ECOLES DE CONDE Formation Restaurateur du Patrimoine - Niveau II MEMOIRE DE FIN D’ETUDES Conservation Restauration d’Arts Graphiques Objet de l’étude : Conservation restauration de quatre marionnettes de Wayang Kulit ( théâtre d’ombre javanais) Sujet technico-scientifique : Analyse de la fiabilité des spots test pour le tannage du cuir
Nicolas Claire Spéliatité Arts Graphiques Promotion 2012
MERCI ! Aux Conservateurs-Restaurateurs qui m’ont suivie, écoutée, conseillée avec beaucoup d’attention et de gentillesse : Anne Raggi Barbara Blanc Béatrice Alcade Jim Poncelet Patricia Mouraud Stéphanie Elarbi À Mme Abrard pour l’intérêt dont elle a témoigné à l’égard de nos recherches et pour ses conseils concernant les dorures. À l’institut International de la marionnette pour leur aide financière, l’accueil adorable qu’ils m’ont réservé et leur disponibilité. À la Fondation Demeure Historique, pour leur aide financière, sans eux je n’aurai pas pu aller au Danemark pour mes recherches. À l’équipe de recherche de l’École de Conservation du Danemark : René Larsen, Dorte Sommer, Kathleen Mühlen Axelsson et Steen Frank. Grâce à eux, j’ai pu réaliser de nombreux tests scientifiques. Ils ont été d’une patience infinie. À Armelle pour sa maitrise de la langue française, sa disponibilité et son attention. À Yann et Lorette pour leurs prouesses numériques. À ma famille pour son indéfectible soutien.
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FICHE D’IDENTIFICATION
Titre ou désignation de l’œuvre : Conservation-Restauration de quatre marionnettes de wayang kulit (théâtre d’ombres javanais) Sujet technico-scientifique : Analyse de la fiabilité des spots tests pour le tannage du cuir Photographies (recto-verso) avant intervention
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Photographies (recto-verso) après interventions
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Renseignements relatifs à l’objet Nom de l’auteur : Ces marionnettes ont été réalisées par un ou plusieurs artisans indonésiens. Ces fabricants de marionnettes sont appelés les Tukang wayang. Époque : Nous pensons, sans en avoir la certitude, que les marionnettes datent du 19ème ou du 20ème siècle. Dimensions : Selon les marionnettes, la hauteur se situe entre 38 et 42,5 cm et la largeur est comprise entre 52,3 et 66,5 cm. Épaisseur : La moyenne de l’épaisseur des quatre marionnettes est égale à 1,4 mm Montage : À l’origine, ces marionnettes étaient tenues par des tiges qui devaient être fixées en leur centre. Ces tiges ont été enlevées par l’actuel propriétaire des marionnettes pour faciliter leurs conditionnements lors du voyage. État de conservation et présentation des altérations : D’une manière générale, les marionnettes sont dans un état de dégradation avancé. Elles sont fragiles et doivent être manipulées avec précaution. Selon les marionnettes, on peut remarquer : des altérations structurelles (nombreuses déchirures et lacunes) et des altérations de surface (abrasion de la couche picturale, pulvérulence et déplacage). Nous pouvons également noter de nombreuses réparations, qui sont des réparations autochtones. Fonction et nature de l’objet Description–représentation : Les quatre marionnettes représentent des chevaux. Le Dalang utilise ce type de marionnette (animaux et objets) pour créer un décor et une ambiance particulière à chaque scène. Les chevaux servent également de monture pour de longues chevauchées pendant le spectacle. Les marionnettes sont peintes recto verso, parfois en miroir. Il y a du noir, du blanc, du rouge, du rose, du bleu, du vert, du jaune, des ocres et du doré. Les marionnettes sont très ornementées, notamment au niveau du harnachement des chevaux. Les couleurs sont plutôt vives. Toutes les marionnettes sont dorées, mais ce n’est pas toujours facile à discerner étant donné l’usure assez importante des ombres. Matériaux constitutifs : le support principal des marionnettes est une peau, qui semble être une peau de buffle. Les tiges de montage sont en bois ou en corne (une corne qui peut être de la corne de buffle). Les différentes réparations sont constituées de cuirs, de fils de différentes qualités et d’agrafes en métal. Technique(s) : On pense, vu les modes de fabrication traditionnels et les analyses effectuées, qu’il s’agit majoritairement de pigments naturels, dispersés dans une colle. Toujours selon les tests réalisés, il semble cependant que le liant d’une des marionnettes soit un alkyde. Documentation Propriétaire : Monsieur François Renaux. Il a lui-même acheté les marionnettes et les a ramenés de Java et plus précisément de Yojakarta.
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Lieu de conservation : Appartement parisien de Mr Renaux. Valeurs : On attribue à ces objets une valeur historique, culturelle, esthétique, religieuse et sacrée importante, ce qui leur confère une dimension ethnographique qui ne saurait être négligée. Nous avons donc adapté notre restauration et avons choisi d’intervenir le moins possible pour ne pas risquer d’effacer des traces qui témoignent de leur histoire.
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TABLE DES MATIÈRES AVANT-PROPOS RÉSUMÉ INTRODUCTIF GÉNÉRAL
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INTRODUCTION GÉNÉRALE
23
21
A. ÉTUDE D’HISTOIRE DE L’ART
25
I. INTRODUCTION
29
II. ANALYSE HISTORIQUE 1.
32
L’origine du théâtre d’ombre indonésien a. La thèse de l’origine indienne b. La thèse de l’origine locale
33
c. La thèse de l’origine chinoise
34
2. L’évolution du théâtre d’ombre javanais
35
a. La période hindouiste et bouddhiste b. Le wayang dans une société musulmane
36
c. Le wayang kulit à Bali et dans le monde
37
3. Le répertoire du théâtre d’ombre javanais
38
a. Les grandes épopées indiennes i. ii.
Le Mahabharata
39
Le Ramayana
40
b. Les mythes locaux 4. Les différents types de représentation
41
a. Les représentations de nuit : wayang peteng
42
b. Les représentations de jour : wayang lemah
43
5. L’ombriste ou Dalang a. La formation du Dalang b. Le rôle spirituel du Dalang c. Description d’une cérémonie i.
La préparation
44 46 48 49 50 13
ii.
Le gamelan
53
iii. iv.
Le spectacle La clôture de la cérémonie
55 57
6. L’implication du public
III. ANALYSE ICONOGRAPHIQUE
59
1. L’importance de la couleur et son symbolisme 2. Description de nos quatre marionnettes
IV. ANALYSE PLASTIQUE
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64
1. Description matérielle de ces six marionnettes : dimensions, épaisseur, montage 2. Le fabricant d’ombre ou Tukang wayang
65
3. Une fabrication traditionnelle
66
a. Le choix et la préparation de la peau
68
b. Le dessin
69
c. Le découpage de la peau, les ciselures d. La peinture
70
e. Le vernissage
71
f. Le montage
V. ÉVALUATION D’UNE DATATION
VI. CONCLUSION
14
73
75
B. ÉTUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE : ANALYSE DE LA FIABILITÉ DES SPOTS TESTS POUR LE TANNAGE DU CUIR 79 I. INTRODUCTION II. DÉFINITIONS
80
1. Le cuir a. Historique b. Le tannage c. Constitution de la peau
81
d. La fabrication du cuir
82
2. Les tanins a. Définition-composition b. Les différents groupes de tanins végétaux
83 84
c. Fixation du tanin à la peau d. Historique
88 89
e. Les différentes variétés de plantes
90
3. Les spots tests a. L’analyse microchimique b. Les facteurs à considérer i. ii.
92 93
L’échantillonnage Les réactifs
III. OBJECTIFS DE L’EXPÉRIENCE
94
IV. PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL
95
1. Principe de l’expérience 2. Nos échantillons a. Échantillons destinés aux spots tests pour le tannage végétal b. Échantillons destinés aux spots tests pour le tannage minéral 3. Spots tests, réactifs et solvants
98 99
a. Spots tests pour le tannage végétal b. Spots tests pour le tannage minéral 4. Mode opératoire
101 15
a. Spots tests pour le tannage végétal b. Spots tests pour le tannage minéral
V. RÉSULTATS 1. Résultats d’analyses pour le tannage minéral
104 106 107
2. Résultats d’analyses pour le tannage végétal 3. Analyse des résultats
110
a. Spots tests pour le tannage végétal i. Les cuirs récents ii. Les cuirs historiques b. Spots tests pour le tannage minéral
VI. CONCLUSION
16
112
C. CONSERVATION-RESTAURATION
I.
INTRODUCTION
II.
CONSTAT D’ÉTAT GENERAL
116
117
1. Identification des objets 2. Description matérielle et historique 3. Constat des altérations
122
a. Altérations structurelles b. Altérations de surface
123
c. Synthèse du constat des altérations
III.
4. Causes des altérations
128
PROPOSITION DE TRAITEMENT
130
1. Réflexion sur les réparations autochtones 2. Dépoussiérage
133
3. Décrassage/Gommage 4. Nettoyage 5. Traitement de la peau, mise en chambre d’humidification
134
6. Remise en forme des parties repliées du support 7. Consolidation de la couche picturale
135
8. Consolidation des déchirures et réintégration des lacunes 9. Conservation
IV.
137
ENTRETIEN AVEC DES SPÉCIALISTES À PROPOS DU PROTOCOLE DE TRAITEMENT ENVISAGE
138
17
V.
IDENTIFICATION DES DIFFÉRENTS COMPOSANTS CONSTITUANT LES MARIONNETTES
140
1. Les tests eau et alcool 2. Les tests effectués au laboratoire de l’École de conservation du Danemark 141 a. Analyse des échantillons de peau i.
Précisions à propos des analyses
ii.
Résultats
143
152
b. Analyses des pigments et des liants
156
c. Analyses des particules dorées
158
d. Analyse des résultats obtenus et de la proposition de traitement avec l’équipe de chercheurs de l’École de Conservation du Danemark
161
VI.
NOUVELLES RENCONTRES AVEC DES SPÉCIALISTES APRÈS RÉSULTATS DES ANALYSES 163
VII.
PROPOSITION FINALE DE TRAITEMENT
165
1. Dépoussiérage 2. Établir la carte des zones à restaurer 3. Remise en forme des parties repliées du support 4. Consolidation de la couche picturale 5. Consolidation des déchirures et réintégration des lacunes
166
6. Conservation
VIII. RAPPORT DE TRAITEMENT
167
IX.
183
CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE
18
184
D. BIBLIOGRAPHIE I. Bibliographie partie histoire de l’art II. Bibliographie étude technico-scientifique III. Bibliographie partie conservation-restauration
E. ANNEXES
186
189 191
195
I. Annexe partie scientifique 1. Dossier photographique pour chaque spot test a. Ferric spot test
196
b. Vanillin spot test
198
c. Acid butanol spot test
200
d. Rhodanine spot test
202
e. Nitrous acid spot test
204
f. Spot test pour le tannage minéral
206
II. Annexes partie restauration
207
1. Constats détaillés pour chaque marionnette (1, 2, 3 et 4) 2. Compte rendu détaillé des deux rencontres avec les conservateurs-restaurateurs
250
3. Résultats détaillés des analyses FTIR
258
a. Analyse des fibres b. Analyse des pigments
263
c. Courbes de références
289
4. Fiche technique
III. Liste des fournisseurs
292 298
Précision : ce mémoire est conforme à l’orthographe rectifiée prônée par l’Académie française en 1990 (ile, maitre… bruler, aout… tanin… à priori… cent-dix-huit… relèvent par exemple de ces rectifications orthographiques recommandées). 19
AVANT-PROPOS Le choix de notre sujet de mémoire a été guidé par la recherche d’objets atypiques, appartenant à un univers particulier. Après avoir effectué des recherches dans différents musées dont les thématiques comprenaient la magie, le jouet ou la marionnette, nous avons eu l’opportunité d’avoir accès à la collection particulière de marionnettes de théâtre d’ombres javanaises de monsieur François Renaux. Parmi un grand nombre de marionnettes, nous avons choisi quatre ombres qui en raison de certaines particularités (couleur, aspect, taille, forme) nous semblaient intéressantes et formaient un corpus de recherche cohérent. Il s’agit de marionnettes de wayang kulit qui représentent des chevaux. Si nous nous sommes orientés vers les marionnettes de théâtre d’ombres javanaises, c’est qu‘elles réunissaient ce que nous cherchions : -
Un objet de jeu qui permette une expression artistique et littéraire.
-
Un objet empreint de magie, chargé d’une énergie spirituelle très importante.
-
Un objet à caractère ethnographique, à l’empreinte culturelle et historique très forte, témoignant d’un vécu et d’un pays qui nous étaient inconnus.
Quant aux partis pris et au principe de restauration adopté, ils reposent sur le respect des réparations autochtones et des valeurs intrinsèques aux marionnettes. Nous avons, en effet, choisi de nous inscrire dans le cadre d’une restauration ethnographique, c’est-à-dire en intervenant un minimum, uniquement sur les zones qui présentaient un danger pour la bonne conservation des objets, et en conservant toutes les anciennes réparations.
20
RÉSUME INTRODUCTIF GENERAL Nous nous sommes consacrés dans ce mémoire à l’étude de quatre marionnettes de théâtre d’ombres javanaises. Celles-ci sont en peau, elles sont peintes et ornées d’une grande variété de couleurs et de dorures, recto verso. Leur nom d’origine est wayang kulit (ombre en cuir). Ce mémoire s’articule autour de trois parties : une étude d’histoire de l’art, une étude technicoscientifique et une partie conservation-restauration. La présentation historique débute par une étude sur l’origine du théâtre d’ombres (ou wayang kulit) indonésien, origine encore incertaine puisque trois thèses s’affrontent : ce théâtre pouvant être d’origine indienne, chinoise ou locale. Il s’agira ensuite de retracer l’évolution historique du théâtre d’ombres javanais, tout d’abord ancré dans une société hindouiste et bouddhiste, puis dans la société musulmane. Puis nous rendrons compte de la spécificité du wayang kulit à Bali et du rayonnement du wayang kulit dans le monde. Il sera également question du répertoire, très codifié, du théâtre d’ombres javanais — et donc des grandes épopées indiennes du Mahabharata et du Ramayana, ainsi que des mythes locaux — et des différents types de représentation et de leurs spécificités (on distingue les représentations de nuit, appelées wayang peteng, des représentations de jour, que l’on nomme wayang lemah). Nous avons ensuite choisi de consacrer un chapitre à l’homme qui manipule les marionnettes, l’ombriste ou Dalang. Nous parlerons de sa formation, de son rôle spirituel. Une description précise du déroulement d’une cérémonie, et de tous les rites religieux qui entourent un spectacle d’ombres sera proposée, ce qui nous amènera notamment à évoquer l’accompagnement musical (le gamelan) qui n’est pas sans importance. Pour finir, nous nous intéresserons au public, à son implication et à l’importance du théâtre d’ombres dans la vie des Javanais. À l’issue de cette partie, nous pourrons réellement comprendre l’importance de la dimension sacrée du wayang kulit. L’analyse iconographique, quant à elle, est centrée sur le rôle, très important dans la culture asiatique, de la couleur et son symbolisme. L’analyse plastique et matérielle, pour sa part, rend compte de la technique de fabrication, particulièrement codifiée, de ce type d’objet. Le Tukang wayang (le fabricant de marionnettes) procède, en effet, selon une technique ancestrale. Aucune fantaisie ni aucun changement ne sont possibles : toute nouvelle marionnette est la fidèle reproduction d’une marionnette traditionnelle. Faute de points de repère — les marionnettes étant finalement intemporelles puisqu’elles sont toujours reproduites à l’identique —, une datation de nos marionnettes reste difficile à établir. L’étude technico-scientifique s’est portée sur l’analyse de la fiabilité des spots tests pour le tannage du cuir. Elle est en relation directe avec les tests que nous devions réaliser sur les marionnettes en vue de leur restauration. Avant toute chose, nous avons défini précisément ce que sont le cuir, les tanins et les spots tests. Puis nous avons précisé les objectifs de l’expérience ainsi que le protocole expérimental : nous avons expérimenté cinq spots tests pour le tannage végétal, qui détectent la présence d’un tannage végétal, puis plus particulièrement la présence d’un tanin condensé ou hydrolysable, et deux spots tests pour le tannage minéral, qui détectent la présence de chrome. L’analyse des résultats a permis de constater que les spots tests permettant de détecter et d’identifier le tannage végétal du cuir manquent de fiabilité. 21
Si ces tests permettent d’obtenir certaines indications quant au tannage et au tanin utilisé, on ne peut cependant être sûr de leurs résultats. En aucun cas, on ne peut considérer qu’ils pourraient remplacer des tests plus poussés. L’interprétation des réactions colorées des spots tests pour les échantillons de cuir ancien étant parfois difficile, force est de reconnaitre que, dans la conservation-restauration, le champ d’utilisation des spots tests pour le tannage végétal du cuir semble relativement restreint, puisqu’ils s’avèrent peu fiables sur les cuirs anciens. Or c’est, généralement, ces cuirs qui sont restaurés. La première phase de ce travail de conservation-restauration a débuté par un constat d’état, une étude approfondie des marionnettes, afin d’en avoir une connaissance précise. Ce constat d’état effectué, nous avons mené une réflexion sur les réparations autochtones présentes sur les marionnettes, et nous avons élaboré un protocole de traitement. Ce premier protocole, ainsi que les marionnettes, ont été soumis à l’œil averti de plusieurs spécialistes, tout au long de ces deux années de recherche, afin de bien comprendre les différentes facettes et tous les enjeux de cette restauration. C’est, dans le cadre d’un stage que nous avons pu effectuer au Danemark, à l’École de Conservation de Copenhague, que nous avons procédé à l’identification des matériaux constituant nos marionnettes. Ce stage nous a, en effet, offert l’opportunité d’étudier en profondeur la dégradation du cuir et les différents procédés permettant d’analyser le degré d’altération de la peau. Nous avons également pu réaliser des tests sur les pigments, sur les particules dorées et sur les liants qui composent la couche picturale. Les résultats de ces analyses ont été soumis à l’équipe de recherche de l’École de Conservation de Copenhague avec laquelle nous avons travaillé. À l’issue de ces réunions, nous avons été amenés à remanier notre proposition de traitement. Toutes les modifications apportées au premier protocole ont permis de mettre en place un protocole de traitement, cette fois définitif, et d’envisager un principe de restauration ethnographique, qui permette de préserver les quatre marionnettes de wayang kulit, tout en respectant leurs valeurs et leur intégrité.
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INTRODUCTION GÉNÉRALE
Ce mémoire est consacré à l’étude de quatre marionnettes de théâtre d’ombres javanaises. Ce sont des marionnettes de wayang kulit, c’est-à-dire qu’elles sont en peau, qu’elles sont peintes recto verso et que, si elles sont authentiques, elles ont été créées pour le répertoire du théâtre d’ombres et ont appartenu à un Dalang, un maitre ombriste, qui les a manipulées, à l’occasion de cérémonies, lors des représentations de wayang kulit. Cette recherche s’articule autour de trois axes : une première partie dont l’enjeu essentiel est de préciser le contexte historique et culturel, une seconde partie, scientifique, et une dernière partie, quant à elle, consacrée à la conservation-restauration. Une partie historique était nécessaire, car le théâtre d’ombres, les marionnettes et leur symbolisme sont le fruit d’une tradition millénaire qu’il nous fallait retracer dans ses grandes lignes. Il sera essentiellement question de marionnettes à forme humaine (humains, démons et dieux), alors que nous aurions aimé, dans le cadre de cette recherche historique, nous intéresser également aux marionnettes représentant des objets, des végétaux et également des animaux puisque le corpus retenu pour la restauration est constitué de chevaux. Mais malgré nos efforts, nous n’avons rien trouvé au sujet de ces marionnettes non humaines, dont il n’est jamais question dans la littérature, celles-ci étant considérées comme moins importantes1 que les marionnettes à forme humaines. Pour ce qui est de l’analyse iconographique, nous nous sommes centrés sur l’étude de la symbolique des couleurs, très importante dans la culture asiatique. Quant à l’analyse plastique et matérielle, elle rend compte de la technique de fabrication, une technique particulièrement codifiée pour ce type d’objet. La seconde partie, une étude technico-scientifique, porte sur l’évaluation de la fiabilité de certains spots tests permettant de déterminer si un cuir a été tanné. Cette étude est en relation directe avec les tests préalables qu’il nous faudra réaliser avant d’envisager toute restauration de nos marionnettes. En effet, pouvoir identifier les matériaux en présence nous semblait important, il fallait savoir si la peau des marionnettes avait subi un tannage ou non. C’est pourquoi nous avons expérimenté cinq spots tests qui détectent la présence d’un tannage végétal, et plus particulièrement la présence d’un tanin condensé ou hydrolysable, et deux spots tests pour le tannage minéral qui décèlent la présence de chrome. L’évaluation de la fiabilité des spots tests ne concerne cependant que les spots tests pour le tannage végétal, car étant donné la dangerosité des produits utilisés dans le cadre des spots tests pour le tannage minéral, ces tests n’ont pas pu être répétés. La partie conservation-restauration est construite de manière chronologique, elle rend compte, au fur et à mesure de nos recherches et analyses, de l’avancée de nos connaissances sur ces marionnettes et des décisions que nous avons prises pour leur restauration. La première phase de ce travail de conservation-restauration a débuté par l’élaboration de constats d’états des marionnettes afin d’en avoir une connaissance précise. Ces constats d’états effectués, nous
1 Hormis l’arbre de vie (arbre sacré stylisé), une des marionnettes les plus importantes du spectacle d’ombres (cf. II. 5. c. Description d’une cérémonie, i. La préparation) 23
avons élaboré un protocole de traitement. Ce premier protocole, ainsi que les marionnettes, ont ensuite été soumis à l’œil averti de plusieurs spécialistes. Puis, dans le cadre d’un stage effectué au Danemark, à l’École de Conservation de Copenhague, nous avons procédé à l’identification des matériaux constituant nos marionnettes (peau, pigment, liant, dorure) et nous avons pu évaluer le degré de dégradation de la peau. Les résultats de ces analyses ont été soumis à l’équipe de recherche de l’École de Conservation de Copenhague avec laquelle nous avons travaillé. À l’issue de ces réunions, nous avons été amenés à remanier notre proposition de traitement. Une fois rentrés en France, nous avons une nouvelle fois consultés des spécialistes au sujet de cette proposition de traitement, ce qui a encore généré des modifications et a permis de mettre en place un protocole de traitement cette fois définitif, que nous avons pu appliquer sur nos marionnettes.
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HISTOIRE DE L’ART
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A. ÉTUDE D’HISTOIRE DE L’ART
I. INTRODUCTION
II. ANALYSE HISTORIQUE 1. L’origine du théâtre d’ombre indonésien a. La thèse de l’origine indienne b. La thèse de l’origine locale c. La thèse de l’origine chinoise 2. L’évolution du théâtre d’ombre javanais a. La période hindouiste et bouddhiste b. Le wayang dans une société musulmane c. Le wayang kulit à Bali et dans le monde 3. Le répertoire du théâtre d’ombre javanais a. Les grandes épopées indiennes i. ii.
Le Mahabharata Le Ramayana
b. Les mythes locaux 4. Les différents types de représentation a. Les représentations de nuit : wayang peteng b. Les représentations de jour : wayang lemah 5. L’ombriste ou Dalang a. La formation du Dalang b. Le rôle spirituel du Dalang c. Description d’une cérémonie i.
La préparation
ii.
Le gamelan
iii.
Le spectacle
iv.
La clôture de la cérémonie
6. L’implication du public 26
III. ANALYSE ICONOGRAPHIQUE
1. L’importance de la couleur et son symbolisme 2. Description de nos quatre marionnettes
IV. ANALYSE PLASTIQUE
1.
Description matérielle de ces six marionnettes : dimensions, épaisseur, montage
2. Le fabricant d’ombre ou Tukang wayang 3. Une fabrication traditionnelle a. Le choix et la préparation de la peau b. Le dessin c. Le découpage de la peau, les ciselures d. La peinture e. Le vernissage f. Le montage
V. ÉVALUATION D’UNE DATATION
VI. CONCLUSION
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Comme toute culture magique que des hiéroglyphes appropriés déversent, le vrai théâtre a aussi ses ombres ; et, de tous les langages et de tous les arts, il est le seul à avoir encore des ombres qui ont brisé leurs limitations. Et dès l’origine, on peut dire qu’elles ne supportaient pas de limitation. Notre idée pétrifiée du théâtre rejoint notre idée pétrifiée d’une culture sans ombre, et où de quelque côté qu’il se retourne notre esprit ne rencontre plus que le vide, alors que l’espace est plein. Mais le vrai théâtre parce qu’il bouge et parce qu’il se sert d’instruments vivants, continue à agiter des ombres où n’a cessé de trébucher la vie. L’acteur qui ne refait pas deux fois le même geste, mais qui fait des gestes, bouge, et certes il brutalise des formes, mais derrière ces formes, et par leur destruction, il rejoint ce qui survit aux formes et produit leur continuation. Le théâtre qui n’est rien, mais se sert de tous les langages : gestes, sons, paroles, feu, cris, se retrouve exactement au point où l’esprit a besoin d’un langage pour produire ses manifestations. Et la fixation du théâtre dans un langage : paroles écrites, musique, lumières, bruits, indique à bref délai sa perte, le choix d’un langage prouvant le goût que l’on a pour les facilités de ce langage ; et le desséchement du langage accompagne sa limitation. Pour le théâtre comme pour la culture, la question reste de nommer et de diriger les ombres : et le théâtre qui ne se fixe pas dans le langage et dans les formes, détruit par le fait les fausses ombres, mais prépare la voie à une autre naissance d’ombres autour desquelles s’agrège le vrai spectacle de la vie.
ARTAUD Antonin Le théâtre et son double. France, Gallimard, 2009, p.18
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I. INTRODUCTION
La spécificité culturelle de ces quatre marionnettes de wayang kulit donne nécessairement à la problématique une tonalité historique, problématique que nous pouvons formuler ainsi : Quelle est l’origine du théâtre d’ombres de wayang kulit ? Quelle est son histoire et quelle importance ont, pour les Indonésiens, les traditions et les rituels que ce théâtre d’ombres génère ? Nous allons, tout d’abord, nous intéresser à l’aspect historique du théâtre d’ombres en Indonésie, à ses traditions et à son influence sur le peuple indonésien. Dans un second temps, nous nous attacherons plus spécifiquement au corpus choisi, à ces quatre marionnettes, afin de mener, au travers du symbolisme des couleurs, une étude iconographique. Celle-ci sera suivie d’une étude plastique et matérielle des quatre marionnettes rendant compte des modalités de fabrication des ombres de wayang kulit. La dernière partie aura pour objet, grâce à toutes les informations recueillies dans les trois précédentes, l’évaluation d’une datation.
C’est plus à l’ile de Java que nous nous intéresserons, car ces quatre marionnettes viennent précisément de cette ile, qui est par ailleurs, la plus importante de l’archipel indonésien. C’est aussi l’ile la plus peuplée du monde et elle compte près de 60 % de la population indonésienne. Elle s’étend, en incluant l’ile voisine de Madura que peuplent 136 millions d’habitants, sur 128 300 km2. Quant à la capitale de l’Indonésie, Jakarta, elle se situe à l’ouest de cette ile.
Carte de l’Indonésie
Les ancêtres des Indonésiens sont des Austronésiens qui, vers 3 000 avant J.C., ont quitté les plaines alluviales du littoral de la Chine du Sud. À cette époque, ils pratiquaient la culture du millet, d’où le nom de l’ile, qui viendrait du sanscrit « Javadvipa », l’ile du millet. C’est sous ce nom que l’ile est en effet désignée dans l’épopée indienne du Ramayana. 29
L’Indonésie a de tout temps été au carrefour des grandes civilisations (l’Inde, la Chine), par son rôle de plaque tournante du commerce entre l’Inde et l’Extrême-Orient, et c’est de cela que cet immense archipel tire sa richesse culturelle. Des inscriptions javanaises et des textes arabes montrent : qu’au 9ème siècle, Java, et sans doute d’autres parties de l’Indonésie actuelle, entretenaient des échanges commerciaux avec l’océan Indien et la côte est de l’Afrique. Ainsi un capitaine persan, Ibn Shahriyar, dans son Livre des merveilles de l’Inde, rapporte le témoignage d’un marchand arabe du nom d’Ibn Lakis qui en 945, voit arriver sur la côte du Mozambique “un millier d’embarcations” montées par des Waq-Waq qui viennent d’iles “ situées en face de la Chine” chercher des produits et des esclaves zeng, c’est-àdire zenj, nom sous lequel les arabes désignaient à l’époque les habitants de la côte est de l’Afrique1.
Les arts du spectacle ont toujours été très vivants en Indonésie et plus particulièrement à Java et à Bali. Il en existe une très grande variété, celle-ci va des danses masquées (wayang topeng) au théâtre d’ombres (wayang kulit et wayang klitik) en passant par le spectacle de marionnettes en bois (wayang golek). On dénombre plusieurs types de théâtre d’ombres. Ce qui les différencie, ce sont les matériaux dans lesquels les marionnettes sont fabriquées. Pour ce qui est du théâtre d’ombres de wayang kulit, il s’agit de marionnettes découpées dans des peaux d’animaux. Pour ce qui est du théâtre d’ombres de wayang klitik, en revanche, ce sont des silhouettes réalisées dans des planchettes de bois. Le Wayang klitik est, cependant, de moins en moins courant. C’est, en effet, le Wayang kulit qui, de nos jours, est le théâtre d’ombres le plus répandu et le plus populaire dans tout l’archipel indonésien2.
Le mot wayang serait un dérivé de deux mots : « yang, eyang, hyang » (ce qui réfère aux ancêtres et aux divinités) et « bayang » (qui signifie ombre). Quant à « Kulit », cela veut dire cuir. Il n’est pas inutile d’attirer l’attention sur le fait que la forme dérivée du mot « wayangan » n’a pas pour seule signification « ombre », elle signifie également « image d’ombre ». Aussi, la marionnette elle-même représente-t-elle toujours la matérialisation de la silhouette d’un fantôme d’un des ancêtres de Java. Contrairement à l’image du théâtre de wayang kulit qu’en ont les occidentaux, pour les Indonésiens, les marionnettes ne sont pas des objets, ce sont de véritables incarnations, des acteurs3 à part entière. D’ailleurs, depuis la fin du 19ème siècle, des histoires traditionnellement jouées par les marionnettes sont aussi incarnées par des acteurs vivants, ces productions sont 1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Austronésiens 2 MELLEMA, R. L. Wayang Puppets : carving, colouring, symbolism. Amsterdam : Royal Tropical Institute, Department of Cultural and Physical Antropology, No 48, 1954, p. 5-6 3 B. M. GOSLINGS. De Wayang op en Bali. Amsterdam, 1939, p.88. 30
appelées « wayang wong » ou « ringgit tiyang », ce qui signifie, littéralement, ombres humaines. Le théâtre d’ombres est un art et un rite présent en Indonésie depuis près de deux-mille ans qui est chargé d’une importante valeur mythicoreligieuse. Aujourd’hui encore, le wayang kulit est l’incarnation d’un héritage culturel très fort en Indonésie et, de nos jours, il représente même, pour les Indonésiens, un désir de perpétuer une histoire qui leur est propre.
31
II. ANALYSE HISTORIQUE
1. L’origine du théâtre d’ombres indonésien
L’origine du théâtre d’ombres en Indonésie reste assez mystérieuse, plusieurs hypothèses ont été émises à ce sujet. La plupart des chercheurs s’accordent cependant sur le fait que le théâtre d’ombres s’est développé à partir d’un endroit précis en Asie (Inde, Chine) pour ensuite se disséminer sur le continent asiatique et finalement atteindre l’Indonésie. Les débats sont, en revanche, nombreux dès lors qu’il s’agit de déterminer le point d’où est parti ce mouvement de propagation du théâtre d’ombres. Certains parlent de l’Inde, ou de la Chine, d’autres sont plutôt partisans d’une origine locale, le théâtre d’ombres découlant d’un ancien culte aux ancêtres qui existait en Indonésie avant l’arrivée de l’hindouisme. Dans la mesure où le théâtre d’ombres couvre pratiquement tout le continent asiatique, de la Turquie (et de la Grèce, par héritage ottoman) à l’Extrême-Orient, affronter le complexe et épineux problème de l’origine de cette forme de théâtre n’est pas simple. Il nous a néanmoins semblé important d’évoquer les différentes hypothèses émises jusqu‘à aujourd’hui.
a. La thèse de l’origine indienne
Nombreux sont les historiens qui pensent que c’est par les Indiens que les marionnettes ont été introduites en Indonésie. L’aire de diffusion indonésienne du spectacle d’ombres s’étend, en effet, sur deux régions qui ont eu des contacts plus ou moins proches et longs avec la culture indienne, les iles de Java et de Bali. Cette thèse s’appuie également sur le fait que le répertoire utilisé est globalement d’origine hindoue. En effet, comme le théâtre d’ombres indien, le wayang kulit exploite les grands textes hindous que sont le Mahabharata (qui veut dire grand royaume) et le Ramayana. Ainsi, par les personnages qu’il met en scène, mais surtout par les dieux hindous qui interviennent pendant le spectacle (Shiva, Vishnou, Krishna…), le théâtre d’ombres indonésien s’inscrit-il dans un contexte typiquement hindou. De même, c’est par un ombriste appelé « Dalang » que les ombres sont animées, or celui-ci est considéré par la population comme une incarnation d’un dieu hindou. Cette théorie, cependant, se fonde avant tout sur ce constat : le théâtre d’ombres, en Asie, n’apparait que dans des pays ayant subi une influence directe de l’Inde et donc de l’hindouisme. Le théâtre d’ombres serait donc arrivé dans l’archipel en même temps que la vague d’hindouisation au début de notre ère, il se serait propagé à toute l’Indonésie, en s’intégrant très progressivement aux coutumes locales, tout en conservant ses spécificités hindoues. Quant aux hypothèses qui sont émises à propos de l’itinéraire qu’aurait suivi le théâtre d’ombres depuis l’Inde, elles sont au nombre de deux. Le théâtre d’ombres aurait été introduit par les commerçants et les colonisateurs indiens venus s’installer en Indonésie, ou, serait passé de 32
l’Inde à l’Indonésie en traversant l’Asie du Sud-Est où aujourd’hui encore les théâtres d’ombres sont très vivants. On peut, pour corroborer cette hypothèse, noter une ressemblance assez importante entre ombres indiennes et ombres indonésiennes. Bien que les ombres indonésiennes soient beaucoup plus ornementées, la technique de fabrication reste la même. Toutes deux semblent être en cuir séché et découpé, toutes deux ont une tige en bois ou en os qui leur permet de se tenir droites. Soulignons, pour finir, qu’en Indonésie, le mythe de l’origine du théâtre d’ombres (consigné en vieux javanais sur un manuscrit en feuilles de palme appelé Siwagama) est hérité de la tradition indienne. Ce mythe, tiré d’un texte indien rédigé en sanscrit, raconte comment le théâtre d’ombres a été créé. En voilà un résumé4 : Le dieu Shiva et sa parèdre Uma, maudits du monde des dieux, furent envoyés sur terre sous la forme de démons. Uma prit alors la forme de Durga et donna naissance à de nombreux petits démons difformes dont Shiva était le père. Fort ennuyés, les dieux Brahma, Vishnou et Ishwara, au lieu de calmer les démons en redonnant leur forme originelle à Shiva et Uma, décidèrent de fabriquer des marionnettes (ombres) et de donner une représentation de théâtre d’ombres sur terre. Ishwara devint alors le Dalang, Brahma, la lampe, et Vishnou, les instruments de musique. Dans un premier temps, ils n’eurent pas de succès, mais Shiva et Uma tinrent finalement compte du message émanant du spectacle et reprirent leur ancienne forme. À la lecture de ce mythe, on saisit mieux le rôle sacré que joue le théâtre d’ombres dans l’hindouisme. Le Dalang et le spectacle permettent, en effet, de mettre en contact les dieux et les humains. Ce rôle de chamane du Dalang (pendant le spectacle, celui-ci devient l’incarnation du dieu Ishwara, ou Kama) serait, selon cette hypothèse, hérité de l’Inde ancienne.
b. La thèse de l’origine locale
Certains spécialistes attribuent l’origine du théâtre d’ombres indonésien à des cultes locaux qui existaient sur l’archipel bien avant l’arrivée de l’hindouisme. C’est dès le début des recherches sur le wayang kulit, à la fin du 19ème siècle, que cette hypothèse est apparue. Pour défendre le fait que le wayang kulit serait issu d’un culte aux ancêtres indigènes préexistant à l’hindouisme, certains évoquent un rituel pratiqué sur des statuettes de pierre. Peu à peu, ces statuettes auraient été remplacées par des figures découpées dans du cuir et, avec l’arrivée de la culture indienne, les ancêtres auraient été assimilés aux grands héros des épopées hindoues. Cette thèse s’appuie également sur l’étymologie du terme « wayang », que nous avons évoquée en introduction, et sur le fait que ce mot désigne, dans l’un de ses emplois, un être flottant 4
Halkin Emmanuelle.Le théâtre d’ombre à Bali « Wayang Kulit «.http://akbar.free.fr/theatre.htm 33
dans l’air, tel un fantôme, ce qui accréditerait cette théorie selon laquelle le théâtre d’ombres trouverait sa source dans un culte indigène, dédié aux ancêtres. D’autres spécialistes associent plutôt l’origine du théâtre d’ombres à d’anciens rites d’initiation réalisés au moment de la puberté. Ces rites devaient être effectués par les jeunes hommes et femmes afin de pouvoir se marier. Par ailleurs, l’hypothèse d’une origine locale se fonde sur une analyse du vocabulaire utilisé dans le wayang kulit. En effet, l’étude précise que tous les termes techniques du théâtre d’ombres montre que les mots utilisés sont majoritairement d’origine locale. Ceux-ci sont soit en vieux javanais soit en langue balinaise, et seulement très rarement en sanscrit. Il s’agit là d’un argument important en faveur d’une origine indigène : si le théâtre d’ombres était directement issu d’Inde, le vocabulaire technique utilisé dans le wayang kulit serait, si ce n’est uniquement, du moins essentiellement constitué de mots d’origine sanscrite. Autre particularité du wayang kulit, qui confirme l’origine indigène, la présence pendant les représentations de quatre clowns-serviteurs Tvalèn, Dèlem, Vridah et Sanut, dont le rôle est d’animer le spectacle, de le rendre plus vivant. Or ces clowns sont absents du théâtre d’ombres indien. Ils seraient, en effet, d’essence mythologique et issus de l’ancienne religion animiste, présente en Indonésie avant l’hindouisation de l’archipel. Enfin, dernier élément pouvant conforter cette thèse d’un culte préhindou, la dimension d’exorcisme qui transparait dans certaines représentations. Ce serait, là
Marionnettes des clowns serviteurs.
encore, des survivances de cultes anciens, chamaniques. Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
c. La thèse de l’origine chinoise
La thèse de l’origine chinoise du théâtre d’ombres est une des premières à avoir été émise. Cela tient au fait que les ombres chinoises ont été les premières à être connues en Occident, et qu’elles sont à l’origine du théâtre d’ombres en Europe. L’occident a donc longtemps attribué la naissance du théâtre d’ombres à la Chine. Selon cette hypothèse, le théâtre d’ombres serait parti de Chine pour aller vers l’Inde puis vers l’Indonésie. Mais une autre voie est possible, celle qui l’aurait amené en Indonésie après avoir traversé toute l’Asie du Sud-Est. Selon cette hypothèse, le théâtre d’ombres aurait été apporté en Indonésie par les marchands chinois venus commercer dans le pays (on sait par les annales 34
chinoises qu’il existait des relations très étroites entre la Chine et les nombreux royaumes indonésiens). D’autres points peuvent, il est vrai, accréditer cette thèse : la présence, dans le théâtre d’ombres chinois, de clowns-serviteurs comme dans le wayang kulit indonésien, et l’utilisation de cuir pour réaliser les marionnettes. Cependant, cette hypothèse a rapidement été abandonnée, car on a découvert que coexistaient, en Indonésie, des spectacles d’ombres chinoises (wayang tionghoa), et des spectacles d’ombres indonésiennes. Les ombres chinoises sont en cuir, et on utilise, comme pour le spectacle indonésien, un écran. Cependant, le répertoire, le style des marionnettes et la musique demeurent chinois. Ce qui prouve que si les communautés chinoises se sont bien installées en Indonésie pour faire du commerce, leurs traditions ne se sont pas du tout intégrées à la culture locale (contrairement aux traditions indiennes). Et, en effet, les communautés chinoises en Indonésie sont très peu intégrées, elles vivent, que ce soit à Java, à Bali ou à Sumatra, en retrait de la société. Ces spectacles d’ombres chinoises sont donc avant tout destinés aux membres de la communauté chinoise.
