Workshop Printemps 2007 : Benedetta Tagliabue

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Richard Edwards, président de l’Esa, Odile Decq, directeur de l’Esa, ont l’honneur et le plaisir de vous présenter les actes du Workshop Printemps 2007 Benedetta Tagliabue. Remerciements aux élèves, aux enseignants et à tous les services de l’administration qui ont permis la réussite de l’événement, particulièrement à : Anne Chaise, pour la recherche documentaire, Grégoire d’Amiens et Ihab Kalaoun, pour le traitement des images.

Crédits des illustrations : © Grégoire d’Amiens, 2007. © Guy Vacheret, 2007. © Miralles Tagliabue EMBT. © Duccio Malagamba, pages 20, 21. © Alex Gaultier, pages 22, 23, 24. © Lourdes Jansana, page 16. © Toni Cumella, pages 42, 43.

© ESA Productions Philippe Guillemet & Marc Vaye. 3ème trimestre 2007. Ecole Spéciale d’Architecture 254, boulevard Raspail 75014 Paris. Dépôt légal : septembre 2007. ISBN : 2-916485-04-X


Benedetta Tagliabue

“Eating the city� Workshop Printemps 2007


Avant-propos Odile Decq Directeur de l’Esa

Je ne peux pas vous dire avoir demandé à Benedetta d'être l'invitée du workshop du printemps 07 parce qu'elle est une femme. Même si elle est une femme architecte. Non. C'est plutôt parce que Benedetta est une architecte rare car son architecture est totalement singulière et que cette singularité la distingue parmi tous les autres architectes. Elle est seule, depuis le décès d'Enric Miralles en 2000, à tenir les rênes de l'agence EMBT et l'on peut dire à présent que les œuvres construites sont les siennes. On ne peut ni classer, ni catégoriser l'architecture qu'elle produit dans une quelconque affiliation à une école, à une chapelle, ou je ne sais quel courant. Mais on peut dire et considérer que cette architecture est profondément catalane.

Sommaire

Cette apparente folie ne relève pas du délire, mais plutôt d'un supplément d'âme, de jouissance et de sens. Si l'on songe d'abord à Gaudi cela paraîtra à beaucoup plus évident. Monter dans les tours de la Sagrada Familia en construction, c'est partir dans un voyage évocateur d'un ailleurs, hors de l'architecture, onirique et même mystique tel qu'en les visitant j'ai convoqué la fin du monde à l'achèvement de la cathédrale. Dans le travail de Benedetta Tagliabue, la précision et la rigueur sont emportées dans un voyage expressif, voire expressionniste auquel on a peu l'habitude, mais qui vous impressionne car il est allié à une très grande maîtrise et une parfaite tenue des formes, des matières et matériaux comme de la qualité de la construction.

Il y a en Catalogne un je-ne-sais-quoi qui fait que certains architectes ont produit et continuent à concevoir des architectures qui possèdent, pour nos yeux français souvent un peu trop rationnel, un grain de folie.

C'est épatant !

Avant-propos Odile Decq

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Editorial

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Marie-Hélène Fabre

Entretien avec Benedetta Tagliabue

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François Legendre et Ahmed Zaouche

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Eléments biographiques

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Conférence de Benedetta Tagliabue

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Eating the city Sujet Palmarès

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Projets lauréats Premier prix

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Deuxième prix

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Troisièmes prix

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Quatrièmes prix

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Cinquièmes prix

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Projets participants

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Lorsque Benedetta Tagliabue a fait sa conférence à l'Ecole Spéciale d'Architecture, cela a été un grand moment de partage, mais aussi un grand bouleversement. On pouvait sentir dès ses premières phrases de la générosité, la volonté de donner à voir et à comprendre non pas son travail à elle, mais le travail d'une agence, d'un groupe, feu d'un couple, EMBT, Enric Miralles/ Benedetta Tagliabue 1. Or, comme toute personne généreuse, portant à bout de bras chaque moment, elle n'a pas hésité à bousculer les règles énoncées pour montrer un nouveau chemin qui lui semblait meilleur. C'est ainsi que le workshop a pris la route d'un immense cadavre exquis de Paris sur le thème Eating the city. L'architecture d'EMBT est à cette image : généreuse et inopinée. Ces deux qualités sont avant tout à la base du travail d'EMBT puisque l'agence, installée dans un appartement, est conçue comme “une maison habitée avec beaucoup de gens”, “un bureau-atelier” où l'on fait et où l'on apprend. Benedetta Tagliabue parle à ce sujet de collaboration. La maquette est d'ailleurs un passage

obligé pour toute l'équipe à des fins de conception, bien sûr, mais aussi comme un moyen de réaliser collectivement “quelque chose de plus grand”. La fabrication d'une œuvre, en quelque sorte, donnant à chacun la paternité du projet en cours d'élaboration.

Editorial Marie-Hélène Fabre Responsable des études

Les différents projets qui marquent le parcours d'EMBT sont souvent des lieux de réunion : parc, bâtiment universitaire, Parlement, marché, autant de programmes où l'un des enjeux majeurs est de permettre aux usagers quels qu'ils soient d'être ensemble, de se croiser, d'échanger. Lorsqu'on écoute Benedetta Tagliabue parler d'architecture, on comprend alors qu'il s'agit pour elle toujours d'une rencontre et d'un dialogue. Le rapport au site, à ce qui environne, est fondamental et souvent générateur. Au sujet du Parlement d'Edimbourg, elle évoque un travail de topographie, la volonté de créer un nouveau skyline. La façade miroir de l'immeuble de bureau de Nova Seu Gas Natural, Barcelone, est conçue quant à elle tel un écran permettant aux passants de “voir le film de la ville”, une peau sans cesse changeante, à l'image du ciel qu'elle reflète.

Benedetta Tagliabue et Marie-Hélène Fabre.

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Autre notion essentielle : le mouvement. Le mouvement des gens d'abord. Loin d'une vision technique de gestion des flux, il y a le souci de guider les gens, de les emmener dans l'architecture, de leur indiquer des parcours de sorte qu'ils se saisissent de l'espace différemment. Le mouvement des formes, aussi.

Dans cet ensemble lyrique alliant formes, couleurs, matières, la dimension constructive joue un rôle à part entière. Elle est constitutive des bâtiments de manière affirmée, sans être cependant un argument de technologie. Elle contribue à la richesse architecturale qui se déploie sous nos yeux en étant la plupart du temps mise à nu.

L'architecture d'EMBT n'est pas exactement organique, ni réellement métaphorique. On y décèle cependant un lyrisme certain qui joue parfois de l'immédiateté des formes ou des images. Les verrières marquant le foyer du Parlement d'Edimbourg rappellent les vagues d'une mer en éveil, mais renvoient également aux feuilles d'arbres des premières esquisses du projet.

Toutefois, si les structures visibles du campus universitaire de Vigo, du Parlement d'Edimbourg ou du marché Santa Caterina en sont des témoignages évidents, c'est peut-être dans l'immeuble de bureaux de Nova Seu Gas Natural qu'elle est la plus présente et incontournable, avec cet imposant porte-à-faux.

