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FLUXUS MUNDI Routes de la soie / 3
Travaux / Atelier Marc Vaye Printemps 2014
Traces © acrylique sur toile / Marc Vaye 2013
Autoportraits Dans “Mascaras Afro-Brazileiras”, le graphiste brésilien Renato da Silveira invente des créatures hybrides. Pour réaliser ces portraits fantasmatiques l’artiste utilise la technique du collage dans sa version numérique. Il décompose les visages en quatre zones horizontales (front + chevelure, oreilles + yeux, nez + joues, bouche + menton). Les masques sont des représentations contemporaines des figures populaires de Salvador de Bahia.013
Les autoportraits qui suivent, dans une version papier, s’inspirent de cette étrange manipulation pour révéler la richesse et la complexité de la personnalité de leurs auteurs. Collage papier sur format A3 vertical.
Marie KontĂŠ
Audrey Rivoalen
Pierre Huberlant
Gaby Lother
David Dalla-Mutta
Monumenta 2014 L’étrange cité / Ilya & Emilia Kabakov Monochrome, l’étrange cité est un parcours, une invitation à arpenter les ruelles labyrinthiques comme on le ferait dans une bourgade du pourtour méditerranéen ou du Moyen-Orient. Blanche et crépie, elle est réhaussée par les ombres projettées de la verrière du Grand Palais, ce qui, en régime diurne, lui confère une identité en lente évolution. Là se joue l’unique dialogue avec le contexte, la rencontre surprenante et réglée du maçon et du charpentier. L’étrange cité est imprégnée de l’origine soviétique des Kabakov, c’est un morceau de ville imaginaire, linéaire et concentrique, habité par des hommes... et des anges, figures gardiennes ou déchues de l’Utopie communiste. Dans le pavillon dédié aux Manas, les esprits, la ville se déploie à deux niveaux le premier, terrestre, est celui de la vie
quotidienne, le second, céleste, celui d’un monde supérieur. Elle est entourée de huit montagnes qui accueillent autant de dispositifs qui ont pour noms : La maison des rêves, Le centre de l’énergie cosmique, Le tunnel dans la montagne, La chambre noire, Deux visions : vers le haut et vers le bas, Réception des signaux de la noosphère, Les jardins célestes et les cascades. Le pavillon nomé Portails traite de la question de la coupure entre intérieur et extérieur, le franchissement du seuil est accompagné de rites qui favorisent le passage. La sixième édition de Monumenta renoue avec la quête de l’art “total”, avec les projets avant-gardistes du début de XXe siècle associant musique, peinture, architecture et danse.
Il était une fois
les routes de la soie...
Il était une fois les routes de la so Une princesse de l'empire des Han... Huang-Ti confectionne une étoffe de fils secrétés par le Bombyx Mori, la soie. Sa fabrication restera plus de six siècles un secret d'état jalousement gardé. Article industriel de luxe, peut-être le premier, la soie est d'abord offerte aux nomades, en tribut pour la paix. Dès le IIe siècle avant notre ère, au même titre que l'or, elle est une monnaie d'échange entre les peuples de l'Antiquité : Han, Perse, Syrien, Romain.
Un géographe allemand... Au XIXe siècle, Ferdinand Von Richthofen donne un nom au réseau de communication qui traverse l'Eurasie depuis deux milles ans, les routes de la soie. Celles des caravanes, aux trajets fluctuants, celles des navigateurs si incertaines. Route des religions, des sciences, des arts et des techniques. Routes d'échanges, de dialogues parfois tumultueux.
Un navigateur génois... Au XVe siècle, Byzance est cernée par les turcs, la route est coupée. En Europe, de nouvelles conceptions du monde voient le jour. Le 3 Août 1492, Christophe Colomb quitte un port du sud de l'Espagne. Il espère atteindre le Japon et la Chine, par la mer, en naviguant vers l'Ouest. À la recherche de Cathay, il emporte une des premières éditions imprimées du livre de Marco Polo, Le devisement du monde.
oie... À défaut d'atteindre les contrées décrites par le marchand vénitien, il révèle à l'Ancien Monde, celui que l'on dira Nouveau, l'Amérique, et ouvre la voie à un nouveau tracé de la route de la soie. À partir de 1571 et pendant deux siècles, les galions de Manille, Nao de China, relient les Philippines à Acapulco. Puis la soie traverse l'isthme mexicain par caravanes et est embarquée à Vera Cruz pour Séville. La route s'inverse, devient transocéanique et globale. Le voyage de Christophe Colomb inaugure les Temps Modernes. Les flux d'échanges sont désormais circumplanétaires introduisant dans le même temps la finitude du monde. La boucle est bouclée. Cinq siècles plus tard, après en avoir fait le tour à la vitesse de la lumière, nous le quittons pour aller le regarder depuis la lune.
