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Après la SVOD, l’AVOD

HLe confinement a permis à la SVOD de poursuivre sa folle expansion, mais les difficultés économiques d’un nombre croissant de ménages, en particulier aux Etats-Unis, offre à l’AVOD, la vidéo à la demande gratuite avec de la publicité, l’opportunité de gagner en visibilité et en usage.

Sans attendre que le marché se mette d’accord sur le nom de cette nouvelle activité – AVOD (advertising supported video on demand), FAST (free ad-supported) ou CTV (connected TV) –, très vite après le confinement, le public l’a plébiscitée. Plusieurs observateurs américains le confirment, ainsi qu’une récente étude réalisée par Tubi, le site AVOD de Fox. Il en ressort que 25 % des Américains âgés de 18 à 34 ans ont résilié leur abonnement SVOD au profit d’un service d’AVOD. Dans le détail, l’enquête nous apprend que trois personnes interrogées sur dix sont confrontées à des difficultés financières qui les poussent à réviser leur investissement dans un service de SVOD. Pour économiser de l’argent, 25 % d’entre eux ont déclaré avoir commencé un essai gratuit et l’avoir annulé avant de payer le prix de l’abonnement; chaque personne qui emploie cette tactique le faisant trois fois. Parallèlement, 17 % ont partagé leurs mots de passe avec d’autres personnes afin d’accéder à des streamers auxquels ils ne sont pas abonnés, 38 % des répondants âgés de 18 à 24 ans et 31 % des 25-34 ans participant à des échanges de mots de passe.

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De son côté, le cabinet d’analyse Nielsen rappelle que la consommation de programmes en streaming a augmenté de 74% en une année, consommation accélérée par le confinement, la fermeture des salles de cinéma et l’appauvrissement des grilles des grands réseaux de TV américains. Les Américains passent 25 % de leur temps TV à regarder des programmes en streaming. Toutes les tranches d’âge ont vu leur consommation de streaming augmenter de manière significative. Nielsen souligne que les personnes âgées de plus de 55 ans représentent 26 % de la consommation de vidéos contre 19% il y a un an. D’une année sur l’autre, le temps consacré au streaming a explosé, passant de 81,7milliards de minutes au deuxième trimestre 2019 à 142,5 milliards de minutes cette année.

Avalanche de nouveaux services

C’est aux Etats-Unis, comme souvent, que le phénomène de l’AVOD est en train d’accélérer. Comme l’explique Jacinto Roca, le patron du streamer Rakuten TV: “Il y a une nette tendance des annonceurs à s’éloigner de la télévi

Pluto TV , qui a 33 millions d’utilisateurs, devrait s’implanter bientôt en France.

sion linéaire et à se tourner vers la vidéo à la demande. Aux Etats-Unis, l’AVOD est en croissance forte mais pas encore en Europe. Il est donc temps de se positionner.” Divers services existent aux EtatsUnis et cumulent des dizaines de millions d’utilisateurs, comme Tubi, Pluto TV, Hulu, The Roku Channel, Crackle ou IMDbTV.

Fox – Tubi. En quelques semaines, dès avant le déclenchement de la pandémie de Covid-19, deux acteurs majeurs des médias américains, Fox et Comcast, ont avancé leurs pions. Fox a déboursé 440 millions de dollars en cash pour acquérir Tubi, un des sites de streaming gratuits les plus en vue de l’année ayant plus de 20 millions d’utilisateurs mensuels aux Etats-Unis. Tubi propose plus de 15 000 titres issus des catalogues de studios tels que Paramount Pictures, Metro-GoldwynMayer, Lionsgate, Warner Bros et Universal Pictures. Côté publicitaire, Tubi utilise une plateforme d’enchères en temps réel pour les annonceurs afin de diffuser des publicités vidéo sur différentes plateformes.

