SpĂŠciale 2005
ESA Productions
La deuxième livraison de la revue de l'Esa, Spéciale 2005, offre une matière éditoriale centrée autour des travaux des élèves et des anciens élèves. Tous font honneur à cette vieille dame, que l'on dit Spéciale, qui fête ses 140 ans d'existence et ses 100 ans de présence au 254 boulevard Raspail. Bonne lecture à tous.
Remerciements à tous les acteurs de la vie de l'école, les élèves, les enseignants, les services de l'administration, les anciens élèves, sans oublier toutes les personnalités invitées, conférenciers, membres de jurys, les auteurs des articles, Grégoire d'Amiens et Ihab Kalaoun pour le traitement des images.
Crédits des illustrations © Guy Vacheret 2005 © Grégoire d’Amiens 2005 © Esa productions 2006 Philippe Guillemet & Marc Vaye
SpĂŠciale 2005
Nuit des “Tour Eiffel”
Robert Mallet-Stevens (1886-1945) Desa 1906, professeur à l’Esa, pour l’exposition que le Centre Georges Pompidou lui a consacré. René Sarger (1917-1988) Desa 1938, membre de l’atelier Perret, pour la publication de l’article de Nicolas Nogue, revue Amc, novembre 2005. Notons que Jean-Pierre Laute, professeur à l’Esa a été son collaborateur. Claude Parent, architecte, pour son entrée à l’Académie des Beaux-arts. Yan Liu Desa 2004, Premier prix du Prix Esa 2005 pour son travail de fin d’études “Penser la place, entre passé et futur”. Directeur de mémoire : Jean-Claude Moreau. Zhong Yi Quck Desa 2005, Mention Prix Esa 2005 pour son travail de fin d’études “Architecture augmentée”. Directeur de mémoire : Platane Bérès. Paul Virilio, professeur honoraire, pour son livre “L’art à perte de vue”, Editions Galilée. Odile Decq, architecte, professeur à l’Esa, pour la réalisation du bâtiment du Frac de Bretagne à Rennes.
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François Roche, architecte, professeur invité à l’Esa et le cabinet R&Sie pour l’installation “I’ve heard about…” au Musée d’art moderne, Couvent des cordeliers. Gaëtan Kolher, élève diplômable, pour son Premier Prix au concours international “First advanced architecture contest, self sufficient housing” organisé par l’Institut d’arquitectura avançada de Catalunya. Isabel Hérault, architecte, professeur associée à l’Esa et Yves Arnod pour la réalisation d’un immeuble de logements à Grenoble. Jean-Claude Moreau, architecte, professeur à l’Esa, et le groupe Vert Tige, Agnès Bourgoin Desa 1991 et Jean-Luc Gadeyne architecte urbaniste, pour le concours de l’Opac de Paris, concernant la réhabilitation des espaces extérieurs du groupe Rousselle à Paris XIIIe. Fabienne Bulle Desa 1977, professeur à l’Esa, pour la réalisation d’une maison de quartier à Saint-Jean de la Ruelle. Valérie Vaudou, architecte, professeur associée à l’Esa, et Laurence Allegret pour la réalisation de 31 logements Pli à Paris XIXe.
Palmarès 2005
Anne Demians, architecte, professeur invitée à l’Esa, pour la réalisation d’un lycée hôtelier à Guyancourt.
Nada Al Hassan Desa 1989 pour la revalorisation d’un site archéologique et touristique en Syrie, Unesco.
Platane Bérès, architecte, professeur invité à l’Esa, pour la réalisation de l’Ecole des Beaux-arts de Versailles.
Patrick Corda Desa 1992 pour la réalisation de la Maison des sports et des associations à Saint-Mandé.
Michel Garcin Desa 1981 pour le Prix spécial du jury du concours “Conception-construction”, oscar de la sécurité 2005.
Florian Bouziges, Li Fang, Ji Won Lee, Etienne Manenc, Charles Marmion-Soucadaux, Martial Marquet, Jean-Philippe Sanfourche, élèves de 1.2, pour le Premier prix ex-aequo du workshop 2005 “Open limit” Claude Parent.
Bernard Reichen Desa 1965 pour le Grand Prix de l’urbanisme 2005 et pour son œuvre d’architecte en association avec Philippe Robert. Olivier Brénac Desa 1972 et Xavier Gonzales architecte pour l’immeuble tertiaire 270 sur le site Icade Emgp, premier bâtiment labelisé Hqe sur toutes ses phases : conception, études, réalisation. Philippe Lancry Desa 1988, avec Avant-travaux, pour le prix “Architecture contemporaine de Seine et Marne” pour un centre de loisirs à Chessy. Thierry Bonne Desa 1993 et Ahmed Lakder Desa 1993, agence Ailleurs, pour la réhabilitation d’un ensemble de logements et la réalisation d’une villa à Belfort.
Selma Feriani 4.1, Nicolas Guittard 4.2 et Emmanuel Sitbon 4.2, pour le Premier prix ex-aequo du workshop 2005 “Open limit” Claude Parent. Lancelot Laeuffer 1.2, pour le Premier prix ex-aequo du workshop 2005 “Des points de vue à Paris” Felice Varini. Antoine Farrat 3.1, Maxime Foster 3.1, Camille Lacadée 3.1, Léopold Lambert 3.1, Hélène Vacheyrout 3.1, Nicolas Polaert 1.1, pour le Premier prix ex-aequo du workshop 2005 “Des points de vue à Paris” Felice Varini. François Legendre 4.1 et Ahmed Zaouche 4.1 pour la revue “Les correspondances”, articles et entretiens.
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Spéciale 2005 Editorial Alain Pélissier, directeur de l’Esa
Pour la deuxième fois, voici l’annuel de l’École Spéciale d’Architecture, l’Esa. Spéciale 2005 une fois encore est riche des événements architecturaux qui ont marqué l’école. Le succès du workshop de printemps, nous le devons à Claude Parent, dont la disponibilité et la courtoisie sont toujours au service d’une manière de penser originale et radicale. Les travaux des étudiants, remis à cette occasion, ont démontré la puissance créatrice de notre école. Tout le monde aura compris l’intérêt de la plaquette du workshop qui rend justice à ceux qui se sont donnés pour cette expérience courte et intense. L’invitation de Felice Varini au workshop d’automne a tenu ses promesses : les propositions des étudiants ont marqué par leur originalité et leur diversité. Les sessions de diplômes restent les grands moments de l’Esa, pour ceux qui les soutiennent et engagent leur vie professionnelle, mais aussi pour la communauté des professeurs et de tous les élèves. L’année 2005 est encore une excellente année qui a vu couronner, au Prix Esa, Prix des meilleurs diplômes, deux étudiants asiatiques, dimension internationale oblige. Nous devons nous féliciter de l’effort de publication des projets d’étudiants, comme en témoignent les travaux ici présentés de Peter Cook, responsable de l’Atelier international, Isabel Hérault et François Roche. Récompenser les architectes diplômés de l’Esa par un trophée, remis lors de notre fête annuelle “La Nuit des Tour Eiffel”, nous permet de garder un lien fort entre les anciens et les nouveaux. Cette école qui fête cette année ses 140 ans d’existence et ses 100 ans de présence sur le boulevard Raspail possède un sens de la filiation, où l’imagination soutient l’innovation dans tous ses états : conceptuel et constructif, social et artistique, architectural et philosophique. Il convient de renforcer les relations entre tous les architectes de l’Esa, déjà diplômés ou encore élèves, afin de nous aider à mieux répondre aux nouveaux défis de l’architecture : nature planétaire des problèmes, déficits théoriques quant à l’aménagement, reproduction des idées reçues. L’ouverture sur le monde de l’Esa devra s’illustrer par plus de compréhension dans un esprit de solidarité qui a de tout temps animé cette école.
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Le Prix Esa s’adresse aux élèves qui ont obtenu la mention pour leur travail de fin d’études, il est doté de 5.000€euros pour moitié par l’Esa, pour moitié par la Sadesa. De septembre 2004 à octobre 2005, sur les 83 diplômés, 35 ont obtenu la mention. Le 28 octobre, un jury de présélection sur documents, composé de : Alain Pélissier, architecte Dplg, directeur de l’Esa, Thomas Billard, architecte Desa, représentant la Sadesa, Frédérique Peyrouzère, professeur d’histoire de l’architecture, Jacques Pochoy, architecte Dplg, professeur d’atelier, a retenu quinze finalistes : Tristan Brizard, Alexandre Thuin Dieu est une promenade architecturale Diplômés le 2 juin 2005 Milena Cestra, Fahed Hariri, Anaïs Larue Commercialiser l’espace Diplômés le 3 décembre 2005 Renaud Chevallier, Alexandre Clarard Natural Interaction Amidst Exceptionnal Urban Sites Diplômés le 2 juin 2005 Ziad Comair L’eau Diplômé le 14 octobre 2005 Annabelle Datry Centre chorégraphique national à Rillieux-la-Pape Diplômée le 3 décembre 2004 César Dolémieux, Antoine Le Dreves Adaptation durable Diplômés le 14 octobre 2005 Vincent Lafleur Le congrès de la Nouvelle Calédonie Diplômé le 3 juin 2005 Yan Liu Penser la place - Entre passé et futur Diplômée le 3 décembre 2004 Willmar Lorenz Un concept architectural pour la place des Martyrs à Beyrouth Diplômé le 3 décembre 2004
Erez Lukatz How high are you doing ? Diplômé le 2 juin 2005
Prix Esa 2005
Lior Marom, Issa N’thépé Accelérateur de particules urbaines – Grand Prix de Paris Diplômés le 18 mars 2005 Zhong Yi Quck Architecture augmentée Diplômé le 14 octobre 2005 Masaru Senda Austerlitz – Projet d’aménagement Diplômé le 14 octobre 2005 Thomas Siboni Archisportons – Parc urbain de loisirs sportifs Diplômé le 18 mars 2005 Anne-Laure Trierweiler L’Estaque, évolution d’une friche Diplômée le 14 octobre 2005 Le 4 novembre 2005, le jury présidé par Alain Pélissier, architecte, directeur de l’Esa et composé de : Laurence Cassegrain, Direction de l’architecture et du patrimoine, sous-direction de l’enseignement de l’architecture, de la formation et de la recherche, Sébastien Chabbert, architecte, lauréat des Nouveaux albums des jeunes architectes, professeur invité à l’Esa, Gilbert Gallieni, architecte, président de la Sadesa, Francis Rambert, président de l’Institut français d’architecture, Francis Soler, architecte, Grand prix de l’architecture, Richard Edwards, enseignant chercheur à l’Université technologique de Compiègne, éditeur, Editions de l’Imprimeur, président de l’Esa, a établi le palmarès suivant : Premier prix : Liu Yan Penser la place - Entre passé et futur Mention Zhong Yi Quck Architecture augmentée
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Prix Esa 2005 Premier prix Liu Yan Penser la place - Entre passé et futur www.lytutu2@yahoo.com.cn Directeur de mémoire : Jean-Claude Moreau.
Qu’est ce qui permet d’appeler un lieu urbain une place ? Place : lieu public, espace découvert, généralement entouré de constructions. Agora, antiquité grecque : place publique, lieu où la foule se rassemble. Forum, antiquité latine : place publique, lieu où se tiennent les assemblées du peuple et où se discutent les affaires publiques. “La place est un autre terme pour le lieu, quelque chose qui indique que l’on a touché au but.” C. Norberg-Schulz
La vie entre tradition et modernité Face à l’histoire “Continuité et changement impliquent que quelque chose demeure en dépit des modifications. En terme de monumentalité et régionalisme, il n’entendait pas quelque chose de pompeux ou d’immense, mais la mémoire et les symboles qui enracinent les hommes dans le temps.” C. Norberg-Schulz Quand nous concevons la vie humaine comme présence, dans le futur nous la regarderons comme la mémoire du passé. Nous n’arriverons jamais à effacer la mémoire de notre propre vie, quel que soit la distance ou le temps mis entre le passé et nous. Les expériences vécues font partie de notre vie entière. Nos pensées et actions se forment avec tous ces éléments. Malgré les changements liés à l’aléa du présent, elles restent, au regard de l’ensemble de la vie, une continuité. Nombre d’observateurs extérieurs sont surpris par la disparition du patrimoine en Chine. Depuis environ vingt-cinq ans, le pays a lancé sa croissance économique avec une grande ouverture vers le monde, elle profite des échanges internationaux dans les domaines de l’économie, de la culture, et évidemment de l’architecture moderne. Mais quelquefois, le tourbillon de ce passage à la modernité nous étourdit et nous laisse un peu perdus devant les changements radicaux, voire brutaux, qui se font sous nos yeux. Cette quête éperdue de la modernité nous pousse d’une recherche à l’autre, sans réflexion ni recul par rapport à notre histoire. Nous avons bien ouvert nos yeux, mais uniquement vers l’extérieur.
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“Avant tout, il faut être absolument moderne.” Arthur Rimbaud “En fait, la modernité n’est pas un style, mais une attitude.” Paul Virilio “Tout d’un coup, il m’est devenu indifférent d’être moderne.” Roland Barthes A l’instar de Paul Virilio, il me semble que la vraie modernité n’est ni un style architectural, ni un ensemble de règles de composition, ni aucun autre corpus de règles formelles, mais une attitude, une manière d’aborder les problèmes et de les résoudre en jouant aussi bien à l’échelle du tout qu’à celle de la partie et du détail, en tenant compte de toutes les possibilités de solutions, anciennes, actuelles ou à créer. Ainsi, le fait d’être moderne me semble plus relever d’un mode de pensée, d’un style de vie, plutôt que d’un style architectural, même si sa première manifestation est d’ordre spatial. Touchant à l’universel, nourrie de l’expérience de millénaires d’histoire passée, présente et future, cette attitude devient le fil conducteur de toute démarche économique, culturelle, architecturale, même si son produit reste contingenté à un lieu et à un temps donné.
Tradition = Histoire ? Nous retiendrons ici deux définitions de la notion de tradition. La première, que l’on retrouve le plus fréquemment comme représentation de la tradition, la dépeint comme un ensemble de règles et codes sociaux plus ou moins fixes se reproduisant d’une génération à l’autre dans un but de cohérence sociale intergénérationnelle. La seconde en fait une dynamique intergénérationnelle visant à la transmission du savoir et des expériences passées à travers l’histoire dans un but d’anticipation et de préparation à l’éventuel aléa à venir, pour faciliter la survie du groupe et des individus. La question de la tradition n’est pas tout à fait similaire à celle de l’histoire. L’une fonctionne comme une forme, une méthode et continue à se développer, se définir suivant les expériences. L’autre présente tous les facteurs du passé, sa réalité, et se concrétise au temps fixé. Même son influence peut être traduite différemment pendant la continuité de la vie. Nous pouvons dire que la tradition est une formule scientifique, elle participe à notre vie suivant le fil du temps, à chaque moment nous la vérifions, complétons, modifions.