2. L’évolution du théâtre d’ombres javanais5
a. La période hindouiste et bouddhiste Le wayang kulit est joué depuis plus de mille ans sur les deux iles d’Indonésie : Bali et Java. L’influence de l’Inde s’est ressentie dès les premiers siècles de l’ère chrétienne : des hindous fuyant sans doute les persécutions s’y réfugient et imposent leur croyance et leur organisation. Depuis le 5ème siècle, les iles indonésiennes ont donc vu l’apparition et l’expansion de petits royaumes hindouistes et bouddhistes. Les sources les plus anciennes qui témoignent de l’apparition des jeux de marionnettes sont des inscriptions en sanscrit et en vieux javanais — taillées dans la pierre, sur des piliers ou sur des disques de cuivre — du roi Hariwangsottungadewa, dirigeant du centre de Java. On retrouve par exemple, en l’an 840, la trace d’une célébration, pour l’inauguration d’un complexe religieux, accompagnée d’évènements de musique, de danse, de théâtre et de spectacles de marionnettes. On sait également qu’une représentation de théâtre d’ombres a été donnée en 907 dans le centre de Java et qu’on y a joué une pièce intitulée « Bimaya Kumara » qui retrace l’histoire d’un héros hindou appelé Bima. Cette pièce prouverait que le théâtre d’ombres a d’abord existé à Java pour ensuite arriver à Bali vers le 11ème siècle. Durant toute la période javanaise hindouiste et bouddhiste, qui s’étend jusqu’au 15ème siècle, on trouve ainsi des références aux jeux de marionnettes, grâce à des inscriptions commandées par les dirigeants de l’époque. À noter que seule la famille royale pouvait bénéficier de ces spectacles (exception faite pour les communautés religieuses ayant reçu l’agrément royal). 5 Slovene Ethnographical Museum. From the Land of the Shining Sun and the Moon Shadows : The bebler Indonesian Collection of the Slovene Ethnographical Museum. Tskarna Ljabljana, 1998. 35
b. Le wayang dans une société musulmane
Au 15ème siècle, l’hindouisme et le bouddhisme disparaissent peu à peu à Java, au profit de l’islam. On sait que, dès le 12ème siècle, des commerçants musulmans apparaissent. Ceux-ci sont autorisés, par les dirigeants locaux, avec leur communauté et leurs dirigeants religieux, à rester au niveau des régions côtières, loin des centres religieux hindouistes et bouddhistes. Avec le déclin de l’hindouisme et du bouddhisme, les communautés musulmanes prennent de l’ampleur et finalement les musulmans obtiennent le pouvoir et fondent des sultanats. Le premier sultanat connu prend place à Demak, sur la côte nord de Java, en 1500. D’autres suivent : Bonang, Kudus, Japara… L’est et l’ouest de Java sont islamisés en 1568. À partir de ces centres, tout l’intérieur des terres de Java est islamisé. Les nouveaux dirigeants musulmans ne renient pas ce passé hindouiste et bouddhiste, ainsi musique, théâtre et jeux de marionnettes se perpétuent. L’Islam arrivé à Java était probablement un Islam à caractère soufi, c’est pourquoi l’assimilation à la culture javanaise, animiste, s’est faite assez facilement6. Comme avant, les mêmes histoires indiennes sont jouées ; le pouvoir utilise cependant les performances des marionnettes comme un moyen de propagande pour l’Islam. Les Dalangs itinérants, traversant la région pour convertir à la nouvelle religion, ont donc certainement joué un rôle dans l’introduction de l’Islam à Java. Une légende raconte que par souci d’orthodoxie religieuse, les sultans supprimèrent les gamelans (orchestres des spectacles de wayang). Mais, les conversions à l’islam ne progressant pas, ils décidèrent de les réintégrer et de les faire jouer dans les mosquées. C’est ainsi qu’ils attirèrent les Javanais dans les lieux de culte et multiplièrent les conversions7. Durant cette période musulmane, les marionnettes évoluent. Des preuves formelles de l’utilisation du cuir dans la fabrication des marionnettes ont été découvertes sous le règne du Roi de Demak, Raden Patah (1500-1550). On pense cependant que le wayang utilisait le cuir pour fabriquer les marionnettes depuis longtemps déjà. Il semble, par ailleurs, que ce soit sous le règne de ce Roi de Demak, Raden Patah, que la standardisation de la fabrication des marionnettes se soit faite. Sous son règne est introduite la manière de travailler la peau, les ciselures du cuir 8.
Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
6 VAN NESS, Edward C., PRAWIROHARDJO, Shita. Javanese Wayang kulit : an introduction. New-York : Oxford University Press, 1980, 95 p. 7 BERDOT, Jean-Louis. Ramayana : Des hommes, des Dieux et le singe blanc. La sept : KS Visions, 1990, VHS : couleur, 54 min. 8 idem 36
Au cours du 16ème siècle, les sultans induisent également des modifications dans l’apparence des figures : les cous et les bras deviennent plus longs et plus minces, car cela convient mieux à leurs gouts (ce sont les chroniques du Prince Kusumadilaga, au milieu du 19ème siècle qui font état de ces changements). Plusieurs raisons peuvent expliquer ce que certains considèrent comme une déformation des marionnettes 9. Rappelons tout d’abord que représenter la figure humaine est interdit par l’Islam. C’est ainsi que les marionnettes auraient été déformées, stylisées, afin d’atténuer leurs ressemblances avec le corps humain. On sait aussi, ce qui pourrait être une explication de ces distorsions, que dans la philosophie indienne, les déformations corporelles naturelles sont considérées comme « un signe de bonne fortune ». Mais la cause peut être également purement esthétique : les déformations produisant des effets d’ombres plus fins. De nos jours, les Javanais considèrent que les membres allongés des marionnettes et les autres exagérations qui les caractérisent servent à améliorer l’expressivité des ombres sur scène. Il apparait donc, comme en témoignent les sources historiques, que les dirigeants islamiques ont de tout temps activement contribué au développement du wayang, du gamelan (orchestre accompagnant le wayang kulit, comprenant principalement des instruments de percussion) et à l’édition du répertoire joué 10.
c. Le wayang kulit à Bali et dans le monde Bali n’est pas influencée par le style javanais, l’esthétique et le jeu des marionnettes restent indiens. C’est seulement en 1698 que le prince balinais, Panji Sakti, conquérant d’une partie de l’est javanais, introduit le jeu javanais à sa cour, le genre est appelé wayang Gambuh. Les autres cours balinaises, intriguées, font refaire ces marionnettes et copient les figures. L’ile de Bali est demeurée jusqu’à nos jours profondément hindoue, ce qui explique le fait que son répertoire soit très proche des textes classiques de la littérature sanscrite. Le wayang kulit balinais a donc conservé une forme ancienne, traditionnelle, une de ses formes les plus pures.
La politique d’émigration du gouvernement indonésien s’étant considérablement intensifiée après 1965 (des colonies javanaises vont à l’est de Sumatra, tandis que beaucoup de Balinais migrent au sud de Sumatra et à Sulawi), des marionnettes javanaises et balinaises sont, de nos jours, jouées dans les deux communautés. Par ailleurs, de nombreuses recherches occidentales sur le wayang et la musique d’accompagnement ayant été menées dans la seconde partie du 20ème siècle (particulièrement aux Pays-Bas, en Angleterre, en Allemagne et en Amérique), actuellement, des ensembles 9 CHING EBERT, Chu Fa, RAZ, Jacob. The Realm of the Other : Jesters, Gods and Aliens in Shadowplay. Tel-Aviv : Université de Tel-Aviv, 2004, 348 p. 10 MOERDOWO, R.M. Wayang : its significance in Indonesian society. Udayana, Bali : Udayana University, 1980, 155 p. 37
musicaux sont constitués et des Dalangs européens et américains jouent des répertoires javanais et balinais (intégralement dans leur langue ou partiellement traduits et adaptés aux gouts des audiences de l’Ouest).
Le wayang est donc un art, dont l’histoire est longue et qui n’est pas près de disparaitre.
3. Le répertoire du théâtre d’ombres javanais
a. Les grandes épopées indiennes : le Mahabharata et le Ramayana
En Inde, en Thaïlande, au Cambodge, en Malaisie, à Java et à Bali, le Mahabharata et le Ramayana ne sont pas seulement connus en tant que tradition orale, ils ont également été adaptés à la tradition du spectacle d’ombres. Bien que ces deux grandes épopées indiennes aient dû voyager pour atteindre toutes ces contrées, la structure du récit est restée sensiblement la même. On remarque notamment de grandes similitudes entre les textes joués en Indonésie et ceux joués en Thaïlande. On peut également observer que les caractéristiques des personnages de ces différents pays sont le fruit d’influences mutuelles : on retrouve par exemple de nombreuses ressemblances entre les ombres javanaises et les ombres malaisiennes11.
Les inscriptions anciennes et la littérature classique de Java et de Bali apprennent que les textes principalement joués pour les cérémonies théâtrales sont de caractère hindouiste. On a par exemple retrouvé une inscription sur un plat en cuivre, daté de 907, ayant appartenu au roi Balitung (qui régna sur le centre de Java entre 899-910), qui donne des informations sur le contenu des histoires représentées : il s’agissait de l’histoire de Ghatotkaca, le fils de Bhimas, d’un récit basé sur l’épopée indienne du Mahabharata et du Ramayana. Ces deux épopées indiennes qui traitent des dieux, des rois et des héros indiens ont été introduites à Java et à Bali à l’arrivée de l’hindouisme. Neuf des dix-huit chapitres du Mahabharata sont traduits en kawi entre le 10ème et le 14ème siècle dans l’est de Java. Quant au Ramayana, il est également traduit en kawi au début du 10ème siècle dans le centre de Java, probablement pour un dirigeant local. Le kawi est un vieux javanais, une sorte de sanscrit archaïque qui combine des formes littéraires et familières. Pour les Indonésiens, ces textes ont une valeur très particulière, car ils considèrent le Kawi comme la langue des dieux. C’est pourquoi ces textes sont gardés très précieusement par les familles de hautes castes telles que les Brahmanes et les Kshatriya. Quant au Dalang, il a une connaissance parfaite de ces textes, et c’est de cela d’ailleurs qu’il tient une partie de son prestige. Les Javanais divisent le répertoire du wayang kulit en fonction des textes et des thèmes qui
11 SCOTT-KEMBALL, Jeune. « The kelatan wayang siam shadow puppets ‘Rama’ and ‘Hanuman’ : A comparative study of their structure ». Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, Vol. 59, May 1959, pp. 73-78 38
sont abordés. i.
Le Mahabharata
Le wayang purwa, quant à lui, joue le Mahabharata. C’est de loin le texte le plus apprécié des Javanais, et donc le plus utilisé dans le théâtre d’ombres. Ce texte est intéressant par la diversité des sujets qu’il aborde et par la multiplicité de ses personnages. La grande majorité des collections d’ombres est d’ailleurs basée sur ce cycle. La rédaction de cette très longue épopée s’est déroulée en Inde entre le 3ème siècle av. J.-C. et le 4ème siècle après J.-C. Il s’agit d’une œuvre essentielle qui a marqué la naissance de l’hindouisme tel qu’on le connait aujourd’hui. Le Mahabharata est attribué au sage indien Biasa. Cependant étant donné la longueur du texte, ce dernier n’a dû rédiger qu’une petite partie de l’ensemble. Ce texte compte, en effet, dix-huit volumes appelés Parwa. Seuls neuf volumes sont connus à Java. L’intrigue du Mahabharata est basée sur le conflit entre deux clans voisins vivant dans la cité de Nastina : les frères Pandava, considérés comme les représentants du bien, et les frères Kaurava, qui incarnent le mal. Ce récit se déroule dans les environs de New Delhi aux alentours du 9ème siècle av. J.-C. Les Kauravas réussissent à faire exiler les Pandavas à l’issue d’une partie de dés qu’ils gagnent. Mais après avoir vécu douze ans dans la forêt, les frères Pandava tentent de reprendre le pouvoir sur leur royaume. Le récit atteint son paroxysme lors de la grande bataille (Bharatayuddha) qui durera dix-huit jours12. Le dieu Krishna (incarnant Vishnou dans sa forme terrestre) prend le parti des Pandavas et se fera cocher du grand Pandava nommé Arjouna. Les frères Pandava sortent victorieux de ce combat et retrouvent leur trône. L’aspect épique, les nombreux rebondissements plaisent énormément aux spectateurs. Le récit est ponctué de combats, de scènes dramatiques et d’interventions divines et la représentation est très animée. Lorsque le wayang purwa est joué, la scène est divisée en deux parties symbolisant le bien et le mal, les Pandavas sont à la droite de l’ombriste et les Kauravas sont à sa gauche. Les Pandavas sont considérés comme plus purs et plus respectueux de la loi du Dharma Pawayangan (le grand traité sur le théâtre d’ombres), alors que les Kauravas passent pour des méchants et ne pensent qu’aux biens matériels. Bien que les effets soient très contrastés, on trouve cependant, dans chacun de ces groupes, des personnages plus ambigus. C’est le premier volume de l’épopée (« l’Adiparwa ») qui est considéré comme la partie la plus sacrée du récit, et même, de la littérature classique en général. L’Adiparwa raconte la naissance de ces deux tribus, les Kauravas et les Pandavas, mais il nous éclaire surtout sur la genèse du monde et sur la création des dieux et des démons ; c’est d’ailleurs ce récit des origines qui 12 Rappelons que nos marionnettes sont des chevaux et que celles-ci ont pu être manipulées dans le cadre du Mahabharata lors des grandes chevauchées et des batailles épiques. 39
confère à l’Adiparwa une résonnance sacrée. C’est également en raison de son caractère sacré que l’Adiparwa n’est presque exclusivement joué que lors des représentations de jour. ii.
Le Ramayana
Tant que la rivière coulera, tant que la montagne se dressera, le Ramayana existera. Proverbe javanais Le wayang Ramayana, pour sa part, joue le Ramayana. C’est le second répertoire le plus utilisé. Ce texte est originaire d’Inde, il a été écrit à la même époque que le Mahabharata, par un sage et poète, appelé Valmiki. Le répertoire du wayang Ramayana s’inspire d’un texte javanais appelé Hikayat Seri Rama qui date des environs du 10ième siècle. Cette version javanaise prend son inspiration dans le texte source, indien, mais certains passages ont été quelque peu modifiés. Bien que ce répertoire soit très apprécié en Inde, il est plus rarement joué à Java. L’histoire raconte les aventures de la belle Sita et de son époux Rama, qui est en fait un avatar du dieu Vishnou. Le démon Ravana qui vit sur l’ile de Lanka succombe au charme de la belle Sita, il décide alors de l’enlever. Après avoir lutté contre de nombreux démons, Rama réussit, avec l’aide de l’armée des singes et surtout d’Hanouman (le dieu singe), à vaincre le terrible Ravana et à récupérer sa très belle épouse Sita. C’est un récit plus féminin, moins violent, une épopée fantastique, plus spirituelle.
Il est important, pour conclure, de souligner que ces deux grands textes ont introduit avec eux les principes fondamentaux de la culture indienne. Ils seront, par exemple, à l’origine des castes, qui, encore aujourd’hui, hiérarchisent la société. Ils apporteront le sanscrit, la langue sacrée, et fonderont une nouvelle religion, basée sur des textes sacrés et de nouveaux dieux. Ces textes sacrés, en effet, ont été révélés aux hommes par les dieux. À Java, beaucoup de principes islamiques ont été intégrés au Mahabharata et au Ramayana, de sorte que pour les musulmans, ces deux légendes ont une valeur morale13.
b. Les mythes locaux
Dans le répertoire du wayang kulit, figurent également des mythes originaires de Bali et de Java. Certains sont restés dans leur état premier tandis que d’autres ont été influencés par l’hindouisme ou par l’islam. Ces mythes sont, cependant, rarement utilisés par le Dalang, d’une part, parce qu’ils nécessitent des ombres particulières que tous les Dalangs n’ont pas et, d’autre part, parce que certains de ces mythes sont censés contenir des pouvoirs surnaturels très puissants qui pourraient attaquer violemment le Dalang et les spectateurs.
13 BERDOT, Jean-Louis, Ramayana : Des hommes, des Dieux et le singe blanc. La sept : KS Visions, 1990, VHS : couleur, 54 min. 40
Le wayang Calon Arang, par exemple, est un récit très célèbre en Indonésie, qui retrace l’histoire de la méchante veuve Rangda, une « mangeuse d’enfants » (incarnation de la déesse Durga), et de sa fille Ratna Mangali. Il est toujours joué lors des performances de nuit bien qu’il ne soit jamais considéré comme un divertissement. Dans ce cas, la représentation de nuit prend le caractère d’une cérémonie d’exorcisme. Le wayang gambuh est un cycle qui était autrefois relativement populaire à Java, mais qui de nos jours n’est que très peu représenté. Ce mythe s’inspire de l’histoire de la quête amoureuse d’un roi de l’est de Java appelé Panji. Utilisant le texte classique du Mahabharata comme modèles, les poètes et écrivains hindous et bouddhistes de Java et de Bali ont, en effet, composé des textes qui avaient pour sujet des rois indigènes et leurs aventures. Ces histoires fondées sur les textes classiques indiens sont appelées les wayang purwa à Java et les wayang parwa à Bali. Purwa signifie en javanais « ancien, classique » et Parwa réfère au mot sanscrit qui désigne le nom des chapitres qui divisent le Mahabharata. On peut évoquer, par exemple, le « Malat », un long poème qui relate les aventures du Prince Panji à la recherche de sa fiancée. Ou encore, le wayang sapu leger, un conte emprunté à un poème balinais appelé Sapu Leger. Le démon Kala (qui est une émanation du dieu Shiva) est le personnage principal de ce récit. Ce répertoire, qui n’est utilisé que dans des conditions particulières, est souvent joué lors de la naissance d’un enfant et durant une semaine bien précise de l’année appelée wayang tumpek (il y a une semaine wayang tumpek toutes les trente semaines). La représentation est toujours suivie d’une cérémonie de purification de l’enfant appelée Sudamala. Avec l’islamisation de Java, on voit apparaitre des histoires qui mettent en scène, cette fois, des rois, des princesses et des princes musulmans. On a, par exemple, conservé la trace des histoires arabo-persanes d’Amir Hamzah (qui retrace les aventures de l’oncle de Mahomet) et de Damar Wulan14. Damar est jardinier à la cour de la reine Mojopahit. Il tombe amoureux de sa cousine Dewi Anhasmara. Découverts, ils sont jetés en prison. À sa sortie, il retrouve son honneur en combattant le Chevalier Rouge, Menak Jingga, qui menaçait le palais. Ces spectacles utilisant des histoires tirées de la culture musulmane sont appelés le wayang sasak. Il existe aussi un théâtre d’ombres chrétien utilisant certains passages de la Bible. Mais il reste très peu développé, car on ne le trouve que dans les petites communautés chrétiennes de l’ile.
4. Les différents types de représentation de wayang kulit
(…) Du côté du Dalang les marionnettes montrent leurs corps, mais du côté des ombres, elles montrent leurs âmes15.
14 Slovene Ethnographical Museum. From the Land of the Shining Sun and the Moon Shadows : The bebler Indonesian Collection of the Slovene Ethnographical Museum. Tskarna Ljabljana, 1998. 15 CHING EBERT, Chu Fa, RAZ, Jacob. The Realm of the Other : Jesters, Gods and Aliens in Shadowplay 41
Il y a différents types de représentation de wayang kulit, chacune correspondant à un moment particulier de la vie du village javanais. On dénombre deux catégories de représentation : les spectacles de nuit, appelés wayang peteng (« peteng » signifie nuit), et les spectacles de jours, nommés wayang lemah (« lemah » signifie jour) qui, le plus souvent, sont joués pendant la saison sèche. Ces deux types de spectacle ne s’adressent pas au même public, ont des visées différentes, et ne se déroulent pas dans les mêmes lieux. Toutefois, ils utilisent les mêmes ombres et pratiquement le même répertoire, tiré de la littérature indienne et des mythes locaux. Dans les deux cas, tous les hommes du village assistent à la représentation ainsi que quelques femmes, car ces dernières ne sont en général pas très friandes du wayang kulit, elles préfèrent nettement les thèmes moins violents abordés par les autres arts dramatiques, tels que les danses (wayang wong) et les danses masquées (wayang topeng). On admet que les Indonésiens ont cinq types de cycles rituels pour lesquels ils demandent l’intervention d’un Dalang : pour les dieux et les ancêtres divins, pour les morts et leurs âmes, pour les vivants, pour les démons et pour les temples.
a. Les représentations de nuit : wayang peteng
Ces représentations de nuit figurent parmi les spectacles de théâtre d’ombres que l’on rencontre le plus fréquemment à Java. Elles ont une connotation religieuse beaucoup moins forte que les wayangs lemah (représentations de jour). Bien que, dans le cadre d’un spectacle de nuit, le Dalang doive mettre l’accent sur le côté pédagogique de la représentation, et initier les villageois à la morale et à la philosophie des grands textes hindous, le wayang peteng (sauf dans quelques cas particuliers) est avant tout, pour les Javanais, une distraction. Les représentations de nuit (wayang peteng) sont en effet, dans la plupart des cas, perçues comme un moment convivial où tout le village est réuni. Le wayang peteng est souvent donné lors des naissances et des mariages. Le village fait appel à un Dalang qui vient faire un spectacle pendant la nuit. Ce type de représentation peut durer de trois à cinq heures, ou toute la nuit. La troupe et son Dalang s’installent sur la place principale du village ou bien dans la cour d’une maison, si c’est un particulier qui les a engagés. Mais les représentations de wayang peteng peuvent aussi avoir une connotation religieuse un peu plus forte : elles servent parfois à remercier les dieux, ou à appeler leur clémence lors d’épidémies. La troupe s’installe alors sur le parvis du temple du village. Dans certaines situations, lorsqu’un membre de la famille est en danger (voyage, maladie, etc.), le Dalang peut être invité par une famille du village en particulier. Comme nous l’avons souligné à propos du répertoire du wayang kulit, lorsque certains textes sont utilisés, quoiqu’il s’agisse de représentations de nuit, il n’est plus question de divertissement, mais d’une réelle cérémonie religieuse. Le Calon Arang par exemple est joué 42
pour éloigner les démons du village et tout particulièrement Rangda, la mangeuse d’enfants. Le Dalang y fait office d’exorciste et chasse le démon du village en utilisant un mélange complexe d’hindouisme et de magie locale. Le wayang Peteng, lorsqu’il s’agit d’une représentation du mythe local Sapu Leger, peut aussi avoir un caractère purificateur. Les ombres servent alors à protéger les enfants nés pendant la semaine de Tumpek wayang du démon Kala. Ainsi, dans le cadre particulier des mythes indigènes, le wayang peteng peut devenir une cérémonie de purification ou d’exorcisme des plus puissantes. Le Dalang doit alors montrer la qualité de ses pouvoirs surnaturels. Ces représentations restent, cependant, peu fréquentes. Les spectacles de nuit ont donc une double fonction, bien qu’ils soient, dans la majorité des cas, de simples divertissements pour les Indonésiens.
b. Les représentations de jour : wayang lemah
Contrairement au wayang peteng, la représentation de jour a toujours un caractère religieux extrêmement fort et ne peut être jouée que pendant des périodes bien particulières, qui correspondent souvent aux anniversaires des grands temples. Ces spectacles occupent, en effet, une place très importante dans les rites qui accompagnent les Jubilés des temples, au cours desquels de nombreuses représentations sont données, non seulement de wayang kulit, mais aussi d’autres arts du spectacle. Cependant, le théâtre d’ombres reste le plus apprécié, non seulement par sa puissance religieuse, mais aussi parce qu’une représentation de wayang lemah (représentation de jour) est très peu chère comparé aux autres types de spectacle (les troupes de théâtre d’ombres étant nettement plus réduites que les autres). La particularité du théâtre d’ombres de jour est qu’il est dédié à une audience divine et qu’il doit toujours être réalisé dans un endroit pur. C’est pour cette raison que les représentations ont toujours lieu sur le parvis d’un temple, à l’intérieur de celui-ci, ou parfois sur les autels religieux eux-mêmes. Durant toute la représentation, les grands prêtres de la caste des brahmanes récitent inlassablement des textes sacrés (Mantras). Le wayang lemah est, en effet, considéré comme une offrande aux divinités, il permet de faire le lien entre le monde des dieux et celui des hommes. Précisons que la vie religieuse des Indonésiens est organisée autour des rituels qui rythment le cycle de leur vie. Nombreux sont les rites de passages (septième mois de grossesse, naissance, circoncision, limage des dents (les incisives sont limées, car les dents pointues offrent une image agressive et négative), mariage, crémation, etc.), qui souvent sont marqués par une représentation de wayang lemah, surtout dans les familles brahmanes (qui ne représentent qu’une toute petite partie de la population de l’ile). Le répertoire utilisé est presque toujours le wayang purwa (Mahabharata), car c’est le plus respecté de tous les textes anciens. Dans ce cadre, le Dalang ne doit pas improviser et doit rester très près du texte originel. Les représentations de jour ont une fonction purificatrice très forte, notamment durant les 43
crémations, l’âme du mort se trouvant purifiée par la force du spectacle et des incantations récitées par les prêtres. De même, lors de l’anniversaire d’un temple, le Dalang purifie l’espace sacré par la représentation de son spectacle. Au travers du wayang lemah, celui-ci entre en communication avec les différentes divinités qu’elles soient hindoues ou locales, chasse les démons et appelle les dieux à résider dans les temples. Parfois, un wayang lemah est nécessaire dans un village, quand, par exemple, ce dernier a été souillé par la naissance de jumeaux dans une famille de Sudra (hors caste), ou lors de la cérémonie appelée « ngruwat – lakon » 16, une cérémonie spéciale, qui a pour but de libérer une personne des influences maléfiques qui ont pris possession d’elle. C’est dans le wayang lemah que les capacités du Dalang à entrer en contact avec les dieux sont mises à l’épreuve. Au cours de ces représentations, ce n’est plus seulement un acteur, mais également un prêtre à part entière, une sorte d’intermédiaire entre les dieux et les hommes. Évidemment, tous les Dalangs ne peuvent pas exécuter ce type de spectacles, un Amangku Dalang est nécessaire (un prêtre ombriste et exorciste). Ces représentations de jour sont réalisées sans écran de tissus, ni lampe à huile : les spectateurs se trouvent directement en relation avec les ombres et le Dalang. Ils peuvent dès lors profiter des superbes couleurs des ombres, couleurs qui demeurent presque invisibles durant les spectacles de nuit. C’est donc au travers du wayang lemah qu’est mis en valeur tout le système symbolique des ombres elles-mêmes, notamment par leurs couleurs. C’est dans ce type de représentation que l’iconographie des personnages prend toute son ampleur. Enfin, pour conclure, soulignons que le nombre de spectateurs assistant à ces spectacles diurnes est moins important que lors des wayang peteng (représentations de nuits) : il n’y a souvent que quelques villageois, accompagnés de prêtres. Ce type de spectacle est, en effet, nettement moins populaire.
5. L’ombriste ou Dalang
Ce qu’il y a de frappant et de déconcertant, pour nous, Européens, est l’intellectualité admirable que l’on sent crépiter partout dans la trame serrée et subtile des gestes, dans les modulations infiniment variées de la voix, dans cette pluie sonore, comme d’une immense forêt qui s’égoutte et s’ébroue, et dans l’entrelacs lui aussi sonore des mouvements. D’un geste à un cri ou à un son, il n’y a pas de passage : tout correspond comme à travers de bizarres canaux creusés à même l’esprit ! Il y a là tout un amas de gestes rituels dont nous n’avons pas la clef, et qui semblent obéir à des déterminations musicales extrêmement précises, avec quelque chose de plus qui n’appartient pas en général à la musique et qui paraît destiné à envelopper la pensée, à la pourchasser, à la conduire dans un réseau inextricable et certain. Tout en effet dans ce théâtre est calculé avec une adorable et mathématique minutie. Rien n’y est laissé au 16 MELLEMA, R. L. Wayang Puppets : carving, colouring, symbolism. Amsterdam : Royal Tropical Institute, Department of Cultural and Physical Antropology, No 48, 1954, 82 p. 44
hasard ou à l’initiative personnelle17. Le Dalang est celui qui manipule les ombres durant le spectacle, mais il est également le concepteur de la représentation et le narrateur. Selon l’étymologie locale, le mot Dalang viendrait de l’expression « galang » qui signifie « éclairer ou bien mettre en lumière », ce qui confirme sa fonction pédagogique. Il joue, en effet, un rôle très important dans la société indonésienne ; à travers son spectacle d’ombres, il révèle au public la signification des grands textes de la littérature classique, qu’elle soit hindoue ou d’origine locale. Autrefois, cette profession était réservée aux hommes, mais on voit maintenant quelques femmes s’y adonner. Le Dalang peut être issu de n’importe quelle caste et doit être marié ou veuf pour pouvoir exercer, car dans les mythes les hommes sans descendance sont sévèrement punis. Qu’il soit un brahmane ou un Sudra, le Dalang est extrêmement respecté (le titre de Dalang est considéré à Java comme très honorifique) et sera toujours considéré comme un homme de savoir et comme un prêtre à part entière. Il existe deux types différents de Dalang. Le premier type, l’Amangku Dalang, est le plus respecté, car il a des responsabilités religieuses importantes. Ce Dalang peut faire partie de la caste des brahmanes, mais s’il appartient à la caste des sudras, il prendra le titre de Jero et non pas d’Amangku. Il ne fait pratiquement que des représentations de jour anniversaire des temples et parfois des représentations de nuit pour protéger des démons les enfants nés un mauvais jour (le wayang sapu leger). Il est considéré comme un prêtre à part entière, et intervient, à ce titre, lors de nombreux rites et cérémonies. Il est souvent présent pendant les rites de purification. Un Amangku Dalang est également nécessaire lors des cérémonies de crémation, il récite des prières et amène les offrandes accompagné d’un petit orchestre. Pour certaines cérémonies d’exorcisme, on exige que l’Amangku Dalang soit issu d’une lignée de quatorze ancêtres eux-mêmes Dalang. Les offrandes aux dieux, aux démons et aux marionnettes varient d’un endroit à un autre, d’une ile à l’autre. Elles peuvent comprendre des feuilles de légumes, de la nourriture pour les dieux et les esprits, préparée ou crue, incluant de petites quantités de viande et de riz, des noix d’arec et des feuilles de bétel, des cigarettes, des fruits et de l’argent. On brule également de l’encens. L’importance de l’offrande augmente avec celle de la cérémonie. L’Amangku (ou Jero) Dalang a, face à lui, un pot d’eau ordinaire qui sera changé en eau sacrée. Pour ce faire, il est accompagné du gamelan (d’un orchestre) et il utilise ses marionnettes (les deux ou trois figures les plus importantes de sa collection, souvent l’arbre sacré, le dieu Shiva et le servant Twalèn). Il met le bout de la tige principale des marionnettes, l’une après l’autre, dans la lampe à huile et dans l’eau du pot qui est face à lui. Il ajoute des grains de maïs et des fleurs en récitant des formules sacrées. C’est de cette eau dont le Dalang se sert pour purifier et exorciser. 17
ARTAUD Antonin. Le théâtre et son double. France, Gallimard, 2009, p.88 45
La deuxième catégorie de Dalang est la plus représentée. Ces ombristes, qui ne portent pas le titre d’Amangku et sont uniquement nommés par le terme de Dalang, ont un rôle religieux, mais beaucoup moins important que l’Amangku Dalang. Ils peuvent faire des représentations de jour, mais ils sont plutôt spécialisés dans les spectacles de nuit qui sont beaucoup plus axés sur le côté dramatique et anecdotique des mythes. Ce type de Dalang reste, tout de même, très respecté. Comme pour l’apprentissage de l’Amangku Dalang, de longues années de travail et d’entrainement sont nécessaires pour devenir un ombriste et un conteur de qualité. Ajoutons pour finir que les médias et les technologies nouvelles, la télévision ou la vidéo, créent un nouveau type de Dalang : la superstar. Aussi, certains préfèrent-ils voir la vidéo d’un Dalang connu, plutôt qu’un artiste, moins connu, jouant en direct. Ainsi, pendant ces cinquante dernières années, la fréquence de ces manifestations a diminué. Les changements de vie, les avancées technologiques et économiques rongent la culture traditionnelle des Indonésiens et ternissent le rôle du Dalang. Certains répertoires, rarement joués, menacent de disparaitre et de tomber dans l’oubli18.
a. La formation du Dalang
Une des raisons de l’efficacité physique sur l’esprit, de la force d’action directe et imagée de certaines réalisations du théâtre oriental est qu’il s’appuie sur des traditions millénaires, qu’il a conservé intacts les secrets d’utilisation des gestes, des intonations, de l’harmonie, par rapport aux sens et sur tous les plans possibles19.
À priori, n’importe quel homme peut devenir Dalang. C’est, cependant, en général un « art héréditaire » : on devient Dalang parce que son père ou son grand-père l’était lui-même. Mais rien n’empêche un jeune indonésien d’aspirer à devenir un jour Dalang. Il devra seulement constituer lui-même sa collection d’ombres, alors qu’un jeune venant d’une famille de Dalang profitera de la collection d’ombres familiale. L’apprentissage du futur Dalang peut être très long. Il existe depuis quelques années, en Indonésie, des classes d’art dédiées au théâtre d’ombres, à l’Akademi Seni Rupa (L’Académie indonésienne des Beaux-Arts). Mais la formation la plus complète est celle effectuée auprès d’un ou plusieurs maitres Dalang. C’est, d’ailleurs, la solution la plus souvent choisie. Elle permet à l’apprenti d’avoir une meilleure connaissance de l’art du wayang kulit. L’élève intègre alors une troupe de théâtre d’ombres, où sert d’aide à l’ombriste. L’apprenti apprend ainsi à manier les ombres et à accorder sa voix avec la musique. Bien entendu, le choix de la troupe et du
18 SUMANDHI, Nyoman. A Performance of Wayang kulit Calonarang (A Genre of Balinese Shadow Puppet Theater). A thesis submitted to the faculty of Wesleyan University, Middletown, Connecticut, May 1979. 19 ARTAUD Antonin. Le théâtre et son double. France, Gallimard, 2009 46
maitre est d’une importance capitale. Plus le maitre est renommé, plus la formation sera de qualité. Le maitre l’initie également aux pratiques religieuses, comme les rites de purification et surtout la récitation des Mantras hindous, qui accompagnent les représentations. Le premier élément essentiel de la formation du Dalang est la connaissance parfaite de ce grand traité des lois du wayang kulit qu’est le Dharma Pawayangan qui explique clairement les règles qui régissent les représentations de théâtre d’ombres, autant sur le plan religieux (incantations, rites) que sur le plan technique (les différents types de représentations, la musique, les aspects dramatiques). On dénombre de nombreuses versions de ce traité bien que leurs différences soient minimes. Ce texte étant rédigé en vieux javanais, il est essentiel que l’élève ait une bonne connaissance de cette langue. Il apprendra par cœur toutes les incantations, et c’est à travers ce traité qu’il découvrira la valeur mystique et philosophique de sa future activité. Il devra également connaitre le répertoire, les mythes et légendes qu’il jouera. Initialement, leur transmission était uniquement orale, mais depuis plusieurs siècles déjà, existent des versions écrites. Ces guides, qui aident les apprentis et les Dalangs à apprendre et à retenir les récits, sont nommés « Lakon » ou « Pakem ». On en trouve de différents types, plus ou moins complexes et précis. Pendant une performance, le Dalang pourra avoir à côté de lui, un Pakem très succinct, une version courte du mythe qu’il joue, d’une page ou deux, afin de pouvoir se remémorer l’histoire ou l’ordre des scènes en cas de besoin. Par la suite, l’apprenti sera amené à développer son sens du drame et de l’improvisation. Des qualités d’acteur lui seront demandées, il devra savoir passer d’une scène tragique à un passage comique. Il devra être capable de produire une très grande variété d’intonation de voix, car à chaque personnage correspondra une voix différente. Cette tâche se révèlera d’ailleurs très difficile, notamment dans certains répertoires tels que le wayang purwa où le nombre de personnages est très élevé. Des connaissances musicales seront, par ailleurs, requises, car n’oublions pas que le spectacle d’ombres est toujours accompagné d’un fond musical, soit par un orchestre appelé gamelan, soit par le Dalang lui-même qui jouera du gendèr (métallophones) ou bien qui tapera sur son coffre à ombres en guise de percussions. Les ombristes les plus populaires sont souvent ceux dont les représentations sont les plus animées, le public appréciant d’être tenu en haleine tout au long du spectacle. C’est à ce niveau que l’improvisation joue un rôle considérable : un bon Dalang doit savoir broder autour des mythes et improviser des anecdotes qui plaisent au public. Le Dalang, en effet, n’utilise en général que le squelette du mythe et, autour de celui-ci, improvise. Par l’intermédiaire des clowns-serviteurs, il insère des interludes comiques ou se lance dans une satire de la société. Mais la morale est toujours respectée. Chaque Dalang développe, au fil du temps, un style bien particulier. Chacun a, en effet, une sensibilité qui lui est propre et qui permet de l’identifier. Très populaire, le spectacle de wayang kulit est fréquemment retransmis à la radio ou à la télévision. L’auditoire se doit de montrer, pendant le spectacle, son intérêt pour le Dalang et 47
pour le jeu en riant, en criant ou, au contraire, en ne disant rien. Une fois sa formation terminée, le Dalang ne pourra pas faire de représentation avant d’avoir été consacré lors d’un rite bien particulier. Cette cérémonie peut avoir lieu sous deux formes différentes : soit c’est une petite consécration et le rite peut être réalisé par le simple prêtre du village, soit c’est une consécration très importante et la présence d’un prêtre brahmane est obligatoire. La seconde cérémonie est la plus commune et aussi la plus importante, c’est elle qui donne au futur Dalang le plus de pureté, et donc les meilleures capacités à pouvoir communiquer avec les dieux. Lorsque le Dalang bénéficie d’une collection d’ombres qui lui vient d’un membre éloigné de la famille de son père, d’un membre de la famille de sa mère ou bien lorsqu’il achète une nouvelle collection d’ombres, on procède à un rite de mariage entre le Dalang et son coffre à ombres. Un lien très fort doit exister entre le Dalang et sa collection d’ombres. Il restera lié à elle jusqu’à la fin de sa carrière d’ombriste.
b. Le rôle spirituel du Dalang
Le Dalang devient une sorte d’ordonnateur magique, un maître de cérémonies sacrées. Et la matière sur laquelle il travaille, les thèmes qu’il fait palpiter ne sont pas de lui, mais des dieux. Ils viennent, semble-t-il, des jonctions primitives de la Nature qu’un Esprit double a favorisé20.
Le théâtre indonésien participe à la poésie intense de la nature et il conserve ses relations magiques avec tous les degrés objectifs du magnétisme universel21.
Ce qu’il y a de curieux dans tous ces gestes, ces attitudes anguleuses et brutalement coupées, dans ces modulations syncopées de l’arrière-gorge, dans ces phrases musicales qui tournent court (…), ces sons de caisses creuses, (…) c’est qu’à travers leur dédale de gestes, d’attitudes, de cris jetés dans l’air, à travers des évolutions et des courbes qui ne laissent aucune portion de l’espace scénique inutilisée, se dégage le sens d’un nouveau langage physique à base de signe et non plus de mots. (…) Ces signes spirituels ont un sens précis, qui ne nous frappe plus qu’intuitivement, mais avec assez de violence pour rendre inutile toute traduction dans un langage logique et discursif22.
Comme nous avons pu le voir précédemment, le Dalang a plusieurs rôles importants dans la société javanaise, celui du professeur (il initie le public à la morale des grands textes classiques), celui du comédien et surtout celui du prêtre, qui est, de loin, sa fonction essentielle. 20 21 22 48
idem idem idem
Le Dharma Pawayangan (le grand traité sur le théâtre d’ombres) définit très clairement ce rôle de prêtre du Dalang. Certes, comme nous l’avons vu, il doit savoir pratiquer certains rites, réciter des mantras, mais il demeure avant tout un intermédiaire entre le monde matériel et le monde spirituel. Le Dalang y fait clairement figure de médiateur entre les hommes et les dieux, il doit, en effet, être capable de se mettre en relation avec les différentes divinités et doit pouvoir communiquer avec elles. Il permet ainsi aux hommes d’établir un contact avec le monde divin et de s’éloigner le plus possible du monde des démons. En cela, le Dalang peut être comparé à un chamane. S’il veut faire une représentation de bonne qualité, l’ombriste, toujours selon ce traité, doit donc être inspiré par les dieux. Et, si le spectacle est joué par un Dalang faible ou inexpérimenté, le jeu d’ombre peut s’avérer dangereux. Inspiré par les dieux, il est lui-même considéré comme l’émanation d’un dieu. C’est en tant que manifestation du dieu Shiva, sous une forme appelée Ishwara que l’ombriste apparait pendant le spectacle23. Rappelons que, selon la légende, Ishwara aurait pris la forme d’un Dalang pour donner une représentation de wayang kulit sur terre afin qu’Uma et Shiva perdent leur forme démoniaque. Soulignons, par ailleurs, que tout spectacle de wayang, dans son ensemble, développe une symbolique cosmique, aussi bien au plan macrocosmique que microcosmique. L’écran et le tronc de bananier dont on se sert pour le spectacle représentent le monde, le ciel étant l’écran et la terre s’incarnant dans le tronc. La lampe, le soleil. Quant au Dalang, c’est le dieu Ishwara, caché par les rayons de la lampe. Les marionnettes sont les êtres vivants du monde. La musique, accompagnant le spectacle, insuffle le rythme de la vie. Les trois états du cosmos (création, existence et destruction) sont symbolisés par le Dalang luimême : il amène les marionnettes à la vie (création), c’est lui qui les manipule (existence), et qui les éteints à nouveau (destruction). Dans une perspective microcosmique, l’écran représente la matérialité du corps. La lampe irradie l’énergie vitale. La musique, durant le jeu, est le rythme intérieur accompagnant un être pendant sa vie. Quand elle s’arrête, la vie est terminée. Pour toutes ces raisons, un Dalang à l’esprit spirituel fort est considéré comme nécessaire à la bonne santé de la communauté. Les habitants du village se sentent mieux protégés si un Dalang vit près d’eux. En témoigne ce que rapporte Endo Suanda, ethnomusicologue et performer : jusqu’en 1930, dans la région de Cirebon, peu de villages avaient un Dalang. Pour les inciter à s’installer, les villageois leur ont offert un terrain et une maison. Ainsi toutes les cérémonies pouvaient être accomplies, ce qui crée une bonne aura autour du village.
c. Description d’une cérémonie
En tant que novice, « c’est quelque chose que l’on ne peut aborder de front que ce spectacle 23
D’autres auteurs pensent que le Dalang s’incarnerait en Kama (le dieu de l’amour) pendant la représentation. 49
qui nous assaille d’une surabondance d’impressions toutes plus riches les unes que les autres, mais en un langage dont il semble que nous n’ayons plus la clef. Et par langage je n’entends pas l’idiome au premier abord insaisissable, mais justement cette sorte de langage théâtral extérieur à toute langue parlée, et où il semble que se retrouve une immense expérience scénique24.
Il y a quelque chose qui participe de l’esprit d’une opération magique dans cette intense libération de signes, retenus d’abord et jetés ensuite soudainement dans l’air. Un bouillonnement chaotique, plein de repères, et par moments étrangement ordonné, crépite dans cette effervescence de rythmes peints, où le point d’orgue joue sans cesse et intervient comme un silence bien calculé25.
On sent dans ce théâtre un état d’avant le langage et qui peut choisir son langage : musique, gestes, mouvements, mots26.
i.
La préparation
Dès que la fête est décidée, la famille envoie à tous les habitants du district un petit paquet contenant quelques fleurs, un peu de riz et certaines feuilles : selon le contenu du cadeau, chacun sait de quelle cérémonie il s’agit.
