’il n’y a pas d’ions ferreux, mais qu’ils peuvent être à un état de dégradation pas encore critique. Pour le prouver, nous utilisons un comprimé de Vitamine C contenant de l'acide ascorbique (©Efferalgan) dilué dans de l’eau déminéralisée. Nous réutilisons les papiers de bathophénanthroline précédents pour les en imprégner. La réaction obtenue révèle une couleur lie de vin, caractéristique de la présence d’ions fer III. Cela signifie que les encres n’ont pas atteint un stade de dégradation avancé.

Dépoussiérage de la zone à tester

Pression sur le papier à la bétaphénanthroline

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Schématisation de l’œuvre et numérotation des zones testées

Résultat des tests avec le papier à la bathophénanthroline

Résultat des tests après immersion des papiers à la bathophénanthroline dans une solution d’acide ascorbique

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Annexe 8 : test de solubilité de la technique Le premier test effectué établit la solubilité de la technique graphique au solvant eau et éthanol à 100%. Le principe consiste à dépoussiérer localement la surface à tester, puis à déposer une goutte du solvant sur la technique graphique et à absorber le surplus d’eau avec un papier absorbant (nous utilisons du buvard). Si la technique est

Pose d’une goutte d’eau sur

soluble, les pigments migrent sur le papier absorbant. En revanche, si la technique à tester la technique est stable et insoluble, elle ne bouge pas du support. Les tests sont effectués plusieurs fois sur les mêmes encres, et l’excédent de solvant est absorbé immédiatement afin d’éviter les auréoles. Nous veillons à tester des zones discrètes en cas d’auréole. Absorption du surplus d’eau

Le tableau ci-dessous illustre les résultats obtenus. (Le symbole « X » indique un résultat positif donc une fusion des encres et le symbole « - » désigne l’absence de réaction.) Encre

Encre noire d'ornement

Eau

Encre verte12

Ethanol (100%)

Noir

X

-

Gris

X

-

X11

-

Aquarelle gouachée (petites bannières)

-

-

Gouache (grandes bannières)

X

-

Fruits

X

-

Vert intense

X

-

Vert clair

-

-

X

-

Noir Bleu Jaune

-

-

Rouge

X

-

Aquarelle de fond

-

-

Encre d'écriture

Encre rouge

Illustrations

Encre marron Graphite

Encre de l'ex-libris

11

Nous émettons quelques réserves quant à ce résultat car le dépôt sur le buvard est marron et pourrait être plutôt de la saleté 12 L’eau est très vite absorbée et une coloration marron ressort au niveau du papier pour ensuite disparaitre. Cela est sans doute une réaction due à la composition acide de l’encre verte.

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Annexe 9 : test de la tension superficielle

Le test d’absorption du papier vise à déterminer la vitesse avec laquelle le solvant eau est absorbé. Les résultats nous permettent de définir si l’encollage joue encore le rôle de protection, et s’il est risqué d’apporter de l’eau au papier. En effet, une absorption rapide n’est pas maîtrisable et risque de créer des accidents au niveau des techniques graphiques.

Le test se réalise en posant une goutte d’eau sur la surface du papier nettoyée et discrète.

Phases de l’absorption de la goutte d’eau

Résultat :

La goutte d’eau est très vite absorbée : en 14 secondes, la goutte d’eau a entièrement pénétré dans le papier. L’angle formé entre la goutte et le papier diminue rapidement. Nous en déduisons que le papier est extrêmement absorbant et que l’encollage n’est peut-être plus très présent à la surface du papier. La solubilité des encres démontrée précédemment ainsi que la rapidité d’absorption du solvant eau, nous laisse penser qu’il sera compliqué de prescrire des traitements à l’eau pour le travail de restauration.

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Annexe 10 : restauration de l’étiquette

Etiquette après retrait de l’œuvre et avant restauration

L’étiquette a été doublée avec de la colle d’amidon de blé, sur un papier japonais de 6g/m² et comblé avec du papier japonais kozo de 17g/m² teinté à l’acrylique.

Etiquette après restauration

« Journal CREDIT NATIONAL Paris. – 53, Rue Vivienne 53 Paris. Melle Giraud […] A Lyon »

Les informations n’ont pas pu être exploitées lors de la rédaction de ce mémoire. L’adresse relevée ne correspond plus aujourd’hui à ce que nous pouvons supposer avoir été un magasin. En tous les cas, l’écriture manuscrite (en italique ci-dessus) évoque un nom (Melle Giraud) et un lieu (Lyon). Il pourrait s’agir de l’étiquette liée à la livraison de la toile pour restauration, ou encore l’étiquette désignant la nouvelle propriétaire de l’œuvre qui s’est vendue une à plusieurs fois (cf. partie historique). 203


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Annexe 11 : récapitulatif des produits utilisés

Produit

Fournisseur Matériel divers

Eponge latex

CTS

Aspirateur à filtre à particules HEPA-GS (High Efficiency Particulate Arrestance)

Non renseigné

Nébuliseur à ultrasons

Non renseigné

Ecospray 125 mL

CTS

Toile synthétique

Marin beaux-arts

Laponite

Stouls

Kaolinite

Argiletz Papiers

Tengujo Kozo 17g/m² blanc

CTS

Manille fibres chanvre 17g/m² blanc

CTS

Kozo 18g/m² blanc

Sennelier

TK 100% Kozo 65g/m² crème

Sennelier

TK 100% Kozo 85g/m² crème

Sennelier

Papier japonais 6g/m² crème

Stouls

Bolloré 12, 22, 30 g/m²

Artech Colles

Klucel G® (hydroxylpropylcellulose)

CTS

Tylose® (méthylhydroxyéthylcellulose)

CTS

Gélatine

Rousselot GT58

Amidon de blé

CTS Solvants

Eau déminéralisée

Commerce

Alcool éthylique dénaturé

CTS

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Annexe 12 : Relevé des différentes épaisseurs des matériaux constitutifs de l’œuvre

Zone testé au Palmer Epaisseur relevée (en mm) 0,4 Papier d’œuvre 0,2 Papier de renfort 0,4 Toile 0,3 Tissu de renfort 0,6 Papier d’œuvre + papier de renfort 1,3 Ensemble Le palmer a une précision de 0.1mm.

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