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CENTRE POMPIDOU METZ

10 ans déjà PAR CLÉMENT SAUVOY

N’ayant pas de collections propres mais présentant les trésors de son grand frère parisien le Centre Pompidou à Beaubourg, l’établissement lorrain de 5000m2 attire chaque année dans ses trois salles d’expositions des publics toujours plus nombreux. Près de 350.000 visiteurs sont attirés chaque année par des programmations exceptionnelles.

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Au-delà de sa position privilégiée – à proximité de l’Allemagne, du Luxembourg et de la Belgique - le Centre Pompidou de Metz est avant tout un projet hors-norme qui a vu le jour grâce à la volonté de deux personnalités visionnaires : Jean-Jacques Aillagon (ministre de la culture de 2002 à 2004) et Jean-Marie Rausch (le maire de Metz de l’époque) animés par une passion sans bornes pour l’art. Face au succès du musée Guggenheim de Bilbao, le tandem est conforté dans l’idée de créer un lieu qui serait lui-même une œuvre d’art.

Chiara Parisi

L’oeuvre architecturale saisissante, en forme de chapeau chinois - signée par le duo Shigeru Ban et Jean de Gastines - a accueilli depuis ses débuts des expositions magistrales qui ont toutes fait date : Daniel Buren en mai 2011, Picasso en novembre 2012, Andy Warhol en août 2015, Fernand Léger en juillet 2017... Dans cet édifice emblématique de la ville de Metz, dominé par sa flèche de 77 mètres de hauteur, les projets s’enchainent avec un constant succès et ne se ressemblent pas. qui a succédé à Emma Lavigne - préside à son heureuse destinée en nous promettant pour les mois qui viennent des rendez-vous rares et immanquables. A noter d’ores et déjà les expositions consacrées notamment à Yves Klein et à Chagall. Sans oublier les installations de Giuseppe Penone et de Susanna Fritscher !

www.centrepompidou-metz.fr

Expos

retour sur les expositions marquantes de 2020

Edouard Wolton Royaume de la vision

Établissant des dialogues entre poétique et rationalité, perception et imagination, ses œuvres effacent les frontières entre espaces et territoires. Elles témoignent de plusieurs réalités spatio-temporelles piochant dans l’univers des sciences et l’histoire des techniques : « Mes tableaux, par glacis successifs, sont dans la majorité, entièrement construits et inventés. Je ne travaille quasiment jamais d’après la photographie » déclare-t-il. Fonctionnant dans une logique de perméabilité, ses recherches livrent des dualités faisant se côtoyer la forme et le présage dans une approche où le réel est sujet au doute.

Le spectateur appréciera - au cœur du Marais - ces toiles, ces sculptures, ces œuvres imprimées et ces installations constituant un territoire fictionnel propre et des expériences visuelles aussi puissantes que troublantes tournées vers un ailleurs. Explorant les notions de phénomènes et d’atmosphères transitoires, l’artiste - qui a travaillé sa technique un temps lors d’une résidence à Leipzig - développe l’idée de sensations irréelles dans des paysages allégoriques imbibés de lumières rasantes en proie au mystère. Nous plongeant au cœur d’une odyssée du regard et de la pensée, glissant vers le rêve éveillé, Edouard Wolton développe une liberté plastique célébrant un absolu indépassable !

OSCAR MURILLO : Acte de résistance

« La contestation du monde occidental et son effacement sont deux concepts qui habitent mon travail depuis plusieurs années... » indique t-il. Interrogeant les liens interculturels dans une économie globalisée, ses œuvres développent une intensité visuelle et formelle jouant sur les notions de signification et de création de sens.

A travers la transformation et l’oblitération du langage, elles suggèrent via son lot de fragments et de matériaux recyclés une résistance aux systèmes d’autorité. En effet, la pratique artistique du colombien Oscar Murillo – lauréat du Turner Prize 2019 - puise au creuset que constituent les expériences personnelles dans des ruptures esthétiques captant une expérience transformatrice. Le regardeur appréciera ici, jusqu’à la fin décembre, au cœur de cette exposition parisienne magistrale, ces nouvelles peintures saisissantes maintenant le présupposé de l’universalité de l’expérience humaine et démontrant les possibilités d’émergence de nouveaux récits.

On aime tout particulièrement la troublante série Manifestation donnant à voir des répétitions de lettres et de mots dans un processus physique de marquage d’une énergie explosive. Et revendiquant, dans une problématique de l’exil les champs de la mixité culturelle et de la communauté !