Offrandes - Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
Les femmes se mettent alors à préparer la nourriture dont une partie sera offerte à l’esprit des ancêtres invoqué pendant le spectacle. Comme nous l’avons vu, certaines représentations peuvent avoir lieu dans des temples ou des salles de spectacle. Mais le plus souvent, elles se font dehors, aux abords des temples, dans la rue ou chez des particuliers. Si le spectacle se déroule dans la rue, une petite hutte temporaire est érigée, faite de bois et de bambous. Lorsque c’est une famille qui invite, elle fait dresser 24 25 26 50
ARTAUD Antonin. Le théâtre et son double. France, Gallimard, 2009 idem idem
une estrade devant la maison dans une sorte d’auvent soutenu par des colonnes formant une vaste pièce largement ouverte sur l’extérieur. Le théâtre d’ombres nécessite un écran blanc nommé kélir (brouillard ou nuage). Ce morceau de coton blanc est tendu sur un cadre de bambou de grande dimension (2 à 3 mètres de haut sur 4 à 6 mètres de large). Deux ou trois troncs de bananiers posés horizontalement à terre (debog), les uns sur les autres servent de support aux marionnettes. Ils mesurent entre quinze et trente centimètres de diamètre, et quatre à huit mètres de long. Une lampe à huile (blencong) en forme d’oiseau aux grandes ailes (Garuda), richement travaillée, remplacée parfois de nos jours par une simple ampoule, éclaire l’écran par-derrière. Ces modifications dans l’éclairage ne doivent pas être minimisées : la source lumineuse a un impact sur l’impression lumineuse rendue et sur le jeu du Dalang, qui n’orientera pas ses marionnettes de la même manière.
Scène - Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
Avant le spectacle, le Dalang doit s’astreindre à certaines cérémonies de purification. Il doit jeuner et veiller pendant sept jours, rester pur de corps et d’esprit pendant quarante jours, et beaucoup méditer, ceci afin de garantir une bonne endurance physique et une force spirituelle optimale. Pour préparer le spectacle, le Dalang se livre à de nombreux rites. Tout d’abord, il purifie l’air où se fera la représentation, en faisant appel au dieu hindou de l’amour, Kama, et en récitant des mantras. Puis, une fois la troupe installée, il arrose l’endroit et fait des offrandes d’eau sacrée.
Dalangs en prière - Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
51
Alors, le Dalang s’assoit, jambes croisées, derrière l’écran et frappe trois coups sur le couvercle de la caisse à ombres, qui est située à sa gauche, pour que le dieu des marionnettes se réveille. Il ouvre finalement le coffre à ombres, le couvercle est posé sur le sol, à droite du Dalang, en sort la première figure qui est toujours le Kayonan ou Gunungan, l’arbre sacré stylisé, et prononce une prière en présentant l’arbre de vie ou l’arbre de la création du monde aux huit directions du vent. Le Kayonan ou Gunungan (l’arbre sacré stylisé) est un morceau de cuir en forme de feuille, d’environ 50 cm de haut, qu’une ligne sépare verticalement : d’un côté le bien, de l’autre le mal. Pendant le spectacle, l’arbre sacré est souvent inséré dans le tronc de bananier pour séparer les figures de la partie droite et les figures de la partie gauche (cette façon d’utiliser l’arbre en tant que limite du bien et du mal est assez ancienne). Ce symbole est aussi utilisé pour clore chaque intermède et pour chaque fin de spectacle. Ainsi, le public sait, quand l‘arbre bouge, qu’il y a un changement dans l’histoire27.
Kayonan ou arbre de vie - Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
Des incantations sont récitées pour que les dieux acceptent de s’intégrer aux ombres et pour que le Dalang soit inspiré par eux. Le Dalang prépare alors les marionnettes qui vont lui servir pendant la représentation, il les trie puis les dispose à droite et à gauche selon qu’elles se situent du côté du bien ou du mal. Derrière l’écran, la lampe à huile est allumée (on utilise traditionnellement de l’huile de noix de coco), elle illumine les ombres et ne devra pas s’éteindre durant toute la durée du spectacle. La base de l’écran repose sur un des troncs de bananier, sur lequel des trous ont été percés pour planter les tiges principales des ombres lorsque le Dalang les manipule. Ceci permet à l’ombriste d’animer plusieurs marionnettes en même temps. Le Dalang est accompagné de chaque côté par un ou deux assistants, qui sont souvent des apprentis Dalang. Leur travail consiste à aider l’ombriste dans le maniement des ombres, et notamment à donner, au fur et à mesure du
27 GISSELBRECHT, Michèle. Les Ombres et les marionnettes de Java : wayang kulit et wayang golek. Charleville-Mézières : Institut International de la Marionnette, 1985. 52
spectacle, les figures qui sont demandées par le maitre. Il faut pour un spectacle au minimum cent-cinquante marionnettes et s’il s’agit d’un spectacle long, on pourra en dénombrer jusqu’à deux-cent-vingt-cinq ombres.
ii.
Le gamelan
Dans le théâtre indonésien, un son équivaut à un geste, et au lieu de servir de décor, d’accompagnement à une pensée, la fait évoluer, la dirige la détruit, ou la change définitivement, etc28.
Les soupirs d’un instrument à vent prolongent des vibrations de cordes vocales, avec un sens de l’identité tel qu’on ne sait si c’est la voix elle-même qui se prolonge ou le sens qui depuis les origines a absorbé la voix. Le théâtre indonésien fait servir la musique à des fins dramatiques immédiates et concrètes29.
Il y a en outre le rythme large, concassé de la musique, une musique extrêmement appuyée, ânonnante et fragile, où l’on semble broyer les métaux les plus précieux, où se déchainent comme à l’état naturel des sources d’eau, des marches agrandies de kyrielles d’insectes à travers les plantes, où l’on croit voir capté le bruit même de la lumière, où les bruits de solitudes épaisses semblent se réduire en vols de cristaux… D’ailleurs, tous ces bruits sont liés à des mouvements, ils sont comme l’achèvement naturel de gestes qui ont la même qualité qu’eux; et cela avec un tel sens de l’analogie musicale que l’esprit finalement se trouve contraint de confondre, qu’il attribue à la gesticulation articulée des artistes les propriétés sonores de l’orchestre, et inversement30.
Le but du gamelan est de retrouver le son qui est à l’origine du son. (Ancien dicton javanais)
Si l’on écoute sans parti pris occidental, le charme de la musique javanaise et de ses percussions, on est bien obligé de constater que la nôtre n’est qu’un bruit barbare de cirque forain31.
La montagne semble à cette heure avoir des arbres pour marionnette et ce brouillard fin et translucide pour écran. Le vent dans le creux des bambous, résonne comme la douce mélodie des flûtes ; le chant des oiseaux est le saron, en contretemps avec le doux appel des cerfs ; tandis que le chant d’amour des pans forme le chant Madraka32.
28 29 30 31 32
ARTAUD Antonin. Le théâtre et son double. France, Gallimard, 2009 idem idem C. Debussy Extrait traduit du poème javanais « Writta-Sancaya » 53
En retrait du Dalang et de ses aides, se trouve le gamelan qui peut être constitué de deux à une dizaine de musiciens. La taille du gamelan dépend de l’importance du Dalang, si celuici est très renommé, il aura un grand orchestre, mais dans le cas d’un Dalang peu connu, il peut même ne pas y avoir d’orchestre. Le nombre et le type d’instrument dépendent également du répertoire joué. Pour le Mahabharata, on utilisera quatre gendérs, pour le Ramayana, on ajoutera aux gendérs une percussion et éventuellement une flute. Étymologiquement, gamelan vient du mot « gamel » qui signifie taper sur un instrument à percussion. Un gamelan simple est au moins constitué de quatre instruments : un gong, un kendang (tambour), un trompong (des pots de métal rangés en file que l’on frappe) et un gendér (un métallophone). On peut ajouter à cet ensemble de bases un saron (un ensemble
Les différents instruments du gamelan Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
de percussion, constitué de tubes de métal, de zinc et/ou de bambous), des violons et d’autres instruments typiquement indonésiens. Chaque instrument du gamelan a sa propre fonction et son motif musical. Le Dalang est assurément un musicien, c’est en quelque sorte le chef d’orchestre du gamelan. Il doit pouvoir converser avec chaque instrument, et avec une multitude de formes musicales, de rythmes, de mélodies et de chansons différentes. Pour communiquer avec le gamelan, le Dalang utilise un marteau de bois, qu’il manie avec son pied. Il frappe contre le coffre de bois ou contre une poche remplie de morceaux de métal, suspendue au coffre. Il peut ainsi signaler aux musiciens des changements de tempo, arrêter ou commencer la musique, ou tout simplement accentuer une scène. La musique du gamelan se compose de motifs mélodiques qui s’emboitent, ponctués par une structure rythmique. La ligne mélodique est divisée en mesure de quatre temps, appelée gatra, qui peut s’étendre encore et encore, en huit, seize, trente-deux ou même soixante-quatre temps. Une même pièce, en changeant le tempo, peut être jouée en version courte ou en version longue. Plus la pièce est longue, plus le gamelan joue doucement et lentement. Ainsi, en entendant la musique, le public sait si le spectacle commence ou touche à sa fin ou si on en est au milieu de l’histoire. Il sait également qui est sur scène, quel est l’humeur des personnages, et ce qu’il se passe : une bataille, une scène d’amour, un départ33 …
Musicien - Instruments de musique du gamelan Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
33 Slovene Ethnographical Museum. From the Land of the Shining Sun and the Moon Shadows : The bebler Indonesian Collection of the Slovene Ethnographical Museum. Tskarna Ljabljana, 1998. 54
iii.
Le spectacle
Selon la tradition javanaise, un spectacle de wayang kulit est une affaire d’homme. Les hommes sont assis du côté de l’écran, c’est-à-dire derrière le Dalang, ils peuvent donc voir les marionnettes et pas uniquement leurs ombres. En conséquence, les marionnettes placées à sur la partie gauche de l’écran restent à gauche et les marionnettes placées à droite de l’écran restent à droite. Les spectateurs masculins peuvent voir les épisodes prendre place exactement comme le mentionne le Dalang dans sa narration. Les femmes sont du côté des ombres, le côté gauche et droit sont donc inversés. On ne peut savoir s’il s’agit là de traces d’un ancien rituel d’initiation (le secret du spectacle étant réservé aux hommes), ou si cette différentiation est due à l’islamisation qu’a connue Java. Ainsi, dans d’autres iles d’Indonésie, où l’influence musulmane a été moins forte, cette séparation des publics masculins et féminins n’existe pas. Le spectacle commence peu après le coucher du soleil par une longue introduction donnée par l’orchestre gamelan. Quelques heures après, quand le Dalang commence à jouer, il donne toujours une longue description du cycle littéraire dont il est question (Mahabharata ou Ramayana), qui résonne à nos oreilles occidentales comme une longue litanie. À 21 heures environ, l’histoire commence véritablement. Traditionnellement, chaque histoire est divisée en trois parties. La première partie est une introduction, elle s’étend de 21 h à minuit, elle est calme, le jeu des figures est lent. La deuxième partie, de minuit à 3 h, elle est celle des complications et des combats, elle est pleine d’action. La troisième partie, de 3 h à 6 h, celle des solutions ou du dénouement, avec la victoire finale des bons ; c’est la partie où le rythme est le plus rapide. La manière dont le Dalang manipule les marionnettes nous a beaucoup surpris lorsque nous avons regardé des vidéos de spectacles de wayang kulit. Ses mouvements sont souvent rapides et appuyés, sans beaucoup de douceur pour un œil non initié. La manière de jouer est souvent dynamique, les figures sont littéralement pressées contre l’écran (c’est un moyen, pour le Dalang, de minimiser les déformations et les distorsions dues à la lumière projetée). Le spectacle est vraiment très vivant. Quand le Dalang sort les figures du tronc de bananier pour les manipuler, elles ne cessent de virevolter, s’éloignent et se rapprochent de l’écran, et font l’effet d’un papillon battant rapidement des ailes34.
34 BERDOT, Jean-Louis. Ramayana : Des hommes, des Dieux et le singe blanc. La sept : KS Visions, 1990, VHS : couleur, 54 min. 55
Dalangs, pendant le spectacle Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
Les figures qui sont retirées du tronc de bananier après avoir servi sont entreposées sur le couvercle du coffre, à droite du Dalang, en attendant d’être rangées dans le coffre.
Coffre à ombres Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
56
iv.
La clôture de la cérémonie
Après le spectacle, les ombres sont méticuleusement rangées dans la caisse du Dalang dans un ordre très précis. Elles sont empilées les unes sur les autres, sans protection intermédiaire. Puis, des prières sont dites pour que le dieu des ombres retourne se coucher, mais aussi pour que les personnages tués pendant la représentation reviennent à la vie pour le prochain spectacle. Pour finir, on arrose encore une fois les différentes offrandes ainsi que la scène d’eau sacrée afin d’éloigner les démons. Pour le wayang lemah (spectacle de jour), le rituel est le même. Bien que le gamelan soit souvent réduit à deux métallophones, le positionnement du Dalang, des assistants et du gamelan derrière le tronc de bananier (d’environ 175 cm) reste identique. La seule séparation qui subsiste entre les marionnettes et le public est un fil de coton blanc, attaché à deux branches d’un arbre sacré (arbre Dadaab).
6. L’implication du public
(…) l’apparition d’un Être inventé, fait de bois et d’étoffe, crée de toutes pièces, ne répondant à rien, et cependant inquiétant par nature, capable de réintroduire sur la scène un petit souffle de cette grande peur métaphysique qui est à la base de tout le théâtre ancien. Les Balinais avec leur dragon inventé, comme tous les Orientaux, n’ont pas perdu le sens de cette peur mystérieuse dont ils savent qu’elle est un des éléments les plus agissants (et d’ailleurs essentiel) du théâtre quand on le remet à son véritable plan35.
Aujourd’hui, le spectacle de wayang kulit continue d’avoir une immense popularité, et ce, malgré les importantes stratifications de la société indonésienne. Le wayang est aussi bien joué dans le hall du Palais présidentiel, que dans l’humble maison d’un village des montagnes. Jeunes ou vieux, hommes ou femmes, intellectuels ou illettrés, ces gens sont liés par les histoires racontées par le Dalang. Les Javanais donnent souvent des noms de marionnettes connues à leurs enfants, ou les utilisent pour décrire le caractère de quelqu’un. Ils peuvent avoir recours au wayang pour définir certaines circonstances de leurs vies, pour comprendre certaines situations ou certains problèmes et éventuellement trouver des solutions. Pour l’opinion populaire, les maitres d’ombres sont reconnus comme étant des arbitres puissants. C’est que, depuis des siècles, le spectacle de wayang kulit fait partie intégrante de leur vie et accompagne leur réflexion (n’oublions pas que le théâtre d’ombres a pour vocation de promouvoir une certaine éthique ainsi que la religion et la politique). Les clowns-serviteurs à cet égard ont leur rôle à jouer. S’ils servent d’intermédiaires entre les principaux personnages des tribus adverses, ils ont également pour fonction d’ancrer l’histoire 35
ARTAUD Antonin. Le théâtre et son double. France, Gallimard, 2009 57
dans un lieu et dans un temps donné. Ils peuvent ainsi faire des plaisanteries, parfois très désobligeantes, au sujet de telle ou telle personnalité politique de la région et, étant donné qu’ils sont les représentants des Dieux, leur parole est inattaquable. Le wayang peut ainsi servir d’exutoire aux interdits qui pèsent quotidiennement sur la collectivité. Les clowns ont également pour rôle, plus prosaïque, d’instruire les villageois des décisions prises par le gouvernement et éventuellement de les critiquer, comme ce fut le cas pour les règles coloniales à l’époque de la domination hollandaise. De nos jours, ils peuvent, par exemple, être utilisés pour promouvoir le programme de développement économique du gouvernement36. En rythmant les moments importants de la vie du groupe, le wayang kulit permet à la communauté, au gré d’un récit mythique immuable, de retrouver ses origines culturelles et sa cohésion. Il apporte, par ailleurs, à des spectateurs qui passent une ou plusieurs nuits ensemble, une forme de joie qu’aucun autre type de divertissement ne saurait apporter. Ainsi, le théâtre de wayang kulit, bien que concurrencé par d’autres formes de spectacles plus modernes, garde néanmoins son public. Il est, en effet, issu d’une communauté rurale et reflète encore sa façon de vivre, sa culture et ses revendications.
36 GISSELBRECHT, Michèle. Les Ombres et les marionnettes de Java : wayang kulit et wayang golek. Charleville-Mézières : Institut International de la Marionnette, 1985. 58
III. ANALYSE ICONOGRAPHIQUE 1. L’importance de la couleur et son symbolisme
Il existe dans le théâtre d’ombres javanais un symbolisme très fort des couleurs. En effet, les ombres, qui sont en cuir ciselé, sont également peintes. C’est avant tout pour honorer des dieux qu’elles le sont, puisque ces couleurs ne sont visibles du public que lors des représentations de jour où il n’y a pas d’écran, représentations peu fréquentes rappelons-le. Ce système de signification des couleurs est hérité des traditions indiennes. Mais on admet que ces couleurs sont également le fruit d’une forte influence bouddhiste37. Ces différentes teintes sont basées sur le mélange de trois couleurs primaires, le bleu, le rouge et le jaune, ainsi que sur ces deux valeurs que sont le blanc et le noir. Le système cosmique javanais, comme celui de l’Inde, associe des couleurs et des dieux aux directions cardinales. Chaque couleur représente un dieu et une direction cardinale. Ce schéma cosmique est appelé Panca Dewa (cinq dieux). L’Est et l’Ouest sont reliés entre eux ; Keja (vers la montagne) et Kelod (vers la mer), c’est-à-dire le Nord et le Sud, le sont aussi ; au milieu se trouve le point central. L’Est et Kaja (Nord) sont symboles de pureté tandis que Kelod (Sud) et l’Ouest représentent tout ce qui est néfaste. Toutes les couleurs sont ainsi mises en relation avec un dieu et une direction :
37 DAMAIS, Charles. « VI. Études javanaises. III. À propos des couleurs symboliques des points cardinaux ». Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, 1969, Tome 56, pp.75-118. 59
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! Schéma cosmique de Panca Dewa
Le blanc est une valeur très forte symboliquement, elle représente la pureté, l’état d’accomplissement le plus haut. C’est pour cette raison que cette valeur est rattachée au grand dieu Ishwara qui s’incarne dans le Dalang lors des représentations. Le blanc est associé à l’est qui est lui-même un symbole de pureté. Le blanc représente également la noblesse, la jeunesse et la beauté. Seules quelques divinités très appréciées ont la particularité d’être toujours blanches, on compte parmi elles le dieu-singe Hanouman qui est un des héros du Ramayana.
Le jaune représente lui aussi la pureté, mais à un degré moins élevé, il est plutôt symbole de compassion, de l’état de Bodhisattva. Le jaune indique un attachement au monde terrestre, contrairement au blanc qui évoque les hautes sphères du monde des dieux. C’est pour cela que le jaune est associé à l’ouest qui est une direction considérée comme néfaste.
60
Le bleu, comme en Inde, correspond à la couleur du dieu Vishnou et de certains de ses avatars (Rama, Krishna). C’est une teinte qui est synonyme d’apaisement, de vertu et surtout d’harmonie. C’est d’ailleurs pour cette raison que le bleu est lié au nord qui est, en Inde comme à Java, symbole de richesse.
Le rouge est la couleur des démons par excellence, elle connote la fureur, le non-contrôle de ses émotions, la passion, l’impureté et surtout la magie noire que craignent les Javanais. Le rouge est associé au dieu Brahma qui est à Java le dieu du feu, contrairement à l’Inde où Brahma est un dieu créateur. Il n’est pas étonnant que la direction attribuée à Brahma soit le sud, car ce point cardinal représente la pauvreté et la sècheresse.
Le noir tient une place très ambigüe, il est parfois associé aux vertus d’apaisement du bleu. Mais il peut aussi avoir une connotation très néfaste, car le noir rappelle la nuit, que les Javanais craignent plus que tout. Selon la tradition balinaise, c’est la nuit que les esprits des morts errent dans les campagnes à la recherche d’hommes à effrayer. Il y a encore peu de temps, les Javanais ne se déplaçaient jamais la nuit de peur de rencontrer ces esprits malfaisants. Pourtant, le noir reste dans les textes classiques une couleur très positive, et le diagramme de Panca Dewa place le noir avec le bleu dans la direction du nord, une direction extrêmement bénéfique. Il peut ainsi symboliser la maturité, le courage et le calme.
L’or confère un statut royal et la beauté.
Il existe des préférences locales pour certaines couleurs. À Cirebon, dans l’ouest de Java, le vert et le rouge magenta pâle, le turquoise et le bleu sont préférés pour les couleurs de peau. À Bali, l’or n’est jamais utilisé pour la couleur de peau, mais plutôt le marron, le orange pâle, le rose, le blanc et le jaune. Au nord de Bali, les couleurs sont lumineuses et brillantes, tandis que dans le sud elles sont plutôt pâles et mates. Il y a des couleurs dont la combinaison exprime l’harmonie, ou l’inverse. Pour avoir une impression harmonieuse et une symbolique positive, il faut alterner couleur chaude et couleur froide. Par exemple, rouge et vert ou orange et bleu. On sait également que ces cinq couleurs de base peuvent être mélangées entre elles. Par exemple, le bleu et le blanc sont parfois ajoutés l’un à l’autre pour peindre les incarnations du dieu Vishnou comme Krishna dans le Mahabharata ou Rama dans le Ramayana. Le mélange de ces deux teintes rapproche le personnage des deux dieux correspondants, à savoir les divinités Vishnou, pour le bleu, et Ishwara pour blanc. À contrario, les démons les plus terribles tels que Kala et Ravana sont très souvent de couleur brune. Cette teinte est obtenue en mélangeant toutes les couleurs de base ensemble. Ce type de démon est donc rattaché à tous les dieux du diagramme de Panca Dewa en même temps.
61
2. Description de nos quatre marionnettes
Les marionnettes, objet de l’étude, viennent d’Indonésie et plus particulièrement de l’ile de Java. Elles ont été achetées dans la ville de Yojakarta, siège d’une cour royale et princière, située à une trentaine de kilomètres du volcan Merapi. Ces quatre marionnettes représentent des chevaux. Le Dalang utilise ce type de marionnette (animaux, végétaux et objets) pour créer un décor et une ambiance particulière à chaque scène. Les chevaux servent également de monture pour de longues chevauchées et lors des batailles qui figurent dans bon nombre de spectacles, ainsi que nous l’avons mentionné dans l’analyse du répertoire du wayang kulit. Ces marionnettes ont donc pu être utilisées lors du wayang purwa et du wayang Ramayana38.
Marionnettes représentant des animaux Source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
Le matériau constitutif principal des marionnettes est une peau, une peau de buffle très probablement. Les marionnettes sont peintes recto verso, parfois en miroir. Il y a du noir, du blanc, du rouge, du rose, du bleu, du vert, du jaune, des ocres et du doré. Elles sont très ornementées, notamment au niveau du harnachement des chevaux. Les couleurs sont plutôt vives. Toutes les marionnettes sont dorées, mais ce n’est pas toujours évident à discerner étant donné l’usure assez importante des ombres. On remarque de nombreuses réparations, qui semblent être des réparations autochtones. Diverses qualités de fils, d’agrafes et de peaux ont été utilisées pour renforcer les marionnettes à différents endroits. Les chevaux dont nous nous occupons ont tous une robe noire. Si l’on part du principe que le symbolisme des couleurs s’applique aux animaux, nous pouvons donc penser que ces chevaux sont courageux et calmes. Nous observons, cependant, que pour la plupart d’entre eux, la couleur de leur harnachement est majoritairement le rouge. Ce qui laisse entendre que ces animaux sont capables de fureur, d’emportement et de passion, notamment pendant le combat. Le rouge peut également renvoyer à leur nature sauvage et indomptable ou encore indiquer que ceux-ci étaient destinés à être chevauchés par des démons. Quant à l’or, qui orne également leur harnachement, il pourrait être lié au statut royal de leurs cavaliers ou avoir pour fonction de souligner la beauté des équidés. Cette analyse se fonde bien entendu sur ce 38 62
II. 3. a. Les grandes épopées indiennes i. Le Mahabharata
qui a été développé dans la première partie de l’analyse iconographique39.
39
III. 1. L’importance de la couleur et son symbolisme 63
IV. ANALYSE PLASTIQUE 1. Description matérielle de ces six marionnettes : dimensions, épaisseur, montage
Marionnette 1 : Source lumineuse : lumière naturelle Dimensions : 42,5 cm H / 66,5 cm L Épaisseur : 1,86 mm
Marionnette 2 : Source lumineuse : lumière naturelle Dimensions : 38 cm H / 61 cm L Épaisseur : 1,09 mm
Marionnette 3 : Source lumineuse : lumière naturelle Dimensions : 39,5 cm H / 52,3 cm L Épaisseur : 0,97 mm
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Marionnette 4 : Source lumineuse : lumière naturelle Dimensions : 36,6 cm H / 59,5 cm L Épaisseur : 1,68 mm
Dimensions : Selon les marionnettes, la hauteur est comprise entre 38 et 42,5 cm et la largeur entre 52,3 et 66,5 cm. Épaisseur : L’épaisseur moyenne des marionnettes est de 1,4 mm. Montage : À l’origine, ces marionnettes étaient tenues par une tige, en bois ou en corne, qui devait être fixée en son centre. Pour faciliter leur conditionnement lors du voyage, ces tiges ont été enlevées par l’actuel propriétaire des marionnettes et actuellement attribuer à la marionnette la tige qui lui correspondait est impossible.
Baguettes de manipulation en corne et en bois. Source lumineuse : lumière naturelle
2. Le fabricant d’ombres ou Tukang wayang
C’est un artisan qui fabrique les ombres à Java. Mais comme le Dalang, il tient une place particulière dans la société et a un statut très respecté. Le fabricant d’ombres est appelé Tukang wayang, il peut faire partie de n’importe quelle caste, mais c’est en général un membre des sudras (les hors-castes) qui est chargé de ce travail. La fabrication des ombres est un travail très laborieux et extrêmement précis, ce n’est cependant pas une activité suffisamment lucrative pour en vivre. Le Tukang wayang est donc souvent, parallèlement, obligé de continuer à cultiver ses rizières et à réaliser des objets (masques et ornements) servant aux représentations de danses. De nos jours, c’est notamment grâce aux touristes occidentaux, auxquels ils vendent leurs réalisations, que de nombreux artisans vivent. 65
Le Tukang wayang doit connaitre très précisément les textes et les répertoires du wayang kulit, ce qui lui demande de longues années d’apprentissage. C’est pourquoi certains Dalang sont en même temps des Tukang wayang. Ils peuvent ainsi réaliser eux-mêmes leurs ombres. Pourtant ce phénomène reste encore rare. Comme le Dalang, le Tukang wayang reçoit une formation très longue auprès d’un maitre, une formation qui, au minimum, dure cinq années. Il est alors initié aux rudiments du métier, apprend à choisir ses cuirs et ses bois de bananier et est aussi formé à la préparation des pigments de couleurs et au découpage du cuir. Lors de la fabrication d’une nouvelle ombre, l’artisan doit toujours se référer à un modèle existant. Le travail du Tukang wayang est en effet jugé sur sa capacité à copier le plus précisément possible un modèle ancien. L’artisan possède donc de nombreux modèles qu’il copie inlassablement, ce sont souvent de simples silhouettes en cuir non peintes. Cet artisan est aussi le gardien des traditions ancestrales de fabrication des ombres. En effet, plus elles ont été réalisées avec des techniques anciennes, plus elles sont recherchées par les Dalangs.
Tukangs wayang - source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
3. Une fabrication traditionnelle40
La fabrication des ombres est régie par des règles très strictes, héritées des anciens. Quant au style des ombres, il est resté le même depuis des siècles, puisqu’on copie inlassablement les modèles anciens. Ceux-ci sont considérés comme parfaits, ils représentent une forme d’idéal, personne ne pouvant les améliorer sans altérer leur équilibre ni créer des défauts41. Et effectivement, dans tout Java, on remarque une grande homogénéité dans les collections. Aucune touche d’imagination n’est donc permise à l’artisan. Jouant sur chaque partie de l’ombre, sur les formes (différents types de nez, d’œil ou de bouche, différentes formes de corps) et sur la couleur, l’iconographie de chaque personnage est très
40 LIND, Elisabeth, HOLLÄNDER, Camilla. WAJANG Skyggespil fra Java. Nationalmuseet Kobenhaven 1970, p.1012. 41 MRAZEK, Jan. « Puppet Theater in Contemporary Indonesia New Approches to Performance Events ». Michigan Papers on South and Southeast Asia, University of Michigan Centers for South and Southeast Asian Studies, Number 50, p. 66
codifiée et répond à un symbolisme précis42. Ce système iconographique ancestral prend sa source dans le caractère sacré du théâtre d’ombres. Les marionnettes sont le reflet des êtres humains, tout un jeu de correspondances symboliques existe entre les ombres et les hommes. La partie inférieure de la marionnette est appelée Probo, ce qui signifie l’embryon en javanais, et symbolise l’être humain au premier stade de sa vie, l’instinct. La partie située au niveau du ventre de la marionnette est appelée Makara, et représente la vie de l’être humain. La poitrine, quant à elle, porte le nom de Chakra et le passage du Makara (ventre) au Chakra représente, pour l’être humain, une grande évolution spirituelle. La zone située au niveau des épaules (le Padong) symbolise la protection, c’est elle qui contribue à maintenir un équilibre et sert à se protéger durant tous les cycles d’une vie humaine. La tête, pour sa part, est appelée Maputo et, dans le wayang, elle est prolongée d’une sorte de couronne. Elle symbolise la sagesse et les responsabilités. Une marionnette représente donc, à elle seule, les différentes étapes de la vie d’un homme et de son évolution spirituelle. C’est une parabole des trois grandes étapes de son cycle de vie : dans sa jeunesse, l’être humain est immature et irresponsable ; au milieu de sa vie, il cherche le bien et la paix et veut chasser le mal ; dans la vieillesse, il a combattu ses pêchés, et il parvient à une forme d’harmonie spirituelle. On peut également considérer que l’ensemble des marionnettes d’une collection symbolise les différentes facettes de la personnalité d’un homme (par exemple, Judistira représente l’altruisme, Ardjuna, l’introspection, Bima, la volonté) et que les batailles que les wayangs mènent pendant le spectacle sont le symbole des combats que l’on mène intérieurement.
Marionnettes - source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
Les ombres sont de différentes formes et varient de vingt-trois centimètres à un mètre de hauteur. La dimension des figures est liée au rang des personnages représentés : plus le rang de la marionnette est important, plus la marionnette sera petite43. En outre, représenter une 42 CHING EBERT, Chu Fa, RAZ, Jacob. The Realm of the Other : Jesters, Gods and Aliens in Shadowplay. Tel Aviv : Université de Tel Aviv, 2004, 348 p. 43 ANGELINI, Pier, MARCHIANO, Grazia, RICCI, Giorgio et al. Wayang kulit : la grande tradizione del teatro d’ombre giavanese. Museo dei Burattini e delle Figure : Cervia, 1991, 46 p. 67
figure de face, c’est signifier qu’il s’agit d’un personnage très puissant. Ainsi, les dieux ou les démons importants, un personnage en méditation par exemple, seront représentés de face alors que d’autres personnages seront représentés de profil ou de trois quarts.
a. Le choix et la préparation de la peau Aucune information n’a été retrouvée qui permettrait de savoir quel matériau, du 10ème au 16ème siècle, était utilisé pour confectionner les marionnettes. Aujourd’hui cependant, la plupart des ouvrages s’accordent à dire que les marionnettes, pour la plupart, étaient taillées dans une peau de buffle. On dit que, pour fournir une peau adaptée, l’animal ne doit être ni trop vieux ni trop jeune et doit être capable de conduire un char. En effet, la peau préparée ne doit être ni trop dure ou ni trop souple pour pouvoir correctement enlever les poils. Il est difficile de savoir exactement comment la peau de nos marionnettes est préparée, comment elle est transformée en cuir. Très peu d’informations apparaissent dans les ouvrages consultés, et les quelques hypothèses que nous avons émises sur la façon dont ces peaux ont été préparées ont parfois été infirmées par ce que nous avons pu lire. Un article du Basic Life Science44 confirme que les tanins végétaux sont, en Indonésie, utilisés depuis plusieurs siècles pour tanner le cuir. L’utilisation de cuir tanné à Java semble correspondre à l’apparition des marionnettes de wayang kulit, introduites par la religion hindoue au 4ème siècle. On ne sait pas quand on a commencé utiliser du « sirih » (une boulette de tabac, de feuille de bétel, de noix d’arec, de Gambier et de tilleul) en tant que tanin. Mais selon Rumpf, en Indonésie, en 1750, cette pratique existait déjà depuis longtemps. La valonea (extrait d’un gland de quercus aegilops) et le gambier sont les sources les plus importantes de tanins, bien qu’on recense, en Indonésie, cent-cinquante-sept espèces de plantes différentes qui peuvent être utilisées comme substance tannique et colorante. On sait que les différents tanins connus confèrent diverses qualités et couleurs au cuir et nécessitent différentes concentrations. En ce qui concerne les marionnettes dont nous nous occupons, il semblerait qu’elles n’aient pas été tannées avec un tanin végétal, comme nous aurions pu nous y attendre. Aucun tanin végétal n’a, en effet, été détecté dans les tests effectués (dont le compte rendu figure dans la partie restauration de ce mémoire). On peut émettre l’hypothèse que plusieurs cycles de nettoyages à l’eau, de raclages (grattoir en fer) et de séchages à l’air libre, au soleil, avec et sans tension, ont suffit à préparer la peau (quand le séchage a lieu en tension, la peau est tendue sur un cadre de bois ou de bambous). Ces cycles de préparation de la peau sont effectués un certain nombre de fois, variant en fonction de l’épaisseur de peau voulue : la marionnette d’un personnage délicat ne devra
44 W. HEMINGWAY, Richard, E. LAKS, Peter. « PLANT POLYPHENOLS Synthesis, Properties, Significance », Basic Life Sciences, Plenum press New York, 1992, volume 59, p881-893 68
pas dépasser deux millimètres d’épaisseur, tandis qu’un gros guerrier pourra au moins faire le double45. On peut également envisager que, pour protéger la peau, un tannage à la fumée et/ ou à l’huile a été effectué. Traditionnellement, la peau est conservée enroulée, dans un endroit sec et chaud.
b. Le dessin Le contour de la marionnette est dessiné à l’aide d’un poinçon, d’un crayon, ou avec de l’encre. Le Tukang wayang commence toujours par dessiner la tête qui est la partie la plus importante et la plus détaillée, pour finir par le bas du corps qui est toujours beaucoup plus sommaire. La tête est une partie capitale — le visage, et tout particulièrement les yeux, étant la partie la plus expressive de l’ombre —, c’est en effet le positionnement des yeux qui donnera à l’ombre toute son harmonie. Une fois les yeux achevés – ce qui lui insuffle la vie — la marionnette devient vivante.
c. Le découpage de la peau, les ciselures
Une fois le contour du personnage, de l’animal ou de l’objet dessiné sur le cuir, la peau est tendue sur une planche de bois. À ce stade, nous avons pu constater des divergences dans les différentes sources rencontrées lors de nos recherches. Certains artisans pratiquent le découpage de la forme générale de la marionnette à ce moment-là (une fois le contour de la marionnette dessiné), alors que d’autres46 la découpent après l’étape de coloration, c’est-à-dire à la fin du traitement. Pour les premiers, cependant, réaliser certains détails, tels que les yeux et les parties brillantes, avant la découpe de la forme générale de l’ombre demeure important. On distingue environ douze types différents de ciselures, qui s’épanouissent entre le point et la ligne. Elles sont réalisées à l’aide de burins, de poinçons et d’un marteau en bois. De nos jours, ces outils peuvent être obtenus de manière « artisanale », par exemple à partir de rayons de moto47. Cependant, si ces ciselures confèrent aux marionnettes un certain raffinement, elles sont également source d’une plus grande fragilité. C’est pourquoi les Dalangs préfèrent utiliser, pour les scènes de batailles, des marionnettes plus grossières, ayant de larges espaces non ciselés, mais plus solides et ne nécessitant pas d’infinies réparations48. 45 LONG, Roger. Javanese Shadow Theater : Movement and Characterization in Ngayogyakarta Wayang Kulit. Ann Arbor,UMI Research Press Theater and Dramatic Studies, 1982, 195 p. 46 LIND, Elisabeth, HOLLÄNDER, Camilla. WAJANG Skyggespil fra Java. Nationalmuseet Kobenhaven 1970, p.1012. 47 Nous observons cela dans une vidéo trouvée sur internet : www.dailymotion.com/1 48 LONG, Roger. Javanese Shadow Theater : Movement and Characterization in Ngayogyakarta Wayang Kulit. Ann Arbor,UMI Research Press Theater and Dramatic Studies, 1982, 195 p. 69
d. La peinture
Avant de peindre la marionnette, on polit et on prépare la surface avec de la poudre d’émeri, ce qui permet de faire disparaitre les derniers résidus de graisse. L’émeri est une roche métamorphique composée de spinelle et de corindon finement cristallisés. Elle est associée à la magnétite ou à l’hématite. Cette roche est utilisée depuis l’Antiquité, notamment comme abrasif. Après avoir soigneusement poli la surface de la peau, on prépare l’ombre avec une couche de préparation blanche, à base de blanc d’os et d’une colle49 semble-t-il. Les couleurs sont ensuite apposées, et ce, dans un ordre déterminé : les feuilles d’or, le rouge, le jaune, le vert et le bleu. Lors de l’application, on termine toujours par le visage. Quant aux techniques et au type de peinture utilisés, ils ont évolué avec le temps. De nos jours, les artisans ont, pour la plupart, recours à des peintures acryliques. Mais, traditionnellement, des pigments naturels étaient utilisés, mélangés à un liant — une colle animale – ce que les analyses que nous avons opérées sur nos marionnettes tendent à confirmer. Dans la littérature, il est question de colle de poisson, mais les tests effectués n’ont pas pu le prouver. Les pigments utilisés pour créer les couleurs étaient donc d’origine naturelle. Ils sont pour certains d’origine javanaise, mais ils peuvent également être importés. Le blanc, le noir et l’ocre se trouvent facilement sur l’ile, tandis que le rouge et le bleu, et parfois le noir, semblent provenir de Chine. Le pigment blanc est obtenu en broyant des os d’animaux. On en trouve de deux types : les plus recherchés sont des os des cerfs de Kalimantan, les plus couramment utilisés sont des os de poulets récupérés dans les restes des repas. On peut également obtenir le blanc grâce aux cendres. Les couleurs ocre et jaune sont issues de certaines pierres que l’on trouve sur la petite ile de Serangan au sud de Bali. Le noir peut provenir de la suie que les artisans obtiennent en faisant bruler de l’huile de coco dans des lampes en terre cuite. Il peut également être issu de l’encre de chine. Le bleu venait traditionnellement de l’indigo, mais l’extraction de cette couleur demande beaucoup de travail, les Tukangs wayang (les fabricants d’ombres) ont donc petit à petit préféré utiliser des pigments bleus directement importés de Chine. Le rouge peut éventuellement être du cinabre, mais le test effectué sur nos marionnettes n’a pas été concluant. Dans la littérature, on parle de rouge de chine, sans plus de précision. L’or que l’on peut trouver sur les ombres est également importé de Chine. Il est utilisé sous 49 ANGELINI, Pier, MARCHIANO, Grazia, RICCI, Giorgio et al. Wayang kulit : la grande tradizione del teatro d’ombre giavanese. Museo dei Burattini e delle Figure : Cervia, 1991, 46 p. 70
forme de feuille ou sous forme plus compacte que l’on applique au pinceau. C’est ce que l’on appelle « l’or à la coquille ». La feuille d’or, quant à elle, est réservée aux marionnettes les plus importantes50. On procède, dans le cadre de la préparation des couleurs, en plusieurs étapes. D’abord, les pigments sont broyés le plus finement possible dans un pot en terre cuite. Ensuite, l’artisan dilue la colle dans un peu d’eau et y ajoute les pigments ainsi qu’une charge. La peinture obtenue est finalement appliquée à l’aide d’un pinceau très fin. Les couleurs et les motifs sont rehaussés d’une ligne d’encre noire.
e. Le vernissage
L’ensemble de la surface de la marionnette est protégé par une fine couche de colle animale.
f. Le montage
Les bras, les coudes et les jambes des marionnettes peuvent être amovibles. Ils sont alors reliés avec des liens en os (buffle). On fixe à l’extrémité des parties mobiles des tiges plus fines qui vont permettre au Dalang de faire jouer la marionnette. Ces tiges sont nommées tuding. Pour la manipulation générale de l’ombre, on utilise une tige de bois (bananier) ou de corne (peut-être de la corne de buffle51) nommée gapit. Si le bois est souvent préféré quand il s’agit de marionnettes de peu de qualité, en revanche, les marionnettes importantes ont toujours des tiges en corne de buffle. La tige doit être bien droite et solide. On coupe en deux la tige dans sa partie supérieure, aux deux tiers à partir du haut, pour pouvoir la glisser au centre de la marionnette (belahan). L’artisan peut travailler sa tige en la chauffant. Il fera en sorte que la partie supérieure de la tige prenne complètement la forme de la marionnette, et que sa partie inférieure soit bien étirée et fine (sur quinze à trente centimètres) afin de pouvoir se ficher dans le tronc de bananier pendant le spectacle. Le fabricant créera également un renfoncement à environ trois centimètres en dessous du belahan de la tige, qui permettra au Dalang de tenir la marionnette avec plus de facilité et de confort, cette partie est nommée lengkeh52.
50 VAN NESS, Edward C., PRAWIROHARDJO, Shita. Javanese Wayang kulit : an introduction. New York : Oxford University Press, 1980, 95 p. 51 ANGELINI, Pier, MARCHIANO, Grazia, RICCI, Giorgio et al. Wayang kulit : la grande tradizione del teatro d’ombre giavanese. Museo dei Burattini e delle Figure : Cervia, 1991, 46 p. 52 LONG, Roger. Javanese Shadow Theater : Movement and Characterization in Ngayogyakarta Wayang Kulit. Ann Arbor,UMI Research Press Theater and Dramatic Studies, 1982, 195 p. 71
La tige est ensuite cousue avec des fibres de coco, ou d’autres types de fils comme nous pourrons l’observer sur les ombres restaurées pour ce mémoire.
Scéma d’une tige de manipulation - source : WAK DOLAH, Dalang Wayang Sasak.
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V. ÉVALUATION D’UNE DATATION Le monde des marionnettes d’ombre existe depuis des temps mythiques, est éternel, ou n’a pas de temporalité. Parfois, le mythe et l’histoire s’unissent53.