Le motif du toit du marché Santa Caterina, à Barcelone, n'est autre que le détail pixéllisé d'un photo-montage de fruits et légumes, aux teintes vives et contrastées. L'utilisation de la couleur dans nombre de bâtiments d'EMBT participe d'ailleurs tout autant de cette poésie, comme on le constate dans le pavillon d'Arcelor à Luxembourg ou encore l'école de musique à Hambourg. De même que les matériaux sont utilisés avec une grande force narrative.

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Ce dernier projet, le plus récent, est d'une certaine manière le plus déconcertant de l'architecture d'EMBT et laisse entendre un changement. Ni tout à fait tour, ni tout à fait barre, son style est en outre difficilement définissable. Il reprend les codes des immeubles de bureaux, notamment la façade miroir, mais sa conception en volumes imbriqués engendre un langage nouveau. Il impose à chaque point de vue une image différente, devenant ainsi insaisissable en


dépit de sa masse. Il offre souplesse et variété à l'instar de son contexte et marque la volonté d'enrichir le skyline comme à Edimbourg. Ces caractéristiques rejoignent pleinement les éléments constitutifs des projets de l'agence, mais peut-être de manière moins écrite, plus diffuse. Le souci du site et du paysage est prétexte au partage, à la construction non pas d'un objet architectural isolé, mais d'une composante de la ville dont chacun peut se saisir. La forme du bâtiment, étrange, surgit là où on ne l'attend pas dans une poésie toute contemporaine. En cela, ce projet est finalement aussi le plus emblématique. Signe de rupture ou de renouveau ? S'il est encore trop tôt pour répondre, nul doute cependant que l'architecture d'EMBT est définitivement généreuse et inopinée.

1 Enric Miralles est subitement décédé en juillet 2000.

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Entretien avec Benedetta Tagliabue François Legendre et Ahmed Zaouche.*

F.LA.Z : Vous insistez sur le caractère cosmopolite et convivial de votre agence ainsi que sur l'importance accordée au travail en maquette qui serait adapté au travail collectif. Pensez-vous que la structure et les outils favorisent une écriture architecturale ? Il nous semble que dans vos plans il y a des figures peu définies qui renvoient souvent à la nature : branche d'arbre, méduse ou éventail. Existe-t-il une réflexion que vous développez en commun au sein de l'agence, de projet en projet ? Quelles sont vos références, vos inspirations artistiques ou littéraires ? Benedetta Tagliabue : Il y a sans doute matière à réfléchir sur le rôle des procédés et des outils de conception dans nos dessins d'architecture et dans notre vocabulaire formel. La géométrie est quelque chose qui nous intéresse beaucoup même si nous l'abordons de manière différente. En délaissant les outils traditionnels du dessin pour l'ordinateur, nous avons développé une géométrie qui est toujours présente mais pas évidente. Par exemple, la géométrie du Parlement d'Edimbourg qui s'inspire de la nature est difficilement identifiable. Malgré son aspect organique, la géométrie est très étudiée, précise. Les forces de la géométrie sont intérieures. F.LA.Z : Nous avons cru voir dans les plans une continuité de projet en projet, est-ce une volonté de prolonger la réflexion sur vos projets précédents ou bien le résultat d'une analyse urbaine liée aux tensions du site et aux jeux de force ? Benedetta Tagliabue : A chaque fois, nous essayons de faire un projet nouveau, unique. L'expérimentation naît d'un rapport au site et au temps de la construction, mais aussi de la qualité de la commande. C'est ce qui construit l'individualité du projet. Au-delà, il y a certainement des choses familières, des ressemblances qui unissent les projets. Mes bâtiments sont un peu comme des frères, ils s'inscrivent certainement dans une filiation propre à l'agence. Ce qui n'empêche pas, malgré une ascendance commune, une réelle singularité de chacun.

* F.LA.Z, auteurs de la revue “Les correspondances”, élèves de cinquième année.

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Pour revenir à l'influence du travail en maquette sur notre architecture, cela nécessiterait une réflexion que nous n'avons pas encore menée. La maquette n'était pas un élément majeur de communication du projet dans les années 80/90. Il y avait prédominance du dessin, mais il est plus difficile à comprendre, surtout lorsque la géométrie est complexe. Nous avons développé le tra-

vail en maquette pour communiquer entre nous, puis avec les clients qui peuvent ainsi visualiser plus facilement les espaces du projet. La maquette rend le travail immédiatement plus accessible à tous les acteurs de l'architecture : maîtres d'ouvrage, hommes politiques, entrepreneurs, étudiants. Je me rends compte désormais que ce n'est pas une démarche qui nous est propre mais un processus largement répandu dans les agences européennes. Frank Gehry, par exemple, utilisait déjà des maquettes, mais ses plans n'étaient que la conséquence de ses maquettes. Alors que pour nous, plans et maquettes sont des médiums. Dans une Europe qui s'élargit et qui bouge, il est souhaitable que les outils de conception et de communication continuent de s'enrichir et de se compléter. F.LA.Z : Il y a dans votre architecture, ce que certains ont appelé un esprit, une dimension artisanale. C'est le cas au Parlement écossais dont les sièges, les pupitres, les pergolas sont très singuliers, ainsi qu'au Parc Diagonal Mar avec ces volumes dont les revêtements réinterprètent les azulejos et les mosaïques de Gaudi. Existe-t-il une volonté de rattachement esthétique ou théorique à la culture architecturale catalane à travers le recours à l'artisanat local, en tant que savoir-faire et économie ? Benedetta Tagliabue : Ce rattachement à l'artisanat est important pour nous, mais n'est pas en relation avec l'artisanat traditionnel catalan. Il est davantage lié aux innovations du mouvement anglais Art and Craft ou encore aux recherches d'un personnage comme Gerrit Thomas Rietveld qui a travaillé à la fois sur l'espace et sur le mobilier. Dans notre métier, le travail à l'échelle du prototype est important. Notre agence est organisée comme un atelier d'expérimentation et d'apprentissage. Nous voulons maintenir cet esprit d'école. Je disais souvent à Enric Miralles : Sais-tu quelle est ta meilleure qualité ? Tu es un inventeur. F.LA.Z : Vos réalisations ont souvent une double dimension paysagère et publique. Qu'il s'agisse de programmes réalisés ou du positionnement fort dans des sites, vous favorisez toujours une synthèse entre différents éléments, ouverts/fermés, publics/privés, et vous dites qu'être architecte et paysagiste en Espagne, c'est une seule et même pratique. Est-ce que vos bâtiments sont d'abord pensés de l'extérieur ? L'éclatement des espaces est au cœur de votre travail. L'architecture,


selon vous, n'est-elle pas une manière de regarder au-delà du site, de générer des fluidités, le mouvement ? Benedetta Tagliabue : Nous ne sommes pas seulement architecte et paysagiste, mais aussi urbaniste et designer, c'est une tradition des architectes catalans et même espagnols. Cela est peut-être différent dans d'autres pays où il y a eu, assez tôt, des spécialisations. En Espagne, il y a l'idée que l'architecte coordonne une transformation urbaine et paysagère, de même qu'il conçoit un bâtiment ou un meuble. Et ce n'est pas exceptionnel, regardez par exemple les travaux d'architectes contemporains comme Elias Torres et Martinez Lapena, pour leurs parcs, Edouard Bro et d'autres. Maintenant que nous avons une Europe ouverte, nous avons gagné un concours d'Open space à Hambourg qui n'était pas ouvert aux architectes allemands. C'est absurde, mais de nouvelles pratiques apparaîssent, moins universelles que jadis. F.LA.Z : L'espace extérieur semble, chez vous, intimement lié à l'intérieur, non pas seulement comme continuité mais comme une deuxième intériorité : travail sur la topographie, sur la fenêtre, comme expression de l'individualité intérieure.

