12 minute read

Nadasdy Film sur tous les fronts

HLa société suisse, qui connaît un beau rayonnement, sera fortement présente au Festival et au Mifa, tandis qu’elle lance la production de “Sauvages !”.

Fondée en 2001 à Genève par Zoltán Horváth et Nicolas Burlet, la société de production Nadasdy Film est le fleuron de l’animation suisse. Créée pour produire les courts métrages de Zoltán Horváth, elle s’est développée et, tout en continuant d’accompagner le travail de ce dernier, collabore avec d’autres auteurs. “Nous nous illustrons dans tous les formats et avons une ligne éditoriale ouverte”, indique Nicolas Burlet. Lors de ce Festival d’Annecy, on (re)découvrira le travail qu’elle mène depuis plus de vingt ans, que ce soit au sein de l’hommage à l’animation suisse, dans la sélection du Festival ou au Mifa. Dans le cadre de l’hommage, le Festival proposera une carte blanche à Marcel Barelli, où l’on verra ses sept courts métrages et un épisode de sa série Ralph et les dinosaures, tous produits par Nadasdy ; et une carte blanche à Isabelle Favez, au sein de laquelle on retrouvera également les courts de la réalisatrice, dont plusieurs ont été conduits par Nadasdy. De plus, d’autres œuvres de la société seront montrées dans d’autres cycles.

Advertisement

En parallèle, le long métrage Jungle rouge, de Juan José Lozano et Zoltán Horváth, produit par Intermezzo Films (Suisse) et Dolce Vita Films (France), et dont elle est l’un des coproducteurs, sera projeté. Son synopsis est le suivant: “Mars 2008. Dans la jungle colombienne, la plus vieille guérilla communiste au monde vit ses derniers instants. Raul Reyes, numéro 2 des Farc, est tué dans un bombardement par l’armée colombienne et la CIA. Il laisse derrière lui un document inouï : dix ans de correspondance où se croisent tous les acteurs du conflit, témoignage d’une lutte acharnée pour la révolution.” En France, le film sera distribué en salles le 22 juin par New Story.

Œuvres VR

Au sein de la compétition, Nadasdy Film défendra un spécial, Giuseppe, d’Isabelle Favez (26’), coproduit par Les Films du Nord (France) ; un court métrage, Miracasas, de Raphaëlle Stolz (13’50), coproduit par les français Komadoli Studio et Folimage ; et un long métrage, Interdit aux chiens et aux Italiens, d’Alain Ughetto, dont elle est l’un des coproducteurs. Dans les projections en plein air, on verra le film Yuku et la fleur de l'Himalaya, de Rémi Durin et Arnaud Demuynck, qu'elle a coproduit. Au Mifa, elle pitchera deux œuvres VR : Sunset Motel, de Gilles Jobin, coproduit par Cie Gilles Jobin (Suisse) et Floréal Films (France), en développement, et, dans le cadre de SwissXRLand, Sous l’écorce, de Fabienne Giezendanner et Franck Van Leeuven, coproduit par Zéro de Conduite Productions (France), en préproduction.

Si l’actualité de Nadasdy est donc dominée par cette présence massive à Annecy, elle est aussi marquée par plusieurs autres événements, dont le lancement de la production de Sauvages !, le 2ème long métrage de Claude Barras,

“Giuseppe”, d’Isabelle Favez, a été retenu en compétition.

à qui l’on doit Ma Vie de Courgette. Le film est coproduit par Haut et Court (France), Panique ! et Beast Animation (Belgique). Il a pour héroïne Kéria, 11 ans, qui vit à Bornéo avec son père, en bordure de la forêt tropicale. Après plusieurs péripéties, elle va s’y aventurer et apprendre la vérité sur ses origines… “Sauvages ! est un vrai film d’aventures pour toute la famille. Il aborde le thème de la déforestation, sans jamais adopter un ton moralisateur”, précise Nicolas Burlet. Comme Ma Vie de Courgette, il sera mis en scène en stop motion. Son budget s’élève à 12,5 M€. Soutenu par de nombreux partenaires, sa livraison est prévue pour 2024. L. F.