On n’a pas retrouvé de preuves formelles qui permettent de savoir à quoi ressemblaient les marionnettes à l’origine, mais il est généralement admis que les ombres sont depuis fort longtemps des figures en deux dimensions, stylisées et en cuir, telles que nous les connaissons aujourd’hui. D’anciennes inscriptions, certains reliefs que l’on peut observer sur des temples hindous et bouddhistes dans l’est de Java confirment cette hypothèse. Sur ces reliefs figurent, en effet, des figures stylisées, non naturalistes, animées comme des marionnettes. Ces reliefs narratifs apparaissent avec le sanctuaire bouddhiste royal de Jago, consacré en 1268. La manière dont l’histoire est structurée, pour ce qui concerne les scènes et la présentation sur les panneaux en relief, est la même que celle des spectacles de marionnettes que l’on connait. L’apparence extérieure de chaque marionnette est travaillée afin que, comme nous l’avons vu, le spectateur puisse l’identifier. Chaque détail compte, la couleur, la forme des traits, la taille de la marionnette, les attributs et les accessoires, et permet de savoir de qui il s’agit, d’identifier son rang, son caractère, sa force, son âge et son humeur. Or, sur ces reliefs, ce système de codes apparait déjà très clairement et semble bien établi. Ce style ornemental, présent sur les temples, a d’ailleurs été appelé le style wayang. Une chose est sure, ces reliefs narratifs et ces anciennes inscriptions nous permettent de mesurer l’importance de la tradition dans la manière d’envisager le jeu, la structure et l’apparence de ces marionnettes. Le wayang est une forme d’art intemporelle. Mais, précisément, dans la mesure où chaque marionnette est réalisée en prenant appui sur un modèle plus ancien que le Tukang wayang tente de réaliser à l’identique, effectuer une datation est très compliqué. Nous ne pouvons, en effet, appuyer notre évaluation sur aucun détail stylistique particulier.
CONCLUSION Pour procéder à une datation plus précise des marionnettes de notre corpus, deux directions, nous semble-t-il, restent à creuser. Il faudrait, d’une part, poursuivre les investigations concernant tout ce qui, en Indonésie, est relatif au cheval et à son harnachement. Le type d’harnachement, nous fournissant des indices historiques, pourrait, en effet, peut-être permettre une datation. Ces informations nous offriraient peut-être également la possibilité d’en savoir plus sur nos marionnettes, de 53
Saini Kosim 73
déterminer grâce au harnachement s’il s’agit de chevaux de parade, de chevaux destinés au combat, ou encore à installer un décor et une ambiance. Nous avons, pour notre part, cherché à entrer en contact avec des gens impliqués dans le domaine équestre en France, mais ces recherches n’ont pas encore abouti. On pourrait, d’autre part, s’attacher à une analyse précise des formes ornementales du harnachement des chevaux. Ces ornements pourraient, en effet, peut-être nous fournir des indices pour envisager une datation. Mais étant donné le peu d’informations disponibles sur le sujet, nous pensons que la seule solution serait de procéder à une étude comparative d’un grand nombre de marionnettes, et de chercher, en s’appuyant sur les motifs ornementaux, voire en constituant un répertoire des motifs ornementaux, à dégager leurs rôles, leurs fonctions et leurs caractéristiques. Il nous semble qu’aller plus loin dans ces deux directions permettrait éventuellement d’émettre des hypothèses quant à la datation des marionnettes, mais étant donné qu’il s’agit là d’un travail de longue haleine de telles recherches ne pourraient aboutir avant quelques années.
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VI. CONCLUSION C’est peut-être la très grande ancienneté du théâtre d’ombres qui fait que, de nos jours, il est encore extrêmement vivant et populaire en Indonésie et demeure une des fiertés du patrimoine culturel javanais. Le Dalang est, aujourd’hui plus que jamais, un personnage important dans la vie des Javanais qui tiennent à cette culture aux multiples facettes que le wayang kulit représente très bien. Le gouvernement indonésien a d’ailleurs bien compris l’influence que pouvait avoir le wayang kulit sur la population, et a créé un nouveau type de représentation appelé wayang Suluh qui fait la propagande du gouvernement au pouvoir. On constate également que la détermination à maintenir le wayang kulit vivant a poussé certains Dalangs à créer de nouvelles formes de wayang. En témoigne le wayang Planet, introduisant dans les spectacles traditionnels des super héros, comme Batman, Superman, ou d’autres créatures de l’espace qui s’affrontent. Cette approche moderne, développée par Ki Enthus Susmono, originaire de la ville javanaise de Tegal, est très populaire. Ki Enthus Susmono soutient que les Dalangs d’aujourd’hui se doivent de vivre selon leur temps, et qu’il s’agit d’un pont entre le passé et le présent qui ne compromet en rien la moralité des sujets du wayang kulit traditionnel. Cependant, force est de reconnaitre que le flot incessant de touristes arrivant sur l’ile a pour conséquence la dénaturation de certaines coutumes. Et l’on peut effectivement s’interroger sur les chances de survie à long terme du wayang kulit en tant que rituel, quand, de plus en plus, on tente d’en faire un spectacle simple et non symbolique, facilement compréhensible pour les touristes occidentaux. Pourtant, si aujourd’hui, il arrive aux Dalangs d’être payés en dollars pour donner des représentations, en anglais, dans de grands hôtels de Denpassar (cependant, lors de ces représentations, rappelons-le, le Dalang ne crée pas d’eau sacrée), la plupart des Dalangs, heureusement, continuent à sillonner les petits villages d’Indonésie pour conjurer les démons, fêter l’anniversaire d’un temple, ou tout simplement divertir les villageois. Ainsi, si cette forme théâtrale, reflet de centaines d’années de pratique, perd un peu de son immense popularité, elle demeure malgré tout le garant et le gardien de leur héritage ethnique. Étudier le wayang indonésien, nous aura permis de nous familiariser avec la pensée, les sentiments et la manière de vivre de ce peuple et, surtout, de comprendre que le wayang n’est pas seulement le reflet d’une pratique artistique, d’un art indonésien, mais également le reflet d’un univers impliquant une philosophie, une mystique, une morale et une éducation esthétique. Cette étude nous aura permis de saisir l’importance de cet héritage culturel, qui, en perpétuant la mémoire des anciens, permet à la société javanaise de ne pas perdre son individualité. Si le wayang kulit nous interpelle, en tant que spectateurs occidentaux, c’est qu’il nous invite à revenir sur les origines du théâtre, sur sa fonction initiatique et sur le fait qu’avant de s’offrir aux hommes, il aurait été créé par des dieux qui cherchaient, par ces cérémonies, à matérialiser le souvenir ou la représentation mythique, idéale, d’ancêtres et de héros du passé. 75
SCIENCE
76
B. ÉTUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE : ANALYSE DE LA FIABILITÉ DES SPOTS TESTS POUR LE TANNAGE DU CUIR I. INTRODUCTION II. DÉFINITIONS 1. Le cuir a. b. c. d.
Historique Le tannage Constitution de la peau La fabrication du cuir
2. Les tanins a. Définition-composition b. Les différents groupes de tanins végétaux c. Fixation du tanin à la peau d. Historique e. Les différentes variétés de plantes 3. Les spots tests a. L’analyse microchimique b. Les facteurs à considérer i. ii.
L’échantillonnage Les réactifs
III. OBJECTIFS DE L’EXPÉRIENCE IV. PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL 1. Principe de l’expérience 2. Nos échantillons a. Échantillons destinés aux spots tests pour le tannage végétal b. Échantillons destinés aux spots tests pour le tannage minéral 3. Spots tests, réactifs et solvants a. Spots tests pour le tannage végétal b. Spots tests pour le tannage minéral 4. Mode opératoire a. Spots tests pour le tannage végétal 77
b. Spots tests pour le tannage minéral
V. RÉSULTATS 1. Résultats d’analyses pour le tannage minéral 2. Résultats d’analyses pour le tannage végétal 3. Analyse des résultats a. Spots tests pour le tannage végétal i. Les cuirs récents ii. Les cuirs historiques b. Spots tests pour le tannage minéral
VI. CONCLUSION
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B. ÉTUDE TECHNICO-SCIENTIFIQUE : ANALYSE DE LA FIABILITÉ DES SPOTS TESTS POUR LE TANNAGE DU CUIR I. INTRODUCTION
Le sujet de la partie scientifique de ce mémoire a été choisi en fonction des analyses que nous devions réaliser en vue du traitement des marionnettes de wayang kulit. Et déterminer si la peau utilisée pour la confection de nos marionnettes était tannée ou non nous paraissait important. Pour cela, la solution la plus évidente semblait de réaliser un spot test. Mais, lors de nos recherches pour trouver le ou les spots tests adéquats, nous avons constaté qu’un grand nombre, très diversifié, de spots tests était envisageable. Qui plus est nos discussions avec Monsieur Pepe1 nous ont permis de réaliser que la fiabilité de ces spots tests n’était pas acquise et que procéder à une analyse de leur fiabilité pouvait s’avérer intéressant. Il a donc été décidé d’effectuer des tests sur les spots tests, pour le tannage végétal uniquement. Nous avions, de prime abord, en effet rejeté l’éventualité de procéder à des analyses pour le tannage minéral étant donné la toxicité et la dangerosité des produits utilisés. Cependant, grâce aux conditions idéales du laboratoire de l’École de Conservation du Danemark (lieu d’un de mes stages) et à l’appui de Dorte Sommer2, nous avons finalement pu réaliser deux spots tests pour le tannage minéral (deux spots tests qui ne peuvent être effectués que dans un laboratoire spécialisé, les produits utilisés étant particulièrement dangereux). L’analyse pour ces deux spots tests n’a, malheureusement, pu être réalisée qu’une seule fois, nous n’avons donc pas pu authentifier les résultats en répétant les tests plusieurs fois.
Laboratoire de l'école de conservation-restauration du Danemark
1 2
Professeur émérite à la Sorbonne, tuteur scientifique de notre mémoire. Chercheur et professeur à l’École de Conservation du Danemark 79
II. DÉFINITIONS Dans un premier temps, nous nous attacherons à définir les principaux matériaux, le cuir et les tanins, puis nous nous intéresserons aux spots tests.
1. Le cuir
a. Historique On appelle cuir, toute peau ayant subi une opération de tannage, ce qui la rend plus souple, plus perméable à l’eau, plus résistante à l’abrasion et accroit sa résistance à la chaleur et aux attaques microbiennes. Le tannage est connu depuis la préhistoire. On trouve, en Anatolie, des restes de cuir datés de 7000 à 8000 ans. Dès la haute Antiquité, il a atteint un niveau de perfectionnement remarquable (cuirs mégis, peaux chamoisées, cuirs aux tanins végétaux, etc.). Ses usages sont multiples (arc, chaussures, etc.) et à partir du 3ème siècle av. J.-C., les traces retrouvées sont très nombreuses. Héraclius, au 10ème –11ème siècle, dans les arts graphiques, mentionne l’usage du cuir marouflé sur panneaux. Une technique que les Espagnols ont appris des Arabes, qui leur permet de réaliser de magnifiques tableaux, très prisés au 17ème-18ème siècle, qu’on ne trouve plus aujourd’hui que très rarement.
b. Le tannage Pour faire du cuir, on peut utiliser toutes sortes de peaux. On trouve du cuir d’autruche, de poisson, de reptiles, d’amphibiens, etc. Mais en Occident, les cuirs de ruminants et d’équidés ont toujours été les plus utilisés. On distingue trois types de tannages qui peuvent être utilisés seuls ou en combinaisons : -
Le tannage aux corps gras (cuirs chamoisés), réalisé avec divers produits tels que le jaune d’œuf, l’huile de poisson, etc. C’est un procédé primitif, dont on trouve des recettes très anciennes. Il donne des cuirs très souples et résistants. Crée des liaisons covalentes, pH 5-6.
-
Le tannage minéral à base de sels de chrome (dès fin 19ème ; méthode majoritaire actuellement ; tannage rapide, cuir léger, souple et bonne résistance chimique mais cela donne un cuir qui se travaille mal ; pour des raisons écologiques, on revient à une fabrication plus traditionnelle) ; à base d’alun (cuirs mégis ou cuirs hongroyés ; attesté dès le moyen âge ; couleur blanche caractéristique ; bonne résistance à la pollution atmosphérique) ou à d’autres sels d’aluminium. Crée des liaisons de coordination, pH inconnu pour le tannage à l’alun, pH neutre pour les autres.
-
Le tannage végétal, à base de tanin. On utilise par exemple des écorces de châtaignier, de pin, de chêne ou de grenades, des feuilles de sumac, des noix de galle… Ceci sera
80
développé dans la prochaine partie. Crée des liaisons H, ioniques, covalentes, pH 3-4. On peut dès lors prendre la mesure de l’importante diversité des cuirs puisque ceux-ci varient en fonction de l’origine de la peau et du tannage.
Chimiquement, la peau non tannée est composée de : 64 % d’eau, 36 % de protéines fibreuses dont 29 % de collagène, 2,4 % de sels minéraux et d’albumine, 2,3 % de kératine et 1,3 % de matières grasses. C’est un matériau protéique amphotère, qui a des qualités très proches du collagène, son constituant essentiel. Ainsi, si elle gonfle très peu dans l’eau lorsque le pH se situe entre 4,5 et 9, en revanche, elle gonfle très rapidement en dehors de cette zone. Elle est, par ailleurs, très sensible à l’humidité et aux microorganismes (aux moisissures dès lors qu’elle contient 12 à 15 % d’humidité, et aux bactéries à partir de 30 à 35 % d’humidité). Si on laisse sécher la peau en l’état, les fibres se collent et le matériau perd de sa souplesse. Le tannage consiste à déshydrater la peau tout en évitant que les fibres de collagène ne s’agglomèrent, ce que le tanin fait en milieu acide3.
c. Constitution de la peau La peau est constituée de trois couches : l’épiderme, le derme et l’hypoderme.
3
PEREGO, François. Dictionnaire des matériaux du peintre. Paris : Belin, 2005, 896 p. 81
-
L’épiderme est une couche fine qui sert à la défense mécanique. C’est la zone d’implantation des poils. Il est composé de plusieurs couches cellulaires superposées : la cornée, qui est la couche supérieure, est composée principalement de kératine, vient ensuite la couche hyaline ou couche granuleuse.
-
Le derme est un tissu conjonctif, dense et fibreux. Il est composé en grande partie de collagène. C’est un tissu majoritairement formé de faisceaux de fibres principalement alignés dans le plan. Il est composé de deux couches, la couche papillaire et la couche réticulaire. La couche papillaire donne le « côté fleur », elle s’étend jusqu’à la base de l’implantation des follicules pileux. Son réseau est très serré, les fibres de collagènes sont orientées perpendiculairement à la surface. C’est la partie la plus élastique, mais elle n’a pas de résistance mécanique. La couche réticulaire donne ce que l’on nomme le « côté chair ». C’est la zone la plus profonde du derme et la plus importante. Les fibres sont plus grosses et le réseau est tridimensionnel. Ce qui confère à cette zone d’importantes propriétés mécaniques et donc une grande résistance à la déchirure.
-
L’hypoderme est principalement composé de graisses.
d. La fabrication du cuir Lors de la fabrication du cuir, les poils, l’épiderme et l’hypoderme sont éliminés. Ainsi, le cuir est essentiellement composé du derme ou corium. Pour faire du cuir, on procède au travail de rivière, celui-ci comprend plusieurs étapes : -
le pelanage : élimination de l’épiderme et des poils. Deux solutions existent : le pelanage biochimique (procédé primitif à base d’infusion de substances végétales) ou le pelanage chimique (procédé plus récent, mentionné au 8ème siècle, traitement mêlant chaux et eau). À partir du 19ème siècle, on utilise de la chaux et du sulfure de sodium. La chaux est neutralisée avec un acide.
-
L’épilage ou ébourrage : action mécanique pour retirer les poils de la peau et de l’épiderme.
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Le confitage ou déchaulage : rinçages successifs de la peau pour la faire dégonfler.
-
Le tannage : il transforme la peau, car il induit des pontages entre les liaisons des molécules de collagène. Les tanins vont se mettre entre deux chaines de collagène, établir des liaisons entre les deux et permettre ainsi aux chaines de glisser les unes sur les autres, d’où la souplesse du cuir. Plus le tannage est lent, plus les liaisons chimiques sont solides. Un tannage traditionnel dure de 15 à 16 mois, un tannage très rapide se fait entre 24 h et trois jours.
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Extrait du cours sur le cuir et le parchemin de madame Béatrice Alcade
Après le travail de rivière, on procède au finissage et au corroyage afin de donner une imperméabilisation, une couleur et une brillance au cuir. Le cuir est lubrifié : on passe d’un cuir « en croute » (70 % d’eau du derme) à un cuir apte à être utilisé (14 % d’eau). C’est un traitement chimique qui a pour but de remplacer l’eau perdue lors du tannage par des graisses et qui rend le cuir plus résistant à l’eau. Il y a deux procédés possibles : la mise en suif (imprégnation du cuir par une graisse solide fondue) ou la mise en huile (milieu humide avec émulsion grasse). Pour donner une couleur, on réalise une teinture à l’aide de colorants ou de pigments. Les procédés d’applications traditionnels sont la brosse, le bain ou le sac (la peau est mise dans un sac avec des colorants en poudre à l’intérieur, côté fleur). Mais actuellement, ce sont les bains de colorants synthétiques ou les pigments dispersés dans de la résine et appliqués au pistolet qui sont le plus fréquemment utilisés. Pour donner du brillant, on employait de l’huile de ricin, afin de lustrer le cuir. Aujourd’hui, on utilise des résines.
2. Les tanins
a. Définition-composition Les tanins végétaux sont des composés d’origine végétale, qui ont la propriété de transformer la peau en cuir, ce qui lui confère une certaine souplesse et une bonne résistance à l’hydrolyse et aux attaques microbiennes quand le cuir est en milieu humide, ainsi qu’une certaine stabilité. Le mot « tanin » est établi depuis longtemps et a un usage étendu, particulièrement dans la littérature botanique. Mais une définition concrète et définitive n’est finalement pas si facile à donner. La définition la plus reconnue, formulée en 1962, est probablement celle de Bate-Smith et Swain. Ils classifient les tanins végétaux en tant que composé phénolique soluble dans l’eau, ayant une masse moléculaire comprise entre 500 et 3000 Da, qui présente à côté des réactions classiques des phénols, la propriété particulière de précipiter et de lier les 83
alcaloïdes, la gélatine, les polysaccarides et d’autres protéines4. Cette réactivité particulière avec les protéines est appelée l’astringence5. Les tanins sont astringents, c’est-à-dire qu’ils sont acides, car riches en sucres. Ce sont de grosses molécules qui font gonfler la structure de la peau. La molécule doit donc être suffisamment grosse pour faire réticuler les chaines, mais ne doit pas non plus l’être trop, car elle doit réussir à pénétrer dans la chaine. Cette définition a cependant bien évolué, car on a trouvé des tanins ayant une masse moléculaire très élevée (jusqu’à 20 000 Da) et non hydrosolubles. Il y a par exemple des ellagitanins non hydrolysables en raison d’un couplage C – C de leurs résidus polyphénoliques avec l’unité polyol.
b. Les différents groupes de tanins végétaux La composition et la concentration des tanins varient considérablement selon l’espèce de la plante, son âge et la partie de la plante où celui-ci est prélevé. Les tanins extraits donnent différentes qualités organoleptiques et propriétés chimiques aux cuirs obtenus. Les observations passées et les récentes expérimentations montrent clairement que les propriétés chimiques des tanins jouent un rôle important dans la conservation et la stabilité du cuir. Les plantes polyphénoliques sont généralement divisées en deux grands groupes6 : !"Les tanins hydrolysables : Ce sont des esters. Sous l’action d’un acide dilué ou d’une enzyme (tannase), les composés de ces tanins subissent une division hydrolytique, d’où le nom de ce groupement. Ils sont décomposés en acides et en sucres à une température élevée, particulièrement au-dessus de 60 °C, ou à une température plus basse, par une attaque microbienne ou enzymatique. Selon l’acide phénolique qui se forme par hydrolyse, ils sont classés en gallotanin (produit l’acide gallique) et en ellagitanin (donne l’acide ellagique). -
Les gallotanins sont moins communs dans la nature que les ellagitanins : Les gallotanins ou tanins galliques sont formés autour d’un sucre (glucose ou polyol dérivé du D-glucose) comportant plusieurs liaisons esters avec des acides galliques (ou leurs dérivés) ; les fonctions hydroxy OH des résidus polyoloques sont partiellement ou totalement substitués par des unités galloyles. Les tetra-esters et penta-esters sont des intermédiaires fondamentaux dans la biosynthèse de presque tous les polyphénols hydrolysables naturels. Il peut se constituer des chaines latérales de plusieurs acides galliques liés selon un mode meta- ou para-depsidique7 .
4 HASLAM, E. « Twenty-second procter memorial lecture vegetable tannins-renaissance and reappraisal ». Jouranl of the Society of Leather and Chemists, Vol 72, University of Sheffield, 1988, p. 45-47. 5 FALCAO, Lina, M. ARAUJO, Maria Eduarda. « Tannins characterisation in new and historic vegetable tanned leathers fibres by spot tests ». Journal of Cultural Heritage A Multidisciplinary Journal of science and Technology for Conservation and Awareness, Elsevier, 2011. 6 Idem 7 http://fr.wikipedia.org/wiki/Tanin 84
Les feuilles de sumac et les cosses de tara sont les gallotanins les plus utilisés.
D-Glucose8
Acide Gallique9
penta-O-galloyl-D-glucose10 précurseurs de nombreux tanins 8 Karamali Khanbabaee, Teunis van Ree, « Tannins : classification and definition », dans Nat. Prod. Rep., vol. 18, 2001, p. 641-649 9 idem 10 idem 85
-
Les ellagitanins ou tanins ellagiques : sont formés autour d’un sucre (glucose ou polyol dérivé du D-glucose) comportant plusieurs liaisons esters d’acide hexahydroxydiphénique (HHDP ou de ses dérivés DHHDP, acide chébulique). Ils sont produits à partir des gallotanins par couplage oxydatif C – 2 – C – 2’ d’au moins deux unités galloyles. Avec plus de 500 composés, les ellagitanins forment le groupe le plus important de tanins. Après l’hydrolyse des liaisons ester, les acides diphéniques libérés se réarrangent spontanément en acide ellagique stable11.
Les bois de châtaignier et de chêne sont des ellagitanins fréquemment utilisés.
HHDP12
Les tanins hydrolysables produisent des cuirs de couleurs jaune pâle, verdâtre ou marron, qui sont considérés comme étant plus stables que ceux produits à partir de tanins condensés. Pour la conservation-restauration, les cuirs tannés à partir d’un tannage végétal produit avec un tanin hydrolysable sont fortement recommandés.
!
Les tanins condensés : ce sont des flavonoïdes oligomériques et polymériques, qui produisent une couleur rouge (anthocyanidine). Ils sont constitués d’unités de flavan-3-ols liées entre elles par des liaisons carbone-carbone de type 4!" 8 ou 4 " 6. Ils sont non hydrolysables, ils se polymérisent par la chaleur : traités à chaud par un acide, ils se dégradent en pigments
11 http://fr.wikipedia.org/wiki/Tanin 12 Karamali Khanbabaee, Teunis van Ree, « Tannins : classification and definition », dans Nat. Prod. Rep., vol. 18, 2001, p. 641-649 86
colorés formés d’anthocyanidols. Les cuirs obtenus auront par conséquent une couleur rouge-marron. Les plantes principales qui contiennent un tanin condensé sont le bois de québracho et l’écorce de mimosa.
Numérotation des flavanols13
Procyanidol B-3, dimère catéchol-(4!!" 8)-catéchol14
Source : BICKLEY, J. C. « Vegetable tannins and tanning ». Jouranl of the Society of Leather and Chemists, Beverley, Vol 76, 1991
13 14
idem idem 87
Cette classification traditionnelle, définie par Freudenberg en 1920, a récemment été élargie à deux groupes supplémentaires : !
les tanins complexes sont des tanins formés par une unité gallotanin ou ellagitanin comportant une liaison glycosidique à un flavanol
Catéchine15
!
les phloro-tanins : ce dernier groupe est assez limité, il ne concerne qu’un groupe isolé d’algues marines brunes, qui n’a pas d’importance pour le tannage de la peau.
Ces deux nouveaux groupes ont une origine biosynthétique différente de celle des tanins condensés et hydrolysables qu’on ne trouve que dans les plantes supérieures et non chez les algues ou les animaux.
c. Fixation du tanin à la peau La fixation du tanin à la peau se fait principalement selon quatre facteurs : -
la concentration finale de tanin
-
le temps
-
la température
-
l’acidité et le pH
Le type de réaction varie également considérablement selon la proportion de tanin par rapport à la proportion de protéine. Si la protéine est en excès, une petite quantité de tanin va gélatiniser la solution de protéine ; supprimer les protéines interfibrillaires, avant le tannage, est donc une étape essentielle, faute de quoi, la pénétration du tanin peut être entravée. Si le tanin est en excès, un précipité va se former. Il pourra être séparé, un peu comme un gel. On peut donc considérer que le tannage a avant tout pour enjeu la stabilisation de la structure de la protéine. Pour cela, on incorpore dans sa structure fibrillaire un tanin et, ainsi, on l’immobilise. Celui-ci aura une affinité avec les différentes fonctions du groupe protéinique, ce qui stabilisera la structure de la protéine et permettra le tannage de la peau16. 15 16 88
idem HASLAM, E. « Vegetable tannage : where do the tannins go ? ». Jouranl of the Society of Leather and Chemists,
Source : BICKLEY, J. C. « Vegetable tannins and tanning ». Jouranl of the Society of Leather and Chemists, Beverley, Vol 76, 1991
d. Historique Les tanins végétaux sont des composés organiques présents dans l’écorce, les bois, les feuilles, les fruits et les noix de beaucoup de plantes. Ils sont utilisés depuis le Néolithique, seuls ou combinés avec d’autres matériaux, pour retarder la décomposition et transformer la peau en cuir. On effectuait le tannage en plaçant alternativement, dans un récipient, des couches de peaux et de matière végétale écrasée. On ajoutait de l’eau et on laissait la peau reposer dans l’infusion de plantes, jusqu’à l’obtention d’un cuir satisfaisant. Cette technique, développée dans la région Méditerranéenne est connue sous la dénomination de « tannage végétal » et a été pendant des siècles la technique la plus utilisée en occident pour transformer la peau en cuir. En Indonésie, le tanin était également traditionnellement utilisé pour préserver les filets de pêche de la pourriture, pour colorer différentes matières (batik), et en tant que médecine traditionnelle. Dans les arts graphiques, les tanins ont essentiellement été utilisés pour les encres gallotanniques. Le procédé de tannage végétal a graduellement été remplacé à la fin du 19ème siècle par le tannage minéral au chrome. Au 20ème siècle, la production de tanin pour le cuir a connu son zénith à la fin des années 40, plus particulièrement entre 1948 et 1950, et n’a depuis cessé de décliner. Cependant, ce facteur couplé à celui de la crise de l’énergie a stimulé la recherche, dans le monde de l’industrie, quant à l’utilité des tanins17. On sait par exemple Vol 81, University of Sheffield, 1996, p. 45-51. 17 ROUX, David G., FERREIRA, Daneel, HUNT, Hans et al. « Structure, stereochemistry, and reactivity of natural condensed tannins as basis for their extended industrial application ». Applied Polymer Symposium, Vol 28, University of the Orange Free State – South Africa, 1975, p. 335. 89
qu’en Indonésie ces dernières années, l’industrie forestière a montré un intérêt quant à la possibilité d’incorporer des tanins à un adhésif au phénol formaldéhyde pour la production de bois composites et fabriquer des planches de bois. Cependant, les efforts pour améliorer l’utilisation des tanins ont été largement empiriques. Les recherches conduisent aujourd’hui à isoler et à caractériser les extraits de tanins, spécialement ceux provenant de l’écorce de mangrove, à cause de leur potentiel commercial, ils peuvent, en effet, être utilisés dans une très grande variété d’applications chimiques, notamment pour l’industrie pharmaceutique18 (propriétés antioxydantes, bactéricide, protection cardiovasculaire, etc.).
e. Les différentes variétés de plantes Pratiquement toutes les plantes contiennent des tanins, et certaines en sont suffisamment riches pour être exploitées. En Indonésie, on recense 135 espèces de plantes pouvant être utilisées en tant que tanin et substance colorante, plus 22 autres espèces, incluant le palmier et le gambier, qui possèdent les mêmes caractéristiques chimiques que les tanins19. Voici une liste qui récapitule les principales espèces de plantes exploitées dans le monde pour leurs tanins. Elles sont classées selon la partie de la plante où le tanin est concentré20 : -
L’écorce des arbres : Acacia (Acacia sp), Mangrove (Rhizophora sp), Chêne (Quercus sp), Épicéa (Picea sp), Pruche, Cigüe (Tsuga sp), Eucalyptus (Eucalyptus sp), Cassia (Cassia auriculata), Acacia arabica, Bouleau (Betula sp), Saule (Salix caprea), Pin (Pinus sp), Mélèze (Larix sp), Aulne (Alnus sp.).
-
Le bois des arbres : Québracho (Schinopsis sp), châtaignier (Castanea sp), Chêne (Quercus sp), Acacia à cachou (Acacia catechu), Eucalyptus wandoo, Urunday, Tizra.
-
Les fruits et les noix : Myrobalan ou terminalia (Terminalia chebula), Chêne à glands doux (Quercus aegilops), Divi-divi (Caesalpinia coriaria), Caesalpinia brevifolia, Tara (Caesalpinia spinosa), Teripods, Sant pods, Sappan, noix d’Arec : fruit du palmier (Areca catchu), écorces de grenade (fruit du Punica granatum), Bahera (T. bellerica).
-
Les feuilles : Sumac, Sumac américain (Rhus sp.), Gambier (Uncaria gambir), Dhawa (Anogeissus latifolia), Bergenia (Bergenia crassifolia), Théier.
-
Les racines : L’oseille (Rumex sp), Canaigre (Rumex hymenosephalus), Bergenia (saxigragia crassifolia), Chêne des garrigues ou Chêne kermès (Quercus coccifera), lavande de mer
18 W. HEMINGWAY, Richard, E. LAKS, Peter. « PLANT POLYPHENOLS Synthesis, Properties, Significance », Basic Life Sciences, Plenum press New York, 1992, volume 59, p881-893 19 idem 20 HASLAM, E. « Vegetable tannage : where do the tannins go ? ». Jouranl of the Society of Leather and Chemists, Vol 81, University of Sheffield, 1996, p. 45-51. 90
(Limonium vulgare) ou saladelle ou lilas de mer.
-
La galle (ou cécidie) : Chêne (Quercus sp), Sumac (Rhus semialata), Tamaris (Tamarix articulata), Pistachier (Pistacia sp), Chêne d’Alep ou Chêne à Galles ou galle du Levant (Quercus infectoria), Galle Morée du chêne chevelu (Q. cerris), Galle d’Istrie vient du chêne vert (Q. ilex), Galle de Hongrie ou du Piémont vient du chêne pédonculé (Q. robur).
La noix de galle est une excroissance végétale causée par la piqure d’un insecte qui y dépose ses œufs. Il en existe une grande variété selon l’insecte et la plante hôte.
Tableau n°1 : Composition moyenne de quelques matières tannantes végétales21 Type de
Non-tanins
tanin
%
10
TC (+TH)
12,5
Insoluble %
Eau %
5,5
71,5
13
TC
7,5
65,5
14,5
35
TC
11
42
12
8,2
TH
1,7
75,6
14,5
24
TH
16
48
12
Valonnées
46
TH
12
30
12
Myrobalans
34
TH
14
39
13
Divi-divi
41,5
TH
18
26
14,5
20,6
12,7
Tanins % Écorce de chêne Écorce de sapin Écorce de mimosa Bois de châtaignier Feuilles de sumac
Galles d’un
56,3 TH 10,4 tamaris TH = tanin hydrolysable, TC = tanin condensé
Les scientifiques ne comprennent pas encore totalement le rôle que joue le tanin pour la plante. On pense qu’il a une fonction d’agent de protection (due à son astringence), d’agent toxique (phénolique) et d’agent favorisant la résistance au gel dans les zones tempérées. Il est, à cet égard, intéressant de souligner que les plus vieux et les plus grands arbres du monde, qui se trouvent dans le parc national des séquoias aux États-Unis, peuvent en partie devoir leur résistance au tanin. En effet, la dureté de leur bois et l’imprégnation du tanin dans 21
PEREGO, François. Dictionnaire des matériaux du peintre. Paris : Belin, 2005, 896 p. 91
l’écorce (épaisse d’environ 91,5 cm) confèrent une solide protection à ces arbres. On estime que la plupart d’entre eux ont environ 3 500 ans22. Pour extraire le tanin des plantes : on épuise la matière à l’eau, souvent à froid. Le rendement est meilleur si l’on part de produits frais ou congelés, car le séchage entraine une insolubilisation partielle. Les écorces sont ramassées sur les jeunes branches au printemps lors de la poussée de sève pour l’écorçage naturel, sinon les branches sont écorcées à la vapeur. Les noix de galle sont de préférence récoltées avant la sortie de l’insecte (donc non percées) et séchées au soleil. On peut réaliser l’extrait avec un mélange d’éther et d’eau. Les extraits de bois se font à l’eau bouillante ; l’extrait filtré est conservé sous vide. Dans l’industrie pharmaceutique, les tanins sont extraits avec un mélange d’eau et d’acétone. Cette dernière est éliminée par distillation et la solution aqueuse est traitée avec un solvant peu polaire, comme le dichlorométhane, pour éliminer les lipides et certains colorants. Un dernier traitement à l’acétate d’éthyle permet d’extraire les phénols de faible masse moléculaire ; restent dans l’eau les tanins galliques de masse moléculaire élevée et les tanins condensés polymérisés 23.
3. Les spots tests
Selon le Paper conservation catalog24, il existe deux types de spots tests qui peuvent être effectués au cours de l’observation et l’examen des œuvres : les tests de prétraitements et les tests microchimiques. Nous ne parlerons que des tests microchimiques, car ce sont les seuls qui nous concernent directement. Il s’agit de tester un petit échantillon de l’œuvre avec des produits chimiques. Les différentes caractéristiques des réactions obtenues aidant à identifier les matériaux en présence.
a. L’analyse microchimique C’est un examen technique de l’objet qui permet d’identifier les matériaux utilisés (ou de faire des suggestions), y compris ceux qui contribuent à l’état actuel de conservation de l’œuvre. La détermination des matériaux composant l’objet permet, en effet, de planifier un traitement spécifique ou d’augmenter les connaissances sur l’œuvre, sur les matériaux ou les techniques utilisés. La majorité des tests sont destructifs pour les échantillons et ne peuvent donc être directement réalisés sur l’objet. Les tests, effectués sur un échantillon pris sur l’œuvre, reposent sur une réaction chimique qui induit une évolution colorée visible, un précipité ou un dégagement 22 SANTAPPA, M., RAO, V. S. Sundara. « Vegetable Tannins – A Review ». Journal of Scientific and Industrial Research. Central Leather Research Institute, Adyar, Madras, Vol 41, December 1982, pp. 705-718. 23 PEREGO, François. Dictionnaire des matériaux du peintre. Paris : Belin, 2005, 896 p. 24 AIC – BPG. Spot tests. Paper conservation catalogue (PCC), 1990, 7ème édition, 80 p. 92
gazeux. Ajoutons, pour finir, que le fait de parler de spot test signifie qu’on n’aura pas recours à des analyses techniques sophistiquées telles que la spectroscopie infrarouge, la radiographie, les rayons X ou la fluorescence.
b. Les facteurs à considérer
i.
L’échantillonnage
L’objectif est de prélever un échantillon représentatif aussi petit que possible, pour ne provoquer qu’un minimum de nuisance ou de changement manifeste dans l’œuvre, mais également suffisamment grand pour permettre l’analyse. Aussi, l’échantillonnage à partir de l’œuvre n’est pas toujours désirable ni / ou possible. On conseille, quand c’est possible, d’utiliser pour les tests des morceaux ou des fibres déjà détachés de l’œuvre. Les paramètres à prendre en compte sont les suivants : -
Les tests microchimiques doivent être considérés comme un moyen de confirmer des résultats obtenus par le biais d’autres investigations.
-
La sélection des tests microchimiques doit être spécifique et utilisée à bon escient.
-
L’échantillon choisi pour représenter le composant devra être prélevé à différents endroits de l’objet, cela permet, en effet, d’obtenir des résultats qui représentent l’objet dans son ensemble.
-
L’échantillon sélectionné doit être débarrassé, autant que faire se peut, des matériaux étrangers. Les tests microchimiques sont, en effet, effectués pour analyser une substance spécifique. Quand l’échantillon contient un mélange, les résultats peuvent être confus, voire faussés. Ainsi, avoir recours à des instruments sophistiqués peut s’avérer judicieux dans le cas où un petit échantillon doit simultanément être évalué pour déterminer un large éventail de composants.
-
Il peut également être utile de tester simultanément un échantillon de contrôle et l’échantillon inconnu, afin de pouvoir juger du succès de la procédure de test, sachant que des contrôles de mélanges similaires ou de même concentration sont nécessaires pour juger de l’intensité de la réaction chimique.
-
Certains tests sont si difficiles à interpréter qu’il peut s’avérer nécessaire de couper l’échantillon en deux, afin de pouvoir comparer la couleur de la pièce test à celle de la portion non testée. ii.
Les réactifs
En ce qui concerne les réactifs, il en va de même, bon nombre de paramètres sont à prendre en considération : -
La sensibilité des réactifs : 93
Les réactifs peuvent ne pas être capables de détecter une concentration basse du matériau, particulièrement quand l’échantillon est petit. À l’inverse, le réactif peut être si sensible qu’il donne un résultat non représentatif du principal composant ou constituant. -
La réponse du réactif :
Le réactif peut ne pas répondre à l’échantillon dans sa forme ou sa phase existante. En effet souvent, une fois que les matériaux sont secs, leurs réactions changent avec le temps et les conditions environnementales. Des variations par rapport à ce qui est rapporté dans la littérature peuvent donc apparaitre. -
L’expiration des réactifs :
Une fois leur date d’expiration dépassée, les réactifs peuvent perdre leur efficacité. À moins que le réactif soit connu pour être stable dans le temps, des solutions fraiches doivent être utilisées. C’est une bonne idée de dater les solutions de réactif quand on vient de les recevoir ou de les faire. -
La contamination des réactifs et des échantillons :
Pour éviter une contamination des réactifs ou des échantillons, il est bon de nettoyer les outils de répartition et d’utiliser des outils d’échantillonnage non réactifs. -
La concentration des réactifs :
Elle affecte l’intensité de la réaction colorée induite. Il faut garder le niveau de concentration recommandé et utiliser une quantité suffisante de réactif pour obtenir une réaction complète de l’échantillon. -
La quantité de réactif :
Un trop grand volume de réactif peut faire déborder l’échantillon et ainsi diluer la délicate réaction colorée. Il faut donc généralement veiller à conserver un volume de solution de test aussi réduit que possible. -
L’interprétation des résultats :
Votre jugement est requis lors l’interprétation des résultats, il se fonde sur l’expérience et le recours à des contrôles.
III. OBJECTIFS DE L’EXPÉRIENCE Cette analyse a pour objectif d’évaluer la fiabilité des spots tests pour le tannage du cuir. Cinq spots tests pour l’identification du tannage végétal ont été testés : le « ferric spot test » qui détecte la présence d’un tannage végétal, le « vanillin test » et « l’acide butanol test » qui détectent la présence de tanins condensés, le « rhodanine test » et le « nitrous acid test » qui détectent la présence de tanins hydrolysables.
94
Par ailleurs, deux spots tests détectant la présence de tannage minéral au chrome ont été testés.
IV. PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL
1. Principe de l’expérience L’analyse du tannage du cuir suppose un prélèvement de fibres. Il s’agit donc d’une analyse destructrice, bien que la quantité de matière prélevée soit minime. Les spots tests pour le tannage végétal du cuir sont relativement rapides et simples à mettre en œuvre, ceux pour le tannage minéral sont un peu plus complexes. L’observation se fonde sur l’apparition d’une coloration des réactifs utilisés mis en présence des fibres. Chaque réaction positive d’un test fournit des éléments d’interprétation sur la nature du tannage du cuir. Néanmoins, la lecture de la coloration reste délicate et parfois subjective. Les interférences entre composants (notamment les teintures ou les produits de dégradation des cuirs anciens) peuvent fausser les résultats. L’interprétation doit donc s’appuyer sur : -
la répétabilité du test, prélevé à cinq endroits différents du cuir et effectué en moyenne sur cinq échantillons (pour les tests concernant le tannage végétal sur cuir récent) et trois échantillons en moyenne (pour les tests concernant le tannage végétal sur cuir ancien). La seule exception à cette règle de répétabilité concerne le spot test à l’acide nitrique : étant donné la dangerosité du produit, nous n’avons procédé qu’à un seul test pour chaque échantillon.
-
la comparaison visuelle systèmatique avec un échantillon non traité
-
les informations connus sur le tannage du cuir, sur la datation de l’échantillon et sur ses conditions de conservation.
2. Nos échantillons
a. Échantillons destinés aux spots tests pour le tannage végétal Les échantillons ont été choisis selon deux principes : des cuirs récents, bien conservés et des cuirs historiques détériorés. Ce qui permettra peut-être d’évaluer la fiabilité des spots tests en tenant compte de l’état de conservation du cuir. Les cuirs récents sont classés dans l’ordre de 1 à 6 : 1. Cuir utilisé dans le cadre du Memory Project. Il a été commandé à la société allemande FILK. Le tanin est du sumac, introduit selon une recette ancienne (dixit Dorte Sommer). C’est un tanin hydrolysable.
95
2. Cuir de l’école de Conservation du Danemark. Il a été commandé à l’entreprise danoise CARL Jensen. Nous n’avons pas d’information plus précise.
3. Cuir utilisé dans le cadre du Memory Project. Il a été commandé à la société allemande FILK. Le tanin est du mimosa, c’est un tanin condensé.
4. Cuir de l’école de Conservation du Danemark. Tannage minéral au sulfate d’aluminium.
5. Cuir de l’école de Conservation du Danemark. Il a été commandé à l’entreprise danoise CARL Jensen. Tannage végétal, sans plus de détail.
6. Cuir de l’école de Conservation du Danemark. Tannage minéral au chrome.
Les cuirs historiques, quant à eux, viennent du STEP Leather Project25, un projet européen portant sur l’évaluation comparative de cuirs de tannage végétal naturellement vieillis et de cuirs de 25 European Commission. STEP Leather Project : Evaluation of the Correlation between Natural and Artificial Ageing of Vegetable Tanned Leather and Determination of parameters for Standardization of an Artfificial Ageing Method. Copenhague : LARSEN, René, avec l’assistance de VEST, Marie, et BOGVAD KEJSER, Ulla, 1993. 96
tannage artificiellement vieillis et sur la détermination de paramètres pour la standardisation d’une méthode de vieillissement artificiel. Les cuirs que nous avons utilisés sont des cuirs de reliure, en chèvre. Ils ont fait partie d’une grande enquête menée, depuis les années 1930, par l’industrie anglaise de reliure, en coopération avec les associations de recherche sur le cuir et le papier. Ce projet visait à déterminer les causes de détérioration du cuir et à établir quels tannages et quels traitements permettraient une plus grande pérennité au cuir.