La nécessité de rappeler l’histoire, d’actualiser le souvenir. Dans ce monde, chaque lieu a une identité comme chaque chose a un nom. Eléments géographiques, formes naturelles, qualité de l’espace, culture des habitants et des passants, ces différentes notions mises en contact, définissent un contexte précis lié de manière exclusive au lieu et au temps où ce dernier est perçu, à la fois chacune selon ses particularités et dans une acception d’ensemble. Si l’on considère l’architecture comme un art total, touchant autant à l’ensemble qu’aux détails et autres relations entre les différentes composantes d’un lieu, d’un bâtiment ou de tout projet humain, l’architecture apparaît alors comme un média privilégié pour à la fois comprendre et agir avec l’essence du lieu, tant du point de vue des impressions générales que des particularités locales. Parmi les composantes de l’identité d’un lieu, les plus évidentes sont les activités qui prennent place dans le lieu, part visible et directement sensible de la personnalité du lieu. Son identité développe chez les gens présents un vécu, donc des souvenirs, des impressions, des représentations liées au plaisir éprouvé ou non. Il prend une dimension humaine, entre dans l’histoire du temps et des sentiments de ces personnes et peu à peu se modifie par rapport à cette identité. Un champ de vente du bétail devient forum romain. Une source justifiant la fondation et l’implantation d’une communauté devient la fontaine où se croisent Cardo et Decumanus. Un grand ensemble de logements, bien que toujours viable, est détruit car porteur d’une image trop négative. L’affection humaine pour un espace ne s’accorde pas n’importe comment. Elle s’attribue à un espace qui attire et soutient les activités. On a vu des aménagements d’espaces bien travaillés qui n’ont pas fonctionné car ils ne répondaient pas aux attentes des habitants. Il ne s’agit pas ici de construire des villes musées réservées aux monuments historiques ou à des pastiches. Rappeler l’histoire, n'est pas la reproduire. La valeur du monument, c’est sa matérialité et la mémoire qu’il fait vivre et incarne. Cette valeur intentionnelle n’appelle pas seulement le souvenir, elle fait comprendre l’action et l’intention de leurs auteurs. A partir de ce dialogue avec le passé, elle permet aux futures générations de se créer une nouvelle identité. Quand les monuments sont considérés comme œuvres d’art, leur authenticité prend une importance qui laisse des traces tout au long de l’histoire. Cette authenticité, sacrée, originelle, est fortement liée
à sa réalité matérielle. Considérant l’importance des peintures, de la couleur sur les murs des monuments anciens, leur effacement est une perte irrémédiable. Mais on ne peut pas vivre indéfiniment dans l’original. Les changements correspondent à l’évolution humaine, il y a toujours continuité. Quelle solution pour répondre aujourd’hui à ces deux questions ? “Il est donc essentiel que le lieu conserve son identité à travers tout changement. Je souhaite souligner que le nouveau doit contenir l’ancien.” C. Norberg-Schulz
Urbanisme uniforme dans les villes chinoises En Chine, du nord au sud, de l’est à l’ouest, la condition naturelle, l’histoire culturelle et la vie quotidienne sont très différentes. Partout on imagine atteindre un monde particulier, doté d’une identité. Actuellement la destruction des anciens quartiers d’habitations est générale sur le territoire chinois. Elle efface peu à peu la longue histoire de notre civilisation et coupe le lien entre le passé et le futur à travers lequel la nouvelle génération pourrait se positionner. Le SiHeYuan, la cour fermée de Pékin, le ShiKuMen de Shanghai, le jardin chinois ont pratiquement disparus, leurs plans sont classés dans les archives. Avant leur disparition, les villes étaient identifiables, il était possible de dire : “c’est Pékin, c’est Shanghai”, mais actuellement les habitants sont impérativement habitués à un urbanisme identique. Certains, conscients du phénomène causé par la pression du développement de l’économie et la volonté gouvernementale tentent d’y remédier, mais le résultat est inquiétant.
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Comparaison Chongqing / Paris Je suis née à Chongqing, une ville montagneuse au sud-ouest de la Chine. En profitant du relief, les aménagements ont permis de créer une variété d’espaces publics : des sentiers serpentent dans les montagnes, des escaliers descendent jusqu'à l’eau, des petits parvis servent à plusieurs maisons individuelles, des cours fermées. Mais aujourd’hui, la plupart des places de Chongqing ont le même style classique chinois que partout ailleurs. L’histoire indépendante, le caractère culturel, la géographie de Chongqing sont cachés. Pendant mon séjour de quatre ans à Paris, j’ai vu que les places, jardins, parcs anciens sauvegardés jouent encore un rôle essentiel dans la vie quotidienne, avec de nouveaux usages et de petites modifications. Les habitants se rendent dans ces lieux, admirent leur ambiance historique et culturelle. Il semble intéressant de réfléchir sur les différences entre les deux cultures, à partir de la vie sociale, de l’urbanisme et de l’architecture. Chongqing / Relief et hydrographie
Paris / Relief et hydrographie
Son site apparaît comme le résumé de l’évolution géomorphologique de l’Ilede-France. La ville s’est confortablement installée sur un resserrement du lit du fleuve, dans des méandres entre les paliers de calcaire de Saint-Ouen et de calcaire grossier. L’île de la Cité a constitué le meilleur appui aux gués qui franchissent le fleuve divisé en bras multiples. A sa fondation par les Parisis, elle est cernée au nord par une étendue mareyeuse, le Marais, terminaison du lobe de la rive convexe et lit du méandre que dessine, à trente-deux mètres d’altitude le bras principal de la Seine, au pied du versant de la rive concave. Paris forme un amphithéâtre de coteaux peu élevés et ouverts au sud, Auteuil, Passy, Chaillot. Les points culminants sont Montmartre, 129 mètres et Belleville, 128 mètres. Chongqing / Morphologie urbaine
La ville est située au sud-ouest de la Chine, entre terre et eau, elle s’étend d’une montagne à l’autre d’où son surnom de ville des montagnes. La ville dans la montagne, la montagne dans la ville, la rivière traverse la ville, la ville entoure la rivière, sont les descriptions de la morphologie de Chongqing. Ce paysage représente la coexistence dans la culture chinoise, de la montagne et de l’eau, de la ville et de l’humain. Elle s’étage entre deux et trois cent mètres d’altitude et est composée de vingt secteurs d’activités dont les principaux sont les quartiers JieFangBei, ShaPinBa, HuaLongQiao, Elin, DaPin. Les habitants évoquent une ville en trois dimensions, où jouant de ces contraintes topographiques, les télécabines, tunnels et ponts, construisent un système de trafic vertical qui caractérise son urbanisme.
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L’ensemble de la ville s’étend sur un territoire de 470 x 450 kilomètres. Deux rivières traversent le centre ville, formant ainsi plusieurs péninsules. Les espaces verts sont répartis dans les quartiers. Alors que les grands parcs sont sur les collines, en harmonie avec les montagnes. La géométrie du réseau de voiries devient irrégulière au centre ville, alors que ailleurs elle contourne les montagnes.
Paris / Morphologie urbaine
La ville est continue dans un cercle de trente kilomètres de rayon autour de Notre-Dame, ce qui est assez peu pour une agglomération de plus de neuf millions d’habitants. C’est la couronne des anciennes fortifications, construites de 1840 à 1844, qui est présente dans sa continuité et son dédoublement : à l’intérieur, le boulevard des Maréchaux et à l’extérieur le Périphérique, réalisé de 1960 à 1973. Les principales étoiles, places haussmanniennes, sont également très visibles avec leurs percées rectilignes. Au centre de Paris, la densité est plus élevée que dans d’autres métropoles, mais moins importante à la périphérie où les îlots sont en général plus vastes.
Chongqing / Places En Chine, la place publique se forme suivant les modalités de développement de la ville. Dans la société féodale, il existe deux sortes de places publiques : la place du spectacle et celle du marché. La première, une cour fermée, est source d’espace et régulière. Elle répond aux besoins politiques et militaires : disposition symétrique par rapport à un axe, utilisation de la diversité de l’espace afin de renforcer le caractère solennel voire sacré des constructions importantes, fonction cérémonielle, signification mystérieuse, FengShui. La seconde, un espace libre et réservé au milieu de la ville, accueille les transports, les affaires commerciales, les cérémonies religieuses : disposition libre et irrégulière, installations ouvertes, portiques, murs des esprits, mâts, structurent l’espace et assurent sa continuité. Installations et architectures deviennent les signes et les symboles de la place, échelle agréable et favorable aux activités des piétons. En Chine, de l’antiquité à l’époque contemporaine, l’espace public est enrichi suite à diverses transformations. Mais la place publique reste peu développée car elle n’est pas la forme spécifique de l’espace public chinois, néanmoins cinq types de places sont apparues au cours de l’histoire.
La place royale
Elle est caractérisée par sa grande échelle, sa forme régulière et symétrique, sa volonté de souligner la hiérarchie. Elle est souvent bordée par des palais royaux ou de grandes murailles. C’est un espace réservé à la classe dominante, donc interdit au peuple. Elle est immense, froide, voire terrifiante. La plus connue et aussi la plus grande est la place de la Cité Interdite construite à l’époque Ming, 960 x 760 mètres. Initié par une esplanade carrée prolongée par une cour fermée, puis par le palais TaiHe où s’annonce la place dominante, le parcours, qui enchaîne les portes Taian, Duan, Wu et TaiHe est le prélude à la découverte de la citadelle.
La place du YaMen Le YaMen est la résidence officielle du gouverneur, la place appartient au dispositif, et par contraste, valorise le bâtiment. Elle a une faible dimension. Même si elle est ouverte et publique, elle n’est fréquentée que lors des cérémonies.
La place du ShiJing, marché Elle est l’origine de la place publique chinoise, complètement ouverte à l’extérieur. Shi signifie le lieu d’échange commercial et Jing, le puits. D’après le livre ZhouLi, le marché se divise en trois types. DaShi, qui contient des ateliers et se trouve au milieu, est réservé aux riches commerçants. ZhaoShi, à l’est, est réservé aux commerçants moyens et XiShi, à l’ouest aux petits commerçants. Chaque place est fermée par une grande muraille. Pour la population de la société féodale, l’espace public est un lieu à petite échelle, de faible dimension.
La place du temple En Chine, bien que la religion ne soit pas centrale, son influence est forte. Les nombreux temples et leurs places étaient des lieux de rassemblement populaire et contrairement à la place royale, elle offre un caractère ouvert et public. A l’occasion des cérémonies religieuses ou des fêtes, elle accueille des scènes.
La place de manœuvre
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Dès l’Antiquité, il existe un type de place destiné aux manœuvres militaires et aux exécutions capitales. Rares, elles sont semi-publiques et de faibles dimensions.
vie quotidienne, invite à découvrir la place dont l’identité repose aussi sur la présence du Grand Hôtel et du Café de la Paix.
Les caractéristiques spécifiques de l’espace public de Chongqing expriment la nature montagneuse de la ville. Dans cet environnement, le nombre des places est limité et leur usage intensif, leur forme irrégulière et leur taille petite, réduisant d’autant leur rôle de centre du quartier. Par contre, le relief permet un échange visuel entre l’intérieur de la place et son environnement. Ce qui, à la fois, le valorise, permet l’observation lointaine ainsi qu’une meilleure perception de la réalité physique de la ville.
Place carrefour / Place de la République Les places entretiennent des relations
Paris / Places
avec le réseau viaire. Même les plus fermées intègrent un accès. Obsédé par la circulation urbaine, le XIXe siècle a multiplié les places carrefours. La place de la République est pensée comme un espace libéré pour faciliter les échanges entre les rues convergentes. Deux petits squares encadrent un grand rond-point doté d’une statue. Ces places, sauf situation particulière, sont toujours rectangulaires, mais selon leur configuration et leur étendue, elles sont aménagées de manières différentes.
L’histoire de l’apparition et de la transformation des places dans les villes françaises, surtout à Paris, fait apparaître des rythmes très irréguliers.
La place royale / Place des Vosges
Elle est achevée en 1612 par Henri IV
Chongqing / Quais routiers
Pour limiter la circulation en montagne,
pour fournir aux parisiens, dans une ville où les espaces libres sont rares, un lieu de promenade propice à l’organisation de fêtes et de cérémonies. Son parfait ordonnancement architectural intégrant une galerie à arcades et un pavillon qui enjambe la voie d’accès lui donne une allure grandiose.
il est décidé de construire des voies
La place parvis / Place de l’Opéra
Réalisée à l’époque d’Haussmann, sur les
côtés sud et nord du boulevard des Capucines, le parvis offre une perspective pour apprécier le grand escalier et la façade principale de l’Opéra de Charles Garnier. L’escalier, scène verticale qui accueille la
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rapides en bordure de quai. Portées par des milliers de poteaux en béton, ces barrières ceinturent le centre ville et écartent les piétons du fleuve malgré l’existence d’un important trottoir. Le niveau du fleuve pouvant varier de vingt mètres, la voie rapide répond à la situation de crue, mais révèle en période
sèche, un important espace abandonné où se cache la végétation.
Chongqing / Quais naturels Des générations ont grandi aux bords des quais et la nostalgie les ramène au
Les aménagements, engagés depuis 1997, dévoilent ainsi, au fond la montagne et aux premiers plans de grands espaces plantés et des équipements divers. A la saison sèche, les bords du fleuve accueillent agréablement une intense vie sociale qui fait lien avec les usages du passé.
Paris / Quais Autour des îles de la Cité et Saint-Louis,
bord de la rivière. Au printemps, quand le niveau de l’eau redescend les familles se réunissent sur ce parvis de cailloux pour un pique-nique ou une partie de pêche. Le quai accueille une multitude d’usages spontanés. Sur le fleuve YangZi, CiQiKou, est un village qui s’est développé à partir d’un port. Aujourd’hui c’est un quartier touristique, dont les maisons en bois ont été réhabilitées, et où la vie perdure.
les bras de Seine offrent des plans d’eau calmes et agréables. Enchâssée dans un écrin de verdure, Notre-Dame est mise en valeur par les vides qui la bordent. Sur ce petit bras de la Seine, les quais se font abrupts et très étroits. Après le déplacement des activités portuaires, les habitants retrouvent le charme des anciens hôtels particuliers et des berges et peuvent contempler le reflet de la ville sur l’eau ou se promener. Le canal Saint-Martin et son quai long
Chongqing / Quais aménagés
Reconquérir les berges du fleuve suppose la création de nouveaux espaces publics.
de quatre kilomètres et demi, ponctué de neuf écluses est aujourd’hui un quai de plaisance, un axe de charme, un quai promenade au cœur de Paris. Au XIXe siècle, usines, manufactures, entrepôts, ateliers s’agglutinaient le long du canal, formant une ville d’un nouveau genre, industrielle et populaire.