Benedetta Tagliabue : Je crois que c'est d'abord une grande attention au lieu, pour en révéler les tensions et les forces, souvent sous-jacentes. C'est une manière de faire qui existait déjà dans l'ancienne Chine avec le Feng Shui. Dans notre cas, cette attention n'est pas vraiment codifiée, mais est le résultat d'une pratique, d'une tradition et d'une sensibilité individuelle. Pour Barcelone, il faut savoir que c'est une ville où il y a très peu d'espaces publics. Ces dernières années, politiques et architectes ont fourni un effort important pour recréer des espaces publics. L'explosion du tourisme a beaucoup aidé. F.LA.Z : En France, il est souvent dit que les architectes ne peuvent pas faire l'espace public : une place ne peut être que le résultat du temps et doit se créer d'ellemême, comme s'il y avait une crainte de l'espace public. En Ecosse, vous avez créé autour de votre bâtiment un espace public, comment avez-vous procédé ? Benedetta Tagliabue : En Espagne, il y a une conscience et un intérêt réels pour l'espace public. Je pense que ce genre de prévision ou de travaux nécessite la foi des architectes : il faut y croire. Nous avons joué avec une sorte de salade, de cadavre exquis, sans certitude.

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Et souvent le résultat a été une réussite. Les espaces ont été investis. Il faut prendre des décisions et ne pas anticiper les résultats. F.LA.Z : On le voit d'autant bien que dans vos réalisations, la couleur prend une grande dimension, elle devient un véritable espace physique. D'où vient cet intérêt, est-ce une référence à la palette de Gaudi ? Qu'en est-il de l'identité visuelle de vos projets ? Benedetta Tagliabue : Nous avons un rapport très irrationnel à la couleur. La couleur est apparue dans nos projets, pour la première fois, en dessinant, à la périphérie de Barcelone, un parc pensé comme un lieu d'évasion et de retrait du tumulte de la ville. La couleur a toujours été une fantaisie.

Benedetta Tagliabue : J'en suis sûre. Ce n'est pas dit, mais il fallait le voir dans la commande du secrétaire d'état écossais. Il avait affiché ce désir d'architecture, à la fois sobre mais aussi lieu d'ancrage identitaire. Le désir de paraître plus démocratique que les autres parlements était aussi très clair. C'était donc très difficile de répondre à ce genre de projet car il cristallisait les tensions de beaucoup de gens ainsi que des intérêts très divergents. F.LA.Z : Vous avez construit partout en Europe. Existe-t-il des contextes socioéconomiques plus difficiles que d'autres ?

Par exemple à Hambourg, nous cherchions à rompre la rigueur institutionnelle du lieu et de l'ingénierie allemande. Il y a une dimension révolutionnaire à utiliser la couleur à Hambourg. A Barcelone, pour le marché Santa Caterina dont la toiture est une cascade de couleurs, nous cherchions à faire une grande salade, c'était un jeu. On a même craint en avoir fait un peu trop. Mais les voisins et les usagers apprécient, c'était dans l'air. Il n'y a pas de référence à Gaudi.

Benedetta Tagliabue : Je ne sais pas. Je suis contente de pouvoir construire près de ma maison. Le marché Santa Caterina est à deux minutes de chez moi. Dans les années 90, je me souviens avoir discuté avec Enric Miralles, il disait qu'un architecte doit travailler sur son terrain, penser sa terre. C'était vrai à cette époque, mais aujourd'hui cela a changé. Les architectes ont souvent construit loin de chez eux, même quand les moyens de transport étaient assez peu développés. Pour ma part, j'aime travailler chez moi, c'est-à-dire en Europe qui est notre maison.

Alice Scott-Brown, la femme de Robert Venturi, après avoir vu notre exposition au Moma, a écrit dans un article, qu'elle n'aimait pas les références au Modernisme. Mais la toiture de Santa Caterina n'a aucune référence moderniste. Il y a certes l'emploi de la céramique utilisée par Gaudi, mais c'est aussi un élément de l'architecture traditionnelle catalane.

F.LA.Z : Vous avez collaboré avec de nombreuses revues d'architecture en tant que rédactrice, vous recourez souvent aussi au film documentaire pour présenter vos projets, continuez-vous d'écrire ? La critique ou l'édition d'architecture sontelles, selon vous, des pratiques utiles ?

Nous nous sommes associés à de très bons artisans qui ont utilisé de nouvelles technologies pour proposer des palettes originales. La seule référence à Gaudi serait là : la possibilité pour nous de pouvoir encore recourir à des artisans. Nous sommes davantage inspirés par le marché de Beaune avec sa toiture fantastique revêtue de céramiques bicolores de grande qualité. Nous n'étions pas capables de faire des pièces de cette finesse et nous avons donc fait quelque chose de plus simple. F.LA.Z : A propos de politique, qu'en est-il au Parlement d'Edimbourg, alors que pour les prochaines élections, les écossais tentent de négocier leur indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni ? La commande était ambiguë, ils voulaient un Parlement qui n'en était pas un. Pouvez-

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vous préciser les paradoxes de cette commande ? Pourra-t-il un jour servir de Sénat ?

Benedetta Tagliabue : Je pense que la communication est évidemment très importante pour l'information générale. J'ai travaillé à la radio pour parler d'architecture. Pour les architectes, il est indispensable de se faire connaître auprès des autres professions. La littérature, par exemple, est une industrie très bien organisée et tout le monde en connaît un peu. Ce n'est pas le cas de l'architecture et c'est la faute aux architectes qui ne sont pas capables de simplifier les choses, de vulgariser leurs connaissances pour s'ouvrir au reste de la société. Mais je trouve que la critique est quelquefois trop vindicative. Les secteurs et des intérêts se forment rapidement et laissent souvent peu de place à la critique personnelle. Mais la prise de conscience de la valeur de l'architecture semble s'améliorer.


C'est le cas aux Halles à Paris par exemple, où les usagers se sont appropriés les projets finalistes, ont débattu et évalué les différentes propositions. C'est une participation exceptionnelle et cela me paraît important.

spécifique. C'est dans le silence plutôt que dans les mots, comme un pacte tacite. J'ai constaté, par ailleurs, durant ce workshop que les étudiants de l'Esa ont un esprit indépendant. Ils sont très critiques et l'affichent clairement.