Comcast – Xumo. De son côté, Comcast a racheté Xumo, un site assez peu connu mais qui revendique tout de même 5 millions d’utilisateurs. Xumo s’est principalement déployé à travers des partenariats avec les fabricants de smart TV comme Panasonic, LG et Vizio.

Roku – The Roku Channel; Raku

ten TV; YouTube; Facebook… Quant aux autres acteurs importants, Roku, connu pour ses décodeurs multiservices, a vu le nombre d’heures de streaming doubler en 2019 et touche désormais 36 millions de foyers. Rakuten se veut présent dans plus de 40 pays, France comprise, où l’offre gratuite avec publicité est déjà disponible. Si YouTube est un acteur de ce segment depuis toujours, Facebook lui a emboîté le pas plus récemment. Les recettes publicitaires mondiales de YouTube ont dépassé 4 milliards de dollars au premier trimestre 2020, soit une hausse de 33 % par rapport à l’année dernière, ce qui illustre de façon éloquente sa domination continue dans ce domaine.

ViacomCBS – Pluto TV. Le meilleur exemple de cette nouvelle dynamique, c’est Pluto TV. Racheté en 2019 par le conglomérat ViacomCBS pour 340 millions de dollars, le streamer est entré dans une phase de développement très ambitieuse: avec 33 millions d’utilisateurs mensuels (dont 26,5 millions aux Etats-Unis), ViacomCBS vient de restructurer sa division streaming en nommant Olivier Jollet, le patron de Pluto TV Europe, à la tête de cette division qui met le cap à l’international et qui devrait s’implanter dans de nouveaux pays européens, dont la France très prochainement.

Le modèle publicitaire de la TV appliqué au streaming

La contrepartie de la gratuité, c’est d’accepter de voir sa séance interrompue par des séquences publicitaires, généralement d’une durée de 90 secondes, au cours desquelles sont diffusés des spots de 15 à 30 secondes.

Amazon Advertising adapte, pour son service IMDb TV, la présence publicitaire en fonction de la durée des programmes. Pour un film de deux heures, on peut avoir jusqu’à sept coupures publicitaires, qui sont “non skippables”: pas moyen d’y échappper. Pour les épisodes de séries, la pression s’allège: une à deux coupures par épisode. Amazon ne se prive pas de vanter son modèle publicitaire: face aux indicateurs démographiques de Nielsen, il oppose une approche comportementale basée sur les données récoltées sur sa plateforme, dont il prône l’efficacité pour les annonceurs.

L’AVOD vient donc chasser sur les terres des chaînes de télévision privées. Avec un potentiel de 53 milliards de dollars à l’horizon 2025, selon le cabinet Digital TV Research, l’AVOD va aiguiser l’appétit des géants de l’internet mais aussi des chaînes de télévision, soucieuses de d’accélérer la croissance de leurs recettes publicitaire sur internet. La question se pose sur la capacité des annonceurs à confier des campagnes publicitaires à toutes ces nouvelles plateformes.

NBCUniversal – Peacock. Du côté de NBCUniversal et son streamer Peacock, le marché publicitaire américain semble réceptif. Le site Digiday considère, en passant en revue les atouts et les insuffisances de Peacock, que la puissance du conglomérat de médias, filiale de Comcast, lui permet de sécuriser la vente d’espace pour Peacock sur le marché de la pub TV traditionnelle. Avec le repli des audiences de cette dernière, les annonceurs ont besoin d’aller chercher les consommateurs sur les plateformes de streaming, et Peacock leur apparaît comme une opportunité de toucher les consomma

Roku TV a vu le nombre d’heures de streaming doubler en 2019.

teurs avec des messages personnalisés. Pour l’instant, Peacock s’est concentré sur ses plus gros annonceurs, en leur proposant des forfaits allant de 15 à 25 millions de dollars d’engagements sur une période de 18 mois.