Les derniers travaux d’Oscar Murillo ont été réalisée en Colombie durant la période du confinement.

www.davidzwirner.com

108, rue Vieille du Temple, Paris

Ridley Howard Gestuelle romantique

Goodbye, Pink Ring. 2018

« J’aime penser à la scène d’amour en tant que genre. Même dans un film qui n’est pas une romance, vous devez avoir une scène d’amour. Alors, je pense à la peinture qui est la scène d’amour. Elles existent dans un corps plus large que l’œuvre et sont présentées comme une sorte d’ordinaire. Il y a un équilibre chaud / froid qui est important…” a-t-il confié récemment.

Articulées dans leur propre décor par des objets finement décrits, ses oeuvres explorent la nostalgie et le désir émotionnel dans des espaces délicatement construits presque flottants. En effet, la démarche artistique de Ridley Howard confronte la grandeur de l’espoir et la maladresse de la réalité dans une sensualité poignante révélant l’éphémère de l’existence.

Vues - au sein de cette première exposition personnelle de l’artiste en France - ces sublimes toiles où s’expérimentent les forces élémentaires de la peinture dans un calme persistant et des relations d’apparents détachements. On a aimé tout particulièrement cette gestuelle portée par une simplicité trompeuse et qui s’empare des sentiments d’aliénation et de monumentalité dans des instants capturés. A voir jusqu’au 9 janvier 2021 !

BOJAN SARCEVIC L’Extime

Homo Sentimentalis 2020 Photos Claire Dorn

C‘est sous ce titre percutant signifiant que même nos sentiments les plus intimes peuvent nous devenir étranges et étrangers, que cet artiste de 46 ans au sommet de sa forme - vivant et travaillant à Bâle – présente ses dernières sculptures fascinantes en marbre comme venues d’un autre monde. Les ensembles de Bojan Sarcevic s’emparent de la fascination technoïde de notre société actuelle pour imaginer les reliques troublantes d’un futur où les corps et les machines communient dans une intimité si étrange qu’elle en devient une « extimité ». Jusqu’au 27 février prochain, la célèbre galerie du Marais (disposant d’un second espace à Dallas) offre au regard ces entités évidées nous invitant en effet à découvrir des formes en train de devenir autre chose qu’elles-mêmes : des blocs minéralogiques ingérant des machines de réfrigération artificielle, et des figures de morphing prises dans un processus de pétrification, comme fossilisées sous une nouvelle forme d’espèce humanoïde hybride.

www.frankelbaz.com

Group Show

L’homme gris

Artiste Jerome Zonder

Jusqu’au 31 janvier prochain, l’institution phare et forum de l’art contemporain fait preuve d’une audace qui devrait ravir un très large public en s’attaquant aux représentations non-archétypales du Diable dans l’art contemporain. En effet, c’est autour du concept et de théorie de « l’homme gris » qu’est née cette exposition éponyme évoquant et invoquant les dissimulations réflexives ou le recours à l’anonymat comme armes stratégiques.

Un projet conduit sous le commissariat de Benjamin Bianciotto qui questionne avec brio cette fascinante faculté d’adaptation qui a permis au « démon » de traverser l’histoire de l’art - et des hommes - sans jamais faiblir. Alors que la manière dont il s’éclipse, se transforme, s’infiltre lui permet de revendiquer une position d’autant plus dangereuse, puissante, ou libératrice, il offre aux artistes deux voies possibles à explorer.

Leur choix oscille ainsi entre la coquille vide, le costume à endosser, l’image pure, et une insaisissable et constante métamorphose. Au programme un group show de haut vol : Jérôme Zonder, David Tibet, Andres Serrano, Alex Bag, Christine Borland, John Urho Kemp, Marnie Weber, Elodie Lesourd... !

Artiste Julie Langendorff

1. Représenté par la galerie Bruxelloise AEROPLASTICS Contemporary, le travail virtuose de Cédric Tanguy aborde ici les notions de la transfiguration à travers un monde baroque saisissant. Photo Aeroplastic

2. Face à l’oeuvre vibrante « Nice things are done Slowly » le visiteur plonge dans l’univers singulier et parodique de Cédric Tanguy. Photo courtesy artiste et Aeroplastic

3. Sous le nom de « La Forêt qui coure », l’impressionnante sculpture de Basserode questionne avec brio à la fois l’éphémère, le nomadisme et les forces de la nature. Photo Chateau du Rivau 4. Irving Penn, Italian Still Life

www.casino-luxembourg.lu

Chateau du Rivau

Le goût de l’art

Conçue avec flegme et audace par Patricia Laigneau, mécène et directrice artistique du célèbre château - connu pour son soutien à l’art contemporain - cette grande exposition collective était assurément un temps fort de cet été 2020.

Réalisée en sept chapitres, elle illustre l’intérêt des artistes contemporains pour le goût et le comestible. Breuvage de plaisir, fruits défendus, mets délicats ou malbouffe, la trentaine d’artistes invités (dont Corine Borgnet, Damien Deroubaix, Rachel Labastie, Fabien Verschaere, Pierre Ardouvin, Lilian Bourgeat ou Antoine Roegiers...) font ici la dénonciation du glissement de la représentation des scènes de table ou des plaisirs gustatifs du bon vers le mauvais goût.