Et que voit-on depuis la Lune ? La Terre, notre nouveau paysage
Scénario Pour des villes légendaires. Pour les cosmonautes, à voir du ciel, la nuit. Pour les promeneurs solitaires, à parcourir, en silence. Pour vivre mieux, à l'image du Paradis. Pour rendre visible les immatériaux.
Global Le dispositif à concevoir est un hommage aux routes de la soie considérées comme l’archétype des réseaux d'échanges planétaires. Il est chaîné, circumplanétaire et composé d'éléments ponctuels téléconnectés. Local Chacun est implanté dans une ville située sur un des tracés historiques et décliné selon le génie de l’aire culturelle. Autres thèmes Il traite la question de l'espace public et du monument à l'époque de la téléprésence, évoque l'écoulement des flux et tisse une relation poétique entre espaces des lieux et espaces des flux.
Chaussée La chaussée introduit une rupture dans le paysage autant qu'elle le révèle. Elle instaure dans le territoire une continuité entre les hommes. Connexion de l'ici à l'ailleurs, du seuil et de l'horizon. La chaussée est réversible, ce qui la distingue de la piste de l'errance. Artefact contre l'insoumission primitive des espaces. La chaussée est un socle, dur, pesant, un hymne à la matière. Lit de pierre, cailloux cassés, sables, goudrons et bitumes. Univers minéral. Aqueduc et bassin à débordement Figure classique de l'écoulement canalisé. Véhicule statique. L'aqueduc défie la topographie, simplement, par gravité. Murmure frais de l'eau qui coure et miroir fragile pour se rafraîchir ou contempler le reflet du ciel.
C’est un péripatoi, lieu pour déambuler à plusieurs, et un otium, lieu pour s’isoler de l’agitation du monde, où est cultivé le sens et le goût d'être à la fois, là et le messager de l'ailleurs.
Lumiduc Réseau de points, lignes et surfaces. Message lumineux à voir du ciel la nuit.
C’est aussi un territoire d'expériences, un support physique et symbolique du temps partagé, et enfin une allégorie de la condition urbaine.
Éoliennes et capteurs photovoltaïques Capter les flux du soleil et du vent, l’énergie climatique renouvelable. Fabriquer l’électricité pour conquérir la nuit.
4 Monolithes - Jardins de solitude Un jardin parfait doit contenir rien moins que l'univers entier, c’est un index planétaire et un enclos qui rassemble le meilleur. C'est un clos ouvert, c’est-à-dire à la fois une clôture réelle qui protège et une ouverture virtuelle qui favorise la navigation du pollen, le brassage des espèces en vue de la conquête de l'étendue des territoires et de l'altérité. Quatre jardin-monde, comme figure du Paradis. Quatre jardins de solitude comme une collection coordonnée : différentes traditions culturelles, jardins secs ou humides, jardins pour des plantes nourricières, d’agrément ou médicinales. Entre-deux Chaque jardin de solitude est précédé d’une anti-chambre dotée d’une assise qui instaure un entre-deux entre la chaussée et le jardin de solitude. 1 Monolithe - Musée en abîme Masse mystérieuse sans fenêtre. Accès dérobé. À l'intérieur, dans la pénombre, des fenêtres sur le monde. Fresques électroniques, cartes animées, chambres de téléprésence. L’univers de la soie, son histoire et sa fabrication, ses variétés. Une exposition pour le plaisir du toucher.
Antenne téléport Au XIXe siècle, le télégraphe électrique est une révolution qui rompt avec les anciennes messageries au profit d'une impalpable propagation. Déterritorialisée. Immédiate. Immatérielle. Le téléport transmet des signaux. Point visible de routes invisibles. Relais comme le port ou l'aéroport. Routes maritimes dans l'océan des courants et des vents. Routes célestes dans l'océan atmosphérique. Le téléport de l'océan informationnel. La route qui se sait, qui relève du logiciel, un savoir plus qu'un artéfact. Figure de l'espace des flux, le téléport induit la suprématie de la distance-vitesse sur celle de l'espace-temps, induit la suprématie de l'unité bit /seconde sur celle du kilomètre/heure. Les connaissances transmises à la vitesse absolue.