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Prix Esa 2005 Mention Zhong Yi Quck Architecture augmentée DVD sur le rabat de la quatrième de couverture
www.zyquck@hotmail.com Directeur de mémoire : Platane Bérès
Remerciements à Isabel Hérault, Chris Younès, Wendy Mackay, François Roche, Guillaume Letschert, François Guery, Anny, Gaëtan, Juliet, Juliette, Leila, Nicolas, Pamela, Pico, Stéphane, Toni, David et ma famille.
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“Le nouveau ne se produit jamais par simple interpolation de l'ancien ; les informations (s'ajoutent) aux informations comme des poignées de sable…” Michel Houellebecq Les particules élémentaires.
Exsplaumas
Extensible Espace Public Augmenté à Multiples Activités Simultanées Application de la réalité augmentée dans l’architecture et l’espace urbain, comme manifestation du rapport entre l’architecture et les nouvelles technologies. La recherche de nouvelles technologies est devenue aujourd’hui le seul moteur économique des pays post-industriels. Des centaines de brevets sont déposés chaque jour, mais faute de demandes convaincues, beaucoup d’entre eux ne seront jamais développés en produits. L’architecture est, elle aussi, constamment en quête de nouveautés, idéologique, plastique et technique. La réflexion architecturale puise traditionnellement dans la philosophie des idéaux sociopolitiques ou des situations socioéconomiques et se tourne vers la technologie seulement pour résoudre des problèmes techniques ou formels. Ce projet propose d’inverser le rôle passif de l’architecture dans le chemin évolutif des nouvelles technologies.
La réalité augmentée est un système de réalité virtuelle qui, dans l’espace et en temps réel, superpose des informations à une scène réelle par l’entremise de lunettes-écrans transparentes. Elle est ici appliquée à une création architecturale. La technologie est ici autant une notion génératrice qu’une solution technique. Situé à Paris dans le quartier SainteMarthe, le projet, prototype de “l’extension bâtie” de l’espace public, est un espace public de 10 000 m2 pour des activités de découverte et de divertissement qui se déroulent simultanément et dans les mêmes espaces, avec seulement 700 m2 de surface construite. Mais l’objectif ultime est la multiplication dans toute la ville de ce type de constructions et d’espaces publics augmentés, afin de doter le tissu urbain d’une couche supplémentaire d’usage et d’identité, autrement dit, de promouvoir une ville augmentée. A travers Exsplaumas, une technologie, développée pour le militaire et l’industrie, devient non seulement inspiration, fonction et solution d’une création architecturale, mais catalyseur d’une métamorphose urbaine. En modifiant le rapport existant entre architecture et nouvelles technologies, ce projet essaie surtout de questionner et réactiver la place de l’architecte dans la société, entre l’homme et la nouvelle économie.
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Concours 1st advanced architecture contest Self-sufficient housing
Le concours a été ouvert pour les étudiants et professionnels par l’Institut pour l’architecture avancée de Catalogne et la maison d’édition Actar. La maison autonome “En fait, les édifices contemporains pourraient être des natures artificielles. Nous croyons que les logements où l’on habite devraient prendre exemple sur les arbres et être harmonieusement rattachés à l’environnement ambiant, utiliser uniquement les ressources indispensables, énergie, eau et générer des déchets recyclables qui suivent les cycles de la nature”.
Premier prix Catégorie logements individuels Gaëtan Kohler Elève diplômable www.kohler_gaetan@yahoo.fr
Pourquoi la Chine ? Un pays en voie de développement pas toujours maîtrisé. Un pays à deux vitesses. Situation de forte crise énergétique due à la raréfaction du charbon qui impose l’import de pétrole.
Pourquoi l’espace rural ? Les paysans sont les laissés-pour-compte du boom économique de la Chine. Les terres agricoles sont en voie de disparition pour cause de développement des zones périurbaines dans cette région d’origine agricole qui est aujourd’hui un des pôles majeurs de la croissance économique chinoise. La maison répond à une demande : réserver la terre à la production agricole.
Contexte Besoin d’espace pour loger la population agricole chinoise sédentaire et saisonnière. Améliorer la qualité de vie. Préserver les espaces réservés aux cultures. Logement autosuffisant dans une région encore peu accessible, équipé pour un confort de vie minimal, celui réclamé par les paysans chinois. Les terres appartiennent à l’Etat, celui-ci décide du prix de revente des produits agricoles. Mise en place de nouvelles formes d’exploitation des terres agricoles. La Chine dépend de l’importation de pétrole et est à court de ressources forestières.
Proposition d’insertion dans le site Construire sa maison comme une résultante constamment en mouvement dans le cycle naturel. Dans un équilibre biologique et contextuel, elle est inscrite dans le rythme des saisons et des productions.
Remerciements à Amélie Djoehana et Bobby.
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Proposition pour un logement autosuffisant Utilisation de procédés naturels : biogaz, lagunage, culture poisson/riz. Utilisation de matériaux régionaux : bambou, terre, paille de riz. Production sur place de la plupart des besoins alimentaires : riz, légumes, viande de porc, poisson.
Créer une architecture biodégradable Bâtiment sensible aux conditions climatiques : il se rétracte en hiver et se dilate en été, ce qui correspond aux cycles agricoles et à la fréquentation de la région par les saisonniers. Bâtiment qui se compose d’éléments simples, à assembler par un seul homme. Il est composé de trois types de matériaux différents. La terre bauge pour les murs de soutènement qui servent d’accumulateur thermique. La paille de riz pour le méthane et l’isolation. Le bambou pour la structure légère. Chacun de ces matériaux est utile dans l’écosystème du site. La température de la maison est régulée par la masse thermique du mur. En hiver, le méthane brûle dans un foyer fermé, réchauffe le mur hypocauste et les planchers des chambres par des conduits en brique réfractaire. En été, des trappes permettent de faire circuler plus directement l‘air à l’extérieur grâce à une cheminée solaire.
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Concours Europan 8 Urbanité européenne et projets stratégiques Projet lauréat JSI - Je Suis Ici Vivre et travailler à Drocourt Bertrand Segers, architecte Dplg Charles-Edmond Henry, étudiant Esa Christophe Chabbert, vidéaste Frank-David Barbier, étudiant en architecture www.charlyexpress@free.fr
“JSI, Je Suis Ici” est un projet urbain qui s’attache à valoriser et à développer pour la ville d’Hénin-Carvin, l’image, l’activité et les ressources existantes d’un territoire riche, en donnant leur place à ceux qui l’habitent. Son titre vient du nom que nous avons donné à la stratégie centrale, parce que le projet est entré dans le sujet par le thème de la stratégie. JSI est une stratégie de projet urbain à la fois contextuelle, matérielle et expérimentale. Si elle convoque des notions abstraites comme la praxis, “action qui peut changer le monde”, outil d’utopie, ou le trou, une notion plus abstraite encore, conceptuelle et expérimentale, une idée qui relie les villes ou un désir poétique de toucher un fantôme, elle a pour but de donner à la ville les outils les plus concrets pour un développement pérenne parce que conscient de son identité. Nous choisissons d’être présents sur le site et de nous y impliquer pour que le projet existe, pour apprendre à le connaître. Nous nous y rendons. Une fois sur place nous nous promenons dans les rues, grimpons sur le terril, piqueniquons, prenons des photos et dessinons. A la fin de la première journée de visite, nous regagnons le véhicule et le retrouvons avec les deux pneus avant crevés. La mésaventure qui nous inquiète un court moment devient la porte d’entrée au cœur de la question d’HéninCarvin.
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Nous sommes samedi soir, obligés donc de trouver une chambre d’hôtel, et d’y rester jusqu’au lundi pour faire la réparation. Pendant ces trois jours nous croisons Ursmar, Roger, monsieur Bernard, Hakim, Bélo, et d’autres. Chacun nous accueille, nous raconte son histoire de la ville, son histoire des mines, son histoire personnelle aujourd’hui. De la chronique de ce voyage avec ceux qu’il croise, le projet va prendre corps au présent. Le programme se développe autour des trois pôles, le panorama, le troisième jumeau et le trou.
Panorama, le spectacle total Le terril amorce le programme, l’entassement de stériles doit être la première ressource, le gisement, le creux riche et chargé. Cette ressource est exploitée pour ses propriétés. La première est sa matérialité. Les terres stériles sont dépolluées, exploitées pour construire les nouvelles routes. L’extraction se fait selon le gabarit d’une courbe pleine. Il peut être appliqué aux autres terrils. Le panorama s’en trouve adouci. Dans un deuxième temps, il s’agit d’étudier, en collaboration avec l’université de Lille ou dans le prolongement de travaux australiens sur des questions similaires, l’exploitation de la chaleur produite par l’autocombustion des résidus organiques afin de produire une énergie calorifique pour les lotissements à venir.
Micro-activités : le troisième jumeau
Le trou
Le troisième jumeau fait référence à une typologie présente sur le site, les maisons jumelles. C’est une pièce ajoutée à cette typologie. L’intervention est posée sur l’ensemble du site selon les besoins du projet et du lieu. Son rôle est de densifier doucement le bâti. Des cellules de taille réduite permettent aux logements de s’agrandir. Elles permettent aussi en s’agglomérant ou non d’accueillir des activités tournées vers un espace public, lui donnant un caractère urbain qui prête à s’y promener.
A la façon de Louis Kahn, on demande à la ville ce qu’elle veut. Elle répond qu’elle veut de la lumière et des gens, de la chaleur. Sur le parc on doit pouvoir imaginer une foule. Les ouvertures du parc sont multipliées et les chemins qui l’irriguent depuis la ville se croisent et y dessinent une centralité. Le travail sur la lumière se traduit par des pièces de verre ajoutées aux terres dépolluées, elles brillent.
Un autre paradigme de cette cellule fonctionnelle est appliqué aux jardins familiaux sous la forme de petits équipements techniques. Cette microstratégie est ouverte à des usages indéterminés que l’espace public à la capacité d’inventer.
“L’objectif initial d’Europan est de donner corps à l’idée d’une Europe de la jeune architecture”, charte Europan 8. Le projet reprend les missions indiquées. S’il n’est assujetti à aucune condition de forme, il reste soumis aux règles de fond qui régissent l’architecture. Sa vocation est généreuse. Il doit maintenant rencontrer ses interlocuteurs pour transposer sa volonté opérationnelle et construite de développement.
Micro-activités : le troisième jumeau
Le trou
Panorama, le spectacle total
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Chronique Carnet de bord de la visite
Samedi 27/08/2005 13h 00 arrivée à Hénin
Halte dans un café, deux objectifs : demander une bonne adresse, un bel endroit avec vue sur le terril et acheter un opinel pour le pique-nique. Nous repartons avec un magnifique couteau avec une image sur le manche, un aigle sur un drapeau américain, il tient dans ses serres une feuille de salade ou un bouquet d’épinards.
rythmé de terrils, l’autoroute et une grosse bretelle, le Tgv, le train de banlieue, des campements de caravanes, deux à nos pieds, dont l’un au bord de la voie de chemin de fer régionale, une vaste surface commerciale, une énorme zone de fret, Delta 3, le centre ville et son dôme florentin derrière le mastaba. Nous baptisons ce terril le Pic-Nique.
14h 30 recherche du site De vrais aventuriers des temps modernes. Nous partons sans plan, sans carte, sans ordinateur. Tactique participant d’une stratégie brutale, forcer le contact avec la réalité concrète, pas de survie possible sans l’aide des habitants. Passons à côté du stade, une caravane “la fringale” vend des frites quand elle est ouverte.
13h 15 pique-nique
Une friche très vaste est accessible en voiture, occupée en bordure par un campement de caravanes. Les chemins sont nombreux, avec des carrefours. Nous stoppons la voiture après quelques intersections périlleuses entre deux terrils. Le plus haut est conique, l’autre en escalier ressemble à un mastaba. Nous déchargeons quelques kilos de matériels et, sans nous éloigner trop du véhicule, installons le premier campement. Le bruit d’une mobylette augmente, la machine se rapproche et arrive près de nous. En prenant le réseau de chemins, le conducteur s’arrête à côté d’un des nombreux tas d’ordures, un tas suffisamment volumineux pour que nous nous soyons demandé s’il ne s’agissait pas d’un autre campement. Un peu plus tard nous le voyons repartir en nous regardant et sans tomber. Après le temps d’un bon repas, une fois toutes les affaires rangées dans le coffre, nous partons à l’ascension du haut terril. L’ascension est rapide, des traverses de béton de deux mètres de long sont posées en un escalier droit jusqu’aux deux tiers du sommet. La première impression en haut est un vague vertige. Le panorama est vaste. Il combine un horizon lointain
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Sur le parking du stade, cinq voitures sont garées, décorées pour un mariage. Deux enfants sont déguisés pour l'occasion.
15h 00 mairie de Drocourt
Nous devons trouver une connexion Internet. Chez la fleuriste, un commerce propre et lumineux, on peut acheter des cadres en cuir, c’est-à-dire des cadres avec dedans un motif en cuir plié et peint qui représente une fleur noyée dans un blanc crème avec des touches de vert et de rose. Elle nous envoie au point infojeunesse, on devrait y trouver une connexion Internet, mais un samedi à la fin du mois d’août, c’est fermé. La mairie par contre et contre tout espoir, juste à côté, est exceptionnellement ouverte
pour cause de mariage. La jeune demoiselle à l’accueil nous reçoit gentiment, nous prête son ordinateur et imprime une page. Le monsieur avec elle nous conduit au site, nous le suivons en voiture. Il se gare devant la palissade de la cokerie, rue Henri Barbusse, il habite à côté probablement dans le lotissement en face, nous dit qu’on peut se balader sur le site de l’usine, mais si on veut y dormir, il y a des bâtiments ouverts, mais on en sortira tout noir. Nous décidons de faire un premier tour en voiture. Arrivés à la cité-jardin, nous nous arrêtons dans une rue charmante.
Nous pouvons embrasser d’ici tous les terrils des alentours. Ils sont nombreux. Nous rencontrons un promeneur et son chien. Ils sont surpris et le chien aboie. Chacun garde ses distances. Progression en lisière de plateau, prises de vues plongeantes du site. L'attaque soudaine d'une nuée de fourmis volantes nous fait prendre la fuite. Le promeneur nous conseille un sentier rapide pour redescendre. Longues glissades sur les pentes noires, à travers les fumerolles et nous retrouvons le boulevard des frères Leterme. Nous retraversons la cité-jardin, contents de notre ballade.
Dessin rue Serge Havet
15h 40 installation
Nous nous divisons en deux groupes. Le premier part à la découverte du terril, l’autre composé d’une personne, reste pour dessiner dans cette rue. Découverte du terril, dessin.
Je pose mon panier, siège de dessin, sur la pelouse du trottoir. La rue devant moi est courbe. Je vois trois groupes de maisons, ce sont des maisons jumelles. Chacun des couples est différent, une toiture en demicroupe, corps de bâtiment en U, ouvert sur la rue, ou à deux versants. Les garages sont les mêmes, strictement, en vis-à-vis. Ils sont devenus une pièce en plus, l’entrée se faisant latéralement par cet appendice.