F.LA.Z : Dans votre volonté de communiquer l'architecture, avez-vous déjà enseigné, que pensez-vous de l'enseignement de l'architecture ?

Mais je trouve étrange aussi qu'ils ne fassent pas davantage de maquettes physiques. Ils manipulent davantage la réalité virtuelle qui semble être ici comme une tradition.

Benedetta Tagliabue : Je pense que c'est très important, mais je n'ai hélas pas suffisamment de temps pour m'y consacrer vraiment. J'enseigne un semestre par an et c'est important pour moi. Je pense que la profession d'architecture exige une formation continue.

Or je crois encore à l'artisanat de la maquette physique qui me paraît très important, car il permet de mieux comprendre et de mieux repenser l'espace réel.

Notre agence est vécue un peu comme un laboratoire, un lieu d'enseignement. F.LA.Z : Quels sont alors les premiers mots que vous dîtes à vos nouveaux collaborateurs ou à ceux qui désirent rejoindre votre agence/école ? Que retiendrez-vous des étudiants de l'Ecole Spéciale ? Benedetta Tagliabue : Je crois que cela se passe d'abord dans l'interaction avec les autres collaborateurs et face à un projet

Benetta Tagliabue avec François Legendre et Ahmed Zaouche en entretien.

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Eléments biographiques

Benedetta Tagliabue est née à Milan et diplômée de l'Université de Venise en 1989. En 1991, elle rejoint l'atelier de Enric Miralles. Son travail avec Enric Miralles, avec qui elle est mariée, inclus de nombreux projets à Barcelone, le Parc Diagonal Mar 1997-2002, la tour Nova Seu Gas Natural 1999-2006, le marché Santa Caterina 1996-2005, une bibliothèque publique à Palafolls 1997-2006, ainsi qu'à travers l'Europe, l'école de musique de Hambourg 1997-2000, la mairie d'Utrecht 1996-2000 et le pavillon Arcelor au Luxembourg 2006.

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En 1998, l'atelier remporte le concours pour le nouveau Parlement d'Ecosse à Edimbourg et à cause de la disparition prématurée d'Enric Miralles, Benedetta Tagliabue prend la direction de l'équipe comme directeur de projet adjoint. Le Parlement est achevé avec succès en 2004 et remporte plusieurs prix. Aujourd'hui, sous la direction de Benedetta Tagliabue, l'atelier Miralles Tagliabue EMBT intervient dans différents domaines, projets architecturaux, espaces ouverts, urbanisme, réhabilitations et expositions, en essayant de conserver l'esprit des ateliers d'architecture artisanale espagnole et italienne qui visent la non spécialisation. Leur philosophie architecturale accorde une attention particulière au contexte.

Benedetta Tagliabue écrit pour plusieurs revues d'architecture et enseigne, notamment à l'Etsab de Barcelone. Elle donne régulièrement des conférences au Riba, à l'Architectural Association, à la Bartlett school à Londres, au Berlage Institut d'Amsterdam, en Chine, au Etats-Unis et en Amérique latine. Depuis 2000, elle anime un workshop dans le master de l'école d'architecture de Barcelone. Elle a récemment reçu le Prix Stirling du Riba 2005, la Médaille du centenaire de l'association architecturale d'Edimbourg, le Prix Manuel de la Dehesa pour le Parlement d'Edimbourg et le titre de docteur honoraire des arts de l'Université de Napier 2004.


Une agence cosmopolite Mon français n'est pas riche, je compenserai en vous présentant beaucoup d'images de nos travaux, un flot d'images. Ma présentation se fera en deux parties : d'abord ce que nous faisons au sein de l'agence, puis je vous parlerai du sujet du workshop.

Conférence de Benedetta Tagliabue Extraits

J'ai souhaité vous montrer des photographies de nos espaces de travail à Barcelone. Cela ressemble beaucoup à une vieille maison d'habitation de Barcelone. Tables planes et grandes fenêtres réunissent des collaborateurs de différentes nationalités, qui vont et reviennent. Ce n'est pas un bureau personnel mais un lieu ouvert où une multitude de mains s'entraident, se rencontrent et agissent comme une succession de couches. C'est un bureau-atelier où l'on vient aussi pour apprendre. Nous travaillons beaucoup en maquette et cela permet la participation collective et conviviale et influe peut-être aussi sur nos projets.

Réunion de travail à l’atelier EMBT.

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New Scottish Parliament Edinburgh 1998-2004

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Le nouveau Parlement d'Édimbourg, gagné sur concours, est notre plus grand projet, le plus important institutionnellement. La commande était délicate car il nous a été demandé de faire un Parlement qui ne ressemblait pas à un vrai Parlement, à un lieu institutionnel. Les maîtres d'ouvrage cherchaient à établir un lien fort avec la montagne et les politiciens ont choisi ce lieu historique extraordinaire qui jouxte le palais de la Reine d'Angleterre. Les rues médiévales sont dominées par une montagne au profil fantastique. Nous avons esquissé un bâtiment topographique en lien étroit avec le relief du site.


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Notre premier geste consiste à sculpter le sol comme un amphithéâtre, exprimant ainsi la nécessité des rencontres, des négociations et des décisions intrinsèques à ce genre de programme. Le bâtiment contigu à l'amphithéâtre domine le paysage et semble plus en relation avec le tissu historique. L'édifice a un aspect fragmentaire. Ses fragments établissent des rapports particuliers les uns aux autres. Je trouve intéressant que l'on ne devine pas vraiment où commence et où s'arrête l'édifice. Il se confond grâce à sa géométrie fragmentaire avec les autres masses présentes sur le site, allant jusqu'à former un nouveau skyline. Nous avons accordé beaucoup d'importance à la porosité et à l'ouverture du bâtiment au public, notamment des zones semi-publiques. Nous avons recréé une piazza recouverte par une pergola qui bouscule l'idée d'un Parlement sécurisé, contrôlé et clos.

libre. Nous ne sommes plus à Edimbourg, nous sommes dans un lieu ouvert, toujours habité. Même quand la salle est vide, nous n'avons pas l'impression qu'elle est vide mais habitée, presque en mouvement. La géométrie spatiale est très complexe avec des articulations très peu définies. L'entrée est traitée comme un lieu ancré dans la terre. Les principaux éléments du programme sont deux salles de réunion, une grande et une petite, les bureaux des parlementaires et une cour de liaison avec un palais voisin.

En étant amenés à travailler dans un pays étranger, l'Ecosse, nous avons dû nous positionner par rapport à l'architecture traditionnelle très massive, souvent en pierre, mais aussi par rapport au monde maritime et à l'architecture navale.

Nos formes sont facilement identifiables. La représentativité de l'édifice est une question à laquelle nous sommes sensibles, vous reconnaissez immédiatement que c'est le Parlement écossais. Les fenêtres sont anthropomorphiques, elles donnent profondeur et variété aux façades de l'édifice. Avec l'introduction de matériaux comme la pierre noire, le bois et le métal nous accentuons la profondeur des parois et dégageons les vues. Depuis les ruelles historiques de la ville, nous apercevons ces murs étranges aux dimensions humaines qui communiquent beaucoup d'informations.