Ispahan Istambul /Turquie Jeddah Kaboul Kashg
Mascate Merv Nishapour Ormuz Samarcande / O
Aden Acapulco / Mexique Agra Alexandrie Athè Surabaya Tashkent Tbilissi Téhéran Trébizonde
gar La Havane Lahore Malaka Malindi Manille
Ouzbekistan Palmyre Puebla Rome SĂŠville Smyrne
ènes Manama / Bahrein Bagdad Bakou Bamiyan Venise / Italie Vera Cruz Canton / Chine Xian
La carte et l Arpenter
Google Earth
Mesurer la superficie des terres. Parcourir à grands pas, rapidement.
Initialement connu sous le nom de Earth Viewer, Google Earth est un logiciel permettant une visualisation de la Terre avec un assemblage de photographies aériennes ou satellitaires.
Par extension c’est la méthode concrète de découverte des territoires par le déplacement. Cela suppose une présence physique, l’engagement du corps, ainsi que la mobilisation plus ou moins intense de tous les sens. Arpenter est la procédure de lecture sensible et raisonnée, sous une forme codée ou normée, des caractéristiques existant concrètement dans un territoire ou un espace. Vient ensuite l’interprétation paysagère qui, à ces indices concrets, associe des considérations plus libres de l’ordre de l’imaginaire : des embrayeurs d’imaginaire.
Il permet pour tout utilisateur de survoler la Terre et de zoomer sur un lieu de son choix. Selon la région géographique, urbaine ou rurale, la précision de la photographie, la résolution, est plus ou moins bonne. Les fictions cinématographiques et les médias télévisuels l’utilisent couramment pour situer le lieu de l’action ou de l’évènement. Tant les militaires, espionnage, que les voleurs, cambriolage, ont su en faire bon usage. Les cadrages choisis peuvent être téléchargés et devenir des cartes qui comblent de joie géographes et architectes.
le territoire Arpenter versus Google Earth Comment comparer l’immersion dans un milieu concret et l’observation froide d’une représentation virtuelle ? Confondre la carte et le territoire est une grossière erreur d’appréciation, mais il n’est pas interdit de tester les potentiels qu’offrent, en temps direct, les vertiges de l’ubiquité. À défaut de pouvoir parcourir les routes de la soie, de ressusciter des villes légendaires aujourd’hui disparues, 5 étudiants se sont plongés dans les délices d’une virtualité sophistiquée à la recherche d’un lieu propice à être seul et à être ensemble.
Espace des lieux. Espace des flux.
Entre terre et mer
Des îles, une lagune qui joue le rôle de fortification, Venise est une cité état, une puissance maritime, qui commerce avec l’Orient et à ce titre symbolise le dialogue entre les peuples. Marco Polo en est la figure. Le projet s’implante entre terre et mer. La chaussée qui contient l’acqueduc longe le rivage avec à une extrémité le bassin, réplique des places et puits qui structurent chaque quartier vénitien et à l’autre, les pieds dans l’eau, le musée en âbime. Du coté terrestre les jardins de la Biennale d’architecture, du coté maritime les jardins de solitude.
ponctue toute la zone. Des plus courts, fichés dans l’eau de la lagune, aux plus hauts qui supportent les éoliennes et émergent au-dessus de la canopée des arbres du parc des Giardini. Le disposif est encadré de deux pontons où les vaporettos qui parcourent le chenal font halte. Un chemin piéton de traverse lie les pontons et les jardins de solitude. Son ondulation contrarie la rigueur de la trame des poteaux et offre une alternative à la chaussée principale. Audrey Rivoalen
Pour lier l’ensemble, une trame de poteaux verticaux de couleur rouge qui reprend le thème des palines vénitiennes
Venise
I Giardini
Lumiduc
Cabine de téléprésence
Jardin du cadrage
Jardin vertical
Jardin ĂŠvolutif
Jardin de la cascade
Retour sur soi(e) Au commencement était un jeu de mots “retour sur soi” pour un dispositif en hommage aux routes de la soie. Istanbul est une mégapole d’environ quatorze millions d’âmes, une ville carrefour entre Europe et Asie, dotée d’une forte densité urbaine qui laisse peu de place aux “déserts”, ces lieux libres de toutes habitations où chacun peut se retirer du monde de l’affairement et trouver refuge. Deux îles vierges sur la Corne d’Or sont propices pour accueillir le dispositif. Un long ruban rectiligne, une chaussée doublée d’un aqueduc qui enjambe l’eau. Accessible par bateau ou grace à une passerelle, la première est dédiée à la renconre et à la technologie. Elle comprend le musée, un amphithéâtre et une