Panorama de l’animation suisse

HCette année, le Festival et le Mifa mettent à l’honneur l’animation suisse. L’occasion de faire un état des lieux du secteur dans ce pays.

Pour cette édition 2022, Citia met à l’honneur la Suisse au Festival et au Mifa. Un programme dense est prévu. Ce coup de projecteur est l’occasion de faire un focus sur le secteur de l’animation dans ce territoire, qui revêt des caractéristiques propres. Elie Chapuis, auteur-réalisateur et co-président du Groupement suisse du film d’animation (GSFA), commente : “Tout d’abord, il faut savoir que, en Suisse, la plupart des auteursréalisateurs sont aussi techniciens et producteurs. L’écosystème est majoritairement porté par le court métrage. Il est le cœur de l’économie ; d’ailleurs, ce format est privilégié par ceux qui financent la création animée. En long métrage, il y a eu un premier essai réussi avec Max & Co [de Samuel et Frédéric Guillaume, 2007, Ndlr], mais depuis, il n’y en a pas eu beaucoup d’autres produits. Du côté des séries et spéciaux, il n’y en a quasiment pas. Les diffuseurs suisses n’accompagnent pas ces programmes, souvent par faute de moyens. Mais la mise à jour de la loi sur le cinéma, actée et qui entrera en vigueur en 2024, obligera notamment les plateformes [Netflix, Amazon…] à investir dans notre création, ce qui pourrait permettre l’émergence de ces productions. Ces formats sont essentiels pour le développement de notre animation.” Pour preuve de l’importance du court métrage, notons que, depuis 2015, en moyenne, 47 ont été fabriqués par an, et, en 2021, on en dénombrait 64.

Diversité des techniques

Ivo Kummer, chef de la section cinéma de l’Office fédéral de la culture, complète sur les caractéristiques : “Dans la communauté des talents, on compte autant de jeunes que de maîtres ayant une riche carrière. Nombre de nos artistes sont reconnus à l’international, à l’image de Georges Schwizgebel [Cristal d’honneur en 2017]. En outre, dans ce qui est proposé par les cinéastes, on voit une grande diversité dans les techniques et la narration.” Deux œuvres, qui ont rencontré le succès dans le monde, illustrent cette diversité : Ma Vie de Courgette et Chris The Swiss. Film pour la jeunesse et la famille en stop motion, Ma Vie de Courgette, de Claude Barras, a démarré sa carrière à la Quinzaine

“Ma Vie de Courgette” a rencontré un superbe succès à l’international.

des réalisateurs en 2016. Il a ensuite été multi-primé, remportant, entre autres, le Cristal du long métrage et le Prix du public au Festival d’Annecy, deux César et décrochant, notamment, une nomination aux Oscars. En France, il avait enregistré plus de 830 000 entrées. Film suisse porté avec la France, Ma Vie de Courgette a été produit, en Suisse, par Rita Productions, KNM et coproduit par la Radio Télévision Suisse, la SSR SRG, et Helium Films. Chris The Swiss, d’Anja Kofmel, est un documentaire animé pour les adultes, mêlant 2D et prises de vues réelles. Sélectionné à la Semaine de la Critique en 2018 et hors-compétition au Festival d’Annecy la même année, il a été produit par le suisse Dschoint Ventschr Filmproduktion AG, avec la Croatie, l’Allemagne, et la Finlande, et coproduit par les suisses SRF, SRG SSR et Teleclub.

Ainsi, si l’animation suisse se démarque par son exigence artistique, elle peut se donner les moyens de connaître une véritable croissance. Le programme Animaprod, mis en place par Focal, fondation de formation continue pour le cinéma et l’audiovisuel, va dans ce sens: elle dispense tout ce qu’il faut savoir sur l’animation aux producteurs de fictions, de documentaires ou aux nouveaux entrants.