La métaphore du bateau écossais parcourant les mers pour découvrir le monde nous intéressait. Pour y faire référence et opérer des essais nous avons exécuté des maquettes en bois. De l'intérieur de l'édifice, nous avons cadré l'environnement extérieur, nous avons aussi essayé de penser ces intériorités non pas comme des lieux localisés à Edimbourg mais comme des lieux articulés à la façon d'un navire. Vous retrouvez cela dans la salle centrale du Parlement qui présente une ambiance marine, lumineuse, irrégulière,

Maquette de structure de l’hémicycle du Parlement. Page suivante : Maquette concept du Parlement.

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Cette géométrie inespérée, peu définie, donne des résultats spectaculaires qui renouvellent les points de vue de l'édifice. C'est le cas de la verrière située au-dessus de l'entrée. Les bureaux des parlementaires sont les lieux les plus réguliers, nous avons emprunté les qualités des cellules de moines, des plafonds voûtés.

Le Parlement s'intègre dans la ville et sa nature, tout en transformant la vision de l'environnement extérieur et l'ambiance de la ville.


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Campus universitario Vigo 1999-2003

Nous avons développé les mêmes recherches sur l'intégration du bâtiment et l'influence sur le milieu extérieur à l'occasion du projet pour l'université de Vigo, une ville de la province de Pontevedra en Galice, qui comporte également une montagne. Nous avons essayé de repenser et de reconstruire cette montagne en proposant un édifice à grimper avec une terrasse panoramique offrant des paliers successifs.

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C'est un travail de paysagisme autant que d'architecture et en Espagne, contrairement à la France et à l'Allemagne, nous ne faisons pas de distinction entre ces deux métiers. C'est une tradition de l'architecture catalane de vouloir tout prendre en charge, un architecte transforme, de manière appropriée, ouverte ou serrée, l'environnement alentour.

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Parc Diagonal Mar Barcelone 1997-2002

La difficulté était de faire un parc qui soit comme un bâtiment, plus ou moins ludique, situé dans de petites parcelles très riches. Un parc comme lieu de fantaisie et de loisir qui permet de s'extraire du tumulte de la ville.

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Hafencity harbour Hamburg 2002-en construction

Nous sommes en train de développer un autre grand projet à Hambourg. Un projet ouvert sur un lieu fantastique où le port a une présence très forte. L'ancien projet est soudain devenu inutile pour l'industrie maritime et la ville a décidé de le réaménager, de le relier au reste de la ville. Nous travaillons sur l'eau dont nous souhaitons ramener le niveau à celui du quai des promeneurs. Pour changer la vision de l'eau dans cet environnement industriel, nous avons créé des places amovibles sur l'eau. Le projet est en chantier.

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Centre commercial Leeds 2000-en cours d’étude

C'est un projet relativement récent situé à Leeds, des grandes galeries commerciales recouvertes de toitures de verre. Nous avons proposé de nouvelles galeries qui répondent plus efficacement aux nouveaux besoins, usages et mouvements des gens. C'est à la fois un lieu de commerce et d'attraction. Marchés, commerces, galeries, espaces publics, nous intéressent beaucoup car ce sont les lieux de vie, les lieux partagés de la ville. Notre galerie s'insère dans l'épaisseur d'un bloc de maisons, comme des failles, avec une toiture spéciale pensée comme une topographie dans le skyline de la ville et qui est vécue aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur. Différentes maquettes expriment la recherche d'une forme idéale pour la ville de Leeds.

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Logements sociaux Figueras 2001-2007

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C'est un petit projet en relation avec la Catalogne, Figueras est la ville où Salvador Dali est né, où il y a encore sa maison. Nous avons construit un ensemble résidentiel dans un lieu fantastique imprégné d'un caractère rural et en pleine mutation. Le plan d'urbanisme nous a attribué une parcelle qui jouxte une place circulaire imposée et avec laquelle il n'était pas facile de composer. Le plan-masse s'aligne avec la route qui borde le site tout en déjouant la géométrie de la place circulaire que nous n'aimions pas beaucoup. Nous avons proposé des blocs fins, dont la ligne serpente sur le site et s'élève parfois sur pilotis pour distribuer les circulations piétonnières, l'accès à la route et à la campagne. La ligne d'habitations articule les logements de 40 m2, destinés à des jeunes, autour d'un corridor commun que l'on retrouve à chaque niveau. C'est une juxtaposition assez simple de cellules types formant un ensemble plus complexe et uni. Nous avons travaillé sur la fenêtre dont nous avons fait un élément majeur de la perception et du rythme des façades. Ce sont de grandes fenêtres, complexes, en longueur, dont les différentes parties ont un sens différent d'ouverture. Elles forment le vrai lieu, le point d'ancrage de l'habitation. L'épaisseur de la fenêtre et l'organisation complexe des allèges permettent d'y ranger tous les objets de la vie quotidienne, des livres aux bibelots, ce qui donne depuis l'extérieur du bâtiment, un caractère particulier à chaque percement. Nous avons aussi traité les rapports entre fenêtre et couloir, route et place, intérieur et extérieur. Au départ, les entrepreneurs ont été hostiles à la forme du bâtiment qui leur paraissait très étrange. Il ne l'aimait pas, mais au final, ils se sont dit contents du résultat. Le rapport aux constructeurs est souvent difficile. Nous allons bientôt l'inaugurer et je suis curieuse de voir comment la façade sera marquée par la présence des différentes individualités des fenêtres. La variété d'exploitation des fenêtres par les occupants donnera vie au dessin de la façade.

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Pavillon Arcelor Esch-sur-Alzette Luxembourg 2005-2006

C'était un défi presque impossible pour notre agence, nous avons répondu à l'invitation d'une amie pour construire le pavillon de la compagnie Arcelor en une année seulement. Nous avons eu beaucoup de problèmes lors du chantier. Le projet est un cadeau d'Arcelor à Esch-sur-Alzette, la ville historique de ses industries. Le site est inscrit dans un univers ferroviaire comme en témoignent les cartes postales de l'époque. Nous avons laissé de côté ces références pour privilégier un travail sur le lien avec la nature et sur la couleur. Plusieurs contraintes ont changé le projet, le bâtiment a donc évolué pendant le chantier. Que ce soit le plan ou la façade, tout a changé, ce qui a nécessité une élasticité que nous apprécions beaucoup. La géométrie n'est pas déterminative, nous pouvons accepter le

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changement. Les couleurs étaient uniques, mais quand les entrepreneurs ont livré les éléments, les couleurs n'étaient pas conformes à celles souhaitées et nous nous sommes adaptés. Les délais très courts du chantier ne nous permettaient pas de reporter de six mois pour attendre une nouvelle livraison et en conséquence de rompre notre engagement vis-à-vis du maître d'ouvrage. Nous avons recomposé les couleurs et adopté une solution différente. L'acceptation a entraîné un intéressant jeu de couleur ainsi qu'une architecture ouverte aux péripéties de la vie, à la négociation. L'élasticité est une chose très importante dans la vie et dans l'architecture. Il faut toujours être prêt à s'adapter.