Warner – HBO Max. Tout ceci est trop récent ; l’efficacité publicitaire des nouvelles plateformes et le retour sur investissement des annonceurs restent pour l’instant du domaine des hypothèses. Mais ces inconnues n’em- pêchent pas WarnerMedia d’être tentée par l’AVOD pour sa plateforme HBO Max. En effet, dans une étude de mar- ché envoyée récemment aux consom- mateurs, WarnerMedia explique que son service de streaming HBO Max avec de la publicité pourrait se conten- ter de diffuser seulement deux à quatre minutes de publicité par heure de vi- sionnage – un chiffre inférieur, donc, aux cinq minutes par heure diffusées sur NBCUniversal Peacock et aux neuf minutes par heure souvent utilisées sur Hulu. Toutefois, les publicités ne devraient pas figurer dans les pro- grammes originaux de HBO, ni dans les films les plus récents diffusés sur HBO ; celles-ci pourraient être diffusées au côté de contenus provenant des autres réseaux de télévision de WarnerMedia.

Pour secouer la “SVOD fatigue”des Américains

Pour Ampere Analysis, la montée en puissance de l’AVOD sera soutenue par la stratégie des services de SVOD qui abandonnent progressivement les catalogues les plus anciens pour inves- tir dans leurs propres productions ex- clusives. Et Ampere Analysis de citer, bien sûr, le cas de Netflix, où le cata- logue de plus de cinq ans est passé de la 50 % en septembre 2015 à 35 % en septembre2019 aux Etats-Unis.

Toujours selon Ampere Analysis, 80 % des catalogues des ser vices d’AVOD ont en moyenne cinq ans d’âge ; dans certains cas, comme Crackle, 70 % des contenus ont plus de dix ans. Ce qui fait dire à Comcast que le marché de l’AVOD se décom- pose en deux catégories, non pre- mium et premium.

L’AVOD pourrait profiter de ce que les Américains nomment “SVOD fa- tigue”, c’est-à-dire le fait que les foyers ne savent plus à quoi s’abonner en rai- son du nombre exponentiel de sites de streaming payants, existants et annon- cés. Une tendance qui se confirme dans le dernier rapport bisannuel de la socié- té américaine TIVo (“Q1 Video Trends report 2020”) : le niveau de satisfaction des abonnés à la SVOD a baissé en 2019 (33,1 %) alors que celui de l’AVOD a augmenté (37,5 %). Des consomma- teurs prêts à payer, mais prêts aussi à visionner des programmes avec de la publicité, histoire d’alléger la facture.

En France, l’AVOD commence par le replay

La vidéo à la demande gratuite en France s’est développée à travers les sites de replay des chaînes de télévi- sion. Avec un grand absent: le cinéma. A de rares exceptions près (myCanal, avec la spécificité du service qui est payant, et Arte), aucun site de replay de chaînes en clair ne propose du ciné- ma. En effet, la majorité du replay se fait à J+7 de la diffusion linéaire. Or, la chronologie des médias a positionné la VOD gratuite du cinéma à 42 mois après la sortie en salles, trop loin pour en faire un produit d’appel pour les consommateurs et les annonceurs. Une situation qui pourrait ne pas durer, selonLes Echos qui, en novembre dernier, mentionnaient les avancées de France Télévisions sur le sujet, en passe de signer un accord avec les organisa- tions professionnelles du cinéma. Si on exclut le replay des chaînes, l’offre actuelle d’AVOD française est famé- lique, voire inexistante, en dehors de YouTube et Rakuten, qui vient de lancer son offre. Une chose est sûre, si 2019 a consacré la SVOD comme la “killer app” de la vidéo à domicile, 2020 déroule le tapis rouge à l’AVOD. Reste à savoir si la vague américaine atteindra la France car jusqu’ici, les principaux détenteurs de catalogues de programmes français n’ont pas été convaincus par ce mo- dèle, préférant vendre leurs films aux chaînes traditionnelles.

Pascal Lechevallier

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