Découverte du terril
Le terril est clôturé par les lotissements et par un grillage. Il est difficile d’y accéder. Nous longeons le site à la recherche d’un passage et arrivons devant un portail qui semble franchissable. Durant l’escalade, des riverains nous interpellent rudement. Nous leur expliquons vouloir explorer le terril et ils nous mettent en garde. Le site est dangereux, notamment à cause des glissements de terrain et des vapeurs toxiques s’échappant du monticule. “Attention aux taches blanches”. Il s'agit entre autres de soufre, mais on trouve aussi des émanations de sulfate et du trichloréthylène. Nous commençons l’ascension, vers un premier plateau. Le sol est instable et la progression ardue. La matière est chaude et fumante, comme vivante. L’odeur des gaz est acre et nauséabonde. Nous avons l’impression de gravir un volcan. Au bout de vingt minutes de montée, nous arrivons sur le plateau principal. Il est immense et plat, couvert de plantes sèches et piquantes. Le sol est noir. Le ciel bleu, on a de la chance avec le temps. La vue panoramique sur la région est belle.
Les voitures sont garées sur le trottoir. Une voiture se gare, l’homme sort et me dit : “Alors, chat mort ?” Comprenant ma surprise, il répète sans l’accent : “Ca mord ?” Plus qu’il n’imagine. Il rigole : “Soit vous êtes perdu, soit vous êtes mal réveillé”. Je réponds : “Ni l’un ni l’autre”. Il ferme sa voiture et rentre chez lui. Des enfants passent, me demandent ce que je fais : “Je dessine, et vous ?” Ils ont acheté une mobylette, il y a trois jours et elle ne démarre pas. Un peu plus tard, d’une maison que je dessine sort un vieux monsieur. Il s’excuse un peu, sa femme lui a dit qu’il était trop curieux, comme il est curieux, il vient voir ce que je fais. Bernard habite ici depuis cinquante-cinq ans.
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19h 30 pique-nique du soir
Il est parti à la mine en rentrant de la guerre, pour relever le pays, solidarité économique. Aujourd’hui il est silicosé à 75 %.
17h 20 retrouvailles et suite de la visite, les deux groupes se rassemblent. Ursmar, dit Gus, portrait
Nous promenant dans un lotissement en bord de terril, nous stoppons la voiture dans une rue étonnante. Des logements coquets jouxtent des parcelles occupées par des caravanes, logements mobiles sédentarisés. Dans la maison juste à côté habite Gus que nous avons croisé deux heures auparavant et il est devant sa maison. Elle n’est pas très grande, mais coquette, avec un terrain de 1500 m2 qui file jusqu’au terril. Il y a fait des travaux, agrandi le portail de 2,70 à 3,50 mètres, rénové la clôture, rafraîchi les peintures, entretenu le jardin dans lequel il a mis un poney. Mais il doit la vendre, son couple battant de l’aile. Il l’a payé 57 000 euros, il y a un an et demi, elle est aujourd’hui estimée à 74 000 euros. Nous lui demandons l’orthographe du mot terril. Un jour, il a engueulé une marchande de gaufre parce qu’elle n’avait mis qu’un f à gaufre, échalote prend un t et terril deux r.
Il nous conseille un kebab en ville, dans le centre. Nous le suivons en voiture jusqu’à la grand-place. Il a vingt-quatre ans, est employé à la Sncf. Il nous donne son numéro de téléphone si nous avons besoin de quelque chose.
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Nous attrapons des sandwichs à l’échoppe conseillée par Gus. Nous retournons à un endroit où nous sommes passés ce matin et qui donne accès au terril. J’ai un mauvais pressentiment au moment où nous nous garons. Nous avons faim, les sandwichs sentent bon dans la voiture et nous passons outre cette inquiétude. Passons par-dessus le mur, trouvons une clairière dans l’herbe folle et pauvre et nous installons en regardant le terril. Le repas est bon et la nuit tombe, nous regagnons la voiture avec le projet d’un ravitaillement en nourriture pour demain. A l’approche du mur, le même pressentiment que tout à l’heure mais plus fort, je cours. Une mobylette part. Nous montons dans la voiture qui est toujours là, démarrons, les deux pneus à l’avant ont été crevés. Il faut appeler l’assurance. Un homme est dans son camion, un peu plus loin sous la lumière. Je lui demande s’il n’a rien vu, il est dans son camion depuis une demi-heure, et n’a rien vu. Il descend et nous tient compagnie pendant que nous débrouillons la situation. Il s’appelle Roger.
Roger, portrait
Roger est dans son camion, dans la nuit, garé cent mètres devant notre voiture vandalisée. Dans le coin, on l’appelle le polonais. Il est né à Hénin de père polonais et de mère ukrainienne. Corpulent, la cinquantaine, bonne moustache et calvitie, lunettes pour lire, T-shirt rouge et barbe de trois jours, chauffeur poidslourd il convoie aujourd’hui des jambons qu’il étiquette “fumé, Parme, York” pour qu’ils soient traités en usine. Divorcé, calme, le soir il aime écouter de la musique dans son camion. “Ceux qui sont partis quand l’usine a fermé en 1987 n’étaient pas malheureux, ils sont
partis avec 35 plaques, 35 millions de centimes, d’autres sont partis à la retraite à cinquante-cinq ans, d’autres encore ont eu des tickets-restaurant pour dix ans. Quand les camions tournaient au coin de cette rue, du charbon tombait, et toute la nuit, on entendait le raclement des pelles sur le bitume, les gens le ramassaient. Souvent c’était une combine avec les chauffeurs ou alors un chargement trop pressé qui se faisait en trois camions plutôt que quatre”.
briques est écrit à la peinture : “Vivre et travailler à Drocourt”.
Hakim, portrait
Il n’est pas rentré à la mine parce qu’on y buvait trop. Il aime bien boire, mais quand il veut. Plus tard il nous dira que s’il était rentré à la mine, son père lui aurait cassé la gueule. Pour rentrer à la mine, il fallait passer par le curé. L’histoire anarchiste liée aux mines est teintée d’anticléricalisme.
Il nous donne de l’eau, du pain, des tomates et son numéro de téléphone au cas où demain on aurait un problème, il se propose de venir nous chercher avec les pneus pour les changer. La dépanneuse arrive, charge tant bien que mal notre machine roulante. Quand nous partons, Roger est toujours là, à côté de son camion et nous salue. Sur le mur en
Pendant que nous tentons de régler l’affaire avec l’assurance, je regagne la voiture garée dans le noir pour la ramener plus près de nous dans la lumière. Un homme marche dans ma direction, une silhouette, il me salue. Hakim est gardien de la maison devant laquelle nous nous étions garés, comprend après un temps d’adaptation que nous sommes en difficulté. Il nous dit que nous aurions dû nous garer chez lui : “Mais pourquoi ne vous êtes vous pas garés chez nous ? Faut vous faire connaître ! Mais le portail était ouvert, fallait rentrer ! Mais il fallait sonner ! Faut vous faire connaître ! En plus vous êtes parisiens ! Mais il fallait rentrer ! En plus vous êtes architectes ! Allez venez boire un coup. Mais pourquoi ne vous êtes-vous pas garés chez nous ?”
Jano, portrait
Une tête de Popeye, sans dent avec un nez un peu écrasé sous une casquette bleue, un jogging et des basquets. Il a vingt-trois frères et sœurs et a été vingt ans dans les commandos. Avec le C4, il va tout faire péter, l’usine de peinture, le truc là-bas, et ça aussi. Il a dans l’avantbras un trou de vingt centimètres de diamètre, à cause d’un obus pendant la guerre d’Irak, on nous dira le lendemain que c’est plutôt à cause du buraliste qui a tiré quand il a braqué le tabac à côté de chez lui. Il part demain à Monaco, parce que lui aussi travaille dans la sécurité. Il a cinquante-cinq ans et est fier de ne pas les faire, il ne les fait pas mais dans l’autre sens. Son fils s’appelle Bertrand, il est sous-marinier et nous offre deux canettes de Ice-tea. Il a tiré avec son 257 magnum dans l’épaule d’un type qui est rentré chez lui. Il a aussi tué le chien de la voisine. Son expression c’est “Tête de mort”. Il est aussi forain. Hier il a explosé trois molosses avec des épaules et des muscles comme ça, en mettant un coup de pied sous le genou. Tous les conducteurs de camion venaient manger
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chez lui. Il a un sacré accent, il parle “chti”. Il a tout fait. Nous le soupçonnons de mythomanie. Nous commençons à avoir mal au crâne. L’odeur est très forte, c’est l’usine Crévallée. Peut-être de l’acétone, il paraît que ça sent tout le temps. Jano va faire péter tout ça.
Bélo, portrait
Bélo le dépanneur arrive vers 23h 00. Jovial et costaud, T-shirt orange avec une sacrée bonne gueule de second couteau dans un film d’Audiard, son camion a quarante-cinq ans. Une console bricolée au-dessus du tableau de bord a plein de boutons : “Faut pas les toucher sauf deux, pour les phares”. Il roule bien mais pas franchement droit. Il faut tenir le levier de vitesse qui se fait la malle. Il veut nous emmener au Mac Ewxann’s, un bar ouvert à Lens. On dirait pas non si on n’en avait pas plein les bottes. Pas facile de trouver le chemin, le maire est en train de tout changer, la ville est en chantier. Les résultats du concours pour le petit Louvre vont bientôt tomber. Ça représente un espoir certain pour la commune. Il n’abîme pas trop la voiture en la chargeant et la déchargeant. A la station, le taxi est là. Le chauffeur connaît Bélo, mais pas plus que ça. Il nous dépose à l’hôtel Campanile de Hénin. Ça nous semble loin de Lens,
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nous revenons à la case départ. Il nous dépose devant la grille parce qu’il a peur de ne pas ressortir, et que, de toute façon, il n’y a pas plus de dix mètres, mais si on veut il peut porter nos bagages. Nous le laissons devant la grille. A l’hôtel il faut téléphoner à un numéro, l’accueil est sommaire à cette heure. Le gardien de nuit en charge des trois hôtels de la zone arrive rapidement. Il est en costume réglementaire, en noir, cheveux courts, chaussures militaires, souriant. Il nous conduit à nos deux chambres, nous le perdons dans la poursuite. Chaque chambre est rigoureusement identique. Dans chacune, deux lits jumeaux, un tableau au mur, dans l’axe la télévision, une console en plastique produisant du café et des gâteaux.
Dimanche 28/09/2005
Le petit-déjeuner est copieux et rapide. A l'hôtel sur un présentoir une trentaine de prospectus sur les attractions du coin, c'est-à-dire dans une région comprise entre le nord de Paris, la Manche et la Belgique ; beaucoup de parcs de loisirs, de parcs naturels, de rares musées, plusieurs champs de bataille. Le taxi arrive pour nous amener à la station. C’est le même chauffeur qu’hier, pas sympathique. Sur la route, il nous montre Delta 3, plateforme multinodale : rail, route, eau. Une grosse opération dans la région qui démarre timidement. Nous aimons le titre de ce programme.
A Lens par contre, si nous sommes contents de voir le stade Bolaert, nous sommes déçus de donner raison au chauffeur de taxi en ne trouvant aucun garage ouvert. Même la station ne peut rien pour nous. Nous rappelons donc le taxi pour qu’il nous ramène à l’hôtel. Un “Je vous l’avais bien dit” arrive rapidement dans la bouche du chauffeur qu’on n’aime pas trop. “La région n’est pas sûre” nous dit-il, lui-même est armé d’une espèce de flashball. Il a un chien, le chien donne, après il tire, sans hésiter. S’est fait casser trois taxis, en a un pour la nuit et un pour le jour. Ce matin nous avons donc un taxi bien plus beau qu’hier soir. L’arrivée à l’hôtel suscite une longue discussion fournie sur notre projet, échange de réflexions, références, images. Nous partons ensuite à pied pour le site, chargés de sacs, d’une pelle et d’une pioche. Besoin de cigarette. Le premier tabac que nous trouvons après une heure de marche est à moitié fermé : “Alors pourquoi vous ne m’avez pas téléphoné ?”
il travaille : “A trente mètres, avec mille mètres en dessous”. Roger nous accompagne sur le terril. Nous allons creuser un trou. Sans prendre la pelle, il est intarissable sur l’histoire de la mine et du sol dans lequel nous creusons.
Roger, portrait 2
Roger est ici, c’est un peu son Q.G. “Pourquoi ne m’avez-vous pas téléphoné ? Je serai venu vous chercher !” Le bar, sur le point de fermer, accepte de nous servir un verre. “Il faut venir ici le troisième jeudi de novembre, pour le beaujolais nouveau, il y a du pâté, des amuse-gueules, c’est la fête, il faut venir.” Il achète du cheval à cinq euros le kilo, le type lui donne du saucisson, et à partir de cinq kilos, le kilo passe à quatre euros. Roger nous apprend à fabriquer un cocktail Molotov, un seau de brun, une mine et une voiture piégée.
Une fois le trou creusé et une dernière escapade sur le terril pour récolter un extrait botanique, nous pique-niquons ensemble sur la pelouse devant chez lui. Il nous ramène un gros jambon, deux jeunes nous déposent un paquet de chips. Deux enfants passent sur le trottoir opposé. Le plus grand, en short, pousse une charrette avec deux planches à voile, le second, en rouge avec une casquette, tient une tronçonneuse électrique. Nous les photographions et ils nous rejoignent. Daniel veut une cigarette. Il dit avoir seize ans mais en fait douze. Rodrigue se donne onze ans, il a reçu à la maison un livre sur les mines, sur le projet, on ne comprend pas bien, mais il part chez lui le chercher, revient un quart d’heure plus tard sans avoir mis la main dessus.
Il nous raconte des histoires de la mine, la façon dont les gens travaillaient, la façon dont on produisait. Le mot terril s’écrivait d’abord sans l, mais un jour un journaliste demandant à un mineur son orthographe, se vit répondre, comme fusil. Une autre histoire. Son voisin couvreur travaillait sur le chevalet de la mine. Roger lui demande à quelle hauteur
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JS
Stratégie et programme
JSI - Je Suis Ici
Praxis
JSI - Je Suis Ici
“Je Suis Ici” est la première voie. Elle est ascendante.
La praxis est “l'action qui peut changer le monde”, Larousse.
Présence augmentée Il s'agit d'être présent sur le site et de s'y impliquer pour que le projet existe, pour apprendre à le connaître, lui donner corps au présent.
Un outil d'utopie Dans la terminologie marxiste : “Ensemble des activités humaines susceptibles de transformer le milieu naturel ou les rapports sociaux.” C'est une entreprise utopique concrète portée sur la ville.
“Je Suis Ici” est une stratégie affirmée. La stratégie urbaine active est à la convergence de trois modes opératoires, ascendants et descendants.