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Biblioteca publica Enric Miralles Palafolls Catalunya 1997-2006

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Ce projet est à l'opposé de celui du pavillon Arcelor, le chantier a duré dix ans. Le plan est peu déterminé et l'ensemble est structuré par des murs courbes. Par leur géométrie, les murs relient la toiture aux jardins. Nous avons particulièrement travaillé la séquence d'entrée que nous avons voulue forte et en rupture avec l'extérieur. Nous avons redéfini la porte, les notions de dehors et de limite. L'éclairage est presque exclusivement zénithal et nous avons limité les visions latérales et les échappées sur l'extérieur. Ce dispositif convient à la concentration nécessaire à ce genre de lieu, à l'univers du livre.

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Nova Seu Gas Natural Barcelona 1999-2007

Le projet est pour Gas Natural, une compagnie multinationale originaire de Barcelone, qui souhaitait, à travers cet imposant bâtiment institutionnel, marquer sa permanence dans son lieu d'origine. Le site est intense, il est compris entre la Barcelonetta et la mer, le parc Citadella, un réseau ferroviaire et une autoroute. Le bâtiment, de grande hauteur, offre une volumétrie fragmentée. Les tours expriment la force du lieu et se veulent comparables aux tours olympiques. Nous avons proposé plusieurs maquettes avant de choisir la forme finale. Elle comporte des noyaux pour les ascenseurs et sa structure en acier est à la fois horizontale et verticale, en effet un porte-à-faux de trente-cinq mètres domine la place.

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Ce bâtiment haut est pensé comme une sculpture qui offre des visions différentes selon le point de vue dans la ville. La peau, en verre, réfléchit la ville et prend des apparences très variables. C'est l'exact opposé conceptuel de la tour de Jean Nouvel dont le site est serré. Notre projet cherche à éviter un rapport univoque à la ville. L'objet est changeant, un miroir dynamique qui modifie la réalité du site et semble pénétré par la ville, une sorte de kaléïdoscope urbain.

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Mercat Santa Caterina Barcelona 1997-2005

C'est la transformation bien connue de l'ensemble d'un quartier de la ville qui a toujours été un lieu de marché. Le marché est le premier espace public, il reste un lieu important à Barcelone. Nous avons voulu éviter de faire de ce lieu, qui a accueilli les premières places de la ville, un musée en renouant avec les espaces de marché comme fait culturel, avec ses implications sociales : goût, plaisir, usages familiaux. Le défi a été de drainer le public, ce qui explique les mouvements de la toiture en débord sur la place. La toiture recouvre la place mais en même temps la laisse ouverte. En catalan, le marché signifie la place. C'est une culture immédiate, spontanée et non pas cérébrale. La toiture doit offrir les conditions favorables pour accompagner les sens, la vue, l'éclairage. Selon les archéologues, il y avait un monastère à cet emplacement, des fouilles ont per-

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mis de dégager des tombes et des ossements enfouis depuis des siècles. Ce fut un moment délicat pour le chantier, mais il fut très agréable de percevoir la convivialité entre le futur lieu de vie, le marché, et la nécropole, lieu de mémoire de la cité. Il fut très instructif de transformer ce lieu de la mort en lieu de la vie, d'assurer une continuité par l'architecture. Pour lui donner naissance, nous avons commencé par un jeu de couleurs pour exprimer la joie d'entrer. La surface de la toiture a été recouverte de céramiques colorées qui traduisent la pixellisation de l'image d'un étalage de fruits et légumes. Le marché Santa Caterina est un projet complexe, une présentation exhaustive pourrait donner lieu à une conférence entière, je m'en tiendrais donc là.


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Fouilles archĂŠologiques.

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“Eating the city” Workshop Printemps 2007

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“Eating the city” Sujet proposé par Benedetta Tagliabue

During this short seminar we will visit together the possibility of a type of comestibility of architecture or a type of architecture of comestible things. The taste is one of the most immediate senses, so easily related to a feeling of like or dislike. We will make a brief tour through the city guided by this wonderful sense.

Tout au long de la semaine, ils ont pu disposer de l'assistance des enseignants de l'école et rencontrer librement Benedetta Tagliabue.

We will see what we will discover !

Le 7 mai, le jury présidé par Benedetta Tagliabue et composé de :

Règles du jeu

Dominique Alba, directrice du Pavillon de l'Arsenal, Paris,

Chaque participant choisit un secteur suivant le découpage proposé sur la carte de Paris. Le projet qui traitera du thème Eat in the city/Eating the city doit se situer dans ce secteur qui peut être réinterprété autant que souhaité et devra être porté à l'échelle du 1/2000e. Il est possible, si souhaité, de produire d'autres documents en dehors de l'emprise du secteur. Les documents seront réalisés à l'encre noire, collages et autres techniques peuvent aussi être utilisés pour rehausser l'encre noire. Il est possible de lier les parcelles suivant les connexions indiquées sur la carte, il est possible de lier votre secteur avec les secteurs mitoyens. La Seine devra toujours être traitée en noir. En hauteur, le secteur est considéré comme illimitée.

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Du 30 avril au 7 mai 2007, dans un temps très court, les élèves, tous niveaux confondus, ont été invités, en se regroupant par équipe, à répondre au sujet proposé par Benedetta Tagliabue.

Paolo Cascone, architecte, professeur invité à l'Esa, Pierre Engel, ingénieur conseil Arcelor, Francis Rambert, président de l'Ifa, Marie-Hélène Fabre, responsable des études de l’Esa, Odile Decq, directeur de l'Esa, a établi le palmarès suivant :


Premier prix Happy meal /Parcelle 23 Steeve Delbrah 2.2 Flaminia Jouve 2.2 Lucie Piolat 2.1 Louisa Gouesnard 2.2

(mjet) /Parcelle 50 Melissa Kacoutié 2.2 Oumou Sako 2.2 Gihane Belkaïd 2.2

Deuxième prix

Tête qui mange /Parcelle 52 Charles Depardon 1.2 Julien Deffontaines 1.2 Gali Cassagne 1.2

Too choc /Parcelle 20 Claudio Neri 3.1 Alexandra Lacombe 3.1 Anaïs Méon 3.1

La ville vous constipe, digérez-la ! /Parcelle 44 Pierre-Arnold Daly 3.1 Charles Gaucherel 3.1 Guillaume Rousseau 3.2

Troisièmes prix ex-aequo

Miro surréaliste /Parcelle 39 Chloé Utzmann 1.1 Léa Roche 1.1 Amandine Desveaux 1.1 Charles Aubertin 1.1 Delphine Maizil 1.1

Cannibalism /Parcelle 15 Claire Poirot 3.2 Sinclair Martin-Granel 3.2 Alexandre Jaussaud 3.2 Thomas Vignau 3.2

