Portfolio #1 - Toutes les autoroutes mènent à Rome

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PORTFOLIO #1

Toutes les autoroutes mènent à Rome Les aventures de Don Jerry Can


Chroniques autoroutières J'aime l'autoroute La porte Je pose sur le tableau de bord une carte perforée. Un robot sussurant me l'a confié. Je souffle. Je suis chez moi. Et j'imagine une dizaine de bulldosers qui raclent la terre, des rouleaux compresseurs, des camions gigantesques qui déversent du sable, des pierres, ceux qui répandent le bitume noir... fumant, âcre. La terre, les montagnes de terre déplacées, façonnées, compactées et la nuit les rumeurs, la lueur des phares. Le vide L'autoroute s'implante dans les sites de moindre résistance, il dialogue, s'étire abstraitement, sans échelle, infranchissable sans détour, perméable de bout en bout à tous les flux et reflux. Courbe d'accelération. L'autoroute est une chambre cinétique pour 130 kilomètres à l'heure en droite ligne. Paris-Rome Toutes les autoroutes mènent à Rome. Rome s'étire tout le long de l'autoroute, aimantée, et lui offre façade, à construire.

Le mur Enraciné, couleur caméléon, anti-bruit, souligné par les glissières il ne supporte aucun toît, quelquefois franchi par des poutres tendues. Discontinu, quelquefois réduit à sa plus simple expression, une horizontale loin, quelquefois opaque, percé de failles ou aérien. Les fenêtres Révélations, cadrages fugaces sur ailleurs, certaines s'ouvrent sur des balcons merveilleux. Béantes. L'espace Tendu, continu et sans limites, en réseau, jalonné de repères réguliers, ponctué d'objets hétéroclites mobiles ou statiques, entre l'asphalte et le ciel. Le revêtement de sol Marques. Définitivement marqué de jaune, de blanc, de hachures, de rayures sur fond gris virant au noir caoutchouc. Ça et là des tâches luisantes, des trainées inconnues, des débris divers. Fluorescences.


Le mobilier Standard. Des ailes d'avion, des parapluies, des drapeaux plantés. Construit pas pour longtemps, toujours présent, parfois signé. Corrosion assurée. Le téléphone, mobile. La cuisine, rapide. Les sanitaires, tous les vingt kilomètres. L'éclairage, sophistiqué. Les habitants Les permanents, en tenues colorées à l'entrée, à la maintenance, aux approvisionnements, sans oublier les anges de la route. Les passagers Nombreux aux heures de pointe, venant d'ailleurs, quelquefois en état de grâce, toujours pressés, quelquefois déroutés. Les voisins Enchantés ou opposés, jamais indifférents. Matière première : un paysage. Processus : des ouvrages d'art. Produit : un jardin.

Auteur : Puricelli ingénieur italien. Date et lieu de naissance : 7 septembre 1926, Milan, 5ème Congrès de la route. Signes particuliers Entreprises planétaires d'abolition des montagnes, du mauvais temps, du temps tout court, de la nuit, de la peur de s'égarer dans le territoire. Fonctions De liaison ou de dégagement. Ancêtre Le parkway américain ou scenic highway. Définition Route à quatre voies séparées, exclusivement réservée aux automobiles, offrant un nombre limité d'accès, et qui ne croise à niveau aucune autre voie. Idéal : L'immeuble route de Le Corbusier. Fétiche : L'automobile. Marc Vaye 1989


ENTRETIEN Pourquoi les autoroutes ? Marc Vaye : L’univers autoroutier me fascine depuis les années 60. Mes premiers voyages se déroulèrent sur les autopistas italiennes. Mémoire. L’espace autoroutier est un archétype de la Modernité, l’enjeu d’une forte mythologie. Qui est Don Jerry Can ? Michel Bastian : Don Jerry Can est un voyageur de sa génération, né en 1976, pour la beauté du geste, du détournement

d’un simple bidon. Transmutation alchimique. Symbole de la panne, le bidon devient Jerry Can, c’est un bidon vide qui le propulse d’un espace à un autre. Il n’y a pas autostop, il y a panne d’essence mais c’est bidon. Il permet de provoquer un accident de parcours, d’ inviter les automobilistes à participer à un rituel, malgré eux. Les autoroutes, que sont-elles pour vous ? Marc Vaye : Symbole d’évasion et de découverte, l’autoroute est présente dans


Toutes les autoroutes mènent à

l’inconscient collectif. 0,03 km pour célébrer un espace lié à la perception à grande vitesse, un espace linéaire continu, jalonné dont les lignes de force dialoguent avec le parcours, pas de lignes molles, du vif, du lisse, du clignotant. Une palette signalétique. Un langage universel. Et pourquoi la veste fluo ? Michel Bastian : Pour une meilleur accroche. Don Jerry Can est un attrape l’œil, un être signalétique.

Et un roman photo ? Marc Vaye : Séquence ordonnée d’images pour un voyage miniature. Un parcours à la vitesse de lecture de 0,014 km/s. Et Paris/Rome ? Michel Bastian : Don Jerry a mis 130 heures pour aller de Paris à Rome en fabriquant les traces de ce roman et 18 heures pour faire Rome-Paris. La carte n’est pas le territoire. Je ricane. L’homme qui marche bien ne laisse pas de traces.














Exposition & performance

Toutes les autoroutes mènent à Rome

PORTFOLIO

#1

Les aventures de Don Jerry Can Performance Michel Bastian Photographie & scénographie Marc Vaye Avec la collaboration de Philippe Bonneville Jean-Jacques Cachaux Laurent Gardet Yves Lamblin Florence Martin Christine Tassin Avec le concours de Association française des sociétés d’autoroutes FNAC Full contact Laboratoires Dupon O’Kitch Société des autoroutes du nord de la France Remerciements à Corrazon Rebelde Galerie École Spéciale d’Architecture ©1983


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