L'autre ville La ville est avant tout tournée vers ceux qui l'habitent ; le projet vient à leur rencontre. Ressources nécessaires Il faut trouver des ressources, c'est nécessaire. Ces ressources sont présentes, il faut les identifier et les mettre en chantier.
Orthopraxie “La question du bien est aussi proche que possible de notre action”, L'éthique de la psychanalyse, Lacan. Le raisonnement est plus qu’un développement théorique, le projet ne peut se contenter d’être orthodoxe (orthos : droit, correct ; orthos doxa : opinion), il doit aussi être “orthopraxe”.
Valorisation L'action a des références multiples, abstraites et concrètes. Elle met en œuvre les outils conventionnels de l'architecte et intègre des langages artistiques et vernaculaires. La richesse de cette panoplie produit de la valeur.
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programme 2 - le troisième jumeau
programme 3 - le trou
La ville est activée. Le logement s'y développe de façon contrôlée et mixte. La famille des logements s'agrandit. Une économie de fourmi s'y déve-loppe
Le dernier programme est au centre, caché comme les kilomètres de galeries sous nos pieds.
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Le trou
Le trou est le mode opératoire descendant. Ouverture Le trou dans le mur permet à la lumière d'entrer. Le trou est une idée qui relie les villes, un vide en attente. Il échappe au temps et à la matière. Hyperdensité verticale Comme le trou noir attire, la matière absente est plus dense. Le trou étant opéré sur le sol, le mouvement qui le crée est vertical. Tératologie urbaine Le projet tend vers une ville qu'on ne voit pas mais qui participe de la ville existante. Cette ville est sensible, cachée, ses limites sont floues. “Il existe un autre monde, mais il est dans celui-ci”, Paul Eluard.
programme 1 - le panorama On ne la voit pas mais elle fait pourtant partie de la ville pour ceux qui l'habitent. Comme un trou, ses limites sont vagues.
Le terril nous regarde plus que nous le regardons. Il nous voit arriver de loin. Il voit les autres terrils et la ville boit à son sein.
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Le troisième jumeau
Micro-activités
L'article de “Sciences et vie” n°1042, sur les récifs artificiels présente la possibilité d'immerger des dizaines de milliers de mètres cube de structures en béton pour donner du relief à des fonds marins dépeuplés et ainsi permettre à des biotopes de reconquérir un territoire. Par rapport à la typologie de maisons jumelles fortement présente dans cette région, le troisième jumeau densifie le bâti. Sous ce titre se développe une typologie d'intervention de petite dimension. Elle s'implante contextuellement dans le tissu de la ville. Sa finalité est de donner du relief pour qu'une activité trouve refuge et s'amorce.
Un module de base dont les dimensions sont celles d'un garage disséminé, principalement dans les tissus pavillonnaires. Cet appendice à la maison est tourné vers l'espace public.
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Pépinières
Objets ouverts ou latents
Les pépinières d'entreprise sont des regroupements de ces modules. Sur le principe de l'hôtellerie moderne, une architecture économiquement simple à mettre en œuvre centralise des activités mutualisées.
La réduction du module de base produit des structures plus légères. Ce sont des toits, des chapiteaux, du mobilier urbain, un traitement de sol. Elles sont destinées à accueillir des usages moins déterminés, des occupations provisoires ou mobiles tels que pique-nique, marché, spectacle.
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Reportage photographique / Point de vue constant sur un détail urbain
Contre-plongées
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La ville la nuit
Réseaux
Voyage d’études au Japon Workshop Tokai university / Tokyo Soho in Tokyo 28 octobre - 4 novembre 2005 Groupes de projet
Etudiants de semestre 4
Anne-Laure Aliaga Farnaz Tashbigoo Pierre-Charles Emery Alexandra Pierrakos Antonia Georgoulia Christina Anagnostidi Christophe Largilière Rifat Nassif Benjamin Philippe
Découverte du Kansaï Pratiquer l’espace japonais L’architecture avec les pieds mais sans chaussures 5 - 13 novembre 2005 Professeurs Jean-François Erhel Frank Salama Assistantes Natacha Jaume Anne-Lise Leymarie
Tsanta Andriamanantena Bérengère Voizard Huguette Ruzibiza Joaquim Silvestre Félix Millory Guillaume Dufilho Nourredine Bouzid Charles-Eric Edwards Eric Boyer Arolld El Baze Joseph Battistelli Georges Kallouf Cang Chen Alexandre Chabrot Maxime Gimbert Alexandre Sarazin Pierre-Henri Petillault Taïchi Sunayama
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Projet lauréat Alexandre Sarazin Pierre-Henri Petillault Kaïci Sunayama
Tokai university Accueilli par le professeur Tatsuo Iwaoka, logé au cœur de la capitale dans le campus universitaire de Yoyogi-Park, le groupe a bénéficié, le matin, de cours en français sur l’architecture japonaise et participé, le reste de la journée, à un workshop dont le thème était un “Small Office Home Office”. SOHO est un nouveau type de programme très répandu au Japon. Il mixe le logement avec une activité professionnelle dans un espace forcement minimal : travail à domicile, domicile au travail.
L’expérience a permis de mettre au point une convention d’échange internationale entre les deux écoles. Parallèlement et dans la perspective d’une exposition à l’Esa, il a été demandé aux étudiants de choisir un détail urbain qu’ils devaient photographier de manière systématique en choisissant un point de vue constant.
Découverte du Kansaï
De tout temps l’architecture japonaise a intégré la mixité des programmes. Dans l’architecture traditionnelle, il existe des exemples de ferme / logement, de pharmacie / restaurant / logement, de boutique / logement. Ce n’est pas tant dû au manque de place qu’au goût des japonais pour la densité. Aujourd’hui en raison de l’étalement infini des villes et de la longueur des transports, ce type de programme redevient d’actualité. Nous avons constitué neuf groupes mixtes, deux étudiants japonais et trois français. La communication, qui aurait pu passer par l’anglais, seule langue commune, est naturellement passée par le dessin et la maquette. Les trois premiers jours, les étudiants japonais ont guidé les étudiants français dans la mégalopole de Tokyo / Yokohama pour trouver un site approprié. Une première présentation a permis de justifier le choix du site et les intentions du projet. Le jury final composé de trois enseignants japonais et de deux français, a jugé les travaux sur powerpoint et maquettes. Il s’est conclu par une remise de prix aux meilleurs projets.
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situés sur Omote Sando, le musée des trésors Horyu-ji de Tanigushi, Hillside residence de Maki. Chaque visite a fait l’objet d’un exposé préalablement préparé et d’une séance de croquis. De retour à Tokyo nous avons visité un village reconstitué, un ensemble de maisons traditionnelles de différentes époques, Minka-en. Cela nous a permis de faire le lien entre l’architecture contemporaine japonaise et ses racines, de vérifier la grande sophistication de l’espace traditionnel. Au-delà de l’évolution des formes et des matériaux nous avons pu constater la continuité des modes de vie et de certains concepts comme la légèreté, la modularité de l’espace, le rapport à la nature, mais surtout la permanence de la qualité du vide. Frank Salama Croquis et photos Jean-François Ehrel
Basés à Kyoto, nous avons visité, le matin, des temples et des jardins zen : Royan-ji, Entsui-ji, Kinkaku-ji, Daitoku-ji. L’après-midi, avec le concours de quelques architectes, nous avons visité des réalisations : Tofu house avec Jun Tamaki, White house avec Thomas Daniell, Aura house, Agence Foba, Times 1, le musée des Beaux-arts, le musée Chichu, Bennessi house, les logements Rokko 1/2/3 de Tadao Ando, le terminal de Yokohama, une brochette de projets
Arolld El Baze Joseph Battistelli Georges Kallouf
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Travaux d’atelier Deuxième cycle Anomalie sauvage Wild anomaly Professeur François Roche / Atelier R&Sie...(n) Assistant Alexandre Pachiaudi
* Textes extraits de “I’ve heard about” R&Sie... (n), Protocole territorial / Neighboorhood protocol, 2005 / “Substances affectives”. Jury : Benoît Durandin, Philippe Morel, François Roche, architectes.
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“Je me souviens : que l’idée d’une médiation nécessaire, de type contrat social, appartenait essentiellement à une conception juridique du monde, telle qu’elle s’élaborait avec Hobbes, Rousseau, Hegel. Qu’au contraire chez Spinoza, les forces étaient inséparables d’une spontanéité et d’une productivité qui rendaient possibles leur développement sans médiation, c’est-à-dire leur composition. Elles étaient en elles-mêmes les éléments de socialisation. Que Spinoza pensait immédiatement en termes de multitude et non d’individu, pour une conception de la composition physique et dynamique qui s’oppose au contrat juridique. Les corps étaient pensés comme forces. En tant que tels, ils ne se définissaient pas seulement par leurs rencontres et leurs chocs au hasard, état de crise, ils se définissaient par rapports entre une infinité de parties qui composent chaque corps, et qui le caractérisaient déjà comme une multitude.”
“I remember : that the idea of a necessary mediation, a kind of social contract, was essentially based on a juridical conception of the world, as elaborated by Hobbes, Rousseau and Hegel. For Spinoza, on the contrary, forces were inseparable from a spontaneity and a productivity that made their development possible without mediation, i.e. their composition. They were elements of socialization in and of themselves. Spinoza thought directly in terms of the multitude and not individuals, in a conception of physical and dynamic composition in opposition to the juridical contract. Bodies were conceptualized as forces. As such, they were defined not only by their random encounters and collisions, state of crisis, they were defined by relationships between an infinite number of parts making up each body, which already characterized that body as a multitude.”
“Que le déficit de démocratie dans la fabrication de la ville ou l’abus d’un outillage datant d’une période où la raison de quelques-uns présidait à la destinée du plus grand nombre, ne permettait pas d’assumer les mutations dues à la fragmentation des mécanismes informationnels et productifs.”
“That the democracy deficit in the making of the city and the abuse of tools dating from a period where the reason of a few presided over the destiny of the many made it impossible to take on board mutations produced by the fragmentation of informational and productive mechanisms.”
“Que l’espace libéral avait été construit en termes de contrôle social, et que la ville contemporaine du XXe siècle en gardait et révélait tous les stigmates.” *
“That liberal space was constructed in terms of social control, and that the contemporary 20th century city retained all the stigmata of that.” *
Gilles Deleuze Introduction à Anomalie sauvage, Toni Negri, Puf, 1982.
Gilles Deleuze Introduction to Wild anomaly, Toni Negri, Puf, 1982.
Pensons la ville comme un processus stochastique en évolution et en perpétuelle négociation. Dans un tel processus, la prédiction du futur à partir du présent ne nécessite pas la connaissance du passé. Processus stochastiques / Algorithme de marche aléatoire, générer de la singularité. Pixelisation du fragment unité de déplacement : deux mètres. Définition d’un espace minimum habitable au sol.
La distorsion des sections traduit l’apparition de fonctions différentes le long des parcours de croissance.
Yona Friedman ghost
Introduction de négociations sociales contrôle de l’aléatoire, ainsi les structures habitables reposent l’une sur l’autre contribuant à la stabilité de l’ensemble. Colonisation des structures habitables à l’aide de palans - circulation verticale + modules détachables - aménagement intérieur.
Rafaël Bonet 4.1 Hadi Cherak 4.2 Mathieu Merlen 4.2
Negocity
Utilisation de ce processus à plusieurs échelles pour la conception des structures : croissance - lumière et sections fonctions. La croissance des structures se fait selon deux paramètres : lumière - croissance verticale et horizontalité - déplacements nord / sud / est / ouest.
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Dark water
Descente dans le terrier de la grenouille
Marécages
“… lorsque, brusquement, une grenouille verte aux yeux roses passa en courant tout près d’elle. Ceci n’avait rien de particulièrement remarquable ; et Alice ne trouva pas non plus tellement bizarre d’entendre la grenouille se dire à mi-voix : “Oh, mon Dieu ! Oh, mon Dieu ! Je vais être en retard !” Cependant, lorsque la grenouille tira bel et bien une montre de la poche, regarda l’heure, et se mit à courir de plus belle, Alice se dressa d’un bond, car, tout à coup, dévorée de curiosité, elle traversa le champ en courant à sa poursuite, et eut la chance d’arriver juste à temps pour la voir s’enfoncer comme une flèche dans un large terrier placé sous la haie.
Charles Lombard 4.2 Weiwei Fan 4.1 Michael Klein E. I.
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Un instant plus tard, elle y pénétrait à son tour, sans se demander une seule fois comment diable elle pourrait bien en sortir. Le terrier était d’abord creusé horizontalement comme un tunnel, puis il présentait une pente si brusque et si raide...” Lewis Caroll Alice au pays des merveilles Flammarion, 1970.
L’environnement est soumis à une matière. Il s’agit d’un gel ni solide ni liquide. Epaisse et profonde, la masse de gel se meut imperceptiblement et impose des cycles.
Une meute tunnelière vient percer des tranchées et figer la matière par polymérisation pour produire des cavités habitables. Mais la matière est dense : elle écrase ces cavités jusqu’à les détruire.
Une espèce d’animal biomécanique, sorte d’énorme bras dont le rayon d’action s’étend sur l’ensemble du fragment, projette le gel en même temps qu’il le régénère.
Celles-ci sont reproduites à chaque passage de la meute. L’animalité de l’environnement repose sur le principe de fonctionnement du système.