forêt d’arbres à électricité (photovoltaïque). la seconde est réservée à l’introspection, au contact avec la nature et contient les jardins de solitudes dédiés à quatre de nos sens : le goût, l’odorat, le toucher, l’ouïe. Des sentiers se glissent dans une épaisse végétation et s’achèvent par des pontons lacustres qui permettent un agréable contact avec l’eau. Un voile perpendiculaire à la chaussée et un bassin miroir marquent la fin de la promenade. Musée et jardins sont enveloppés d’un écran-résille qui forme un entre-deux, un espace de transition où se glisse une rampe en pente douce. Marie Konté
Istanbul
Lumiduc
Ile “culture”
Ile “nature”
Entre-deux
Cabines de téléprésence
Jardin de l’ouie
Jardin de l’odorat
Jardin ĂŠvolutif
Jardin du toucher
Empreintes
Située dans le golfe Persique l’île de Bahrein dispose d’un climat éprouvant. La quête de l’ombre, la lutte contre la chaleur sont des priorités absolues. Sombra y sol. Le dispositif, implanté sur un terrain de remblais gagné sur la mer, est fondé sur le remodelage topographique de cette portion artificielle de territoire. Creuser des empreintes dans la matière à la manière de Aires Mateus. Creuser pour générer de l’ombre. Modeler la matière pour filtrer, orienter, réfléchir la lumière du soleil. Pierre Huberlant
Manama
Lumiduc
Jardin de la cĂŠramique
Jardin sec
Jardin tropical
Cabine de téléprésence
Perles de soie
Situé sur une île du delta de la rivière des Perles à Canton, capitale prospère du Guangdong, le projet repose sur une forte dualité. D’un coté un modelage du terrain en forme de rizières, paysage familier de l’extrême Orient. De l’autre des architectures biomorphiques adossées aux technologies les plus avancées de la construction et de la communication. Le parc de Ersha Dao devient ainsi une métaphore de la Chine contemporaine. Gaby Lother
Canton
Jardin des deux Bouddha
Jardin sauvage
Cabines de téléprésence
Punta Bruja À l’entrée de la baie d’Acapulco, le site nommé la Pointe de la Sorcière mérite sont nom. Sauvage, abrupt, balayé par les vents et les embruns de la mer, il atteste de l’immensité de l’océan qui lui fait face. De là, du XVIe au XVIIIe siècle, il était possible de voir arriver le nao de China, le navire qui transportait la soie de Manille à Acapulco. Le projet, qui s’approprie le seul bâtiment existant, la Capilla del Atardecer, (la Chapelle du Crépuscule), est monumental à l’image des pyramides édifiées par les Aztecs. Un hymne à la matière. Un socle pesant hors d’échelle. Humanisé par la présence de l’eau coulant dans l’aqueduc. A son extrémité, un emmarchement colossal permet de retrouver le niveau du sol où des sentiers nous conduirons aux jardins de solitudes.
Le musée situé au point d’inflexion de la chaussée évoque le cocon du ver à soie et repose sur une mini pyramide dont la figure inverse serti le bassin. Les jardins de solitude accrochés comme les mâts des éoliennes sur la ligne de crête sont tournés vers l’océan et reprennent les traditions jardinières de Chine, de Perse, de France. Le quatrième est un jardin vertical dédié aux senteurs locales. Le lumiduc figure un soleil radieux et rayonnant qui brille dans la nuit. David Dalla-Mutta
Acapulco
Capilla del Atardecer
Jardin persan
Jardin chinois “Des monts et des eaux”
Jardin labyrinthe
Jardin des senteurs
#8 FLUXUS MUNDI Routes de la soie / 3
Travaux / Atelier Marc Vaye Printemps 2014 Invités du jury Simon Boudvin Malte Mager Sophie Rouay Lambert Céline Saraiva
Étudiants Cycle Licence Formation permanente David Dalla Mutta Pierre Huberlant Marie Konté Gaby Lother Audrey Rivoalen École Spéciale d’Architecture
Bibliographie conseillée Jean-Pierre Drège / La route de la soie / Bibliothèque des Arts 1986 Luce Boulnois / La route de la soie / Éditions Olizane 1986 Jean-Pierre Drège / Marco Polo et la route de la soie / Découvertes Gallimard Histoire 1989 Manuel Castells / La société en réseaux / Fayard 1998 Les cahiers de médiologie N°2 / Qu'est ce qu'une route / Gallimard 1997 Les cahiers de médiologie N°7 / La confusion des monuments / Gallimard 1999