BQ5 : Cuir tanné au québracho, c’est un tanin condensé.
BM : Cuir tanné au mimosa, c’est un tanin condensé.
B5 : Cuir tanné au sumac, c’est un tanin hydrolysable, un gallotanin.
BMB : Cuir au tanin hydrolysable et, plus précisément, un ellagitanin.
BC : Cuir tanné à la châtaigne, tanin hydrolysable et c’est plus précisément un ellagitanin. Mais il semble également que ce cuir contienne un tanin condensé, selon les indications du STEP Leather Project26.
26
Idem, p.185, table 5 97
b. Échantillons destinés aux spots tests pour le tannage minéral Ces échantillons sont numérotés de 1 à 10. Deux tests ont été effectués sur le numéro 5. Il y a donc un 5 et un 5 SN (Sans Noir). Les échantillons sont bleu-gris, et parfois teints, comme le numéro 5 (mais quand on incise la peau, on voit la couleur interne bleu-gris ou vert gris, typique de ce tannage au chrome). La teinture du numéro 5 étant particulièrement présente, nous avons choisi de prélever un échantillon après avoir enlevé la partie teinte (5 SN), afin d’observer si cela avait une incidence sur le résultat de l’analyse. Le tannage au chrome est avéré pour la majorité des échantillons sauf le numéro 10, où ce n’est que supposé. Nous n’avons pas plus de détail sur la qualité des peaux et leurs provenances. 1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
98
3. Spots tests, réactifs et solvants Attention, la manipulation d’acide est très délicate et peut être particulièrement dangereuse !
a. Spots tests pour le tannage végétal Ferric spot test : Le réactif utilisé est du chlorure de fer (III). On peut également utiliser du sulfate de fer (III). On réalise une solution aqueuse à 2 % de chlorure de fer (FeCl3) : on ajoute 0,5 g de chlorure de fer à 25 ml d’eau distillée. Le principe de l’analyse est basé sur la réaction qui se produit entre la base phénolique du tanin végétal avec le sel de fer. Cette réaction forme une coloration foncée, qui va du gris au noir.
Réactif pour le Ferric spot test.
Vanillin spot test : La vanilline (4 – hydroxy – 3 – methoxybenzaldehyde) est un aldéhyde aromatique naturel. Pour l’expérience, on prépare une solution alcoolique à 1 % de vanilline, mais certains préconisent une concentration à 4 %27. On aura également besoin de HCl. La vanilline indique la présence de tanin condensé. En réaction à la vanilline acidifiée, les flavanols produisent une réaction colorée, bleu-rouge pour les cuirs bien conservés et rouge-marron pour les cuirs dégradés.
Réactifs pour le Vanillin spot test.
27 V. POULSEN, Dorte. « Presentation and evaluation of spot tests for identification of the tannin type in vegetable tanned leather ». ICOM Committee For Conservation, Vol II, 2002. 99
Acid butanol spot test : On prépare une solution d’acide butanol en mélangeant 95 ml de n– butanol avec 5 ml d’acide chlorhydrique à 37 %. Puis, en mélangeant 2 % de sulfate de fer et d’ammonium (FeNH4(SO4)2 à 2N de HCl, on prépare le réactif ferrique. L’acid butanol test détecte la présence des tanins condensés, indiqués par une coloration allant du rouge orangé au rouge cramoisi.
Réactifs pour le Acid butanol spot test.
Rhodanine test : On utilise pour ce test de l’acide sulfurique mélangé à de l’eau distillée H2SO4, de la rhodanine C3H3NOS2 (2-thio-4-ketothiazolidine, Alfa Aesar), et de l’hydroxyde de potassium KOH. Le réactif de rhodanine contient 0,667 % de rhodanine dans l’éthanol. Le test se fait en trois étapes et permet de détecter les gallotanins et l’acide gallique. Dans des conditions basiques, la rhodanine réagit avec le groupe hydroxyle et dégage un complexe rouge. Pour identifier l’acide gallique, il est auparavant nécessaire d’hydrolyser les gallotanins.
Réactifs pour le Rhodanine spot test.
100
Nitrous acid test : Danger – ce test est très dangereux et ne doit pas être réalisé dans un simple atelier et sans la présence d’une personne qualifiée. On utilise de la pyridine C5H5N, du nitrite de sodium NaNO2 et du HCl à 37 %. Ce test permet de détecter les ellagitanins.
Réactifs pour le Nitrou sacid spot test.
b. Spots tests pour le tannage minéral Danger – ces deux tests sont très dangereux et ne doivent pas être réalisés dans un simple atelier et sans la présence d’une personne qualifiée.
Test 1 et Test 2 : il faut tout d’abord préparer du persulfate de sodium Na2S2O8. Nous utiliserons ensuite 2M NaOH, c’est à dire de l’hydroxyde de sodium, de l’acide sulfurique (2M H2 SO4), du peroxyde d’hydrogène à 5 % (H2 O2) et de l’isopentylalcohol.
4. Mode opératoire
a. Spots tests pour le tannage végétal
Ferric spot test : On place deux échantillons sur une même lamelle de verre. Il suffit de prélever deux petites fibres, ou une fibre que l’on scinde en deux parties. Avec une pipette pasteur, on humidifie chacun des échantillons avec une goutte d’eau distillée, puis on les recouvre séparément d’une fine lamelle de verre. Le fait d’humidifier la fibre de contrôle permet une comparaison visuelle plus précise. Puis, avec une pipette pasteur, on place une goutte de la solution de chlorure de fer (III) au coin de l’échantillon test couvert et, avec un papier buvard, par capillarité, on fait pénétrer le réactif. On peut alors observer un éventuel changement de couleur de l’échantillon traité, en le comparant avec l’échantillon de contrôle. 101
Expérimentation du Ferric spot test.
Vanillin spot test : On place deux échantillons sur une même lamelle de verre. Deux petites fibres (ou une fibre que l’on scinde en deux parties) suffisent. À l’aide d’une pipette pasteur, on dépose une goutte de la solution alcoolique de vanilline. Quand la solution a bien imprégné l’échantillon et que la vanilline est complètement sèche, on enlève le surplus de solution avec un bout de papier. On ajoute ensuite une goutte de concentré d’HCl sur les deux échantillons (test et contrôle). Une couleur bleu-rouge ou marron-rouge apparait, signalant la présence de tanin condensé.
Expérimentation du Vanillin spot test.
Acid butanol spot test : Dans une éprouvette, on place une ou plusieurs fibres de cuir et on ajoute la solution d’acide butanol et d’acide chlorhydrique à 37 %. Puis on ajoute 40 μL du réactif ferrique. Le mélange doit être chauffé à 100 °C pendant 50 minutes. La formation progressive d’une coloration allant d’un rouge orange au rouge cramoisi indique la présence de tanin condensé.
102
Expérimentation de l'Acid butanol spot test.
Rhodanine test : Trois petites fibres sont prélevées sur le cuir et sont placées sur une plaque de verre. L’échantillon le plus à gauche permet d’identifier le gallotanin, l’échantillon du centre sert à identifier l’acide gallique et l’échantillon de droite sert au contrôle. Une goutte de H2SO4 est ajoutée sur l’échantillon de gauche pour tester le gallotanin. L’échantillon doit reposer cinq minutes pour hydrolyser. L’excès d’acide est enlevé avec un bout de papier filtre. Ensuite, une goutte de solution alcoolique de rhodanine est ajoutée à l’échantillon de gauche et du centre pour tester l’acide gallique. Au bout de cinq minutes, le surplus de réactif de rhodanine est enlevé avec un bout de papier filtre. On ajoute enfin une goutte d’hydroxyde de potassium sur les trois échantillons. Quant à l’échantillon de droite, qui sert de contrôle, il est seulement imbibé d’une base. Si la réaction est positive, une coloration rouge apparait.
Expérimentation du Rhodanine spot test.
Nitrous acid test : Dans une éprouvette, on met une ou plusieurs fibres de cuirs. On ajoute 2 ml de pyridine, puis 150 μl de HCl à 37 %. Le mélange doit être chauffé à 30 °C. Au bout de cinq minutes, on ajoute 150 μl de solution aqueuse de nitrite de sodium à 1 %. Tout ceci doit incuber pendant 20 minutes à 30 °C. 103
En présence d’ellagitanin, une coloration bleue apparait.
Expérimentation du nitrous Acid spot test.
b. Spots tests pour le tannage minéral
Le protocole est le même pour les deux tests, sauf, que pour le test 2, les échantillons sont brulés avant toute adjonction de réactif.
104
Test 1 : On prend environ 1 mg par échantillon et on les met respectivement dans des petits tubes à essai. On ajoute un ongle (le bout d’une spatule) de persulfate de sodium (Na2S2 O8) puis deux gouttes d’hydroxyde de sodium (2M NaOH) dans chaque tube à essai. L’échantillon est doucement chauffé pendant environ 45 min. Une coloration jaune doit apparaitre. Pendant que les échantillons chauffent, on prépare une deuxième série de tubes à essai qu’on dispose dans de la glace afin qu’ils soient très froids. Dans chaque tube à essai glacé, est ajouté, dans l’ordre : 2 gouttes d’acide sulfurique (2M H2SO4), 2 gouttes de peroxydes d’hydrogène à 5 % (H2 O2) et 2 gouttes d’isopentylalcohol. Pour finir, on verse dans ce mélange quelques gouttes de l’extrait jaune contenant l’échantillon. Si notre échantillon contient du chrome, une coloration bleue va immédiatement apparaitre, pour disparaitre très rapidement. Il faut donc être particulièrement rapide et attentif. Le bleu obtenu sera plus ou moins saturé, selon la quantité de chrome présent dans l’échantillon.
Fibre de cuir
Na2S2 O8
Échantillons chauffés
Tubes à essai dans la glace
Ajout de 2 gouttes : d'acide sulfurique, de peroxydes d'hydrogène et d'isopentylalcohol
Réaction colorée bleue
Test 2 : Après avoir sélectionné des échantillons assez importants, chacun des échantillons est placé dans un petit godet en céramique blanche. Les échantillons sont mis au four à 800 °C, jusqu’à ce qu’ils soient complètement brulés, c’est-à-dire pendant deux heures environ. Cette 105
étape est destinée à éliminer tous les résidus organiques qui sont dans le cuir et permet donc de purifier la matière en vue de la détection du chrome. Ce spot test est censé donner des résultats plus sûrs, mais son application dans le monde de la conservation-restauration est récente. Quand les échantillons sont sortis du four, on suit la même procédure que pour le test 1.
Fibres de cuir dans les godets de céramique
V. RÉSULTATS -
= pas de réaction
+
= réaction colorée
rouge = réaction incohérente par rapport à ce que l’on sait des cuirs (ou interprétation difficile de la réaction colorée)
106
1. Résultats d’analyses pour le tannage minéral Tableau n°2 : Spot test chrome tanned leather
1 2 3 4 5 5 WB 6 7 8 9 10
Test 1
Test 2 (brûlé)
+
+ +
+ +
+ +
+
+
+ +
+ +
+ +
+ +
-
+
-
-
2. Résultats d’analyses pour le tannage végétal Tableau n° 3 :
107
Spot test for vegetal tanned leather
Ferric test tannins
Vanillin test condensed tannins
Acid butanol test condensed tannins
Rhodanine test - 2 steps gallo tannin
gallic acid
1 hydrolysable - sumac
+
-
+
-
+
1
+
-
-
+
+
1
+
-
-
+
+
1
+
-
-
-
+
1
+
-
-
+
+
1
-
1
-
1
-
2
+
+
+
-
-
2
+
+
+
-
-
2
+
+
+
-
-
2
+
+
+
-
-
2
+
+
+
-
-
3 condensĂŠ mimosa
+
+
+
-
-
3
+
+
+
-
-
3
+
+
+
-
-
3
+
+
+
-
-
3
+
+
+
-
-
4 - sulfate d'aluminium
-
-
-
-
-
4
-
-
-
-
-
4
-
-
-
-
-
4
-
-
-
-
-
4
-
-
-
-
-
5
+
+
+
+
+
5
+
+
+
+
+
5
+
+
+
+
+
5
+
+
+
+
+
5
+
+
+
+
+
6 - chrome
-
-
-
-
-
6
-
-
-
-
-
6
-
-
-
-
-
6
-
-
-
-
-
6
-
-
-
-
-
BQ5 condensĂŠ - quebracho
+
+
+
-
-
BQ5
+
+
+
-
-
BQ5
+
+
+
-
-
108
Nitrous acid test ellagitannins -
-
-
-
-
-
Spot test for vegetal tanned leather
Ferric test tannins
Vanillin test condensed tannins
Acid butanol test condensed tannins
Rhodanine test - 2 steps gallo tannin
gallic acid
BM condensĂŠ - mimosa
+
+
+
-
-
BM
+
+
+
-
-
BM
+
+
+
-
-
B5 hydrolysable - sumac
+
-
-
+
+
B5
+
-
-
+
+
B5
+
-
-
+
+
BMB hydrolysable
+
+
+
+
+
BMB
+
+
+
+
+
BMB
+
+
+
+
+
BC hydrolysable - châtaigne
+
-
+
+
+
BC
+
-
+
+
+
BC
+
-
+
+
+
Nitrous acid test ellagitannins -
-
+
+
109
3. Analyse des résultats
a. Spots tests pour le tannage végétal
i. Les cuirs récents Pour les quatre cuirs dont nous connaissons la composition, les résultats semblent cohérents.
Échantillon 1 : Nous ne devrions avoir que des résultats positifs, mais pour ce qui est du Rhodanine test, nous constatons que, sur 5 résultats, 2 sont négatifs. Il semble logique que cette première étape (détection du gallotanin) fonctionne moins bien que la deuxième (détection de l’acide gallique). En effet, plus la molécule est petite, plus elle se détruit petit à petit.
Échantillon 2 : Nous n’avions pas d’information, concernant cet échantillon, si ce n’est que le tannage était végétal. Les résultats d’analyses nous indiquent qu’il pourrait s’agir d’un tanin condensé.
Échantillon 5 : Là encore, nous n’avions pas d’informations précises concernant cet échantillon mis à part le fait que le tannage était végétal. Selon les tests, il pourrait s’agir ici d’un tannage combiné, hydrolysable et condensé. Dorte Sommer nous disait que, souvent, les manufactures utilisent cette méthode, car elle permet de tanner plus rapidement les peaux. Au sumac, souvent demandé pour des cuirs utilisés en conservation parce qu’il donne des cuirs très stables, les manufactures ajoutent fréquemment un tanin condensé, afin d’accélérer les processus de fabrication.
ii.
Les cuirs historiques
Les résultats semblent cohérents dans l’ensemble pour les cuirs dont nous connaissons la composition, mais dans de nombreux cas, l’interprétation colorée a été difficile.
BMB : Le tanin de l’échantillon BMB (cuir au tanin hydrolysable : ellagitanin) était hydrolysable. Or nous détectons également la présence de tanin condensé. Dorte Sommer pense que ceci pourrait s’expliquer par le fait que l’acide gallique est un produit de dégradation que l’on trouve autant dans les tanins condensés que dans les tanins hydrolysables (ceci sera prochainement développé dans un article de Dorte Sommer).
b. Spots tests pour le tannage minéral
110
Étant donné le fait que nous n’avons pas pu répéter ces tests, nous ne pouvons pas tirer de réelles conclusions. Tout au plus pouvons-nous remarquer que l’échantillon 10, à notre grand étonnement, ne semble pas contenir de chrome et que, pour l’échantillon 1 et 9, les résultats des tests 1 et 2 ne sont pas homogènes : le test 1 ne détecte pas de chrome, tandis que le test 2 en détecte. On peut cependant observer que les réactions colorées sont beaucoup plus prononcées avec le test 2, c’est-à-dire, celui pour lequel les fibres ont été brûlés et où l’échantillon est donc plus « pur ».
111
VI. CONCLUSION
L’analyse des résultats obtenus nous a amené à constater que les spots tests permettant de détecter et d’identifier le tannage végétal du cuir manquent de fiabilité. Ainsi, cette analyse de la fiabilité des spots tests nous aura permis de comprendre que rester vigilant et critique est indispensable et qu’il faut, dans la mesure du possible, répéter les tests plusieurs fois, afin de vérifier les résultats. Les principales difficultés rencontrées dans le cadre de cette analyse portent sur les cuirs anciens. Il est parfois difficile d’interpréter les réactions colorées des spots tests étant donné la couleur rouge des cuirs historiques, couleur rouge résultant de leur mauvaise conservation (« red rot »). Quant à l’analyse des résultats pour ces cuirs, elle fait apparaitre que quatre cycles d’analyses sur vingt-cinq présentent une certaine ambigüité, ce qui représente, malgré tout, une marge d’erreur importante. Il faut également se méfier des teintures, car elles sont, de par leur composition, très proches des tanins condensés, ce qui peut induire en erreur, notamment avec le Vanillin test, quand la teinture entre très profondément dans la peau. Deux points positifs ont pu cependant être observés lors de cette analyse : premièrement, une quantité minime (environ 0,5 mg) de cuir suffit pour obtenir des résultats. On peut par exemple se contenter d’une toute petite fibre de peau. Deuxièmement, les résultats obtenus semblent très cohérents pour les cuirs récents. Pour conclure, on peut donc dire que si les tests permettent d’obtenir certaines indications quant au tannage et au tanin utilisé, on ne peut cependant être sûr de leur fiabilité. En aucun cas, on ne peut considérer qu’ils pourraient remplacer des tests plus poussés. Le champ d’utilisation des spots tests pour le tannage végétal du cuir, dans la conservation-restauration, semble donc relativement restreint, puisque ce sont, en général, des cuirs anciens qui sont restaurés.
112
CONSERVATION-RESTAURATION
113
C. CONSERVATION-RESTAURATION I.
INTRODUCTION
II.
CONSTAT D’ÉTAT GÉNÉRAL 1. Identification des objets 2. Description matérielle et historique 3. Constat des altérations a. Altérations structurelles b. Altérations de surface c. Synthèse du constat des altérations 4. Causes des altérations
III.
PROPOSITION DE TRAITEMENT 1. Réflexion sur les réparations autochtones 2. Dépoussiérage 3. Décrassage/Gommage 4. Nettoyage 5. Traitement de la peau, mise en chambre d’humidification 6. Remise en forme des parties repliées du support 7. Consolidation de la couche picturale 8. Consolidation des déchirures et réintégration des lacunes 9. Conservation
IV.
114
ENTRETIEN AVEC DES SPÉCIALISTES À PROPOS DU PROTOCOLE DE TRAITEMENT ENVISAGÉ
V.
IDENTIFICATION DES DIFFÉRENTS COMPOSANTS CONSTITUANT LES MARIONNETTES 1. Les tests eau et alcool 2. Les tests effectués au laboratoire de l’École de conservation du Danemark a. Analyse des échantillons de peau i.
Précisions à propos des analyses
ii.
Résultats
b. Analyses des pigments et des liants c. Analyses des particules dorées d. Analyse des résultats obtenus et de la proposition de traitement avec l’équipe de chercheurs de l’École de Conservation du Danemark
VI.
NOUVELLES RENCONTRES AVEC DES SPÉCIALISTES APRÈS RÉSULTATS DES ANALYSES
VII.
PROPOSITION FINALE DE TRAITEMENT 1. Dépoussiérage 2. Établir la carte des zones à restaurer 3. Remise en forme des parties repliées du support 4. Consolidation de la couche picturale 5. Consolidation des déchirures et réintégration des lacunes 6. Conservation
VIII. RAPPORT DE TRAITEMENT IX.
CONCLUSION
115
C. PARTIE CONSERVATION-RESTAURATION I.
INTRODUCTION
Dans cette partie nous avons choisi de rendre compte de la façon dont notre étude a progressé sur un mode chronologique. La première phase de ce travail de conservation-restauration a débuté par un constat d’état, une étude approfondie des marionnettes afin d’en avoir une connaissance précise (soulignons que nous avons procédé ainsi : le constat d’état général est suivi d’un constat détaillé de l’état de chacune de nos quatre marionnettes, constat détaillé qui a été placé en annexe). Ce constat d’état effectué, nous avons élaboré un protocole de traitement. Ce premier protocole, ainsi que les marionnettes, ont été soumis à l’œil averti de plusieurs spécialistes afin de bien comprendre toutes les facettes et tous les enjeux de cette restauration. C’est, ensuite, dans le cadre d’un stage que nous avons pu effectuer au Danemark, à l’École de Conservation de Copenhague, que nous avons procédé à l’identification des matériaux constituant nos marionnettes. Ce stage nous a, en effet, offert l’opportunité d’étudier en profondeur la dégradation du cuir et les différents procédés permettant d’analyser le degré d’altération de la peau. Nous avons également pu réaliser des tests sur les pigments, sur les particules dorées et sur les liants qui composent la couche picturale. Tous les résultats développés des tests scientifiques sont proposés en annexe. Les résultats de ces analyses ont été soumis à l’équipe de recherche de l’École de Conservation de Copenhague avec laquelle nous avons travaillé. À l’issue de ces réunions, nous avons été amenés à remanier notre proposition de traitement. Une fois rentré en France, nous avons une nouvelle fois consultés des spécialistes au sujet de cette proposition de traitement, ce qui a encore généré des modifications et a permis d’établir un protocole de traitement, cette fois, définitif dont la mise en œuvre est détaillée dans le rapport de traitement.
116
II.
CONSTAT D’ÉTAT GÉNÉRAL
1. Identification des objets
Auteur : Ces marionnettes ont dû être réalisées par un fabricant d’ombre javanais, un Tukang Wayang.
Date : Nous pensons que les ombres datent du 19ème siècle ou du début du 20ème siècle.
Provenance : Les marionnettes viennent d’Indonésie et plus particulièrement de l’ile de Java. Elles ont été achetées dans la ville de Yojakarta, une ville située à une trentaine de kilomètres du volcan Merapi.
Propriétaire : Monsieur François Renaux. Il a lui-même acheté les marionnettes et les a ramenées de Java.
2. Description matérielle et historique
Description : La description de chaque marionnette progressera toujours sur le même mode, en détaillant les différentes parties du corps et du harnachement de l’animal. Nous nous intéresserons tout d’abord à la tête et au harnachement correspondant, ce qui nous amènera à parler du frontal, des montants, de la muserole, du filet, des rênes ou de la têtière (des indications concernant ce vocabulaire spécifique sont proposées en annexe dans un glossaire). Toutes ces parties du harnachement de l’animal sont décorées et peintes de différentes couleurs :
Tête du cheval (marionnette 2) - source lumineuse : lumière du jour
117
La description s’attachera ensuite à la partie centrale du cheval, la zone peinte souvent la plus ouvragée. En ce qui concerne le harnachement, nous serons amenés à évoquer les étrivières et les étriers, la selle, les tapis de selle et les quartiers. À noter que les quartiers figurent parmi les zones qui permettent le plus d’expressivité à l’artiste peintre.
Partie centrale du cheval (marionnette 4) source lumineuse : lumière du jour
Puis nous nous intéresserons à la queue et à la croupière, soit à l’arrière-train de l’animal :
Arrière-train de l’animal (marionnette 1) source lumineuse : lumière du jour
La dernière partie correspond à la « base » sur laquelle reposent les quatre pattes et comprend une partie de la queue du cheval. Elle participe de la cohésion de l’ensemble, renforce la stabilité de l’ombre lors de la manipulation et permet une meilleure solidité de l’objet. Cette partie de la marionnette sert également de support à la tige de manipulation de l’ombre :
118
Base de la marionnette 3 source lumineuse : lumière du jour
Comme le veut la tradition, la marionnette semble avoir été découpée « d’un bloc » sur une même peau. On remarque des ciselures au niveau des contours des différents éléments du harnachement du cheval et au niveau de la crinière, comme de la queue, ainsi que pour marquer les parties les plus importantes de la morphologie du cheval (jambe avant, épaule, flanc, cuisse et sabots). Ces ciselures ont deux formes, la ligne et le point, mais on sait qu’il existe au moins une douzaine de modèles de ciselures différents. La ligne est réalisée avec un burin fin et le point à l’aide d’un poinçon.
Dimensions : La hauteur varie entre 38 et 42,5 cm de hauteur selon les marionnettes et la largeur est comprise entre 52,3 et 66,5 cm.
Épaisseur : L’épaisseur moyenne des marionnettes est de 1,4 mm.
Montage : À l’origine, ces marionnettes étaient tenues par des tiges, qui devaient être fixées en leur centre. Mais ces tiges, en bois ou en corne, ont été enlevées par l’actuel propriétaire des marionnettes afin de faciliter leurs conditionnements lors du voyage et il est désormais difficile d’attribuer avec justesse leur baguette aux marionnettes correspondantes.
Tiges centrales des marionnettes source lumineuse : lumière du jour
119
Matériaux : Le support est une peau. Si traditionnellement on utilise de la peau de buffle, on sait cependant qu’existe également des marionnettes en peau de vache. Il est assez difficile de savoir s’il s’agit de parchemin ou de cuir. La peau de nos marionnettes a l’épaisseur du cuir, mais il n’est pas sûr qu’elle soit tannée. En effet, dans le cadre de nos recherches historiques sur la façon dont les marionnettes de wayang kulit étaient fabriquées, nous n’avons jamais trouvé une quelconque allusion à des pratiques de tannage. La peau semble avoir été traitée avec un travail de rivière traditionnel, et une mise en tension, traitement plus proche du parchemin que du cuir. Cependant, certaines informations données par Monsieur Degermann, président de la Manufacture du cuir Gustave Degermann, laissent à penser qu’il pourrait y avoir eu un tannage. Une peau n’ayant pas subi de tannage est très sensible à l’humidité et risque de subir des attaques fongiques. Il est donc, selon lui, peu probable que dans le Sud-est asiatique — zone connue pour son taux d’humidité élevée — les artisans du cuir ne tannent pas leurs peaux. Nous devrons donc procéder à des tests pour vérifier s’il y a eu un tannage ou pas, et ainsi éventuellement déterminer si cette peau est un cuir ou un parchemin.
Technique graphique : Les marionnettes sont peintes recto verso, parfois en miroir. Il y a du noir, du blanc, du rouge, du rose, du bleu, du vert, du jaune, des ocres et du doré. Traditionnellement, ces couleurs sont issues de pigments naturels, végétaux ou minéraux. Ils sont la plupart du temps dispersés dans un liant, généralement une colle animale à base de poisson. D’après les observations de plusieurs professeurs de restauration de peinture, dont Madame Frankline Barrés, spécialiste de la couche picturale, le liant pourrait être : -
d’origine collagénique (colle de poisson, de peau...)
-
une gomme (gouache...)
-
une tempera, étant donné la forte concentration pigmentaire
-
le liant pourrait également être d’origine vinylique, mais cela semble peu probable.
Des tests devront donc être réalisés pour déterminer si la couche picturale est sensible à l’eau et/ou à l’alcool. Nous savons que, depuis quelque temps, les artisans ne préparent plus eux-mêmes leur peinture et utilisent de plus en plus fréquemment des peintures acryliques. Ce ne semble, cependant, pas être le cas de nos marionnettes, d’une part parce que la couche picturale n’a pas l’aspect d’une peinture acrylique, d’autre part parce que la peinture acrylique pour artiste n’a été mise en vente qu’à partir la deuxième moitié du 20ème siècle (les premières peintures acryliques apparaissent aux États-Unis en 1949 et en Europe en 1962). Ainsi, si, comme nous le pensons, nos marionnettes datent du 19ème siècle ou du début du 20ème, il ne peut s’agir de peinture acrylique. Il n’en demeure pas moins qu’il nous faudra réaliser des tests pour tenter d’identifier le liant et les pigments. Les dorures, visibles sur toutes les marionnettes, ont semble-t-il été réalisées avec de l’or véritable. Telle est l’opinion de Mme Abrard, technicien d’art doreur sur cuir aux Archives Nationales. 120
La dorure aurait été réalisée selon une technique que l’on appelle « l’or à la coquille » (les paillettes d’or sont mélangées à un apprêt, puis sont appliquées au pinceau, l’apprêt pouvant être une colle). Les paillettes d’or sont plus ou moins concentrées, c’est pourquoi la dorure peut, sur certaines marionnettes, paraitre terne. Nous tenterons là encore d’effectuer des analyses pour pouvoir confirmer la présence d’or véritable.
Inscription : Il n’y a aucune inscription particulière.
Restaurations antérieures : Il est difficile d’établir si les fils et les pièces de renfort en peau que l’on observe sur les quatre marionnettes relèvent de restaurations antérieures ou s’ils sont d’origine. Une chose est sure cependant, c’est que ces restaurations ont été réalisées en Indonésie. Ainsi, à la manière de Madame Elarbi, restauratrice au musée du Quai Branly, nous parlerons de réparations ou de restaurations autochtones. Une réflexion approfondie devra donc être menée afin d’établir les valeurs que l’on doit attribuer à ces réparations et le comportement à adopter vis-à-vis d’un objet de type ethnographique. Il s’agit donc d’une problématique importante de cette restauration.
121
3. Constat des altérations
Aspect général : Dans l’ensemble, les marionnettes sont dans un état de dégradation avancé. Elles sont fragiles et doivent être manipulées avec précaution. Altérations constatées : Nous répertorions ici les principaux types d’altérations présents sur ces marionnettes.
a. Altérations structurelles Les principales altérations structurelles sont : -
Des déchirures :
Altérations structurelles (déchirures)
Source lumineuse : lumière du jour
-
Des lacunes :
Altérations structurelles (lacunes)
Source lumineuse : lumière du jour
Nous constatons une grande fragilité au niveau de la structure interne de la peau. Elle semble très sèche, déshydratée et rigide.
122
b. Altérations de surface Les quatre marionnettes présentent une altération importante de la couche picturale. Différents phénomènes peuvent être observés : — Les abrasions de surface :
Altérations de surface (abrasion) -source lumineuse : lumière du jour
— La pulvérulence :
Altérations de surface (pulvérulence) - source lumineuse : lumière du jour
— L’écaillage et le déplacage :
Altérations de surface (écaillage et déplacage) source lumineuse : lumière du jour
c. Synthèse du constat des altérations
123
Marionnette 1
124
Marionnette 2
125
Marionnette 3
126
Marionnette 4
127
CP = couche picturale +++ = très importante ++ = importante + = très importante Tableau 1 : Comparatif des altérations Pliures
Planéité
Abrasion de la CP
Pulvérulence écaillage de la CP
Déchirures
Lacunes
Marionnette 1
+++
+
Marionnette 2
+++
++
+++
+
+++
+
Marionnette 3
++
++
++
++
++
+
Marionnette 4
++
+
+
+
++
+++
Traces de rouille
+++
+++
Tableau 2 : Comparatif des réparations autochtones Fils
Agrafes ou languettes de métal
Pièces de peau
Marionnette 1
+++
+++
Marionnette 2
++
+++
Marionnette 3
++
Marionnette 4
++
+++
+++
4. Causes des altérations Il est difficile, étant donné l’ancienneté de ces objets, de définir avec justesse et précision la cause des altérations présentes. Nous pouvons cependant émettre quelques hypothèses : -
Ces marionnettes ont été pendant un temps des objets usuels et ont suivi le chemin d’un Dalang 1. Entre ses mains, elles ont vécu un certain nombre de représentations. Nous avons pu regarder plusieurs vidéos de spectacles de Wayang Kulit à l’Institut International de la Marionnette à Charleville-Mézières et, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, la manipulation de ces marionnettes est assez rapide, presque brusque. Les marionnettes sont souvent agitées dans tous les sens. Comme une collection suit généralement un Dalang toute une vie, les marionnettes sont donc grandement sollicitées, la preuve en est ces nombreuses réparations autochtones que nous pouvons observer. L’usage peut donc constituer une 1 128
Maitre ombriste, cf. Partie histoire de l'art, ou Glossaire.
première cause d’altération. À la fin de chaque spectacle, les marionnettes sont rangées dans un coffre de bois, dans un ordre très précis. Les marionnettes animalières, qui sont traditionnellement considérées comme étant les moins importantes, sont les premières rangées et, ainsi installées tout au fond du coffre, elles doivent supporter le poids de toutes les autres. Le conditionnement figure donc, très certainement, parmi les causes d’altération importante. -
Le Dalang est un artiste itinérant. Il est amené à voyager souvent avec son coffre d’ombre.
Ces trajets doivent donc également être considérés comme une source possible de dégradation étant donné les vibrations et les frottements engendrés par de tels déplacements. Il semble même probable qu’une bonne partie de l’abrasion de la couche picturale des marionnettes soit due à ces pérégrinations. Sans doute faut-il également prendre en compte le voyage que ces quatre marionnettes ont fait de l’Indonésie à la France. La fragilité de la couche picturale pourrait également être due à l’instabilité du liant sur une peau aussi lisse. On remarque, en effet, un problème d’accroche entre la couche picturale et la peau lisse des marionnettes. La peau parait assez endommagée. Bien qu’un équilibre interne ait dû se créer, elle a sans doute été sensible au climat très humide de l’Indonésie et a également dû être particulièrement réactive au changement de température et d’hygrométrie lors de son voyage et de son arrivée en France. -
Les traces brunes sur la marionnette 3 (voir le constat détaillé en annexe) pourraient
être des traces et résidus de rouille. Plusieurs facteurs pourraient expliquer ces traces et notamment, la présence d’agrafes en métal appliquées pour réparer la marionnette, l’effet du métal sur la peau ayant pu être renforcé par l’acidité de la peau et l’humidité ambiante. Enfin, source d’altération inévitable, l’usure du temps, le vieillissement naturel de ces objets. Les matériaux constitutifs ont bien entendu subi les outrages du temps. -
On peut également considérer que des accidents ont pu marquer l’histoire de ces objets.
129
III.
PROPOSITION DE TRAITEMENT
1. Réflexions sur les réparations autochtones L’objet est toujours plus important, plus intéressant, plus capable (plein de droits) : il n’a aucun devoir vis-à-vis de moi, c’est moi qui ai tous les devoirs à son égard2.
La réparation modifie le sens de l’objet. Elle investit l’objet d’une forte charge émotive3.
L’objet réparé est ressenti comme étant plus proche, plus familier, son langage est plus accessible que celui d’un objet neuf ou intact4.
Par la réparation, l’objet ordinaire se transforme en objet mémoire (Hana CHIDIAC), il devient un témoignage de l’histoire (Albert ROUET).
Chaque culture donne à la réparation une forme et un sens différent
De nombreuses réparations autochtones antérieures sont présentes sur toutes nos marionnettes. Avant de commencer la restauration, il nous faut comprendre ce qu’elles impliquent et comment nous devons nous positionner par rapport à elles. Il faudra donc analyser si certaines réparations représentent un danger pour l’œuvre (par exemple les languettes de métal), faire des choix et trouver des solutions qui respectent l’objet et son histoire. Cette réflexion devra être menée en considérant les valeurs dont sont porteuses ces marionnettes de wayang kulit : valeur d’usage, valeurs historique, culturelle et esthétique, mais aussi sacrée.
Selon le dictionnaire Le Petit Robert (ed.1986), réparer c’est « remettre en état (ce qui a été endommagé, ce qui s’est détérioré) », ce qui est visé, c’est de rétablir la fonctionnalité de l’objet. Les raisons pour lesquelles on répare sont diverses, indépendantes ou corrélées, et relèvent de raisons économiques, affectives ou sacrées. Quant à la réparation, qu’elle soit effectuée par l’utilisateur ou par un artisan spécialisé, elle est souvent réalisée avec des matériaux qui se trouvent à portée de main (agrafes, ligatures, divers matériaux de comblement, etc.). Le but étant toujours le même, rendre aux objets leur fonctionnalité. 2 3 4 130
Francis PONGE, La Rage de l’expression Hana CHIDIAC Marie-Claude DUPRE
Réparer un objet, c’est donc entretenir ses fonctions premières et renforcer son efficacité, c’est garantir sa valeur et lui faire don, pour un moment, d’une vie nouvelle. 5 En occident, bien souvent, notre conception de l’art et de la consommation est marquée par une vision industrielle, fondée notamment sur la reproductibilité, chaque objet de la série devenant interchangeable et donc jetable. Mais dans d’autres régions du monde (Afrique, certains pays d’Asie, etc.), la réparation conserve une importance et accorde aux objets remis en état une valeur propre. Elle redonne aux objets d’usage leurs fonctionnalités, et leurs attributs aux objets sacrés, ceux-ci devant être entiers pour déployer leur puissance symbolique. Cette nouvelle chance offerte aux objets cassés ou abimés peut parfois être perçue comme un acte de purification et de pardon. On efface la faute ou le dérèglement, on choisit et on décide de redonner à l’objet sa fonction sans, cependant, chercher à lui rendre son aspect originel : la réparation doit rester visible et peut donc être comprise comme un geste rituel. Elle apparait véritablement comme un moment de la vie de l’objet et a valeur de remise en fonction sociale et religieuse. Ainsi, si nous parlons de réparation autochtone, c’est bien par rapport à la valeur d’usage et à la valeur symbolique des marionnettes. De même, utiliser le terme d’objet vis-à-vis des marionnettes, c’est insister sur la fonction qu’elles ont eue avant d’arriver en France.
L’objet auquel est confronté l’ethnologue occupe une place particulière en ce qu’il se trouve à la charnière de la vie sociale et de la vie rituelle et religieuse. Les matériaux qui le composent renseignent sur l’environnement naturel, ou par exemple sur les relations sociales qui ont permis son obtention. Sa facture comme pour tout objet, témoigne d’un certain savoir-faire, d’une réflexion sur les formes, les matières, les couleurs (…), l’esthétique. Médiateur entre les entités surnaturelles et les hommes, il est souvent au cœur des rites. (COQUET, 1999, cité par Objets Blessés 6)
L’esthétique n’est donc plus ici à considérer seulement comme celle d’un chefd’œuvre sculpté, mais bel et bien comme un élément de structure de tout un ensemble rituel. » (MALE, 1999 cité par Objets Blessés 7).
Mais lors de son entrée dans une collection, l’objet perd les valeurs qui le caractérisaient jusquelà (valeur d’usage, sacrée, etc.) pour en acquérir de nouvelles. Il devient dès lors le témoin d’une culture, d’un savoir-faire et d’une approche esthétique particulière. Notre regard interprète alors la réparation comme un gage d’authenticité. 5 COLLECTIF. Objets Blessés : la réparation en Afrique, présentation par Gaetano Speranza. Musée du quai Branly – 5 continents, 2007, 96 p. 6 Idem. 7 Idem. 131
L’objet réparé nous est d’emblée plus familier : il nous « parle » d’avantage ; son « langage » nous est plus accessible que celui du témoin exemplaire, figé dans une intégrité qui prétend à la perfection et à l’immortalité. 8
Mais tout objet, réparé ou non, étant éphémère, la question de sa conservation se pose. Comme la réparation, la conservation-restauration prend la dimension d’une intervention visant à restituer une vie à l’objet, en intentant des opérations indispensables, susceptibles de lui garantir une certaine pérennité. Et ce, pour ce qui est de nos marionnettes, en mettant en place des mesures de conservation préventive, en consolidant le support et la couche picturale, et en éliminant les causes et les produits de dégradation. Cette intervention doit-elle pour autant aller jusqu’à effacer tout trace de réparation ? Dans la mesure où nous pouvons considérer que nous intervenons dans le cadre d’une réflexion et d’une restauration ethnologique, ce qui influence et détermine le degré d’intervention, il nous semble que, dans le respect de l’objet et de ses valeurs, conserver les anciennes réparations et ne procéder qu’à un minimum d’intervention est nécessaire. D’ailleurs, selon le code de déontologie9 de la profession de restaurateur-conservateur du patrimoine, l’intégrité de l’objet doit être respectée, on ne doit ni chercher à le reconstituer ni à lui « redonner son aspect originel ». On ne doit traiter les dégradations que si elles sont évolutives, ou nuisent à la lisibilité de l’objet ; il n’est, en aucun cas, question d’éliminer sa « patine ». Nous devons, en effet, toujours avoir à l’esprit que cet objet est le témoin de la réalité d’une autre culture, certaines altérations constituant, non pas un dommage, mais une source d’information sur la fonction ou l’utilisation d’un objet.
Certains dommages liés à l’arrivée des ombres en France ne pourront cependant être effacés et l’objet ne sera donc plus jamais tel qu’il a été. Comme nous l’avons déjà signalé, pour des raisons pratiques, pendant le voyage, toutes les baguettes de manipulations ont été retirées des marionnettes sans que ni les unes ni les autres ne soient numérotées (on ne sait donc plus aujourd’hui quelle baguette correspond à quelle marionnette). Un oubli difficilement réparable qui nous amène à penser que la vie de l’objet en est définitivement transformée, et figée. De même, il arrive que des collecteurs, pour pouvoir plus facilement les exposer, infligent aux objets des mutilations et des blessures. Les objets pouvant par exemple être dépouillés de leurs accessoires. Nous nous contenterons de montrer, en opérant des simulations, comment les baguettes étaient assemblées. Mais nous n’attacherons pas les baguettes aux marionnettes, les choix à réaliser étant trop hasardeux. 8 9 132
Idem. ECCO (European Confederation of Conservator-Restorer’s Organisations).
Une fois ces décisions prises, nous pouvons désormais envisager un traitement.
2. Dépoussiérage
Une couche de poussière recouvre les quatre marionnettes, nous devrons donc procéder à un dépoussiérage afin de garantir une meilleure conservation des ombres. Celui-ci devra être léger, car la couche picturale est relativement fragile. On peut envisager différentes techniques de dépoussiérage : -
le pinceau
-
le chiffon microfibres
-
l’aspirateur
Un contact direct avec un chiffon microfibres parait trop abrasif pour la couche picturale qui est fragile. On tentera donc, dans la mesure du possible, de passer un pinceau japonais sur la surface pour ôter la poussière superficielle. Un aspirateur muni d’un embout spécial pourra ensuite être utilisé. Celui-ci, par ailleurs utilisé sur l’ensemble de la marionnette, pourrait s’avérer particulièrement efficace au niveau des ciselures et des fils. L’ensemble du dépoussiérage s’effectuera sur un papier blanc et plat afin de détecter et de récupérer les éventuelles écailles de peinture qui se seraient désolidarisées du support.