Palmarès

Cinquièmes prix ex-aequo Marché d'Aligre /Parcelle 3 Benedetta Frati 1.1 Guillaume Dumont 1.1 Omar Benmoussa 1.1

Cadavre très comestible /Parcelle 31 Arthur Lecoufle 2.2

Best before june 1891 /Parcelle 25 Laurent-Emmanuel Duburg 2.1 Hugo Kaïci 2.1

Hormiguera /Parcelle 30 Natacha Mankowski 1.2 Maud Sanciaume 1.2 Maxime Decaudin 1.2 Marie-Emmanuelle Cavarec 1.2

Quatrièmes prix ex-aequo Bum house /Parcelle 41 Lucas Biberson 1.2 Antoine Fichaux 1.2 Guillaume Henry 1.2 Baptiste Lemunier 1.2 Tristan Calvignac 1.2

Tropicana_multifruit premium /Parcelle 46 Godefroy Saint-Georges Chaumet 3.2 Pauline Taboury 3.2 Benjamin Brousse 3.2 Jonathan Alotto 3.2

Délibération du jury : Odile Decq, Marie-Hélène Fabre, Benedetta Tagliabue, Dominique Alba.

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Premier prix Happy meal /Parcelle 23 Steeve Delbrah 2.2 Flaminia Jouve 2.2 Lucie Piolat 2.1 Louisa Gouesnard 2.2

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A l'image de l'Happy meal, Paris propage son lot de symboles : mode, luxe, architecture, monuments reconnus de part le monde qui attirent maints visiteurs, pour les dĂŠcouvrir encore et encore.


Français : Paris, on a beau la connaître, elle nous réserve toujours des surprises. Bon appétit !

Portugais : Tem-se beleza conhecer Paris, ela reserva-nos sempre surpresas. Bon appétit !

Allemand : Du glaubst Paris richtig gut kennen zu lernen, aber du wirst immer von dieser stadt überrascht. Bon appétit !

Anglais : Even if Paris looks the same, there is always something to discover about it. Bon appétit !

Luxembourgeois : Du mémgst du géiws Paréis esou gutt kënnen, mä du gess ëmmer vun deser staat iwwerrascht. Bon appétit !

Polonais : Kazdy moze wiedziec kazdego Paryza, zawsze czytuje zaskoczony. Bon appétit !

Espagnol : Por lo tanto que conozcas a Paris, siempre te reservara sorpresas. Bon appétit !

Hollandais : Men heeft beau Parijs, zij altijd kennen ons voorraad van de verrassingen. Bon appétit !

Hongrois : Még akkor is ha Párizs, néz az ugyanaz van mindig valami feltárni felöl az. Bon appétit !

Turc : Paris'i iyi tanisak bile, süpriz dolu bir baskent. Bon appétit !

Hébreu : Lamerot she mekirim et Paris, hi tamid shomeret lanou aftaot. Bon appétit !

Suédois : En vet förgäves att Paris, en förvånas alltid. Bon appétit !

Italien : Puoi conoscere Parigi, sempre te riserverà sorprese. Bon appétit !

Créole : Ou ni bo conèt Paris, toujou ni en bagay ka suwpren' ou. Bon appétit !

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Deuxième prix Too choc /Parcelle 20 Claudio Neri 3.1 Alexandra Lacombe 3.1 Anaïs Méon 3.1

La ville, c'est comme une boîte de chocolat ! On ne sait jamais sur quoi on peut tomber ... Ceci est un happening gustatif de l'ordre de l'expérience collective ! Dans la ville, le goût est partout, les saveurs se suivent, se superposent et se remplacent. La ville est un tissu cosmopolite, surprenant et contrasté dans sa découverte. L'objectif est d'illustrer la mixité des goûts et des saveurs mais surtout les contrastes et le passage de l'une à l'autre, dans l'espace de la ville. Alors à vos papilles !

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Troisième prix ex-aequo Cannibalism /Parcelle 15 Claire Poirot 3.2 Sinclair Martin-Granel 3.2 Alexandre Jaussaud 3.2 Thomas Vignau 3.2

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La ville s'ingère et se régénère en permanence, ignorant les parties calcifiées de son squelette.


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Troisième prix ex-aequo

12h30, marché d'Aligre.

Marché d'Aligre /Parcelle 3

Le goût d'un lieu est quelque chose d'immédiat qui nous capture dans ses pulsions. Le goût n'est pas dans les mots. Il est ineffable comme un parcours initiatique. Le goût est fusion d'odeurs, de couleurs, de vie, il est l'histoire intime du lieu, son essence qui s'imprime dans notre irrationnel.

Benedetta Frati 1.1 Guillaume Dumont 1.1 Omar Benmoussa 1.1

Eating the city … Goûter la ville, la tenir entre les dents, la lécher sans la déglutir.

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Troisième prix ex-aequo

Le temps de la consommation n’est plus celui de la conservation.

Best before june 1891 /Parcelle 25 Laurent-Emmanuel Duburg 2.1 Hugo Kaïci 2.1

Wanna eat your city ? Get it comestible !

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Quatrième prix ex-aequo

Chacun a une manière de manger propre à lui.

(mjet) /Parcelle 50 Melissa Kacoutié 2.2 Oumou Sako 2.2 Gihane Belkaïd 2.2

Certains ont tendance à manger ce qu'ils aiment d'abord, et à laisser ensuite ce qu'ils n'aiment pas. Tandis que chez d'autres, c'est plutôt le contraire. De manière générale, l'homme a tendance à faire perdurer ce qu'il aime. Pour la ville, c'est pareil ! Dans notre cas, nous laissons ce que nous ne voudrions pas consommer : les miettes …

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Quatrième prix ex-aequo

La ville se vit et se ressent au plus profond de nous-même.

Tête qui mange /Parcelle 52 Charles Depardon 1.2 Julien Deffontaines 1.2 Gali Cassagne 1.2

Manger la ville, c'est se l'approprier, c'est l'assimiler. Manger la ville, c'est la comprendre, c'est la transcender. Citadin, la ville est à ton image : ensemble complexe d'organes et de fluides vitaux.

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Quatrième prix ex-aequo La ville vous constipe, digérez-la ! Parcelle 44 Pierre-Arnold Daly 3.1 Charles Gaucherel 3.1 Guillaume Rousseau 3.2

Manger une ville, c’est aussi la dévorer du regard ! L’idée de digestion d’une ville se traduit par son concassage. S’inscrivant dans un nouveau cycle, la ville renaît de ses cendres, laissant place à un nouvel espace où les plaisirs gustatif et visuel tiennent une place prépondérante. Comment la manger … Mâcher = Détruire. Déglutir = Ramasser. Digérer = Reconstruire.

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Quatrième prix ex-aequo

Sans abri.

Bum house /Parcelle 41

Une alternative.

Lucas Biberson 1.2 Antoine Fichaux 1.2 Guillaume Henry 1.2 Baptiste Lemunier 1.2 Tristan Calvignac 1.2

Prolifération de constructions minimalistes. Du banc au refuge. Mangeur mangé.