On prend donc la direction de Lémeré en Touraine - où se trouve le domaine du Rivau et sa superbe forteresse seigneuriale - pour se pencher sur les thématiques suivantes : le symbole de la pomme, la nature morte et la jouissance alimentaire, les trophées de chasse détournés, les ustensiles de la cuisine érigés en icônes, le Eat-Art mais également les festins d’aujourd’hui ou la dimension sociale de la relation de l’homme à l’aliment. Un rendez-vous immanquable qui nous rappelle que ce lieu singulier - à moins de deux heures de Paris - célèbre cette année les vingt ans de son ouverture au public.

Olivier Masmonteil

Lignes d’horizons

Fondation Venet 2020 Photo Courtesy Venet Foundation

Venet Foundation - Lawrence Weiner, Diverted with (Détourné par), 1979 - Dimensions variables © Crédit photo Jérôme Cavalière, Marseille, Archives Bernar Venet, New York

Le Pôle Art Moderne et Contemporain de Cannes présente cet été - et jusqu’au 6 décembre prochain - les incursions captivantes du peintre dans le paysage réel ou fantasmé. Au sein de la résidence d’artistes « Le Suquet des Artistes » sont exposées les œuvres de l’inimitable Olivier Masmonteil connu pour sa manière unique d’interpréter le style français dont il revisite les genres picturaux du portrait aux paysages, des natures mortes aux vanités « J’appartiens à une génération à qui on a dit que la peinture était un outil du passé. Comme beaucoup d’artistes de ma génération, plutôt que de me décourager, ça m’a encouragé et à peindre et, en même temps, à me plonger dans l’histoire de l’art » explique-t-il. Mêlant sous-bois crépitants, cours d’eau scintillants et ciels vaporeux, ses huiles sur toile sont des expériences esthétiques dévoilant des espace-temps qui happent le spectateur dans des voyages baignés de métamorphoses. Et qui sont parcourues d’émotions propices à faire du paysage un concept nourris de superpositions et de couches successives dans un renouvellement constant du geste.

LAWRENCE WEINER

Énoncés conceptuels

Ravivant les pratiques qui ont présidé à l’éclosion de l’art conceptuel dans les années 60, le confinement a fait resurgir une pratique artistique qui passionne. Ainsi durant tout l’été, la fondation Venet au Muy dans le Var a présenté une installation monumentale de l’artiste américain Lawrence Weiner s’adaptant – pour répondre au contexte sanitaire exceptionnel - à un parcours concentré uniquement sur les espaces extérieurs.

L’occasion de se replonger dans les statements et la quête de dématérialisation de cet acteur majeur et historique de l’art conceptuel. Tout autour, on y a découvert les œuvres du parc de sculptures signées Richard Long, Robert Morris, Larry Bell, Richard Deacon, Arman, Sir Anthony Caro, Philip King, Tony Cragg, Robert Morris ou encore Sol LeWitt qui déclarait ceci : « Les artistes conceptuels sont des mystiques plutôt que des rationalistes. Ils tirent des conclusions que la logique ne peut atteindre. Si des mots sont utilisés et procèdent d’idées sur l’art, alors ils sont de l’art et non de la littérature ; les chiffres ne sont pas des mathématiques ». Enfin, les sept hectares dédiés à la découverte de l’art conceptuel et aux installations de Bernar Venet permettaient aussi aux visiteurs de prendre part à un environnement naturel d’une beauté inouïe.

www.ventefoundation.org

Rachel Rose

Questionner l’humain

Ses œuvres nous immergent dans des états d’être intermédiaires entre fiction et réalité. Invitant à un voyage labyrinthique qui remonte d’abord le temps - depuis la naissance vers l’enfance – puis le prolonge vers l’au-delà, elles explorent notre rapport à l’environnement naturel.

En effet, la pratique artistique de Rachel Rose s’interroge sur les moyens que nous mettons en place pour modifier, améliorer voire échapper notre condition. Au sein de cette remarquable exposition ont été dévoilées dernièrement cinq installations vidéo et un ensemble de sculptures explorant la métamorphose des corps et des états en cours de vie. Pour chacun de ses films, l’artiste a effectué des recherches approfondies en amont de leur production.

Elle nous parle d’un laboratoire de cryogénie en Arizona et de différents zoos aux EtatsUnis où la réalité rejoint la science-fiction. Mais aussi d’expériences extracorporelles consistant à projeter hors de soi la vision de son propre corps. Ayant bénéficié déjà d’expositions importantes dans des institutions prestigieuses, la vidéaste américaine trentenaire dévoile un regard aussi curieux qu’attachant sur le monde !

www.lafayetteanticipations.com

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