3. Décrassage/Gommage Toute velléité de gommage doit être rejetée, car la couche picturale est beaucoup trop fragile pour pouvoir supporter une action mécanique aussi directe. 4. Nettoyage La couche picturale semble être relativement encrassée. C’est pourquoi, dans la mesure du possible, il semble opportun de la nettoyer afin de garantir une meilleure conservation des objets et de tenter de redonner un éclat aux couleurs qui ornent les marionnettes. Mais, en raison des risques pour la peau, l’apport d’eau doit être extrêmement limité. En effet, l'eau peut accentuer les altérations de la peau, en aggravant par exemple ses altérations structurelles et en provoquant une gélatinisation. Nettoyer la couche picturale, notamment si elle est pulvérulente, semble donc très délicat. Les différentes techniques de nettoyage varient en fonction des : -
solvants et produits associés (eau, éthanol, méthylcellulose, enzymes)
-
modes d’application (bain, cataplasme, écouvillon)
Afin de limiter l’apport en eau, on peut éventuellement penser à utiliser un mélange d’eau 133
et d’éthanol. Il semble que la technique d’application qui permette de limiter et de contrôler au mieux localement l’apport de solvant, soit l’écouvillon, on pourra donc appliquer, au niveau des zones qui ne sont sensibles ni à l’eau, ni à l’alcool, avec un écouvillon, un mélange d’eau et d’éthanol. Mais il faudra être vigilant quant à la concentration de l’éthanol, car celui-ci pourrait dessécher la peau.
5. Traitement de la peau, mise en chambre d’humidification
Une mise en chambre d’humidification permettrait un assouplissement et une réhydratation de ces peaux qui semblent relativement desséchées. Cela permettrait également une éventuelle réactivation du liant de la peinture et donc une certaine consolidation de la couche picturale. C’est pourquoi il semble opportun d’effectuer une mise en chambre d’humidification en début de traitement. Il faut cependant toujours avoir conscience de la fragilité de la peau. L’apport en humidité et la température pouvant l’abimer davantage, tout devra être parfaitement contrôlé. Les différentes techniques d’humidification de la chambre sont l’humidificateur ultrasonique ou l’humidification par évaporation avec des bols d’eau placés dans la chambre. La chambre d’humidification permettrait une humidification lente et progressive, facilement contrôlable, en mesure d’éviter toute dénaturation du cuir. Pour cela, l’humidification sera menée sur quelques jours (entre 1 et 5 jours) afin d’obtenir un traitement progressif en profondeur au niveau du cuir. Il faudra contrôler la souplesse de la peau au jour le jour, afin de ne pas la laisser trop longtemps en chambre d'humidification.
6. Remise en forme des parties repliées du support Certaines zones des marionnettes sont tout à fait racornies et repliées sur elles-mêmes. L’assouplissement apporté par la chambre d’humidification permettrait également de remettre à plat les zones déformées. Il faudra être particulièrement vigilant pour ce qui est de l’apport en eau que l’on est susceptible de faire, le risque de dénaturation du cuir étant sensible. À l’aide d’une intervention mécanique, en travaillant ces zones avec un plioir, puis avec une mise sous poids ou un maintien à l’aide de pinces, pendant plusieurs jours (un séchage lent est préférable), nous arriverons peut-être à retrouver une certaine planéité des zones déformées. Si l’assouplissement de la peau n’est pas assez important pour ces zones de déformation, nous pourrons éventuellement penser à l’utilisation d’un Gore-texR : son utilisation garantit une humidification lente, progressive et localisée. Après une intervention mécanique, l’intégrité de l’ombre pourra ainsi être retrouvée et une consolidation sera éventuellement possible.
134
7. Consolidation de la couche picturale La couche picturale des marionnettes présente une certaine fragilité (pulvérulence, déplacage…) et doit donc être, dans la mesure du possible, consolidée. Nous devons cependant toujours être vigilants à l’apport en eau, en raison de la sensibilité de la peau. Il faut également être précautionneux quant à l’aspect de surface de la couche picturale : nous ne devons modifier ni sa brillance ni sa matité. Les différentes colles envisageables pour la consolidation de la couche picturale sont l’amidon, la méthylcellulose, la gélatine, la colle d’esturgeon, la Funori pour les colles dont le solvant est aqueux, et la Klucel G dont le solvant peut être alcoolique. Pour ce qui est des différentes possibilités d’application, il y a le pinceau, la seringue, la microdiffusion (spray) ou la nébulisation.
La question de la consolidation d’une couche picturale sur une peau a fait l’objet de nombreux écrits, notamment en ce qui concerne le choix de la colle de consolidation. Ce choix est souvent opéré entre trois colles : la méthylcellulose, la gélatine et la colle Funori. Dans notre cas, nous pourrons également prendre en compte la Klucel G, afin de ne pas utiliser d’eau. Le choix de la colle et du système d’application doit également prendre en considération un facteur très important : la température de dénaturation du cuir, qui dépend de son état de dégradation. D’après nos évaluations, il faudrait éviter de dépasser les 40 °C. La température de dénaturation du cuir, en ce qui concerne le choix de la colle de refixage dans le cas de la nébulisation, doit également être un critère déterminant. Des tests devront donc être faits pour choisir une colle et un système d’application cohérent et adapté. Un pinceau fin ou une seringue pourraient être utilisés pour refixer les écailles dans les cas où celles-ci sont assez importantes, et, pour des zones de pulvérulence plus large, on pourra envisager le procédé de la pulvérisation. Afin de limiter la perte de matière au niveau de la couche picturale, l’opération de refixage doit avoir lieu avant la consolidation du support.
8. Consolidation des déchirures et réintégration des lacunes Nous avons pu observer, lors du constat d’état, que les marionnettes souffrent de nombreuses déchirures et de quelques lacunes. Pour garantir leur bonne conservation, pour éviter que ces altérations ne s’intensifient, il semble opportun, dans la plupart des cas, de consolider les déchirures et de réintégrer certaines lacunes. Il n’en demeure pas moins qu’il faudra toujours prendre en compte la fragilité de la peau dans le choix des matériaux et de la colle. La colle choisie pourra être l’amidon, la méthylcellulose, la Klucel G ou la colle synthétique (colle blanche). Quant au choix des matériaux de consolidation du support et des lacunes, il 135
pourrait se porter sur trois matériaux : le cuir à l’alun, le papier japonais et le Tyvek. Afin de faire un choix qui respecte l’intégrité de l’objet et la déontologie, nous avons évalué ces trois possibilités (c’est-à-dire le cuir à l’alun, le papier japonais ou le Tyvek) en faisant intervenir six critères : -
l’épaisseur du matériau
-
la compatibilité du matériau avec le support
-
le mode de collage requis par le matériau
-
le matériau utilisé pour la retouche
-
la solidité du matériau
-
la souplesse du matériau
Tableau 3 : Comparatif des caractéristiques des matériaux envisageables pour la consolidation et la réintégration Épaisseur
Compatibilité
Collage
Retouche
Solidité
Souplesse
Tyvek
moyenne
moyenne
synthétique
Teinture Stahl
bonne
bonne
Cuir à l’alun
bonne
bonne
amidon
Teinture Stahl
bonne
Très souple
Papiers japonais superposés
Moyenne ou alors rigide
bonne
amidon
aquarelle
bonne
Très rigide
À l’issue de cette confrontation, il nous semble que, pour consolider les déchirures et pour réintégrer les lacunes, l’emploi de papiers japonais superposés s’avère préférable. Ils permettraient d’obtenir une épaisseur adaptée aux besoins de chaque marionnette. En cas de besoin, afin d’obtenir l’épaisseur voulue, nous pourrions éventuellement ajouter une carte ou un buvard entre deux papiers japonais. Par ailleurs, les papiers japonais superposés permettent d’utiliser une colle naturelle, ce qui nous semble important, telle que l’amidon ou la klucel G, et d’éviter une colle synthétique. Pour la retouche, ils offrent l’avantage de rendre possible une utilisation de l’aquarelle.
Quand la configuration le permet et quand les zones qui entourent la partie endommagée sont suffisamment saines et solides, nous pouvons éventuellement envisager de consolider la déchirure avec un fil de lin. Cette intervention demeure, en effet, cohérente par rapport à l’histoire des marionnettes (restauration autochtone), à leur esthétique (les fils peuvent également être retouchés à l’aquarelle), et offre l’avantage d’éviter l’emploi de colle. Il faudra cependant veiller à ne pas créer de zones de frottement et d’abrasion. 136
9. Conservation Le propriétaire, semble-t-il, souhaite conserver les marionnettes sans les exposer. À noter que, pour lui, le manque d’espace dans son lieu de conservation est une contrainte importante. Étant donné la fragilité des objets, une boite de conservation semble nécessaire. Cette boite devra voir ses dimensions réduites au maximum et devra protéger au mieux les marionnettes de l’empoussièrement, de l’humidité, des variations de température et des chocs. Nous pouvons également envisager un système qui limiterait la manipulation des marionnettes (tiroir, plateau…) et éventuellement penser à quelque chose qui permettrait d’observer les marionnettes sans avoir ni à les déplacer ni à les manipuler (système de fenêtre avec un film polyester…). Garder, dans la mesure du possible, le corpus et limiter la dispersion des pièces est souvent judicieux. Ce corpus est toutefois aléatoire : il a été composé spécialement pour ce mémoire et n’a donc pas de réelle valeur historique. Il n’y aura donc probablement pas d’autres marionnettes à conditionner que les quatre marionnettes restaurées. Il n’en demeure pas moins qu’il serait intéressant d’envisager un système de conditionnement qui garantisse une protection de toutes les marionnettes de Mr Renaux.
Ce conditionnement doit donc être envisagé en tenant compte des critères suivants. Il doit : -
prendre peu de place
-
protéger les marionnettes des chocs, de l’empoussièrement, des variations de température et d’hygrométrie
-
permettre de limiter les manipulations
-
pouvoir s’appliquer à un nombre important de marionnettes (standardisation et faible cout)
137
IV.
ENTRETIEN AVEC DES SPÉCIALISTES À PROPOS DU PROTOCOLE DE TRAITEMENT ENVISAGÉ
Nous avons voulu soumettre cette proposition de traitement à l’avis de quatre conservateursrestaurateurs : Mme Elarbi, Mme Raggi, Mme Blanc et Mr Poncelet. Ces rencontres ont été enregistrées et prises en notes, ce qui permet aujourd’hui de dégager les axes principaux. Les entretiens sont tous proposés en annexe. Nous avons en premier lieu rencontré Mme Stéphanie Elarbi, conservatrice-restauratrice au musée du Quai Branly, pour avoir son avis sur la proposition de traitement élaborée, sur la spécificité des réparations autochtones et de la restauration à caractère ethnologique que nous envisageons. Elle a particulièrement insisté sur le fait que chaque action, même minimale était un parti pris, et que nous devons envisager notre proposition de traitement sous cet angle. Elle revient également sur la question du dépoussiérage (conseille l’aspirateur) ; du nettoyage pour lequel il faut bien peser le pour et le contre, car celui-ci peut s’avérer dangereux ; de l’humidification (dangereuse pour un cuir peint, le cuir ne devant pas être trop mou, la possibilité d’utiliser un humidificateur à ultrason est évoquée) ; et de la consolidation de la couche picturale. Puis nous avons rencontré Mr Jim Poncelet, conservateur-restaurateur à l’atelier Marchal et Poncelet, à Paris, spécialiste de la restauration des peaux (cuir et parchemin). Il insiste sur le fait qu’il faut bien avoir conscience que toutes les interventions dépendent de l’état du cuir, de son pH et de la fragilité de la couche picturale. Il faut en effet savoir que certains cuirs sont beaucoup trop fragiles pour supporter tout apport en humidité. Il propose des solutions concernant le nettoyage, l’humidification. Il conseille de se servir d’un caisson (en utilisant la technique de l’évaporation d’eau et en allant jusqu’à 90 % d’HR pendant environ 48H) et de bien toucher la peau afin de savoir si elle est suffisamment relaxée et réhydratée. Il fait également des recommandations concernant la consolidation de la couche picturale : la peau doit être humide, la consolidation devrait donc, dans l’idéal, être effectuée à la sortie du caisson (Klucel G, gélatine, colle d’esturgeon ou Funori, appliquée seule ou en mélange). On peut même envisager le recours à un caisson de nébulisation pour la consolidation de la couche picturale, si celle-ci s’avère indispensable. Pour la remise en forme des parties pliées, il propose d’utiliser un mélange d’éthanol, d’isopropanol et d’eau. La mise sous poids doit se faire en utilisant des feutres épais et doit être suffisamment longue (environ un mois). La consolidation des déchirures et la réintégration des lacunes pourra se faire au papier japonais et sera retouchée à l’aquarelle. Il faudra également penser à numéroter les tiges de manipulation. Mme Anne Raggi est conservatrice-restauratrice au Musée de l’Homme. Elle s’occupe de restauration ethnologique et archéologique et étant donné qu’elle a plus particulièrement en charge la restauration des momies du musée, elle est spécialisée dans le traitement de la peau. Pour le dépoussiérage, elle nous encourage à utiliser un aspirateur muni d’un embout très fin, le nettoyage pouvant éventuellement être mené avec de la salive si la surface le 138
permet. Elle souligne, concernant l’humidification, qu’il faut bien avoir conscience du fait que l’assouplissement n’est que temporaire et que l’humidification peut être un procédé très dangereux qui peut entrainer la gélatinisation du cuir. Il faudrait également avant tout savoir si la peau est tannée ou pas. Si l’on souhaite finalement procéder à une humidification, elle conseille d’utiliser une technique par évaporation ou par nébulisation à froid. Elle aussi recommande de toucher la peau pour contrôler l’efficacité du traitement. On peut également penser à utiliser un Gore-texR. Pour la mise sous poids, Mme Raggi conseille vivement d’utiliser des poids en sable, afin de ne pas créer de faux plis. Enfin, pour la consolidation des déchirures et la réintégration des lacunes, elle utiliserait, elle aussi, du papier japonais. Mme Barbara Blanc est conservatrice-restauratrice, spécialisée en art contemporain pour la Collection Lambert. Il a été très intéressant d’avoir son point de vue, car les collections contemporaines comme les collections ethnographiques conduisent à des réflexions sur la conservation en réalité similaires. Il s’agit, en effet, dans les deux cas de préserver des objets constitués d’assemblages, de matériaux non pérennes, voire de matériaux insolites au regard des collections classiques occidentales. Sa vision de la conservation préventive nous a particulièrement aidés. Elle nous a incités, pour penser au mieux le conditionnement et pour établir une fiche de conservation préventive, à déterminer ce à quoi l’œuvre était sensible. Elle a insisté sur le fait que le conditionnement devait permettre d’éviter les manipulations (grâce notamment à des bandes de coton, de lin ou de tyvek), et sur le fait que l’œuvre ne devait pas emballée dans son conditionnement. Elle nous a fait prendre conscience de l’importante distinction entre conditionnement de stockage et conditionnement de transport. L’idée d’une boite en carton pH neutre de Stouls pour le conditionnement de stockage lui semblait intéressante. Sa technique de retouche fondée sur trois points à respecter (tests préalable sur une zone de couleur similaire ; appliquer la couleur en allant du bord vers le centre ; commencer par un ton clair et foncer progressivement) nous sera d’une grande utilité.
139
V.
IDENTIFICATION DES DIFFÉRENTS COMPOSANTS CONSTITUANT LES MARIONNETTES
Nous en venons maintenant à la nécessaire phase d’identification des différents matériaux composant les marionnettes.
1. Les tests eau et alcool
Ces tests ont pour objet de déterminer si la couche picturale est sensible à l’eau ou à l’alcool. + = réagit - = ne réagit pas Tableaux 4 : Récapitulatifs des tests eau et alcool
Marionnette 1 eau / goutte
eau / écouvillon
alcool / goutte
alcool / écouvillon
noir
-
+
-
+
rouge
-
+
-
-
bleu
-
-
-
-
doré
-
-
-
-
Marionnette 2
noir
140
eau / eau / goutte écouvillon + -
alcool / goutte -
alcool / écouvillon +
rose fond
-
-
-
-
rose tapis
-
+
-
-
vert foncé
-
+
-
+
vert clair
+
+
-
+
rouge
++
++
-
-
bleu
-
-
-
-
base
-
-
-
-
Marionnette 3 eau / goutte
eau /
alcool /
écouvillon
goutte
alcool / écouvillon
noir
+
+
-
-
rouge
-
-
+
+
doré
-
-
+
+
blanc
-
-
+
+
bleu
-
-
+
+
Marionnette 4 eau / goutte
eau /
alcool /
écouvillon
goutte
alcool / écouvillon
noir
-
+
-
-
rouge
-
-
-
+
rose
-
-
-
-
jaune
-
+
-
-
vert
-
+
-
-
bleu
-
-
-
-
doré
-
-
-
-
2. Les tests effectués au laboratoire de l’École de conservation du Danemark
Nous avons mené une étude scientifique
10
sur des échantillons prélevés au préalable sur les
marionnettes. Ces échantillons sont de deux types : -
des prélèvements de peau
-
des prélèvements de couche picturale (pigments et particules dorées).
Le protocole d’analyses que nous avons adopté pour les échantillons de peau correspond à celui mené dans le cadre de l’I.D.A.P Project et du MEMORI Project. Il s’agit de deux projets 10 Toutes les analyses ont été réalisées dans le laboratoire de l’École de Conservation-Restauration du Danemark, à Copenhague. 141
européens dont le but est d’évaluer l’état et le degré d’altération du cuir et du parchemin. L’I.D.A.P Project s’occupe plus spécifiquement de la mise au point d’une technique d’évaluation normalisée, allant de l’observation à l’œil nu à une évaluation beaucoup plus poussée à l’aide d’appareils. Le Memory Project, quant à lui, s’intéresse plus spécifiquement à la mise au point d’un appareil d’évaluation de l’état du cuir et du parchemin, principalement fondé sur la mesure du PH à la surface de la peau. Précisons qu’avant de procéder à tous ces tests, une réunion avec tous les membres de l’équipe de recherche de l’École du Danemark, composée de René Larsen, Dorte Sommer, Kathleen Mühlen Axelsson et Steen Frank, a eu lieu afin de parler du projet. Une description de la façon dont nous envisagions le traitement pour la restauration des marionnettes leur a été faite et ils ont donné leur avis. Ils sont, en effet, revenus sur un certain nombre de points : -
LE TRAITEMENT DE LA PEAU : Selon eux, la peau a probablement été très fortement séchée, en tension, puis traitée en surface. De telles pratiques ont été observées en Afrique, où dans certaines régions, pour ouvrir les pores en surface, la peau est longuement baignée puis est séchée. En Amérique du Nord, les Indiens procèdent de manière similaire avec des peaux de buffle.
-
L’HUMIDIFICATION : Si l’humidification est réalisée dans une chambre d’humidification, il faudra veiller, à chaque étape, à ne pas augmenter le taux d’humidité de plus de 5 %.
-
LA CONSOLIDATION DE LA COUCHE PICTURALE : Pour consolider la couche picturale, mieux vaut, selon eux, utiliser de la Klucel G dans l’alcool, afin d’éviter d’utiliser de l’eau. Il faut également être très vigilant pour ne pas modifier l’aspect de surface de la couche picturale, sa matité ou sa brillance.
-
LA CONSOLIDATION DES DÉCHIRURES ET RÉINTÉGRATION DES LACUNES : Quel que soit le matériau utilisé, il sera, selon eux, plus fort que le cuir de la marionnette : même si l’on s’appuie sur une zone saine, le comblement ou le renfort finira par affaiblir le cuir et par créer une zone de rupture du cuir. L’équipe de recherche ne s’avère donc pas favorable à une consolidation des déchirures et à réintégration des lacunes. Ils conseillent plutôt de réaliser un schéma, mentionnant les parties qui auraient pu être réintégrées.
-
LE CONDITIONNEMENT : Il faut envisager un système de protection, mais se méfier du film polyester de type Mélinex (qu’on pourrait utiliser pour sa transparence afin de pouvoir observer la marionnette des deux côtés).
Ils ont également décrit le processus d’analyse adapté à l’évaluation de la peau et de la couche 142
picturale de nos quatre marionnettes. Nous avons donc réalisé une série de tests afin d’essayer d’évaluer l’état de dégradation de la peau et afin de savoir si la peau avait été tannée ou non. Dans l’ordre de réalisation, nous avons : -
observé les fibres aux microscopes (échantillons secs) ;
-
procédé à une analyse FTIR (Spectroscopie Infrarouge à Transformée de Fourier) ;
-
humidifié l’échantillon et séparé les fibres que nous avons observées au microscope, sous différents types de lumières (microscopie à fluorescence, lumière polarisée, observation classique sous grossissement x5, x10 et x20) ;
-
ces fibres ont ensuite été divisées en trois pour subir trois analyses destructrices différentes : o avec l’un de ces trois bouts de fibre, nous avons réalisé le ferric spot test afin de déterminer si la peau avait subi un tannage végétal ou non ; o avec la deuxième partie des fibres, nous avons procédé à un shrinkage, ce qui signifie rétrécissement. II s’agit, en fait, de faire progressivement monter la température de l’eau dans laquelle baignent les fibres, en un temps donné, et d’observer le mouvement des fibres (contrôle caméra par ordinateur), ce qui permet de déterminer la température de dénaturation du cuir et ainsi d’évaluer l’état de conservation de la peau ; o la troisième partie des fibres a servi à la mesure du pH de la peau.
Nous détaillerons ultérieurement chacune de ces étapes et nous fournirons les résultats pour chaque marionnette. Quant aux pigments prélevés, ils ont tous été analysés sous FTIR afin de déterminer leur nature et celle de leurs liants. Nous avons également réalisé six spots tests différents pour les particules dorés, afin d’essayer de savoir s’il s’agit d’or ou d’un autre métal.
a. Analyse des échantillons de peau
i. Précisions à propos des analyses Avant de rendre compte des résultats des analyses, il nous a semblé nécessaire de définir les techniques utilisées et de préciser le mode opératoire (nous présenterons les résultats d’analyse par la suite). -
La spectroscopie à infrarouge transformée de Fourier : FTIR La Spectroscopie à Infrarouge Transformée de Fourier (ou FTIR : Fourier Transformed InfraRed spectroscopy) est basée sur l’absorption d’un rayonnement infrarouge par le matériau analysé. Elle permet via la détection des vibrations caractéristiques des liaisons chimiques, d’effectuer l’analyse des fonctions chimiques présentes dans le matériau. L’analyse s’effectue à l’aide d’un spectromètre à transformée de Fourier qui envoie sur 143
l’échantillon un rayonnement infrarouge et mesure les longueurs d’onde auxquelles le matériau absorbe et les intensités de l’absorption 11.
Appareillage de la spectroscopie à infrarouge transformée de Fourier
- Évaluation sous microscope de l’état des fibres en milieu humide : Nous laissons tremper les fibres dans de l’eau déminéralisée un certain temps (environ 20 minutes) afin qu’elles s’imprègnent bien : il est ensuite plus aisé de les séparer, sans les abimer, pour pouvoir les observer une à une. Les fibres sont observées sous microscope, de manière classique, mais aussi en épifluorscence et en lumière polarisée. La microscopie à fluorescence (ou epifluorescence) est une technique utilisant un microscope optique en tirant profit du phénomène de fluorescence et de phosphorescence, en plus de l’observation classique par réflexion (physique) ou absorption de la lumière visible naturelle ou artificielle12. Le microscope polarisant ou microscope polariseur analyseur est un microscope optique muni de deux filtres polarisants, appelés polariseur et analyseur 13.
11 12 13 144
http://www.biophyresearch.com http://fr.wikipedia.org/wiki/Microscopie_à_fluorescence http://fr.wikipedia.org/wiki/Microscopie_en_lumière_polarisée
Tableau 5 : Classification de l’état des fibres (conçu l’équipe de recherche dz l’I.D.A.P Project)
Undamaged
Frayed
Splitted
Flat 1
Flat 2
The firm twisted structure is
The fibre or part of it (between
Some flat fibres appear transparent
The fibre has
Broken minor
a firm twisted
and elementary
structure. Helical twists will appear
fibres stick out
unwinding in
the helical twists)
without or only
with certain
from the fibre that appears like
various degrees, from a little to
or fragments are broad and flat.
little signs of minor fibres in the
regularity.
a worn rope.
total unwinding.
Cracked
Shrunken
Bundle
Gel-like
The cracks or partly breaking
The fibre
The fibre
The wet fibre is
appears curled, deformed and
fragments are impossible to
sticky like a gel when touching
swollen. In some
separate in
with a needle.
cases like “pearls on a string”.
water and they may appear gel
appear in the surface of the fibre or most often a fibre fragment.
like or partly
structure.
Gelatinisation/ Dissolving The fibre/fragment transforms partly or completely into a gelatinous mass or dissolves/melts in the water.
dissolved.
Microscope AXIO ZEISS Scope.A1
145
-
LE FERRIC SPOT TEST :
Il détecte la présence d’un tannage végétal. Le réactif utilisé est du chlorure de fer (III). On peut également utiliser du sulfate de fer (III). Comme dans les analyses précédentes (cf. Partie 2), mais cette fois avec des échantillons prélevés sur nos marionnettes, nous commençons par réaliser une solution aqueuse à 2 % de chlorure de fer (FeCl3). On ajoute donc 0,5 g de chlorure de fer à 25 ml d’eau distillée. Le principe de l’analyse est basé sur la réaction qui se produit entre la base phénolique du tanin végétal et le sel de fer. Cette réaction forme une coloration foncée, qui va du gris au noir. On place deux échantillons sur une même lamelle de verre. Il suffit de prélever deux petites fibres, ou une fibre que l’on scinde en deux parties. Avec une pipette pasteur, on humidifie avec une goutte d’eau distillée chacun des échantillons, puis on les recouvre séparément d’une fine lamelle de verre. Le fait d’humidifier la fibre de contrôle permet une comparaison visuelle plus précise. Avec une pipette pasteur, on place une goutte de la solution de chlorure de fer (III) au coin de l’échantillon test couvert. Avec un papier buvard, par capillarité, on fait pénétrer le réactif. On peut alors observer un éventuel changement de couleur de l’échantillon traité, en le comparant avec l’échantillon de contrôle.
-
LE SHRINKAGE 14 :
Quand le collagène et les fibres de peau sont chauffés, ils se déforment. La déformation correspond à un rétrécissement des fibres, qui varie selon le degré de détérioration des fibres. Ainsi, la détermination de la température de dégradation du cuir permet d’évaluer l’état du cuir. En d’autres termes, la température de shrinkage (Ts) est la mesure de la stabilité hydrothermale du collagène de la peau, une mesure de la stabilité et du nombre de liens qui forment la structure collagénique. L’évaluation de la Ts se fait selon des intervalles définis, que l’on répertorie dans un tableau (voir ci-dessous), ces intervalles sont désignés ainsi : A1, B1, C, B2, A2. A1 correspond à l’intervalle de temps pendant lequel les fibres commencent à bouger, une pause est cependant marquée entre chaque mouvement de fibre. B1 correspond à l’intervalle pendant lequel les fibres bougent les unes après les autres, sans discontinuer, mais jamais en même temps. Durant cet intervalle de temps, les fibres bougent toutes en même temps. C’est l’intervalle qui présente la plus grande activité et pendant lequel la plupart des fibres rétrécissent. C’est cet intervalle qui nous intéresse et que l’on nommera Ts. B2 désigne l’intervalle pendant lequel les fibres arrêtent de bouger toutes ensemble, puis bougent à nouveau les unes après les autres, sans intervalle de temps entre chaque mouvement. A2 correspond à l’intervalle final durant lequel les fibres bougent les unes après les autres, avec un temps d’arrêt entre chaque mouvement. 14 HOLST RASMUSSEN, Lene, LARSEN, René. « A Simple Micro-Method for the Determination of the Shrinkage Temperature oh Leathers, Parchments and Skins ». ZKK, Allemagne, janvier 2002, 5 p. COLLECTIF. Improve damage assessment of parchment I.D.A.P Assessment, data collection and sharing of knowledge, Research Report No 18, présentation par René Larsen. The Royal Danish Academy of Fine Arts, School of Conservation, Copenhagen, Denmark : René Larsen, 2007, 120 p. 146
La température de shrinkage d’un cuir neuf, tanné au tanin végétal, se situe, selon la qualité et le type du tannage, entre 70 °C et 90 °C. Pour un parchemin neuf, elle se situe entre 55 °C et 65 °C, toujours selon la qualité. S’il s’agit de matériaux dégradés, la température peut tomber très bas. Avec des matériaux très détériorés et une humidité relative de 5-7 %, la peau peut même se gélatiniser à température ambiante. Pour mener cette expérience, nous avons utilisé une MHT, c’est-à-dire une « Micro Hot Table », munie d’une caméra, reliée à un ordinateur, à partir duquel nous pouvions très clairement observer et noter le mouvement des fibres. Les fibres ont été placées sur une lamelle incurvée, dans laquelle nous avons mis quelques gouttes d’eau déminéralisée. Nous laissons reposer les fibres, puis nous les séparons à l’aide d’aiguilles. Il ne faut pas hésiter à changer l’eau dans laquelle les fibres ont reposé, car les dépôts divers peuvent fausser l’expérience. Toutes les bulles d’air sont ensuite enlevées et nous plaçons une fine lamelle de verre à la surface de la préparation. Puis nous plaçons la lamelle sur la MHT.
Microscope muni d'une « Micro Hot Table »
Le tableau ci-dessous, répertorie les températures de « shrinkage » des quatre marionnettes :
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148
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- MESURE DU pH15 : La mesure du pH est une mesure de contrôle de routine pour la conservation des cuirs tannés au tanin végétal. Un cuir de bonne qualité est considéré comme étant stable quand son pH se situe entre 3,5 et 5, au-delà de cet intervalle, les tanins végétaux se séparent des molécules de collagène. La mesure du pH est donc un outil permettant de mesurer l’état de détérioration des cuirs. Mais la valeur du pH ne peut pas être totalement représentative de l’acidité du cuir, car le pH peut être influencé par la présence de sulfate d’ammonium. C’est la méthode publiée par Wouters16, en 1994, que nous allons suivre pour cette analyse. Des échantillons de très petite taille sont prélevés : o pour la marionnette 1 0,9 mg sont utilisés, o pour la marionnette 2, 0,3 mg, o pour la marionnette 4 0,7 mg. Il n’y a pas assez de matière pour effectuer ce test pour la marionnette 3. La quantité d’eau déminéralisée nécessaire est évaluée. On considère qu’une suspension aqueuse de 0,5 ml est suffisante pour une mesure de pH. Il faut ensuite effectuer ce calcul : Poids de l’échantillon x 0,05 = X X x 1000 = X μL Nous obtenons donc : o 45 μL pour la marionnette 1, o 15 μL pour la marionnette 2 o 35 μL pour la marionnette 4. Les échantillons sont immergés dans l’exacte quantité d’eau déterminée puis placés dans une chambre d’humidification, où ils resteront pendant deux jours. Une fois les échantillons sortis, ils sont placés dans de l’eau déminéralisée pendant une journée. L’appareillage de mesure du pH est préparé et les électrodes étalonnée avec des solutions tampons à pH 7 et 4. Les échantillons sont finalement sortis un par un, afin d’être à nouveau pesés pour calculer exactement la quantité d’eau nécessaire pour la mesure du pH. L’échantillon de la marionnette 1 pèse 0,9 mg, celui de la marionnette 2 0,37 mg et celui de la marionnette 4 0,62 mg. Il faudra donc respectivement, 45 μL, 18,5 μL et 31 μL d’eau déminéralisée. Au moins trois mesures sures (la machine se stabilise) doivent être effectuées pour pouvoir 15 LARSEN, René, V. P. SOMMER, Dorte, ODLYHA, Marianne et allii. Deliverable no 6.1. Assesment of damage effects of organic acids and other pollutants on leather and/or parchment. MEMORI : mars 2012. 16 WOUTERS, Jan.” Tannin and Ion Analysis of Naturally and Artificiallly Aged Leathers ” STEP leather Project-Final Report, Copenhagen, 1994, p. 91-105. 150
donner un pH. Les résultats obtenus seront communiqués ci-dessous. On peut toutefois remarquer qu’il est très difficile de calculer un pH avec de si petits échantillons. Plus ils sont petits, plus la machine met de temps à se stabiliser, et plus le calcul est imprécis.
Appareillage pour la mesure du pH : pesée des fibres et étalonnage de l'électrode
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ii. Résultats Dans un premier temps, nous proposons les résultats, ceux-ci seront analysés par la suite.
Marionnette 1 Apparence des fibres, à sec, sous microscope : Elles semblent très sèches
Épifluorescence
Lumière polarisée
Fibres observées sous microcospe
FTIR : Présence de pigments noirs obtenus par calcination Évaluation de l’état des fibres, sous microscope en milieu aqueux :
Évaluation sous microcospe de l'état des fibres en milieu humide
Ferric spot test : Pas de réaction, c’est-à-dire que l’on ne détecte pas la présence de tanin végétal. Shrinkage : Dépôts marron, troubles, solubles dans l’eau. La température de shrinkage se situe entre 52,6 °C et 65 °C. 152
pH : 5, 959
Marionnette 2 Apparence des fibres, à sec, sous microscope : Semblent collantes et graisseuses
Fibres observées sous microcospe
Lumière polarisée
FTIR : Présence de phosphate et/ou de sulfate Évaluation de l’état des fibres, sous microscope en milieu aqueux :
Évaluation sous microcospe de l'état des fibres en milieu humide
Ferric spot test : Pas de réaction, c’est-à-dire que l’on ne détecte pas la présence de tanin végétal. Shrinkage : Quelques dépôts jaunâtres, troubles, solubles dans l’eau. La température de shrinkage se situe entre 45,8 °C et 64,4 °C. pH : 6,515
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Marionnette 3 Apparence des fibres, à sec, sous microscope : Semblent collantes et graisseuses
Lumière polarisée
Épifluorescence
Fibres observées sous microcospe
FTIR : Présence de phosphate et/ou de sulfate Évaluation de l’état des fibres, sous microscope en milieu aqueux :
Évaluation sous microcospe de l'état des fibres en milieu humide
Ferric spot test : Pas de réaction, c’est-à-dire que l’on ne détecte pas la présence de tanin végétal. Shrinkage : Dépôts blancs, solubles dans l’eau. La température de shrinkage se situe entre 51,2 °C et 69,4 °C.
Marionnette 4 Apparence des fibres, à sec, sous microscope : Semblent très sèches 154
Épifluorescence
Lumière polarisée
Fibres observées sous microcospe
FTIR : Présence de phosphate et/ou de sulfate Évaluation de l’état des fibres, sous microscope en milieu aqueux :
Évaluation sous microcospe de l'état des fibres en milieu humide
Ferric spot test : Pas de réaction, c’est-à-dire que l’on ne détecte pas la présence de tanin végétal. Shrinkage : Dépôts blancs, solubles dans l’eau. La température de shrinkage se situe entre 39,8 °C et 60,9 °C. pH : 6,342
Pour toutes les marionnettes, l’apparence des fibres sous microscopes apparait comme étant fragmentées, presque gélatinisées (on voit à travers). Il n’y a plus de structure, elles font des vagues, on voit des perles et des papillons (enchainement de perles), déchirées, fendues, plates, effilées, repliées. Elles sont donc en très mauvais état. 155
b. Analyses des pigments et des liants On procède à des analyses FTIR et à un spot test pour détecter la présence de Fer3+. Les échantillons sont placés dans des éprouvettes. On verse dans chaque éprouvette trois gouttes de 2M EATG. On met l’ensemble à chauffer doucement (à environ 70 °C). En présence de Fer 3+ une coloration violette apparait.
Marionnette 1
Lumière polarisée
Épifluorescence
FTIR d’un pigment noir : On détecte la présence de phosphate (blanc d’os) et de noir de carbone. Le liant pourrait être d’origine protéinique.
Marionnette 2
Lumière polarisée
FTIR d’un pigment vert : Cela pourrait être un bleu organique mélangé avec un ocre, ou une terre verte. On détecte la présence d’un liant protéinique, il y a la possibilité de présence d’une cire. Spot Test détection du Fer 3+ : La solution ne réagit pas. Il ne semble donc pas y avoir de Fer 3+ dans cet échantillon.
156
Marionnette 3
Épifluorescence
Pigment observé sous microscope
Lumière polarisée
FTIR d’un pigment rouge : A priori ce n’est pas un pigment organique, cela pourrait être quelque chose qui ressemble au cinabre, mais ce n’est pas du cinabre véritable. On note la présence de protéine. Le liant et/ou le vernis pourraient être un alkyde. Il faudrait procéder à une coupe stratigraphique, pour savoir si l’alkyde vient du liant ou du vernis. Cette marionnette parait donc plus récente que les autres. Spot Test détection du Fer 3+ : La solution réagit, une coloration violette apparait. Ce pigment contient donc du fer. On peut penser que ce pigment est éventuellement de l’hématite, autrement dit un ocre rouge.
Marionnette 4
Épifluorescence
Pigment observé sous microscope
Lumière polarisée
FTIR d’un pigment rouge : On détecte la présence de blanc d’os et d’un liant protéinique. Spot Test détection du Fer 3+ pigment rouge: La solution réagit, une coloration violette apparait. Ce pigment contient donc du fer.
Épifluorescence
Pigment observé sous microscope
Lumière polarisée
157
FTIR d’un pigment jaune : On détecte la présence de carbonate de calcium, de silicate, de kaolin et de blanc d’os. Ceci est dans l’ensemble assez typique pour un ocre. Le liant semble être une colle protéinique. On suspecte également la présence de cire. Spot Test détection du Fer 3+ pigment jaune : La solution ne réagit pas. Il ne semble donc pas y avoir de Fer 3+ dans cet échantillon.
c. Analyses des particules dorées
Épifluorescence
Épifluorescence
Particule dorée observée sous microscope
Particule dorée observée sous microscope
Lumière polarisée
Lumière polarisée
Spot Test 1 Détection du cuivre : Nous plaçons l’échantillon sur une lamelle de verre. Nous ajoutons 2 gouttes HNO3 (acide nitrique), et nous laissons reposer. Si les particules sont dissoutes, c’est que c’est du cuivre, si elles ne le sont pas, ce n’est pas du cuivre et par déduction, cela pourrait être de l’or. Étant donné qu’il faut attendre l’évaporation complète de l’acide nitrique, nous avons décidé de chauffer la lamelle de verre, à 100 °C, pour obtenir plus rapidement cette évaporation. La dissolution est presque complète, et une coloration verte apparait. Nous pouvons donc déduire la présence importante et majoritaire de cuivre.
Détection du cuivre
158
Spot Test 2 Détection du cuivre : Nous utilisons le même échantillon que le spot test 1, car le produit chimique que nous allons utiliser, le cyclam, ne peut être employé que sur du cuivre solubilisé. Nous versons donc 2 gouttes de cyclam (C10H24N4) sur l’échantillon qui a précédemment été solubilisé avec de l’acide nitrique. En présence de cuivre, une coloration rouge-rosé doit apparaitre. Le liquide se colore effectivement en rose. Nous pouvons affirmer que l’échantillon comporte du cuivre.
Détection du cuivre
Spot Test 3 Détection du cuivre, du zinc et du fer : Nous dissolvons l’échantillon avec de l’acide nitrique, puis nous versons 1 goutte de 1M Na2S (sulfure de sodium). Des particules noires apparaissent, qui signalent la présence de cuivre. Pour détecter l’éventuelle présence d’argent, nous versons 1 goutte de 1M HCl (acide chlorhydrique) et 1 goutte de 0,5M K4 [Fe (CN) 6] (ferrocyanure de potassium). En présence de zinc, nous devons voir apparaitre des particules blanches, en présence de cuivre une coloration rouge et en présence de fer, des particules bleues. Nous observons la formation d’une coloration rouge, et bleue signalant la présence de cuivre et de fer. Mais nous ne sommes pas en présence de zinc.
Détection du cuivre, du fer et du zinc
Spot Test 4 Détection de l’argent : Comme pour tous les précédents tests, nous dissolvons l’échantillon dans l’acide nitrique. Puis nous ajoutons une base, 2M NaOH (hydroxyde de sodium). En sa présence, l’argent devient noir. Nous observons effectivement l’apparition de quelques zones noires, il 159
est donc possible que nous soyons en présence de quelques particules d’argent.
Spot Test 5 Détection du zinc et de l’argent : Nous solubilisons l’échantillon avec du HNO3. Nous ajoutons 2 gouttes d’eau déminéralisée quand tout est solubilisé pour créer une solution aqueuse. Nous observons qu’il reste des particules dorées. À partir de là, nous menons deux expériences : -
pour détecter de l’argent : On ajoute 1 goutte de 4M HCl (acide chlorydrique). Si des particules blanches apparaissent, cela veut dire que nous sommes en présence d’argent. Aucune particule blanche n’est apparue, il n’y a donc pas d’argent ici. Sur les conseils du responsable du laboratoire, nous tentons d’enlever les particules dorées non solubilisées, qui pourraient être de l’or pur, avant de refaire le spot test pour détecter l’argent. Nous essayons de davantage solubiliser les particules en ajoutant de l’acide nitrique, puis nous chauffons l’ensemble. Enfin, sous microscope, nous tentons de séparer les particules dorées du reste de la solution. Pour confirmer qu’il s’agit bien d’or, nous tentons de solubiliser les particules avec un mélange très corrosif : une goutte de 4M HCl et 4M HNO3. Effectivement, l’or est dissout et aucune particule d’argent n’est apparue.
Détection de l'argent
-
Pour détecter le zinc : Nous prenons quelques gouttes de la solution aqueuse, et nous les versons dans une éprouvette. Nous la mettons à chauffer à environ 60 °C. Nous ajoutons deux gouttes de 2M NaOH et faisons chauffer l’ensemble deux minutes. Hors du feu, nous ajoutons deux gouttes de solution chloroforme/ Dithizone (CHCL3 / C13H12N4S). Une réaction à deux phases se distingue : la phase chloroforme et l’eau. En cas de présence de zinc, la phase colorée bleu nuit doit devenir rose. Ici il n’y a pas de changement de couleur, il ne semble donc pas y avoir de zinc.
160
Détection du zinc
d. Analyse des résultats obtenus et de la proposition de traitement avec l’équipe de chercheurs de l’Ecole de Conservation du Danemark Suite aux tests effectués, nous avons eu une réunion finale avec l’équipe de recherche de l’I.D.A.P et du MEMORI Projects17 et avec Mikkle Scharff, directeur du pôle peinture de l’École et intervenant pour l’I.D.A.P Project, qui nous a amenés aux conclusions suivantes.