The frog Chimères Marie Vic 4.2 Christian Hald E.I. Salem Mostefaoui 4.2
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Swarn neighborood A* Max Turnheim 4.1
'----COLIBRIScript------Dec. 2005***************************************************************** 'This Script is copyright of Max Turnheim / www.maxturnheim.com**************************************************** '--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'Two Elements: an imaginary flower, an imaginary bird. 'If the male and female flowers are to close to each other, they both die. 'Only the bird can fecondate the female flower. To achieve this action he must first fly to the male flower, 'then 'to the female flower. ' 'The purpose of this script is find the shortest path through these elements (A* algorithm). '--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------Dim arrBox,xDistance,yDistance,zDistance,strContainingPolySurface,dblHalf, blnParityResult,strLayer Dim blnMyOwnIsPointInSurfaceResult,intLowestValue,strNode,currentNode, arrStrAdjacentNodesCoor,intSimplificationFactor Dim arrNestPoint,arrMaleFlowerPoint,arrFemaleFlowerPoint,x,y,z,myX,myY,myZ, arrTargetNode,strAdjacentNodes,adjX,adjY,adjZ Dim arrAdjacentPos,Heuristic,IsThereAnObstacleBetweenUsResult, arrShorterPolyLine,oldA,arrLayers ReDim arrPolylinePoints(-1) Dim IntTempGValue Dim strCurrentNode ReDim arrAllNodes(-1) ReDim arrAdjacentNodes(-1) ReDim arrNode(0,0,0) ReDim arrPolylineNodes(-1) '--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------Public Function AnalyseContainer() arrBox = Rhino.BoundingBox(strContainingPolySurface) xDistance = Rhino.Distance (arrBox(0), arrBox(1)) yDistance = Rhino.Distance (arrBox(0), arrBox(3)) zDistance = Rhino.Distance (arrBox(0), arrBox(4)) End Function '--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------Public Function myOwnParity(a) Dim dblHalf dblHalf = a / 2 If dblHalf = Int(dblHalf) Then blnParityResult = True Else blnParityResult = False End If End Function '--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------Public Function MyOwnIsPointInSurface(surface,pointcoordinates) Dim arrEndPointOfLine,strCurve,arrCBX,intNumberOfIntersections ReDim arrZX(-1) 'an array containing the z-values of the intersection points strLayer = "CurveBrepIntersectionPoints" If Not Rhino.IsLayer(strLayer) Then Rhino.AddLayer ("CurveBrepIntersectionPoints") End If Rhino.CurrentLayer("CurveBrepIntersectionPoints") arrEndPointOfLine = Array(pointcoordinates(0),pointcoordinates(1), pointcoordinates(2) + 1000) strCurve = Rhino.Addline (pointcoordinates,arrEndPointOfLine) arrCBX = Rhino.CurveBrepIntersect (strCurve, surface) Rhino.DeleteObject (strCurve) If IsArray(arrCBX) Then intNumberOfIntersections = UBound(arrCBX) + 1 myOwnParity(intNumberOfIntersections) If blnParityResult = False Then blnMyOwnIsPointInSurfaceResult = True Else blnMyOwnIsPointInSurfaceResult = False End If 'Rhino.DeleteObjects arrCBX Else blnMyOwnIsPointInSurfaceResult = False End If End Function '--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------Public Function getMyDaddy(node) daddyNode = node(4) ReDim Preserve arrPolylineNodes(UBound(arrPolylineNodes)+1) arrPolylineNodes(UBound(arrPolylineNodes)) = daddyNode node = daddyNode If IsArray(node(4)) Then getMyDaddy(node) End If End Function
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'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------Public Function IsThereAnObstacleBetweenUs(A,B) strLayer = "RealFlightPath" If Not Rhino.IsLayer(strLayer) Then Rhino.AddLayer ("RealFlightPath") End If Rhino.CurrentLayer("RealFlightPath") strCurve = Rhino.Addline (A,B) strLayer = "CurveBrepIntersectionPoints" If Not Rhino.IsLayer(strLayer) Then Rhino.AddLayer ("CurveBrepIntersectionPoints") End If Rhino.CurrentLayer("CurveBrepIntersectionPoints") arrCBX = Rhino.CurveBrepIntersect (strCurve, strContainingPolySurface) If IsArray(arrCBX) Then IsThereAnObstacleBetweenUsResult = True Rhino.DeleteObject strCurve Rhino.DeleteObjects arrCBX Else IsThereAnObstacleBetweenUsResult = False End If End Function '--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------Public Function MakeShorterLine(A,B) If Not B = LBound(arrPolyLinePoints) Then A = LBound(arrPolyLinePoints) Do IsThereAnObstacleBetweenUs arrPolyLinePoints(A),arrPolyLinePoints(B) A=A+1 Loop Until IsThereAnObstacleBetweenUsResult = False MakeShorterLine LBound(arrPolyLinePoints),A-1 End If End Function '--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------Public Function The_A_Star_Algo() Dim openListLenght intLowestValue = 10000000000 For x=0 To Round(xDistance/intSimplificationFactor) For y=0 To Round(yDistance/intSimplificationFactor) For z=0 To Round(zDistance/intSimplificationFactor) If arrNode(x,y,z)(8) = "open" Then If arrNode(x,y,z)(5) < intLowestValue Then intLowestValue = arrNode(x,y,z)(5) myX = x myY = y myZ = z End If End If Next Next Next Rhino.CurrentLayer("FlightPath") arrNode(myX,myY,myZ)(8) = "closed" arrPointToDraw = Array(myX,myY,myZ) ReDim arrAdjacentNodes(-1) If Not myX = Round(xDistance/intSimplificationFactor) Then ReDim Preserve arrAdjacentNodes(UBound(arrAdjacentNodes) + 1) arrAdjacentNodes(UBound(arrAdjacentNodes)) = Array(myX+1,myY,myZ) End If If Not myX = 0 Then ReDim Preserve arrAdjacentNodes(UBound(arrAdjacentNodes) + 1) arrAdjacentNodes(UBound(arrAdjacentNodes)) = Array(myX-1,myY,myZ) End If If Not myY = Round(yDistance/intSimplificationFactor) Then ReDim Preserve arrAdjacentNodes(UBound(arrAdjacentNodes) + 1) arrAdjacentNodes(UBound(arrAdjacentNodes)) = Array(myX,myY+1,myZ) End If If Not myY = 0 Then ReDim Preserve arrAdjacentNodes(UBound(arrAdjacentNodes) + 1) arrAdjacentNodes(UBound(arrAdjacentNodes)) = Array(myX,myY-1,myZ) If IsArray(arrAdjacentNodes) Then For Each strAdjacentNodes In arrAdjacentNodes adjX = strAdjacentNodes(0) adjY = strAdjacentNodes(1) adjZ = strAdjacentNodes(2) arrAdjacentPos = Array(adjX,adjY,adjZ) Heuristic = Rhino.Distance(arrAdjacentPos,arrTargetNode) If arrNode(adjX,adjY,adjZ)(3) = "undefined" Then arrStrAdjacentNodesCoor = Array(arrNode(adjX,adjY,adjZ)(0),arrNode(adjX,adjY, adjZ)(1),arrNode(adjX,adjY,adjZ)(2)) MyOwnIsPointInSurface strContainingPolySurface,arrStrAdjacentNodesCoor If blnMyOwnIsPointInSurfaceResult = True Then arrNode(adjX,adjY,adjZ)(3) = "flyable" Else arrNode(adjX,adjY,adjZ)(3) = "not flyable" End If End If If arrNode(adjX,adjY,adjZ)(3) = "flyable" Then If Not arrNode(adjX,adjY,adjZ)(8) = "closed" Then If Not arrNode(adjX,adjY,adjZ)(8) = "open" Then arrNode(adjX,adjY,adjZ)(8) = "open" arrNode(adjX,adjY,adjZ)(4) = arrNode(myX,myY,myZ) arrNode(adjX,adjY,adjZ)(6) = arrNode(myX,myY,myZ)(6)+10 arrNode(adjX,adjY,adjZ)(7) = Heuristic*10 arrNode(adjX,adjY,adjZ)(5) = arrNode(adjX,adjY,adjZ)(6) + arrNode(adjX, adjY,adjZ)(7) Else IntTempGValue = arrNode(adjX,adjY,adjZ)(6) If arrNode(adjX,adjY,adjZ)(6) < arrNode(myX,myY,myZ)(6) Then arrNode(adjX,adjY,adjZ)(6) = IntTempGValue arrNode(adjX,adjY,adjZ)(4) = arrNode(myX,myY,myZ) arrNode(adjX,adjY,adjZ)(7) = Heuristic*10 arrNode(adjX,adjY,adjZ)(5) = arrNode(adjX,adjY,adjZ)(6) + arrNode(adjX, adjY,adjZ)(7) End If End If End If End If Next End If While Not arrNode(arrTargetNode(0),arrTargetNode(1), arrTargetNode(2))(8)="closed" The_A_Star_Algo() Wend End Function '--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------'--------------------------------------------------------------------------------------------Public Function MyOwn_A_Star_Algorithm(arrStartNode,Target)'point coordinates (3D Arrays) strLayer = "FlightPath" If Not Rhino.IsLayer(strLayer) Then
Travaux d’atelier Deuxième cycle Atelier international Professeur Peter Cook Phase 3 / Musique d'architecture Choisir un morceau de musique et créer une composition architecturale qui sera le produit de l'analyse ou de l'interprétation de ce morceau musical. Il s'agit de concevoir l'architecture d'une façon directe et non programmatique.
Sujets Phase 1 / Vivre et travailler Mélanger la condition dans laquelle ces activités pourraient être re-combinées. Au-delà d'une tendance architecturale et institutionnelle de mettre deux activités dans deux bâtiments séparés. Il s'agit, en résumé, d'inventer une nouvelle typologie. Phase 2 / Secret urbain Reprendre une façade parisienne et présenter un intérieur secret, un deuxième monde interne. Il faudra montrer les projets en tant que maquettes physiques qui révèlent progressivement le secret pendant leur présentation.
Assistante Anna-Theodora Galanou
Phase 4 Il est demandé à chaque étudiant de choisir un projet parmi les trois et de le développer durant les six dernières semaines du semestre en vue du rendu final. Le 15 décembre 2005, le jury final, présidé par Peter Cook, et composé de Alain Pélissier, directeur de l’Esa, Odile Decq, Isabel Hérault, professeurs à l’Esa et Brendan McFarlane, Yael Reisner et Caroline Rabourdin, personnalités extérieures, s’est prolongé par une exposition publique des travaux. Plus tard, Peter Cook a rassemblé les étudiants autour d’un dîner. Moment inoubliable, où de façon conviviale, ils ont librement parlé d’architecture.
Relaxarium Charlotte Cote 4.1
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The complex
The footbridge
Martin Meyer 5.1
In the final project the very industrial crane bridge used to provide extra spaces for the flats becomes the spinal cord of the complex. Its now the link for pedestrian between the two sides of the project. It is the carrying structure for the heart and fluids coming out of it. Base jump initiation also uses this footbridge as the plateform. A nice place to enjoy the view on the street and the tank.
The heart In the final project the very organic and symbolic heart of the music project becomes a very technical entity. Its now the pump for the complex in terms of air and water. It is also the location of the aptitude test center. This transformation also results in a simplification of the form in its adaptation to the fonction. Two tubes are now going through this mechanical heart, one for air, one for water.
The tank The diving tank is the element which does not change from the short project to the final project in terms of program and location. Only the materials change to match the general expression of the sport complex.
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Activities
The facade
The kiosques
A unique place for special activities in an urban environment.
Haussmannian climbing. Base jump simulation from the top of the footbridge.
Meet and share. Extra spaces for the planned activity of your choice.
The court
The bar
Play ball on the roofs. Enjoy the urban courthouse.
Relax now ! Connect via Internet to people's profiles when they are in the building.
The tank Diving in an urban backyard. Updated online database on all fishes available for the divers inside the tank's stations.
The heart Cardio test center. Diving aptitude test to give you access to the tank.
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No_squat Yorgos Loizos 5.1
Yorgos Loizos 6, rue SĂŠguier 75006 Paris tornadobull@gmail.com Paris, 28 november 2005. Dear sir director, Currently student of fifth year, I take part in the studio carried out by P. Cook. This workshop is the occasion for me to think over the question of living and working. How to exert, two fundamental and constitutive practices of the human activity, under the same territory ? This is the objective of my research. To work is to mark the space of its presence ; it is to give sense in a time set or certain or prearranged to the place. To work, is to live.
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I decided to assume, consider my daily practices as guinea-pig of the creative process. Since the beginning of the semester, I committed myself to a series of experiments based on my reports held in various territories. The assessment is clear : there exists an obvious interaction between space and who, the one that, the person that occupies it. However, the cycle of these experiments proves that the various places in which I evolve are up to that point only undergone. Our school is a figure of undergone territoriality. Indeed, at the same time place of work and socialization, it is the theater of my realization. At school, I live. But for it I am nothing since I never sense there my presence, our presence. The stake of this semester for me poses the boundary stones for my diploma work. In december the 15th will take
place the jury of the workshop P. Cook and there I will present my occupation of territory within the enclosure of our school. I intend to propose an alternative mode of its habitability. My submission consists of a one to one scale hypothesis of reconfiguration of my/our workspace in our school. I intend to come and live in the nonelands left by the current configuration. It subjects the charting of residual spaces of the establishment. My action will be primarily situated in the old corpse of building, hall, amphitheater E, mezzanine. Before launching any type of manufacture, I am firstly appointed to keep you informed of my project intentions. I will not undertake anything without your prior agreement. For the good unfolding of my submission, there are some fundamental details
for I must ensure myself at this point : I will need to be able to have access to the places of my intervention everyday from 6 o'clock in the afternoon until 3 o'clock in the morning whereas they will have to be unrestricted the day of the presentation. The installation will be offered to the graduated students and will perpetuate until they decide to end it. I sincerely hope for the mobilization of a collective studying to carry on this type of steps. None of my aspirations will be undertaken without your agreement. I await to your answer. It is the catalyst of the advance of my work. You can join me by postal or electronic mail to the addresses mentioned above. Looking forward to your approval. Sincerely yours. Yorgos Loizos
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Travaux d’atelier Deuxième cycle Mix-Cité Professeur Isabel Hérault avec la contribution de Chris Younès Assistant Yorgos Loizos
Le terme de mixité, un peu galvaudé par sa connotation politiquement correcte, désigne néanmoins un des fondements de l'équilibre des systèmes urbains dans leur capacité à faire coexister les diversités. En architecture, la mixité signifie tout un champ de combinatoires possibles entre des données temporelles, spatiales, sociologiques, programmatiques, etc. La réunion de données paradoxales dans un projet peut donner lieu à des hybrides innovants, de nouveaux types de lieux de la vie urbaine contemporaine. Envisager en ce sens la question des mixités implique de trouver des combinaisons, d'inventer des emboîtements et des scénarii d'usages. Dans cette logique le projet d'architecture est abordé comme un processus d'assemblage, ou plutôt d’agencement selon le terme de Deleuze, ouvrant ainsi un immense champ de créations possibles. Cette hypothèse, point de départ de l'atelier, a donné lieu à une série d'exercices en préalable au projet, dont un travail purement plastique en maquette. Isabel Hérault
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Mix-Cité Le milieu urbain est fortement paradoxal. Emblématique de toutes sortes de mélanges et de possibilités multipliées de rencontres, il l'est également des exclusions et des replis. Considéré à la fois comme un mixte réel et imaginaire d'intensités et de stimuli sensoriels, émotionnels, ainsi que comme un mixte de temporalités, de populations et d'activités, il est également perçu comme un système anesthésiant, homogénéisant et ségrégatif. La ville, forme manifeste et archétypale d'un en-commun, se trouve fortement reconfigurée par l'essor de l'urbanisation qui coïncide avec une triple évolution des sociétés vers des phénomènes aussi bien de massification que de regroupements entre-soi ou d'individualisation. Les réorganisations par polarisation et extension, qui augmentent les déplacements, redéfinissent les territoires. Et la privatisation, qui gagne du terrain, rend cruciales tout autant les questions des limites que celles des partages et des métissages.