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Quatrième prix ex-aequo Miro surréaliste /Parcelle 39 Chloé Utzmann 1.1 Léa Roche 1.1 Amandine Desveaux 1.1 Charles Aubertin 1.1 Delphine Maizil 1.1

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Cinquième prix ex-aequo Cadavre très comestible /Parcelle 31 Arthur Lecoufle 2.2

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Cinquième prix ex-aequo Hormiguera /Parcelle 30 Natacha Mankowski 1.2 Maud Sanciaume 1.2 Maxime Decaudin 1.2 Marie-Emmanuelle Cavarec 1.2

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Cinquième prix ex-aequo Tropicana_multifruit premium Parcelle 46 Godefroy Saint-Georges Chaumet 3.2 Pauline Taboury 3.2 Benjamin Brousse 3.2 Jonathan Alotto 3.2

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Eating the city ? Comment aborder ce sujet, de manière propre ou figurée ?

Leurs différentes tailles traduisent l'ampleur du mensonge qu'ils représentent.

La démarche adoptée fut de mêler le côté formel en y associant certains messages, comme la dénonciation de l'information de masse.

Notre secteur comporte un grand nombre d'établissements scolaires dédiés à l'apprentissage du savoir.

A notre insu, nous sommes nourris quotidiennement par un trop-plein d'informations, à l'image des fruits et légumes qui attaquent la ville pour être consommés. Ils apparaîssent comme des envahisseurs qui nous traquent.

En conséquence, nous montrons une ville envahie par les mensonges. Comme un mensonge en entraîne un autre, il y a prolifération. Eating the city se nourrit de ces écoles.

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Projets participants

Anne-Sophie Gut 4.1 Florent Girelli 1.2 Thomas Sicouri 1.1 Camille Aboukater 1.2 Frédéric Brient 2.1 Dawn Han Guang Feng 2.2 Gaëlle Renoncet 1.2 Gaëlla Bongo 1.2 Etienne Dechet 1.2 Chloé Rolland 1.2 Hasti Valipour 5.2 Marc Moukarzel 4.1 Célia Archet 1.2 Pierre Chastel 1.2 Khaled Khaled 1.2 Timothée Maitre 1.2 Thibaud Pasteur 1.2 Christophe Schmit 1.2 Paolo Dahan 2.1 Anne-Catherine Dumeige 2.1 Saem Chang 2.1 Isabelle Bardèche 2.2 Marie Barret 2.2 Bérénice Franck de Préaumont 2.2 Keren Djian 3.2 Marie Dupain 3.2 Quentin Piepszownïk 3.2 Clémence Cosneau 2.2 François Gastesoleil 2.2 Jérémie Guez 2.2 Mandéra Makanguile 2.2 Ophélie Perdrieux 2.2 Dimitri Petroff 2.2 Azza Gtari 2.1 Asmaa Sarhi 2.1 Anna Philippou 1.2 Mamoune Ghaïti 1.2 Monica Balan 1.2 Stéphane Sarianos 1.2 Sadik El Atouani 3.1 Sanjey Kumar 2.1 Victoria Migliore 1.1 Eva Maloisel 1.1 Claire Davisseau 1.2 Blanche Granet 1.2 Rebecca Levy 1.2

Nota : les indications qui suivent les noms des élèves expriment leur niveau d’étude. 4.1 : élève de quatrième année, semestre 1. D : élève diplômé. EI : élève des échanges internationaux.

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Morgane Chaplain 2.1 Mernoush Naraghi 2.1 Hélène Brisard 2.1 Rania Dakhlia 2.1 Asnae Bendrioush 2.1


Joaquim Silvestre 4.1

Maxime Gimbert 3.1

Akram Kilani 4.1 Cécile Crozzoli 4.1 Guillaume Dufilho 4.1 Huguette Ruzibiza 4.1

Bastien Canzi 3.2 Pierre-Jean Ribière 3.2 Jefferson Riffat 3.2 Arnaud Vallet 3.2

Dimitra Papageorgiou 1.2 Constantin Caropoulos Alefantis 2.1 Danaï Karagiorgi 3.1

Grégoire Fabre 2.2 Jin An Chun 2.2

Eliott Bertrand 2.2 Philippe de Barros 2.2 Malick Faye 2.2

Charles Marmion 3.2 Julien Hosansky 3.2 Marie Taillefer de Laportalière 3.2

Alexandra Pierrakos 3.1 Maria Tsakonitis 3.2 Meriam Fendi 3.2 Guillaume Pfister 3.2

Zsofia Menyhart 2.1 Bénédicte Ricci 2.1 Charlotte Dally 2.1 Hélène Roncerel 2.1 Diane Charlery 2.2 Matthias Ricord 2.1 Xiaochu Yu 2.1

Laure Celeri 2.1 Antonin Pellissier 2.1 Mouna Nafakh-Lazraq 2.1 Jeremy Barla Ekwe 2.1 Hoang Hiep N'guyen 2.1

Charlotte Dhumes-Vigneron 2.1 Johan Leclercq 2.2

Smail Taoufik Idrissi 1.1 Paul Jin 1.1 Camille Dupont 1.1 Olivier Brouard D Claire Tournier 2.2 Lisa Castagnino 2.2 Marie Richard 2.2 Nicolas Mallet 2.2 Edouard Grignon 2.2 Romain Malidor 2.2 Yoann Ledoux 2.1 Marco Lavit Nicora 2.1 Soline Meyer 4.1 Léo Legrand 4.1 Antoine Philippon 4.1 Bérengère Voizard 4.1 Lauren Hennequin 3.2 Bertrand Canigiani 4.1 Nicolas Hadjimichalis 1.2 Benoît Butin 1.2 Bérengère Mey 5.2 Fady Assouad 5.2 Samuel Jaubert de Beaujeu 1.1

Luce Pozzo di Borgo 2.2 Héloïse Chiron 2.2 Jonathan Stenburger 2.2 Gary Jim Roustan 1.2 Inès Gaïsset 1.2 Hugo Enlart 1.1 Etienne Manenc 3.2 Alexis Schulman 3.2 Guillaume Savy 1.1 Amélie Meleder 1.1 Pauline Patriarche 1.1 François Lévy 1.2 Philippe Pignon 1.2 Thomas Carpentier 1.2 Marie Brinon 1.2 Darko Mrvosevic 1.2 Miken Seglem E.I Nicolas Polaert 2.2 Martial Marquet 3.2

Paul Millet 2.2

Thomas Gimbert 3.2 Hanane Djebbar 1.2 Bruno Vernet 5.2 Quentin Lefort 1.2 Guillaume Nardot 1.2

Josefina Bellosta 2.1 Lyza Bellelis 2.1 Anaïs Sansonetti 2.1

Ali Khalidi 1.1 Mehdi Laraki 1.1 Habib Bencherif-Oudghiri 1.1

Nicolas Mussche 2.1

Amandine Barré 1.1 Laurie Decarre 1.1 Lakmé Gremillet 1.1

Géraldine Saint Gealme 2.2

Léo Martial 2.2

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