Pour ce qui est des analyses de la peau : - État de la peau À en croire la mesure du pH qui ne dépasse que légèrement ce que l’on peut attendre d’une marionnette en bon état (le pH des marionnettes se situe, en effet, aux alentours de 6, alors que pour un cuir de bonne qualité, il doit être compris entre 3 et 5), la peau de nos marionnettes ne serait pas dans un état de dégradation très avancé. Cependant, bien que nous n’ayons pu nous baser que sur un seul test car il n’y avait pas suffisamment de matière pour le répéter plusieurs fois, les résultats du shrinkage, et notamment la lenteur de la rétractation des fibres, nous invite à penser que les fibres ne sont pas suffisamment en bon état pour réagir. Il semblerait donc l’état de dégradation de la peau soit très avancé. Ce que les analyses au microscope confirment. Quant aux traces de phosphate que les analyses ont révélées, elles pourraient s’expliquer par la présence de résidus de pigments accrochés aux fibres qui pourraient provenir d’une couche de préparation. Mais le phosphate peut également provenir des lipides présents dans la peau si celle-ci n’a pas assez bien lavée lors de la fabrication du cuir/parchemin.
- Nature de la peau Les fibres se séparent assez facilement, ce qui, selon René Larsen, laisse entendre qu’il pourrait s’agir d’un cuir archéologique. Toutefois, l’ensemble de l’équipe et nous-même pensons qu’il s’agit plutôt d’un parchemin, qui aurait été séché et enrobé d’huile ou de fumée. 17
René Larsen, Dorte Sommer, Kathleen Mühlen Axelsson et Steen Frank 161
- Conseils relatifs au traitement L’unanimité se fait sur la nécessité d’éviter tout apport d’eau au cours du traitement. Dans l’état actuel des connaissances, le recours à une chambre d’humidification est donc fortement déconseillé. Pour savoir si utiliser l’eau ou l’alcool est envisageable, il faudrait aller plus loin au niveau des analyses.
En ce qui concerne les analyses des pigments et des liants : - Nature des pigments et des liants Les résultats correspondent, dans l’ensemble, à ce à quoi l’on pouvait s’attendre au vu des recherches historiques que nous avons menées. La plupart des pigments que nous avons testés sont d’origine naturelle : ocre, hématite, noir de carbone, blanc d’os. Quant au liant, il est, dans trois cas sur quatre, d’origine protéinique. On détecte par deux fois la présence éventuelle d’une cire. La marionnette 3, comme nous pouvions nous y attendre également, semble plus récente que les autres. En effet, sa facture nous paraissait moins travaillée et sa faible épaisseur nous semblait suspecte. Il est possible qu’elle ait été spécifiquement fabriquée pour des touristes. En effet, la présence d’alkyde dans sa préparation prouve qu’elle est relativement récente (au moins de 1950).
- Conseils relatifs au traitement Pour la consolidation de la couche picturale, Mr Scharff recommande d’utiliser la Klucel G, afin d’éviter les colles dont le solvant est aqueux. La Klucel G sera parfaite pour les zones mates, mais elle risque de matifier les zones brillantes, il faudra donc rester très vigilant. Mr Scharff suggère d’utiliser un système de cache lors de la pulvérisation afin de ne pas modifier l’aspect de surface et conseille de se servir d’un pinceau pour les fragments.
Pour ce qui est des analyses des particules dorées : - Nature des particules dorées Tout porte à croire que les particules dorées prélevées contiennent beaucoup de cuivre et un peu d’or. Il n’y a à priori pas de zinc et pas d’argent non plus.
- Conseils relatifs au traitement Le fait qu’il y ait beaucoup de cuivre au niveau des dorures des marionnettes nous incite également à fortement limiter l’apport en humidité au cours du traitement.
162
VI.
NOUVELLES RENCONTRES AVEC DES SPÉCIALISTES APRÈS RÉSULTATS DES ANALYSES
De retour en France, nous avons voulu soumettre les résultats d’analyse et les modifications opérées sur notre proposition de traitement à deux spécialistes : Mme B. Alcade, et Mr Jim Poncelet que nous avions déjà consulté (cf. annexe 2).
Mme Béatrice Alcade est conservatrice-restauratrice dans son atelier privé et professeure de conservation–restauration à l’École de Condé de Lyon. Elle nous a beaucoup aidés au niveau méthodologique, en nous proposant de déterminer des critères de sélection dont l’enjeu était de définir les zones qu’il fallait restaurer. C’est donc, notamment, en tenant compte de la future utilisation des marionnettes que nous avons choisi les zones d’interventions. Étant donné que les marionnettes n’étaient pas destinées à être manipulées (le collecteur ne souhaitant pas les exposer), seuls les éléments qui risquaient d’être perdus devaient restaurés. En ce qui concerne la remise en forme du support, Mme Alcade propose d’utiliser un mélange à 75 % d’isopropanol, 20 % d’éthanol et 5 % d’eau, et si cela n’est pas suffisant, d’ajouter l’eau de 2 % en 2 %, sans dépasser 10 % d’eau au total. Pour la consolidation des déchirures et la réintégration des lacunes, il lui semble préférable d’utiliser un papier japonais, à grammage très faible, appliqué recto verso, ou un 17 g/m2, que l’on pourra ajourer de la même manière que l’œuvre. Elle conseille, par ailleurs, d’utiliser de la Klucel G dans l’éthanol à une concentration minimum de 5 %, et maximum de 7 %. Pour consolider le support, on peut, selon elle, également penser à utiliser un fil de lin, technique très cohérente avec l’objet et qui a peu d’impact sur les matériaux en présence. Monsieur Jim Poncelet, pour sa part, propose, pour déplier les zones fragilisées du support, le même mélange que Mme Alcade, mais conseille toutefois de faire un test au préalable afin d’être sûr de ne pas créer de tache (ce qui est éventuellement possible avec un tannage à la graisse). Il nous propose également d’appliquer un film polyester pour éviter l’évaporation du produit lors de l’application et obtenir une pénétration en profondeur dans la peau, l’ensemble devant reposer au moins une heure. Selon lui, une réflexion quant à la nécessité d’une consolidation de la couche picturale doit être menée. Il faut en effet avoir conscience que cette consolidation est une opération irréversible. Une opération qui, si on utilise la Klucel G, ne consolidera que peu la couche picturale et pourra créer des brillances. En ce qui concerne la consolidation des déchirures et la réintégration des lacunes, il conseille d’employer la Klucel G dans l’éthanol, à 10% maximum. Si l’adhérence est insuffisante, on peut utiliser la gélatine. Le choix des grammages du papier japonais (5 g/m2 et 17 g/m2) est important, il faut être très attentif à ne pas créer de forces contraires (application recto verso) et à toujours s’appuyer sur des zones saines. L’utilisation du fil de lin est possible, encore faut-il éviter de créer des zones d’abrasion. 163
Pour le conditionnement, le choix des matériaux est essentiel : il faut éviter l’abrasion et laisser respirer l’objet (se méfier du film polyester). L’idée d’un format standard lui semble intéressante.
164
VII.
PROPOSITION FINALE DE TRAITEMENT
Étant donné les résultats d’analyses, nous avons décidé de supprimer tout nettoyage et toute humidification de la peau et d’une manière générale, tenant compte des mises en garde émanant de quasiment tous spécialistes que nous avons rencontrés, nous avons pris le parti de ne pas utiliser d’eau. En sens, cette nouvelle proposition de traitement se différencie clairement de la proposition initiale.
1. Dépoussiérage Dans la mesure du possible, on tentera de passer un pinceau japonais sur la surface pour ôter la poussière superficielle. Comme il était prévu au départ, et ceci nous a été confirmé par les restauratrices rencontrées (Mme Elarbi et Mme Raggi), nous allons utiliser un aspirateur, muni d’un embout fin.
2. Établir la carte des zones à restaurer Dans le cadre d’une restauration ethnographique, avec une intervention minimum, et puisque les marionnettes ne seront pas manipulées, nous décidons de ne restaurer que les zones en grand danger, c’est-à-dire les zones dont nous risquons de perdre des fragments. À cette étape de la restauration, il faudra établir, pour chaque marionnette, une carte des zones à restaurer ainsi que nous l’a judicieusement conseillé Mme Alcade.
3. Remise en forme des parties repliées du support Certaines zones des marionnettes nécessitent d’être dépliées et remises dans le plan. Étant donné que la décision a été prise, au vu des analyses, d’éviter tout apport en eau, nous suivrons les conseils de Mr Poncelet et de Mme Alcade : les partie repliées du support seront remises en forme à l’aide un mélange composé de 75 % d’isopropanol, 20 % d’éthanol et 5 % d’eau et grâce à une intervention mécanique, en travaillant ces zones avec un plioir. Puis avec une mise sous poids (feutre – poids en sable conseillés par Mme Raggi), nous arriverons peut-être à retrouver une certaine planéité des zones déformées. Si l’assouplissement de la peau n’est pas assez important pour ces zones de déformation, nous pourrions éventuellement ajouter un peu d’eau à la solution, de 2 % en 2 %, sans dépasser 10 %. Avant d’appliquer cette méthode, il faudra nous assurer qu’elle est tout à fait compatible avec le support.
4. Consolidation de la couche picturale La couche picturale des marionnettes présente une certaine fragilité (pulvérulence, déplacage…) et doit donc être, dans la mesure du possible, consolidée. Cette intervention sera menée sur une ou deux marionnettes si seulement on considère qu’elle est inévitable, si 165
trop de fragments se désolidarisent du support lors de la manipulation. En effet, ainsi que Mr Poncelet l’a souligné, il s’agit-là d’une opération irréversible qui ne doit être mise en œuvre que si elle est indispensable. Nous utiliserons de la Klucel G dans l’éthanol, pour ne pas utiliser d’eau. Sur les conseils de Mr Scharff, pour refixer les écailles assez importantes, nous pourrons utiliser un pinceau fin ou une seringue. Pour des zones de pulvérulence plus large, nous nous servirons d’un microdiffuseur Eco-Spray. Pour éviter de modifier l’aspect de surface, nous installerons des caches lors de l’application.
5. Consolidation des déchirures et réintégration des lacunes D’après l’analyse que nous avions menée lors de la première proposition de traitement (tableau comparatif des différents matériaux envisageables pour la consolidation et la réintégration) et après avoir pris l’avis de différents restaurateurs, nous pensons qu’il serait préférable d’utiliser du papier japonais fin ou à 18 g/m2 pour consolider les déchirures et pour réintégrer les lacunes. Ceci nous permettra d’adapter l’épaisseur aux besoins. Pour rattraper l’épaisseur voulue, nous pourrons éventuellement superposer les papiers (un 18 g/m2 entouré de deux papiers fins) afin de ne pas créer de tensions. C’est à la Klucel G dans l’éthanol que nous collerons, toujours pour ne pas utiliser de solvant aqueux. Pour la retouche, nous utiliserons l’aquarelle, le papier sera teint dans la masse, puis retouché sur l’œuvre. Certaines parties pourront être consolidées avec des fils de lin comme le suggérait Mme Alcade. Il faudra cependant, ainsi que le signalait Mr Poncelet, être bien vigilant à ne pas créer de zones de frottement et d’abrasion. Comme le papier, le fil sera préalablement teinté dans la masse puis retouché une fois placé.
6. Conservation Suivant les conseils de Mme Blanc, nous pensons utiliser un format standard de boite de conservation, que nous aménagerons simplement, afin de pouvoir appliquer aisément le procédé à toute la collection. Et comme le faisait remarquer Mr Poncelet, nous veillerons à éviter l’utilisation de matériaux qui pourraient empêcher la peau de respirer. Nous envisageons d’utiliser une boite avec un rabat permettant de faire glisser un plateau sur lequel reposerait l’objet. Nous pourrions ainsi présenter l’objet, dans sa boite, sans avoir à le toucher. Nous pourrons également prévoir un plateau amovible pour pouvoir sortir l’objet, à l’aide de languettes, sans difficulté de manipulation.
166
VIII. RAPPORT DE TRAITEMENT Le 15/16 mai 2012 -
Dépoussiérage au pinceau doux des quatre marionnettes
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Dépoussiérage à l’aspirateur des quatre marionnettes, essais de différents embouts fins, le choix se porte finalement sur une brosse douce. Le résultat est assez concluant, l’impression colorée semble plus vive.
Le 21/06/2012 -
Préparation des produits de restauration : Klucel G dans l’éthanol à 7 % et solution d’isopropanol, d’éthanol et d’eau (75 % / 20 % / 5 %).
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Des choix sont opérés concernant les zones à restaurer. Élaboration de cartes précises des zones à restaurer à l’aide de photographies en noir et blanc. Des choix sont également effectués concernant les zones qui seront restaurées au papier japonais ou avec un fil de lin.
Ci-dessous schémas des zones à restaurer :
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Marionnette 1
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Marionnette 2
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Marionnette 3
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Marionnette 4
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Au niveau du pli important qui se trouve sur la selle de la marionnette 3, nous effectuons, bien que nous ayons décidé d’éviter l’eau, quand même un petit essai avec un pinceau et de l’eau. Nous nous apercevons très rapidement que la réaction n’est pas bonne, la peau se rigidifie et devient cartonneuse. Nous avons donc la confirmation qu’il faut absolument éviter l’eau.
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Après avoir fait un test concluant, nous appliquons la préparation d’isopropanol, d’éthanol et d’eau (75 % / 20 % / 5 %), au pinceau, dans le but de détendre et de déplier certaines zones sur la marionnette 2 et 3. Nous posons un film polyester pour bien laisser le produit s’imprégner, puis nous mettons sous poids : papier permanent/feutre/poids en sable. L’ensemble va rester sous poids toute une nuit.
Mise sous poids
Le 22/06/2012 -
Les zones que nous avons tenté de déplier hier ont relativement bien réagi, on note dans l’ensemble une certaine amélioration. Dans la plupart des cas, une consolidation est maintenant possible. Il y a cependant quelques lamelles de cuir au niveau de la crinière de la marionnette 2 qui restent trop rigides pour pouvoir espérer intervenir avec du papier japonais.
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Dégagement des résidus de rouille sur la marionnette n° 3. Cela prend beaucoup plus de temps que prévu, car la rouille a creusé de manière assez importante la peau, à différents endroits.
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Dégagement des résidus de rouille
Le 25/06/2012 -
Fin de dégagement des résidus de rouille
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Consolidation des déchirures et réintégration des lacunes, sur la marionnette n° 2 et la marionnette n° 3. On teint du papier japonais, de type Kozo, 5 g/m2 et 18 g/m2 avec de l’aquarelle Winsor & Newton noir d’ivoire.
Le 10/07/2012 -
Vérification et renforcement des consolidations et des réintégrations de lacunes effectués sur la marionnette n° 2 et la marionnette n° 3.
Consolidation de la marionnette 3
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Consolidation de la marionnette 3
-
Suite du travail de consolidation sur les marionnettes 2 et 3. Ce sont celles qui à priori demandent le plus de travail de consolidation. Pour la marionnette 3, les zones creusées par les résidus de rouille sont comblées : on insère un papier japonais 18 g/m2 imbibé de Klucel G dans l’éthanol, puis on pose un papier de même grammage, teinté en surface. Si besoin est on pose un second papier teinté de grammage 5 g/m2. Il semble en effet tout à fait nécessaire de combler et de protéger ces zones, où le cuir est ouvert et donc fragilisé.
Consolidation de la marionnette 2
-
Travail de réintégration colorée important, nous teintons dans la masse du papier 5 g/ m2 et 18 g/m2 en rouge. Nous effectuons beaucoup de retouches colorées au pinceau très fin, nous utilisons des pinceaux à retouche de la marque Isabey, en martre Kolinsky pure, n°0, 1 et 2.
174
Réintégration colorée, marionnette 3
Le 11/07/2012 -
Suite du travail de réintégration colorée. Les aquarelles utilisées le 10/07 et le 11/07 sont toutes de la marque Winsor & Newton : blanc de chine, terre d’ombre naturelle, ocre jaune, terre de Sienne naturelle, terre verte, rouge permanent, rouge de cadmium foncé, marron de Pérylène, alizarine cramoisie, noir d’ivoire.
-
Premiers essais de consolidation de déchirures avec un fil de lin sur la marionnette 3. Nous choisissons d’utiliser un fil de lin pur, à 2 brins, n°100, qui n’a pas subi de blanchiment.
175
Consolidation au fil de lin, marionnette 3
-
Fin du travail pour la marionnette 2
Le 27/08/2012 -
Suite du travail de consolidation des dÊchirures, de rÊintÊgration des lacunes et de retouche colorÊe pour la marionnette 3. Nous commençons ce même travail pour la marionnette 1.
-
Nous appliquons un ďŹ l de lin naturel, qui nâ&#x20AC;&#x2122;a pas ĂŠtĂŠ blanchi, sur la marionnette 1. Il est insĂŠrĂŠ au niveau dâ&#x20AC;&#x2122;anciens trous qui maintenaient une rĂŠparation autochtone, une pièce de peau situĂŠe au niveau de la base de la marionnette.
Le 28/08/2012 -
Recherche dâ&#x20AC;&#x2122;une couleur ou dâ&#x20AC;&#x2122;un mĂŠlange de matĂŠriaux pour la retouche des dorures. Nous allons utiliser un mĂŠlange de : t QPVESF EF CSPO[F BWFD VO NĂ?EJVN EF HPVBDIF TFD EF MB NBSRVF 4DINJODLF Nous employons lâ&#x20AC;&#x2122;or pâle n°18813 et lâ&#x20AC;&#x2122;or pâle riche n°18812 t QFJOUVSF BDSZMJRVF TBUJOĂ?F EF MB NBSRVF $SĂ?B DPVMFVS CSPO[F OÂĄ MĂŠlange qui sera appliquĂŠ sur les marionnettes 1, 3 et 4.
176
Réintégration des dorures de la marionnette 3
-
Suite du travail de consolidation des déchirures et de retouche pour la marionnette 1.
Consolidation de la marionnette 1
-
Fin du travail pour la marionnette 3
Le 29/08/2012 -
Nous avons finalement décidé de ne pas utiliser le microdiffuseur Eco-Spray, car ce traitement est irréversible et les couches picturales des quatre marionnettes ne nécessitent finalement pas une consolidation de la couche picturale. De plus, celles-ci devront être conservées dans une boite qui les protègera suffisamment. Nous avons cependant voulu, pour la marionnette 4, refixer quelques écailles de la couche picturale avec de la Klucel G. Le choix des zones à refixer avait été effectué précédemment sous loupe binoculaire. 177
-
Suite et fin du travail de consolidation des déchirures et de retouche colorée pour la marionnette 1. La restauration au papier japonais que nous avions envisagé au niveau du bout de la queue est finalement impossible à réaliser. La peau est beaucoup trop rigide et épaisse à ce niveau-là, le papier ne peut pas tenir. Début du travail de consolidation de la marionnette 4.
Réintégration colorée de la marionnette 1
Le 30/08/2012 -
En ce qui concerne la retouche, en plus des aquarelles utilisées précédemment, nous avons ajouté à notre palette du 27 au 30 aout les aquarelles suivantes: le jaune Winsor foncé, le jaune Turner, l’outremer foncé, l’or quinacridone et la terre d’ombre brulée de la marque Winsor et Newton. Le jaune citron permanent, l’outremer foncé et le bleu cobalt ultramarine de la marque Van Gogh et le brun Van Dyck de la marque Daler Rowney.
Le travail de retouche est assez poussé. Nous avons choisi de procéder à une retouche illusionniste sur les quatre marionnettes pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la dimension esthétique de la restauration était importante pour le propriétaire des marionnettes, nous ne pouvions donc pas nous permettre de réaliser des consolidations de déchirures et des réintégrations de lacunes trop visibles. D’autre part, étant donné qu’il s’agissait de marionnettes, respecter l’illusion propre au spectacle était important. Enfin, toutes les retouches colorées étant réalisées sur le papier japonais, aucune application de couleur n’était réalisée directement sur la marionnette. Ainsi, si les retouches colorées présentaient un problème, elles pouvaient être retirées sans difficulté.
-
Fin du travail pour la marionnette 4.
Consolidation de la marionnette 4
178
Consolidation de la marionnette 4
CONSERVATION Le conditionnement de stockage est élaboré à partir d’une boîte de conservation vendue chez Stouls. La boîte, pHibox DUOR modèle SV, mesure 82x62x5,5 cm (LXPXH), elle est en carton compact et est classée de type A selon les normes internationales de conservation préventive (ISO 16245). Le carton utilisé comporte les caractéristiques physico-chimiques adaptées aux normes actuelles de la conservation des documents graphiques : -
100% pâte chimique blanchie, haute teneur en alpha cellulose
-
sans lignine, sans alun
-
collage neutre
-
réserve alcaline < 3% Carbonate de Calcium
-
sans azurant optique
-
pH 7,5 - 8,5
Le carton choisi est le Carton Muséum blanc naturel, en 0,6 et 1,20 mm d’épaisseur. C’est un carton sans acide, sans azurant optique, sans lignine, avec réserve alcaline, pH 7,5, 100% pâte chimique blanchie. La colle dont nous allons nous servir est une colle blanche ST est une colle à PH neutre. Schéma du conditionnement :
Les baguettes de manipulation des marionnettes seront également conservées dans une boîte pHibox DUOR , en forme de tube. Elles seront numérotées, à l’aide d’étiquette d’identification en papier permanent CHRONOS (170 gr/m2, sans acide, sans lignine, avec réserve alcaline, conforme à la norme ISO 9706 et NF Z40-014), et maintenues avec un fil de lin. 179
Marionnettes après restauration
Marionnette 1
Marionnette 2
Marionnette 3
Marionnette 4
180
FICHE DE CONSERVATION PRÉVENTIVE
Lumière : Il est important de na pas négliger l’action de la lumière sur les marionnettes. La première action préventive est donc de réduire, et même d’éliminer ces radiations UV qui n’apportent rien à la bonne visibilité des œuvres, et qui peuvent entraîner des transformations chimiques dans les matériaux organiques. Outre l’emploi de moyens habituels, tels que volets et stores, l’installation de filtres absorbants peut réduire ces radiations : matériaux verriers, films adhésifs pour les surfaces vitrées (c’est la lumière naturelle qui a les plus fortes proportions en radiations UV), plaques ou gaines plastiques pour les sources artificielles. Les films antiUV doivent être validés par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), ou un laboratoire agréé. Nous devons être prudents, ces filtres ont une durée de vie limitée et devront être régulièrement contrôlés. L’unité de mesure des radiations UV est le μwatt/lumen. La limite supérieure tolérée dans les institutions muséales se monte à 75 μwatt/lumen ; toutefois, compte tenu de la qualité des filtres disponibles aujourd’hui, il est possible d’être plus exigeant et d’abaisser la limite à 10 μwatt/lumen. Nous réduirons aussi au maximum les radiations IR qui provoquent, par élévation de température, l’accélération de toutes les réactions chimiques et localement des phénomènes d’assèchement. Même débarrassée des rayonnements UV et IR, la lumière reste « dangereuse », elle entraîne par exemple des phénomènes de décoloration et doit être contrôlée. Il faut rappeler que : -
l’effet de la lumière est cumulatif : une courte exposition sous un éclairement important provoquera le même effet qu’une plus longue exposition sous un éclairement de plus faible intensité.
-
les
dégâts
provoqués
par
une
exposition
à
la
lumière
sont
irréversibles.
Le niveau d’éclairement s’exprime en Lux (Lx). La mesure de l’éclairement s’effectue sur la surface du document à contrôler à l’aide d’un luxmètre. Pour ces matériaux très sensibles, un consensus s’est formé pour un niveau d’éclairement maximal de 50 lux, rayonnements UV éliminés, et une exposition limitée dans le temps : 3 mois à raison de 8h/j sur une année. Plus qu’une durée d’exposition, il est conseillé de ne pas dépasser une dose totale d’exposition (DTE) qui est le produit du niveau d’éclairement (lux) par le nombre d’heures d’exposition. Il est à noter que la valeur de 50 lux a été établie en fonction de la perception humaine et correspond à un confort visuel minimum. Pour avoir un bon rendu des couleurs ou une meilleure vision des détails, on tolérera un éclairement plus important à condition d’écourter le temps d’exposition ; ainsi, la DTE reste égale à celle correspondant à 50 lux pendant 3 mois, soit 36 000lux.h/an. On peut, par exemple, augmenter l’intensité lumineuse à 150 lux ; la durée de l’exposition sera alors réduite à 1 mois. Contrôle du climat : Il est également très important de maitriser le climat environnemental des marionnettes, car elles sont sensibles aux insectes, aux microorganismes et aux déformations liées à un climat trop humide ou trop sec. Elles sont particulièrement sensibles aux variations hygrométriques. Les conditions de conservation doivent donc être stables, aussi proches que 181
possible de 18-20°C et de 50-55% d’humidité relative.
Empoussièrement : Les marionnettes sont sensibles à la poussière. Il est donc très important de les maintenir dans leurs boîtes de stockage quand elles ne sont pas exposées.
182
IX.
CONCLUSION
Si l’on compare l’état initial des marionnettes et leur état final, une fois restaurées, la différence peut sembler, au premier regard, minime. Mais, rappelons-le, tel n’était pas le but. Au regard des critères déterminés (les marionnettes n’étant destinées ni à être manipulées, ni à être exposées) et étant donné que le parti a été pris de ne pas toucher aux réparations autochtones, l’objectif a été atteint : les zones qui devaient être protégées sont consolidées. Les risques de déchirure, de rupture et la possibilité d’égarer un morceau sont écartés. Les interventions sont demeurées limitées ainsi que nous l’avions décidé. La seule réserve que nous puissions émettre concerne les traces de rouille, dues aux réparations autochtones et plus précisément aux agrafes. Traces de rouille qui nous ont, d’ailleurs, demandé beaucoup plus de temps que nous en avions prévu. Nous aurions aimé, en effet, pouvoir aller plus loin dans nos recherches sur le traitement des résidus de rouille, ce qui n’a pas été possible, faute de temps. Reste notamment à savoir comment protéger la marionnette 3 des deux languettes de métal toujours en place et qui risquent de poser des problèmes d’interaction peau/métal, comment neutraliser les effets de la rouille, qui tache et creuse la peau, et traiter les parties endommagées. Une réflexion légitime dans le cadre d’une restauration ethnologique où les réparations autochtones sont conservées mais qui peut également concerner des domaines beaucoup plus vaste de la restauration-conservation.
183
CONCLUSION GÉNÉRALE Cette découverte de la culture indonésienne nous a passionnés. Nous nous sommes efforcés de nous familiariser avec des pratiques qui nous étaient jusque-là inconnues à travers la littérature, la vidéo, l’observation ou la discussion. Ainsi, ce mémoire nous a ouvert de nouvelles fenêtres sur le monde, il nous a permis de capter un peu de l’essence de ce peuple mais également de nous initier aux enjeux ethnographiques que peut comporter une restauration, dimension qui nous a particulièrement intéressés. Cette étude nous a également appris à chercher des informations, à rencontrer les spécialistes d’un domaine particulier, en France et dans le monde. Ce fut une grande chance de pouvoir rencontrer des gens réellement passionnés, prêts à nous accompagner dans notre étude et à nous transmettre leurs connaissances. Ainsi, l’émergence d’un protocole de traitement - et l’approfondissement progressif de notre connaissance des marionnettes - s’est faite grâce à une collaboration avec de nombreuses personnes. On pourrait croire que consulter autant d’avis, c’est prendre le risque d’être confronté à autant d’opinions que de spécialistes, mais en réalité, ces échanges nous ont permis d’enrichir nos connaissances et, surtout, d’élaborer un protocole de traitement cohérent. Ce parcours quelque peu sinueux, mais qui finalement fait sens, nous a semblé efficace. Il nous a permis de comprendre que toute action était un parti pris et qu’aucun geste n’était anodin. C’est pourquoi nous avons tenté de donner un sens à notre restauration, en réfléchissant chacun de nos gestes. Et ce travail de recherche, mené comme une enquête, nous a beaucoup plu. Certaines découvertes se sont faites dans la douceur et d’autres moins. Se remettre en question n’a pas toujours été facile. Avoir assez de recul et être suffisamment critique, notamment à l’égard des résultats des tests scientifiques, et tout particulièrement des spots tests pour le tannage du cuir, n’allait pas toujours de soi. Mais ce travail avec nos professeurs a été très instructif et nous a beaucoup apporté. Soulignons, pour finir, que cette étude sur la restauration des marionnettes de wayang kulit n’est finalement qu’un début, de nombreuses pistes de recherche restent à creuser. Élaborer, à partir d’une étude comparative, un répertoire des formes et des motifs ornementaux présents sur ces ombres, nous semble, pour ce qui concerne l’histoire de l’art, une étude tout aussi nécessaire que passionnante. Il serait également très intéressant de se rendre en Indonésie pour observer les modes de fabrication et discuter avec des fabricants d’ombres, car très peu d’information de cet ordre, notamment pour le traitement de la peau, figurent dans la littérature. Enfin, pour la conservation-restauration, des recherches restent à mener, semble-til. Il faudrait analyser les interactions entre le métal et la peau et trouver un traitement adapté à ce type d’altération, notamment pour les marionnettes de wayang kulit.
184
BIBLIOGRAPHIE
185
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188
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190
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Sites visités le 21 aout 2012
193
ANNEXES
194
E. ANNEXES I. Annexe étude technico-scientifique 1. Dossier photographique pour chaque spot test Les résultats des spots tests que nous avons expérimentés pour évaluer la fiabilité des spots tests concernant le tannage du cuir, sont ici détaillés à l’aide d’un dossier photographique. Les résultats de chaque échantillon sont illustrés en respectant l’ordre de réalisation des spots tests.
195
a. Ferric spot test
1.
2.
3.
4.
5.
6.
B5
BC.
BM
196
BMB
BQ5
197
b. Vanillin spot test
1.
2.
3.
4.
5.
6.
B5
BC.
BM
198
BMB
BQ5
199
c. Acid butanol spot test
1.
2.
3.
4.
5.
6.
B5
BC.
BM
200
BMB
BQ5
201
d. Rhodanine spot test
1.
2.
3.
4.
5.
6.
B5
BC.
BM
202
BMB
BQ5
203
e. Nitrous acid spot test
1.
2.
3.
4.
5.
6.
B5
BC.
BM
204
BMB
BQ5
205
f. Spot test pour le tannage minĂŠral
1.
4.
5.
5SN.
6.
7.
8.
9.
10.
206
II. Annexes Partie Restauration 1. Constats d’états détaillés pour chaque marionnette (1, 2, 3 et 4)
Marionnette N°1 Recto et verso de la marionnette 1
207
Identification Auteur : Cette marionnette a dû être réalisée par un fabricant d’ombre javanais, un Tukang Wayang. Date : Nous pensons que l’ombre date du 19ème siècle ou du début du 20ème siècle Provenance : La marionnette vient d’Indonésie et plus particulièrement de l’ile de Java. Propriétaire : Monsieur François Renaux
Description matérielle et historique Description : Cette marionnette représente un cheval. Elle est en peau et elle est peinte des deux côtés. La robe du cheval est de couleur noire, mais ses jambes sont plus claires. Les sabots sont noirs.
Pattes arrière de la marionnette 1 Source lumineuse : lumière du jour
Il est harnaché avec une selle et un filet très stylisés. Ceux-ci sont aujourd’hui de couleur ocre, rouge, bleu et nous remarquons des traces de dorure. Le filet et le siège de la selle sont rouges avec des bordures dorées.
208
Tête de la marionnette 1 - Source lumineuse : lumière du jour
Mis à part le siège de la selle, les différents éléments qui la composent ont une coloration qui semble très passée, la couche picturale semble avoir beaucoup souffert dans cette zone.
Partie centrale de la marionnette 1 Source lumineuse : lumière du jour
Il y a deux tapis de selle, le premier devait être bleu et le second rouge. La bordure est ondulée, cela pourrait rappeler le bord des nénufars. On discerne un décor composé de traits fins, noirs, qui renforce cette impression de décor végétal. Ces traits fins pourraient avoir été réalisés avec une plume. Le quartier de la selle est de couleur ocre-brun et bleu au centre. Les côtés du quartier sont caractérisés par deux « cercles », dans lesquels on distingue des motifs ornementaux, tracés comme pour les motifs des tapis, d’un trait fin noir. Ces arabesques étaient dorées. Il n’en reste aujourd’hui que quelques traces au niveau des deux cercles. Les étrivières et les pendants d’étrivières sont rouges, bordés de liserés dorés. Les étriers et les éléments décoratifs au bout des pendants d’étrivières sont dorés. La forme de l’ensemble du harnachement est très ornementale, comme s’il s’agissait d’un harnachement d’apparat. Dimensions : 42,5 cm H / 66,5 cm L Épaisseur : 1,86 mm Montage : à l’origine cette marionnette était tenue par une tige, qui devait être fixée en son centre. Matériaux : Le support est une peau. Il faut déterminer la nature de la peau (buffle, vache...) et son traitement (cuir, parchemin...). Il y a également deux pièces de renfort, en peau. 209
Pièces de renfort (marionnette 1) - Source lumineuse : lumière du jour
Il faut donc déterminer de quel animal provient cette peau, et savoir s’il s’agit de parchemin ou de cuir. On remarque également de nombreux fils, de différentes natures. Ils sont de trois types de liens différents : Les fils blancs sont les plus nombreux. On compte environ une centaine de zones où ils sont présents, notamment sur la queue. Ils serviraient de lien de renfort au niveau des zones de fragilité :
Renforts avec du fil blanc (marionnette 1) Source lumineuse : lumière du jour
Le fil orange, il se situe au centre de la marionnette, au niveau supérieur de l’étrivière :
Renforts avec du fil orange (marionnette 1) Source lumineuse : lumière du jour
Les fils bruns. Il y en a deux, ils semblent très cassants et se situent dans la zone la plus fragile de la marionnette (derrière le troussequin de la selle) :
210
Renforts avec du fil brun (marionnette 1) Source lumineuse : lumière du jour
Technique graphique : La marionnette est peinte recto verso, en miroir. Il y a du noir, du rouge, du bleu et du doré. La nature des pigments et celle du liant ne sont pas encore connus. Ce pourrait être un liant de nature collagénique. Inscription : Il n’y a pas d’inscription particulière.
211
Constat d’état Aspect général : Cette marionnette est dans un état de fragilité certain. Sa structure est fragile, il faut la manipuler délicatement, notamment au niveau de la croupière où certains éléments ne tiennent qu’à un fil. Son aspect de surface reflète un usage important et une histoire mouvementée. La couche picturale est très endommagée. Altérations constatées : Altérations structurelles : Planéité : La planéité de la marionnette n’est pas parfaite. Cependant, nous pensons qu’à l’origine, lors de la fabrication de la marionnette, celle - ci n’est pas tout à fait plane. Vue du relief en lumière rasante (marionnette 1)
212
Tableau 1 : Récapitulatif des altérations structurelles
tête
déchirures
lacunes
Au niveau des montants du filet on
1 lacune très visible au début de la crinière,
remarque de nombreuses déchirures
il manque 1 lamelle.
partant de la dernière dent en montant vers le mors, la jonction
pliures
Fils de maintien de la tige
1 bout d’oreille semble manquer.
des différentes lanières et à l’arrière de l’oreille corps
On trouve 5 fils qui lient le quartier de selle gauche à l’étrier
3 déchirures au niveau de la selle et des tapis.
central. Doit être la zone de maintien de la
9 déchirures au niveau du quartier de selle
tige.
droit. L’étrier est rompu en 6 endroits sur son pourtour jambes
queue et croupière
2 déchirures au niveau des poinçons qui
Une déchirure, qui a entrainé 1 lacune marque
marquent la cuisse arrière
la jambe antérieure.
Il y a de très nombreuses déchirures, environ 40, souvent au niveau des poinçons
213
déchirures base
lacunes
pliures
Fils de maintien de la tige
1 grande lacune au niveau du centre de la base (2 pièces de parchemin la protègent)
total
Une soixantaine de déchirures
4 lacunes, dont 3 importantes
Tableau 2 : Récapitulatif des réparations autochtones
Fils
Tête
Corps
Jambes
La tête est
L’étrier est maintenu grâce à 2
Le sabot d’une jambe
La zone la plus fragilisée se situe au
très grand nombre
zones où il y a des fils blancs. On remarque
antérieure est désolidarisé de la base
niveau de la croupière : les décors du harnachement
(plus d’une centaine de zone)
notamment une zone de couture
et ne tient que grâce à 3 fils blancs.
se disloquent complètement. La queue et
maintenue aux jambes grâce à 2 fils blancs
Pièces
qui relier l’étrier à la base.
de peau
Queue et
Base
croupière
la croupière tiennent grâce aux fils blancs.
totale
Large pièce de renfort cousue
Altérations de surface : La couche picturale est pauvre en liant (friable). On remarque une abrasion de surface générale, surtout au niveau des quartiers et de la base.
214
Abrasion de surface Source lumineuse : lumière du jour
215
216
Marionnette N째2 Recto et verso de la marionnette
217
Identification Auteur : Cette marionnette a dû être réalisée par un fabricant d’ombre javanais, un Tukang Wayang. Date : Nous pensons que l’ombre date du 19ème siècle ou du début du 20ème siècle Provenance : La marionnette vient d’Indonésie et plus particulièrement de l’ile de Java. Propriétaire : Monsieur François Renaux est le propriétaire de cette ombre.
Description matérielle et historique Description : Cette marionnette représente un cheval. Elle est en peau et elle est peinte des deux côtés. Il y a une grande variété de couleurs. D’une manière générale, la couche picturale a été très endommagée. Les couleurs et les motifs semblent se mélanger et présentent un effet « désordonné ». Il est finalement assez difficile de distinguer d’un premier regard les différentes parties qui constituent le décor. La robe du cheval est aujourd’hui mouchetée. Ses jambes semblaient être à l’inverse, plutôt unis et de couleur claire (traces de blanc), les sabots sont noirs. Au niveau de l’ensemble du corps, on distingue un décor de pois, noirs et blancs, cernés selon la zone d’une dorure assez terne ou d’une coloration noire ou rose.
Robe du cheval (marionnette 2) Source lumineuse : lumière du jour
Cette coloration rose apparait également au niveau de la base de la marionnette (partie où reposent les jambes du cheval).
218
Coloration rose à la base de la marionnette 2 Source lumineuse : lumière du jour
Il est possible que ce film rose soit une couche de préparation. Cette hypothèse ne saurait être confirmée à l’heure actuelle. La couleur des pois est actuellement très incertaine, elle oscille entre le noir, le gris et le blanc. Il est probable que cela soit dû à une dégradation importante. Il est possible que les pois à l’origine aient été noirs, le blanc serait une sous-couche. Mais ceci reste à confirmer, notamment grâce à l’aide d’un spécialiste de la couche picturale. Le harnachement du cheval est très stylisé. Le filet au niveau du visage du cheval a un décor très ornemental. La lanière de la sous-gorge à un motif floral au recto, dont les couleurs sont le blanc, le rouge et le rose, sur un fond noir. Pour exprimer le pistil de la fleur, l’artisan a usé de traits fins, noirs, qui peuvent avoir été réalisés avec un instrument à pointe fine, de type « plume ». Au verso, le décor est moins figuratif. Il reprend les mêmes couleurs. Les traits fins noirs sont plus présents, moins courbes et plus réguliers. Les rênes sont rouges au recto et celle du verso a perdu sa couleur. Les lanières des montants du filet, de la muserole et du frontal ont des motifs plus géométriques. On distingue des losanges vert, jaune et bleu au recto, rose et rouge au verso. Le mors est exprimé par un cercle au coin de la bouche du cheval. Au recto ce cercle est blanc et bleu, au verso, il est blanc avec des traces de dorure. Sur cette marionnette, l’expressivité des yeux et de la bouche est très importante. L’œil est présent par sa couleur, l’iris est rouge. La bouche est largement ouverte.
Tête de la marionnette 2 (recto) Source lumineuse : lumière du jour
219
Tête d de la marionnette 2 (verso) Source lumineuse : lumière du jour
Les éléments de la selle sont eux aussi décorés. Le siège a perdu la majorité de sa couleur, mais il reste des résidus de peinture bleue. Le tapis de selle est rouge, rose et blanc. Sa bordure est ondulée, cela pourrait rappeler le bord des nénufars. On discerne un décor composé de traits fins, noirs, qui renforce cette impression de décor végétal. Le quartier, grâce à son décor et son emplacement central, prend une importance toute particulière. Au recto des aplats vert, jaune, blanc, rose et rouge sont disposés en forme de croix. De petits motifs réalisés avec un trait fin noir viennent souligner l’ensemble :
Partie centrale de la marionnette 2 (recto) Source lumineuse : lumière du jour
Au verso de l’œuvre, on observe deux aplats verts, ayant une forme d’amande. Ils sont soulignés d’une bordure jaune, puis d’une bordure rose et violette. Ces deux dernières sont hachurées de traits fins, noirs :
220
Partie centrale de la marionnette 2 (verso) Source lumineuse : lumière du jour
Ce que l’on imagine être une étrivière et son étrier est assez petit ici. Les étrivières sont rouges et les étriers sont noirs. Les pendants d’étrivières sont très stylisés. Ils reprennent des motifs géométriques et des motifs floraux. Il y a toutes les couleurs (bleu, vert, jaune, rouge, rose, noir, blanc) et de fins traits noirs. Les ciselures au niveau de la crinière et de la queue sont ici très présentes. Elles confèrent une certaine fragilité à l’œuvre.
Queue de la marionnette 2 Source lumineuse : lumière du jour
Dimensions : 38 cm H / 61 cm L Épaisseur : 1,09 mm Montage : à l’origine cette marionnette était tenue par une tige, qui devait être fixée en son centre. Matériaux : le support est une peau. Il faut déterminer la nature de la peau (buffle, vache...) 221
et son traitement (cuir, parchemin...). On observe une pièce de renfort, en peau. Il faudra en déterminer la nature et son traitement (cuir ou parchemin...).
Pièce de renfort (marionnette 2) - Source lumineuse : lumière du jour
Nous remarquons cinq zones où il y a des fils, de différentes natures. On remarque quatre types de liens différents : -
Le fils blanc est le plus présent. Il a été utilisé pour fixer la pièce de renfort :
Renforts sur la marionnette 2 (fils blanc) Source lumineuse : lumière du jour
Le fil rouge. Il se situe au centre de la marionnette, au niveau de la crinière :
Renforts sur la marionnette 2 (fils rouge) Source lumineuse : lumière du jour
Le fils brun. Il se situe au niveau inférieur du quartier :
222
Renforts sur la marionnette 2 (fils brun) Source lumineuse : lumière du jour
Le fil noir. Il devait relier la queue à la base :
Renforts sur la marionnette 2 (fils noir) Source lumineuse : lumière du jour
Technique graphique : La marionnette est peinte recto verso. Il y a du noir, du blanc du rouge, du rose, du bleu, du vert, du jaune et du doré. La nature des pigments et celle du liant ne sont pas encore connus. Cela pourrait être un liant de nature collagénique. Inscription : Il n’y a pas d’inscription particulière
Constat des altérations Aspect général : Cette marionnette est plutôt fragile. Le nombre important de fines ciselures au niveau de la queue et de la crinière entraine une fragilité particulière et de nombreuses altérations. La couche picturale présente un aspect particulier, elle semble très endommagée.