C'est du côté d'une proliférante nébuleuse d'espaces disparates souvent qualifiés de suburbains, dont il s'agit d'envisager l'illimitation tout autant que les contradictions objectives et les différentes figures, que se situe la ville contemporaine : “Celle-ci ne résulte pas seulement de l'étape urbaine précédente, elle combine des éléments hérités et des métissages divers. Nous débattons actuellement sur l'opposition entre la ville consolidée et la ville dispersée, entre celle qui protège la filiation historique, privilégie le lignage patrimonial et celle qui magnifie la dé-densification, valorise les mobilités et, paradoxalement, provoque une sensibilité au paysage. Je me refuse à choisir entre ces deux types de ville, pour la simple raison que je crois qu'elles cohabitent, voisinent et parfois se combinent.”* Chacun peut constater les transformations inouïes dans la façon d'appréhender les rapports entre ville et campagne comme entre nature et artifice, mais aussi dans la façon de traiter les mixités programmatiques ou citadines, que ce soit en spécialisant les fonctions et en isolant des catégories de personnes ou au contraire en recombinant logements, commerces, bureaux, équipements, espaces publics et infrastructures des mobilités. Du fait que la vie urbaine amène le plus souvent à se déconnecter physiquement du lieu de résidence, l'importance des relations de proximité et de mises en résonance est exacerbée. Les débats sur la walkable city, combinée à d'autres mobilités plus rapides et soutenables, sont une des facettes des fortes modifications que subissent les articulations du proche et du lointain, du local et du global, comme leurs difficiles conciliations. Les ségrégations liées aux activités et aux appartenances, qui sont récurrentes dans les établissements humains, ainsi que les nombreuses tentatives souvent échouées d'injonction normative de mixité sociale, soulignent l'urgence d'inventer des dispositifs de coexistence des choses et des personnes ou des groupes sociaux, et de les concevoir avec souplesse étant donnée leur permanente évolution. Dans des connexions toujours en train de se faire et de se défaire, des expériences inédites se profilent avec le passage de territoires urbains denses et délimités à des espaces distendus, dans l'indéfini du dedans et du dehors. Sont à explorer les expériences, les imaginaires et les dynamiques de cet urbain, qui somme chacun d'en effectuer la traversée sans le magnifier mais sans la nostalgie des villes du passé dont on reconstruit une vision
idéale, comme si elles n'avaient pas été aussi le lieu de dominations, de séparations et d'enfermements : “La ville qu'on craint de perdre est la ville sans sa banlieue, celle que l'on craint est la ville avec banlieue et dans sa banlieue. Celle qu'on voudrait garder est la ville gouvernante et commerciale, la capitale bourgeoise qui se donne en tant que ville, la représentation de son pouvoir. Elle écarte sa banlieue et préserve son château, sa cathédrale.” * Alors que le modèle de l'expansion a explosé et que les territoires se trouvent souvent réduits à servir les logiques de la rentabilité et de la surexploitation, dans une mortifère homogénéisation, le mixte est retrouvé comme un enjeu majeur et un vecteur précieux d'urbanité. Le propre de la vitalité des villes et des paysages est d'échapper à l'idée de totalisation ou d'achèvement tout autant qu'à celle de pureté. Le métis, le bariolé, le divers, le fluctuant, qui les constituent, dépassent les étroites appartenances, produisent des dynamiques, ouvrent des possibles existentiels. Le joyeux défi d'une architecture du mixte est de tirer parti de l'hétérogène, de ménager les altérités, d'établir des rapports, sans vouloir forcer ni imposer des modèles idéaux. Ce qui implique de favoriser des passages, des contiguïtés ou des espacements plutôt que de postuler d'illusoires unités ou de tristes mixtures. Résister aux divisions hostiles et aux uniformisations des modes de vie et des cultures n'est pas chose facile. Il reste à imaginer des assemblages composites susceptibles d'entrelacer les potentialités des différences et des diversités comme celles des en-commun, pour accueillir ce qui advient. Chris Younès
* Bernardo Secchi, Revue Urbanisme n°306, p.12.
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Le Pas Sage Marie Vic 5.1 Yorgos Loizos 5.1
Le métro est un immense outil, essentiellement pratique, rationnel. Cette pierre angulaire du progrès technique est une référence fondamentale dans l'inconscient collectif. Mais alors qu'il est logé au cœur des structures géologiques de la terre, la nature n'y a pas sa place, c'est le lieu de l'uniformisation des sensations. C'est au cœur des profondeurs de la terre que s'effectue la banalité fonctionnelle de son déplacement. Nous proposons dans la station Montparnasse-Bienvenue un équipement de spéléologie. Le sportif arpente la sousface urbaine. Il explore un parcours
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parallèle au réseau du métro. Il fait l'expérience physique et sensuelle de l'espace. Sa conquête spatiale s'amorce au cœur de la station. Progressivement, il s'arrache au monde du transport collectif. Il pénètre l'obscur, se plonge dans un corps à corps avec le sous-sol. Le métro n'est pas loin, parfois il l'entend, le sent vibrer. Puis plus rien. Le calme. Sombre, obscur, fangeux. Et soudain un rayon de lumière au loin. De l'air, frais. Un brouhaha : des piétons au dessus. Et puis rien encore. Que de l'espace.
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Voyage de corps et d'esprit Basma Sefrioui 4.2 Xiangying Zhao 4.2
Un lieu résiduel aux frontières de Paris, entouré par deux immenses axes routiers, le boulevard Masséna et le Périphérique.
les rails qui deviennent des lignes de fuite, des chemins d'évasion, des chemins qui nous guident vers un ailleurs rêvé…
Un site désert où règnent désordre et chaos créés par les relations complexes des différents niveaux de circulation, trains, voitures, piétons.
Implanter un hôtel de luxe sur ce site pourrait attirer, au cours de leurs transits ou voyages, des voyageurs aisés et curieux de nouvelles sensations, de nouvelles expériences.
Un lieu à l'abandon, un lieu où l'on est actuellement de passage mais non par envie, un lieu de transit mais pas de pause. Cependant, n'éprouve-t-on pas un sentiment de romantisme à la vue de ce paysage urbain, l'envie d'observer les trains de passage, le flux continuel des automobiles,
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Magnifier l'image romantique de ce site à la potentialité sous-estimée, en faire un lieu de rêve, lieu des flux mis en connexion, flux de machines et flux de pensées rêveuses… Bon séjour dans ce nouvel univers !
Le projet s'inscrit dans un site entre le boulevard périphérique et le boulevard Masséna, entre Ivry et Paris XIIIe, un lieu où la densité de piétons est faible du fait du nœud autoroutier. L'endroit appartient à l'automobile, il est parcouru par des flux rapides. Ainsi, notre projet est suspendu au-dessus de cette infrastructure de routes. Nous mettons en place une architecture mobile. Elle se caractérise par sa structure fixe, comme un squelette métallique supportant des cellules pouvant se déplacer via cette structure. Chaque cellule est un atelier dont l'activité concerne l'application de nouveaux matériaux dans le bâtiment.
Labophérique Mori Buster 4.1 Gabriel Laval 4.1 Daphnée Polyzos 4.2
L'ensemble des cellules se divise en trois secteurs : technologie, construction, communication. Pour la technologie, ce sont des ateliers de chimie et physique ; pour la construction, des ateliers d'architecture, d'ingénierie, d'artisanat ; pour la communication, des salles de réunion, des galeries d'exposition. Mixité : il s'agit de permettre le mélange des corps de métier en créant des ateliers mobiles et connectables, des espaces qui s'assemblent. Les ateliers peuvent se déplacer dans le volume délimité par la structure et se rencontrer afin de travailler ensemble. Les professionnels échangent leurs connaissances. Il s'agit de favoriser les avancées technologiques, constructives, artistiques afin de les confronter à un même objectif.
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ESAlab
Plateforme de recherche-action “L’inclusion du lieu dans l’espace des flux” © duMs Conseil scientifique Agnès Sander - Latts Jacques Sautereau - Ladrhaus Jean-Philippe Doré Desa 1998 Jean Richer Desa 1997 Urs Keller Desa 1998 http://cucos.free.fr/ http://cucos.free.fr/leforum/ contact@fact-architectes.com
En association avec : Association de recherche urbaine duMs, Ville de Fontenay-le-Comte, Vendée, Agence Fact, Paris, Agence El Hassani-Keller, Paris, Latts, laboratoire de l’Ecole des Ponts et chaussées, Ladrhaus, laboratoire d’histoire architecturale et urbaine – sociétés de l’Ecole d’architecture de Versailles.
Pourquoi la recherche-action ?
Construire une pensée théorique
Crée en février 2003, ESAlab rassemble architectes, chercheurs, étudiants, acteurs du monde professionnel. Elle participe au séminaire urbain de l’Esa, propose des stages aux étudiants et ouvre à des sujets de diplôme de fin d’études.
Développer une équipe de recherche dans une école d’architecture implique de lui reconnaître une légitimité à élaborer une pensée théorique qui lui est propre.
Structure innovante, elle a pour objectif la prospective architecturale et urbaine. Ses recherches explorent les possibilités architecturales et programmatiques d’un thème central : “l’inclusion du lieu dans l’espace des flux”, Manuel Castells. En trente ans, la grandeur géographique s’est transformée sous l'effet combiné de la restructuration de l'économie mondiale et du développement des réseaux de transport et de communication. Mais y at-il eu une réponse à cette mutation dans nos manières de produire l'espace ? Nous posons l’hypothèse que l’espace en tant que support matériel de la simultanéité sociale adopte aujourd’hui d’autres formes que la contiguïté physique. Nos travaux interrogent ces mutations et les stratégies spatiales qu’elles induisent. Sous la formule de recherche-action, nous proposons d’élaborer, à partir d’une réflexion théorique, des outils de médiation servant l’activité opérationnelle et favorisant des rencontres productives entre les différents acteurs. Nous cherchons à évaluer les modes d’intervention sur la ville, à expertiser transversalement les métiers et les espaces et, enfin, à dégager des stratégies pour l’action. En 2005, ESAlab a poursuivi sa collaboration avec la Ratp, avec la conduite d’un projet de programmation mixte entre un pôle d’échange et un projet urbain. ESAlab a également remporté un appel d’offre de recherche, en collaboration avec le laboratoire Mrte / Mobilités, réseaux, territoires, environnement du département de géographie de l’Université de Cergy-Pontoise, initié par le programme Predit de la Direction de la recherche et des affaires scientifiques et techniques, Drast, du ministère de l’équipement. Il s’agit d’une recherche-action portant sur l’intégration urbaine de deux pôles d’échange à faible flux, via une programmation de services. Cet article permet de faire un point sur ces recherches, leurs modalités, leurs résultats, mais aussi sur le travail restant à accomplir. Ce qui suit est une tentative de généralisation des enseignements de nos travaux, passés et en cours, à ce que pourrait être une recherche-action conduite à une plus grande échelle.
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Cela implique également l’aptitude de l’école à tisser des liens avec des disciplines scientifiques variées. Enfin, cela veut dire que l’on reconnaît à l’architecte la capacité à se saisir, d’une manière responsable, des enjeux théoriques de son époque et de son métier. Il y a donc, pour le laboratoire, un double impératif à respecter, qui est d’une part, de développer et de structurer des outils pour construire cette pensée, et d’autre part, d’établir des passerelles scientifiques et méthodologiques avec les disciplines proches. Notre expérience a consisté à explorer deux pistes d’action. Tout d’abord, par la définition d’une problématique centrale, nommée “l’inclusion du lieu dans l’espace des flux”, qui tente de définir les influences des réseaux sur les notions de spatialité et de lieu. Avec les outils théoriques que nous avons fabriqués, la réalité mixée, l’espace urbain élastique, le champ de mouvement, la continuité urbaine, nous avons tenté d’avoir une démarche transversale par rapport aux nombreux réseaux qui redéfinissent la ville aujourd’hui. Puis, dernièrement, à travers la constitution d’une équipe pluridisciplinaire de chercheurs pour le programme Predit, nous nous sommes ouverts à de nouvelles disciplines : la géographie, l’ergonomie, la sociologie, le droit. De ces rencontres ressort un travail sémantique pour définir des termes communs mais aussi une confrontation des méthodes de travail et des échelles considérées. En dernier lieu, cette pluridisciplinarité a le mérite de sortir le métier d’architecte de son insularité et de le voir, littéralement, à travers les disciplines de sciences humaines qui lui sont proches. A toute approche dogmatique, nous préférons mettre en avant un principe de réalité et aborder pragmatiquement les situations de vie. La profondeur de la réalité nous semble loin de la fétichisation actuelle de l’esthétique architecturale ou urbaine. A partir du local, la pragmatique nous pousse à expérimenter et à proposer ensuite des stratégies qui pourraient être généralisées.
Comprendre les modes de production de la ville Cette attitude pragmatique nous a conduit à interroger un fait majeur de notre société : l’extension ininterrompue des réseaux matériels et immatériels de communication. L’usage massif des moyens de transport et de communication, avec l’explosion du sans fil et de la notion d’urbanisme de flux, nécessite d’être soigneusement analysé si l’on souhaite accompagner par des projets pertinents l’évolution de la société. Les territoires de vie se composent aujourd’hui selon des principes différents de la continuité ou de la linéarité, Armand Frémont et Jacques Chevalier. De même, les phénomènes de masse deviennent déroutants du fait de la fusion observable des échelles et de la domination du concept d’opportunité. Cela illustre le principe du scope, développé par le géographe américain David Harvey, où l’espace est à la fois un champ de possibilités, une étendue, un cadre et un domaine ouvert. Etudier les réseaux passe dans notre travail par des cas concrets. Qu’est-ce qu’une gare de bus en ville dense ? Qu’est-ce qui fait venir un habitant dans une téléboutique ? La part du terrain trouve ici toute son importance. Le contexte est alors pris comme une conjonction de faits sociaux dont l’écheveau doit être patiemment démêlé pour reconsidérer le mécanisme de son organisation. L’activité de recherche-action se caractérise par la proximité du postulat théorique, la continuité urbaine par exemple, avec les réalités du terrain, mais aussi avec celles des commanditaires. Le projet de recherche sur la porte de Paris à Saint-Denis, conduit en 2004 pour le compte de la Ratp, ou celui des gares de Cergy-Pontoise que nous débutons cette année, se caractérisent tous deux par la pluralité des acteurs qu’ils réunissent : urbanistes, architectes, transporteurs, aménageurs, communes, représentants de la Région, de l’Etat. Concrètement, un projet de rechercheaction articule les relations de quatre entités. L’équipe est soutenue dans sa recherche théorique par un conseil scientifique. Elle rend compte de l’avancement de ses travaux à un comité de pilotage qui représente ses commanditaires. Enfin, elle prend des informations auprès d’une série de partenaires consultatifs.