Animation, expériences XR : Taïwan fait émerger une nouvelle génération de créateurs

HPrésente au festival d’Annecy, la Taïwan Creative Content Agency comprend dans son line-up une quarantaine de films, dont quatre sont des projets XR. Une vitrine représentative de la créativité technique dont fait preuve la nouvelle génération d’auteurs taïwanais, dont la TAICCA assure la promotion à l’international depuis 2019.

Avec le Taïwan x France XR Day, la Taïwan XR Residency et le XR Express TW, les autorités culturelles taïwanaises affichent clairement leur envie de porter leur expertise culturelle à l’international dans le domaine de la réalité étendue (XR). En compétition à Annecy cette année, il faudra par exemple compter sur Samsara, de HsinChien Huang. Après avoir concouru aux festivals de Kaohsiung et de Venise, cet ancien directeur artistique chez Sega et Sony présentera ce court-métrage d’une vingtaine de minutes, entièrement en réalité virtuelle, qui se déroule dans un monde post-apocalyptique. Au fil de l’œuvre, le spectateur incarne différents personnages et plonge au cœur d’une expérience très introspective. Produit et distribué par la Virtual and Physical Media Integration Association of Taiwan, le film est actuellement en recherche d’un distributeur international.

Un autre réalisateur présent sur le line-up de la TAICCA, Fish Wang, avait été sélectionné au dernier Festival de Cannes. Il y présentait son dernier projet XR, Red Tail Ep. 1, dans le cadre des Cannes XR VeeR Future Awards. Sa précédente réalisation, Goldfish, a été récompensée par un Golden Horse Award du meilleur court-métrage d’animation en 2019. Il a également été primé aux Festivals Internationaux du Film d’Animation de Kuandu et de Taichung. Cette année, il présente à Annecy la série de science-fiction Secret Weapon. Produite par Chimney Animation, cette série comporte six épisodes de 23 minutes. Red Tail Ep. 1 est également prévu sur le line-up, ainsi que Grandma and her Ghosts II – Baby Power, dont Fish Wang est cette fois-ci producteur.

Encore en financement, ce film d’animation est mené par Wang Shau-di, et produit par Farmers’ Joy International. La réalisatrice revient avec la suite d’un film qui l’avait propulsée sur le devant de la scène de l’animation taïwanaise. Sorti en 1998, Grandma and her Ghosts évoquait la religion populaire chinoise et surtout son lien avec les fantômes. Une thématique qu’elle avait reprise dans Fantôme, où es-tu ? sorti en 2010.

Extravagantly Ordinary Night

Entre-temps, Grandma and her Ghosts a obtenu une jolie réputation, auréolée d’une nomination au Golden Horse Film Festival. Après plusieurs œuvres pour la télévision, le cinéma et dans l’animation, le retour de Wang Shau-di avec cette suite, toujours produite par Fish Wang, est très attendu à Taïwan.

Outre ces talents établis, de plus jeunes créateurs se distinguent dans l’animation taïwanaise. L’un des exemples les plus brillants est celui de Joe Hsieh, réalisateur de Night Bus. Ce court-métrage sorti en 2019 a reçu sept prix en festival, parmi lesquels le Golden Horse Award du meilleur court-métrage d’animation en 2020, le Short Film Jury Award au Festival du Film de Sundance en 2022 et le Prix du Festival du Film de Taipei en 2021. Dans sa lignée, des autrices taïwanaises espèrent marquer le Festival d’Annecy cette année : Liu Ying-ying présentera ainsi Under The Medal. Ce nouveau court-métrage de six minutes est déjà lauréat du Red Dot Design Award, et a été primé deux fois au ESNE Feelmotion X International Short Film Festival et trois fois au festival Long Story Shorts. Également prévue au line-up de TAICCA, Jao Yu-an présentera son nouveau court-métrage auto-produit. Cette jeune artiste réalisatrice de 25 ans, diplômée de l’Université Nationale des Arts de Taipei en 2020, a pour sujet de prédilection les souvenirs, la perte et les émotions. Extravagantly Ordinary Night, son court-métrage de six minutes, a concouru au Festival du Film de Taipei, au Animafest de Zagreb, et même au Festival International d’Animation de Paris, où il a reçu le Prix du Cœur.