Altérations constatées : Altérations structurelles Planéité de la marionnette :
Vue du relief en lumière rasante (marionnette 2)
223
Tableau 1 : Récapitulatif des altérations structurelles (marionnette 2)
tête
déchirures
lacunes
pliures
Environ 5 zones au niveau de la
3 zones lacunaires
Environ 5 zones au niveau de la
crinière. 2 zones de déchirure au niveau des poinçons entre
1 zone lacunaire
crinière
au niveau de l’oreille.
la tête et le « cou ». corps jambes
1 lacune au niveau de la jambe antérieure près de la queue.
queue et croupière
Environ 5 zones au niveau de la queue. Le bout de la queue est désolidarisé de la base
base
3 zones lacunaires, dont 1 lacune
Environ 5 zones au niveau de la queue
importante au niveau du deuxième rang de la queue Au centre, il y a une grande lacune, qui a été dissimulée par une pièce de parchemin. On observe également 2 petites lacunes.
total
224
13 zones de
11 lacunes, dont
Une dizaine de
déchirures
deux grandes lacunes
plis au niveau des ciselures de la crinière et de la queue
Tableau 2 : Récapitulatif des réparations autochtones ((marionnette 2) Tête Fils
Corps
Jambes
Queue et croupière
Base
total
Il y a un
5 zones où il y a des fils
Des fils
Des fils
rouges ont été placés en
bruns ont été placés au niveau
fil noir qui devait relier la queue à
renfort au niveau de la crinière
de la troisième jambe en
la base (fil de renfort ou de lien
partant de la tête, on observe des liens
d’origine, ou restauration antérieure).
de renforts au niveau inférieur du
La pièce de parchemin
Pièces
quartier et à l’endroit qui la relie à la base.
de peau
a été fixée avec des fils blancs épais.
1 grande pièce au centre, cousue
Altérations de surface La couche picturale est pauvre en liant (friable). D’une manière générale, la couche picturale est très abrasée et fragilisée. Il y a de nombreux manques, des délaçages et des écailles : Nous pouvons observer cette altération sur cette zone, mais il faut savoir que cela est généralisé à toute la surface de la marionnette.
225
Altérations de surface (couche picturale de la marionnette 2) Source lumineuse : lumière du jour
226
227
Marionnette N°3 Recto et verso de la marionnette 3
Identification Auteur : Cette marionnette a dû être réalisée par un fabricant d’ombre javanais, un Tukang Wayang. 228
Date : On pense que l’ombre date du XIX siècle ou du début du XX siècle Provenance : La marionnette vient d’Indonésie et plus particulièrement de l’île de Java. Propriétaire : Monsieur François Renaux est le propriétaire de cette ombre.
Description matérielle et historique Description : Cette marionnette représente un cheval. Elle est en peau et elle est peinte des deux côtés. La surface de la couche picturale est légèrement brillante. La robe du cheval est de couleur noire, les sabots sont marqués avec un liseré blanc.
Pattes et base (marionnette 3) - Source lumineuse : lumière du jour
Il est harnaché avec une selle et un filet stylisés. Ceux-ci sont principalement de couleur rouge. Cette couleur est encore assez vive. Le filet est rouge, bordé de rose, il y a un trait fin noir au centre. La coloration en aplat est la même pour le frontal, la muserolle, les montants du filet, le sous-gorge et les rênes. Les naseaux, l’intérieur des oreilles, les gencives et l’iris de l’oeil sont mis en valeur par la même coloration rouge. Chaque mèche de la crinière est cernée d’un liseré rouge. Deux ornements dorés marquent le frontal et la muserolle au niveau du chanfrein du cheval. Un cercle doré au coin de la bouche montre la présence d’un mors. Les dents et la cornée de l’oeil sont entièrement dorées.
229
Tête (marionnette 3) - Source lumineuse : lumière du jour
Le siège de la selle est rouge Il y a un tapis de selle stylisé : la bordure est ondulée. Il est bleu foncée, avec un liseré bleu clair, puis blanc. Pour marquer le volume, l’artiste a utilisé des traits fins noirs. Ces traits fins pourraient avoir été réalisés avec une plume. Les quartiers de la selle sont de couleur rouge au centre et sur une large zone. Le contour est marqué d’une bande rose puis blanche. La bande rose est ornée d’arabesques, tracées comme pour les motifs des tapis, d’un trait fin noir. Les étriers sont dorés. La croupière reprend les mêmes couleurs que le filet. La forme de l’ensemble de l’harnachement est très ornementale, comme si il s’agissait d’un harnachement d’apparat.
Partie centrale (marionnette 3) - Source lumineuse : lumière du jour
La base sur laquelle repose les jambes du cheval reprend la même coloration rouge. On remarque ici que chacun des membres est relié à la base est à un autre élément. Les deux membres postérieurs sont reliés à la base et entre eux grâce à une languette de cuir dorée :
Sabot (marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
Les deux membres antérieurs sont reliés à la base, entre eux grâce à une extension de la base : 230
Sabots antérieurs (marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
Le dernier membre antérieur est également retenu grâce à une languette dorée qui le relie à la base, il a un point d’attache avec la queue :
Renfort avec languette de cuir (marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
Dimensions : 39,5 cm H / 52,3 cm L Épaisseur : 0,97 mm Montage : à l’origine cette marionnette était tenue par une tige, qui devait être fixée en son centre. Matériaux : Le support est une peau. Il faut déterminer la nature de la peau (buffle, vache...) et son traitement (cuir, parchemin...). On observe des pièces de renfort, en peau. Il faudra en déterminer la nature et leur traitement (cuir ou parchemin...). Il y en a quatre : trois au recto, la première relie le bout de la queue abîmé à la base :
Renfort avec languette de cuir au bout de la queue (marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
231
Les deux autres se situent au niveau de l’encolure :
Renfort avec languette de cuir au niveau de l’encolure (marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
La quatrième est au verso, elle est placée au niveau de l’ornement du chanfrein :
Renfort avec languette de cuir au niveau du chanfrein (marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
Nous observons également deux languettes qui pourraient être en métal. La première fait le lien entre la bouche et la jambe antérieure de l’animal :
Languette de métal (marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
232
La seconde se situe entre la selle et le tapis de selle, au centre :
Languette de métal (marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
Il y a également des fils. Nous en comptons six : trois sont situés au niveau de l’encolure, deux sont entre le tapis de selle et le quartier et le dernier lie la queue à la jambe postérieure, deux sont noirs, les autres sont orangés :
3 fils bruns au niveau de l’encolure Source lumineuse : lumière du jour
Fils brun entre le tapis et le quartier de selle Source lumineuse : lumière du jour
Technique graphique : La marionnette est peinte recto verso. Il y a du noir, du blanc, du rouge, du rose, du bleu et du doré. La nature des pigments et celle du liant ne sont pas encore connus.
233
Inscription : Il n’y a pas d’inscription particulière.
234
Constat des altérations Aspect général : Cette marionnette est plutôt fragile. La finesse de la peau par rapport à celle des autres marionnettes peut lui conférer une certaine fragilité. Altérations constatées : Altérations structurelles Planéité de la marionnette : La marionnette n’est pas plane. Étant donné la finesse de la peau, certaines zones sont particulièrement déformées, notamment à l’avant (tête et première jambe) et à l’arrière (queue) de la marionnette.
Vue du relief en lumière rasante
Tableau 1 : récapitulatif des altérations structurelles
tête
déchirures
lacunes
pliures
4 zones de déchirures, elles sont marquées notamment par des pièces de cuirs et/ou des fils qui les maintiennent. Elles se situent au niveau de l’encolure (2 zones) et au niveau des ornements dorés du chanfrein (2 zones).
Il pourrait manquer la pointe de l’oreille
La planéité n’est pas totale, notamment au niveau de la crinière.
liens et attaches
235
déchirures
lacunes
pliures
corps
3 pliures : la Il y a 2 fils : 1 première, la plus noir et 1 orangé. importante, se situe au niveau du pommeau de la selle, la seconde est au niveau de la croupière et la troisième est à l’extrémité du tapis de selle, du côté de la croupière.
jambes
queue et croupière
liens et attaches
léger manque au niveau de la pointe dorée de la jambe arrière 3 zones de déchirures au niveau de la queue, dont une est renforcées avec un fil et une autre avec une pièce en cuir
2 zones importantes de lacunes
la queue n’est pas plane, elle est marquée de plusieurs plis.
7 zones de déchirures
4 zones lacunaires dont 2 importantes
5 zones de plis dont 1 importante
base total
2 fils
Tableau 2 : récapitulatif des réparations autochtones Tête Fils
Pièces de peau
236
On remarque 3 fils orangés, situés au bord de l’encolure
Corps
Jambes
Queue et croupière
Il n’y a qu’un seul fil noir.
Base
total 4 fils
Agrafe ou lamelle de métal
une languette qui pourrait être en métal, située au niveau de la bouche.
Il y a 1 lamelle entre le tapis de selle et la selle.
2 languettes qui pourraient être en métal
Altérations de surface La couche picturale est pauvre en liant (friable). D’une manière générale, la couche picturale est très abrasée et fragilisée. Il y a de nombreux manques, des déplacages et des écailles. On remarque que le verso est beaucoup plus abîmé que le verso. Ceci est tout à fait visible quand on observe la zone centrale de la marionnette, et notamment la selle et le tapis de selle :
Altérations de surface de la couche picturale (recto marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
Altérations de surface de la couche picturale (verso marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
Cela pourrait être dû à l’usage qui a été fait de cet objet. Nous pouvons également noter la présence de nombreuses taches brunes, qui pourraient être des traces de rouille. Ceci pourrait avoir été causé par la présence d’agrafe qui auraient été posées sur les zones les plus fragiles, notamment au niveau des poinçons :
237
Traces de rouille (marionnette 3) Source lumineuse : lumière du jour
238
239
Marionnette N째4 Recto et verso de la marionnette 4
240
Identification Auteur : Cette marionnette a dû être réalisée par un fabricant d’ombre javanais, un Tukang Wayang. Date : On pense que l’ombre date du 19ème siècle ou du début du 20ème siècle Provenance : La marionnette vient d’Indonésie et plus particulièrement de l’île de Java. Propriétaire : Monsieur François Renaux et le propriétaire de cette ombre.
Description matérielle et historique Description : Cette marionnette représente un cheval. Elle est en peau et elle est peinte des deux côtés. La surface de la couche picturale est particulièrement brillante. Cette brillance est très inégale selon les zones. On ne sait pas si il s’agit d’un vernis ou d’un glairage. Ce film ne réagit pas sous rayonnement UV :
Photographies sous rayonnement UV
La robe du cheval est de couleur noire, mais ses pattes sont plus claires. Les sabots sont noirs.
Pattes et base (marionnette 4) - Source lumineuse : lumière du jour
Il est harnaché avec une selle et un filet très stylisés. Ceux-ci comportent un panel de couleur très large : rouge, rose, jaune, vert, bleu, noir et blanc et nous remarquons de nombreuses dorures. Les couleurs sont encore assez vives. Le filet est assez simple. Il est composé de deux couleurs : rouge et blanc, disposées en aplats, l’une à côté de l’autre. On remarque cependant des traces de motifs géométriques qui devaient orner ce filet, notamment au niveau de la têtière et du frontal. Le montant du filet a été travaillé au niveau de sa forme de manière à évoquer une tresse. Plusieurs éléments décoratifs sont dorés : on reconnaît le début du mors au coin de la bouche (deux cercles), un élément qui pourrait être la boucle au niveau de la jonction entre le montants du filet, du frontal, du sous gorge et de la têtière, et un élément décoratif qui lie la tête du cheval à son poitrail. Les 241
mèches de la crinière ont également été cernées de doré. Une lanière assez large passées autour de la gorge du cheval à un rôle décoratif important. Des losanges jaunes ou dorés ont été peints et ciselés. Leur centre et doré et ils sont cernés de vert. Le fond est blanc et rouge, avec de fines rayures noires. Ces traits fins pourraient avoir été réalisés avec une plume.
Tête (recto marionnette 4) Source lumineuse : lumière du jour
Tête (verso marionnette 4) Source lumineuse : lumière du jour
La selle est rouge, de même que les rênes qui lient son pommeau au filet. Elle est bordée d’un liseré doré. Il y a un tapis de selle composé de quatre couleurs : bleu, vert jaune et blanc. La bordure ondulée est ornée d’un trait fin doré. De traits fins, noirs, viennent hachurés l’ensemble du tapis. Le quartier de la selle comporte de nombreuses couleurs. En allant des bords vers le centre il y a du noir, du bleu, du blanc, du rose, du rouge très foncé, du jaune et du vert. Les côtés du quartier, sont caractérisés par deux «cercles», dont le centre est une fleur, tracée comme pour les motifs des tapis, d’un trait fin noir. Le centre de la fleur est doré. L’ensemble est orné d’un décor de feuillage doré. Les étrivières, les pendants d’étrivières et les étriers sont dorés. La croupière est principalement doré et est orné d’un motif rouge hachuré.
242
Partie centrale de la marionnette 4 (recto) Source lumineuse : lumière du jour
Partie centrale de la marionnette 2 (verso) Source lumineuse : lumière du jour
La forme de l’ensemble de l’harnachement est très ornementale, comme si il s’agissait d’un harnachement d’apparat. Dimensions : 36,6 cm H / 59,9 cm L Épaisseur : 1,68 mm Montage : à l’origine cette marionnette était tenue par une tige, qui devait être fixée en son centre. Matériaux : Le support est une peau. Il faut déterminer la nature de la peau (buffle, vache...) et son traitement (cuir, parchemin...). Nous remarquons six zones où il y a des fils, de différentes natures. On remarque quatre types de liens différents : Le fil orange. Il a été utilisé au centre de la marionnette et au niveau de l’oreille du cheval :
243
Fil orange, partie centrale (marionnette 4) - Source lumineuse : lumière du jour
Fil orange au niveau de l’oreille (marionnette 4) Source lumineuse : lumière du jour
Le fil rouge. Il lie la queue au corps de la marionnette :
Fil rouge, entre la queue et le corps (marionnette 4) Source lumineuse : lumière du jour
244
Le fils brun. Il lie le bout de la queue à la base et se trouve au niveau de la croupière :
Fil brun, entre la queue et la base (marionnette 4) Source lumineuse : lumière du jour
On trouve également un léger fragment avec le fil noir, au niveau de la base. Le fil noir, qui maintient la base en son centre :
Fil noir qui maintient la base Source lumineuse : lumière du jour
Le second fil noir est visible sur la photographie avec le fil rouge, il participe au maintient de la queue. Technique graphique : La marionnette est peinte recto verso. Il y a du noir, du blanc du rouge, du rose, du bleu, du vert, du jaune et du doré. La nature des pigments et celle du liant ne sont pas encore connues. Cela pourrait être un liant de nature collagénique. Inscription : Il n’y a pas d’inscription particulière.
245
Constat des altérations Aspect général : Cette marionnette semble très fragile, notamment à cause des déchirures du support. L’aspect de surface brillant est assez particulier, mais cette marionnette présente comme toute les autres des problèmes d’abrasion de surface et une grande fragilité de la couche picturale. Altérations constatées : Altérations structurelles Planéité de la marionnette : La marionnette gondole légèrement, mais il semble qu’à l’origine, les marionnettes ne soient pas tout à fait planes.
Vue du relief en lumière rasante
Tableau 1 : récapitulatif des altérations structurelles déchirures
tête
246
2 zone de déchirures : 1 au niveau de la première oreille (renforcée par un fil) et une autre légèrement en dessous, au niveau de la crinière, près du chanfrein.
lacunes
pliures
Fils de maintien de la tige centrale
corps
1 zone de fils oranges au centre des 3 quartiers de selles. Ces fils devaient certainement maintenir la baguette de manipulation.
jambes queue et croupière
2 zones de déchirures : au niveau de la zone de rattachement de la queue au corps et au niveau de la zone qui lie la queue à la base de la marionnette.
base
1 zone de déchirure très importante au centre de la base
total
1 zone lacunaire au centre de la base.
1 plis bien marqué au bout de la queue.
1 zone lacunaire
1 zone de plis marqué
Tableau 2 : récapitulatif des réparations autochtones Tête Fils
1 fil orange au niveau de la première oreille.
Corps
Jambes
Queue et croupière
3 zones : un fil rouge et 1 fil noir qui lient la queue au corps du cheval, 1 fil brun qui lie le bout de la queue à la base, 1 second fil brun qui se trouve au niveau de la croupière.
Base
total
1 zone de fils, noirs avec un fragment de fil orange.
6 zones où il y a des fils.
247
Altérations de surface La couche picturale est pauvre en liant et présente une certaine pulvérulence. D’une manière générale, la couche picturale est très abrasée et fragilisée. Il y a de nombreux manques, des déplacages et des écailles. On remarque cependant une prédominance de la perte de couche picturale dans les zones noires da le marionnette :
Altérations de surface (couche picturale de la marionnette 4) Source lumineuse : lumière du jour
Il faut également noter que contrairement aux autres marionnettes, celle - ci à une dorure très bien conservée et très présente.
248
249
2. Compte rendu détaillé des deux rencontres avec les conservateurs-restaurateurs
RENCONTRES AVEC QUATRE SPÉCIALISTES Mme Stéphanie Elarbi, conservatrice - restauratrice au musée du Quai Branly Nous avons cherché à rencontrer Mme Elarbi, pour recueillir son avis sur la proposition de traitement que nous avons élaborée, sur la spécificité des réparations autochtones et de la restauration à caractère ethnologique que nous envisageons.
Ce que nous en avons retenu :
- Chaque action, même minimale, est un parti pris.
- DÉPOUSSIÉRAGE : En général, on utilise l’aspirateur. Mais attention, sur les zones pulvérulentes, cela peut s’avérer dangereux. Après l’aspirateur, on peut éventuellement avoir recours, sur les zones saines, à un chiffon microfibres ou à une éponge latex.
- CONSOLIDATION DE LA COUCHE PICTURALE : Il faut envisager cette possibilité : et si la pulvérulence de la couche picturale n’était pas une altération ? S’il s’avère que, sur toutes les marionnettes, on identifie le même liant, cela pourrait corroborer le fait qu’il ne s’agit pas d’une altération.
- NETTOYAGE : Attention au nettoyage de surface, il doit toujours être fonction de la sensibilité du cuir et de la couche picturale. Bien peser le pour et le contre par rapport à l’importance de la crasse et à l’éventuelle dangerosité du procédé.
- HUMIDIFICATION : Attention aux cuirs peints, car le support ne doit pas devenir trop mou, cela peut être dangereux pour la couche picturale. Attention également au développement des microorganismes. Pour le travail des zones pliées, la chambre d’humidification peut rester ouverte, et on peut travailler avec un humidificateur à ultrason. Il faudrait ensuite laisser sécher l’ensemble progressivement sous feutre.
- CONSOLIDATION DE LA COUCHE PICTURALE : Il serait préférable qu’elle soit légèrement humide, car elle serait plus réceptive. 250
Mr Jim Poncelet, conservateur-restaurateur à l’atelier Marchal et Poncelet, à Paris Monsieur Poncelet est spécialiste de la restauration des peaux (cuir et parchemin). C’est pourquoi nous avons tenu à le rencontrer.
Ce que nous en avons retenu :
- Il faut bien avoir conscience que toutes les interventions dépendent de l’état du cuir, de son pH et de la fragilité de la couche picturale, et savoir que certains cuirs ne supportent pas du tout l’eau !
- NETTOYAGE : Penser à utiliser des cataplasmes de méthylcellulose pour ramollir la crasse (on place du papier Bolloré sur la couche picturale, puis un gel de méthylcellulose, on attend un peu, puis on retire la crasse amollie avec des cotons secs). C’est une solution qui permet d’éviter d’utiliser directement un mélange d’eau et d’éthanol sur la peau. Il faut toutefois se méfier de l’éthanol qui, à trop forte concentration, peut entrainer des remontées de tanin. Remontées de tanin qui peuvent provoquer des moirures en surface, notamment sur les surfaces mates. On peut également envisager d’utiliser des gommes ou de la salive.
- HUMIDIFICATION : Utiliser un caisson, avec des récipients d’eau, la technique par évaporation étant plus douce. Étant donné l’épaisseur du cuir, augmenter progressivement et très lentement l’humidité relative, afin de ne pas saturer en surface et atteindre le cœur de la matière. Il serait bon d’aller jusqu’à 90 % d’humidité relative. S’il faut aller aussi haut, c’est notamment pour regonfler les liants de la couche picturale. Le temps que dure une humidification dépend de l’épaisseur de l’objet et de ce que l’on souhaite obtenir, mais sans doute faudra-t-il 48 h. C’est au toucher qu’est évalué si l’effet souhaité est obtenu : on le sent quand la matière est bien relâchée. La réhydratation concerne surtout la réactivation du liant de la couche picturale, la réhydratation du cuir, jusque dans ses liaisons internes, restant peu importante.
- CONSOLIDATION DE LA COUCHE PICTURALE : Elle doit être réalisée quand le document est humidifié, ainsi le consolidant pénètre mieux (dans le cas contraire, le consolidant reste en surface). Il serait donc préférable de consolider la couche picturale immédiatement après la sortie du caisson, surtout si on procède par nébulisation. On n’utiliserait pas la méthylcellulose, mais plutôt la gélatine, la colle d’esturgeon ou la Funori, voire des mélanges. Certaines zones devront peut-être être réalisées au pinceau, car par nébulisation le pouvoir collant reste limité, même après plusieurs passages. On peut également avoir recours à un caisson de nébulisation pour le consolidant (après avoir 251
réhydraté le cuir et le liant, le consolidant peut être nébulisé dans le caisson). Avant de procéder à une consolidation, surtout quand on sait que les marionnettes ne seront ni manipulées ni exposées, il faut être sûr que celle-ci est absolument indispensable.
- REMISE EN FORME DES PARTIES PLIÉES : Il faudrait également pouvoir profiter de l’humidité apportée par le caisson d’humidification. On peut localement, avec un pinceau, appliquer un mélange d’éthanol et d’isopropanol, ou d’eau, d’éthanol et d’isopropanol. On pourra par exemple préparer 1 dose d’eau pour 2 doses d’éthanol et 2 doses d’isopropanol. Ceci n’est valable que si l’humidification n’a pas été suffisante pour relaxer les zones pliées.
- MISE SOUS POIDS : Mettre finalement l’ensemble encore humide sous poids pendant environ un mois. Placer les marionnettes sous feutre épais, puis sous des aies.
- CONSOLIDATION DES DÉCHIRURES ET RÉINTÉGRATION DES LACUNES : Le Tyvek n’a d’intérêt que pour les zones qui sont sollicitées mécaniquement. Utiliser du papier japonais, il permet de belles jonctions et peut s’adapter à l’épaisseur du cuir. Du buvard peut éventuellement être ajouté pour rattraper l’épaisseur.
- RÉINTÉGRATION COLORÉE : Utiliser de la teinture pour papier de la marque Orasal, ou plus simplement, de la gouache ou de l’aquarelle. Avant d’ajouter la couleur, on peut isoler la zone réintégrée avec de la Klucel G ou de la méthylcellulose.
- LES BÂTONS DE MANIPULATION : Numéroter les bâtons ou les réunir dans une boite, un tube peut s’avérer opportun.
Mme Anne Raggi, conservatrice-restauratrice au Musée de l’Homme, spécialisée en restauration de momies.
Madame Raggi s’occupe de restauration ethnologique et archéologique et, étant donné qu’elle s’occupe plus particulièrement des momies, elle est spécialisée dans le traitement de la peau. Il semblait donc tout indiqué de la rencontrer.
Ce que nous avons retenu : 252
- DÉPOUSSIÉRAGE : On utilise habituellement un aspirateur avec un embout très fin (type pipette pasteur scotchée). On enlève ainsi, en surface, la première couche de saleté sans atteindre la surface friable d’origine.
- NETTOYAGE : Un des meilleurs moyens de nettoyer, si la surface le permet, c’est la salive, avec un écouvillon.
- HUMIDIFICATION : Bien avoir conscience que le système d’assouplissement est temporaire, la peau ne sera souple que pour la remise à plat, ensuite, le support redeviendra sec. Bien faire attention également à la gélatinisation du cuir qui peut intervenir suite à la dégradation du collagène. Il faut en être conscient et procéder très doucement, en conservant un taux d’humidité adapté. Se renseigner afin de savoir si la peau est tannée ou non, car cela peut déterminer le traitement : le tanin pourrait, en effet, remonter en surface. La technique par évaporation semble effectivement préférable, celle-ci est plus douce et l’eau pénètre plus au cœur de la peau. Il est également possible de pratiquer la nébulisation à froid. C’est la solution la plus douce, mais aussi la plus longue, tout dépend donc du temps dont on dispose. Toucher le cuir pour déterminer à quel niveau de relâchement il se trouve. On peut également envisager une utilisation du Gore-texR (on met l’objet en sandwich entre deux intissés, on place le Gore-texR, membrane contre l’œuvre, puis des buvards humides sur le Gore-texR afin d’obtenir une humidification très lente), mais avec précaution, car cela peut parfois être mouillant. L’intissé est, dans ce cas précis, indispensable.
- MISE SOUS POIDS : Utiliser des poids en sable ou une planche. C’est l’objet qui va nous dire ce dont il a besoin pour le contraindre. Il faut procéder au cas par cas et veiller à ne pas aplatir les creux de manière à ce que cela fasse des plis. Mettre, de façon plus ponctuelle, des poids au niveau des bosses pour laisser l’objet un peu plus libre, peut s’avérer judicieux. L’objet doit, en effet, pouvoir bouger.
- CONSOLIDATION DES DÉCHIRURES ET RÉINTÉGRATION DES LACUNES : On travaille habituellement au papier japonais, car cela réagit bien, se teint bien, se fond bien avec l’objet.
- CONDITIONNEMENT : De grandes pochettes, qui offrent l’avantage, dans le cadre d’une collection, d’une normalisation facile du conditionnement peuvent être envisagées.
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Mme Barbara Blanc, conservatrice-restauratrice, spécialisée en art contemporain pour la Collection Lambert.
Barbara Blanc a été notre maitre de stage pendant plusieurs mois. Elle a gentiment accepté de vérifier cette proposition de traitement et de nous donner son avis. Il est intéressant de souligner que les collections contemporaines comme les collections ethnographiques conduisent à des réflexions sur la conservation en réalité similaires. Il s’agit en effet dans les deux cas de préserver des objets constitués d’assemblages, de matériaux non pérennes, voire de matériaux insolites au regard des collections classiques occidentales. Son avis était donc précieux. Ce que nous avons retenu : -
Avant tout, pourquoi faut-il restaurer ces œuvres ?
-
DÉPOUSSIÉRAGE / NETTOYAGE : Le degré d’empoussièrement peut être mesuré, il y a des niveaux de valeur. Bien faire la distinction entre les différentes phases et les différents types d’action, pour le dépoussiérage et le nettoyage, et avoir conscience du degré d’évolution entre le dépoussiérage superficiel (sous loupe binoculaire), le décrassage et le nettoyage est essentiel. Dans les différentes phases et les différents types d’action, il faut toujours aller du moins fort au plus fort, de l’action mécanique au solvant.
-
CONSERVATION PRÉVENTIVE : Pour envisager un conditionnement cohérent, déterminer ce à quoi l’œuvre est sensible (lumière, vibration, poussière, variation hygrométrique…), et à établir une liste de critères. C’est en fonction de ces exigences que les matériaux seront choisis. Puis viendra la conception, au sens ergonomique, dont le but est d’éviter les problèmes de manipulations. L’œuvre doit être posée, elle ne doit pas être emballée. Prévoir une place pour la fiche de constat d’état et préparer une fiche de conservation préventive.
Bien faire la distinction entre un conditionnement de stockage et un conditionnement de transport. Pour le conditionnement de stockage, on peut opter pour quelque chose de facilement reproductible, afin de stocker la collection entière (boite en carton à pH neutre de Stouls par exemple). Ne pas oublier d’envisager des systèmes permettant de sortir aisément la marionnette (bandes de coton, de lin ou de Tyvek par exemple) ou éventuellement réaliser une lucarne. Pour le conditionnement de transport, on pourrait imaginer une caisse en bois, à tiroirs, réalisée sur mesure par l’entreprise Chenue par exemple. Penser au bois utilisé et à l’aménagement intérieur. 254
- RÉINTÉGRATION COLORÉE : Il y a trois points à respecter dans le cadre de la retouche. Premièrement, il faut toujours faire ses tests sur un support dont la couleur est proche de celle de la zone à retoucher. Deuxièmement, il faut toujours aller du bord vers le centre. Enfin, on part toujours d’un ton plus clair, pour le foncer progressivement.
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Dernière rencontre avec des spécialistes Mme Béatrice Alcade, conservatrice-restauratrice dans son atelier privé et professeure de conservation–restauration à l’École de Condé de Lyon.
ÉTABLIR DES CRITÈRES : Avant de commencer la restauration, il faut établir des critères de sélection pour savoir ce que l’on restaure, où l’on s’arrête, jusqu’où on pousse la restauration. Pour sélectionner les zones que l’on veut restaurer, il est par exemple possible d’analyser qu’elle sera la future utilisation des marionnettes. Seront-elles manipulées ? Si tel est le cas, il faudra restaurer tout ce qui peut être endommagé lors de la manipulation. Si les marionnettes ne sont pas destinées à être manipulées, seuls les éléments qui risquent d’être perdus seront restaurés.
HUMIDIFICATION : Il est vrai que les marionnettes ne justifient pas une humidification totale. Il va falloir se concentrer maintenant plus particulièrement sur la remise en forme des parties pliées et sur la consolidation des zones qui sont en danger.
REMISE EN FORME DES PARTIES PLIÉES : Afin d’éviter d’utiliser trop d’eau, il est conseillé d’utiliser une solution d’isopropanol et d’alcool (70 % / 30 %). On peut tout d’abord essayer sans eau, mais il parait très difficile de ne pas en mettre du tout. Nous pouvons considérer qu’il ne faut pas dépasser 10 % d’eau dans la solution. On peut commencer en mélangeant : 75 % d’isopropanol, 20 % d’éthanol et 5 % d’eau, et si cela n’est pas suffisant, on peut ajouter l’eau de 2 % en 2 %, sans dépasser 10 % d’eau au total.
CONSOLIDATION DES DÉCHIRURES ET RÉINTÉGRATION DES LACUNES : Utiliser du papier japonais, à grammage très faible, que l’on applique recto-verso, ou un 17 g/m2, que l’on pourra ajourer de la même manière que l’œuvre. On peut essayer de coller à la Klucel G dans l’éthanol, avec une concentration minimum de 5 %, et maximum de 7 %. Ne pas négliger l’idée de restauration avec un fil de lin, très cohérente dans ce cadre, intéressante, car le fil de lin a peu d’impact sur le matériau et permet d’éviter d’utiliser une colle, il peut être teint à l’aquarelle, comme le papier. Utiliser un fil de lin n° 100/120/150. Le papier comme le fil peuvent être teints dans la masse, puis retouchés une fois posés, avec un pinceau fin, à l’aquarelle.
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Mr Jim Poncelet, conservateur - restaurateur à l’atelier Marchal et Poncelet, à Paris. REMISE EN FORME DES PARTIES PLIÉES : Le mélange proposé de 75 % d’isopropanol, 20 % d’éthanol et 5 % d’eau semble bon, mais il faudra certainement ajouter un peu d’eau. Pour le tannage à la graisse, on devra toutefois être prudent avec ce mélange et faire un test sur une zone choisie pour être sûr que cela ne crée pas de tache. Il est conseillé d’appliquer un film polyester de type Mélinex pour éviter l’évaporation de la solution, ainsi le produit pourra entrer en profondeur dans la peau. C’est très important, car il ne faut pas provoquer de déchirures au niveau des fibres de la peau. Après avoir redressé les parties pliées, ces zones devront être mises sous feutre, et sous poids, pendant au moins une heure.
CONSOLIDATION DE LA COUCHE PICTURALE : Bien peser le pour et le contre, car c’est une opération irréversible. Si cela n’est pas absolument nécessaire, il faut l’éviter, car dans l’avenir, si une meilleure solution est trouvée, on ne pourra pas retirer la Klucel G. De plus, cette colle peut créer des brillances et elle ne va finalement pas beaucoup consolider la couche picturale. Si la marionnette est protégée et conditionnée, consolider la couche n’est peut-être pas indispensable.
CONSOLIDATION DES DÉCHIRURES ET RÉINTÉGRATION DES LACUNES : Utiliser la Klucel G dans l’éthanol, à 10 % maximum, pour la colle. Si le pouvoir adhésif n’est pas assez puissant, on peut utiliser de la gélatine. Mais attention, dans les deux cas, il ne faut pas trop en mettre, cela pourrait dégorger et faire des marques. Utiliser du papier japonais fin ou à 17 g/m2 si on restaure des zones plus épaisses est conseillé. Mais dans ce cas-là, le 17 g/m2, devra être entouré de deux papiers fins afin de ne pas créer de forces contraires. Il faut toujours s’appuyer sur des zones saines. Pour la réintégration colorée, teinter dans la masse d’abord. Puis venir rectifier une fois le papier collé. Si l’on veut restaurer avec du fil de lin, il faut faire très attention à l’abrasion.
CONDITIONNEMENT : Un format standard, dans le cas d’une collection est intéressant. Attention au choix des matériaux par rapport à l’abrasion, au frottement. Veiller à bien laisser respirer l’objet : il est plus important que la peau puisse respirer plutôt que de la bloquer derrière un film polyester pour pouvoir la voir recto-verso.
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3. Résultats détaillés des analyses FTIR a. Analyses des fibres
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b. Analyse des pigments t Marionnette 1
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t Marionnette 2
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t Marionnette 3
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t Marionnette 4 - pigment rouge
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t Marionnette 4 - pigment jaune
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c. Courbes de références
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4. Fiche technique
FICHE DE DONNEES DE SECURITE ISOPROPANOL 1. IDENTIFICATION DES DANGERS Facilement inflammable. Irritant pour les yeux. L’inhalation de vapeurs peut provoquer somnolence et vertiges. CLASSIFICATION Xi;R36. F;R11. R67.
2. PREMIERS SECOURS INHALATION Emmener immédiatement à l’air frais la personne exposée. Garder la victime au chaud et au repos. Consulter immédiatement un médecin. Consulter un médecin. INGESTION Rincer immédiatement la bouche et donner de l’air frais. CONTACT AVEC LA PEAU Laver immédiatement la peau avec de l’eau et du savon. Consulter un médecin si les troubles persistent. CONTACT AVEC LES YEUX Prendre soin d’enlever les lentilles de contact des yeux avant de rincer. Laver rapidement les yeux avec beaucoup d’eau en soulevant les paupières. Continuer à rincer pendant au moins 15 minutes. Consulter un médecin si les troubles persistent.
3. MESURES DE LUTTE CONTRE L’INCENDIE
MOYENS D’EXTINCTION Utiliser : Poudre. Agents chimiques secs, sable, dolomite, etc. Eau puvlérisée, brouillard ou brume. PROCÉDURES DE LUTTE CONTRE L’INCENDIE Éloigner le récipient du lieu d’incendie, si cela ne pose pas de risque. RISQUES D’INCENDIE/D’EXPLOSION RARES Les bombes aérosols peuvent exploser en cas d’incendie.
4. MESURES À PRENDRE EN CAS DE DISPERSION ACCIDENTELLE
MÉTHODES DE NETTOYAGE Absorber avec de la vermiculite, du sable sec ou de la terre, puis placer en récipient. Bien ventiler.
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5. MANIPULATION ET STOCKAGE
PRÉCAUTIONS D’USAGE Faire très attention de ne pas renverser la matière et éviter du contact avec la peau et les yeux. Assurer une ventilation adéquate. PRÉCAUTIONS DE STOCKAGE Entreposer à une température modérée dans un endroit sec et bien aéré.
6. CONTRÔLE DE L’EXPOSITION/PROTECTION INDIVIDUELLE Appellation
No EC :
PROPANE-2-OL
200-661-7 67-63-0
Appellation
NORME LT - ppm
PROPANE-2-OL
VLEP
No. CAS
Contenu
Classification
60-100%
F;R11 Xi;R36 R67
LT - mg/m3
ST - ppm
ST - mg/m3
400 ppm
980 mg/m3
ÉQUIPEMENTS DE PROTECTION MESURES D’INGÉNIERIE Assurer une ventilation efficace. Respecter les valeurs limites et réduire au minimum le risque d’inhalation de vapeurs. PROTECTION RESPIRATOIRE Porter un appareil respiratoire approprié en cas de ventilation insuffisante et de travail de courte durée. PROTECTION DES MAINS Porter des gants de protection appropriés en cas de risque de contact avec la peau. Trouver le gant le plus approprié en concertation avec le fournisseur des gants qui peut indiquer le délai de rupture de la matière constitutive du gant. PROTECTION DES YEUX Porter des lunettes de sécurité approuvées si une exposition oculaire est raisonnablement probable. AUTRES MESURES DE PROTECTION Porter des vêtements appropriés pour éviter tout contact avec le liquide et un contact répété ou prolongé avec les vapeurs. MESURES D’HYGIÈNE Se laver après le travail et avant de manger, de fumer et avant d’aller aux toilettes. Utiliser une crème mains appropriée pour éviter un dessèchement de la peau. Ne pas manger, ne pas boire et ne pas fumer pendant l’utilisation. NE PAS FUMER DANS LA ZONE DE TRAVAIL !
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7. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES ET CHIMIQUES ASPECT : Aérosol Liquide COULEUR : Incolore ODEUR : Caractéristique DESCRIPTION DE LA VOLATILITÉ : Volatil SOLUBILITÉ : Insoluble dans l’eau POINT D’ÉBULLITION (°C) : 82 DENSITÉ RELATIVE : 0.780 - 0.790 @ 20 °c TEMPÉRATURE : 425 D’AUTO-INFLAMMATION (°C) LIMITE D’INFLAMMABILITÉ SUPÉRIEURE (%) : 12 POINT DE FUSION (°C) : -89 POINT D’ÉCLAIR (°C) : CF (Creuset fermé). LIMITE D’INFLAMMABILITÉ : 2 INFÉRIEURE (%)
8. STABILITÉ ET RÉACTIVITÉ STABILITÉ Stable aux températures normales. CONDITIONS À ÉVITER Éviter la chaleur, les flammes et d’autres sources d’inflammation. Éviter le contact avec les acides et les alcalis.
9. INFORMATIONS TOXICOLOGIQUES INHALATION Une forte concentration de vapeurs peut irriter l’appareil respiratoire et provoquer des maux de tête, de la fatigue, des nausées et des vomissements. Les vapeurs peuvent causer des maux de tête, de la fatigue, du vertige et des nausées. L’inhalation prolongée de fortes concentrations peut endommager l’appareil respiratoire.
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CONTACT AVEC LA PEAU Le produit a un effet dégraissant de la peau. Un contact prolongé peut entraîner une peau sèche. L’exposition prolongée ou répétée peut provoquer une grave irritation. CONTACT AVEC LES YEUX Irritant pour les yeux. AUTRES DANGERS POUR LA SANTÉ Cette substance n’a pas de propriétés cancérogènes démontrées. VOIE D’EXPOSITION Contact avec la peau et/ou les yeux. Inhalation.
10. INFORMATIONS ÉCOLOGIQUES ÉCOTOXICITÉ Non reconnu comme dangereux pour l’environnement.
11. CONSIDÉRATIONS RELATIVES À L’ÉLIMINATION MÉTHODES D’ÉLIMINATION Les récipients vides ne doivent pas être brûlés par risque d’explosion. Éliminer les rejets et déchets conformément aux règlements municipaux.
12. INFORMATIONS RELATIVES AU TRANSPORT
DÉSIGNATION OFFICIELLE DE TRANSPORT : AEROSOLS NO. UN ROUTE : 1950 CLASSIFICATION ADR : Classe 2.1 Gaz inflammables. NO. D’ÉTIQUETTE ADR : 2.1 NO. CLASSE RID : 2.1 NO. UN MER : 1950 GROUPE D’EMBALLAGE IMDG : Not Applicable
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MFAG :
See Guide
NO. UN, AIR : 1950 GROUPE D’EMBALLAGE AÉRIEN : Not Applicable N°CLASSIFICATION ADR : 2.1 GROUPE D’EMBALLAGE ADR : Not Applicable NO CEFIC TEC(R) : 20G5F GROUPE D’EMBALLAGE RID : Not Applicable CLASSE IMDG : 2.1 EMS : f-e; s-u POLLUANT MARIN : Non CLASSE ICAO : .2.1
13. INFORMATIONS RÉGLEMENTAIRES
ÉTIQUETAGE :
Irritant
Facilement inflammable
PHRASES DE RISQUE : R11
Facilement inflammable.
R36
Irritant pour les yeux.
R67
L’inhalation de vapeurs peut provoquer somnolence et vertiges.
CONSEILS DE PRUDENCE : S16
Conserver à l’écart de toute flamme ou source d’étincelles - Ne pas fumer.
S23
Ne pas respirer les vapeurs/aérosols.
S25
Éviter le contact avec les yeux.
S38
En cas de ventilation insuffisante, porter un appareil respiratoire approprié.
A1 Récipient sous pression: A protéger contre les rayons solaires et à ne pas exposer à une température supérieure à 50°C. Ne pas percer ou brûler même après usage. A2
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Ne pas vaporiser vers une flamme ou un corps incandescent.
S2
Conserver hors de la portée des enfants.
DIRECTIVES EUROPÉENNES Système d’information spécifique relatif aux préparations dangereuses 2001/58/CEE. Directive sur les substances dangereuses 67/548/CEE. Directive sur les préparations dangereuses 1999/45/CE.
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III. Liste des fournisseurs
Étude technico scientifique Provenance du cuir : FILK Meisner Ring 1-5 Freiberg – 09599 Allemagne
Entreprise Danoise CARL Jensen
Provenance des produits chimiques utilisés : Merck Strandvejen 102 B 2900 Hellerup Denmark
Aldrich igma-Aldrich Danmark A/S Kirkebjerg Allé 84, 2. sal 2605 Brøndby
Conservation restauration Papier, carton, boîtes, petit matériel, colle : STOULS 9/11, rue de l’Orme St-Germain 91165 Champlan Cedex
Solvants (isopropanol, éthanol): CTS 11 Boulevard Edgard Quinet 75014 PARIS
Peinture : Coste Peinture 561rue de Saint-Hilaire 34000 Montpellier 298
ROUGIER & PLE 13-15 Boulevard des Filles du Calvaire 75003 PARIS
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