Cette structure conduit l’équipe à établir un lien dynamique entre l’état de la pensée contemporaine, en l’occurrence l’influence des réseaux sur les formes urbaines, et les modalités de son application concrète sur le terrain. Elle est ainsi particulièrement éclairante sur les modalités de prise de décision, sur l’amont de la ville, entre considérations politiques, techniques, ou urbaines qui apparaîssent relativement opaques à la majorité des architectes. Saisir les modalités pratiques de la fabrication de la ville permet aussi de comprendre le rôle crucial d’une recherche urbaine et architecturale : il existe une action possible, de notre part, sur cet amont de la ville.
Fournir une alternative Les situations de vie contemporaines ne connaissent pas les découpages disciplinaires. Difficile de dire à quelqu’un attendant le bus que nous interrogeons, que notre enquête s’arrête à l’architecture du lieu. Il faudrait être à la fois médecin, architecte, géographe, économiste et juriste. Nous ne croyons pourtant pas à la transdisciplinarité car aujourd’hui le savoir est fragmenté par la complexité croissante des organisations sociales. Reste donc à structurer l’interdisciplinarité dans la recherche. Ici intervient l’action, où l’espace n’est plus une finalité mais un support de discussion et un mode de réunion. Durant nos recherches, le projet commence très vite et fédère, autour d’images évolutives, l’attention de partenaires qui auraient autrement du mal à communiquer ensemble. Politiques, fonctionnaires territoriaux et d’Etat, scientifiques, juristes, membres d’associations et architectes trouvent là une plateforme pragmatique de discussion que chaque intervention contribue à faire évoluer. Les projets de recherche-action que nous avons cités ont été particulièrement éclairants sur deux points. D’une part, ils réunissent les acteurs réels de la ville, de la prise de décision, que nous avons évoqués plus haut. D’autre part, les commandes de recherches que nous avons eu à traiter recoupent des projets urbains réels, engagés dans un calendrier opérationnel : projet urbain de la porte de Paris, projets de Zac à Eragny et Neuville. Il s’agit donc, dans une activité de recherche, de développer des projets parallèles, sinon alternatifs, à ceux destinés à être réalisés et ce, avec les mêmes acteurs. Pourquoi ? Nous voyons de multiples intérêts à cette démarche.
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Tout d’abord, elle permet d’ouvrir une fenêtre entre le monde de l’école et le monde opérationnel. L’école n’est pas qu’un lieu de formation, c’est aussi un lieu de réflexion sur les problématiques urbaines contemporaines. Nous avons pris l’habitude d’ouvrir nos sujets de recherche, sous forme de concours d’idées, aux étudiants du séminaire urbain de l’école. Il est ainsi possible de faire remonter directement des initiatives, des idées, des angles différents, à nos commanditaires, que seuls des étudiants en situation ouverte d’apprentissage peuvent produire. Mais au-delà de cet exercice, nous sommes en train de mettre au point, sur le sujet des gares à faibles flux, un protocole de projet expérimental. Il s’agit de développer, tout au long de l’étude et en contact permanent avec les acteurs de la ville, un objet interactif qui figure les postulats de l’étude, ses hypothèses. Un objet qui est nourri par la recherche d’exemples bibliographiques, par la recherche d’exemples réels dans le monde, en l’occurrence les programmations innovantes dans les petits pôles d’échange, par les enquêtes sur sites, par les concours d’idées. L’idée du projet expérimental n’est pas celle d’un contre-projet. Il ne s’agit pas davantage de prendre la place des urbanistes ou architectes missionnés par ailleurs. Il s’agit de fournir une alternative, une couche théorique glissée sous l’appareil administratif, technique, politique des villes, montrable à tout moment aux acteurs et leur offrant des perspectives réelles de saisir leur propre projet différemment. L’élaboration de cette couche vivante dans une école donne aux acteurs la distance par rapport à leur objet que les contextes opérationnels habituels ne permettent pas. La phase expérimentale doit être contemporaine de celle de l’invention, en être même le matériau, l’ensemble se rapprochant plutôt d’une recherchecréation, comme elle est couramment pratiquée en musique. Il s’agit de chercher de nouvelles mesures au réel et il est impossible de le faire sans les matériaux concernés, c’est-à-dire ici, les médiums et les groupes impliqués dans le champ d’investigation. En outre, la confrontation sensible au réel par les simulations qui ponctuent le travail et l’arrière-plan de la nécessité de création, d’invention, imposée au processus du projet, au jeu des acteurs, est une bonne façon d’aborder ce type de problèmes si l’on cherche à trouver des mesures et à découvrir des stratégies.
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Aussi la nature des programmes, leurs temporalités, où se créent les lieux de l’interaction urbaine, où s’élabore la nature architecturale, ne peuvent pas être étudiés dans l’abstraction d’un travail isolé de la stimulation du réel. Dans le domaine de l’architecture, comme pour la musique, le champ de la fiction y introduit une dimension sensible constituante de toute intervention environnementale et seule capable de lui donner une dimension. De plus, la commande et le produit attendu entraînent un processus d’évaluation sur une complexité de composants que seule la dynamique d’un tel dispositif permet d’aborder et d’évaluer.
Inventer de nouveaux outils L’objet de notre travail est de fabriquer une couche théorique glissée sous le réel, mais tout autant, de fabriquer les fenêtres qui la font dialoguer avec les acteurs, qui la font trouver des interactions avec le monde de l’action. Cela passe par l’élaboration d’outils spécifiques de conception et de communication. Le projet expérimental, interactif, doit avoir un mode d’accès simple de façon à absorber et à donner à voir rapidement les hypothèses qui naissent de la recherche, de la confrontation aux acteurs, des données collectées sur le terrain. Concrètement, il s’agit d’une maquette virtuelle en trois dimensions, qui permet de donner aux acteurs une bien meilleure vision, tant des projets réels qui sont en cours, Zac, projets urbains, que des alternatives conduites par l’équipe. C’est un outil de concertation, d’aide à la décision. Si le projet spatial est habituellement refoulé après la programmation des fonctions, nous préférons l’introduire dès la réflexion initiale, en facilitant l’expression de problématiques complexes dont les issues ne sont d’ailleurs pas toujours d’ordre spatial. L’architecture s’étend ici à la manière dont les intervenants se rencontrent, dont les groupes de pilotage sont constitués, ainsi qu’aux résultats obtenus : un règlement de copropriété peut être considéré comme une architecture, de la même manière qu’un nouveau découpage cadastral ou que le phasage des décisions dans un programme politique. Nous mettons en avant l’idée que l’espace n’est plus une fin en soi mais un dispositif, le support concret de faits sociaux auxquels nous participons.
Un projet de recherche comme celui de Cergy-Pontoise est complexe : son équipe associe deux laboratoires sur deux sites différents et les acteurs concernés sont très nombreux, une trentaine de personnes actuellement. La question de la transmission de l’information est très importante, tant entre les chercheurs, pour des protocoles de travail, que visà-vis de nos commanditaires. Pour résoudre ces problèmes nous construisons actuellement un site Internet qui a plusieurs fonctions : tout d’abord centraliser et organiser les stockages des données, ensuite permettre à nos commanditaires d’accéder à tout moment à l’état de développement du projet expérimental et de l’étude. De même, nous voulons apporter dans nos recherches des solutions concrètes aux problèmes posés. Ainsi pour le programme Predit nous souhaitons arriver à la conception d’un processus spatial et administratif pouvant donner lieu à une licence.
Explorer de nouveaux domaines d’action La recherche-action en architecture, telle que nous la définissons, doit réaliser un équilibre délicat entre la recherche universitaire dans les domaines que nous abordons, réseaux, le projet expérimental en parallèle de pro-
jets réels, les exercices de projet à l’école ouvrant un espace dégagé des pressions du cadre professionnel dans la situation, fertile pour tout le monde, du dialogue avec les étudiants. En l’état, une exacte délimitation de ces missions reste à définir, notamment avec l’école. Le principal intérêt de notre démarche est de secouer les cadres, d’être transversal, et de rétablir la démarche-projet, le regard synthétique et curieux de l’architecte au cœur de problématiques urbaines complexes qui engagent l’avenir. Il n’en reste pas moins que cette activité est possible et que les demandeurs, tant publics que privés, sont nombreux, tant dans le domaine public -ministères, collectivités locales ou territoriales- que privé -entreprises de transport, de téléphonie, d’énergie- ou encore dans le domaine de la recherche et de l’enseignement -laboratoires, universités, écoles. Ce type de recherche permet de replacer l’architecte et le projet au cœur de la société civile, au cœur de problématiques urbaines complexes qui engagent une multiplicité d’acteurs. Elle permet de donner à l’école d’architecture le statut d’un lieu de réflexion sur l’avenir des villes. Elle permet de redéfinir le rôle de l’architecte au-delà de la définition actuelle des missions de maîtrise d’œuvre.
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Séminaire urbain
A l’échelle urbaine
Pôle d’échange Ratp Porte de la Villette, Paris Suite au contrat Ratp “Les gares de bus en milieu dense”, il s’agit d’intégrer la gare de bus de la Porte de la Villette, pôle d’échange entre bus, métro et bientôt tramway, dans une programmation urbaine mixte pour requalifier le secteur et ouvrir sur Pantin.
Opérer sur les infrastructures de transport. Suppression des bretelles d’accès au Périphérique.
Jean-François Boobhun 4.2 Jean-Charles Content 4.2 Mathieu Merlen 4.2 Samid Mura 4.2 Prolonger et créer des voies pour créer un nouveau tissu urbain.
Aménager les îlots créés.
A l’échelle du pôle d’échange
Programmation de logements en superstructure.
Coexistence au niveau rue des équipements et du pôle d’échange.
Travail en infrastructure : relier les différents niveaux de la ville.
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Le niveau métro rendu à la ville.
Travail sur l’infrastructure du canal.
Travail sur l’infrastructure du Périphérique Habiter la sous-face.
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Martin Meyer 5.1
Habiter les réseaux Construire en hauteur.
Travailler les niveaux pour abolir la barrière du Périphérique.
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Desa à l’affiche Un jardin en plein ciel Jean-Philippe Poirée-Ville Desa 1996 www.hyperville@wanadoo.fr
Quand on parle de jardins suspendus on pense à ces terrasses mythiques de Babylone. On a appris depuis, que les végétaux savaient se passer de la terre grâce aux techniques de culture hydroponique* et on peut maintenant faire pousser des plantes en plein ciel, traduisant “l'esprit d'élévation du végétal”, comme le dit joliment Paul Virilio à propos du système développé par Jean-Philippe Poirée-Ville lequel nous explique :
Un jardin subnaturel A l’origine de ce système il y a un travail sur l’ornementation architecturale. Je conçois des motifs fleuris pour des vitraux. Comme les dessins se font sur ordinateur, à l’écran se dessinent de véritables jardins qui naissent dans le vide et je désirais réaliser ce que je vis sur l’écran. Le procédé mis au point consiste en un tuyau perforé recouvert d’une mousse imputrescible, à fort pouvoir de rétention d’eau, sur laquelle les plantes sont semées. Les mauvaises herbes que j’avais sous la main, ainsi plantées, graminées, orties, menthe, joncs, coronilla varia, symphythum ibericum, silene dioica, lobularia maritima, ami majus, trouvèrent en plein ciel une beauté inattendue et j’eus l’idée de les réhabiliter. Chaque apparition, nouvelle au cœur de nos villes, d’une végétation oubliée, une rose trémière ou un catalpa qui perce le béton le plus dur, nous rappelle que la ville fut un jardin. Un jardin pour le premier campement de peuples italiques, ce fut avant tout la proximité de l’eau d’une source au bord de laquelle poussait un bouquet d’angéliques roses, des grappes parfumées de viola odorata, quelques blanches anémones nemorosa, du cresson de fontaine, des populages - caltha, de la menthe aquatique, des salicaires. Elle subsiste, latente mais renouvelée constamment au contact du ciel, la mémoire de “ces époques nues” où Juvénal, devant la source, se prend à rêver d’un monde où “l’homme et la femme jouissaient sans complexe et sans anxiété”. J’ai comme l’impression que ces mauvaises herbes portent le souvenir du vieux numen de cette même religion, née d’une commune inquiétude face aux forces naturelles et autour de laquelle une communauté s’est construite. Nous ne savons plus regarder notre patrimoine de mauvaises herbes, ces indigènes dédaignés, ignorés ou exterminés de nos espaces verts à coup de désherbant par des jardiniers des villes qui rêvent de terreaux désherbés, de compositions tape-à-l’œil en mosaïcultures aussi figées que le béton qui les entoure.
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Dans mes jardins suspendus j’ai voulu retrouver une nature sous-jacente et sauvage. Sauvage au sens de curiosité et de liberté, au sens d’une constitution patiente de groupements végétaux originaux dans lesquels les plus envahissantes des orties ont tolérées de plus timides compagnons rouges et qui contribueront à la vie de nombreux genres d’oiseaux nicheurs, de petits lézards, de libellules, de criquets, de papillons, d’araignées et de cet endroit minéral naîtra un lieu d’émerveillement. Les plantes poussent naturellement autour du tuyau perforé comme le long d’une source en plein ciel. On peut avec les lianes tisser son jardin en plein ciel. L’astrophysicien Michel Cassé en voyant la nuit le jardin suspendu illuminé, dans la cour de l’Opéra du château de Versailles, me dit : “Les étoiles sont comme fleurs brodées sur le canevas du vide” ; bizarrement il n’existe pas de constellation ni d’étoile verte. On peut ainsi tisser un ciel fleuri, une alternance de lianes de plantes palustres, des pétasites, des myosotis des marais, des pesses d’eau - hippuris vulgaris, avec des lianes de verveine officinale ou d’achillée millefeuille, de marguerite, de houe, de carex pendula, de polypode ou de scolopendre. Ce qui fit dire à un jardinier versaillais : “Tout cet art tient du tricot et du rêve”.
* L’origine de la culture hydroponique remonterait à Palissy qui en 1563 est le premier à avoir l’intuition que “le sel fait végèter et croître toutes semences”. La première expérience sera conduite, vers 1600, par le bruxellois Van Helmont, principalement dans le cadre d’une attaque contre deux des quatre éléments d’Aristote et en particulier contre l’élément Terre. On doit à Sachs, en 1860, la première formulation de solution pour l’hydroculture mais l’utilisation de solutions nutritives pour la culture sans sol de plantes ne se développe aux Etats-Unis qu’à partir de 1921 avec l’œillet, puis avec le rosier. En France, la revue Jardinage relate, en 1938, la première démonstration due à Truffaut dans ses établissements de Versailles. Il souligne que “la culture dans l’eau réalise en fait une économie considérable de ce liquide puisqu’on évite l’infiltration dans les couches inférieures du sol et que tout passe dans la plante”. C’est en 1950 que l’Inra du Cap d’Antibes développera sous la direction de Monsieur Meilland de nouvelles variétés de roses par culture en subirrigation recyclée sur tranchée de sable. Enfin Monsieur Coïc à l’Inra de Versailles développera de petites synthèses physiologiques semblables à celles que l’on trouve maintenant dans le commerce.
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Editions SpĂŠciale