Comment TAICCA est devenu en trois ans un acteur incontournable du cinéma taïwanais

Sous l’impulsion du gouvernement taïwanais, la Taïwan Creative Content Agency a été fondée en juin 2019 pour promouvoir la culture taïwanaise. L’idée n’est pas seulement d’apporter du soutien financier et promotionnel aux créations locales, mais aussi de les mettre en relation avec les producteurs et distributeurs internationaux. L’agence cherche globalement à mettre en avant l’image de marque du pays, au travers d’œuvres qui rendent identifiables à l’international les paysages et les coutumes locales. L’un des centres d’attention de la TAICCA est l’ensemble des technologies baptisé “future content”, qui inclut l’usage de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies numériques.

Cinq projets taïwanais ont ainsi été en compétition en 2021 à la Mostra de Venise, dans la catégorie Venise VR expanded, dont la coproduction franco-taïwanaise La Plage de Sable Étoilé, réalisée par la Française Nina Barbier. Depuis sa fondation, la TAICCA a pu être présente à de nombreux autres événements du secteur, de son “IP Showcase” à la Berlinale de 2020 à son stand au dernier Festival de Cannes. L’agence taïwanaise a même signé un partenariat avec Séries Mania en mars 2022, qui acte l’organisation d’ateliers de production où des porteurs de projets taïwanais pourront présenter leurs travaux en cours. Cette coopération offrira aussi aux principaux acteurs européens la possibilité d’assister au Taïwan Creative Content Festival (TCCF), le festival organisé par la TAICCA au mois de novembre.

Grandma and her Ghosts II – Baby Power

Les différentes incitations du gouvernement taïwanais pour les productions internationales

Dans le cadre du Festival d’Annecy, la TAICCA a lancé sa plateforme en ligne. Cette “Taïwan Booth” permet d’accéder au line-up complet des films présentés au festival, avec pour chaque œuvre les informations détaillées sur sa production et sa distribution, ainsi que les contacts nécessaires pour en

Under the Medal

Samsara

joindre les auteurs. Le site répertorie également les exposants qui sont présents sur place, ainsi que la liste des festivals de films organisés à Taïwan. Les productions du monde entier pourront également y retrouver des informations détaillées sur les conditions et avantages à venir tourner à Taïwan, ainsi que la liste des institutions qui peuvent venir en soutien aux productions.

Une place de choix est également laissée aux deux principales aides financières du gouvernement taïwanais pour les productions audiovisuelles : le Creative Content Development Program (CCDP) et le Taiwan’s International Co-funding Program (TICP).

Le CCDP se concentre sur les scripts en développement et les premiers frais liés à la production du projet. Le fonds de soutien peut monter jusqu’à un maximum de 3% du budget total, dans la limite de deux millions de dollars taïwanais. Une des conditions est également de mettre en avant des éléments de la culture ou des paysages de Taïwan. Les projets soutenus par ce fonds doivent systématiquement avoir reçu le soutien, possiblement financier, des partenaires de TAICCA.

Le TICP offre un soutien de 30% des coûts de production ou de communication des projets de co-productions internationales. Ce deuxième programme favorise lui aussi les projets qui promeuvent Taïwan dans ses décors et/ou ses thématiques. Pour en bénéficier, les porteurs de projets doivent aussi avoir signé des contrats de coproduction ou de cofinancement internationaux, ainsi que des contrats de distribution internationaux.

This article is from: